Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 3350

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à encourager l’activité « utile » des détenus,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Richard MALLIÉ, Bernard GÉRARD, Élie ABOUD, Manuel AESCHLIMANN, Yves ALBARELLO, Alfred ALMONT, Jean AUCLAIR, Martine AURILLAC, Jacques Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, Véronique BESSE, Jérôme BIGNON, Jean-Marie BINETRUY, Claude BODIN, Philippe BOËNNEC, Marcel BONNOT, Jean-Claude BOUCHET, Chantal BOURRAGUÉ, Loïc BOUVARD, Françoise BRANGET, Françoise BRIAND, Philippe BRIAND, François CALVET, Bernard CARAYON, Jean-François CHOSSY, Philippe COCHET, Georges COLOMBIER, Louis COSYNS, Édouard COURTIAL, Marie-Christine DALLOZ, Olivier DASSAULT, Laure de LA RAUDIÈRE, Françoise de SALVADOR, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Lucien DEGAUCHY, Rémi DELATTE, Sophie DELONG, Bernard DEPIERRE, Nicolas DHUICQ, Éric DIARD, Jacques DOMERGUE, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, David DOUILLET, Marianne DUBOIS, Jean-Pierre DUPONT, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Paul DURIEU, Christian ESTROSI, Jacqueline FARREYROL, Jean-Michel FERRAND, Daniel FIDELIN, André FLAJOLET, Marie-Louise FORT, Guy GEOFFROY, Alain GEST, Georges GINESTA, Claude GOASGUEN, François-Michel GONNOT, Jacques GROSPERRIN, Arlette GROSSKOST, Louis GUÉDON, Gérard HAMEL, Francis HILLMEYER, Françoise HOSTALIER, Jacqueline IRLES, Denis JACQUAT, Olivier JARDÉ, Paul JEANNETEAU, Yves JÉGO, Marc JOULAUD, Jacques KOSSOWSKI, Fabienne LABRETTE-MÉNAGER, Jacques LAMBLIN, Pierre LANG, Marc LE FUR, Jean-Marc LEFRANC, Michel LEJEUNE, Jean-Louis LÉONARD, Geneviève LEVY, Lionnel LUCA, Jean-François MANCEL, Christine MARIN, Alain MARLEIX, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MATHIS, Christian MÉNARD, Gérard MENUEL, Pierre MORANGE, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Marie MORISSET, Georges MOTHRON, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre NICOLAS, Yanick PATERNOTTE, Béatrice PAVY, Bernard PERRUT, Henri PLAGNOL, Bérengère POLETTI, Josette PONS, Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Jean ROATTA, Arnaud ROBINET, Francis SAINT-LÉGER, Bruno SANDRAS, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Jean-Pierre SOISSON, Michel SORDI, Dominique SOUCHET, Daniel SPAGNOU, Alain SUGUENOT, Guy TEISSIER, Marie-Hélène THORAVAL, Yves VANDEWALLE, Patrice VERCHÈRE, Philippe VITEL, Gérard VOISIN, André WOJCIECHOWSKI, Christian VANNESTE, Jean-Claude GUIBAL et Cécile DUMOULIN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au début du XIXe siècle, le travail pénitentiaire était obligatoire et la pénibilité proportionnelle à la faute commise.

Jusqu’à la seconde guerre mondiale, le travail en prison était synonyme d’entreprise générale. Moyennant le paiement par l’État d’un prix de journée fixe, l’entrepreneur général des prisons pourvoyait à toutes les dépenses des détenus. Dans chaque maison centrale, un sous-entrepreneur gérait le travail des détenus réunis en ateliers communs (textile, cordonnerie, menuiserie...). Dans les maisons d’arrêt, de petits travaux (paniers, chaises, fleurs...) pouvaient également être effectués en cellule.

La réforme de 1945 assigna une fonction réhabilitatrice au travail : l’objectif était d’apprendre un métier aux détenus qui n’avaient aucune formation et employer les autres en fonction de leurs expériences professionnelles.

La loi relative au service pénitentiaire du 22 juin 1987 a profondément redéfini l’objectif du travail en prison. En réduisant la peine à la privation de liberté, elle abrogea l’obligation faite aux détenus de se soumettre au travail, ce dernier se faisant dorénavant sur la base du volontariat.

