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N° 2529

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mai 2010.

PROPOSITION DE LOI

tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux pourvus au scrutin uninominal majoritaire,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Chantal BRUNEL, Étienne MOURRUT, Bérengère POLETTI, Jean-Pierre DECOOL, Étienne PINTE, Françoise de PANAFIEU, Daniel SPAGNOU, Nicole AMELINE, Michel DIEFENBACHER, Patrick BALKANY, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Françoise HOSTALIER, Thierry MARIANI, Marie-Anne MONTCHAMP, Jean-Michel COUVE, Françoise de SALVADOR, Philippe GOSSELIN, Jacques LAMBLIN, Georges SIFFREDI, Jean-Pierre DUPONT, François GOULARD, Françoise GUÉGOT, Brigitte BARÈGES, Jacques REMILLER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’article 1er de la Constitution dispose, dans son second alinéa : « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux » ; son article 4 impose aux partis et groupements politiques de contribuer à la mise en œuvre du principe ainsi énoncé « dans les conditions déterminées par la loi ».

Depuis l’insertion dans notre loi fondamentale de ces dispositions, plusieurs dispositions législatives ont eu pour objet de renforcer la place des femmes dans la vie politique de notre pays. Pour autant, la France, avec 18,5 % de femmes élues à l’Assemblée nationale en 2007, reste très en retard par rapport à d’autres pays dans l’application du principe de parité d’accès aux mandats électifs.

Il en est de même des conseils généraux qui, avec 493 élues sur 4 003, ne comptent que 12,3 % de femmes : 35 conseils généraux sur 100 comptent 3 femmes ou moins (3 ne comptent aucune femme, 7 comptent une seule femme, 16 en comptent 2 et 9 en comptent 3).

Les dispositions introduites dans notre législation depuis une dizaine d’années n’ont pas permis de faire un progrès sensible dans l’égalité d’accès des mandats électoraux pourvus au scrutin uninominal, parce que des mesures contraignantes visant à satisfaire l’objectif constitutionnel de parité se heurteraient au principe de liberté des candidatures :

– aux élections législatives, des progrès réels ont certes pu être constatés (10,9 % de femmes élues aux élections législatives de 1997, 12,3 à celles de 2002) ; mais les pénalisations financières introduites dans l’aide aux partis politiques qui ne présentent pas suffisamment de candidatures féminines par la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, bien que renforcées par la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 ayant le même objet, n’ont pas eu l’influence attendue sur le nombre de femmes ayant accédé à l’Assemblée nationale, beaucoup de formations politiques préférant subir les pénalités financières plutôt que d’équilibrer les candidatures entre les deux sexes.

– aux élections cantonales, la part de femmes élues a augmenté, en dehors de toute mesure contraignante : de l’ordre de 1 % au début de la Ve République, elle a dépassé 5 % au renouvellement de 1992 puis 10 % à celui de 2004. La disposition, introduite par la même loi du 31 janvier 2007, imposant à chaque candidat d’avoir un suppléant de sexe opposé, appelé à remplacer le candidat en cas de décès et dans certaines hypothèses de démission, n’a pas donné les effets escomptés : lors du renouvellement de 2008, 87 % des titulaires étaient des hommes, ce qui explique que 12,3 % de femmes seulement soient présentes dans les conseils généraux.

Les faibles progrès ainsi obtenus ont été dénoncés par l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes dans ses rapports de juin 2007 et d’avril 2008, qui comportent plusieurs recommandations destinées à améliorer la situation.

Il importe aujourd’hui, si l’on veut faire progresser la parité dans les assemblées concernées, d’adopter des mesures novatrices tirant les enseignements des dispositions en vigueur, permettant de surmonter les réticences des partis politiques à investir des femmes aux élections législatives et aux élections cantonales et ouvrant à un plus grand nombre d’entre elles l’accès à l’Assemblée nationale et aux assemblées départementales.

