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N° 3362 (rectifié)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à la reconnaissance et à l’indemnisation
des
personnes victimes d’accidents nucléaires,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Paul GIACOBBI, Gérard CHARASSE, Chantal BERTHELOT, Annick GIRARDIN, Joël GIRAUD, Albert LIKUVALU, Jeanny MARC, Dominique ORLIAC, Sylvia PINEL, Chantal ROBIN-RODRIGO, Christiane TAUBIRA, Jean-Marc AYRAULT, Jean-Patrick GILLE, Marisol TOURAINE, Gérard BAPT, Martine CARRILLON-COUVREUR, Marie-Françoise CLERGEAU, Michèle DELAUNAY, Laurence DUMONT, Catherine GÉNISSON, Danièle HOFFMAN-RISPAL, Christian HUTIN, Monique IBORRA, Michel ISSINDOU, Patrick LEBRETON, Catherine LEMORTON, Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Jean MALLOT, Marie-Renée OGET, Christian PAUL, Martine PINVILLE, Simon RENUCCI, Christophe SIRUGUE, Jean-Louis TOURAINE, Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, Jean-Paul BACQUET, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Delphine BATHO, Marie-Noëlle BATTISTEL, Gisèle BIEMOURET, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Daniel BOISSERIE, Monique BOULESTIN, Pierre BOURGUIGNON, Danielle BOUSQUET, François BROTTES, Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Alain CLAEYS, Pierre COHEN, Pascale CROZON, Frédéric CUVILLIER, Guy DELCOURT, Michel DELEBARRE, François DELUGA, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Odette DURIEZ, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Corinne ERHEL, Albert FACON, Martine FAURE, Hervé FÉRON, Geneviève FIORASO, Valérie FOURNEYRON, Geneviève GAILLARD, Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Daniel GOLDBERG, Pascale GOT, Marc GOUA, Jean GRELLIER, David HABIB, Jean-Louis IDIART, Françoise IMBERT, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Marietta KARAMANLI, Jean-Pierre KUCHEIDA, Jérôme LAMBERT, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Annick LE LOCH, Jean-Marie LE GUEN, Patrick LEMASLE, Bernard LESTERLIN, Serge LETCHIMY, François LONCLE, Victorin LUREL, Louis-Joseph MANSCOUR, Jacqueline MAQUET, Marie-Lou MARCEL, Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, Gilbert MATHON, Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Pierre MOSCOVICI, Philippe NAUCHE, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Philippe PLISSON, Catherine QUÉRÉ, Jean-Jack QUEYRANNE, Marie-Line REYNAUD, Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, Gwendal ROUILLARD, René ROUQUET, Alain ROUSSET, Michel SAINTE-MARIE, Odile SAUGUES, Jean-Jacques URVOAS, Jacques VALAX, Michel VERGNIER, André VÉZINHET, Alain VIDALIES et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

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(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Marie-Claude Marchand, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, Gwendal Rouillard, René Rouquet, Alain Rousset, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Apeleto Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo, Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objet d’établir la présomption d’un lien de causalité entre, d’une part les accidents nucléaires et, d’autre part les pathologies développées par les personnels ayant travaillé sur les sites concernés ainsi que la population présente dans les zones contaminées.

Dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, s’est produit en Ukraine l’explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl dispersant dans l’atmosphère des quantités considérables d’éléments radioactifs. Les territoires de l’Est de la France, les Alpes, la Vallée du Rhône, la ville de Nice et sa région, la Corse ont été particulièrement contaminés du fait, notamment, d’importantes précipitations dans la période qui a suivi l’accident.

En Haute-Corse, la contamination de la population, en particulier des femmes enceintes de plus de douze semaines et des enfants en bas âge se manifeste par une plus grande prévalence dans l’induction de cancers de la thyroïde, survenus dans des délais moyens d’environ quatre ans après la contamination.

Ces victimes se trouvent frappées deux fois, puisqu’elles doivent faire face à leur maladie, et en outre fournir la preuve scientifique du lien entre leur état de santé actuel et leur présence sur des lieux contaminés par cet accident.

Cette situation rend complexe et aléatoire toute prise en charge sous forme d’indemnisation ou de pension, et crée une inégalité entre ceux qui peuvent ou osent saisir la Justice et ceux qui en sont privés ou y renoncent.