A cet effet, le code de procédure pénale contraint l’administration pénitentiaire à une obligation de moyens. En effet, depuis 1987, l’administration pénitentiaire doit prendre « toutes les dispositions pour assurer une activité professionnelle aux détenus qui le souhaitent ». Le code de procédure pénale en distingue cinq formes : le service général (affecté au service général de la prison), la régie industrielle des établissements pénitentiaires dans le cadre desquels l’administration pénitentiaire emploie elle-même les détenus, le travail en concession impliquant que les détenus travaillent pour une entreprise, le travail des détenus pour leur propre compte et le travail pour les associations.

Au niveau européen, à l’exception de la France, du Danemark et de l’Espagne, la quasi-totalité des pays obligent les personnes condamnées à effectuer un travail en prison ; c’est le cas de l’Allemagne, de l’Angleterre, du Pays de Galles, de Italie ou encore des Pays-Bas. Une telle obligation d’activité est conforme aux normes internationales de protection des droits de l’homme. En effet, l’Organisation internationale du travail ne considère pas comme un travail obligatoire le travail ou service « exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par décision judiciaire », sous réserve que « ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées ».

Force est de constater que le taux d’activité salariée des détenus n’a jamais été aussi bas dans notre pays : il est passé de 48 % en 2001 à 33,5 % en 2004 pour atteindre 32,6% en 2007. A travers ces chiffres, nous pouvons nous interroger sur la représentation de la valeur travail au sein de la population carcérale ? Le fort taux de récidive que connaît notre pays s’explique aussi par la perfectible réinsertion des anciens détenus.

« L’oisiveté est mère de tous les vices » et il est vrai que le détenu est trop souvent condamné à l’oisiveté. S’il n’a pas l’activité régulière qu’impose un travail ou une formation suffisamment dense, le détenu ne pourra pas entreprendre une reconstruction personnelle. Nul ne peut nier qu’effectuer une activité « utile » (travail, formation professionnelle) ouvre des perspectives en matière de réinsertion sociale et professionnelle. N’est-ce pas également la mission de la prison depuis 1987 ?

Nécessité pour les parties civiles, qui espèrent le paiement des dommages et intérêts, le travail est également une nécessité pour l’administration pénitentiaire car il permet d’apaiser les tensions de la vie carcérale et reste une nécessité pour la société qui devra accueillir ces hommes et ces femmes à l’issue de leur peine.

La loi pénitentiaire de 2009 avait essayé de revenir sur la loi de 1987 en instaurant des obligations nouvelles pour l’administration pénitentiaire qui se doit notamment de proposer « des activités » aux détenus. Dans les faits cette mesure se matérialise surtout par une scolarisation du détenu mais qui reste à son bon vouloir.

C’est pourquoi, il est important de réintroduire en prison l’obligation d’exercer une activité « utile », rémunérée à un juste niveau. Cette activité peut correspondre à une formation professionnelle, ou à des travaux d’intérêt général. « La peine privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le reclassement social du condamné », et l’un des moyens de cette réinsertion est le travail, outil de formation et d’apprentissage de la discipline.

S’il est important d’encourager son développement, il est également important de mettre en place un véritable encadrement légal du travail pénitentiaire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il convient également pour ce faire que les entreprises apportent du travail aux détenus, ce qui, dans l’état actuel, fait défaut.

En 2002, le sénateur Paul Loridant avait déclaré qu’il fallait 200 euros par mois pour vivre en prison. C’est pourquoi, rémunéré, le travail constitue le plus souvent le seul moyen de subsistance des détenus. Ceci étant, une réinsertion réussie dans la société dépasse largement ces 200 euros, elle n’a pas de prix.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article 717-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 717-3. – Les condamnés sont astreints à une activité de travail ou de formation professionnelle afin de préparer leur réinsertion sociale et professionnelle. Au sein des établissements pénitentiaires, toutes les dispositions sont prises pour assurer une activité de travail ou une formation professionnelle aux condamnés.

« L’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions du travail en milieu ouvert.

« Les règles relatives aux relations de travail des personnes incarcérées ainsi qu’aux modalités de recrutement sont fixées par décret.

« La durée du travail par jour et par semaine, déterminée par le règlement intérieur de l’établissement, doit se rapprocher des horaires pratiqués dans le type d’activité considéré ; en aucun cas elle ne saurait leur être supérieure. Le respect du repos hebdomadaire et des jours fériés doit être assuré.

« Les règles relatives à la répartition des produits du travail des détenus sont fixées par décret.

« La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l’article L. 3231-2 du code du travail. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées.

« De même que les condamnés, les prévenus peuvent demander qu’il leur soit donné une activité de travail ou de formation professionnelle. Dans cette hypothèse, ils sont assujettis aux mêmes règles que les condamnés pour l’organisation et la discipline du travail. »


© Assemblée nationale