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N° 2699

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 juillet 2010.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête visant à faire
la lumière sur la gestion des dossiers fiscaux des donateurs
les plus fortunés de l’UMP par les ministres successifs du budget et des comptes publics et de la justice depuis 2007,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Jean-Marc AYRAULT, François BROTTES, George PAU-LANGEVIN et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

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(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Guy Chambefort, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo et Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis les révélations fracassantes par la presse concernant la gestion des dossiers fiscaux des donateurs les plus fortunés de l’UMP, les interrogations se multiplient. C’est d’autant plus vrai que les réponses des ministres responsables fluctuent au rythme de ces informations.

Le 18 mai 2007, un nouveau ministre du budget est nommé. Il conserve ses fonctions de trésorier de l’UMP, fonctions occupées depuis 2002.

Le 12 novembre 2007 son épouse est embauchée par le gestionnaire de fortune d’une des plus généreuses donatrices de l’UMP.

Le 23 janvier 2008, le même gestionnaire de fortune est décoré de la légion d’honneur par le même ministre du budget pour honorer sa carrière de chef d’entreprise.

Le 9 décembre 2009, le journal Le Parisien révèle l’organisation d’une soirée à l’hôtel « Le Bristol » au cours de laquelle le ministre-trésorier reçoit les principaux donateurs de l’UMP. La généreuse donatrice figure parmi les membres de ce « premier cercle ». Interrogé par le groupe socialiste sur le mélange des genres créé par le cumul de ses fonctions de ministre et de trésorier de l’UMP, le ministre visé qualifie cette question de « stupide ».

Le 16 juin 2010, le journal en ligne Mediapart rend publics des enregistrements réalisés par le majordome de la généreuse donatrice faisant apparaître des manœuvres de dissimulation d’une partie des avoirs de cette dernière.

Le 16 juin 2010, le même majordome est placé en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour atteinte à la vie privée. En dépit des graves accusations portées contre lui, le gestionnaire de fortune de la généreuse donatrice n’est pas inquiété.

Le 21 juin 2010, par un communiqué, la généreuse donatrice reconnaît avoir fraudé le fisc et fait part de sa volonté de « faire procéder à la régularisation de l’ensemble des avoirs familiaux qui seraient encore aujourd’hui à l’étranger ».

Le 26 juin 2010, son gestionnaire de fortune reconnaît dans un entretien au Figaro l’existence de deux comptes en Suisse non déclarés d’une valeur totale de 78 millions d’euros.

Le 20 juin 2010 l’avocat de la généreuse donatrice assure que l’héritière de L’Oréal a aidé le ministre-trésorier à hauteur de 7 500 euros.

Le mardi 22 juin 2010, devant l’Assemblée Nationale, ce dernier, parlant de sa femme et de lui-même assure que « jamais » ni elle ni lui n’ont « été informés d’une quelconque fraude ou évasion fiscale ».

Le 25 juin 2010, le même ministre du budget reconnaît – après que le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nanterre a rappelé qu’il avait saisi l’administration fiscale dès janvier 2009 – qu’il a été effectivement informé et qu’il a, en réaction, diligenté un contrôle de la situation fiscale d’un proche ami photographe heureux bénéficiaire de la générosité de la donatrice. Le ministre s’est ensuite rétracté en affirmant n’avoir « jamais déclenché » ni « empêché de contrôle fiscal ».

Le 25 juin 2010 l’épouse du ministre du budget démissionne de la société chargée de gérer la fortune de la généreuse donatrice, reconnaissant dans les colonnes du journal Le Monde avoir « sous-estimé ce conflit d’intérêt ».

Le 27 juin 2010 le ministre reconnaît devant le Grand jury RTL qu’il a bénéficié d’argent de la généreuse donatrice « dans le cadre de (sa) vie politique ».

Le 27 juin 2010 le successeur du ministre-trésorier annonce, sur la base d’informations similaires à celles livrées par le procureur de Nanterre dès 2009, qu’il engage un contrôle fiscal afin d’« examiner la totalité des actifs » de la généreuse donatrice en France comme à l’étranger.

Le 5 juillet 2010, l’ex-comptable de la généreuse donatrice et de son époux révèle, dans un témoignage à Mediapart, comment le couple de milliardaires a régulièrement financé, via des enveloppes contenant des espèces, des personnalités de droite. Elle a notamment relaté un épisode – qu’elle a également rapporté lundi 5 juillet aux policiers – situé en mars 2007 et mettant en scène le ministre du budget. Ce dernier se serait vu remettre, via le gestionnaire de fortune de la généreuse donatrice, une somme de 150 000 euros en espèces pour la campagne présidentielle du candidat UMP.