L’objet de la présente proposition de loi est donc la mise en place de dispositions plus contraignantes, notamment financières, qui aboutissent à de réels progrès de la parité lors des scrutins uninominaux. Elle comporte d’une part des dispositions visant à instaurer des incitations financières pour les élections législatives et, d’autre part, des mesures facilitant l’accès des femmes et des dispositions introduisant à la fois des incitations et des pénalisations financières pour l’élection des membres des conseils généraux.

I. En ce qui concerne les élections à l’Assemblée nationale :

1°) En complément de la disposition qui écrête la première fraction de l’aide publique accordée aux partis et groupements politiques ne respectant pas la parité dans la désignation de leurs candidats, il est proposé de tenir compte du nombre de parlementaires de chaque sexe dans le calcul de la seconde fraction de cette aide publique, alors que celle-ci est aujourd’hui proportionnelle au nombre de parlementaires qui y sont rattachés, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes : il sera ainsi possible demain de récompenser les formations qui non seulement auront fait preuve de volontarisme pour présenter un nombre suffisant de candidates, mais les auront investies dans des circonscriptions gagnables.

À cette fin, le 4° de l’article 2 « neutralise », pour le calcul de la somme attribuée au titre de cette seconde fraction à une formation politique, les parlementaires du sexe le plus représenté dont le nombre excède 70 % du nombre total de ses parlementaires : ainsi, un parti politique qui ne compterait que 20 femmes pour 80 hommes parmi ses 100 parlementaires sera réputé ne compter que 70 hommes ; un parti politique comptant 28 femmes et 72 hommes parmi ses 100 parlementaires sera réputé compter 28 femmes et 70 hommes ; un parti comptant plus de 30 % de femmes parmi ses parlementaires ne subira aucun écrêtement.

Cette nouvelle disposition prendra effet lors du prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale, prévu en juin 2012. Le pourcentage maximum de parlementaires du même sexe, rattaché à un parti, ne donnant lieu à aucune réduction de l’aide publique sera porté à 60 % en 2017 et à 50 % en 2022.

2°) Pour mettre fin à l’émiettement ou aux effets d’aubaine qui ont pu être constatés lors de précédentes élections législatives, l’aide publique sera dorénavant réservée aux seuls partis ayant présenté des candidats obtenant chacun au moins 2 %, et non plus 1 %, des suffrages exprimés, dans au moins 50 circonscriptions.

II. En ce qui concerne les élections dans les conseils généraux :

Un mécanisme de financement de la vie politique départementale est introduit, ouvrant la voie à la mise en place de dispositions incitatives ou pénalisantes pour les partis ne présentant pas suffisamment de candidates et comptant peu de femmes élues dans les assemblées départementales. Ce financement public est assuré par un prélèvement sur les aides publiques existantes (dont le montant est fixé depuis 1995 à 80,264 millions d’euros), la première fraction de l’aide accordée chaque année aux formations politiques en fonction de leurs résultats aux élections législatives (égale à la moitié de cette somme) étant séparée en deux parties d’égal montant. À l’instar du financement prévu pour les élections législatives, il est destiné, afin d’éviter un émiettement ou des effets d’aubaine, aux seuls partis ayant présenté des candidats obtenant chacun au moins 2 % des suffrages exprimés dans au moins 200 cantons appartenant à au moins dix départements.

Les nouvelles dispositions sont introduites par l’article 4 de la proposition de loi, qui insère un nouvel article 9-2 dans la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. Elles prendront effet lors du prochain renouvellement général des assemblées départementales, prévu en 2014 en application de la loi n° 2010-145 du 16 février 2010 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

Elles ont donc vocation à s’appliquer, à partir de la même année, aux futurs conseillers territoriaux qui seront élus au scrutin majoritaire, la réforme des collectivités territoriales les instituant ayant prévu que ces nouveaux élus siégeront à la fois au conseil général et au conseil régional.

