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N° 4458

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mars 2012

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE relative aux modalités, au financement et à l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France,

Président

M. Daniel GOLDBERG

Rapporteur

M. Pierre MORANGE

Députés

——

La commission d’enquête relative aux modalités, au financement et à l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France est composée de : M. Daniel Goldberg, président ; M. Pierre Morange, rapporteur ; M. Didier Gonzales, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Yanick Paternotte, M. François Pupponi, vice-présidents ; M. François Asensi, Mme Françoise Briand, M. Gérard Gaudron, M. François Lamy, secrétaires ; M. Jacques Alain Bénisti, M. Patrick Bloche, M. Patrice Calméjane, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Olivier Dosne, M. Julien Dray, Mme Cécile Dumoulin, M. Michel Françaix, M. Philippe Goujon, M. Jean-François Lamour, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Annick Lepetit, M. Guy Malherbe, M. Henri Plagnol, M. Axel Poniatowski, M. Arnaud Richard, M. Yves Vandewalle.

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT

La constitution d’une commission d’enquête sur le fonctionnement et la modernisation du RER francilien en cette fin de législature pouvait prêter à interrogation. D’autres thèmes, d’autres sujets semblaient a priori plus propices aux investigations et débats dans un tel cadre.

Quoi qu’il en soit, le travail conduit par les membres de la commission s’est d’emblée inscrit dans le droit fil du contrôle que le Parlement se doit d’exercer régulièrement au titre de ses missions. L’examen approfondi d’un secteur essentiel dans la vie quotidienne de tous les usagers de ce réseau, en premier lieu les Franciliens qui l’utilisent quotidiennement, mais aussi les très nombreux habitants des autres régions ainsi que nos visiteurs étrangers, a d’autant plus retenu l’attention de la commission que le RER et, plus généralement, les transports collectifs d’Île-de-France, sont largement financés par des dotations publiques auxquelles s’ajoutent la contribution tarifaire des usagers et le produit du versement transport exigé des employeurs.

Par ailleurs, les deux opérateurs en charge du RER, la RATP et la SNCF, sont des entreprises nationales dotées de missions de service public. C’est également le cas de Réseau ferré de France (RFF) qui a la responsabilité de gérer les circulations sur une grande partie des voies empruntées par le RER et dispose même dorénavant de la propriété de l’infrastructure ferroviaire, c’est-à-dire – hors des parties relevant de la RATP sur les lignes A et B – de la quasi-totalité des équipements techniques constitutifs du réseau.

Face aux dysfonctionnements quotidiennement subis par les voyageurs du fait de la croissance du trafic sur un réseau conçu il y a plus de quarante ans mais auquel n’ont pas été consentis les investissements nécessaires, la commission a tenu à examiner les différents aspects d’une véritable « crise du RER » ressentie de manière similaire par les usagers et les personnels des opérateurs. C’est pourquoi la commission a tenu à écouter les représentants de ces parties prenantes dès le début de ses travaux, avec l’organisation à l’Assemblée nationale de deux tables rondes préalables aux autres auditions. C’est en effet le premier objectif que devait s’assigner la commission, celui d’établir un constat le plus partagé possible – usagers, salariés, entreprises, établissements et autorités publics impliqués, élus territoriaux et nationaux – de la situation et des causes de ces dysfonctionnements répétés du RER, et un constat compréhensible par tous, sachant se détacher de considérations techniques.

En effet, les membres de la commission qui sont aussi des usagers du RER savent à quel point les Franciliens sont exaspérés lorsqu’ils sont confrontés à des retards à répétition résultant de défaillances techniques manifestement trop fréquentes. Ce mécontentement est d’autant plus vivement exprimé que beaucoup d’usagers ont le sentiment d’être abandonnés à leur sort car ils ne perçoivent aucun progrès sensible.

Cette commission d’enquête ne pouvait se résoudre au fatalisme, c’était le second objectif. Il nous fallait considérer les efforts en cours et envisager des préconisations précises, avec un calendrier de décisions engageant les parties prenantes à court et moyen termes, plutôt que de revenir sur le calendrier de réalisation à long terme.

En premier lieu, il faut souligner que la Région et le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) consacrent désormais des efforts financiers sans précédent à la régénération du réseau existant et au renouvellement des matériels. Depuis l’entrée en vigueur encore récente en Île-de-France de la régionalisation des transports, en 2005, c’est-à-dire la mise en pratique d’un transfert de compétence plus complexe ici que dans les autres régions, le conseil régional est confronté au défi d’un rattrapage financier qui dépasse ses seules ressources. Toutefois, l’élaboration par le STIF d’un schéma directeur pour chaque ligne du RER – un processus en voie d’achèvement – traduit une véritable volonté de sortir d’une situation d’enlisement en programmant des investissements conséquents à court et moyen termes. L’État ne saurait pour autant se désengager de responsabilités budgétaires qui sont historiquement les siennes dans le développement des infrastructures de la région capitale. À défaut, le redressement de la situation sera trop tardivement perceptible, d’autant que les ambitions affichées pour le futur réseau du Grand Paris Express, partiellement maillé avec le RER, relèvent du long terme, à l’horizon 2025 dans la meilleure des hypothèses, bien que son financement soit assuré, ce qui n’est pas tout à fait le cas pour les efforts à entreprendre pour améliorer le réseau RER. Celui-ci doit être vu comme le « métro du Grand Paris » et nécessite à ce titre des attentions analogues.

En second lieu, la commission a acquis la conviction que la gouvernance du RER nécessite une réforme allant dans le sens d’une clarification des responsabilités opérationnelles et une meilleure coordination des différents intervenants. L’effort concerne évidemment la RATP et la SNCF qui doivent modifier leurs méthodes d’exploitation et sans doute rectifier certaines approches par trop « techniciennes ». Les auditions et les déplacements de la commission ont en effet mis à jour l’extrême complexité du fonctionnement du RER caractérisé par un entrecroisement de responsabilités qui aboutit à fragiliser le système. La réforme de la gouvernance concerne à l’évidence d’autres intervenants dont RFF à qui il reste à mieux encore coordonner son action et ses projets d’investissements avec les opérateurs. Cette évolution de la gouvernance doit aussi permettre au STIF d’avoir les moyens de jouer pleinement son rôle d’autorité régulatrice représentant les intérêts des usagers.

La commission d’enquête, qui a travaillé dans des délais très courts, a conduit sa réflexion avec une volonté d’aborder chaque grand sujet sans a priori. Elle ne prétend pas avoir mené une étude parfaitement exhaustive sur la totalité des « impacts » économiques, sociaux, environnementaux du RER inscrit dans un système de transports franciliens profondément marqué par le développement de l’Île-de-France au long des dernières décennies.

Son travail aboutit cependant à des préconisations empreintes de réalisme et qui cherchent, d’abord, à améliorer la situation des usagers à court terme. Les pistes de solution ainsi proposées peuvent être rapidement mises en œuvre par les décideurs et les acteurs pour rétablir une situation plus acceptable.

Enfin, je tiens à souligner l’état d’esprit des membres de la commission au long de notre réflexion collective. Chacun d’eux a su, par son expérience, formuler des propositions dont la synthèse a permis de faire émerger un très large consensus sur une approche la plus concrète possible du sujet. La commission d’enquête a le sentiment de contribuer aussi à une réflexion plus large sur l’aménagement et le développement de la région capitale, autant de questions déterminantes pour l’avenir économique de la métropole et le mieux vivre ensemble de tous les Franciliens.

SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT 3

INTRODUCTION 13

TRENTE PROPOSITIONS DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE VISANT À PLACER LES USAGERS AU CENTRE DU SYSTÈME 19

PREMIÈRE PARTIE : LE RER CONFRONTÉ À LA LASSITUDE DES USAGERS 27

I.— UNE EXPLOITATION INSATISFAISANTE 27

A.— UNE IRRÉGULARITÉ CHRONIQUE 27

1. Des retards quotidiens 27

2. Une gestion défaillante 30

B.— UN RÉSEAU SATURÉ 31

1. Un nombre insuffisant de rames 31

2. Une situation qui devient critique lors de la survenue d’incidents 32

3. Un maillage lacunaire et des correspondances peu coordonnées 34

II.— LE STRESS AU QUOTIDIEN 34

A.— UNE INFORMATION ET UNE COMMUNICATION INSUFFISANTES 34

1. Un manque général d’information 34

2. Une information insatisfaisante à l’endroit des touristes étrangers 36

B.— INCONFORT, MANQUE DE PROPRETÉ ET INSÉCURITÉ DES GARES ET DES VOITURES 37

1. Inconfort 37

2. Manque de propreté 38

3. Insécurité 39

C.— LES CONSÉQUENCES SUR LE BIEN-ÊTRE DES FRANCILIENS 40

1. Un temps de transport qui s’accroît 40

2. De lourdes conséquences pour les Franciliens 42

DEUXIÈME PARTIE : LE RER, LES CAUSES D’UN DYSFONCTIONNEMENT 45

I.— UN SCHÉMA AUJOURD’HUI INADAPTÉ 45

A.— QU’EST-CE QUE LE RER ? 45

1. La création du RER 45

a) Chronologie de la construction du réseau 45

b) Chronologie du développement des cinq lignes du RER 46

2. Lignes, kilométrage, gares 49

B.— L’ESSOR DE LA RÉGION CAPITALE 55

1. Démographie francilienne 55

2. Développement de la région d’Île-de-France 56

3. Hausse de la fréquentation 60

II.— UNE GOUVERNANCE COMPLEXE 63

A.— LA MULTIPLICITÉ DES ACTEURS 63

1. Des logiques internes aux opérateurs 63

a) Des comptabilités opaques 63

b) Des différences ou divergences entre cultures internes 68

2. L’émergence d’un autre acteur : Réseau ferré de France (RFF) ou l’absolue nécessité d’une véritable coordination. 71

a) Les effets néfastes d’une répartition de compétences sur les infrastructures 71

b) L’absolue nécessité d’une clarification au moyen d’un regroupement 75

B.— UN RÉSEAU CONSTRUIT « À VUE » 76

1. L’introuvable Transilien : 76

2. Une « pause » de vingt ans dans les investissements 78

III.— UN RÉSEAU À BOUT DE SOUFFLE 81

A.— LES INFRASTRUCTURES 81

1. Les schémas directeurs du STIF 81

a) RER A 82

b) RER B 83

c) RER C 84

d) RER D 85

e) RER E 86

2. Des gares peu accessibles 87

a) L’accessibilité générale 87

b) La loi du 11 février 2005. 88

B.— LES MATÉRIELS 90

1. Diversité des matériels 90

2. Des programmes de modernisation 93

3. Des efforts encore insuffisants 95

TROISIÈME PARTIE : LE RER, UN SYSTÈME À REFONDRE 97

I.— METTRE LE RER AU SERVICE DES VOYAGEURS 97

A.— UNE QUALITÉ DE LA PRESTATION À RÉNOVER 97

1. La mesure de la qualité 97

2. Les conditions de transport 102

B.— DES SOLUTIONS À ÉTUDIER 113

1. L’amélioration de l’existant 113

2. L’analyse des arlésiennes 120

II.— MODERNISER UNE GESTION COMPLEXE 125

A.— UNE GOUVERNANCE À RÉNOVER 125

1. Le renforcement de l’autorité organisatrice 125

2. La sécurité ferroviaire 127

a) Le rôle de l’Établissement public de sécurité ferroviaire 127

b) La déclaration de saturation sur le réseau du RER : une procédure en théorie possible 130

B.— UNE EXPLOITATION À RATIONALISER 133

1. L’unification du commandement 133

a) L’organisation du commandement 133

b) La problématique des lignes partagées 134

c) Vers l’indépendance de la ligne A et de la ligne B 138

2. La gestion des crises 139

a) La gestion des causes internes 140

b) La gestion des causes externes, hors conditions météorologiques 141

III.— ASSURER L’AVENIR 146

A.— FINANCER LE RÉSEAU FRANCILIEN 147

1. Financer l’exploitation 147

a) Dégager des gains de productivité plus importants 148

b) Mettre en place une tarification juste 148

c) Réformer le Versement Transport 153

2. Financer les investissements 154

a) Un préalable : mieux estimer le coût des projets 155

b) Le produit des péages 157

c) Sanctuariser des ressources pour le RER 159

B.— COMBLER LES FAILLES DES POLITIQUES D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE 162

1. Le Grand Paris Express, une réponse partielle pour le RER ? 164

a) Le constat d’un maillage lacunaire 164

b) Le Grand Paris Express 164

c) Adapter le RER aux usages des voyageurs 169

2. Quelle politique de développement régional ? 171

a) Les déséquilibres géographiques 171

b) Favoriser une logique polycentrique 173

EXAMEN DU RAPPORT 177

ANNEXES 179

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 181

LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES LORS DES DÉPLACEMENTS 187

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 189

Table ronde rassemblant les associations d’usagers 191

Table ronde rassemblant les organisations syndicales 213

Audition de M. Jean-Pierre Orfeuil, ingénieur statisticien, professeur (Université Paris-Est Créteil), de Mme Danièle Navarre de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France (IAU) et de M. Alain Meyère, directeur du département « Mobilité et Transport » de cet institut 245

Audition de M. Pierre Mongin, président de la RATP 259

Audition de M. Guillaume Pepy, président de la SNCF 275

Audition de M. Lucien Dumont-Fouya, président du Comité des partenaires du transport public (CPTP) 291

Audition de M. Pierre Cardo, président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) 297

Audition de M. Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional d’Île-de-France 307

Audition de M. Roger Karoutchi, président de la Commission des Finances et de M. François Kalfon, président de la Commission des Transports du Conseil régional d’Île-de-France 319

Audition de MM. Michel Teulet, président de l’Association des maires d’Île-de-France (AMIF), Emmanuel Lamy, maire de Saint-Germain-en-Laye, Patrice Pattée, maire adjoint de Sceaux, Dominique Lefebvre, président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, maire de Cergy, et Michel Bisson, vice-président du SAN de Sénart, maire de Lieusaint 329

Audition de Mme Sophie Mougard, directrice générale du STIF, Mme Sandrine Gourlet, directrice adjointe de la direction des projets d’investissement, et M. Patrice Saint-Blancard, chef de la division offre ferroviaire de la direction d’exploitation 345

Audition de M. Étienne Guyot, président du directoire de la Société du Grand Paris 361

Audition de M. Hubert du Mesnil, président de RFF 373

Audition de M. Michel Gaudin, Préfet de police 389

Audition de M. Jérôme Dubus, délégué général du MEDEF d’Île-de-France 399

Audition de M. Christian Leyrit, vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable 405

Audition de M. Daniel Canepa, Préfet de la région Île-de-France 411

Audition de M. Sébastien Genest, vice-président de France Nature Environnement, et de M. Pierre-Jean Rozet, conseiller confédéral CGT, membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE), ainsi que de M. Daniel Rabardel, vice-président de la commission des Transports, et de Mme Nadine Barbe-Ursulet, chargée de mission auprès du président du Conseil économique, social et environnemental régional d'Île-de-France (CESER) 423

Audition de M. Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes, accompagné de M. André Le Mer, conseiller maître 437

Audition de M. Denis Huneau, directeur général de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) 445

Audition de M. Jean-Claude Paravy, secrétaire général de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) 453

Audition de M. Maurice Leroy, ministre de la ville et M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports 461

SITES D’ASSOCIATIONS D’USAGERS DU RER 479

SIGLES 481

CHARTE D’ENGAGEMENT « POUR UN RER AU SERVICE DES FRANCILIENS » 489

LISTES DES CONTRIBUTIONS ET DOCUMENTS REÇUS PAR LA COMMISSION 491

DOCUMENTS TRANSMIS À LA COMMISSION ET REPRODUITS 497

 Réponses des opérateurs (RATP/SNCF) et de l’autorité organisatrice (STIF – Région)

– Protocole entre l’État et la région relatif aux transports publics en Île-de-France

– Contributions des associations d’usagers

– Contributions des organisations syndicales

MESDAMES, MESSIEURS,

La demande de création de la présente commission d’enquête a été déposée en mars 2011 par votre rapporteur puis définitivement adoptée en décembre dernier. Je souhaite saluer le pragmatisme des membres de la commission, chacun a pu apporter sa contribution avec pour seul objectif, tenter d’améliorer au mieux le quotidien des usagers du RER et en dehors de toute arrière-pensée électorale.

Le « Réseau express régional » (RER) a un peu plus de quarante ans. Les premiers tronçons datent des inaugurations de la ligne de Boissy – Saint Léger rénovée et de la nouvelle station Nation, à la fin de l’année 1969, suivies des mises en service des sections Étoile – La Défense et Étoile – Auber puis, en octobre 1972, de la liaison La Défense – Saint-Germain-en-Laye.

À cette époque, le RER était encore scindé en deux parties séparées ; il fallut attendre la réalisation du tronçon central Auber – Nation pour constituer une première véritable ligne.

En effet, le lancement du RER ne résultait pas d’une réflexion d’ensemble qui n’interviendra que quelques années plus tard. L’émergence de la notion d’interconnexion ne fut d’ailleurs considérée possible, en France, qu’à la suite d’une mission de hauts fonctionnaires, en octobre 1971, dans la région de Tokyo qui rassemblait déjà à cette époque plus de trente millions d’habitants. Ces experts constatèrent des flux d’échanges de voyageurs inconnus ailleurs au sein d’un réseau qui comptait, à l’époque, huit entités de statuts différents, publics et privés, nationaux et locaux !

L’adoption définitive d’un projet d’ensemble, à partir d’une croix constituée par les tronçons centraux des lignes A (entre Auber et Nation) et B (entre Luxembourg et Gare du Nord), ne fut acquise qu’au terme de l’année 1972. À cette date débuta véritablement le travail de conception d’un réseau harmonisé et à forte capacité. Jusqu’alors, il n’avait été esquissé qu’au travers de travaux utilement prospectifs mais sans références techniques assurées, comme le Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) de 1965, établi sous l’autorité de M. Paul Delouvrier, ou encore certaines études de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), sans omettre le plan visionnaire « Ruhlmann – Langevin » de l’ancienne Compagnie du métropolitain de Paris qui, dès 1936, envisageait d’étendre son réseau par la réalisation de lignes transversales à grand gabarit formant un nouveau « Métropolitain express ».

La décision de 1972 arrêtée par ce qui était alors le Syndicat des transports parisiens (STP) aura été déterminante pour que la SNCF et la RATP définissent communément un nouveau type de matériel, le MI 79, apte à l’interconnexion, c’est-à-dire en mesure de circuler sur le réseau « banlieue » de la SNCF et sur les nouvelles voies souterraines de la RATP.

L’extension du réseau, au cours des décennies suivantes, s’est caractérisée par des travaux extrêmement importants : par exemple, avec la construction souterraine de grandes « gares cathédrales » ( Étoile, Auber et Nation, dans un premier temps, puis Châtelet-Les Halles, Gare de Lyon et Gare du Nord afin de permettre aux usagers des changements de lignes commodes), le prolongement de la ligne de Sceaux jusqu’à Châtelet et la liaison Auber – Nation, simultanément inaugurés en décembre 1977, et, ultérieurement, la création d’une nouvelle ligne à travers Paris (Éole ou Est-Ouest Liaison Express) destinée à devenir la ligne E prolongée du réseau régional, ou encore le percement du tunnel entre Châtelet et Gare de Lyon ouvert à la ligne D.

Aujourd’hui, le RER compte cinq lignes (de A à E) empruntées chaque jour par plus de 3,6 millions de voyageurs. À titre d’exemples à souligner, on mentionnera la ligne D, la plus longue des lignes du RER, qui s’étend sur 197 kilomètres et dont l’un de ses terminus est à Malesherbes dans le Loiret, au-delà des limites de l’Île-de-France, et la ligne C sur laquelle circulent, chaque jour, 551 trains ! Les chiffres du RER sont, en effet, « hors normes ». La SNCF transporte ainsi quotidiennement six fois plus de clients dans le RER que dans tous ses TGV. L’extension du réseau a cependant abouti à un étirement des lignes du RER qui comptent trop peu d’aires de retournement. Dans ces conditions, tout incident ou avarie crée des perturbations en cascades qui bloquent durablement le service.

Le RER est un des plus grands réseaux urbains du monde. Il cumule nombre de particularités, dont l’exploitation partagée entre la RATP et la SNCF des lignes A et B. Par ailleurs, le RER emprunte un réseau non exclusif en grande partie : il cohabite non seulement avec les trains de banlieue de la SNCF, identifiés avec lui par l’opérateur sous le label Transilien, mais aussi avec des trains régionaux (TER), d’autres trains de grandes lignes ou à grande vitesse et des convois de fret.

S’il a assez bien suivi l’évolution démographique de l’Île-de-France jusqu’au début de la décennie 2000, tout en contribuant à la croissance économique de son aire métropolitaine, le RER a atteint des seuils de rupture. Il a néanmoins largement contribué à élargir le bassin d’emplois de l’Île-de-France, d’abord en soutenant le développement de la zone d’affaires de La Défense puis de nouvelles activités (essentiellement tertiaires : bureaux et centres commerciaux) le long de ses lignes, même à plus de 30 km du centre de la capitale avec l’implantation, en 1992, de Disneyland Paris. Toutefois, le RER n’a pu exactement s’accorder avec l’évolution des modes de vie et notamment un habitat toujours plus diffus résultant de l’étalement urbain mais aussi de nouveaux comportements sociaux, sans oublier une certaine désynchronisation des flux quotidiens entre les lieux du domicile et du travail, un phénomène probablement accentué sous l’effet des « 35 heures », mais aussi du développement du travail à temps partiel.

À présent, le RER souffre de nombreux autres maux. Il est techniquement affaibli.

Le réseau francilien connaît une obsolescence croissante de l’infrastructure et des matériels mis en œuvre ; sa régularité de fonctionnement, la ponctualité des dessertes, et, plus généralement, ses conditions de circulation se sont dégradées. Aux lourds investissements d’origine ont insuffisamment succédé les dépenses d’entretien et de modernisation, non seulement des matériels roulants mais aussi des voies et des équipements nécessaires à une bonne marche d’ensemble.

Si le bilan doit être contrasté selon les lignes voire les différents tronçons d’une même ligne, l’insatisfaction des usagers s’exprime massivement. La fréquence des retards, les annulations brutales de trains, les incidents techniques à répétition, l’inconfort et les conséquences de certaines des procédures particulières à chacun des opérateurs sont quotidiennement subis par les voyageurs. Des milliers d’entre eux se considèrent désormais comme des « naufragés du RER ». Il n’est plus de jour où la presse ne relate des situations anormales parfois même ubuesques. Les élus sont interpellés pour que soient enfin prises en considération les plaintes de populations désemparées car n’espérant plus d’améliorations à court terme.

S’agissant des mouvements sociaux dont les impacts peuvent se surajouter, il semble néanmoins que le RER ne souffre pas de grèves à répétition en comparaison d’autres activités de transport. La situation du réseau rend souvent difficile l’exécution normale des missions dévolues aux agents. Face à certaines situations, l’exercice du droit de retrait par une partie des agents a cependant pu être considéré excessif, dans quelques cas, par les directions des opérateurs. L’« alarme sociale » préventive mise en place à la RATP, dès 1996, sur une base conventionnelle, puis le dispositif adopté en 2004 à la SNCF sous le vocable de « demande de concertation immédiate » intégrant pour la première fois des clauses visant à permettre une certaine prévisibilité du trafic, ont néanmoins constitué des progrès. Enfin, la loi du 21 juin 2007 sur le développement du dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres a instauré un service garanti qui oblige les opérateurs à définir des plans de prévisibilité du trafic. Ainsi, les perturbations résultant d’une grève ne devraient pas concerner plus de 50 % des trains, du moins aux heures de pointe. Cette loi a aussi contribué à améliorer l’information des voyageurs dès l’annonce d’un conflit social. Sur ce point, elle atténue, certes partiellement, les « galères » auxquelles ils étaient confrontés dans l’ignorance du lendemain ou du jour même car le dispositif permet d’exiger des opérateurs un plan d’information préalable à destination du public : 48 heures avant la perturbation, puis la veille avant 17 heures et enfin le jour de la grève, dès 6 heures 30, par voie électronique, téléphonique et d’affichage (des horaires prévisionnels sont désormais distribués dans les gares).

Il fut un temps où la desserte par une gare du RER était un argument puissant en faveur de programmes immobiliers. Aujourd’hui, chaque futur acheteur ou locataire se renseigne sur le climat général de ce qui deviendrait « sa » ligne et étudie soigneusement la fréquence des incidents avant de prendre une décision. Ce qui a représenté un avantage pour des communes, s’agissant de leur développement démographique mais aussi leur attrait économique, pourrait même dorénavant devenir un handicap ! Conçu, dès l’origine, comme un instrument d’équité territoriale, le RER a perdu cette caractéristique essentielle qu’il convient de rétablir.

Pour sa construction le RER a pourtant bénéficié d’un fort engagement financier public. Il convient aussi de rappeler l’effort participatif des employeurs au moyen du « versement transport » institué en Île-de-France par la loi du 12 juillet 1971, c’est-à-dire à l’époque de la définition du réseau RER. Depuis lors, cette contribution a soutenu une partie importante de son exploitation.

On explique souvent les défaillances actuelles par la priorité donnée au « Tout TGV », même si cette réponse ne peut à elle seule satisfaire la totalité du problème. Toutefois, les décideurs publics comme les deux opérateurs n’ont, à l’évidence, pas su arrêter les programmations indispensables à la maîtrise d’un entretien cohérent du réseau et à la mise en œuvre des rénovations les plus opportunes.

La SNCF et la RATP n’ont, à l’évidence, pas su dresser des états de situation suffisamment pertinents au rythme de vie du réseau. La commission d’enquête a le devoir de s’interroger sur cette attitude d’abstention. Faut-il trouver un commencement d’explication dans une activité qui serait considérée faiblement rémunératrice, voire dans le caractère trop peu prestigieux de l’exploitation d’un transport public de masse ? Quant à Réseau ferré de France (RFF), propriétaire et gestionnaire d’une grande partie du réseau du RER, il est de sa responsabilité de fédérer les forces et les moyens nécessaires pour rétablir une situation acceptable des infrastructures.

Dans un rapport thématique de novembre 2010 sur « Les transports ferroviaires régionaux en Île-de-France », la Cour des comptes a analysé les principales causes de dérèglement d’un système complexe d’entrecroisement des compétences qui rend extrêmement difficiles l’évaluation des investissements réalisés ou à venir et toute programmation. Le travail de la Cour constitue une base de réflexion précieuse pour la commission d’enquête.

Le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), autorité organisatrice des transports franciliens, a désormais un rôle déterminant pour arrêter des priorités d’action dans des programmations correspondant aux attentes des usagers et exercer en conséquence une pression sur les opérateurs, sans avoir pourtant de pouvoir d’injonction.

Le Grand Paris constitue, à présent, le cadre d’une programmation de long terme qui ambitionne de construire un réseau de nouvelle génération, maillé et rapide, fédérant l’ensemble de la métropole. Ainsi, le Grand Paris entend rompre avec une vision de l’aménagement du territoire qui s’exprimait jusqu’alors quasi exclusivement par des liaisons radiales en direction de Paris. Depuis trop d’années, la mobilité inter banlieue n’est pas accompagnée d’une offre satisfaisante de transports publics. Dix-neuf des soixante-douze gares prévues par ce projet seront donc interconnectées avec des lignes du RER. L’objectif étant établi, des incertitudes peuvent toujours subsister sur les moyens de conduire à son terme, à l’horizon 2025, un projet de cette importance. Il convient d’engager, dès aujourd’hui, des actions significatives et urgentes sur le réseau existant. Elles devront d’abord concerner les tronçons les plus vulnérables du RER, appelé à demeurer un élément irremplaçable de cet ensemble.

La commission d’enquête a tout spécialement centré ses analyses sur un objectif qu’elle estime absolument prioritaire. Il s’agit de mobiliser tous les acteurs concernés, pour définir ensemble, dans les meilleurs délais, un programme réaliste et crédible car les usagers doivent, enfin, percevoir des améliorations au quotidien.

Pour autant, la commission ne dispose pas d’« une recette miracle » de sortie de crise. Il ne s’agit pas de donner à penser qu’un complet rattrapage de plus de deux décennies de retard puisse s’effectuer en quelques mois, voire en deux ou trois années. En revanche, elle a estimé indispensable d’obtenir des engagements précis, d’abord sur l’organisation d’un système trop complexe pour être performant. Sur ce point, RFF, la RATP et la SNCF doivent profondément réviser des approches et des conceptions qui se révèlent inadaptées. Ces entités nationales en charge de missions de service public ont le devoir de coordonner leurs efforts dans la conduite d’un plan de modernisation du RER, donc de s’accorder enfin sur des priorités et sur un calendrier connus de tous. Ce plan défini, la tutelle étatique et le STIF auront à en contrôler la bonne exécution en pourchassant toute dérive des coûts ou toute tentation de renoncement.

À cet égard, la méconnaissance des coûts d’exploitation et des besoins des usagers (évaluation régulière origine destination) obèrent les capacités de hiérarchisation des priorités.

La commission d’enquête est également dans l’attente de décisions marquantes quant à la gestion conjointe par la RATP et la SNCF des lignes A et B du RER, un sujet jusqu’alors plus propice aux atermoiements qu’aux réalisations tangibles.

Une écoute plus attentive des usagers, des personnels et des élus s’avère impérative. La commission a acquis la conviction que certaines des remarques de bon sens qu’ils ont exprimées devant elle méritent d’être autrement considérées.

Les usagers et les employeurs d’Île-de-France s’acquittent de contributions qui concourent massivement au financement de l’exploitation du RER. Pour leur part, l’État et la Région supportent des investissements dont la maîtrise de l’exécution doit être mieux assurée par ceux qui en ont la responsabilité. Le RER doit, à nouveau, être considéré comme un bien commun et précieux au service des Franciliens. La commission d’enquête se devait de rappeler l’état d’esprit des décideurs publics qui, il y a quelque quarante années, avaient pris l’initiative de construire ce réseau.

La commission d’enquête n’a poursuivi qu’un seul but au long de ses travaux: replacer l’usager au cœur du dispositif.

*

TRENTE PROPOSITIONS DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE VISANT À PLACER LES USAGERS AU CENTRE DU SYSTÈME

Réformer la gouvernance du système

1. Unifier le commandement :

a. Réaliser la mise en œuvre opérationnelle, avant le terme de l’année 2012, du centre unique de commandement (CUB) de la ligne B à Denfert-Rochereau. Sous l’autorité du STIF, RFF, la RATP et la SNCF devront travailler de façon conjointe, dans un même lieu, et constituer ainsi une structure unifiée de gestion opérationnelle de la ligne. Il conviendra également d’envisager une réglementation unifiée des règles de circulation ;

b. Lancer dans les plus brefs délais un groupe de travail visant la création, d’ici à la fin de l’année 2012, d’un CUA - centre unique de commandement de la ligne placé sous l’autorité du STIF, sur le modèle de celui portant sur le RER B mis en place le 9 février 2012 par la RATP et la SNCF. Il conviendra également d’envisager une réglementation unifiée des règles de circulation ;

c. Supprimer la relève de Nanterre Préfecture sur la ligne A entre conducteurs RATP et SNCF afin d’améliorer la fluidité du trafic.

2. Transmettre au Parlement avant le 31 décembre 2012 un rapport d’étude technique et réglementaire par les services du ministère des transports et l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) sur les conditions et les délais d’une attribution opérationnelle des lignes A et B à un opérateur unique.

3. Mettre en œuvre sans tarder un regroupement de toutes les compétences et moyens dédiés : la formule d’un « GIP RER », un groupement d’intérêt public rassemblant sous la présidence du STIF, la RATP, la SNCF, dans sa fonction d’opérateur mais aussi avec ses parties DCF et Infra, RFF, et l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) constituera un cadre mobilisateur d’identification et d’action favorable à la coordination des moyens, des procédures et de la gestion des situations de crise et permettra de réaliser une gestion unifiée du RER articulée avec le Transilien. Les comités de lignes y seront régulièrement associés.

4. Demander au ministère chargé des transports de transmettre au Parlement, dans un délai de six mois, une étude sur l’intégration des lignes H, K, J, L, N, P, T, R, U du Transilien dans la logique d’exploitation RER.

5. Intégrer à l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), les missions de contrôle sur l’infrastructure des métros relevant actuellement du Service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG) : cette unification des contrôles sur la totalité des infrastructures conditionne l’harmonisation éminemment souhaitable des projets d’investissements. Cette mesure s’appliquera également aux futures liaisons automatiques du Grand Paris.

Faire évoluer l’exploitation du rer dans le sens d’une modernisation des matériels et des infrastructures

6. Augmenter le nombre de rames à double étage :

a. Dégager les financements nécessaires à l’accélération du rythme des livraisons et des mises en service des rames à double étage sur la ligne A afin que trente de ces nouveaux trains circulent au terme de l’année 2013 et confirmer au plus tôt la commande prévue de trains supplémentaires pour atteindre un total d’au moins 65 rames à double étage sur la ligne au 31 décembre 2015 puis ultérieurement une généralisation de ces matériels ;

b. Lancer une étude RATP de faisabilité sur les possibilités de faire circuler des rames à double étage sur la partie Sud de la ligne B, en évaluant les coûts des éventuelles rectifications d’ouvrages ;

c. Augmenter, quand cela est techniquement possible, le nombre de rames à double étage circulant sur le réseau.

7. Réaliser une étude, sous l’autorité du STIF sur la mise en œuvre de modes d’exploitation alternatifs :

a. Liaisons partielles avec des ruptures de charge au niveau des branches et une desserte par navette sur les tronçons centraux ;

b. Modalités et calendrier de mise en œuvre du nouveau mode d’exploitation proposé par la SNCF (omnibus en Petite couronne et direct en Grande couronne).

8. Arrêter une décision, avant le terme de l’année 2014, concernant le doublement du tunnel Châtelet - Gare du Nord. Cet objectif suppose qu’au-delà de l’étude exploratoire de faisabilité qui vient d’être lancée par le STIF et RFF, d’autres solutions de substitution soient également étudiées. Afin de remédier à la cause majeure d’engorgement des lignes B et D, l’étude la plus complète possible des différentes options devra s’accompagner d’un chiffrage et d’un calendrier de réalisation particuliers à chacune d’entre elles.

9. Augmenter le nombre des trains de réserve sur chaque ligne (si besoin par l’acquisition de nouveaux matériels) et de conducteurs immédiatement disponibles sur le réseau et mettre en place des systèmes d’aiguillages et des plateformes de retournement, afin de limiter les blocages de ligne en cas d’incident par la reprise rapide de la circulation.

10. Revoir le schéma d’exploitation du RER C. Il n’est pas logique qu’alors que vingt-quatre trains circulent sur le tronçon central en heure de pointe, ils ne soient plus que vingt à l’horizon 2025, cela en dépit d’une importante augmentation de fréquentation.

11. Renforcer le schéma directeur de la ligne D qui demeure trop imprécis. Il faut notamment améliorer la coordination des aiguillages dont le plus ancien date de 1932 (Paris Gare de Lyon) et optimiser le débit de certaines zones où subsistent de nombreux conflits de circulation. La situation des usagers de la Grande couronne reste insuffisamment prise en compte dans la conception même d’un schéma qui doit donc être revu.

12. Demander à la SNCF, dans un délai de six mois, une étude précise sur la conception, les modalités, le coût et le calendrier de mise en œuvre du futur système d’exploitation NExT et fournir une étude présentant des systèmes alternatifs en service sur des réseaux périurbains comparables en Europe ou dans d’autres grandes agglomérations mondiales.

13. Assurer la création de deux nouvelles voies pour le RER C entre Juvisy et Paris (« sextuplement » des voies) afin de garantir une meilleure séparation des trafics au bénéfice de la ligne C du RER, notamment dans le cadre de l’étude sur la réalisation de la LGV Paris – Orléans – Clermont-Ferrand – Lyon (POCL).

14. Confier au Parquet général de Paris et à la Préfecture de police une mission concernant les procédures et les interventions qui en résultent dans les situations d’accident grave de voyageur afin d’éviter que ces événements dramatiques n’affectent trop longtemps le réseau. Cette mission devra débuter au cours du premier semestre 2012.

Place des usagers

15. Renforcer la place des usagers d’Île-de-France au sein des conseils d’administration ou de surveillance de la SNCF, de la RATP mais aussi de RFF et de la Société du Grand Paris (SGP).

16. Renforcer le système d’information des usagers afin de le rendre plus fiable et transparent.

17. Revoir le fonctionnement et le rôle du Comité des partenaires du transport public (CPTP). Cette réforme conditionne notamment la participation des représentants des usagers à la définition des critères de régularité, notamment en heure de pointe, et de qualité de service opposables aux opérateurs par le STIF.

18. Réunir les représentants des usagers, d’une part, et les constructeurs et les ateliers de maintenance, d’autre part, pour échanger des informations sur la conception, l’entretien, l’accessibilité, le confort général et la sécurité des rames et des gares. La commission insiste sur la nécessité de mieux prendre en compte les retours d’expérience des usagers.

19. Demander au STIF la réalisation d’un guide annuel des gares et des trajets accessibles aux personnes à mobilité réduite.

20. Réserver aux associations d’usagers du RER un espace d’affichage dans les gares.

21. S’assurer de la diffusion d’un message d’information en plusieurs langues en cas d’incident, tout particulièrement sur la ligne B qui dessert deux aéroports internationaux.

22. Mieux anticiper les modifications de configuration et de capacité d’accueil des gares notamment lorsqu’il est décidé la création d’une nouvelle correspondance ou lorsqu’une commune ayant développé son parc d’activités voit son trafic augmenter par des allers et retours quotidiens de salariés-usagers.

23. Apporter aux usagers du RER D une information plus complète à la station de Châtelet les Halles.

La sécurisation des financements

24. Exiger, au terme de leur exercice 2012, de la RATP et de la SNCF, la présentation d’une comptabilité par ligne du réseau du RER.

25. Sécuriser des ressources budgétaires au bénéfice des opérations de régénération des lignes du RER en y consacrant une partie prédéterminée dans un cadre pluriannuel du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

26. Avancer d’une année, au 31 décembre 2012, la date de la clause de rendez-vous prévue par le Protocole d’accord Etat-Région du 26 janvier 2011 s’agissant de la possibilité pour la Société du Grand Paris de consentir des avances remboursables destinées au financement du Plan de mobilisation régional.

27. Rendre plus fiables les processus de sélection et d’évaluation de l’État et du STIF pour leurs projets d’investissement d’infrastructures et de matériels. Il convient également de poursuivre le renforcement de la place des expertises indépendantes au cours des procédures de marchés et de systématiser les évaluations à 5 et 10 ans après mise en service pour tous les investissements supérieurs à 50 millions d’euros.

28. Rompre définitivement avec la pratique consistant à faire dériver une partie du produit des péages acquittés par le STIF à RFF vers des investissements sur des infrastructures du réseau ferré et extérieures à l’Île-de-France. Il convient de compenser les insuffisances d’investissement qui ont de ce fait durablement pénalisé l’infrastructure ferroviaire de l’Île-de-France par un effort de rattrapage financier à effet immédiat que la commission d’enquête évalue au moins à 400 millions d’euros à consentir en large part au RER.

Une réflexion stratégique sur l’aménagement et le développement régional

29.  Définir une nouvelle politique tarifaire, cohérente avec le prochain schéma directeur régional (SDRIF) dont la révision doit favoriser une évolution polycentrique des territoires dans le cadre d’un maillage cohérent. En tout état de cause, il résultera aussi de la réforme de la comptabilité des opérateurs une réelle connaissance du coût  kilomètre par voyageur, un outil de réflexion indispensable, comme le sont également de véritables études « origine-destination » actualisées qui restent à entreprendre avant la mise en place de toute nouvelle formule de tarification.

30. Favoriser la diffusion et l’exploitation des études d’économistes et de sociologues sur la mobilité dans les transports collectifs en Île-de-France. Des études actualisées et ciblées par ligne sur les conséquences sociales et économiques des moyens et des fréquences de déplacement (plus particulièrement des études « origine-destination ») contribueraient à mieux éclairer la prise de décision publique. Des questions aussi essentielles que le rééquilibrage entre l’est et l’ouest de la région Île-de-France ou encore la réflexion sur les horaires de travail, déterminants sur les flux aux heures de pointe, devront être débattues dans ce cadre.

PREMIÈRE PARTIE

LE RER CONFRONTÉ À LA LASSITUDE DES USAGERS

La commission d’enquête a débuté le cycle de ses auditions, le 11 janvier 2012, en programmant une table ronde avec les représentants des usagers, dont l’écoute lui a d’emblée semblé s’imposer. Certes, les membres de la commission d’enquête, dont la plupart sont des élus franciliens et des usagers du RER, n’ignorent pas les difficultés rencontrées au quotidien par les voyageurs, tout particulièrement dans les trajets entre leur domicile et leur travail. Mais il était indispensable de réunir les associations d’usagers afin de placer leurs revendications, si souvent légitimes et de bon sens, au centre des débats. Ainsi que l’a souligné Mme Marie-Hélène Wittersheim, présidente du COURB, une association active sur le RER B, « les usagers souhaitent avant tout être considérés comme des clients et respectés comme tels, avec un service de qualité ». Dans le même ordre d’idée, M. Jean-Claude Delarue, président de la Fédération des usagers des transports et des services publics (FUT-SP) a formulé le souhait simple que les usagers ne soient plus des STF, c’est-à-dire des « sans-transport-fiable » !

I.— UNE EXPLOITATION INSATISFAISANTE

A.— UNE IRRÉGULARITÉ CHRONIQUE

1. Des retards quotidiens

Les dysfonctionnements du service affectant la régularité du trajet pour l’usager sont nombreux : irrégularité du trafic, changement des dessertes en cours de trajets, annulation de missions impromptues, changement de trains inopinés, reprise du trafic suite à un incident en délaissant souvent les fins de lignes…

Toutes les lignes sont affectées par ces retards, même si elles ne le sont pas toutes dans la même mesure ou pour des causes identiques. M. Frédéric Linares, président de l’ADURERA, a ainsi souligné qu’il se produit sur le RER A « presque quotidiennement un incident, certes moins spectaculaire que celui du 9 janvier dernier, mais bien réel : les retards d’une demi-heure sont fréquents, ceux de cinq à dix minutes quasi quotidiens ».

L’incident du 9 janvier 2012 sur le RER A

Environ 2 000 passagers sont restés bloqués dans l’obscurité pendant presque trois heures le 9 janvier 2012 dans une rame du RER A. La panne s’est produite dans un tunnel entre les stations La Défense et Charles-de-Gaulle Étoile. Des passagers, las d’attendre dans leur rame, sont sortis sur les voies. L’incident s’est alors mué en paralysie du réseau car les règles de sécurité prévoient de couper le courant et d’envoyer du personnel sur les voies pour faire remonter les passagers dans le train. Une fois cette première opération réalisée, une autre rame a été envoyée sur place afin de procéder à l’évacuation des passagers avec l’aide des pompiers.

D’autres difficultés structurelles, liées à la mixité des voies, accentuent les problèmes sur certaines lignes comme sur la A et la B.

En outre, l’irrégularité est un problème tendant à s’aggraver comme l’indiquent les graphiques ci-dessous.

Source : SNCF

En ce qui concerne le RER C, M. Jean Maeght, membre du conseil d’administration de l’association CIRCULE a remarqué qu’« alors que le trafic connaît une importante augmentation, la régularité ne cesse de se détériorer. Cela n’a évidemment rien d’étonnant, puisque le nombre de trains est resté le même. » C’est également ce qu’a souligné M. Philippe Sainsard, conseiller régional, administrateur du STIF : « le service de la ligne s’est fortement dégradé en 2010 et durant la première moitié de 2011. Il existe, pour quantifier cette dégradation, un indicateur de ponctualité qui mesure le pourcentage de voyage arrivant à l’heure ou avec un retard inférieur à cinq minutes à leur gare de destination. Cet indicateur de ponctualité est passé de 85,2 % en 2009 à 80,5 % en 2010, soit un recul de 4,7 points. L’objectif assigné contractuellement à la SNCF est de 92,5 %. Le service produit est donc aujourd’hui de 12 % inférieur à l’objectif contractuel. Pratiquement un train sur cinq est en retard ou supprimé. Un bilan catastrophique pour l’administrateur du STIF, insupportable pour les usagers que nous sommes »(1).

La situation est telle que des collectifs d’usagers ont même établi leurs propres outils afin de mesurer l’irrégularité du trafic car leur ressenti ne correspondait pas aux indicateurs de régularité du STIF. Ainsi, M. Rémy Pradier, président de l’association SaDur a indiqué lors de son audition qu’« Actuellement, l’état de la ligne est catastrophique. En 2011, le taux d’irrégularité a atteint 34 %, sur la base des 12 000 relevés saisis sur D-collector, un outil propre à notre association. En d’autres termes, plus d’un train sur trois est arrivé avec un retard de plus de cinq minutes ou a été purement et simplement supprimé. Un dysfonctionnement sur cinq est une suppression, ce qui signifie que la SNCF ne respecte pas ses obligations d’offre ».

Face aux incidents répétés, l’usager ressent un sentiment d’impuissance qui l’épuise. Il n’a plus confiance en l’exploitant de la ligne.

M. Jean-Pierre Orfeuil, ingénieur statisticien, professeur à l’Université de Paris Est-Créteil, a expliqué lors de son audition que les travaux portant sur la mobilité évaluent de façon précise la manière dont l’irrégularité, et l’inconfort qu’elle engendre, est ressentie par l’usager. D’après lui, « une minute d’attente est ressentie par les voyageurs comme trois minutes de temps de parcours. En d’autres termes, il est plus pénible d’attendre son train que d’attendre d’être arrivé une fois monté dans le train. Supposons ensuite qu’un service soit programmé toutes les cinq minutes pendant une demi-heure : chaque usager attend deux minutes et demie en moyenne. Si dix minutes au lieu de cinq s’écoulent entre deux services, l’attente moyenne est prolongée bien que le nombre de trains – et de voyageurs – reste le même sur la période considérée, puisque les voyageurs arrivent à un rythme régulier. (…)

La valorisation économétrique des irrégularités et de l’inconfort se fonde sur l’étude des préférences déclarées. Par exemple, on donne aux usagers interrogés le choix entre un parcours de trente minutes au cours duquel ils ont une chance sur dix d’attendre deux fois plus longtemps que d’habitude et un parcours de quarante minutes au cours duquel ils sont certains que le train passera comme prévu, ou bien entre un parcours de trente minutes assis et un parcours de vingt ou vingt-cinq minutes « debout serrés », etc. Selon une étude réalisée par le STIF et portant sur les lignes de RER exploitées par la SNCF, les usagers préfèrent un trajet de trente-cinq minutes absolument sûr à un trajet de trente minutes au cours duquel ils ont une probabilité de 5 % de subir un retard de dix minutes, ce qui représente en moyenne 0,5 minute de retard. En d’autres termes, ils estiment ce retard à dix fois sa valeur réelle ».

Les usagers appellent de leurs vœux la création d’un indice de régularité « heures pleines ». Cela permettrait d’éviter que la plus grande régularité des trains aux heures creuses ne permette d’améliorer la moyenne. Cela nécessite également que le système de bonus/malus tienne compte de cet indice particulier, ce qui doit être le cas dans le prochain contrat.

2. Une gestion défaillante

Au-delà de l’irrégularité du trafic, en elle-même problématique, ce sont les méthodes parfois utilisées pour compenser les retards qui provoquent l’incompréhension des passagers. Pour améliorer la fluidité, des syndicats ont indiqué à votre Rapporteur qu’il arrivait de faire circuler des trains « haut le pied » en ne prenant pas de voyageurs pendant deux stations, pour arriver à l’heure. De façon très concrète, cela signifie que certaines stations ne sont pas desservies. Malheureusement, l’information des voyageurs n’est pas toujours assurée dans des délais raisonnables, ce qui suscite des mécontentements, que certains manifestent parfois en actionnant les freins de secours, qui occasionnent des retards encore plus importants.

Témoignage sur Facebook : page « RER B comme Bazar » : 30 décembre 2011 : « Dernier trajet de l’année ce vendredi 30 décembre au soir. Nous prenons un train pour Saint Rémy annoncé comme faisant omnibus à partir de Massy. Premier problème : le train ne s’est pas arrêté aux Baconnets, contrairement à ce qui était affiché dans les gares. (…) Il n’y a que les habitués comme nous qui n’y ont pas perdu leur latin. Les autres voyageurs n’y comprenaient plus rien ».

Les annulations de dessertes sont fréquentes. Elles posent plusieurs problèmes. D’abord, elles ne sont pas toujours annoncées, ce qui crée une incompréhension et est source de stress pour les voyageurs. Ensuite, elles contribuent à l’encombrement des rames.

Témoignage sur Facebook : page « RER B comme Bazar » : 6 janvier 2012 : « Ce matin au Guichet, le train de 8h03 n’est pas passé bien qu’annoncé. Heureusement, celui de 8h11 en provenance de Saint Rémy n’a pas oublié de s’arrêter aujourd’hui. Résultat : nous ne sommes qu’à Palaiseau et le train est déjà bondé… ».

D’autres méthodes visant à rétablir la régularité sont contestées par les usagers. Il semble notamment que la RATP et la SNCF ne parviennent pas à gérer convenablement les conséquences d’incidents pour rétablir rapidement un trafic normal avec une répartition équitable et régulière des rames vers les différentes destinations, notamment les plus lointaines. Des comités d’usagers, tels que le comité des usagers du RER B en Vallée de Chevreuse, ont ainsi indiqué dans leur contribution écrite qu’il arrivait que la RATP et la SNCF abandonnent, en cas d’interruption du trafic, les usagers dans des stations intermédiaires en gare de Laplace ou de Palaiseau Villebon. Dans de tels cas, les passagers se retrouvent, de fait, désemparés et sans autres solutions efficaces de repli.

L’autorité de la qualité de service dans les transports

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et M. Thierry Mariani ont installé le 16 février 2012, l’Autorité de la Qualité de Service dans les Transports (http://www.qualitetransports.gouv.fr/). Chaque année, en France, plus de 1 100 millions de voyageurs prennent le train et environ 120 millions effectuent un trajet en avion. Cette très forte mobilité s’accompagne d’une exigence de fiabilité croissante. Pourtant les données sur la ponctualité des transporteurs sont quasiment inaccessibles pour le grand public.

La création de l’Autorité de la Qualité de Service dans les Transports répond à deux objectifs:

inciter les opérateurs à améliorer la qualité de service dans les transports par la publication d’indicateurs fiables sur la régularité, la ponctualité et la qualité de l’information diffusée aux voyageurs ;

• informer les voyageurs, de manière claire et transparente, sur leurs droits et sur les démarches à accomplir pour les faire valoir.

L’Autorité de la qualité de service dans les transports est placée au sein du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) du ministère du Développement durable. Pour fixer les priorités d’action de cette Autorité un Haut comité de la qualité de service dans les transports est mis en place. Cette instance consultative est composée de 37 membres représentant l’ensemble des acteurs de la qualité de service dans les transports : élus, collectivités, opérateurs de transport, usagers. Un site unique met à la disposition du public plus de 27 000 données relatives à la ponctualité des transports aériens et ferroviaires à longue distance. Suivront dès fin 2012, les données concernant les trains express régionaux (TER), les transports urbains ainsi que les transports par cars longue distance.

B.— UN RÉSEAU SATURÉ

1. Un nombre insuffisant de rames

Aux heures de pointe ou lors des dysfonctionnements, le réseau atteint un degré de saturation tel qu’il n’est plus possible pour les usagers de monter dans les trains qui arrivent à quai. Les exemples, malheureusement, ne manquent pas, et ce sur toutes les lignes de RER. Cette saturation rend en outre de moins en moins facile le déplacement des personnes fragiles, handicapées, ou de poussettes ou de bagages.

La récente mise en place de rames à deux étages sur le RER A est une mesure qu’il convient de saluer même si elle prend du temps et ne résout d’ailleurs que partiellement le problème de la saturation.

La gestion de la charge des rames étonne les observateurs. Ainsi, M. Jean-Pierre Orfeuil a dressé le constat suivant : « Le plus frappant, pour l’usager que j’étudie et que je suis, est l’absence de prise en considération de la charge des rames, par exemple du nombre de personnes par mètre carré à l’heure de pointe, alors même que les irrégularités et l’inconfort induit peuvent décourager une partie des clients potentiels ». Un témoignage figurant dans la contribution de l’association de défense des usagers saint-germanois du RER A (ADURERA) est particulièrement frappant : « mercredi soir sur le quai d’Auber, j’attendais le RER A de 17h42 direction Cergy. Lorsque la rame est arrivée, il n’était pas possible de mettre un pied dans ces « wagons à bestiaux » ; une dame à côté de moi s’est mise à pleurer en disant : « je n’en peux plus, je n’en peux plus »(2). De telles situations rendent, en plus, les rames totalement inaccessibles aux personnes âgées ou à mobilité réduite.

Plusieurs causes peuvent expliquer ce type d’inconfort. D’abord, un nombre insuffisant de trains par rapport à la demande spontanée, ensuite une demande qui excède largement les capacités de l’offre, notamment du fait de certaines décisions politiques. Ces situations rendent, en plus, les rames totalement inaccessibles aux personnes à mobilité réduite et aux personnes âgées.

M. Orfeuil a cité deux exemples dont il s’agit ici non de faire la critique, mais d’analyser les conséquences. D’abord, les décisions qui ont conduit à rendre plus difficile la circulation des véhicules dans Paris. Cela accroît de manière naturelle le nombre d’usagers du métro et des transports publics, ce qui est au moins en partie, pour des raisons notamment environnementales, le résultat escompté. Cela demande néanmoins qu’en parallèle, des outils nécessaires soient mis en œuvre pour accroître aussi la capacité d’accueil et le confort de ces transports. Un autre exemple donné par M. Orfeuil est celui de l’instauration d’un Pass Navigo à un tarif unique relativement faible qui aurait pour conséquence d’attirer davantage de clients, et de clients « longs », en termes de distance, notamment parce qu’un tel tarif engage d’importantes décisions de localisation, en incitant encore plus ceux que rebutent les prix de l’immobilier parisien à se loger toujours plus loin de la capitale.

Enfin, d’après les comités d’usagers et des élus auditionnés par la commission d’enquête, la pratique sur certaines lignes des trains courts, notamment en soirée et le week-end, ne s’avère plus du tout adaptée, l’affluence ne se réduisant plus aux seules journées de la semaine.

2. Une situation qui devient critique lors de la survenue d’incidents

Cette situation, déjà critique structurellement, devient véritablement inextricable en cas d’incidents. Aux abords de Paris, dès la moindre perturbation du trafic en heure de pointe, il n’est pas rare que les trains déjà bondés ne puissent accueillir l’ensemble des voyageurs attendant sur le quai d’une station. Nombre de voyageurs se retrouvent contraints d’attendre le passage du train suivant, voyant ainsi leur temps de trajet s’allonger encore un peu plus.

Ainsi, Mme Danièle Navarre, chargée d’études au département « Mobilité et Transport » de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France, a expliqué lors de son audition que la saturation est telle qu’il n’est plus possible de maintenir la distinction qui avait cours dans les avant-gares – sauf à Saint-Lazare – entre les deux voies dédiées aux trains grandes lignes et les deux voies dédiées aux trains de banlieue. Les conséquences d’une telle saturation sont étonnantes. Mme Navarre a notamment cité l’exemple d’un problème survenu en Espagne sur la ligne du Talgo pouvant perturber la desserte de la gare de Juvisy-sur-Orge par les trains de banlieue !

De même, les accidents de personnes sont malheureusement extrêmement fréquents sur le réseau express régional. Un syndicaliste, M. Luc Offenstein, a ainsi indiqué à la commission que l’on comptait 35 à 45 accidents graves de voyageurs par an, uniquement sur la ligne A, et pratiquement deux par jour sur l’ensemble du réseau ferré d’Île-de-France. Il semble en outre qu’il y ait une augmentation sensible des perturbations de trafic du RER liées aux accidents de personnes sur les voies. La Préfecture de police a recensé 199 accidents graves de voyageurs en 2010 et 219 en 2011.

Or, de nombreux acteurs auditionnés par la commission d’enquête ont indiqué que ces accidents entraînaient une immobilisation de la ligne pendant plusieurs heures en cas de décès de personne pour cause de procédure d’intervention très longues. Par exemple, M. Marc Desjours, membre du conseil d’administration de CIRCULE a expliqué que « Parmi les dysfonctionnements que nous souhaiterions voir corrigés en priorité, je citerai la reprise du trafic après un accident de personne sur la voie ferrée. En pareil cas, la circulation est bloquée pendant une durée moyenne de deux heures, ce qui est très préjudiciable aux voyageurs ».

L’idée d’installer systématiquement des portes palières pour éviter les suicides ou les descentes sur les voies se heurte techniquement à la diversité des matériels utilisés sur le RER.

Enfin, les conflits sociaux qui ne sont pas à l’origine des irrégularités quotidiennes peuvent également engendrer de très fortes perturbations. Outre le fait que les usagers ne soient pas sûrs de pouvoir effectuer leur trajet le matin, l’incertitude est à son comble le soir, les usagers ne sachant jamais s’ils pourront monter dans une rame déjà bondée, et si le service même réduit va être maintenu dans la soirée. Le comité des usagers du RER B en vallée de Chevreuse a indiqué à la commission d’enquête qu’il arrive que les voyageurs se retrouvent bloqués en fin de journée à Denfert-Rochereau sans aucun train au-delà de 20 heures vers les stations situées sur les fins de lignes.

Comité des usagers du RER B en vallée de Chevreuse : 21/06/2011 : « Grève et défaut d’information : Jour de grève en pleine période de Bac et jour de fête de la musique : un train sur deux annoncé aux heures de pointe. Aucune information sur la fréquence, le tronçon hors heure de pointe et les plages de celle-ci ».

Comité des usagers du RER B en vallée de Chevreuse : 13/05/2011 : « Grève et défaut d’information : Jour de grève : interruption du service comme annoncé entre Gare du Nord et Denfert-Rochereau et un train toutes les 30 minutes sur le tronçon sud. Mais à 20h, dernier train pour Robinson ensuite sans aucune information via les médias ».

3. Un maillage lacunaire et des correspondances peu coordonnées

Les correspondances et la coordination des horaires entre le RER et les bus restent largement perfectibles, certains bus partant parfois à moitié vides quelques minutes seulement avant l’arrivée des RER. Leur fréquence paraît en outre largement insuffisante. Néanmoins, en raison de l’irrégularité déjà évoquée des RER, il semble difficile de coordonner avec précision le RER et les bus locaux. Il convient a minima de renforcer les contacts entre les agents du RER et ceux en charge de l’exploitation des bus.

De même, l’accès aux parkings est insuffisant aux abords des gares avec une tarification hétérogène et parfois prohibitive. La capacité d’accueil est en outre très variable et souvent insuffisante. Enfin, certains pôles d’échange, comme celui du Guichet, ont été récemment l’objet de travaux importants, dont les usagers estiment qu’ils les ont desservis, puisqu’ils ont éloigné la gare routière RER B d’environ 200 mètres, avec une dénivellation importante.

II.— LE STRESS AU QUOTIDIEN

A.— UNE INFORMATION ET UNE COMMUNICATION INSUFFISANTES

1. Un manque général d’information

Le manque d’information est le problème le plus souvent cité par les usagers. En effet, il ne permet ni d’anticiper, ni de comprendre l’origine d’un dysfonctionnement, ni de choisir une alternative, ce qui est particulièrement stressant en cas de contraintes fortes. M. Frédéric Linares, président de l’ADURERA a ainsi souligné que « Les incidents à répétition (…) semblent laisser la RATP désarmée. Elle ne parait pas avoir de véritables plans de secours. L’information est quasi inexistante, du type : «  Les trains sont arrêtés. Veuillez patienter! ».

La communication sur les changements d’horaires est notamment extrêmement problématique. Elle est au mieux lacunaire.

Contribution de l’association de défense des usagers saint-germanois du RER A : page Facebook : « 05/12/2011 : Ce matin, à 7h34 au Vesinet Le Pecq, installés dans le train partant à 7h36. Annonce sonore « Mesdames et messieurs, ce train ne prend pas de voyageurs ». Aucune indication sur le quai. A 7h36, signal de fermeture des portes : des gens sont déjà montés dedans et nous nous précipitons à notre tour. Heureuse intuition car finalement ce train circule normalement ! »

Contribution de l’association de défense des usagers saint-germanois du RER A : page Facebook : « 30/11/2011 : train de 8h15 à Torcy en direction de Paris. Passage réel à 8h20. Terminus Noisy le Grand sans annonce préalable, à part celle du chauffeur à Noisy le Grand (sans plus d’explication) ; changement de train avec saturation de la rame à deux étages ; passage à la gare de Lyon à 9h02 (horaire théorique du TFIL : 8h42) ; Information sur le site ratp.fr : trafic normal sur l’ensemble de la ligne A. »

Contribution du comité des usagers du RER B en Vallée de Chevreuse : 09/11/2011 : « Je regrette de le dire, mais est-ce si difficile de faire des annonces et de traiter les usagers que nous sommes comme des êtres humains, qui, dans la plupart des cas, ont des obligations… un mot et tout est changé. Je dois souligner que cela est rare et je ne le comprends pas. »

En outre, il semble que la coexistence de la RATP et de la SNCF sur le même réseau engendre des situations ubuesques. M. Rémy Pradier, de l’association SaDur, a ainsi révélé à la commission d’enquête le « trou noir » en matière d’information que constitue Châtelet-Les Halles, station RATP que dessert une ligne SNCF, le RER D. « La SNCF n’a pas le droit d’utiliser les écrans de la station. Elle peut tout au plus mobiliser un agent muni d’un micro et cantonné dans une sorte de bocal, qu’il partage avec deux agents de la RATP, qui annonce la destination des trains au fur et à mesure ».

La rubrique « actualités trafic » du nouveau site Vianavigo présente les principales informations sur le trafic transmises par la RATP et la SNCF. Cette évolution est à saluer. Néanmoins, les perturbations en cours sont celles connues à l’heure de la dernière mise à jour et ayant des impacts immédiats. Elles ne concernent donc que les principales perturbations. En outre, il s’agit d’informations transmises par les opérateurs. Un aspect dénoncé par M. Jean-Claude Jurvillier, vice-président de COURB est justement que l’accès aux informations concernant les usagers aux RER est « verrouillé » par les opérateurs, qui se garderaient de diffuser ces données pour éviter toute contre-publicité.

Propositions

- Renforcer le système d’information des usagers afin de le rendre plus fiable et transparent.

- Apporter aux usagers du RER D une information plus fiable et complète à la station de Châtelet les Halles. Il n’est plus possible que la SNCF ne dispose que d’un agent annonçant au micro la destination des trains au fur et à mesure. Plus généralement, il faut revoir l’utilisation des écrans d’information dans les stations entre la RATP et SNCF.

2. Une information insatisfaisante à l’endroit des touristes étrangers

Lors des auditions menées par la commission d’enquête, les représentants des usagers ont fait remarquer que sur la ligne B, en cas d’incident, les informations sont faites uniquement en français, et non en langues étrangères alors même que la ligne dessert deux aéroports internationaux.

Mme Eva Sheldrick, de l’association COURB a développé une analyse intéressante de la situation lors de son audition par la commission d’enquête « sur la ligne B, il y a beaucoup de voyageurs occasionnels, en particulier ceux qui se rendent dans les aéroports, et qui ne parlent pas nécessairement notre langue. En cas d’incident ou d’accident, ils ne sont informés de rien alors qu’ils risquent de rater leur avion. Il faudrait au minimum une annonce en anglais et l’utilisation des langues étrangères – anglais, espagnol – serait la bienvenue, non seulement à Roissy, mais aussi à Antony. Après tout, nous sommes bien capables de diffuser des mises en garde contre les pickpockets en japonais, en allemand, ou en italien à Charles-de-Gaulle et à la station Victor-Hugo !

L’accueil par la SNCF des touristes ou passagers étrangers à Roissy est « kafkaïen ». Les tourniquets sont trop étroits pour laisser passer les bagages, et il n’y a personne pour aider les touristes, étrangers ou les provinciaux, flanqués de leurs grosses valises. Beaucoup de tourniquets sont dédiés au Pass Navigo. Ceux qui ne sont pas des Franciliens ne savent pas ce que c’est ! Paris est la ville la plus visitée du monde mais l’accueil des touristes est trop souvent lamentable. Vous connaissez les résultats d’une récente enquête sur les grands aéroports du monde : Roissy est parmi les plus mal classés. La signalétique est insuffisante pour permettre à des gens qui débarquent après une nuit passée dans un avion de trouver le RER, puisqu’il est indiqué « Trains SNCF ». Or, sur Internet, il est bien question du RER B ! Les malheureux caissiers qui vendent les billets à l’unité parlent désormais anglais, mais tout le monde ne parle pas anglais. Or Roissy, c’est une vitrine.

Je travaille avec des étrangers du monde entier et je peux vous dire que ce qui ne leur plaît pas à Paris, ce sont les transports et Roissy. Les contrôleurs ont une mentalité de chasseurs. Et ils sont particulièrement acharnés à Antony ! Ils sont huit en général à attendre en embuscade toutes les personnes qui vont prendre l’avion à Orly, et ils parient même entre eux sur le nombre de « pigeons » qu’ils attraperont dans la journée. J’utilise leur propre langage. Et, quand, par hasard, quelqu’un intervient, ils lui disent de circuler et que ce n’est pas son affaire ! Il faudrait leur apprendre le respect mutuel, qui facilite tout ».

Proposition

S’assurer de la diffusion d’un message d’information en plusieurs langues en cas d’incident, tout particulièrement sur la ligne B qui dessert deux aéroports internationaux.

B.— INCONFORT, MANQUE DE PROPRETÉ ET INSÉCURITÉ DES GARES ET DES VOITURES

1. Inconfort

L’inconfort des rames est souvent dénoncé par les usagers. Il se situe à plusieurs niveaux. D’abord, du fait de la saturation du réseau, il est très difficile d’être assis dans un RER. Or, la longueur des trajets rend cette situation très désagréable pour les usagers. M. Jean-Pierre Orfeuil a indiqué lors de son audition que « la pénibilité du même trajet de trente minutes augmente de 50 % lorsque l’on est debout plutôt qu’assis et deux fois plus lorsque l’on est « debout serré ». ». Les comités d’usagers – notamment le comité des usagers du RER B en vallée de Chevreuse – déplore que sur certaines nouvelles rames, huit places assises par voiture aient été supprimées ainsi que les strapontins, qui mobilisaient pourtant peu d’espace et fournissaient des sièges d’appoint appréciés des voyageurs.

Un exemple topique illustre les conséquences de l’absence de consultation des usagers lors de l’achat de nouvelles rames. Les porte-bagages en hauteur ont été remplacés par un espace à bagages situé près des portes. Or, cet espace paraît totalement inadapté car personne n’ose abandonner ses bagages près des portes de peur de se les faire dérober. Les voyageurs les gardent donc près d’eux, rendant la circulation à l’intérieur des rames plus difficile.

Sur un autre point, il conviendrait de mieux anticiper la configuration et la capacité des gares à l’accueil de flux supplémentaires et prévisibles de voyageurs. C’est malheureusement parfois des défaillances de cet ordre auxquelles il faut faire face lorsqu’il est décidé de créer une nouvelle correspondance ou qu’une commune ayant développé son parc d’activités voit augmenter le nombre des salariés/usagers réguliers donc son trafic avec des allers et retours quotidiens.

Contribution écrite des usagers du RER B en Vallée de Chevreuse : 06/12/2011 : « La ligne dessert les aéroports d’Orly et de Roissy, les nouvelles rames n’ont plus de porte bagage en hauteur malgré tous les étrangers qui empruntent la ligne avec des valises, comment faire ? C’est vraiment nul.

Les nouvelles rames ont un espace bagage mais :

1 – en heure de pointe, impossible de traverser la rame avec ses valises pour les y mettre,

2 – c’est rarement possible de s’asseoir juste à côté donc comme on ne va pas laisser ses valises sans surveillance, on s’assoit plus loin avec les valises dans l’allée ou sur les sièges et cela gène tout le monde. »

Proposition

Mieux anticiper les modifications de configuration et de capacité d’accueil des gares notamment lorsqu’il est décidé la création d’une nouvelle correspondance ou lorsqu’une commune ayant développé son parc d’activités voit son trafic augmenter par des allers et retours quotidiens de salariés-usagers.

2. Manque de propreté

Les usagers déplorent un manque de propreté récurrent dans les trains mais également dans les gares. Ainsi, dès le matin, il arrive que des usagers retrouvent des papiers, canettes et autres déchets, par terre ou sur les banquettes, des tags non effacés, des vitres sales ou rayées. Or, l’indicateur de propreté fourni au STIF par la RATP a un niveau très proche de 100 %, ce qui semble irréaliste au regard du vécu des usagers. Il leur semble donc que les voitures ne sont pas nettoyées quotidiennement, ce qu’a contesté M. Guillaume Pepy, président de la SNCF, lors de son audition par la commission d’enquête.

Contribution écrite des usagers du RER B en Vallée de Chevreuse 02/01/2012 - Manque de propreté Le 2 janvier à 8h20, une rame est arrivée à St Rémy et est repartie quelques minutes plus tard dans le même état, avec des débris de verre sur une banquette et des traces de farine. A Massy, une voyageuse cherchant désespérément une dernière place assise, a poussé d’une main gantée les débris entre le siège et la fenêtre et s’est assise, ignorant les infimes débris résiduels qui se sont accrochés à son manteau.

L’explication donnée par M. Krakovitch, directeur Région Paris Sud Est SNCF, aux usagers du RER D (3) offre une explication au moins partielle à ce problème. Les trains sont moins souvent nettoyés car ils restent moins de temps en terminus. Il a indiqué que la SNCF a expérimenté entre Corbeil et Juvisy le nettoyage des trains pendant les trajets. Cette expérience va être reconduite et elle pourrait mener à une amélioration de la situation.

3. Insécurité

Les actes d’incivilités ne doivent pas non plus être occultés car ils occasionnent de nombreux retards sur les lignes et provoquent un certain sentiment d’insécurité. M. Frédéric Sarrassat de l’UNSA-RATP a ainsi indiqué que sur le RER A, les freins de secours sont actionnés 600 fois par an, la plupart du temps sans aucun motif : il s’agit d’actes d’incivilité, à l’origine de retards difficiles à récupérer.

À cet égard, la SNCF a dénombré 18 600 actes de malveillance en 2010. En ce qui concerne la sûreté sur le réseau Transilien, les incivilités sont pour 60 % des « actes d’environnement » : incivilités, insultes, outrages, non respect des règles, stagnation en gare. Le solde est composé des atteintes faites aux clients (4 500) et aux agents (619), de vols (1 200), d’actes de malveillance contre le matériel SNCF (700).

Selon la RATP, les incivilités sont responsables à 44 % de l’irrégularité de la ligne A en 2011. Elles sont notamment le fait de voyageurs ou de tiers : entrave à la fermeture des portes, signal d’alarme actionné indûment, actes de malveillance divers. À cela s’ajoutent les accidents graves, malaises à bord des trains, rixes et autres problèmes de sécurité publique en gare ou à bord, ainsi que les colis suspects, objets abandonnés et les manifestations, etc. Pour la ligne B, en 2011, le taux d’irrégularité dû aux incivilités s’élève à 38 %.

La sécurisation des transports en commun est assurée par la sous direction régionale de la police des transports au sein de la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne. L’audition de M. Michel Gaudin, préfet de police, a permis à la commission d’enquête d’obtenir des éléments précis sur les chiffres de la délinquance dans les transports. Ainsi, la délinquance a tendance à baisser dans les transports comme elle a baissé dans toute l’agglomération parisienne. L’année 2010 a néanmoins été difficile puisque de nombreux vols avec violence ont été enregistrés, liés notamment à l’arrivée des smartphones de nouvelle génération.

En 2011, les actes de délinquance ont baissé de 3,7 % pour Paris et les départements de la Petite couronne, ce chiffre atteignant 6,6 % pour la seule capitale. Ce dernier résultat est d’autant plus appréciable que c’est à Paris que se produit près de la moitié des faits. En Grande couronne, la délinquance y est moins importante en valeur absolue, avec seulement 27 % des faits enregistrés, mais elle y a progressé de 16,7 %. De ce fait, l’année se termine sur une augmentation de la délinquance de 1 %, mais le constat de cette évolution est très contrasté entre le centre de Paris et la Petite couronne, d’une part, et la Grande couronne.

La délinquance sur les réseaux ferroviaires prend à 70 % la forme de vols, dont 18 % avec violence en 2011, alors qu’en 2002, ils ne représentaient que 10 % du total.

L’année dernière, la Préfecture de police a donc fait porter l’effort sur les vols avec violence, parmi lesquels ceux de téléphones portables occupaient une grande place : 70 % des objets volés, dont 43 % pour les seuls iPhones. Le résultat final est que les vols avec violence ont baissé de 7,7 % en 2011.

S’agissant du phénomène des bandes, votre Rapporteur se félicite que les graves événements de 2007 ne se soient pas reproduits. Environ 80 de ces bandes avaient été répertoriées en 2008-2009, 36 seulement l’année dernière. Si elles sont à l’origine d’actes de délinquance, elles génèrent surtout un sentiment d’insécurité, ne serait-ce qu’en raison de l’attitude de leurs membres. Ces phénomènes de bandes sont donc pris en charge par le SRPT.

C.— LES CONSÉQUENCES SUR LE BIEN-ÊTRE DES FRANCILIENS

1. Un temps de transport qui s’accroît

Les salariés d’Île-de-France utilisant les transports en commun consacrent, en moyenne, deux heures par jour à leurs déplacements entre le domicile et le travail, selon une enquête réalisée en 2010 à la demande l’Observatoire régional de santé au travail d’Île-de-France(4). Le temps de transport aller-retour est de une heure et demie pour les Parisiens logeant intra muros. La moyenne atteint deux heures dans la Petite couronne et deux heures et demie dans les autres départements de la Grande couronne. Les correspondances sont en outre très fréquentes, et leur nombre est lié à la zone de résidence. 75 % des usagers des trains et RER déclarent souffrir de problèmes de retards, les personnes interrogées les estimant en majorité entre cinq et vingt minutes. Cependant, seuls 27 % des salariés interrogés se plaignent d’arriver de ce fait souvent en retard à leur travail. La raison en est simple : la moitié d’entre eux partent plus tôt de chez eux, internalisant le risque de retard.

La commission d’enquête se rend sur le RER A :

Deux heures pour un trajet de 28 minutes

Lundi 6 février 2012, 7h21, une délégation de la commission d’enquête descend du train UPAC en gare de Cergy Préfecture. Entre 6h36 et 6h49, M. Daniel Goldberg, président, M. Pierre Morange, rapporteur, et M. Axel Poniatowski, se sont retrouvés dans la première rame de ce train, après être monté aux stations Gare de Lyon, Étoile, La Défense Grande Arche. M. Jean-Yves Le Bouillonnec, bloqué dans le RER B, ne parviendra à rejoindre la délégation que plus tard. Le trajet aller s’est effectué sans encombre. Si la relève entre les conducteurs RATP et ceux de la SNCF maintient relativement longtemps le train à quai en Gare de Nanterre Préfecture, la délégation a pris place dans l’une des nouvelles rames à deux étages de type MI 09, propre et confortable. Seul dysfonctionnement : les panneaux d’affichage, sur lesquels ne cesse de défiler le nom des stations de la branche A 4 alors que le train roule sur la voie A 3…

En Gare de Cergy, les députés vont à la rencontre des personnels d’accueil étiquetés Transilien. Ceux-ci confient aux parlementaires qu’il n’y a « pas une journée où ce n’est pas compliqué » face à des usagers mécontents des dysfonctionnements répétitifs du RER. En gare pourtant, les personnels n’ont souvent pas plus d’informations que les voyageurs sur l’état du trafic et les perspectives de rétablissement en cas d’incidents. Seul le téléphone et la radio les reliant aux agents situés sur les quais constituent parfois des sources d’informations complémentaires.

8h01, la délégation reprend le RER vers Paris, afin d’effectuer un trajet long aux heures de pointe, depuis l’une des gares les plus importantes de la région. 8h14, le train est à l’arrêt en Gare de Achères Ville : un colis suspect à Auber ralentit le trafic. Soudain, un message du conducteur invite l’ensemble des passagers à descendre du train. Terminus Achères Ville donc, au lieu de Torcy. Tout le monde descend, s’agglutinant sur un quai verglacé et enneigé large de quelques mètres. Les portes se ferment alors que près de la délégation certaines personnes ont encore un pied sur un marchepied. Prochain RER annoncé pour 8h22. Sur le quai, les usagers sont serrés, alors qu’un nouveau train est à l’approche.

Aucune information sur la provenance et la destination de ce train, ni de message d’alerte prévenant qu’un train est à l’approche. Les conditions de sécurité sont plus que minimes, mais heureusement, personne ne glisse entre le quai et la rame, nulle bretelle de sac n’est accrochée par le train passant à quelques centimètres des voyageurs accolés les uns aux autres sur le quai.

8h19, la foule des voyageurs présente sur le quai s’engouffre dans ce train enfin à l’arrêt. Il s’agit d’un Transilien « L » ayant pour destination la Gare Saint-Lazare. À chaque gare, le train se remplit un peu plus, tandis que certains voyageurs savent « pourquoi ils prennent leur voiture de temps en temps ».

Finalement, les députés quittent le train en Gare de Nanterre Université, comme une bonne partie des voyageurs. Sur un autre quai, des dizaines d’usagers attendent en vain un RER vers Paris, alors que celui passé précédemment était trop chargé pour accueillir des passagers supplémentaires.

8h45, nouveau message d’information : en raison du malaise d’un voyageur à la station Nation, le trafic est suspendu sur l’ensemble de la ligne A du RER. À l’annonce de cette nouvelle, les parlementaires décident de rejoindre la gare suivante à pieds. La Gare de Nanterre Préfecture recevant les trains des trois branches ouest du RER A, il s’agit de tout tenter en l’absence de train et d’annonce précise de la part des opérateurs.

Une fois dehors, les députés montent dans le bus 304 afin de rejoindre la Gare RER de Nanterre Préfecture. Cette dernière s’avère très éloignée de l’arrêt « Préfecture des Hauts de Seine », et après une quinzaine de minutes de marche dans les rues de Nanterre, guidés par les indications des passants en l’absence de toute signalétique urbaine, l’objectif est atteint. Un RER A est sur le quai, à l’arrêt. La délégation de la commission d’enquête y monte au moment où retentissent les sonneries annonçant la fermeture des portes. Quelques minutes plus tard, la destination finale –La Défense Grande Arche – est enfin atteinte : deux heures de temps pour un trajet de 28 minutes habituellement…

2. De lourdes conséquences pour les Franciliens

Comme l’a indiqué M. Frédéric Linares, président de l’ADURERA, ces dysfonctionnements affectent directement les conditions de vie et de travail des Franciliens. Ils ont des incidences économiques mais aussi sur la santé des usagers et sur l’environnement, puisqu’ils incitent à reprendre la voiture. Ce constat est largement partagé par M. Cyril Langelot, président de « Ma ligne A » qui a voulu insister sur les conséquences des dysfonctionnements, en termes de santé ou d’emploi, sur la vie même de l’usager. « Mesure-t-on le stress lié à l’impossibilité de prendre un train, voire à la difficulté de monter dans une rame où les voyageurs doivent s’entasser ?»

Pour les salariés, ces trajets longs et compliqués entraînent une détérioration des conditions de travail, une augmentation de leur temps de travail « hors domicile », une fatigue excessive, une usure qui se répercutent dans la vie quotidienne.

M. Jean-Pierre Orfeuil, a évoqué lors de son audition une étude menée par le cabinet Technologia qui concerne essentiellement des usagers du RER et de la SNCF. Il apparaît que ce sont les correspondances qui rendent les irrégularités particulièrement pesantes, donnant aux salariés l’impression d’avoir déjà fait leur journée de travail au moment où ils arrivent au bureau. Les salariés qui se sentent responsables de leur retard recourent à des stratégies compensatoires, par exemple en travaillant pendant leur pause déjeuner. Parmi les salariés déclarant que leurs trajets entre le domicile et le travail sont une source de désagrément, 54 % considèrent qu’ils ont des conséquences sur leur vie professionnelle (5).

Source : Étude ORSTIF

En outre, d’autres études, menées à l’Université de Paris Est-Créteil, ont permis d’analyser en détail les activités extraprofessionnelles des personnes ayant une durée de commutation supérieure à une heure pour les comparer à celles des personnes dont les trajets entre le domicile et le travail ont une durée « normale », c’est-à-dire d’une demi-heure environ. Le temps que ces personnes consacrent à la vie familiale apparaît fortement réduit, malgré l’effort de maîtrise qui consiste à partir plus tôt le matin – moment moins valorisé que le soir – mais qui suppose que leur conjoint ou un proche puisse alors s’occuper des enfants.

Pour reprendre le constat fait par M. Patrice Pattée, adjoint au maire de Sceaux, dans la contribution qu’il a adressée à la commission d’enquête, votre Rapporteur déplore qu’au-delà d’un système qui fonctionne de manière acceptable, notamment au regard d’exemples étrangers, le voyageur ait été le grand oublié du réseau express régional. Il faut recentrer tout projet sur l’intérêt des usagers, directs et indirects. Cela passe certainement par une meilleure association des comités des usagers aux décisions.

Proposition

Réunir les représentants des usagers, d’une part, et les constructeurs et les ateliers de maintenance, d’autre part, pour échanger des informations sur la conception, l’entretien, l’accessibilité, le confort général et la sécurité des rames et des gares. La commission insiste sur la nécessité de mieux prendre en compte les retours d’expérience des usagers.

Le principe d’une réunion annuelle consacrée à ces questions sur chaque ligne du RER est à retenir. Dans le même esprit, les attentes des usagers doivent être considérées dès la conception générale de nouvelles rames et les décisions relatives à leur aménagement intérieur pour toute commande passée à un constructeur (matériels neufs ou régénérations). Pour ce faire, le Comité des partenaires du transport public élargi à toutes les associations d’usagers d’une ligne doit être consulté « en amont » de la passation de la commande ; il doit d’ailleurs être à même d’auditionner les constructeurs concourant à l’obtention d’un marché.

DEUXIÈME PARTIE

LE RER, LES CAUSES D’UN DYSFONCTIONNEMENT

I.— UN SCHÉMA AUJOURD’HUI INADAPTÉ

A.— QU’EST-CE QUE LE RER ?

Le réseau express régional (RER) comporte 5 lignes : A, B, C D et E ; il s’étend sur 620 kilomètres, dont 76,5 kilomètres en souterrain, situés pour l’essentiel dans Paris intra-muros. Il comporte 30 terminus et 257 gares, certaines d’entre elles, de correspondance, sont communes à plusieurs lignes.

1. La création du RER

a) Chronologie de la construction du réseau

Le réseau express régional a été conçu, pour l’essentiel, entre les années 1962 et 1979. Il venait répondre à une nécessité constatée dès le début du XXe siècle, celle de relier entre elles les gares parisiennes et simplifier les échanges entre Paris et la banlieue en supprimant les ruptures de charge dans les gares.

En 1938, la ligne de Sceau est rétrocédée à la Compagnie de chemin de fer de Paris (CMP) par la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans après d’importants travaux de modernisation. À la même époque, le reste du réseau français à grand gabarit est nationalisé avec la création de la SNCF.

Au cours des années 1950, la RATP, qui a succédé à la CMP, reprend l’idée et, en 1960, un comité interministériel lance la construction d’une ligne est-ouest à grand gabarit. La RATP est chargée de l’exécution, la SNCF lui cédant deux lignes, celle de Saint-Germain-en-Laye à l’ouest et celle de Vincennes à l’est.

C’est en 1965 avec le premier Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne (SDAURP) de Paul Delouvrier, qu’un nouveau réseau régional est conçu. Le plan prévoit trois lignes qui convergent vers Paris et le traversent : la transversale est-ouest, la transversale nord-sud et les liaisons tangentielles, en 260 kilomètres de voies. Le SDAURP lance aussi des projets de villes nouvelles et d’autoroutes afin de canaliser la croissance rapide de l’agglomération parisienne. On prévoit alors que la région comptera 14 millions d’habitants en l’an 2000.

C’est à l’occasion de l’inauguration de la station Nation, le 12 décembre 1969, que naît l’appellation RER.

b) Chronologie du développement des cinq lignes du RER

La ligne A :

– 6 juillet 1961 : commencement du chantier de la liaison Étoile/La Défense, sur l’île de Neuilly

– 12 décembre 1969 : inauguration de la gare de Nation

– 23 novembre 1971 : prolongement à l’est d’Étoile à Auber

– 1er octobre 1972 : prolongement à l’ouest à Saint-Germain en Laye, connexion avec l’ancienne ligne de Paris à Saint-Germain en Laye

– 1er octobre 1973 : ouverture de la gare de Nanterre Préfecture

– 8 décembre 1977 : inauguration du tronçon central Auber/Gare de Lyon et ouverture de la branche Noisy-le-Grand/Mont d’est

– 19 décembre 1980 : prolongement à l’est à Torcy

– 29 mai 1988 : inauguration de l’interconnexion ouest

– 29 mai 1989 : ouverture de la branche Poissy

– 1er avril 1992 : prolongement à l’est à Marne la Vallée Chessy

– 29 août 1994 : prolongement à l’ouest de Cergy Saint-Christophe à Cergy le Haut

– 10 juin 2001 : ouverture de la gare de Serris-Montévrain – Val d’Europe sur le tronçon Torcy/Marne la Vallée – Chessy

La ligne B :

– 8 décembre 1977 : la Ligne de Sceaux devient le RER B par son prolongement à Châtelet-Les Halles et à la mise en correspondance avec le tronçon central du RER A mis en service le même jour

– 10 décembre 1981 : prolongement au nord jusqu’à Gare du Nord et intégration des lignes vers Roissy - Aéroport Charles-de-Gaulle (ex Roissy Rail) et Mitry-Claye, grâce à une correspondance systématique quai à quai à Gare du Nord

– janvier 1983 : ouverture de la gare de Parc des Expositions

– 7 juin 1983 : mise en service de la première phase de l’interconnexion nord-sud avec huit trains interconnectés par heure, institution des relèves entre conducteurs SNCF et conducteurs RATP à Gare du Nord

– 1er octobre 1984 : interconnexion nord-sud améliorée avec douze trains interconnectés par heure

– deuxième semestre 1985 : interconnexion nord-sud renforcée avec seize trains interconnectés par heure

– 27 septembre 1987 : interconnexion nord-sud complétée avec l’interconnexion de tous les trains (vingt trains par heure)

– 17 février 1988 : ouverture de la gare de Saint-Michel - Notre-Dame, en correspondance avec les lignes RER C et 10 du métro

– 2 octobre 1991 : mise en service d’Orlyval entre la gare d’Antony et l’aéroport d’Orly

– 13 novembre 1994 : prolongement de la branche de Roissy à Aéroport Charles-de-Gaulle 2 TGV. La gare de Roissy - Aéroport Charles-de-Gaulle devient Aéroport Charles-de-Gaulle

– 25 janvier 1998 : ouverture de la gare de La Plaine-Stade de France et fermeture de celle de La Plaine-Voyageurs

– du 7 juillet 2008 au 9 novembre 2009 : suppression progressive des relèves SNCF/RATP en Gare du Nord.

La ligne C :

– 30 septembre 1979 : création de la ligne par l’ouverture de la Transversale rive gauche (TRG),

– mai 1980 : la Transversale rive-gauche devient RER C, elle est prolongée à Saint-Quentin-en-Yvelines

– 25 septembre 1988 : ouverture de la branche Vallée de Montmorency/Invalides (VMI) (Champ de Mars – Argenteuil/Montigny - Beauchamp)

– 29 septembre 1991 : inauguration de la gare de la Porte de Clichy sur la branche VMI, entre Pereire Levallois et Saint-Ouen.

– 1992 : intégration de la branche Juvisy-Versailles-Chantiers

– 5 juillet 1996 : suppression de la navette ferroviaire Pont Cardinet-Pereire-Levallois

– 28 août 2000 : prolongement jusqu’à Pontoise de la branche de Montigny-Beauchamp

– 3 décembre 2000 : ouverture de la gare Bibliothèque François Mitterrand en remplacement de la gare du Boulevard Masséna

– 24 mars 2002 : mise en service de la gare de Saint-Ouen-l’Aumône-Liesse sur la branche VMI, entre Pierrelaye et Saint-Ouen-l’Aumône.

– 27 août 2006 : abandon du terminus Argenteuil au profit de celui de Montigny-Beauchamp

La ligne D :

– 27 septembre 1987 : création de la ligne D du RER par le prolongement des trains terminus Villiers-le-Bel de Gare du Nord à Châtelet-Les Halles

– 1988 : prolongement au nord à Goussainville

– septembre 1990 : prolongement au nord de Goussainville à Orry-la-Ville

– 28 juin 1991 : déclaration d’utilité publique du projet d’interconnexion nord-sud du RER D

– 24 septembre 1995 : extension de la ligne au sud de Châtelet-Les Halles à Melun et La Ferté Alais après la mise en service de l’interconnexion nord-sud avec douze trains interconnectés par heure

– 1996 : prolongement des trains de La Ferté Alais à Malesherbes

– 25 janvier 1998 : ouverture de la gare de Stade de France - Saint-Denis

La ligne E :

– 13 octobre 1989 : annonce par le Premier ministre, M. Michel Rocard, de la réalisation des projets Éole et Meteor

– 4 mai 1995 : achèvement du tunnel nord

– novembre 1996 : achèvement du tunnel sud

– novembre 1998 : présentation de l’avant-projet rectificatif d’Eole

– 17 janvier 1999 : mise sous tension du tronçon parisien en tunnel

– 14 juillet 1999 : mise en service de la ligne de Haussmann - Saint-Lazare à Chelles-Gournay

– 30 août 1999 : mise en service de la seconde branche jusqu’à Villiers-sur-Marne-Le Plessis-Trévise

– 14 décembre 2003 : prolongement vers le sud de Villiers-sur-Marne à Tournan.

2. Lignes, kilométrage, gares

La ligne A traverse l’agglomération parisienne d’est en ouest, avec plusieurs branches aux extrémités d’un tronçon central. Elle relie Saint-Germain-en-Laye, Cergy et Poissy à l’ouest, à Boissy-Saint-Léger et Marne-la-Vallée à l’est, en passant par le centre de Paris. La longueur de la ligne A est de 109 kilomètres dont 76 sont exploités par la RATP (avec 26 kilomètres en souterrain) et 33 par la SNCF. Cette ligne comporte les 5 terminus suivants : A1 Saint-Germain-en-Laye, A2 Boissy-Saint-Léger, A3 Cergy le Haut, A4 Marne-la-Vallée - Chessy, A5 Poissy. Elle dessert 41 communes et dispose de 46 arrêts (35 RATP, 11 SNCF).

Elle est de loin la plus chargée du réseau avec 1,2 million de voyageurs par jour ouvrable et très régulièrement saturée, ce qui en fait également, en matière de trafic, une des lignes les plus denses du monde et la plus dense d’Europe ; elle assure à elle seule plus d’un quart du trafic ferroviaire de la banlieue parisienne et transporte certains jours plus de personnes que la totalité des réseaux TER hors Transilien. Depuis des années, la détérioration du service, en raison de la saturation de l’infrastructure et du vieillissement prématuré du matériel roulant, génère des incidents techniques et des retards quasi-quotidiens provoquant un vif mécontentement des usagers. La recherche de solutions de la part des pouvoirs publics est restée sans effet jusqu’à présent ; les voyageurs subissent presque tous les jours, aux heures de pointe des durées de trajet allongées de plus d’une dizaine de minutes du fait d’arrêts prolongés en gare, de trajets à vitesse réduite, d’attentes en pleine voie, ou de l’annulation de rames.

Cette ligne avait pour but d’en soulager d’autres, sur l’axe Est-Ouest vital à Paris, elle a été très rapidement saturée. Dès le milieu des années 1980, après moins de dix ans d’existence, la surcharge des rames aux heures de pointes devient chronique.

La ligne B : traverse l’agglomération parisienne selon un axe nord-est/sud-ouest, avec plusieurs embranchements. Elle relie Aéroport Charles-de-Gaulle 2 TGV et Mitry - Claye au nord-est, à Robinson et Saint-Rémy-lès-Chevreuse au sud, en passant par le cœur de Paris. La longueur de la ligne B est de 80 kilomètres dont 40 sont exploités par la SNCF et 40 par la RATP. Cette ligne comporte plusieurs terminus : B2 Robinson, B3 Aéroport Charles-de-Gaulle 2 TGV, B4 Saint-Rémy-lès-Chevreuse, B5 Mitry - Claye, Massy - Palaiseau. Elle dessert 41 communes et dispose de 47 arrêts dont 31 RATP et 16 SNCF.

La ligne transporte 900 000 voyageurs par jour ouvrable en 2009, chiffre en progression de 35 % en dix ans pour la partie SNCF, ce qui en fait la ligne la plus fréquentée derrière la ligne A.

