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N° 3975

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 novembre 2011.

PROPOSITION DE LOI

relative à la diffusion des contrats obsèques,
la revalorisation du capital investi
et la garantie de la qualité des prestations funéraires,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Georges COLOMBIER, Philippe GOSSELIN, Brigitte BARÈGES, Marc BERNIER, Jean-Marie BINETRUY, Xavier BRETON, Nicolas DHUICQ, Dominique DORD, François-Michel GONNOT, Michel GRALL, Jacques GROSPERRIN, Arlette GROSSKOST, Pascale GRUNY, Michel HERBILLON, Jacqueline IRLES, Lionnel LUCA, Muriel MARLAND-MILITELLO, Philippe MARTIN, Philippe MEUNIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Bernard PERRUT, Jean PRORIOL, Jacques REMILLER, Jean-Marie ROLLAND, Jean-Marie SERMIER, Éric STRAUMANN, Christian VANNESTE, Michel VOISIN, Jean-Pierre DECOOL, Bérengère POLETTI, Yannick FAVENNEC, Loïc BOUVARD, Jean-Claude MATHIS, Isabelle VASSEUR et Alain COUSIN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Ces dernières années ont été marquées par des contestations de plus en plus vives des contrats obsèques devant les juridictions nationales, à l’initiative de souscripteurs s’estimant lésés par le manque d’information autour de ce type de contrats et des organisations de défense des intérêts des consommateurs. Certaines juridictions n’ont pas encore livré leur décision mais, il est fort probable que l’on s’achemine vers une remise en cause profonde de ce mécanisme de financement des obsèques à l’avance qui rencontre de plus en plus de succès auprès des Français. Ainsi, selon la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA), le nombre de contrats d’assurance obsèques en cours dans les sociétés d’assurances à la fin du premier semestre 2010 s’élève à 2,6 millions, en progression de 11 % sur un an. Le montant des cotisations collectées au cours des douze derniers mois atteint quant à lui, 1 milliard d’euros soit une hausse de 14 % en un an.

L’importance économique, financière et sociale des contrats obsèques est de plus en plus grande comme son développement. Tant au niveau de la masse des primes collectées que du nombre de souscripteurs, cette technique de financement à l’avance des obsèques appelle dès lors, à un encadrement global couvrant l’ensemble des étapes de la relation contractuelle. Pour la première fois, une approche universelle est donc proposée afin d’encadrer, sans pour autant rigidifier, les modalités de mise en œuvre de ces contrats.

Le 6 mai 2010, se sont tenus, les premiers États Généraux des protections obsèques, organisés par l’Office Français de Prévoyance Funéraire, sous le haut patronage de Madame Nadine Morano, Secrétaire d’État chargée de la Famille et de la Solidarité, du Centre Technique des Institutions de Prévoyance (CTIP) et avec la participation de l’association de défense des consommateurs, UFC Que Choisir, des associations de familles, de l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF) et de la Fédération des Associations de Conjoints Survivants (FAVEC), des assureurs, des mutuelles, des professionnels du funéraire et de représentants de la Direction du trésor au ministère de l’Économie et des Finances. Les travaux ont fait l’objet d’une résolution finale appelant à une initiative législative globale à même de prendre en charge les préconisations qui suivent :

– Mise en place d’un label « Contrat obsèques » afin de mieux informer les souscripteurs quant à la nature du contrat auquel ils adhèrent, soit un contrat de financement proprement dit qui ne peut recevoir cette appellation, soit un contrat de prestations labellisé et certifié.

– Révision du mode de revalorisation des contrats obsèques, actuellement calqué sur le taux légal dont la variation à la baisse est pénalisante pour les souscripteurs.

– Renforcement de l’information des souscripteurs des contrats obsèques préalablement à une souscription et la vie durant.

– Suppression du fichier centralisant les contrats obsèques pour lequel aucun financement n’a été prévu.

– Contrôle de la qualité de l’exécution des prestations funéraires au décès par la désignation d’un tiers de confiance.

– Interdiction des accords d’exécution entre réseaux d’opérateurs funéraires et assureurs, mutuelles ou banques.

– Mise en place d’un groupe de travail chargé du suivi des résolutions adoptées.

Sur la base de ces conclusions, nous avons rencontré ces derniers mois, de nombreux acteurs (organisations professionnelles du funéraire, organisations de consommateurs, assurances…) de la protection obsèques en France.

De nos entretiens, se dégage fortement l’urgente nécessité d’une mesure législative destinée à encadrer l’information avant et après la souscription, jusqu’au dénouement du contrat.

