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N° 3913

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 novembre 2011.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’exploitation numérique
des livres indisponibles du XXe siècle,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Hervé GAYMARD, Jacques REMILLER, Philippe COCHET, Marie-Louise FORT, Jean-Marc LEFRANC, Jérôme CHARTIER, Jacques GROSPERRIN, Christophe GUILLOTEAU, Jean-Marie SERMIER, Geneviève COLOT, François CORNUT-GENTILLE, Arnaud ROBINET, Alain MARTY, Gérard CHERPION, Michel PIRON, Olivier DOSNE, Christian MÉNARD, Dino CINIERI, Bruno BOURG-BROC, Nicolas FORISSIER, Christian VANNESTE, Jean-François MANCEL, Marianne DUBOIS, Paul DURIEU, Anne GROMMERCH, Françoise HOSTALIER, Jean-Michel FERRAND, Jean-Marie BINETRUY, Marc FRANCINA, Michel GRALL, Gaël YANNO, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Sophie DELONG, Dominique DORD, Paul SALEN, Georges COLOMBIER, Cécile DUMOULIN, Michel VOISIN, Jean-Michel COUVE, Jean-Yves COUSIN, Michel LEJEUNE, Paul JEANNETEAU, Jean ROATTA, Jacques LAMBLIN, Guy GEOFFROY, Yanick PATERNOTTE, Philippe Armand MARTIN, Muriel MARLAND-MILITELLO, Jacques LE GUEN, Michèle TABAROT, Loïc BOUVARD, Guy MALHERBE, Bernard DEPIERRE, Arlette GROSSKOST, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Jean-Marc ROUBAUD, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MYARD, Bérengère POLETTI, Valérie BOYER, Françoise de PANAFIEU, Michel RAISON, Daniel FASQUELLE, Isabelle VASSEUR, Bernard PERRUT, Françoise BRANGET et Pierre-Christophe BAGUET,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi a été élaborée dans le cadre d’une réflexion conjointe entre le Gouvernement, l’Assemblée Nationale et le Sénat. Elle est déposée dans les mêmes termes dans chacune des deux Assemblées.

La disponibilité du livre au format numérique est désormais une réalité.

Pour les nouveautés, les titres sont aujourd’hui édités dans des formats électroniques natifs, permettant une commercialisation numérique. Ainsi, une grande partie des 654 romans de la rentrée littéraire 2011 a été proposée conjointement sous forme imprimée et sous forme digitale.

Pour le patrimoine, les bibliothèques publiques regardent la numérisation de leurs collections comme un impératif et, partout dans le monde, se créent de vastes bibliothèques numériques, telle que Gallica pour la Bibliothèque nationale de France.

Pourtant, entre l’offre de véritables livres numériques (ou e-books), postérieurs pour l’essentiel aux années 2000 et les ressources des bibliothèques numériques, limitées aux titres du domaine public (XVe-XIXe siècles), la production éditoriale du XXe siècle, toujours protégée par le droit d’auteur, reste difficilement accessible au public.

En effet, pour des raisons de faible rentabilité économique, une grande partie des titres publiés au XXe siècle n’a pas été rééditée. Les titres sont épuisés sous forme imprimée, indisponibles dans le commerce et ne sont plus accessibles que dans les bibliothèques. Dans ce contexte, la numérisation est le seul horizon envisageable pour faire renaître cet important corpus, mais elle n’est juridiquement pas possible, car la titularité des droits numériques est incertaine.

La raison en est que les éditeurs n’ont fait figurer des dispositions relatives à l’exploitation numérique dans les contrats qu’à partir de la fin du XXe siècle. Les droits numériques sur ces œuvres relativement anciennes sont revendiqués tant par les auteurs que par les éditeurs. Une campagne systématique d’adaptation de centaines de milliers de contrats anciens à la réalité digitale constituerait, pour eux, un travail difficile, disproportionné et peu rationnel du point de vue économique. Hors quelques titres au potentiel commercial réel, les modèles d’affaires sous-jacents à la réexploitation numérique de ces œuvres sont ceux de la longue traîne, peu compatibles avec les coûts de transaction qu’entrainerait la mise à jour des contrats. Par conséquent, à l’heure actuelle, les éditeurs, acteurs naturels de la valorisation des œuvres, ne peuvent pas envisager d’exploitation numérique marchande dans un environnement juridique sécurisé.