En 2008, la régularité sur la ligne B est de l’ordre de 80% d’après le STIF. Cela signifie qu’un train sur cinq est en retard ou supprimé, soit deux incidents en moyenne par semaine pour un voyageur faisant cinq allers et retours. En revanche, d’autres statistiques divulguées par la presse et relevées par certaines associations d’usagers sont accablantes : pour le RER B, les retards varieraient entre 33 % et 45 %, selon les branches. Durant le premier semestre 2010, la régularité de la ligne est évaluée à 81,5 % des trains à l’heure selon les chiffes officiels, soit une légère amélioration, avec un taux qui demeure cependant le plus faible du réseau après celui de la ligne D.

La ligne C traverse l’agglomération parisienne avec de nombreux embranchements. Elle relie à l’ouest Pontoise, Versailles Rive Gauche et Saint-Quentin-en-Yvelines et, au sud, Massy - Palaiseau, Dourdan et Saint-Martin d’Étampes, ainsi que Versailles Chantiers par un tracé quasi circulaire, en passant par le centre de Paris. La longueur de la ligne C est de 187 kilomètres elle est exploitée par la SNCF. Cette ligne comporte 10 terminus : C1 Pontoise, C2 Massy-Palaiseau, C3 Montigny-Beauchamp, C4 Dourdan, C5 Versailles-Rive-Gauche, C6 Saint-Martin-d’Étampes, C7 Saint-Quentin-en-Yvelines, C8 Versailles-Chantiers, C10 Juvisy, C12 Pont de Rungis. Elle dessert 58 communes (16 stations dans Paris) et dispose de 84 arrêts.

Elle transporte 500 000 voyageurs par jour, ses arrêts nombreux, en particulier dans Paris intra-muros, combinés à une infrastructure généralement ancienne, la rend peu performante sur les tronçons parisiens. Desservant plusieurs monuments et musées, elle est la ligne de RER la plus fréquentée par les touristes, qui représentent 15 % de sa clientèle. Cette ligne est de loin la plus difficile à exploiter du fait de ses très nombreuses branches : le moindre problème sur l’une d’entre elle peut perturber le trafic sur le tronc commun.

Elle est la ligne qui souffre d’une irrégularité relativement élevée. La longueur excessive des parcours qui entraînent des retards en chaîne, l’infrastructure parfois déficiente mais encore les incivilités constantes (signaux d’alarme abusivement tirés, vitres cassées, personnes sur les voies...) expliquent pour une large part ces dysfonctionnements.

La ligne D dessert une grande partie de la Région Île-de-France selon un axe nord-sud. Elle relie Orry la Ville et Creil au nord à Melun et Malesherbes au sud, en passant par le centre de Paris. La longueur de la ligne D est de 197 kilomètres, elle est exploitée par la SNCF. Cette ligne comprend 7 terminus : D1 Orry-la-Ville – Coye, D2 Melun, D3 Creil, D4 Malesherbes, D5 Villiers-le-Bel, D6 Corbeil-Essonnes, D7 Goussainville. Elle dessert 70 communes et dispose de 59 arrêts.

La fréquence élevée des incidents sur la ligne, tant du point de vue de son exploitation ferroviaire que du point de vue social, a conduit des usagers à la qualifier de « RER poubelle ». Les agressions y sont nombreuses et l’irrégularité y est la plus élevée du réseau, passant de 7,6 % en 1989 à 19,5 % en 2010, du fait de la mise en service de l’interconnexion nord-sud notamment. Le tunnel commun avec le RER B entre Gare du Nord et Châtelet-les-Halles, la longueur excessive des parcours qui entraînent des retards en chaîne, l’infrastructure déficiente (terminus peu adaptés, défaillances techniques multiples), la gestion plutôt défaillante de la ligne par la SNCF, la vétusté du matériel roulant mais encore les nombreuses incivilités (fermetures des portes empêchées, signaux d’alarme abusivement tirés, vitres cassées, personnes sur les voies…) subies dans des secteurs difficiles qui sont traversés, expliquent pour une large part cette situation.

La ligne E, dénommée Éole, dessert l’est de l’agglomération parisienne selon un axe est-ouest. Elle relie Haussmann - Saint-Lazare dans Paris, à l’ouest, à Chelles - Gournay et Tournan, à l’est. La longueur de la ligne E est de 56 kilomètres, elle est exploitée par la SNCF. Cette ligne comprend 3 terminus : E1 Haussmann - Saint-Lazare, E2 Chelles – Gournay, Villiers-sur-Marne - Le Plessis-Trévise, E4 Tournan. Elle dessert 29 communes et dispose de 21 arrêts.

Éole a plutôt bien rempli son objectif d’aménagement régional, les habitants de l’est francilien ayant vu leurs trajets nettement améliorés grâce aux correspondances plus pratiques ainsi créées dans Paris. La qualité de service est généralement bonne, le taux d’irrégularité de la ligne étant en moyenne inférieur au reste du réseau elle a été première ligne certifiée du réseau au mois de mars 2004.

Les lignes de RER

 

Étapes de création

1969 : Branche Nation/Boissy Saint-Léger

1975 : Création du RER A

1994 : Branche Cergy le Haut

1977 : Branche Sceaux/Châtelet

1994 : Prolongement CDG1 à CDG2

1979 : Branche TRG

1980 : Création du RER C

2000 : Branche Montigny Beauchamp

1987 : Branche Châtelet/Villiers le Bel

1996 : Branches Malesherbes/La Ferté Allais

1999 : Branche Haussmann Chelles

2003 : Prolongation Tournan

Longueur de la ligne

109 kms

80 kms

187 kms

197 kms

56 kms

Nb de terminus

5 terminus

5 terminus

10 terminus

7 terminus

3 terminus

Nb d’arrêts

46 arrêts commerciaux

47 arrêts commerciaux

84 arrêts

59 arrêts

21 arrêts

Caractéristiques du parc

Arrivée des MIO9

MI79 problème amiante

Parc homogène (Z2N)

Équipement anti-enrayeurs en cours

Z 20500/20900

Homogénéité du parc à conserver avec EOLE Ouest

Exploitants

SNCF 1/3 (+ RFF)

RATP 2/3

SNCF ½ nord (+ RFF)

RATP ½ sud

Interopérabilité Paris Nord en 2009

SNCF (+ RFF)

(PAR Invalides)

SNCF (+ RFF)

+ RATP (Tunnel Châtelet/Paris Nord)

SNCF (+ RFF)

Passagers/jour

1 200 000

900 000

500 000

600 000

350 000

Source : SNCF

B.— L’ESSOR DE LA RÉGION CAPITALE

1. Démographie francilienne

En 1946, l’Île-de-France comptait 6 597 930 habitants, en 1975, 9 878 565, en 2009, 11 728 240.

Aujourd’hui, elle représente à elle seule 18,8% de la population de la France métropolitaine, ce qui fait d’elle la région la plus peuplée avec la plus forte densité (976,5 habitants au km²) de France. Elle est fortement centralisée sur l’agglomération parisienne, qui s’étend sur 20 % de la surface régionale mais où habite 88 % de sa population. L’aire urbaine de Paris (qui correspond à la notion de bassin d’emplois) recouvre, quant à elle, la quasi-totalité de la superficie francilienne.

Au cours du XIXe siècle, l’Île-de-France a connu une croissance spectaculaire de sa population, principalement due à l’attraction qu’exerçait la ville de Paris sur les provinces. En 1911, Paris, dont la population constituait l’essentiel de celle de l’Île-de-France (2 833 351 sur 5 182 151), était la troisième ville la plus peuplée du monde.

Entre la Première Guerre mondiale et 1945, la croissance de la population de l’Île-de-France connut un ralentissement tout en se maintenant malgré la dénatalité caractéristique de la période dans tout le pays.

De 1946 à 1975, la population de la région fit un bond de près de 50 %. Les vingt-cinq années suivantes se caractérisent par une croissance nettement moindre, liée avant tout à une émigration importante vers d’autres régions (régions atlantiques et méridionales) malgré un dynamisme des naissances (fécondité devenue supérieure à la moyenne du pays) et l’apport d’un courant migratoire positif en provenance de l’étranger. Depuis la fin des années 1990 cependant, la croissance se poursuit à un rythme soutenu.

ÉVOLUTION DE LA DÉMOGRAPHIE EN ÎLE-DE-FRANCE

1801

1851

1861

1872

1876

1881

1886

1891

1896

1 353 000

2 239 925

2 819 275

3 141 960

3 316 387

3 726 318

3 934 522

4 126 870

4 365 879

1901

1906

1911

1921

1926

1931

1936

1946

1954

4 735 799

4 960 529

5 335 595

5 682 768

6 146 374

6 705 746

6 785 913

6 597 930

7 317 228

1962

1968

1975

1982

1990

1999

2007

2008

2009

8 470 015

9 248 931

9 878 565

10 073 059

10 660 554

10 952 011

11 598 866

11 659 260

11 728 240

D’après l’INSEE, au 1er janvier 2009, la population municipale des communes franciliennes s’élève à 11 728 240 habitants. Depuis 1999, la population francilienne a augmenté de 776 000 habitants, soit 0,7 % en moyenne chaque année. Les 1 281 communes franciliennes accueillent 18 % de la population française. Depuis une décennie, la capitale regagne des habitants et les gains de population sont plus importants en Petite couronne qu’en Grande couronne. Ce recentrage de la croissance démographique sur des territoires de faible superficie se traduit par une « densification » du centre de l’agglomération. En 2009, 42 % des Franciliens vivent dans une commune de plus de 50 000 habitants, contre 38 % en 1999. Depuis 1999, Argenteuil, Montreuil et Saint-Denis ont rejoint Boulogne-Billancourt et Paris dans le groupe des villes de 100 000 habitants. La population des communes franciliennes de plus de 50 000 habitants en 1999 a augmenté alors que 15 % des communes de moins de 50 000 habitants ont connu une baisse de leur population.

Le tableau ci-dessous montre que quatre Franciliens sur dix vivent en Grande couronne.

Source : INSEE, La population légale d’Île-de-France, décembre 2011.

2. Développement de la région d’Île-de-France

« Certains responsables de l’aménagement en région parisienne se demandent si la politique de la DATAR ne repose pas sur un principe d’action plus insidieux mais combien plus efficace : afin de dissuader les provinciaux de s’établir à Paris, et d’inciter les Parisiens à aller vivre en province, le meilleur moyen n’est-il pas de développer la qualité de vie en province tout en laissant se dégrader le cadre de vie des habitants de la région parisienne ? Par conséquent, la véritable politique de la DATAR, en vue de provoquer le blocage du développement de Paris, consisterait à faciliter la multiplication des problèmes dans la région parisienne : crise de l’emploi, notamment en matière industrielle, difficulté de transport, difficultés dans le domaine du logement, accroissement des nuisances » (6).

Si votre Rapporteur ne peut faire sien un jugement aussi manichéen, l’historique de l’essor de l’Île-de-France, et le constat qu’on en peut faire aujourd’hui, conduisent à considérer ce développement comme erratique. Ainsi, selon l’Institut d’aménagement et d’urbanisme, l’aménagement de l’Île-de-France par la puissance publique a toujours oscillé entre libéralisme et contrainte, entre volonté de développer ou structurer et difficulté à canaliser ou contenir.

La place tenue de nos jours par la région Île-de-France est ainsi décrite par l’INSEE : « Deuxième plate-forme aéroportuaire d’Europe et deuxième plate-forme fluviale d’Europe, dotée d’infrastructures ferroviaires à grande vitesse qui la relient aux grandes capitales européennes, l’Île-de-France est située au carrefour des échanges européens et mondiaux. Elle est la première région économique française et l’une des premières au niveau européen. L’Île-de-France contribue pour 28,7 % au Produit intérieur brut métropolitain en 2007, grâce en particulier à la présence de nombreuses entreprises multinationales et une forte densité de sièges sociaux : un tiers des 500 plus grands groupes mondiaux possèdent un siège en Île-de-France. La région compte 7 des 71 pôles de compétitivité labellisés en France, dont 3 des 7 pôles mondiaux. Fortement attractive, l’Île-de-France est la deuxième région en Europe et la première en France en matière d’accueil des investissements étrangers. Elle est la première destination touristique au monde et l’une des capitales mondiales des salons et congrès professionnels.

Parmi les premiers bassins d’emploi européens, la région offre environ 5,6 millions d’emplois, salariés pour 94 % d’entre eux. Sa main-d’oeuvre est hautement qualifiée : elle comprend 36 % des cadres et près de 37 % du personnel de la recherche publique de la France métropolitaine. Les services marchands sont surreprésentés dans la région, notamment les activités marchandes de conseil et d’assistance, les activités financières et immobilières, ainsi que celle de recherche-développement et les activités culturelles. L’Île-de-France reste la première région industrielle malgré la diminution persistante du nombre d’emplois dans l’industrie ».

Jusqu’à la fin du XXe siècle, ce rôle de région capitale a pesé sur la planification de l’aménagement de la région parisienne d’abord, de l’Île-de-France ensuite. L’action d’Haussmann, les tentatives de planification de l’entre-deux-guerres, le schéma directeur « Delouvrier », puis les schémas de 1976 et de 1994 ont rythmé les principales phases de cet aménagement dans des contextes très différents, tant du point de vue des politiques menées que des outils et moyens mis en œuvre.

De façon lapidaire, pour expliquer les nombreux déséquilibres résultant de cette histoire, les propos tenus par M. Daniel Canepa, préfet de la Région Île-de-France, devant la commission d’enquête méritent d’être cités « Quant à savoir si nous avons eu une vision stratégique, il me semble que cela n’a guère été le cas depuis vingt-cinq ans. La dernière vision stratégique me paraît avoir été celle de mon prédécesseur Paul Delouvrier ».

En 1975, l’Île-de-France comptait 1,8 million d’emplois industriels (1,4 dans les industries de transformation et 0,4 million dans le bâtiment et les travaux publics, alors en pleine activité). Trois personnes actives sur huit étaient ouvrières. Trente ans plus tard, il y a environ 850 000 emplois industriels (dont un quart dans le BTP). De son côté, en termes d’emploi, le secteur tertiaire représentait 3 677 000 emplois (77,0 %) en 1990 contre 3 963 000 (81,9 %) en 1999.

La distance entre le logement et le travail n’a cessé de s’accroître. Si la période des Trente Glorieuses a été dominée par la nécessité de résoudre la crise du logement, elle a laissé à l’agglomération des grands ensembles, des ZUP et des « secteurs résidentiels », à base d’habitat collectif. Cette banlieue est sous-équipée et manque d’emplois à proximité des logements, même si de nombreuses industries de Paris et de ce qui constituait sa ceinture industrielle se sont desserrées vers l’extérieur de l’agglomération. Ce constat de déséquilibre fait par Pierre Merlin dans l’ouvrage L’Île-de-France, hier, aujourd’hui, demain (la Documentation française, 2004) est encore partagé aujourd’hui par la majorité des interlocuteurs de la commission d’enquête. Ainsi, M. Roger Karoutchi a-t-il pu s’interroger : « Par ailleurs, comment la saturation du réseau diminuerait-elle, dès lors que les logements sont à l’Est et les activités à l’Ouest ? L’élu des Hauts-de-Seine que je suis ne voit certes aucun mal à ce que le pôle de La Défense continue de se développer – car ce n’est pas en tuant les moteurs qu’on créera de l’activité, mais en créant d’autres moteurs. Ce développement va cependant continuer à attirer des actifs de l’Est, accentuant la saturation (du réseau de transports) ». De même, devant la commission, M. Dominique Launay, secrétaire général de l’Union interfédérale CGT des Transports a considéré que : « Si nous voulons améliorer les conditions de transports des Franciliens, il faut aussi arrêter de créer de nouveaux besoins de transports. Cela pose la question de l’aménagement du territoire, du logement et de son coût. En Île-de-France, les temps de transports journaliers sont d’une heure trente en moyenne. Sur la ligne A, complètement saturée, plus de 70 % des transports sont traversants. L’arrivée potentielle de 35 000 à 60 000 nouveaux salariés sur la dalle de La Défense va encore aggraver significativement la situation ».

Cette perception d’un développement des activités vers l’Ouest ne fait cependant pas l’unanimité. Ainsi, dans l’ouvrage Paris, histoire d’une ville, XIXe XXe siècle Bernard Marchand (7) considère que : « La zone d’influence de Paris s’est beaucoup étendue, occasionnant un accroissement des déplacements : les emplois sont au centre, mais les actifs vivent à la périphérie. Les migrations alternantes sont plus nombreuses qu’il y a quinze ans et plus longues. Le centre de gravité des emplois s’est déplacé vers le sud et non vers l’ouest comme on le croit d’ordinaire. Ainsi 70 % des Franciliens travaillent hors de leur commune de résidence ; 12 000 « turbo-cadres » effectuent quotidiennement un aller et retour de la Grande Couronne, où ils vivent, à Paris, où ils travaillent ».

LE CAS PARTICULIER DE LA DÉFENSE (HAUTS-DE-SEINE)

La Défense est le premier quartier d’affaires européen par l’importance de son parc de bureaux. Il est situé dans les Hauts-de-Seine sur les territoires des communes de Puteaux, Courbevoie et de Nanterre, dans le prolongement de l’axe historique parisien qui commence au Palais du Louvre et se poursuit par l’avenue des Champs-Élysées, l’Arc de triomphe de l’Étoile, et au-delà jusqu’au pont de Neuilly et l’Arche de La Défense2.

Érigée dans les années 1960, La Défense est majoritairement constituée d’immeubles de grande hauteur, regroupant principalement des bureaux (environ 3 millions de m2). La Défense est cependant un quartier « mixte »: elle accueille 600 000 m2 de logements et l’ouverture du centre commercial des Quatre-temps en 1981 en a fait un pôle commercial majeur en Région Île-de-France. En 2009, le quartier compte 2 500 entreprises, environ 180 000 salariés et 20 000 habitants répartis dans 71 tours.

La Défense en chiffres :

10 % du PIB français ;

1 500 entreprises dont 14 des 20 premières nationales et 15 des 50 premières mondiales ;

3 millions de m2de bureaux (45 millions de m² pour l’agglomération parisienne) ;

230 000 m2 de commerces (dont 130 000 aux Quatre Temps) ;

2 600 chambres d’hôtel ;

265 usines pour le traitement de l’air et la ventilation ;

400 000 personnes passent quotidiennement par La Défense en transports en commun ;

50 terrasses de cafés et de restaurants ;

180 000 salariés ;

20 000 habitants ;

90 000 m2 de voiries (dont 60 000 couverts) ;

10 km de galeries techniques ;

31 ha pour l’espace piétonnier, divisé en 12 secteurs.

L’histoire montre une incohérence manifeste entre l’urbanisation, le développement des activités économiques et celui des transports. Les entreprises viennent naturellement s’installer le long des réseaux ferroviaires du RER, l’urbanisation, de son côté, est loin d’avoir toujours suivi cette logique. Entendu par la commission d’enquête, M. Pierre Cardo, président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires a exposé : « Le problème est qu’on nous demande, à nous acteurs de la périphérie, notamment de la grande banlieue, de continuer à construire des logements pour remédier à la pénurie criante qui sévit dans Paris intra muros et la Petite couronne, alors que le système de transport n’est pas du tout adapté en Grande couronne. Les cartes font apparaître de vastes déserts… La zone de la confluence est concernée par l’opération d’intérêt national « Seine Aval », l’Axe Seine, le Grand Paris, et notamment le contrat de territoire qui réunit les villes de Cergy-Pontoise, Poissy, Achères, Conflans, Maurecourt et les territoires de notre communauté d’agglomération. Cet ensemble représente 400 000 habitants et plus de 150 000 emplois. Nous assurons à nous seuls la construction de plus de 400 logements par an, et l’agglomération dans sa totalité, avec les villes que je viens de citer, plusieurs milliers, alors que toutes les lignes du RER A sont saturées. La ligne Paris Saint Lazare–Mantes-la-Jolie par Conflans-Sainte-Honorine, un véritable « tortillard », est elle-même saturée aux heures de pointe ».

Au titre des déséquilibres, doit encore être mentionné l’exemple du département de l’Oise, exclu de tous les plans et schémas de développement de la région parisienne alors que plus de 20 % de la population de ce département y travaille. Situé en Région Picardie et comme amputé de son « Val d’Oise », ce département se trouve à 30 kilomètres de Paris et compte 801 450 habitants.

Enfin, l’absence de réflexion stratégique dans l’aménagement de la Région Île-de-France trouve sa traduction dans l’augmentation constante du nombre et de la durée des déplacements entre l’habitat et le lieu de travail. En 2000, dans l’ouvrage La France dans ses régions (8) l’accent est porté sur les conséquences, en termes de transports, pour les populations de ces déséquilibres : « Les mouvements pendulaires en Île-de-France ne cessent d’augmenter, même si l’on se contente d’une définition très limitative : en 1975, 38 % des Franciliens sortaient de leur département pour travailler ; en 1990 ils sont 43 %. De plus, les migrations à longue distance, et notamment celles venant de l’extérieur de la région, notamment l’Oise, sont de plus en plus fréquentes : en 1990, 260 000 « provinciaux » viennent travailler en Île-de-France (ils n’étaient que 110 000 en 1975), et 53 000 Franciliens font le trajet inverse). La moitié de ces « immigrants quotidiens » vient des départements limitrophes, l’autre de beaucoup plus loin. D’après l’Atlas des Franciliens, 5 villes envoient déjà plus de 1 500 pendulaires quotidiens à Paris : dans l’ordre, Creil, Chartres, Orléans, Vernon et Dreux.

À l’intérieur de la région, il est frappant de voir que la baisse de l’emploi à Paris (de 1 918 000 emplois en 1975 à 1 815 000 en 1990) s’est traduite par une baisse des déplacements les plus courts (- 164 000 Parisiens travaillant dans Paris et – 38 000 habitants de proche banlieue travaillant à Paris), alors que les déplacements lointains explosaient : + 57 000 en provenance de grande banlieue, + 43 000 en provenance des autres régions. Le résultat, c’est une augmentation du nombre absolu des migrations vers Paris (+ 62 000), particulièrement rapide entre 1982 et 1990 ».

À l’évidence, la situation ne s’est pas simplifiée au cours de la dernière décennie.

3. Hausse de la fréquentation

D’après l’INSEE, sur l’ensemble des déplacements effectués quotidiennement par les Franciliens, 19% le sont par des Parisiens, 37 % par des habitants de la Petite couronne et 44% par des habitants de la Grande couronne, ce qui est conforme à la répartition de la population au sein de l’Île-de-France. Près des trois quarts des flux de déplacements des Franciliens sont réalisés de banlieue à banlieue. Les liaisons entre Paris et la périphérie, ne concernent qu’un peu plus d’un déplacement sur dix. La moitié des déplacements entre Paris et la périphérie est motivée par le travail ou les affaires professionnelles et seulement 20 % par les loisirs.

Les transports en commun sont privilégiés pour les déplacements entre Paris et la banlieue

En % des déplacements

Source : INSEE 2008

Non seulement la fréquentation des transports en commun en Île-de-France n’a cessé de croître au cours du XXe siècle mais toutes les projections montrent que le mouvement va se poursuivre. Le tableau présenté plus haut rappelle les chiffres actuels de la fréquentation quotidienne des lignes du RER : Ligne A 1 200 000 ; ligne B 900 000 ; ligne C 500 000 ; ligne D 600 000 ; ligne E 350 000.

Les taux d’augmentation de la fréquentation des lignes au cours de la dernière décennie sont plus que significatifs. Sur la branche de Chessy de la ligne A, il est de 43 %. Ainsi, selon M. Luc Offenstein (UNSA-RATP), en 2008, la ligne A transportait plus d’un million de voyageurs 185 jours par an, contre 7 jours en 2003.

Sur la ligne B, la hausse est de 35 % pour la période. M. Marc Desjours, membre du conseil d’administration de CIRCULE, représentant des usagers a considéré que : « Le nombre de voyageurs empruntant la ligne C augmente de 3 % par an depuis maintenant cinq à dix ans. Cette tendance devrait se confirmer pour les dix années à venir. En 2011, la SNCF parlait de 500 000 personnes transportées par jour ; nous devrions donc atteindre 675 000 dans dix ans. Au vu de la saturation du réseau routier et des prix de l’immobilier à Paris et en Petite couronne, nous estimons que le taux de croissance de 3 % prévu par le Schéma directeur de la Région Île-de-France (SDRIF) a toutes les chances d’être dépassé ».

Quant à la ligne D, son trafic a augmenté au cours de la période de 50 %.

Les deux tableaux, ci-dessous, fournis par la RATP, récapitulent l’évolution du trafic annuel sur les lignes A et B entre 2004 et 2011. Ces données concernent les nombres de voyages comptabilisés en zone RATP. Ils détaillent l’évolution par branches et tronçons centraux.

ÉVOLUTION DU TRAFIC DES RER A ET B

(Évolution par branches et tronçons centraux)

Données de trafic en zone RATP

Ligne A

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Millions de voyages

272

277

288

286

300

283

291

300

% d’augmentation depuis 2004

 

1,8%

5,9%

5,1%

10,3%

4,0%

7,0%

10,3%

Détail en millions de voyages :

               

Tronçon central

166

169

175

172

182

172

175

181

Branche A4 : Marne-La-Vallée - Chessy

43

43

45

46

48

45

46

48

Branche A2 : Boissy-Saint-Léger

23

23

23

23

24

22

23

24

Branche A1 : Saint-Germain-en-Laye

40

41

44

45

46

43

46

48

Il faut ajouter que le trafic de la branche Marne-La-Vallée – Chessy a augmenté de 41% entre 1997 et 2011.

Ligne B

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Millions de voyages

161

166

163

161

169

166

166

168

% d’augmentation depuis 2004

 

3,1%

1,2%

0,0%

5,0%

3,1%

3,1%

4,3%

Détail en millions de voyages :

               

Tronçon central

131

135

132

129

136

133

133

134

Branche B4 : Saint-Rémy-Lès-Chevreuse

25

26

26

26

28

28

28

29

Branche B2 : Robinson

5

5

5

5

5

5

4

5

Il faut souligner que ces dernières années, le trafic de la ligne B a particulièrement augmenté au nord de la ligne en zone SNCF (+ 35 % en 10 ans).

Source : RATP

II.— UNE GOUVERNANCE COMPLEXE

A.— LA MULTIPLICITÉ DES ACTEURS

1. Des logiques internes aux opérateurs

a) Des comptabilités opaques

Aussi surprenant que cela paraisse, il est impossible d’apprécier d’un point de vue comptable les résultats de l’exploitation de chaque ligne du RER, y compris en termes analytiques, tant pour la SNCF que pour la RATP.

Dans ces conditions, les informations financières produites par les exploitants ne facilitent pas la connaissance globale sur l’exploitation de ce réseau (le coût complet d’exploitation) et la maîtrise du coût global du transport collectif en Île-de-France.

La Cour des comptes s’est clairement exprimée sur ce point en demandant notamment à la RATP de séparer la comptabilité des deux activités qu’elle exerce en qualité de gestionnaire de ses infrastructures et d’exploitant de réseau. Car la RATP s’est vu attribuer ce double statut sans séparation juridique. Pourtant, le STIF doit rémunérer l’entreprise, dans le cadre d’une convention particulière, pour sa mission de gestionnaire d’infrastructures. La Cour s’est interrogée sur les conditions véritablement « objectives et transparentes » dans lesquelles peut être équitablement conclue cette convention. Si le STIF reste en effet dans l’ignorance des charges réellement supportées, la rémunération qu’il consentira à servir au titre des capitaux engagés va résulter d’une évaluation quasi forfaitaire qui pourrait lui être défavorable.

La RATP a toutefois tenu à compléter ses premières réponses à la commission d’enquête par un ajout transmis le 24 février dernier précisant : « Dans le contrat pluriannuel en cours de finalisation, la RATP s’engage à donner de plus le coût pour chacune des lignes A et B, à partir des résultats 2013, donc pour la première fois en avril 2014 avec le rapport d’activité annuel ». La commission d’enquête prend acte de cet engagement mais considère trop tardive sa date de matérialisation et maintient sa demande de retraitement comptable par un audit externe des deux derniers exercices clos pour avoir une vision clarifiée des activités par ligne au terme de l’année 2012, au plus tard, afin de permettre toute rectification utile au contrat qui va être conclu avec le STIF sur la période 2012-2015.

Concernant la SNCF, le problème est encore plus complexe. Il résulte, pour une part, de son organisation interne qui aboutit à des découpages « organisationnels » spécifiques, particulièrement en Île-de-France partagée entre cinq directions territoriales pourtant qualifiées de « régionales » (Paris Est, Paris Nord, Paris Saint-Lazare, Paris Sud-est et Paris Rive gauche) héritières de l’ancienne structure ferroviaire française. Ces entités remplissent les missions opérationnelles du RER même s’il existe au sein d’une direction générale à vocation nationale (DG « SNCF Proximités ») une direction du Transilien, appellation qui regroupe, en Île-de-France, les activités « RER » et « trains de banlieue » de la SNCF. Les autres grandes directions, techniques ou spécialisées (par exemple, la DG « Gares et connexions »), interviennent également dans la gestion du RER ; elles en sont les prestataires, sans pour autant en exercer la fonction d’opérateur. Cette multiplicité des interventions de l’entreprise donne lieu à un système complexe de facturation interne sur des bases conventionnelles mais spécifiques qui contribuent nécessairement à l’opacité d’une construction comptable d’ensemble ou par grands secteurs.

M. Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes, a confirmé devant la commission d’enquête les insuffisances communes aux opérateurs : « Pour l’heure, la Cour considère quelle ne dispose pas d’informations suffisantes et directement exploitables. Les sommes en jeu étant considérables, il faudrait alourdir les pénalités financières sanctionnant la non transmission de données ».

La commission d’enquête partage pleinement les conclusions de la Cour des comptes s’agissant de l’obligation pour chacun des opérateurs de réviser leurs pratiques comptables afin d’aboutir à la présentation de résultats par activité que la Cour souhaite « indépendants et certifiés » ce qui implique donc que les comptes du RER apparaissent pour chacune de ses lignes de façon distincte au sein de Transilien. Pour être mené à bien un tel travail doit nécessairement être accompli sur le fondement d’audits externes car des entreprises dont les chiffres d’affaires atteignent des milliards d’euros, même si elles relèvent du secteur public de l’État, ne peuvent plus avoir la pleine maîtrise de plans comptables dérogatoires.

Au cours de son audition, M. Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France (RFF), a posé le problème concernant la SNCF: « L’information que nous donnons au STIF est celle que la SNCF nous fournit pour sa partie infrastructure, mais elle ne dispose sans doute pas elle-même, dans son organisation interne, des moyens de connaître ses coûts [...] il faut bien voir que la SNCF n’a pas été configurée pour que le Transilien soit une composante de son organisation. Elle est organisée en effet par secteurs, l’Île-de-France recouvrant cinq de ceux-ci. Il n’y avait donc pas, dans l’organisation de la société nationale, de pilotage, de reporting et d’évaluation des coûts correspondant à la Région Île-de-France. L’entreprise doit aujourd’hui réorganiser sa structure de pilotage interne pour que sa gouvernance et ses propres coûts soient délimités en fonction du découpage territorial réel. Il devrait dès lors être plus facile à RFF et au STIF d’avoir accès en toute transparence à l’information financière dont ils ont besoin ».

Il ne s’agit pas d’entraver le développement de ces entreprises par des contraintes dont elles ne percevraient ni l’intérêt ni l’opportunité mais de clarifier des gestions publiques qui ne sont pas sans incidences économiques et sociales. Comment le STIF pourrait-il jouer son rôle de garant du bon fonctionnement des transports collectifs en Île-de-France s’il ne dispose pas de la part des opérateurs de données financières fiables alors qu’il est appelé à contracter avec eux sur des engagements de moyen terme ? Cette interrogation s’inscrit dans le prolongement de la remarque du président de la région, M. Jean-Paul Huchon, au lendemain de la publication du rapport de la Cour : « La SNCF et la RATP ne communiquent pas les données indispensables » (Les Échos du 18 novembre 2010). Le STIF a ainsi été contraint de lancer ses propres audits pour mieux comprendre les résultats d’exploitation qui lui sont fournis.

Dans des réponses écrites au questionnaire de la commission, les opérateurs se différencient quelque peu dans leurs approches comptables respectives. La RATP insiste sur le fait que ses comptes annuels (comptes sociaux et consolidés) sont d’ores et déjà certifiés par des commissaires aux comptes qui font état de leur rapport au comité d’audit et au conseil d’administration. La SNCF ne mentionne pas l’existence d’une certification mais souligne que « les comptes du Transilien sont établis conformément aux règles comptables en vigueur et aux règles de gestion internes à l’entreprise, telles que validées par le comité d’audit et des risques du conseil d’administration de la SNCF, ainsi que nous l’avions indiqué dans notre réponse au rapport de la Cour des comptes ». La direction de la RATP a tenu à compléter sa première réponse écrite par un ajout en date du 24 février dernier : « Dans le nouveau contrat pluriannuel qui est en voie de finalisation, la RATP s’engage à donner de plus le coût pour chacune des lignes A et B, à partir des résultats 2013, donc pour la première fois en mars 2014 avec le rapport d’activité annuel ». Votre Rapporteur prend acte de cette disposition mais considère trop tardif l’accès à ces premiers comptes par ligne. Il estime possible d’effectuer, pour la fin de l’année 2012, un retraitement comptable des deux derniers exercices clos afin de précisément définir, au terme d’un audit contradictoire, ce qui doit constituer le socle comptable des activités particulières au RER. À défaut, le STIF est contraint de s’engager « à l’aveugle » dans une contractualisation couvrant la période 2012-2015 et, dans la meilleure hypothèse, ne pourra la rectifier qu’à la marge pour sa dernière année d’exécution, en tenant compte d’une nouvelle identification comptable.

Donc, les deux opérateurs qui ne travaillent toujours pas en « comptabilité par ligne » du réseau, ne donnent pas de précisions particulières sur leur approche analytique des activités sur chaque ligne.

La SNCF est pourtant confrontée à une exigence de présentation plus fine de ses comptes sous la pression d’un groupe de travail constitué à l’initiative de l’Association des régions de France (ARF) légitimement soucieuse de connaître ce pour quoi chaque région est tenue de payer au titre des liaisons des TER. Cet effort semble sur le point d’être engagé dans cinq régions cadres d’expérimentation. Il est évident que les élus d’Île-de-France et le STIF ont besoin d’un niveau de connaissance au moins équivalent concernant chaque ligne du RER ! La réponse donnée par la SNCF se veut prudente, car sans même évoquer la perspective d’une comptabilité par ligne du RER, elle souligne : « L’établissement d’une comptabilité propre au périmètre du Transilien demanderait, pour aller beaucoup plus loin que les clés de répartition actuellement utilisées, la création d’une entité dédiée. Cette hypothèse est examinée à l’occasion de la négociation du contrat avec le STIF ». En d’autres termes, une progression comptable reste possible à condition que le STIF en finance l’effort !

En l’état actuel des données analytiques de la RATP et de la SNCF concernant le RER, le STIF est dans une position de sujétion : les prestations des opérateurs lui sont facturées en termes « d’unités d’œuvre » qu’il ne peut rapprocher des coûts unitaires réels qui restent inconnus de lui du fait de l’absence de diffusion de véritables « comptes de ligne ». L’établissement de ce type de comptes constituerait un progrès déterminant même s’ils ne peuvent fournir, à eux seuls, le coût complet de chaque ligne puisque les dépenses d’infrastructures y relèvent pour partie de Réseau Ferré de France (RFF). L’amélioration de la perception comptable des activités reste l’un des principaux points de discussion dans l’élaboration des contrats entre le STIF et les opérateurs, sachant que toute évolution vers des « comptes de lignes » ne peut s’appuyer sur les comptabilités analytiques préexistantes et opaques. Un travail de clarification et d’identification constituerait un indispensable préalable : il devrait être conduit par un organisme tiers aux parties dans une optique conciliatrice mais avec de réels objectifs de transparence. Il est à craindre que ce résultat ne puisse être atteint avant la prochaine conclusion des contrats pluriannuels couvrant les quatre années à venir. Dans ces conditions, il reste néanmoins impératif d’engager ce travail en fixant un objectif de résultat réaliste, en tout état de cause avant d’atteindre le mi-chemin de l’exécution des contrats, et de prévoir ainsi des « clauses de revoyure » qui tireraient les conséquences d’une nouvelle approche comptable.

Proposition

Exiger au terme de l’exercice 2012 de la RATP et de la SNCF, la présentation d’une comptabilité par ligne du réseau du RER, par la mise en œuvre, dès cette année, d’une mission d’audit externe notamment chargée d’un retraitement en ce sens de leurs deux derniers exercices clos. Ce travail portera également sur la mise en place d’une approche analytique cohérente des activités concernées des deux opérateurs. Du fait de l’émergence de nouvelles données comme les résultats d’exploitation par ligne, la révision comptable ainsi réalisée chez les opérateurs rendra aussi possible pour le STIF un meilleur ajustement du système de bonus-malus qui leur est appliqué sur la base d’indicateurs de régularité et de qualité du service.

Au-delà du seul aspect comptable, la Cour des comptes a relevé d’autres défaillances. Elles concernent l’absence de communication d’éléments d’ordre statistique ou économique. Il s’agit principalement de données relatives au trafic comme, par exemple, les taux de remplissage des rames selon les séquences journalières et mensuelles. Il est difficilement compréhensible que des entreprises nationales, en situation de monopole, puissent ainsi se protéger au titre du secret industriel ou des affaires alors que la jurisprudence de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) admet de longue date la communication de ce type d’informations ! En outre, hors d’une volonté évidente de rétention de l’information, des données importantes peuvent échapper à toute connaissance certaine. Ainsi, le fractionnement de l’organisation interne de la SNCF a empêché la Cour des comptes de connaître avec certitude le nombre exact des agents sur chaque ligne du RER et, plus généralement encore, le nombre de ceux affectés sur le réseau du Transilien. Le Président Descheemaeker doute cependant de l’argument selon lequel ces agents pourraient être appelés à intervenir à tout moment sur d’autres liaisons car, selon son appréciation : «... il est probable que certains personnels soient affectés durablement sur les lignes transiliennes ».

La commission d’enquête a néanmoins pu obtenir par écrit des données sur les effectifs (hors personnels de sécurité et de contrôle) de la part des deux opérateurs.

S’agissant de la SNCF, la réponse reste globale donc sans distinction des affectations sur le RER :

« Fin décembre 2011, 10 019 agents travaillaient pour Transilien dont 2 650 agents de conduite et 4 605 agents de gare.

S’y ajoutent les agents de maintenance du matériel roulant (965), les agents de maintenance des installations ferroviaires (5 000) et ceux chargés de la circulation des trains sur le réseau d’Île-de-France (environ 5 000 agents) ».

Concernant la RATP, la réponse est plus précise :

« L’ensemble du département RER de 1250 salariés est totalement dédié à l’exploitation transport des deux lignes RER. Parmi eux 1 168 travaillent directement sur les deux lignes de RER pour assurer le service au quotidien. Les 82 autres salariés travaillent sur les fonctions supports (formation, inspection transport, RH, contrôle de gestion...). À ces 1 250 salariés, il convient d’ajouter 210 salariés en contrat unique d’insertion présents sur les quais du lundi au vendredi, aux heures de pointe, pour aider à la fermeture des portes. 1 527 agents du département SEM sont sur le terrain, dans les gares pour le contact avec les usagers. Par ailleurs 1 113 personnes travaillent au département du Matériel roulant ferroviaire (MRF), à la maintenance des matériels roulants des lignes A et B du RER (y compris les matériels de la SNCF de la ligne B). S’agissant de la gestion des infrastructures, 670 agents (toutes catégories confondues) travaillent au département Gestion des infrastructures (GDI) pour le fonctionnement du RER (maintenance des installations électriques, de la voie, de la signalisation...). Et enfin, 294 agents travaillent, au département M2E (Équipement) à la maintenance des équipements en gare ».

Il serait donc indispensable que soient transmis au STIF, au titre des contrats négociés avec les opérateurs pour la période 2012-2015, tous les éléments statistiques lui paraissant nécessaires et qu’il mette en place un système d’accès voire de publication à destination du public. De telles données doivent, par exemple, être aisément accessibles aux associations d’usagers qui, aujourd’hui, sont trop souvent contraintes de partir en quête d’informations par des voies parallèles.

b) Des différences ou divergences entre cultures internes

De nombreux interlocuteurs de la commission d’enquête ont souligné les fortes distinctions qui caractérisent la RATP et la SNCF.

Certains pourraient même trouver un seul point commun à ces deux entreprises : elles existaient bien avant l’apparition du RER. Elles ne sont évidemment pas nées avec lui et les pouvoirs publics de l’époque n’ont pas voulu créer de toutes pièces ou par scissiparité un opérateur nouveau en charge d’un réseau pourtant spécifique. Chaque entreprise a ainsi « importé » sur le RER, ses méthodes de travail, son savoir-faire et ses réglementations internes. Ce constat d’évidence n’a rien d’anecdotique car cette réalité originelle explique beaucoup des traits de la situation d’exploitation actuelle du RER.

La RATP maîtrise de longue date la circulation souterraine et à fort cadencement du métro. La SNCF est l’opérateur historique du train français de voyageurs ou de fret ; cette entreprise sait gérer, de jour comme de nuit, une circulation ferroviaire « à découvert » sur de longues distances. La RATP fonctionne par axes alors que le schéma de fonctionnement de la SNCF est en réseaux mais sur la base d’une organisation découpée en secteurs.

Au cours de son audition, M. Pierre Mongin, le président de la RATP a su décrire l’état de situation des lignes en situation d’exploitation partagée avec la SNCF :

« Le 5 décembre dernier, le président de la République a demandé que les trois opérateurs publics – RATP, SNCF, RFF – approfondissent l’idée d’une structure de pilotage unique, dans le respect des compétences de chacun. » « La RATP et la SNCF proposent ce projet à présent de placer l’exploitation de la ligne B sous l’autorité d’une seule équipe commune. C’est une orientation que je ne peux que valider » a-t-il ajouté. « Le 9 février, avec Guillaume Pepy, nous allons donc lancer un groupe de travail mixte pour tenter de passer d’une exploitation partagée à une exploitation commune qui devra apporter des solutions à court terme, d’abord pour fiabiliser l’information voyageurs, ensuite pour réduire les délais de traitement des incidents Nous avons l’idée d’instituer un pilotage technique commun de la ligne, et probablement une gouvernance nouvelle. Naturellement ce projet prendra tout son intérêt lorsque RFF aura achevé ses travaux au nord, consistant à construire des voies dédiées à la ligne B jusqu’à Charles de Gaulle et Mitry ».

Pour sa part, M. Guillaume Pepy, président de la SNCF, a déclaré, au cours de son audition, qu’il était « ... totalement engagé dans l’unification. ». Non sans avoir toutefois argué de l’avantage, à ses yeux, de la double exploitation qui éviterait un blocage du réseau en cas de conflit social du fait du caractère « rarissime » d’une grève concomitante chez l’un et l’autre des opérateurs. La commission d’enquête n’adhère évidemment pas à cette conception plutôt particulière du service minimum !

M. Pepy a également insisté sur les différences entre « les règles de rémunération et d’organisation du travail » entre les deux opérateurs

Il va sans dire que la commission n’a jamais agité le spectre d’une fusion « RATP/SNCF ». Elle recherche simplement, dans le droit fil de la direction désignée par le Président de la République, à voir établies une logique et une cohérence dans la gestion des lignes du RER, ce que beaucoup d’autres observateurs appellent également de leurs vœux.

Les propos tenus par les directions des opérateurs démontrent, s’il en était besoin, que rien ne peut avancer sans une forte pression politique.

Il en a été ainsi pour l’abandon du système de la relève des conducteurs à la Gare du Nord, grâce à la pression exercée par le STIF ; il en sera de même pour l’abandon, au demeurant inéluctable, de la relève qui subsiste toujours sur la ligne A, en gare de Nanterre Préfecture ! Ces mesures ne sont pas à elles seules suffisantes, mais elles sont nécessaires en vue de l’amélioration de la fluidité du trafic.

Dans son discours du 5 décembre 2011 sur la modernisation des transports urbains, le Président de la République s’était interrogé sur la survivance de cette situation : « Je ne vais pas répéter mais je pense que les mêmes causes produisent les mêmes effets, nous devrions pouvoir y arriver. J’ai le sentiment que rien ne justifie que ce dernier mur ne soit pas abattu, et que plus d’un million d’usagers par jour l’attendent ».

Le RER est donc un « mix » qui, depuis l’origine, ne relève d’aucun des schémas d’usage et d’exploitation particuliers à la vocation de chacun des opérateurs. La RATP et la SNCF ont donc calqué sur le RER leurs pratiques, non sans adaptations, mais sans parvenir à pleinement les intégrer dans la logique de fonctionnement d’un ensemble complexe : chacune des entreprises ignorant assez largement le pourquoi et le comment des méthodes mises en œuvre par l’autre. La fragilité de telles modalités d’exploitation s’est révélée avec l’accroissement du trafic, l’allongement des lignes et la création d’embranchements destinés à augmenter le nombre des dessertes. La direction de la RATP a d’ailleurs donné une réponse dans ce sens à l’un des points du questionnaire que lui a adressé le président et le rapporteur de la commission d’enquête : elle qualifie le RER d’« ... objet hybride qui présente l’avantage mais aussi l’inconvénient de réunir les spécificités du ferroviaire interurbain et celle du métro ». Cette observation est d’ailleurs formulée pour justifier qu’elle « ...n’est pas favorable à un changement de la gouvernance actuelle du RER A, pas plus qu’elle ne l’est sur le RER B », du moins s’il s’agit de lui attribuer une pleine et entière responsabilité de gestion sur la ligne A et (ou) sur la ligne B !

S’agissant des temps de conduite des conducteurs, la commission a également tenu à ce que chaque opérateur réponde par écrit. Les deux réponses officielles, car transmises par les présidences des entreprises, figurent en annexe du présent rapport. Elles apparaîtront surprenantes à nombre d’usagers.

À la SNCF, la durée maximale de la « journée de conduite  (sans coupure) » ne peut réglementairement excéder 8h00 mais la « journée de conduite » est une notion qui apparaît distincte du « temps de conduite » stricto sensu car le service d’un conducteur se décompose en diverses tâches mentionnées dans la réponse.

Pour sa part la RATP, indique que la durée journalière maximum réglementaire d’un « service de conduite » est de 6h30 mais l’entreprise ajoute : « le temps de conduite moyen un jour ouvrable de plein trafic en semaine, sur la ligne A est de 5h28 et peut aller jusqu’à 6h30. Il est de 5h15 sur la ligne B et peut aller jusqu’à 6h22 sur le tableau actuel ». À la RATP comme à la SNCF cette notion de « temps de conduite » est constituée par l’addition de nombreux éléments dont « le temps de conduite sur les voies principales », selon une notion en usage à la SNCF, n’est qu’une partie d’ailleurs non précisément évaluée.

La SNCF conclut toutefois sa réponse par une mention globale : « En conséquence, pour Transilien, l’amplitude moyenne de la journée de travail d’un conducteur est de 6h30 dont 60 % en conduite effective ».

Aucune des entreprises n’a communiqué à la commission la durée de conduite en termes annualisés, alors que cette information leur était pourtant demandée.

L’opacité qui caractérise toujours l’obtention d’informations essentielles ne contribue pas à instaurer un climat de crédibilité et de confiance entre usagers et transporteurs. Le flou de certaines notions et leur non équivalence entre la SNCF et la RATP constituent un problème récurrent. Dans ces conditions, les deux entreprises persistent à s’exposer aux critiques voire aux commentaires les plus acerbes. Tant que le public ne connaîtra pas avec certitude les durées de conduite correspondant aux séquences de travail effectivement passées dans les cabines des trains, d’autres sujets (rémunération, âge de départ à la retraite, revenu de remplacement des conducteurs retraités etc.) susciteront les polémiques ou feront l’objet de bien des fantasmes. Pour mémoire, la commission rappelle qu’il y a deux ans, la presse se faisait l’écho de sources internes à la RATP selon lesquelles la ligne A était la fin de carrière la plus intéressante pour ses agents dont les conducteurs qui ne passeraient que 2h50 par jour aux commandes d’un RER pour une durée du travail journalier officiellement fixée à 6h30 ! (Le Figaro du 16 décembre 2009).

Propositions

– Réserver aux associations d’usagers du RER un espace d’affichage dans les gares.

– Renforcer la place des usagers d’Île-de-France au sein des conseils d’administration ou de surveillance de la SNCF, de la RATP mais aussi de RFF et de la Société du Grand Paris (SGP) dans l’esprit des lois du 26 juillet 1983 de démocratisation du secteur public et du 8 décembre 2009 sur l’organisation et la régularisation des transports ferroviaires.

La commission d’enquête constate que les usagers ne sont représentés que par deux membres au conseil d’administration de la RATP (si tant est que l’Union nationale des associations familiales représente effectivement l’usager des transports au côté de la FNAUT, une autre organisation nationale), et un seul (la FNAUT) au conseil d’administration de la SNCF.

Pour leur part, RFF et la SGP n’ont toujours pas accueilli de représentants des usagers à leur conseil. A ce jour, le conseil d’administration de RFF qui compte 18 membres ne compte au titre des clients du rail qu’un représentant des chargeurs. Sans méconnaître le sens de cette désignation, la commission regrette l’absence à ses côtés d’un représentant des voyageurs du quotidien.

Concernant la SGP, son conseil de surveillance de 21 membres n’est composé que d’élus et de fonctionnaires. Enfin, l’Atelier international du Grand Paris constitué sous la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP) ne compte aucun représentant des usagers ni dans les collèges de son assemblée générale, ni au sein de son conseil d’administration.

L’insuffisance ou l’absence de représentation des usagers d’Île-de-France dans les organes d’administration ou de surveillance d’entreprises ou de structures publiques ne peut perdurer. A défaut, elle sera interprétée comme une défiance vis-à-vis des représentants des usagers qui ne seraient pas jugés dignes d’être considérés en tant que personnalités qualifiées et choisies en fonction de leurs compétences.

2. L’émergence d’un autre acteur : Réseau ferré de France (RFF) ou l’absolue nécessité d’une véritable coordination.

a) Les effets néfastes d’une répartition de compétences sur les infrastructures

Réseau ferré de France (RFF) vient de célébrer ses quinze ans. La loi n° 97-135 du 13 février 1997 a fait de cet établissement public industriel et commercial, le gestionnaire de l’infrastructure du réseau ferré national (RFN), sur laquelle il détient d’ailleurs une entière propriété. À sa création, la dette de la SNCF lui a été transférée. Il entretient des relations conventionnelles avec la SNCF pour l’entretien du réseau et la gestion du trafic progressivement donc partiellement ouvert aujourd’hui à d’autres opérateurs. S’agissant du RER comme du métro, cette possibilité d’ouverture à la concurrence est encore lointaine. Le monopole de leur exploitation ayant été confirmé jusqu’au 31 décembre 2039 (ce qui n’est pas le cas des nouvelles lignes du Grand Paris dont l’exploitation sera immédiatement soumise à la concurrence).

Par son objet, la commission d’enquête n’a pas vocation à étudier les conditions dans lesquelles la France a transposé, du double point de vue juridique et opérationnel, les prescriptions communautaires exigeant une séparation fonctionnelle entre la gestion de l’infrastructure et le (ou les) exploitants ferroviaires. Elle constate néanmoins que cette question fait toujours débat comme l’ont montré les Assises du ferroviaire qui se sont tenues récemment à l’initiative du gouvernement. D’ailleurs, au niveau européen, les États à forte tradition ferroviaire ont chacun conféré des modalités sensiblement différentes à l’architecture institutionnelle et à l’application pratique de cette obligation de séparation.

L’attribution de l’infrastructure à RFF n’a évidemment pas été sans conséquence pour le RER qui est exploité en grande partie sur des voies partagées qui appartiennent au réseau ferré national (RFN). Les voies ainsi empruntées se caractérisent par une sur utilisation sans équivalent dans les autres régions françaises. Elles souffrent de l’obsolescence d’équipements essentiels qui s’avèrent désormais usés et inadaptés au volume et à la fréquence du trafic. Sans anticiper sur les analyses des enquêtes et des investigations techniques en cours, la commission rappelle qu’il y a quelques semaines, le 1er février dernier, un conducteur a été très grièvement blessé à la suite du choc sur la vitre frontale de sa cabine d’un isolateur détaché d’une structure de caténaires. La question de la mise à niveau du RER par une modernisation massive s’avère désormais cruciale même si elle intervient, à présent, dans un contexte historique de raréfaction des capacités de l’endettement public. Il en va de la sécurité des voyageurs et des personnels !

Plus généralement, la commission d’enquête s’interroge sur la relative faiblesse d’impact de l’état de l’infrastructure sur les causes d’irrégularité des trains, telle que M. Hubert du Mesnil, président de RFF, l’a indiqué à la commission : « ...10 à 15 % seulement de ces causes tiennent à l’insuffisance, à la défaillance ou au mauvais état de l’infrastructure ». Quand bien même le nombre des interruptions de trafic pour ces motifs serait voisin de ces niveaux au sein de statistiques agglomérant entre autres les conséquences des très nombreux actes d’incivilité ou de malveillance, il reste probable que la durée moyenne des interruptions et des pannes mettant en cause l’infrastructure est élevée, notamment parce qu’elles exigent quasiment à chaque fois une vérification ou une intervention technique par des tiers puis une procédure de sécurité préalable à la reprise de circulation de la ou des rames concernées.

La question est d’autant plus préoccupante qu’une gouvernance inextricable par bien des aspects a résulté de cette réforme « séparatrice », notamment lorsqu’il s’agit d’aboutir à une claire définition des priorités à donner à l’investissement puis pour s’assurer du suivi cohérent de son exécution. M. Pierre Cardo, président de l’ARAF, a d’ailleurs exprimé le caractère aléatoire de certaines décisions : « Les interventions d’entretien et de rénovation sont définies par RFF, mais il n’est pas certain que ce qui a été programmé soit réalisé ».

Concernant la RATP, le régime de propriété des infrastructures qu’elle utilise est resté distinct de RFF. Il a d’ailleurs dû être clarifié par des dispositions de la loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires dite « ORTF » car il s’avérait disparate du fait d’une pluralité de propriétaires (État, STIF et RATP), une situation résultant de l’historique des activités. Par exemple, si le réseau initial du métro s’inscrivait bien dans le patrimoine du STIF, il n’en était pas de même des prolongations de lignes. La loi a donc reconnu à la RATP, à compter du 1er janvier 2010, une double qualité d’exploitant de réseaux et de gestionnaire des infrastructures (l’État et le STIF lui apportant les actifs qu’ils détenaient), c’est-à-dire un cumul de fonctions désormais réparties entre la SNCF et RFF.

Depuis le 1er janvier 2012, la RATP a confié le pilotage ses infrastructures à une entité spécialisée interne, le département Gestion des Infrastructures ou GDI.

La programmation de l’investissement est encore rendue plus difficile s’agissant d’un réseau aussi spécifique que le RER dont les lignes A et B demeurent en situation d’exploitation partagée. Cela suppose, à tout le moins, une recherche de cohérence lorsque des travaux sont décidés tant par RFF que par la RATP sur des parties distinctes d’une même ligne mais qui relèvent de leur patrimoine respectif.

En outre, la loi dite « ORTF » permet la mise en œuvre d’opérations en maîtrise d’ouvrage partagée entre la RATP et le STIF dont la première application porte sur le prolongement de la ligne 14 du métro jusqu’à la Mairie de Saint-Ouen. En citant cet exemple devant la commission, Mme Sophie Mougard, directrice générale du STIF, a tenu à préciser : « Le STIF souhaite par ailleurs exercer une maîtrise d’ouvrage directe ce qui renforcera sa capacité à piloter la réalisation de projets de tramways ou de métro ». Mais comme le rappelait M. Hubert du Mesnil : « Juridiquement [le STIF] n’a pas de compétence en matière de réseaux et d’infrastructures », en omettant toutefois de mentionner que depuis la loi dite « ORTF » du 8 décembre 2009, un régime de maîtrise d’ouvrage partagée avec la RATP a été ouvert au STIF.

RFF a une capacité d’intervention matérielle nécessairement limitée au-delà de l’expertise technique. Il délègue à une entité de la SNCF, SNCF Infra, l’exécution des travaux qu’il finance sur le réseau. Les dirigeants de RFF se plaignent des conséquences d’un système qui les prive d’une totale maîtrise de la programmation et des coûts qui en résultent. Ils affirment même subir en ce domaine ce que d’aucuns appellent des « renoncements ». Il n’est donc pas anormal que RFF cherche à se libérer de ce qui lui parait constituer un carcan. En témoigne son annonce récente d’un projet dénommé Sherpa visant à recourir, pour les cinq années à venir, à un organisme spécialisé dans la fonction d’achat pour abaisser le coût d’acquisition de prestations et d’équipements indispensables aux travaux sans qu’ils concernent toutefois des éléments déterminants de sécurité. RFF entend ainsi exercer une pression concurrentielle sur une partie de l’activité jusqu’alors intégralement attribuée par délégation à SNCF Infra.

Pour sa part, la SNCF vient d’annoncer la création d’une filiale de droit privé pour réaliser des travaux neufs ou de rénovation sur les voies et notamment sur les caténaires. Cette filiale baptisée Sferis devrait ainsi être plus compétitive car SNCF Infra supporterait des surcoûts évalués par les milieux professionnels à 20 voire 25 % par rapport à la concurrence.

RFF dispose néanmoins d’un moyen de pression en laissant entrevoir une modération ou une modulation de ses péages en contrepartie d’éventuels gains de productivité chez son partenaire. C’est ce qui a été mis en œuvre, encore récemment, s’agissant de la tarification des péages des TGV qui avaient augmenté dans des proportions très supérieures à l’inflation et de façon erratique, au cours des dernières années. En échange d’un effort tarifaire de RFF, la SNCF s’est engagée à améliorer la productivité de ses prestations de maintenance et d’entretien de 1,5 % par an. En tout état de cause, alors que l’argent public est précieux, il convenait impérativement de sortir d’un système pervers et inflationniste qui a trop souvent abouti à contraindre la SNCF à un certain laxisme dans le coût de ses prestations à RFF pour simplement répercuter les hausses des péages qu’elle avait par ailleurs à subir. La commission d’enquête souhaite que puissent ainsi être dégagées quelques marges en faveur du financement de travaux prioritaires sur les lignes du RER.

Enfin, RFF joue un rôle déterminant s’agissant de l’attribution des sillons de circulation. Cette attribution « impacte » nécessairement le RER donc la possibilité d’harmoniser ses fréquences en fonction de sa charge de voyageurs. Là encore, RFF ne travaille pas seul. L’établissement public dispose d’une autre entité de la SNCF, la Direction de la circulation ferroviaire ou DCF, pour établir les horaires du RER, une tâche rendue encore plus difficile sur un réseau sur saturé et techniquement fragile.

RFF se trouve ainsi obligé d’arbitrer entre une multiplicité de demandes de circulation dans un cadre éminemment contraint d’horaires incompatibles. La commission d’enquête est néanmoins amenée à s’interroger sur les ordres de priorité consentis par RFF sur des fondements réglementaires européens ou nationaux qui paraissent opaques.

b) L’absolue nécessité d’une clarification au moyen d’un regroupement

Sans mettre en cause les justifications ou la loyauté des décisions de RFF ni la difficulté de l’exercice quotidien de cette attribution, il n’en reste pas moins que les voyageurs massés sur un quai de gare, à une heure de pointe, comprennent très mal l’attente qui leur est imposée sous la forme du retard à l’arrivée de leur train ou, souvent encore, d’un arrêt non prévu sur la ligne pour une durée incertaine afin de laisser passer un TGV, un train de fret ou un TER, voire une liaison internationale d’un opérateur étranger.

D’ailleurs RFF, qui a pourtant transcrit son mode opératoire dans un « document de référence du réseau », dispose-t-il vraiment en la matière de toute l’information indispensable à la prise de décision ? Sa dépendance vis-à-vis de la DCF qui reste une entité de la SNCF, est une question, même si RFF invoque une certaine autonomie fonctionnelle de cette entité et semble aujourd’hui exercer en partie un pouvoir hiérarchique à son égard (la nomination du directeur de la DCF doit dorénavant être approuvée par RFF).

Certaines priorités de circulation ne demeurent-elles pas l’apanage de la « maison mère » de la DCF dont les agents sous statut de l’opérateur historique continueraient d’en appliquer les méthodes et directives ? Ou bien RFF n’est-il pas lui-même tenté d’accorder plus favorablement un sillon plus « lucratif », au titre de sa grille tarifaire, que les péages acquittés par le RER ?

Il n’est guère possible de formuler de réponses certaines à ces questions. C’est pourquoi il convient, selon la commission, d’auditer un système qui donne toujours lieu à trop de supputations ou d’interrogations, des années après sa mise en place.

M. Pierre Cardo a même qualifié la situation d’« ingérable » en ajoutant : « Quand on sait, en outre, que ces opérations d’une grande complexité restent encore largement effectuées manuellement... les systèmes informatiques n’étant toujours pas tout à fait au point ! »

La commission d’enquête partage un même sentiment sur les lourdeurs et les défaillances du système actuel. En clôture des Assises du ferroviaires, la ministre Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a d’ailleurs souligné la nécessité et l’urgence d’un changement dans le sens d’une meilleure intégration entre la DCF, SNCF Infra et tout ou partie de RFF. Cette perspective est, à l’évidence, une priorité absolue.

Une telle réorganisation s’impose à l’échelle nationale mais n’exclut pas pour autant la recherche d’une solution, tout autant urgente et en rapport de la spécificité du RER, s’agissant notamment de la complexité de gestion de son infrastructure. C’est pourquoi, la commission d’enquête estime qu’il convient d’aller plus loin.

Proposition

Mettre en œuvre sans tarder un regroupement de toutes les compétences et moyens dédiés : la formule d’un « GIP RER », un groupement d’intérêt public rassemblant sous la présidence du STIF, la RATP, la SNCF, dans sa fonction d’opérateur mais aussi avec ses parties DCF et Infra, RFF, et l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) constituera un cadre mobilisateur d’identification et d’action favorable à la coordination des moyens, des procédures et de la gestion des situations de crise et permettra de réaliser une gestion unifiée du RER articulée avec le Transilien.

Les comités de lignes y seront régulièrement associés.

Les opérateurs publics devraient d’ailleurs y être plus encore placés sous le contrôle des tutelles. Le RER disposerait ainsi d’un statut qui lui fait défaut pour que puisse être mené à bien et de façon cohérente le double chantier de sa modernisation et de son meilleur ajustement possible avec les projets du Grand Paris. Des représentants des usagers et des employeurs devront, à l’évidence, être désignés pour participer au conseil d’administration du GIP.

M. Hubert du Mesnil a d’ailleurs esquissé un schéma de ce type qui impliquerait la RATP, la SNCF et RFF, en déclarant : « nous appartenons à des établissements publics de l’État : nous avons donc la même tutelle. Enfin, nous travaillons tous pour la même autorité organisatrice, le STIF. En dépit de nos différences juridiques et culturelles, il y a donc deux autorités pour nous rassembler et fixer les objectifs : notre tutelle, l’État, et notre partenaire, le STIF. Je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas en mesure de répondre à leurs demandes. En ce qui nous concerne, nous n’avons aucun état d’âme à cet égard. Et qu’on ne vienne pas nous dire que Bruxelles nous interdit de le faire ou parce que nous sommes trois établissements publics que nous n’arrivons pas à nous entendre ! À court terme, rien n’empêche de rassembler les agents de nos différents établissements publics au même endroit pour piloter ensemble un projet commun. Nous croyons beaucoup à cette approche qui passe par les hommes. » Encore faut-il que chaque opérateur se mettre en situation de constituer des équipes projets conséquentes.

B.— UN RÉSEAU CONSTRUIT « À VUE »

1. L’introuvable Transilien :

Qu’est-ce que le Transilien ? Rares sont les usagers qui perçoivent clairement ce que l’appellation recouvre exactement. M. Descheemaeker qui, sur ce point, s’exprimait devant la commission d’enquête autant comme usager régulier que magistrat de la Cour des comptes, a estimé très simplement : « ...il est difficile de savoir où commence et où finit le Transilien. À quoi sert un label qui n’est pas clair ? ».

Pourtant le Transilien existe depuis plus de dix ans ! Il recouvre, aujourd’hui, à la fois les « trains de banlieue » de la SNCF (une expression considérée comme trop péjorativement connotée) et les lignes du RER dont elle est l’opérateur.

C’est en effet à la fin de l’année 1999 que M. Louis Gallois, alors président de la SNCF, lançait cette appellation commerciale qui était apposée pour la première fois sur la gare d’Asnières. Mais c’est à l’automne 2001 que la SNCF a entrepris de largement communiquer en ce sens à destination du public. L’agence Devarrieux-Villaret fut, à cette époque, chargée de faire passer un message de transformation en profondeur de l’offre. Déjà consciente des critiques relatives à son tropisme du « Tout TGV », la direction de la SNCF considérait donc la nécessité de restituer une priorité à son réseau d’Île-de-France, cela dans un contexte de perte de parts de marché du train de banlieue par rapport à la voiture, depuis les grandes grèves de 1995.

Tout devait changer : recrutement d’agents pour l’accueil en gare des voyageurs, propreté, systèmes d’information, musique d’ambiance, mobilier urbain... Le périodique professionnel Stratégies Magazine (n°1205) présentait alors la campagne comme soutenant un programme visant à « tout remettre à plat, des gares jusqu’aux voitures en passant par les dessertes ».

Force est de constater que l’objectif n’a pas été atteint, en dépit des plusieurs relances d’actions de communication par voie de presse écrite et audiovisuelle, distribution de brochures et affichage. Seule la ligne E, la plus récente du RER, a pu obtenir, en 2004, la certification « NF Services » délivrée par l’AFNOR.

En 2009, M. Guillaume Pepy devenu président de la SNCF constatait cet échec, lorsqu’il déclarait s’agissant du réseau francilien : « L’urgence c’est de traiter le réseau actuel. On va commencer par rénover ce qui existe, c’est-à-dire le RER B dans sa partie Nord, le RER C et le RER D. Ce plan d’urgence définitivement arrêté les 7 et 8 juillet, représente 1 milliard d’euros pour augmenter la capacité du réseau : signalisation, aiguillages, alimentation électrique, garages de rames, points de terminus. Il s’agit de faire passer 10 à 15 % de trains en plus, tout en améliorant leur régularité. À ce milliard pour les infrastructures il faut ajouter 1 milliard pour le matériel roulant. » (Le Moniteur du 29 juillet 2009).

Une année auparavant, la SNCF avait même semblé s’interroger sur la validité de son label Transilien, qu’elle aurait un temps envisagé d’abandonner, d’autant que cette politique des marques n’a jamais trouvé un accueil favorable de la part de ses organisations syndicales. Il n’en a rien été. En 2011, l’opérateur a chargé une filiale de l’agence TWBA, après appel d’offres, d’« une relance de la communication opérationnelle » du Transilien.

Ainsi, quelque douze années après sa naissance, le Transilien reste mal connu. Bien que le label recouvre aujourd’hui 381 gares, il n’a pu gagner le cœur du public parce qu’il ne lui a pas apporté de progrès sensibles. Pire, il évoque encore pour beaucoup les rames constituées de « petits gris », des matériels mis en service au cours des années soixante dont l’inconfort et la faiblesse sont notoires. Avec près d’un demi-siècle de service, ces rames sont enfin en cours de remplacement notamment sur les lignes H (Paris-Luzarches et Paris-Persan Beaumont) et R (axe Paris-Montereau via Fontainebleau) du Transilien.

Il paraît donc plus judicieux de recourir à une formule désormais chère à M. Pepy qui réaffirme l’importance « des trains du quotidien » dans l’offre de la SNCF. Le président de la SNCF a d’ailleurs retenu, au mois de janvier 2011, deux de ces trains du quotidien parmi les douze lignes à considérer absolument prioritaires pour entreprendre en urgence des travaux visant à rétablir leur régularité. Il s’agit de la ligne D du RER et de sa ligne A, en liaison avec la RATP.

L’absence de visibilité des activités « RER » de la SNCF est l’un des plus lourds défauts consubstantiel du label Transilien. Elles représentent pourtant plus des deux tiers des opérations quotidiennement assurées sous ce vocable mais souffrent de leur agglomération avec d’autres services. L’idée d’origine pouvait séduire, s’il s’agissait d’offrir aux usagers d’Île-de-France une offre rénovée de transport et véritablement harmonisée. Or, l’exploitation partagée de deux des lignes principales avec un autre opérateur interdisait d’emblée cette perspective.

Pour le STIF, la comptabilité analytique du Transilien est un enjeu d’importance. Dispose-t-il d’informations suffisamment fiables et contrôlables ? Rien n’est moins certain, lorsque l’on constate son obligation de recourir, en 2011, à un cabinet d’audit pour tenter d’identifier des données dont la communication lui était directement refusée, notamment sur les coûts des prestations de traction.

Tant à la SNCF qu’à la RATP, les activités relatives au RER n’ont pas de réelle existence juridique ni même d’identification comptable séparée. Il apparaît aujourd’hui indispensable à la commission d’enquête de leur conférer une unité de gestion et de supervision, ce que justifie pleinement la spécificité du réseau.

2. Une « pause » de vingt ans dans les investissements 

Tout au long des auditions qu’elle a menées durant deux mois, la commission d’enquête a chaque fois été interpellée sur les carences de l’investissement sur le réseau RER au cours des deux dernières décennies. Si ce constat quelque peu péremptoire mérite d’être nuancé par les grands projets des années quatre-vingt-dix, force est de constater une baisse sensible entre les lourds travaux de la fin des années soixante et des années soixante-dix et le retour du réseau francilien sur la liste des priorités au milieu des années 2000.

Dans son rapport de novembre 2010, la Cour des comptes attribue les difficultés récurrentes de la qualité de service sur le réseau Transilien à un « sous-investissement persistant sur le réseau existant ». Ceci serait partiellement expliqué par la priorité donnée pendant des années par le SNCF à l’extension et au renforcement du réseau des TGV, les trains du quotidien étant relégués aux notes de bas de pages des programmes d’investissement de l’entreprise publique.

L’ampleur de ce sous-investissement a été révélée par l’audit publié par le STIF et RFF en 2007 à la suite de la décentralisation des transports franciliens. D’après les conclusions de cet audit, 26 % des appareils de voies, 10 % des rails et 7 % des traverses avaient, à cette date, dépassé leur durée de vie théorique. Cet allongement excessif de l’utilisation des infrastructures n’est pas sans risque pour l’exploitation quotidienne du réseau, dont le vieillissement est de l’avis de tous l’un des facteurs de dérèglement. Lors de son audition devant la commission d’enquête, M. Daniel Canepa, préfet de la région, mettait ainsi en cause « le vieillissement des infrastructures qui n’ont pas été rénovées à temps, faute d’investissements au cours des vingt à vingt-cinq dernières années ».

Concernant les matériels, les trop fameux « petits gris » sont encore le transport que les usagers ont le sentiment d’emprunter chaque jour, alors même que des renouvellements ont eu lieu au cours des années. L’état des rames, souvent abîmées du fait d’actes d’incivilité, contribue à renforcer l’impression de vieillesse du matériel circulant sur nos lignes. Il suffit de comparer les rames du RER B desservant les aéroports aux trains modernes des grandes capitales comparables pour en être convaincu. La région francilienne disposait il y a quarante ans d’un réseau moderne et suscitant l’admiration de nos voisins ; aujourd’hui, ce réseau est parfois la honte des opérateurs, de leurs salariés, des usagers et même de certains habitants de la région qui ne l’empruntent jamais. En 2004, l’âge moyen du matériel roulant Transilien atteignait 26 ans pour les voitures, 18 ans pour les automotrices et 36 ans pour les locomotives. Malgré les opérations de renouvellement renforcées depuis le milieu des années 2000, la moyenne n’était que descendue à 24,6 ans pour les voitures en 2009.

D’un point de vue financier, une certaine reprise des investissements au début des années 2000 illustre le faible niveau des sommes allouées au réseau francilien avant cette date. Ainsi que le relève la Cour des comptes, « les dépenses d’investissement en matière de transport en Île-de-France ont crû de près de 46 % entre 2000 et 2008, passant de 1 125 millions d’euros à 1 637 millions d’euros ». Sur longue période, les dépenses d’investissement ramenées par habitant de la région témoignent d’une forme d’abandon du réseau francilien entre 1980 et 2000. Le niveau élevé de 1995 s’explique par le lancement des projets Éole - Est-Ouest Liaison Express – et Météor (ligne 14 du métro parisien), qui ont nécessité des moyens financiers de l’ordre de 2,1 milliards d’euros pour cette année.

dépenses d’investissement par habitant (en euro constant)

1981

1995

2000

2005

2006

2008

111

183

98

117

126

138

Source : Cour des comptes

L’augmentation sensible du niveau de la participation des habitants est d’autant plus instructive lorsque l’on considère que la population francilienne a cru de plus de 1,5 million de personnes au cours de la période 1981-2008 d’après les évaluations de l’Insee.

Le RER a donc subi une baisse d’investissement parce que les acteurs concernés n’ont pas su arrêter les programmations indispensables à la maîtrise d’un entretien cohérent du réseau et à la mise en œuvre des rénovations les plus opportunes, comme le soulignait déjà votre Rapporteur en introduction. Aujourd’hui, c’est donc un réseau véritablement « à bout de souffle » que le STIF, les opérateurs et l’État doivent moderniser. Il en est grand temps !

Certaines voix se font toutefois entendre dans le milieu associatif pour contester certaines décisions de long terme (prolongation d’Éole, réseau automatique du Grand Paris) qui consommeront de très lourdes dotations alors que l’urgence première porte sur la régénération de l’existant. À titre d’exemple, l’association 4D et ALU3 a fait savoir à la commission qu’elle conteste le bien fondé de la prolongation du RER E à l’ouest telle que prévue (création d’un tunnel de 8 km et de trois nouvelles gares souterraines à Porte Maillot, à La Défense sous le CNIT, et à Nanterre), et privilégie un schéma d’utilisation de la ligne Transilien en activité Saint Lazare-La Défense en soulignant notamment son moindre coût. Mais la comparaison entre les deux « solutions » si différentes semble techniquement bien difficile à établir.

III.— UN RÉSEAU À BOUT DE SOUFFLE

L’audit diligenté postérieurement à la régionalisation des transports publics en 2006 par le STIF a fait apparaître le vieillissement des infrastructures et la grande obsolescence des équipements, qu’il s’agisse de la signalisation, de la puissance électrique, de l’information et des matériels roulants. Le Conseil régional d’Île-de-France et le STIF, ont lancé en 2008 un plan de mobilisation pour les transports de plus de 18 milliards d’euros qui concerne l’ensemble du réseau francilien. Son objectif est de réaliser d’ici 2020 tous les projets indispensables au développement des transports en Île-de-France et de répondre ainsi aux besoins des Franciliens à court, moyen et long termes. L’État s’est associé à cette mobilisation dans le cadre d’une convention spécifique signée en septembre 2011 qui doit permettre d’accélérer le financement des opérations portant sur les transports en commun et inscrites au contrat de projets 2007-2013 à hauteur de 1,051 milliard d’euros.

Source : Conseil régional d’Île-de-France

A.— LES INFRASTRUCTURES

1. Les schémas directeurs du STIF

Mme Danièle Navarre, chargée d’études au département « Mobilité et Transport » de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France a fait lors de son audition par la commission d’enquête le constat suivant : « La vétusté des infrastructures varie selon les réseaux. Ainsi, les réseaux sud-est et nord ont bénéficié de l’arrivée du TGV alors que celui de Saint-Lazare reste particulièrement mal loti ; la signalisation, notamment, n’y a pas été modernisée et de graves problèmes d’alimentation électrique se posaient au moment où nous avons mené notre étude. Si le RER est effectivement récent, ses trains – du moins hors de Paris – empruntent les réseaux ferroviaires, qui, eux, sont vétustes. »

C’est la raison pour laquelle il a été décidé, dans le cadre des contrats de projets 2007-2013 entre l’État et la Région d’élaborer des schémas directeurs définissant pour chaque ligne une vision globale - ayant trait aux infrastructures, aux matériels roulants et à l’exploitation - et un plan d’action. Le STIF est chargé de l’animation et du pilotage du processus de réalisation des schémas directeurs.

a) RER A

Ainsi que l’a souligné M. Marc Pélissier, secrétaire général de la FNAUT Île-de-France : « Le paradoxe est que la ligne A, qui est la plus utilisée du réseau, n’a toujours pas son schéma directeur. Nous espérons qu’il sera finalisé cette année, afin que les investissements nécessaires puissent être engagés. Nous constatons donc que ces démarches restent insuffisamment avancées. »

Plusieurs axes d’améliorations ont déjà été identifiés :

– procéder à la suppression du changement de conducteur qui s’effectue à Nanterre Préfecture ;

– augmenter la capacité de la ligne avec de nouveaux trains et étudier l’automatisation du tronçon central ;

– réformer la gestion des situations perturbées en plaçant le voyageur au centre du dispositif : renforcement et perfectionnement des systèmes d’annonces sonores et visuelles ; amélioration de la gestion des flux de voyageurs dans les grandes gares;

– adapter l’offre de transport aux besoins des voyageurs : allongement de certaines missions - par exemple en prolongeant jusqu’à Chessy des missions origine/destination Torcy, généralisation de certains arrêts - par exemple Nanterre Préfecture, adaptation du nombre de trains avec le rythme de vie des Franciliens avec l’adéquation entre l’offre et la demande l’été, la soirée et les week-ends ;

– améliorer le fonctionnement des gares et pôles d’échanges : rénovation de gares avec la création d’accès supplémentaire, amélioration de l’inscription dans le tissu urbain, poursuite des actions d’amélioration de l’accessibilité.

Le schéma directeur est en cours de rédaction par le STIF en lien avec la RATP, la SNCF et RFF. Il devrait être approuvé en cours d’année.

b) RER B

La partie Nord de la ligne a fait l’objet, dès 2003, du schéma directeur « RER B Nord + ». Il met en œuvre les solutions permettant d’améliorer la ponctualité et la fiabilité d’exploitation de cette ligne. Le principe adopté sur ce secteur consiste à faire circuler les RER B sur deux voies qui leur seront réservées, supprimant ainsi les conflits d’exploitation entre trains et réduisant les effets d’un incident sur la ligne.

Grâce aux travaux de réaménagement du terminus de Mitry-Claye, des quais, des gares et de la signalisation sur le secteur nord, le RER B doit offrir dès la fin 2012, des trains plus réguliers et plus fréquents, notamment en période de pointe (9). Les dessertes sont simplifiées et renforcées avec une desserte omnibus en direction de Paris et des trajets simplifiés à deux missions (une mission omnibus Paris/aéroport CDG2 et une mission omnibus Paris/Mitry-Claye). Le rehaussement des quais doit favoriser l’accessibilité. La rénovation des rames actuelles devrait permettre d’améliorer le confort des voyageurs.

Le schéma directeur comprend également des possibilités de retournement à Denfert, de nouvelles capacités de retournement à Orsay, une amélioration de la signalisation entre Massy Palaiseau et Orsay. Le doublement du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord, tunnel emprunté par les lignes B et D du RER, va faire l’objet d’une nouvelle étude pilotée par RFF.

Les travaux ont été lancés fin 2008, pour une mise en service à la fin de l’année 2012. Les coûts globaux sont estimés à 500 millions d’euros.

Le STIF a en outre approuvé en décembre 2011 les premières orientations des études du schéma directeur du RER B Sud ainsi que la convention de financement pour des études complémentaires prévues pour 2013 pour un montant de 2,15 millions d’euros. Il prévoit des actions à court, moyen et long terme, permettant d’améliorer le fonctionnement de la ligne.

En parallèle, le STIF a approuvé en décembre 2011 plusieurs mesures visant à poursuivre la modernisation des lignes et l’amélioration des conditions de transport des voyageurs. À partir du 18 mars 2012, tous les trains seront des trains longs les week-ends et jours fériés. Actuellement, des trains courts circulent encore en journée un dimanche sur deux environ. Cette mesure correspond à l’anticipation d’une partie de l’offre RER B Nord +. Pour rappel, un train court est composé de cinq voitures, et un train long correspond à deux trains de cinq voitures.

c) RER C

Un schéma directeur a été adopté en 2009 par le STIF mais il a suscité la controverse, certains élus considérant qu’il privilégiait le département du Val-de-Marne au détriment de l’Essonne. Le STIF a en conséquence déclaré un moratoire sur ce schéma, dans l’attente de nouvelles études.

La situation décrite sur le RER C par M. Jean Maeght, membre du conseil d’administration de CIRCULE est pourtant inquiétante « Mon propos sur le RER C tient en trois points : vétusté, saturation et exploitation. Le tronçon central du RER C, c’est-à-dire celui qui dessert Paris, est extrêmement vétuste. Depuis une vingtaine d’années, il fait l’objet, au cours de chaque été, de travaux qui entraînent des interruptions du trafic. Ceux-ci ont pour seul objet d’empêcher que la voûte ne s’effondre : il ne s’agit en aucun cas de rénovations. (…)La SNCF elle-même concède que son objectif n’est pas d’améliorer la régularité sur la ligne, mais de contenir la baisse. C’est assez réaliste... En dépit des prévisions de croissance de trafic pour les dix prochaines années, aucun achat de train n’est prévu ! ».

La question des voies dédiées

La conséquence de missions longues cumulées à une infrastructure saturée constitue la fragilité structurelle du RER C. Sur la ligne « Paris- Orléans «, entre Paris-Austerlitz et Brétigny, circulent aux heures de pointe, pour un sens de circulation :

– RER C : 6 missions différentes cadencées au quart d’heure, soit 24 trains/heure jusqu’à Choisy le Roi ; 20 trains / heure jusqu’à Savigny ; 16 trains / heure jusqu’à Brétigny ;

– Trains Grandes Lignes : train Paris Orléans Limoges Toulouse (2 par heure) ; train Aqualys (2 par heure) ; train Corail Inter Cité (1 par heure) ; train Talgo (1 par heure), soit 6 trains grandes lignes/heure ;

– trains TER : TER Paris-Orléans (1 par heure) ; TER Paris-Châteaudun (1 par heure), soit 2 TER/heure.

Le STIF a approuvé en décembre 2011 la convention de financement d’études d’avant-projet relative à la modernisation du RER C pour un montant de 17,4 millions d’euros. Ces études portent sur quatre opérations qui doivent permettre d’améliorer la fiabilité des infrastructures et les conditions d’exploitation de la ligne et donc la régularité des trains :

– le nœud ferroviaire de Brétigny ;

– la modernisation de la signalisation entre Juvisy et Brétigny ;

– la création d’un terminus partiel gare souterraine de Paris-Austerlitz pour renforcer la capacité de retournement des trains en cas de situation perturbée et d’en limiter la propagation ;

– le renforcement de l’alimentation électrique qui doit permettre d’améliorer la robustesse de la ligne et d’accueillir dans le futur une troisième mission au quart d’heure sur la branche Brétigny.

La convention de financement de ces études porte sur 17,4 millions d’euros. Les travaux à prévoir à l’horizon 2015 représentent 110 millions d’euros, puis 260 millions d’euros supplémentaires à l’horizon 2017. Le programme gare représente 70 millions d’euros supplémentaires. La mise en service est prévue pour 2017.

Propositions

- Revoir le schéma d’exploitation du RER C. Il n’est pas logique qu’alors que vingt-quatre trains circulent sur le tronçon central en heure de pointe, ils ne soient plus que vingt à l’horizon 2025, cela en dépit d’une importante augmentation de fréquentation.

- Assurer la création de deux nouvelles voies pour le RER C entre Juvisy et Paris (« sextuplement » des voies) afin de garantir une meilleure séparation des trafics au bénéfice de la ligne C du RER, notamment dans le cadre de l’étude sur la réalisation de la LGV Paris – Orléans – Clermont-Ferrand – Lyon (POCL).

d) RER D

Le schéma directeur de la ligne D, approuvé en 2006 par le STIF, prévoit 120 millions d’euros d’investissement d’ici à 2014 pour réaliser d’importantes opérations sur les infrastructures, auxquelles s’ajoute la rénovation du matériel roulant. Ainsi, le projet de ligne rénovée pour un nouveau service régulier et cadencé à l’horizon 2012 comporte des aménagements pour supprimer les « points durs » de la ligne (aménagements des terminus d’Orry-la-Ville, de Corbeil-Essonnes et de Paris Bercy, de quais, de gare, remplacement de voies, des trains …). Le programme « gare » représente 70 millions d’euros.

En outre, à partir du mois d’avril 2012, les trains les plus fréquentés des samedis et dimanches seront remplacés par des trains longs toute l’année au lieu des trains courts actuellement en service. Cela représente huit allers-retours le samedi et cinq le dimanche.

M. Rémy Pradier, président de l’association SaDur a cependant exprimé une certaine inquiétude devant la commission d’enquête : « Pour le RER D, la seconde phase sera mise en œuvre dans deux ans, mais il y a plus de sujets d’inquiétude que de perspectives d’amélioration. Au sud de la ligne, les temps de parcours seront allongés. Des trains venant de la Grande couronne, déjà pleins quand ils arrivent en Petite couronne, seront amenés à s’y arrêter. (…) En un an, l’allongement du parcours représente l’équivalent d’une semaine de travail. Depuis dix ans, la fréquentation du RER D a augmenté de 50 % (…) Or la SNCF n’est pas en mesure d’augmenter le nombre de trains avant huit ans. (…) D’ailleurs, on ne parle plus d’améliorer le RER D, mais de le remettre à niveau. Il s’agit seulement de limiter le nombre de retards ».

Proposition

Renforcer le schéma directeur de la ligne D qui demeure trop imprécis. Il faut notamment améliorer la coordination des aiguillages dont le plus ancien date de 1932 (Paris Gare de Lyon) et optimiser le débit de certaines zones où subsistent de nombreux conflits de circulation. La situation des usagers de la Grande couronne reste insuffisamment prise en compte dans la conception même d’un schéma qui doit donc être revu.

e) RER E

En 2007, le STIF a décidé de reprendre les études du projet de prolongement du RER E à l’ouest. Ce projet consiste à réaménager la ligne existante entre Mantes-la-Jolie et La Défense sur une longueur de 47 km, et à percer un nouveau tunnel long – de 7,8 à 8,3 km – entre La Défense et Haussmann – Saint-Lazare, terminus actuel du RER E. Le projet s’accompagne de la création de deux nouvelles gares à La Défense et à Nanterre. Le prolongement signifie :

– un gain d’accessibilité pour les voyageurs de l’Ouest grâce à l’augmentation de la desserte et la réduction du temps de parcours (en moyenne 4 à 7 minutes de moins entre Seine Aval et Saint-Lazare) ;

– la possibilité pour les voyageurs actuels du RER E à l’Est de se rendre directement à La Défense ;

– une décharge du RER A qui pourrait atteindre 15 % ;

– une amélioration de la régularité de la partie Ouest et une sécurisation de l’accès à La Défense par la redondance des lignes desservant ce secteur ;

– plus de facilité dans les déplacements entre les bassins d’emplois situés en bordure de Seine (Mantes, Poissy, Flins…).

Le coût du projet est évalué à ce stade de pré-étude fonctionnelle entre 2,3 et 2,9 milliards d’euros dont 620 millions d’euros pour les aménagements du réseau existant entre Mantes-la-Jolie et Poissy (hors matériel roulant).

Les travaux devraient débuter en 2013.

2. Des gares peu accessibles

a) L’accessibilité générale

Plus que l’état général des gares, c’est leur peu d’accessibilité qui a été dénoncé à diverses reprises par les usagers. En effet, beaucoup ont le sentiment que les tourniquets et barrières de contrôle sont conçus par les opérateurs sans se soucier du bien-être des voyageurs ; il est ainsi très difficile dans de nombreuses gares pour les personnes avec des bagages ou des poussettes d’accéder aux quais. D’autres réseaux étrangers ont choisi d’autres solutions. À Berlin par exemple, le voyageur doit simplement valider son ticket à une borne et peut ensuite librement accéder aux quais sans devoir passer par un tourniquet. En France, certains passages aux barrières de contrôles sont trop étroits et ne permettent pas de passer aisément avec des bagages ou une poussette. De même, beaucoup de gares comportent un nombre important d’escaliers sans offrir l’alternative d’escaliers mécaniques ou d’ascenseurs.

Les programmes de rénovation réalisés pour les gares RER d’Île-de-France ont en partie pris en compte ces remarques. Ainsi, les travaux réalisés à la gare d’Ermont-Eaubonne ont permis de rénover entièrement la gare, et notamment la pose de quatre ascenseurs pour personnes à mobilité réduite et de deux escaliers mécaniques. La SNCF a fourni à la commission d’enquête une liste des gares ayant bénéficié du programme de rénovation qui figure en annexe du rapport.

b) La loi du 11 février 2005.

Le programme de mise en accessibilité des gares a débuté pour la RATP depuis les années 1990. C’est ainsi que les investissements antérieurs à 2005 ont permis à la RATP de réaliser la mise en accessibilité de 30 gares, 19 sur la ligne A et 11 sur la ligne B.

Mais c’est la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui a donné une impulsion nouvelle à l’intégration dans la société des personnes handicapées. Elle a confirmé et renforcé les obligations du STIF en prévoyant à son article 45 différentes mesures visant à ce que « la chaîne du déplacement, qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité, [soit] organisée pour permettre son accessibilité dans sa totalité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ». Les réseaux souterrains de transports ferroviaires et de transports guidés existants ne sont pas soumis au délai prévu par la loi – dix ans à compter de février 2005 – à condition d’élaborer un schéma directeur d’accessibilité (SDA) et de mettre en place, dans un délai de trois ans, des transports de substitution répondant aux conditions prévues à l’alinéa précédent.

L’adoption en février 2008 par le STIF du SDA a défini les efforts financiers et les moyens humains à déployer pour mettre aux normes les réseaux de transports en Île-de-France. Ils sont évalués à plus de 1,4 milliard d’euros jusqu’en 2018 pour la mise aux normes du réseau ferré. Le STIF en prend 50 % à sa charge. Ces coûts ne prennent pas en compte celui du renouvellement du matériel roulant.

Les aménagements figurant dans la programmation de mise en accessibilité des gares d’Île-de-France assurent un accès complet des personnes à mobilité réduite, de la voirie (abords de la gare) jusqu’au train. Les critères ayant présidé aux choix des 258 gares à rendre prioritairement accessibles ont été pour chaque ligne :

– la fréquentation : gares qui sont les plus fréquentées et permettant avec les gares déjà accessibles de capter au global 90 % du trafic RER et Transilien ;

– le maillage territorial : gares qui ne sont pas situées à proximité de gares déjà accessibles ;

– l’opportunité : gares dans lesquelles peu de travaux sont nécessaires ;

– l’intérêt particulier pour les personnes à mobilité réduite (PMR) : les gares proches.

En 2010, 107 gares avaient été rendues accessibles. Le SDA comprend la mise en accessibilité des 65 gares du RER exploité par la RATP. Actuellement, 57 d’entre elles sont accessibles de la voirie aux quais et la totalité doit l’être à l’horizon 2015. La situation est semble-t-il plus compliquée du côté de la SNCF ainsi que l’ont fait remarquer des représentants des usagers qui ont affirmé que la SNCF ne serait pas en mesure de répondre à l’objectif de rendre accessibles 207 gares du réseau emprunté par les trains Transilien. La SNCF a indiqué à la commission d’enquête qu’une organisation spécifique a été mise en place au sein de la SNCF pour conduire dans les meilleurs délais les études nécessaires à la réalisation de ces projets.

Pour les personnes en fauteuil roulant, la montée à bord des trains s’effectue avec l’aide d’un agent qui déploie une passerelle d’accès quai-train. Ce service est offert en temps réel pour la RATP, avec réservation pour la SNCF, sur toute l’amplitude du service. En 2011, 33 800 prises en charge ont été effectuées par les agents RATP sur le RER A. L’enjeu de plus long terme est également de mettre les matériels à niveau. Les nouveaux matériels comme la NAT ou rénovés comme le MI79 offrent, grâce à leurs dispositifs de comble-lacune automatisé, une accessibilité en toute autonomie au train.

La contribution du conseil économique, social et environnemental régional sur la mise en œuvre du volet transport de la loi du 11 février 2005, présenté par M. Denys Dartigues en novembre 2011 a pourtant regretté « La confusion (…) souvent faite entre personnes à mobilité réduite (PMR) et utilisateurs de fauteuils roulants (UFR), ce qui conduit à délaisser quelque peu les problématiques des malvoyants ou celles des handicapés cognitifs, pourtant plus nombreux en Île-de-France. »

Proposition

Demander au STIF la réalisation d’un guide annuel des gares et des trajets accessibles aux personnes à mobilité réduite.

B.— LES MATÉRIELS

1. Diversité des matériels

Il existe de très nombreuses séries de matériels roulants en circulation en Île-de-France, posant des questions de coût et de flexibilité d’exploitation, et de mutualisation des moyens entre lignes ou entre exploitants. En outre, chaque ligne, à l’exception du RER E présente plusieurs séries de matériel qui correspondent à plusieurs générations. Cela pose des problèmes de lisibilité pour les voyageurs à quai puisque les portes ne sont pas positionnées aux mêmes endroits et que les rames ont des longueurs différentes. Cela occasionne donc des temps de montée plus longs et l’impossibilité de réaliser un marquage au sol ou d’installer des portes palières.

Le tableau ci-dessous illustre la grande diversité de matériels roulant sur le réseau express régional. Ainsi, on ne distingue pas moins de douze automotrices différentes – si l’on intègre le nouveau MI09, qui n’est pas inclus dans ce tableau, offrant des caractéristiques techniques très différentes.