1° Pénalisation des partis ne présentant pas suffisamment de candidates :

L’aide publique accordée est calquée sur celle prévue pour les élections législatives :

– son montant est réparti entre les partis proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour des élections au conseil général par les candidats qui leur sont rattachés, dans chacun des départements où ceux-ci ont présenté des candidats ;

– les suffrages obtenus par les candidats déclarés inéligibles pour ne pas avoir respecté la législation sur les comptes de campagne (article L. 197 du code électoral) ne sont pas comptabilisés ;

– pour le parti dont l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe dans un département dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, le nombre des suffrages recueillis par ces candidats, donc le montant de l’aide publique qui sera accordé annuellement à leur parti, est diminué d’un pourcentage égal aux trois quarts de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats.

2° Attribution de la dotation accordée aux partis sur la base du nombre d’élus en fonction de la part de femmes élues :

De la même façon que pour les parlementaires, le nouvel article 9-2 introduit par l’article 4 de la présente proposition de loi comporte une mesure incitative destinée à poursuivre l’objectif constitutionnel de parité d’accès aux mandats électifs : la prise en compte du nombre de femmes siégeant à l’assemblée départementale et rattachées à un parti politique pour le calcul de la dotation accordée à ce parti au titre de la seconde partie du financement public liée aux élections destinées à pourvoir les membres de cette assemblée.

Le mécanisme mis en place, identique à celui prévu pour les parlementaires, accorde une sorte de « malus financier » aux formations qui n’auront pas investi suffisamment de femmes dans des cantons gagnables. Il aboutit en effet à ne pas comptabiliser leurs élus du sexe le plus représenté, en pratique des élus de sexe masculin, excédant 60 % du nombre total de leurs conseillers élus. Ainsi, un parti sera d’autant plus subventionné qu’il aura un pourcentage plus élevé de femmes parmi ses élus dans beaucoup de départements.

Le pourcentage maximum d’élus de même sexe ainsi « comptabilisés », que la proposition de loi fixe à 60 %, sera ramené à 50 % dès le renouvellement général des conseillers généraux qui suivra celui prévu en 2014 : l’intégralité des élus d’un parti sera donc ainsi prise en compte, dès lors que la parité sera totale entre ces élus, à partir de 2020.

Par ailleurs, une nouvelle disposition est insérée à l’article 5 pour faciliter l’accès du suppléant d’un conseiller général : dans le prolongement de ce qui a été mis en place avec la loi n° 2008-175 du 26 février 2008 facilitant l’égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général, le cas où celui-ci accède au mandat de conseiller général est étendu à toutes les hypothèses de démission du titulaire. Une augmentation sensible du nombre de conseillères générales, qui ne représentent aujourd’hui que 12,3 % des conseils généraux, devrait en résulter.

Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé de bien vouloir adopter les dispositions suivantes.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le 1° de l’article 8 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est complété par les mots : « et aux élections des membres des conseils généraux ».

Article 2

L’article 9 de la même loi est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« I. La première fraction des aides prévues à l’article 8 est divisée en deux parties d’un égal montant :

« 1° La première partie est attribuée : ».

2° Au deuxième alinéa, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 2 % » ;

3° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 2° La seconde partie est attribuée chaque année dans les conditions fixées à l’article 9-2. »

4° Le début du sixième alinéa est ainsi rédigé : « II. La seconde fraction... (le reste sans changement) ».

5° Après l’avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application du présent II, le nombre de parlementaires de chaque sexe ayant déclaré se rattacher au parti ou groupement politique n’est pris en compte qu’à concurrence de 70 % du nombre total des membres qui ont déclaré s’y rattacher. »

6° Le début du dernier alinéa est ainsi rédigé : « Le montant des aides... (le reste sans changement) ».

Article 3

Au premier alinéa de l’article 9-1 de la même loi, les mots : « le montant de la première fraction qui lui est attribué en application des articles 8 et 9 » sont remplacés par les mots : « le montant de la partie de la première fraction qui lui est attribué en application de l’article 8 et du 1° du I de l’article 9 ».