Quant aux bibliothèques, elles ne sont pas davantage titulaires des droits numériques sur ces œuvres indisponibles. Certes, l’absence d’exploitation par les éditeurs les amènent à le penser, au nom de l’élargissement de la société de la connaissance. Elles estiment en avoir la légitimité, en raison des efforts qu’elles ont déployés pour conserver les livres. Néanmoins, en l’état du droit, la reproduction numérique par les bibliothèques d’œuvres protégées, sans qu’elles y soient autorisées, constitue une contrefaçon, quand bien même lesdites œuvres ne seraient plus exploitées par les ayants droit.

Cet état de fait est d’autant plus regrettable que le XXe siècle a été une période d’intense production éditoriale et que les œuvres indisponibles peuvent être évaluées, en première analyse, à 500 000 titres, soit un corpus comparable à celui des livres aujourd’hui disponibles aux catalogues des éditeurs.

La situation est incompréhensible pour le lecteur, puisqu’elle crée une discontinuité d’un siècle dans le corpus des livres disponibles au format numérique. C’est pourquoi elle a facilité les attaques contre le droit d’auteur, perçu comme une entrave au développement de la société de l’information.

Il importe de trouver des solutions juridiques et économiques innovantes au problème des œuvres indisponibles, qui réconcilient les objectifs de la société de l’information et le droit d’auteur et montrent que ce dernier est suffisamment flexible pour être adapté, sans pour autant que ses fondements ne soient remis en cause.

Le mécanisme fondamental permettant de régler, de manière consensuelle entre auteurs et éditeurs, la question de la titularité des droits, est l’instauration d’une gestion collective des droits numériques sur les œuvres indisponibles par une société de perception et de répartition des droits (SPRD).

Ce mécanisme nécessite une modification du code de la propriété littéraire et artistique, objet de la présente proposition de loi, qui poursuit deux objectifs principaux.

Il s’agit tout d’abord d’éviter le trou noir que représente le XXe siècle pour la diffusion numérique des livres français en permettant à des œuvres devenues indisponibles, dont certaines très récentes, de trouver une nouvelle vie au bénéfice des lecteurs. Par là, la proposition vise à offrir les conditions du développement d’une offre légale abondante de livres numériques pour faire démarrer ce marché naissant.

La proposition vise, ensuite, à replacer les ayants droit au premier plan de la valorisation et de l’exploitation des œuvres, en évitant toute nouvelle exception au droit d’auteur. Il s’agit de permettre aux auteurs et aux éditeurs de se réapproprier leurs droits, afin de les exploiter selon des modèles différents du commerce des nouveautés mais qui, grâce à l’internet et aux effets de longue traîne, peuvent trouver leur pertinence et leur équilibre.

Au moment où Google renonce, aux États-Unis, à son accord transactionnel (« Settlement ») qu’il espérait conclure avec les ayants droit du monde entier pour faire valider la copie, sans autorisation, des œuvres protégées conservées par les bibliothèques, la mise en œuvre du présent texte ferait de la France le premier pays au monde à disposer d’un mécanisme moderne et efficace pour régler la question des œuvres indisponibles, qui constitue aujourd’hui un obstacle majeur à la numérisation de notre patrimoine éditorial.

***

L’article 1er de la loi introduit dans le code de la propriété intellectuelle un nouveau chapitre créant un régime juridique spécifique pour l’exploitation numérique d’une catégorie circonscrite d’œuvres indisponibles. Ce chapitre complète le titre III du livre premier du code consacré plus généralement à l’exploitation des droits d’auteur et crée huit nouveaux articles (L. 134-1 à L. 134-8).

L’article L. 134-1 du code de la propriété intellectuelle précise le périmètre des œuvres indisponibles concernées par ce régime particulier d’exploitation et de gestion des droits numériques. Ces œuvres doivent répondre à plusieurs conditions de forme, de date et de formalisme. D’une part, elles doivent avoir fait l’objet d’une publication sous forme de livre, qu’il s’agisse d’œuvres écrites ou d’œuvres graphiques (illustrations, photographies). D’autre part, ne sont concernées que les œuvres publiées en France avant le 31 décembre 2000, la mention de l’année de publication figurant sur la notice du catalogue général de la Bibliothèque nationale de France faisant foi. En effet, dans la grande majorité des contrats d’édition passés avant cette date, la question de la titularité des droits d’exploitation numérique n’est pas résolue. De plus, seules sont concernées les œuvres pour lesquelles il est constaté une indisponibilité de nature commerciale, c’est-à-dire celles qui ne sont plus disponibles à la vente de façon licite sous quelque format que ce soit, imprimé ou numérique, la notion d’indisponibilité commerciale renvoyant par ailleurs à une absence de commercialisation par l’éditeur même. Ces œuvres doivent faire l’objet d’une inscription sur un répertoire public.

