Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document

mis en distribution

le 31 octobre 2008


N° 1069

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2008.

PROPOSITION DE LOI

relative à la reconnaissance des risques sanitaires auxquels ont été ou ont pu être exposés les civils et les militaires engagés dans la guerre du Golfe et les opérations militaires suivantes et à la responsabilité de l’État en la matière,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Yves COCHET, Mme Martine BILLARD,
MM. 
Noël MAMÈRE et François de RUGY,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objet de répondre à l’attente de toutes les personnes qui ont participé en tant que militaires ou civils à la guerre du Golfe ou aux opérations militaires des Balkans et du Kosovo entre 1991 et 1995 et suivantes.

Lors du début de l’engagement des forces terrestres de la coalition, la division française Daguet comptait 10 000 combattants et 3 000 hommes en soutien logistique et santé. La mission parlementaire d’information mise en place en octobre 2 000 au sein de l’Assemblée nationale a donné le chiffre de 25 000 militaires présents dans la région du Golfe en 1990/1991. Mais le nombre exact des personnes concernées – civils et militaires – ayant pris part aux opérations militaires de la France n’a pas été rendu public.

La mission parlementaire avait pour but de recenser les risques sanitaires auxquels ont été exposés ou ont pu être exposés les personnels français. Il en a résulté qu’il s’agissait des fumées de puits de pétrole en flamme, des pesticides et insecticides épandus massivement sur les champs, des aérosols d’uranium appauvri utilisé pour la fabrication de certaines munitions dont la présence de l’isotope U 236, des déchets radioactifs de la combustion nucléaire, d’utilisation non contrôlée de pyridostigmine, d’expérimentation de pilules anti-sommeil Virgyl, de cocktails de vaccins, des particules de gaz de combat (sarins, tabun, moutarde).

Nombreux sont celles et ceux, aujourd’hui regroupés en association, qui font état de graves problèmes de santé, de pathologies, signes ou symptômes regroupés sous l’expression « maladies de la guerre du Golfe et des Balkans ». Des faits viennent attester de la réalité des méfaits des méthodes employés durant ces combats armés. Les maladies de la guerre du Golfe touchent déjà plus de 200 000 vétérans américains, canadiens et britanniques. Depuis 1991, plus de 10 000 vétérans américains et 560 soldats britanniques sont décédés. La présence sur le terrain de la guerre du Golfe d’agents toxiques exposant les participants à un risque sanitaire a été reconnue par les autorités des pays de la coalition (Rapport sur la guerre du Golfe au Congrès américain du Département d’Etat à la Défense, publié dès 1991).

Aux États-Unis et au Canada, des recherches menées par des laboratoires civils et militaires montraient déjà que certaines pathologies, signes ou symptômes peuvent avoir trouvé leurs causes et origines à l’occasion de ces opérations militaires. Par exemple, l’étude menée par l’Université Duke, publiée dans le Journal of Toxicology and Environmental Health montre que la combinaison de l’insecticide DEET (perméthrine), de la pyridostigmine et du stress peuvent être cause de stérilité chez l’homme (cas fréquent repéré). Le ministère aux Anciens Combattants aborde désormais de manière différente la question depuis un an. Il part de ce raisonnement simple : pour soigner, il faut connaître exactement la cause des maladies. Ainsi, un rapport, publié en 2004, admet la réalité des faits jusque là contestés et niés depuis la fin du conflit. Ce rapport mentionne les soldats français, cependant, le ministère français de la Défense refuse de le prendre en compte. Il continue à ne pas reconnaître les risques sanitaires auxquels ont été exposés les militaires, mais aussi les civils lors de ces conflits.

L’Italie, comme les États-Unis, a mené des actions décisives dans la dénonciation des risques sanitaires encourus par les vétérans du Golfe. Les troupes italiennes n’étaient pas en Irak en 1991. Il s’agit des soldats italiens présents dans les Balkans et le Golfe (2003) dans les années suivantes. L’Observatoire italien pour la protection des forces armées, un organisme indépendant, affirme que plusieurs militaires sont morts après avoir été exposés à de l’uranium appauvri et enregistre un certain nombre de malades. Durant l’hiver 2007, le ministre italien de la défense Arturo Parisi, a annoncé officiellement le chiffre de 312 cas de cancer d’anciens combattants dus à l’uranium. Les victimes ont été reconnues dans leurs droits par le ministère italien de la Défense.

