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N° 3794

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 octobre 2011.

PROPOSITION DE LOI

relative à la suppression de la discrimination dans les délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Catherine QUÉRÉ, Jean-Marc AYRAULT, Patrick BLOCHE, Michel DESTOT, Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Claude BARTOLONE, Christian BATAILLE, Delphine BATHO, Marie-Noëlle BATTISTEL, Serge BLISKO, Daniel BOISSERIE, Christophe BOUILLON, Monique BOULESTIN, Pierre BOURGUIGNON, Danielle BOUSQUET, François BROTTES, Thierry CARCENAC, Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Guy CHAMBEFORT, Alain CLAEYS, Marie-Françoise CLERGEAU, Pierre COHEN, Catherine COUTELLE, Michèle DELAUNAY, Guy DELCOURT, François DELUGA, Bernard DEROSIER, Julien DRAY, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Laurence DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Corinne ERHEL, Michel FRANÇAIX, Jean-Louis GAGNAIRE, Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Paul GIACOBBI, Daniel GOLDBERG, Pascale GOT, Marc GOUA, Jean GRELLIER, Christian HUTIN, Monique IBORRA, Françoise IMBERT, Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Armand JUNG, Marietta KARAMANLI, Jean-Pierre KUCHEIDA, Jérôme LAMBERT, Colette LANGLADE, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Annick LE LOCH, Patrick LEMASLE, Annick LEPETIT, Bernard LESTERLIN Michel LIEBGOTT, Victorin LUREL, Louis-Joseph MANSCOUR, Jacqueline MAQUET, Jean-René MARSAC, Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, Gilbert MATHON, Sandrine MAZETIER, Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Philippe NAUCHE, Marie-Renée OGET, Michel PAJON, Germinal PEIRO, Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Martine PINVILLE, Philippe PLISSON, Dominique RAIMBOURG, Marie-Line REYNAUD, Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Michel SAINTE-MARIE, Odile SAUGUES, Jean-Louis TOURAINE, Marisol TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, Michel VERGNIER, Philippe VUILQUE et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

____________________________

(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Marie-Claude Marchand, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Marie-Renée Oget, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, Gwendal Rouillard, René Rouquet, Alain Rousset, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Apeleto Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo, Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le droit doit être compréhensible, ce qui est à la fois une obligation constitutionnelle et un devoir pour le législateur. À cet égard, la loi du 29 juillet 1881 est loin de présenter la clarté désirée concernant les régimes des crimes et délits de « discrimination commis par voie de presse ou par tout autre moyen » à l’encontre d’une personne, à raison de son origine, de son ethnie, de sa race vraie ou supposée, de sa religion, d’une part, ou de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son handicap de l’autre . La différence de régime entre ces deux types d’infraction doit être considérée comme une anomalie que le législateur se doit de rectifier au plus vite.

Longtemps, en effet, la tenue de propos discriminatoires n'a pas été sanctionnée de la même façon selon les types de discriminations. Certes, petit à petit, les peines encourues ont pu être nivelées par la loi 2004-204 du 9 mars 2004, non sans mal(1) ; pour autant tel n’est pas encore le cas des délais de prescription de l’action publique qui les concernent.

Alors même que les infractions sont considérées aujourd'hui comme équivalentes au regard de l’échelle des peines encourues – les sanctions sont à présent les mêmes – les délais de l’action pénale varient suivant le motif de la discrimination dont la personne est victime.

Il faut rappeler que le délai de prescription de l’action publique est fixé par l’article 65 de la loi de 1881 à trois mois pour toutes les infractions qu’elle prévoit, qu’il s’agisse de crimes, délits et contraventions. Néanmoins les diffamations et les injures pour violence raciale ou religieuse bénéficient d’une prescription d'un an depuis la loi du 9 mars 2004, « en raison de leur gravité » alors que, dans les mêmes circonstances, la prescription de délits analogues, reste celle du « droit commun » de la loi, soit trois mois, une durée particulièrement courte pour agir.

Ainsi si l’infraction est fondée sur un critère racial ou assimilé, le Parquet, sous réserve qu’il soit éclairé, et la victime, si elle emprunte la voie de la constitution de partie civile, disposent de 12 mois à compter de l’infraction pour agir ; si le critère constitutif de l’infraction est l’homophobie ou le handicap ou le sexisme, l’État et la victime disposent d’un délai quatre fois plus court.