L’article L. 134-2 du code de la propriété intellectuelle porte création de la base de données publique qui doit répertorier l’ensemble des œuvres indisponibles entrant dans le champ de la loi. La loi renvoie à un décret la désignation de l’organisme qui sera chargé de créer et de gérer ce répertoire, en inscrivant notamment le refus d’inscription dans le dispositif, l’exercice éventuel d’un droit de préférence par l’éditeur, la sortie du dispositif de gestion collective par accord commun de l’auteur et de l’éditeur.

La neutralité du dispositif par rapport aux contrats d’édition est prévue par la loi : l’inscription d’une œuvre dans la base de données ne constituera pas un fondement juridique pour constater une carence dans l’exploitation permanente et suivie par l’éditeur permettant la récupération de ses droits par l’auteur.

L’article L. 134-3 du code de la propriété intellectuelle pose le principe du recours à un mécanisme de gestion collective des droits d’exploitation numérique des œuvres considérées comme indisponibles au sens de l’article L. 134-1. Un tel mécanisme a déjà été instauré dans le code de la propriété intellectuelle pour la gestion du droit de reproduction par reprographie, du droit de prêt en bibliothèque ainsi que du droit d’autoriser la retransmission par câble.

L’article L. 134-3 précise l’étendue des droits soumis à une gestion collective. Ces droits visent à la fois les actes de reproduction dans un format numérique et les actes de représentation lorsqu’ils sont effectués via un réseau de communication au public en ligne. La diffusion en ligne mais également le téléchargement de l’œuvre sur un support entrent bien dans le champ de la loi. En revanche, l’impression de livres à la demande n’est pas prévue dans le cadre de la gestion collective dans la mesure où la loi ne vise pas la reproduction sur un support papier.

Cet article précise également les modalités de cession des droits : les droits entrent en gestion collective six mois après l’inscription des œuvres dans la base de données, délai permettant aux ayants droits d’exercer leur droit de sortie du dispositif.

L’article L. 134-3 définit les modalités de gestion de ces droits numériques et prévoit que cette gestion doit revenir à une société de perception et de répartition des droits. Il s’agirait d’une SPRD régie par le code de la propriété intellectuelle, celle-ci devrait être agréée par le ministre chargé de la culture.

Le mécanisme de gestion collective obligatoire envisagé ne repose pas sur une cession légale des droits à la société, comme cela est prévu pour le droit de reprographie, mais sur un simple transfert de l’exercice des droits à la SPRD comme dans le précédent du droit de retransmission par câble. La ou les sociétés agréées sont dotées de la faculté d’ester en justice pour la défense des droits concernés par le dispositif.

L’article L. 134-3 du code de la propriété intellectuelle définit les critères d’agrément de la société de gestion collective. Ces critères concernent les règles de direction et de fonctionnement de la société, les moyens mis en œuvre pour assurer l’exploitation, le recouvrement et la répartition des droits.

Quelques grands principes doivent régir les missions confiées à la société de gestion collective. Tout d’abord, les auteurs et les éditeurs doivent être représentés de manière paritaire au sein de la société, de même que les règles de répartition des droits entre auteurs et éditeurs doivent être équitables. Par ailleurs, dans la mesure où certaines des œuvres indisponibles concernées par le dispositif sont susceptibles d’être des œuvres dites orphelines, il a paru important de faire peser sur la SPRD une obligation de moyens s’agissant de la recherche et de l’identification des titulaires de droits, lorsque l’exploitation des droits aura généré un certain niveau de revenus en droits d’auteur. Enfin, l’objectif de la loi consistant à permettre au public d’accéder aux œuvres actuellement indisponibles, la société doit développer les moyens propres à favoriser la disponibilité de ces œuvres.

Le I de l’article L. 134-4 du code de la propriété intellectuelle aménage une dérogation au transfert de l’exercice des droits d’exploitation numérique à une société en autorisant l’auteur de l’œuvre ou l’éditeur ayant publié cette œuvre sous forme de livre, dans la mesure où ils sont titulaires de ces droits, à s’opposer à leur gestion collective.