Aujourd’hui, en France, vingt-cinq ans après l’accident de Tchernobyl et alors que le Japon vient de vivre l’un des pires accidents nucléaires de l’histoire de la filière, les victimes, inquiètes pour leur avenir et celui de leur descendance, demandent que soit reconnue la causalité entre leurs maladies ou troubles de santé et ces activités à risque radioactif.

Cette revendication s’exprime alors qu’il apparaît que les services chargés de la prévention et de la protection contre les risques nucléaires auraient disposé d’éléments suffisamment probants, à l’époque des faits, sur les risques encourus par les personnels et les populations, et qu’ils auraient négligé d’en tirer les conséquences et de prescrire ou de prendre les mesures de prévention et de suivi qui s’imposaient alors.

Il y a un surcroît d’injustice à contraindre les victimes de ces activités à entreprendre des actions judiciaires longues, coûteuses et aléatoires, alors qu’est avéré le lien de causalité entre ces activités et des pathologies cancéreuses, ophtalmologiques et cardiovasculaires dont une liste a été établie en 1988 et actualisée en 2001 par le Sénat Américain.

La présente proposition de loi n’est en rien défavorable à l’industrie nucléaire. Celle-ci présente, comme toute activité humaine, des risques et des dangers. Elle ne doit être ni diabolisée ni sanctifiée, mais simplement raisonnablement encadrée et, à ce titre, un mécanisme d’indemnisation des accidents demeure indispensable. La gravité des dysfonctionnements passés doit être reconnue et la législation adaptée dans la mesure où, en 2011 pas plus qu’en 1986, la population ne dispose de garanties sur les mesures de protection de la santé publique en cas d’accident.

La loi n° 68-943 du 30 octobre 1968, y compris dans sa version consolidée au 14 juin 2006, n’est pas applicable faute de décrets et, en particulier, dans le cas de l’accident de Tchernobyl dans la mesure où l’Union soviétique n’était pas à l’époque signataire des conventions en vertu desquelles ce texte a été adopté.

La présente proposition de loi vise à instaurer l’égalité entre les victimes et à créer le cadre juridique qui permettra à l’État de procéder aux justes réparations des dommages infligés par des activités considérées alors d’intérêt national.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Est établie la présomption d’un lien de causalité entre, d’une part la ou les maladies affectant toute personne résidant sur un territoire ayant été, de manière significative, contaminée du fait d’un accident nucléaire, et définies dans le décret prévu à l’article 3 de la présente loi et, d’autre part, les accidents nucléaires.

Article 2

Il est créé un fonds d’indemnisation des victimes civiles au bénéfice des personnes visées à l’article 1er.

Article 3

La liste des pathologies présumées liées au risque radioactif ainsi que les zones géographiques concernées au titre des deux derniers alinéas de l’article 1er sont fixées par décret pris après avis de la Commission nationale de suivi des accidents nucléaires.

Article 4

Il est créé une Commission nationale de suivi des accidents nucléaires. Sa composition est définie par décret du Conseil d’État, publié six mois au plus tard après la promulgation de la présente loi. Cette commission inclut un collège constitué de représentants d’associations ayant pour objet la défense des intérêts matériels et moraux des victimes d’activités à risque radioactif et de leur descendance.

Cette commission aura notamment pour mission :

– de donner les avis relatifs au projet de décret prévu à l’article 3 de la présente loi ;

– d’élaborer une cartographie identifiant les territoires concernés par l’irradiation suite à des accidents nucléaires ;

– de veiller au suivi médical des populations qui résident ou ont résidé sur les territoires exposés aux rayons ionisants générés par un accident nucléaire ;

– d’impulser et d’accompagner la mise en place d’un registre des cancers, d’en promouvoir l’usage et la référence auprès des autorités décisionnelles (centrales et territoriales) et de faire effectuer une étude épidémiologique sur les pathologies thyroïdiennes ;

– de convenir avec les autorités médicales des mesures préventives à caractère technique et sanitaire, inspirées par les circonstances (balises, stockage, distribution d’iode...) ;

– d’émettre à l’intention des pouvoirs publics et sur la foi de dossiers ou d’enquête qu’elle pourrait diligenter, un avis sur les cas litigieux dont elle pourrait être saisie par toute institution sanitaire contestant le droit d’une personne se référant aux articles 1 et 2 de la présente loi pour faire valoir ses droits à indemnisation ;

– de rédiger un état des lieux annuel et de présenter au Parlement, tous les deux ans, un rapport sur l’état du suivi dont elle a la charge.

Article 5

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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