Analyse ligne par ligne :

Le Schéma Directeur du Matériel Roulant (2009)

RER A

– Parc hétérogène, constitué par les séries MS61 (105 rames, dont la rénovation s’achève fin 2009), MI84 (59 rames) et MI2N (43 rames). Le matériel le plus ancien est le MS61 (radiation envisagée avant l’horizon 2018), mais le matériel le moins capacitaire est le MI84 (le plus court – 208 m contre 225 m pour les autres matériels).

– Le renouvellement des MI84 par un matériel MI2N 1200 (MI09) est engagé, pour être réalisé avant fin 2013.

RER B

– Parc constitué de 118 rames MI79 (dont 51 appartenant à la RATP), dont la rénovation engagée s’achève fin 2014, et 14 rames MI84.

– Apparition de voyageurs debout à Antony (15 min. de Denfert, 25 min. de Châtelet) en cas de circulation des 20 trains théoriques (cette limite est atteinte vers Massy aujourd’hui, avec la circulation de 18 trains en moyenne en réalité).

– La rénovation du MI79, qui comporte la suppression des strapontins (soit une baisse de 35 % de places assises, en cas de faible affluence), va décaler en amont l’apparition de voyageurs debout (à Massy en cas de circulation des 20 trains théoriques, à 20 min de Denfert, 30 min de Châtelet).

RER C

– Parc hétérogène, constitué par 16 rames Z5600 4 caisses, 20 rames Z5600 6 caisses, 42 rames Z8800, 46 rames Z20500 4 caisses et 41 rames Z20900 4 caisses. Toutes présentent un plancher 1000.

– Des adaptations marginales interviendront à court terme en raison de transferts avec l’arrivée de la NAT (13 rames Z5600 6 caisses, 43 rames Z20500 4 caisses, 54 rames Z20900 4 caisses).

– Le RER C présente un réseau tentaculaire, avec plusieurs tronçons communs à d’autres lignes (réseau Montparnasse, Nord-Ouest, ligne Verrière Défense), et de nombreuses gares communes à des dessertes TER, Corail InterCités et TGV (Versailles Chantiers, Massy Palaiseau, Juvisy, Etampes, Dourdan, Austerlitz surface).

– La situation des hauteurs de quais en est d’autant plus complexe : sur 85 gares, 8 gares présentent une hauteur de quais supérieure à 700 mm (Pontoise, Saint-Ouen l’Aumône et Liesse – communes au réseau Nord Ouest, Viroflay – commune au réseau Montparnasse, Meudon Val Fleury, Issy Val de Seine, Bd Victor, et BFM – commune au réseau Austerlitz), alors que les autres gares sont à 550 même ou moins.

– Une première analyse fonctionnelle concernant l’accessibilité des personnes à mobilité réduite montre que l’interface du RER C avec le réseau Montparnasse et la ligne Verrière La Défense ne pose pas de contrainte dimensionnante car les quais des gares de Versailles Chantiers et Saint-Cyr ne peuvent être relevés au‐dessus de 550 mm (gares en forte courbe) et la ligne C dispose de voies dédiées à Saint Quentin en Yvelines, permettant les changements utiles.

– Dans une variante avec un RER C équipé en MR plancher bas, idem pour l’interface avec le réseau Nord Ouest, entre Ermont et Pontoise, si l’on considère que seule une ligne (RER C par exemple) est accessible pour les gares situées entre Ermont et Pontoise, puisqu’une correspondance est possible à Ermont vers le réseau Nord-Ouest (quais dédiés).

RER D

– Parc constitué de 4 rames Z5600 6 caisses, et 104 rames Z20500 5 caisses (la partie Melun-Juvisy est assimilée au réseau Sud Est) et d’une partie du parc Z5300 mutualisé avec la ligne R. Toutes présentent un plancher 1000. Le parc sera homogénéisé en Z20500 à court terme avec l’arrivée de la NAT.

– Sur 57 gares, seules 3 gares présentent des quais de hauteur supérieure à 550 mm : Saint Denis Stade de France, Châtelet et Gare du Nord, qui ne peuvent être modifiées. Les problèmes de capacité rencontrés à ce jour portent essentiellement sur l’atteinte de la capacité totale, principalement sur les missions Melun, entre Maisons-Alfort et Gare de Lyon.

– L’évolution de la demande sur cette ligne amène à s’interroger sur l’échéance lointaine de renouvellement du matériel (2035). Les besoins en capacité totale justifient un matériel à deux niveaux (2N).

RER E

– Parc homogène constitué de 53 rames Z22500 (d’une structure proche du MI2N 1200 du RER A). Toutes les gares ont des quais de 920 mm, sauf les gares souterraines Haussmann et Magenta (1150 mm).

– À long terme, à l’horizon du prolongement d’Éole à l’Ouest, un matériel 1N poserait problème vis-à-vis de la capacité totale (ou impliquerait un développement de l’offre, nécessitant des infrastructures très coûteuses). Le niveau d’échanges dans les gares parisiennes incite donc à préconiser un matériel MI2N. Cette solution correspond à une augmentation de la capacité assise et totale offerte sur les missions Paris-Mantes lors du prolongement à l’Ouest (trains plus longs qu’aujourd’hui).

2. Des programmes de modernisation

Rénovation ou renouvellement ?

La durée de vie d’un matériel roulant est d’environ 40 ans. Cependant, à partir d’une vingtaine d’années, pour les matériels dont la structure générale est encore en bon état il peut être intéressant de profiter des opérations de gros entretien pour réaménager les trains pour un meilleur confort des voyageurs. La rénovation permet ainsi d’offrir, selon les options retenues, outre de nouveaux sièges et un éclairage amélioré, d’autres équipements tels que la ventilation réfrigérée, un système d’information visuel et sonore, un design intérieur avec des matériaux traités anti graffiti.

La rénovation du matériel roulant, si elle permet de rajeunir le parc et de prolonger la durée de vie des trains, ne donne pas cependant la possibilité d’intégrer les caractéristiques techniques telles que l’intercirculation entre les voitures, la protection contre les vibrations et le bruit, la récupération d’énergie lors du freinage. Il faut alors renouveler le matériel.

Le Schéma directeur du matériel roulant (SDMR) est un outil de planification à l’horizon 2030. Le SDMR a l’ambition de déterminer les principales caractéristiques des matériels roulants futurs sur chaque ligne, en fonction des contraintes spécifiques à chaque ligne (besoins de déplacements, configuration des infrastructures), mais aussi d’une vision globale sur l’ensemble du réseau (gestion du parc, politique de services et notamment l’accessibilité aux PMR). Il s’articule ainsi largement avec le Schéma directeur de l’accessibilité (SDA). En 2009, le STIF s’est engagé dans une politique de rénovation et d’achat du matériel roulant : d’ici 2016, tout le matériel roulant ferroviaire en Île-de-France sera neuf, récent ou rénové. Le coût total des investissements liés à l’acquisition des nouveaux matériels ferroviaires (RER et trains) est évalué à environ 12 milliards d’euros d’ici 2035.

Les projets ainsi financés sont :

Ø RER A : Mise en service progressive à partir de décembre 2011 de 60 rames à deux niveaux MI09. Le marché peut être étendu à 130 éléments au total, ce qui permettrait de remplacer les derniers trains à un seul niveau et rendre ainsi homogène le parc de la ligne A. Deux nouveaux éléments seront injectés chaque mois sur la ligne.

Le projet de renouvellement du matériel roulant de la ligne A vise à accroître la capacité de transport de cette ligne par la généralisation progressive de matériels roulants plus capacitaires. Ce projet consiste à remplacer des matériels MI84 et MS61. La capacité totale d’un MI09 est de 2 600 voyageurs (dont 948 places assises) avec 4 voyageurs debout par m². En comparaison, pour les matériels MI84 et MS61, le nombre de places assises est respectivement de 482 et 600, la capacité totale s’élevant respectivement à 1 682 et 1 887 places.

Cela permettra donc d’augmenter de 50 % la capacité de chaque rame, mais aussi d’optimiser l’utilisation des quais avec des trains de 225 mètres de long, d’améliorer l’accessibilité des rames grâce à des portes de 2 mètres de large et, à terme, d’homogénéiser l’ensemble du parc. Cela représente un investissement de 2 milliards d’euros pour la RATP et de 650 millions d’euros pour le STIF.

Le train MI09 est un matériel « éco conçu » en ce sens que les préoccupations environnementales ont été intégrées dès la phase de spécification des besoins, auxquels ont dû répondre les industriels dans le cadre de l’appel d’offres. Les performances environnementales du MI09 sont donc nettement supérieures à celles du MI84 et du MS61:

– la consommation d’énergie et les émissions de GES (gaz à effet de serre) : rapportées à la Place/Km Offerte (PKO), elles sont inférieures de 30 à 55 % à celles des trains à un seul niveau ;

– le bruit : au passage d’un nouveau train, roulant à 80 km/h, il est réduit de 1,5 à 3,5 dB (A) par rapport à celui des matériels auxquels il va se substituer ;

– les poussières : l’utilisation accrue du freinage électrique permettra d’en réduire l’émission.

La mise en service de nouveaux matériels était très attendue. Les livraisons intervenant selon un rythme relativement lent ne pourront à elles seules régler tous les problèmes sur une ligne qui souffre. En témoigne le propos tenu devant la commission par M. Emmanuel Lamy, maire de Saint-Germain-en-Laye : « Aujourd’hui, et malgré les décisions qui ont été prises, la situation n’a pas fondamentalement évolué, ce que nous avons beaucoup de mal à expliquer à nos administrés. Bien sûr, certaines annonces, comme l’acquisition de nouvelles rames, mettent en jeu l’industrie et leur concrétisation demande du temps. Nous comprenons également que certaines sections soient prioritaires. Mais, bien que tous les incidents soient répertoriés par un collectif appelé « Ma ligne A » et que la RATP ait accepté de jouer le jeu, rien n’a véritablement changé au quotidien. On a un sentiment d’impuissance. Cela ne peut qu’accroître la frustration ».

Ø RER B : Rénovation des 119 rames MI79 pour 275 millions d’euros, financés à 50 % par le STIF. La première rame a commencé à circuler en 2010.

L’amiante dans le RER B

Le 13 septembre 2011, des équipes de maintenance de la RATP ont identifié des poussières sous un train rénové à l’occasion de sa réception. Ces poussières contenaient quelques fibres d’amiante, bien que les mesures d’air aient été toutes aux normes. Les rames MI 79 rénovées ont aussitôt été immobilisées et un plan d’action assorti de campagnes de mesures défini conjointement avec les CHSCT. Les résultats des mesures d’environnement ont été négatifs dans les espaces voyageurs et dans l’Atelier de Massy.

En raison de l’immobilisation des rames, la production a été de 75 % pendant la première quinzaine d’octobre et pratiquement 95 % ensuite. 18 rames rénovées ont été immobilisées depuis octobre 2011. Le parc actif est revenu à 100 rames disponibles pour l’exploitation début février 2012.

La situation est revenue à la normale en février 2012.

Plus généralement, cet événement a révélé le caractère trop resserré du parc disponible. En effet, la quasi absence de rames de réserve affecte nécessairement l’exploitation, ne serait-ce qu’en raison de l’indisponibilité permanente d’une partie du parc en maintenance, qui porte sur 5 à 10 % du total des rames d’une même ligne.

Ø RER C et D et réseaux Est et Sud-Est : Rénovation des 304 rames à deux niveaux Z2N pour 350 millions d’euros, financés à 50 % par le STIF. À ce jour, 60 rames ont déjà été rénovées et l’achèvement de ce programme est prévu pour la fin de l’année 2015.

Prise en compte du respect environnemental et renouvellement des matériels

Réponse du STIF au questionnaire complémentaire : Chaque projet d’investissement fait l’objet d’un dossier d’enquête publique (DEP) qui comprend, conformément à la loi, une étude d’impact. Les études d’impact sont soumises à l’avis d’une autorité environnementale / CGEDD pour les projets sous maîtrise d’ouvrage RATP et RFF ; DRIEE pour les projets sous maîtrise d’ouvrage STIF (cas de la co-maîtrise d’ouvrage sur les projets métro)

Réponse de la SNCF au questionnaire complémentaire  La SNCF dans ses études prend en compte les impacts environnementaux et lors de ses chantiers fait un effort constant de lutte contre les pollutions, le bruit et les émissions de CO2. 50 % de ses achats sont des achats durables. La plupart de ses centres de maintenance du matériel sont certifiés ISO-14001. Elle promeut des initiatives comme la gare HQE d’Achères ou le mur végétal de Magenta.

3. Des efforts encore insuffisants

Les choix de modernisation semblent insuffisants à des certains acteurs auditionnés par la commission d’enquête. M. Marc Pélissier, secrétaire général de la FNAUT Île-de-France a déploré le fait que « S’agissant du matériel roulant, le RER a pris un retard considérable sur les trains express régionaux (TER). Les nouvelles rames ne permettent que de remplacer le matériel le plus ancien, non d’accroître le parc, si bien que nous manquons de réserves de maintenance et de marges pour améliorer la desserte ».

Si le choix d’utiliser à terme un seul matériel sur la ligne A semble pertinent à M. Luc Offenstein (UNSA-RATP), il estime nécessaire « une extension et une amélioration du système SACEM, qui permet de rouler à moins de deux minutes d’intervalle, avec des trains qui, théoriquement, peuvent atteindre 100 km/h dans le tronçon central » et que « le radiotéléphone fixe soit remplacé par une radio numérique type TETRA, embarquée directement dans les trains (…) [ l’extension du ] système SIEL (système d’information en ligne), développé au niveau du CDSMG (Centre de surveillance multi gares) de Val d’Europe, qui harmonise l’information avec l’exploitation en temps réel ».

M. Noël Duflos, délégué général d’établissement RER ligne A (syndicat Force Ouvrière de la RATP) regrette lui que « le matériel choisi, le MI09, appartient déjà au passé – les moteurs sont récents mais la carrosserie a été conçue en 1996 – et ne répond plus aux normes de sécurité du ferroviaire. Sur le RFN, donc sur les parties de la ligne A allant de Nanterre Préfecture jusqu’à Poissy et Cergy, ce matériel est soumis à dérogation et ne peut pas circuler ailleurs. Alstom et Bombardier avaient en projet des matériels gros porteurs permettant de passer à un matériel de nouvelle génération, qui, lui, aurait pu être développé tant à la RATP qu’à la SNCF, et sans restriction de circulation sur le RFN. Toutefois, un an à dix-huit mois d’attente étaient nécessaires, et les autorités de tutelle ont préféré le MI09 ».

M. Bernard Wentzel, président du Comité des usagers de la ligne B du RER a dénoncé le fait que « si la ligne A bénéficie de nouvelles rames, la ligne B hérite des vieilles rames de la ligne A ! ».

Proposition

Augmenter le nombre de rames à double étage :

- Dégager les financements nécessaires à l’accélération du rythme des livraisons et des mises en service des rames à double étage sur la ligne A afin que trente de ces nouveaux trains circulent au terme de l’année 2013 et confirmer au plus tôt la commande prévue de trains supplémentaires pour atteindre un total d’au moins 65 rames à double étage sur la ligne au 31 décembre 2015 puis ultérieurement une généralisation de ces matériels ;

- Lancer une étude RATP de faisabilité sur les possibilités de faire circuler des rames à double étage sur la partie Sud de la ligne B, en évaluant les coûts des éventuelles rectifications d’ouvrages ;

- Augmenter, quand cela est techniquement possible, le nombre de rames à double étage circulant sur le réseau.

TROISIÈME PARTIE

LE RER, UN SYSTÈME À REFONDRE

I.— METTRE LE RER AU SERVICE DES VOYAGEURS

A.— UNE QUALITÉ DE LA PRESTATION À RÉNOVER

1. La mesure de la qualité

Depuis l’année 2000, les relations entre le STIF et les opérateurs reposent sur des contrats de service public. Ces contrats définissent les droits et obligations des deux parties pour la réalisation (en quantité et en qualité) et la rémunération des services fournis.

Une part de la rémunération versée par le STIF aux opérateurs (RATP et SNCF, aussi dénommés « transporteurs ») repose sur un intéressement fondé sur la performance de ces derniers. Cet intéressement prend en compte deux critères qui sont les recettes voyageurs dégagées par les entreprises et la qualité du service.

Jusqu’en 2008, les contrats passés entre le STIF et les transporteurs définissaient des objectifs de qualité du service par sous réseaux. Depuis, ce sont les lignes qui sont prises en compte, cela ne permet plus à une ligne ayant atteint ses objectifs de compenser les objectifs peu ou prou atteints par une ligne connaissant plus de difficultés. Ces objectifs sont appréciés par des indicateurs fondés sur le point de vue du voyageur. Ils donnent lieu à incitation financière selon le degré de satisfaction de ces indicateurs fondés sur la régularité, l’information des voyageurs, le fonctionnement des équipements, l’accueil et la vente, la propreté.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DES INDICATEURS DE QUALITÉ DU SERVICE ENTRE 2000 ET 2011

Contrats précédents

Contrats 2008-2011

SNCF : 20 indicateurs

SNCF : 89 indicateurs

RATP : 35 indicateurs

RATP : 65 indicateurs

Total : 55

Total : 154

Source : STIF 2008

Si la situation constatée, par les transporteurs ou, si besoin est, par le STIF, est meilleure que l’objectif fixé, la rémunération est créditée d’un bonus ; dans le cas contraire, elle est affectée d’un malus. Ces indicateurs font l’objet d’une pondération en pourcentage au sein de l’enveloppe dévolue à l’indicateur « qualité du service » (par exemple : 30 % pour l’indicateur « régularité » et 15 % pour le critère « fonctionnement des équipements »).

Le rapport d’activité 2010 du STIF présente ces indicateurs par les tableaux suivants :

• Les indicateurs des lignes RER et trains de banlieue mesurent le pourcentage de voyageurs arrivant à l’heure ou avec un retard de moins de 5 minutes à leur gare de destination, sur l’ensemble de la ligne, pendant toute la journée.

• Les indicateurs des RER A et B sont communs à la RATP et à la SNCF qui les exploitent conjointement.

Il convient d’ajouter que, d’après le STIF, la nouvelle convention partenariale liant le STIF et RFF pour la période 2009-2012 prévoit également des indicateurs de qualité de service, qui à ce jour ne font pas l’objet d’incitations financières.

RÉGULARITÉ

Indicateurs

Périmètre de la mesure

Régularité des trains (toutes heures et heures de pointe)

14 sous réseaux

FONCTIONNEMENT DES ÉQUIPEMENTS

Indicateurs

Périmètre de la mesure

Fonctionnement des escaliers mécaniques

Sous réseaux équipés

Fonctionnement des ascenseurs

Sous réseaux équipés

Concernant la régularité, les indicateurs prévus dans le cadre de cette convention apportent des éléments d’analyse et de compréhension supplémentaires par rapport aux éléments transmis par la SNCF.

La question de la pertinence des indicateurs retenus fait toujours débat. Le nombre de ceux-ci est passé de 55 à 154. Ne conviendrait-il pas dorénavant de les appliquer plutôt que d’en augmenter le nombre ? Une question centrale demeure celle de l’association très concrète des représentants des usagers à l’élaboration des indicateurs. Le STIF plaide la mise en place par ses soins d’une enquête annuelle sur la perception de la qualité du service par les voyageurs : « Pas moins de 20 000 voyageurs sont interrogés en gare sur leur perception du service sur l’ensemble des domaines concernés. Les premiers résultats confirment que les indicateurs de qualité de service mesurés dans les contrats sont cohérents avec l’évolution de la perception qu’ont les voyageurs de cette qualité de service ». Cette action est louable mais ne répond pas pour autant à l’exigence exprimée.

De son côté, la rémunération des opérateurs par le régime des bonus/malus comporte de nombreuses ambiguïtés. Le rapport d’activité 2010 du STIF estime que cet organisme a versé 1 836 millions d’euros à la RATP et 1 602 millions d’euros à la SNCF soit, respectivement, 38,9 % et 33,9 % de 70 % des 4 725 millions d’euros consacrés au fonctionnement du STIF au titre de l’année 2010. En 2009, le pourcentage du montant des bonus/malus dans le résultat de compte de recette d’exploitation des transporteurs s’élevait à 1,2 % pour la RATP et 1,6 % pour la SNCF.

Un certain irénisme semble régner parmi les acteurs concernés et cocontractants (STIF/RATP/SNCF), notamment quant au souci affiché du bien-être des voyageurs. Sans nier l’augmentation, voire l’affinement des indicateurs, la bonne volonté affirmée des interlocuteurs de la mission masque mal certaines réalités.

Sur l’utilisation même que les opérateurs sont susceptibles de faire desdits indicateurs, M. Patrice Pattée, maire adjoint de Sceaux, a indiqué à la commission d’enquête que : « Les témoignages indiquent également que l’exploitant privilégie la performance du système – ainsi, le dispositif des bonus et des malus amène, pour éviter des pénalités, à ce que des trains ne s’arrêtent pas dans certaines gares –, aux dépens de la qualité du service et des voyageurs ».

Quant à elle, la Cour des comptes juge les effets concrets du système de bonus/malus : « jamais depuis sa création, en 2000, le solde annuel des bonus/malus pour qualité de service de l’un des deux exploitants n’a été négatif. Le dispositif est donc peu discriminant et peut s’analyser comme une rémunération complémentaire versée aux transporteurs par l’autorité organisatrice ».

Enfin, dans le même document, la Cour appelle de ses vœux une augmentation à 5 % de la part de l’apport financier que le STIF verse aux opérateurs à travers ce dispositif. À cet égard, les réponses des administrations et organismes intéressés aux observations de la Cour sont riches d’enseignement. Ainsi, le STIF expose : « Durcir davantage les indicateurs et accroître très fortement les montants de malus risque d’introduire dans le système un effet pervers, incitant la RATP et la SNCF à provisionner ex-ante ces risques financiers en les incluant dans les charges couvertes contractuellement par le STIF. C’est aussi ouvrir le débat de l’exonération de responsabilité des causes externes : aujourd’hui, des incidents, même lourds, dus à des bagages abandonnés, des intrusions sur les voies, des suicides sont intégrés dans le calcul de la régularité. Le STIF n’admet que très exceptionnellement les cas de force majeure, à la différence d’autres autorités organisatrices. Enfin, le montant du bonus de la RATP étant aujourd’hui redistribué à ses salariés, toute modification qui induirait une baisse sensible de ce bonus est délicate à mettre en œuvre. Il serait préférable que soient dissociés bonus/malus et intéressement des salariés ».

Entendus par la commission d’enquête, MM. Roger Karoutchi et François Kalfon, conseillers régionaux, ont fait part de considérations analogues sur un mode que votre Rapporteur qualifiera de plus direct :

M. François Kalfon : « En matière de bonus et de malus, les discussions entre le STIF et la RATP sont « surréalistes » ! Lorsqu’on met la pression sur les contrats, l’entreprise concernée annonce d’emblée qu’elle en internalisera les coûts par avance. Il est donc assurément souhaitable de faire peser une plus grande pression démocratique pour l’exécution des contrats, mais les moyens technocratiques de s’y soustraire sont innombrables.

Sur le terrain, notamment dans les services de maintenance de la RATP en Seine-Saint-Denis, on m’a cependant expliqué le caractère vertueux des contrats pour la maintenance de divers éléments, comme les ascenseurs. Il importe donc de trouver un juste chemin entre des contrats, qui sont souvent un marché de dupes, et l’intégration d’une culture de la performance réellement ressentie comme une pression saine de la part de certains opérateurs ».

M. Roger Karoutchi : « Nous ne sommes pas en guerre avec la RATP et la SNCF, mais le fonctionnement des transports publics en Île-de-France, qui était encore normal voilà une vingtaine d’années, ne l’est plus du tout et il se pose un vrai problème de gestion.

Quant aux bonus et malus, puisqu’il s’agit ici d’entreprises publiques, ils sont payés au bout du compte par l’usager ou par les collectivités sous forme de subventions d’équilibre. Qu’on augmente les malus ou bien qu’on les réduise, c’est vous qui paierez ! »

Force est de constater que l’observation de M. Karoutchi relève du bon sens, notamment du fait de la situation comptable des deux opérateurs caractérisée par une grande capacité qui leur permet d’internaliser, comme ils le souhaitent, en comptabilité toute forme de sanction financière !

Question posée par la commission d’enquête :

S’agissant des bonus-malus en fonction de résultats « multi-critères » de votre entreprise, un rehaussement de la part variable (entre + ou -5 % de vos recettes) est concevable, si l’on en croit la Cour des comptes : êtes-vous disposé à renoncer à l’internalisation dans les comptes des pénalités éventuelles ?

Réponse de la RATP :

En 2011, la RATP a perçu un bonus global, évalué sur les 79 indicateurs de performance du contrat STIF, de +16millions d’euros. Ce montant est le résultat des efforts des 45 000 hommes et femmes de l’entreprise, et traduit non seulement leur attachement à la qualité du service rendu au quotidien aux voyageurs, mais aussi la dynamique de progrès constatée. Ce montant agrège des valorisations maximales pour certains paramètres d’évaluation, et aussi des valorisations minimales, traduisant des résultats en dessous de ce qui est attendu par le STIF. En cela, ce n’est pas un mécanisme de pure récompense/sanction financière, mais un thermomètre de l’atteinte des objectifs fixés par le contrat STIF. À ce titre, le dispositif est un outil de management pour l’entreprise. Le rehaussement de la part variable pose donc deux questions distinctes :

– d’une part le niveau des seuils fixés pour le malus/neutre/bonus, qui doit rester motivant afin que les agents s’en emparent comme d’un objectif atteignable ;

– d’autre part l’impact financier global du bonus/malus sur les comptes de l’entreprise. Dans les comptes, le bonus/malus est indiqué clairement.

Réponse de la SNCF :

Le contrat SNCF- STIF est actuellement en cours de renégociation et il est d’ores et déjà certain que la part de l’enveloppe de bonus/malus consacrée à la ponctualité au sens large sera significativement augmentée.

Elle devrait peser entre 50 et 60 % du total contre 23 % aujourd’hui. Selon le souhait du STIF, la ponctualité sera mesurée au plus près des voyageurs et prendra vraiment en compte le parcours du client. La mise au point d’une véritable incitation au progrès impliquera soit de fixer des objectifs atteignables, soit de prévoir une incitation efficace à la progression. Il est à noter enfin que nous assumons la ponctualité globale, y compris la part liée à l’infrastructure, et appelons de nos vœux un engagement de RFF pour partager des objectifs et plans d’actions communs.

La SNCF tiendra compte de l’appréciation du risque dans l’équilibre économique de son contrat, comme le fait toute entreprise. Ce qui ne revient pas à provisionner la totalité des risques mais à prendre en compte l’espérance de gain ou de perte attendue. Le système d’incitation devrait d’ailleurs être construit de manière équilibrée (espérance de gain nulle) et donner de l’enjeu aux progrès réalisés ou non.

2. Les conditions de transport

L’information des voyageurs

La question de l’information des voyageurs revêt plusieurs aspects. Il est possible de parler de l’information « en amont », celle qui est disponible sur Internet principalement, consultable avant d’entreprendre le déplacement. L’autre volet du triptyque concerne l’information in situ du voyageur, y compris en « situation de crise ». Enfin, le troisième élément est celui de l’information du personnel lui-même, agents de conduite ou présent dans les gares et postes de contrôle car, de ceux-ci, dépend l’information du voyageur.

Au terme de nombreuses auditions, votre Rapporteur est embarrassé pour traduire toute l’impression produite par ce qu’il a entendu, et vu, concernant l’information des voyageurs, particulièrement in situ : litanie, florilège, cahier de doléance… Il ne faut pas perdre de vue que celui qui fut l’usager d’un service public, devenu client d’opérateurs liés à diverses autorités publiques, bref, le voyageur, est bien, par le titre de transport et l’impôt, celui qui rémunère le transporteur.

Le site Internet du STIF rappelle le dispositif existant en matière d’information (encadré).

le STIF, en tant qu’autorité organisatrice, joue un rôle moteur
en matière d’information voyageur

L’article 27-1 de la loi d’orientation sur les transports intérieurs « LOTI », introduit par la loi dite « SRU » du 13 décembre 2000, confère au STIF une responsabilité spécifique en matière d’information multimodale.

L’ensemble de l’information sur l’offre théorique de transport est disponible dans la base de données communautaires et sur le site www.transport-idf.com.

L’information sur les horaires et les plans de ligne aux points d’arrêt et dans les véhicules

Les entreprises de transport franciliennes ont obligation d’assurer une information permanente de qualité sur l’offre théorique de transport aux points d’arrêt (nom de l’arrêt, code de la ligne, schéma de la ligne avec indication de la destination, horaire, fréquence et amplitude, plan du réseau urbain pour les arrêts les plus chargés…) et à bord du véhicule (girouettes, plan de ligne avec zones tarifaires…).

L’information en temps réel

L’information en temps réel est un élément important de la qualité de service.

En coopération avec les transporteurs et la Région, le STIF a soutenu une politique active en ce domaine depuis plusieurs années.

L’information en temps réel, dans les gares et aux points d’arrêt

Portant des dénominations variables suivant les transporteurs (SIEL à la RATP, INFOGARE à la SNCF, PHOEBUS chez Connex ..), ces systèmes ont tous pour objet d’informer à tout instant les voyageurs sur le temps d’attente ou l’heure de passage des prochains bus ou trains. Des messages spécifiques peuvent être aussi affichés en cas de perturbations :

- dans l’enceinte RATP, au niveau des guichets et des dispositifs « valideurs », avant les barrières de péage, des moniteurs annoncent les informations de perturbations du réseau de métro et RER ;

- sur le réseau de la RATP, tous les quais des lignes 1, 2, 4, 7, 11, 12,13 et 14 du métro, ainsi que tous les quais et gares de son réseau RER, sont dotés d’équipements affichant les temps d’attente ;

- sur le réseau ferré SNCF, 213 gares Transilien et RER sont équipées d’un dispositif, INFOGARE, qui permet d’afficher des informations équivalentes, ainsi que des messages en cas de perturbations. À terme, 310 des 385 gares du réseau seront équipées ;

- sur les réseaux bus de la RATP, aux points d’arrêt, SIEL donne aux voyageurs le temps d’attente sur le passage des deux prochains bus. Il permet aussi d’afficher des messages spécifiques, en cas de problèmes ponctuels. Actuellement, 56 lignes, dont 52 lignes Mobilien sont équipées, ce qui représente près de 2 500 points d’arrêt. Ces réalisations font partie d’un programme global de 5 800 points d’arrêt déjà financés, dont l’achèvement devrait intervenir fin 2006 ;

- sur les réseaux des entreprises privées adhérentes à OPTILE, l’équipement des points d’arrêt en information temps réel s’est également poursuivi. Les financements pour l’équipement d’une vingtaine de réseaux ont été mis en place. Aujourd’hui, ces systèmes sont opérationnels sur un certain nombre de lignes des réseaux des Cars d’Orsay, de TVO, Connex La Boucle, STA, les Cars Lacroix, AMV, STIVO et la Communauté d’Agglomération de Cergy, Connex Vaul le Penil, Procars, Sqybus et TVM, ce qui représente près de 550 points d’arrêt équipés.

L’information en temps réel à bord des véhicules

À bord des bus, des systèmes d’information diffuse en temps réel, sous forme visuelle et sonore, la destination du véhicule, le prochain arrêt et le temps de parcours jusqu’au terminus. Plus de 600 véhicules des entreprises OPTILE sont équipés et plus de 1 500 bus RATP bénéficient déjà de ce système.

En ce qui concerne le matériel ferroviaire, le déploiement est lié le plus souvent aux programmes de rénovation ou renouvellement du matériel ; le déploiement a commencé sur le RER A pour les rames à 2 niveaux ainsi que sur la ligne 1 et 14 du métro.

L’information en situation perturbée

La préoccupation de mieux informer le voyageur, notamment en situation perturbée, prévue ou imprévue, a amené au développement d’un certain nombre de systèmes, en expérimentation pour certains d’entre eux.

À la SNCF, les informations sur les horaires, les itinéraires et les tarifs sont disponibles sur le site www.transilien.com et le serveur vocal 0890 36 10 10 (0,15 € la minute). Un certain nombre de dispositifs ont été lancés ou sont en cours d’expérimentation afin de mieux informer le voyageur sur le trafic en temps réel, et notamment en situation perturbée : mise en ligne du site abcdtrains.com en cas de situations perturbées prévues, envoi de SMS personnalisés en cas de perturbations sur la ligne D du RER, mise à disposition de Infogare sur portable.

À la RATP, le site www.ratp.fr s’est fortement renforcé sur la mise à disposition d’informations temps réel, aux côtés des informations sur les horaires, les tarifs et les itinéraires. Un centre d’information téléphonique permet aussi l’accès aux informations du réseau, et des dispositifs sont en cours d’expérimentation pour améliorer la diffusion des informations temps réel, notamment en cas de perturbations.

L’information en cas de grève

Dans le cadre de la mise en place du dispositif de service garanti, la RATP et la SNCF se sont engagés sur un référentiel de qualité de service de l’information voyageur en cas de situations perturbées prévues :

- 48 heures avant une perturbation importante, la RATP et la SNCF doivent communiquer publiquement sur le risque de la perturbation ;

- la veille avant 17 heures, la nature et les localisations des perturbations prévues sont diffusées par voie électronique ( pour la SNCF : www.transilien.com, www.abcdtrains.com ; pour la RATP : www.ratp.fr, alertes sms, connexions wap et imode, infofax entreprises), voie téléphonique (pour la SNCF : conseillers info et serveur vocal Transilien ; pour la RATP : serveur vocal RATP) et voie radiophonique pour la SNCF - le jour même de la perturbation, dès 6h30, une information précise est donnée par voie électronique et téléphonique, en même temps que par voie d’affichage sur le terrain.

Si les retards, les pannes, les arrêts intempestifs entre deux stations (parfois dans un tunnel et dans l’obscurité), les annulations brutales de train, les colis suspects, les voyageurs malades, les individus divaguant sur les voies, les arrêts supprimés sans préavis et, plus rarement désormais, les grèves, sont des réalités quotidiennes, il n’en demeure pas moins que, dans le domaine de l’information des voyageurs dans le temps du trajet, doit être prise en compte une certaine subjectivité aujourd’hui qualifiée de « ressenti ». Par ailleurs, il faut conserver à l’esprit que ces stress, auxquels viennent parfois s’ajouter un climat pesant et parfois même violent, sont partagés par les usagers comme par les personnels ; l’interlocuteur ultime étant souvent le conducteur ou le personnel de guichet qui peut tout autant manquer d’information sur les situations en cours.

À cet égard, deux interlocuteurs de la commission, MM. Daniel Rabardel, vice-président de la commission des transports du Conseil économique, social et environnemental de la Région (CESER), et Jean-Pierre Orfeuil, professeur à l’Université de Paris Est-Créteil ont respectivement considéré que : « Dans les années 90, j’ai eu l’occasion de rédiger un rapport sur la qualité des transports. Malgré toutes les critiques dont ils sont l’objet, je peux attester que, même si la situation doit, bien entendu, être améliorée, des progrès importants ont été réalisés – en particulier en ce qui concerne l’information – et que les voyageurs sont également devenus beaucoup plus exigeants ».

Et que : « La littérature internationale estime en général la pénibilité associée à 1 minute d’attente comme équivalente à 3 minutes de temps de parcours. La durée moyenne d’un déplacement en transport en commun étant en moyenne de 3 quarts d’heures, une attente supplémentaire de 5 minutes équivaut à un accroissement de pénibilité de l’ordre d’un tiers ».

Dans les contrats qui le lient aux opérateurs, le STIF a intégré des indicateurs relatifs à l’information des voyageurs, les tableaux ci-dessous exposent la part en % de ceux-ci dans la somme des bonus/malus.

RATP INFORMATION DES VOYAGEURS (15 %)

Indicateurs donnant lieu à bonus malus ou à pénalités

Périmètre de la mesure

Ancien/Nouveau

Information statique (horaires, plan des lignes…)

TCSP, Bus Mobilien, Bus Paris, Bus Banlieue

Indicateur préexistant

Information dynamique (SIEL, info en temps réel)

RER A et B, TCSP, Bus Mobilien, Bus Paris, Bus Banlieue

Indicateur préexistant, étendu aux réseaux de surface BUS et TCSP

SNCF INFORMATION DES VOYAGEURS (15 %)

Indicateurs donnant lieu à bonus malus ou à pénalités

Périmètre de la mesure

Ancien/Nouveau

Information des voyageurs

14 sous réseaux

Indicateur préexistant, mais déglobalisé sur 14 sous réseaux

Une demande régulièrement formulée par les associations d’usagers concerne la mise à disposition d’une information accessible à partir de « téléphones intelligents ». Pour Paris, la RATP a déjà mis en service une application de ce type qui n’est cependant pas disponible sur tous les modèles d’appareils.

Réponse de la RATP à la question posée sur les investissements annuellement consacrés depuis 2005 sur chaque ligne du RER aux supports et modalités de l’information directement donnée aux usagers sur les quais et en gare.

Dans le domaine de l’information voyageurs sur le RER, depuis 2005, quatre projets principaux d’investissements ont été menés ou sont en cours de réalisation :

- Le remplacement de panneaux indicateurs de direction (PID) de la ligne B au sud : ces panneaux indiquent les gares desservies par chaque mission. Ce remplacement était nécessité par l’obsolescence des anciens équipements dont la maintenance devenait difficile. À l’occasion de ce renouvellement, les fonctionnalités des panneaux ont été enrichies du temps d’attente des trains. La mise en œuvre est intervenue sur la période 2005-2010 et représente un investissement de 15 millions d’euros. La réalisation a été confiée aux sociétés FORCLUM et SERELEC.

- Le développement d’une nouvelle version du système central de calcul et d’affichage des temps d’attente des trains (SIEL), mis en service sur les lignes A et B respectivement en août 2008 et mars 2009. Il s’agit d’un développement de logiciel réalisé par la société STERIA pour un montant de 630 000 euros.

- Afin d’améliorer les échanges d’information en « temps réel » entre les différents opérateurs de transport d’Île-de-France, le STIF a défini un protocole d’échange d’informations commun aux différents transporteurs et baptisé SIRI. La RATP procède à sa mise en œuvre au sein des systèmes d’information voyageurs au travers d’un système baptisé I2V. Ce système concentrera toutes les informations temps réel de la RATP et des autres transporteurs et les diffusera vers tous les supports de diffusion qu’ils soient dans nos espaces (écrans) ou à distance (Internet). Symétriquement, ces informations seront mises à disposition des autres transporteurs. La mise en service de ce système se fera par étapes successives en 2012 et 2013. Il s’agit d’un développement de système d’information réalisé par CS SI pour un montant de 4 millions d’euros environ. Ce système ne concerne pas uniquement le RER, mais tous les modes de transport (bus, métro, tramway…).

- Un système d’affichage de l’information pour les voyageurs, conforme aux spécifications fonctionnelles de l’information voyageurs définies par le STIF, est en cours de développement. Ce système s’appelle Image : il prévoit de déployer à partir de 2012 1500 écrans d’information multimodale, multi transporteurs (en utilisant le système d’échange décrit au point précédent) dans l’ensemble des espaces de la RATP. Ces écrans et les systèmes techniques permettant de les alimenter ont été prototypés et sont visibles dans la salle d’échange de Châtelet Les Halles (depuis mi-2009). Les 1 500 écrans installés et en ordre de marche représentent un investissement de 18 M€ sur la période 2012-2015. Les principaux fournisseurs de ces écrans sont GDS (société italienne) et CONRAC (société allemande).

Il faut, par ailleurs, laisser ici la parole aux usagers et aux employés entendus par la commission d’enquête.

M. Dominique Lefebvre, le président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise et maire de Cergy, a précisément indiqué : « La vraie difficulté vient des surcharges aux heures de pointe et de l’irrégularité des horaires, notamment entre 16 heures et 18 heures 30. De plus, en cas de problème, aucune information n’est fournie. Les voyageurs sont laissés en déshérence, sans aucun renseignement sur la durée prévisible de l’incident et sans savoir vers quelle solution alternative ils pourraient se tourner ». La question de l’information, hélas, concerne aussi les opérateurs eux-mêmes, au sein de leur réseau. À l’occasion de son « périple » en RER à partir de la gare de Cergy Préfecture, le lundi 6 février, la commission d’enquête a appris d’une guichetière qu’elle ne détenait pas plus d’information que les agents situés sur les quais avec lesquels, cependant, elle disposait d’une liaison radio.

La principale cause de ces lacunes tient à l’exploitation commune de tronçons de lignes par la SNCF/RFF (qui commande les aiguillages) et la RATP. Par ailleurs pour des motifs historiques de « culture d’entreprise », chaque opérateur dispose d’un mode de communication interne qui lui est propre. Qu’il soit donc permis ici un truisme : comment une organisation pas toujours bien informée pourrait-elle informer correctement ses clients ?

Là aussi, on peut tour à tour écouter usagers et opérateurs : M. Bruno Defait, président de « Vivre sans CDG Express » : « À partir de Gare du Nord, le réseau dépend de la SNCF. La responsabilité des aiguillages incombe à RFF, qui en assume la gestion à partir de différents postes. Les conducteurs des rames appartiennent à la RATP. En cas d’incident, l’information ne circule pas toujours correctement entre les trois entités ».

Les conducteurs eux-mêmes n’ont pas manqué de faire part de leurs préoccupations : M. Luc Offenstein (UNSA-RATP) : « Nous souhaitons que le radiotéléphone fixe – dans notre jargon le RTF – soit remplacé par une radio numérique type TETRA, embarquée directement dans les trains. Nous aimerions que l’on étende le système SIEL (système d’information en ligne), développé au niveau du CDSMG (Centre de surveillance multi gares) de Val d’Europe, qui harmonise l’information avec l’exploitation en temps réel. En ce domaine, en effet, des progrès restent à accomplir ».

Lors de son audition, M. Pierre Mongin, président de la RATP, s’est exprimé en ces termes : « Notre objectif est de passer à terme à une gestion complètement unifiée, avec un responsable unique de tous les indicateurs de qualité et de la fiabilité de l’information aux voyageurs ; cette fonction reviendrait, par alternance, à l’une et l’autre de nos entreprises. Cela nécessitera des efforts managériaux et organisationnels gigantesques. (…) Lorsqu’on a mis en œuvre l’interopérabilité, j’ai demandé à la SNCF qu’elle désigne au moins un agent pour assurer le relais téléphonique avec tous les centres de commandement de la zone nord ».

Trois des entités concernées au premier chef la RATP, la SNCF, et le STIF forment un chœur touchant lorsqu’elles évoquent le règlement de la question d’un pilotage unique pour la ligne RER B dont 40 kilomètres sont exploités par la SNCF et 40 par la RATP. D’après Mme Sophie Mougard, directrice générale du STIF, la situation actuelle est la suivante : « La seconde étape est l’instauration d’un pilotage unique de la ligne : le centre unique RER B, ou « CUB ». Aujourd’hui, l’exploitation – gestion des circulations, plan de transport, information des voyageurs, gestion des incidents – est supervisée par plusieurs entités : pour la RATP, un poste de commande centralisé (PCC) ; pour la SNCF, un centre opérationnel Transilien (COT) ; pour RFF, un centre opérationnel pour la gestion des circulations (COPC) situé à Paris Nord et qui communique avec les agents des différents postes d’aiguillage, lesquels dépendent de la Direction des circulations ferroviaires, indépendante au sein de la SNCF. La réunion de ces acteurs dans un seul et même lieu de supervision est un enjeu majeur. Le STIF a rappelé aux trois opérateurs, dès février 2011, qu’il souhaitait atteindre cet objectif dans les meilleurs délais. On nous objecte que, dans le contexte d’ouverture à la concurrence, RFF ne peut entretenir de lien privilégié avec une entreprise ferroviaire en particulier ».

La mise en œuvre d’un centre unique de pilotage de la ligne B ressortit bien à la thématique de l’information puisqu’elle concerne toute la chaîne : opérateurs entre eux, personnels et usagers. Fors la mise en cause de RFF par le STIF, la commission d’enquête n’a pas pu trouver d’explication à l’absence de réalisation de cette bonne idée.

Votre commission d’enquête considère la mise en œuvre opérationnelle du poste de commandement CUB comme absolument indispensable à court terme.

La sécurité des voyageurs

– L’accident

La question de la sécurité des voyageurs et des personnels s’entend de deux façons : les accidents et les agressions et « incivilités ».

En 2010, 199 accidents corporels graves (219 en 2011) impliquant des voyageurs ont été relevés sur le réseau, il s’agit généralement de suicides (45 par an sur la seule ligne A d’après des représentants syndicaux). Les opérateurs restent démunis devant de tels actes qui ont cependant des répercussions considérables sur le fonctionnement du réseau puisqu’il faut compter au moins quatre heures d’immobilisation de la voie à chaque cas. Les parades sont coûteuses et peu nombreuses, il s’agit de la pose de portes palières ou « façades de quai » ; les lignes aujourd’hui équipées en Île-de-France sont : CDGVAL, Orlyval et, pour le métro, les lignes 1, 13 et 14. Ce système est très efficace puisqu’il isole totalement les passagers de la voie, il pose, par ailleurs, la question de la compatibilité des rames avec le dispositif. Une autre parade existe sur la ligne 4 du métro parisien avec une fosse anti-suicide qui diminue le risque lorsqu’une personne chute sur la voie.

En réponse à une question de la commission d’enquête posée par écrit, la RATP a fourni, les données suivantes :

suicides et tentatives de suicide
évolution 2010 – 2011

En 2011, 72 suicides ou tentatives de suicide ont été enregistrés sur l’ensemble des réseaux RATP (74 en 2010). Si la tendance générale est stable, le RER s’inscrit en forte hausse. Avec 37 suicides et tentatives de suicide enregistrés (25 sur l’année 2010), la part du RER passe de 34 % à 51 % en 2011.

Cinq suicides ou tentatives de suicide ont été perpétrés sur le complexe de Châtelet les Halles en 2011 (contre 1 seul en 2010).

À elle seule, la ligne A (24 suicides ou tentatives contre 15 en 2010) concentre un tiers de ce type de faits (contre seulement 20 % en 2010).

Accidents mortels de voyageurs

Sur la seule base des informations communiquées au département de la sécurité, deux accidents mortels de voyageurs ont été signalés en 2011 sur le réseau RER. Il s’agit dans les deux cas de circulations illicites sur les voies ferrées (l’une en gare de Palaiseau-Villebon, l’autre à Nation).

Trois décès avaient été recensés en 2010, deux correspondant à des accidents mortels (une chute fortuite en gare des Baconnets, une circulation illicite sur les voies entre La Défense et Charles de Gaulle Etoile), le troisième relevant d’un homicide à Gare de Lyon.

De façon générale, le risque le plus commun est celui de la chute accidentelle d’une personne sur la voie. Certaines gares sont équipées de quais trop étroits au regard du nombre de voyageurs susceptibles de s’y trouver. Lors de son déplacement du lundi 6 février dernier, la commission d’enquête a constaté ce fait puisque, la rame empruntée à Cergy Préfecture a dû être entièrement vidée de ses passagers en gare d’Achères Ville. Plusieurs centaines de personnes se sont ainsi retrouvées entassées sur un quai extérieur recouvert d’une couche de 5 centimètres de neige glacée par endroits.

Sur certaines lignes, les opérateurs ont recours à des personnels présents sur les quais qui assistent les passagers à la montée et à la descente des rames. Cette mesure fait preuve de son efficacité.

Les personnels ne sont pas exemptés des risques d’accident, à titre d’exemple, le premier février dernier, une caténaire est tombée sur la cabine d’un conducteur du RER B en gare de Sevran-Livry, très grièvement blessé.

– Les actes de violence

Les usagers comme les personnels peuvent êtres victimes d’actes de violence divers : agressions, vols et, parfois hélas, viols. Entendu par la commission d’enquête, M. Michel Gaudin, préfet de police, a fourni les chiffres suivants : « Le contexte francilien est bien particulier. Sur 2,2 % du territoire national se concentrent là 18 % de la population, soit 11 600 000 habitants. Dix millions de voyageurs circulent quotidiennement sur les différents réseaux de la région : 5 millions dans le métro ; 1 700 000 sur le réseau RATP du RER et 2 500 000 sur le réseau SNCF Transilien. Nous devons surveiller 449 gares SNCF, 66 gares RER RATP, 300 stations de métro, 5 790 rames RATP et quelque 5 000 trains SNCF. En effet, même si nous n’avons pas réglé tous les problèmes, nous avons beaucoup progressé dans notre lutte contre la délinquance

L’année 2010 a été particulièrement difficile puisque l’on a alors enregistré de nombreux vols avec violence, liés notamment à l’arrivée des smartphones de nouvelle génération – et souvent répertoriés comme tels pour des questions d’assurance. Mais, depuis, la tendance s’est inversée. Il s’agit à 70 % d’une délinquance dite acquisitive, c’est-à-dire de vols. Pour moitié - 53 % –, ce sont des vols à la tire ou des vols simples et la proportion est pratiquement inchangée par rapport à 2002, où ils comptaient pour 51 %. En revanche, les vols avec violence ont représenté, pour cette dernière année 2011, 17,86 % du total de la délinquance alors qu’en 2002, ils n’en représentaient que 10 %du total ».

Le dispositif policier est bien structuré et a permis une amélioration statistique puisque, pour l’année 2010, la Brigade anti-criminalité a interpellé 2 684 auteurs de vols à la tire ou avec violence, soit 27 % de plus qu’en 2010. L’Unité d’appui au réseau a, quant à elle, procédé à l’interpellation de 245 auteurs d’agressions acquisitives. Le résultat final est que les vols avec violence ont baissé de 7,67 % en 2011. La part des IRAS ou « infractions révélées par l’action des services » – et pas seulement constatées – est relativement stable, de l’ordre de 15 %.

La direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP)
et
la sous-direction régionale de la police des transports (SDRPT)

La direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) a été créée le 14 septembre 2009, lorsque a été confiée au Préfet de police la sécurité pour Paris et les départements de la Petite couronne parisienne - Hauts-de-Seine (92), Seine-Saint-Denis (93), Val-de-Marne (94). Elle résulte du rassemblement des anciennes directions départementales de la sécurité publique de Petite couronne avec l’ex-direction de la police urbaine de proximité de Paris. La DSPAP est une direction interdépartementale dirigée par un directeur des services actifs et placée sous l’autorité du Préfet de Police. Elle est chargée de prévenir et de lutter au quotidien contre la petite et la moyenne délinquance, et notamment celle commise sur la voie publique (vols avec violences, vols à la tire, dégradations, etc.), la direction de sécurité de proximité de l’agglomération parisienne est en contact direct avec la population dans les arrondissements de Paris et dans les départements de la Petite couronne. Au sein des différentes directions de la Préfecture de Police, la DSPAP est la plus importante puisqu’elle est composée de 26 000 fonctionnaires.

La sous-direction régionale de la police des transports (SDRPT) Cette sous direction dispose d’une autorité fonctionnelle sur les quatre directions territoriales de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne, mais aussi sur les quatre directions départementales de la sécurité publique – DDSP – de la Grande couronne, sur les quatre groupements de gendarmerie départementale et sur les deux services de sécurité des transporteurs : le GPSR pour la RATP et la SUGE pour la SNCF.

Elle regroupe aujourd’hui 1 369 fonctionnaires : un état-major de 14 fonctionnaires et un service à vocation régionale : la Brigade des réseaux ferrés – BRF – de 1 355 policiers. Cette BRF est structurée en trois départements : la sécurisation générale, l’investigation judiciaire et la police des gares parisiennes qui, comme je l’ai dit, a été rattachée au SRPT en 2008 alors qu’elle était auparavant de la responsabilité des commissariats territorialement compétents.

La Brigade des réseaux ferrés a accru en 2011 sa présence et sa visibilité, avec 126 patrouilles par jour – 94 de la BRF et 32 des forces de renfort –, soit sept patrouilles de plus qu’en 2010. Sont ainsi couverts chaque jour 912 gares et 813 trains, contre respectivement 880 et 606 en 2010.

Le pôle opérationnel régional « Transport » à la salle d’information et de commandement (SIC) de la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), pôle qui fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept assure la coordination avec les exploitants. Ce pôle, implanté dans l’Île de la Cité, est relié aux salles de commandement de la RATP et de la SNCF, qui sont situées respectivement à la Maison de la RATP et à la Gare du Nord.

Sur le fondement de textes adoptés l’année dernière, sa compétence a été prolongée au-delà des limites territoriales de la Région Île-de-France, et étendue à cinq « bouts de ligne » sensibles : jusqu’à Creil et Beauvais sur les lignes TER Paris Nord ; jusqu’à Dreux sur la ligne TER Paris Montparnasse ; jusqu’à Vernon sur la ligne TER Paris Saint-Lazare ; jusqu’à Malesherbes, dans le Loiret, sur la ligne D du RER. Les opérations de sécurisation des gares et des trains sont donc préparées avec les exploitants sur ces nouveaux sites.

Les services de sécurité de la RATP et de la SNCF. Les opérateurs ont été amenés à créer en leur sein des services spécialisés : la Surveillance générale, la SUGE, à la SNCF et le Groupe de protection et de sécurisation des réseaux, le GPSR, à la RATP. À elle seule, la SUGE compte 2 400 agents dont plus de 50 % sont affectés en Île-de-France. Les membres de ces deux services sont armés ; ils sont d’ailleurs individuellement agréés par le parquet et assermentés en justice. Chaque jour, près de 130 patrouilles sécurisent 600 gares et 700 rames de métro, RER, trains de banlieue et bus en concentrant leurs efforts sur les lignes et horaires les plus sensibles.

Au titre des « incivilités », les forces de police déplorent de ne pas pouvoir exiger la production du titre de transport des individus dont le comportement appelle leur attention. Cette situation n’est guère satisfaisante même s’il est concevable qu’il existe une réminiscence de prérogatives des exploitants. De fait, les forces de l’ordre sont singulièrement en situation d’observer la répétition de ce type d’infractions.

Les personnels de la RATP comme ceux de la SNCF sont aussi victimes d’actes de violence. M. Michel Gaudin a précisé devant la commission d’enquête que le nombre des atteintes dont sont victimes les agents des transporteurs – outrages, actes de violence et de rébellion – est stable, avec 2 % du total des infractions relevées. Malgré tout, il a été enregistré l’année dernière une petite augmentation des actes hostiles subis par les agents de la RATP et de la SNCF.

Au titre des mesures de prévention doit être mentionnée la vidéoprotection. À cet égard, M. Pierre Mongin a indiqué que les seules lignes A et B du RER disposent de 3 000 caméras, il est prévu d’équiper les wagons de caméras sur toutes les rames neuves ou modernisées.

Sur ce dernier point, il convient encore de laisser la parole au préfet de police, M. Michel Gaudin : « Nous avons travaillé sur cette question de façon très coordonnée avec la SNCF et la RATP. À l’heure actuelle, la RATP dispose de 8 000 caméras, avec possibilité de renvoi d’images et enregistrement de 72 heures – 5 300 dans le métro, 2 000 dans les stations du RER A et 800 dans celles du RER B. La SNCF dispose pour l’heure de 5 300 caméras, utilisées dans les mêmes conditions. Le pôle opérationnel régional « Transport » de la SIC/DSPAP dispose des retours d’images et peut visualiser simultanément huit écrans RATP et huit écrans SNCF. Je précise que l’on peut diffuser quarante images simultanément avec cinq pupitres SNCF.

Je tiens à insister sur le caractère opérationnel de cette vidéoprotection, qui peut être utilisée par la justice a posteriori, c’est-à-dire lorsque des méfaits ont été commis. Au cours des dernières années, les services de police, qu’il s’agisse de la police judiciaire ou de la DSPAP, ont de plus en plus souvent demandé l’accès aux images pour identifier les auteurs de délits. En 2008, nous avons compté 3 044 réquisitions ; en 2009, 5 705 ; en 2010, 7 015 et l’année dernière, 7 672 : ce qui traduit une véritable explosion ! De cette façon, nous avons pu, par exemple, identifier deux « pousseurs », dont l’un opérait à La Défense ».

Enfin, dans tous les cas, la présence de personnel dans les gares et les rames constitue un facteur d’apaisement tant pour les usagers que pour les employés. Ce souhait a d’ailleurs été formulé par M. Dominique Launay, secrétaire général de l’Union interfédérale CGT des transports : « Il faut accroître le nombre des personnels qui travaillent dans les gares et les stations, si on veut améliorer la qualité du service et la régularité ; sans oublier la sécurité des personnes et des biens, qui est pour nous une priorité. On pourra ainsi remédier à la déshumanisation des gares, renforcer la présence dans les trains d’agents à statut, et lutter contre les incivilités, qui ont également un impact sur les retards ».

B.— DES SOLUTIONS À ÉTUDIER

1. L’amélioration de l’existant

Mise en place de nouveaux dispositifs de retournement des trains

Une des causes de ralentissement du trafic réside dans le manque d’infrastructure permettant le retournement des trains. Divers systèmes existent parmi lesquels peuvent être cités les boucles de retournement et les tiroirs de retournement.

Une boucle de retournement est caractéristique d’un terminus d’une ligne de chemin de fer aménagé en forme de boucle. Ceci permet aux rames de poursuivre leur chemin entre l’arrivée et le départ et évite le rebroussement. Classiquement, une boucle de retournement peut être créée dans un terminus, comme le montre le schéma ci-dessous :

Le terminus en boucle permet à la rame d’arriver en terminus, de laisser descendre les passagers, de faire monter les passagers et de repartir, afin de ne pas effectuer de manœuvres. Ces terminus sont anciens et sont souvent les terminus d’origine (Nation Ligne 2). Une variante consiste à vider la rame au terminus, faire la boucle sans voyageurs, puis revenir sur l’autre quai (Porte Dauphine Ligne 2).

Un exemple de tiroir de retournement est donné dans le rapport du 8 juillet 2009, fait par le STIF au sujet du projet RER D+ :

Réaménagement du terminus de Goussainville (2ème phase)

La phase 1 de l’aménagement du terminus de la gare de Goussainville permet de mettre en exploitation régulière le tiroir de retournement et ainsi de renforcer la desserte de deux trains. Ce fonctionnement n’offre pas la possibilité d’absorber naturellement des retards.

Les améliorations recherchées pour la phase 2 sont :

- d’augmenter la capacité d’accueil à quai des trains « Goussainville » venant du sud ;

- de faciliter l’utilisation accrue du tiroir ;

- d’absorber des retards, sans modifier l’affectation conducteur/train initiale ;

- de permettre des temps de retournement plus long, sans créer des besoins supplémentaires de rames et conducteurs.

La solution fonctionnelle retenue consiste à créer une liaison entre la voie 1L à quai et le tiroir. Ainsi les trains venant du sud peuvent stationner le long du quai 1 pour faire descendre les voyageurs, puis « se retourner », en accédant au tiroir de retournement sans passer par la voie M, et repartir par la voie 2L à quai. Ces conditions permettent un temps de retournement long de 24 minutes et 30 secondes, et garantissent l’absorption d’un retard allant jusqu’à 8 minutes.

Le coût total du projet s’élève à 5,87 millions d’euros. La subvention du STIF représente 50 % de ce coût soit 2,935 millions d’euros (RFF : 50 % restant).

En tout état de cause, pratiquement toutes les lignes du réseau ne comportent pas une quantité suffisante de ces dispositifs. La ligne A en compte 10 et la ligne B, 16. Certaines associations d’usagers plaident pour l’équipement la station de La Défense. Pour la ligne B, M. Pierre Mongin a considéré devant la commission d’enquête : « S’agissant de l’exploitation, comme je l’ai dit, nous avons perdu toute marge de manœuvre et sommes en tension constante. Le seul moyen de regagner un peu de souplesse serait de disposer de points de retournement supplémentaires. Pour le coup, il s’agirait d’investissements peu ruineux – de 30 à 40 millions d’euros. Par exemple, il serait urgent de créer un point de retournement à la station Denfert-Rochereau, sur la ligne B ; il en faudrait également un à la Gare de Lyon. Cela suppose d’étudier la possibilité de réaliser des tunnels supplémentaires ou des espaces pour tourner dans Paris. Techniquement, c’est très compliqué ».

Proposition

Mettre en place des systèmes d’aiguillages et des plateformes de retournement permettant aux trains de repartir dans l’autre sens ; ces systèmes font particulièrement défaut. En cas d’incident, les trains doivent pouvoir continuer à circuler sur la partie non perturbée de la ligne.

Électrification

De façon schématique, il est possible de considérer que la RATP utilise, pour l’exploitation de son réseau métro et RER, un courant électrique de 1 500 volts continu. De son côté, RFF, et donc la SNCF, ont majoritairement recours, pour l’électrification de leurs voies, à un courant de 25 000 volts monophasé. Cependant, on peut lire sur le site Internet de RFF que 9 698 kilomètres de son réseau, dont la totalité des lignes à grande vitesse, sont couverts par le courant monophasé à 25 000 volts, et que 5 863 kilomètres de ses lignes, au sud de Paris, restent alimentées par le système 1 500 volts.

Le numéro d’octobre 2009 de la revue Lignes d’avenir (publication de RFF), fait le rappel historique suivant : « Esquissée au début du XXe siècle, l’électrification du réseau ferroviaire a pris son essor à partir de 1922, à l’époque où la France a adopté le courant continu de moyenne tension 1 500 V. L’électricité permettait déjà un rendement beaucoup plus élevé que le gazole et la vapeur, produite à partir du charbon. Pour la France, qui ne disposait pas d’autant de charbon que ses voisins, l’électricité représentait un atout majeur pour moderniser le rail. Cette évolution répondait en outre à la forte demande en transports urbains. Les trains ont ainsi pu circuler dans des tunnels et limiter les nuisances liées aux émanations des combustibles. L’essor du métro parisien et des autres lignes urbaines était en route. Dès les années 1950, le système à 1 500 V à courant continu est progressivement supplanté par le courant alternatif monophasé à 25 000 V, plus puissant et plus économique. Les deux systèmes cohabitent encore aujourd’hui sur le territoire : 5 900 km de lignes situées dans le Sud fonctionnent toujours au moyen du courant continu, tandis que les 9 100 km alimentés au 25 000 V sont répartis dans le Nord du pays. Cette différence a une explication historique : dans les régions montagneuses du Sud, il existait en effet des sources d’électricité hydraulique faciles à exploiter dès le début du siècle. De son côté, le Nord n’a pu commencer à électrifier ses lignes qu’à partir des années 1950. À ce moment-là, la technologie du 25 000 V alternatif arrivait à maturité. Au fond, avec l’électrification, le réseau ferroviaire est confronté à des questions d’interopérabilité dont l’observateur non averti pourrait croire qu’elles ne se posent qu’au passage des frontières ».

Carte des lignes électrifiées de RFF en région parisienne

Pour la RATP, le métro parisien dispose d’un réseau d’alimentation électrique spécifique. L’unité TDE (Transformation et Distribution de l’Énergie électrique) est responsable de l’exploitation et de l’entretien des postes haute tension (63 kV et 225 kV), des postes de redressement, des postes d’éclairage-force, des canalisations 15 kV, des caténaires, des rails de courant et des 518 disjonctions de voie. L’unité TDE assure la fourniture de l’énergie de traction et d’éclairage à l’ensemble des moyens de transport (métro, RER, tramways), de force (ascenseurs, escaliers mécaniques, ateliers) et d’éclairage électrique des stations et des bâtiments; elle étudie et réalise les équipements des postes de redressement des nouvelles lignes.

carte du réseau d’électrification de la ratp

Source : RATP

C’est donc bien pour des raisons historiques et de logique de réseau que la RATP et la SNCF utilisent des systèmes d’alimentation différents, y compris sur les lignes du RER qu’elles exploitent en commun.

La présence de deux tensions différentes sur les voies impose l’utilisation d’un matériel roulant dit « bicourant », compatible avec deux systèmes d’électrification. Ainsi, toutes les lignes du RER connaissent cette situation à l’exception de la ligne E, entièrement électrifiée en 25 kV.

– Ligne A

Les branches de Cergy et de Poissy, comme tout le réseau Saint-Lazare, de banlieue et grandes lignes, sont électrifiées en 25 000 volts monophasé. Le tronçon central ainsi que les branches de Saint-Germain-en-Laye, Marne-la-Vallée et Boissy-Saint-Léger, appartiennent à la RATP et sont électrifiés en 1 500 volts continu, avec section de séparation et obligation de baisser les pantographes à l’ouest de Nanterre - Préfecture.

– Ligne B

Le nord de la ligne comme tout le réseau Nord, de banlieue et grandes lignes, est électrifié en 25 000 volts monophasé ; la Gare du Nord souterraine est alimentée dans les deux tensions. La commutation s’effectue juste avant l’entrée en gare : ainsi, les voies nord/sud des lignes RER B et D sont électrifiées en 1 500 volts continu et les voies sud/nord des lignes RER B et D sont électrifiées en 25 000 volts monophasé.

Le sud de la ligne, à partir de Gare du Nord, appartenant à la RATP, est électrifié en 1 500 volts continu, avec une section de séparation où la commutation est automatique grâce à des balises au sol : la fermeture des disjoncteurs, l’abaissement puis le relèvement des pantographes, suivi de la réouverture des disjoncteurs, s’exécutent sans action du conducteur.

– Ligne C

Le nord de la ligne est électrifié en 25 000 volts monophasés, au-delà de la section de séparation située à Saint-Ouen. Le reste de la ligne est électrifié en 1 500 volts continu.

Une caténaire rigide est mise en place sur le tronçon central, le gabarit restreint de certaines sections du tunnel ne permettant pas l’installation d’une caténaire 1 500 volts classique à cause de la densité du trafic (24 trains à l’heure). Le profilé métallique, pour un encombrement bien moindre, offre la section conductrice nécessaire ; il présente en outre l’avantage de s’user moins vite.

Cette expérience concluante a conduit la RATP à conduire une expérimentation similaire sur la ligne A à La Défense. La problématique de la ligne A est cependant différente : la question du gabarit ne se pose pas, le tunnel étant plus large ; demeure, en revanche, celle de l’usure, accompagnée d’une difficulté de comportement à grande vitesse (100 km/h pour le RER A contre 60 km/h pour le RER C).

– Ligne D

Le nord de la ligne est électrifié en 25 000 volts monophasé ; la Gare du Nord souterraine est alimentée dans les deux tensions. Les voies nord/sud des RER B et D sont électrifiées en 1 500 volts continu et les voies sud/nord des RER B et D sont électrifiées en 25 000 volts monophasé.

La section Gare du Nord-Châtelet-Les Halles (incluse) partagée avec le RER B et appartenant à la RATP, est électrifiée en 1 500 volts continu, avec section de séparation et obligation de baisser les pantographes. Le sud de la ligne, et comme tout le réseau Sud-Est, est sous la tension de 1 500 volts continu.

Interopérabilité

L’interopérabilité (10) désigne la possibilité de faire circuler sans entrave des trains sur des réseaux ferroviaires différents (RATP et SNCF) mais présents sur une même ligne sans changer de conducteur lors du changement de réseau ou de l’interconnexion. Cette procédure, appelée relève ou changement de conducteur, s’effectuait sur la ligne B à Gare du Nord. Ainsi, l’interopérabilité a été mise en place afin d’améliorer l’interconnexion à Gare du Nord, dans le cadre du projet RER B Nord +, qui a été décidé par le STIF.

En 2007, une étude réalisée par Egis Rail (avec le concours de la SNCF et de la RATP) a montré que la suppression des relèves pourrait entraîner à elle seule un gain de régularité de 20 %. De fait, la relève allongeait les temps de stationnement à Gare du Nord (70 à 80 secondes, au lieu des 60 secondes souhaitables) et accroissait la propagation des perturbations en cas d’incident. Ce gain de 20 % a pu être jugé équivalent à ce qu’apporterait le doublement du tunnel Châtelet-Gare du Nord.

Le 7 juillet 2008, en réponse à la demande du STIF, la mise en œuvre de l’interopérabilité a été lancée, par la conduite de deux trains sur toute la longueur de la ligne par un même agent, en milieu d’après-midi, pour marquer l’événement et à titre « expérimental », et afin de régler les dernières questions pratiques.

En février 2009, la suppression progressive du changement de conducteurs à Gare du Nord a été poursuivie. Désormais, ce sont quatre-vingts trains quotidiens, essentiellement en période de pointe, qui sont « interopérés ». Le 9 novembre 2009, la relève entre conducteurs RATP et SNCF à la Gare du Nord prend fin. Tous les trains de la ligne (soit 531) sont désormais exploités sans changement de conducteur, par un seul agent.

Pour permettre la mise en œuvre du dispositif, il a fallu former les conducteurs de la RATP aux subtilités de la réglementation « réseau ferré national (RFN) », qui comporte de nombreuses particularités supplémentaires (compte tenu de l’histoire et de la taille du réseau) par rapport au réseau RATP.

Dans le même temps, il a fallu former les conducteurs SNCF à une conduite plus proche de celle du métro avec des accélérations et des freinages plus appuyés, un respect de temps de stationnement calculés à la décaseconde au lieu de la demi-minute, l’absence d’obligation de réduire la vitesse immédiatement à 30 km/h au passage d’un avertissement (feu « jaune »), etc. Au total, 600 conducteurs et cadres ont ainsi été formés chez les deux opérateurs.

Cette mesure a singulièrement amélioré l’exploitation de la ligne. Associée à la suppression de 4 trains par heure sur la ligne D, l’alternance des trains à Gare du Nord (14 trains par heure sur chaque quai contre 8 et 20) ainsi qu’à l’arrivée de régulateurs de flux à Châtelet-Les Halles et Gare du Nord, la suppression de la relève a permis une diminution du temps de stationnement à Gare du Nord de 40 secondes. De ce fait, la capacité de transport a progressé de près de 1 600 places par heure à l’heure de pointe du matin. Toutefois, le soir, elle est demeurée stable.

Lors de sa mise en œuvre, l’interopérabilité a rencontré l’hostilité de certains syndicats. Ceux-ci considéraient que les principales sources de difficultés rencontrées sur la ligne B étaient dues au goulet d’étranglement constitué par le tunnel Châtelet-Gare du Nord mais surtout par l’absence de commandement commun entre les deux exploitants. C’est d’ailleurs ce qu’a exprimé devant la commission d’enquête M. Philippe Touzet, délégué central de SUD RATP : « L’interopérabilité sur les lignes A et B du RER est une fausse bonne solution car la relève entre les conducteurs est un faux problème qui n’est pas en lui-même celui de ces deux lignes. Ainsi, l’interopérabilité de la ligne B n’a toujours pas démontré son efficacité, et les difficiles relations, voire la compétition, entre la SNCF et la RATP ne favorisent pas l’interpénétration des réseaux RFF et RATP. À l’image du poste de commandement unique, CUB, qui n’a toujours pas été créé sur la ligne B. L’interopérabilité n’apportera rien de positif sur la ligne A du RER, si ce n’est une perte d’expérience dommageable à la régularité et à l’efficacité de la ligne, surtout dans son tronçon central où la RATP possède la maîtrise d’une fréquence d’exploitation plus proche de celle du métro que de celle du train ». Pour sa part, M. Pierre Mongin a évoqué cette question dans ces termes : « Vous souhaitez connaître l’échéancier des opérations prévues sur la ligne B, au-delà de la mise en place en février du groupe de travail avec la SNCF. Pour être honnête, il convient de rappeler qu’il n’était inscrit dans aucun projet ni aucun schéma directeur qu’on irait plus loin que l’interopérabilité de la ligne B. Beaucoup pensaient que celle-ci était la solution à tous nos problèmes : c’était évidemment une erreur. Selon moi, il s’agissait toutefois d’une étape nécessaire, qui va nous permettre d’aller plus loin ».

2. L’analyse des arlésiennes

Le doublement du tunnel Gare du Nord-Châtelet

Source de saturation, les points noirs du réseau francilien sont des goulots d’étranglement qui ralentissent la circulation des trains. Le plus représentatif est celui du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord. Dans ce tunnel, la capacité théorique en ligne est de 32 trains par heure et par sens ; en pratique, la convergence du trafic de 2 voies sur une seule provoque dans le tunnel un effet « entonnoir », n’autorisant en moyenne le passage que de 28 trains par heure. En 1981, ce tunnel a été ouvert au seul usage du RER B. En 1987, il a été affecté aussi au trafic du RER D. Il s’agissait du tunnel ferroviaire de ce type le plus fréquenté d’Europe jusqu’au 13 décembre 2008, quand il était parcouru par trente-deux trains par heure et par sens au maximum.

Source : STIF

Le Schéma directeur de la Région Île-de-France (SDRIF) non révisé propose la construction d’un tunnel dédié entre Châtelet-Les Halles et Gare du Nord, afin de mettre fin à ce point noir. Ce projet vise ainsi à créer deux voies supplémentaires afin de dédier deux voies au RER B et deux voies au RER D. Projeté depuis longtemps, la réalisation du projet est jugée nécessaire par l’État et la Région, le 26 janvier 2011, dans le cadre des grandes orientations des transports en commun en Île-de-France jusqu’en 2025.

Le 7 décembre dernier le STIF annonçait, par un communiqué de presse, que son Conseil approuvait le financement des études exploratoires et de faisabilité du doublement du tunnel Châtelet-Gare du Nord pour un montant de 1,3 million d’euros. Les études seront diligentées par RFF et entièrement financées par le STIF. Après consultation, l’étude a été confiée à SETEC (marché signé le 1er février 2012). La durée prévisionnelle est de 12 mois, et se décompose en deux phases : une phase exploratoire sur le champ des solutions possibles, une phase d’analyse de plusieurs solutions au stade « faisabilité ».

Cette solution du doublement du tunnel a longtemps fait débat. De fait, d’autres solutions, moins radicales mais réalisables plus rapidement pouvaient être envisagées telles la rocade en tramway entre les gares Saint-Lazare, Nord, Est et Lyon par République ou Nation ou la fin de la relève systématique à Gare du Nord, impliquant l’interopérabilité. Cette dernière solution a longtemps semblé avoir la faveur des opérateurs. En novembre 2008, on pouvait lire, sur le blog de la RATP, cette réponse du responsable régularité et régularité de service sur la ligne B du RER : « Le dédoublement du tunnel, qui peut être un des moyens d’amélioration, entre ces deux gares, est une solution très onéreuse et impossible à réaliser à court et moyen terme ».

De son côté M. Roger Karoutchi a évoqué le flou entourant le projet de doublement de ce tunnel : « Quant au tunnel entre Châtelet-Les-Halles et Gare du Nord, le Syndicat des transports parisiens (STP) – devenu depuis le STIF –, que j’ai interpellé à ce sujet voilà des années, m’a répondu qu’il était impossible. Il a fallu qu’un chef de ligne du RER me révèle qu’on m’avait menti et que le projet, bien que coûteux, était réalisable, pour qu’on en arrive à lancer des études. Si l’on veut plus de régularité sur les lignes B et D, il faudra bien dédoubler ce goulot d’étranglement ».

M. François Kalfon n’est pas en reste puisqu’à cette occasion il a exposé à la commission d’enquête les conditions dans lesquelles les entités concernées pouvaient se comporter : « Il faut également intégrer les élus locaux et régionaux dans ce qui s’apparente à un véritable combat contre une technostructure qui dispose des meilleurs ingénieurs au monde dans les domaines des transports et a construit des digues de compétence pour éviter de s’adresser à la représentation démocratique. C’est là une réalité que, jeune président de la commission en charge des transports, j’ai vécue à tous les niveaux et avec toutes les entreprises. Les ingénieurs des Ponts issus des mêmes promotions ont une capacité fantastique « à promener les élus » qui les interrogent. Le dossier du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord a, en la matière, été mon « bizutage » : les mêmes personnes m’ont expliqué au début de mon mandat que ce projet n’était ni réalisable, ni même intéressant, car il coûterait plusieurs milliards d’euros, et que le problème pouvait être résolu par un nouveau système d’exploitation, puis l’ont inscrit, sous la pression démocratique, parmi les projets à considérer indispensables et devant faire l’objet d’études ».

Ainsi, il est aujourd’hui possible de considérer que le projet de doublement du tunnel Châtelet-Gare du Nord est lancé, à tout le moins au stade des études. La question demeure posée des délais et des coûts. D’après « Le Journal du dimanche » du 29 janvier dernier, « L’étude qui démarre ce mois-ci va durer un an. « De quoi débroussailler le terrain. Mais ensuite, il faudra d’autres études précises, par exemple sur la nature du sous-sol », fait valoir un expert du STIF. Personne, côté officiel, ne veut s’engager sur un calendrier et sur le coût d’un investissement. Or, d’après Yves Boutry (vice-président de la FNAUT), c’est un projet sur dix ans d’un montant de 1 milliard d’euros pour un simple raccordement des voies et de 2 milliards d’euros avec des gares et des voies nouvelles. Bref, en ces temps de disette budgétaire, il faudra inscrire le doublement du tunnel Châtelet-Gare du Nord comme une priorité parmi les chantiers RATP et SNCF en Île-de-France ».

Votre Rapporteur fait donc les constatations suivantes :

- les opérateurs, mais aussi le STIF, ne voulaient manifestement pas la réalisation du doublement du tunnel, il n’apparaît cependant pas clairement qu’ils aient suggéré d’autres solutions viables et réalisables, leurs motivations demeurent marquées par une certaine opacité ;

- du temps a été perdu et, si la réalisation de l’ouvrage constitue la solution la plus lourde en termes de temps et de coût, aucun des acteurs concernés n’accepte de s’avancer dans des prévisions chiffrées, aussi, le coût est estimé (en l’absence de données fiables) à 1, 2, 3 voire 4 milliards d’euros ! Quant à la durée, l’incertitude la plus complète demeure car, par-delà la réalisation matérielle du tunnel, les obstacles juridiques ne manqueront pas d’être nombreux et durables, faisant ainsi le bonheur de quelques cabinets de juristes.

Proposition

Arrêter une décision, avant le terme de l’année 2014, concernant le doublement du tunnel Châtelet - Gare du Nord. Cet objectif suppose qu’au-delà de l’étude exploratoire de faisabilité qui vient d’être lancée par le STIF et RFF, d’autres solutions de substitution soient également étudiées. Afin de remédier à la cause majeure d’engorgement des lignes B et D, l’étude la plus complète possible des différentes options devra s’accompagner d’un chiffrage et d’un calendrier de réalisation particuliers à chacune d’entre elles.

Le CDG Express

D’après le site Internet du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, le projet CDG Express prévoit de relier directement (sans arrêt intermédiaire) et en 20 minutes maximum, la gare de l’Est à l’aéroport Paris Charles-de-Gaulle.

Le constat est que plus de 80 % des déplacements entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle s’effectuent par la route. En raison des embouteillages presque permanents sur les autoroutes A1 et A3, le temps de parcours entre le centre de Paris et l’aéroport peut varier d’une demi-heure à plus de deux heures, créant ainsi le stress d’un rendez-vous manqué ou d’un avion raté. Par ailleurs, le RER B n’est pas adapté au transport de passagers aériens : manque de lisibilité de l’information et de la signalétique, manque de place pour les bagages et de confort aux heures de pointe. Cependant, le projet RER B Nord + est fortement lié au projet CDG Express. La modernisation du RER B devrait libérer des voies ferrées qui seraient alors empruntées par les trains CDG Express. Ainsi, la mise en service de la liaison CDG Express ne pourrait advenir qu’une fois la modernisation de la ligne B du RER au nord de Paris achevée.

L’État s’est finalement engagé à apporter son soutien au projet RER B Nord + au travers d’une participation inscrite au contrat de projets Île-de-France. Ainsi, il a apporté 10 millions d’euros en 2006 pour la réalisation du projet, 16 millions d’euros en 2007 et 35 millions d’euros en 2008.

La mise en service du projet RER B Nord +, qui prévoit d’aménager la desserte de l’ensemble des gares de la ligne selon une formule « omnibus », est prévue pour la fin 2012.

L’investissement total du projet était estimé à environ 640 millions d’euros (hors matériel roulant). Le projet CDG Express devait être réalisé sous la forme d’un partenariat public privé (PPP). À cet égard, M. Pierre Cardo, président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) a considéré en général que : « À titre personnel et en tant qu’ancien élu, je pense qu’il faudrait limiter l’appel aux partenariats public privé (PPP) qui se révèlent toujours coûteux à terme ».

Ainsi, un concessionnaire devait être chargé de financer, concevoir, construire, entretenir et exploiter l’infrastructure et de fournir et entretenir le matériel roulant. Enfin, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble du service rendu aux voyageurs sur la liaison devaient lui incomber.

Ce principe de la concession globale devait financer la réalisation et l’exploitation de CDG Express par les seules contributions des usagers de la liaison express, sans faire appel aux contribuables locaux ou nationaux.

Seul candidat encore en lice à la fin de l’année 2008, le Groupe Vinci s’est retiré du projet à la fin de l’année 2011.

Le projet initial comportait deux faiblesses :

- il desservait le quartier Gare du Nord / Gare de l’Est, déjà desservi par le RER B, mais n’assurait aucune desserte directe des quartiers d’affaires de La Défense et de Paris Saint-Lazare ;

- l’autre inconvénient était que les sillons horaires réservés aux trains CDG Express sur la ligne Paris-Hirson ne pouvaient plus servir à d’autres circulations, comme la recréation de RER directs entre Roissy et Gare du Nord ou au passage de nouveaux TER.

Il avait, par ailleurs, rencontré l’opposition du STIF, qui estimait avoir été évincé du projet dès sa conception. De leur côté, la RATP et la SNCF avaient présenté une solution commune qui n’avait pas été retenue. Enfin, les usagers ont protesté, considérant que l’opération devait donner naissance à un moyen de transport réservé aux seuls passagers pouvant payer un prix bien supérieur à celui habituellement pratiqué dans les transports franciliens. Quant au maire de Paris, il souhaitait que l’État soit co-financeur du projet.

II.— MODERNISER UNE GESTION COMPLEXE

A.— UNE GOUVERNANCE À RÉNOVER

1. Le renforcement de l’autorité organisatrice

Le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, a été créé par la loi de solidarité et de renouvellement urbains dite « SRU » du 13 décembre 2000. Le STIF succédait ainsi à l’ancien Syndicat des transports parisiens (STP) qui avait d’ailleurs vu sa compétence étendue à l’ensemble du territoire régional en 1991.

C’est la loi décentralisatrice du 13 août 2004 qui a véritablement érigé le STIF en autorité organisatrice des transports de plein exercice, ce texte consacrant un chapitre spécial aux transports publics en Île-de-France. Au 1er juillet 2005, l’État s’est retiré de son conseil désormais présidé par le président de la région et exclusivement composé de représentants élus des collectivités territoriales, à l’exception d’un représentant de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France et d’un membre du Comité des partenaires du transport public (CPTP), un organisme consultatif sans réelle influence. La Cour des comptes a fait état d’un certain déséquilibre de représentation qui caractérise la composition du conseil du STIF, à l’avantage de Paris face aux autres collectivités d’Île-de-France : « L’écart le plus important concerne la Seine-Saint-Denis, un représentant de Paris au STIF représente 430 000 habitants tandis que le représentant de la Seine-Saint-Denis représente 1,5 million d’habitants ». Cette question qui ne relève pas exactement du champ de compétence de la commission d’enquête devra néanmoins trouver sa solution dans les années à venir.

Quoi qu’il en soit, les conditions de la régionalisation des transports en Île-de-France ont nécessairement traduit une forte spécificité par rapport aux autres régions, ce qui explique une mise en œuvre plus difficile. Pour ces raisons, le nouveau STIF n’a pu véritablement commencer à fonctionner qu’au cours de l’année 2006. Plus encore que les autres régions qui pourtant éprouvent souvent des difficultés à contractualiser leurs relations avec la SNCF sur des bases claires, le STIF est confronté au défi d’expertiser un système des transports caractérisé par l’existence de deux opérateurs publics puissants qui exécutent les missions qui leur sont dévolues dans le cadre d’un régime conventionnel et financier complexe. Les graves dysfonctionnements actuels du RER illustrent très précisément ce problème, mais soulèvent aussi certaines interrogations relatives au Grand Paris avec l’émergence d’un nouveau maître d’ouvrage de statut public et également compétent en matière de transports, la Société du Grand Paris (SGP). Sur ce point, les membres de la commission d’enquête tiennent à rappeler la nécessité de maintenir l’orientation soulignée par leurs collègues Annick Lepetit et Yves Albarello afin que « les interventions de la SGP, du STIF et des autres opérateurs soient coordonnées dans un souci de complémentarité et de respect des prérogatives de chacun » (Rapport d’information N° 4003 relatif à l’application de la loi « Grand Paris » au nom de la commission du développement durable).

Aujourd’hui, le STIF compte 350 agents (toutes catégories confondues). Face à des partenaires comme la SNCF, la RATP mais aussi RFF avec lequel le STIF est également lié, depuis 2009, par une convention mettant notamment l’accent sur le suivi de la régularité des trains résultant de l’état de l’infrastructure, l’autorité organisatrice doit recourir de façon quasi permanente à des audits externes qui nécessairement pèsent sur son budget. Un renforcement à court terme de l’expertise interne au STIF s’avère indispensable. Mme Mougard, sa directrice générale, a d’ailleurs rappelé à la commission que le conseil du STIF avait clairement exprimé cette nécessité de renforcement de la compétence technique pour conduire la maîtrise d’ouvrage de la nouvelle ligne Orange (ex « Arc Est proche ») reliant les stations Champigny Centre et Noisy-Champs à la station Saint Denis Pleyel et, plus généralement, suivre le développement du Grand Paris Express. Sur ce dernier point, la commission d’enquête espère que les rapports entre le STIF et la SGP, qui dispose d’ores et déjà de financements d’études très importants, ne déboucheront pas trop fréquemment sur des querelles d’experts, chacune de ces institutions s’appuyant sur « ses » audits au cours de confrontations durables. En fait, la relation « STIF- SGP » devra prendre une forme plus institutionnalisée que celle envisagée d’un simple protocole de concertation.

Proposition

Revoir le fonctionnement et le rôle du Comité des partenaires du transport public (CPTP).

Les élus locaux et les représentants des associations d’usagers qui composent le Comité doivent être mieux associés à la préparation des décisions du conseil du STIF. La transmission des dossiers soumis à son examen préalable doit s’inscrire dans des délais suffisants pour permettre de les étudier et éventuellement de poser des questions supplémentaires afin que le Comité se trouve en mesure d’exprimer un avis.

De même, les convocations aux réunions des comités de ligne adressées aux membres du CPTP devront leur être adressées dans des délais leur permettant de prévoir leur participation aux réunions qui les concernent.

Enfin, il convient d’autoriser le Comité à s’autosaisir de certains sujets et de lui ouvrir la possibilité d’un « droit de tirage annuel » pour recourir à un audit externe sur un sujet de son choix. Cette réforme conditionne notamment la participation des représentants des usagers à la définition des critères de régularité, notamment en heure de pointe, et de qualité de service opposables aux opérateurs par le STIF.

2. La sécurité ferroviaire

a) Le rôle de l’Établissement public de sécurité ferroviaire

L’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) a été créé, en 2006, pour exercer le contrôle de la bonne application des règles de sécurité. Cette entité qui revêt la forme d’un établissement public administratif détient cette mission à titre d’autorité nationale de sécurité ferroviaire, au sens de la directive européenne 2004/49/CE relative à la sécurité des chemins de fer communautaires. L’EPSF délivre un certificat de sécurité à tout opérateur circulant sur le réseau ferré national (RFN) : la SNCF est, bien évidemment titulaire d’une telle autorisation qui couvre également ses activités sur le RER dont le réseau relève, en grande partie, du RFN.

M. Denis Huneau le directeur général de l’EPSF a d’abord indiqué à la commission d’enquête que « le champ juridique de notre compétence nous amène à intervenir sur les lignes C, D et E ainsi que sur les secteurs Ouest du RER A et Nord du RER B », c’est-à-dire sur la partie du réseau exploitée par la SNCF. Il a toutefois ajouté : « cela dit, dès qu’un matériel exploité par la RATP circule sur la partie des lignes qui relève de notre compétence ; il doit être autorisé par nous. Nous vérifions alors sa compatibilité avec les systèmes de sécurité que nous contrôlons. Nous avons ainsi autorisé, le 20 octobre 2011, le modèle MI09 ».

Puis, M. Huneau a précisé : «... nous avons aussi vérifié les systèmes d’habilitation des conducteurs de la RATP qui circulent sur la ligne B. Nous nous sommes assuré qu’ils disposent en permanence de compétences équivalentes à celles de conducteurs circulant sur le réseau ferré national (RFN) ».

Cela signifie que les conditions d’aptitude des conducteurs des deux opérateurs à la circulation sur le RER ne sont pas fondamentalement distinctes, quelle que soit la partie concernée du réseau et quel que soit le propriétaire et gestionnaire de l’infrastructure, notamment depuis qu’il a été mis un terme, en 2009, à la relève effectuée jusqu’alors sur la ligne B, à la Gare du Nord ! C’est-à-dire depuis l’entrée en vigueur de ce qui est improprement baptisé l’« interopérabilité » de la ligne, qui avait été pourtant considérée quasiment impossible donc toujours reportée et peu sérieusement étudiée.

Cette suppression de la relève sur la ligne B a été obtenue de haute lutte. Mme Mougard, directrice générale du STIF, a ainsi rappelé : « La décentralisation du STIF lui a donné une légitimité réelle. Elle nous a notamment permis d’obtenir la suppression de la relève des conducteurs en Gare du Nord. Il a fallu une ferme volonté politique qui s’est appuyée sur la simulation que nous avions faite – en association avec RFF, la SNCF et la RATP pour éviter les querelles d’experts – des gains pour les voyageurs que l’on obtiendrait par ce biais. La primauté du politique a ainsi été démontrée : depuis des années, les acteurs des transports évoquaient cette suppression, mais les opérateurs minimisaient l’intérêt de l’interopérabilité ».

La capacité de conduire sur un réseau dual n’est pas en effet insurmontable, car une formation spéciale peut être délivrée à des « traminots », comme l’a d’ailleurs rappelé à la commission M. Huneau en citant l’exemple du Tram Train de Mulhouse mis en service en 2010.

On rappellera d’ailleurs qu’en 2018, tous les conducteurs seront, aux termes de prescriptions européennes, astreints à détenir une licence délivrée par l’EPSF, c’est-à-dire un « permis de conduire les trains ». Cette obligation entrera en vigueur dès 2013 pour les nouveaux conducteurs. Dans ces conditions, les personnels de conduite de la RATP, actuellement régis par un dispositif d’habilitation interne à l’entreprise, ne devraient-ils pas être également détenteurs de cette licence, du moins pour ceux qui sont affectés sur le RER ?

Une fois les formations et procédures unifiées ou harmonisées, la principale source de difficultés résulterait probablement de disparités qui caractérisent les services particuliers aux conducteurs de la RATP et de la SNCF !

Néanmoins, ce qui a été fait pour la fameuse relève de la Gare du Nord peut, à l’évidence, être fait sur la ligne A, en gare de Nanterre Préfecture où s’exécute toujours une relève. La commission d’enquête et plus encore les usagers sont en attente ! M. Descheemaeker a plaisamment indiqué « ...avoir un peu de mal à comprendre qu’un chauffeur routier anglais qui arrive en France accepte de rouler à droite, sans qu’il soit nécessaire de le remplacer ! ». Il a également insisté sur une référence historique, peut-être plus probante, en soulignant que la ligne de Sceaux avait été exploitée par la SNCF avant d’être prise en charge par la RATP, cette réalité lui paraissant sensiblement atténuer l’argument selon lequel conducteurs de la RATP et cheminots obéiraient à des règles de fonctionnement très différentes.

Plus généralement, M. Huneau a clairement indiqué que les difficultés d’exploitation ne relevaient pas de la compétence de l’EPSF centrée sur des contrôles de sécurité, mais que de telles difficultés ne sauraient pour autant être considérées « anti-sécuritaires par nature ».

L’audition du directeur général de l’EPSF a également apporté des précisions sur le contrôle des activités et des responsabilités qui incombent à RFF : « nous vérifions aussi que RFF entretient ou fait entretenir les installations dans des conditions qui garantissent le niveau de sécurité exigé ». En l’état actuel, cette attribution de l’EPSF ne concerne que les équipements et installations de la partie du RER inscrite sur le réseau ferré national. S’agissant des infrastructures du réseau relevant de la propriété de la RATP, M. Huneau a indiqué que leur contrôle incombait au Service technique des remontés mécaniques et des transports guidés (STRMTG), une entité administrative peu connue du public mais qui intervient sur les mêmes fondements législatifs que l’EPSF, selon des procédures certes particulières, tout en ajoutant que les deux institutions travaillaient « du reste en liaison ».

Dans le souci de simplification qui est le sien, la commission d’enquête s’interroge sur le maintien de cette dualité. Les infrastructures du RER mériteraient d’être placées sous un contrôle unifié. L’EPSF pourrait légitimement exercer ce contrôle en toute indépendance vis-à-vis de RFF et des opérateurs, d’autant que son directeur général a indiqué : « ...selon la loi, les compétences de l’EPSF peuvent être étendues par décret à d’autres réseaux présentant des caractéristiques d’exploitation comparables ».

La commission est également soucieuse des conséquences de certaines évolutions prévues dans le système d’exploitation du RER.