La loi pose cependant des conditions à l’exercice de ce droit d’opposition. D’une part, l’auteur ou l’éditeur ne peut exercer ce droit d’opposition que dans un délai de 6 mois suivant l’inscription de l’œuvre au répertoire public créé par l’article L. 134-2. D’autre part, cette opposition doit respecter certaines règles de formalisme en étant notifiée par écrit à l’organisme gestionnaire du répertoire qui sera désigné par décret.

En outre, le II de l’article L. 134-4 fait peser une condition supplémentaire sur le seul éditeur, ce dernier ne pouvant s’opposer à l’entrée d’une œuvre de son catalogue dans le mécanisme de gestion collective que sous réserve de procéder, dans les deux ans suivant la notification de son opposition, à l’exploitation effective de cette œuvre et d’assurer sa disponibilité que ce soit sous format imprimé ou numérique. A défaut d’une telle exploitation dans le délai imparti, l’exercice des droits est de facto confié à la SPRD. En revanche, cette obligation d’exploitation ne pèse pas sur l’auteur qui peut toujours refuser que son œuvre soit exploitée sous forme numérique.

L’article L. 134-5 du code de la propriété intellectuelle encadre l’octroi des licences par la SPRD.

Dès qu’elle se trouve investie du droit d’autoriser la reproduction numérique et la communication en ligne d’une œuvre indisponible, la SPRD doit rechercher l’éditeur ayant initialement publié cette œuvre sous forme de livre dans le cadre d’un contrat d’édition. Dans le cas d’un rachat des contrats historiques d’un éditeur par un autre éditeur, c’est le racheteur que la SPRD recherchera. Toutes les fois que la SPRD trouve un éditeur, elle doit lui proposer par écrit de bénéficier d’un droit de préférence. Cette possibilité réservée à l’éditeur se fonde sur l’investissement financier engagé par ce dernier et sur le risque économique qu’il a pris en procédant à la publication et à la commercialisation de l’œuvre sous forme de livre. Elle répond également au souci de préserver la cohérence des catalogues des éditeurs. L’autorisation d’exploitation est délivrée par la SPRD à l’éditeur à titre exclusif pour une durée de dix ans renouvelable.

L’exercice du droit de préférence oblige l’éditeur à un certain formalisme : il doit répondre à la proposition de la SPRD par écrit et sous deux mois, il doit effectivement exploiter l’œuvre dans un format numérique ou imprimé, dans les trois ans suivant la notification de sa décision. L’éditeur doit apporter la preuve de l’exploitation.

Cet article prévoit également la possibilité pour l’auteur de s’opposer à l’exercice par l’éditeur de son droit de préférence si il apporte la preuve de la fin du contrat d’édition. Il peut exercer cette opposition dans les deux mois suivant la réponse de l’éditeur inscrite dans la base de données.

Par ailleurs, la loi encadre l’octroi des autorisations d’exploitation par la SPRD dans le cas où l’éditeur n’exerce pas son droit de préférence : dans ce cas, la SPRD peut autoriser la reproduction de l’œuvre dans un format numérique et sa représentation sur un réseau de communication au public en ligne par un utilisateur, moyennant une rémunération, à titre non exclusif et pour une durée limitée de cinq ans. Au terme de ces cinq années, l’utilisateur doit négocier une nouvelle licence avec la SPRD s’il souhaite continuer d’exploiter l’œuvre.

Enfin, la loi prévoit que la nouvelle exploitation ne doit pas être considérée comme une exploitation permanente et suivie au sens du code de la propriété intellectuelle et à ce titre ne décharge pas l’éditeur de ses obligations au regard du contrat initial.

L’article L. 134-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit les conditions de sortie du dispositif de gestion collective. L’auteur d’une œuvre et l’éditeur ayant publié cette œuvre sous forme de livre doivent notifier conjointement à la SPRD leur décision d’exploiter l’œuvre à titre exclusif dans le cadre d’un contrat d’édition. Dans la stricte mesure où il peut prouver qu’il est bien titulaire des droits numériques sur son œuvre, l’auteur notifie seul à la SPRD sa décision d’exploiter son œuvre ou de la faire exploiter sous une forme numérique.

La sortie du dispositif de gestion collective oblige l’éditeur à exploiter l’œuvre concernée dans un format numérique ou imprimé, dans les 18 mois suivant la notification. Cette obligation d’exploitation dans un temps donné ne pèse pas en revanche sur l’auteur seul titulaire des droits numériques sur son œuvre. La loi prévoit que l’exploitation licite par un tiers de l’œuvre qui cesse d’être indisponible, engagée avant la notification de sortie du dispositif par les ayants droits, peut se poursuivre jusqu’à son terme contractuel, sans que les ayants droits s’y opposent.