Le 4 juillet 2010, le journal Marianne révèle une autre affaire comparable. Un donateur de l’UMP, marchand de tableaux et propriétaire de chevaux de course, est soupçonné d’avoir dissimulé aux services fiscaux une somme de 3 milliards d’euros. Plusieurs courriers restés sans réponse auraient été adressés aux services fiscaux de Paris les 7 avril, 4 mai et 9 juin 2009. Des courriers ont été adressés au directeur général des finances publiques et au ministre du budget le 12 juin 2009 puis le 7 septembre 2009. Ces courriers sont également restés sans réponse. Ils détaillaient l’existence de plusieurs trusts (des entités juridiques basées dans des paradis fiscaux) ou aurait été abritée la fortune de la famille dudit donateur. Il est révélé dans ce même article que le ministre du budget a rencontré à plusieurs reprises cet autre généreux donateur.

Cette succession de faits, de révélations, de déclarations et d’aveux conduisent la représentation nationale à se poser les questions suivantes :

– Le 9 janvier 2009, l’administration fiscale est saisie sur le fondement de l’article 101 du code de procédure fiscale de la procédure suivie à l’encontre d’un proche ami photographe d’une des plus généreuses donatrices de l’UMP et « tous autres ». Si la procédure engagée concerne entre autre l’achat de l’île d’Arros, se peut-il que le lien ne soit pas établi avec cette donatrice ?

– Dès lors que l’affaire concerne la première fortune de France, se peut-il que le ministre n’en soit pas personnellement saisi ?

– Quelles sont les informations dont dispose alors le ministre ?

– Ces informations justifient-elles l’engagement d’un contrôle fiscal ?

– Le ministre du budget est-il alors intervenu pour exiger un contrôle fiscal de l’ami photographe de la généreuse donatrice ?

– Dans cette hypothèse, pourquoi n’a-t-il pas engagé une procédure identique à l’encontre de la généreuse donatrice ?

– En tout état de cause, le ministre du budget et trésorier de l’UMP est-il intervenu de quelque manière que ce soit – par action ou par omission – pour empêcher un éventuel contrôle fiscal concernant la généreuse donatrice et la société chargée de gérer la fortune de cette dernière ?

– Cette éventuelle décision de ne pas agir ou d’empêcher un contrôle de la situation fiscale de la généreuse donatrice a-t-elle été prise par le seul ministre du budget ou a-t-il exécuté une décision prise par sa hiérarchie ?

– Les liens entre l’épouse du ministre et la généreuse donatrice ont-ils pu influencer les éventuels choix du ministre du budget dans cette affaire ?

– Quelles étaient les fonctions et les responsabilités exactes de l’épouse du ministre du budget au sein de la société chargée de gérer la fortune de la généreuse donatrice ?

– L’épouse du ministre a-t-elle été embauchée par le gestionnaire de fortune de la généreuse donatrice à la demande du ministre du budget ?

– Y-a-t-il eu des contreparties obtenues par le ministre du budget liées à ses fonctions parallèles de trésorier de l’UMP ?

– Les financements que le ministre-trésorier admet avoir reçus de la généreuse donatrice ont-ils été perçus au profit de son association de financement et ont-ils été la contrepartie d’une éventuelle ingérence du ministre dans ce dossier ?

– Enfin, depuis que la généreuse donatrice a avoué une fraude fiscale massive, pourquoi son gestionnaire de fortune n’a pas été entendu, ni fait l’objet d’une surveillance judiciaire, alors qu’il est en situation de faire disparaître des éléments de preuve, voire de déplacer certains fonds vers des paradis fiscaux ?

– Pourquoi l’actuel ministre du budget a-t-il attendu le 27 juin pour décider d’une enquête approfondie sur les avoirs de la généreuse donatrice ?

– Les mêmes questions se posent s’agissant d’autres dossiers fiscaux comparables : nature des informations détenues par le ministre du budget, l’existence ou non d’un contrôle fiscal, l’existence ou non d’une intervention du ministre.

– Au total, en tant que ministre du budget, dépositaire de l’autorité publique chargée d’assurer la surveillance des obligations fiscales des généreux donateurs de l’UMP, le ministre du budget a-t-il pris, reçu ou conservé pour lui-même ou pour le parti dont il assure la trésorerie, un intérêt quelconque de la part des généreux donateurs eux-mêmes ou des sociétés chargées de la gestion de leurs fortunes ?

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d’adopter la présente proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête visant à faire la lumière sur la gestion des dossiers fiscaux des généreux donateurs de l’UMP par les ministres successifs du budget et des comptes publics et de la justice depuis 2007.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, une commission d’enquête de trente membres afin de connaître les raisons pour lesquelles avant juin 2010, aucune procédure n’a été engagée par les autorités compétentes, qu’elles relèvent du ministère du budget ou de celui de la justice, en dépit des éléments communiqués par le parquet et/ou des révélations apparues dans la presse faisant état de fraudes fiscales dont plusieurs généreux donateurs de l’UMP se seraient rendus coupables.


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