Si le Grand Paris Express a délibérément opté pour le « tout automatique » s’agissant de ses futures liaisons, la SNCF développe avec RFF le système NExT qui sera mis en œuvre à l’horizon 2020, une fois réalisée la prolongation d’Éole, une ligne bénéficiant de la sorte d’« une exploitation dédiée de type métro », selon l’information donnée à la commission par M. Denis Huneau. L’extension de ligne ainsi organisée présentera l’avantage majeur de ne plus avoir à concilier d’autres circulations ferroviaires avec le RER. Le principe des voies dédiées a été également retenu pour la modernisation du RER Nord + engagée depuis 2011, ce qui devrait « fiabiliser » les temps de parcours.

NExT sera aussi foncièrement distinct de l’actuel système d’exploitation SACEM de la RATP. Dans ces conditions, n’est-il pas conçu comme un système captif au seul bénéfice du couple « SNCF/RFF » donc inaccessible à toute concurrence future ?

Ne conviendrait-il pas toutefois d’associer la RATP à ce travail d’élaboration d’un nouveau système d’exploitation, d’autant que certaines informations laissent envisager sa transposition ultérieure sur la ligne B du RER. ? Ces interrogations méritent d’être posées. Ce système conditionne sans doute pour beaucoup le développement et la configuration d’exploitation d’un RER modernisé et étendu. Si la commission d’enquête n’a évidemment pas vocation à débattre et arbitrer de sujets aussi techniques, il lui semble absolument indispensable que tous les autres acteurs (RATP, SGP, EPSF) en connaissent précisément les tenants et aboutissants et en suivent le développement sur un mode coopératif.

Propositions

- Intégrer à l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), les missions de contrôle sur l’infrastructure des métros relevant actuellement du Service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG) : cette unification des contrôles sur la totalité des infrastructures qu’elles relèvent de la gestion de RFF ou de la RATP, conditionne l’harmonisation éminemment souhaitable des projets d’investissement. Elle contribuera aussi à faire considérer l’unité du réseau francilien dont le RER est un élément essentiel. Cette mesure s’appliquera également aux futures liaisons automatiques du Grand Paris qui ne sauraient être soustraites à un contrôle unifié qui devra donc porter sur l’ensemble d’un réseau maillé qui ambitionne de fédérer la métropole.

- Demander à la SNCF, dans un délai de six mois, une étude précise sur la conception, les modalités, le coût et le calendrier de mise en œuvre du futur système d’exploitation NExT et fournir une étude présentant des systèmes alternatifs en service sur des réseaux périurbains comparables en Europe ou dans d’autres grandes agglomérations mondiales.

b) La déclaration de saturation sur le réseau du RER : une procédure en théorie possible

M. Pierre Cardo a été auditionné par la commission d’enquête autant en qualité de président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) qu’à titre de « grand témoin », au regard de son expérience d’élu impliqué de longue date dans le suivi de la politique de la Ville, donc du logement et des transports urbains.

Au cours de son audition, M. Pierre Cardo a soulevé la question de l’opportunité de recourir à la procédure de déclaration de saturation pour tout ou partie du RER. Certes ce réseau est au sens propre de l’expression « sur saturé ». Pour autant convient-il d’engager une procédure aussi spécifique que la déclaration de saturation, telle qu’elle résulte de la directive européenne 2001/14 et du décret modifié N° 2003-194 du 7 mars 2003 (article 26) ?

M. Cardo a en effet paru regretter qu’il n’ait jamais été fait usage de cette arme juridique sur une partie du réseau ferroviaire français. Pour lui cette voie présenterait l’avantage de légitimer l’autorité qui attribue les sillons lorsque confrontée à une situation d’encombrement du réseau et d’accumulation de demandes incompatibles de circulation, il lui revient de définir des priorités d’attribution. Tel est effectivement le cas du RER notamment aux heures de pointe. Il s’agirait donc de frapper un grand coup ! Une plus large prise de conscience collective en serait-elle la conséquence et serait-elle apte à faire réellement « bouger les choses » ? La procédure de déclaration de saturation s’avère lourde et complexe. L’initiative en revient réglementairement à RFF qui doit en saisir sa tutelle ministérielle. Au terme d’un délai d’une année au cours de laquelle le gestionnaire de l’infrastructure sera néanmoins tenu de continuer à gérer la pénurie de sillons, RFF aura l’obligation de soumettre à l’approbation du ministre en charge des transports un plan de renforcement des capacités. Ce dernier point est important.

Ayant interrogé Mme Mougard, directrice générale du STIF et M. du Mesnil, président de RFF, la commission n’a pas rencontré une approbation de leur part sur l’emploi de la procédure.

M. du Mesnil a d’ailleurs considéré une inadaptation au problème posé : « Au vu de certaines situations, l’ARAF semble nous pousser à recourir à cette procédure, mais nous souhaitons en débattre avec les autorités publiques – l’État et le STIF – car les règles de priorités que nous serions alors obligés d’appliquer ne sont pas forcément celles que nous aurions appliquées. Ainsi les TER passeraient en troisième rang : est-ce bien ce que nous voulons ? ». Il a cependant ajouté : « Cette discussion que nous devons avoir avec l’ARAF, l’État et les régions doit nous amener à une décision : soit celle de respecter la règle européenne plutôt contraignante, soit celle d’arrêter entre nous d’autres priorités – l’Union européenne ne peut nous en empêcher – en organisant notre propre gouvernance. En effet, si la règle européenne était appliquée, un train allemand, belge ou italien pourrait passer avant un RER. Avant de nous engager dans un schéma juridique qui comporte des avantages mais également des contraintes, je propose donc de mener une réflexion qui pourrait notamment tenir compte des recommandations que pourrait faire votre commission d’enquête ».

La commission d’enquête conclut simplement qu’il est effectivement grand temps pour les acteurs concernés d’ouvrir le débat et, surtout, elle retient des propos de M. du Mesnil, que la réglementation européenne ne constitue pas un obstacle pour que l’on se dote enfin d’un système de gouvernance en rapport d’une situation spécifique. Elle se doit ainsi de remercier le président de l’ARAF d’avoir su établir une pression suffisante pour que désormais les responsables mettent toutes les cartes sur la table !

L’enjeu est d’importance si on considère aujourd’hui toutes ses dimensions techniques mais aussi financières, telles que le révèle par exemple la seule problématique des péages supportés par le STIF. Mme Mougard a indiqué à la commission que le STIF s’acquitte annuellement de quelque 680 millions d’euros au titre des péages du Transilien qui inclut le RER et, contrairement aux autres autorités organisatrices des transports dans les régions, le barème des péages qui lui est appliqué « ...facture le coût complet des infrastructures, c’est-à-dire ; outre le coût d’usage, les investissements de renouvellement, de capacité et de modernisation nécessaires ». Mme Mougard a également fait état devant la commission d’une autre facturation, celle qui est adressée au STIF par la SNCF concernant les TER d’autres régions qui s’arrêtent en Île-de-France.

Les chiffres en possession de la commission d’enquête (transmission écrite de la SNCF) sont :

« Les montants des redevances de réservation (RR) et circulation (RC et RCE) directement affectées aux lignes sont :

– RER A: 18,1M€

– RER B: 34,1M€

– RER C : 84,9M€

– RER D : 76,1M€

– RER E : 36,4 M€

En outre, le STIF doit s’acquitter de la redevance d’accès qui est unique et forfaitaire (non répartie ligne par ligne). Celle-ci s’est élevée à 204,7 M€ en 2011 ».

Tout à fait révélatrice est la situation de dépendance du STIF, décrite par Mme Mougard, lorsque l’autorité organisatrice cherche à adapter aux besoins des usagers les horaires du RER: « Le STIF transmet les demandes de sillons liées à l’offre qu’il souhaite développer à la SNCF qui les adresse à son tour à RFF, puis fait part au STIF de ce qu’il est possible d’obtenir. Le reste ne nous est pas communiqué directement ».

Il n’est d’ailleurs pas certain que le STIF dispose de la capacité de vérifier que tous les péages dont il s’acquitte correspondent effectivement à des sillons entrant dans le cadre de l’exécution du service qu’il commande. La complexité du système rend en effet possible, comme l’a révélé un audit commandé par le STIF en 2010, des erreurs ou des facturations injustifiées qui même dans des cas marginaux pourraient porter sur des montants non négligeables en considération du total des péages.

Enfin, dans une de ses réponses écrites au questionnaire de la commission d’enquête, le STIF a judicieusement rappelé que le réseau Transilien est « pour des raisons historiques » la seule activité ferroviaire à acquitter des redevances au coût complet. Une partie du surplus encaissé à ce titre a même été longtemps distraite du périmètre de la région pour financer notamment des liaisons TGV, cela en dépit d’un retard flagrant de l’investissement tout particulièrement sur l’infrastructure du RER. Au cours de son audition, le président de RFF a d’ailleurs confirmé, en réponse à une demande de précisions de notre collègue François Pupponi, que des recettes prélevées au titre du réseau francilien avaient effectivement pu servir à financer des investissements extérieurs à l’Île-de-France. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle convention partenariale conclue entre le STIF et RFF, cette dérive ne devrait toutefois plus intervenir en raison d’un « fléchage » plus précis de la destination des recettes de RFF. Quoi qu’il en soit, le réseau francilien a ainsi subi un préjudice qui a aggravé son retard d’investissement, il convient donc de lui ouvrir le droit à un rattrapage de l’effort financier.

B.— UNE EXPLOITATION À RATIONALISER

1. L’unification du commandement

a) L’organisation du commandement

Dans le système RATP, la gestion de l’exploitation est assurée au niveau des postes de commande centralisée (PCC). Sur la ligne A, le poste de commande centralisée, situé à Vincennes, a été mis en service dès l’ouverture de la ligne, en 1969. Pour ce qui concerne la ligne B, le PCC a été installé à Denfert-Rochereau en 1985. Les PCC regroupent en leur sein plusieurs catégories de personnels. Le chef de régulation a en charge la résolution des incidents en temps réel, l’aide au conducteur en cas d’avarie, la gestion de la distribution électrique et le suivi et la gestion des trains en circulation afin de superviser les opérations d’entretien. L’informateur et opérateur SIEL (système d’information en ligne) est responsable de la diffusion de l’information auprès des agents et des voyageurs. Enfin, les aiguilleurs assurent la commande des itinéraires, la surveillance du respect des horaires de départ des trains et l’application des procédures réglementaires de sécurité.

Le rôle du poste de commande centralisée, le pcc

– Gérer l’incident dans le respect de la sécurité ferroviaire

Pour intervenir rapidement, selon des procédures adaptées et sécuritaires, la RATP a mis en place une gestion coordonnée par un chef d’incident local polyvalent, rapidement mobilisable, avec le soutien du PCC et de la Permanence Générale.

– Assurer la continuité des circulations

– Assurer la régularité

Afin de respecter les intervalles, il faut assurer les départs des terminus à l’heure et un intervalle régulier dans le tronçon.

– Informer les voyageurs tout au long de l’incident

Dans le système SNCF-RFF, les centres de commandement sont dénommés centres opérationnels de gestion des circulations (COGC). La SNCF est prisonnière de son approche par territoire, qui conduit à ce que plusieurs centres de commandement régissent la même ligne. Cette situation complexifie fortement la gestion des lignes, du fait des contraintes de coordination qu’elle implique. Ainsi, M. Hubert du Mesnil, lors de son audition devant la commission d’enquête, pointait le fait que « nous avons 17 postes d’aiguillage sur le RER !! Autrement dit, il faut organiser la coopération et la coordination de 17 lieux et de 17 personnes alors que sur son axe, la RATP a un poste de commande unique. Bref, il y a un gros effort d’investissement et de rationalisation des outils à entreprendre ».

Pour la ligne A, le centre opérationnel Transilien et le centre opérationnel de gestion des circulations sont situés à Paris Saint-Lazare. Pour la ligne B, ces deux structures sont situées Gare du Nord. La gestion des circulations de la ligne C est assurée par deux postes de commandement, le centre Paris Rive Gauche (PRG) pour toute la partie au sud de Saint-Ouen et Paris Nord pour la partie de Saint-Ouen à Pontoise. L’exploitation de la ligne D est pilotée depuis le centre Henri Lang, à proximité de Gare de Lyon. La ligne E est exploitée depuis un poste de commandement situé à la Gare de l’est.

Sur le réseau emprunté par le Transilien, la SNCF ne gère pas en propre la régulation de ces lignes du réseau ferré national. C’est RFF, et plus précisément la direction des circulations ferroviaires (DCF), qui en a la charge. Cette démultiplication des responsabilités rend l’exploitation des lignes encore plus complexe. Afin de simplifier le mode de gestion, M. Hubert du Mesnil, président de RFF, a confié à la commission d’enquête vouloir proposer « dans les deux mois à venir une adaptation du mode opératoire de gestion de ces lignes, élaborée conjointement avec la DCF et Transilien », et en partenariat avec la SNCF. Il s’agira de mettre en place « les modes opératoires, les outils, les lieux d’implantation et les modes de collaboration qui permettent de tirer le meilleur parti possible d’une proximité entre le régulateur – RFF / DCF – et le transporteur – Transilien – sans méconnaître les contraintes qui s’imposent à nous, et notamment le fait que certaines parties du réseau sont fréquentées par des trains venant d’ailleurs ». La commission d’enquête ne peut que se féliciter de cette orientation.

Pour le STIF, il convient de s’assurer de la mise en place de nouveaux modes opératoires entre RFF, la DCF et la SNCF à même de simplifier l’exploitation des lignes Transilien, conformément aux engagements de M. Hubert du Mesnil

b) La problématique des lignes partagées

Le partage de l’exploitation des lignes A et B du RER est fort peu lisible pour les usagers, et même pour les élus confrontés, selon M. Roger Karoutchi, président de la commission « Finances » du Conseil régional d’Île-de-France, à deux « technostructures qui trouvent mille bonnes raisons pour se renvoyer mutuellement la responsabilité ». Comme ont pu le constater les membres de la commission d’enquête lors de leur déplacement au centre opérationnel de gestion des circulations, au centre opérationnel Transilien et au poste de commande centralisé de la ligne B de Denfert-Rochereau, la coordination entre le centre de surveillance de la RATP et celui de la SNCF se fait par téléphone. Comme l’a déclaré M. Roger Karoutchi, cette situation est « farcesque ».

La ligne B, des progrès en attente de confirmation

L’amélioration des conditions d’exploitation de la ligne B du RER nécessite à terme la réalisation d’un Centre unique de commandement dévolue à la ligne : le CUB. Certaines actions ont été engagées par le STIF comme préalable à la concrétisation d’une telle structure. Ainsi, la « relève », c’est-à-dire le changement de conducteur à la Gare du Nord a été supprimée en novembre 2009, conformément aux prescriptions des contrats du STIF.

Actuellement, trois centres de commandement gèrent la partie nord de la ligne : le centre RFF chargé de la gestion de l’énergie électrique, le centre opérationnel RFF chargé de la régulation des trains – c’est lui qui contrôle l’aiguillage à la station Gare du Nord –, et le centre opérationnel Transilien (COT) chargé de l’information voyageur et de la gestion des moyens humains et des matériels roulants. Pour la partie sud, géré par la RATP, un seul centre de commandement, le PCC de Denfert-Rochereau, dispose de toutes les informations, détient tous les pouvoirs et prend toutes les décisions. Depuis la mise en œuvre de l’interopérabilité en 2009, un agent SNCF est présent au PCC de Denfert-Rochereau afin d’assurer le lien avec le COT. Au-delà de cette présentation rapide, un schéma retraçant le rôle des différents acteurs illustre la complexité du système de gestion de la ligne B.

Source : RATP, lexique en annexe

S’il faut saluer le lancement par la RATP et la SNCF d’un groupe de travail en vue de la constitution d’un tel centre unique de commandement pour la ligne B, la commission d’enquête ne peut que s’interroger sur les délais – 3 ans – nécessaires à cette initiative. En tout état de cause, il est inenvisageable que les opérateurs continuent de « promener » les responsables politiques en privilégiant le maintien d’un système sclérosé à l’amélioration des conditions de transport des usagers. La création du CUB devra être effective avant la fin de l’année 2012.

UN GROUPE DE TRAVAIL COMMUN POUR LES RER B

Le 9 février 2012, la RATP et la SNCF ont lancé un groupe de travail en vue d’achever la réalisation du programme de gestion unifiée de la ligne B. La commission d’enquête croit pouvoir dire que ce commencement de « passage à l’acte » n’est pas étranger à sa constitution et à l’orientation de ses premiers travaux.

Elle permettra de fluidifier le fonctionnement de la ligne afin d’améliorer la qualité de service pour les voyageurs et d’assurer l’engagement collectif de la RATP et de SNCF vis-à-vis du STIF, autorité organisatrice des transports d’Île-de-France.

L’objectif est de regrouper à l’horizon 2013 les moyens des deux entreprises dans une structure commune. Le projet devrait être finalisé avant cet été. Il sera ensuite soumis aux organes de décision des deux groupes et aux instances représentatives du personnel.

À cet effet, les Présidents Pierre Mongin, Président Directeur Général de la RATP et Guillaume Pepy, Président de SNCF, ont mandaté respectivement afin d’assurer le pilotage de ce projet, Mme Bénédicte Tilloy, Directrice Générale de Transilien, pour SNCF, et M Philippe Martin, Directeur Général adjoint, Opérations de Transport et de Maintenance associées, pour la RATP.

Un groupe de pilotage sera créé avec pour missions :

– de définir le périmètre exact et les missions de la structure commune RATP/SNCF

– d’étudier les modalités juridiques de création et de gouvernance de cette structure commune

– de définir les modalités précises de mise en œuvre d’un centre de commandement unique en temps réel

– d’étudier les conditions nécessaires pour l’application d’une réglementation adaptée à des infrastructures dédiées et fermées au Nord.

Tous ces points seront en cohérence avec le schéma directeur de la ligne B en cours d’élaboration à la demande du STIF

Ce regroupement des acteurs opérationnels sera conçu par étapes :

– Création d’ici 6 mois d’une structure commune RATP/SNCF chargée de la direction de la ligne B : pilotage de l’offre de transport et de la qualité de service, relations institutionnelles, organisation de l’information des voyageurs. Liée contractuellement aux services de production concernés de la RATP et de SNCF, cette structure commune devra également préparer en priorité les deux étapes suivantes :

– Regroupement d’ici fin 2012 au sein d’un centre de commandement commun des acteurs opérationnels en charge de la régulation de la ligne (agents RATP, SNCF et de la Direction de la Circulation Ferroviaire travaillant pour le compte de RFF) dans le but d’améliorer la gestion opérationnelle en temps réel. Ce centre devra disposer des outils nécessaires pour maîtriser efficacement la régulation de la ligne tant au sud qu’au nord.

– Prise en charge opérationnelle d’ici fin 2013 par la structure commune de tous les moyens nécessaires à une exploitation performante de la ligne.

Fortes de leur expérience de gestion de lignes à fort trafic et à fortes fréquences, la RATP et SNCF ont lancé en 2009 les travaux préparatoires à la mise en place d’un centre unique de régulation de la ligne B (CUB). Un agent SNCF est ainsi installé auprès des équipes de régulation de la RATP pour aider à la coordination des décisions.

La création d’un nouveau poste de commandement et de régulation unique de la ligne B, véritable centre de décision opérationnel dédié, est inscrite dans le schéma directeur de la ligne B. C’est un des objectifs majeurs assigné aux représentants RATP et SNCF dans le cadre du groupe de travail.

Source : communiqué de presse commun RATP/SNCF

Le principe d’un CUB consiste à parvenir à une gestion complètement unifiée, avec un responsable unique de tous les indicateurs de qualité et de la fiabilité de l’information aux voyageurs. Selon les opérateurs, le centre unique de régulation de la ligne B doit regrouper tous les acteurs opérationnels en un même lieu pour garantir la meilleure réactivité et la plus grande efficacité de la prise de décision concertée en situations perturbées. Il doit disposer des fonctions de régulation RATP (chefs de régulation et aiguilleurs, en charge de la gestion des circulations, de la gestion de l’énergie, de la gestion des conducteurs, du matériel roulant et du plan de transport sur le domaine RATP), des fonctions d’information voyageurs RATP, de la régulation RFF (régulateur de la Direction de la circulation ferroviaire chargé des circulations dans le nord), du gestionnaire du plan de transport et de l’information voyageurs SNCF (GTI), du gestionnaire de moyens SNCF (GM, en charge des conducteurs) et du gestionnaire de l’information voyageurs SNCF (GIV).

Le regroupement des différents acteurs doit permettre de fortement améliorer la gestion des incidents. Ainsi, au lieu de gérer les situations de crise par téléphone, les décisions seront prises en commun au même endroit, à partir d’informations disponibles sur l’ensemble de la ligne et non sur quelques tronçons.

Proposition

Réaliser la mise en œuvre opérationnelle, avant le terme de l’année 2012, du centre unique de commandement (CUB) de la ligne B à Denfert-Rochereau. Sous l’autorité du STIF, RFF, la RATP la SNCF en sa qualité d’opérateur mais aussi avec ses entités Infra et DCF, devront travailler de façon conjointe, dans un même lieu, et constituer ainsi une structure unifiée de gestion opérationnelle de la ligne. Il conviendra également d’envisager une réglementation unifiée des règles de circulation 

La ligne A : « un flou plus ou moins artistique »

Sur le RER A, l’interconnexion demeure à la gare de Nanterre Préfecture. Lors de son déplacement sur cette ligne, la commission d’enquête a pu constater par elle-même le changement d’équipe de conducteurs, et ainsi noté qu’en dépit des déclarations des présidents Mongin et Pepy lors de leurs auditions, ce changement entraîne un arrêt plus long qu’aux autres stations.

Il est pour le moins stupéfiant de constater que le programme d’unification de l’exploitation, entamé sur la ligne B dès 2009, soit toujours au point mort sur la ligne A. Comment comprendre que les deux lignes n’aient pas été traitées en même temps ? Ceci aurait par exemple permis d’optimiser les formations des conducteurs des deux entreprises en organisant des sessions communes.

Lors de son audition devant la commission d’enquête, M. Guillaume Pepy a confié que la piste d’une unification de gestion « mérite d’être examinée pour la ligne A ». Il s’agit plutôt d’une exigence, à satisfaire dans les plus brefs délais. Le STIF considère également que l’amélioration de la gestion de la ligne A nécessite « d’améliorer les interfaces opérationnelles et de réfléchir à ce qu’implique l’unification de l’exploitation, en étudiant la faisabilité d’un centre de commandement unique ainsi que la suppression de la relève des conducteurs à Nanterre » selon les propos de Mme Sophie Mougard devant la commission d’enquête.

Propositions

Lancer dans les plus brefs délais un groupe de travail visant la création, d’ici à la fin de l’année 2012, d’un CUA - centre unique de commandement de la ligne placé sous l’autorité du STIF, sur le modèle de celui portant sur le RER B mis en place le 9 février 2012 par la RATP et la SNCF. Il conviendra également d’envisager une réglementation unifiée des règles de circulation.

Supprimer la relève de Nanterre Préfecture sur la ligne A entre conducteurs RATP et SNCF afin d’améliorer la fluidité du trafic.

c) Vers l’indépendance de la ligne A et de la ligne B

À l’occasion de son discours sur la modernisation des transports urbains, le Président de la République s’est interrogé le 5 décembre dernier sur « la pertinence du maintien du partage de l’exploitation des RER A et B entre nos deux grandes entreprises de transport ». La commission d’enquête s’est également penchée sur le sujet. De manière schématique, puisque deux lignes sont partagées, pourquoi ne pas en confier une à la RATP, et l’autre à la SNCF ? En l’état actuel, une telle opération serait impossible, tant sur le plan juridique que sur le plan technique, ne serait-ce que parce que les voies empruntées par le Transilien ne sont pas toutes dédiées au RER. En somme, il semblerait que la SNCF pourrait plus facilement se voir attribuer la gestion des tronçons RATP que l’inverse. Mais s’il ne lui appartient pas de procéder à un tel partage, la commission d’enquête considère que face à l’incohérence du tronçonnage des lignes actuelles, et des coûts exorbitants de gestion qu’il implique, la répartition par opérateurs de lignes entières est inévitable à terme.

Les opérateurs ont manifesté à la commission leur opposition complète à tout transfert de ligne, qui selon eux engendrerait d’importants surcoûts et un risque social fort. Mais comment ne pas s’étonner des arguments avancés par les responsables des opérateurs. M. Guillaume Pepy, devant la commission d’enquête, a argué du fait que « lorsqu’il y a parfois grève chez l’un, il est rarissime qu’il y ait grève chez l’autre ! L’existence de ces deux opérateurs rend donc hautement improbable que le réseau des transports publics francilien soit bloqué – depuis dix ans, cela s’est produit moins de trois fois – et permet une meilleure continuité de service. Par ailleurs, nos règles de rémunération et d’organisation du travail sont différentes : si l’on unifiait le système, cela signifierait qu’une négociation pourrait conduire à ce que les salariés réclament le maintien de leurs avantages dans l’entreprise X tout en bénéficiant de ceux de l’entreprise Y. Je crains dès lors que l’on se retrouve avec un système plus coûteux pour les Franciliens ».

D’abord, cette argumentation repose sur des éléments purement conjoncturels, comme les grèves. À ce sujet, dans la mesure où un incident sur une partie du réseau le bloque totalement, qu’une grève paralyse la moitié des lignes, empêchant une régulation normale du trafic, ou l’ensemble des lignes ne change pas fondamentalement les choses pour les usagers. De même, du fait de la persistance de l’interconnexion sur la ligne A, si les conducteurs de la RATP ou ceux de la SNCF n’arrivent jamais pour relever leurs homologues en gare de Nanterre Préfecture, la situation doit être relativement similaire à celle d’un blocage de toute la ligne. Ensuite, cette déclaration sonne comme un aveu de d’incapacité à réformer l’entreprise publique. Enfin, concernant les conséquences d’un éventuel transfert de personnels, votre Rapporteur considère qu’une répartition des deux lignes entre les deux opérateurs n’impliquerait pas nécessairement une telle évolution, et regrette que la direction ait une telle appréciation des motivations de ses employés.

Proposition

Transmettre au Parlement avant le 31 décembre 2012 un rapport d’étude technique et réglementaire par les services du ministère des transports et l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) sur les conditions et les délais d’une attribution opérationnelle des lignes A et B à un opérateur unique.

2. La gestion des crises

La dégradation du service s’est fortement amplifiée au cours de la décennie passée. Ainsi, selon le rapport de la Cour des comptes, entre 2000 et 2010, « les causes internes d’incidents ont augmenté de 25 %, les causes externes de 150 % et les actes de malveillance de 300 % ». Les conséquences d’un incident sur le trafic sont aujourd’hui beaucoup plus importantes que par le passé, notamment du fait de la saturation du réseau. Ainsi, selon M. Guillaume Pepy : « La saturation nous empêche souvent de rétablir la situation en cas d’incident : en 2005, un incident sur l’infrastructure affectait en moyenne 7 trains et 3 300 voyageurs, contre 9 trains et 4 700 voyageurs en 2010 ! Si les usagers disaient il y a une dizaine d’années que lorsqu’il y avait des désordres le matin, ce n’était pas forcément le cas le soir, cela n’est plus vrai aujourd’hui ».

a) La gestion des causes internes

Les causes internes sont de divers types : pannes de matériel, difficultés dans la gestion du réseau, mouvements sociaux.

Concernant les pannes de matériels ou, plus largement, les cas d’immobilisation d’un train paralysant le trafic, l’une des erreurs principales a été selon M. Roger Karoutchi « d’allonger les lignes indéfiniment sans pour autant prévoir de centres de retournement intermédiaires, qu’on aurait pourtant pu prévoir en souterrain à Paris sur certaines portions ». En effet, en l’état actuel du réseau, du fait de « l’effet papillon », un accident ou une panne matériel a pour effet de bloquer l’ensemble de la ligne. Pour cette raison, le STIF étudie la possibilité de créer des infrastructures de retournement des trains au terminus à Chessy, à Cergy et à La Varenne, afin de résorber les retards en réinjectant plus rapidement ces trains sur la ligne ; mais aussi dans le tronçon central, à Gare de Lyon, Étoile, La Défense, Nanterre Université ou Val de Fontenay. De même, le STIF devrait réfléchir à la réalisation de voies d’évitement permettant de dégager rapidement des matériels immobilisés sur les voies. La commission d’enquête ne peut qu’encourager le STIF dans cette direction.

Par ailleurs, les opérateurs devraient plus anticiper les accidents matériels. Pour ce faire, les opérateurs doivent disposer d’un plus grand nombre de rames de réserve, qui représentent aujourd’hui moins de 10 % du parc. Dans le cadre de l’acquisition de nouvelles rames, ou du redéploiement de trains exploités sur d’autres lignes, la flotte à disposition des opérateurs est susceptible de se renforcer, mais restera certainement insuffisante. Lors de leur visite sur le RER B, les membres de la commission d’enquête se sont ainsi vus signifier que les opérateurs espéraient recevoir entre 3 et 6 trains, alors qu’il en manque 5 pour disposer d’un parc de réserve optimal.

Proposition

Augmenter le nombre des trains de réserve sur chaque ligne (si besoin par l’acquisition de nouveaux matériels) et de conducteurs immédiatement disponibles sur le réseau afin de répondre plus rapidement qu’il est aujourd’hui constaté à certains incidents techniques autorisant néanmoins une reprise de la circulation à brefs délais.

De plus, les trains en service actuellement doivent faire l’objet d’un suivi de maintenance mieux abouti. La dernière génération de trains a souvent été utilisée jusqu’à l’outrance, ceux-ci n’étant envoyés en réparation qu’en cas de grave avarie. Aujourd’hui des plans de maintenance préventive ont été mis en œuvre. Ainsi, la RATP a profondément revu ses pratiques il y a cinq ans, de sorte que les sommes engagées dans les opérations de maintenance préventive atteignent 10 millions d’euros par an sur la ligne B et 20 millions sur la ligne A. Selon la RATP, « ces activités de maintenance comprennent le contrôle systématique des rails par ultrasons, la mise en place d’un nouveau système de contrôle des caténaires par infrarouge et le remplacement bisannuel des rails du tronçon central de la ligne A, les usages ferroviaires voudraient qu’il ait lieu tous les 25 ans ».

S’agissant des perturbations du trafic dues aux mouvements sociaux, le mécanisme de l’alarme sociale et du service garanti dans les transports publics permettent aujourd’hui de considérer que « les mouvements sociaux ne sont plus une cause de rupture du service public » selon les mots de M. Pierre Mongin. Selon les dirigeants des entreprises concernées, cet apaisement du climat social s’explique également par le renouveau du dialogue social au sein des opérateurs, la RATP ayant ainsi enregistré en 2011 « 0,29 journée de grève par salarié, soit le taux le plus bas de toute la profession du transport en France » d’après ses dirigeants.

Le service garanti dans les transports

Afin de prévenir les conséquences des conflits sociaux sur le quotidien des usagers, des négociations préalables à la grève ont été instaurées par les opérateurs au cours depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Il s’agit des accords « d’alarme sociale » ou de « demande de concertation immédiate » négociés puis mis en œuvre à la RATP et à la SNCF au cours des dernières années, qui obligent en cas de conflit, à des négociations préalables au dépôt d’un préavis de grève. Ces accords ont permis de réduire notablement la conflictualité dans ces deux entreprises et montré l’utilité de la négociation.

Le 21 juin 2007, après une concertation avec l’ensemble des parties prenantes, partenaires sociaux, élus locaux, usagers, représentants des entreprises, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a présenté un projet de loi visant à renforcer le dialogue social et à promouvoir la continuité du service public de transport terrestre de voyageurs

Au final, la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs comprend trois volets :

– négociation d’un accord, avant le 1er janvier 2008, entre les entreprises de transports et les organisations syndicales de salariés, relatif à l’organisation obligatoire d’une négociation avant le dépôt de tout préavis de grève. Il est possible de mener en parallèle des négociations au niveau de la branche professionnelle ;

– mise en œuvre d’un service garanti en cas de grève ou de perturbation prévisible. Deux mesures principales sont mises en place : l’obligation pour les salariés de déclarer 2 jours avant le début d’une grève s’ils ont l’intention d’y participer et la possibilité, après 8 jours de grève, d’organiser à l’initiative de l’employeur ou d’une organisation syndicale un vote indicatif à bulletin secret sur sa poursuite ;

– information préalable des usagers en cas de grève ou de perturbation prévisible et possibilité de remboursement, en tout ou partie, des usagers en cas de non mise en œuvre d’un plan de transport adapté.

b) La gestion des causes externes, hors conditions météorologiques

Les causes externes seraient selon la SNCF à l’origine de près de 60 % des incidents en 2009. Sont intégrés dans cette catégorie les motifs liés à la gestion de l’infrastructure, dont RFF a la charge pour le réseau ferré national (11), mais également les actes d’incivilités, les actes malveillants et les accidents de personnes. La commission d’enquête ne reviendra pas ici sur la nécessité d’améliorer la coordination entre les opérateurs et le gestionnaire de l’infrastructure. En revanche, s’agissant des autres cas, il semble qu’une refonte des procédures permettrait de fluidifier la gestion des crises et de rétablir plus rapidement le service.

D’abord, le déclenchement des signaux d’alarme mérite d’être mieux appréhendé alors que des retards de trente minutes en moyenne sont constatés à chaque fois. Deux réponses sont possibles. La première, d’ordre pénal : elle consiste à augmenter sensiblement le montant de l’amende, fixé à 45 euros. Même si elle est rarement recouvrée, un montant nettement plus significatif aurait peut-être un effet enfin dissuasif, surtout du fait de la généralisation des caméras de vidéosurveillance dans les rames. La deuxième réponse est technique : elle consiste à permettre au conducteur, une fois assuré que le signal d’alarme a été déclenché de manière intempestive, de réenclencher le mécanisme depuis sa cabine.

Ensuite, le traitement des accidents graves de voyageurs, qui selon la Préfecture de police de Paris ont été au nombre de 199 en 2010 et de 219 en 2011, mérite sans doute d’être réformé. De l’aveu des personnels des deux opérateurs, confrontés à ces situations tragiques, un accident grave de voyageur entraîne le blocage du train pendant deux heures voire plus. Ainsi, les suicides et tentatives de suicide ont généré à eux seuls 38 heures d’interruption de service en 2011, dont 21 sur la ligne A. Ces chiffres étaient respectivement de 29 heures et 14 heures en 2010. La commission d’enquête a bien conscience du respect dû à la personne humaine et de l’extrême prudence avec laquelle doivent agir les personnels de police et les auxiliaires de justice. Néanmoins, elle a aussi conscience que le gain de quelques minutes lors des procédures peut faire gagner un temps très important pour des milliers de voyageurs coincés sur le réseau, parfois bloqués dans des rames bondées. Les membres de la commission d’enquête ont également été confrontés à l’exaspération des personnels face à cette lenteur de procédure alors que « même lorsque la personne est en petits morceaux, seul un médecin peut déclarer qu’elle est morte ». Dans le même temps, ces personnels sont confrontés chaque fois au cynisme des usagers quand « alors qu’une personne était morte après que sa tête eut heurté un marchepied – elle avait été poussée – les passagers se sont surtout inquiétés de savoir quand ils allaient pouvoir repartir, certains même n’hésitant pas à enjamber le corps ».

procédure en cas d’accident grave de voyageur

Le traitement d’un accident grave de voyageur impose l’intervention des différents acteurs suivants :

– En interne, l’exploitant, la permanence générale et le PC sécurité ;

– En externe, les services de secours, les services de police ou de gendarmerie, l’OPJ et dans quelques exceptionnelles circonstances le médecin légiste.

Un travail collaboratif entre les principaux intervenants a permis d’élaborer des procédures relatives à différentes thématiques, déclinées dans le Guide d’Intervention en Milieu Ferroviaire sur le réseau Francilien (joint en annexe), avec pour objectif de déterminer une méthodologie destinée à limiter le temps d’interruption du trafic.

Source : RATP

La Préfecture de police a d’ores et déjà œuvré, sous l’autorité de certains parquets généraux, notamment celui de Versailles, à l’élaboration d’un protocole. Elle assure par ailleurs une permanence le matin et en soirée, aux heures de pointe : des officiers de police judiciaire (OPJ) sont pré positionnés dans des commissariats, souvent ceux des chefs de district. Comme l’a indiqué à la commission d’enquête M. Christian Sonrier, directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne, ces OPJ « sont donc immédiatement opérationnels et, une fois sur place, tout en sauvegardant les traces et indices nécessaires à l’enquête, ils peuvent par exemple, parce que le procureur les y a autorisés sous certaines conditions, décider de faire déplacer les corps – normalement, seul un médecin peut déclarer un décès. Ces dispositions permettent déjà de ne pas bloquer toutes les voies et de permettre aux trains d’avancer, ne serait-ce qu’à petite vitesse ».

Par ailleurs, plusieurs améliorations ont d’ores et déjà été mises en œuvre :

– la mise en place d’un accueil personnalisé sur le lieu de l’accident pour orienter rapidement les différents intervenants externes ;

– en cas de décès, la commande immédiate des pompes funèbres sans attendre le constat de l’OPJ, voire son arrivée.

Proposition

Confier au Parquet général de Paris et à la Préfecture de police une mission concernant les procédures et les interventions qui en résultent dans les situations d’accident grave de voyageur afin d’éviter que ces événements dramatiques n’affectent trop longtemps le réseau. Cette mission qui devra débuter au cours du premier semestre 2012 pourra s’appuyer sur les réflexions déjà engagées dans le cadre d’échanges entre des services de police et le Parquet de Versailles.

Enfin, l’une des causes régulières de perturbation du trafic est celle de la découverte d’un colis abandonné.

De façon générale, les procédures liées à la sécurité dans le réseau ferroviaire s’inscrivent dans le cadre du plan Vigipirate. Ce plan comporte cinq niveaux d’alerte : blanc, jaune, orange, rouge et écarlate. À l’heure où s’écrivent ces lignes, le plan est appliqué dans son niveau rouge « menace probable » qui est maintenu de longue date.

Le plan Vigipirate n’a pas vocation à établir des procédures particulières qui relèvent de chaque acteur concerné dans son domaine propre. En revanche, le niveau d’alerte atteint a pour effet d’accroître l’exigence de vigilance, y compris à l’échelon du public averti par voie d’annonces et d’affichage.

De façon particulière, les opérateurs, SNCF ou RATP, ont déterminé des procédures en coordination avec, selon les situations, la police ou la gendarmerie. Ainsi, le Guide d’intervention en milieu ferroviaire sur le réseau francilien, conçue par la RATP, la SNCF et la Préfecture de police, concerne les situations suivantes :

- accident de personne ;

- voyageur malade dans un train ;

- découverte d’un colis abandonne ;

- incendie sur les voies ou à proximité ;

- alerte à la bombe.

D’après la SNCF, l’application de l’ensemble de la procédure nécessite entre 50 et 60 minutes. En revanche, les perturbations du réseau qui en découlent perdurent pendant plusieurs heures.

Votre commission d’enquête mesure à quel point la gestion de la menace implique des procédures invariables, particulièrement dans le cadre de l’application des mesures du plan Vigipirate. Au demeurant, elle considère, au regard de la répétition des incidents et des perturbations excessives de la circulation sur le réseau, qu’une réflexion reste à mener sur les moyens de limiter les conséquences de la découverte d’un colis abandonné. Celle-ci pourrait porter sur l’utilisation plus systématique du réseau de vidéosurveillance, la formation du personnel ou l’utilisation plus systématique de dispositifs télécommandés.

Découverte d’un colis abandonné

Exploitants ferroviaires

• En cas de signalement d’un colis abandonné sur le réseau SNCF ou RATP, le Centre Opérationnel de Gestion des Circulations de la SNCF ou le PC Sécurité de la RATP informe le Pôle Opérationnel Régional Transport (PORT), en complétant par un avis à la salle TN RESEAU qui est la SIC de la sous-direction régionale de la police aux transports (SDRPT).

• L’accueil sur place des intervenants extérieurs aux opérateurs ferroviaires est assuré par un agent ou un chef d’incident local désigné par la SNCF ou la RATP.

Services de secours et d’enquête

Le CIC départemental, le CORG ou le PORT de la SDRPT

• Prévient :

– le Laboratoire central de la Préfecture de police pour Paris et les départements des Hauts de Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ;

– le centre de déminage de Versailles pour les départements de Seine-et-Marne, des Yvelines, de l’Essonne et du Val-d’Oise ;

• En liaison avec le dirigeant local ou le chef d’incident local met en place le périmètre de sécurité et procède à une rapide enquête de proximité permettant d’identifier l’éventuel propriétaire et les conditions de la découverte du colis ou du bagage abandonné ;

• Avise l’OPJ compétent sur la commune du lieu de découverte du colis ou du bagage abandonné (1).

Une fois le périmètre de sécurité mis en place, le chef de patrouille étudie avec le responsable local ou le chef d’incident local (CIL) (SNCF ou RATP d’éventuelles mesures complémentaires y compris la décision d’interrompre la circulation des trains et le moment le plus opportun, en tenant compte des possibilités suivantes :

• Si le colis est dans un train ou une rame, ce train peut, après évacuation par les voyageurs avec leurs bagages, être acheminé à vide sur une voie de garage accessible par des moyens routiers pour l’intervention des services spécialisé ;

• Pour un colis en gare ou sur un quai, le passage des trains peut être maintenu, sans arrêt ni desserte de la gare, jusqu’à l’intervention des services spécialisés ;

• La mise en place d’une rame écran (train ou rame ne comportant pas de matières dangereuses) peut permettre d’isoler la zone concernée et une reprise partielle de la circulation.

(1) Si le lieu de l’intervention ne peut être précisé, est compétent l’officier de police judiciaire de la circonscription des premiers intervenants.

III.— ASSURER L’AVENIR

Le réseau express régional (RER) est à la croisée des chemins. Trop longtemps délaissé par les décideurs politiques et les opérateurs, il se trouve aujourd’hui confronté à un défi de modernisation.

Certes, le programme de modernisation mené sous l’égide du STIF depuis quelques années commence à porter ses fruits. Certes, grâce à l’impulsion du Président de la République, de nouvelles rames ont donné « un coup de jeune » aux rames vieillissantes. Certes, le réseau de transports collectifs du Grand Paris Express devrait voir l’émergence de liaisons en rocade inter banlieues, de gares modernes et la mise en place de technologies de la dernière heure. Toutefois, le « système RER » doit s’adapter aux évolutions des pratiques des usagers et s’inscrire dans le cadre d’un schéma régional repensé. En somme, si des solutions de court terme existent, cela a été dit, afin d’améliorer assez rapidement le confort des voyageurs et de moderniser une exploitation quelque peu ancrée dans le passé, il faut assurer l’avenir du réseau francilien existant, et ne pas se contenter d’espérer que le Grand Paris Express fasse disparaître l’intégralité des dysfonctionnements constatés.

Dans un premier temps, le modèle économique de financement de l’exploitation apparaît dépassé. De nombreuses réformes sont envisageables afin de permettre aux opérateurs, mais également à l’autorité organisatrice, de disposer des moyens nécessaires à une exploitation respectueuse des droits des usagers et de leurs légitimes attentes. À ce sujet, la commission d’enquête a tenu à examiner des pistes de réflexions déjà proposées, comme la question de la tarification. Au-delà, il convient de s’assurer qu’une « pause » identique à celle des vingt dernières années dans les investissements ne se reproduise pas, sans quoi tous les efforts décidés aujourd’hui apparaîtront vains dans quelques années. Le RER ne peut être satisfaisant s’il est modernisé par à-coups. Un fonctionnement optimal nécessite au contraire des investissements continus, qui d’ailleurs s’avèrent plus rentables sur le long terme que des travaux d’urgence et d’ampleur à réaliser quand la situation est catastrophique. Pour ce faire, il faut donc dégager des ressources financières pérennes et régulières et donc sanctuarisées.

Dans un second temps, le RER ne pourra jamais être efficient si les failles des politiques d’aménagement du territoire ne sont pas comblées. Trop longtemps les responsables politiques de tous les bords ont laissé dériver la métropole, subissant plus qu’organisant son développement au lieu de l’inscrire dans un schéma stratégique d’ensemble. Récemment, le nouveau Schéma directeur de la Région Île-de-France (SDRIF) puis le projet du Grand Paris ont renoué avec la définition d’une vision d’ensemble de la métropole francilienne. Il convient de répondre au défi des déséquilibres géographiques entre les territoires entourant la capitale afin de mieux répartir les flux, de rapprocher les bassins d’emplois des zones d’habitat, au service d’une logique polycentrique abandonnant le schéma radial traditionnel.

A.— FINANCER LE RÉSEAU FRANCILIEN

1. Financer l’exploitation

Le coût de fonctionnement du réseau RER n’a cessé d’augmenter au cours des années, à l’image de l’ensemble des transports collectifs en Île-de-France.

COÛTS D’EXPLOITATION DU RÉSEAU FRANCILIEN

En M€ constants 2008

2000

2005

2008

Coûts d’exploitation des réseaux franciliens

6 508

7 058

7 799

Source : volet transports collectifs du compte déplacements de l’Île-de-France, STIF, 2010

La Cour des comptes relève ainsi qu’entre 1981 et 2000, la croissance du coût de fonctionnement des réseaux de transport public francilien a dépassé de deux points le niveau de l’inflation. Notre collègue Gilles Carrez, rapporteur général du budget, a également pointé dans son rapport sur le financement des transports collectifs en Île-de-France, auquel ont été associés des parlementaires de la majorité et de l’opposition, cette « dérive du socle » que représente l’exploitation. Selon lui, « l’analyse des périodes passées montre que le coût de fonctionnement du réseau évolue dans le temps sur un rythme plus rapide que l’inflation : sa dérive s’élève ainsi à +2,3 points au-dessus de l’inflation en moyenne sur la période 2000-2008 ». Certes, cette augmentation s’explique en partie par un effet volume, dans la mesure où le STIF a déployé une offre plus importante.

La maîtrise des coûts apparaît d’autant plus essentielle que les nouveaux projets vont fortement faire augmenter les charges de fonctionnement. Selon les estimations, les opérations du plan régional de mobilisation pour les transports (hors ligne 14 et Arc Express) devraient créer un surcoût de 650 millions d’euros à l’horizon 2020, tandis que le réseau Grand Paris Express devrait générer plus d’un milliard d’euros de frais de fonctionnement supplémentaires selon le protocole d’accord du 26 janvier 2011.

Le financement de l’exploitation des réseaux franciliens est supporté par quatre types de ressources : les recettes tarifaires, la participation des employeurs, les dotations des collectivités territoriales et celle de l’État. Depuis 2005, date de la régionalisation des transports publics, la part de financement direct de l’État du fonctionnement des transports franciliens est résiduelle, tandis que celle des collectivités n’a cessé d’augmenter. Aux yeux de la commission d’enquête, la première exigence est celle de la maîtrise de l’augmentation des frais de fonctionnement, notamment par l’amélioration des gains de productivité des opérateurs, que tous les observateurs et, au premier rang, la Cour des comptes, considèrent possible. Ensuite, afin d’assurer le financement d’un réseau toujours plus important, des marges de manœuvre existent. Elles passent par une augmentation des contributions des bénéficiaires du réseau – usagers et entreprises – acceptable à la condition d’être corrélée à une amélioration substantielle de la qualité de service.

a) Dégager des gains de productivité plus importants

Il s’agit vraisemblablement de la piste la plus facile à privilégier. Les deux opérateurs du réseau RER – la RATP et la SNCF – ainsi que le gestionnaire des infrastructures RFF doivent être en mesure de rationaliser leur gouvernance et leurs modes d’exploitation afin de dégager des gains de productivité plus importants que ce qu’ils ne font actuellement. D’après les évaluations de la Cour des comptes, « le niveau des gains de productivité réalisé est ainsi actuellement estimé à 1,5 % à 2 % par an s’agissant, par exemple de la RATP. Pour la SNCF Transilien, aucun objectif spécifique de gains de productivité n’est fixé puisque cette activité de la SNCF n’est pas dotée de comptes propres ». Il convient de mettre un terme à l’opacité de la comptabilité des opérateurs déjà dénoncée par votre Rapporteur. La commission d’enquête insiste pour qu’un audit externe soit diligenté sur la comptabilité des deux opérateurs, afin de susciter la mise en place d’une comptabilité analytique efficace, préalable à la fixation d’objectifs de gains de productivité compatibles avec le maintien, voire le renforcement de la qualité de service aux usagers. Cette proposition a été accueillie favorablement par le président de la septième Chambre de la Cour des comptes, Christian Descheemaeker, qui déclarait lors de son audition que de tels audits seraient une solution pour « éclairer la comptabilité des deux opérateurs et identifier des gains de productivité ».

Par ailleurs, votre Rapporteur ne peut que souligner, une nouvelle fois, que la simplification de la gestion des lignes A et B réduirait certainement les coûts d’exploitation de manière significative.

De manière générale, une telle orientation ne peut que représenter un atout pour les deux opérateurs historiques, qui seront à terme soumis à la concurrence d’autres prestataires de service potentiels, dont les coûts sont d’un tiers à un quart moins élevés selon M. Jean-Pierre Orfeuil. D’ailleurs, le fait d’avoir repoussé à une date aussi lointaine que 2039 l’application des directives européennes introduisant de la concurrence dans les réseaux ferrés régionaux n’est peut-être pas rendre service à nos opérateurs historiques.

b) Mettre en place une tarification juste

La relative faiblesse de la contribution des usagers

En application de l’ordonnance modifiée du 7 janvier 1959, les tarifs des transports franciliens sont fixés annuellement par l’autorité organisatrice de transport, le STIF. Il n’existe pas de tarification spécifique à chaque mode de transport, l’Île-de-France étant divisée en zones correspondant chacune à un tarif spécifique.

Le prix des tickets à l’unité est calculé selon trois modalités. Le Ticket t+ valable sur la totalité des réseaux (RER dans Paris, métro, tramway et bus et T Zen (12)), est vendu 1,70 € à l’unité tandis que le carnet de 10 coûte 12,70 €. Le ticket « origine-destination », dont le coût varie selon la distance, est valable sur les parcours ferrés (RER RATP, Transilien SNCF). Enfin, des tickets à tarifs spécifiques donnent accès aux aéroports par RER depuis Paris.

Pour les abonnements, le Pass Navigo, qui a remplacé l’ancienne « Carte orange » propose huit possibilités de tarifs différents.

TARIFS DU PASS NAVIGO PAR ZONE (2012)

Zones (€)

1/2

1/3

1/4

1/5

2/3

2/4

2/5

3/4

3/5

4/5

Hebdomadaire

19,15

24,85

30,25

33,90

18,15

23,05

26,65

17,65

21,25

17,20

Mensuel

62,90

81,50

99,60

111,50

59,70

75,60

87,60

58,30

70

56,50

Annuel

643,50

830,50

1014,20

1129,70

609,40

770

892,10

596,20

715

578,60

Comme dans la plupart des métropoles, le taux de couverture des frais de fonctionnement par la tarification est loin d’atteindre 50%. Ainsi, selon le rapport de la Cour des comptes, « une fois déduit le remboursement par les employeurs de 50 % de la carte Orange de leurs salariés et les aides sociales versées directement à certains ménages, la participation nette des usagers a été de 2 355 M€ en 2009, soit environ 30 % des dépenses de fonctionnement des réseaux ».

À l’échelle européenne, les tarifs applicables en Île-de-France se situent dans la moyenne, mais restent inférieurs à des agglomérations dont le réseau est aussi développé et la population aussi importante. Il en est ainsi de Berlin et de Londres, qui sont les deux seules villes réellement comparables en terme d’offre. Les tarifs y sont bien plus élevés qu’en Île-de-France. Et que dire des villes plus petites, au réseau moins développé et proposant pourtant des tarifs très élevés voire quasi prohibitifs…

comparaison européenne des prix des billets et abonnements mensuels 30 octobre 2009

Villes

Population (millions d’habitants)

Billet à l’unité

Abonnement mensuel (équivalent zone 1-2)

Londres

8,6

7,40*

109,80

Dublin

1,1

6,00*

100

Berlin

3,4

2,10

72,00

Stockholm

1,3

1,90

67,20

Glasgow

1,2

1,33

61,15

Paris

9,9

1,60

56,60

Vienne

2,3

1,80

49,50

Barcelone

4,9

1,35

47,90

Madrid

5,6

2,00

46,00

Amsterdam

1

2,60

40

Rome

3,3

1,00

30,00

*Prix du ticket du jour, si pas de ticket à l’unité.

Source : L’année 2008 des transports urbains, GART, 2010

Les usagers pourraient participer plus fortement au financement des coûts de fonctionnement du réseau express régional. Pour ce faire, un travail de sensibilisation au coût réel des transports est un préalable indispensable, tant les usagers en ont une vision tout à fait partielle. Comme le soulignait le rapport de la Cour des comptes, « beaucoup estiment que les tarifs sont élevés sans avoir conscience qu’ils ne supportent qu’une part en réalité relativement limitée du financement total ». Et d’ajouter, « la participation des usagers varie selon le titre de transport utilisé par le voyageur. Elle est de près de 60 % pour un ticket « t+ » à l’unité, d’un peu plus de 50 % pour un forfait Navigo (anciennement « carte orange ») mensuel zones 1-2, d’un peu plus de 20 % pour un forfait Navigo mensuel zones 1-6 et de moins de 20 % pour la carte « Imagine R » réservée aux scolaires et étudiants. » La commission d’enquête est persuadée qu’il convient de façonner une nouvelle offre tarifaire, plus adaptée au réseau actuel et à l’usage des voyageurs. Le STIF a d’ores et déjà procédé à quelques évolutions depuis 2005, notamment par la fusion des zones 5, 6, 7 et 8, accompagnée d’une augmentation des tarifs plus importante que l’inflation depuis 2009. Néanmoins, il conviendra de procéder à une nouvelle refonte de la politique tarifaire, afin de la rendre plus lisible et plus efficace. Néanmoins, une hausse tarifaire ne pourrait s’appliquer uniquement au RER et devrait s’accompagner d’une performance accrue du réseau et d’une disparition des limitations de déplacement dues au zonage actuel.

Les questions sur une éventuelle tarification unique.

La mise en place de la tarification unique à l’échelle de l’Île-de-France avait été présentée comme un engagement de campagne lors des élections régionale de 2010. La commission d’enquête n’entend pas porter un jugement politique de la question. Néanmoins, à l’aune des informations à sa disposition, elle considère qu’avant de trancher ce débat il serait judicieux d’en maîtriser tous les paramètres : un Pass Navigo pour tous dont le coût avoisinerait les 78 ou 80 euros serait un tarif relativement bas. Certes, en pariant sur une augmentation de fréquentation due au report modal des véhicules particuliers vers les transports collectifs, les recettes tarifaires augmenteront grâce à un certain effet volume, mais probablement de façon insuffisante.

Alors que la part des coûts de fonctionnement du réseau financée réellement par l’usager est plus faible en comparaison d’autres métropoles européennes, il est temps de « mettre un terme à l’érosion du niveau de couverture par les recettes tarifaires », comme le soulignait déjà notre collègue Gilles Carrez dans son rapport de 2009 (13). Lors de son audition par la commission d’enquête, le président du Conseil régional d’Île-de-France et du STIF, M. Jean-Paul Huchon, a confié que « selon la première estimation du cabinet d’étude diligenté par le STIF, le coût de la mesure serait compris entre 300 et 500 millions d’euros » alors que la réforme du versement transport proposé par le rapport Carrez ne rapporterait que 240 millions d’euros ! De plus, de l’aveu même de M. François Kalfon, président de la commission « Transports » du Conseil régional, « le dézonage procède d’une vision dans laquelle les déplacements se font entre la banlieue et le cœur d’agglomération, et non d’une vision moderne des bassins de vie ».

Par ailleurs, l’instauration d’un tarif unique bas comporte un risque majeur, celui de l’étalement urbain. En effet, comme l’a souligné M. Jean-Pierre Orfeuil devant la commission d’enquête, « l’éventuelle instauration d’un Pass Navigo unique à un tarif relativement faible aurait pour conséquence d’attirer davantage de clients, et de clients longs en termes de distance, notamment parce qu’il engagera d’importantes décisions de localisation, en incitant ceux que rebute le prix du mètre carré parisien à se loger un peu plus loin de la capitale. Cela ne laisse pas d’inquiéter le citoyen et le chercheur que je suis ». La ville continuerait de s’étendre, menaçant les espaces agricoles périurbains, avec des conséquences néfastes sur l’environnement, la biodiversité et nos paysages, tandis que les usagers allongeraient sans cesse leur temps de transport. Donc, le Pass Navigo à tarif unique ne paraît guère compatible avec des perspectives raisonnées d’aménagement du territoire métropolitain et de maîtrise de la qualité environnementale.

En tout état de cause, la commission d’enquête n’entend pas fixer le « juste prix » d’un Pass Navigo réunifié. La détermination d’un prix suppose une connaissance préalable des éléments économiques qui fondent sa justification au regard de la prestation dont il est la contrepartie Or, deux paramètres essentiels font actuellement défaut. Le premier porte sur le coût km/voyageur dont il est impossible de connaître le montant précis tant que les opérateurs ne présenteront pas une comptabilité par ligne et un résultat d’exploitation identifié car représentatif de leurs activités sur le RER. Le second concerne les études « origine-destination » des usagers du RER (les opérateurs ne disposent que de données le plus souvent extrapolées à partir de bases anciennes et qui, pour l’essentiel, portent sur des enquêtes relatives aux nombres de voyageurs « montants » par gare) et du maillage de ces études avec les réseaux du métro parisien et des bus franciliens afin d’obtenir des résultats actualisés et probants. Ce dernier point a également toute son importance s’agissant du véritable impact des projets du Grand Paris.

Refondre la politique tarifaire à l’aune de ces deux derniers paramètres

La commission d’enquête suggère de refondre la politique tarifaire selon deux modalités : restructuration et revalorisation.

D’abord, le découpage en zones concentriques autour de Paris est aujourd’hui inadapté. Alors que certaines lignes de métro s’étendent au sein de la zone 3 en étant toujours sous le tarif de la zone 2, certaines communes abritent deux stations de RER dans deux zones différentes, tandis qu’à La Défense, deux tarifs s’appliquent dans la même gare selon que l’on utilise le RER ou le métro. Pour finir, les projets de tangentielles et de trajets en rocade finiront de rendre obsolète notre schéma tarifaire actuel. Mieux vaut alors définir une nouvelle structure tarifaire reposant sur les unités de transport : nombre de kilomètres, nombre de stations, temps de déplacement…

Néanmoins, si la logique d’un découpage par zones demeure l’option privilégiée par la Région d’Île-de-France et l’autorité organisatrice, il est nécessaire de procéder à une actualisation plus aboutie que la fusion des zones 5, 6, 7 et 8 menée jusqu’à présent. Afin de tenir compte de l’extension continue de la capitale et du prolongement à venir des lignes de métro, une fusion de la zone 2 et de la zone 3 pourrait être envisagée, mais à la condition de s’accompagner d’un ajustement des tarifs.

En parallèle, si la revalorisation de la tarification est essentielle, même si l’objectif n’est pas d’arriver à un taux de couverture de 100 %. Se rapprocher de 45 % (Berlin) ou de 50 % (Londres), contre à peine 40 % (avant remboursements des employeurs) à l’heure actuelle semble un objectif réalisable et acceptable pour les usagers. En effet, l’amélioration de la prestation qui découlera du Grand Paris Express et du plan de mobilisation régional justifie une augmentation des tarifs, qui sera plus facilement acceptée par l’usager puisque selon M. Jean-Pierre Orfeuil, « pour obtenir confort et régularité, les usagers sont prêts à payer deux à trois fois plus qu’actuellement – c’est-à-dire le coût du Pass Navigo complet, non minoré des 50 % pris en charge par l’employeur ».

L’un des arguments à la limitation des tarifs des transports collectifs est celui de l’arbitrage entre le transport individuel motorisé et le transport en commun. Or, compte tenu de la hausse annoncée du prix des hydrocarbures, l’usage de la voiture sera de plus en plus coûteux pour les usagers et les opérateurs de transports en commun n’auront pas besoin de pratiquer les tarifs les plus bas pour attirer les clients.

La tarification des transports collectifs à londres

Extraits de l’audition de M. Jean-Pierre Orfeuil

« À Londres, la tarification de l’Oyster card s’apparente à un système anti congestion. Premièrement, les déplacements en transports publics à l’intérieur de la banlieue sont plus faiblement tarifés que ceux qui conduisent au centre de Londres. Deuxièmement, le tarif est plus élevé en pointe qu’en creux, ce qui, j’en conviens, serait très difficile à faire accepter en France. Troisièmement, le bus est moins cher que le métro, car il est plus facile de mettre rapidement en circulation des bus supplémentaires que des rames de métro ».

Bien évidemment, les membres de la commission d’enquête partagent le souhait du conseil régional de ne pas faire évoluer outre mesure le niveau de la dépense en transport dans le budget des ménages. Toute hausse devra donc être progressive et suivre le rythme de mise en service des nouvelles infrastructures.

Proposition

Définir une nouvelle politique tarifaire, cohérente avec le prochain schéma directeur régional (SDRIF) dont la révision doit favoriser une évolution polycentrique des territoires dans le cadre d’un maillage cohérent. En tout état de cause, il résultera aussi de la réforme de la comptabilité des opérateurs une réelle connaissance du coût  kilomètre par voyageur, un outil de réflexion indispensable, comme le sont également de véritables études « origine-destination » actualisées qui restent à entreprendre avant la mise en place de toute nouvelle formule de tarification.

c) Réformer le Versement Transport

Les entreprises contribuent au financement de l’exploitation du réseau francilien selon deux modalités : le versement transport et le remboursement de la moitié du prix des abonnements longs, Pass Navigo mensuel ou annuel. La question de la tarification ayant été abordée préalablement, la commission d’enquête s’est particulièrement intéressée à la réforme du versement transport.

Qu’est-ce que le versement transport ?

Le versement transport est un prélèvement fiscal versé par les employeurs publics ou privés comptant plus de 9 salariés. Son produit a représenté 2 916 M € en 2008, soit 37,3 % des dépenses de fonctionnement et 33,4 % des dépenses totales.

Comme dans le reste de la France, le taux de ce prélèvement, assis sur la masse salariale, est fixé par l’autorité organisatrice des transports urbains, dans la limite d’un plafond légal propre à l’Île-de-France.

Depuis 2004, soit avant la décentralisation, il est fixé au maximum légal, comme c’est également le cas dans les huit agglomérations françaises de plus de 450 000 habitants, et n’offre donc pas de marges de manœuvre à législation constante. Sensible à la conjoncture économique, cette recette a augmenté ces dernières années (croissance du produit de + 15,7 % entre 2005 et 2009). En revanche, en 2009, la récession économique a provoqué une stagnation de son produit de 0,4 %.

Source : Cour des comptes, rapport de novembre 2010

Le versement transport est aujourd’hui obsolète, n’étant pas modulé selon le service rendu par le réseau. Ainsi, une entreprise implantée à La Défense paie le même niveau de versement transport qu’une autre installée à Clamart. Comme l’a ainsi souligné le Medef Île-de-France dans sa contribution transmise à la commission d’enquête, « toute chose étant égale par ailleurs, il est donc de l’intérêt des employeurs de se localiser dans des zones les mieux desservies ». Dans sa forme actuelle, le versement transport participe donc indirectement au renforcement des déséquilibres géographiques, les pôles d’activités existants et bien connectés au réseau continuant ainsi accueillir les sièges des entreprises.

TAUX DE VERSEMENT TRANSPORT au 31.12.2011

Zone

Paris / Hauts de Seine (1)

Petite couronne (2)

Grande COURONNE (3)

Taux (% de la masse salariale)

2,6 %

1,7 %

1,4 %

La réforme du versement transport peut s’opérer de deux manières : soit par une majoration du taux, soit par une refonte du zonage actuellement en vigueur. Dans son rapport, le rapporteur général de la commission des finances Gilles Carrez recommandait ainsi :

« - d’actualiser le zonage du versement transport, en intégrant en zone 2 l’ensemble de l’agglomération au sens de l’INSEE : sa morphologie est en bonne adéquation avec celle du réseau de transports ; à structure d’emplois et de salaires constante, cette mesure conduit à une augmentation du VT de 105 M€.

- d’augmenter deux fois les taux de 0,1 point : une première fois en début de période avec stabilisation pendant 10 ans, puis une seconde fois en fin de période (2020) ; à structure d’emplois et de salaires constante, cette mesure conduit à un gain de VT de 135 M€ entre 2010 et 2020, puis de 305 M€ à partir de 2020. Au bilan, la ressource dégagée sur la période 2010-2025 est de 11,9 Md€. »

L’augmentation du taux du versement transport a été demandée par la Région Île-de-France dès 2005, estimant que le taux applicable en Petite couronne – hors Hauts-de-Seine – était inférieur aujourd’hui à celui en vigueur dans des intercommunalités de plus de 100 000 habitants.

Néanmoins, c’est l’option d’un nouveau zonage du taux applicable en région francilienne qui a été retenue. Ainsi, un décret, en attente de publication, devrait instituer le « rezonage » du versement transport sur l’ensemble de la zone agglomérée au sens de l’INSEE, au taux rehaussé de 1,7 %.

2. Financer les investissements

Le développement des transports publics collectifs nécessite aujourd’hui des besoins de financement toujours plus importants. Au niveau régional, le total des opérations correspondant au plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France et à la réalisation du réseau du Grand Paris représente un montant global d’investissement de 32,4 milliards d’euros.

En ce qui concerne le RER, la programmation des investissements est détaillée dans le contrat de projets État Région (CPER), les plans d’investissement des exploitants (RATP et SNCF) et le plan pluriannuel d’investissement du STIF.

LE CONTRAT 2007-2013

Extrait du rapport de la Cour des comptes

Le contrat de projets État région 2007-2013, signé le 5 septembre 2008, programme des investissements d’un montant de 2 937 M€, financés à 70 % par les collectivités territoriales et 30 % par l’État.

L’enveloppe totale consacrée aux transports est en baisse de 1,6 % par rapport au contrat précédent.

Sur 33 opérations prévues dans ce cadre, 23 étaient déjà inscrites au contrat de plan État région 2000-2006. Parmi les 10 opérations totalement nouvelles, les plus marquantes concernent la modernisation des lignes B, C et D du RER (projet « B nord + « et schémas directeurs des lignes C et D), l’amélioration de la ligne 13, les prolongements du RER E (Éole) à l’ouest et du tramway T4 à Clichy-sous-Bois- Montfermeil et, enfin, la réalisation des premières études préalables à la réalisation d’une rocade de métro souterrain (projet « Arc-Express »).

Cependant, à la fin de l’année 2009, trois ans après la fin du contrat précédent (2000-2006), celui-ci n’est pas encore complètement exécuté. À cette date, seules 40 % des opérations programmées dans ce cadre sont en service, soulevant la question du caractère réaliste de la programmation des projets.

a) Un préalable : mieux estimer le coût des projets

Comme le relevait la Cour des comptes dans le rapport de novembre 2010 consacré aux transports ferroviaires franciliens, « les enveloppes prévisionnelles nécessaires aux opérations d’investissement sont fréquemment sous-estimées au regard du coût final réel des projets ».

La Cour note ainsi que « pour les 25 projets de transport du contrat de plan 2000-2006 qui ont fait l’objet d’un avant-projet approuvé au 31 décembre 2007, les enveloppes budgétaires initialement prévues au contrat de plan 2000- 2006 ont été nettement sous-estimées au regard de l’évolution des coûts au fur et à mesure de l’avancement des projets. Ainsi, les coûts prévisionnels d’investissement ont augmenté en moyenne de 78 % entre l’inscription au contrat de plan et le stade du schéma de principe, puis, à nouveau, de 14 % dans l’avant-projet. Au total, l’augmentation moyenne du coût prévisionnel d’un projet entre le montant inscrit au contrat de plan et celui figurant dans l’avant projet approuvé atteint donc 92 %, soit un quasi-doublement. »

La difficulté de l’estimation précise des coûts pour des projets de transport en mode lourd comme le RER résulte aussi de la durée écoulée entre les premières études et la mise en service. Ainsi, ce délai est selon la Cour, « comparable à celui constaté en 2003 par l’Inspection générale des finances et le Conseil général des ponts et chaussées pour les grands projets ferroviaires, soit entre 14 et 17 ans » , tandis que la durée moyenne est de 9 ans et demi pour les projets de métro.

L’important décalage entre les montants initialement prévus et ceux effectifs lors de la mise en service des projets remet a posteriori en cause la pertinence des choix opérés. En effet, la sélection d’un projet porte souvent sur des critères financiers, qui se révèlent la plupart du temps imprécis et minorés. La commission d’enquête ne peut sur ce sujet que reprendre une partie des recommandations formulées par la Cour des comptes en 2010, même s’il convient de se féliciter des initiatives prises par le STIF afin de s’appuyer sur des expertises extérieures, conformément aux recommandations de la Cour.

Le STIF s’est doté depuis plusieurs années d’un pôle expertise interne pour évaluer et suivre les coûts des projets d’investissements à compter des études initiales jusqu’à la réalisation des travaux.

L’analyse s’appuie sur les retours d’expérience issus de projets similaires franciliens, et les contrôles portent notamment sur la complétude, la pertinence et la cohérence des principaux postes de coûts ou estimations de coûts d’investissement (infrastructures, systèmes, stations, frais de maîtrise d’œuvre, frais de maîtrise d’ouvrage, provisions pour aléas et incertitudes…).

Capacité d’estimation des projets du STIF

LE STIF A EN OUTRE MIS EN PLACE FIN 2011 POUR TOUS LES PROJETS :

- UNE GRILLE D’ANALYSE DÉTAILLÉE DES COÛTS OU ESTIMATIONS DE COÛTS QUI PERMET DE LES SUIVRE PLUS FINEMENT ET DE MIEUX LES COMPARER À DES PROJETS RÉGIONAUX, NATIONAUX VOIRE INTERNATIONAUX.

- UN MARCHÉ D’EXPERTISE EXTERNE S’APPUYANT SUR LES INTERVENTIONS DE BUREAUX D’ÉTUDE SPÉCIALISÉS POUR 

- L’ANALYSE DES PROGRAMMES FONCTIONNELS,

- LA VÉRIFICATION DE LA FAISABILITÉ ET DES PLANNINGS EN FONCTION DES TECHNIQUES DE RÉALISATIONS PRESSENTIES,

- LE CONTRÔLE DE LA COMPLÉTUDE, DE LA PERTINENCE ET DE LA COHÉRENCE DES COÛTS OU ESTIMATIONS DE COÛTS DÉTAILLÉS,

- LA PRÉCONISATION DE PISTES D’ÉCONOMIE,

- LE DÉVELOPPEMENT D’OUTILS ET MÉTHODES POUR CAPITALISER LES EXPERTISES.

LE STIF VEILLE, PAR AILLEURS, À S’ADJOINDRE LES COMPÉTENCES EXTÉRIEURES NÉCESSAIRES AU PILOTAGE DES PROJETS (INGÉNIERIE INDÉPENDANTE DES MAÎTRES D’OUVRAGE).

AINSI, DEPUIS 2010, LE STIF EXTERNALISE DES EXPERTISES PLUS TECHNIQUES ET DONT LES RÉSULTATS CONTINUENT D’INFLUENCER ET DE FAIRE ÉVOLUER SON ANALYSE DES COÛTS. LE STIF FAIT LE CHOIX DE FIABILISER LA PLANIFICATION OU LE PHASAGE DES OPÉRATIONS OU ENCORE APPRÉHENDE LES ASPECTS LIÉS À LA MAINTENABILITÉ ET L’EXPLOITABILITÉ DES OUVRAGES.

Par ailleurs, il convient d’inciter la région et l’autorité organisatrice à privilégier avant tout le mieux disant. Dès lors que le prix ne sera plus perçu comme le critère principal de choix dans les procédures de passation de marchés publics, les opérateurs présenteront des offres plus qualitatives, prenant en compte le coût complet et indiquant un prix plus proche du coût réel.

Proposition

Rendre plus fiables les processus de sélection et d’évaluation de l’État et du STIF pour leurs projets d’investissement d’infrastructures et de matériels, en établissant, dès l’origine, un plan de financement complet, y compris s’agissant des coûts d’exploitation et de maintenance des matériels roulants. Il convient également de poursuivre le renforcement de la place des expertises indépendantes au cours des procédures de marchés et de systématiser les évaluations à 5 et 10 ans après mise en service pour tous les investissements supérieurs à 50 millions d’euros.

b) Le produit des péages

Chaque année, le STIF acquitte 680 millions d’euros de péages à RFF via la SNCF. Ces péages, réglés à chaque fois qu’un train emprunte le réseau ferré dont RFF a la charge, représentent le coût complet du réseau, c’est-à-dire le coût d’entretien de l’infrastructure, son coût d’amortissement et le coût d’opportunité du capital immobilisé.

Le paiement des redevances

La redevance d’accès (RA) est un montant forfaitaire qui s’applique uniquement aux activités conventionnées soit les trains régionaux de voyageurs (TER et Transilien) Le STIF acquitte la redevance d’accès directement auprès de RFF. Elle représente environ un tiers du total des péages supportés par le STIF. Contrairement aux autres régions, pour lesquelles la redevance d’accès est prise en charge financièrement par l’État, en Île-de-France elle est supportée par le STIF -qui en règle le montant à RFF- sans compensation de l’État.

La redevance de réservation (RR) est calculée sur la base des kilomètres réservés, en fonction du type de ligne et de l’heure de passage. Cette redevance peut être modulée pour les trains de voyageurs sur ligne à grande vitesse en fonction du nombre de places offertes et de l’origine et de la destination. Ainsi, Réseau Ferré de France pratique des prix plus élevés dans les zones et aux heures les plus fréquentées. La redevance de réservation est, quant à elle, acquittée par la SNCF, et le STIF rembourse la SNCF à l’euro-l’euro via le contrat d’exploitation.

La redevance de circulation (RC) est calculée sur la base des kilomètres circulés en fonction du type de train et du type de ligne. Toute réservation de sillon ne conduit pas nécessairement à une circulation de train. Des mouvements sociaux, des aléas de dernière minute peuvent expliquer les écarts entre les kilomètres réservés et les kilomètres circulés. La redevance de circulation ne peut être facturée qu’aux entreprises ferroviaires. Les AO ne peuvent donc acquitter son montant directement à RFF. Le STIF rembourse la SNCF à l’euro-l’euro de cette dépense.

Jusqu’en 2008, RFF ne disposait pas de compte régional. En somme, l’argent reçu du STIF par RFF au titre du règlement des redevances «  alimentait une caisse commune nationale », selon les mots d’Hubert du Mesnil, président de RFF. Ces sommes étaient donc redéployées afin de combler les déficits des autres régions, au travers d’un mécanisme de péréquation artisanal et relativement opaque.

En 2008, le STIF a conclu avec RFF une convention partenariale visant à assurer une complète étanchéité entre activités à «  flécher » vers l’Île-de-France exclusivement, le réinvestissement des sommes générées par les péages du Transilien. Cette nouvelle organisation ne peut qu’être saluée par la commission d’enquête, dans la mesure où le STIF n’a pas semblé se plaindre d’une mauvaise application de la convention par RFF.

Proposition

Rompre définitivement avec la pratique consistant à faire dériver une partie du produit des péages acquittés par le STIF vers des investissements sur des infrastructures du réseau ferré et extérieures à l’Île-de-France. Si cette pratique ne semble plus adoptée par RFF et la SNCF depuis 2009, il convient néanmoins de compenser les insuffisances d’investissement qui ont de ce fait durablement pénalisé l’infrastructure ferroviaire de Île-de-France par un effort de rattrapage financier à effet immédiat que la commission d’enquête évalue au moins à 400 millions d’euros à consentir en large part au RER.

c) Sanctuariser des ressources pour le RER

Comme l’a déclaré le Président de la République lors de son discours sur la modernisation des transports franciliens le 5 décembre 2011, «  le financement du Grand Paris n’est plus un sujet. Il est à présent bouclé ». En effet, les ressources de la Société du Grand Paris ont été sanctuarisées, afin d’assurer la réalisation des projets arrêtés.

Le financement du Grand Paris

Extraits de l’audition de Étienne Guyot

« En matière de maîtrise d’ouvrage, le budget de la Société du Grand Paris devrait s’élever à 20,5 milliards d’euros, dont 17,5 milliards pour la réalisation de la ligne rouge et de la ligne verte, ainsi que pour la prolongation de la ligne bleue entre Mairie de Saint Ouen et Saint Denis Pleyel au Nord, et entre Olympiades et Orly au Sud. La différence correspond à la contribution de la SGP au financement de l’arc proche, la ligne Orange, à hauteur de deux milliards d’euros, et à sa participation à la prolongation de la ligne Bleue entre Saint-Lazare et Mairie de Saint Ouen, sous maîtrise conjointe du STIF et de la RATP.

Pendant la phase de conception et de travaux, qui va de 2010 à 2025, la SGP engagera les dépenses nécessaires pour la mise en service du réseau, tout en contribuant au financement du prolongement de la ligne 14 et de la réalisation de l’Arc Est proche, grâce à des ressources principalement constituées de recettes fiscales affectées, d’une dotation de l’État, de contributions des collectivités locales, pour un montant de 900 millions d’euros, et d’un recours à l’emprunt à compter de 2016.

À partir de 2026, la SGP consacrera ses recettes à l’amortissement de la dette accumulée au cours de la phase de construction, étant entendu que l’entretien et le renouvellement du réseau ne seront pas à sa charge. Les recettes fiscales continueront d’être affectées à la SGP et elles seront complétées par des recettes commerciales, essentiellement liées aux gares, et par la redevance d’occupation des infrastructures dont la SGP est propriétaire.

Ces deux phases se superposeront peu : le début de la mise en service, à partir de 2018, marquera l’entrée dans une phase intermédiaire, caractérisée par une diversification des ressources de la SGP, qui percevra alors ses premières recettes commerciales et des redevances d’occupation. Cela étant, la SGP ne pourra pas commencer à amortir sa dette avant la fin des travaux. Notre objectif est de réaliser son amortissement sur une période cohérente avec la durée de vie des infrastructures, soit environ quarante ans.

Entre 2010 et 2025, les coûts à la charge de la Société du Grand Paris sont estimés à environ 20 milliards d’euros aux conditions économiques de 2008, hors matériel roulant. Cette estimation inclut une provision pour les acquisitions foncières, une provision pour les travaux préparatoires, tels que la déviation de certains réseaux concessionnaires, le coût des travaux de génie civil pour les tunnels, les gares, les ouvrages annexes et les ouvrages en ligne, une provision pour certains ouvrages de correspondance, les coûts liés à l’aménagement des gares, aux systèmes de contrôle et de supervision, ainsi qu’aux ateliers et à leur équipement, les frais d’études pour la maîtrise d’ouvrage et les maîtrises d’œuvre, et enfin la prise en compte des aléas classiques dans la phase de définition du projet.

La SGP bénéficie de trois recettes fiscales affectées : une fraction de la taxe locale sur les bureaux, qui représente 155 millions d’euros en 2011, une taxe spéciale d’équipement additionnelle aux « quatre vieilles », pour environ 118 millions d’euros, et une fraction de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), assise sur les matériels roulants utilisés par le réseau de la RATP, pour 60 millions d’euros. L’ensemble devrait nous procurer entre 300 et 350 millions d’euros par an de 2011 à 2013, puis entre 400 et 450 millions d’euros à partir de 2014 – nous récupérerons alors 95 millions d’euros prélevés pour abonder l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU.

À partir de 2014, l’État versera, en outre, une dotation en capital en fonction des besoins : le rythme de montée en puissance des dépenses par rapport aux recettes nous permet de nous en passer jusqu’à cette date ».

La commission d’enquête souhaite qu’il en soit de même pour le RER puisque l’amélioration du réseau existant nécessitera certainement de trouver de nouvelles ressources. En effet, comme le soulignait Sophie Mougard, directrice générale du STIF, « la loi de finances rectificative pour 2010 a fléché des ressources fiscales vers la réalisation du réseau de transport du Grand Paris. Mais le financement de la remise à niveau de l’existant continuera de dépendre des capacités budgétaires de l’État et des collectivités locales, et étant donné leur situation budgétaire respective, le STIF n’est pas sans inquiétude ».

De sérieuses garanties ont d’ores et déjà été apportées par le protocole d’accord signé entre l’État et la Région Île-de-France le 26 janvier 2011, complété par une convention signée le 26 septembre dernier. En application de celle-ci, l’actuel contrat de projet 2007-2013 sera abondé de plus d’un milliard d’euros afin d’accélérer la rénovation des lignes de RER ou l’extension d’Éole. De même, deux nouvelles ressources fiscales ont été créées en lois de finances rectificatives pour 2010 et 2011. Les recettes fiscales nouvelles ont été fixées par la loi de finances rectificative pour 2010 à environ 300 millions d’euros pour la Société du Grand Paris (SGP) et à un montant identique pour le STIF.

Le protocole d’accord du 26 janvier 2011 et la convention du 26 septembre 2011

Extrait de l’audition de M. Daniel Canepa

« L’accord du 26 janvier 2011 (entre l’Etat et la région Île-de-France) prévoit que plus de 10,9 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2020 seront consacrés aux transports collectifs, dont 4,7 milliards d’euros, soit près de la moitié, dédiés à l’amélioration du RER. À ce titre, les schémas directeurs du RER D et du RER C représentent un investissement de 500 millions d’euros, la réalisation du schéma directeur du RER B Nord + atteint 220 millions d’euros et le prolongement d’Éole à l’Ouest 2,5 milliards d’euros – ce dernier budget étant actuellement en cours de discussion, car la facture dépasse désormais 3 milliards d’euros, du fait de demandes qui me semblent du reste justifiées.

On voit bien que la priorité a été logiquement donnée au RER. Cet engagement s’est concrétisé par la signature entre l’État et la région, le 26 septembre 2011, d’une convention spécifique « transports » qui porte, sur la période 2010-2013, les engagements de l’État et de la région en faveur des transports collectifs franciliens à plus de 2,745 milliards d’euros, dont 1,084 milliard pour l’État, ce qui représente un effort exceptionnel dans les circonstances budgétaires actuelles. C’est également une démarche originale car, du fait de la répartition des compétences entre la région et l’État définie en 2004, l’État n’a pas nécessairement à intervenir financièrement dans ce domaine.

Pour ce qui concerne le RER, la convention prévoit notamment des opérations d’urgence permettant d’engager sans attendre le schéma directeur du RER C et de réaliser les premiers travaux de réaménagement du pôle de Juvisy, point nodal de l’amélioration du système de fonctionnement du RER C, ainsi que les études de poursuite du schéma directeur et des premiers travaux sur le RER D, et d’engager tant les études que le lancement de travaux du RER E à l’Ouest, dans la section Nanterre–Mantes-la-Jolie ».

Malgré tout, alors que selon Jean-Paul Huchon, « certaines recettes fiscales affectées au plan de mobilisation s’avèrent plus faibles que prévu », notamment la redevance pour création de bureaux, dont le produit est « quasiment nul alors que la région en attendait 100 millions d’euros par an », il convient de dédier des ressources au RER, afin de garantir les investissements futurs. L’option d’un péage urbain autour de la capitale semble avoir fait long feu et être désormais reléguée dans les cartons des services administratifs concernés.

Proposition

Avancer d’une année, au 31 décembre 2012, la date de la clause de rendez-vous prévue par le Protocole d’accord Etat-Région du 26 janvier 2011 s’agissant de la possibilité pour la Société du Grand Paris de consentir des avances remboursables destinées au financement du Plan de mobilisation régional.

En revanche, d’autres pistes sont envisageables. La commission d’enquête tient à ce sujet à rappeler les propositions de notre collègue Gilles Carrez, formulées dans son rapport sur le financement du projet de transport du Grand Paris. Parmi les propositions de nouvelles ressources émises par le rapporteur général de la commission des finances, la commission d’enquête en a identifié deux pouvant contribuer au financement du RER :

L’Éco-Redevance Poids Lourds (ERPL)

Les ressources nationales qui seront tirées de l’ERPL sont estimées à environ 800 millions d’euros nets à partir de 2013 (date de mise en œuvre opérationnelle de la taxe), versés à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Sur ce montant, la part issue du trafic circulant en Île-de-France est estimée à 160 millions d’euros. L’Île-de-France est traversée par un nombre important de poids lourds en transit, qui circulent sur un réseau fortement congestionné. La région n’en tire pas directement bénéfice, mais en supporte les conséquences : nuisances pour les riverains, menaces sur la biodiversité par la destruction des écosystèmes. Une meilleure internalisation de ces externalités négatives par l’augmentation du niveau de la taxe, dont le produit serait affecté à des opérations en faveur des transports propres, va donc dans le sens des engagements de la France en matière de développement durable.

Dans son rapport, le rapporteur général du budget estime « possible de modifier à la hausse le taux de l’ERPL en Île-de-France, celui-ci ayant été prévu en deçà de la valeur plafond admissible. Un relèvement de 30 % permettrait ainsi de dégager un complément de recettes d’environ 50 M€ par an »

Proposition

Sécuriser des ressources budgétaires au bénéfice des opérations de régénération des lignes du RER en y consacrant une partie prédéterminée dans un cadre pluriannuel du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Cet établissement public national dispose de ressources affectées (taxe d’aménagement du territoire, redevance domaniale, future « éco-taxe » poids lourds…) comme c’est le cas de la Société du Grand Paris (SGP) qui s’est vue reconnaître, dès sa création, une « sanctuarisation » de ses crédits. Ainsi, une certaine équité budgétaire sera instaurée entre le projet du Grand Paris et l’indispensable modernisation du RER encore plus urgente et dont le rythme d’avancement ne doit pas subir les effets d’à-coups budgétaires.

La revalorisation des amendes forfaitaires

Comme le souligne le rapport de notre collègue Gilles Carrez, « les collectivités territoriales bénéficient de la rétrocession par l’État du produit des amendes forfaitaires. Il s’est élevé à 553 millions d’euros en 2008, dont 237 perçus par la seule Île-de-France, qui bénéficie d’un régime de répartition particulier. En effet, le STIF reçoit la moitié du produit, la Région 25 %, le solde étant réparti entre les communes. En Île-de-France, les amendes forfaitaires de stationnement, dont la part est estimée à environ 20 % du produit des amendes de la police de circulation génèrent une recette annuelle avoisinant 45 M€ par an ».

Le rapporteur général regrettait que le montant de ces amendes – 11 euros à l’époque – n’ait pas été réévalué depuis une vingtaine d’années. Depuis le 1er août 2011, le niveau de ces amendes a été porté à 17 euros.

B.— COMBLER LES FAILLES DES POLITIQUES D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Comme l’a souligné le Président de la République à l’occasion de son discours sur la modernisation des transports urbains, le 5 décembre 2011, « à défaut d’avoir su offrir depuis longtemps assez de logements au cœur de l’agglomération, à défaut d’avoir su reconstruire la ville sur la ville, ou encore d’avoir su reconvertir les anciens espaces industriels en première couronne, Paris s’est étendue toujours plus loin de son centre ». L’aménagement de la région francilienne a ainsi suivi un schéma radial, organisé autour de Paris, tandis que l’extension de la capitale a imposé au réseau de suivre cahin-caha les soubresauts de l’essor économique d’une ville dont les frontières ont rapidement franchi la barrière du périphérique.

Alors que la banlieue « court » selon l’expression du cinéaste Gérard Pirès (14), la dernière vision stratégique de développement régional semble remonter à Paul Delouvrier, et ce de l’aveu même de l’actuel préfet de région, Daniel Canepa. Le réseau express régional, rapidement dépassé face à la croissance de l’Île-de-France depuis les années 1970, a donc été étendu peu à peu : comme l’a souligné M. Daniel Canepa lors de son audition par la commission d’enquête, « on a tiré sur les lignes pour adapter le réseau à l’éloignement croissant des habitants chassés par le coût du foncier » mais également pour desservir des bassins d’emplois apparus au cours des dernières décennies.

Aujourd’hui, la norme semble être celle de la longueur. Les usagers parcourent des distances toujours plus importantes pour se rendre au travail, ce qui n’est pas sans conséquence lors de la phase de recherche d’emploi. Certains directeurs des ressources humaines avouent ainsi privilégier les recrutements de proximités (15).

Ce type de réaction interpelle à plusieurs titres. D’abord, quel est l’intérêt de situer son activité dans la région d’Île-de-France si l’on renonce à tirer pleinement profit des ressources offertes par un large bassin d’emplois, et donc de compétences ? À ce titre, le Medef - Île-de-France souligne que si la région représente 29 % du PIB national et 22 % des emplois, force est de constater que sur la période 1990-2006, l’emploi francilien a progressé deux fois plus lentement qu’au niveau métropolitain et trois fois moins que certaines régions comme les Pays de la Loire ou Provence Alpes Côte d’Azur.

Ensuite, quelle est la pertinence d’un réseau dont les lignes traversent Paris de part en part dès lors qu’une majorité de Franciliens n’effectuent jamais ce type de trajet ? En effet, au cours de ses auditions, la commission d’enquête a pris conscience de l’importance du transport « par cabotage » sur les lignes de RER, une minorité d’usagers traversant Paris lors de leurs déplacements quotidiens.

Les politiques d’aménagement du territoire n’ont pas jusqu’alors su remédier aux déséquilibres géographiques, et notamment à la déconnexion croissante entre les lieux d’habitation et les bassins d’emplois. Face à ces enjeux, le projet du Grand Paris Express entend apporter quelques solutions pour les usagers des transports publics, même si pour le RER, l’impact semble relativement limité. Sans doute faudra-t-il également accepter de faire de l’Île-de-France une région polycentrique au lieu de maintenir l’illusion d’un Paris au centre de tous les développements économiques et sociaux possibles.

1. Le Grand Paris Express, une réponse partielle pour le RER ?

Le projet du Grand Paris  Express, sous toutes ses composantes, tend à renouer avec les grands travaux stratégiques dirigés par le Baron Haussmann, alors préfet de la Seine, au XIXe siècle puis par Paul Delouvrier, alors délégué général au district de la région, au XXe siècle. Le premier intérêt du Grand Paris Express vient de l’acception de l’existence d’un ensemble régional. La métropole devient une réalité et non plus un simple concept, quand les banlieues de la petite et de la Grande couronne étaient encore considérées comme le simple « réceptacle d’un Paris agrandi » (16).

a) Le constat d’un maillage lacunaire

L’analyse du réseau francilien actuel révèle l’existence de zones abandonnées des voies ferroviaires, dont il convient d’améliorer l’accessibilité. Parfois situés en proche banlieue ou même à l’intérieur de l’agglomération parisienne, d’importants pôles d’emplois demeurent à l’écart des lignes existantes. C’est notamment le cas du plateau de Montreuil, du plateau de Champigny, du plateau du Val de Bièvre - Orly, ou encore du secteur Gare Montparnasse - Porte de Versailles.

La création d’une rocade autour de l’agglomération parisienne, permettant de relier entre elles les banlieues et d’interconnecter les futurs pôles d’excellence ou les grappes d’entreprises – les clusters – est demandée depuis de nombreuses d’années. Le futur métro automatique autour de Paris répondra à cet objectif, mais l’on ne peut s’empêcher de regretter que les gares de RER n’aient pas plus souvent été mieux connectées aux gares de métro situées en banlieues, permettant ainsi de favoriser une intermodalité aujourd’hui incontournable pour les usagers quotidiens du réseau express régional.

La création de tangentielles était prévue dès le schéma originel de mise en œuvre du RER établi par Paul Delouvrier. Pourtant, de telles lignes n’ont jamais été inscrites dans les projets de transports régionaux qui se sont succédé depuis la fin des années soixante jusqu’à 2005. La commission le regrette et appelle de ses vœux la réalisation d’études précises sur le sujet en vue d’un développement des tangentielles.

b) Le Grand Paris Express

Le Grand Paris Express n’est pas l’objet principal des travaux de la commission d’enquête. Votre Rapporteur a donc fait le choix de ne pas présenter dans son rapport les détails des travaux menés sous l’égide de la Société du Grand Paris (SGP). En revanche, il encourage vivement le lecteur intéressé à se reporter au rapport d’information de Mme Annick Lepetit et de M. Yves Albarello (17). Néanmoins, il est de la responsabilité de la commission d’enquête de s’intéresser à l’impact du projet de transport du Grand Paris Express sur le réseau RER.

Le Grand Paris Express ne comporte pas de volet de réhabilitation des lignes existantes. D’une certaine manière, il ne s’intéresse à l’existant que pour s’y connecter physiquement. Il s’agit là d’une exigence des élus franciliens qui ont tenu à assurer que chacune des nouvelles gares serait interconnectée. Comme l’a ainsi souligné lors de son audition M. Étienne Guyot, président du directoire de la SGP, « le maillage entre les trois lignes du Grand Paris et le réseau actuel du RER sera assuré par dix-neuf gares, sur un total de cinquante-sept ». Autrement dit, un tiers des nouvelles gares créées dans le cadre du Grand Paris seront interconnectées avec les gares de RER :

Ÿ Ligne A : Noisy-Champs, Saint Maur-Créteil, Nanterre et La Défense ;

Ÿ Ligne B : Le Bourget, Sevran-Beaudottes, Sevran-Livry, Arcueil Cachan, Parc des Expositions et Aéroport CDG 2 ;

Ÿ Ligne C : Les Ardoines, Issy-les-Moulineaux, Les Grésillons, Versailles Chantiers, Pont de Rungis ;

Ÿ Ligne D : Le Vert de Maisons, Stade de France (Pleyel) ;

Ÿ Ligne E : Chelles ;

Ÿ Ligne B et C : Massy Palaiseau.