L’article L. 134-7 du code de la propriété intellectuelle renvoie à un décret les modalités d’application de ce chapitre, notamment les modalités d’accès à la base de données, la nature et le format des données collectées, les mesures de publicité auprès des ayants droits et les conditions de délivrance et de retrait de l’agrément des sociétés de perception et de répartition des droits.

Afin de préserver la possibilité pour les ayants droit de s’opposer à l’entrée de leurs œuvres dans le dispositif de gestion collective, il conviendra de prévoir par la voie réglementaire que l’inscription des œuvres dans la base de données doit faire l’objet d’une publicité concomitante suffisamment large et adaptée.

L’article 2 de la loi étend à la société de gestion collective agréée les obligations découlant actuellement de l’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle. Ainsi la société devra utiliser à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes, les sommes qu’elle aura perçues mais n’aura pu répartir, cela cinq ans après la date de mise en répartition de ces sommes. Cette mesure applicable aux « irrépartissables » s’avère d’autant plus nécessaire que les œuvres indisponibles sont susceptibles de répondre dans une certaine proportion à la définition des œuvres orphelines.

L’article 3 de la loi porte des dispositions d’application dans le temps et prévoit que l’entrée en vigueur des dispositions est conditionnée par la mise en œuvre du répertoire des œuvres indisponibles créé à l’article L. 134-2 du code de la propriété intellectuelle.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un chapitre IV ainsi rédigé ;

« Chapitre IV

« Dispositions particulières relatives
à l’exploitation numérique de certaines œuvres indisponibles »

« Art. L. 134-1. – On entend par œuvre indisponible, au sens du présent chapitre, une œuvre non disponible commercialement de façon licite dans un format papier ou numérique, publiée en France sous forme de livre avant le 31 décembre 2000 et inscrite sur la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« La date de publication de l’œuvre est déterminée par la mention de l’année de publication figurant sur la notice du catalogue général de la Bibliothèque nationale de France.

« Art. L. 134-2. – II est créé une base de données publique relative aux œuvres indisponibles. L’organisme chargé de mettre en œuvre cette base de données veille à son actualisation afin de maintenir à jour la liste des œuvres indisponibles et l’inscription des mentions prévues aux articles L. 134-4, L. 134-6 et L. 134-7. Cet organisme est désigné par décret.

« L’inscription de l’œuvre dans la base de données ne préjuge pas de l’application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

« Art. L. 134-3. – I. – Le droit d’autoriser la reproduction dans un format numérique et la représentation sur un réseau de communication au public en ligne d’une œuvre indisponible au sens de l’article L. 134-1 et inscrite dans la base de données mentionnée au premier alinéa de l’article L. 134-2 depuis plus de six mois est exercé par une société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III de la première partie du présent code et agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture.

« II. – La ou les sociétés agréées ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits mentionnés au premier alinéa.

« III. – L’agrément prévu au I du présent article est délivré en considération :

« 1° De la diversité des associés ;

« 2° De la représentation paritaire des auteurs et des éditeurs parmi les associés et au sein des organes dirigeants ;

« 3° De la qualification professionnelle des dirigeants ;

« 4° Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour assurer le recouvrement des droits et leur répartition ;

« 5° Du caractère équitable des règles de répartition des sommes perçues ;

« 6° Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour identifier et retrouver les titulaires de droits ;

« 7° Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour développer des relations contractuelles permettant d’assurer la plus grande disponibilité possible des œuvres.

« Art. L. 134-4. – I. L’auteur d’une œuvre indisponible au sens de l’article L. 134-1 ou l’éditeur ayant publié cette œuvre sous forme de livre dans le cadre d’un contrat d’édition défini aux articles L. 132-1 et suivants peut s’opposer à l’exercice de ses droits, tels que définis à l’article L. 134-3, par une société de perception et de répartition des droits. Cette opposition est notifiée par écrit à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134-2 dans un délai de six mois suivant l’inscription de l’œuvre concernée dans la base de données mentionnée au même alinéa.

« Mention de cette opposition est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« II. – L’éditeur ayant notifié son opposition dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d’exploiter, dans les deux ans suivant cette notification, l’œuvre indisponible concernée dans un format numérique ou imprimé. Il doit apporter par tout moyen la preuve de l’exploitation effective de l’œuvre à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134-2. À défaut d’exploitation de l’œuvre dans le délai imparti, la mention de l’opposition est supprimée dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2 et les droits sont exercés par une société de perception et de répartition des droits dans les conditions prévues à l’article L. 134-3.

