N° 3685
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2011.
PROPOSITION DE LOI
visant à reconnaître un régime spécifique aux personnels pédagogiques occasionnels des accueils collectifs de mineurs, titulaires d’un contrat d’engagement éducatif, notamment au regard des règles d’aménagement du temps de travail,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Pierre-Christophe BAGUET, Patrick BALKANY, Jacques Alain BÉNISTI, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Jean-Louis CHRIST, Georges COLOMBIER, Laure de LA RAUDIÈRE, Charles de la VERPILLIÈRE, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEPIERRE, Dominique DORD, Cécile DUMOULIN, Marc FRANCINA, Yves FROMION, Franck GILARD, Jean-Jacques GUILLET, Jean-François MANCEL, Muriel MARLAND-MILITELLO, Patrice MARTIN-LALANDE, Henriette MARTINEZ, Christian MÉNARD, Jean-Marie MORISSET, Alain MOYNE-BRESSAND, Yanick PATERNOTTE, Bernard PERRUT, Henri PLAGNOL, Bérengère POLETTI, Josette PONS, Jean PRORIOL, Jean-Luc REITZER, Bernard REYNÈS, Francis SAINT-LÉGER, Fernand SIRÉ, Daniel SPAGNOU, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Dominique TIAN, Michel VOISIN et André WOJCIECHOWSKI,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi vise à tirer les conséquences d’un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) du 14 octobre 2010 « Union syndicale Solidaires Isère » sur le temps de travail des titulaires des contrats d’engagement éducatif (CEE).
Dans cet arrêt, le juge communautaire estime que le contrat d’engagement éducatif n’est pas conforme à la législation européenne du travail dans la mesure où il ne prévoit pas de repos quotidien ou, au minimum de périodes équivalentes de repos compensateur adaptées aux contraintes particulières de l’exercice.
L’article 3 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, prévoit en effet que : « les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives ».
Or, le propre de l’activité d’engagement éducatif est d’assurer une surveillance et un encadrement permanents et continus des mineurs accueillis dans des centres de vacances ou de loisirs. L’apport pédagogique et éducatif de ces centres réside précisément dans ce mode de fonctionnement original et spécifique, selon lequel les mineurs accueillis vivent en permanence et durant plusieurs jours avec leurs animateurs et directeurs.
Aussi, l’application immédiate et sans aménagement de cet arrêt de la CJUE en France pourrait faire peser des menaces juridiques et financières extrêmement lourdes sur les centres de vacances et de loisirs concernés : annulation des séjours, augmentation des coûts, baisse de la fréquentation, fermeture de structures, licenciements ... Surtout, pour un grand nombre de familles, y compris « moyennes », le renchérissement des coûts des centres de vacances et de loisirs se traduira ni plus ni moins par l’impossibilité d’envoyer leurs enfants en vacances. Or, priver les enfants de vacances, c’est aussi les empêcher d’accéder à des activités de qualité, ainsi qu’à des espaces de socialisation et vie en collectivité. C’est également leur fermer l’accès à l’apprentissage des valeurs sociales, de la tolérance et de la citoyenneté.
Cet arrêt communautaire ne tient pas compte des caractéristiques propres à l’engagement éducatif, dont le volontariat constitue le socle et un pilier essentiel du bon fonctionnement des accueils collectifs de mineurs. L’engagement éducatif permet à toute personne volontaire de participer et contribuer, durant son temps libre, à une mission éducative et sociale d’intérêt général. En outre, il apporte un espace d’engagement et de citoyenneté, en particulier pour les jeunes adultes, ce qui est d’un apport substantiel pour la société.
La mise en conformité de la réglementation française avec l’arrêt de la CJUE risque donc d’aboutir à des mesures inapplicables et surtout préjudiciables, tant du point de vue social et éducatif que des points de vue opérationnel et financier.
Les centres de vacances et de loisirs assurant l’accueil collectif de mineurs sont régis par les articles L. 227-4 à L. 227-12 du code de l’action sociale et des familles, et par le décret n° 2002-883 du 3 mai 2002. Ils permettent à 4,5 millions d’enfants chaque année de bénéficier d’activités de loisirs éducatifs de qualité, durant les congés scolaires et en dehors des heures de classes. On dénombre 36 000 directeurs occasionnels et plus de 200 000 animateurs occasionnels, par an, dans les accueils collectifs de mineurs.