Par ailleurs, la ligne Orange, si elle est menée à son terme, pourra renforcer ce maillage par l’augmentation du nombre de correspondances avec les lignes du RER puisque cinq gares en partage avec les lignes B et E sont prévues.

D’après les études réalisées au cours de la phase de débat public sur le projet, le nouveau réseau permettra de décharger les lignes de RER de 10 % en moyenne. Pour les tronçons centraux, actuellement les plus saturés, les possibilités de contournement de l’agglomération parisienne permettront de décharger les lignes de 20 % pour les RER A, B et E, et de 15 % pour les lignes C et D.

Rappel du calendrier des travaux

Tronçons

– Été 2012 : lancement des enquêtes publiques pour la réalisation du tronçon sud de la ligne rouge, entre Pont de Sèvres et Noisy-Champs.

– Été 2012 : réunions publiques de concertation et d’information avec les entreprises et association.

– Décembre 2012 - avril 2013 : lancement des enquêtes publiques pour les tronçons restants : ligne verte entre Orly et Versailles ; ligne rouge entre Noisy-Champs et Le Bourget ; ligne rouge entre les Grésillons et Le Mesnil-Amelot, au-delà de Roissy ; ligne rouge entre Les Grésillons et Saint-Cloud ; ligne bleue entre Olympiades et Orly.

Gares

– Hiver 2012 : fin de la phase 2 des COPILS (18) (établissement de l’emplacement des gares)

– Été 2012 : fin de la phase 3 des COPILS (établissement de l’emplacement des émergences et de la stratégie de valorisation foncière autour des gares)

– Automne 2012 : lancement des premières consultations de maîtrise d’œuvre

Source : SGP

Nombreux sont les sceptiques face à cette promesse chiffrée de réduction de la fréquentation du réseau express régional. D’après eux, le Grand Paris Express ne pourrait en effet avoir qu’un effet marginal sur la fréquentation du RER. La création des tangentielles correspond à une nouvelle offre, à même de séduire une partie des personnes ayant actuellement recours à un mode de transport motorisé individuel. Néanmoins, la majorité des trajets continueront de se faire sur le réseau existant.

Ce constat est particulièrement inquiétant au vu des objectifs environnementaux assignés au développement des infrastructures de transports en commun. En effet, comme le souligne un urbaniste, M. Frédéric Léonhardt (19), « si la part modale des transports en commun actuelle est d’environ 32 %, les 2 millions de déplacements prévus pour le GPE au bout de 15 ans (dans la version optimiste) seront en bonne partie des usagers existants. Au vu des chiffres avancés par ses promoteurs, l’infrastructure ne modifiera pas substantiellement la donne d’un système de mobilité toujours dominé par les véhicules individuels. La part modale des transports en commun risque ainsi, au bout de cet effort financier gigantesque de ne progresser que modestement pour atteindre très difficilement 40 % des déplacements motorisés. Les 32 milliards d’investissements programmés (Grand Paris Express + plan régional transports) et les déficits de fonctionnement prévisibles ne permettront donc même pas de se rapprocher des 10 millions de voyageurs par jour à l’horizon 2025 » alors que le réseau de transport en commun francilien transporte aujourd’hui près de 6,8 millions de voyageurs quotidiennement. Ce constat ne peut qu’interpeller les membres de la commission d’enquête, et l’ensemble de la représentation nationale. La France s’est engagée, au niveau national, européen et international, à réduire fortement son niveau d’émission de gaz à effet de serre. La baisse attendue sera notamment permise par la réduction sensible de l’usage de transports motorisés individuels au profit des transports en commun plus propres. Elle est par ailleurs, comme la plupart des pays européens, confrontée à une crise de la dette sans précédent. Dès lors, la commission d’enquête ne peut que s’interroger sur un projet au coût très lourd qui n’aurait pas de conséquences importantes sur les modes de déplacements des Franciliens.

Une nouvelle fois, votre Rapporteur n’entend pas juger de la pertinence du réseau du Grand Paris Express établi par la Société du Grand Paris en partenariat avec la région d’Île-de-France. Le Grand Paris Express constitue une chance pour notre région de demeurer en haut du classement des régions européennes, et de permettre à nos territoires d’être mieux coordonnés. Néanmoins, il ne suffira pas à résoudre la crise des transports franciliens, et en particulier celle du RER. Pour ce faire, il convient de mieux adapter son réseau aux besoins et aspirations des usagers.

c) Adapter le RER aux usages des voyageurs

Comme l’a indiqué M. Jean-Pierre Orfeuil au cours de son audition, la très grande majorité des usagers ne traverse pas Paris de part en part pour se rendre sur leur lieu de travail. Ainsi, selon les chiffres fournis par la SNCF, la part des « traversants » représente 3% des usagers sur les lignes A et B du RER, et 1% sur les lignes C et D. Dans le même temps, les usagers effectuant un trajet en « cabotage », c’est-à-dire se déplaçant le long d’une ligne, de banlieue à banlieue, sans atteindre Paris, représentent 47% des usagers de la ligne A, environ 25% des usagers des lignes C, D et E et seulement 12% des usagers de la ligne B qui, rappelons-le, dessert deux aéroports internationaux.

Dans un premier temps, il convient donc de proposer de nouveaux modes d’exploitation conformes aux pratiques des usagers. À ce sujet, le président de la SNCF, M. Guillaume Pepy, a confié à la commission d’enquête vouloir « proposer aux élus une petite révolution ». Selon lui, « nos RER sont exploités dans le cadre d’un système métro, avec un arrêt dans chaque station, mais non suivant un système de desserte de Grande et de Petite couronne. Le projet consisterait à ce que, en Grande couronne, les trains s’arrêtent dans toutes les stations et que, arrivés en Petite couronne, ils deviennent directs ». Dans le même temps, les trains de Petite couronne deviendraient omnibus et leurs missions débuteraient de Petite couronne. Ainsi, le temps de trajet des usagers habitant relativement loin serait raccourci tandis que celui des habitants de Petite couronne pourrait être allongé, mais serait plus garanti : un incident en Grande couronne ne se répercuterait plus sur les petits parcours. Les habitants de Grande couronne se rendant en Petite couronne par cabotage pourraient toujours rejoindre leur destination, mais en subissant il est vrai une rupture de charge en gare terminus des petits parcours.

La commission d’enquête accueille cette proposition avec un grand intérêt, tant l’excessive longueur des lignes et les conséquences d’un « effet papillon » sont apparues comme l’une des premières sources de dysfonctionnement du réseau. Cette proposition figure dans la contribution de la SNCF à la révision du Schéma directeur de la Région Île-de-France (SDRIF).

Cette évolution vers une double logique de desserte va dans le sens d’une indépendance des tronçons centraux, dont la commission d’enquête souhaite que soit étudiée la faisabilité. Il s’agirait d’exploiter les tronçons centraux en navette rapide, sur le modèle d’Orlyval ou d’un autre type de métro automatique, fréquent et de grande capacité, et d’assurer la desserte des branches par le système classique. Au regard de la typologie des trajets effectués par les usagers du réseau express régional, un tel mode d’exploitation pourrait satisfaire la demande de la grande majorité des usagers, qui conserveraient le bénéfice d’un trajet direct. Pour ceux qui seraient confrontés à une rupture de charge, l’amélioration de la qualité de service devrait contrebalancer le léger désagrément de devoir changer de mode de transport.

Proposition

Réaliser une étude, sous l’autorité du STIF sur la mise en œuvre de modes d’exploitation alternatifs :

- Liaisons partielles avec des ruptures de charge au niveau des branches et une desserte par navette sur les tronçons centraux ;

- Modalités et calendrier de mise en œuvre du nouveau mode d’exploitation proposé par la SNCF (omnibus en Petite couronne et direct en Grande couronne).

Dans un second temps, « l’introuvable Transilien » est une aberration aux yeux de la commission d’enquête. Ce label, dont la mise en œuvre n’a pas été accompagnée d’une amélioration sensible de la prestation offerte, n’est pas lisible et n’a guère de sens. Si certaines lignes dépassent les frontières proprement dites de la région d’Île-de-France, il conviendrait certainement à terme d’uniformiser le réseau régional en intégrant les lignes transiliennes échappant à la dénomination « RER » dans la logique du réseau express régional. Cette évolution ne devrait pas être purement nominale, mais permettre aux « petits gris » de muer en lignes RER plus rapides et plus efficaces. Il s’agirait, comme le note M. Frédéric Léonhardt (20), de disposer d’un « réseau maillé d’une dizaine de lignes de RER à grande vitesse permettant un développement urbain métropolitain en zone dense tout en renforçant les liaisons avec les pôles plus éloignés : Roissy, Cergy, Évry, Saclay… ». Dans le même temps, de nouvelles lignes auraient pu être envisagées, notamment « en optimisant les faisceaux existants dans les gares Saint-Lazare ou Montparnasse, en recyclant les infrastructures disponibles et en créant ponctuellement les barreaux manquants pour relier Roissy via le RER D, le pôle Villette (RER E), Versailles et La Défense par les Batignolles »(21)

Proposition

Demander au ministère chargé des transports de transmettre au Parlement, dans un délai de six mois, une étude sur l’intégration des lignes H, K, J, L, N, P, T, R, U du Transilien dans la logique d’exploitation RER.

2. Quelle politique de développement régional ?

Malgré le schéma du Grand Paris Express et les évolutions envisagées par les opérateurs sur les modes d’exploitation, les transports publics régionaux demeureront saturés à long terme tant que l’équilibre ne sera pas rétabli entre des territoires essentiellement tournés vers le développement économique et d’autres considérés comme de simples villes dortoirs. Face au risque de voir se développer des plateformes de travail indépendantes de plateformes d’habitations, comme l’a souligné lors de son audition M. Michel Teulet, président de l’Association des maires de France (AMIF), il convient de repenser le développement régional de l’Île-de-France.

a) Les déséquilibres géographiques

Au cours de ses travaux, la commission d’enquête a pointé à de nombreuses reprises l’existence de déséquilibres géographiques entre les territoires entourant la capitale. À ce stade de ses travaux, votre Rapporteur tient à nuancer quelque peu ces propos, bien moins adaptés à l’axe Nord-Sud qu’à l’axe Est-Ouest. À ce sujet, lors de son audition devant la commission d’enquête, M. Pierre Mongin, président de la RATP, déclarait : « D’une manière générale, le rôle des deux lignes (A et B) a été de pallier les insuffisances graves de l’aménagement francilien depuis 30 ans. Je pense que la tension actuelle est liée au déséquilibre existant entre la progression considérable de l’habitat à l’est et l’accélération des programmes d’emploi à l’ouest. En 1975, Marne-la-Vallée comptait 100 000 habitants ; on en escompte 350 000 à l’échéance 2020. À La Défense, ce sont 150 000 salariés qui travaillent aujourd’hui dans les tours ; dix projets majeurs vont amener 30 000 à 40 000 emplois supplémentaires d’ici à cinq ans, ce qui fera tache d’huile sur Nanterre, Rueil, Bezons et La Garenne-Colombes, des communes qui accueillent un nombre croissant de salariés. Ce phénomène de balancier entre l’Est et l’Ouest provoque un déséquilibre de la ligne entre le matin et le soir ».

Lors de sa visite de la gare fantôme des Quatre Temps sur le site de La Défense, une délégation de la commission d’enquête a pu s’entretenir avec des responsables de l’Établissement public d’aménagement de La Défense – Seine Arche (EPADESA) et de l’Établissement public de gestion du quartier d’affaires de La Défense (DeFacto). Elle a ainsi pu constater l’ampleur des projets de nouvelles tours pour les prochaines années. La commission d’enquête ne souhaite en rien stigmatiser un quartier en particulier et l’opposer au reste de la région francilienne. D’ailleurs, comme le soulignait M. Maurice Leroy, ministre de la Ville, devant la commission d’enquête, « La Défense est une chance pour l’ensemble de la métropole capitale et pour la France : elle attire des investissements et des emplois, et elle en crée aussi ».

Néanmoins, il faut également « permettre à d’autres territoires de se développer, en étant bien insérés dans la ville », comme l’a reconnu le ministre de la Ville. Le paradoxe du développement de la région parisienne est de voir que si Paris a perdu entre 250 000 et 300 000 emplois au cours des vingt dernières années, principalement du fait de délocalisation vers la Petite et la Grande couronne, le Medef estime que près de 55% des emplois situés dans la région demeurent mal desservis. Cette situation est particulièrement préjudiciable, tant aux personnes en recherche d’emploi, aux salariés et aux entreprises, alors que selon l’Institut de la Ville (22), une part des difficultés de recrutement est liée aux difficultés à se rendre dans les locaux mêmes des entreprises. À ce sujet, la commission d’enquête ne peut qu’encourager l’initiative de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) d’adosser à ses projets de rénovation des quartiers sensibles des « chartes des mobilités ».

Les politiques d’aménagement du territoire portent donc deux objectifs principaux. D’une part, elles doivent contribuer à rapprocher les habitants des lieux de travail, en permettant l’émergence de nouveaux centres au sein de la région. D’autre part, elles doivent soulager le réseau principal en répartissant mieux les flux de voyageurs aux heures de pointe. Favoriser une logique polycentrique est la seule solution alors que la réponse à la hausse continue de la demande de transport ne pourra se limiter à la multiplication répétée des infrastructures et du nombre de trains.

Proposition

Favoriser la diffusion et l’exploitation des études d’économistes et de sociologues sur la mobilité dans les transports collectifs en Île-de-France. Des études actualisées et ciblées par ligne sur les conséquences sociales et économiques des moyens et des fréquences de déplacement (plus particulièrement des études « origine-destination ») contribueraient à mieux éclairer la prise de décision publique. Des questions aussi essentielles que le rééquilibrage entre l’est et l’ouest de la région Ile-de-France ou encore la réflexion sur les horaires de travail, déterminants sur les flux aux heures de pointe, devront être débattues dans ce cadre.

b) Favoriser une logique polycentrique

Afin de remédier aux déséquilibres géographiques entre les territoires entourant la capitale, le projet du Grand Paris a développé les contrats de développement territorial (CDT). Selon M. Étienne Guyot, ces contrats « visent à créer des centralités nouvelles, précisément pour ne pas concentrer l’activité dans les zones existantes. Il convient d’éviter que l’urbanisation ne progresse dans les limites de la région capitale. On le fera en reconstruisant « la ville sur la ville ». Or la création de nouvelles centralités rend nécessaire la densification des zones autour des gares du Grand Paris. Il ne peut s’agir que de zones d’activités mixtes, avec des bureaux, certes, mais aussi des logements et des commerces ».

Contrats de développement territorial

La loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris a créé le contrat de développement territorial (CDT).

Les contrats de développement territorial sont les instruments par lesquels les objectifs de mise en œuvre du Grand Paris pourront être déclinés au niveau local en matière d’urbanisme, de transports, de déplacements, de lutte contre l’exclusion sociale, de développement économique, sportif et culturel, de protection des espaces agricoles et forestiers et des paysages.

Conclus entre l’État et les collectivités locales, les contrats de développement territorial s’articulent autour du nouveau réseau automatique de transport Grand Paris Express, avec pour objectif de développer de nouvelles centralités, renforcer la compétitivité économique et participer au développement de l’offre de construction en Île-de-France.

À ce jour, dix-neuf CDT inscrits sur dix territoires de projet sont en cours de négociation entre les collectivités territoriales et l’État. Ils seront mis en enquête publique au plus tard en février 2013.

Si les contrats de développement territorial doivent favoriser la mise en cohérence des projets économiques, des programmes de logements et des infrastructures de transports, votre Rapporteur ne peut que s’inquiéter du risque de voir certains territoires oubliés des travaux de la Société du Grand Paris. En effet, la métropole francilienne, pour tirer profit des avantages exceptionnels qu’elle abrite, doit constituer un système complet et interdépendant.

Toute évolution raisonnée de l’Île-de-France doit donc concerner l’ensemble des territoires, et non seulement ceux qui ont la chance d’accueillir l’une des gares estampillée « Grand Paris Express». Une telle stratégie présenterait le risque de réitérer les erreurs du passé, en laissant à nouveau certains territoires à l’abandon, condamnés à regretter qu’un coup de crayon n’ait pas été tracé un peu plus à gauche ou un peu plus à droite, tandis que la commune voisine se verra équipée d’une nouvelle gare flambant neuve et les activités qui l’accompagneront.

M. François Kalfon, président de la commission « Transports » du Conseil régional d’Île-de-France, a ainsi exprimé sa crainte de voir que « les aménageurs privilégient la ville dense au détriment de la Grande couronne et, dans les schémas d’aménagement, ne pensent pas de façon robuste les relations de pôle à pôle. Le réseau du Grand Paris Express ne répond que partiellement à cette préoccupation. Si la Cité Descartes, qui est le pôle des aménageurs et qui comporte l’École des Ponts, n’a pas été oubliée, les liens entre Sénart, Orly, Marne-la-Vallée et Roissy n’intéressent pas les aménageurs. Une ligne de contournement TGV, qui existe déjà, ne coûterait rien, mais il a fallu déployer de grands efforts pour obtenir que l’on procède à des études pour utiliser l’existant ».

La logique polycentrique que le Grand Paris et la région entendent mettre en œuvre doit être aboutie en s’assurant de ne pas créer de simples « îlots » de développement économique et social. À ce sujet, la Préfecture de région dispose des moyens de refuser la délivrance de l’agrément auquel est soumise toute opération de construction de locaux d’activités de grande ampleur si les projets de logements équivalents ne sont pas programmés dans la commune.

Plus largement, il convient donc d’être vigilant, notamment dans le cadre de la révision du SDRIF, à ce que tous les territoires franciliens bénéficient des mutations que connaît notre région. La loi n° 2011-665 du 15 juin 2011 visant à faciliter la mise en œuvre des projets des collectivités d’Île-de-France prévoit que le décret d’approbation du schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris vaut nouvelle mise en révision du Schéma directeur régional d’Île-de-France. Une nouvelle procédure de révision du SDRIF a donc été initiée et le Conseil régional s’est fixé comme objectif une approbation du document fin 2013. La révision du SDRIF sera également l’occasion de s’assurer de l’émergence de bassins de vie plurifonctionnels tout autour de la capitale.

Le schéma directeur de la région Île-de-France

Article L.141-1 du code de l’urbanisme

La Région d’Île-de-France élabore en association avec l’État un schéma directeur portant sur l’ensemble de cette région.

Le Schéma directeur de la Région d’Île-de-France a pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique et l’utilisation de l’espace tout en garantissant le rayonnement international de cette région. Il précise les moyens à mettre en œuvre pour corriger les disparités spatiales, sociales et économiques de la région, coordonner l’offre de déplacement et préserver les zones rurales et naturelles afin d’assurer les conditions d’un développement durable de la région. (…)

Ce schéma détermine notamment la destination générale de différentes parties du territoire, les moyens de protection et de mise en valeur de l’environnement, la localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements. Il détermine également la localisation préférentielle des extensions urbaines, ainsi que des activités industrielles, artisanales, agricoles, forestières et touristiques.

Pour l’élaboration de ce schéma, le Conseil régional recueille les propositions des conseils généraux des départementaux intéressés, du conseil économique, social et environnemental régional et des chambres consulaires. À l’issue de cette élaboration, le projet leur est soumis pour avis.

Avant son adoption par le Conseil régional, le projet de schéma directeur, assorti de l’avis des conseils généraux intéressés, du conseil économique, social et environnemental régional et des chambres consulaires, est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement.

Le schéma directeur est approuvé par décret en Conseil d’État. L’initiative de l’élaboration du schéma directeur appartient soit à la région, soit à l’État.

La procédure de révision du schéma directeur est ouverte par un décret en Conseil d’État, qui détermine l’objet de la révision. Cette dernière est effectuée par la Région d’Île-de-France, en association avec l’État, selon les règles fixées aux sixième et septième alinéas du présent article. Elle est approuvée par décret en Conseil d’État.

En somme, la commission estime qu’une réflexion stratégique sur l’aménagement et le développement de l’Île-de-France reste plus que jamais nécessaire. Au-delà de la lutte contre l’étalement urbain caractérisé par un polycentrisme assez mal maîtrisé, au moins jusqu’en 2007, et source de profonds déséquilibres, la région d’Île-de-France doit être en mesure de s’affirmer face aux autres grandes régions comparables en Europe et dans le monde. Acquérir les moyens de devenir une « région monde » doit donc constituer l’un des premiers objectifs du prochain SDRIF. La perspective ne peut se fonder exclusivement sur les objectifs des contrats de développement territorial (CDT), certes novateurs et ambitieux, mais peut-être trop centrés sur les gares du futur réseau métropolitain. Le débat qu’il convient d’engager dépasse à l’évidence les seuls enjeux du RER. Au travers d’une analyse portant sur l’histoire et l’évolution de ce réseau emblématique à tous égards, la commission d’enquête appelle de ses vœux une volonté encore plus affirmée de prendre en compte l’ensemble francilien dans sa totalité sans laisser de coté certains territoires.

EXAMEN DU RAPPORT

La commission a examiné le présent rapport au cours de sa séance du mardi 6 mars 2012.

Après la présentation des grandes orientations du rapport par MM. Daniel Goldberg, président, et Pierre Morange, rapporteur, la commission a examiné les propositions du rapporteur au cours d’un échange auquel ont participé Mmes Annick Lepetit, Françoise Briand, Cécile Dumoulin, MM. Henri Plagnol, Axel Poniatowski, Patrice Calméjane, Jean-Marie Le Guen, Arnaud Richard, Yves Vandewalle, Didier Gonzales, François Pupponi et Gérard Gaudron.

Au terme de cet échange, la commission a adopté à l’unanimité le rapport ainsi que le principe de publication des auditions et des différentes annexes.

Elle a ensuite décidé que le rapport et ses annexes seraient remis à M. le Président de l’Assemblée nationale afin d’être imprimés et distribués.

ANNEXES

– LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA COMMISSION

– LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES LORS DES DÉPLACEMENTS DE LA COMMISSION

– COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

– LISTE DES SITES D’ASSOCIATIONS D’USAGERS DU RER

– SIGLES

– CHARTE D’ENGAGEMENT

– LISTE DES CONTRIBUTIONS ET DOCUMENTS REÇUS PAR LA COMMISSION

– DOCUMENTS TRANSMIS À LA COMMISSION ET REPRODUITS :

Ÿ Réponses des opérateurs (RATP/SNCF) et de l’autorité organisatrice (STIF – Région)

Ÿ Protocole entre l’État et la région relatif aux transports publics en Île-de-France (26 janvier 2011)

Ÿ Contributions des associations d’usagers

Ÿ Contributions des organisations syndicales

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Gouvernement :

– M. Maurice LEROY, ministre de la ville

– M. Thierry MARIANI, ministre auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports

*

Associations d’usagers :

Ÿ Fédération nationale des associations d’usagers de transports (FNAUT) Île-de-France

– Mme Simone BIGORGNE, présidente

– M. Marc PELISSIER, secrétaire général

– M. Bernard GOBITZ, secrétaire général adjoint

Ÿ ADURERA

– M. Frédéric LINARES, président

– M. Cyrille EMERY, vice-président

– Mme Muriel NAHMIAS, trésorière

– M. Jean-Michel MANSUY, secrétaire

Ÿ Comité des usagers du RER B en Vallée de Chevreuse (COURB)

– Mme Marie-Hélène WITTERSHEIM, présidente

– M. Jean-Claude JURVILLIER, vice-président du comité

– Mme Eva SHELDRICK, vice-présidente du comité

– M. Bernard CHARPENET, secrétaire du comité

Ÿ CIRCULE 

– M. Marc DESJOURS, membre du conseil d’administration

– M. Jean MAEGHT, membre du conseil d’administration

Ÿ SADUR 

– M. Rémy PRADIER, président

Ÿ Pour vivre sans CDG Express

– M. Bruno DEFAIT, président

– M. Didier KUNIAN

– M. Philippe SYLVAN

Ÿ Collectif « Ma ligne A »

– M. Cyril LANGELOT, président

Ÿ Fédération des usagers des transports et des services publics

– M. Jean-Claude DELARUE, président

Ÿ Comité des Usagers du RER B

– M. Bernard WENTZEL, président

*

Organisations syndicales :

RATP :

Ÿ Syndicat CFE – CGC de la RATP

– M. Alain TERNOIS, président 

– M. Thierry MARCHAND

Ÿ Syndicat Force Ouvrière de la RATP

– Mme Patricia LASALMONIE, déléguée syndicale central adjoint

– M. Alain BESLIN, délégué syndical central adjoint

– M. Noël DUFLOS, délégué syndical d'Établissement RER ligne A 

– M. Emmanuel BENASSAYA, délégué syndical d'Établissement RER ligne B

Ÿ UNSA-RATP

– M. Thierry BABEC, secrétaire général UNSA RATP 

– M. Frédéric SARRASSAT, secrétaire général UNSA-TRANSPORTS RATP

Ÿ Sud RATP

– M. Philippe TOUZET, délégué central SUD RATP 

– M. Jean-Luc VIARD, délégué syndical SUD RATP RER A 

– M. Patrick SIVADIER, délégué syndical SUD RATP RER B 

– M. Jean-Christophe DELPRAT, délégué central adjoint SUD RATP, responsable de la branche Conduite

Ÿ CGT RATP

– M. Jacques ELIEZ, secrétaire général 

– M. François GILLARD, élu au conseil d’administration RATP 

– M. Thierry DUMEZ, secrétaire Union régionale Île-de-France

Ÿ CFDT RATP

– M. Laurent GARDONI, secrétaire général 

– M. Philippe GOULIEUX, secrétaire général CRTE

SNCF

Ÿ CFDT Cheminots

– M. Dominique AUBRY, secrétaire général adjoint CFDT Cheminots 

– M. Franck DRAGO, responsable GTN Traction CFDT cheminots

Ÿ CGT Chemins de fer français

– M. Thierry ROY, secrétaire fédéral 

– M. Dominique LAUNAY, secrétaire général Union interfédérale des transports

Ÿ UNSA Cheminots SNCF

– M. Philippe CORNIERE, conseiller fédéral Voyageurs UNSA-Cheminots

*

– M. Jean-Pierre ORFEUIL, ingénieur statisticien, professeur (Université Paris-Est Créteil)

– Mme Danièle NAVARRE, Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France (IAU)

– M. Alain MEYÈRE, directeur du département « Mobilité et Transport », Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France (IAU)

– M. Pierre MONGIN, président de la RATP

– M. Guillaume PEPY, président de la SNCF

– M. Lucien DUMONT-FOUYA, président du Comité des partenaires du transport public (CPTP)

– M. Pierre CARDO, président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF)

– M. Jean-Paul HUCHON, président du Conseil régional d’Île-de-France

– M. Roger KAROUTCHI, président de la Commission des Finances du Conseil régional d’Île-de-France

– M. François KALFON, président de la Commission des Transports du Conseil régional d’Île-de-France

– M. Michel TEULET, président de l’Association des maires d’Île-de-France (AMIF)

– M. Emmanuel LAMY, maire de Saint-Germain-en-Laye

– M. Patrice PATTÉE, maire adjoint de Sceaux

– M. Dominique LEFEBVRE, président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, maire de Cergy

– M. Michel BISSON, vice-président du SAN de Sénart, maire de Lieusaint

– Mme Sophie MOUGARD, directrice générale du STIF

– Mme Sandrine GOURLET, directrice adjointe de la direction des projets d’investissement du STIF

– M. Patrice SAINT-BLANCARD, chef de la division offre ferroviaire de la direction d’exploitation du STIF

– M. Étienne GUYOT, président du directoire de la Société du Grand Paris

– M. Hubert DU MESNIL, président de Réseau ferré de France (RFF)

– M. Michel GAUDIN, Préfet de police

– M. Jérôme DUBUS, délégué général du MEDEF d’Île-de-France

– M. Christian LEYRIT, vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable

– M. Daniel CANEPA, Préfet de la région Île-de-France

– M. Sébastien GENEST, vice-président de France Nature Environnement, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

– M. Pierre-Jean ROZET, conseiller confédéral CGT, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

– M. Daniel RABARDEL, vice-président de la commission des Transports du Conseil économique, social et environnemental régional d'Île-de-France (CESER)

– Mme Nadine BARBE-URSULET, chargée de mission auprès du président du Conseil économique, social et environnemental régional d'Île-de-France (CESER)

– M. Christian DESCHEEMAEKER, président de la septième chambre de la Cour des comptes

– M. André LE MER, conseiller maître à la Cour des comptes

– M. Denis HUNEAU, directeur général de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF)

– M. Jean-Claude PARAVY, secrétaire général de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF)

*

LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES
LORS DES DÉPLACEMENTS

Ligne b : Gare du Nord – Châtelet – Denfert (30 janvier 2012)

– Direction régionale de Paris Nord SNCF (rue de Maubeuge) : M. Didier DUBOIS, directeur de Région

– Centre Opérationnel de Gestion des Circulations (COGC) Transilien (Gare du Nord) : M. Olivier SAMIER, directeur régional opérationnel (DRO) à la SNCF

– Poste de Commandement Centralisé (PCC) RER B (Denfert) : M. Thierry BARNABE, responsable du PCC

– RATP : M. Philippe MARTIN, directeur général adjoint, Opération de Transport et Maintenance associée ; M. Cyril CONDE, directeur du département RER ; Mme Sylvie BUGLIONI, directrice Ligne B

– SNCF : M. Luc LAROCHE, directeur adjoint de Transilien en charge de l'Exploitation ; M. Gaël BARBIER, directeur adjoint de la ligne B ; M. Pascal ROZE, directeur des Relations Institutionnelles de Transilien

Ligne A : Cergy – La Défense (6 février 2012)

• Cergy

– M. Dominique LEFEBVRE, maire de Cergy

• La Défense

– Mme Katayoune PANAHI, directrice générale de Defacto (Établissement public de gestion du quartier d’affaires de La Défense)

– Mme Sandrine CARTERET, adjoint au chef de service sécurité et sûreté de Defacto

– M. Frédéric HASARD, agent de sécurité, PC Sécurité de Defacto

– M. Didier LOURDIN, directeur du Développement Durable et des Transports, Établissement public d’aménagement de La Défense Seine Arche

– M. Gilles REYNAL, directeur de la Stratégie et du Développement de Defacto

– M. Pierre PLAINDOUX, direction du Développement Durable et des Transports à l’EPADESA

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Table ronde rassemblant les associations d’usagers

(Séance du mercredi 11 janvier 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Mesdames et messieurs, je suis heureux de vous accueillir, en tant que président de cette commission d’enquête, aux côtés de son rapporteur Pierre Morange et d’un certain nombre de ses membres. Je tiens à excuser nos collègues qui assistent en ce moment même aux vœux du Président de la République aux parlementaires et qui ne pourront donc se joindre à nous.

Je salue l’ensemble de nos invités : Mme Simone Bigorgne et M. Marc Pélissier pour la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) Île-de-France, M. Frédéric Linares et M. Cyrille Emery pour l’Association de défense des usagers saint-germanois du RER A (ADURERA), Mme Marie-Hélène Wittersheim, M. Jean-Claude Jurvillier, Mme Eva Sheldrick et M. Bernard Charpenet pour le Comité des usagers du RER B en Vallée de Chevreuse (COURB), MM. Marc Desjours et Jean Maeght pour le Comité d’initiative pour le rassemblement et la concertation des usagers de la ligne C en Essonne (CIRCULE), M. Rémy Pradier pour l’association SaDur, M. Bruno Defait pour l’association « Vivre sans CDG Express », M. Cyril Langelot pour l’association « Ma ligne A », M. Jean-Claude Delarue pour la Fédération des usagers des transports et des services publics (FUT-SP), et M. Bernard Wentzel pour le Comité des usagers de la ligne B du RER.

La commission d’enquête dont l’intitulé exact porte sur les modalités, le financement et l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France entame aujourd’hui le cycle de ses auditions. C’est à dessein qu’elle a programmé d’emblée une table ronde avec les représentants des usagers, dont l’écoute lui a d’emblée semblé s’imposer. Certes, les élus que nous sommes n’ignorent pas les difficultés rencontrées au quotidien par les voyageurs, tout particulièrement dans les trajets entre leur domicile et leur travail, d’ailleurs beaucoup d’entre nous empruntent le RER. La presse se fait régulièrement l’écho de dysfonctionnements liés à la saturation du réseau, mais aussi à des problèmes techniques. Lundi dernier encore, en fin d’après-midi, une rame a été bloquée pendant presque trois heures dans un tunnel entre l’Étoile et la Défense : les voyageurs évacués ont dû marcher sur la voie dans l’obscurité.

Les Franciliens n’admettent pas plus cette situation que la saturation des grands axes routiers aux heures de pointe. Trop souvent, un incident ou un accident matériel a des répercussions majeures sur la totalité d’une ligne, voire au-delà lorsqu’il bouleverse le système des correspondances. Les usagers doivent alors prendre leurs dispositions ; ils ne peuvent le plus souvent recourir à aucun moyen immédiat de substitution. Mais si la dégradation de la qualité du service et l’insuffisance de l’information donnée aux voyageurs sont régulièrement dénoncées, leurs causes ne sont pas toujours bien identifiées.

Il est donc légitime de s’interroger sur les raisons de cette situation. La commission d’enquête entend aborder ce sujet sans a priori. Je souhaite que nous sachions dépasser toute polémique, en évitant les mises en cause institutionnelles ou personnelles qui ne seraient pas étayées sur des faits précis. Nous devrons néanmoins hiérarchiser sans complaisance les problèmes. Il en va de la crédibilité des travaux de la commission. À défaut de propositions concrètes assorties d’un calendrier précis de mise en œuvre, nous dresserions en effet un simple bilan, qui viendrait s’ajouter à tous ceux demeurés sans suite faute d’avoir été porteurs de véritables propositions.

Conformément aux dispositions réglementaires régissant les commissions d’enquête, chaque représentant d’association doit maintenant prêter serment. Ce serment engage naturellement tous les représentants de l’association. Je donnerai d’abord la parole à chaque association pour qu’elle présente, en quelques minutes, son action et rappelle son origine et ses principales revendications, voire ses « faits d’armes ». À la suite de ce premier tour de table, le rapporteur vous interrogera. Puis, nous procéderons à un échange de questions- réponses. Nos collègues ici présents attendent beaucoup de cette audition.

Je vous adresse pour ma part deux questions. Quel est le point majeur sur lequel vous souhaiteriez constater une amélioration sensible à court ou moyen terme ? Avez-vous eu connaissance de l’annonce par le Président de la République de la création d’une Autorité de la qualité du service dans les transports, qui serait notamment compétente pour les transports ferroviaires, donc pour le RER ?

Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, Mme Simone Bigorgne, M. Frédéric Linares, Mme Marie-Hélène Wittersheim, M. Marc Desjours, M. Rémy Pradier, M. Bruno Defait, M. Cyril Langelot, M. Jean-Claude Delarue et M. Bernard Wentzel prêtent successivement serment.

M. Frédéric Linares, président de l’ADURERA. L’ADURERA est une association récente – elle a déposé ses statuts en mai 2011. Elle regroupe des habitants de Saint-Germain-en-Laye et de sa région, qui empruntent matin et soir le RER A depuis de nombreuses années pour se rendre sur leur lieu de travail, situé le plus souvent à Paris.

Je ne reviendrai pas sur la dégradation générale du service constatée depuis quelques années, mais sur le fait que celle-ci affecte surtout les heures de pointe, alors même que le nombre de trains est censé y être doublé, en tout cas pour la branche de Saint-Germain. Les incidents à répétition, dont les causes sont multiples – voyageur malade, suicide, avarie de matériel, problème de signalisation, de caténaire, rail endommagé, gel, neige, colis suspect, alerte, vol de câble etc. – semblent laisser la RATP désarmée. Elle ne parait pas avoir de véritables plans de secours. L’information est quasi inexistante, du type : « Les trains sont arrêtés. Veuillez patienter. ! » Les grèves sont heureusement moins fréquentes. Tout cela conduit néanmoins à des perturbations régulières. Plus d’un million de voyageurs par jour emprunteraient aujourd’hui la ligne A. Il s’y produit presque quotidiennement un incident, certes moins spectaculaire que celui du 9 janvier dernier, mais bien réel : les retards d’une demi-heure sont fréquents, ceux de cinq à dix minutes quasi quotidiens. L’incident de ce lundi – qui se produit quatre ou cinq fois par an – n’est donc que l’arbre qui cache la forêt. Les cinq à dix minutes de retard sont d’ailleurs calculées par rapport à une grille horaire qui, nous a-t-on rappelé, est théorique. Le malheur est qu’elle sert à caler les horaires des bus à l’arrivée à Saint-Germain : si le RER arrive en retard, le bus est déjà parti.

Ces dysfonctionnements affectent directement nos conditions de vie et de travail. Ils ont des incidences économiques mais aussi sur la santé et sur l’environnement, puisqu’ils nous incitent à reprendre le volant. La qualité de vie tant vantée à Saint-Germain en Laye et ses environs en est passablement écornée.

Depuis sa création, l’ADURERA a pris contact avec le maire de Saint-Germain et le sénateur maire du Pecq, mais aussi avec le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) et la RATP – cette entreprise est la seule à ne pas nous avoir reçus. Nous avons créé une page Facebook, sur laquelle les usagers peuvent laisser leurs réactions. Vous en trouverez un extrait, datant du dernier trimestre 2011, dans le dossier que nous avons préparé à votre intention.

Les causes des dysfonctionnements sont à la fois conjoncturelles et structurelles. Les causes structurelles sont connues : sous-investissement, déséquilibre entre l’Est et l’Ouest de la région, accroissement spectaculaire du trafic depuis une vingtaine d’années. Mais cet accroissement a aussi permis une augmentation des recettes, qui aurait dû être mise à profit pour financer des investissements. Il serait intéressant de se pencher sur l’évolution du compte d’exploitation pour comprendre pourquoi cela n’a pas été le cas.

Les élus et le STIF nous ont exposé les projets en cours – Grand Paris, prolongement d’EOLE… Ils ont aussi évoqué les nouvelles rames, qui viennent d’être mises en service, le schéma directeur et le Livre blanc de 2008. Tout cela est bienvenu, mais insuffisant. C’est pourquoi nous entendons contribuer à l’examen des causes des perturbations et à la réflexion sur les mesures de court terme qui s’imposent en formulant des propositions.

J’ajoute que tous les passagers ne sont toutefois pas logés à la même enseigne aux heures de pointe ! Si le nombre des trains circulant à destination de certaines stations est doublé, ce n’est pas le cas pour toutes – et notamment pour Saint-Germain, Croissy-Chatou et Le Vésinet-Centre. Lorsqu’on ne voit pas arriver de train pour Saint-Germain, on se rabat sur les trains pour la station précédente, bien plus fréquents – ce qui est particulièrement irritant. Nous proposons donc que tous les trains aillent jusqu’au terminus prévu, à savoir – dans notre cas – Saint-Germain-en-Laye.

Nous attirons par ailleurs votre attention sur le problème des relèves des agents de conduite. On entend souvent parler de la relève SNCF-RATP à Nanterre préfecture, mais on oublie la relève RATP-RATP, à Rueil-Malmaison, que les voyageurs connaissent bien : le train s’arrête et on attend… quand ils ne sont pas purement et simplement débarqués !

Nous demandons également qu’une réflexion approfondie soit conduite sur l’information, et sommes évidemment prêts à y participer dans le cadre de groupes de travail.

Mais les dysfonctionnements ont aussi des causes plus profondes, qui tiennent en grande partie au flou dans les responsabilités. On peine à savoir qui est responsable de quoi. Nous appelons par ailleurs la RATP à recentrer ses priorités sur le transport en Île-de-France. C’est bien de vendre ses savoir-faire dans le monde entier, mais il faut éviter de se disperser : la vitrine de l’action de la RATP, c’est d’abord l’Île-de-France !

Les indicateurs de performance ne sont pas pertinents. La dégradation qu’ils font apparaître est bien inférieure à la réalité, car ils surpondèrent la partie intra-muros de Paris, les heures creuses et les week-ends. Mettons en place des indicateurs qui mettent en évidence ce qui se passe aux heures de pointe et sur les différentes branches de la ligne !

Enfin, il faudrait sans doute revoir l’organisation du travail des conducteurs.

Mme Simone Bigorgne, présidente de la FNAUT Île-de-France. La branche Île-de-France de la FNAUT regroupe à la fois des adhérents individuels et collectifs. Son objectif est de contribuer à l’amélioration des transports publics, qu’ils soient ferroviaires ou routiers, notamment en termes d’environnement et d’accessibilité. À ce titre, elle participe à de nombreuses instances, dont les comités de ligne, ainsi qu’à tous les débats et enquêtes publics.

M. Marc Pélissier, secrétaire général de la FNAUT Île-de-France. Le RER est à la fois la colonne vertébrale du réseau en Île-de-France et son plus gros point faible – les difficultés étant bien plus importantes que celles du métro, par exemple. Cela tient notamment au manque d’anticipation durant les trente dernières années. Hormis le RER E, qui est la ligne la plus récente et la plus courte, et dont les usagers ne sont d’ailleurs pas représentés ici, cet après-midi, toutes les lignes sont dans une situation critique. Les usagers en subissent au quotidien les conséquences. Si on ne peut espérer aucun miracle à court terme, il n’y a pas non plus de fatalité.

La démarche des schémas directeurs de ligne initiée par le STIF nous paraît ainsi essentielle. Elle vise à définir pour chaque ligne une vision globale qui a trait aussi bien aux infrastructures qu’aux matériels roulants ou à l’exploitation, en vue d’un diagnostic partagé et un plan d’action. Cette démarche a d’abord été engagée sur le RER B Nord en 2002-2003, ce qui permettra à une première étape d’investissement d’être mise en œuvre à la fin de l’année. Le RER B Sud fera l’objet d’un schéma directeur à l’horizon 2013. Les RER C et D disposent déjà de ce schéma directeur, mais les réalisations concrètes se font attendre. Une première phase est prévue fin 2013 sur le RER D, mais elle ne sera pas suffisante. Quant au RER C, une première phase d’investissement semble s’esquisser, mais à l’horizon 2017-2019. Le paradoxe est que la ligne A, qui est la plus utilisée du réseau, n’a toujours pas son schéma directeur. Nous espérons qu’il sera finalisé cette année, afin que les investissements nécessaires puissent être engagés. Nous constatons donc que ces démarches restent insuffisamment avancées.

S’agissant du matériel roulant, le RER a pris un retard considérable sur les trains express régionaux (TER). Les nouvelles rames ne permettent que de remplacer le matériel le plus ancien, non d’accroître le parc, si bien que nous manquons de réserves de maintenance et de marges pour améliorer la desserte. C’est un vrai problème. Nous avons été à l’origine de la pétition de mai 2008 en faveur de l’acquisition de nouveaux matériels destinés au RER A. Les nouvelles rames constituent une première réponse, mais elles ne résoudront pas tous les problèmes de la ligne.

S’agissant des procédures et de la réglementation, certaines pistes méritent d’être approfondies. La procédure de l’alerte radio mise en œuvre en zone SNCF en cas de danger sur la voie est très lourde – la régulation doit appeler chaque train un par un avant de les autoriser à repartir – Une telle procédure est manifestement inadaptée aux zones très denses. On gagnerait ici à s’inspirer des exemples étrangers. De même, le traitement des bagages abandonnés peut avoir de lourdes incidences sur le trafic.

Enfin, la question de la gouvernance du système pose un vrai problème sur les RER A et B. La SNCF et la RATP n’ont ni la même culture d’entreprise, ni la même philosophie de l’exploitation. Les conditions de travail des conducteurs ne sont pas non plus les mêmes chez les deux opérateurs. En outre, la conduite des études sur le réseau national est peu efficace : non seulement les désaccords entre SNCF et RFF sont fréquents, mais la RATP n’est pas toujours de bonne volonté, et l’enjeu que représentent les dessertes provoque parfois des blocages politiques. Tout cela induit une lenteur extrême, tant dans la prise de décision que dans les réalisations.

Si quelques financements pour la rénovation et le renouvellement des matériels roulants ont pu être mobilisés, ils restent insuffisants. Ils sont d’ailleurs récents : le premier contrat Etat-région à prévoir des financements en faveur de l’amélioration du RER est le contrat 2007-2013. Nous disposons désormais d’un Plan régional de mobilisation pour les transports, ce qui constitue une avancée significative. Aucun financement ne semble cependant prévu pour le schéma directeur du RER A, pas plus que pour la deuxième phase du RER B. Autant dire que des inquiétudes subsistent.

M. Bernard Wentzel, président du Comité des usagers de la ligne B du RER. Après avoir plusieurs fois distribué des tracts sur les quais et des pétitions, nous avons rencontré la semaine dernière la Direction SNCF de Paris Nord – nous devions initialement être reçus par M. Pepy, mais il n’a pu se libérer. J’ai fait observer à nos interlocuteurs que les affichages signalaient que les travaux – en particulier à Sevran/Livry-Gargan – seraient terminés au 31 décembre. On nous annonce pourtant que ce ne sera pas le cas avant la mi-2012. Un retard considérable a été pris. Il est notamment dû au fait que les sociétés ayant remporté le marché n’avaient pas la capacité de soumissionner pour les travaux concernés ainsi qu’à l’affaire des rames « amiantées », qui a certes moins touché le nord que le sud de la ligne, mais a entraîné la suppression de dix rames – et donc des perturbations du trafic.

Comme sur la ligne A, nous dénonçons les insuffisances de l’information donnée aux voyageurs. Contrairement à ce qui est souvent avancé par la SNCF, les dysfonctionnements ne sont pas imputables aux mouvements sociaux. Il n’y a as eu plus de huit jours de grève en 2011 sur le tronçon nord du RER B, ce qui est loin de suffire à expliquer les perturbations quotidiennes ! On nous promet des améliorations. Mais si la ligne A bénéficie de nouvelles rames, la ligne B hérite des vieilles rames de la ligne A… Il est vrai qu’il n’est pas possible d’y faire circuler des rames à deux étages, les tunnels de la ligne de Sceaux – construite avant-guerre – n’étant pas conçus pour permettre leur passage.

Le comité des usagers de la ligne B de Sevran a été créé au moment de la mise en service des rames MI. Les pôles d’attache électroniques ne résistent pas aux températures inférieures à un degré. Les agents de conduite ont d’abord utilisé des sacs poubelle – aujourd’hui remplacés par des sacs de cuir – pour réduire le froid afin de permettre aux rames de partir… Bref, les MI ont été source de perturbations, dès l’origine.

Les lignes A et B connaissent peu ou prou les mêmes problèmes. La SNCF nous a fait de nombreuses promesses la semaine dernière. Mais les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Or les usagers en ont « plein le dos » – nous sentons poindre un vrai mouvement de révolte. Lorsque nous avons distribué nos tracts et fait signer nos pétitions il y a une quinzaine de jours de cela, certains étaient prêts à occuper les voies. Nous en sommes là ! Le Conseil régional et le STIF ont une responsabilité, mais l’État également car il n’honore pas tous ses engagements financiers, au risque de compromettre les investissements indispensables à l’amélioration de la circulation.

Vous trouverez dans le dossier que je vous ai remis deux lettres que j’ai rédigées l’an dernier. Elles évoquent notamment le doublement du tunnel entre Châtelet et la Gare du Nord que nous réclamons depuis longtemps, son creusement est inscrit dans une planification. Mais lorsque celui-ci sera achevé, les lignes D et B devraient avoir leur autonomie. La circulation en sera donc beaucoup plus fluide. Rappelons, en effet, que pour « améliorer » le trafic entre Gare du Nord et Châtelet, la SNCF a réduit, aux heures de pointe, la circulation de trois missions sur la ligne D qui n’était déjà pas un « cadeau » !

Mme Marie-Hélène Wittersheim, présidente du COURB. Le comité des usagers du tronçon sud du RER B – sur la branche de Saint-Rémy-lès-Chevreuse – existe depuis vingt ans. Il a toujours dialogué de manière constructive, dans le seul but de donner satisfaction aux usagers du RER B. La liste de leurs doléances n’a hélas cessé de s’allonger ces dernières années.

La ligne B est un axe stratégique pour les Franciliens, mais aussi pour les voyageurs de passage à Paris et les nombreuses entreprises qui sont implantées le long de son parcours. L’économie régionale et le rayonnement de notre pays reposent en partie sur cette précieuse ligne de RER, qui dessert les deux grands aéroports de l’Île-de-France, trois grandes gares de TGV à savoir Roissy, Massy et la Gare du Nord, mais aussi plusieurs hôpitaux, des centres de recherche de renommée internationale, de nombreux établissements scolaires ou d’enseignement supérieur, un centre national d’examens, de nombreuses entreprises privées et organismes publics, le centre touristique de Paris, le Stade de France, le Parc des expositions de Villepinte, le Parc Astérix, et nombre de communes non riveraines plus ou moins denses. Pourtant, elle n’a toujours pas de schéma directeur !

Les usagers souhaitent avant tout être considérés comme des clients et respectés comme tels, avec un service de qualité. Les points d’insatisfaction – dont la plupart ont déjà été mentionnés par les intervenants précédents – sont nombreux. Il s’agit en premier lieu des dysfonctionnements du service : irrégularité du trafic, allongement des temps de trajet, changements de desserte en cours de trajet, annulations impromptues de missions, changements de train inopinés, fins de ligne délaissées à la reprise du trafic suite à un incident dans le souci de faire remonter les trains vers Paris le plus rapidement possible.

L’information et la communication sont insuffisantes, voire lourdement défaillantes. La fréquence des trains l’est tout autant : elle n’a pas changé depuis de nombreuses années. Les usagers déplorent par ailleurs l’inconfort des rames. Nous sommes surpris de voir réduire le nombre de sièges dans les nouvelles rames, au moment même où l’âge du départ à la retraite augmente et où la population de grande banlieue connaît un fort accroissement lié à la flambée des prix de l’immobilier à Paris. Le parcours de la ligne est long de 80 kilomètres : l’incidence de cette diminution du nombre de places assises – à seule fin de pouvoir entasser plus de voyageurs dans les rames – est facile à imaginer.

La politique tarifaire est inadaptée : les prix à l’unité ou de gare à gare doivent être revus. Les usagers se plaignent également du manque de propreté des rames : ce n’est ni une bonne image de la France, ni un bon exemple pour nos jeunes.

La gestion des quais n’est pas toujours optimisée – nous en donnons des exemples dans notre contribution écrite. L’accessibilité aux handicapés et aux personnes munies de poussettes ou de valises est insuffisante. Des efforts ont déjà été faits dans certaines gares, mais il faut aller plus loin. L’accueil et les équipements dans les gares laissent parfois à désirer.

L’insécurité est un autre point noir : on enregistre encore trop d’agressions aux heures creuses. L’accès aux parkings aux abords des gares est largement insuffisant, et la tarification très hétérogène et parfois même prohibitive. Le maillage et les correspondances sont insuffisants. Il est vrai qu’à chaque nouveau maillage, il faut s’attendre à 30 % de fréquentation supplémentaire – ce qui n’est pas neutre. Le réseau est tellement saturé qu’il ne permet pas l’aménagement du plateau de Saclay tel qu’il est prévu au titre du projet du Grand Paris.

La ligne B est par ailleurs tributaire de nombreux conflits sociaux internes à la RATP.

J’évoquerai enfin, l’inadaptation des critères d’évaluation du service définis par le STIF, ainsi que les conséquences de l’entrecroisement des lignes B et D au niveau du tunnel de la Gare du Nord. L’autonomie des deux lignes est évidemment très attendue.

Nous appelons de nos vœux un service régulier et fiable, équivalent pour toutes les dessertes, y compris en bout de ligne, et une communication « en temps réel », accessible au moyen de tous les supports. Il importe également d’assurer la cohérence des départs de bus avec les arrivées de trains, même en cas de retard. Nous souhaitons des places assises et confortables pour tous, des rames propres et sécurisées, en nombre suffisant, ainsi que la réservation d’espaces d’affichage dans les gares pour les associations d’usagers, qui ne disposent aujourd’hui que du support internet. Les associations souhaitent aussi participer à l’élaboration du schéma directeur et tester les prototypes. La contribution du client dès la phase des études est une garantie de résultat.

Il faudrait d’autre part uniformiser à tous les transports d’Île-de-France le numéro d’appel d’urgence 3117.

Nous attendons également des progrès en matière de transparence et de publication des statistiques relatives au trafic et à la sécurité.

Ainsi, le COURB propose d’étudier, à nouveau, la possibilité de faire circuler des rames à deux étages sur la ligne B, d’installer des panneaux d’information dans les rames, et de soumettre les projets aux associations avant toute réalisation. Il suggère également de dédier les deux voies au RER B et de prévoir des solutions de retournement intermédiaire ou systématique pour les cas d’incident majeur, tout en respectant les terminus. En outre, il appelle à accélérer l’élaboration des propositions du schéma d’amélioration du RER B Sud et à supprimer les trains courts. Confier la totalité de la ligne à un seul opérateur nous semble également une piste intéressante. Dans le même ordre d’idées, nous préconisons la réalisation rapide du centre de commandement unifié de Denfert-Rochereau. Il faut donc moderniser la ligne, prévoir des trains et des conducteurs en réserve, développer les parkings gratuits pour inciter les habitants de grande banlieue à renoncer à la voiture, ainsi que les gares routières et donner une bonne information aux conducteurs de bus à l’arrivée des RER.

Il est urgent de rendre les transports en commun plus fiables, plus fréquents, mieux maillés et plus respectueux des passagers.

Notre association est reçue une à deux fois par an par la RATP. Même si ses demandes sont écoutées, nous avons le sentiment d’un certain immobilisme. Nos relations avec le STIF sont plus épisodiques. Nous sommes aussi en relation avec les autres associations présentes aujourd’hui, avec les élus des communes riveraines, avec l’Association des villes du RER B Sud et avec la presse locale.

Nous fondons de grands espoirs sur le relais que la commission d’enquête pourra assurer à notre désir de faire de nouveau du réseau express régional un service public apprécié de tous les voyageurs.

M. Marc Desjours, membre du conseil d’administration de CIRCULE. Notre association CIRCULE représente les usagers de la ligne C de l’Essonne. Cela va donc d’Athis-Mons jusqu’à Étampes et Dourdan, ce qui représente un certain nombre de gares. Nous éditons deux ou trois journaux par an, que nous distribuons à 11 000 exemplaires dans une quinzaine de gares. Nous sommes en liaison avec la SNCF et le STIF, les relations avec RFF étant plus délicates. Ces contacts nous aident néanmoins à comprendre certains dysfonctionnements. En effet, les priorités des uns et des autres ne sont pas toujours en adéquation. Nous participons du comité de ligne comme aux comités de gares. Nous avons par ailleurs édité des cahiers d’acteurs dans le cadre des débats publics sur l’interconnexion des lignes sud LGV et Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL). Le premier projet concerne essentiellement la gare d’Orly, située à la limite de l’Essonne. Le second nous intéresse, car le projet de deux fois trois voies permettrait d’améliorer la situation sur notre ligne. Bref, nous nous intéressons à tout projet susceptible d’améliorer les conditions de transport et la régularité sur la ligne C. Le nombre de voyageurs empruntant cette ligne augmente de 3 % par an depuis maintenant cinq à dix ans. Cette tendance devrait se confirmer pour les dix années à venir. En 2011, la SNCF parlait de 500 000 personnes transportées par jour ; nous devrions donc atteindre 675 000 dans dix ans. Au vu de la saturation du réseau routier et des prix de l’immobilier à Paris et en Petite couronne, nous estimons que le taux de croissance de 3 % prévu par le Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) a toutes les chances d’être dépassé.

Parmi les dysfonctionnements que nous souhaiterions voir corriger en priorité, je citerai la reprise du trafic après un accident de personne sur la voie ferrée. En pareil cas, la circulation est bloquée pendant une durée moyenne de deux heures, ce qui est très préjudiciable aux voyageurs.

M. Jean Maeght, membre du conseil d’administration de CIRCULE. Mon propos sur le RER C tient en trois points : vétusté, saturation et exploitation.

Le tronçon central du RER C, c’est-à-dire celui qui dessert Paris, est extrêmement vétuste. Depuis une vingtaine d’années, il fait l’objet, au cours de chaque été, de travaux qui entraînent des interruptions du trafic. Ceux-ci ont pour seul objet d’empêcher que la voûte ne s’effondre : il ne s’agit en aucun cas de rénovations. Les rails, les aiguillages et la signalisation connaissent régulièrement des avaries. En mars dernier, par exemple, un rail a cassé. La gare du Pont de l’Alma n’est plus conforme aux conditions de sécurité incendie. Pourtant, elle est toujours ouverte au public. Les aiguillages de Brétigny-sur-Orge datent de 1930. Les financements pour leur rénovation ont été obtenus, et RFF s’est engagé à réaliser les travaux, ce dont nous nous félicitons. Mais dans quels délais seront-ils faits ? Pour mémoire, les travaux de la sous-station électrique de Jouy-en-Josas, déclarés urgents en 2002, n’ont commencé, malgré les financements obtenus dès cette date, qu’en 2011. Nous avons un vrai problème avec RFF. Pour les aiguillages de Brétigny, nous avons donc pris le parti d’organiser des réunions hebdomadaires pour nous assurer que les travaux sont réellement effectués.

Alors que le trafic connaît une importante augmentation, la régularité ne cesse de se détériorer. Cela n’a évidemment rien d’étonnant, puisque le nombre de trains est resté le même. La SNCF elle-même concède que son objectif n’est pas d’améliorer la régularité sur la ligne, mais de contenir la baisse. C’est assez réaliste... En dépit des prévisions de croissance de trafic pour les dix prochaines années, aucun achat de train n’est prévu ! La seule solution proposée pour desservir le territoire de Seine amont - Ivry/ Vitry - , qui se développe, est de rendre omnibus les trains circulant dans le sens Essonne-Paris, qui sont déjà pleins, et verraient leur temps de trajet allongé. La bonne solution pourrait venir du projet POCL, qui prévoit la création d’une paire de voies supplémentaires, ce qui permettrait d’envisager une augmentation de 50 % du nombre de sillons alloués au RER C. La réunion de concertation a lieu ce soir à Orly. Notre association sera évidemment présente. Certes, le projet est à l’horizon 2025, mais il convient au moins de le saluer.

En matière de gestion des circulations, les pratiques et les outils d’aide à la décision de la SNCF sont archaïques, non seulement par rapport à d’autres opérateurs ferroviaires, mais aussi par rapport à des opérateurs d’autres secteurs tels que le contrôle aérien ou encore les domaines de l’assainissement. L’écran dont dispose le directeur de la ligne C lui permet de localiser les trains, mais non de voir s’ils sont en mouvement ou arrêtés. Pour le savoir, il lui faut « rafraîchir » l’application, sachant qu’il lui est interdit de téléphoner au conducteur – ce qui relève de la compétence de RFF. Les outils d’aide à la décision ne font d’ailleurs pas partie de la culture de la SNCF ; ils ne semblent susciter aucune curiosité chez ses agents.

Le principal défaut à corriger sur la ligne du RER C est à mon sens la vétusté du tronçon central. Nous accueillerions par ailleurs très favorablement la création d’une autorité de régulation dans le domaine des transports en commun. Celle-ci pourrait recueillir l’avis des opérateurs sur les innovations technologiques, comme le fait par exemple la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Songez que la culture de la SNCF ne lui permet même pas d’envisager l’équipement des rames en systèmes anti-collision, alors que les avions en sont pourvus depuis dix ans et que leur coût est bien inférieur à celui de la rénovation des matériels.

Trente trains par heure circulent sur le tronçon central du RER A. Ils ne sont que vingt-quatre sur celui du RER C, et ne devraient plus être que vingt à l’horizon 2025. Pour améliorer la fluidité, on préfère réduire le trafic plutôt que revoir le système de régulation. C’est à se demander si les problèmes de régulation n’aboutissent pas à sous-exploiter le réseau !

M. Bruno Defait, président de « Vivre sans CDG Express ». L’association « Vivre sans CDG Express » a été créée le 26 novembre 2001. Elle vient donc de fêter son dixième anniversaire. Son objet était de s’opposer au projet « pharaonique » du CDG Express, sous sa forme de tunnel. En août 2003, nous avons participé avec la FNAUT à la commission particulière du débat public sur ce projet. Nous avons obtenu l’amélioration du RER B sur sa partie nord – c’est le projet RER B Nord + – ainsi que l’abandon du projet CDG Express sous sa forme de tunnel au profit d’une circulation en surface. En 2004, nous avons participé à la concertation sur le projet RER B Nord +. Nous avons soutenu celui-ci, dont nous étions à l’origine, et qui reprenait nombre des propositions que nous avions formulées dans le cadre du débat public sur le CDG Express. Un seul aspect n’a pas été abordé alors : la nécessité d’une organisation unique de la gestion de l’infrastructure et des circulations sur la ligne, avec un poste de commandement unique, prioritaire à nos yeux. À cet égard, la ligne B du RER fait figure de caricature.

Entre 1983, où il a été décidé de creuser un tunnel pour permettre l’interconnexion de deux réseaux, et novembre 2009, la relève du conducteur s’effectuait à la Gare du Nord. Le conducteur de la SNCF arrivant à bord d’un MI 79 ou d’un MI 84 était remplacé par un conducteur de la RATP. Le système fonctionnait bien quand deux trains arrivaient en même temps des deux côtés, mais toute interruption du trafic dans un sens se reportait mécaniquement sur l’autre. Le même problème affectait la ligne A, à Nanterre préfecture. Des progrès sont intervenus : les conducteurs peuvent désormais conduire sur les deux réseaux, et leur remplacement peut intervenir dans différentes gares. Cela dit, trois acteurs interviennent toujours sur la partie sud. À partir de Gare du Nord, le réseau dépend de la SNCF. La responsabilité des aiguillages incombe à RFF, qui en assume la gestion à partir de différents postes. Les conducteurs des rames appartiennent à la RATP. En cas d’incident, l’information ne circule pas toujours correctement entre les trois entités. À cet égard, j’engage les membres de la mission à aller visiter, à la Gare du Nord, le poste où s’effectue l’interface entre la RATP et la SNCF. C’est tout à fait instructif !

Certains problèmes, comme la surcharge temporaire, sont récurrents. Quand on transporte 900 000, voire 1 million de voyageurs par jour, le zéro défaut est impossible. C’est précisément parce que les incidents – rails cassés, signaux d’alarme tirés, pannes diverses – font partie de la vie, qu’il faut prévoir des solutions sur différents points du réseau. Il est aisé de mettre place une installation permanente de contresens (IPCS), mais cela représente un investissement. À mon sens, la partie sud du RER devrait bénéficier d’un plan d’amélioration, sur le modèle du B + qui existe pour la partie nord. Mieux vaudrait cependant un plan global, puisque tout dysfonctionnement concernant une partie affecte nécessairement l’autre.

Les exploitants n’ont pas la même culture. Au sud, la grille horaire de la ligne B repose sur un rythme de douze minutes, et, au nord, de quinze. De même, la tension d’alimentation des motrices est de 20 000 volts en alternatif sur la partie SNCF et de 1 500 volts en continu sur la partie RATP. Le changement s’effectue à la Gare du Nord hors alimentation, opération qui n’est pas instantanée et s’effectue grâce à ce que les professionnels nomment un pantographe. Il vaudrait mieux qu’il y ait un seul gestionnaire d’infrastructure et que les installations techniques soient mises à niveau une fois pour toutes.

Au nord, les usagers de la ligne B subissent une double peine. Ils souffrent non seulement en cas de grève à la SNCF mais aussi quand les employés de la RATP suppriment l’interconnexion. Dans les deux cas, le fonctionnement se réduit de 60 %. Le nombre de voyageurs à l’heure chute de 30 000 à 13 000, et celui des trains de dix-neuf à huit. Si les usagers de la ligne B peuvent comprendre que le trafic soit impacté par les grèves de la SNCF, pourquoi devraient-ils subir celles de la RATP ? Lors de celles-ci, il arrive même que le trafic soit moins perturbé au sud qu’au nord du réseau ! Habitant la Seine-Saint-Denis, je regrette que ce département soit toujours sacrifié. Ce n’est qu’une question d’investissement. Il suffirait, pour améliorer le trafic, de permettre un retournement en gare souterraine. Il est vraiment urgent de mettre en place un gestionnaire unique pour l’infrastructure et l’exploitation sur la ligne B, car, contrairement à M. Pélissier, je considère que la SNCF, la RATP et RFF travaillent non pas ensemble mais chacun pour soi, sans grand souci de l’usager.

M. Cyril Langelot, président de « Ma ligne A ». Je représente une jeune association d’usagers, qui n’existe que depuis le mois de juin, et dont les statuts ont été déposés en décembre dernier. En entendant les représentants des autres associations, j’admire qu’ils puissent expliquer les dysfonctionnements du RER avec tant de professionnalisme, quand les employés de la RATP sont généralement incapables de délivrer la moindre information aux voyageurs.

J’insiste sur les conséquences des dysfonctionnements, en termes de santé ou d’emploi, sur la vie même de l’usager. Mesure-t-on le stress lié à l’impossibilité de prendre un train, voire à la difficulté de monter dans une rame où les voyageurs doivent s’entasser ? Si l’on améliorait les transports, le budget de la sécurité sociale serait moins sollicité. Des retards répétés – qui vont de quinze minutes à deux heures – ne sont pas non plus sans conséquences sur l’emploi. Le maire de Saint-Germain-en-Laye m’a expliqué que certains habitants quittent la ville, parce qu’ils ne peuvent pas se fier au RER. Quand un usager oublie de valider son ticket, il s’expose à une sanction, au motif qu’il n’a pas respecté son contrat, mais quelle sanction encourent la RATP et la SNCF quand elles n’honorent pas le leur ?

M. Rémy Pradier, président de l’association SaDur. Chaque association tente d’apporter sa pierre à l’édifice. SaDur (Soutien associatif des usagers révoltés), créé en 2005, milite pour une amélioration de l’ensemble de la ligne D. Nous voulons dépasser les situations locales pour examiner le problème de manière globale ; notre but n’étant évidemment pas d’opposer les usagers entre eux.

Actuellement, l’état de la ligne est catastrophique. En 2011, le taux d’irrégularité a atteint 34 %, sur la base des 12 000 relevés saisis sur D-collector, un outil propre à notre association. En d’autres termes, plus d’un train sur trois est arrivé avec un retard de plus de cinq minutes ou a été purement et simplement supprimé. Un dysfonctionnement sur cinq est une suppression, ce qui signifie que la SNCF ne respecte pas ses obligations d’offre.

Diverses causes ont été citées : infrastructures, matériels, accidents de personnes. Elles résultent globalement d’un manque chronique d’investissement depuis la mise en service du tunnel entre Châtelet et Gare de Lyon, en 1995. Les infrastructures n’ont pas été mises à niveau et la maintenance du matériel n’a pas été assurée, ce qui explique le grand nombre de crises survenues en 2011. C’est d’autant plus grave que le RER D est le seul mode de transport en commun qui permette de gagner Paris. Face aux incidents répétés, l’usager ressent un sentiment d’impuissance qui l’épuise. Il n’a plus confiance en l’exploitant de la ligne, la SNCF en l’occurrence. D’ailleurs, si nous avons construit notre propre système de collecte des relevés, c’est parce que notre ressenti ne correspondait pas aux chiffres présentés par celle-ci et par le STIF. Nous préférons consulter les usagers sur les retards et compiler leurs témoignages sur une année.

M. Pélissier a évoqué les schémas directeurs de ligne. Pour le RER D, la seconde phase sera mise en œuvre dans deux ans, mais il y a plus de sujets d’inquiétude que de perspectives d’amélioration. Au sud de la ligne, les temps de parcours seront allongés. Des trains venant de la Grande couronne, déjà pleins quand ils arrivent en Petite couronne, seront amenés à s’y arrêter. Que se passera-t-il ? Les usagers de Grande couronne mettront plus de temps pour gagner Paris et ceux de Petite couronne ne pourront pas toujours monter dans ces trains ! En un an, l’allongement du parcours représente l’équivalent d’une semaine de travail.

Depuis dix ans, la fréquentation du RER D a augmenté de 50 %, pour atteindre 550 000 à 580 000 usagers par jour. C’est là une tendance lourde. Or la SNCF n’est pas en mesure d’augmenter le nombre de trains avant huit ans. Celui-ci n’évoluera pas entre 2013 et 2025, quel que soit le nombre de voyageurs, alors même que les trains sont déjà pleins bien avant d’atteindre les points de jonction.

Tous les projets d’aménagement de la ligne D sont réalisés a minima. À la gare de Pompadour (Val-de-Marne), qui accueillera 30 000 personnes par jour, on prévoit un quai central de moins de six mètres de large. En contrepartie, on fermera la gare de Villeneuve Prairie, qui accueille moins de 1 000 voyageurs par jour mais dispose de deux quais. Cherchez l’erreur ! Autre exemple : dans la gare Le Vert de Maisons (Val-de-Marne), on prévoit une correspondance entre le RER D et le réseau Grand Paris Express. Or cette gare, qui comporte un quai central, est difficilement aménageable : les six voies de circulation sont en remblai, et les environs sont déjà construits. On prévoit d’y arrêter des trains Transilien, pour permettre aux voyageurs venant de Melun d’accéder au réseau du Grand Paris. Il faudrait, non seulement élargir le quai central, mais aussi ajouter des quais pour les voyageurs de la ligne R. Malgré nos appels à la Société du Grand Paris et nos Cahiers d’acteurs, on s’obstine à organiser la correspondance dans un endroit qui ne s’y prête pas. D’ailleurs, on ne parle plus d’améliorer le RER D, mais de le remettre à niveau. Il s’agit seulement de limiter le nombre de retards.

Il résulte des schémas directeurs à plus long terme que les temps de parcours envisagés seront allongés. La ligne D dessert des territoires de la Grande couronne. De Sénart, Goussainville ou Corbeil, il faut trente à quarante minutes pour rejoindre Paris. Si ce temps s’allonge de cinq ou dix minutes, il sera très pénalisant de travailler dans Paris. Il faut absolument veiller, quitte à réorganiser la ligne, à ce que les temps de parcours n’augmentent pas.

Je terminerai par trois suggestions.

La première a trait à la continuité du service. Quand un train tombe en panne sur la ligne D, il n’existe pas d’autre solution que de l’emmener du terminus à Paris pour qu’il change de sens. Il serait bon de profiter des nouveaux réseaux – Grand Paris Express au sud, Tangentielle nord – pour amener les voyageurs jusqu’à une correspondance, et pour mettre en place des systèmes d’aiguillages permettant aux trains de repartir dans l’autre sens. Pendant ce temps, sur la partie non perturbée, les trains pourront continuer à circuler. Il est essentiel que le système soit robuste, mais il doit aussi être fiable quand surviennent des perturbations, sur lesquelles les schémas directeurs font toujours l’impasse.

Les trains à deux étages qui roulent sur la ligne D ont été conçus il y a quarante ans, alors que le nombre de voyageurs a doublé en dix ans. De ce fait, les temps d’arrêt à quai s’allongent, surtout au nord de la ligne : à Sarcelles, il faut compter une minute pour la descente et une autre pour la montée. Si l’on veut réduire le temps de parcours, des wagons à trois portes, comme ceux qui circulent sur la ligne A, sont nécessaires. Arriveront-ils avant 2030 ? Nous nous interrogeons

Le dernier point intéresse le législateur : il faut revoir la réglementation ferroviaire. Quand une alerte radio survient en Île-de-France, le trafic s’interrompt pendant une demi-heure, car le régulateur doit faire repartir les trains un à un. Ce qui est peut-être acceptable donc supportable sur le réseau du Cantal, ne l’est pas en Île-de-France ! Le système doit être remis à plat pour que toute évolution soit enfin synonyme d’amélioration.

M. Jean-Claude Delarue, président de la Fédération des usagers des transports et des services publics (FUT-SP). Je souscris pleinement à tout ce qui vient d’être dit. On s’émeut parce qu’un grand bug est survenu récemment sur la ligne A, mais les voyageurs souffrent tous les jours de pannes, d’incidents techniques, de retards ou de suppressions de trains. Dans les wagons, les voyageurs sont serrés comme des sardines. Les temps de trajet s’allongent.

Les causes sont pourtant connues. Les pouvoirs publics font preuve d’une négligence coupable quand il s’agit de moderniser les infrastructures ou les matériels roulants. Leur gestion pèche en outre par une réelle absence de coordination.

À quoi servent les concertations organisées au niveau d’une région, d’une gare ou d’une ligne ? J’ai sous les yeux un document signé en 2010 par les « députés de la ligne D », issus aussi bien de l’UMP que du parti communiste. Plusieurs siègent d’ailleurs dans votre Commission d’enquête. Ils savent ce qu’il est ressorti de la concertation sur le projet de réseau de transport public du Grand Paris et le Projet Arc Express. C’est la clé du problème. Que faire pour convaincre les responsables de prendre des décisions afin de moderniser le réseau et de réduire le déséquilibre entre l’habitat et l’emploi ? Quels choix faut-il faire pour CDG Express et pour le Grand Paris ? Le métro automatique permettra-t-il d’améliorer la situation à long terme ?

Un mot, enfin, sur la sécurité. Il y a quelques semaines, un viol a été commis sur la ligne C, au sud de l’Essonne. Ne faudrait-il pas envisager le retour des contrôleurs dans les trains. Nous espérons tous que la concertation que vous ouvrez sera suivie d’effets, pour que les usagers ne soient plus des STF, c’est-à-dire des « Sans-transport-fiable ». !

M. Pierre Morange, rapporteur. Après des exposés aussi exhaustifs, on n’ose formuler des vœux pour 2012, tant la situation que vous avez décrite impose la prudence. Toutefois, j’ai sollicité la création d’une commission d’enquête, au vu du rapport de la Cour des comptes de novembre 2010, en espérant que, grâce aux pouvoirs qui lui sont attachés, elle pourra améliorer les choses. Après notre président, je rappelle à mon tour que notre démarche ne relève d’aucune instrumentalisation électorale. Nous cherchons seulement à avancer, de manière pragmatique, dans un domaine où les positions s’exaspèrent.

Nous avons souhaité vous accueillir en premier lieu ceux qui connaissent cette « galère ». Votre témoignage et les documents écrits que vous nous remettrez nous permettront de faire pression sur les responsables que nous auditionnerons. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir quelles réponses ils vous ont fournies, pour éviter que des acteurs qui ont apparemment du mal à travailler ensemble ne se renvoient la balle au cours des auditions.

Que pensez-vous de l’attribution des sillons au fret par RFF et de l’interaction des lignes avec celles du TGV ? Celle-ci crée-t-elle un effet domino ? Que faire pour que les études de qualité reflètent davantage la perception des usagers ? Êtes-vous en contact avec des associations d’usagers de pays étrangers ? Des promesses vous ont-elles été faites ? Comment se sont-elles , à ce jour, concrétisées ?

M. Marc Desjours (association Circule). Il y a moins d’un mois, RFF nous a répondu que l’obligation de faire passer du fret interdisait d’allonger l’heure de pointe du soir, par exemple à Juvisy-sur-Orge, où circulent 50 000 voyageurs par jour. Cette interdiction réduit considérablement les fréquences à partir de dix-neuf heures, où ne circulent plus que des trains « courts », nécessairement bondés, puisque beaucoup de gens rentrent chez eux assez tard.

Cet argument de RFF n’est pas recevable. On peut expliquer au régulateur de Bruxelles que le fret ne peut pas circuler à certaines heures. Le réseau d’Île-de-France est peut-être plus dense que celui d’autres métropoles européennes. Le fret doit pouvoir rouler le week-end ou la nuit. Il suffit d’imposer pour les matériels roulants une réglementation anti-bruit, comme il en existe pour les avions. En tout cas, le fret ne doit pas être prioritaire sur les usagers.

Mme Simone Bigorgne (FNAUT Île-de-France). À l’exception de Paris et de l’est de la ligne A, le RER circule sur un réseau dont l’origine remonte au XIXsiècle ; il est utilisé par les grandes lignes et le TGV. Au Raincy, les quais étant très étroits, il arrive que le TGV circulant à vive allure frôle les passagers du RER E, ce qui pose un problème de sécurité.

Par ailleurs, le doublement du pont de Nogent, soit en surface, soit en souterrain, est une nécessité. Ce qui a été fait pour la route doit l’être aussi pour le train. Il n’est pas normal qu’au-delà de Villiers-sur-Marne, qui n’est qu’à dix-neuf kilomètres de Paris, des villes de 25 000 habitants ne soient desservies que toutes les trente minutes, en dehors de la période de pointe, limitée à une heure.

Vous nous avez interrogés sur nos liens avec l’étranger. L’Association des usagers des transports (AUT) fait partie de la FNAUT, elle-même membre de la Fédération européenne des voyageurs (FEV), créée il y a onze ans à son initiative. Celle-ci regroupe une trentaine d’associations et une quinzaine de pays, dont certains d’Europe de l’Est. Cette fédération n’est pas riche, mais elle est très active. Son siège est à Bruxelles, et elle est présente auprès des instances européennes.

M. Rémi Pradier (association SaDur). La mixité des trafics pose effectivement des problèmes en cas de perturbation. Récemment, lors d’une panne sur la ligne D, on nous a expliqué qu’on ne pouvait pas utiliser un train de grande ligne, de peur de le mettre en retard. Pourtant, mi-décembre, quand une caténaire avait été arrachée sur une voie, au nord du réseau, un train de grande ligne a circulé sur les voies du RER D. En somme, pour gérer un incident sur une grande ligne, on n’hésite pas à retarder les voyageurs du RER, qui paient pourtant un abonnement mensuel. D’ailleurs, la SNCF subit une sanction quand un train de grande ligne a plus d’une demi-heure de retard. Les usagers de l’Île-de-France ne connaissent pas ce type de compensation.

M. Bruno Defait (association Vivre sans CDG Express). Les problèmes de la ligne B tiennent en partie à la mixité du RER, du fret, des TER et de quelques grandes lignes. Ainsi, sur la branche qui dessert Mitry-Claye, les mêmes voies accueillent le TER, le fret, les grandes lignes et le TGV. La SNCF a effectué depuis peu une révolution culturelle en substituant le cadencement à la desserte horaire. Alors que tel train passait à huit et à vingt-huit, il passe désormais toutes les vingt minutes. De ce fait, le RER B qui circule du sud au nord est stoppé, pour laisser la priorité à d’autres trains. Parmi nos propositions pour le RER B + figure celle qui vise à ce que le RER roule sur des voies dédiées. C’est déjà le cas sur la partie nord de la ligne, où circulent sur quatre voies des trains omnibus, condition sine qua non pour fiabiliser la circulation et diminuer le temps d’attente, même si elle allonge un peu le temps de transport.

Actuellement, vingt trains circulent pendant l’heure de pointe matinale, soit cinq trains par quart d’heure. À Aulnay-sous-Bois, qui est une gare importante, trois partent pratiquement en même temps de quais différents, tout comme deux autres trains, sept minutes plus tard. L’usager a le choix : s’il veut arriver tôt, il prend le plus rapide ; s’il tient à voyager assis, il choisit celui qui démarre d’Aulnay.

On nous a fait des promesses, dont nous espérons qu’elles seront tenues. Pour l’heure, nous avons les pieds dans la boue, puisque des travaux importants ont été engagés. Ils s’achèveront en novembre. Cela dit, l’État nous a fait perdre un an, en refusant de transférer des compétences et des financements à la région. De ce fait, nous ne verrons que cette année des améliorations qui auraient pu intervenir en 2011, pour le dixième anniversaire de notre association. Certaines décisions auraient même pu être prises dès 1983 ! Quoi qu’il en soit, la principale urgence est le commandement et la gestion uniques de la ligne.

Mme Annick Lepetit. Les représentants des associations que nous venons d’entendre connaissent parfaitement le sujet Je salue leur attention aux usagers. Notre mission est de les écouter, avant d’auditionner les responsables des organismes publics, notamment de RFF, de la SNCF et de la RATP. Tous ceux qui se penchent sur les transports en Île-de-France en viennent au même constat : les usagers demandent plus de considération et d’information, même si des progrès ont été constatés sur certains réseaux.

Les associations ne sont pas si nombreuses, compte tenu de l’importance des problèmes, dont certains se posent depuis des décennies, et du fait qu’aucun gros investissement ne soit intervenu dans les transports publics en Île-de-France depuis les années quatre-vingt. Cela alors même qu’on incite les Français à utiliser davantage les transports en commun. Les élus sont conscients que la responsabilité politique est cruciale. Par ailleurs, les entreprises publiques doivent mieux travailler ensemble.

La mission formulera des propositions à court, moyen et long terme, en hiérarchisant les projets et les investissements. Il faut prendre en compte les causes des dysfonctionnements – vétusté du matériel, management archaïque – et en tirer des conséquences, notamment sur l’information aux voyageurs et les projets à mettre en place. La Cour de comptes a souligné que le coût des transports en commun, qui accueillent de plus en plus de voyageurs, est plus élevé de 20 % en Île-de-France. Pour l’instant, la concertation a été menée dans le cadre d’enquêtes publiques. Si elle a alimenté de nombreux débats sur le Grand Paris Express ou le RER E, elle a peut-être occulté les problèmes liés à la vétusté du réseau et au manque d’investissements.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Defait a expliqué que la mise en place du cadencement a conduit la RATP à supprimer sur la ligne B sud certains omnibus et certains arrêts de trains, de façon à fluidifier le trafic. De quelles informations avez-vous disposé pour anticiper le phénomène ? Cette réforme a-t-elle eu un impact sur la régularité ? Quelles explications les opérateurs vous ont-ils données à propos des retards pris dans l’aménagement des rames « amiantées » et le changement de rames ?

Mme Eva Sheldrick, vice-présidente du comité des usagers du RER B en Vallée de Chevreuse. Aucune !

Mme Françoise Briand. Je vous remercie d’avoir tous répondu à l’invitation de notre commission d’enquête qui, je l’espère, parviendra à régler une partie des problèmes que vous rencontrez. Je suis particulièrement attentive aux aléas sur les lignes C et D puisque la gare de Juvisy-sur-Orge, qui voit passer 54 000 passagers par jour, est située dans ma circonscription. Je fais partie des « Élus de la ligne D » et de ceux de la ligne C qui ont auditionné successivement RFF, la SNCF et la RATP, mais il est vraiment très compliqué de faire avancer les choses. Je souhaite que les tables rondes qui vont être organisées par notre commission permettent enfin de rendre les conditions de transport plus favorables.

La presse a traité le passage au cadencement de façon très alarmiste, bien que je n’aie pas eu l’impression qu’il ait aggravé vos problèmes.

M. Henri Plagnol. J’ai été frappé du sérieux et de la modération dont vous avez fait preuve dans le constat très critique que vous avez dressé, ce qui ne peut que confirmer le bien-fondé de notre commission d’enquête. Vous lui fournissez ainsi une grille d’analyse pour les prochaines auditions, en distinguant l’amélioration indispensable à très court terme, de la gestion de crise qui passe par un commandement unique, la mobilisation des nouvelles technologies – à cet égard, l’analogie avec le transport aérien m’a paru très intéressante – et l’information des usagers.

À moyen terme, il faudra avoir le courage de dire ce qui est possible et ce qui ne l’est pas en termes d’investissements. La priorité des priorités doit, à première vue, consister à désengorger le cordon central, ce qui se révèle extrêmement difficile. Sur ce plan, les enquêtes publiques doivent bien mesurer l’impact du futur réseau du Grand Paris. Il devrait soulager le réseau mais il risque aussi de créer des besoins nouveaux, notamment aux interconnexions. La cohérence devra également être recherchée entre le RER et le réseau des TER, ainsi qu’entre les différents modes de transport. Ce sont des pistes utiles pour la suite de notre réflexion.

Enfin, maire de Saint-Maur, une ville qui compte quatre gares du RER A, j’insiste sur l’importance de mesurer également l’effet des nouvelles rames, de plus grande capacité. Il faut s’interroger sur la possibilité d’accélérer les livraisons, même si d’autres lignes ne peuvent pas en bénéficier, à cause notamment des infrastructures. M. Delarue a soulevé la question de la répartition entre l’emploi et l’habitat, à laquelle les élus de l’est de l’Île-de-France sont extrêmement sensibles. Aucun progrès ne sera possible si l’on continue à implanter les logements à l’Est et les emplois à l’Ouest.

M. le président Daniel Goldberg. Au moins ce point fait-il l’unanimité autour de cette table.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous décrivez, les uns et les autres, avec beaucoup de sérieux et même de sérénité une situation pourtant très dégradée. Les projets grandioses augurant un avenir radieux qu’évoquent depuis quelques mois les pouvoirs publics ne nous empêchent pas de nous interroger sur la façon dont nous allons passer les dix ans qui viennent. Nous devons en priorité faire preuve de pédagogie pour exposer, calendrier prévisionnel et tableau de financement à l’appui, les choix politiques et démocratiques à venir, pour éviter la confusion qui règne dans le débat public.

Le plan régional de mobilisation pour les transports entendait mettre l’accent sur le système existant du RER, mais des échos contradictoires me conduisent à m’interroger sur la mise en œuvre et le financement avec les contraintes qui pèsent sur l’exploitation quotidienne. À en croire certains experts, le débat autour du grand métro, qui a largement donné la parole à la SNCF et la RATP, aurait laissé de côté des solutions plus simples et plus pratiques, parfois moins chères. Et je me demande si le projet n’est pas géré « à la française », c'est-à-dire en privilégiant des solutions à très haute technologie – tunnels supplémentaires, métros automatiques,… – remarquables à bien des égards, à l’image des ingénieurs qui les conçoivent, mais au détriment d’un réalisme indispensable. Nos ingénieurs ne pourraient-ils pas trouver certaine astuces pour améliorer la situation plus rapidement et pour moins cher ? Un de nos éminents collègues visitant le RER E avec l’un de ses adjoints, un ancien de la SNCF, s’est rendu compte qu’il suffirait, à la gare Saint-Lazare, de casser un mur et d’installer un escalier mécanique pour faciliter considérablement la correspondance pour La Défense. En dépit de la rupture de charge, toujours désagréable, qu’une telle option impliquerait, elle faciliterait considérablement la vie des voyageurs pour une bonne dizaine d’années et tout au plus quelques dizaines de millions d’euros. Il faudrait, avec votre aide également, « passer les projets à la paille de fer » dans un souci de sobriété, qui est nécessaire par les temps qui courent.

M. Arnaud Richard. Il est suffisamment rare que je sois en plein accord avec M. Le Guen pour le souligner ! Je partage également l’état d’esprit de notre rapporteur même si la tentation est forte de politiser le dossier à l’approche d’échéances importantes. Je ne me sens le député d’aucune ligne de RER car nous ne sommes pas là pour défendre telle ou telle partie du territoire : toute la nation est concernée car l’enjeu n’est rien de moins que le développement de l’Île-de-France qui est un facteur de croissance de notre pays.

Beaucoup de projets sont dans les cartons, et les arbitrages promettent d’être délicats, entre des acteurs qui ont toute leur légitimité, et qui font, sauf exception, plutôt bien leur travail, même si ça ne marche pas vraiment. En outre, ils sont de plus en plus nombreux : il y avait la SNCF, la RATP et RFF ; il y a maintenant la Société du Grand Paris, les opérations d’intérêt national (OIN), les établissements publics administratifs, les contrats de territoire, Paris Métropole… Sera-ce un gage d’efficacité ? On a mis « la charrue avant les bœufs » en n’osant pas régler la question de la gouvernance… Il va falloir trouver un chef de file, mais je ne crois nullement au grand soir, ni dans ce domaine, ni dans d’autres. Il faudra du temps pour être efficace. Nous sommes dans un monde d’interconnexion et d’échanges, ce qui n’exclut pas la concurrence. Et, comme M. Le Guen, je suis consterné de voir que personne n’est capable, sinon les associations d’usagers,… d’imaginer des solutions pragmatiques qui feraient pourtant gagner beaucoup de temps. Nos circuits de décision ne contribuent-ils pas à fabriquer de la complexité ?

Je me demande aussi si nous n’aurions pas intérêt à nous pencher sur la totalité du réseau de l’Île-de-France car il n’est pas entièrement exploité. Ce sont souvent les associations d’usagers qui suggèrent de remettre en service des sillons anciens, hypothèse qu’écartent systématiquement les acteurs historiques.

M. le rapporteur. Vos remarques constituent autant de justifications de notre commission d’enquête. Elle dispose d’un droit de suite qui sera bien utile, compte tenu du délai assez court qui nous est imparti, puisque, pour que la représentation nationale reste dans le registre « pratico-pratique » et conserve sa crédibilité, il faudra que les uns et les autres tiennent leurs engagements.

La gestion de crise a montré, lundi dernier encore, ses insuffisances criantes. N’en oublions pas pour autant les incidents quotidiens. Le système de bonus malus analysé par la Cour des comptes ne constituant en rien un aiguillon stimulant pour les transporteurs, que pensez-vous de sa proposition de porter l’incitation financière versée par le STIF aux opérateurs à 5 % de leurs ressources ?

Enfin, en tant que député de Saint-Germain-en-Laye, je voudrais savoir si le doublement en heures creuses sur les branches de Poissy et Cergy à l’extrémité ouest de la ligne A se fait sentir sur le tronçon central, et par voie de conséquence sur la branche de Saint-Germain-en-Laye.

M. le président Daniel Goldberg. Un dernier tour de table.

M. Cyrille Emery, vice-président de l’ADURERA. Dans notre contribution, vous trouverez la photo d’un panneau d’affichage. Rien que de très banal en apparence, mais elle mérite d’être examinée de près. On apprend ainsi que le prochain train à destination de Saint-Germain-en-Laye partira à 19 h 02 et qu’il faudra attendre le suivant une demi-heure. En théorie, il pourrait y avoir dix trains par heure : la capacité est d’un train toutes les deux minutes pour les trois branches. Pendant cette demi-heure, passeront deux trains qui s’arrêtent au Pecq, soit une station avant. Pourquoi y a-t-il deux fois plus de trains qui desservent Le Pecq – 16 000 habitants – que Saint-Germain – 43 000 habitants – alors que l’on y trouve sept voies de garage qui ne servent plus du tout depuis cinq ans ? On pourrait y entreposer des rames qui seraient prêtes à repartir. Il faudra poser la question à l’exploitant.

Deuxième remarque : toujours pendant cette demi-heure, sept rames sont passées à Auber. Dans la demi-heure qui a suivi, il y en a eu sept autres, soit quatorze rames en heure de pointe. La RATP se vante pourtant de pouvoir aller jusqu’à trente trains par heure. Si seulement elle y arrivait ! Pourquoi est-elle à la moitié de ses capacités ? Avant d’envisager des milliards et des milliards d’investissement, ne pourrait-on pas commencer par respecter les objectifs actuels du service public pour lequel la RATP est rémunérée alors qu’il n’est pas assuré ?

M. Frédéric Linares (association ADURERA). Une rame est amortie sur une durée de quarante à cinquante ans. Les opérateurs hésitent donc légitimement à remplacer celles qui arrivent à mi-vie ou qui ont été rénovées depuis 2005. Peut-être faudrait-il réduire la durée d’amortissement pour pouvoir les changer plus souvent, au bout de vingt ou trente ans.

M. Jean Maeght (association CIRCULE). Pour répondre à Mme Françoise Briand, l’association CIRCULE a de bonnes relations avec la SNCF, surtout : les réunions sont régulières et nous pouvons poser des questions. Les informations qui nous sont données sont diffusées dans notre journal.

Concernant le cadencement mis en place en décembre, il aurait pu être l’occasion de revoir la grille horaire et d’améliorer les correspondances par exemple. Or la SNCF s’est contentée de communiquer sur l’absence de dégradation du service. Il est tout de même surprenant qu’elle n’arrive pas à résoudre un problème certes compliqué, mais purement mathématique. Il suffirait d’une équipe de recherche opérationnelle d’une vingtaine de personnes, comme il en existe chez Air France par exemple, pendant quelques années. Mais la SNCF n’en a pas. Elle souffre d’un réel déficit de compétences dans les nouvelles technologies. Le changement d’horaires s’est plutôt bien passé en décembre, mais je reste très critique sur la gestion de la grille horaire car nous sommes en droit d’attendre mieux.

Nous constatons que le niveau de compétence des responsables de la ligne C s’améliore. L’époque où on commençait sa carrière dans les trains de banlieue et où on finissait dans les TGV est révolue. C’est une avancée, mais les problèmes d’infrastructure du RER C demeurent : le tronçon central est sur le point de s’effondrer et nous attendons la troisième paire de voies qui pourrait voir le jour avec la ligne POCL.

Si vous auditionniez la RATP en même temps que le directeur de la ligne C, il pourrait sans doute faire des suggestions en matière d’information, au bénéfice quasi immédiat des usagers des lignes A et B.

M. Jean-Claude Jurvillier, vice-président de COURB. À propos de l’amiante, l’information de l’exploitant a été très tardive. Les premiers renseignements nous ont été fournis par un syndicaliste… On a l’impression que la montagne va accoucher d’une souris. D’après ce que nous savons, les analyses n’ont détecté que très peu de particules d’amiante. N’a-t-on pas fait preuve d’un zèle inégalable dans l’application du principe de précaution, sans en mesurer les conséquences pratiques ? Le retard pris dans la rénovation des rames n’est toujours pas connu.