Seule la clarification ainsi que la définition du contenu, revendiquées par l’ensemble des acteurs rencontrés, est de nature à permettre le rétablissement d’un climat concurrentiel apaisé et équilibré fondé sur une plus grande transparence des offres de protection (Art. 1 de la proposition).

La protection obsèques des majeurs protégés souffre d’un déficit d’encadrement donnant lieu à des divergences d’interprétation entre les juges des tutelles. Plus de 800 000 personnes protégées sont concernées par la clarification envisagée (Art. 2 de la proposition).

Afin de répondre à la demande, sans cesse croissante des consommateurs, la bancassurance et les organismes de prévoyance ont rivalisé d’imagination en diffusant une multitude d’offres de protection, faussant ainsi leur visibilité et compréhension auprès des souscripteurs. De simples formules de financement sont proposées sans aucune référence quant aux prestations couvertes, ni garantie d’affectation du capital constitué aux obsèques, comme l’a récemment sanctionné un arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 2010 (Art. 3 de la proposition).

Véritables initiateurs de la formule de financement des obsèques à l’avance, les opérateurs funéraires font par conséquent, face à une situation concurrentielle de nature à compromettre gravement leur pérennité sur le marché de plus en plus financiarisé avec l’intervention accrue des fonds de pension et d’investissement.

La revalorisation du capital est également une source de préoccupation pour le souscripteur. Certes la loi du 19 décembre 2008 a introduit l’article L. 2223-34-1 du code général des collectivités territoriales alignant la revalorisation des contrats obsèques sur le taux légal. La variation à la baisse de ce dernier crée une véritable insécurité juridique et financière (3,99 % en 2009, 0,65 % en 2010) pour les souscripteurs, le capital disponible, à terme, ne couvrant plus la totalité des prestations prévues. Au cours des dix dernières années, le taux légal est resté systématiquement très en dessous des rendements servis par les fonds généraux : jusqu’à plus de deux fois inférieur.

La réintégration du rendement financier des contrats obsèques dans le Code des assurances est plus que souhaitée dans la mesure où leur mode de financement est essentiellement une assurance vie. La garantie d’une revalorisation a minima est maintenue (Art. 4 de la proposition).

La création d’un fichier centralisant les contrats obsèques a fait l’objet de l’article L. 2223-34-2 du code général des collectivités territoriales introduit par la loi du 19 décembre 2008, qui n’a pas prévu son financement. Aucune disposition réglementaire n’est venue conforter sa mise en place, d’autant plus que les mécanismes opérationnels mis en place dans le cadre de l’AGIRA couvrent largement l’attente des familles en la matière. Néanmoins, leur amélioration, sur la base d’un engagement volontaire de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA) est souhaitée. Lors des auditions, la FFSA a proposé la mise en place d’un accès internet permettant une recherche rapide, limitée par le délai relatif à l’inhumation ou la crémation, de l’existence d’un contrat obsèques (Art. 5 de la proposition).

Ces dernières années ont été marquées par l’apparition sur le marché des obsèques des conventions de partenariat entre des assureurs, des banques et des institutions de prévoyance et des groupements ou réseaux d’opérateurs funéraires et ayant pour objet l’exécution de prestations convenues dans le cadre de formules dites « packagées » diffusées à grande échelle. À très court terme, ces conventions ne manqueront pas de créer des situations d’abus de position dominante risquant de compromettre l’avenir des entreprises indépendantes. En effet, des plateaux distributeurs de décès exigeront des entreprises funéraires un alignement tarifaire, ainsi qu’une « ristourne » obérant la marge bénéficiaire de ces dernières. Des pratiques portant sur la facturation à l’entreprise exécutante des frais d’intervention du plateau d’assistance de l’ordre de 10 % du montant total de la facture d’obsèques sont actuellement dénoncées par les associations de consommateurs et les entreprises. Ces frais sont forcément répercutés aux familles des défunts, participant ainsi à la tendance inflationniste du prix des prestations funéraires.

Il importe par conséquent, que l’initiative envisagée veille à imposer aux organismes diffuseurs de ces formules la garantie introduite par la loi du 15 novembre 1887 et relative à la liberté de choix de l’opérateur funéraire par le souscripteur (Art. 6 de la proposition).

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 132-5-2 du code des assurances est complété par six alinéas ainsi rédigés :

« Ne peuvent être qualifiés de formules de financement en prévision d’obsèques ou de contrat de prévoyance funéraire que les contrats d’assurance vie, au sens des articles L. 310-1 et L. 321-1, qui prévoient expressément l’affectation à la réalisation des obsèques du souscripteur ou de l’adhérent du capital versé à un bénéficiaire librement désigné par lui. Ce dernier peut être une entreprise de pompes funèbres.

