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mis en distribution

le 13 mai 2008


N° 843

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 avril 2008.

PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE

visant à interdire à un parti politique de se réclamer
d’une
religion ou d’une ethnie,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Jacques MYARD,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le communautarisme, c’est-à-dire la défense des intérêts spécifiques ou la recherche de droits particuliers pour un groupe ethnique ou religieux, se développe malheureusement dans la société française sur le terreau des difficultés liées à l’intégration. Ce phénomène est potentiellement dangereux, il peut à terme menacer directement l’indivisibilité de la République. Or le principe de laïcité a depuis longtemps fait ses preuves comme le meilleur garant de la cohésion nationale et du respect des droits individuels, en plaçant clairement la religion dans la sphère strictement privée. Ainsi, les activités religieuses jouissent d’une liberté totale, garantie par la loi, dès lors qu’elles ne sont pas un enjeu « en soi » du débat public.

Toutefois depuis quelque temps, certains groupes religieux cherchent à remettre en cause cette séparation bien ancrée dans la tradition républicaine en faisant campagne directement au nom d’une religion, comme on l’a vu aux dernières élections municipales de Strasbourg.

Des partis politiques se réclamant ouvertement d’une religion ont ainsi fait leur apparition, s’adressant de façon discriminatoire à une fraction de la population en fonction de son origine ethnique ou de son appartenance religieuse. Il s’agit là d’une grave dérive, qui derrière la liberté d’opinion, n’a d’autre but que de remettre en cause les fondements mêmes du pacte républicain.

Ces groupes profitent actuellement de l’absence de définition claire du parti politique dans la loi, simple association loi de 1901 qui « se forme et exerce son activité librement » conformément à l’article 4 de la Constitution. Ainsi, toute association religieuse a la possibilité de s’appeler « parti » et d’avoir une activité politique en prenant part au débat public et en présentant des candidats aux élections.

La participation aux élections est la seule particularité des partis politiques qui les distinguent d’une association ordinaire. Il suivent alors les dispositions des articles 7 à 11-9 de la loi du 11 mars 1988 sur le financement de la vie politique. L’article 11-4 prévoit, notamment, que les partis et groupements politiques sont les seules personnes morales à pouvoir déroger à l’interdiction de toute participation directe ou indirecte au financement des campagnes électorales. En outre, ils peuvent bénéficier du financement public à concurrence de leur participation et de leurs résultats aux élections législatives. Pour bénéficier de ces dispositions, il leur suffit de constituer une association de financement, laquelle doit recevoir l’agrément de la Commission nationale des comptes de campagne, sous la seule réserve de « la limitation de son objet social au financement d’un parti politique » (article 11-1). La loi du 11 mars 1988 ne limite la constitution d’un parti politique que par son mode de gestion.

Les seules limitations aux valeurs ou aux références idéologiques auxquelles les partis politiques peuvent se référer sont celles énoncées à l’article 4 de la Constitution : « Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ». En outre, ils peuvent être dissous comme toute association « formée en vue d’une cause ou d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement » (article 3 de la loi du 1er juillet 1901). La nullité est prononcée soit par décret en Conseil des ministres conformément à l’article 1er de la loi du 10 janvier 1936, soit par le tribunal de grande instance qui peut être saisi par tout intéressé ou par le ministère public conformément à l’article 7 de la loi du 1er juillet 1901.

Une loi qui viendrait compléter la loi du 1er juillet 1901 ou bien la loi du 1er mars 1988 en introduisant une interdiction spécifique aux partis politiques de se référer à une religion serait ainsi contraire à l’article 4 de la Constitution. En outre, elle apparaîtrait difficile à mettre en œuvre, tant la frontière entre une association ordinaire et un parti politique est mouvante : certains groupuscules ne présentent pas de candidats aux élections mais interviennent dans le débat politique.

Aussi, l’interdiction de toute référence religieuse ou ethnique dans un parti politique doit être une norme constitutionnelle destinée à compléter l’article 4. De surcroît, une telle norme renforcerait légitimement le principe de laïcité, fondement même de notre vouloir vivre ensemble.

Telles sont les raisons de la proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’alinéa 1er de l’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils ne peuvent se réclamer d’aucune ethnie ni d’aucune religion. »


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