Comment croire aux projets que l’on nous annonce, comme celui du Grand Paris Express, alors que le maire de Massy a toutes les peines du monde à savoir pourquoi la construction de la passerelle a pris un an et demi de retard ? Quand les projets n’ont que cinq ans de retard, on est content ! Et, chaque fois, on nous représente les projets ajournés comme s’il s’agissait de quelque chose de nouveau… Comment faire confiance à la parole politique quand, dix ans plus tard, on n’a toujours rien vu venir ?

Nous n’avons pas été informés directement des changements d’horaires, et nous ne sommes pas en mesure d’en évaluer les conséquences sur la ligne B Sud. A priori, le cadencement n’a pas eu un impact direct sur le RER B.

D’après ce que nous ressentons, la RATP et la SNCF ont l’habitude de régner en maîtres, malgré la montée en puissance du STIF. Elles continuent de travailler selon leur logique interne, sans trop se préoccuper du sort de l’usager. Les entrées et l’accessibilité des gares et des quais, par exemple, sont revues dans leur intérêt exclusif.

M. le rapporteur. D’où l’intérêt de vous auditionner en premier, afin de placer les préoccupations des usagers au cœur de nos travaux.

M. Jean-Claude Jurvillier. D’ailleurs, le STIF n’obtient pas les données relatives au trafic ou à la fréquentation, si ce n’est pas prévu au contrat. Il s’agit pourtant de transport public ! Par ailleurs, les données relatives à la sécurité sont totalement inaccessibles et c’est tout à fait anormal.

La politique de contrôle est du ressort exclusif de la RATP et les usagers n’ont rien à dire. Tout voyageur en situation irrégulière est considéré d’emblée comme fraudeur : il doit commencer par payer et faire une réclamation ensuite. Il y a pourtant des cas où les anomalies sont dues au retard des travaux, comme c’est le cas de la passerelle de Massy notamment.

Autre sujet de discussion : le choix des tourniquets couplés à un portillon qui se referme derrière le voyageur. Si vous empruntez le métro ou le RER, vous constaterez par vous-même le nombre de personnes coincées à cause d’une valise ou d’une poussette. Là encore, c’est l’opérateur qui décide. Des pays étrangers ont fait des choix différents.

S’agissant d’information, les radios comme France Inter donnent tous les matins des indications sur les embouteillages partout en France, mais ne disent rien des problèmes du RER qui est emprunté par des centaines de milliers de passagers. Il faut reconnaître qu’elles n’ont pas accès à des informations que les opérateurs se gardent de diffuser pour éviter toute contre-publicité. Et je ne suis pas loin de penser que si les problèmes avaient été mieux connus, on n’en serait peut-être pas arrivé là.

Enfin, la RATP est très habituée au trafic urbain et la SNCF au trafic des grandes lignes et elle a du mal à s’adapter à d’autres conditions de circulation.

M. Bernard Charpenet, secrétaire du COURB. Les dédommagements versés par les opérateurs ne reviennent que très rarement, et chichement, aux victimes. La pratique devrait être plus courante.

Même les lignes qui circulent sur des lignes dédiées, comme le sud de la ligne B, sont affectées par ce qui se passe sur les sillons mixtes partagés entre le fret, les transports urbains et les TER. Mais le problème est en train de se résoudre.

Autre difficulté : les connexions entre lignes, par exemple à Massy-Palaiseau. Passer d’une ligne à l’autre est compliqué alors que les incidents obligent les voyageurs à de tels reports. De plus, la ligne C à Massy n’est pas bien desservie, le soir surtout.

M. Bernard Wentzel (comité des usagers du RER B). S’agissant des travaux au nord de la ligne B, la direction de Paris-Nord a oublié pendant un long moment qu’il y avait un comité d’usagers. Lors d’une séance de la commission nationale du débat public qui s’est tenue à Sevran, j’ai rencontré la directrice de la ligne B 3. Depuis, les contacts sont renoués et c’est de cette source que je tiens le nombre de jours de grève sur la ligne en 2011. La direction de Paris-Nord nous a dit la semaine dernière qu’elle allait essayer d’obtenir que le malus au titre de ce tronçon soit restitué, plutôt qu’au STIF, aux usagers de la ligne B Nord exploitée par la SNCF. Aux autres associations de négocier la même chose auprès de la RATP !

Les banlieusards du RER qui veulent descendre dans une de ses stations parisiennes, c’est mon cas, par exemple, qui vais de Sevran à Gare du Nord, doivent payer un ticket RATP qui ne permet même pas de prendre le bus. La direction nous a expliqué que, dans le cadre d’une enquête d’utilité publique, 80 % des Franciliens avaient donné leur accord ! De qui se moque-t-on ?

Pour connaître les horaires d’été, les travaux prévus, j’ai dû « partir à la pêche » à la Gare du Nord. Comme d’Aulnay jusqu’en amont de la ligne, l’information n’était pas passée, j’ai personnellement informé la guichetière qui a appelé ses collègues de Mitry et de Tremblay. À quoi sert donc le chargé de communication ? C’est un raté parmi d’autres… J’ai aussi demandé à la SNCF et à la RATP d’informer des accidents de voyageur qui bloquent la circulation pendant deux heures au moins, de façon à ce que l’usager qui attend sur le quai de la gare sache à quoi s’en tenir. Il paraît qu’il n’est pas possible de mettre une affiche… À cette occasion, j’ai d’ailleurs appris que la régie publicitaire de la SNCF faisait payer l’affichage à sa maison mère. Les décisions imposées aux gens du terrain viennent d’en haut, d’importants personnages qu’on ne voit jamais.

M. Bruno Defait (association Vivre sans CDG Express). Le blocage de lundi dernier n’a fait qu’illustrer l’absence de gestion de crise : rien n’est prévu, ni plan A, ni plan B, pour parer aux incidents. Or il y en aura toujours, ne serait-ce qu’à cause de l’augmentation du trafic.

À La Défense, lundi, j’ai été effrayé par les mouvements de foule, quand les voyageurs ont dû se replier sur la ligne qui dessert Saint-Lazare, et qui ont laissé les directions de la RATP et de la SNCF désemparées. La gestion de crise doit s’étendre aux flux de voyageurs et aux accès, à moins de risquer de graves accidents au niveau des goulets d’étranglement tels que les quais ou les couloirs.

Il faudrait prévoir une modulation des services en mode dégradé, en maintenant certaines dessertes où un retournement intermédiaire des trains serait possible. Cela ne coûterait sans doute pas très cher tout en améliorant la situation à court terme, car le long terme mérite bien son nom : le projet B+ remonte à 2004 et il ne se concrétisera pas avant fin 2012-début 2013. L’unité de compte est souvent la décennie.

M. Rémy Pradier (association SaDur). J’aimerais connaître la politique de maintenance suivie par la SNCF, en particulier de maintenance préventive, si tant est qu’elle existe : les avaries en série des matériels de la ligne D ont fait la preuve de son absence. Les trains sont utilisés de façon tellement intensive qu’il n’y a plus de réserve et que l’entretien est réduit à son strict minimum. Des conducteurs nous ont ainsi appris qu’un train utilise rarement tous ses blocs moteurs, si bien qu’il n’accélère pas autant qu’il le pourrait théoriquement, et qu’il a forcément du mal à rattraper son retard. De même, avoir quelques rames en réserve permettrait d’éviter la suppression pure et simple des trains.

Il semblerait en effet que la SNCF refuse de communiquer les chiffres de la fréquentation. Des comptages ont été faits début 2011 sur le RER D, et rien n’a transpiré.

M. le rapporteur. C’est donc tout l’intérêt d’une commission d’enquête.

M. Rémy Pradier. Faire circuler des trains à deux étages sur le RER B, c’est possible ! À la suite d’erreurs d’aiguillage à Châtelet, des rames de la ligne D ont été envoyées sur la ligne B et elles ont dû rallier Laplace en empruntant le tunnel de Denfert-Rochereau, pour pouvoir changer de sens. La photo qui illustre l’article « Jet de D dans la B » est disponible sur le site www.metro-pole.net. Demandez à la SNCF !

À notre avis, il y a un problème de gouvernance à Châtelet-Les Halles, qui est une station RATP que dessert une ligne SNCF, le RER D. C’est « un trou noir » en matière d’information des voyageurs de la ligne D. La SNCF n’a pas le droit d’utiliser les écrans de la station. Elle peut tout au plus mobiliser un agent muni d’un micro et cantonné dans une sorte de bocal, qu’il partage avec deux agents de la RATP, qui annonce la destination des trains au fur et à mesure. Voilà le dispositif d’information de la SNCF à Châtelet-Les Halles ! Depuis que l’association SaDur a été créée, c'est-à-dire en 2005, nous demandons une information digne de ce nom. La SNCF renvoie la balle à la RATP… Quel est l’avis du STIF, qui est tout de même l’autorité régulatrice des transports ?

Enfin, nous n’avons pas assez parlé des personnes à mobilité réduite (PMR). La SNCF nous explique depuis plusieurs années qu’elle ne pourra pas tenir l’échéance de 2015. Quelles actions correctives entend-elle engager ?

Mme Eva Sheldrick (association COURB). Sur la ligne B, il y a beaucoup de voyageurs occasionnels, en particulier ceux qui se rendent dans les aéroports, et qui ne parlent pas nécessairement notre langue. En cas d’incident ou d’accident, ils ne sont informés de rien alors qu’ils risquent de rater leur avion. Il faudrait au minimum une annonce en anglais et l’utilisation des langues étrangères – anglais, espagnol – serait la bienvenue, non seulement à Roissy, mais aussi à Antony. Après tout, nous sommes bien capables de diffuser des mises en garde contre les pickpockets en japonais, en allemand, ou en italien à Charles-de-Gaulle et à la station Victor-Hugo.

L’accueil par la SNCF des touristes ou passagers étrangers à Roissy est « kafkaïen ». Les tourniquets sont trop étroits pour laisser passer les bagages, et il n’y a personne pour aider les touristes, étrangers ou les provinciaux, flanqués de leurs grosses valises. Beaucoup de tourniquets sont dédiés au Pass Navigo. Ceux qui ne sont pas des franciliens ne savent pas ce que c’est ! Paris est la ville la plus visitée du monde mais l’accueil des touristes est trop souvent lamentable. Vous connaissez les résultats d’une récente enquête sur les grands aéroports du monde : Roissy est parmi les plus mal classés. La signalétique est insuffisante pour permettre à des gens qui débarquent après une nuit passée dans un avion de trouver le RER, puisqu’il est indiqué « Trains SNCF ». Or, sur Internet, il est bien question du RER B ! Les malheureux caissiers qui vendent les billets à l’unité parlent désormais anglais, mais tout le monde ne parle pas anglais. Or Roissy, c’est une vitrine.

Je travaille avec des étrangers du monde entier et je peux vous dire que ce qui ne leur plaît pas à Paris, ce sont les transports et Roissy. Les contrôleurs ont une mentalité de chasseurs. Et ils sont particulièrement acharnés à Antony ! Ils sont huit en général à attendre en embuscade toutes les personnes qui vont prendre l’avion à Orly, et ils parient même entre eux sur le nombre de « pigeons » qu’ils attraperont dans la journée. J’utilise leur propre langage. Et, quand, par hasard, quelqu’un intervient, ils lui disent de circuler et que ce n’est pas son affaire ! Il faudrait leur apprendre le respect mutuel, qui facilite tout.

M. le président Daniel Goldberg. En conclusion, je rappelle encore que notre commission d’enquête entend placer les usagers au centre de son travail. Elle le prouve en organisant sa première Table ronde avec vous. Une question : aviez-vous déjà été réunis tous ensemble ? (Les participants répondent par la négative.) Votre réponse est éloquente en soi.

Nous n’avons pas l’ambition de régler tous les problèmes, dont les causes sont multiples, mais nous souhaitons parvenir, avec votre aide, à un constat partagé, compréhensible par l’ensemble des usagers, habituels et même occasionnels, Madame Sheldrick ; et à des propositions pragmatiques pour améliorer la situation en quelques années.

Le compte rendu de l’audition sera mis en ligne sur le site de l’Assemblée nationale dans quelques jours. Vous serez par ailleurs destinataires du rapport de la commission d’enquête aussitôt qu’il sera, comme je l’espère, adopté.

Voici le calendrier des prochaines auditions : une autre Table ronde réunissant les organisations représentatives du personnel aura lieu demain matin, avant de recevoir M. Guillaume Pepy et M. Pierre Mangin, et les responsables de RFF. Nous entendrons notamment le Conseil économique, social et environnemental, au niveau national et régional ; M Dominique Perben qui préside l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF); le président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), M. Pierre Cardo. Nous consacrerons une après-midi à des échanges avec les élus régionaux de toutes sensibilités, une autre à entendre les élus locaux en respectant une diversité tant politique que géographique pour que tous les tronçons soient représentés. Nous recevrons la directrice générale du STIF, le président du directoire de la Société du Grand Paris, le MEDEF d’Île-de-France, la préfecture de Police pour ce qui a trait à la sécurité. Nous terminerons le cycle des auditions par le Gouvernement. Cette liste n’est d’ailleurs pas exhaustive. Sans doute devrons-nous faire appel à des personnalités qualifiées, comme la Cour des comptes qui a rendu un rapport sur le sujet en novembre 2010.

Nous nous rendrons sur le terrain, d’ici à la mi-février, mais sans prévenir puisque nous voulons faire preuve de sérieux, et constater la situation par nous-mêmes. Notre rapport devrait être rendu à la mi-mars, ce qui nous laisse le temps de travailler.

Je vous remercie de votre participation.

M. le rapporteur. N’oubliez pas de me communiquer la liste des engagements pris par les différentes autorités de tutelle et dont vous avez eu connaissance, afin de pouvoir confronter les unes aux autres et d’utiliser ainsi votre force.

M. le président Daniel Goldberg. Toutes nos auditions sont publiques et peuvent être vues sur le site de l’Assemblée nationale.

——fpfp——

Table ronde rassemblant les organisations syndicales

(Séance du jeudi 12 janvier 2012)

M. Daniel Goldberg, président de la commission d’enquête. Après avoir entendu, hier soir, les associations d’usagers, nous allons entendre, ce matin, les représentants des organisations syndicales des deux opérateurs du RER, la RATP et la SNCF. Nous sommes heureux d’accueillir MMAlain Ternois et  Thierry Marchand de la CFE-CGC de la RATP, Mme Patricia Lasalmonie, MM. Alain Beslin, Noël Duflos et Emmanuel Benassaya de FORCE OUVRIÈRE-RATP, MM. Thierry Babec et  Frédéric Sarrassat de l’UNSA-RATP, MM. Philippe Touzet, Jean-Luc Viard, Patrick Sivadier et Jean-Christophe Delprat de Sud RATP, MM. Jacques Eliez, François Gillard et Thierry Dumez de la CGT-RATP, M. Laurent Gardoni de la CFDT RATP et M. Philippe Goullieux du comité régional Transport- Équipement (CRTE) de la CFDT, MM. Dominique Aubry et Franck Drago de la CFDT Cheminots, M. Thierry Roy de la CGT des chemins de fer français et M. Dominique Launay de l’Union interfédérale CGT des Transports, et M. Philippe Cornière de l’UNSA Cheminots SNCF.

Je précise que nous avons déjà programmé les auditions des dirigeants de ces deux entreprises et de Réseau ferré de France, RFF. Elles auront lieu ultérieurement à cette seconde table ronde. Elles sont prévues pour la semaine prochaine. Nous entendrons également les responsables du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, ainsi qu’un certain nombre de personnalités qualifiées.

À mon sens, la commission d’enquête doit aborder sans a priori les problèmes de la qualité comme de la régularité du service du RER. Chacun connaît ici les dysfonctionnements qui affectent le quotidien des usagers. Les élus que nous sommes – et nombreux sont ceux qui empruntent le RER – recueillent les plaintes d’usagers excédés par les pannes et les retards qu’ils subissent dans leurs trajets.

Lundi dernier, en fin d’après-midi, une rame a ainsi été immobilisée pendant près de trois heures dans un tunnel de la ligne A, et les voyageurs dont l’évacuation a été périlleuse ont été plongés dans l’obscurité ! De tels incidents ne se produisent heureusement pas tous les jours. Cependant cet événement, dont les conséquences se sont fait sentir sur la totalité de la ligne et au-delà, la ligne 1 du métro s’étant retrouvée saturée, illustre la fragilité du réseau du RER.

S’il me paraît souhaitable d’éviter toute polémique stérile, toute mise en cause institutionnelle, voire personnelle, qui ne serait pas étayée par des faits précis, notre commission doit néanmoins aborder ces questions sans complaisance, en distinguant aussi précisément que possible ce qui relève des défaillances techniques, sans omettre les raisons de leur caractère durable, de ce qui relève du défaut d’organisation et des retards d’investissements qui en résulteraient.

C’est pourquoi nous attendons beaucoup de cette table ronde. Nous vous invitons évidemment à vous exprimer en toute liberté. Vos revendications nous intéressent, tout comme vos propositions. En effet, il me paraît essentiel que le travail de la commission d’enquête débouche sur des recommandations concrètes, aussi claires qu’il soit possible pour les usagers et assorties d’un calendrier réaliste de mise en œuvre. L’objectif collectivement partagé me semble être de rétablir une situation plus acceptable sur le plan de la qualité du service dû aux usagers.

Je souhaiterais notamment que vous nous expliquiez de la façon la plus concrète comment se passe, au niveau des personnels, la « cogestion » des lignes A et B par la RATP et la SNCF, non seulement en ce qui concerne le service des seuls personnels de conduite, mais également sur le plan de la gestion des matériels et leur entretien ? Beaucoup de choses ont été dites, voire écrites, sur le sujet, mais les évolutions déjà intervenues en ce domaine ont sans doute pour effet de rendre caduques ou d’atténuer la portée de certaines critiques.

Je vous rappelle, madame, messieurs, que l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires exige des personnes auditionnées par une commission d’enquête qu’elles prêtent serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Alain Ternois, Mme Patricia Lasalmonie, M. Thierry Babec, M. Philippe Touzet, M. Jacques Eliez, M. Laurent Gardoni, M. Dominique Aubry, M. Thierry Roy, et M. Philippe Cornière prêtent successivement serment.

M. Dominique Launay, secrétaire général de l’Union interfédérale CGT des Transports Je vais m’exprimer également au nom de la CGT-RATP.

Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Mesdames, Messieurs les députés, nous voudrions au préalable préciser que nous n’avons pas pu préparer cette rencontre dans les meilleures conditions, puisque nous n’avons été convoqués que tardivement – juste avant les fêtes de fin d’année.

La volonté de la commission de limiter ses travaux à la question du RER nous interpelle. En effet, le constat relatif aux dysfonctionnements du réseau nous parait devoir s’inscrire dans une réflexion plus globale sur les infrastructures ferroviaires en Île-de-France, qu’elles soient exploitées par la RATP ou la SNCF et qu’elles concernent les voyageurs ou les marchandises, du moins si on veut travailler de façon cohérente et prendre en compte les attentes et les besoins des Franciliens. Bien plus, on ne saurait traiter de façon objective la question des transports en Île-de-France sans prendre en compte la place de cette région dans l’ensemble du territoire, en termes de PIB comme sur le plan démographique, mais aussi son rôle dans les transports tant nationaux qu’européens.

Nous voudrions d’abord revenir sur les causes de la situation actuelle. Nous payons aujourd’hui plus de trente ans de retard d’investissement dans les infrastructures : du fait du désengagement de l’État, en dépit des évolutions positives que l’on constate depuis le changement de gouvernance du STIF et l’implication du conseil régional d’Île-de-France.

À ce désengagement de l’État s’est ajoutée la création de Réseau ferré de France (RFF) en 1997, sous le gouvernement de M. Juppé. Cette institution, que notre syndicat a toujours combattue, a été un frein à la rénovation du réseau et à la création de nouvelles infrastructures – beaucoup de celles prévues dans les différents contrats de plan entre l’État et la Région ne sont toujours pas mises en œuvre. La CGT continue à demander l’abolition des dispositions législatives ayant permis la création de RFF, alors qu’une simple séparation comptable aurait suffi. La question du désendettement du système ferroviaire reste entière. Elle est même devenue un enjeu politique majeur depuis que le Grenelle de l’environnement a fait de l’évolution du transport ferroviaire dans notre pays et en Île-de-France un de ses objectifs. Il est établi aujourd’hui que la création de RFF a nui au développement et à la régénération du rail dans notre pays. Pour nous, RFF doit réintégrer la SNCF !

De même, la désignation par la loi de la RATP comme gestionnaire d’infrastructures, non seulement n’améliore pas la situation mais génère des coûts supplémentaires qui pénalisent l’investissement. Puisque nous avons la chance d’avoir, en Île-de-France, deux grandes entreprises nationales de transport, pourquoi ne pas les faire coopérer plutôt que de les placer en concurrence ? Ce n’est pas en fragilisant ces deux entreprises et le service public qu’elles assurent, en ouvrant à la concurrence les transports régionaux, en privatisant les transports publics qu’on fera évoluer la qualité des transports en Île-de-France.

La maîtrise publique du système de transport est nécessaire. Elle est tout à fait elle possible. Il s’agit d’un choix politique. Le service public de transports a besoin d’être renforcé.

C’est pourquoi la CGT propose depuis plusieurs années la création d’un pôle financier public afin de réorienter les ressources, les financements et l’épargne vers l’investissement à finalité sociale et le développement durable, en lieu et place de la spéculation financière. Il faut mettre à contribution ceux qui profitent – au sens de « faire du profit » – des équipements publics et du transport, telles l’industrie du tourisme, la grande distribution, les zones d’hyper concentration de bureaux, comme La Défense.

Il faut étendre le versement transports à toutes les entreprises. Il faut également réformer la fiscalité du transport professionnel, afin que celle-ci prenne en compte les coûts externes – pollutions, nuisances, coûts d’infrastructures, coûts des accidents, etc. – aujourd’hui à la charge de la collectivité. Il faut en effet rappeler avec force que le transport le plus subventionné c’est le transport routier des marchandises et des voyageurs. Que l’État arrête, en outre, de siphonner les caisses des entreprises publiques comme la SNCF, qui a reversé depuis 2009 600 millions d’euros à l’État, et le financement des infrastructures publiques pourra rester public, comme il doit l’être. Nous sommes totalement opposés aux formules du partenariat public privé, le PPP. Elles conduisent à une privatisation des infrastructures dont on connaît les effets négatifs notamment sur le plan financier.

Il faut par ailleurs mettre fin à la réduction des effectifs, tant à la RATP qu’à la SNCF – à la RATP, 700 postes ont été supprimés pour la seule année 2011 ; la situation est similaire à la SNCF. Bien plus, il faut accroître le nombre des personnels qui travaillent à l’entretien de l’infrastructure et des matériels, dans les gares et les stations, si on veut améliorer la qualité du service et la régularité ; sans oublier la sécurité des personnes et des biens, qui est pour nous une priorité. On pourra ainsi remédier à la déshumanisation des gares, renforcer la présence dans les trains d’agents à statut, et lutter contre les incivilités, qui ont également un impact sur les retards.

Je voudrais ici saluer le savoir-faire de ces deux entreprises et l’investissement des personnels. Sans eux rien ne fonctionnerait. Sur la ligne A, c’est dix millions de déplacements quotidiens, 1,2 million de voyageurs par jour ouvrable ; 290 millions par an. À la station Châtelet, ce sont 900 voyageurs à la minute. Sur la ligne D, le nombre de voyageurs a progressé de 40% en huit ans, de 30% sur la ligne B. Or, cette explosion du trafic est assurée par les mêmes infrastructures qu’il y a quarante ou cinquante ans. Ces chiffres permettent de mesurer l’insuffisance des investissements et l’état de sous-effectif permanent. Assurer le service public dans ces conditions constitue quasiment une prouesse quotidienne, tant à la RATP qu’à la SNCF. À cela s’ajoutent les réorganisations permanentes, plus particulièrement à la SNCF, qui désorganisent complètement la production : elles entraînent la perte de savoir-faire et la réduction de la réactivité. Celles-ci ont des répercussions délétères, non seulement sur la vie quotidienne des usagers, mais aussi sur les conditions de travail des personnels de plus en plus en souffrance en Île-de-France.

Si nous voulons améliorer les conditions de transports des Franciliens, il faut aussi arrêter de créer de nouveaux besoins de transports. Cela pose la question de l’aménagement du territoire, du logement et de son coût. En Île-de-France, les temps de transports journaliers sont d’une heure trente en moyenne. Sur la ligne A, complètement saturée, plus de 70% des transports sont traversants. L’arrivée potentielle de 35 000 à 60 000 nouveaux salariés sur la dalle de La Défense va encore aggraver significativement la situation.

On ne saurait parler d’aménagement du territoire sans évoquer le projet de Grand Paris. À nos yeux, il s’agit d’abord et surtout du projet capitalistique de création d’une métropole financière de rang mondial, dont la majorité des Franciliens n’a rien à en attendre en matière de logement, de services publics ou pour leurs transports. Il en est de même du projet Grand Paris Express. Si on doit se féliciter de l’instauration de dessertes supplémentaires de proximité grâce à l’action conjuguée d’élus locaux, d’usagers et de la population, ce projet reste loin de répondre aux attentes et besoins. Il va au contraire renforcer les inégalités, au détriment notamment des populations moins bien dotées en matière de transports collectifs.

Les déplacements en voiture ne représentent que 13% des déplacements dans Paris intra muros, contre 43% des déplacements pour l’ensemble des Franciliens. Persister dans la voie de l’hyper concentration de lieux de travail, souvent le fruit de délocalisations, complètement déconnectées de l’habitat et des lieux de vie, continuer à implanter des centres commerciaux au milieu des champs de betterave, c’est augmenter les besoins de transports et multiplier les coûts. Par ailleurs, le projet du Grand Paris ignore le transport de marchandises. Si nous ne voulons pas atteindre un point de non-retour, il est nécessaire de constituer des réserves foncières en préservant pour le fret des sites et des voies ferrées, qui pourront aussi servir pour le transport de voyageurs

Améliorer la situation suppose des solutions à court terme et à moyen et long terme.

À court terme, il faut augmenter les effectifs pour assurer une meilleure maintenance des infrastructures, renforcer les astreintes, notamment de proximité, pour assurer une plus grande réactivité en cas d’incident. Il faut revoir l’organisation des roulements, détendre les journées de travail comme le roulement des rames, augmenter le nombre des agents de réserve, particulièrement à la conduite. Il faut consacrer également des effectifs supplémentaires à l’entretien du matériel qui subit les conséquences d’une perte du savoir-faire. Le problème d’essieux qui a récemment perturbé le trafic sur la ligne D illustre la désorganisation provoquée par les réformes mises en place à la SNCF. Ce sont là des situations que l’on peut résoudre rapidement, pourvu qu’on en ait la volonté.

Sur le moyen et long terme, des projets prévus depuis longtemps par les contrats de plans État-Région commencent à être mis en œuvre, grâce notamment à l’engagement des élus régionaux : je pense au programme IMPAQT sur la ligne D, ligne classée sensible, au projet RER B + ou encore à l’arrivée de nouvelles rames sur la ligne A. D’autres travaux prévus de longue date doivent être immédiatement engagés, comme le dédoublement du tunnel entre Châtelet et la Gare du nord pour désengorger les lignes B et D.

Il faut quadrupler la ligne 1 entre Lagny et Meaux, augmenter le nombre de rames sur la ligne E et la prolonger jusqu’à La Défense. Sur la ligne C, nous demandons le sextuplement des voies de Paris à Brétigny, qui est inscrit au schéma directeur depuis 1992. Il faut aussi prolonger cette ligne jusqu’à l’intérieur du Marché d’intérêt national (MIN) de Rungis. Il faut également renouveler les sous-stations électriques. Pour les lignes N et U, classées sensibles, nous demandons depuis des années la création d’un « saute-mouton » à Porchefontaine et des travaux de rénovation, notamment à Versailles. Il faut favoriser les interconnections en développant les tangentielles, travailler à un périphérique ferroviaire de Grande Couronne. La réouverture de la Petite Couronne ferroviaire est aussi une perspective intéressante. Il faut cependant savoir qu’il se passe plus de dix ans entre le lancement d’un projet et sa réalisation, ce qui fait que, bien souvent, une infrastructure est saturée dès sa mise en service.

S’agissant du matériel, nous constatons que l’engagement du conseil régional, en collaboration avec la RATP et la SNCF a permis au cours de ces dernières années un progrès, tant qualitatif que quantitatif, mais on doit encore amplifier la démarche si on veut qu’elle soit à la hauteur des besoins.

Concernant la maintenance, il faut stopper la tendance à recourir toujours plus à la sous-traitance. Il faut renforcer l’intégration de la maintenance au sein des entreprises publiques de service public : elle a fait ses preuves en matière d’efficacité sociale et économique. Le problème des essieux sur la ligne D et, plus récemment, la découverte d’amiante sur la ligne B posent la question de la pérennité de la rénovation du matériel ferroviaire en France.

Telles sont les solutions si on veut endiguer les déplacements routiers en Île de France et diminuer l’émission des gaz à effet de serre.

Nous espérons que la mise en place de cette commission d’enquête permettra un travail objectif ; l’enjeu des transports dépassant largement des échéances électorales. C’est pourquoi la CGT demande la tenue d’Assises consacrées aux transports collectifs en Île-de-France qui réuniraient le Gouvernement, des élus, les collectivités territoriales, les usagers et les organisations syndicales.

M. le président  Daniel Goldberg. Je peux immédiatement répondre à vos interrogations concernant les modalités de nos travaux.

L’Assemblée nationale a adopté la résolution tendant à la création de cette commission d’enquête à la fin de l’année 2011. L’Assemblée suspendant ses travaux entre la fin du mois février et le début du mois de mars, le rapport de la commission d’enquête devrait être voté avant la mi-mars. Ce calendrier contraint explique la rapidité de votre convocation.

Cela explique également le choix de limiter nos travaux à la question du RER, laissant de côté les autres modes de transports publics. Ce réseau nous a paru en effet concentrer le plus grand nombre de dysfonctionnements, ou du moins des interrogations des usagers. Cela ne signifie évidemment pas que les problématiques relatives aux autres modes de transport collectif ou à l’aménagement du territoire soient totalement absentes de nos travaux.

M. Franck Drago, responsable GTN Traction CFDT cheminots. En préambule la CFDT tient à réaffirmer qu’elle est favorable à la mise en œuvre d’une politique de complémentarité des transports.

Les transports en Île-de-France jouent un rôle majeur en matière d’intégration et de cohérence sociale dans un environnement économique et politique fluctuant. Le transport ferroviaire est un atout majeur du développement économique de l’Île-de-France, tout en répondant aux enjeux environnementaux. Le ferroviaire représente une véritable alternative à un réseau routier de plus en plus saturé. Il est cependant urgent de trouver, malgré la crise, des financements pérennes pour l’entretenir, le moderniser, le développer et rénover le matériel roulant ou le remplacer pour cause de vétusté.

Comptant plus de onze millions d’habitants et produisant 29% du PIB de la France, l’Île-de-France est une région capitale, au niveau tant européen que national, en termes économiques et touristiques. L’infrastructure de transport doit être à la hauteur de ces enjeux. En conséquence, son financement ne saurait reposer sur les seuls contribuables franciliens.

L’ouverture à la concurrence ne saurait cependant être la solution miracle pour financer les transports en commun, et on ne doit pas, comme le font certains, laisser penser aux usagers qu’ils verraient grâce à elle baisser leur contribution financière alors qu’il n’en serait rien. Nous réitérons également notre opposition aux partenariats publics privés, les PPP, pour financer les infrastructures ferroviaires, celles-ci générant bien souvent des coûts supérieurs de 20% à 30% par rapport au financement classique.

Dans son audit, la Cour des comptes met l’accent sur les limites auxquelles se heurtent les gains de productivité demandés à la RATP et à la SNCF. Pour la CFDT, il n’est pas question de faire payer aux salariés des opérateurs de transport les décisions politiques responsables des décennies de retard que connaissent les investissements publics dans le domaine ferroviaire. Les salariés de la RATP et de la SNCF ont déjà payé un lourd tribut aux sacro-saints gains de productivité exigés par nos directions et les pouvoirs publics, avec des effectifs en baisse constante depuis des années et des conditions de travail en perpétuelle dégradation. J’en veux pour exemple la découverte d’amiante sur les rames MI79 tout juste rénovées, ou les dysfonctionnements des nouvelles automotrices du Transilien fabriquées par Bombardier, qui ont fait la une de la presse.

Faire des gains de productivité le seul vecteur de gestion conduit les entreprises à prendre des risques industriels – le problème d’essieux des rames de la ligne D en est une parfaite illustration. Le fait de réduire la fréquence des visites jusqu’aux limites des pas de maintenance a conduit à une explosion, qui n’avait pas été anticipée, du nombre des rames immobilisées et à la dégradation de l’offre de transport. Ces économies de court terme ont donc été rapidement annulées par les coûts générés par les immobilisations des rames et la dégradation du plan de transport.

Nous nous interrogeons également sur la politique tarifaire des transports collectifs, notamment sur la fixation par le STIF d’un tarif unique du Pass Navigo d’environ 62 euros, alors que le prix d’équilibre est plus proche des 90 euros. Pour la CFDT, la création d’une zone unique en Île-de-France ne correspond à aucune demande réelle, d’autant que les zones 1, 2 et 3 sont les plus utilisées par les détenteurs du Pass Navigo. Pour un moindre coût, il serait plus judicieux de pratiquer un « dézonage » total, les week-ends et jours fériés, à l’image de ce que le STIF a décidé pour la carte Imagine R des étudiants.

Il y a d’autres systèmes à mettre en place pour garantir des ressources pérennes en faveur du développement durable, tels qu’une modification du régime du versement transport (VT). On pourrait envisager son extension à l’ensemble des entreprises dès le premier salarié, mais une telle mesure risquerait de pénaliser les petites entreprises les plus fragiles, notamment les entreprises unipersonnelles, qui se développent particulièrement en temps de crise. Il serait plus judicieux de fixer un taux de VT plus important pour les très grosses entreprises, au-dessus d’un seuil à déterminer. On pourrait également uniformiser le taux du VT. On pourrait encore envisager de reverser au STIF l’intégralité du produit des amendes de stationnement.

Il est aujourd’hui nécessaire que les transports franciliens évoluent, mais cela nécessite des efforts financiers importants, notamment de la part de l’État, afin de renouveler à grande échelle les matériels roulants pour assurer un plus grand confort des voyageurs, obtenir une meilleure régularité et surtout rénover des infrastructures vieillissantes et désengorger le réseau. Le projet du Grand Paris Express répond en partie à ces besoins, mais il néglige la problématique du logement et de l’éloignement du lieu de travail. En outre, le coût exponentiel d’un projet que certains ont appelé « le grand canyon financier » ne peut que nous laisser sceptiques sur sa crédibilité.

Au-delà du financement, la priorité doit être donnée aux projets de tangentielles ferroviaires de banlieue à banlieue, à l’amélioration de la fluidité de circulation sur les lignes B et D via notamment le doublement du tunnel de Châtelet. En revanche, le projet parallèle de CDG Express ne nous apparaît plus pertinent, pas plus que le projet de métro lourd sur le plateau de Saclay. Les marges financières que libérerait l’abandon de ces deux projets doivent servir à financer d’autres priorités.

Il y a urgence à agir : les décisions en termes d’infrastructures doivent se penser à long terme dans une vision globale d’intérêt public. Chaque décision engagera les générations actuelles et à venir. Dans le domaine des transports, les investissements traduisent une volonté politique. Pour la CFDT la vigilance est de mise, le temps de l’intérêt général n’étant pas forcément le même que celui du politique. Pourtant « gouverner, c’est prévoir ».

M. Thierry Babec, secrétaire général de l’UNSA-RATP. Si nous nous exprimons ici, ce n’est pas seulement comme syndicalistes, mais avant tout comme citoyens. À ce titre, nous refusons catégoriquement qu’on nous oppose aux usagers : subissant les mêmes problèmes, nous avons les mêmes intérêts. De ce point de vue, on ne peut que se féliciter de voir la représentation nationale s’emparer de problématiques qui ont un impact direct sur le quotidien des usagers du RER – je pensais en effet que nous étions là pour parler du RER. Ce que nous attendons de cette initiative, ce sont des propositions concrètes. Nous souhaitons qu’elle ne soit pas une initiative isolée destinée à calmer momentanément le mécontentement des usagers ou à vocation électoraliste, mais qu’elle inaugure un dialogue permanent entre les usagers et les professionnels du transport et les responsables politiques, qui sont les seuls à pouvoir actionner les leviers, notamment financiers, pour résoudre les problèmes.

Notre objet, ce matin, n’est pas de vous faire des propositions détaillées : cela fait des années que nos militants de terrain proposent aux représentants du peuple français, ainsi qu’aux directions de nos entreprises, des solutions extrêmement précises, et on ne peut que s’étonner qu’elles ne soient toujours pas mises en œuvre, même quand leur coût est faible. Nous ne pouvons qu’inviter votre commission à favoriser la mise en œuvre de ces propositions.

Le transport est un élément fondamental de la vie quotidienne des Franciliens : sa qualité est aussi essentielle pour celle-ci que celle de l’environnement, de l’air ou de l’urbanisme et cela a un coût. En tant que professionnels des transports, nous partageons le souci de tous les citoyens de ne pas dépenser les deniers publics à tort et à travers, mais il y a des coûts incompressibles. Or les deux entreprises publiques sont aujourd’hui incitées au-delà du raisonnable à réaliser des économies budgétaires et des gains de productivité, aux dépens des usagers autant que les agents du service public. Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à voir surgir des problèmes. Dans le secteur des transports collectifs, la concurrence a ses limites.

Étant donné les mérites des transports collectifs, il serait malvenu de dire qu’il y a trop de voyageurs. Pourtant d’une certaine façon, nos transports collectifs sont victimes de leur succès, et les problèmes du RER A sont de ce point de vue les mêmes que ceux de l’autoroute A 4 : quand il y a trop de monde, il y a inévitablement des bouchons. C’est qu’on n’a pas suffisamment pris en compte le fait que les transports collectifs étaient partie prenante de l’aménagement du territoire. Pendant des décennies, ce secteur n’a pas bénéficié d’un effort d’investissement suffisant pour entretenir les structures existantes ou mettre en place de nouvelles dessertes. On voit certes aujourd’hui une prise de conscience, mais on ne rattrape pas en quelques mois un retard de plusieurs décennies, et les problèmes que connaît actuellement le RER d’Île-de-France sont appelés à durer. On peut même s’attendre à voir surgir à l’avenir des problèmes beaucoup plus graves que le blocage d’un train dans un tunnel. Cela pose la question du coût que la collectivité est prête à assumer pour ses transports collectifs.

Au-delà de la problématique principale de l’insuffisance des investissements publics, nous souhaitons vous soumettre des propositions concrètes et d’un coût supportable pour la collectivité. L’origine de l’engorgement du RER, notamment de la ligne A, est connu : les Franciliens vivent à l’est et travaillent à l’ouest. Il serait utile de réfléchir à la mise en place de postes de commandement centralisés pour les deux lignes, qui aurait même dû être réalisée avant l’interopérabilité. Il nous semble impossible d’éviter un doublement du tunnel Châtelet-Gare du Nord, d’autant qu’il est prévu d’y faire passer douze RER D en 2013, alors qu’il en passe huit aujourd’hui.

La poursuite de l’effort d’investissement dans le matériel existant permettra simplement de « sauver les meubles » pendant deux ans, étant donné la densification de l’habitat en Île-de-France. Le Grand Paris sera la seule solution pérenne, mais il ne sera pas achevé avant une quinzaine d’années. En attendant, il faut gérer la transition, en continuant d’investir dans le matériel roulant aussi bien que dans les structures.

Notre dernière proposition est la plus simple à mettre en œuvre, bien que les directions de nos deux entreprises semblent avoir du mal à la prendre en compte : écouter les salariés qui assurent quotidiennement le transport de nos concitoyens. Ceux-ci proposent depuis des années à leur encadrement et aux directions des solutions précises et peu coûteuses, telles que l’incorporation de glissements dans les terminus de retournement, la suppression de missions sans arrêt dans certaines gares, le pré positionnement de trains de réserve, et d’autres mesures relatives aux tableaux de roulement et aux horaires de début et de fin de service, que je ne développerai pas ici.

M. Alain Ternois, président du syndicat CFE-CGC de la RATP. La CFE-CGC du personnel du groupe RATP tient en premier lieu à remercier la commission d’avoir sollicité l’avis des organisations syndicales sur un sujet aussi important que le projet de rénovation du RER, plus particulièrement pour ce qui nous concerne des lignes A et B du RER.

Comme tous les Franciliens, nous connaissons les problèmes rencontrés quotidiennement par les utilisateurs des transports en commun en région capitale ; comme agents d’une entreprise nationale publique en charge d’une partie de ces transports en Île-de-France nous y sommes encore plus sensibles. La priorité de l’ensemble des agents de l’entreprise est d’offrir un service de qualité – régularité, continuité du service, propreté et sécurité – à l’ensemble des voyageurs empruntant nos réseaux.

La saturation du réseau, particulièrement sur la ligne A, est due essentiellement aux différentes politiques d’aménagement du territoire menées depuis près de cinquante ans. Celles-ci se sont traduites par la construction de bureaux à l’Ouest et de logements à l’Est sans qu’on en tire les conséquences en termes d’investissement dans les transports : depuis quinze ans, ce réseau n’a pas bénéficié d’investissement structurant des collectivités. Les difficultés sont encore aggravées par la multiplicité des acteurs assurant l’exploitation des lignes, ce qui complique et ralentit le processus de décision. Nous constatons enfin que la RATP souffre d’une différence de traitement quant à l’acquisition du matériel ferroviaire.

Nous ne négligeons pas les efforts mis en œuvre pour pallier certaines difficultés, notamment l’accroissement significatif depuis quatre ans des investissements de transport dans notre région, sans compter ceux prévus dans le cadre du Grand Paris Express. En revanche, la mise en place depuis 2009 de l’interopérabilité entre la RATP et la SNCF sur la ligne B n’a pas apporté des bénéfices à la hauteur du niveau de complexité atteint pour exploiter la ligne de bout en bout. Concernant le financement du matériel roulant, la prise en charge par le STIF, à hauteur de 30%, des nouvelles rames circulant sur la ligne A aura des retombées positives sur les comptes de l’entreprise.

Il y a des moyens d’améliorer le service rendu aux Franciliens sur les lignes A et B du RER. Confier à un opérateur unique l’exploitation de l’ensemble d’une ligne est pour notre organisation syndicale la solution la plus appropriée pour assurer la régularité, la continuité du service et sa gestion en mode dégradé. Il nous semble que la RATP est l’entreprise la plus à même d’être cet opérateur unique sur les lignes A et B du RER. Cela serait conforme au sens de l’histoire : déjà en 1937, la ligne de Sceaux est passée de la SNCF à la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris, l’ancêtre de la RATP ; la ligne de Saint Germain a suivi en 1964 et celle de Vincennes en 1969.

Deuxièmement, la RATP dispose des meilleures compétences pour exploiter un réseau urbain, ainsi qu’elle le démontre quotidiennement par l’exploitation des quatorze lignes de métro. Par ses caractéristiques – nombreux arrêts, forte fréquentation et intervalles faibles –, l’exploitation des lignes A et B du RER se rapproche beaucoup plus de celle d’un réseau de métro que du transport ferroviaire de grande vitesse, dont la SNCF est l’un des meilleurs spécialistes au monde. À cet égard, il est important de noter qu’à la RATP, les conducteurs du RER sont tous d’anciens conducteurs de métro, habitués à conduire avec de faibles intervalles, en zone urbaine, et avec de forts échanges voyageurs.

Troisièmement, la RATP n’a jamais cessé d’investir pour entretenir, voire améliorer les infrastructures et le matériel. On ne peut pas en dire autant de la SNCF sur le réseau francilien : ainsi l’ensemble des investissements pour le projet RER B Nord + a été réalisé par l’État et la Région.

En outre, la qualité du dialogue social dans notre entreprise, qui a permis de mettre en œuvre des dispositions innovantes, telles que l’alarme sociale pour prévenir les risques sociaux, a des effets très positifs sur la continuité du service, comme le prouve la réduction depuis plusieurs années de la conflictualité et du nombre moyen de jours de grève. Il faut aussi souligner que l’encadrement de proximité, qui est très présent à la RATP, notamment en soutien des agents, permet une grande réactivité en situation dégradée.

Deuxième piste d’amélioration du service, des infrastructures dédiées et un commandement unique pour chaque ligne permettraient d’assurer une réactivité maximale en cas de dysfonctionnement. Il conviendrait donc que des voies soient réellement dédiées au nord de la ligne, ce qui permettrait de supprimer les ralentissements dus à la circulation d’autres trains, tels que des trains de marchandises, d’améliorer la fréquence des trains en équilibrant les intervalles entre deux trains, d’assurer une maintenance adaptée aux horaires du service voyageurs. Par ailleurs, la RATP demande depuis longtemps la mise en place d’un poste de commande centralisé par ligne, commun aux deux exploitants. Si l’unicité de l’opérateur ne pouvait pas être réalisée, la CFE-CGC de la RATP estime que ses autres propositions doivent absolument être mises en œuvre pour assurer un meilleur service aux voyageurs sur la ligne B.

Concernant la ligne A, la seule solution réellement envisageable est celle de l’exploitation par la RATP de la ligne sur la partie Réseau Ferré National, RFN. En effet, mettre en place l’interopérabilité sur cette ligne n’aurait que peu d’impact sur la régularité. Les retards actuels étant plus certainement la conséquence de la configuration de la ligne exploitée en fourche que de la relève des conducteurs à Nanterre. On pourrait même craindre une dégradation de la régularité compte tenu des cultures différentes de régulation des conducteurs des deux entreprises.

Concernant le financement, la CFE CGC-RATP demande que la RATP bénéficie comme les autres opérateurs de la prise en charge de 50 % du coût du matériel roulant ferroviaire.

L’impact sur l’environnement dépendra du succès du transfert modal de la voiture aux transports en commun. Plus le développement du territoire et celui des transports seront en adéquation, plus l’impact sur l’environnement sera positif. Cela nécessite, non seulement un accroissement de l’offre de transport sous différentes formes – trains à deux niveaux, réduction des intervalles, etc. –, mais également la construction de nombreux parkings de rabattement, ainsi que l’élaboration de programmes de logements au plus près des lieux de travail.

Mme Patricia Lasalmonie, déléguée syndicale centrale adjointe de Force Ouvrière-RATP. Je dirais d’abord, comme mon camarade de l’UNSA, que c’est également en tant qu’usager du RER que je voudrais aussi m’exprimer, même si ce sont les salariés que je représente ici. Comme usagère depuis près de cinquante ans du RER B, et victime comme tous les usagers des dysfonctionnements de cette ligne, j’ai observé durant toutes ces années des évolutions dont les politiques ne prennent conscience que maintenant. Aujourd’hui, c’est la RATP qui paye le prix de ce retard, contrainte qu’elle est de résoudre sous la pression des problèmes dont la résolution demande de la réflexion. C’est pourquoi on peut se féliciter de la mise en place d’une telle commission d’enquête, qui n’a pas de précédent.

Cela fait bien longtemps que les syndicats de la RATP proposent des solutions propres à améliorer la régularité du RER. Ils y ont d’autant plus intérêt qu’ils subissent une énorme pression pour assurer cette régularité. La signature par la direction et les syndicats d’un protocole de prévention des risques psychosociaux est révélatrice à cet égard, tout autant que l’était l’importance des grèves qui ont perturbé le trafic sur la ligne A en 2009.

Ce mouvement de grève ne soutenait pas seulement une revendication salariale, il exprimait aussi l’exaspération de personnels qui avaient des propositions à formuler pour améliorer aussi bien leurs conditions de travail que l’accueil des usagers. Aucun salarié, qu’il s’agisse des agents en gare ou des agents de conduite, n’apprécie de subir la pression quotidienne d’un million de voyageurs qui l’interpellent sur les problèmes de fonctionnement de la RATP. Il n’est pas responsable de cinquante ans d’immobilisme. Ne confondons donc pas vitesse et précipitation en essayant de résoudre en deux ou trois ans ce qu’on n’a pas réussi à faire pendant tout ce temps.

On met en avant l’esthétique des nouveaux matériels et des nouveaux locaux, notamment en gare, sans prendre suffisamment en compte la maintenance des infrastructures.

La séparation comptable intervenue au sein de la RATP, entre l’opérateur de transport et le gestionnaire des infrastructures, conduit à faire peser 50 % de la dette sur chacun de ces deux organismes et entend faire porter les réductions de coûts sur les salariés. Mais on ne peut, à la fois, vouloir des transports novateurs et efficaces et réaliser des économies sur le dos des personnels.

Comme l’a déjà exposé M. Thierry Babec, d’autres solutions existent, notamment la révision des tableaux de services de conduite, qu’on ne peut appliquer en supprimant des effectifs. Ainsi, les propositions présentées par les organisations syndicales se trouvent toujours contredites par l’objectif systématique de réduction de la masse salariale. Une bonne productivité consiste à offrir un service de qualité aux usagers et non pas à diminuer les moyens pour y parvenir.

Nous attendons aussi de mieux connaître la démarche de votre commission d’enquête qui, à ce stade, nous inquiète plutôt qu’elle ne nous rassure quant à l’avenir de la RATP et de la SNCF. Il ne faudrait pas imputer aux personnels de ces entreprises des responsabilités qui ne leur appartiennent pas.

Je ne reviens pas outre mesure sur le choix politique ayant consisté à construire les logements à l’est de Paris mais les lieux de travail à l’ouest, ni sur les mauvaises dessertes de la capitale : par exemple, habitant à sept kilomètres du centre ville, il me faut une heure et quart pour m’y rendre. Un meilleur développement du réseau de transport dans les banlieues serait nécessaire mais présenterait évidemment un coût. Cependant il faudra bien, un jour ou l’autre, effectuer les investissements nécessaires. Et ce n’est pas la réduction des effectifs de personnels qui facilitera la réalisation de cet objectif.

Il est vrai que le contexte de crise, en outre mondiale, ne facilite pas la solution d’un problème vieux de cinquante ans et qui se traduit notamment aujourd’hui par le vieillissement du matériel. Certains croient encore que des équipements datant de 1900 permettent néanmoins de faire fonctionner un métro du troisième millénaire.

Si une volonté politique se manifeste pour développer les transports collectifs en Île-de-France, nous l’approuverons mais à la condition de créer ainsi des emplois : avec deux millions de chômeurs en France, il n’est plus possible d’accepter qu’on supprime encore des postes dans les entreprises de transports, compte tenu de la pression que subit aujourd’hui ce secteur. Nous attendons des entreprises publiques qu’elles rendent un service public efficace.

M. le président Daniel Goldberg. La démarche de notre commission d’enquête ne vise pas à faire émerger un nouveau modèle de réseau de transport préalablement préparé, non plus que de nouvelles clés de financement que nous sortirions de notre poche.

Notre rôle de parlementaires consiste, d’une part, à élaborer les lois, d’autre part – ce qui est moins connu de nos concitoyens – à contrôler l’action de l’exécutif et à veiller à la bonne marche de notre pays.

Les dysfonctionnements, quotidiennement ressentis par des centaines de milliers d’usagers, doivent être compris afin de dégager un certain nombre de propositions concrètes permettant d’améliorer le service public. Tel est notre objectif, notamment au travers d’auditions comme celles de ce matin.

Les représentants de SUD SNCF n’ont pu cependant être présents, en raison d’une cérémonie funèbre.

M. Philippe Touzet, délégué central de SUD RATP. Le syndicat SUD RATP se réjouit que l'Assemblée nationale se soucie des problèmes du Réseau Express régional d'Île- de-France, en espérant que ses motivations ne sont pas uniquement dictées par des motifs électoraux.

Nous n'interviendrons qu’à propos des lignes A et B du RER, dont la RATP est le principal opérateur de transport et gestionnaire d'infrastructures.

Après des années de sous-investissement, voilà donc que le RER redevient l'objet de toutes les attentions, jusqu' à celle du Chef de l'État qui l’a érigé en enjeu national lors de son discours du 5 décembre 2011. Cette situation nous rend interrogatifs vis-à-vis de la politique de décentralisation des transports en Île-de-France initiée en 2000 avec la loi « SRU », d'autant qu'à moyen terme, nous risquons d'assister à un éclatement des transports franciliens avec la mise en œuvre de la loi dite « ORTF » de 2009.

Considérer les problèmes du RER indépendamment des autres modes de transport serait une grave erreur, tout comme l'éclatement de la RATP sera préjudiciable aux usagers, sauf si le but recherché est bien de favoriser une économie de marché, en opposition avec un service public de qualité.

Effectivement, les usagers des lignes A et B du RER représentent une clientèle captive car, davantage que des mouvements sociaux, c'est bien du manque d'alternative qu'ils sont les otages – selon un terme à la mode – en raison d'une politique d'urbanisation non maîtrisée et d'une absence d'investissements en matière de transports qui a créé une dichotomie entre les pôles d'emplois et les lieux d'habitation.

La saturation des lignes A et B du RER n'est pas un risque : c'est déjà une réalité que vivent presque quotidiennement près de deux millions de voyageurs. Dès lors, la moindre interruption d'exploitation devient un problème pour tous ceux qui ne disposent d’aucune alternative pour rejoindre leur lieu de travail ou d'habitation.

Le RER est d'abord une infrastructure de transport surexploitée, qu’il s’agisse des voies ou des caténaires, soumise à une charge de plus en plus lourde, notamment avec les trains à deux niveaux MI2N et MI09, et à une fréquence de plus en plus tendue. Il subit également une surcharge de ses matériels de transport anciens, que sont les trains MI84 et MS61, comme des gares et des pôles d'échange. Ce qui crée des dangers aux heures d'affluence, tant à bord des trains, où des voyageurs connaissent des malaises, que sur les quais, avec des chutes sur les voies.

Parallèlement, le réseau souffre d'un désengagement en matière de maintenance, avec de plus en plus d'opérations curatives au détriment des actions préventives, une gestion des stocks de pièces à flux tendu et le recours à l'externalisation de certaines opérations contreproductives. La découverte de poussières d'amiante dans les trains MI79, qui sortaient de rénovation, démontre l'inefficacité d’une politique consistant à externaliser des opérations que pourrait efficacement réaliser la RATP.

Il faut aussi s'interroger sur les coûts directs et indirects de la rénovation, aux limites d'une technologie vieillissante qui peut occasionner des pannes, comme encore cette semaine sur la ligne A du RER.

Au-delà de leur fréquentation, c'est bien de retards à répétition que souffrent les lignes A et B du RER, les deux étant intimement liés, la surcharge et la surexploitation entraînant une multiplication des incidents et donc des retards. S’ y ajoutent les conséquences des colis suspects, des incivilités et des actes de vandalisme.

Les conflits sociaux ne représentent qu'une infime partie des perturbations, dans un contexte de gel des salaires et de reculs sociaux sans précédent qui mériteraient un plus haut niveau de mobilisation des salariés. SUD RATP ne se réjouit donc pas du faible niveau de conflictualité de l'année 2011, avec seulement 0,56 jour de grève par agent sur la ligne A du RER et 0,96 sur la ligne B.

Les conséquences de la grève, montées en épingles par quelques démagogues, sont donc loin de représenter le problème majeur du RER. Mais il suffirait d'arrêter la casse des acquis sociaux, d'augmenter les salaires, d'améliorer les conditions de travail et de mener une politique de l'emploi pour que cessent les grèves, conséquences avant tout des attaques incessantes du gouvernement et de la surdité de la direction de notre entreprise. SUD RATP continuera donc, par tous les moyens, à défendre les intérêts des salariés : c’est sa seule raison d'être.

En matière d’environnement, le nombre de voyageurs transportés par les RER A et B met en lumière l'intérêt des transports en commun en matière de développement durable. Le facteur d'émission de la voiture particulière en milieu urbain est en effet 55 fois plus élevé que le facteur d'émission moyen des modes ferrés. Cependant il parait nécessaire de remplacer certains matériels roulants, comme le MS61, qui reste très polluant et qui ne restitue pas d'énergie au freinage, contrairement aux matériels plus récents.

Enfin, l'interopérabilité sur les lignes A et B du RER est une fausse bonne solution car la relève entre les conducteurs est un faux problème qui n'est pas en lui-même celui de ces deux lignes. Ainsi, l'interopérabilité de la ligne B n'a toujours pas démontré son efficacité, et les difficiles relations, voire la compétition, entre la SNCF et la RATP ne favorisent pas l'interpénétration des réseaux RFF et RATP. À l'image du poste de commandement unique, CUB, qui n'a toujours pas été créé sur la ligne B.

Sur la ligne A, l'interopérabilité, souhaitée par le Président de la République lui-même, risque de créer plus de problèmes qu'elle n’en résoudra. En effet, les temps de relève entre les conducteurs de la RATP et de la SNCF ne sont pas différents des inévitables temps de relève des conducteurs de la RATP entre eux. Sauf à remplacer les hommes par des machines, il faudra toujours procéder à des changements de conducteurs.

L'interopérabilité n'apportera rien de positif sur la ligne A du RER, si ce n'est une perte d'expérience dommageable à la régularité et à l'efficacité de la ligne, surtout dans son tronçon central où la RATP possède la maîtrise d'une fréquence d'exploitation plus proche de celle du métro que de celle du train.

Voici maintenant quelques pistes pour améliorer le fonctionnement des lignes A et B du RER.

En premier lieu, il faut favoriser la création d'emplois au plus près des zones d'habitation pour éviter d'accentuer le phénomène d'éloignement entre le domicile et le travail au regard du coût du logement en Île-de-France. On constate aujourd'hui une forte déconnexion entre des sièges sociaux qui s'installent à l'Ouest et des zones d'habitation qui se construisent à l'Est.

Il convient ensuite de développer des alternatives pour les usagers, de plus en plus nombreux, situés en bout de ligne des RER A et B.

Même le Grand Paris n'apporte pas de solution à moyen ou à long terme sur certains secteurs de la grande couronne, comme celui de Marne-la-Vallée Chessy, alors que les besoins de transports ne cessent de croître en Seine-et-Marne et que le TGV n'est évidemment pas un mode adapté à des déplacements urbains et semi urbains quotidiens.

De la même manière, le développement du plateau de Saclay ne doit pas s’effectuer sans un renforcement de la ligne B du RER, en attendant une ou des alternatives dédiées.

Il convient également d'améliorer l'offre de transport globale et la fréquence dans les branches du RER. Il est nécessaire pour cela de doubler les voies et les tunnels des RER A et B afin d'augmenter la capacité de leur tronçon central.

Nous préconisons aussi de poursuivre le remplacement de tous les anciens matériels roulants par des trains du type MI09. Ce qui pose la question du financement au moment où l'État prend des décisions augmentant la dette de la RATP et pesant sur des salariés soumis à un effort de productivité sans précédent, justement pour la réduire. Autrement dit : l’État décide des dépenses et les salariés en payent la note.

En dehors du périmètre de la RATP, il conviendrait de mettre en place des voies dédiées au RER car le réseau RFN n'est pas adapté aux exigences et aux fréquences des RER A et B, dont les voies ne souffrent pas d'être partagées avec d'autres lignes ou d’autres services.

L'augmentation des effectifs de conducteurs permettrait également d'améliorer la régularité, avec des glissements aux terminus pour compenser et rattraper une partie du retard pris en ligne.

Le nombre de stagiaires conducteurs devrait être accru. Actuellement, le département « métro » de la RATP ne pourvoit pas le département RER en mutations suffisantes pour remplacer, dans les délais impartis, tous les conducteurs du RER partant en retraite.

Nous réclamons une véritable politique de maintenance préventive, comportant des entretiens techniques et des visites systématiques, ce qui éviterait certains incidents en ligne, que subissent trop souvent les usagers.

Il faut renforcer la sécurité sur les voies afin d’éviter les vols de câbles, récurrents ces derniers mois. Nous sommes toujours en attente du renfort des 300 agents du service interne de sécurité de la RATP, le GPSR, annoncé le 11 mars 2011 par le ministre de l'intérieur.

Afin de mieux assister les voyageurs dans leurs déplacements occasionnels ou quotidiens et de mettre un terme à la politique de déshumanisation, nous souhaitons que l'accueil dans les gares soit amélioré.

Enfin, nous proposons de renouveler l'infrastructure de transport, méthodiquement la nuit, pour éviter des fermetures d'exploitation sur des périodes données – dont vous pouvez imaginer les conséquences – telles que les envisage pourtant la RATP, qui prévoit de renouveler l'intégralité du ballaste et des voies du tronçon central du RER A à l'horizon 2014.

Pour ne pas entrer dans un débat politique, nous n'interviendrons pas spécifiquement sur la question du financement, simple problème à nos yeux de redistribution et de partage des richesses. À l'heure où l'État veut augmenter les impôts indirects, avec une « TVA antisociale », tout en continuant d'exonérer les plus hauts revenus de l'imposition directe, nous estimons que les sources de financement se trouvent là où il y a de l'argent, et non pas dans les poches des plus défavorisés.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

M. Pierre Morange, rapporteur. Je tiens à préciser pour l’ensemble des personnes auditionnées qu’une commission d’enquête parlementaire constitue un dispositif relativement exceptionnel. Chaque législature n’en compte, en moyenne, qu’une dizaine. Avant d’en créer une nouvelle, il convient donc de réaliser, en amont, un long travail pédagogique. C’est bien pourquoi on ne peut dire que la présente commission s’inscrive dans le calendrier électoral du premier semestre 2012.

Nous avons choisi d’effectuer un « zoom » sur le réseau express régional, qui transporte tous les jours près de trois millions de Franciliens, après que nombre de missions parlementaires d’information se sont pertinemment penchées sur les thèmes du transport ferroviaire et du fret, également analysés par la Cour des Comptes dans un rapport de novembre 2010. La formule de la commission d’enquête nous a semblé bien adaptée à notre démarche en raison des moyens spécifiques, et particulièrement puissants, dont elle dispose et qui permettront peut-être de débloquer certaines situations que vous-même avez rappelées.

Un consensus se dégage sur la problématique d’aménagement du territoire, illustrée notamment par le fait que 18% des Franciliens habitent dans Paris où sont concentrés 32% des emplois, traduisant un mouvement inexorable et dépassant le constat traditionnel du logement à l’Est et du travail à l’Ouest.

Il en va de même du constat d’un réseau ferroviaire vieillissant sur lequel presque aucun investissement n’a été réalisé au cours des deux dernières décennies, ainsi que de l’augmentation du trafic de 30% durant les dix dernières années avec, en perspective, une augmentation analogue pour les dix prochaines. Ce qui a conduit à la surcharge que nous connaissons, où le moindre incident aboutit à une situation cauchemardesque, comme cela a encore été le cas lundi dernier.

Les personnels des entreprises de transport ne sauraient évidemment être tenus pour responsables de la « galère » subie par les usagers. Notre objectif n’est pas d’instruire leur procès mais de conduire une réflexion pragmatique qui soit de nature à résoudre un certain nombre de problèmes pratiques, aussi bien, à long terme, par une relance des investissements, qu’à court terme par l’adoption de quelques solutions concrètes. En tant qu’acteurs du système de transport, vous détenez la maîtrise de celles-ci et pouvez donc les soumettre à notre commission dans un esprit d’intérêt partagé. Je souhaiterais donc que vous nous en présentiez un relevé exhaustif, assorti d’une hiérarchisation des causes de dysfonctionnements du réseau que vous avez relevées.

J’aimerais également recueillir le sentiment des organisations syndicales de la RATP et de la SNCF sur la nécessité d’assurer une coordination efficace des différents opérateurs, aussi bien au titre du poste de commandement centralisé que dans la perspective d’un opérateur unique, notamment pour les lignes A et B du RER.

Enfin, quel bilan tirez-vous des lois de 2007 sur la modernisation du dialogue social et sur le service minimum dans les transports ?

M. Axel Poniatowski. La commission d’enquête ne comporte que des élus d’Île-de-France, ce que j’approuve car les conditions de vie sont plus difficiles, plus complexes et plus coûteuses en région parisienne qu’en province. Notre problématique est spécifique.

Les transports en commun, spécialement le RER, comptent parmi les facteurs de qualité de la vie.

Plusieurs propositions formulées ce matin par les uns et par les autres me paraissent particulièrement intéressantes.

Un de nos problèmes majeurs réside dans le nombre trop élevé de voyageurs par rapport à ce que permettent les infrastructures actuelles. N’oublions pas que la région d’Île-de-France est la première d’Europe, devant le Bade-Wurtemberg, par le niveau de son PIB ; nous souhaitons qu’elle le reste.

Pour cela, des investissements importants devront être réalisés dans le secteur du rail, d’autre part des solutions devront être trouvées pour rapprocher les usagers de leur lieu de travail. Ne devrait-on pas envisager la mise en place d’aides publiques dans ce but ? Ce qui coûterait beaucoup moins cher que des investissements massifs pour accroître les capacités de transport. Dans la plupart des ménages, l’homme et la femme travaillent et ne déménagent pas si seulement l’un des deux prend un emploi dans un lieu plus éloigné : ne peut-on imaginer que, au moins, les personnels fonctionnaires, nationaux ou territoriaux, ou d’organismes dépendant de l’État, puissent faire valoir des priorités pour leur mutation en fonction du lieu de résidence de leur ménage ?

Il faut aussi évoquer le covoiturage et le péage, sujets encore peu explorés en France, alors qu’aux États-Unis la première formule se pratique depuis près de trente ans. En Île-de-France, les autoroutes A4, A15 et A86 pourraient l’expérimenter dans certaines tranches horaires matinales.

Sur toutes ces questions, existent, pour notre commission, des gisements de propositions.

Élu de la partie ouest de la région parisienne, j’entends dire que le changement de conducteur du RER à Nanterre constitue un problème majeur, provoquant parfois des retards. Pourrais-je obtenir des précisions sur les difficultés créées en la matière par les fourches ?

Personne n’a encore parlé de l’insécurité. Considérez-vous qu’elle relève d’une certaine désorganisation du trafic ? Avez-vous des propositions à faire en la matière ?

M. Guy Malherbe. Trois grands opérateurs interviennent en Île-de-France : la RATP, la SNCF et RFF. Est-ce trop ? Un opérateur unique des réseaux RATP et RER, permettant notamment une unité de commandement et de gestion des personnels, serait-il préférable ? Cette formule résoudrait-elle les problèmes d’interopérabilité qui ont été évoqués ?

Le rapprochement entre lieu d’habitat et lieu de travail préoccupe bien sûr les maires que nous sommes. Mais il faut savoir que les populations, souvent favorables à la construction de logements dans leurs quartiers, le sont beaucoup moins à la constitution d’une nouvelle zone d’activités économiques, dont elles redoutent les pollutions et les nuisances diverses.

Usager du RER C, je constate qu’il fonctionne plutôt bien et n’a pas, d’ailleurs, été cité ce matin. Mais se pose désormais le problème de la saturation des parcs de stationnement à proximité des gares du RER, nos concitoyens étant de plus en plus incités à préférer les transports en commun à l’utilisation de leurs voitures individuelles. L’augmentation du prix de l’essence et les discours officiels sur le développement durable ont contribué à cette évolution, ainsi que les difficultés rencontrées pour entrer dans Paris. La ville n’est pas adaptée à l’accueil d’un nombre très élevé de véhicules, manquant notamment de possibilités de stationnement.

La ligne C du RER va donner lieu à des études et à des travaux d’amélioration. L’État a signé un contrat de plan avec la région, avec un apport d’un milliard d’euros : 370 millions d’euros sont affectés à la ligne C, dont 70 millions pour la rénovation des gares et 300 millions au titre notamment de l’étude de son sextuplement entre Paris et Juvisy ainsi que pour résoudre le problème du nœud ferroviaire de Brétigny. Nous connaîtrons bientôt le calendrier des travaux.

Depuis la fin de la décennie de 1970, existait, dans le département de l’Essonne, un projet de tangentielle ferrée de grande ceinture sud-ouest, dont la réalisation a été abandonnée en 2002 pour être remplacée par celle du Tram Train entre Massy et Evry (TTME) et, peut-être, Versailles. La ligne devrait être ouverte en 2017, améliorant ainsi les déplacements entre banlieues.

M. Patrice Calméjane. Usager de la ligne E du RER, je constate aussi une saturation du trafic à certaines heures.

La ligne A du RER a été inaugurée en 1969 : on ne peut donc parler, comme l’a fait Mme Patricia Lasalmonie, d’une période de cinquante ans.

J’aimerais maintenant entendre les propositions, présentées tout à l’heure comme pratiques et pas chères par le représentant de l’UNSA.

La carte Imagine R, destinée aux étudiants de 12 à 25 ans, n’est « dézonée » que du samedi à zéro heure au dimanche à zéro heure, alors que la période de loisir des lycéens commence plutôt le vendredi vers 17 heures. Son mode de diffusion est également trop restreint : dans quatre gares seulement pour un département de 1,5 millions d’habitants.

En matière de sécurité, dispose-t-on de données quantifiées sur les fraudes ? Il semblerait qu’un nombre relativement élevé de personnes emprunte sans payer les différentes lignes du RER. Les transports ont un coût, qui doit être équitablement réparti.

Hors lignes nouvelles, quels investissements ont été réalisés en matériels et en infrastructures au cours des vingt dernières années ? On nous dit parfois que rien n’a été fait : j’aimerais disposer de données précises et mesurer ainsi les besoins des prochaines années.

En Île-de-France, région capitale et la plus riche d’Europe, on se déplace pour son travail mais aussi pour ses loisirs. Comment améliorer l’image de Paris, une des capitales mondiales du tourisme, vis-à-vis de ceux qui utilisent les transports en commun dans ce cadre ? Les liaisons et interconnexions ainsi que les tarifications sont souvent complexes, la sécurité n’est pas parfaitement assurée.

Les investissements récents réalisés autour des gares n’ont pas suffisamment pris en compte les parcs de stationnement.

Le péage existe, de fait, pour l’entrée dans Paris, en raison de l’impossibilité de stationner sur la voie publique et du quasi-monopole détenu par un opérateur privé sur les parkings souterrains qui lui ont été concédés. N’est-ce pas la conséquence d’une politique de la ville cherchant à éliminer l’automobile en surface ?

M. Didier Gonzales. Usager de la ligne C, j’ai retenu du premier tour de table de ce matin que l’on pouvait identifier un certain nombre de mesures pratiques propres à améliorer les choses dans l’immédiat. Elles méritent donc d’être relevées et expertisées. Mais on voit bien que le fond du problème est celui de l’aménagement du territoire et que les chiffres d’évolution du trafic de voyageurs sont alarmants. De simples ajustements ne semblent pas se situer à la hauteur des enjeux.

J’approuve donc l’idée, esquissée par M. Axel Poniatowski, d’élargir le champ des travaux de notre commission au-delà des seules questions concernant le RER afin d’appréhender le problème plus vaste d’aménagement du territoire.

Notre président et notre rapporteur sont-ils disposés, à ce stade de la réflexion, à prendre en compte la dimension réelle des thèmes sur lesquels nous travaillons ?

M. le président Daniel Goldberg. Il s’agit en effet de sujets très vastes, touchant à l’aménagement du territoire, à l’équilibre entre l’habitat et l’emploi, que nous aborderons dans le cadre de cette commission. Nous entendrons d’autres responsables que ceux du seul secteur des transports, notamment des personnalités qualifiées qui ont établi le lien entre transports et aménagement du territoire. Mais il faut d’abord nous concentrer sur les dysfonctionnements du RER.

M. Gérard Gaudron. L’interopérabilité me semble apporter une bonne solution pour améliorer la qualité du service mais il semblerait que le dossier soit bloqué. Qui bloque ? Et pourquoi ?

La sécurité des usagers ne me semble pas avoir suscité beaucoup de propositions de la part des syndicats. J’aimerais qu’ils nous en parlent davantage.

La CFDT a présenté des propositions pour la tarification unique. Peut-elle les mieux les préciser, s’agissant notamment des calculs de coût ?

M. Thierry Roy, secrétaire fédéral de la CGT Chemins de fer français. À nos yeux, l’opérateur unique est une fausse bonne solution. Une seule des organisations assises autour de cette table l’a proposée. Les présidents de deux entreprises publiques concernées n’y semblent pas très favorables.

La SNCF est l’opérateur exclusif de trois des cinq lignes du RER et pour moitié, s’agissant des deux autres lignes A et B. La professionnalisation de ses salariés n’est donc pas en cause : ils savent travailler en banlieue dense. Les personnels n’ont pas à être opposés les uns aux autres au titre de leur savoir-faire : appartenant à la SNCF ou à la RATP, ils disposent de leur propre technicité.

Certaines des voies exploitées par la SNCF relèvent du Réseau ferré national (RFN). Si donc on transfère les lignes à la RATP, il faudra déclasser ces voies. Or elles sont également utilisées, notamment la nuit, par des trains de fret. Il vaut donc mieux réfléchir à des solutions qui favoriseraient les interfaces, telle que le commandement unique, afin d’améliorer la gestion des situations de crise. Mais l’opérateur unique ne résoudrait pas le problème de la saturation du réseau, particulièrement de la ligne A.

Le problème de la relève des conducteurs se pose de la même manière qu’il s’agisse de conducteurs appartenant à deux entreprises ou à une seule. En outre, le temps de montée et de descente des usagers dans le train est supérieur à celui de la relève des conducteurs.

Il est, au surplus, paradoxal d’évoquer la perspective d’un opérateur unique quand, par ailleurs, on met en concurrence les deux entreprises concernées et qu’on multiplie les opérateurs sur les réseaux d’autobus. Comment un opérateur unique représenterait-il une bonne solution en souterrain mais pas en surface ? La réalité est que nous avons deux entreprises publiques qui savent chacune faire fonctionner un réseau, et la bonne question consiste à se demander comment mieux les faire travailler ensemble.

M. le rapporteur. Un consensus se dégage sur la notion de poste de commandement centralisé, au nom de la bonne coordination.

M. Thierry Roy (CGT Chemins de fer français). Absolument, et il existe déjà … même s’il ne fonctionne pas.

M. le rapporteur. Ce poste étant donc quelque peu virtuel, comment verriez-vous, en tant que professionnels du transport, s’effectuer sa mise en oeuvre opérationnelle ? Dans quel délai ?

M. Thierry Roy. Cela peut intervenir très rapidement. Rapprocher physiquement les équipes de la SNCF et de la RATP ne soulève pas de difficultés particulières.

De plus, il faut savoir que 60% des déplacements qui s’effectuent sur le réseau de la RATP ne sont pas dus au trajet entre le domicile et le lieu de travail. Ce qui pose des problèmes de signalétique adaptée et d’accueil orienté vers des usages touristiques, notamment en terme d’effectifs de personnels : les touristes, spécialement les étrangers, ont besoin d’agents qui les renseignent dans les gares et qui puissent souvent leur parler en anglais. La Gare du Nord, première d’Europe par son trafic, souffre ainsi d’une insuffisance d’accueil et de bonne orientation des touristes.

La sécurité des usagers est liée aux comportements d’incivilité, comme la résistance à la fermeture des portes qui empêche le train de partir. Se pose aussi la question de l’accompagnement des voyageurs dans les voitures, difficile à mettre en oeuvre en banlieue dans des wagons bondés.

La question de la présence humaine se pose donc d’une façon générale, dans les gares et dans les trains. On sait bien que la déshumanisation conduit directement à l’insécurité. La SNCF a accru les effectifs de son Service de la surveillance générale (SUGE) dans le cadre de la police ferroviaire. Mais il faut aussi assurer une meilleure ouverture de la gare au public, grâce à une présence humaine du premier au dernier train.

M. Frédéric Sarrassat (UNSA-RATP). La question de l’opérateur unique éveille immanquablement une querelle de clochers entre deux entreprises publiques…

M. le président Daniel Goldberg. D’où justement la question de l’opérateur unique !

M. Frédéric Sarrassat. Le protocole que nous avons signé sur l’interopérabilité date de 2009 et, depuis lors, on parle du CUB comme d’une Arlésienne : rien ne se passe, la RATP et la SNCF ne cessant de se renvoyer la balle. Les mêmes questions demeurent sans réponses : qui va commander les conducteurs ? La RATP exercera-t-elle une quelconque autorité sur les conducteurs de la SNCF, et réciproquement ? Le CUB sera-t-il installé à Denfert-Rochereau ou dans le nord de Paris ? Les intérêts divergents bloquent toujours les discussions. Comment faire maintenant progresser le dossier ? Pour la partie commandement, c’est possible rapidement mais la volonté politique fait défaut.

J’entends également parler d’interopérabilité sur la ligne A afin de résoudre le problème de la fourche. Il vaudrait mieux commencer par mettre en place un commandement centralisé : quand il n’existe qu’une seule autorité, la régularité s’améliore.

La problématique de la fourche réside dans l’arrivée de deux branches sur un tronçon central, comme dans un entonnoir. Avec ou sans relève des conducteurs, les difficultés restent donc les mêmes quant à la régularité du trafic. Sur la ligne B, des études réalisées en 2008 ont conclu que la seule solution résidait dans l’interopérabilité. Or, Gare du Nord, l’existence d’un seul tunnel oblige les trains à attendre presque une minute trente avant que le signal passe au vert. La seule solution viable est donc, tout simplement, le doublement du tunnel.

Par ailleurs, par rapport aux quelques milliards d’investissement réalisés dans certains secteurs, il existe des solutions simples et peu chères.

Ainsi, placer une quinzaine de conducteurs supplémentaires à certains terminus pour faire tourner les trains améliorerait la fluidité. Nous le demandons depuis trois ans, mais cela ne s’est jamais fait. Il est tout de même incroyable de ne pas trouver quinze conducteurs supplémentaires pour la ligne A, qui transporte 1 200 000 voyageurs par jour !

Toujours sur la ligne A, il conviendrait d’installer le système SACEM jusqu’à Noisy-le-Grand. Il s’agit d’un système d’aide à la conduite, à l’exploitation et à la maintenance, mis en place en 1988. Il permet de ne garder qu’un espace très réduit entre deux trains, mais n’existe que sur le tronçon central. Sur les lignes B et D, il n’y a pas de système SACEM, ce qui oblige les conducteurs à travailler aux signaux. Comment pourra-t-on, en 2013, faire passer 32 trains dans un tunnel aux heures de pointe ? C’est quasiment impossible.

Pour améliorer la fluidité, on fait circuler des trains « haut le pied » en ne prenant pas de voyageurs pendant deux stations, pour arriver à l’heure ; en clair, on saute deux stations. Malheureusement, l’information des voyageurs n’est pas toujours assurée en temps et en heure, ce qui suscite des mécontentements, que certains manifestent parfois en actionnant les freins de secours.

J’en viens à l’insécurité.

Par exemple, au nord de la ligne B, les voyageurs se font régulièrement « dépouiller » en sortant de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Le phénomène est connu et a été maintes fois relayé par les organisations syndicales et par les conducteurs eux-mêmes.

Sur le RER A, les freins de secours sont actionnés 600 fois par an, la plupart du temps sans aucun motif : il s’agit d’actes d’incivilité pure, qui provoquent des retards que l’on n’arrive pas à récupérer. En effet, depuis que l’on a augmenté l’offre de services sur la branche de Cergy-Pontoise en 2008, nous ne bénéficions plus, dans la journée, de la respiration qui nous permettait de nous remettre à l’heure.

M. le rapporteur. Quel est le bilan de l’augmentation des fréquences sur Cergy ?

M. Frédéric Sarrassat. Nous n’arrivons pas à faire passer suffisamment de trains dans le tronçon central aux heures de pointe.

M. le rapporteur. Cette augmentation des fréquences ne s’est-elle pas traduite pas une amélioration ?

M. Frédéric Sarrassat. Pour les habitants de Cergy-Pontoise, oui. Mais tout le reste de la ligne A s’en est trouvée perturbé.

Sur cette question, je vous suggère d’entendre M. Luc Offenstein, conducteur sur cette ligne depuis quinze ans.

M. Luc Offenstein (UNSA-RATP). Entre 2003 et 2008, le nombre de journées pendant lesquelles nous transportons plus d’un million de voyageurs est passé de 7 à 185 – en fait, tous les jours ouvrables hors périodes de congés scolaires. Nous avons subi de plein fouet cette augmentation, d’autant que dans le même temps, les investissements n’ont pas suivi. On s’est contenté, par exemple, de rénover un ancien matériel, le MS61, qui n’est plus adapté à la ligne A.

Voici un peu plus de trois ans, nous avons travaillé sur les améliorations qu’il était possible d’apporter et nous avons transmis tous nos documents à notre PDG. Malheureusement, nos propositions sont restées lettre morte. Je les récapitule.

En premier lieu, il serait de bonne méthode de n’utiliser qu’un seul type de matériel, c’est-à-dire aujourd’hui le matériel type MI2N et MI09, qui est compatible et permet d’augmenter le nombre de voyageurs.

Nous demandons aussi une extension et une amélioration du système SACEM, qui permet de rouler à moins de deux minutes d’intervalle, avec des trains qui, théoriquement, peuvent atteindre 100 km/h dans le tronçon central. Aujourd’hui, ce système sature : en cas de dysfonctionnement, le conducteur n’a d’autre solution que celle de repartir avec l’ancien système, à savoir la signalisation fixe ; or celle-ci augmente les intervalles et nous fait perdre encore du temps.

Il faudrait également achever la modernisation des dispositifs de visualisation des portes – je pense aux moniteurs de télévision et aux grands rétroviseurs, qui permettent un meilleur échange des voyageurs.

Nous souhaitons que le radiotéléphone fixe – dans notre jargon le RTF – soit remplacé par une radio numérique type TETRA, embarquée directement dans les trains. Nous aimerions que l’on étende le système SIEL (système d’information en ligne), développé au niveau du CDSMG (Centre de surveillance multi gares) de Val d’Europe, qui harmonise l’information avec l’exploitation en temps réel. En ce domaine, en effet, des progrès restent à accomplir.

De même, il conviendrait de raccourcir les temps de translation des aiguillages et de moderniser la signalisation environnante des services provisoires. J’entends par « services provisoires » les changements de voie : en situation dégradée, nous pouvons changer de voie et rouler à contresens pour utiliser la ligne, au moins partiellement.

Un schéma directeur nous a bien été présenté le 16 décembre. Toutefois, si sa faisabilité est établie, le délai de mise en oeuvre est de cinq ans. Or c’est beaucoup trop long ! Il faut rallonger certaines voies et installer des intercommunications de voies le plus rapidement possible, en profitant du renouvellement de la voie et du ballast ou RVB. Pour le RER B, cela aurait déjà dû être fait en 2012 ; on a porté le délai à 2014. Il serait temps de s’en préoccuper.

À Saint-Germain, il faut reprendre l’implantation de la signalisation. Et si on veut y faire passer davantage de trains, il faudra ouvrir l’arrière gare pour permettre le « retournement après gare ». De même, à Torcy, il est nécessaire de modifier l’arrière gare et l’infrastructure ferroviaire.

En ce qui concerne, les personnels, je serai très clair : la tendance actuelle, qui est de diminuer les effectifs, principalement roulant, constitue une très grave erreur. Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple du problème causé par le renforcement de l’offre sur la branche Cergy. Pour le résoudre, il faudrait pouvoir rattraper, en bout de ligne, le retard qu’il a occasionné. En effet, ce renforcement nous a obligés à mettre cinq trains supplémentaires dans le tronçon central, qui est devenu un entonnoir. Auparavant, pendant les heures creuses, nous pouvions rattraper le retard que nous prenions pendant les heures pleines. Maintenant, ce n’est plus le cas. La solution la plus logique et la plus facile à mettre en œuvre consisterait à placer des conducteurs de réserve aux terminus intermédiaires – à La Varenne-Chennevières, Torcy, Rueil-Malmaison – pour tourner les trains qui ont pris du retard. De la sorte, les conducteurs des trains retardés changeraient de voie et pourraient repartir à l’heure après une pause. C’est une solution immédiate, mais qu’il n’est pas possible d’appliquer aujourd’hui.

Nous allons transmettre par écrit toutes ces propositions à la commission d’enquête.

M. Noël Duflos, délégué général d’établissement RER ligne A (syndicat Force Ouvrière de la RATP). La ligne A est actuellement victime de son succès. Depuis 2007-2008, des trains ont été rajoutés sur Cergy, mais le tronçon central ne comporte toujours que deux voies… ce qui revient à verser 1,25 litre dans une bouteille d’un litre. 

Au moment de l’accroissement de l’offre sur Cergy, des trains qui allaient de Cergy à Paris Saint-Lazare ont été reportés sur la ligne À, tandis que la direction de l’entreprise souhaitait que soit assurée, dans le tronçon central, une équidistance des temps de passage entre chaque train. Cette situation a conduit à rajouter aux trains venant de Cergy des trains de service partiel allant de La Défense à Noisy-le-Grand. Il fallait en effet faire en sorte que, dans Paris, se présente un train toutes les deux ou trois minutes, de manière fixe. Bref, la ligne est surexploitée. Dans le même temps, on n’utilise pas toutes les capacités de retournement en terminus disponibles pour ces trains. Certaines gares comme celle de Joinville, sur la branche de Boissy-saint-Léger, pourraient servir de terminus partiels pour des trains navettes, d’autant qu’on trouve dans cette zone des pôles touristiques intéressants : Bois de Vincennes, camping européen de Paris, hippodrome de Vincennes… Il est dommage de ne pas exploiter cette gare, qui permettrait d’absorber quelques trains.

En outre, le matériel choisi, le MI09, appartient déjà au passé – les moteurs sont récents mais la carrosserie a été conçue en 1996 – et ne répond plus aux normes de sécurité du ferroviaire. Sur le RFN, donc sur les parties de la ligne A allant de Nanterre Préfecture jusqu’à Poissy et Cergy, ce matériel est soumis à dérogation et ne peut pas circuler ailleurs. Alstom et Bombardier avaient en projet des matériels gros porteurs permettant de passer à un matériel de nouvelle génération, qui, lui, aurait pu être développé tant à la RATP qu’à la SNCF, et sans restriction de circulation sur le RFN. Toutefois, un an à dix-huit mois d’attente étaient nécessaires, et les autorités de tutelle ont préféré le MI09. En conséquence, nous devons « traîner » des matériels très disparates, d’âge et de conception différents : certains datent de l’époque du vieux moteur à explosion d’avant l’électronique ; d’autres appartiennent aux dernières générations. De plus, il a fallu re-développer des outils de maintenance pour les matériels anciens, reformer des équipes pour les entretenir et conserver de grandes surfaces à cet effet. Cela s’est évidemment fait au détriment de l’entretien et de la maintenance du matériel neuf, ce qui est tout à fait regrettable.

Nous ne voyons pas comment les lignes du RER pourraient être désengorgées car nous sommes tributaires des mouvements pendulaires des voyageurs et de leurs trajets entre leur lieu de travail et leur domicile.

Actuellement, les lignes C et D du RER ont limité le parcours de certaines missions : des trains partant de Saint-Martin d’Étampes sur la ligne C font terminus à Austerlitz ; des trains de la ligne D venant du sud-est font terminus à la Gare de Lyon, de manière à délester le tronçon. Cela se fait au détriment des voyageurs, puisqu’il y a rupture de charge.

Sur la ligne A, le tronçon central est plus chargé, et les voyageurs qui allaient à Saint-Lazare sont désavantagés : certaines gares, entre Cergy et Saint-Lazare, sont moins bien desservies et les voyageurs sont systématiquement dirigés sur ce tronçon central.

Enfin, il est évident que si le personnel travaille à flux tendu, la machine se grippe dès qu’un incident se produit, comme ce fut le cas lundi dernier sur la ligne A. Avec davantage de personnels, nous aurions certainement pu résoudre plus rapidement le problème.

M. Franck Drago, responsable GTN Traction de la CFDT Cheminots. Nous partageons ce qui a été dit précédemment sur l’opérateur unique. Même si ce n’est pas le sujet du débat, il est hors de question de mettre en concurrence les salariés du monde du transport.

La particularité de la ligne B vient de la séparation des gestionnaires d’infrastructures.

Par ailleurs, la particularité des postes de commandement, sur la partie SNCF, tient au fait qu’ils se trouvent dans les postes de commandement de l’infrastructure. C’est là que réside la complémentarité du système. L’intérêt est de pouvoir anticiper les divers incidents et d’échanger avec les gestionnaires d’infrastructures.

M. le président Daniel Goldberg. Je ne comprends pas pourquoi l’institution d’un opérateur unique mettrait en concurrence les personnels. Mais passons.

En revanche, j’ai cru comprendre que vous proposiez qu’il y ait un opérateur unique, non pour l’exploitation, mais pour les infrastructures. Pouvez-vous préciser votre pensée ?

M. Franck Drago (CFDT Cheminots). Nous considérons que la séparation entre le gestionnaire de l’infrastructure et les opérateurs ferroviaires mise en œuvre par l’État aboutit à la multiplication des acteurs qui se partagent le réseau – trains de fret, transporteurs de SNCF Voyage, TGV, etc. – et à la multiplication des points de vue individuels. Il n’y a plus de réflexion collective. Cela dit, nous n’avons pas à nous engager sur ce terrain.

En tout état de cause, et quelles que soient l’organisation et la gouvernance mises en oeuvre, faute des investissements nécessaires, les problèmes perdureront. Les camarades ont parlé de solutions « pas très chères ». Mais dès que l’on commence à toucher aux infrastructures et au matériel, il faut s’attendre à devoir y consacrer plusieurs centaines de millions ; on atteint rapidement le milliard. Comme cela a été souligné, sur RFN, les normes sont différentes. Enfin, il faut rénover les matériels anciens. Vous pouvez le constater, les problèmes sont très divers et on ne saurait leur apporter une solution unique.

Certains ont évoqué l’aggravation des problèmes de sécurité sur les différents réseaux. Des opérations de sensibilisation ont été lancées à l’intention des usagers, auxquels ont été distribuées des plaquettes. Sur la ligne D, par exemple, il a été expliqué que bloquer la fermeture des portes pour laisser rentrer un voyageur faisait perdre 30 secondes, ce qui provoquait des décalages, des bouchons et finalement d’énormes retards.

Aujourd’hui, la tendance est à la rationalisation. Ainsi, quand il existe une possibilité d’évitement pour faire en sorte que la situation d’un train n’ait pas de répercussions sur l’ensemble du plan de transport, on préfère intégrer l’utilisation de cette possibilité dans un calcul statistique… ce qui conduit, la plupart du temps, à la supprimer parce qu’à court terme, cela permet de réaliser des économies. Nous ne sommes pas convaincus qu’une telle solution soit valable sur le long terme.

En outre, des moyens devraient être consacrés à la sécurité des transports en Île-de-France, et une réflexion engagée sur l’aménagement des gares et sur les flux des voyageurs. L’augmentation de la fréquentation est telle que les gares ne sont plus adaptées à l’accueil des voyageurs.

Les opérateurs historiques sont soumis par ailleurs à des exigences de productivité. Quand l’État ou les collectivités ne financent pas, ils suppriment ou tentent de faire plus à coûts constants. Mais cela mène droit dans le mur : à vouloir « gratter » sur les coûts et à refuser d’admettre qu’on ne peut pas tout faire, qu’on ne peut pas toujours augmenter les fréquences, tous les acteurs se retrouvent en difficulté.

En matière de covoiturage, des essais ont été réalisés – consultation dans une gare, grâce à des téléphones mobiles de nouvelle génération, des offres de covoiturage. Toutefois, ce mode de transport pose des problèmes de coût et de fiabilité. Les transports en commun sont finalement plus sûrs. En outre, les utilisateurs risquent de ne pas sentir en sécurité.

Enfin, pour vous répondre sur le mode de financement, nous aurions besoin de précisions de votre part.

M. Gérard Gaudron. Vous avez mis en parallèle 62 euros et 90 euros…

M. Philippe Goullieux, secrétaire général du comité régional « Transport et Équipement » (CRTE) d’Île de France de la CFDT. Je répondrai sur les problèmes de tarification, mais je tiens tout d’abord à présenter quelques observations.

En premier lieu, je ne représente pas la CFDT-RATP, mais le comité régional des « Transport et Équipement » (CRTE), qui réunit en son sein, pour traiter notamment des questions d’aménagement du territoire, tous les syndicats CFDT liés aux activités du transport, dont les cheminots, les urbains et les aériens.

En deuxième lieu, bien que plusieurs intervenants aient insisté sur le financement, il convient de se pencher avant tout sur l’aménagement du territoire. Prenez l’exemple de l’incident qui est survenu lundi sur le RER A : il s’explique par le fait que le réseau du RER a été construit au moindre coût, à une époque où le trafic était bien moins dense qu’aujourd’hui. C’est un problème commun à la SNCF et à la RATP. En cas d’accident, nous ne disposons d’aucune voie d’évitement pour dégager les matériels en panne. Nous préconisons donc que, dans les infrastructures qui seront développées à l’avenir, de telles voies soient aménagées.

En troisième lieu, vous avez parlé de la sécurité. Mais je ne sais pas si vous visiez les voyageurs, qui peuvent être victimes d’agression, ou la circulation des trains.

M. le président Daniel Goldberg. Nous visions la répercussion que peuvent avoir sur le trafic les problèmes d’insécurité que peuvent rencontrer les voyageurs.

M. Philippe Goullieux (CFDT d’Île de France). Nous n’avons pas de solution magique à vous proposer. Cela dit, dans les zones denses, une des réponses pourrait consister à multiplier les portes automatiques sur les quais : celles-ci rassurent les voyageurs, qui peuvent craindre d’être poussés sur les voies. Le problème concerne, là encore, aussi bien la SNCF que la RATP. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai précisé que je ne représentais ni l’une ni l’autre : ma représentation est interprofessionnelle.

