N° 1754
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juin 2009.
PROPOSITION DE LOI
relative à la protection des informations économiques,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Bernard CARAYON, Yves ALBARELLO, Alfred ALMONT, Abdoulatifou ALY, Jean AUCLAIR, Martine AURILLAC, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Véronique BESSE, Gabriel BIANCHERI, Jérôme BIGNON, Jean-Marie BINETRUY, Claude BIRRAUX, Étienne BLANC, Émile BLESSIG, Jean-Yves BONY, Loïc BOUVARD, Françoise BRANGET, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Chantal BRUNEL, Patrice CALMÉJANE, Pierre CARDO, Dominique CAILLAUD, Jean-François CHOSSY, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Georges COLOMBIER, Louis COSYNS, René COUANAU, Jean-Yves COUSIN, Jean-Michel COUVE, Marie-Christine DALLOZ, Olivier DASSAULT, Bernard DEBRÉ, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Richard DELL’AGNOLA, Sophie DELONG, Stéphane DEMILLY, Bernard DEPIERRE, Nicolas DHUICQ, Michel DIEFENBACHER, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Jean-Pierre DUPONT, Gilles D’ETTORE, Daniel FASQUELLE, Jean-Michel FERRAND, Daniel FIDELIN, André FLAJOLET, Jean-Claude FLORY, Nicolas FORISSIER, Marie-Louise FORT, Marc FRANCINA, Yves FROMION, Jean-Paul GARRAUD, Claude GATIGNOL, Jean-Jacques GAULTIER, Georges GINESTA, Louis GISCARD d’ESTAING, Claude GOASGUEN, François-Michel GONNOT, Didier GONZALES, Jean-Pierre GRAND, Michel GRALL, Jean GRENET, Anne GROMMERCH, Arlette GROSSKOST, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Christophe GUILLOTEAU, Michel HEINRICH, Michel HERBILLON, Francis HILLMEYER, Françoise HOSTALIER, Sébastien HUYGHE, Paul JEANNETEAU, Maryse JOISSAINS-MASINI, Marc JOULAUD, Marguerite LAMOUR, Laure de LA RAUDIÈRE, Guy LEFRAND, Marc LE FUR, Michel LEJEUNE, Dominique LE MÈNER, Geneviève LEVY, Michel LEZEAU, Gérard LORGEOUX, Lionnel LUCA, Jean-François MANCEL, Jean-Pierre MARCON, Thierry MARIANI, Muriel MARLAND-MILITELLO, Patrice MARTIN-LALANDE, Jean-Claude MATHIS, Jean-Philippe MAURER, Damien MESLOT, Gérard MILLET, Pierre MORANGE, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Marie MORISSET, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Jean-Marc NESME, Yanick PATERNOTTE, Jacques PÉLISSARD, Nicolas PERRUCHOT, Josette PONS, Jean PRORIOL, Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Michel RAISON, Jacques REMILLER, Jean ROATTA, Didier ROBERT, Jean-Marc ROUBAUD, Max ROUSTAN, Francis SAINT-LÉGER, Bruno SANDRAS, François SCELLIER, André SCHNEIDER Jean-Marie SERMIER, Dominique SOUCHET, Daniel SPAGNOU, Éric STRAUMANN, Alain SUGUENOT, Michèle TABAROT, Lionel TARDY, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Dominique TIAN, Yves VANDEWALLE, Christian VANNESTE, Catherine VAUTRIN, Jean-Sébastien VIALATTE, René-Paul VICTORIA, Michel VOISIN, Gérard VOISIN, André WOJCIECHOWSKI et Michel ZUMKELLER,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Appuyée sur le bond technologique qui a ramené l’espace et le temps à de simples paramètres ajustables, la globalisation de l’économie a modifié en profondeur la valeur de l’entreprise.
Hier encore, l’entreprise était riche des biens qu’elle produisait et des sites immobiliers d’où était issue sa production. La dématérialisation de l’économie rend plus diffus aujourd’hui ce qui constitue le patrimoine d’une entreprise : ses hommes bien sûr, mais aussi leurs idées, leurs savoir-faire, leurs réseaux relationnels et commerciaux, leurs méthodes de gestion. Autant d’informations juridiques, financières, commerciales, scientifiques, techniques, économiques ou industrielles que les acteurs de l’entreprise partagent et mutualisent selon un mode de gestion devenu souvent bien plus horizontal que vertical.
Or, l’utilisation croissante et les rapides progrès des nouvelles technologies de l’information et de la communication fragilisent ce patrimoine malgré l’amélioration des moyens de défense technique, notamment sur les systèmes informatiques (pare-feu, anti-virus,…). C’est pourquoi une protection juridique adaptée à ce patrimoine s’avère indispensable.
