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N° 1572

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire les excès, comme les stock-options, bonus ou parachutes dorés du capitalisme financier et à donner de nouveaux pouvoirs d’intervention aux salariés,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Alain BOCQUET, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXÈS et plusieurs de leurs collègues,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les périodes se suivent et les effets d’annonce se ressemblent. La dernière fois que les parlementaires ont eu à se pencher sur la soi-disant « moralisation » des stock-options, suite à des dérives scandaleuses, c’était lors de l’examen du projet de loi relatif « au développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social » en octobre 2006. Déjà, à cette époque, il nous était promis de régler le sort de dirigeants bénéficiaires de millions en stock-options. Déjà, à cette époque, il nous était promis qu’on ne les y reprendrait plus.

Mais leur sort fut loin d’être réglé !

Aujourd’hui, la même majorité politique et parlementaire au pouvoir dans notre pays « s’indigne » une nouvelle fois, et feint de s’interroger, encore et toujours, comme la ministre de l’économie et des finances sur « la pertinence des stock-options » !

Le Président de la République a redit, depuis Bruxelles où il était en déplacement, combien il jugeait « inadmissibles » les « bonus, plans, stock-options et rémunérations exceptionnelles, lorsque l’entreprise recourt à un plan social ou bénéficie d’aides publiques. Visiblement, certains ont du mal à comprendre », a-t-il asséné. Propos confirmés lors du meeting de Saint-Quentin le 24 mars 2009. Mais rien au-delà de cette colère simulée !

Mettons un terme à cette opulence scandaleuse de quelques uns qui jouissent de « parachutes dorés » et autres « primes au départ » mirobolantes obtenues sur le dos des salariés, et au prix de la compression des salaires, des fermetures et restructurations d’entreprises, et de la relance du chômage.

Mettons fin aux abus de cet argent facile. De Philippe Jaffré en 1999, qui touchait 250 millions de francs en échange de son départ de Total, à son ami Jean-Marie Messier ; de Noël Forgeard, récompensé de sa direction désastreuse d’EADS par 8,4 millions d’euros, à Patricia Russo, démissionnaire d’Alcatel, groupe ayant perdu 4 millions d’euros en 18 mois, récompensée par 6 millions d’euros de parachute.

Par ce mécanisme, Antoine Zacharias (Vinci) a vu son gain potentiel sur les options d’achat attribuées entre le 31 décembre 2001 et le 2 mai 2006 passer de 2,6 millions à 173 millions d’euros.

Aujourd’hui, Thierry Morin bénéfice d’une prime de 3,2 millions d’euros en remerciement de la suppression de 5 000 postes chez Valéo dans le monde, dont 1 600 en France, alors que l’année dernière ce groupe a versé plus de 100 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires ! Aujourd’hui Cheuvreux, filiale en courtage (vente et achat de titres financiers) du Crédit agricole met en place un plan de restructuration dont l’objectif est d’économiser 32 millions d’euros en 2009. Et pour cela, elle décide de supprimer 75 emplois, via des départs volontaires et contraints. Mais, dans le même temps, elle va distribuer une enveloppe de 51 millions d’euros de bonus à ses cadres, dont l’essentiel au top management !

Le groupe d’énergie GDF Suez avait décidé le versement de 1,1 million de stock-options à ses deux principaux dirigeants avant qu’ils y renoncent sous la pression. En effet, le conseil d’administration du groupe gazier avait accordé, le 12 novembre 2008, 830 000 stock-options au PDG du groupe, Gérard Mestrallet, et 300 000 à son vice-président, Jean-François Cirelli, pendant que – faut-il le rappeler – depuis l’automne 2004 et l’augmentation imposée par le ministre de l’économie de l’époque, Nicolas Sarkozy, l’augmentation cumulée du prix du gaz allait de plus de 45 % à plus de 68,5 % selon son utilisation.

Les exemples s’accumulent de ces abus scandaleux opérés aux dépens du monde du travail et des entreprises.

Sans la loi, tous ces dirigeants resteront insensibles aux remontrances, hermétiques à tout code éthique et indifférents aux colères que cela suscite.

Au-delà d’un décret gouvernemental d’ailleurs sans véritables conséquence pour ces pratiques et publié à la hâte pour tenter de calmer l’indignation que cela suscite, des mesures doivent être prises immédiatement. Ce système étant amoral, on ne peut pas le moraliser, on doit l’interdire !

Non seulement pour stopper cette indécence au moment où le monde du travail souffre et où chaque mois produit 80 000 à 90 000 suppressions d’emplois supplémentaires (3 000 par jours !). Mais aussi pour apporter plus de raison et d’efficacité à notre économie, préserver l’emploi, répondre à l’exigence légitime de revalorisation des salaires.

C’est le sens de cette proposition de loi qui vise la suppression du bouclier fiscal pour associer à l’effort national les plus hauts revenus (articles 1er et 2), et la suppression des stock-options (article 3). Stock-options qui représentent une forme d’actionnariat d’élite liant directement l’activité de l’entreprise à l’évolution des marchés financiers, pour assurer un maximum de profit au détriment de l’emploi et de l’activité elle-même.

Enfin, stopper cette course à l’argent roi qui démantèle les outils de production sur notre territoire, menace notre économie, hypothèque toute perspective de croissance et de développement, c’est aussi donner des droits nouveaux aux salariés dans la gestion de l’entreprise. C’est pourquoi il est proposé de renvoyer les conditions et modalités de rémunération des dirigeants des groupes à un accord d’entreprise ou de groupe (article 4).

Et d’attribuer aux comités d’entreprise ou aux représentants des salariés une action de préférence spécifique ouvrant des droits d’intervention. L’attribution de cette action garantira aux salariés des pouvoirs d’intervention, voire d’opposition, sur les opérations stratégiques de l’entreprise ou du groupe, telles les fusions, acquisitions, OPA-OPE, cessions, ou toute restructuration ayant des conséquences importantes sur l’emploi et les conditions de travail (article 5).

L’heure n’est plus, ni aux larmes de crocodiles, ni à l’indignation surjouée, ni au demi-mesures décrétées et sans lendemain. Nous y avons déjà eu droit. Il faut agir maintenant en prenant des dispositions législatives visant à contrer ce capitalisme financier.

Tel est le sens de cette proposition de loi.

Article 1er

Les articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.

Article 2

Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, toute rémunération ou partie de rémunération qui est liée à l’évolution de cours boursiers, octroyée ou calculée sous quelle que forme que ce soit, est soumise à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires.

Article 3

I. – Les articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce sont abrogés.

II. – Les articles 80 bis, 163 bis C et 201 bis du code général des impôts sont abrogés.

Article 4

Le premier alinéa de l’article L. 2242-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette négociation porte également sur les éléments de rémunération versés aux dirigeants salariés de l’entreprise, sous quelque forme que ce soit. »

Article 5

Après l’article L. 228-11 du code de commerce, il est inséré un article L. 228-11-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 228-11-1. – Lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, il est créé une action de préférence spécifique attribuée au comité d’entreprise, ou à défaut aux représentants des salariés. Les droits attachés à l’action de préférence spécifique sont les suivants :

« 1° La nomination au conseil d’administration ou de surveillance, selon le cas, de représentants de salariés de chaque organisations syndicales représentatives des salariés avec voix délibérative ;

« 2° Le pouvoir de s’opposer aux décisions de cession ou d’acquisition d’actifs ou de certains types d’actifs de la société ou de ses filiales ou d’affectation de ceux-ci à titre de garantie, qui sont de nature à porter atteinte à l’emploi, aux conditions de travail et à la pérennité de la société ou de ses filiales. »


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