« Le souscripteur ou l’adhérent d’un contrat visé à l’alinéa précédent peut choisir d’y adjoindre un contrat de prestation funéraire. A défaut, le contrat de financement en prévision d’obsèques souscrit auprès d’une société d’assurances doit faire expressément mention de l’absence de prestations funéraires prédéfinies.

« Sont interdites toute référence ou mention, notamment devis type de prestations, références tarifaires ou encore référencement d’un réseau de pompes funèbres, dans tout document commercial pouvant être interprété par le souscripteur d’une formule de financement d’obsèques comme équivalant à la prédétermination de prestations funéraires.

« L’utilisation de la formule “contrat obsèques” ou équivalente n’est autorisée que pour les contrats intégrant un volet prestations détaillé.

« Le souscripteur ou l’adhérent d’une formule de financement d’obsèques peut librement choisir les modalités et conditions de ses obsèques qui doivent alors figurer dans un contrat de prestation funéraire établi, sous seing privé, avec une entreprise de pompes funèbres et conformément aux dispositions de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles.

« Le contrat de prestation funéraire doit faire figurer de manière claire, visible et sans équivoque qu’il s’agit de prestations funéraires définies dans le cadre d’une formule de financement en prévision d’obsèques. »

Article 2

Après l’article L. 132-4-1 du code des assurances, il est inséré un article L. 132-4-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 132-4-2. – La souscription d’une protection obsèques pour le compte d’un majeur protégé est autorisée dans la mesure où les conditions générales du contrat précisent que le capital constitué est affecté au financement des obsèques et que le bénéficiaire exclusif est l’opérateur funéraire en charge des obsèques.

« Le tuteur ne peut en aucun cas être désigné comme bénéficiaire. Le mandat du tuteur s’achève avec le décès du majeur protégé. »

Article 3

Après l’article L. 132-5-3 du code des assurances, sont insérés deux articles L. 132-5-4 et L. 132-5-5 ainsi rédigés :

« Art. L. 132-5-4. – Avant la conclusion d’un contrat obsèques, l’assureur ou son intermédiaire doit remettre au souscripteur ou à l’adhérent une notice d’information qui doit faire expressément apparaître, sous peine de nullité du contrat, les données relatives à la durée du contrat, le montant du capital garanti, les frais d’entrée, l’existence d’une période de carence, les modalités de désignation des bénéficiaires, la revalorisation du capital, les garanties d’assistance, ainsi que les modalités de versement du capital au décès.

« Cette notice fait l’objet d’un référentiel élaboré par arrêté du ministre de l’économie et des finances.

« Art. L. 132-5-5. – La situation annuelle mentionne également le type de contrat souscrit, le capital garanti, le résultat net et brut de la revalorisation du capital, ainsi que l’échéancier des primes restant à verser. »

Article 4

Le dernier alinéa de l’article L. 2223-34-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Tout contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance comporte un mécanisme de revalorisation annuelle dans les conditions prévues à l’article L. 123-5 du code des assurances et fait l’objet d’une information annuelle conformément à l’article L. 132-22 du même code. »

Article 5

I. – L’article L. 2223-34-2 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

II. – Après l’article L. 132-5-2 du code des assurances, il est inséré un article L. 132-5-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 132-5-2-1. – Les assureurs autorisent un accès électronique permettant aux familles et aux opérateurs funéraires de connaître si le défunt avait contracté de son vivant un contrat obsèques. Le délai de réponse à ces demandes ne saurait excéder un délai maximum de 48h. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de cet accès. »

Article 6

Après l’article L. 132-5-2 du code des assurances, il est inséré un article L. 132-5-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 132-5-2-2. – Sont prohibées les conventions par lesquelles des assureurs ou des organismes diffusant des garanties obsèques référencent un réseau d’opérateur funéraire en vue de l’exécution de prestations funéraires. Seule la désignation à titre individuel d’un opérateur choisi par le souscripteur au moment de la signature est autorisée. En cas de défaillance de l’opérateur désigné, l’assureur proposera un opérateur suppléant.

« Toute convention permettant à un plateau de distribution de décès issus de protections obsèques collectives ou individuelles de facturer des frais d’intervention à un opérateur funéraire est nulle et non avenue. Elle expose le contrevenant à une amende de 15 000 euros par infraction commise. »


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