L’association française Avigolfe regroupe les victimes et militaires du Golfe, et a pour but d’obtenir la reconnaissance d’un statut collectif et individuel pour les victimes civiles et militaires de la guerre du Golfe. Elle fait état en France d’une trentaine de décès de vétérans français du Golfe et des Balkans. Les causes de ces décès et les maladies repérées sont récurrentes : cancers induits, lymphomes, tumeurs cérébrales, atteintes du système nerveux central, pour les plus graves, pathologies identiques à celles identifiées chez les vétérans américains et britanniques de la guerre du Golfe.

En France, les autorités militaires affirment qu’aucun élément n’apporte la preuve du lien direct entre les pathologies constatées et des risques toxiques. Le rapport de la mission parlementaire présenté en mai 2001 en minimise, voire en conteste les effets malgré les preuves que l’association Avigolfe (documents du ministère de la Défense, télex confidentiel défense de la division Daguet, photos, etc.) a apportées.

La situation actuelle allie secret défense, confusion et exigence du code des pensions (article L. 3, nécessité d’apporter la preuve irréfutable de l’origine de la maladie). Elle ne permet donc pas de proposer des solutions adaptées aux victimes et nie le droit à l’information dont ces dernières pourraient bénéficier. Qu’il s’agisse de la guerre du Golfe ou des conflits postérieurs, on estime que le manque de recherche, l’insuffisance des examens et l’absence de recherches spécifiques dans le cadre du protocole d’examens médicaux mis en place en 2001 pour les anciens du Golfe à l’hôpital Cochin, viennent renforcer cette défaillance de prise en compte et mettent en danger la santé, voire la vie des personnes.

Lors de la XIIe législature, les députés Verts ont à plusieurs reprises demandé l’examen de ces faits militaires. Ainsi, le 6 septembre 2000 a été enregistrée la proposition de résolution de M. André Aschieri, député des Alpes-Maritimes, et plusieurs de ses collègues (n° 2562) tendant à créer une commission d’enquête sur l’impact sanitaire réel chez les vétérans de la guerre du Golfe des armes utilisées durant l’opération Daguet et sur les responsabilités de l’État en la matière. Le 10 janvier 2001, les mêmes députés Verts ont déposé une demande de résolution visant à créer une commission d’enquête sur le syndrome dit des Balkans ou l’impact sanitaire réel chez les militaires ayant effectué des opérations en ex-Yougoslavie entre 1992 et 1999 et sur les responsabilités de l’État en la matière.

Suite à la lettre de mission du 6 juin 2001 adressée par le cabinet du ministre du ministère de la défense à un groupe de chercheurs, le professeur Salamon a dirigé le rapport intitulé « L’Enquête Française sur la guerre du Golfe et ses conséquences sur la Santé », publié le 13 juillet 2004. Cette étude ne concerne que les vétérans du Golfe, sans prendre en compte les opérations militaires suivantes, dans les Balkans et au Kosovo. Les munitions à l’uranium ont été pourtant massivement utilisées au cours des opérations des Balkans et du Kosovo. À ce jour, aucune enquête ne vient rendre compte du nombre de personnes touchées par ce type d’armement au cours de ces conflits.

Le rapport du professeur Salamon publié en 2004 était centré autour d’une question : y a-t-il un syndrome spécifique lié à la guerre du Golfe ? Comme méthodes de travail, le professeur Salamon et son équipe ont fait une analyse précise de la littérature internationale (350 articles publiés entre 1991 et 2000), et les fiches de synthèses des demandes de pensions des anciens combattants. Il en ressort qu’il n’existe pas pour les anciens combattants de notion de mortalité anormale, ni d’excès de maladies connues. Le rapport souligne tout de même qu’en comparaison à d’autres vétérans, on peut estimer qu’il y a chez cette population une fréquence plus élevée de signes et plaintes fonctionnels.

Cet ultime rapport officiel sur les risques sanitaires consécutifs à la guerre du Golfe amène le groupe des députés Verts à redéposer cette proposition de loi déjà présentée lors de la législature précédente. Elle propose un ensemble de mesures de nature à identifier les risques sanitaires auxquels ont été exposés les participants civils et militaires français à la guerre du Golfe et dans les opérations suivantes. Elle vise notamment à reconnaître la présomption d’imputabilité et le reversement de la charge de la preuve en modifiant le code des pensions. En effet, de nombreux vétérans ou leurs familles ont, depuis 1991, engagé des procédures auprès des commissions de réforme et du tribunal des pensions pour obtenir droit à pension ou à indemnisation pour les préjudices subis. Systématiquement, ces procédures se terminent en fin de non-recevoir, les autorités judiciaires exigeant systématiquement du plaignant la preuve irréfutable du lien entre les services et la cause de son état de santé, voire de décès.

