Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document
mis en distribution

le 14 janvier 2009


N° 1337

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 décembre 2008.

PROPOSITION DE LOI

tendant à instaurer un droit à la formation à la langue nationale de l’État d’accueil,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Patrick BRAOUEZEC, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La maîtrise de la langue nationale de la société d’accueil est une nécessité fondamentale pour que toute personne résidant en France prenne sa place dans la vie professionnelle, sociale et culturelle de cette société.

Il s’agit de pouvoir maîtriser l’écrit autant que l’oral et d’acquérir une aisance suffisante afin d’accéder à la citoyenneté sans pour autant renoncer à sa culture et à sa propre langue.

Pour nombre de bénéficiaires potentiels, la formation linguistique constitue une condition sine qua non pour trouver un emploi, un logement, et surtout parvenir à une véritable autonomie.

Théoriquement, les besoins en formation linguistique des primo-arrivants et de leur famille sont satisfaits par un contrat d’accueil et d’intégration.

En réalité, le contrat d’accueil et d’intégration ne couvre que partiellement les besoins en formation linguistique.

En outre, les publics du contrat d’accueil et d’intégration sont définis de façon trop limitative. Bon nombre d’étrangers déjà présents sur le territoire et les nationaux issus de l’immigration ne sont pas visés par le contrat alors même qu’ils ont, eux aussi, besoin d’apprendre la langue de la société d’accueil.

Enfin, la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a, en consacrant le contrat d’accueil et d’intégration, autant entendu créer une obligation qu’un droit.

L’article 146 de ladite loi prévoit que le contrat d’accueil et d’intégration est « proposé, dans une langue qu’il comprend, à tout étranger admis pour la première fois au séjour en France en vue d’une installation durable ».

Conclu entre l’État, représenté par le préfet du département, et le primo-arrivant pour une durée d’un an renouvelable une fois, ce contrat s’inscrit dans une logique d’engagements réciproques. L’État assure, notamment, le cas échéant, une formation linguistique adaptée aux besoins du nouvel arrivant tandis que ce dernier s'engage à suivre, entre autres, la formation linguistique qui lui a été prescrite.

La loi précise que « pour l'appréciation de la condition d'intégration républicaine de l'étranger dans la société française prévue au premier alinéa de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est tenu compte de la signature, par l'étranger, d'un contrat d'accueil et d'intégration ainsi que du respect de ce contrat. »

Or, l’article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auquel il est fait référence dispose que « la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française ».

Il n’y a pas, au total, aujourd’hui, dans la législation française, l’énoncé d’un droit de formation à la langue nationale de l’État d’accueil.

Pourtant, la Charte sociale européenne révisée de 1996, entrée en vigueur en 1999, prévoit expressément, dans son article 19 intitulé « Droit des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l’assistance », que les Parties s’engagent « à favoriser et à faciliter l’enseignement de la langue nationale de l’État d’accueil ou, s’il y en a plusieurs, de l’une d’entre elles, aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille » (article 19-11).

La France a ratifié la Charte sociale européenne révisée le 7 mai 1999, dès lors ses dispositions ont valeur contraignante.

C’est donc sur le fondement juridique de la Charte sociale européenne révisée et afin de respecter cet engagement international, qu'est proposé d’instaurer dans le code du travail un droit à la formation linguistique pour les primo-arrivants, les étrangers résidant en France, les Français dont l’un des parents au moins ne maîtrise pas la langue française, les demandeurs d’asile et les membres de leur famille afin qu’ils puissent accéder à la maîtrise de la langue française. Il s’agit aussi de préciser les conditions de mise en œuvre du principe reconnu par la Charte.

Il est, en particulier, aussi nécessaire de prévoir une rémunération pour des stages linguistiques longs, lesquels ne sont pas accessibles en dehors du temps de travail, de façon à compenser la perte de salaire ou les frais engendrés par la garde d’enfants.

La question des modules de formation ne relève pas de la loi, mais devra être traitée précisément par un texte réglementaire.

L’article premier étend le dispositif de la formation professionnelle continue aux actions de formation linguistiques destinées aux primo-arrivants, aux étrangers résidant en France, aux Français dont l’un des parents au moins ne maîtrise pas la langue française, aux demandeurs d’asile et aux membres de leur famille.

L’article 2 vise à insérer dans la formation professionnelle, tout au long de la vie, l’apprentissage de la langue française pour les primo-arrivants, les étrangers résidant en France, les Français dont l’un des parents au moins ne maîtrise pas la langue française, les demandeurs d’asile et les membres de leur famille.

L’article 3 tend à assurer une rémunération aux stagiaires.

L’article 4 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précisera les conditions d’application de la proposition de loi.

L’article 5 constitue le gage de la proposition.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le 7° de l’article L. 6313-1 du code du travail, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :

« 7° bis Les actions de formation linguistique permettant aux primo-arrivants, aux étrangers résidant en France, aux Français dont l’un des parents au moins ne maîtrise pas la langue française, aux demandeurs d’asile et aux membres de leur famille d’accéder à la maîtrise de la langue française. »

Article 2

L’article L. 6111-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 6111-2. – Les actions de lutte contre l’illettrisme et l’apprentissage de la langue française, en particulier pour les primo-arrivants, les étrangers résidant en France, l’un ou l’autre parent de Français ne maîtrisant pas la langue française, les demandeurs d’asile et les membres de leur famille font partie de la formation professionnelle. »

Article 3

L’article L. 6341-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’État assure le financement de la rémunération des stagiaires des formations visées au 7° bis de l’article L. 6313-1. »

Article 4

Un décret en Conseil d’État précise les conditions de mise en œuvre des dispositions du présent texte, notamment en ce qui concerne les durées de formation, les niveaux de compétences linguistiques poursuivies et les modalités de reconnaissance des formations fréquentées.

Article 5

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées par la création, à due concurrence, d’une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.


© Assemblée nationale