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N° 3435

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 mai 2011.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

visant au maintien par les États du taux réduit de TVA pour certaines opérations liées à la filière équine en application du principe de subsidiarité,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jacques MYARD,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Commission européenne a lancé le 1er décembre 2010 une consultation générale sur l’avenir du système de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui doit s’achever au 31 mai 2011.

Toutes les parties prenantes, consommateurs, citoyens, entreprises, autorités publiques sont invitées à formuler leur avis sur cette réforme. Il appartient alors aux députés de répondre à cet appel pour apporter leur contribution sur le sujet du taux réduit de TVA, s’agissant notamment de la filière équine.

Le Livre vert présenté par la Commission européenne vise à adapter le système actuel de TVA pour le rendre «  plus simple, plus robuste et plus efficace » selon l’intitulé du document.

Cette taxe est une ressource fiscale majeure pour les États membres puisque, avec 862 milliards d’euros de recettes en 2008, elle représente 7,8 % du PIB des pays membres de l’UE et 21,5 % de leurs recettes fiscales.

Pourtant, elle souffre de défauts – coût, complexité, manque de transparence, fraudes – comme le souligne la Commission qui a décidé d’ouvrir plusieurs chantiers, sur le lieu d’imposition, les règles de neutralité, le degré d’harmonisation des taux et notamment la simplification des taux réduits.

La position de la Commission sur ce dernier point est de restreindre l’application par les États membres de taux réduits.

Or les critiques qu’elle avance à l’encontre du recours au taux réduit soulèvent en retour une argumentation contraire. La France peut faire valoir des principes solides et des réalités fortes.

Il convient de rappeler que les dispositions qui gouvernent le taux réduit de TVA sont inscrites dans la directive TVA 2006/112/CE et la directive 2009/47/CE.

Selon la directive de 2006/112/CE, les États ont toute latitude pour organiser, dans le cadre relativement souple laissé par la directive, l’application de leur taux réduits. Les États peuvent appliquer un ou deux taux réduits d’un minimum de 5 % aux biens et services énumérés dans une liste limitative annexée à la directive. Des dérogations sont possibles pour les autres activités qui ne sont pas dans la liste.

La directive 2009/47/CE est issue d’un rapport demandé en 2006 par le Conseil à la Commission afin qu’elle examine les effets de l’application de taux réduits à certains services fournis localement sur le plan de l’emploi, de la croissance économique et du bon fonctionnement du marché intérieur. La directive 2009/47/CE a autorisé ces emplois à forte intensité de main d’oeuvre pour lesquels il n’existe pas de risque de concurrence déloyale entre les différents prestataires de services des États membres de l’UE (par exemple la restauration).

L’harmonisation des taux de TVA ne se justifie pas quand l’application de taux réduits n’est pas à l’origine de dysfonctionnements et que n’existe pas de risque de concurrence.

La pleine maîtrise par les États du recours au taux réduit pour les biens et services répondant à ces conditions s’impose dans ce cas. Comme la Commission des affaires européennes du Sénat l’a justement demandé dans sa proposition de résolution n° 481, il apparaît légitime de donner au principe de subsidiarité toute sa force quand la taxation des biens et services n’a pas pour conséquence de perturber le fonctionnement et fausser la concurrence du marché intérieur.

Tel est bien l’enjeu qui se pose à propos de la filière équine dont la Commission remet en cause le maintien d’un taux réduit de TVA pour certaines opérations.

Ainsi, la Commission européenne a engagé des procédures d’infraction contre plusieurs États européens, la France mais aussi l’Allemagne, le Luxembourg, l’Irlande, l’Autriche et les Pays-Bas. Dans une décision du 3 mars 2011, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que le taux de TVA appliqué par les Pays-Bas aux livraisons, importations et acquisitions de chevaux était contraire au droit communautaire et a condamné cet État pour manquement. Une décision concernant la France devrait être prise avant la fin de l’année.