En effet, pour l’instant, les savoirs de l’entreprise ne sont protégés que par un ensemble de textes dont la cohérence et l’efficacité restent lacunaires :
– la loi Godfrain du 5 juillet 1988 sur les intrusions informatiques, qui n’est efficace qu’en cas d’intrusion avérée ;
– la législation sur le droit d’auteur et le droit des producteurs qui ne permet pas de protéger efficacement l’accès et l’utilisation des bases de données ;
– la législation sur les brevets qui ne protège pas les méthodes, les savoir-faire, ou les idées ;
– le secret de fabrique qui ne s’applique qu’aux personnes appartenant à l’entreprise ;
– la législation sur la protection des logiciels qui ne s’étend pas jusqu’à la protection des informations traitées par le logiciel considéré ;
– le secret professionnel, inadapté au secret des affaires et qui ne s’applique qu’à un nombre limité de personnes ;
– la législation relative à la concurrence déloyale et aux clauses de non-concurrence qui ne s’applique que dans des conditions difficiles à réunir, et peu contraignantes pour le contrevenant ;
– la loi Informatique et libertés de 1978 qui ne protège que les informations nominatives.
Aussi, la proposition de loi qui est soumise à votre appréciation entend construire une protection juridique efficace et globale de l’ensemble des informations et des connaissances de l’entreprise.
Ce nouveau droit du secret des affaires, inspiré du Cohen Act américain, permettra à l’entreprise, à condition qu’elle ait respecté un référentiel de protection de l’information, de poursuivre quiconque aurait été appréhendé en train de chercher à reprendre, piller ou divulguer frauduleusement ses informations sensibles.
Au moment où notre pays s’engage avec détermination et volontarisme dans une politique qui porte au premier rang de ses priorités l’emploi et la cohésion sociale, ces dispositions contribueront à réduire sensiblement le nombre des défaillances d’entreprise qui résultent trop souvent d’une captation frauduleuse de leur patrimoine dématérialisé.
Telles sont les raisons qui me conduisent, Mesdames et Messieurs les Députés, à vous demander de voter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après l’article 226-14 du code pénal, il est inséré un paragraphe 1er bis intitulé « De l’atteinte au secret d’une information à caractère économique protégée. » et comprenant deux articles 226-14-1 et 226-14-2 ainsi rédigés :
« Art. 226-14-1. – Est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait pour toute personne non autorisée par le détenteur ou par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, d’appréhender, de conserver, de reproduire ou de porter à la connaissance d’un tiers non autorisé une information à caractère économique protégée.
« Est puni du double de ces peines le fait, pour une personne autorisée, de faire, par négligence ou dans l’intention de nuire, d’une information à caractère économique protégée un usage non conforme à sa finalité.
« Lorsqu’il en est résulté un profit personnel, direct ou indirect, pour l’auteur de l’infraction, les peines définies aux deux précédents alinéas sont doublées.
« Les personnes physiques coupables des infractions prévues par le présent article encourent également une peine d’interdiction des droits prévus aux 2o et 3o de l’article 131-26 pour une durée de cinq ans au plus.
« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables des infractions définies par le présent article, dans les conditions prévues à l’article 121-2.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1o l’amende prévue par l’article 131-38 du code pénal ;
« 2o les peines mentionnées à l’article 131-39 du même code. Dans ce cas, l’interdiction mentionnée au 2o de l’article 131-39 porte uniquement sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. »
« Art. 226-14-2. – Sont qualifiées d’informations à caractère économique protégées, les informations ne constituant pas des connaissances générales pouvant être facilement et directement constatées par le public, susceptibles d’être source, directement ou indirectement, d’une valeur économique pour l’entreprise, et pour la protection desquelles leur détenteur légitime a pris, après consultation du comité d’entreprise et information des salariés de l’entreprise, des mesures substantielles conformes aux usages.
« Présente le caractère de détenteur de l’information la personne morale ou physique qui dispose de manière licite du droit de détenir ou d’avoir accès à cette information. »
Article 2
Après l’article L. 152-7 du code du travail, il est inséré une section 8 intitulée : « Violation de la protection d’une information à caractère économique protégée. » et comprenant deux articles L. 152-8 et L. 152-9 ainsi rédigés :
« Art. L. 152-8. – Le fait, par tout dirigeant ou salarié d’une entreprise où il est employé de révéler ou de tenter de révéler une information à caractère économique protégée au sens de l’article 226-14-2 du code pénal, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« Art. L. 152-9. – Nonobstant l’engagement de toute action pénale, le fait par tout dirigeant ou salarié de ne pas avoir respecté les mesures décidées par l’employeur pour assurer la confidentialité d’une information à caractère économique protégée au sens de l’article 226-14-2 du code pénal, et dont il était dûment informé, est passible d’une sanction disciplinaire telle que définie par l’article L. 122-40 du présent code. »