M. le président Daniel Goldberg. Personne ne représente la SNCF ou la RATP : vous êtes tous les représentants d’organisations de salariés. En outre, chacun s’exprime librement.

M. Philippe Goullieux. Venons-en à la problématique de la tarification. Le budget du STIF dépasse les 8 milliards d’euros, dont un peu plus de 3 milliards proviennent des billets payés par les usagers. Nous constatons que l’institution d’un Pass Navigo à tarif unique sur l’ensemble de l’Île de France n’est pas une demande forte des usagers, puisqu’un tel titre de transport est surtout utilisé dans les zones 1, 2 et 3, les zones plus denses. Par ailleurs, si ce Pass unique coûtait 62 euros, soit le tarif minimum des zones 1 et 2, son institution entraînerait une perte financière élevée pour le STIF. Pour l’éviter, il faudrait que le Pass coûte au moins 90 ou 92 euros.

Nous proposons une autre solution qui, elle, arrangerait la plupart des salariés : la réduction du nombre des zones. Une nouvelle zone 1 intégrerait les zones 1, 2 et 3, tandis que la seconde zone comprendrait les zones 4 et 5. En outre, nous pensons que les salariés et l’ensemble des voyageurs de cette première zone seraient intéressés par la possibilité de circuler jusqu’à la zone 5 pendant les week-ends et les périodes de fêtes.

Enfin, je tiens à dénoncer une anomalie. En Île-de-France, sauf lorsqu’ils sont titulaires de la carte Améthyste, réservée aux personnes non imposables ou handicapées, les retraités ne bénéficient d’aucune réduction. Pourtant, ils représentent 20% de la population de la région, contribuent, lorsqu’ils sont imposables, au financement du STIF, sont actifs dans des associations et participent à la vie de la communauté.

M. Thierry Babec, secrétaire général UNSA RATP. Les décisions qui seront prises à propos du Pass Navigo nous échappent. Nous nous en tiendrons donc à notre rôle de syndicalistes. Il nous semble malgré tout que l’instauration d’un tarif unique, qui aura un coût pour la région et réduira d’autant les investissements, ne constitue peut-être pas une priorité. Cela risque, en outre, de conduire à des suppressions de personnel dans les stations et les gares ; or rien ne remplace le contact direct d’un représentant de l’entreprise, qui peut rassurer les voyageurs.

À propos de l’opérateur unique, je ferai remarquer que chaque entreprise possède sa propre culture et qu’il faut tenir compte du sentiment d’appartenance des personnels à leur entreprise. La fusion des deux opérateurs pourrait, au moins pendant un certain temps, s’accompagner d’une certaine désorganisation.

Cela dit, nous nous félicitons presque qu’il soit envisagé aujourd’hui un seul transporteur en Île-de-France, car, depuis plus de vingt ans que je travaille à la RATP, j’ai entendu un discours inverse. Or la multiplication des acteurs ne pourra que multiplier les problèmes, chacun ayant ses procédures, ses réglementations internes, et donc sa culture – c’est déjà le cas aujourd’hui.

Nous serions plutôt favorables à un poste de commandement centralisé, dont l’institution constitue une réponse rapide et concrète aux difficultés rencontrées par les voyageurs – qui ne peuvent pas attendre le Grand Paris pendant quinze ou vingt ans. Bien sûr, cela suppose la fin des guerres de clocher. Dans l’intérêt des Franciliens, les deux entreprises doivent se mettre d’accord. Mais n’oublions pas que le pouvoir politique a son mot à dire : c’est lui qui commande. C’est votre rôle d’en décider, ce n’est pas le nôtre. Une telle solution permettrait d’harmoniser les réglementations et les procédures des deux opérateurs historiques.

M. le rapporteur. Je vous suggère de nous adresser une contribution écrite sur le sujet, qui me semble très important.

Avez-vous mis en place des programmes de formation pour standardiser les procédures ? Je pense plus particulièrement à la gestion de crise.

M. Thierry Babec. S’agissant des textes sur le service minimum – ou plus exactement l’obligation de déposer un préavis –, ils n’ont pas changé grand-chose. En revanche, la mise en place de l’alarme sociale – en 1996 à la RATP – a amélioré la situation, dans la mesure où elle a donné sa chance au dialogue social. Auparavant, il fallait déposer un préavis de grève pour pouvoir rencontrer l’employeur. Maintenant, il suffit de lui envoyer un courrier ou un fax, et il est devant vous dans les cinq jours. Ensuite, bien évidemment, il faut que les deux parties jouent le jeu, rentrent dans la salle pour négocier, avec la volonté d’aboutir. Bref, le service minimum n’a rien changé à notre quotidien. Pour nous, c’est du politique – au mauvais sens du terme.

Je répondrai à M. Poniatowski que logement et transport sont effectivement liés. Mais comment faire en sorte de rapprocher les usagers de leur lieu de travail ? Seule la puissance publique est à même de modifier les lois naturelles du marché. Tant que les logements situés à l’Ouest coûteront 8 000 ou 10 000 euros le mètre carré, peu de gens s’y installeront. Vous avez malgré tout raison : il serait très efficace de réfléchir de manière globale.

Enfin, il faut sortir des évidences. Constatant que les voyageurs sont serrés dans les trains, les politiques ont tendance à demander à l’opérateur d’en rajouter. Or si l’on veut que la situation s’améliore, il faut, au contraire, en supprimer même sur le RER A ou le RER B. Cessons d’en augmenter le nombre ; cela risque même de nous conduire à la catastrophe, : des trains ont déjà failli se retrouver face à face!

Les voyageurs seront-ils plus serrés ? Ce n’est même pas sûr. Je prends le RER A tous les jours et je constate qu’à deux minutes d’intervalle, un train peut être bondé et le suivant beaucoup moins chargé. C’est plus une question de régularité que d’offre de transport. Mais la régularité ne sera possible que si l’on arrête de rajouter des trains sur les lignes.

M. Axel Poniatowski. Ce que ne supportent pas les voyageurs, ce n’est pas tant le fait d’attendre ou d’être très serrés, c’est que le nombre de trains ne soit pas équilibré en fonction des destinations.

S’agissant des fourches, ce qui pose problème, en fait, c’est que deux trains sur trois puissent aller dans une direction et qu’un seul aille dans une autre.

M. Thierry Babec. Je partage votre point de vue. J’emprunte quotidiennement le RER A à Nation, pour rentrer chez moi, sur la branche de Chessy. Or, quand je vois deux trains qui vont vers la branche Saint-Maur – Joinville dans lesquels les gens sont très à l’aise, alors qu’un seul va vers Chessy et que, dans celui-ci, nous sommes « serrés comme des sardines », je suis choqué. J’en viens à penser que certains électeurs sont moins influents que d’autres. Mais sans doute est-ce de ma part du mauvais esprit…

M. le rapporteur. À l’ouest de la ligne A, dans l’autre sens, la raréfaction de l’offre de transport sur la branche allant vers Saint-Germain-en Laye, dont on pourrait pourtant supposer que les habitants ont un bon carnet d’adresses, constitue un contre-exemple !

M. Thierry Babec (UNSA RATP). Mettons en place des postes de commandement centralisés, harmonisons les procédures et les réglementations, apprenons aux entreprises à travailler ensemble : ce serait déjà une première réponse.

M. Frédéric Sarrassat (UNSA Transports RATP). L’un d’entre nous a déclaré que les investissements réalisés initialement sur la ligne A n’avaient pas été à la hauteur. Pour ma part, je pense le contraire. Le problème est que depuis bientôt trente ans, la situation n’a pas évolué.

Un autre a préconisé l’installation de portes palières. Cette solution est pertinente pour le métro. Elle l’est aussi sur le tronçon central du RER A, sauf que, pour l’instant, c’est impossible : nous utilisons en effet quatre matériels différents, avec des techniques et un espacement des portes différents.

M. Thierry Roy (CGT Chemins de fer français). Ce que l’on appelle les « accidents de personnes » – 90 % sont des suicides – affectent la régularité du trafic. Les procédures judiciaires actuelles sont très compliquées : on ne peut pas toucher le corps, ce qui conduit à bloquer le train et donc la voie ; il faut prévenir un officier de police judiciaire (OPJ), le Parquet, etc. De telles procédures prennent au moins une heure à la RATP, et deux heures à la SNCF ; il faudrait réfléchir à les alléger.

M. le rapporteur. Connaissez-vous l’ampleur du phénomène ?

M. Luc Offenstein On compte 35 à 45 accidents voyageurs graves par an, uniquement sur la ligne A, et pratiquement deux par jour sur l’ensemble du réseau ferré d’Île-de-France.

M. Thierry Roy (CGT Chemins de fer français). S’agissant du service minimum, nous y avons été défavorables dès l’origine. Il n’a fait que rendre plus compliqué l’exercice du droit de grève sans améliorer aucunement le dialogue social. Ce n’était pas la grève qui était responsable de l’irrégularité du trafic.

En matière de sécurité, je tiens à faire remarquer que l’État a sa part de responsabilité. Cela étant, les deux entreprises publiques ont aussi la leur – du reste, elles organisent des contrôles. Toutefois, elles ne peuvent pas assurer cette sécurité à elles seules. Il ne faut donc pas leur en déléguer l’entière responsabilité.

M. Alain Ternois (CFE-CGC de la RATP). Notre organisation syndicale était effectivement la seule à parler d’opérateur unique. Mais les propos des uns et les autres – sur les fameuses « guerres de clochers », sur l’endroit où l’on pourrait installer le PCC et sur son commandement – amènent à penser que la solution consisterait peut-être à n’avoir qu’un seul patron. Reste à savoir qui, de la RATP ou de la SNCF ? J’ai développé les raisons qui font que nous pensons que ce doit être la SNCF. Celle-ci devrait pouvoir opérer seule sur les lignes A et B du RER ; sur les lignes C, D et E, c’est déjà le cas, de bout en bout.

L’idée n’est pas d’avoir un opérateur unique en Île-de-France, mais d’avoir un opérateur unique sur les lignes A et B du RER. Il ne s’agit pas de remettre en cause les compétences des conducteurs de la SNCF ou de la RATP. Simplement, chacun travaille avec sa culture, et les règles de régulation et de conduite sont différentes. Aujourd’hui, lorsqu’un conducteur SNCF voit un panneau d’avertissement, il réduit immédiatement sa vitesse ; ce n’est pas le cas d’un conducteur RATP, qui continue jusqu’au feu rouge suivant. Tout cela peut évidemment créer des problèmes de régulation dans le tronçon central.

M. Thierry Roy C’est absolument n’importe quoi !

M. Alain Ternois. Dans la mesure où il n’y a pas d’opérateur unique, il faut à tout prix des voies dédiées. Or je crois savoir que RFF envisage, lorsque sera réalisé le projet d’amélioration au nord du RER B, d’y faire rouler des trains de marchandises et d’autres trains. Il n’y aura donc pas réellement de voies dédiées.

Je remarquerai, pour terminer, que le doublement du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord est également prioritaire si l’on veut pouvoir faire passer dans de bonnes conditions les trains du RER B et du RER D.

Mme Patricia Lasalmonie (Force Ouvrière RATP). J’habite depuis cinquante ans sur la fourche de Robinson, au sud du RER B, l’ancienne ligne de Sceaux. Sur cette fourche, dont on ne parle jamais, il n’y a que trois gares. Les foyers qu’elles desservent ne sont pas parmi les plus pauvres. Quant aux associations d’usagers du secteur, elles sont très virulentes. Il n’empêche que les trains qui sont supprimés pour améliorer la régularité de la ligne sont les nôtres, et qu’il nous arrive de devoir attendre huit trains pour regagner Robinson.

Les fourches posent donc de vrais problèmes. Mais je ne pense pas que changer d’opérateur améliorera la situation de ce secteur. Comme sur la ligne A, le problème vient du tronçon central, et c’est lui qu’il faut traiter.

Je remarque par ailleurs que l’on a beaucoup parlé de la sécurité des personnes. Cela ne doit pas nous conduire à négliger la sécurité ferroviaire. Certes, des incivilités sont à déplorer, mais celles-ci ne sont que le reflet de ce qui se passe aujourd’hui dans notre société. Je préfère insister sur le fait qu’en voulant faire de la productivité, la sécurité ferroviaire est mise en danger. De nombreuses organisations syndicales – en tout cas à la RATP – sont intervenues sur ce sujet. Par trois fois, en effet, nous avons failli faire la une du 20 heures, pour des accidents graves dans lesquels plusieurs centaines de voyageurs auraient pu trouver la mort. La sécurité ferroviaire a un coût, et, en ce domaine, il n’est pas possible de faire des économies.

M. Philippe Touzet, délégué central SUD RATP. Tout le monde semble avoir oublié que la RATP comme la SNCF, ont le même patron, à savoir l’État. C’est donc à lui de prendre des décisions pour faire en sorte que la situation s’améliore.

La question de l’opérateur unique ne se pose que parce que l’on a souhaité l’interopérabilité. Or l’interopérabilité est comme l’Europe : on a ouvert les frontières avant d’avoir harmonisé les règles. Il ne fallait pas laisser les conducteurs interpénétrer les réseaux. Il aurait fallu mettre en place un poste de commandement central.

Un changement de conducteur ne prend pas plus de temps que le mouvement des voyageurs. Mais il ne faut pas faire n’importe quoi. Il faut développer des interfaces techniques et se préoccuper de la sécurité ferroviaire, ce qui demande une certaine préparation. Si la décision peut-être prise rapidement, il en va tout autrement de sa mise en œuvre. Ainsi, lors de l’incident de lundi dernier, on s’est aperçu que lorsqu’il n’y avait plus de courant, il n’était plus possible de communiquer avec le conducteur et que celui-ci ne pouvait plus communiquer avec les voyageurs !

Dès l’origine, l’attention a été focalisée sur les conducteurs, lesquels seraient de dangereux irresponsables. Il aurait mieux valu se préoccuper de mettre en place un PC centralisé. Reste à savoir qui commanderait un tel PC. En outre, si l’on décidait de garder les deux entreprises, elles devraient y participer l’une et l’autre ; dans ce cas, pourrait imaginer un seul chef de salle, mais avec des systèmes d’interfaces. Tout cela est réalisable, mais doit être réfléchi.

Aujourd’hui, le principal problème qui se pose concerne le RER A – et le RER B suit le même chemin. Les autres lignes rencontrent aussi des problèmes, mais bien moindres. Il faut dire que le RER A et le RER B concentrent les deux tiers du trafic et que les fréquences des trains y sont bien plus élevées. Aux heures de pointe, sur Eole, il y a un train toutes les 20 minutes ; mais sur le tronçon central de la ligne A, lorsqu’un train arrive sur une station, l’arrière de celui qui en sort est encore visible – les conducteurs conduisent à vue.

Sauf incident, en heures creuses, la capacité de transport est suffisante sur la ligne A. Le problème se pose aux heures de pointe dans le tronçon central, par lequel on ne peut pas faire passer davantage de trains. La solution – qui suppose qu’on ait de l’argent –serait de doubler le tunnel ; de cette façon peut-être pourrait-on maintenir la même fréquence sur le tronçon central que sur les branches.

Si la tarification unique fait baisser le prix du Pass Navigo, nous sommes d’accord. En tout cas, il ne faut pas faire payer plus cher les usagers qui habitent en bout de ligne et dont ce n’est pas forcément le choix. En zone 5, il n’y a pas beaucoup de transport ; les Parisiens n’imaginent pas la chance qu’ils ont en termes d’offres de transport !

Comme l’a fait observer le représentant de l’UNSA, les portes palières ne constituent pas une solution. On peut envisager d’en installer au moment de l’installation, mais pas sur des systèmes existants. Sur la ligne 1, dans certaines stations, il a fallu affecter du personnel à la surveillance des portes palières : en effet, il existe un intervalle entre ces portes et les portes du train, qui fait que des voyageurs peuvent tomber sur les voies.

S’il est institué un péage sur les autoroutes à l’entrée de Paris, nous explosons ! Je propose une autre solution : supprimez les autoroutes ; rien que sur l’A 4, vous pourrez construire huit voies de RER …

S’agissant de la sécurité, nous l’avons déjà dit, nous attendons toujours le personnel promis par le ministre de l’intérieur. Évidemment, cela coûte de l’argent…

En cas de colis suspect, nous faisons appel aux services de déminage. Mais pourquoi ne formerait-on pas du personnel en interne ? Aujourd’hui, la gestion des colis suspects n’est pas satisfaisante et nous ne sommes pas à l’abri d’un accident. Il serait d’ailleurs intéressant que vous interpelliez la direction de la RATP à ce propos : il arrive, en effet, alors que des équipes de sécurité ont circonscrit le colis suspect, que des responsables de la RATP procèdent à son ouverture, alors qu’ils n’ont pas la formation nécessaire. Bien évidemment, tout comme les agressions, la présence des colis suspects peut entraîner des problèmes et des retards.

J’insisterai maintenant sur la baisse de qualité des contrôles à la RATP. Auparavant, il y avait des contrôles dédiés par réseau – RER, métro et bus. Pour satisfaire à une volonté politique, un service de contrôle unique a été mis en place. Selon moi, c’est une catastrophe.

Les contrôles ont fait apparaître un autre problème : celui des « pièges tarifaires ». Il est très difficile, notamment pour les touristes, de s’y retrouver entre les différentes zones et entre les zones gérées par la RATP et la SNCF. Le passe unique aurait au moins l’avantage de résoudre ce problème.

Pour ce qui est des accidents graves de voyageurs, je comprends qu’une intervention rapide soit souhaitée lorsqu’ils se produisent. Toutefois, on ne peut pas demander au conducteur de débarrasser rapidement un corps, et on ne peut pas non plus faire n’importe quoi – ce n’est pas notre métier. À ce propos, permettez-moi de relater un incident dont la télévision s’est fait l’écho : alors qu’une personne était morte après que sa tête eut heurté un marchepied – elle avait été poussée – les passagers se sont surtout inquiétés de savoir quand ils allaient pouvoir repartir, certains même n’hésitant pas à enjamber le corps ! J’ajoute que la rapidité d’une intervention dépend de la proximité de ceux qui interviennent.

M. Luc Offenstein (UNSA RATP). Je voulais répondre à M. Poniatowski à propos de la desserte des branches. Dans mon entreprise, les organisations syndicales ont travaillé sur les tableaux de service, lesquels sont construits de manière que les branches soient desservies à part égale, ou pratiquement à part égale. Cela étant, sur la ligne A du RER, nous nous heurtons à plusieurs difficultés. Certaines sont d’ordre technique : quatre matériels sont utilisés, dont un matériel mono voltage, qui ne permet pas aux trains de rouler sur les branches SNCF. D’autres difficultés sont liées aux infrastructures : ainsi, à Saint-Germain-en-Laye, la gare ne permet pas de faire un retournement après-gare, ce qui explique qu’aux heures de pointe, tous les trains ne peuvent desservir cette station. Mais le problème majeur réside dans le tronçon central, qui est trop chargé et qui déséquilibre l’ensemble de la ligne. On l’a dit : il n’est pas possible de mettre 1,25 litre dans une bouteille d’un litre.

M. Guy Malherbe. Il me semble que les lignes sont trop longues et trop complexes : une porte qui se ferme avec du retard à Dourdan ou à Étampes peut perturber le reste de la ligne C jusqu’à Pontoise.

Quand la liaison Tram Train entre Massy et Évry sera ouverte, la mission Z 6 sera supprimée. Cela ne pourra qu’améliorer le trafic de la ligne C. En effet, lorsque les trains de la mission patinent sur des feuilles mortes à Jouy-en-Josas, ils perturbent cette ligne, qu’ils rejoignent ensuite à Savigny-sur-Orge. Le bénéfice apporté par une telle suppression ne sera pas négligeable, malgré la rupture de charge qui en résultera pour les usagers, qui devront changer à Épinay-sur-Orge. Cet exemple prouve que si l’on arrivait à « débrancher » quelques unes des tentacules de ces lignes qui s’apparentent à de véritables pieuvres, on renforcerait le réseau central.

L’un des intervenants a par ailleurs indiqué que, dans le schéma directeur, on avait prévu des trains terminus à Austerlitz ou à la Bibliothèque François Mitterrand (BFM), lesquels ne traverseraient pas Paris : j’y vois un moyen d’améliorer la régularité des trains. Il faudrait limiter les inconvénients de la rupture de charge qui en résulterait en organisant à BFM, à Austerlitz, voire à Javel, des correspondances de quai à quai, avec des navettes qui circuleraient à l’intérieur de Paris. En tout cas, la porte qui se fermerait mal ou qui se fermerait en retard à Étampes ou à Dourdan ne perturberait pas la ligne jusqu’à Pontoise ou à Cergy, mais seulement jusqu’à Javel, Austerlitz ou BFM.

Il conviendrait, bien évidemment, d’apprécier les avantages et les inconvénients de ce genre de solutions. Personnellement, je pense que nous y gagnerions.

Enfin, abstraction faite de toute considération politique, je dois dire qu’en tant qu’usager, j’apprécie le service minimum. Auparavant, les jours de grève, il m’arrivait d’attendre un train trois quarts d’heures sur le quai. Maintenant, je regarde la veille au soir les horaires des trains annoncés et je sais que peux m’y fier. Cela me permet d’organiser mon emploi du temps.

M. le président Daniel Goldberg. Mon cher collègue, je tiens à vous faire remarquer qu’on ne peut pas parler de service minimum, dans la mesure où, ces jours-là, il n’y a pas de réquisition du personnel et où la circulation des trains résulte d’un accord négocié précédemment dans l’entreprise.

M. le rapporteur. Mesdames, messieurs, je souhaiterais que vous formuliez par écrit vos propositions en les hiérarchisant et en précisant les délais et les moyens qui seraient nécessaires, selon vous, à leur mise en œuvre. Il conviendrait que vous nous les adressiez rapidement. En effet, nous aurons à cœur de les transmettre aux responsables des différentes directions de transport, que nous allons auditionner.

Je tiens à insister plus particulièrement sur l’harmonisation des procédures et la mise en place de programmes de formation pour y parvenir. Cela me semble en effet extrêmement important.

J’aimerais enfin que vous nous donniez, là encore par écrit, votre sentiment de professionnels sur les éventuelles possibilités d’automatisation de tout ou partie du RER, à l’instar de ce qui s’est fait sur la ligne 1.du métro.

M. le président Daniel Goldberg. Madame, Messieurs, je vous remercie, les uns et les autres, pour votre disponibilité.

——fpfp——

Audition de M. Jean-Pierre Orfeuil, ingénieur statisticien, professeur (Université Paris-Est Créteil), de Mme Danièle Navarre de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France (IAU) et de M. Alain Meyère, directeur du département « Mobilité et Transport » de cet institut

(Séance du mardi 17 janvier 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Nous recevons M. Jean-Pierre Orfeuil, universitaire, économiste et statisticien, spécialiste reconnu des questions relatives aux transports et à la mobilité urbaine, ainsi que deux personnalités de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France (IAU) : Mme Danièle Navarre et M. Alain Meyère, directeur du département « Mobilité et Transport » de cet institut, au conseil d’administration duquel j’ai siégé avec plaisir et intérêt lorsque j’étais conseiller régional d’Île-de-France.

Je vous remercie, Madame, Messieurs, d’avoir répondu à notre invitation quelque peu tardive. Notre commission d’enquête a en effet dû reporter au mois de février l’audition, prévue ce matin, des représentants du Conseil économique, social et environnemental et de son homologue régional, le CESER, à la demande du président Delevoye et afin de permettre au CESE de poursuivre plus avant l’examen du Schéma national des infrastructures de transport (SNIT)

Les travaux et réflexions de M. Orfeuil comme ceux de l’IAU doivent nous permettre d’aborder les questions relatives au RER du point de vue urbanistique et économique. L’Institut a une longue histoire : conçu par Paul Delouvrier, le père du premier schéma directeur de la région, il a été créé par un décret de Pierre Sudreau, le ministre de l’époque. Son statut de fondation confère à ses travaux une grande liberté scientifique, même si son financement est aujourd’hui majoritairement assuré par la région Île-de-France. Or l’existence du RER s’étend elle aussi sur quatre décennies, du « schéma Delouvrier » aux projets actuels du Grand Paris. Nous vous interrogerons donc, Madame, Messieurs, sur le devenir du RER, qui, quoi qu’il arrive, constitue pour longtemps un élément essentiel de tous les développements futurs à visée d’aménagement à l’échelle de l’Île-de-France. Quelles sont selon vous les mesures à court terme les plus propres à conforter cette vocation ?

Nous nous intéressons également aux comparaisons que vous êtes en mesure d’établir avec d’autres grands systèmes de transport urbain et périurbain, dans des métropoles comme Londres ou Berlin – d’autant que les délais qui nous sont impartis ne nous permettront sans doute pas de nous rendre à l’étranger.

Je vous rappelle que la commission d’enquête n’a pas pour objet d’étude l’ensemble des modes de transport franciliens, mais le seul RER, sa place dans les transports en Île-de-France, ses nombreux dysfonctionnements et les améliorations envisageables à court et à moyen terme.

M. Orfeuil, M. Meyère et Mme Navarre prêtent successivement serment.

M. Jean-Pierre Orfeuil, ingénieur statisticien, professeur à l’Université Paris Est-Créteil. Spécialiste de la mobilité, je m’intéresse au comportement et aux déplacements des usagers, et non à l’exploitation des systèmes. Je partirai donc de la manière dont les personnes vivent les irrégularités et les difficultés qu’ils rencontrent dans leurs déplacements quotidiens.

La question est essentielle pour plusieurs raisons. En Île-de-France, les transports publics jouent un rôle sans équivalent dans les autres régions. De ce fait, la localisation des agents – ménages ou entreprises – est déterminée par le réseau et par la qualité de service qu’ils en attendent, différente de celle qu’ils expérimenteront réellement. En outre, le plan de mobilisation pour les transports collectifs en Île-de-France – qui ne concerne certes pas le seul RER – représente, selon les estimations, 15 à 18 milliards d’euros sur quinze ans, ce qui n’est pas négligeable. Enfin, le réseau de transport du Grand Paris comme le Grand Paris Express suppose que le gros des usagers continue d’emprunter le réseau existant, y compris dans dix, quinze ou vingt ans. Ce réseau doit donc fonctionner de manière satisfaisante.

Dans le système actuel, la qualité de service fait partie des clauses du contrat entre l’autorité organisatrice – le Syndicat des transports d’Île-de-France – et les exploitants. La régularité, que le STIF mesure par des indicateurs, en est l’élément principal, auquel s’ajoutent des aspects moins essentiels : information, fonctionnement des équipements, accueil et vente, propreté.

Le plus frappant, pour l’usager que j’étudie et que je suis, est l’absence de prise en considération de la charge des rames, par exemple du nombre de personnes par mètre carré à l’heure de pointe, alors même que les irrégularités et l’inconfort induit peuvent décourager une partie des clients potentiels. Plusieurs causes peuvent expliquer ce type d’inconfort. D’abord, un nombre insuffisant de trains par rapport à la demande spontanée ; ensuite, un problème rencontré sur un service et qui rejaillit sur les services suivants, ce qui confirme le lien entre irrégularité et inconfort ; enfin, une demande qui excède largement les capacités de l’offre, notamment du fait de certaines décisions politiques, ce qui montre le manque de cohérence des politiques menées.

J’en citerai deux exemples dont il s’agit ici non de faire la critique, mais d’analyser les conséquences. Quand on ferme de plus en plus Paris à la voiture particulière, le nombre d’usagers du métro augmente. D’une certaine manière, c’est ce que l’on escomptait, mais si l’on ne dispose pas des outils nécessaires pour accroître aussi la capacité d’accueil du métro, cela pose un problème. De même, l’éventuelle instauration d’un Pass Navigo unique à un tarif relativement faible aurait pour conséquence d’attirer davantage de clients, et de clients « longs », en termes de distance, notamment parce qu’il engagera d’importantes décisions de localisation, en incitant ceux que rebute le prix du mètre carré parisien à se loger un peu plus loin de la capitale. Cela ne laisse pas d’inquiéter le citoyen et le chercheur que je suis.

Comment les travaux portant sur la mobilité évaluent-ils les irrégularités et l’inconfort tels qu’ils sont vécus par les usagers ? La littérature internationale s’accorde à considérer qu’une minute d’attente est ressentie par les voyageurs comme trois minutes de temps de parcours. En d’autres termes, il est plus pénible d’attendre son train que d’attendre d’être arrivé une fois monté dans le train. Supposons ensuite qu’un service soit programmé toutes les cinq minutes pendant une demi-heure : chaque usager attend deux minutes et demie en moyenne. Si dix minutes au lieu de cinq s’écoulent entre deux services, l’attente moyenne est prolongée bien que le nombre de trains – et de voyageurs – reste le même sur la période considérée, puisque les voyageurs arrivent à un rythme régulier. Au total, bien que l’irrégularité soit ensuite compensée, le temps d’attente moyen augmentera de 50 %, alors même qu’il est ressenti comme trois fois plus pénible à quai qu’à bord du train.

La valorisation économétrique des irrégularités et de l’inconfort se fonde sur l’étude des préférences déclarées. Par exemple, on donne aux usagers interrogés le choix entre un parcours de trente minutes au cours duquel ils ont une chance sur dix d’attendre deux fois plus longtemps que d’habitude et un parcours de quarante minutes au cours duquel ils sont certains que le train passera comme prévu, ou bien entre un parcours de trente minutes assis et un parcours de vingt ou vingt-cinq minutes « debout serrés », etc. Selon une étude réalisée par le STIF et portant sur les lignes de RER exploitées par la SNCF, les usagers préfèrent un trajet de trente-cinq minutes absolument sûr à un trajet de trente minutes au cours duquel ils ont une probabilité de 5 % de subir un retard de dix minutes, ce qui représente en moyenne 0,5 minute de retard. En d’autres termes, ils estiment ce retard à dix fois sa valeur réelle. Selon la même étude, la pénibilité du même trajet de trente minutes augmente de 50 % lorsque l’on est debout plutôt qu’assis et deux fois plus lorsque l’on est « debout serré ». Les résultats sont sensiblement les mêmes dans le métro parisien.

Alors que la mobilité fait l’objet de nombreux travaux qui bénéficient d’une audience importante, car le sujet intéresse tous les Franciliens, ces résultats sont peu connus, pour des raisons que j’ignore. Or ils justifieraient d’importants investissements : jusqu’à un milliard d’euros, il serait rentable du point de vue socio-économique de baisser de 6 % la densité dans le métro à l’heure de pointe. En comparaison, je rappelle que le coût de l’automatisation de la ligne 1 ne dépasse pas 500 à 600 millions d’euros. En outre, ces valorisations révèlent que, pour obtenir confort et régularité, les usagers sont prêts à payer deux à trois fois plus qu’actuellement – c’est-à-dire que le coût du Pass Navigo, minoré, à l’heure de pointe, des 50 % pris en charge par l’employeur. Pour des raisons sans doute légitimes et qu’il ne m’appartient pas de discuter, le service est donc très faiblement tarifé, dans une société où, à Paris notamment, le métro n’est pas réservé aux pauvres.

Il convient de distinguer l’usager direct – celui qui attend son train sur le quai – de l’usager indirect – l’employeur qui attend son salarié de même que ses collègues. Le cabinet Technologia a consacré à ces deux types d’usagers une étude très intéressante, fondée sur des entretiens avec des directeurs des ressources humaines (DRH) et des délégués du personnel, dont les points d’accord l’emportent sur les divergences. Cette étude concerne essentiellement des usagers du RER et de la SNCF. Il apparaît que ce sont les correspondances qui rendent les irrégularités particulièrement pesantes, donnant aux salariés l’impression d’avoir déjà fait leur journée de travail au moment où ils arrivent au bureau. Si les employeurs n’apprécient pas les retards, ils sont plus indulgents envers les employés qui empruntent les transports en commun qu’envers ceux qui viennent en voiture. Les salariés qui se sentent responsables de leur retard recourent à des stratégies compensatoires, par exemple en travaillant pendant leur pause déjeuner.

Au total, les délégués du personnel et les DRH jugent que, par le jeu de nombreux petits mécanismes, les retards entraînent une baisse de productivité de l’entreprise. Cela conduit les DRH à privilégier de plus en plus les recrutements de proximité, renonçant à tirer profit de l’ensemble du bassin d’emploi francilien, ce qui pose problème étant donné le fonctionnement métropolitain de l’Île-de-France.

Essentiellement consacrée aux rapports entre employeurs et employés, l’étude évoque peu les problèmes de vie familiale, à la différence de celle que nous avons menée sur les « grands migrants », c’est-à-dire ceux pour qui le trajet entre domicile et travail dure plus d’une heure. Nous avons en effet analysé en détail leurs activités extraprofessionnelles pour les comparer à celles des personnes dont les trajets entre le domicile et le travail ont une durée « normale », c’est-à-dire d’une demi-heure environ. Le temps que ces personnes consacrent à la vie familiale apparaît fortement réduit, malgré l’effort de maîtrise qui consiste à partir plus tôt le matin – moment moins valorisé que le soir – mais qui suppose que leur conjoint puisse alors s’occuper des enfants. Ce sont ces derniers dont les activités pâtissent le plus de cette situation : ils n’ont plus de vie extrascolaire.

En conclusion, il s’agit d’un sujet important et dont l’importance est généralement sous-estimée. Il est frappant que le débat sur le Grand Paris suscite autant d’intérêt et de polémiques alors que ce nouvel investissement n’a d’autre enjeu que d’optimiser le fonctionnement du système existant. Il est également frappant que les projets actuels, y compris le plan de mobilisation, obéissent à une logique d’ingénieur : on considère que le système fonctionne bien lorsqu’il est satisfaisant du point de vue de l’ingénieur. On prétend ainsi que seul un tunnel dédié entre Châtelet-Les Halles et Gare du Nord permettra à la ligne B sud – dont je suis usager – de fonctionner correctement alors que la plupart des voyageurs qui empruntent cette ligne quittent le RER avant ! En réalité, il faudrait prévoir des services partiels, comme les jours de grève, les périodes de très grandes irrégularités ou le soir ; mais l’idée s’est imposée que le RER va de bout en bout.

Quant à la logique politique, elle est excessivement égalitariste. J’en ai parlé à propos du Pass Navigo à tarif unique. À Londres, au contraire, la tarification de l’Oyster card s’apparente à un système anti congestion. Premièrement, les déplacements en transports publics à l’intérieur de la banlieue sont plus faiblement tarifés que ceux qui conduisent au centre de Londres. Deuxièmement, le tarif est plus élevé en pointe qu’en creux, ce qui, j’en conviens, serait très difficile à faire accepter en France. Troisièmement, le bus est moins cher que le métro, car il est plus facile de mettre rapidement en circulation des bus supplémentaires que des rames de métro. Enfin, dans la philosophie londonienne, la régulation est répartie entre les métros et les bus, les trains étant à part, alors qu’en Île-de-France, pour des raisons géographiques et historiques, réseau urbain et réseau régional sont totalement intégrés.

M. Patrice Calméjane. Sans oublier le péage urbain à Londres !

M. Jean-Pierre Orfeuil. En effet ; je ne l’ai pas mentionné car je parlais des transports publics. Il concerne les voitures qui entrent dans l’hyper centre.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission d’enquête. A-t-on mesuré le coût socio-économique des dysfonctionnements du RER ? De telles données intéressent la commission d’enquête, au-delà du constat partagé et de la recherche de stratégies d’optimisation à court terme d’un réseau vieillissant – en attendant que les récents investissements portent leurs fruits.

M. Jean-Pierre Orfeuil. Le système de transport francilien n’est pas entièrement transparent, et il est parfois difficile d’obtenir des informations claires de la RATP et de la SNCF.

M. le rapporteur. C’est ce que montre le rapport publié par la Cour des comptes en novembre 2010.

M. Jean-Pierre Orfeuil. Si les données que vous recherchez sont disponibles, Mme Mougard, directrice générale du STIF, pourra vous les fournir lors de son audition. En tout état de cause, elles seront fondées sur les éléments que je vous ai indiqués : il suffit de multiplier par le nombre de retards la perte d’utilité qui résulte de chacun d’entre eux.

M. le président Daniel Goldberg. Je vous remercie de votre intervention et je vais donner maintenant la parole aux représentants de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île de France.

M. Alain Meyère, directeur du département « Mobilité et Transport » de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France. L’IAU occupe une place à part dans l’expertise relative aux transports en Île-de-France. Vous l’avez dit, monsieur le président, nous sommes une fondation. En outre, à la différence des autres agences d’urbanisme, rattachées à une commune ou à une intercommunalité, nous sommes placés auprès de la région, qui ne dispose pas des mêmes compétences et prérogatives en matière d’aménagement. L’institut emploie environ deux cents personnes ; le département « Mobilité et transports » en compte une quinzaine, dont trois seulement se consacrent aux transports publics puisque nous étudions également les déplacements à pied, en vélo et en voiture. Notre ambition n’est pas de concurrencer ceux qui ont plus de moyens, mais de réaliser quelques études sur la mobilité, notamment à partir de comparaisons internationales, afin de nourrir la réflexion des décideurs et de faire bénéficier ceux qui appliqueront leurs décisions de l’expérience et des bonnes pratiques que nous recueillons.

En principe, la régularité n’est pas notre premier objet d’étude. Toutefois, depuis quelques années, nous nous intéressons systématiquement, sur chacun des sujets qui nous occupent, à la situation des trois grandes métropoles européennes comparables à Paris : Londres, Berlin et Madrid. Nous l’avons fait à propos de la place des bus, ou encore de l’organisation des taxis au moment où le CESR d’Île-de-France a envisagé de confier celle-ci au STIF. À cette fin, nous nous sommes dotés de correspondants permanents sur place.

Si Londres se rapproche de Paris par la taille de l’agglomération, le grand Londres n’est pas comparable à l’Île-de-France. Dans les deux cas, l’agglomération compte 11 à 12 millions d’habitants. Mais alors que l’autorité organisatrice des transports franciliens gouverne le territoire de la région – soit douze mille kilomètres carrés –, donc la totalité de l’agglomération, son homologue londonienne, Transport for London, agence de la Greater London Authority, n’englobe que mille six cents kilomètres carrés et 7,5 à 8 millions d’habitants.

L’Île-de-France est dotée d’un cœur d’agglomération : Paris et ses 2 millions d’habitants, concentrés sur 100 kilomètres carrés seulement. Londres ne connaît pas cette distinction : les boroughs font partie de la ville, qu’ils soient centraux ou non, qu’ils soient situés dans Inner London ou dans Outer London. Ainsi la mairie de Londres avait-elle lancé il y a quelques années une campagne de communication sur le thème « We are Londoners » : « Nous sommes tous des Londoniens ».

À Berlin comme à Madrid, le ressort de l’autorité organisatrice représente environ 6 millions d’habitants. À Berlin, le territoire de l’autorité organisatrice s’étend sur trente mille kilomètres carrés, car il réunit deux Länder dont l’un enchâsse l’autre : le Land de Berlin – Berlin étant une ville-Land, un peu comme Paris qui est à la fois une commune et un département – et, tout autour, le Land de Brandebourg. Le seul Land de Berlin couvre neuf cents kilomètres carrés et réunit environ 3,5 millions d’habitants. Quant à la commune de Madrid, elle compte 3 millions d’habitants et s’étend sur six cents kilomètres carrés, mais le territoire de l’autorité organisatrice régionale couvre huit mille kilomètres carrés, pour 6 millions d’habitants.

Il faut avoir ces données à l’esprit lorsque l’on s’efforce de comparer la présence des transports publics et la mobilité dans ces différentes métropoles. Ainsi, il est difficile de comparer un territoire londonien totalement urbanisé et un territoire francilien qui ne l’est que partiellement.

La répartition des responsabilités en matière de transport constitue une autre différence. Jusqu’à une date récente, l’Île-de-France était la seule agglomération où tous les transports collectifs – métro, bus, RER et chemins de fer de banlieue – relevaient d’une autorité organisatrice unique. À Madrid comme à Londres, les chemins de fer de banlieue relèvent de l’État alors que les autres modes de transport collectif dépendent des pouvoirs locaux. En outre, Transport for London est responsable du péage urbain, ce qui ne pourrait être le cas du STIF.

Le réseau londonien est le plus ancien et le plus vétuste. À Berlin, du fait des reconstructions puis de la réunification, le réseau comporte des sections relativement récentes. Le S-Bahn, le « RER berlinois », a la particularité de circuler sur des voies entièrement dédiées, qu’il ne partage pas avec les trains régionaux en provenance du Brandebourg, par exemple. Cela pourrait laisser penser qu’il est moins irrégulier qu’à Londres où l’exploitation des voies est mixte, un peu comme en Île-de-France où des trains grandes lignes, des Transilien, voire des trains de fret se partagent les mêmes voies. Mais nous y reviendrons.

Si l’on met à part les dépenses d’exploitation, les dépenses de maintenance et de remise à niveau consenties par les autorités organisatrices de transport sont d’autant plus élevées que le réseau est ancien. Ainsi, Madrid a beaucoup étendu son réseau, faisant construire plusieurs dizaines de kilomètres à chaque plan quadriennal, mais consacre bien moins d’argent à la maintenance et à la remise à niveau que l’Île-de-France ou Londres n’ont prévu de le faire. La vétusté des infrastructures, qui datent de plus d’un siècle, est un problème que l’Île-de-France partage avec de nombreuses métropoles anciennes. En outre, les sociétés de la vieille Europe et d’Amérique du Nord considèrent désormais que l’on ne peut plus faire abstraction des déplacements des personnes à mobilité réduite et cette nouvelle représentation collective s’est traduite dans la loi, ce qui implique de nouvelles dépenses. En effet, le réseau ancien est peu accessible aux personnes en fauteuil roulant et difficile à aménager à leur intention.

Je l’ai dit, la régularité n’est pas notre principal objet d’étude. Nous travaillons sur Londres depuis longtemps : notre première étude comparative, réalisée par Danièle Navarre il y a une dizaine d’années, portait sur Londres, Paris, New York et Tokyo. Par la suite, nous avons systématisé l’approche comparative. Nous avons ensuite rédigé un rapport intitulé « Les performances des transports en commun à Londres et à Paris », à la demande du président du Conseil régional, qui souhaitait savoir si l’infériorité de notre réseau de transports était responsable de l’échec de la candidature parisienne à l’organisation des jeux Olympiques. Nous y étudions l’importance respective des transports collectifs dans les différentes zones de l’Île-de-France et de l’agglomération londonienne, en ne comparant à celle-ci que la partie de l’Île-de-France qui est comparable à ses mille six cents kilomètres carrés. Nous avons également publié, à la fin de l’année 2011, trois notes de veille sur Londres, Berlin et Madrid qui résument les événements importants survenus au cours de l’année.

J’ai rappelé la vétusté du réseau londonien et tous ont en mémoire les accidents qui ont fait la « une » des journaux. L’un d’entre eux, survenu en octobre 2001 en raison de fissures dans les rails, a conduit à limiter la vitesse des trains, à vérifier tous les rails des voies arrivant à Londres, et a décidé le ministère britannique des transports à lancer un programme de rénovation des infrastructures ferroviaires à Londres et dans sa région.

La comparaison entre indicateurs de régularité – nombre de trains en retard, durée des retards – donne l’avantage à l’Île-de-France, où plus de 90 % des trains subissent un retard de moins de cinq minutes ou arrivent à l’heure. À Londres, la proportion est inférieure et a chuté à moins de 77 % vers 2001, avant le programme de rénovation. Cela étant, les données sur lesquelles se fonde notre rapport, publié en avril 2009, ne vont pas au-delà de 2008. Or, dès cette époque, la comparaison avait tendance à s’inverser : le chiffre était stable voire en légère baisse en Île-de-France, sans doute en raison de la hausse de fréquentation, mais en augmentation à Londres. Il faudrait actualiser nos données pour confirmer cette tendance.

En Île-de-France, selon la SNCF, les causes des dysfonctionnements sont à 40 ou 50 % externes – intempéries, comportement des voyageurs, obstacles, etc. –, contre 30 % à Londres. En revanche, au moment où nous avons recueilli les données, les défaillances du matériel roulant étaient beaucoup plus déterminantes à Londres qu’ici.

À Londres, je l’ai dit, le chemin de fer de banlieue relève de l’État, qui attribue à des entreprises privées, après mise en concurrence, des licences d’exploitation valables sept à huit ans. Le gestionnaire d’infrastructures est aujourd’hui Network Rail, qui a succédé à Railtrack, dissous à la suite de ses déboires financiers. En ce qui concerne le métro, Transport for London est à la fois l’autorité organisatrice, qui attribue à ce titre l’exploitation des bus à des compagnies privées, et l’exploitant du métro – un peu comme si le STIF incluait le département métro de la RATP.

Pour remettre à niveau le réseau du métro, lui aussi vétuste, Londres a choisi de faire appel à des partenariats public privé (PPP). En la matière, deux types de contrats sont possibles. Le premier, que nous connaissons bien puisque c’est en France qu’il a été inventé, est le contrat de concession. Un concessionnaire privé – un consortium réunissant des entités issues du monde financier, du monde industriel, des constructeurs, etc. – se charge de réunir les fonds qui permettront de construire une nouvelle infrastructure de transport. En contrepartie, il pourra l’exploiter et, grâce aux recettes d’exploitation, payer les frais de fonctionnement, rembourser ses emprunts et rémunérer ses actionnaires. On lui transfère ainsi le risque « trafic », qui rejaillit directement sur les recettes tarifaires. La seconde forme de partenariat, choisie par Londres, a consisté à confier pour trente ans à un partenaire privé une mission de maintenance d’une partie du réseau – trois partenariats ayant été conclus au total – et de remise à niveau de l’infrastructure. La rémunération perçue en contrepartie résulte non des recettes de trafic, mais d’une sorte de loyer, auquel s’ajoute une rémunération qui varie en fonction d’indicateurs de régularité.

Finalement, les trois partenariats londoniens ont fait faillite. L’activité a été reprise par Transport for London. L’un de ces partenariats, avec Metronet Rail, était le plus important partenariat public privé au monde en matière de transports : il représentait 17 milliards de livres sur trente ans. Cet échec montre combien il est difficile d’estimer le coût des travaux dont étaient chargés les partenaires, par opposition aux coûts d’exploitation du réseau ou de construction d’une nouvelle ligne de tramway, par exemple. Les partenaires ont sous-estimé ce coût dans la perspective de la clause de revoyure incluse dans le contrat et ils ont demandé beaucoup plus au moment où celle-ci a été appliquée. C’est alors que Transport for London a mis fin aux contrats. Du point de vue méthodologique, l’exemple est éclairant.

Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, Berlin a lui aussi été confronté à des problèmes, qui touchaient non l’infrastructure mais le matériel roulant. Le dysfonctionnement du réseau S-Bahn a été si grave que, courant 2009, les deux tiers du parc de matériel roulant ont dû être retirés du service, des pannes à répétition ayant conduit l’autorité ferroviaire fédérale à ordonner la révision du matériel. Selon le VBB (Verkehrsverbund Berlin Brandenburg), l’autorité organisatrice, cette catastrophe résulte de la manière dont la Deutsche Bahn, désireuse de présenter un bilan comptable des plus avantageux à l’approche de son entrée en Bourse, a fait pression sur sa filiale S-Bahn Berlin, chargée de l’exploitation du S-Bahn berlinois, pour que celle-ci accroisse ses profits. De fait, ces derniers ont été multipliés par six entre 2004 et 2008, et l’analyse des déboires du RER berlinois confirme que les économies ont été réalisées sur les dépenses de maintenance et d’entretien : des ateliers ont été fermés, les visites espacées, les préconisations du constructeur concernant le renouvellement des pièces n’ont pas été respectées. En conséquence, par un avenant au contrat qui le lie à S-Bahn Berlin jusqu’en 2017, le VBB a alourdi les pénalités encourues en cas de manquement à la qualité de service, et il prépare un appel d’offres afin de confier par la suite une partie du réseau à un autre exploitant.

On voit que les irrégularités existent aussi à l’étranger et s’expliquent soit par le grand âge des infrastructures, soit, comme ici, par la recherche inconsidérée d’économies par l’exploitant.

M. le rapporteur. Le caractère cacophonique de l’information des voyageurs ne favorise pas la rationalisation du système. D’autre part, les indicateurs de référence utilisés par les études de qualité ne reflètent pas la réalité et ne font pas assez de place aux usagers ; en outre, ceux qui sont chargés de les mettre en œuvre ne doivent pas être juge et partie, sauf à perdre leur objectivité. On peut en outre se demander si les pénalités en vigueur en France sont assez lourdes pour avoir une vertu pédagogique ; la Cour des comptes en doutait dans le rapport que j’ai cité. À cela s’ajoutent le vieillissement du réseau et les difficultés techniques qui en découlent. Nos voisins ont-ils résolu ces problèmes, et comment ?

M. Axel Poniatowski. Je remercie M. Orfeuil de son exposé très intéressant. Il apparaît que les problèmes de transport en commun qu’il a évoqués n’épargnent pas les autres grandes capitales, d’autant qu’il est encore plus difficile de circuler en voiture à Londres et à Berlin qu’à Paris.

Monsieur Orfeuil, vous avez dit que le Pass Navigo à tarif unique risquait d’accroître la fréquentation alors même que les usagers pourraient accepter des tarifs sensiblement supérieurs, à condition, bien sûr, que le confort et la régularité du service soient garantis. Pourriez-vous développer votre propos ? Quelles seraient les conséquences d’une hausse ou d’une baisse des tarifs sur l’utilisation des transports en commun ?

M. Jean-Pierre Orfeuil. En ce qui concerne les indicateurs de qualité, l’absence dans le contrat du nombre de passagers par mètre carré à l’heure de pointe est particulièrement frappante, étant entendu qu’il s’agit aussi d’un indice de succès.

M. le rapporteur. Il me semble que l’indicateur de confort à l’heure de pointe diffère d’une ligne à l’autre. Sur certaines lignes, il se fonde sur la norme de quatre voyageurs par mètre carré ; sur d’autres, le confort est mesuré à partir du nombre de rames par heure.

M. Jean-Pierre Orfeuil. En ce qui concerne l’information des voyageurs, je serai moins sévère que vous, Monsieur le rapporteur : des progrès ont été accomplis – et c’est heureux, étant donné les progrès de la société de l’information en général !

S’agissant de l’aspect financier, on s’accorde à évaluer l’élasticité de la demande par rapport au prix à - 0,3 en moyenne, ce qui signifie que lorsque le tarif augmente de 10 %, le nombre de clients diminue de 3 % ; elle n’est plus que de - 0,1 à - 0,2 en période de pointe. La qualité de service dépend essentiellement de l’ingénieur qui garantit le parfait fonctionnement du système, de l’autorité organisatrice qui doit couvrir un nombre suffisant de kilomètres, enfin du niveau de la demande, dont une forte hausse induit nécessairement des perturbations. Quel est l’effet d’une variation tarifaire sur ces paramètres ? On raisonne souvent à partir du nombre de clients, oubliant qu’un client qui parcourt vingt kilomètres n’est absolument pas assimilable à un autre qui en parcourt dix ou cinq. Une baisse des tarifs entraînera une augmentation des distances parcourues ; or l’offre est précisément comptabilisée en places par kilomètre et non en nombre de personnes transportées. Il convient de distinguer le tarif moyen proposé, lié à l’inflation annuelle, de la structure tarifaire. Plus cette dernière sera « plate », plus les usagers seront incités à parcourir de longues distances – sauf si la qualité de service se dégrade encore, car ils ne tiennent pas seulement compte de l’aspect financier, mais aussi de la qualité du temps passé dans les transports.

M. Jacques-Alain Bénisti. Existe-t-il des études précises sur les conséquences du temps passé dans les transports sur le nombre de divorces – je rappelle qu’un ménage francilien sur deux se sépare – et sur la montée de la délinquance des « orphelins de seize heures trente », favorisée par le phénomène des bandes ?

M. Guy Malherbe. La ligne C, que j’emprunte tous les jours, est très longue, si bien qu’une porte mal fermée à Étampes peut bloquer le trafic jusqu’à Pontoise ou Saint-Quentin-en-Yvelines. A-t-on étudié la possibilité d’une rupture de charge à Bibliothèque François Mitterrand (BFM) ou à Javel entre le RER et des navettes intra muros ? Le bon fonctionnement d’un tel système ne compenserait-il pas aux yeux des voyageurs le désagrément de la rupture de charge, que l’on pourrait minimiser en organisant une correspondance de quai à quai ? Je signale que les usagers de la ligne ont refusé que l’on porte de deux à trois le nombre de trains par quart d’heure parce qu’ils craignaient l’embouteillage des voies.

M. François Asensi. Monsieur Orfeuil, vous êtes un usager de la ligne B Sud ; pour ma part, j’emprunte la ligne B Nord. Je n’aurai qu’un mot pour qualifier ce que j’ai vécu ce matin : une « galère ». Trois quarts d’heure de retard, et un train bloqué dans le tunnel de Châtelet faute de courant, nous a dit le conducteur !

Les tarifs des transports en Île-de-France sont profondément inégalitaires. Plus on habite loin du cœur de la ville, plus les déplacements sont coûteux. La facture est d’autant plus lourde qu’en grande banlieue on a aussi besoin d’une voiture, voire de deux, notamment pour faire ses courses en fin de semaine. C’est le lot commun des habitants de la grande couronne, que ne partagent pas les Parisiens. Il faut mesurer la dimension sociale des questions dont nous discutons.

Vous avez évoqué le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord, dont il est question depuis longtemps. Si de nombreux « clients » ne dépassent pas Châtelet, il n’en va pas de même des trains, d’où la situation d’engorgement. Pourquoi a-t-on renoncé à doubler ce tunnel où circulent vingt-huit trains par heure dans chaque sens, ce qui crée une véritable thrombose responsable d’importants retards ?

M. Jean-Pierre Orfeuil. Je m’en tiendrai au point de vue des usagers. Ils sont très peu nombreux à vivre au Nord et à travailler au Sud ou vice versa. Il n’en va pas tout à fait de même de l’axe Est-Ouest, du fait de la localisation de La Défense et de la difficulté à se loger dans l’Ouest parisien. En tant que citoyen, j’estime que des interruptions impliquant des ruptures de charge amélioreraient considérablement l’exploitation du réseau en l’adaptant à la densité des territoires desservis.

Monsieur Asensi, on ne peut passer sous silence le problème que vous soulevez. Mais on pourrait vous rétorquer, en se faisant « l’avocat du diable », que les Parisiens et les habitants de la petite couronne subissent eux aussi une double peine, puisqu’ils paient leur logement très cher et circulent très difficilement en voiture. Je me garderai donc d’entrer dans ce débat. En revanche, il est un fait incontestable que l’on peut souligner sans présupposé idéologique : la grande majorité des habitants de la grande couronne vit, travaille et se nourrit en grande couronne ; leur obsession n’est donc pas de se rendre à Paris. Par conséquent, il faut leur garantir des services et des tarifs adaptés à l’intérieur de la grande couronne : servir la grande couronne, ce n’est pas servir les 10 ou 15 % de ses habitants qui viennent travailler à Paris, et dont, selon une étude récente, les revenus sont de 25 % supérieurs à ceux des 85 ou 90 % restants.

M. le rapporteur. Madame Navarre, j’aimerais que vous poursuiviez les comparaisons européennes à propos des indicateurs – notamment chez nos amis britanniques, particulièrement compétents en matière d’évaluation du service rendu –, de la qualité de l’information et du seuil d’efficacité des bonus-malus.

M. Patrice Calméjane. Monsieur Meyère, vous avez invoqué la vétusté du matériel ; pourtant, le RER, nettement plus récent que le métro, fonctionne beaucoup moins bien – abstraction faite de la ligne 13 du métro qui pâtit de son double embranchement au nord – pour une densité de service équivalente, voire inférieure.

Sans négliger les préoccupations de mes collègues de la grande couronne, j’aurais aimé que la comparaison avec les grandes capitales européennes porte sur Paris et sa petite couronne – 6,2 millions d’habitants, un peu moins de mille kilomètres carrés.

Il semble parfois plus simple de moderniser le matériel que de modifier le comportement des usagers. Mais un ticket non payé induit un manque à gagner ; or nous cherchons des sources de financement. En outre, les fraudeurs dégradent aussi la qualité de service et le fonctionnement général des transports. Quel est le taux de fraude observé dans les transports collectifs en Île-de-France, par comparaison avec Londres, Madrid et Berlin ?

Mme Danièle Navarre, chargée d’études au département « Mobilité et Transport » de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France. Je me concentrerai sur l’irrégularité, ses causes et les pistes d’amélioration envisageables.

En Grande-Bretagne, à la suite du très grave déraillement qu’a évoqué Alain Meyère, l’État a lancé deux plans de financement sur dix ans, destinés l’un à l’ensemble du réseau national de chemin de fer, ce qui a bénéficié à la banlieue de Londres, l’autre au seul réseau londonien. Ces subventions ont permis la remise à niveau complète des réseaux – voies, signalisation, électrification –, parallèlement à la rénovation du matériel grâce à d’autres sources de financement. Dès lors, la régularité a progressé continûment jusqu’à la fin des années 2000, passant de 77 à près de 90 % en dix ans. Selon les dernières données dont nous disposions, la régularité restait légèrement supérieure en Île-de-France mais la tendance semblait sur le point de s’inverser. Il faudrait la mesurer aujourd’hui pour confirmer cette évolution. Nous l’avons signalée à l’époque, rappelant que le réseau londonien avait pâti de l’absence de subventions publiques depuis plusieurs décennies et que les entreprises privées responsables avaient manqué à leur mission faute de parvenir à boucler leur budget.

En Île-de-France, les causes des irrégularités sont beaucoup plus complexes. La première est la vétusté des infrastructures, qui varie selon les réseaux. Ainsi, les réseaux sud-est et nord ont bénéficié de l’arrivée du TGV alors que celui de Saint-Lazare reste particulièrement mal loti ; la signalisation, notamment, n’y a pas été modernisée et de graves problèmes d’alimentation électrique se posaient au moment où nous avons mené notre étude. Si le RER est effectivement récent, monsieur Calméjane, ses trains – du moins hors de Paris – empruntent les réseaux ferroviaires, qui, eux, sont vétustes. Le matériel est en meilleur état car il a été plusieurs fois rénové.

Deuxièmement, la longueur de nos lignes favorise les perturbations. Ainsi, sur la ligne D, un incident en banlieue nord peut se répercuter jusqu’à Melun. Cela n’arrive pas à Londres, où il n’existe pour l’instant aucun véritable équivalent du RER reliant deux banlieues diamétralement opposées via plusieurs gares intra-muros, même si la ville y viendra peut-être avec le projet Crossrail. À l’heure actuelle, les gares où arrivent les trains sont des terminus.

Troisièmement, à l’intérieur de Paris, les tunnels empruntés par le RER sont à la limite de leurs capacités, le plus saturé étant effectivement le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord où l’on approche les trente-deux trains par heure dans chaque sens en période de pointe – vingt pour la ligne B, douze pour la ligne D. Le fait que deux lignes différentes l’empruntent accroît la difficulté puisqu’il faut coordonner les horaires de chacune.

Enfin, la saturation est telle qu’il n’est plus possible de maintenir la distinction qui avait cours dans les avant-gares – sauf à Saint-Lazare – entre les deux voies dédiées aux trains grandes lignes et les deux voies dédiées aux trains de banlieue. Ainsi, selon un exemple volontiers cité par les représentants de la SNCF, un problème survenu en Espagne sur la ligne du Talgo peut perturber la desserte de la gare de Juvisy-sur-Orge par les trains de banlieue !

Quelles sont les pistes d’amélioration ? Les schémas directeurs des lignes de RER, que le STIF et la SNCF pourront vous détailler, prévoient une refonte de l’exploitation du RER, puis de tous les réseaux passant par Paris. Il s’agit de modifier la desserte par zone qui régit le parcours des RER et des Transilien des gares Montparnasse et Saint-Lazare. Défini dans les années cinquante, le système était adapté à une époque où les banlieusards cherchaient à rejoindre Paris le plus vite possible puisque tout – emplois, équipements, services – y était concentré. Il ne convient plus dès lors que beaucoup d’activités se sont déplacées en banlieue. Selon ce principe, une première catégorie de trains dessert uniquement les premières communes autour de Paris : par exemple, sur la ligne C, ils sont omnibus jusqu’à Choisy-le-Roi, leur terminus. Les trains desservant la deuxième zone sont directs de Paris à Choisy puis omnibus jusqu’à Juvisy. Ceux de la troisième zone sont directs jusqu’à Juvisy, à l’exception d’un arrêt à Choisy, terminus de la première zone. Ceux de la quatrième zone vont directement à Juvisy puis desservent les banlieues éloignées. Ce système a pour inconvénient d’accroître la circulation, ce qui entraîne un phénomène de saturation à l’approche de Paris. En outre, les communes les plus denses autour de Paris – de Paris à Choisy dans l’exemple cité – ne sont desservies que par les trains de première zone, soit un train par quart d’heure, comme les communes situées au bout de la dernière zone. Enfin, le système se prête mal aux déplacements de banlieue à banlieue le long de la ligne, qui ont beaucoup augmenté, et pour lesquels les voyageurs doivent faire un changement au terminus de zone. Bref, la desserte par zone n’est plus adaptée ni aux besoins des usagers ni aux capacités des réseaux.

Dès lors, les schémas directeurs définis par le STIF avec les transporteurs – SNCF et Réseau ferré de France – organisent la remise à niveau des réseaux selon trois étapes. Celui de la ligne B va entrer en vigueur ; pour celui de la ligne D, les travaux commencent ; celui de la ligne C n’est pas encore mis en œuvre. Le principe, plus ou moins facile à appliquer selon les réseaux, est le suivant. Le RER ira moins loin, s’arrêtant aux villes nouvelles, mais sera omnibus et plus fréquent, avec un train toutes les trois à cinq minutes, sur le modèle du S-Bahn allemand. En somme, le RER deviendra une sorte de super métro de la zone agglomérée. Le RER C, par exemple, s’arrêterait à Brétigny-sur-Orge.

Au-delà, la desserte serait assurée par des trains omnibus de Dourdan ou Saint-Martin d’Étampes jusqu’à Brétigny, comme aujourd’hui, puis directs jusqu’à Paris, à l’exception d’un ou deux arrêts à un point de maillage important comme Juvisy et dans une gare de correspondance avec la rocade du Grand Paris. Ces trains n’emprunteraient pas les tunnels dédiés au RER, mais auraient pour terminus une gare de surface, Paris Austerlitz, après avoir desservi Bibliothèque François Mitterrand, appelée à accueillir tous les trains. Pour le RER B, le principe sera le même, à ceci près que tous les trains seront omnibus ; la fréquence augmentera pour atteindre vingt trains par heure entre Paris et Aulnay-sous-Bois, soit un train toutes les trois minutes. On ne sait ce qu’il adviendra du projet CDG Express qui devait aller de pair avec ces changements. Quoi qu’il en soit, ceux-ci interviendront fin 2012 ou début 2013. D’ici deux ou trois ans, la fréquence sera plus satisfaisante. Pour le RER C, il faudra attendre un peu plus.

Ces travaux sont d’autant plus coûteux qu’ils supposent des voies dédiées, indépendantes de celles qu’empruntent les trains grandes lignes. La tâche a été relativement facile sur la ligne B, même s’il a fallu poser des voies et aménager des terminus et des sauts de mouton. Elle a été plus difficile sur la ligne D. Sur la ligne C, elle implique la pose de deux voies supplémentaires entre Juvisy, voire Brétigny, et Paris, laquelle pourrait résulter de la construction de la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon (POCL).

Enfin, Monsieur Malherbe, le principe que vous proposez est difficile à appliquer aux lignes de RER existantes mais préside au projet de prolongement de la ligne E vers l’ouest : les trains ne traverseront pas Paris mais auront pour terminus La Défense lorsqu’ils viendront de l’est et la future gare Rosa-Parks – ex-gare Évangile – lorsqu’ils viendront de Mantes-la-Jolie.

M. le président Daniel Goldberg. Les déplacements en Île-de-France, professionnels mais aussi personnels, sont-ils plutôt radiaux ou tangentiels ? Il est important de le savoir pour arbitrer entre l’amélioration des lignes actuelles de RER, essentiellement radiales, et le développement de tangentielles.

M. Guy Malherbe. Je précise que le schéma directeur du RER C est aujourd’hui gelé : il fait l’objet d’un moratoire après que l’association des élus de la ligne C du RER, que je préside, a exprimé son mécontentement au président du STIF. Si la desserte des communes de la petite couronne doit effectivement être améliorée, elle ne saurait l’être au détriment de la grande couronne. Or, pour améliorer la desserte du Val-de-Marne, on envisage de prolonger de cinq à sept minutes le temps de transport des usagers qui habitent au-delà de Juvisy. Le débat se poursuit au sein du comité de ligne. Quant au « sextuplement » des voies entre Juvisy et Bibliothèque François Mitterrand, il coûte un milliard d’euros et dépend du projet POCL, qui ne sera pas réalisé avant vingt ans !

Vous l’avez dit, Madame : même si le RER n’a que quarante ans, il utilise des infrastructures très anciennes. Ainsi, au nœud ferroviaire de Brétigny convergent des TGV, des trains grandes lignes, des RER directs de Dourdan ou Étampes à Paris, auxquels s’ajoutent le fameux RER BALI/PAUL, qui relie Boulevard Victor à Brétigny : pour repartir de la gare, son terminus, il utilise quatre aiguillages datant des années trente et dépendant de postes non informatisés qui ne communiquent pas les uns avec les autres ! Le moindre problème sur la ligne conduit à supprimer le BALI le soir et le PAUL le matin. Nous, élus de la ligne C, avons donc demandé que l’on améliore les infrastructures. De fait, sur les quelque 300 millions d’euros que le contrat État-région d’un milliard d’euros consacre à la ligne C, 70 millions vont servir à des études que le STIF vient de décider sur le « sextuplement » des voies entre Juvisy et Paris, l’amélioration de l’électrification et le nœud ferroviaire de Brétigny. De ce dernier problème dépend en grande partie la régularité sur la ligne C.

M. Axel Poniatowski. Madame Navarre, vous dites que les lignes de RER sont beaucoup trop longues. La politique de fourche n’a-t-elle pas été une erreur ? Ne faudrait-il pas installer les nouvelles gares au niveau des embranchements pour gagner en régularité ?

M. le rapporteur. J’aimerais connaître, Madame, Monsieur, l’état de votre réflexion stratégique sur deux aspects de l’offre. Premièrement, le débat classique entre radiales et tangentielles. Deuxièmement, à la lumière des comparaisons européennes, la politique de voies dédiées, par opposition au partage des voies – la priorité étant donnée aux voyageurs – avec le fret, les TER et les TGV. Quelles en seraient les conséquences sur l’hyper concentration, que l’on pense au tronçon central qui se subdivise en fourche ou aux problèmes d’interconnexion de banlieue à banlieue ? Au-delà du STIF, autorité organisatrice, cela engage la définition des sillons attribués par RFF.

Mme Danièle Navarre. Ce système est sans équivalent en Europe. Le S-Bahn est par construction entièrement indépendant du réseau de chemin de fer régional ou national, ce qui, joint à une desserte omnibus, lui assure un excellent taux de régularité : 98 % à Berlin avant le problème de matériel dont nous avons parlé. Londres n’est pas un modèle en ce qui concerne les chemins de fer. En revanche, comme dans d’autres métropoles européennes, le métro y va beaucoup plus loin qu’à Paris, où les inter stations sont aussi particulièrement courtes – pas plus de cinq cents mètres, contre huit cents mètres à un kilomètre dans les grandes métropoles comparables. Le métro londonien dessert ainsi tout Greater London, soit cinq cents kilomètres carrés : comme si le métro parisien, qui ne va guère plus loin que les portes de Paris, couvrait toute la zone agglomérée jusqu’aux villes nouvelles non comprises. Or qui dit métro dit « voies dédiées » et « desserte omnibus ». Central London – l’équivalent de Paris et des communes limitrophes desservies par le métro – est moins finement maillé que Paris du fait de la longueur de l’inter station, de l’existence de tronçons communs à plusieurs lignes et de l’absence de RER, c’est-à-dire de desserte du centre par le chemin de fer. Les bus compensent ce défaut. Mais, au-delà de cette zone, la desserte par transports lourds est bien plus satisfaisante que chez nous.

Cela doit nous conduire à nous interroger sur notre desserte par métro, conçue comme essentiellement parisienne. Les projets actuels de métro automatique en rocade visent à prendre en considération les déplacements de banlieue à banlieue, majoritaires et en forte croissance.

M. Alain Meyère. En ce qui concerne la desserte de la banlieue, les métropoles européennes comparables à Paris ne connaissent effectivement pas cette frontière, qui correspond à peu près au périphérique, entre une commune centre relativement peu étendue et sa banlieue. En outre, le bus y joue un rôle beaucoup plus important qu’en Île de france. À Londres, par exemple, plusieurs dizaines de lignes de bus circulent vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est une différence entre l’Île-de-France et la province : il est frappant que les Franciliens perçoivent le bus comme un moyen de transport « au rabais », ce qu’il n’est pas du tout le cas à Nantes ou à Bordeaux !

Les pénalités encourues sont-elles suffisamment lourdes pour être pédagogiques ? Lorsque les premiers contrats ont été signés, dans les années 2000, elles n’étaient pas très élevées. Mais, au-delà de l’aspect financier, les exploitants peuvent être sensibles au fait de percevoir des bonus quand d’autres paient des pénalités. Sans doute faudrait-il donc donner plus de publicité aux résultats, comme on le faisait il y a quelques années.

En ce qui concerne le taux de fraude, comptabilisé avec les incivilités au titre des causes externes des perturbations, force est de constater qu’il est moins élevé dans les autres réseaux européens. Il faudrait étudier cette particularité française.

Le RER a pour principale fonction de mailler le centre de Paris, notamment grâce à des correspondances avec de nombreuses lignes. En ce sens, il serait inopportun qu’il desserve uniquement des gares terminus. 1 % des déplacements seulement s’effectuent de banlieue à banlieue via Paris ; en revanche, ce rôle de diffusion des voyageurs dans le centre est essentiel. Le principe d’un RER traversant Paris et s’arrêtant juste après ne devrait pas susciter d’objection majeure de la part des usagers.

On donne une image erronée de la structure des déplacements en Île-de-France en se contentant de rappeler que 70 % d’entre eux sont des trajets de banlieue à banlieue. Il faut préciser que les 30 % de déplacements depuis ou vers Paris sont pour moitié internes à Paris et pour moitié des échanges entre Paris et la petite ou la grande couronne. Mais les déplacements entre la banlieue et Paris sont bien plus importants si l’on tient compte du nombre de kilomètres parcourus, comme nous y a invités Jean-Pierre Orfeuil. En outre, on a tendance à assimiler les 70 % de déplacements de banlieue à banlieue à des déplacements en rocade, alors qu’il faut en décompter environ 20 % de déplacements intra communaux ; ils s’effectuent notamment en voiture ou en bus. Les déplacements en banlieue, ce sont aussi des trajets brefs, à pied ou à vélo, ils ne sont donc pas seulement effectués dans Paris. S’y ajoutent 15 à 20 % de trajets inter communaux, mais radiaux : de Gif-sur-Yvette à Juvisy-sur-Orge ou de Marne-la-Vallée à Val de Fontenay, par exemple. En d’autres termes, quand on travaille sur les lignes radiales, on contribue aussi à améliorer les conditions des déplacements de banlieue à banlieue. Les déplacements en rocade, qui ne sont pas nécessairement très longs, d’ailleurs, ne représentent que le solde, soit moitié moins que les 70 % qu’on a tendance à leur attribuer.

Dans le cadre d’un programme de recherche, nous étudions la mobilité des Franciliens selon leur lieu d’habitation, de Paris aux zones péri urbaines situées au-delà de la zone agglomérée. Pour analyser la mobilité, on comptabilise habituellement le nombre de déplacements par personne et par jour. Si l’on en soustrait le trajet de retour à domicile, on obtient le nombre d’activités qui constituent le but des trajets : quand on se déplace, on va travailler, retrouver des amis, faire des courses, etc. Cela permet de mesurer l’intensité de la vie sociale des personnes étudiées. Or ce chiffre s’est stabilisé depuis longtemps à 3,5 déplacements en moyenne par personne et par jour, quel que soit le lieu d’habitation en Île-de-France. À mesure que l’on s’éloigne de Paris, la longueur moyenne des trajets augmente et la voiture est de plus en plus utilisée, car les transports collectifs sont de moins en moins présents. En revanche, la durée moyenne des déplacements est stabilisée à une heure et demie par jour, et les horaires de départ et de retour sont eux aussi à peu près identiques partout. La zone périurbaine est la seule où les distances vont en croissant au fil du temps.

On note enfin le recours massif à la voiture. À cet égard, la hausse du prix de l’énergie, encore relativement limitée, risque de révéler la fragilité de la situation de certains ménages, dont elle compromettra fortement la mobilité à l’avenir.

M. le président Daniel Goldberg. Je vous remercie de la qualité de vos interventions.

——fpfp——

Audition de M. Pierre Mongin, président de la RATP

(Séance du mercredi 18 janvier 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Nous recevons ce soir M. Pierre Mongin, président de la RATP, l’une des deux entreprises chargées de l’exploitation du RER – la RATP partageant avec la SNCF les fonctions d’opérateur sur les lignes A et B.

Monsieur le président, nous avons tous conscience que le RER est un réseau fragile, qui s’inscrit dans un maillage complexe et qui est en partie emprunté par d’autres circulations ferroviaires, de voyageurs comme de fret. Pourriez-vous préciser à la Commission d’enquête ce qui relève du réseau ferré national qui est géré par Réseau ferré de France (RFF) et ce qui relève du réseau dont la RATP est pleinement propriétaire ? Quelles sont les conséquences de cette situation sur vos investissements, ainsi que sur vos relations avec RFF et avec le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF ?

Votre audition intervient après deux Tables rondes organisées, d’une part, avec les associations d’usagers, d’autre part, avec les organisations syndicales. Les usagers vivent très mal la dégradation de la qualité et de la régularité du service. Leurs représentants ont tous souligné les lacunes dans l’information qui leur est délivrée, notamment en cas d’incident ; ils ont cité des exemples de trains affichés puis annulés, ainsi que de trains ne marquant pas un ou plusieurs arrêts initialement prévus, sans qu’il ne soit jamais donné d’informations aux voyageurs.

Les syndicats nous ont semblé quelque peu désarmés face à ces problèmes ; certains de leurs représentants ont signalé que les propositions simples et – selon eux – peu onéreuses qu’ils soumettaient à leur direction demeuraient sans réponse. Ils se sont engagés à nous fournir des précisions sur ce point.

Il y a un peu plus d’une semaine, une rame est restée bloquée pendant trois heures, dans l’obscurité, entre les stations Étoile et La Défense ; les usagers ont dû être évacués par les voies. L’incident a eu des répercussions sur l’ensemble du réseau, en particulier sur la ligne 1 du métro. La RATP dispose-t-elle de retours d’expérience après des événements de cette gravité ? Pouvez-vous nous donner des exemples d’investissements préventifs ou correctifs engagés rapidement après de tels incidents ?

D’autres interrogations se sont fait jour au sujet de l’unité de commandement de circulation et de régulation sur les lignes A et B. Le projet de création d’un poste de commandement unique et centralisé, le « CUB », à Denfert-Rochereau, a notamment été évoquée. S’agit-il d’un « serpent de mer » ?

Notre commission ne possède pas a priori une « recette miracle ». Ses membres, qui sont des élus franciliens eux-mêmes usagers du RER, cherchent à mieux comprendre certains dysfonctionnements techniques ou organisationnels, sans volonté polémique. Notre objectif est de donner de meilleures conditions de transport aux habitants d’Île-de-France, en formulant des propositions concrètes, assorties d’un calendrier de mise en œuvre réaliste.

C’est dans cet esprit que nous avons souhaité vous entendre. De manière à nourrir notre réflexion, pourriez-vous nous préciser le programme des investissements que la RATP a prévu de consacrer au RER dans les prochaines années ? Quelles actions à plus long terme pourraient être envisagées afin d’adapter le réseau du RER aux besoins des Franciliens ?

Avant de vous laisser la parole, monsieur le président, je vous rappelle que l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires exige des personnes auditionnées dans le cadre d’une commission d’enquête qu’elles prêtent serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous demande donc de lever la main droite et de dire : « Je le jure. »

M. Pierre Mongin prête serment.

M. Pierre Mongin. C’est pour moi un honneur que de venir apporter à la représentation nationale la vision de notre entreprise publique sur le réseau express régional d’Île-de-France. L’enjeu est en effet considérable.

La RATP remplit, sur 79 kilomètres et 35 gares de la ligne A et 40 kilomètres et 31 gares de la ligne B, une double tâche de gestionnaire d’infrastructure et d’opérateur de transport – les deux missions étant séparées depuis le 1er janvier 2012 en application de la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires. Nous sommes parfaitement conscients de la responsabilité qui nous incombe du fait de la densité exceptionnelle du trafic sur ces lignes, ainsi que des insuffisances et des lacunes du service que nous offrons actuellement à nos voyageurs, malgré d’immenses efforts que je vais essayer de résumer.

Depuis mon arrivée à la tête de la RATP en 2006, mes deux priorités opérationnelles majeures furent le bon fonctionnement des lignes A et B du RER et celui de la ligne 13 du métro. Avec 6 millions de passagers quotidiens, le métro est un sujet de fierté pour l’Île-de-France, qui a servi, au point de vue de la technique, de la sécurité et de la réglementation, de modèle pour le RER : il s’agissait de faire passer des trains dans la zone dense de l’Île-de-France, à de hautes fréquences, en assurant la connexion avec le réseau ferré national et en évitant les ruptures de charge. La juxtaposition des systèmes d’exploitation fut une vraie bonne idée, qui permit l’optimisation des infrastructures ferroviaires et une coopération entre les deux opérateurs tant au plan de la technique qu’au plan de la sécurité.

Cette mécanique a parfaitement fonctionné jusqu’il y a dix ans. Ce qui l’a déréglée, c’est l’accroissement considérable de la fréquentation du réseau de transports publics en Île-de-France, qui a contraint les deux opérateurs à livrer une course contre la montre permanente. Pour la seule année 2011, la fréquentation des lignes A et B du RER a augmenté de 2,6 %, ce qui représente 12 millions de passagers supplémentaires pour la seule partie RATP. Néanmoins, nous avons réussi à améliorer le taux de régularité des trains, qui s’est accru, en moyenne annuelle, de 3 points sur la ligne A et de 1 point sur la ligne B, pour atteindre respectivement 86 % et 85 %. Malgré les critiques – légitimes – formulées par un certain nombre de voyageurs, et même s’ils ne me satisfont pas, ces résultats montrent que nous sommes parvenus à stabiliser le dispositif.

Je pense qu’on a fait peser sur ces deux lignes une responsabilité excessive. Les lignes A et B du RER sont structurantes : la croix qu’elles forment supporte l’essentiel des déplacements quotidiens des Franciliens. En dix ans, la fréquentation de la ligne B a augmenté de 35 %, celle de la branche de Chessy de la ligne A de 43 %. Lorsqu’à la demande du STIF, nous avons renforcé en 2008 la desserte des branches de Cergy et de Poissy, afin que les trains puissent circuler avec un intervalle de 3 minutes 20 en heures creuses sur le tronçon central de la ligne A, nous avons dès lors utilisé le dernier potentiel d’élasticité dont nous disposions ; il est désormais impossible de rattraper un incident quelconque sur le programme de transport, sans que cela ait des répercussions sur les voyageurs.

D’une manière générale, le rôle des deux lignes a été de pallier les insuffisances graves de l’aménagement francilien depuis 30 ans. Je pense que la tension actuelle est liée au déséquilibre existant entre la progression considérable de l’habitat à l’est et l’accélération des programmes d’emploi à l’ouest. En 1975, Marne-la-Vallée comptait 100 000 habitants ; on en escompte 350 000 à l’échéance 2020. À La Défense, ce sont 150 000 salariés qui travaillent aujourd’hui dans les tours ; dix projets majeurs vont amener 30 000 à 40 000 emplois supplémentaires d’ici à 5 ans, ce qui fera tache d’huile sur Nanterre, Rueil, Bezons et La Garenne-Colombes, des communes qui accueillent un nombre croissant de salariés. Ce phénomène de balancier entre l’Est et l’Ouest provoque un déséquilibre de la ligne entre le matin et le soir.

Les précédents gouvernements avaient veillé à conserver des marges de manœuvre. En 1997, on avait décidé d’acheter des rames à deux niveaux, les MI 2N, afin de soulager la pression sur les trains. Le seul grand projet de transports depuis 30 ans, la décision prise par Michel Rocard de créer la ligne 14, a permis de soulager une partie de la ligne A. Enfin, on a décidé de prolonger par étapes la ligne E du RER, ce qui a apporté de l’oxygène. Mon sentiment est que l’on est revenu aujourd’hui à la case départ : l’effet positif de ces investissements a été annihilé par la croissance.

Pour faire face à cette situation, nous sommes fortement mobilisés. Avec de nombreux élus franciliens – parlementaires, conseillers régionaux, maires –, nous avons pesé sur la décision de créer un nouveau réseau de transport structurant en Île-de-France. Grâce au lancement du Grand Paris et à la décision de prolonger la ligne E entre les stations Gare Saint-Lazare et Mantes-la-Jolie, on peut être optimiste quant au devenir de la mobilité organisée en transports publics en Île-de-France à l’horizon 2020-2025. Nous avons l’espoir que l’arc nord et l’arc sud, cette espèce de « métro périphérique » – comme j’avais appelé ce projet avant le lancement du « Grand Paris Express » –, soulageront les deux réseaux en croix centraux. D’ici là, nous sommes conscients qu’il convient de prendre des mesures pour ne pas se laisser déborder par la situation, étant entendu que tout incident d’exploitation a des répercussions sur l’ensemble du réseau.

Nous avons eu un retour d’expérience très précis sur les événements du 9 janvier ; j’en ai moi-même rendu compte en détail à la ministre, Mme Kosciusko-Morizet. L’incident est consécutif à une panne électrique totale – phénomène très rare – survenue sur l’un des vieux trains qui sont en cours de remplacement. Cette panne a mis le conducteur dans l’impossibilité absolue de communiquer avec les voyageurs, puisqu’il n’y avait plus de sonorisation. Heureusement, j’ai doté la RATP du système de radio numérique mobile TETRA : grâce à cet équipement, que tous les agents travaillant sur les voies et en exploitation possèdent, le conducteur a pu communiquer avec le Poste de Commandes centralisées (PCC). On a immédiatement envoyé depuis la station Étoile une équipe de secours, qui a emprunté une rame circulant dans la direction opposée pour rejoindre celle qui était en panne. Après quinze à vingt minutes de travail, le diagnostic a conclu à l’impossibilité de redémarrer le train par l’arrière ; le courant a cependant été rétabli dans la moitié de la rame. En passant devant les portes, les agents ont dit aux voyageurs que la RATP était navrée de l’incident et ils leur ont demandé de garder leur calme et de ne pas bouger.

Parallèlement, il fallait gérer le reste du trafic d’Île-de-France, ainsi que les répercussions de l’incident : faire tourner les trains de la ligne A à la station Étoile afin d’assurer la desserte de Paris et de l’est de l’Île-de-France, dégager les quais, renforcer la ligne 1 – dont l’automatisation a permis de travailler en mode « heure de pointe » jusqu’à 23 heures –, coordonner nos efforts avec la SNCF, en faisant appel à un train classique pour évacuer les voyageurs bloqués à La Défense vers Saint-Lazare, canaliser les foules qui s’étaient amassées dans les gares impactées par l’événement. La salle opérationnelle intermodale que j’ai créée a grandement facilité la gestion de l’incident.

Au bout de trois quarts d’heure, alors que le train de secours était en chemin, des voyageurs, agacés par l’attente – certes insupportable –, ont décidé de sauter par-dessus les portes et se sont égaillés dans les voies, sans savoir quelle direction emprunter puisqu’ils étaient au milieu du tunnel. Dès lors, ce fut un grand désordre : il devint impossible d’acheminer le train de secours, il fallut stopper complètement la circulation des trains, et toutes les opérations d’évacuation se sont faites à pied, en faisant sortir les voyageurs par les deux trains bloqués derrière la rame en panne. La manœuvre fut longue, puisqu’elle a duré trois heures, mais on n’a déploré aucune victime. Si le PCC n’avait pas réagi avec célérité et efficacité, vu l’heure de pointe, il y aurait pu y avoir 6 ou 7 trains bloqués. Toutefois, je reconnais qu’une telle qualité de service est inacceptable ; il convenait de présenter nos excuses aux voyageurs et de leur garantir, non pas le risque zéro, car c’est impossible en matière de panne, mais du moins que des mesures visant à réduire la probabilité que de tels événements se reproduisent seraient prises. C’est ce que j’ai fait.

La qualité du service passe, selon moi, par la qualité du dialogue social. La RATP est aujourd’hui une entreprise apaisée. En 2011, on a compté 0,29 journée de grève par salarié, soit le taux le plus bas de toute la profession du transport en France – la situation est dans ce domaine bien meilleure à Paris qu’à Londres. Dans la situation actuelle, nous considérons que les mouvements sociaux ne sont plus une cause de rupture du service public. Cela suppose toutefois que la direction générale et la direction opérationnelle portent une attention constante à la qualité du dialogue social au sein de l’entreprise.

Par ailleurs, j’ai lancé en 2008 un plan d’action avec des mesures de proximité. Des agents d’encadrement ont été placés sur les quais à fort trafic, aux heures de pointe. En recourant à des contrats d’accompagnement dans l’emploi – ce qui montre que nous nous préoccupons de l’insertion sociale –, nous avons mis en place les « gilets verts », c’est-à-dire des personnes qui aident à la fermeture des portes et assurent la sécurité du départ du train. Nous avons également recruté des secouristes qualifiés, une des causes de dysfonctionnement étant les malaises de voyageurs, en raison de l’hypoglycémie, de la fatigue ou de la chaleur ; il s’agit en général de cas bénins, mais qu’il faut pouvoir traiter sans attendre l’arrivée des pompiers, car cela bloque la circulation des trains.

J’ai également lancé un plan d’action en faveur de la maintenance préventive ; les moyens qui lui sont dévolus ont considérablement augmenté depuis 5 ans. La maintenance préventive représente un investissement de 10 millions d’euros par an sur la ligne B et de 20 millions sur la ligne A, soit un montant de 50 à 60% supérieur au strict nécessaire. Elle comprend le contrôle systématique des rails par ultrasons, la mise en place d’un nouveau système de contrôle des caténaires par infrarouge, et le remplacement bisannuel des rails du tronçon central de la ligne A – quand les usages ferroviaires voudraient qu’il ait lieu tous les 25 ans. En 2014, nous devrons remplacer les voies et le ballast du tunnel central de la ligne A, ce qui nécessitera de travailler plus de 3 heures par nuit.

Autre investissement important pour les voyageurs, nous avons décidé en 2006 d’installer des caméras de vidéoprotection sur l’ensemble de nos sites. Résultat : le réseau de la RATP est aujourd’hui le premier réseau vidéoprotégé de France. Les seules lignes A et B du RER disposent de 3 000 caméras. Ce moyen de surveillance, qui a permis de renforcer considérablement la sécurité dans le RER, sera généralisé sur tous les trains neufs.

Tout cela ne suffit cependant pas : le plus important est d’apporter une réponse aux problèmes de capacité, qui se posent en des termes différents sur les deux lignes.

S’agissant de la ligne A, le problème a été traité lors du conseil d’administration de la RATP de mars 2009, qui a décidé le remplacement progressif de tous les trains qui n’ont pas encore été rénovés, les MI 84, par des trains à deux étages, les MI 09. Le 5 décembre dernier, le Président de la République a inauguré, en compagnie du président du STIF, M. Jean-Paul Huchon, la mise en circulation commerciale du premier train MI 09 sur la ligne A ; deux nouveaux éléments seront injectés chaque mois sur la ligne. En l’espace de 30 mois, nous aurons ainsi réussi à concevoir le train, à l’industrialiser et à le mettre en service. Cela permettra d’augmenter de 50% la capacité de chaque rame, d’optimiser l’utilisation des quais avec des trains de 225 mètres de long, d’améliorer l’accessibilité des rames grâce à des portes de 2 mètres de large et, à terme, d’homogénéiser l’ensemble du parc. Il s’agit d’un énorme investissement pour la RATP – 2 milliards d’euros –, mais cela donnera 15 ans d’oxygène à la ligne A.

Sur la ligne B, les intervalles entre les rames étant plus importants, la solution la moins coûteuse et la plus efficace consiste à augmenter le nombre de trains en circulation. Cette ligne a longtemps souffert de la coupure, à la station Gare du Nord, entre le domaine de la SNCF et celui de la RATP. Depuis le 9 novembre 2009, la ligne est interopérée, première étape d’un processus d’unification de sa gestion. Ce fut un chantier coûteux, notamment sur le plan social – les mouvements sociaux ont duré trois ans –, mais je pense que le franchissement de cette étape est une source de satisfaction pour le STIF.

Le 5 décembre 2011, le Président de la République a demandé que les trois opérateurs publics – RATP, SNCF et RFF – approfondissent l’idée d’une structure de pilotage unique, dans le respect des compétences de chacun. « La RATP et la SNCF proposent à présent de placer l’exploitation de la ligne B sous l’autorité d’une seule équipe commune. C’est une orientation que je ne peux que valider », a-t-il ajouté. Le 9 février, avec Guillaume Pepy, nous allons donc lancer un groupe de travail mixte pour tenter de passer d’une exploitation partagée à une exploitation commune, qui devra apporter des solutions à court terme, d’abord, pour fiabiliser l’information voyageurs, ensuite, pour réduire les délais de traitement des incidents. Nous avons l’idée d’instituer un pilotage technique commun de la ligne, et probablement une gouvernance nouvelle. Naturellement, ce projet prendra tout son intérêt lorsque RFF aura achevé ses travaux au nord, consistant à construire des voies dédiées à la ligne B jusqu’à Charles-de-Gaulle et Mitry.

Il y a urgence, car les circulations sont très nombreuses dans ce secteur. Or c’est RFF qui contrôle le robinet de la ligne B, à savoir l’aiguillage qui se trouve, sur le territoire de la RATP, à la station Gare du Nord, et qui permet de choisir entre l’injection de trains de la ligne D et l’injection de trains de la ligne B du RER. Le paradoxe du système actuel, c’est que ni la RATP ni la SNCF ne maîtrisent la circulation de leurs propres trains.

En outre, le passage prévu de 8 à 12 trains à l’heure sur la ligne D, alors que la SNCF vient de mettre en place le cadencement, qui n’est pas nécessairement compatible techniquement avec une circulation à l’intervalle, crée potentiellement un risque supplémentaire pour la fiabilité et la régularité de la ligne B. La seule solution, malheureusement longue et coûteuse, serait de doubler le tunnel central pour que chaque ligne ait son tronçon réservé. Cela suppose toutefois des investissements massifs qui n’ont pas été programmés, notamment dans le cadre du Grand Paris.

Il existe donc une contradiction technique : sur les 20 kilomètres du corps central de la ligne A, on a une gestion du type métro, avec une très forte fréquentation – on y transporte davantage de voyageurs que sur les 160 kilomètres de la ligne D – et une circulation à l’intervalle ; en revanche, sur les branches – qu’elles soient RATP ou SNCF –, on doit tenir un engagement sur les horaires. Tant que cette contradiction technique ne sera pas résolue, on rencontrera des problèmes, puisque l’on a choisi de perdre en élasticité pour amortir la charge. Dans le cadre des schémas directeurs de l’Île-de-France, il conviendrait de réfléchir à la possibilité de s’engager sur une durée d’attente sur le quai, et non sur un passage des trains à horaire fixe. En d’autres termes, il faudrait faire du métro partout. Cela demandera du temps et du travail, mais c’est à ce prix que nous pourrons réduire la tension sur les lignes A et B du RER.

M. Pierre Morange, rapporteur. Je souhaiterais avoir votre sentiment sur les remarques faites par les représentants des usagers et des syndicats de salariés lors des tables rondes que nous avons organisées la semaine dernière, ainsi que sur les observations formulées par la Cour des Comptes dans son rapport de novembre 2010.

Il fut notamment question de la mesure de la qualité de service, les paramètres retenus ne donnant pas toujours un reflet fidèle de la réalité : sous pondération des critères de régularité et de ponctualité, insuffisance du système de bonus-malus et non enregistrement de certains défauts de prestations. Il paraît en outre nécessaire que ces informations soient diffusées par l’intermédiaire de baromètres mensuels, destinés tant aux usagers qu’aux autorités.

Vous avez évoqué la nécessité d’aboutir à un pilotage commun et à une gouvernance nouvelle des lignes A et B. Nous ne pouvons que nous réjouir de ces déclarations d’intention et de l’annonce de la création d’un groupe de travail sur le sujet, mais il serait bon de définir l’échéancier précis – avec des engagements écrits de la part des deux opérateurs – du projet visant à établir ce pilotage commun, voire, comme le préconisait la Cour des Comptes, à donner une délégation à tel transporteur en vue d’un pilotage unique des deux lignes, afin que l’on puisse remédier aux dysfonctionnements observés sans attendre la création des voies dédiées à la ligne B par RFF.