Pour la Commission confortée par la CJUE, le taux réduit n’est applicable qu’aux animaux destinés de manière générale ou habituelle à la consommation, ce qui selon elles n’est pas le cas des chevaux.

La France a des arguments solides à faire valoir à l’encontre de cette position.

Le taux de TVA réduit a tout lieu de s’appliquer au cheval dont il convient de rappeler la nature agricole des activités. L’élevage de chevaux est bien une activité agricole permettant l’application d’un taux réduit. La directive TVA définit comme produits agricoles les biens résultant de l’élevage d’animaux. Le cheval n’est pas un animal de compagnie, quelle que soit l’utilisation qui en est faite (trait, agrément, sport, courses...). Selon la conception française, le cheval figure parmi les animaux de boucherie, il est un produit agricole, ce qui a pour effet qu’entre dans le processus de production agricole toute une série d’opérations (monte et saillie, entraînement, prise en pension, enseignement de l’équitation, ventes...).

La quasi-totalité des chevaux est destiné à l’abattage pour la boucherie ou l’équarrissage. Les détenteurs d’équidés sont soumis à la politique européenne pour la sécurité alimentaire. La traçabilité de sa viande, le contrôle de sa qualité et le traitement des chevaux en fin de vie sont réglementés. Le maintien d’un marché actif de la viande participe à l’économie de la filière et à l’amélioration de la race.

Les conséquences d’une remise en cause du taux réduit pourraient être lourdes pour les autres productions animales ou végétales (maïs, soja...) qui ne seraient pas majoritairement alimentaires selon la Commission mais relèvent bien du taux réduit.

Le maintien d’un taux de TVA réduit est essentiel à la filière équine en Europe et en France tout particulièrement. Elle est un patrimoine vivant, économique et social, un élément majeur de la vitalité des territoires ruraux qui seraient considérablement fragilisés par une harmonisation à la hausse des taux.

Il convient de rappeler que la filière équine, ancrée dans le monde agricole, est en France à l’origine de plus de 74 000 emplois, directs et indirects, que ce secteur totalise un chiffre d’affaires de 12 milliards d’euros dont 10 milliards pour le secteur des courses, qu’il est constitué souvent de très petites entreprises (50 % des centres équestres). De plus, il est un acteur important du développement durable, de l’aménagement et du dynamisme de nos territoires qui accueillent plus de 250 hippodromes.

Tous ces éléments expliquent le fort attachement de nos concitoyens à la filière équine.

L’atout que représente cette filière risque d’être fortement fragilisé, surtout en cette période de crise, par une remise en cause du taux réduit sur la TVA alors même qu’il est démontré que le cheval est bien une activité agricole et que le recours au taux réduit n’entraîne pas de distorsion de concurrence.

C’est pourquoi il est demandé aux membres de notre Commission des affaires européennes d’adopter la proposition de résolution suivante :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le Livre vert de la Commission « vers un système de TVA plus simple, plus robuste et plus efficace » du 1er décembre 2010 et la consultation publique qu’elle organise jusqu’au 31 mai 2011,

– conteste la conception de la Commission selon laquelle les chevaux ne sont pas un produit agricole destiné, de manière générale et habituelle, à la consommation ;

– souligne que le cheval est bien une production agricole, quelle que soit sa destination, et que la réglementation européenne sur la sécurité alimentaire s’applique, preuve que le cheval est couramment consommé ;

– relève qu’il appartient aux États de décider de l’application de taux de TVA différenciés dès lors qu’elle ne fausse pas la concurrence entre les différents États membres selon les directives TVA précitées; que tel est le cas pour la filière équine ;

– souligne que la filière équine, ancrée dans le monde agricole, est créatrice de richesses économiques et sociales, qu’elle constitue un élément majeur de la vitalité des territoires et du monde rural, et que cet atout en Europe doit être préservé et même valorisé ;

– demande que le principe de subsidiarité s’applique pleinement ;

– demande donc que le taux réduit de TVA continue à s’appliquer à la filière équine, pour la livraison des équidés et les activités qui lui sont liées.


© Assemblée nationale