« Art. L. 134-5. – À l’expiration du délai prévu au I de l’article L. 134-4 et à défaut d’opposition notifiée par l’auteur ou l’éditeur dans ce délai, la société de perception et de répartition des droits propose une autorisation de reproduction dans un format numérique et de représentation sur un réseau de communication au public en ligne d’une œuvre indisponible à l’éditeur ayant publié cette œuvre sous forme de livre dans le cadre d’un contrat d’édition défini aux articles L. 132-1 et suivants.

« Cette proposition est formulée par écrit. Elle est réputée avoir été refusée si l’éditeur n’a pas notifié sa décision par écrit dans un délai de deux mois à la société de perception et de répartition des droits.

« L’autorisation d’exploitation mentionnée au premier alinéa est délivrée par la société de perception et de répartition des droits à titre exclusif pour une durée de dix ans tacitement renouvelable.

« Mention de l’acceptation de l’éditeur est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« À défaut d’opposition de l’auteur apportant par tout moyen la preuve de la fin du contrat d’édition visé au premier alinéa, notifiée par écrit à la société de perception et de répartition des droits dans un délai de deux mois suivant la publication de la mention prévue à l’alinéa précédent, l’éditeur ayant notifié sa décision d’acceptation est tenu d’exploiter, dans les trois ans suivant cette notification, l’œuvre indisponible concernée dans un format numérique ou imprimé. Il doit apporter à cette société, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective de l’œuvre.

« À défaut d’acceptation de la proposition mentionnée au premier alinéa ou d’exploitation de l’œuvre dans le délai prévu à l’alinéa précédent, la reproduction de l’œuvre dans un format numérique et sa représentation sur un réseau de communication au public en ligne par un utilisateur peuvent être autorisées par la société de perception et de répartition des droits, moyennant une rémunération, à titre non exclusif et pour une durée limitée qui ne peut excéder cinq années.

« L’utilisateur auquel une société de perception et de répartition des droits a accordé une autorisation d’exploitation dans les conditions prévues au précédent alinéa est considéré comme l’éditeur du livre numérique au sens de l’article 2 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

« L’exploitation de l’œuvre dans les conditions prévues au présent article ne préjuge pas de l’application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

« Art. L. 134-6. – Une œuvre cesse d’être indisponible au sens de l’article L. 134-1, lorsque l’auteur de l’œuvre et l’éditeur ayant publié cette œuvre sous forme de livre dans le cadre d’un contrat d’édition défini aux articles L. 132-1 et suivants, notifient conjointement par écrit à la société mentionnée à l’article L. 134-3 leur décision d’exploiter l’œuvre à titre exclusif dans le cadre d’un contrat d’édition, ou lorsque l’auteur, pouvant prouver qu’il est le seul titulaire des droits définis à l’article L. 134-3, notifie par écrit à la société sa décision d’exploiter ou de faire exploiter l’œuvre à titre exclusif.

« Mention de cette notification est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« L’éditeur ayant notifié sa décision dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d’exploiter, dans les dix-huit mois suivant cette notification, l’œuvre concernée dans un format numérique ou imprimé. Il doit apporter à la société, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective de l’œuvre.

« La société informe tous les utilisateurs auxquels elle a accordé une autorisation d’exploitation que l’œuvre a cessé d’être indisponible.

« Les ayants droit d’une œuvre qui cesse d’être indisponible ne peuvent s’opposer à la poursuite de l’exploitation de cette œuvre licitement engagée avant la notification mentionnée au premier alinéa et pendant la durée restant à courir de l’autorisation mentionnée au cinquième alinéa de l’article L. 134-5.

« Art. L. 134-7. – Les modalités d’application du présent chapitre, notamment les modalités d’accès à la base de données prévue à l’article L. 134-2, la nature ainsi que le format des données collectées et les mesures de publicité appropriées à l’information des ayants droit, les conditions de délivrance et de retrait de l’agrément des sociétés de perception et de répartition des droits prévu à l’article L. 134-3, sont précisées par décret en Conseil d’État.

Article 2

Au troisième alinéa de l’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « des articles L. 122-10, L. 132-20-1, », est insérée la référence : « L. 134-3, ».

Article 3

Les dispositions de la présente loi sont applicables à compter de la mise en œuvre de la base de données publique mentionnée à l’article L. 134-2 du code de la propriété intellectuelle.


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