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mis en distribution

le 18 septembre 2008


N° 840

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 avril 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à favoriser la liberté de la presse et l’information
sur le
vin et les boissons alcoolisées,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Thierry MARIANI,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En février 2006, le négociant champenois Moët & Chandon a diffusé un visuel « La nuit est rose » par voie d’affichage et de presse. Parallèlement à cette campagne promotionnelle utilisant le même visuel, en proposant une remise de 20 euros sur l’addition en cas d’achat de cette bouteille, Moët et Chadon a été condamné à 30 000 euros de dommages et intérêts pour publicité « suggestive ». Le 20 décembre 2007, le Parisien était condamné par le tribunal de grande instance de Paris pour ne pas avoir inclus de message sanitaire dans son article intitulé « Le triomphe du Champagne », requalifié alors de publicité. Pourtant il a été reconnu que ces articles rédactionnels n’avaient donné lieu à aucune contrepartie financière ou achat d’espace publicitaire. Le 13 février dernier, le site Internet Heineken.fr a été forcé de fermer ses portes, le juge estimant qu’Internet ne figure pas parmi la liste des supports autorisés à la publicité.

La cause de ces différentes condamnations ? Une décision de justice de la cour d’appel de Paris s’appuyant sur la loi Evin du 10 janvier 1991. Cette loi a été votée afin de lutter contre l’alcoolisme et le tabagisme. Elle réglemente notamment la publicité sur les boissons alcoolisées. Le message publicitaire peut mentionner des éléments classiques, tels que le degré d’alcool, le nom du fabricant, les terroirs de production, mais aussi des références aux couleurs, aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit. Le message sanitaire « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé » est obligatoire. Les supports autorisés sont la presse pour les adultes, la radio à certains horaires, l’affichage, les affichettes et les objets dans les délits de boisson. La publicité à la télévision est proscrite.

La publicité pour les boissons alcoolisées est donc encadrée par un principe général d’interdit, et limitée à un cadre informationnel. Cette législation donne ainsi lieu à une interprétation très stricte du juge. En effet, aujourd’hui toute évocation d’une boisson alcoolisée constitue une publicité, même si la finalité n’est pas commerciale.

Ce principe, inhabituel dans la philosophie des législateurs français, pose des problèmes tant aux opérateurs de la filière vinicole qu’aux journalistes et à tous les acteurs des secteurs créatifs. C’est leur liberté d’expression qui se trouve en jeu.

Une application systématique de la législation actuelle pourrait avoir des répercussions graves. En effet, citer Alcools d’Apollinaire ou certains vers des Fleurs du mal de Baudelaire, filmer des vendanges ou encore expliquer la recette du coq au vin à la télévision seraient désormais bannis des médias.

Ces différentes condamnations sont en fait le fruit d’une évolution jurisprudentielle. Le mécanisme n’est pas limité aux seules boissons alcoolisées. Cette culture juridique d’interdit a d’abord touché le tabac puis les alcooliers, les vendeurs d’espaces publicitaires, les distributeurs. Aujourd’hui le vin est sur la sellette. Cette évolution est d’autant plus inquiétante que le caractère difficilement applicable de la loi fait part belle à l’arbitraire dans le choix des cibles poursuivies ou censurées.

La question ici n’est pas de prôner la diffusion de messages sur l’alcool. Il n’est pas non plus question d’une remise en cause du principe d’encadrement de la publicité sur les boissons alcoolisées.

La question au coeur du débat est celle de la distinction entre publicité et information. Il convient de distinguer dans le droit français la publicité de l’information gratuite et fortuite. Pour cela nous pouvons nous appuyer sur les critères de la réglementation communautaire, à savoir finalité et destination du message, rémunération ou contrepartie, qu’elle soit directe ou indirecte.

La publicité constitue en effet une prestation de service qui revêt un caractère commercial, onéreux ou délibéré, qu’elle soit directe ou indirecte. Cette prestation de services suppose donc une contrepartie, financière ou revêtant une valeur d’usage. Il apparaît donc opportun de préciser la définition de la publicité en matière de boissons alcoolisées.

Afin d’être en cohérence avec les évolutions technologiques, il convient également de classer Internet parmi les supports autorisés, ce qui n’a pas été fait en 1991 lorsque la loi Evin a précisé leur liste. Si cette absence n’est pas volontaire, elle place aujourd’hui de nombreux professionnels et particuliers, acteurs du vin mais aussi plus largement du tourisme, de la gastronomie et des médias, dans une grande insécurité juridique. Ils sont soumis à l’arbitraire d’une interprétation de la loi alors que le législateur ne s’est jamais prononcé pour une interdiction de publicité pour les boissons alcoolisées sur le support Internet.

Afin que les vins français continuent d’occuper leur place légitime dans leur propre pays et dans le monde, il est urgent de mettre fin à ce processus d’exclusion médiatique nourri par l’instabilité juridique qui frappe les professionnels de l’information et de la création, les opérateurs de la filière et tous ceux qui évoquent les terroirs et l’art de vivre français sur les sites internet.

Dans un pays attaché à son terroir et à ses traditions, et alors que notre Président souhaite la reconnaissance par l’UNESCO du patrimoine gastronomique de la France – la filière viticole n’y contribue-t-elle pas – il apparaît aujourd’hui indispensable de trouver un équilibre entre lutte contre la maladie alcoolique et préservation des libertés fondamentales.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 3323–2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ne constituent pas une publicité ou une propagande au sens du présent article et des articles L. 3323–3, L. 3323–4 et L. 3351–7 les actes ou messages ne faisant l’objet d’aucune rémunération ou contrepartie, directe ou indirecte, en faveur du support. »

Article 2

Après le 8° du même article L. 3323–2, il est inséré un 9° ainsi rédigé :

« 9° Pour tout service de communication en ligne, à l’exclusion de ceux destinés aux mineurs ».


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