Les spécificités des activités des personnels pédagogiques dans ces accueils collectifs de mineurs nécessitaient de définir un régime adapté, répondant notamment à la nécessité d’assurer une présence permanente auprès des enfants, de tenir compte du caractère occasionnel de la collaboration des personnels, de déterminer leur temps de travail effectif et de permettre leur participation à l’élaboration et à la conduite du projet pédagogique.
C’est la raison pour laquelle la loi du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l’engagement éducatif a institué le contrat d’engagement éducatif, qui autorise les personnes qui, durant leurs congés ou leur temps de loisirs, souhaitent participer occasionnellement à l’animation ou à la direction des accueils collectifs de mineurs de le faire, moyennant une rémunération forfaitaire.
La loi prévoit que la durée du travail des personnes titulaires d’un contrat d’engagement éducatif est fixée par une convention ou un accord de branche étendu, ou à défaut par décret, le nombre de journées travaillées ne pouvant excéder pour chaque personne un plafond annuel de quatre-vingts.
Le présent texte s’inspire de la solution retenue dans la proposition de loi de notre collègue M. Pierre Morel-A-L’Huissier relative à la création d’un statut de sapeur pompier volontaire, adoptée par notre Assemblée en mai dernier.
La proposition de loi visant à créer un statut du sapeur-pompier volontaire s’est en effet heurtée à la même difficulté que celle rencontrée pour les contrats d’engagement éducatif (CEE), la directive 2003/88/CE sur le temps de travail imposant un temps de repos de 11 h consécutives par jour pour chaque travailleur.
La solution qui a été trouvée – en lien étroit avec le Conseil d’État – tend à créer un statut à part dans la loi pour les sapeurs-pompiers volontaires, qui déroge en tout état de cause à la directive 2003/88/CE.
C’est pourquoi l’article unique de la présente proposition de loi vise à préciser la nature et les caractéristiques de l’engagement éducatif. En effet, jusqu’à présent, l’engagement éducatif est seulement défini, à l’article L. 432-1 du code de l’action sociale et des familles, comme le fait, pour une personne physique, de participer de façon occasionnelle à des fonctions d’animation ou de direction d’un accueil collectif de mineurs organisé à l’occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs, dans les conditions prévues aux articles L. 227-4 et suivants du code de l’action sociale et des familles.
Il est ainsi proposé d’insérer au début de l’article L. 432-1 un nouvel alinéa aux termes duquel il est mentionné que l’activité d’engagement éducatif repose sur le volontariat et implique l’adhésion à un projet pédagogique et social, et qu’elle est exercée à titre occasionnel et saisonnier, dans des conditions qui lui sont propres, eu égard notamment à la nécessité d’assurer une présence permanente et continue auprès des mineurs faisant l’objet d’un accueil collectif à caractère éducatif.
Cette définition permettrait d’échapper aux dispositions de la directive 2003/88/CE concernant l’obligation de repos quotidien, les spécificités de l’engagement éducatif étant clairement énoncées dans la loi. Il s’agit en effet d’éviter que les titulaires de contrats d’engagement éducatif exerçant des activités occasionnelles et saisonnières dans des centres de vacances et de loisirs ne soient indisponibles pour les jeunes en raison de l’obligation de repos quotidien de 11 heures.
L’adoption de cette proposition de loi serait un signal vis-à-vis de Bruxelles. Toutefois, elle n’empêcherait pas une éventuelle requalification par la juge communautaire. C’est pourquoi il importe que, parallèlement, la directive européenne sur l’aménagement du temps de travail, qui est en cours de révision, puisse explicitement prévoir dans ses dispositions que l’activité d’engagement éducatif relève des dérogations concernant les périodes de repos compensateur, de sorte que les titulaires de contrats d’engagement éducatif soient soustraits du champ d’application de la directive 2003/88/CE.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Avant le premier alinéa de l’article L. 432-1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’activité d’engagement éducatif, qui repose sur le volontariat et implique l’adhésion à un projet pédagogique et social, est exercée à titre occasionnel et saisonnier, dans des conditions qui lui sont propres, eu égard notamment à la nécessité d’assurer une présence permanente et continue auprès des mineurs faisant l’objet d’un accueil collectif à caractère éducatif. »