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le 31 octobre 2008


N° 1070

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2008.

PROPOSITION DE LOI

tendant à permettre l’accès des ressortissants étrangers
à la fonction publique,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Yves COCHET, Mme Martine BILLARD,
MM. 
Noël MAMÈRE et François de RUGY,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans une entreprise privée, le fait de refuser d’embaucher un travailleur immigré ou un ancien détenu est considéré comme une discrimination révoltante. La fonction publique républicaine est attachée à la lutte contre la xénophobie ou l’exclusion. Cependant, la fonction publique n’accepte pas en son sein les immigrés. Ils se doivent de trouver asile dans les entreprises privées. Cette discrimination délibérée entre Français et non-Français creuse chaque jour un peu plus le principe d’égalité de notre pacte républicain.

L’article 5 du statut de la fonction publique (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) dispose que nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire s’il ne possède pas la nationalité française. Des statuts particuliers peuvent déroger à cette règle. C’est le cas, par exemple, pour les enseignants chercheurs de l’enseignement supérieur (loi du 26 janvier 1984, art. 56). Les naturalisés, jusqu’à une époque récente, ne pouvaient occuper un emploi public moins de cinq ans après leur naturalisation. Cette règle a été supprimée depuis (loi du 17 juillet 1978).

Des problèmes se sont posés à propos des ressortissants de la Communauté économique européenne. Le Traité de Rome, s’il institue la libre circulation des travailleurs, ajoute que le principe n’est pas applicable aux « emplois dans l’administration publique ». La Cour de justice des Communautés européennes a estimé que cette restriction ne concerne que les emplois « qui comportent une participation directe ou indirecte à l’exercice de la puissance publique ainsi que les fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’État et des autres collectivités publiques ». Elle a condamné la France qui avait réservé à ses nationaux des emplois d’infirmiers dans les hôpitaux publics.

La France a donc été amenée à modifier sa législation (loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, insérant un article 5 bis dans la loi du 13 juillet 1983, loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 – art. 48 insérant un article 5 ter et un article 5 quater dans la loi du 13 juillet 1983, la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 article 10, portant sur diverses mesures de transpositions du droit UE à la fonction publique).

Si l’on excepte les ressortissants de l’Union européenne, les articles 5, 5 bis, 5 ter et 5 quater de la loi du 13 juillet 1983 ne permettent pas actuellement le recrutement d’étrangers dans la fonction publique en France.

Face à cette discrimination dans le recrutement des fonctionnaires, il est un droit fondamental qui n’est pas respecté : le droit au travail.

Le rapport Bruhnes a été publié en novembre 1999, dans le cadre de la communication faite en Conseil des Ministres du 21 octobre 1998 demandant « une analyse exhaustive des différentes professions dont l’exercice est interdit, en droit, aux étrangers ». Il recensait déjà près de 1 200 000 emplois fermés aux étrangers, dans le secteur privé, pour des conditions de nationalités ou de diplômes. Mais ces restrictions se dénombrent avant tout dans le secteur public : les emplois de titulaires dans les trois fonctions publiques sont interdits aux étrangers non communautaires, soit près de 5,2 millions de personnes.

De plus, les entreprises sous statut gérant des services publics tels que La Poste, EDF-GDF, Air France et les établissements publics industriels et commerciaux, qui comptent plus de 1 million de salariés, ne peuvent recruter des agents statutaires que de nationalité française ou des ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne. Au total, près de 7 millions d’emplois sont interdits, partiellement ou entièrement, aux étrangers extracommunautaires, soit environ 30 % de l’ensemble des emplois. L’exercice de 17 professions est soumis à une stricte condition de nationalité française : ces professions sont fermées à tous les ressortissants étrangers quelle que soit leur nationalité. On peut citer parmi ces professions, les officiers publics et ministériels, les concessionnaires de services, les directeurs d’établissements d’enseignements primaire et secondaire. Cette situation est pour le moins paradoxale et interroge de fait les fondements qui prévalent à la fermeture d’emplois de titulaires aux étrangers.

Un premier pas a été fait lors de la 11ème législature, le mercredi 3 mai 2000, avec le vote de la proposition de loi des députés Verts donnant aux étrangers non communautaires le droit de vote au niveau local. En 2003, le Conseil d’État a étudié la question de l’accès aux grandes écoles de formation des fonctionnaires des ressortissants des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen non membre de la Communauté européenne. Il s’agissait en l’occurrence du concours de l’École Normale Supérieure. Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) a demandé au Premier ministre et au ministre de l’éducation nationale soit l’abrogation soit la modification de certains textes relatifs à l’accès à l’ENS.

Ces mesures de différenciations entre français et étrangers, contraires au principe d’égalité, ont été adoptées au coup par coup, souvent dans des périodes de crise économique, en privilégiant les nationaux contre la concurrence étrangère. Elles doivent être aujourd’hui rediscutées.

Aussi proposons-nous de compléter les dispositions de la loi du 13 juillet 1983 afin de permettre aux étrangers extracommunautaires qui ont été autorisés à résider sur le sol français et à y travailler d’intégrer, dans les mêmes conditions que les citoyens français, l’une des trois fonctions publiques.

Au bénéfice de ces observations, nous vous demandons de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Dans l’article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots :

« Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen autres que la France » sont remplacés par les mots : « Les ressortissants des États membres de l’Union européenne autres que la France, les ressortissants des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen autres que la France, ou les ressortissants des autres États établis régulièrement en France ».

Article 2

Le premier alinéa de l’article 5 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée est ainsi rédigé :

« Pour les ressortissants des États visés à l’article précédent qui accèdent aux corps, cadres d’emplois et emplois des administrations de l’État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics, la limite d’âge est reculée d’un temps égal à celui passé effectivement dans le service national actif accompli dans les formes prévues par la législation de l’État dont ils relevaient au moment où ils ont accompli le service national. » 

Article 3

Le premier alinéa de l’article 5 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée est ainsi rédigé :

« Les emplois mentionnés à l’article 3 peuvent également être occupés, par voie de détachement, par des fonctionnaires relevant d’une fonction publique d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou des autres États établis régulièrement en France, lorsque leurs attributions soit sont séparables de l’exercice de la souveraineté, soit ne comportent aucune participation directe ou indirecte à l’exercice des prérogatives de puissance publique de l’État ou des autres collectivités publiques. »


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