Article 4

Il est inséré, après l’article 9-1 de la même loi, un article 9-2 ainsi rédigé :

« Art. 9-2. – La partie de la fraction de l’aide publique mentionnée au 2° du I de l’article 9 est divisée en deux parts d’un égal montant :

« 1° La première part est attribuée aux partis et groupements politiques qui ont présenté, lors du plus récent renouvellement des membres des conseils généraux, des candidats ayant obtenu chacun au moins 2 % des suffrages exprimés dans au moins 200 cantons appartenant à au moins dix départements.

« La répartition est effectuée proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour de ces élections par chaque parti et groupement, dans chacun des départements où ils ont présenté des candidats. Il n’est pas tenu compte des suffrages obtenus par les candidats déclarés inéligibles au titre de l’article L. 197 du code électoral. Lorsque, dans un département, l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher au parti ou groupement politique dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, le nombre de suffrages recueillis par ces candidats est diminué d’un pourcentage égal aux trois quarts de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats.

« En vue de la répartition prévue aux alinéas précédents, les candidats à l’élection des membres des conseils généraux indiquent, s’il y a lieu, dans leur déclaration de candidature, le parti ou groupement politique auquel ils se rattachent. Ce parti ou groupement peut être choisi sur une liste établie par arrêté du ministre de l’intérieur publié au Journal officiel de la République française au plus tard le cinquième vendredi précédant le jour du scrutin, ou en dehors de cette liste. La liste comprend l’ensemble des partis ou groupements politiques qui ont déposé au ministère de l’intérieur, au plus tard à dix-huit heures le sixième vendredi précédant le jour du scrutin, une demande en vue de bénéficier de la partie de la fraction de l’aide publique mentionnée au 2° du I de l’article 9.

« 2° La seconde part est attribuée aux partis et groupements politiques bénéficiaires de la première part, proportionnellement au nombre de membres des conseils généraux qui, dans chaque département, ont déclaré au bureau de leur assemblée départementale, au cours du mois de novembre, y être inscrits ou s’y rattacher.

« Chaque membre du conseil général ne peut indiquer qu’un seul parti ou groupement politique pour l’application de l’alinéa précédent.

« Au plus tard le 31 décembre de l’année, le bureau du conseil général communique au ministre de l’intérieur la répartition de ses membres entre les partis et groupements politiques, telle qu’elle résulte des déclarations de ces membres.

« Pour l’application du présent 2°, le nombre d’élus de chaque sexe ayant déclaré se rattacher au parti ou groupement politique n’est pris en compte qu’à concurrence de 60 % du nombre total des membres de l’assemblée départementale qui ont déclaré s’y rattacher. »

Article 5

L’article L. 221 du code électoral est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « pour cause de décès, de démission intervenue en application des articles L. 46-1, L. 46-2, L.O. 151 ou L.O. 151-1 du présent code, de présomption d’absence au sens de l’article 112 du code civil ou d’acceptation de la fonction de membre du Conseil constitutionnel » sont remplacés par les mots : « pour quelque cause que ce soit » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « En cas de vacance pour toute autre cause ou » sont supprimés.

Article 6

Les dispositions de la présente loi prennent effet lors des premiers renouvellements généraux de l’Assemblée nationale et des conseils généraux qui suivront sa publication.

Le pourcentage mentionné au dernier alinéa du II de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, dans sa rédaction issue du 5° de l’article 1er de la présente loi, est abaissé à 60 % à compter du deuxième renouvellement et à 50 % à compter du troisième renouvellement de l’Assemblée nationale qui suivront la publication de la présente loi.

Le pourcentage mentionné au dernier alinéa du 2° de l’article 9-2 de la loi précitée du 11 mars 1988, dans sa rédaction issue de l’article 4 de la présente loi, est abaissé à 50 % à compter du deuxième renouvellement des conseils généraux qui suivra la publication de la présente loi.


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