Le vote d’une loi reconnaissant la nature réelle de la guerre du Golfe et ses conséquences sanitaires ainsi que le lien d’imputabilité entre le séjour sur le champ de bataille et les pathologies recensées constituerait un signe d’honnêteté et de transparence de la part des autorités vis-à-vis de leurs ressortissants. L’Italie a su le faire. Cela attesterait de la dangerosité des types d’armements employés et rendrait compte officiellement des méfaits sur le long terme de munitions radioactives.

Cette proposition de loi entend mettre en place une commission nationale de suivi de l’impact des risques sanitaires auxquels a été ou a pu être exposée toute personnes, civile ou militaire ayant participé à la guerre du Golfe et aux conflits postérieurs. Cette instance aura pour but de superviser la gestion du fond d’indemnisation et d’assurer l’interface entre les parties prenantes.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons Mesdames, Messieurs, d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – Les opérations militaires menées dans le Golfe entre août 1990 et mai 1991 sont appelées : « guerre du Golfe ».

II – L’article L. 1er bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre est ainsi rédigé :

« Art. L. 1er bis – La République française reconnaît, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services rendus par les personnes qui ont participé sous son autorité à la guerre du Golfe entre août 1990 et mai 1991.

« Elle leur accorde vocation à la qualité de combattant et au bénéfice des dispositions du présent code. »

III. – L’article L. 327 du même est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° Aux vétérans de la guerre du Golfe et des conflits postérieurs. »

IV– Après le 4° de l’article L. 330 du même code il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° Aux vétérans de la guerre du Golfe et des conflits postérieurs. »

Article 2

La liste des risques sanitaires auxquels a été ou a pu être exposée toute personne, civile ou militaire ayant participé à la guerre du Golfe et aux conflits postérieurs dans le cadre de l’armée française ou détachée par l’armée française auprès d’armées alliées, et la liste des pathologies, signes ou symptômes considérés comme liés à ces risques sont fixées par décret.

Il est établi le principe de présomption de lien avec le service pour la ou les maladies figurant dans la liste fixée par décret et dont souffre toute personne, civile ou militaire, ayant été ou ayant pu être exposée à un ou plusieurs risques sanitaires, dans le cadre de la guerre du Golfe et des conflits postérieurs.

Article 3

Il est créé un fonds d’indemnisation des personnels civils et militaires concernés selon les termes de l’article 2, et de leurs ayants droit. Ce fonds d’indemnisation est alimenté pour partie par les crédits de la défense de la caisse des dépôts.

Article 4

Il est créé auprès du Premier ministre une commission nationale de suivi de l’impact des risques sanitaires auxquels a été ou a pu être exposée toute personne, civile ou militaire ayant participé à la guerre du Golfe et aux conflits postérieurs dans le cadre de l’armée française ou détachée par l’armée française auprès d’armées alliées.

Cette commission est composée des ministres chargés de la défense, de la santé ou de leurs représentants, de deux députés et deux sénateurs, de représentants des associations représentatives des personnes civiles ou militaires concernées, de représentants des organisations syndicales patronales et de salariés ou des personnes qualifiées. La répartition des membres de cette commission, les modalités de leur désignation, son organisation et son fonctionnement sont précisées par décret en Conseil d’État.

Article 5

La commission nationale de suivi de l’impact des risques sanitaires auxquels a été ou pu être exposée toute personne, civile ou militaire ayant participé à la guerre du Golfe et aux conflits postérieurs dans le cadre de l’armée française ou détachée par l’armée française auprès d’armées alliées assure le suivi de l’application de la présente loi.

Article 6

La décision concernant l’application du « principe de présomption de lien avec le service » définie à l’article 2 est prise par le Premier ministre sur proposition de l’un ou l’autre des ministres désignés à l’article 4.

Article 7

La commission nationale de suivi de l’impact des risques sanitaires auxquels a été ou a pu être exposée toute personne, civile ou militaire ayant participé à la guerre du Golfe et aux conflits postérieurs dans le cadre de l’armée française ou détachée par l’armée française auprès d’armées alliées publie chaque année un rapport sur l’application de la présente loi.

Article 8

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


© Assemblée nationale