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le 15 avril 2009


N° 1607

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à encadrer les rémunérations des dirigeants d’entreprises,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Pierre BRARD et Roland MUZEAU, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que la dégradation de l’emploi s’accélère, que 170 000 de nos concitoyens ont perdu leur emploi depuis le début de l’année, que des centaines de milliers d’hommes et de femmes sont à leur tour menacés de basculer dans le chômage, les dirigeants des grandes sociétés cotées en Bourse s’efforcent de tirer bénéfice de la situation, à tout le moins de préserver les avantages acquis ces dernières années, qui ont vu la rémunération moyenne des patrons du CAC 40 passer de 588 000 euros annuels, en 1999, à 4.7 millions d’euros aujourd’hui.

L’annonce par la Société générale de l’octroi de 320 000 stock-options à quatre de ses dirigeants, l’annonce d’un parachute doré de 3,2 millions d’euros pour l’ex-PDG de Valeo, le versement, révélé mercredi 25 mars par Libération, de 51 millions d’euros de bonus aux managers de Cheuvreux, une filiale du Crédit agricole, l’attribution de 1,1 million d’euros de stock-options a MM. Mestrallet et Cirelli, dirigeants de GDF-Suez, ont suscité un légitime mouvement de protestation dans l’opinion publique.

Ces scandales ne sont pas les premiers. On se souvient des 5,3 millions d’euros perçus en 2005 par Serge Weinberg, président de PPR, des 5,6 millions d’euros perçus en 2006 par Serge Tchuruk, président d’Alcatel et de madame, des 6 millions d’euros alloués en 2006 à Noël Forgeard, président exécutif d’EADS, des 9 millions d’euros dont avaient bénéficié en 2005, Daniel Bernard, PDG de Carrefour, sans compter bien sûr les 13 millions servis en 2006 à Antoine Zacharias, président de Vinci.

La question de la rémunération des grands dirigeants d’entreprises prend néanmoins dans la période actuelle un relief particulier. Il s’agit non seulement de décisions d’une injustice flagrante, à l’heure où se multiplient les plans sociaux, et où les salariés de ces entreprises sont soumis au régime sec, mais encore de décisions révélatrices de la volonté des dirigeants de ces entreprises de persister dans la voie de la spéculation financière qui a conduit à la crise que nous connaissons.

Les choix de rémunération retenus trahissent l’exigence folle des détenteurs de capitaux et des dirigeants d’obtenir une rentabilité sans cesse accrue, qui se traduit nécessairement par une injustice croissante dans la répartition des richesses.

Les dirigeants des entreprises en question n’entendent donc tirer aucune leçon de la crise. Ils entendent au contraire, plus que jamais, demeurer fidèles à cette économie virtuelle qui détruit l’économie réelle, tout en récoltant les aides de l’État et en spéculant sur la crise.

Rappelons en effet que la Société générale, pour ne prendre que cet exemple, a bénéficié d’une recapitalisation d’un milliard d’euros l’année dernière et bénéficiera d’un milliard supplémentaire cette année.

Le bénéfice qu’elle a réalisé en 2008 est de 2 milliards d’euros ; 700 millions d’euros de dividendes ont été distribués aux actionnaires.

Les attributions de stock-options, pratiquées dans cette banque, se font au prix moyen de 24 euros, l’action valant déjà aujourd’hui 27 euros. Si on multiplie150 000, par exemple, par 3 euros, vous aurez une idée de la plus-value que M. Oudéa a d’ores et déjà réalisée comme dirigeant d’une banque qui, sans l’État français, aurait probablement disparu.

Face à ce scandale, le gouvernement a adopté une stratégie à finalité médiatique, mais très largement insuffisante qui consiste à exhorter les patrons du CAC 40 à renoncer d’eux-mêmes à leurs avantages, en contrepartie du soutien financier de l’État, et en rappelant, par des déclarations ronflantes, ces mandataires sociaux à leur devoir de solidarité et d’exemplarité. S’il évoque la possibilité de légiférer dans ce domaine, c’est du bout des lèvres et sans conviction. Il tente aujourd’hui de calmer l’opinion avec l’annonce d’un décret, car il craint le débat parlementaire sur ce sujet. Pourtant aux États-Unis, en Allemagne, la question du plafonnement des rémunérations des grands parons est posée et traitée sérieusement.

Il existe pourtant des moyens efficaces de lutter contre ces pratiques socialement injustes et économiquement ruineuses, comme l’ont rappelé du reste des rapports de la Cour des comptes.

Nous proposons ainsi, dans un premier temps, de supprimer l’instrument financier que constituent les stock-options, d’imposer au taux de 95 % les avantages divers du type « parachutes dorés », de plafonner les rémunérations des patrons et de limiter à deux le nombre de conseils d’administration dans lesquels une personne peut siéger, au lieu de cinq actuellement.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Les articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce sont abrogés.

Article 2

Après le deuxième alinéa de l’article 193 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, la fraction des revenus correspondant aux éléments de rémunération, indemnités et avantages visés aux articles L.225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, dont le montant annuel excède le montant annuel du salaire minimal interprofessionnel de croissance, est taxée au taux de 95 %. »

Article 3

Le premier alinéa de l’article L. 2242-1du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Cette négociation porte également sur les éléments de rémunération versés aux dirigeants salariés de l’entreprise sous quelque forme que ce soit. Le total des rémunérations, indemnités et avantages de toute nature, attribués annuellement dans une entreprise française publique ou privée, y compris les établissements publics à caractère industriel et commercial, à ses président du conseil d’administration, président directeur général, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du conseil de surveillance ou gérant, ne peut excéder vingt fois le montant annuel du salaire minimal applicable dans l’entreprise considérée. »

Article 4

Dans le premier alinéa de l’article L. 225-21 du code de commerce, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « deux ».


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