Cette distinction se comprend d’autant moins que, lorsqu’elle peut être introduite sur le fondement du code pénal et non de la loi sur la presse, l’action publique se prescrit, dans tous les cas, selon les mêmes délais (seuls les crimes contre l’humanité étant imprescriptibles) : dix ans en matière criminelle, trois ans en matière délictuelle et un an en matière contraventionnelle. Comme le faisait observer Dominique Perben, Garde des sceaux, au Sénat en seconde lecture de la loi de 2004, « Les messages de discrimination, qu'ils soient antisémites, racistes ou xénophobes, doivent faire l'objet d'une répression sans faille. Or leur poursuite et leur répression se trouvent parfois entravées par la brièveté du délai de prescription prévu par la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

« Ce délai est de trois mois. Trois mois, c'est très court, surtout quand les infractions ont été commises dans le cyber-espace – ce qui est de plus en plus fréquent – et qu'il faut retrouver l'internaute ou les internautes qui sont les auteurs des messages d'intolérance »

Ce raisonnement est valable aussi pour les autres discriminations, injures ou incitation à la haine.

Conformément aux valeurs de notre temps, il est donc proposé de procéder à l'alignement des délais pendant lesquels l'action publique peut être engagée sur le fondement de la loi de 1881 sur la presse. Il convient de faire cesser l’inégalité engendrée par cette ultime discrimination, puisque, aujourd’hui encore, la provocation à la haine à la discrimination, quelle qu’en soit la cause peut tuer.

Il est proposé dans l’article 1er de clarifier l’alinéa 9 en mettant sur le même plan toutes les provocations, à savoir la provocation à la haine, la provocation à la violence et la provocation à la discrimination quelle qu’en soit la cause. Sur le fond la modification est symbolique mais elle s’impose en raison de la construction de l’alinéa 8 qui traite des mêmes sujets.

L’article 2 propose l’alignement des délais spéciaux d’un an pour la prescription de l’action publique pour les délits de provocation à la discrimination, la haine et la violence (art. 2, I), de diffamation (art. 2, II-), d’injure (art. 2, III-), commis à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap.

Tableau récapitulatif des infractions, peines et délais de prescription concernés par la proposition de loi

Infractions

+

Circonstances-

Articles

de la loi de 1881

Peines principales

Prison /amendes

Délais de prescription

Provocation commise en public à la discrimination, haine violence

A raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion

- 24 al 5

loi de 1881

1an

45 000€

1 an

Provocation commise en public à la discrimination, haine violence

A raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap

Art. 24 al. 9

loi de 1881

1an

45 000€

3 mois

Diffamation

commise en public

A raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion

Art. 23, 29 al. 1

et 32 al. 2

loi de 1881

1an

45 000€

1 an

Diffamation

commise en public

A raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap

Art. 23, 29 al. 1

et 32 al. 3

loi de 1881

1an

45 000€

3 mois

Injure publique

A raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion

Art. 23, 29 al. 2

et 33 al. 3

loi de 1881

6 mois

22 500€

1 an

Injure publique

A raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap

Art. 23, 29 al. 1

et 33 al. 4

loi de 1881

6 mois

22 500€

3 mois

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le neuvième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :

1° Après la première occurrence du mot : « provoqué », sont insérés les mots : « à la discrimination, » ;

2° Après le mot : « handicap », la fin de cet alinéa est supprimée.

Article 2

L’article 65-3 de la même loi est ainsi modifié :

1° La première occurrence du mot : « alinéa » est remplacée par les mots : « et neuvième alinéas » ;

2° La deuxième occurrence du mot : « alinéa » est remplacée par les mots : « et troisième alinéas » ;

3° La dernière occurrence du mot : « alinéa » est remplacée par les mots : « et quatrième alinéas ».

1 () Cf. la proposition de loi n° 1194 portant pénalisation des propos à caractère discriminatoire ; rejetée le 27 novembre 2003 par la majorité pour « réflexion » en attendant un texte d’origine gouvernementale n’a sans aucun doute obligé ce dernier à agir rapidement.


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