La Cour des Comptes recommandait également d’améliorer la qualité de l’information, en particulier la lisibilité des documents comptables, afin de procurer une meilleure connaissance du coût et des performances du réseau actuel, ainsi que d’affiner les analyses socio-économiques produites dans le cadre des plans d’investissement.

Ces remarques conduisaient la Cour à des préconisations concernant le renouvellement du matériel existant et l’amélioration du réseau actuel. Nous nous réjouissons que cela fasse partie de vos priorités, car le quotidien des Franciliens ne peut continuer à se dégrader dans l’attente de l’échéance de 2020-2025.

S’agissant de l’interopérabilité de la ligne B et de la mise en place du CUB, le projet est certes validé, mais où en est-on de sa mise en œuvre ? Lors des précédentes auditions, nombre d’interventions ont évoqué la nécessité d’une standardisation des normes et d’une formation commune afin de surmonter les différences de culture entre les deux établissements publics de transport, et de renforcer ainsi leur efficience.

M. François Lamy. On sait que le doublement du tunnel entre les stations Châtelet et Gare du Nord est la solution pour les 20 prochaines années. Il s’agit, vous l’avez dit, d’un projet coûteux ; suivant les interlocuteurs, les estimations varient de 500 millions à 1 milliard d’euros. Quel en est le montant exact ? Quel serait le calendrier de sa mise en œuvre ?

Ce qui exaspère les gens au quotidien, c’est non seulement que les trains soient en retard, mais surtout qu’on ne sache pas pourquoi. Lorsque les dysfonctionnements sont dus à des conflits sociaux ou à des incidents d’exploitation, il n’existe pas de système d’indemnisation automatique de l’usager. Avez-vous engagé une réflexion avec le STIF sur ce sujet ?

M. Patrice Calméjane. Lorsque nous les avons auditionnés la semaine dernière, les personnels de votre société nous ont signalé l’existence sur le tronçon central de la ligne A du RER d’un système d’aide à la conduite, à l’exploitation et à la maintenance, le système SACEM ; ils ont ajouté que leur hiérarchie refusait que les tronçons de l’est francilien en soient dotés, alors que, selon eux, cela permettrait d’augmenter la fréquence des trains, donc d’améliorer le service rendu aux usagers. Pourquoi ce refus ?

Avez-vous engagé une réflexion sur la manière dont on pourrait éviter les fraudes et les fausses alarmes ? Par ailleurs, les représentants syndicaux ont indiqué que l’on enregistrait entre 30 et 45 suicides par an, et que la procédure d’évacuation des corps était de plus en plus lourde : la voie doit désormais être fermée durant 3 à 4 heures, au lieu d’une heure auparavant.

Aéroports de Paris (ADP) fait état de 88 millions de passagers sur les plateformes d’Orly et de Roissy. Imaginez un touriste chinois bloqué pendant un long moment dans un train : comment s’étonner qu’on le retrouve sur la voie ? Comment faire pour améliorer l’information à destination des étrangers ? Projetez-vous de renforcer la desserte des plateformes aéroportuaires ? Des reports en surface pourraient être intéressants, mais les plans de bus sont si difficiles à lire…

M. Axel Poniatowski. L’investissement d’un  milliard d’euros pour la modernisation des lignes de RER prévu dans le cadre du plan de relance est-il inclus dans les 2 milliards dédiés à la modernisation et au renouvellement des rames ?

Vous affirmez votre optimiste à l’horizon 2020-2025 sur « la bouffée d’air » qu’apporteront les projets du Grand Paris et d’Eole. Cela est probablement  vrai pour Paris et la Petite couronne ; mais qu’en est-il de la Grande couronne ? Que préconisez-vous pour améliorer sa desserte ?

Qu’en est-il de la propreté dans le RER ? Quel est le programme de nettoyage des rames ? Est-il vrai, comme l’a affirmé un responsable, qu’elles ne sont nettoyées qu’une fois par mois ?

M. Yanick Paternotte. L’incident survenu sur la ligne A a beaucoup troublé l’opinion. Qu’une rame dépende entièrement de l’alimentation filaire, sans aucun système d’autonomie, paraît pour le moins surprenant !

Le RER a été lancé à une époque où il y avait beaucoup moins de voyageurs ; sa survie prouve sa pertinence, mais, au vu de votre expérience, n’avez-vous pas l’impression que l’on arrive au bout de l’exercice ? Une ligne de 100 kilomètres de long n’est-elle pas un élément de fragilité, du fait des « effets papillon » ? Au lieu d’investir 2 milliards pour doubler le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord, ne serait-il pas préférable de concevoir des lignes autonomes et des plateformes d’échange ? La politique des années 1970 n’est-elle pas à revoir, d’autant plus que le Grand Paris Express va interconnecter les lignes de RER entre elles, et que l’on pourra enfin circuler de banlieue à banlieue sans passer par Paris ? En outre, le RER n’est plus « express » dans la mesure où, pour fiabiliser l’exploitation, on a décidé de faire s’arrêter les trains dans toutes les gares, et de remplacer les semi directs par des omnibus.

Quelles sont les principales causes de retard : les troubles sociaux, le matériel, l’infrastructure, les suicides, les alarmes ? Ne faudrait-il pas, dans certains lieux, installer des portes palières et développer l’automatisation des lignes ?

Pendant longtemps, sur la ligne B, il fallait changer de train à la station Gare-du-Nord en raison d’une différence de voltage. Les conducteurs n’avaient ni les mêmes régimes sociaux, ni le même nombre d’heures de repos suivant qu’ils étaient à la RATP ou à la SNCF. Ne vaudrait-il pas mieux qu’un seul opérateur s’occupe de la ligne A, et l’autre de la ligne B ?

Qu’apportera le nouveau matériel en termes de fiabilité et de régularité ?

Comme c’était prévisible, Vinci a décidé de se retirer du projet Charles-de-Gaulle Express. Vous avez, paraît-il, une solution de remplacement ; pouvez-vous nous donner des informations sur ce projet ?

Mme Cécile Dumoulin. À Mantes-la-Jolie, dont je suis l’élue, seuls des trains circulent, avec de gros problèmes de régularité. Nous espérons que le prolongement de la ligne E du RER améliorera les choses. On parle depuis très longtemps de ce projet. Le débat public a commencé et les perspectives se concrétisent enfin. En considérant l’importance des travaux, pouvez-vous nous assurer que les échéances annoncées – 2017 pour La Défense, 2020 pour Saint-Lazare – seront respectées ?

M. Henri Plagnol. Maire de Saint-Maur, je souscris à votre analyse sur la ligne A du RER : tant que l’on continuera à implanter les logements à l’est et les emplois à l’ouest, on sera confronté à un problème de fond. Il serait grand temps de raisonner, dans les documents d’urbanisme et autres stratégies de planification, en termes d’habitats et d’emplois.

Les nouvelles rames procureront-elles un gain de 30 ou de 50 % – les deux chiffres sont mentionnés ? Serait-il concevable d’accélérer le rythme de livraison, étant entendu qu’il s’agit du seul facteur d’ajustement dont on disposera dans les dix prochaines années ?

Il convient en outre d’étudier le prolongement le réseau en surface, avec les bus et les « mini-rames », parfois peu appropriées. Il est difficile d’aborder la question avec la RATP. Avez-vous engagé une réflexion sur le sujet ?

M. Gérard Gaudron. Pensez-vous vraiment que l’allongement des trains permettra d’éviter la saturation de la ligne A ?

Où en est le projet du RER B Nord + ?

Comment la desserte de Roissy s’intègre-t-elle dans votre schéma ? Quels sont vos projets en la matière ?

M. le président Daniel Goldberg. S’agissant des retards aux heures de pointe, êtes-vous en mesure de préciser ce qui relève de causes internes, comme la saturation du trafic et le nombre de voyageurs, et ce qui relève de causes externes comme les actes de malveillance, les accidents de voyageurs ?

À la station La Courneuve-Aubervilliers, le 14 décembre, il y a eu une interruption de service entre 9 h 44 et 10 h 29 sans qu’aucune information ne soit donnée aux voyageurs. C’est incompréhensible ! Quelle est votre pratique en matière de suppression de missions ?

Disposez-vous de données précises sur la « non-relève » des conducteurs et l’interopérabilité sur la ligne B ? Vous avez annoncé la création d’un groupe de travail sur une gestion non plus partagée  mais commune, alors que le projet de poste de commandement unique de la ligne B date de plusieurs années. Pourquoi le CUB n’a-t-il pas été mis en place ?

La mise en service des rames à double niveau sur la ligne A permettra d’accroître le nombre de voyageurs, mais a-t-on pris en considération les autres paramètres, comme la vitesse de démarrage et de freinage ou l’adaptation aux quais des gares ? Avez-vous prévu un programme d’investissement en la matière ?

M. François Pupponi. Que vont devenir les rames circulant actuellement sur la ligne A ? Vu leur état, est-il judicieux de les réutiliser ?

En cas de retard sur le RER, il n’existe aucune coordination avec le réseau de bus. Il arrive même que le dernier bus soit parti et qu’on soit obligé de rentrer à pied. Serait-il possible de coordonner l’ensemble des moyens de transport ?

Dans le cadre du Grand Paris, on annonce la construction de 70 000 logements par an, dans des lieux non desservis encore par le RER. Comment le réseau actuel pourra-t-il s’adapter ?

M. Guy Malherbe. Un spécialiste nous disait qu’1% seulement des voyageurs parcouraient la ligne B de bout en bout : la plupart s’arrêtent dans Paris. Dans ces conditions, le doublement du tunnel central est-il vraiment une priorité ? Ne faudrait-il pas plutôt prévoir un arrêt à l’entrée de Paris, avec des navettes circulant à l’intérieur, étant entendu que sur des lignes très longues, le moindre incident crée des perturbations sur 100 à 150 kilomètres.

Combien de rames sont-elles en circulation sur la ligne B, et combien y en a-t-il en réserve en cas de panne ? De quels crédits disposez-vous pour la maintenance ? Quel est le rythme des visites de contrôle ?

M. Jean-Marie Le Guen. Le doublement du tunnel des lignes B et D dans le centre de Paris n’est toujours pas inclus dans les perspectives financières, pourtant extrêmement ambitieuses, concernant les transports en Île-de-France. Est-il vraiment raisonnable d’investir dans de nouveaux espaces, alors que vous êtes dans l’incapacité d’assurer un fonctionnement à peu près normal des deux lignes de RER en raison de l’absence de ce tunnel, et que nous n’aurons vraisemblablement pas les moyens financiers d’en assumer le coût dans les 10 prochaines années ?

M. le rapporteur. En raison du temps qui nous est imparti, vous n’aurez probablement pas la possibilité de répondre de manière exhaustive à toutes les questions qui ont été posées – et qui ne constituent qu’une infime partie des interrogations soulevées par les auditions précédentes. C’est pourquoi je me permettrai de vous adresser un questionnaire écrit, afin que vous puissiez nous transmettre des réponses chiffrées, ainsi que nous donner votre avis sur un certain nombre de mesures « pratico-pratiques » susceptibles d’améliorer de façon concrète le quotidien, comme l’électrification des aiguillages, le retournement des trains aux terminus ou la verbalisation pour utilisation abusive du signal d’alarme. Je souhaiterais également un calendrier de mise en œuvre, car il importe qu’avant l’échéance annoncée de 2020-2025, on puisse fournir des réponses concrètes à nos concitoyens. Je précise que ces informations seront mises en ligne.

M. Pierre Mongin. Monsieur le rapporteur, je suis à votre entière disposition. De fait, les parlementaires ont évoqué de nombreux sujets, tous extrêmement importants. Je vais m’efforcer de répondre à leurs interrogations. Soyez en tout cas assurés que notre préoccupation essentielle est de faire face à la situation dans l’attente de l’échéance de 2020-2025, et que nous autres exploitants sommes totalement mobilisés sur les aspects « pratico-pratiques » – pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur.

L’évaluation de la qualité de service est un point crucial du contrat que nous avons conclu, pour la première fois depuis la décentralisation des transports en Île-de-France, avec le président Jean-Paul Huchon. Nous disposons dans ce domaine de deux indicateurs principaux.

L’indicateur de production correspond à un engagement contractuel défini a priori sur la base de conditions d’exploitation optimales ; si nous n’atteignons pas ces objectifs, nous avons une sanction. Globalement, sur l’ensemble du RER, nous avons subi des pénalités à hauteur de 4 millions d’euros, que nous devons payer au STIF.

L’indicateur de régularité évalue le pourcentage de voyageurs arrivés à destination avec un retard de moins de 5 minutes. La mesure est faite de manière automatique par chacune des entreprises. C’est sur cette base que j’ai annoncé la stabilisation du taux de régularité à 86% pour la ligne A et à 85% pour la ligne B – un résultat qui, je le répète, est loin d’être satisfaisant.

J’ai accepté, il y a deux ans, que l’on modifie cet indicateur, et que l’on cesse de défalquer du résultat de chaque exploitant les conséquences des retards dans le territoire de l’autre. Si cette opération permettait de mesurer la responsabilité propre de chaque exploitant, elle n’avait guère d’intérêt pour les voyageurs, qui se moquent de savoir si l’incident a lieu dans le territoire de la SNCF ou dans celui de la RATP. On a donc conçu un indicateur de coresponsabilité, qui continue toutefois d’être calculé indépendamment par chaque exploitant. Dans le cadre de la contractualisation avec le STIF, je compte m’engager sur une progression de cet indicateur.

Le STIF m’a en outre demandé de mettre en place un troisième indicateur ; j’en ai accepté le principe. Il s’agit d’un indicateur associant la production et la régularité, visant à déterminer le nombre de trains que nous sommes capables de faire circuler sur chacune des lignes de RER aux heures de pointe. J’ai accepté de prendre un risque financier pour mon entreprise en m’engageant sur cet indicateur, espérant que je pourrais ainsi mieux mobiliser mes troupes sur le renforcement de la qualité de service.

M. le rapporteur. À quelle hauteur avez-vous pris ce risque ?

M. Pierre Mongin. La négociation n’est pas achevée. Par rapport à l’heure de pointe, nous raisonnons sur la base d’un intervalle de trois heures le matin et de deux ou trois heures le soir, et nous évaluons avec le STIF un nombre réaliste de trains à atteindre durant cet intervalle. Le chiffre précis n’a pas encore été fixé.

M. le rapporteur. Quelle sera l’éventuelle pénalité financière ?

M. Pierre Mongin. Je le répète, la négociation n’est pas encore achevée, mais la pénalité financière sera importante, de l’ordre de plusieurs millions d’euros par an.

M. le rapporteur. Le sujet avait été évoqué par la Cour des comptes.

M. Pierre Mongin. En effet, et j’en admets l’importance.

S’agissant de la diffusion de l’information, c’est au STIF de communiquer sur les prestations qu’il exige et sur la qualité de notre service. À mon sens, il mène dans ce domaine une politique de grande transparence, qui aboutit même parfois à la publication d’articles un peu compliqués.

Vous souhaitez connaître l’échéancier des opérations prévues sur la ligne B, au-delà de la mise en place en février du groupe de travail avec la SNCF. Pour être honnête, il convient de rappeler qu’il n’était inscrit dans aucun projet ni aucun schéma directeur qu’on irait plus loin que l’interopérabilité de la ligne B. Beaucoup pensaient que celle-ci était la solution à tous nos problèmes ; c’était évidemment une erreur. Selon moi, il s’agissait toutefois d’une étape nécessaire, qui va nous permettre d’aller plus loin. C’est ce à quoi nous allons, avec Guillaume Pepy, nous atteler.

Notre objectif est de passer à terme à une gestion complètement unifiée, avec un responsable unique de tous les indicateurs de qualité et de la fiabilité de l’information aux voyageurs ; cette fonction reviendrait, par alternance, à l’une et l’autre de nos entreprises. Cela nécessitera des efforts managériaux et organisationnels gigantesques.

Au nord, il existe actuellement trois centres de commandement : le centre RFF chargé de la gestion de l’énergie électrique, le centre opérationnel RFF chargé de la régulation des trains – c’est lui qui contrôle l’aiguillage à la station Gare du Nord –, et le centre opérationnel Transilien chargé de l’information voyageur et de la gestion des moyens humains et des matériels roulants. À la RATP, c’est plus simple : nous n’avons qu’un seul centre de commandement, le PCC de Denfert-Rochereau, qui dispose de toutes les informations, détient tous les pouvoirs et prend toutes les décisions. Lorsqu’on a mis en œuvre l’interopérabilité, j’ai demandé à la SNCF qu’elle désigne au moins un agent pour assurer le relais téléphonique avec tous les centres de commandement de la zone nord. À terme, je pense que l’unification de la ligne, qui passe par la réalisation d’une voie dédiée – qui est en cours et qui se poursuivra en 2013 –, devrait aboutir au pilotage unique. Il faut que nous fassions converger les différents programmes de rénovation ; je pense qu’à la fin 2013, nous devrions aboutir à une réelle unification, du point de vue du voyageur, de la ligne B.

La qualité des documents comptables ne fait pas problème, dans la mesure où l’essentiel de l’activité de la RATP se situe en Île-de-France. Le milliard et demi d’investissements annoncés concernent la seule région, et ils ont bien été effectifs. Je rappelle qu’en 2006, nos investissements étaient de l’ordre de 300 à 400 millions d’euros par an. La « bosse » actuelle est également due au plan de relance. En premier lieu, l’État nous a apportés, pour la première fois, un financement dédié au renouvellement du matériel roulant sur la ligne A, à hauteur de 150 millions d’euros. Ensuite, nous avons pensé que c’était l’occasion d’accélérer le rythme des investissements qui nous apparaissent comme indispensables pour les 10 ou 15 années qui nous restent à tenir. Nous menons donc notre programme d’investissements à un train d’enfer. Cette année, j’ai fait voter un budget qui prévoit 1,8 milliard d’euros d’investissements destinés à moderniser les réseaux de l’Île-de-France. Le RER occupe une place considérable dans ce programme, avec la rénovation du matériel roulant, les travaux d’infrastructure et l’ouverture de lignes nouvelles.

L’année 2012 sera une année exceptionnelle pour le transport francilien : nous nous ouvrirons enfin à la Grande couronne, avec la mise en place d’un nouveau réseau de tramways. À l’hiver 2013, une nouvelle ligne reliera Saint-Denis à Sarcelles ; une autre partira en direction des Yvelines, et desservira successivement Châtillon, Vélizy-Villacoublay et Viroflay ; au nord, la ligne T2 sera prolongée jusqu’à Bezons, dans le Val-d’Oise. Avec ce réseau, conçu par la STIF et sur lequel la RATP est maître d’ouvrage, nous allons changer complètement la donne dans la relation entre la Grande et la Petite couronne. J’ignore si ce sera suffisant, mais il n’empêche que les choses avancent.

Les retards ont à peu près toujours les mêmes causes. Pour la ligne A, ils sont dus pour 13% au matériel roulant, pour 5% aux infrastructures – ce chiffre étant en baisse grâce aux efforts menés en matière de prévention –, pour 38% à des incidents d’exploitation et pour 44 % à des facteurs externes, comme la découverte d’un colis suspect, le malaise d’un voyageur, l’actionnement du frein de secours, la traversée d’une voie, le vol ou la dégradation de matériel.

Vous avez raison, monsieur le président : il faut qu’avec Guillaume Pepy, nous améliorions et homogénéisions l’information aux voyageurs. J’ai pour ma part lancé dans toutes les grandes stations de métro et gares RER de la RATP un vaste programme d’information aux voyageurs, diffusé par l’intermédiaire d’écrans, qui intègre les données de la SNCF ; ce projet, appelé « Image », représente un investissement de plus de 100 millions d’euros. Nous intervenons aussi auprès des conducteurs de trains afin d’améliorer l’information à bord – ce qui n’était pas la tradition à la RATP. Toutefois, cela suppose que l’information soit fiable ; d’où l’importance du CUB.

Le doublement du tunnel entre les stations Châtelet et Gare du Nord, soit sur une distance de 1,4 kilomètre, coûterait plus d’1 milliard d’euros. Les études sont en cours ; RFF en est chargé. Nous attendons les résultats.

Pourra-t-on s’en passer ? À terme, je ne le pense pas. Il reste que le projet de prolongement de la ligne 14 devrait aboutir bientôt. L’enquête publique sur le prolongement de la ligne entre les stations Saint-Lazare et Saint-Ouen est ouverte depuis hier ; la ligne reliera ensuite Saint-Denis, au nord, et Orly, au sud. Elle constituera un deuxième axe nord-sud, qui viendra soulager la ligne B dès lors qu’on aura augmenté la capacité des trains, en passant de 6 à 8 voitures – la décision de principe a été prise avec le STIF. Les discussions sont en cours, et cela se présente plutôt bien sur le plan financier. Le projet se concrétisera à assez court terme, puisque la desserte de Saint-Ouen est prévue pour 2017. Ces dossiers progressent à des vitesses jamais atteintes par le passé.

M. Jean-Marie Le Guen. Sur sa partie centrale, la ligne 14 est déjà saturée. De quelles marges de progression disposez-vous ?

M. Pierre Mongin. Comme je l’ai dit, nous avons programmé avec le STIF un allongement des trains de 6 à 8 voitures.

Monsieur Calméjane, le SACEM est un système inventé par la RATP, qui est un décalque du système d’exploitation du métro appliqué au RER. Faut-il l’étendre aux branches ? Tout dépend du mode d’exploitation : dans le cadre d’un engagement sur l’horaire, cela ne servirait à rien ; si, en revanche, nous décidons un jour de passer sur la totalité du réseau à un engagement sur l’intervalle, il faudra le faire. Nous sommes en train d’étudier cette hypothèse avec le STIF.

S’agissant des fraudes et des fausses alarmes, il faut en effet renforcer les sanctions. Sur les nouvelles rames MI 09 de la ligne A, l’image de la personne qui tire le signal d’alarme sera enregistrée par une caméra ; le conducteur visionnera la séquence et aura la possibilité de réarmer le signal d’alarme à distance, depuis sa cabine, sans perdre de temps.

M. le rapporteur. Un participant à une table ronde estimait que les MI 09 étaient inadaptées aux normes ferroviaires actuelles et technologiquement dépassées. Êtes-vous d’accord ?

M. Pierre Mongin. Absolument pas ; d’ailleurs, ce train est très apprécié des clients, et son confort est formidable. En revanche, il a fallu investir quelque 100 millions d’euros dans l’infrastructure, les ateliers et l’électricité pour pouvoir l’accueillir sur le réseau.

Le gain de capacité sera de 50% par rapport aux trains retirés de la circulation, les MI 84. Il serait de 30% si nous décidions de remplacer tous les trains, dans la mesure où les rames de deuxième génération, les MS 61, ont une capacité plus grande que les MI 84.

Après avoir été modernisés et rafraîchis, les MI 84 seront, pour une partie, transférés sur la ligne B, où l’on manque de trains, et, pour l’autre partie, transformés et affectés à la desserte de l’aéroport Charles-de-Gaulle.

Chaque année, 20 millions de personnes arrivent ou partent de Charles-de-Gaulle en transitant par Paris ou sa région. Or on ne dispose pas de moyens de transport adaptés. À la demande de l’État, la RATP, la SNCF, RFF et Aéroports de Paris se sont associés pour étudier une solution de desserte point à point, qui exclut pour l’instant une arrivée à la station Gare du Nord, aujourd’hui saturée, mais qui utiliserait une dérivation – à construire – vers la station Gare de l’Est ; cela permettrait de remplacer le projet de partenariat public privé qui n’a pu aboutir. Il convient de faire vite : dès que nos quatre établissements se seront mis d’accord sur les aspects techniques, il faut que l’État nous aide et que le projet soit mis en œuvre dans un délai de trois ans. L’opportunité d’utiliser une partie des trains MI 84, en modifiant leur agencement intérieur et en les dotant d’espaces pour les bagages, rendra possible une liaison directe entre Paris et Charles-de-Gaulle à raison d’un train tous les quarts d’heure.

Nous sommes très favorables au projet Eole, qui permettra à la fois d’assurer la desserte du Mantois et de soulager la ligne A, et qui doit aboutir vers 2020. Il convient de veiller à ce que ces délais soient tenus. Nous entrons dans une période extrêmement difficile pour les finances publiques. Un certain nombre de financements du Grand Paris ont été sanctuarisés par un système de taxes affectées et par la création d’un établissement public autonome échappant à toute régulation budgétaire de la part de l’État. Face à la nécessité absolue de résoudre les problèmes de mobilité en Île-de-France, il ne faut pas baisser la garde, car tout délai supplémentaire sera autant de souffrances et de sacrifices imposés aux Franciliens. En outre, ces investissements contribuent de manière importante au soutien de l’activité économique : lorsque la RATP investit 1,8 milliard d’euros, ce sont des milliers de PME et d’entreprises françaises qui se voient soutenues dans une période difficile.

Monsieur Paternotte, les bienfaits de l’automatisation ont été démontrés. Nous sommes d’ailleurs en train de procéder à l’automatisation de la ligne 1, qui accueille 720 000 voyageurs par jour, sans en stopper le fonctionnement. Je pense que les lignes à fort trafic pourraient bénéficier à terme de l’automatisation, mais il convient de procéder par étapes. Quant au RER, il n’est pas, à l’horizon 2020, destiné à recevoir ce système. En revanche, on peut envisager le renouvellement des systèmes d’exploitation : ainsi, on pourrait étendre le système SACEM aux branches ; de même, il faudrait, d’ici à dix ans, lorsque les voies dédiées auront été achevées, unifier les systèmes d’exploitation de la ligne B entre la zone RATP et la zone nord. Nous travaillons actuellement, en partenariat avec la SNCF et RFF, à la conception du nouveau système d’exploitation du RER E, qui sera très proche de celui utilisé par la RATP sur le métro. Ce système, appelé « NExT », pourrait être également utilisé sur la ligne B. Il se posera alors, c’est-à-dire dans un délai de dix ans, la question du remplacement du matériel roulant sur la ligne B.

Lorsque les bus sont exploités par la RATP, nous avons pris en considération la nécessité, non seulement de veiller à ce que les voyageurs puissent prendre le dernier bus, mais de renforcer la coordination entre les différents moyens de transport : en cas d’incident, nous renforçons les lignes, au besoin en faisant appel à des sous-traitants privés. La RATP possède désormais la culture de l’intermodalité.

En revanche, lorsque les bus sont exploités par des entreprises privées, comme dans le Val-d’Oise, la coordination avec les trains ne relève pas de notre compétence, mais de celle du STIF. Je reconnais que le traitement de la question est encore lacunaire.

Les rames de réserve représentent moins de 10% du parc, en raison d’un niveau de maintenance exceptionnel, notamment par rapport au reste de l’Europe. La RATP est le premier employeur manufacturier d’Île-de-France : les 10 000 « cols bleus » qui travaillent dans nos ateliers, dont plus de 3000 pour le matériel ferré, permettent de suppléer un parc de réserve, qui consommerait à la fois trop d’espace et de capital. Je pense qu’un bon équilibre a été trouvé.

Les révisions techniques des rames ont lieu toutes les deux ou trois semaines ; s’y ajoutent de grandes visites de contrôle. Les nouveaux trains requerront une maintenance plus légère et leur fiabilité sera bien supérieure.

Cela fait plusieurs fois qu’on me signale des problèmes de nettoyage de l’extérieur des trains sur la branche de Cergy. Nous allons étudier la question avec Guillaume Pepy ; il semblerait qu’il manque une machine à laver.

À l’intérieur, les rames sont nettoyées toutes les nuits. Je reconnais qu’en cas de salissure au cours de la journée, il est difficile d’y remédier. On peut faire appel à des équipes d’urgence, mais c’est compliqué, dans la mesure où le train ne s’arrête jamais. Toutefois, les trains neufs et les trains rénovés de la ligne B appellent le respect ; c’est un phénomène bien connu des élus locaux : plus un équipement est beau, plus il est respecté. Quoi qu’il en soit, les sommes consacrées à la propreté sont considérables : nous dépensons 70 millions d’euros en main-d’œuvre par an pour nettoyer nos trains et nos espaces !

À la RATP, lorsqu’il y a un problème de régularité, loin de supprimer des missions, nous en ajoutons de nouvelles, c’est-à-dire que nous desservons des gares qui ne devraient pas l’être, de manière à réguler la ligne et à ramasser sur les quais les voyageurs qui s’y sont accumulés ; en effet, comme nous intervenons sur des sillons embouteillés, nous ne pouvons pas, contrairement à la SNCF, mettre en circulation des trains directs qui doubleront les autres. Il est vrai que les omnibus sont plus lents et que, lorsqu’on est loin, on préfère emprunter un train direct ; d’un autre côté, il peut sembler inadmissible qu’un train traverse une gare sans s’arrêter. Il faut trouver le juste équilibre. C’est pourquoi, en liaison avec le STIF, nous ajustons notre service à la fréquentation constatée.

S’agissant de l’exploitation, comme je l’ai dit, nous avons perdu toute marge de manœuvre et sommes en tension constante. Le seul moyen de regagner un peu de souplesse serait de disposer de points de retournement supplémentaires. Pour le coup, il s’agirait d’investissements peu ruineux – de 30 à 40 millions d’euros. Par exemple, il serait urgent de créer un point de retournement à la station Denfert-Rochereau, sur la ligne B ; il en faudrait également un à la Gare de Lyon. Cela suppose d’étudier la possibilité de réaliser des tunnels supplémentaires ou des espaces pour tourner dans Paris. Techniquement, c’est très compliqué.

Madame Dumoulin, la RATP n’est pas impliquée dans Eole, qui est un projet commun de RFF et de la SNCF. Néanmoins, nous sommes chargés par la Société du Grand Paris de coordonner les études souterraines sous La Défense – ce qui, en raison de la densité des ouvrages d’art existants, impose des arbitrages complexes.

De même, on peut imaginer qu’avant de doubler le tunnel du tronçon central de la ligne B, on le double seulement sur la section où arrive la ligne D. Là aussi, il convient d’étudier comment insérer un tel projet dans le sous-sol.

Pour conclure, cette grande maison de la RATP, très attachée au service public et apaisée socialement, se mobilise dans toutes ses composantes – personnels des gares et des stations, ingénieurs de projets, personnels de maintenance et d’exploitation – afin de faciliter les transports quotidiens des Franciliens et d’améliorer le service rendu aux voyageurs. Je suis personnellement très attaché à l’humanisation du réseau, et je serai très vigilant, dans le prochain contrat avec le STIF, à ce que certains emplois ne soient pas supprimés. Ce sont aujourd’hui près de 11 millions de personnes qui empruntent chaque jour notre réseau, dont 2 millions qui utilisent les deux lignes de RER que nous cogérons. Nous sommes conscients que c’est sur ce point que nous devons faire le plus d’efforts en termes de qualité de service.

M. le rapporteur. Vous n’avez pas répondu à la question sur la standardisation des procédures et la formation des personnels issus des deux transporteurs, RATP et SNCF. Par ailleurs, une réflexion plus approfondie est-elle en cours sur d’éventuelles conventions à établir entre les transporteurs et RFF, notamment en ce qui concerne la périphérie de Paris et l’articulation avec les autres modes de transport ?

M. Pierre Mongin. Le métier de la RATP est de gérer des canaux centraux : il s’agit de faire passer de nombreux trains « à la queue leu leu », aux heures de pointe, avec un système de sécurité qui permet d’optimiser l’intervalle. La SNCF n’a pas le même métier ; en conséquence, la réglementation, la sécurité, le travail des conducteurs sont différents. Ce qui se justifie dans le cadre de la mise en commun de la ligne B, où les deux entreprises apportent une contribution égale en matériel et en personnel, poserait d’énormes problèmes sur d’autres lignes, et je ne pense pas que le service public aurait à y gagner. En tout cas, cela demande réflexion.

Cela étant, nous ne sommes fermés à aucune suggestion, l’entreprise publique étant à la disposition de l’État, dans toutes ses composantes. Il serait d’ailleurs bon que le Parlement se prononce sur ce sujet – sur lequel, à titre personnel, j’adopterais une position très prudente.

M. le président Daniel Goldberg. Monsieur le président, je vous remercie.

——fpfp——

Audition de M. Guillaume Pepy, président de la SNCF

(Séance du mercredi 18 janvier 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Nous recevons aujourd'hui M. Guillaume Pepy, président de la SNCF, une entreprise publique qui est l'un des deux opérateurs du RER.

En effet, l'exploitation des lignes A et B est partagée avec la RATP, alors que la SNCF est l'opérateur unique des trois autres lignes C, D et E. Mais le RER est un ensemble complexe qui s'inscrit, pour une partie importante, au sein du réseau ferré national (RFN), sur lequel la SNCF exploite d'autres lignes en Île-de-France. Ces activités urbaines et périurbaines de la SNCF sont toutes désormais regroupées sous le label ou la marque Transilien.

Le RER appartient ainsi à la catégorie des « trains du quotidien », pour reprendre une expression qui vous est chère, monsieur le président.

À tort ou à raison, la SNCF a pourtant pu être présentée comme la championne du « Tout TGV », alors que la ligne SNCF la plus fréquentée de France appartient précisément au réseau RER ! Il s'agit de la ligne D, la plus longue des cinq lignes du RER : avec 197 kilomètres, elle transporte plus de 550 000 voyageurs par jour.

L'intérêt porté au RER par la SNCF s'est traduit par divers plans d'action récents, ce qui pourrait conduire à démentir certaines affirmations rapides. Il en a été ainsi, en janvier 2011, lorsque vous avez identifié douze lignes absolument prioritaires, sur lesquelles devaient être engagés des travaux urgents afin de contrer un phénomène de dégradation de la régularité des trains. Deux lignes RER ont été retenues sur les douze lignes concernées : la ligne D et une partie de la ligne A, en liaison avec la RATP.

Vous comprendrez que je vous interroge sur les mesures concrètes mises en œuvre depuis un an, dans ce cadre, et les premiers résultats mesurables.

Votre audition intervient après deux Tables rondes que nous avons organisées, ici même, la semaine passée, avec les associations d'usagers et les organisations syndicales. Nous avons écouté très attentivement ce qu'elles nous ont dit. Nombre de leurs observations et témoignages nourrissent notre réflexion. Certaines de leurs remarques ont confirmé ce que beaucoup de nos concitoyens expriment dans nos circonscriptions et ce que nous constatons nous-mêmes, car nous sommes nombreux à emprunter régulièrement le RER. Dans ces conditions, il est probable que les questions que vont poser le rapporteur, puis nos autres collègues, reprennent fréquemment des thèmes abordés par nos interlocuteurs

Les interrogations voire les griefs qui ont été formulés portent non seulement sur la qualité et la régularité du service mais aussi sur l'organisation générale du fonctionnement des lignes : je pense plus particulièrement au commandement opérationnel de la circulation, donc à l'imbrication des relations entre la SNCF et la RATP, mais aussi avec Réseau ferré de France (RFF).

Nous avons toutefois bien conscience de la fragilité du réseau du RER. Depuis sa conception initiale, il y a un peu plus de quarante ans, ce réseau a subi les effets d'évolutions urbaines et démographiques alors non prévisibles. Les investissements consentis au cours de son développement puis pour son adaptation n'ont pas été en rapport avec les besoins de mobilité – et donc les attentes – des usagers.

La SNCF, pas plus que la RATP, n'est seule responsable de cette situation. Nous aimerions néanmoins mieux comprendre comment fonctionne au sein de votre entreprise la programmation des investissements consacrés au RER. Quels travaux sont d'ores et déjà programmés pour les deux à trois années à venir ? Comment établissez-vous un tel programme en liaison avec le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) ? En d'autres termes, comment et par qui sont décidés les investissements prioritaires ?

Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, M. Guillaume Pepy prête serment.

M. Guillaume Pepy, président de la SNCF. Je vais illustrer mon exposé, si vous le voulez bien, à l’appui du document de référence qui vous a été distribué.

Comme président de la SNCF, je me sens extrêmement impliqué dans les questions touchant aux RER. Ceux-ci concernent 3,6 millions d’usagers quotidiens sur les 8 millions de voyageurs que la SNCF transporte en France et dans le monde. Ils constituent donc une part très importante de notre activité et l’essentiel de notre image. Les RER représentent en effet la première activité de service public de la SNCF, c’est-à-dire celle qui concerne le plus grand nombre de clients.

C’est la raison pour laquelle, dans la lettre de mission que j’ai reçue du Chef de l’État, pour la première fois était indiqué l’objectif d’améliorer, dès 2008, la fiabilité, la qualité et l’attractivité des RER de la région capitale.

La carte des RER montre qu’ils sont un réseau unificateur de l’Île-de-France. Ses concepteurs, dans les années 1970 et 1980, ont eu l’idée extrêmement innovante de faire passer des trains rapides sous Paris permettant d’atteindre la petite et la grande Couronne. Ce réseau est d’ailleurs assez complet, au point que d’autres grandes villes d’Europe et du monde s’intéressent au système RER. On parle à Genève d’un RER genevois, qui est en cours de création, et, à Londres, les projets Crossrail y sont décrits par les responsables politiques comme des projets de RER. Comme le réseau, le mot même de « RER » est donc porteur !

Le fonctionnement de ces trains fait l’objet d’une grande concentration : la moitié des 3,6 millions d’usagers quotidiens est transportée par la SNCF, l’autre moitié par la RATP. Cette concentration se fait sur 3 % du réseau ferroviaire français. Par comparaison, le nombre de clients du TGV n’est que de 300 000 : il y a donc six fois plus de clients quotidiens du RER en Île-de-France.

Sur la ligne C, 531 trains circulent chaque jour, ce qui en fait à cet égard la plus importante ligne de France. La ligne D en enregistre 450 par jour. Sur la ligne C, il passe un train toutes les deux minutes trente à la gare de Saint-Michel – arrêt, montée et descente des voyageurs compris. Sur la ligne D, nous avons un tunnel à deux voies commun avec la ligne B, qui est l’un des trois tunnels les plus fréquentés au monde, puisqu’il y passe un train toutes les 112 secondes.

Nous avons donc un système industriel d’une grande force, mais aussi d’une grande fragilité, qui pose aujourd’hui un certain nombre de problèmes.

Les deux principales difficultés du RER sont la saturation, qui est incontestable, et le vieillissement des lignes, lesquelles n’ont pas bénéficié des crédits de modernisation qui auraient du leur être consacrés.

Les cheminots comme les personnels de la RATP ne sont pas en cause.

Leur travail est d’une extraordinaire complexité : il exige un savoir-faire, une compétence et une expertise considérables, que nous partageons d’ailleurs avec nos collègues de Madrid ou de Barcelone avec qui nous échangeons régulièrement sur les meilleures pratiques.

Il existe une corrélation entre la fréquentation et la régularité. En une dizaine d’années, les trafics ont augmenté chaque année de 3 à 5 % tandis que la régularité s’est lentement détériorée parallèlement à la « sur fréquentation » du RER. Il y a donc une dégradation du service. Chacune des lignes fait état de la même corrélation.

M. le président Daniel Goldberg. Sur les RER A et B, l’indice de régularité couvre-t-il- seulement votre tronçon ou l’ensemble des lignes ?

M. Guillaume Pepy. Il couvre notre tronçon. Mais cet indicateur est le plus sévère qui soit puisqu’il ne concerne que les trains aux heures de pointe dans le sens de la pointe, et non des trains circulant en période normale, qui pourraient fausser la mesure.

S’agissant de la ligne E, la plus récente, que Michel Rocard a décidé de lancer il y a une quinzaine d’années, on observe une stabilité de fonctionnement depuis sa création dans la mesure où elle est « neuve ». La progression de la clientèle y est certaine.

M. Pierre Morange, rapporteur. Il semblerait que dans vos statistiques les retards soient intégrés sans tenir compte de leur durée : le confirmez-vous ? La suppression de rames est-elle également prise en considération dans l’indice de régularité ?

M. Guillaume Pepy. Oui, sur ces deux points. Les annulations de train sont considérées comme des retards. La mesure est réalisée « train par train » et nous souhaitons, dès cette année, passer à une formule d’évaluation tenant compte du nombre de clients pour qu’un train très plein ne soit pas appréhendé de la même manière qu’un train à moitié plein.

Le diagnostic est bien connu : nous nous trouvons confronté à une incontestable crise de croissance d’un système industriel et à une organisation de plus en plus complexe.

La saturation nous empêche souvent de rétablir la situation en cas d’incident : en 2005, un incident sur l’infrastructure affectait en moyenne 7 trains et 3 300 voyageurs, contre 9 trains et 4 700 voyageurs en 2010 ! Si les usagers disaient il y a une dizaine d’années que lorsqu’il y avait des désordres le matin, ce n’était pas forcément le cas le soir, cela n’est plus vrai aujourd’hui.

La satisfaction des clients des RER est basse : elle atteint 44 % pour la ligne A, 37 % pour la ligne B, 65 % pour la ligne C, 47 % pour la ligne D et 78 % pour la ligne E. Si ces chiffres ne sont pas acceptables, deux choses peuvent nous rassurer : d’une part, pour la ligne E, huit voyageurs sur dix sont satisfaits et, d’autre part, ce sont les lignes qui sont en travaux – c’est notamment le cas de la ligne B, qui connaît des travaux gigantesques de reconstruction de la partie nord – où la satisfaction est la plus faible, les clients étant condamnés à une sorte de double peine, entre le mauvais fonctionnement et les désagréments causés par les travaux – présence de palissades, escaliers fermés, retards de trains ou incidents d’alimentation.

La collectivité nationale a pris de bonnes décisions pour l’avenir des RER, qu’il s’agisse du président de la République, du Gouvernement ou de la région – sans parler du Grand Paris, qui est une orientation stratégique pour la région capitale. D’abord, la SNCF a décidé d’affecter 100 % de ses amortissements à l’Île-de-France concernant les investissements consacrés à cette région ; RFF, dans un débat tranché par le président de la République lui-même, a décidé de faire de même. l’État et la région ont signé, le 26 septembre dernier, une convention particulière accroissant d’1 milliard d’euros les crédits de modernisation destinés au RER : ils concernent principalement les lignes C, D et E. Par ailleurs, le président de la République a annoncé à La Défense, il y a un peu plus d’un mois, l’unification du commandement de l’exploitation des RER A et B. Enfin, l’acquisition de rames à étages pour le RER A – dont la première vient d’être livrée – a été une excellente mesure.

Mais ces décisions prennent du temps à être mises en œuvre. Sur les cinq lignes de RER, en moyenne, la période au cours de laquelle il est possible d’effectuer des travaux de nuit est inférieure à quatre heures ; le dernier train passant aux alentours d’une heure du matin et le premier vers cinq heures : les travaux demandent donc beaucoup plus de temps que ceux généralement effectués sur d’autres lignes dans les régions.

Le document qui vous a été distribué montre également que chacune des lignes fait l’objet de programmes d’investissements en cours, en particulier le projet « Nord + » pour la ligne B, les travaux décidés dans le cadre du schéma directeur pour la ligne D, ceux qui viennent d’être décidés pour 280 millions d’euros sur la ligne C et le prolongement de la ligne E de Saint-Lazare vers La Défense et Mantes pour doubler la ligne Est-Ouest constituée par la ligne A, conformément à une décision prise par le Premier ministre, il y a deux ans, - mesure essentielle qui devrait être mise en œuvre d’ici la fin de cette décennie.

Les investissements consacrés par la SNCF à l’Île-de-France, sous forme de ressources propres (RP) de la SNCF, passeront de 833 millions d’euros en 2008-2011 à 1,144 milliard d’euros en 2012-2016, soit un accroissement d’environ 30 % – ces chiffres étant toutefois en cours de finalisation avec le STIF – tandis que la totalité des investissements augmente d’environ 50 % – sachant que la première période porte sur quatre ans et la seconde sur cinq. Je n’ai pas compté ceux relatifs à la gare Saint-Lazare, qui représentent 280 millions d’euros, la nouvelle gare qui va ouvrir le 19 mars prochain. La Gare Saint-Lazare était en effet dans l’état dans lequel le général de Gaulle l’avait laissée au moment de l’électrification, alors qu’elle est aujourd’hui la deuxième d’Europe après la Gare du Nord !

Le programme d’investissement sur le matériel roulant fait partie des sages décisions prises : l’ensemble de ce matériel aura été changé ou rénové d’ici 2016, conformément à l’engagement que nous avons pris avec notre autorité organisatrice.

Le document distribué fait également état des travaux réalisés dans les gares, qu’il s’agisse des travaux de rénovation, d’accès pour les personnes à mobilité réduite ou de création de pôles d’échange.

Les programmes de modernisation représentent un coût très important : le pôle d’échange multimodal d’Ermont-Eaubonne a ainsi coûté 196 millions d’euros, celui de Juvisy, 110 millions d’euros, celui de Pompadour, qui est une nouvelle gare, 40 millions d’euros, et celui de Versailles-Chantiers, dont la rénovation est évoquée depuis environ trente ans, 62 millions d’euros. Ces programmes sont extrêmement lourds pour les collectivités territoriales comme pour les acteurs du secteur ferroviaire.

Sur le long terme, il convient de poursuivre deux directions. D’abord, la désaturation : le dédoublement du tunnel Châtelet/Gare du Nord est un axe fondamental pour la stratégie de transport en Île-de-France, de même que le sextuplement des voies de la ligne C, qui concerne la traversée du département du Val-de-Marne et une partie du département de l’Essonne, ou le nouveau programme de signalisation de nouvelle génération NExT permettant de faire passer plus de trains.

Deuxièmement, proposer aux élus une petite révolution, dont ils auront à débattre : aujourd’hui, nos RER sont exploités dans le cadre d’un système « métro », avec un arrêt dans les stations, mais non suivant un système de desserte de grande et de petite couronne ; le projet consisterait à ce que, en grande couronne, les trains s’arrêtent dans toutes les stations et que, arrivés en petite couronne, ils deviennent directs. Les voyageurs qui viennent de loin verraient ainsi leur trajet raccourci et ceux qui sont plus près, dans la petite couronne, ne subiraient plus d’éventuels retards de trains venant de loin : les trains de petite couronne démarreraient de celle-ci et seraient omnibus. Quelqu’un qui va de Malesherbes à Paris n’a peut-être pas besoin de s’arrêter dans les gares de petite couronne, tandis que les voyageurs de petite couronne ont besoin de systèmes de navettes à haute fréquence s’arrêtant à toutes les stations. On aurait donc un système de grand parcours et de plus petit parcours : ce dispositif, utilisé dans plusieurs capitales devrait permettre d’améliorer sensiblement le service. La décision sur ce point doit être prise dans l’année ou l’année et demie à venir.

À court terme, il y a lieu, de façon urgente, d’améliorer l’efficacité de l’exploitation. Quatre actions sont engagées à cet effet : le « plan d’urgence matériel », le programme d’optimisation de la qualité de service sur les « lignes sensibles », le programme d’optimisation des investissements pour faire davantage de travaux groupés – afin qu’ils soient réalisés plus rapidement – et l’accélération de l’unification du commandement et du pilotage des lignes de RER A et B, demandée par le président de la République dans son intervention à La Défense.

À la suite de cette nouvelle impulsion, nous avons, avec le président de la RATP, pris plusieurs décisions. Le 9 février, nous allons lancer officiellement la réalisation de ce programme, qui comporte plusieurs composantes : la suppression de la relève des conducteurs, qui est déjà faite sur la ligne B et mérite aussi d’être examinée pour la ligne A ; trouver des solutions d’exploitation communes entre RFF, la RATP et la SNCF ; déléguer le pilotage des aiguillages, aujourd’hui assuré par RFF, à la SNCF, pour simplifier les circuits ; avoir des centres de pilotage communs sur les lignes A et B afin d’avoir notamment un pilotage homogène.

Je suis engagé totalement dans cette unification. Je suis régulièrement interrogé par des personnalités sur l’éventualité d’une fusion complète au profit de la RATP ou de la SNCF. Certes, il est toujours compliqué de coordonner ces deux acteurs, mais lorsqu’il y a parfois grève chez l’un, il est rarissime qu’il y ait grève chez l’autre ! L’existence de ces deux opérateurs rend donc hautement improbable que le réseau des transports publics francilien soit bloqué – depuis dix ans, cela s’est produit moins de trois fois – et permet une meilleure continuité de service. Par ailleurs, nos règles de rémunération et d’organisation du travail sont différentes : si l’on unifiait le système, cela signifierait qu’une négociation pourrait conduire à ce que les salariés réclament le maintien de leurs avantages dans l’entreprise X tout en bénéficiant de ceux de l’entreprise Y. Je crains dès lors que l’on se retrouve avec un système plus coûteux pour les Franciliens.

Il vaut mieux, comme le président de la République nous y a incités, unifier tout de suite le dispositif, c’est-à-dire assurer, en dépit de l’existence de deux opérateurs, une fluidité du système, plutôt que de s’engager dans une fusion longue, coûteuse et risquée sur le plan social de deux entreprises publiques ayant leur histoire, leurs traditions et leurs caractéristiques sociales propres.

Pour garantir un meilleur service à nos clients, nous voulons avoir des indicateurs centrés sur le nombre de clients, que la ponctualité soit davantage prise en compte dans les systèmes de bonus/malus, que les salariés voient leurs efforts récompensés, notamment sous la forme d’une amélioration de la qualité de vie au travail, et que chacune des lignes ait des projets de service.

Cela se traduit par une petite révolution managériale intitulée ZIP « Zone dense / Information des clients / Prise en charge », que Mme Bénédicte Tilloy, directrice générale SNCF Transilien, doit conduire avec les 21 000 cheminots travaillant aujourd’hui sur ces lignes. Elle consiste à accorder dans une zone dense la priorité à l’information des clients et, en cas de problème, à leur prise en charge.

Dans la réalisation de cette feuille de route, nous devons veiller à plusieurs choses. D’abord, nous sommes sur le point de signer un nouveau contrat avec notre autorité organisatrice. Deuxièmement, sur la ligne A, il faut mettre en œuvre le schéma directeur en cours de réalisation – il s’agit d’une urgence absolue. Sur la ligne C, qui transporte 550 000 personnes par jour, les futurs schémas de desserte ne font pas l’objet d’un consensus entre les élus de l’Essonne et ceux du Val-de-Marne : cette question devra être tranchée le plus rapidement possible. Enfin, au-delà de l’intégration opérationnelle entre la SNCF et RFF, il convient d’encourager les équipes : le travail des salariés de la SNCF sur les RER en Île-de-France est difficile, nécessitant une motivation de chaque jour, car chaque jour le système peut connaître des aléas, des tracas, des incidents, ce qui exige d’être vigilant et au contact des clients.

À ce sujet, je vous indique, monsieur le rapporteur, en réponse à une question que vous avez soulevée dans un courrier, que les journées de grève sur les réseaux RER d’Île-de-France ont été au plus bas niveau depuis dix ans, puisque nous avons perdu de ce fait 1 321 journées/agent, lesquelles ont donné lieu à des retenues immédiates sur salaire.

M. Pierre Morange, rapporteur. Je vous remercie pour la qualité et la clarté de votre présentation.

Toutefois, compte tenu de la difficulté pour vous de répondre dans le temps qui nous est imparti à toutes les questions des membres de notre commission, nous vous transmettrons un questionnaire, auquel vous pourrez nous apporter des réponses écrites plus précises.

Nous souhaitons connaître votre position sur les réflexions en termes d’organisation, que chacun des deux grands transporteurs appelle de ses vœux, mais qui doivent être précisées en termes de délai et de mise en œuvre opérationnelle – la notion d’interopérabilité sur la ligne B reste à affiner –, les conventions à établir avec RFF pour l’affectation des sillons, la priorité accordée aux voyageurs franciliens, ou les autres trains pouvant emprunter le réseau, comme ceux du fret ou les TGV.

La proposition que vous avez évoquée qui concerne le système de desserte en grande et en petite couronne, est-elle évaluée en termes d’amélioration prévue du service ? En quoi un tel projet dégagera-t-il des marges de manœuvre permettant d’absorber un surcroît de trafic ?

Que pensez-vous des préconisations de la Cour des comptes concernant les référentiels de qualité – dont nombre d’associations d’usagers ont contesté la pertinence –, un système de bonus/malus jugé insuffisamment pédagogique du fait de son faible volume financier, ou l’information donnée à l’usager, mais aussi à la population en général, au travers de baromètres mensuels et d’enquêtes réalisées auprès des voyageurs ?

Qu’en est-il de ses interrogations concernant les comptes spécifiques des transports du réseau Transilien, notamment sur la nécessité que ceux-ci soient certifiés afin d’améliorer la transparence et de faciliter la comparaison avec la RATP ? Cela est important dans le cadre de la détermination des grands investissements ; la modernisation du réseau permettra d’apporter une réponse plus légitime compte tenu des importants délais de mise en œuvre. De même, il peut sembler nécessaire de recourir à des expertises plus indépendantes afin que la maîtrise d’ouvrage ne soit pas confondue et que les choix stratégiques, financiers et de recherche d’un meilleur coût-efficacité soient réalisés de manière plus efficiente, dans l’intérêt de nos concitoyens.

M. Didier Gonzales. Quel regard portez-vous sur la co-gestion des lignes A et B par la SNCF et la RATP, qui est mal comprise par les usagers ? Dans la perspective de la création du réseau fréquent régional et du réseau rapide régional, peut-on envisager une gouvernance partagée, à savoir confier la gestion du réseau rapide à la SNCF et la gestion du réseau fréquent à la RATP ?

Dans la contribution de la SNCF à la révision du schéma directeur, vous notez qu'entre 1999 et 2010 la fréquentation du réseau ferroviaire d’Île-de-France a augmenté de 26 % et que la régularité des trains a elle chuté de 6 %. Comment la SNCF compte-t-elle s'adapter pour répondre aux enjeux que sont l'augmentation de la demande et l'amélioration de la qualité de service, notamment de la régularité ?

Enfin, à long terme, la SNCF prévoit la création d'une troisième paire de voies entre Paris et Juvisy. Le projet POCL reliant Paris Austerlitz, Orléans, Clermont et Lyon prévoit de son côté une ligne dédiée aux TGV. Ne peut-on pas envisager la mutualisation de ces deux projets en réservant les quatre voies actuelles au RER C et en construisant une autre paire de voies pour les TGV évitant les territoires urbanisés et empruntant un tracé en direction du plateau d'Orly – sachant que la grande difficulté est d’entrer dans la « pulpe dentaire » de l’urbanisation ?

M. Yanick Paternotte. Le système de RER, qui a montré sa pertinence – l’augmentation du trafic en est une preuve – n’est-il pas condamné à terme dans la mesure où il est à bout de souffle en termes d’exploitation ? Ce qui a fait le succès de l’interconnexion ne risque-t-il pas de faire défaut demain ? N’est-il pas intéressant de coupler la vision stratégique du Grand Paris Express à l’horizon de 2020-2025, avec une rocade qui, on peux l’espérer, interconnectera les cinq lignes RER existantes ? Ne sera-t-il pas temps, au lieu d’avoir par exemple une ligne D de 197 kilomètres – sachant qu’1% seulement des voyageurs effectue le parcours complet de la ligne, selon ce que vous m’avez dit un jour –, de revenir à un système fiable permettant d’aller simplement à Paris et d’assurer les transports de banlieue à banlieue grâce au Grand Paris Express ?

Si cette vision stratégique permet dans douze ans d’éviter Paris, faut-il vraiment dédoubler le tunnel Châtelet / Gare du Nord ? Avons-nous la capacité financière et technique à cet effet ? Combien de temps faut-il, si l’on tient compte des procédures administratives, pour voir la mise en service ce dédoublement ? D’ici là, le Grand Paris Express n’aura-t-il pas, en quelque sorte, contourné le problème ?

S’agissant de l’unification du pilotage, je ne suis pas convaincu par votre présentation. Je pense que le Grand Paris Express va peut-être redistribuer la donne des exploitants et que l’interconnexion des TGV offrira de nouvelles possibilités. Ne serait-il pas raisonnable que chaque ligne soit confiée à un opérateur spécifique ? Quand vous dites que la fusion pourrait engendrer d’importants surcoûts et que le maintien de deux exploitants est préférable, pourquoi alors ne pas en ajouter un troisième ! Cela ne me paraît pas être la bonne solution.

J’en viens à la ligne D, dont le trafic a le plus augmenté, puisqu’il a doublé en douze ou quinze ans. Vos graphiques l’attestent, et je voudrais vous féliciter pour la qualité de votre document de synthèse qui nous permet de connaître plus précisément le paysage actuel.

La ligne D est une vraie « galère » pour les usagers : la circulation a été réduite à huit trains par heure dans la partie Nord. J’ai bien noté que vous proposiez des express et des directs pour les usagers les plus éloignés du centre, solution que je préconise depuis un certain temps. Cela étant, vous n’avez pas affecté sur cette ligne des matériels climatisés et disposant de la vidéo, alors que ce sont des éléments importants et très attendus pour l’amélioration de la sécurité et du confort. Ce serait même une compensation très appréciée sur une ligne qui souffre le plus. N’y a-t-il pas une double peine pour ceux qui subissent le plus de suppressions de trains et une surcharge importante ?

Vous avez indiqué que chaque euro dépensé serait affecté à l’Île-de-France. Or les sillons sont aussi empruntés par les TER de Normandie et de Picardie. Je ne suis donc pas certain qu’il y aura une restitution de chaque euro consommé. Par ailleurs, peut-on envisager que des TER venant de Picardie s’arrêtent dans les zones déshéritées du Nord de la ligne D ? Les habitants de Picardie pourraient alors venir à Roissy pour travailler et les Roisséens bénéficieraient de trains directs en direction de Paris.

M. François Pupponi. Je tiens également à vous féliciter pour le document synthétique et particulièrement intéressant, que vous nous avez remis.

Je suis très impressionné par l’augmentation du nombre de passagers sur toutes les lignes RER au cours des dix dernières années. Avez-vous analysé les causes de ce phénomène ? Pensez-vous que cette augmentation va se poursuivre ? On peut craindre que cela s’accompagne d’une dégradation croissante de la régularité.

Vous avez indiqué que les décisions adoptées au plan politique et au plan financier pour les grands travaux à réaliser en dehors du Grand Paris vous rendaient optimiste, mais vous avez aussi reconnu qu’il faudrait du temps. A quelle échéance peut-on envisager une amélioration significative de la situation ?

S’agissant du doublement du tunnel, j’observe que la réponse donnée par M. Mongin, tout à l’heure, au nom de la RATP, rejoint la vôtre. On sait depuis longtemps qu’une évolution est indispensable, mais on en est encore au stade des études préalables. Dans combien de temps avancera-t-on vraiment, et surtout où prélèvera-t-on les deux milliards d’euros nécessaires ? On ne pourra faire appel ni aux contrats déjà signés ni aux financements pour le Grand Paris.

M. Patrice Calméjane. J’apprécie, moi aussi, votre document.

J’aimerais connaître votre sentiment sur l’augmentation du trafic qui pourrait avoir lieu et sur la modification des tarifs envisagée par le STIF, qu’on pourrait appeler le Pass Navigo à tarif unique. Quelle serait l’incidence sur vos lignes ?

Pour ce qui est du RER E, je rappelle qu’il manque une interconnexion entre la Gare de l’Est et la station Magenta. Est-il toujours envisagé de la créer ?

Vous avez indiqué que les travaux de modernisation et d’entretien des voies avaient lieu entre 1 heure et 4 heures du matin, ce qui ne laisse que trois heures de travail. Quelles seraient les répercussions pour les usagers si vous commenciez à minuit pour terminer à cinq heures ? Cela permettrait d’augmenter le temps disponible de 66 % et sans doute d’accélérer les travaux qui ne peuvent être réalisés que la nuit. Avez-vous engagé une réflexion sur ce sujet ?

En ce qui concerne les fausses alarmes, le président de la RATP, M. Mongin, a rappelé que les rames les plus modernes sont désormais équipées de caméras de vidéosurveillance. Hier soir, un signal d’alarme a été actionné à Saint-Lazare, dans le train où je me trouvais. C’était sans doute un acte de malveillance, car nous étions déjà à l’arrêt. Nous sommes finalement partis avec six ou sept minutes de retard, après une succession d’annonces erratiques : nous n’avons été informés du déclenchement de l’alarme et du retard consécutif qu’au moment où les portes se fermaient. Je sais que la situation n’est pas simple et que vos personnels sont très actifs, mais j’aimerais savoir quelles améliorations on pourrait espérer au plan technique et en matière de sanctions, s’agissant notamment de ces incivilités flagrantes

Une évolution dans ce domaine ne suffirait certainement pas pour financer les travaux sur le tronçon central, mais ne peut-on pas lutter davantage contre la fraude ? Il y a là une perte de recettes pour votre entreprise et un potentiel de ressources supplémentaires si les pénalités sont augmentées.

M. Guy Malherbe. Je m’associe aux remarques concernant la qualité du document qui nous a été remis. Il nous permet de mieux comprendre certains problèmes auxquels vous vous heurtez.

S’agissant de la ligne C, un cadencement très serré dans Paris, avec un train toutes les deux minutes, est une première solution. Ne pourrait-on pas aussi envisager des ruptures de charge à l’entrée de Paris, par exemple à la station Bibliothèque François Mitterrand (BFM) ou Porte Maillot : 1 % des voyageurs seulement traverse tout Paris. On pourrait imaginer qu’ils empruntent un service de navettes, afin d’améliorer la desserte de la banlieue. Cela ne choque visiblement pas les associations d’usagers et les organisations syndicales que nous avons précédemment auditionnées.

Comme vous l’avez indiqué, le schéma directeur de la ligne C a été gelé par le président de la région, M. Jean-Paul Huchon, en raison du débat qui oppose le Val-de-Marne et l’Essonne. Nous ne sommes pas opposés, bien sûr, à ce que la desserte du Val-de-Marne soit améliorée, mais nous considérons que cela ne doit pas se faire au détriment des habitants de la grande couronne dont le trajet ne doit pas être rallongé de plusieurs minutes.

Vous avez rappelé qu’un montant d’1,3 milliard d’euros était prévu, notamment pour la ligne C, par la convention signée avec la ministre de l’environnement, et que des travaux importants devraient débuter au début du mois de février. Pouvez-vous revenir sur les opérations programmées ? Quelle est leur nature et comment seront-elles réalisées ?

Au mois de décembre dernier, le STIF a décidé d’engager des études sur le sextuplement des voies, sur l’électrification, sur la construction d’un quai supplémentaire à la Gare d’Austerlitz et surtout sur le nœud ferroviaire de Brétigny, source de difficultés très importantes : outre le problème posé par la coexistence entre les TER, les TGV, les trains directs en provenance d’Étampes et de Dourdan, et les trains BALI qui font demi-tour, il y a la présence de quatre aiguillages datant des années 1930, qui ne sont ni coordonnés ni électrifiés ! Il faudra donc réaliser des travaux considérables. Pouvez-vous nous dire quel est le calendrier retenu ?

M. Henri Plagnol. Merci beaucoup pour votre exposé, très clair et surtout d’une grande transparence.

Maire d’une ville qui compte quatre gares du RER A, je suis frappé de constater que c’est pour cette ligne que le taux de satisfaction des clients s’est dégradé le plus rapidement : il est passé de 61 à 44 % en trois ans.

Nous savons que vos marges de manœuvre sont faibles. Le tronçon central étant totalement asphyxié : les rames nouvelles offrent la seule possibilité d’amélioration notable. Est-il possible d’accélérer leur renouvellement ? Cela suffira-t-il pour tenir jusqu’au moment où le réseau du Grand Paris permettra de soulager le tronçon central du RER A, dans dix ou quinze ans ?

J’en viens au double pilotage sur la ligne A – la SNCF de Nanterre à Cergy, puis la RATP. Comme vous, je ne suis pas partisan de la fusion. Je n’y crois d’ailleurs pas. L’instauration d’un opérateur unique serait un risque considérable. Je pense, en revanche, qu’il faut créer très rapidement un véritable centre commun d’exploitation.

En dernier lieu, vous avez appelé notre attention sur la signature d’un accord de principe du schéma directeur, c’est-à-dire « le schéma du schéma », dont la date limite est fixée à 2012. Êtes-vous confiant ? Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur le contenu de ce schéma de principe ?

M. le président Daniel Goldberg. Vous avez évoqué l’hypothèse d’une variation de la desserte entre la première couronne, sous la forme d’omnibus, et la seconde couronne, avec des liaisons directes. Quelle serait l’articulation entre cette évolution et les schémas directeurs du STIF ? Souhaitez-vous notre appui sur cette question, ou bien cela fait-il partie de discussions déjà engagées ?

Nous avons compris que vous misiez sur le système d’exploitation NExT pour améliorer la régularité. Avez-vous des précisions à nous apporter en matière de coût et de faisabilité à court terme ?

J’aimerais également vous interroger sur la suppression de certaines missions, notamment sur le RER B Nord, que je connais bien. Bien souvent, les voyageurs n’en sont pas informés, d’où leurs interrogations et leur mécontentement.

En ce qui concerne la rénovation des rames MI79 et le problème de l’amiante, j’ai l’impression que, là encore, l’information délivrée aux voyageurs n’est pas suffisante et qu’il y a même une incompréhension sur votre gestion prévisionnelle.

Notre collègue François Asensi, député de Seine-Saint-Denis, qui n’a pas pu être parmi nous et vous prie de l’en excuser, m’a demandé de vous interroger sur la possibilité d’instaurer un système global d’indemnisation des usagers quand les missions prévues n’ont pas lieu.

J’aimerais aussi revenir sur vos relations avec RFF, qui conserve une stricte neutralité à votre égard, notamment dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, ce qui peut susciter un certain nombre de difficultés. Pouvez-vous nous dire où en sont les « Assises du ferroviaire » dans ce domaine ?

Il a fréquemment été question du lien entre le réseau existant et le futur Grand Paris Express. Outre les problèmes budgétaires, il y a aussi la question de la faisabilité : les différents partenaires – les exploitants, les gestionnaires d’infrastructures, la Société du Grand Paris, les collectivités territoriales et l’État, pour ce qui le concerne –, arriveront-ils, au plan technique, à réaliser tous les travaux, notamment le doublement du tunnel et ce qui est prévu dans le cadre du Grand Paris Express ?

Le 16 février 2011, vous avez déclaré au journal Le Monde que vous ne souhaitiez plus l’installation d’entreprises le long des lignes du RER, en raison de la congestion du réseau En considérant notamment le problème évoqué par Henri Plagnol au cours de la précédente audition – les emplois sont à l’Ouest et nos concitoyens à l’Est –, comment assurer une bonne gestion prévisionnelle du trafic et des infrastructures ? Je pense, par exemple, à l’installation de services d’une grande entreprise telle que BNP Paribas aux Grands Moulins de Pantin.

M. Gérard Gaudron. Pour ce qui est du RER B, l’indice de satisfaction n’est que de 37 %, ce qui est très peu. Pensez-vous que les travaux en cours dans le cadre du « RER B Nord + » sont susceptibles d’améliorer significativement la satisfaction des usagers ? Permettront-ils de faire face à l’augmentation de la fréquentation ?

J’aimerais également savoir ce que vous comptez faire pour améliorer la sécurité des usagers dans les rames et pour remédier aux fraudes, vraisemblablement nombreuses sur le RER B.

M. François Pupponi. Sur ce point, connaissez-vous le montant des procès verbaux établis pour fraude et celui des sommes effectivement encaissées à ce titre au cours d’une année ?

M. Guillaume Pepy. Toutes ces questions, très pertinentes, sont des sujets de travail pour nous. Nous n’avons donc pas de réponses toutes faites : nous ne pouvons que contribuer à votre réflexion et j’apprécie la possibilité que vous nous offrez de répondre par écrit, afin d’apporter des éléments plus nourris.

S’agissant de la stratégie de développement du transport collectif en Île-de-France au cours des dix ou quinze prochaines années, je rappelle que le Grand Paris fait non seulement l’objet d’un consensus, mais qu’il commence déjà à prendre forme. Mais quid du reste du réseau ? Dans le discours qu’il a prononcé à la Cité de l’architecture, le Président de la République a fait état d’un chiffre réellement fascinant : d’ici à 2030, 70 % des voyages supplémentaires en Île-de-France se feront sur des lignes existantes. D’où l’équilibre qui a été finalement retenu entre les investissements consacrés aux nouvelles infrastructures et ceux des schémas directeurs des lignes de RER, à quoi s’ajoute le travail réalisé pour les gares et les trains.

La réflexion n’est pas encore achevée, notamment en ce qui concerne le doublement éventuel du tunnel. Nous en sommes au stade des études. Il faudra ensuite un véritable débat sur l’affectation des deux milliards d’euros concernés. C’est une question légitime. De même, il faudra débattre avec les élus et avec toutes les autres parties prenantes sur le nouveau mode d’exploitation que nous suggérons : il arrangera certains acteurs, mais il en dérangera d’autres. Nous aurons besoin d’un choix collectif éclairé, et non de décisions techniques ou technocratiques. Les meilleures intentions du monde, par exemple alléger une desserte pour améliorer sa qualité, peuvent être très mal perçues par les populations, lesquelles ne comprennent pas toujours certaines évolutions. Il conviendra donc de renforcer la place du débat public sur les choix en matière de transports.

Vous nous avez demandé si nous pouvions rapidement effacer la différence entre la RATP, la SNCF et RFF. Le Président de la République a demandé que l’on donne une nouvelle impulsion dans ce domaine, et nous sommes engagés, Pierre Mongin, Hubert du Mesnil et moi-même, sur cette question à 100 %. Nous allons tout faire, dans les six mois ou les deux années qui viennent, pour effacer les différences, du point de vue du client, en matière d’information, de fréquences et de missions : nous devons faire comme s’il n’y avait qu’une seule entreprise dans le cadre institutionnel existant, c’est-à-dire sans nouvelle loi. Je m’y engage devant vous.

J’ai également trouvé très intéressantes vos questions sur l’aménagement du territoire en Île-de-France. Vous avez notamment demandé comment gérer la saturation. On ne peut pas augmenter de 30 ou 50 % les capacités d’un claquement de doigts. C’est pourquoi beaucoup de pays ont décidé d’adresser des signaux aux entreprises. Lors de l’installation des sièges sociaux, il faudrait ainsi des discussions systématiques, sous l’autorité de l’État et du STIF, sur les offres existantes de transport. Beaucoup d’acteurs suggèrent aussi une réflexion sur les horaires de travail : il y a une saturation entre 7 heures 45 et 8 heures 45 dans le quartier de La Défense, mais nous avons des capacités excédentaires à partir de 9 heures 15 ou 9 heures 30. Sans que la décision soit forcément « prise d’en haut », ne pourrait-on pas décaler les horaires pour améliorer les conditions de transports et pour éviter d’augmenter toujours plus les capacités ? On pourrait réaliser des petites révolutions dans les habitudes au lieu de dépenser des centaines de millions d’euros supplémentaires. Nous devons donc réfléchir aux ajustements potentiels à court terme. Nous avons déjà quelques belles expériences de dialogue avec les entreprises. Une autre piste, plus audacieuse encore, consisterait à appliquer un rabais pour l’utilisation du service aux heures creuses – ce serait conforme à l’intérêt général. Il y a des réticences, bien sûr, car on n’est pas forcément maître de ses horaires de travail, mais il faut aller dans le sens de tout ce qui peut inciter à une meilleure utilisation des transports publics.

Pour ce qui est de l’unification opérationnelle, nous vous répondrons par écrit – je suggère même une réponse commune avec Pierre Mongin, pour nous engager sur les étapes à venir.

Je vous propose également une réponse écrite sur le rapport de la Cour des comptes. Nous vous dirons où nous en sommes et ce qui reste à faire point par point.

Entre la gare d’Austerlitz et celles de Juvisy sur Orge et de Brétigny, il y a deux projets qui consistent à augmenter le nombre de voies et à construire une ligne de TGV. L’articulation entre ces deux projets fait l’objet d’un débat public, en cours, sur la ligne Paris Orléans Clermont-Ferrand Lyon (POCL) : peut-on assurer une double utilisation des voies supplémentaires ? Faudra-t-il des travaux souterrains ? RFF conduit le débat et je me suis rendu à Ivry avant-hier pour me rendre compte sur place de la situation. C’est une question majeure pour la vie urbaine dans le département du Val-de-Marne, mais je n’ai pas de réponse toute faite à vous apporter.

M. Paternotte m’a demandé, en somme, si l’on réinventerait aujourd’hui les grandes traversantes, ou plus exactement si l’on rabouterait de nouveau les lignes de Vincennes et de Saint-Germain, ou celles de Melun et d’Orry-la-Ville, comme on l’a fait dans les années 1970 et 1980, s’il fallait reconstruire le RER. La réponse n’est pas simple La génération précédente a pensé qu’il fallait unifier l’Île-de-France avec des liaisons entre banlieues et une traversée souterraine de Paris. Cette idée a permis d’avancer dans de nombreux domaines, mais vous avez raison de dire que des lignes de quelque 195 kilomètres ne sont pas correctement exploitables du fait de la complexité des schémas de desserte, des missions et des types de trains utilisée. Si l’on aborde cette question, il faudra le faire avec pédagogie et « à livre ouvert » : on ne pourra pas prendre des décisions technocratiques sur de tels sujets. Il faudra présenter différents scénarios aux populations.

Pour répondre à la question de M. Gaudron, je précise que nous allons exploiter tout le Nord du RER B comme un métro, avec des omnibus. Nous devrons donc faire face au mécontentement des usagers qui bénéficient aujourd’hui de trains directs ou semi directs, par exemple depuis Aulnay. Dans leur cas, le nouveau système d’exploitation conduit incontestablement à une augmentation du temps de transport de plusieurs minutes, le matin et le soir, tous les jours de la semaine. L’intérêt général exige de faire circuler des omnibus, pour que les trains soient plus nombreux et plus à l’heure, mais nous devrons également assumer nos choix face aux interrogations de certains voyageurs.

Nous faisons effectivement de la prospective, monsieur Pupponi. Nous tablons ainsi sur une augmentation de 60 % d’ici à 2030 : l’augmentation du trafic va continuer – il devrait notamment doubler pour les TER. Nous devrons faire face à ce défi, qui est en réalité, une véritable course de vitesse. Le RER E est une belle victoire, et la décision de le prolonger à l’Ouest est une bonne décision, mais il nous arrive de perdre certains combats, notamment sur le RER A : nous ne parvenons pas à assurer toutes les missions prévues, car le tunnel est saturé.

Quant aux incivilités, je suis intéressé par ce que font beaucoup de pays asiatiques : il y a du personnel à tous les tourniquets pour des lignes semblables au RER. Si nous ne trouvons pas des parades, la fraude appauvrira les transports publics année après année. Comme nous ne pouvons pas l’accepter, je suis favorable à une réflexion de société sur le fonctionnement des services de transport.

Si vous le voulez bien, je répondrai par écrit à la plupart des questions que vous avez posées, monsieur le président, et je demanderai à Mme Tilloy de vous répondre sur l’amiante.

Le système NExT est un investissement considérable, d’environ 300 millions d’euros, sur lequel le STIF est très engagé, avec RFF et la SNCF. Environ 100 millions d’euros sont consacrés au développement et 200 millions aux travaux d’installation sur une ligne. Il y a là un grand espoir : si l’on améliore la signalisation, on pourra faire circuler plus de trains dans le même tunnel, ce qui signifie moins d’investissements en matière de « désaturation ».

S’agissant des relations avec RFF, j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer. Les travaux que nous conduisons depuis dix-huit mois ont conduit le président de RFF à accepter de nous déléguer sa compétence sur la commande des aiguillages : on ne peut pas raisonner en Île-de-France comme dans le reste du territoire, car les décisions doivent être prises en une dizaine de secondes, et non en cinq minutes. S’il y a d’un côté l’aiguillage et, de l’autre, les exploitants, on perd tout de suite le temps nécessaire. Nous allons pouvoir réconcilier les décisions concernant les aiguillages et celles portant sur les services. Je tiens à remercier le président de RFF pour cette impulsion que je trouve très positive.

Mme Bénédicte Tilloy, directrice générale SNCF Transilien. Depuis la mi-septembre, nous nous efforçons, avec la RATP, de trouver une réponse opérationnelle au problème posé par l’amiante : les personnels de maintenance de la RATP en ont trouvé en travaillant sous les caisses de rames en rénovation. Il n’y a absolument aucun danger pour nos clients ou pour les personnels de conduite, mais l’inspection du travail a demandé l’arrêt des rames concernées.

Un programme de nettoyage approfondi a été engagé dans nos sites et dans ceux des Ateliers de Construction du Centre (ACC) à Clermont-Ferrand pour donner un sérieux coup de main à la RATP. Nous devrions parvenir à rétablir un service normal sur l’ensemble de la ligne à la fin du mois de janvier – il est aujourd’hui un peu allégé –, mais nous ne savons pas encore quand la question sera définitivement réglée. Nous attendons des précisions de la part de l’inspection du travail. Cela n’interviendra probablement pas avant avril ou mai.

M. Yanick Paternotte. L’amiante était-il là depuis dix ans sans que personne s’en rende compte, ou bien a-t-il introduit à l’occasion des travaux de rénovation ?

Mme Bénédicte Tilloy. L’amiante était probablement déjà là : on l’a gratté lors des travaux de rénovation. Je précise qu’on en a trouvé dans des caisses qui ne sont jamais démontées ailleurs que dans les ateliers, à l’occasion des opérations de maintenance. C’est en ouvrant ces caisses que les ouvriers de la RATP ont été en contact avec les poussières d’amiante. L’inspection du travail a décidé d’immobiliser toutes les rames rénovées et d’interrompre la rénovation tant que la question n’est pas réglée.

M. le rapporteur. Pouvez-vous nous dire combien de rames vous manquent de ce fait ?

Mme Bénédicte Tilloy. Nous faisons aujourd’hui circuler 92 rames sur les 104 dont nous avons besoin, et nous en aurons 100 à la fin du mois de janvier : ce sera juste, mais nous pourrons assurer une desserte « nominale ».

M. le rapporteur. Pour remédier ponctuellement à la carence en matériel roulant, il a été question d’utiliser des rames disponibles dans le Nord de la France. Qu’en pensez-vous ?

Mme Bénédicte Tilloy. Il s’agirait de six rames automotrices, identiques à celles qui circulent sur le RER D. C’est une solution envisageable, mais il faudrait faire évoluer le matériel et le rénover pour l’utiliser sur cette ligne. De plus, le Nord-Pas-de-Calais ne se dessaisira pas de ces rames sans contrepartie : il faudra en céder d’autres. Ce n’est donc pas la réponse la plus simple, même si elle n’est pas exclue, car elle permettrait d’exploiter un parc homogène.

Au fur et à mesure de l’arrivée du matériel francilien que nous avons acheté, les rames Z2N automotrices exploitées sur d’autres lignes peuvent rejoindre la ligne D. C’est la solution que nous avons retenue. Cela étant, nous avons un problème de capacité dans l’ensemble de l’Île-de-France. Nous devons donc trouver des astuces pour améliorer le taux de réserve et pour renforcer la maintenance. Nous y travaillons avec les équipes du STIF.

Pour ce qui concerne les travaux, nous allons lancer, en février, un renouvellement anticipé des voies entre Choisy et Juvisy. Afin d’éviter les ralentissements, nous utiliserons une machine suisse qui permet de travailler à l’intérieur du gabarit et de réduire ainsi les effets collatéraux sur le trafic. Ce sera l’occasion de tester ce type de machine.

Comme vous l’avez indiqué, les crédits de la convention particulière vont nous permettre de commencer les travaux prévus dans le cadre du schéma directeur pour le nœud de Brétigny. Il faudra réaliser des études complémentaires avec RFF, mais nous serons en mesure d’engager les travaux à la fin de l’année 2012 ou au début de 2013.

Nous avons également prévu d’utiliser le dispositif Castor, auquel nous avons recours au cours des étés quand nous fermons la ligne C pour entretenir le tunnel, afin de réaliser des travaux de maintenance supplémentaire destinés à réduire autant que possible les incidents. Nous réalisons ces études et ces travaux de manière très solidaire avec RFF.

M. Guy Malherbe. Il y avait autrefois un agrément, délivré par le préfet de région, pour l’implantation des entreprises et des administrations. Existe-t-il encore ? Cela me paraît intéressant pour vérifier que l’on s’est bien intéressé à la question des transports et à celle de l’habitat.

Pour ce qui est de la politique générale de la SNCF, votre prédécesseur avait la réputation de ne pas souhaiter de nouveaux investissements en Île-de-France. Le réseau ne fonctionnant pas, il pensait qu’il en serait de même pour les nouveaux investissements, et que tout le monde serait encore plus mécontent, parce que les nouveaux investissements n’apporteraient pas d’amélioration. On lui prêtait la volonté d’investir plutôt dans le TGV, dans lequel il voyait l’avenir de la SNCF, et non sur le réseau ferré d’Île-de-France. Comment vous positionnez-vous par rapport à ce discours que l’on attribuait à votre prédécesseur ?

M. Guillaume Pepy. Lorsqu’on change de président, on peut aussi changer de stratégie. La mienne a été définie par le Chef de l’État, qui m’a adressé deux lettres de mission en quatre ans. Je rappelle que la priorité de la SNCF porte sur les trains de la vie quotidienne.

La première année de mon mandat, j’ai ainsi demandé que l’on prélève une centaine de millions d’euros sur les bénéfices du TGV pour financer des investissements sur la ligne D. Ce type d’opération, qui me paraît très sain, a permis de réaliser un saut qualitatif.

J’ajoute que nous croyons beaucoup à la vidéoprotection. Il est prévu d’installer environ 12 000 caméras dans les trains et les gares d’Île-de-France à la fin de l’année 2014 ou au milieu de l’année 2015. Il y a en déjà un millier sur la ligne D, et nous pensons que ce type de dispositif peut avoir un impact non seulement sur le confort, mais aussi sur la gestion des flux, les actes de malveillance, les incivilités et la délinquance. Il n’y a donc pas lieu d’avoir des états d’âme.

M. le rapporteur. Je tiens à rappeler que nous utiliserons notre droit de suite pour vérifier que les engagements pris sont tenus. Nous devons faire en sorte que l’usager soit vraiment au centre du système. J’ajoute que les associations d’usagers n’ont pas pour vocation d’être seulement des témoins ou des spectateurs, mais aussi des évaluateurs au quotidien de la qualité des transports.

M. le président Daniel Goldberg. Il me reste à vous remercier pour votre disponibilité et pour la qualité de vos réponses.

——fpfp——

Audition de M. Lucien Dumont-Fouya,
président du Comité des partenaires du transport public (CPTP)

(Séance du jeudi 19 janvier 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Chers collègues, nous recevons, ce matin, M. Lucien Dumont-Fouya, qui assure jusqu’au 22 janvier la présidence du Comité des partenaires du transport public. Instance consultative placée auprès du STIF, le CPTP rassemble des élus, des représentants d’usagers, des syndicalistes et des socioprofessionnels. C’est en cette qualité que M. Dumont-Fouya siège au CPTP, après une carrière de chef d’entreprise dans le secteur des transports, des responsabilités dans les organisations patronales, une présence au Conseil national des transports comme au Conseil économique et social et environnemental de la région Île-de-France.

Étant donné la riche expérience qui est la vôtre, monsieur le président, nous attendons de cette rencontre une appréciation de la situation susceptible de nourrir notre réflexion.

Nous aimerions d’abord savoir comment s’articule la mission du CPTP avec celle assurée par les comités de ligne du RER gérés par le STIF. Plus généralement, nous souhaiterions savoir de quelle façon le CPTP conçoit sa mission consultative. A-t-il le pouvoir de s’autosaisir ? Comment traite-t-il les récriminations des usagers ou de leurs représentants dont il aurait connaissance ?

Auditionnées ici même, les associations d’usagers ont regretté de n’être pas associées au choix des nouveaux matériels roulants, ni même véritablement consultées. Le CPTP intervient-il en ce domaine ? Dialogue-t-il avec les constructeurs, par exemple, à propos de la conception et de l’aménagement des nouvelles voitures – on sait combien la question du nombre de places assises est importante ?

Par ailleurs, quel est l’état d’avancement du dialogue entre le CPTP et RFF, la SNCF ou la RATP, s’agissant, par exemple, de l’aménagement des gares ?

Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, M. Lucien Dumont-Fouya prête serment.

M. Lucien Dumont-Fouyat, président du Comité des partenaires du transport public (CPTP). Membre du CPTP depuis sa création en 2002, je le préside depuis octobre 2010, et pour quelques jours encore, jusqu’à l’achèvement des trois mandats autorisés par le décret relatif au CPTP.

Le fonctionnement du comité est quelque peu original, puisque, tous les dix-huit mois, on procède régulièrement à la nomination d’un nouveau président et du représentant du Comité au sein du conseil d’administration du STIF. Le Comité ne joue qu’un rôle consultatif auprès du STIF, sur le fonctionnement duquel son influence est assez réduite.

Cette année, le CPTP s’est saisi deux fois, à mon initiative. C’est une première, puisqu’il n’y avait jamais eu d’autosaisine du Comité.

Alors qu’il s’agit en principe d’un organisme paritaire, sa composition est déséquilibrée, au détriment des utilisateurs des transports collectifs – je préfère ce terme au vilain mot d « usager » – et des organisations patronales, représentés respectivement par cinq membres, contre sept représentants des collectivités locales et sept des syndicats de salariés. Ce déséquilibre interdit automatiquement la pleine expression du point de vue des utilisateurs ou des chefs d’entreprise. C’est la raison pour laquelle j’avais proposé qu’on rééquilibre la composition du Comité en portant à vingt-huit le nombre de ses membres, soit quatre fois sept représentants. Cette modification n’aurait eu aucune incidence budgétaire, les membres du CPTP n’étant pas rétribués. Elle a pourtant été refusée.

Le CPTP peut être consulté sur toute question relative à l’offre et à la qualité des services de transport de voyageurs ainsi que sur les orientations de la politique tarifaire et du développement du système des transports d’Île-de-France.

La situation actuelle du RER est due à un effort d’investissement insuffisant dans les transports en Île-de-France depuis une trentaine d’années, en dépit de choix initiaux pertinents. Lors la décentralisation du Syndicat des transports d’Île de France (STIF), la Région, la ville de Paris et les départements de l’Île-de-France ont hérité d’une situation difficile. Le CPTP a pu apprécier la politique menée pour moderniser le réseau et améliorer la qualité du service. Ainsi le STIF a développé depuis 2006 une nouvelle offre dans tous les modes de transport – trains, métros, bus, tramways – pour près de 500 millions d’euros, et a lancé une grande politique de renouvellement et de rénovation du matériel roulant qui représente près de trois milliards d’investissements.

Surtout, il a lancé les schémas directeurs des lignes de RER, à l’initiative de Mme Sophie Mougard, directrice générale du STIF. Les membres du CPTP ont apprécié cette approche globale et ambitieuse, qui porte à la fois sur l’infrastructure, le matériel roulant et la qualité de service dans son ensemble, ainsi que sur l’offre de transport.

La réussite de schémas directeurs ne tient pas qu’à la capacité à réunir de l’argent. Il faut relever cependant que l’État, la Région et les départements ont su, à travers le Plan de mobilisation et le réseau de transport du Grand Paris, mobiliser l’argent nécessaire, non seulement pour développer le réseau, mais aussi moderniser les réseaux existants et tout particulièrement le RER. Dans ce cadre, le STIF a su tenir son rôle d’autorité organisatrice en réunissant tous les acteurs autour de la table, Réseau ferré de France (RFF), SNCF, RATP et financeurs, pour trouver des solutions et avancer.

À ce propos, puisque vous m’avez interrogé sur les liens que le CPTP entretient avec, la RATP ou la SNCF, je vous répondrai que nous n’entretenons aucun lien. Jamais un représentant de la SNCF, ni de la RATP, et encore moins de RFF n’est venu présenter devant notre instance des propositions d’amélioration du service. Quant aux comités de ligne, nous recevons leur convocation si tardivement que nous n’avons guère la possibilité matérielle d’assister à leurs réunions.

Mais la réussite des schémas directeurs du RER tient aussi à la capacité de RFF, de la SNCF et de la RATP à mener à bien, dans des délais raisonnables, les études et les travaux qui leur sont confiés. Pour parler franchement, RFF et la SNCF peinent trop souvent à honorer les rendez-vous qui leur sont fixés, du fait de problèmes de coordination entre eux, mais aussi de leurs propres manques : une ingénierie moins performante, une priorité donnée à d’autres projets que les lignes de RER et les transports quotidiens. Il y a là un vrai problème. Dans de telles conditions en effet, la demande par les opérateurs de nouveaux plans d’investissement toujours plus gourmands en crédits tend à ressembler à « une fuite en avant ».

En effet, si des investissements importants et durables sont nécessaires pour améliorer la régularité des lignes de RER, beaucoup d’argent a déjà été dépensé : 500 millions d’euros pour le RER B, autant pour le RER D, et plusieurs centaines de millions d’euros sont prévus pour la rénovation de la ligne C du RER. Ces investissements ne doivent pas dédouaner les opérateurs de tout effort d’amélioration de la régularité. À ce sujet, je rappelle que chaque réunion du CPTP est l’occasion pour les utilisateurs de se plaindre amèrement de l’absence de régularité du RER, le fonctionnement du métro et des autobus suscitant en revanche peu de critiques. Faire rouler les trains, exploiter des réseaux, c’est quand même le cœur de métier de la RATP et de la SNCF. C’est un point essentiel qu’il ne faut jamais perdre de vue.

En tant que membre de longue date du CPTP, j’ai remarqué que, lorsque le STIF et l’ensemble des collectivités se fâchent, la régularité s’améliore significativement. Cela prouve bien qu’il est important de ne pas relâcher la pression sur les opérateurs, notamment via les contrats qu’ils passent avec le STIF. Grâce à des indicateurs chiffrés et au système incitatif de bonus-malus, ceux-ci ont permis des avancées, du moins à la RATP, la SNCF obtenant tous les ans un malus.

La ligne A du RER est victime de son succès : transportant désormais plus d’un million de voyageurs par jour, elle est à la limite de ses capacités. Le STIF avait, dès 2008, demandé à la RATP de prendre des mesures d’urgence dans le cadre d’un schéma directeur et le CPTP avait approuvé cette démarche. Les mesures d’urgence prises par la RATP ont, certes, permis une amélioration de la situation. Le nouveau matériel roulant MI09 à deux niveaux, que le STIF a contribué à financer à hauteur de 600 millions d’euros, devrait permettre d’améliorer encore le trafic. Enfin, le prolongement du RER E à l’Ouest devrait à terme mettre fin à la saturation de cette ligne. Les études sont en cours, mais il faut savoir qu’il s’écoule en moyenne cinq ans entre le lancement d’un projet et sa réalisation. Cinq ans, c’est long pour des usagers qui subissent quotidiennement des retards de train.

S’agissant du RER B, la réalisation sur la partie nord d’un schéma directeur, le RER B Nord +, pour 500 millions d’euros, est bien avancée. Nous avons exprimé notre regret que la SNCF refuse de prendre des engagements formels d’amélioration de la régularité, en contrepartie de l’effort d’investissement réalisé au bénéfice de cette ligne et de la nouvelle offre cadencée qui doit être mise en place en 2013. Aujourd’hui, la régularité de cette ligne est insuffisante : selon l’indicateur de régularité publié en septembre dernier par le STIF, 82,3% des voyageurs arrivent à l’heure ou avec un retard de moins de cinq minutes, alors que le contrat prévoit un objectif de 94%. La différence peut sembler faible à certains, elle n’en révèle pas moins un dysfonctionnement chronique.

La crise survenue à l’automne du fait de la présence d’amiante a aggravé la situation. Les membres du CPTP, notamment les représentants des usagers, ont déploré d’avoir été insuffisamment informés par la RATP. Sur ce point, l’intervention du STIF a été déterminante en ce qu’elle a permis aux élus et aux usagers de recevoir une véritable information dans le cadre de réunions qu’il a organisées.

En ce qui concerne le RER C, qui souffre de dysfonctionnements encore plus marqués que la ligne B, le schéma directeur a là aussi prévu des investissements importants. En outre, la convention spéciale transport, signée en septembre dernier, prévoit des financements complémentaires destinés aux projets urgents de modernisation de cette ligne.

Quant au RER D, c’est la ligne qui concentre les critiques les plus sévères des utilisateurs quotidiens.

Il ne faudrait pas que la RATP, la SNCF et RFF se dédouanent de leurs responsabilités dans l’exploitation quotidienne des lignes du RER, sous prétexte que de grands investissements sont d’ores et déjà programmés. Ces projets ne devant pas être achevés avant plusieurs années, il est à craindre que les usagers aient encore longtemps à souffrir des manquements du RER.

J’ajoute que les réserves formulées par les représentants des usagers sur le cadencement mis en place par la SNCF, en décembre dernier, sont à l’origine d’une des deux autosaisines du CPTP, qui n’a cependant pas obtenu de la SNCF la possibilité de participer à la définition de ce nouveau système. À l’usage, celui-ci s’est révélé toutefois moins catastrophique qu’on pouvait le craindre.

M. Pierre Morange, rapporteur. Les plaintes répétées des usagers du RER sont l’une des motivations principales de la création de cette commission d’enquête. Les représentants des usagers au CPTP vous ont-ils fait connaître des revendications plus formalisées ? Ont-ils proposé un référentiel de qualité plus fidèle à leur vécu quotidien que celui qui fonde le dispositif de bonus-malus alors qu’il repose sur des critères plus que contestables ? Pouvez-vous nous citer des expériences étrangères qui permettraient d’affiner ce dispositif de bonus-malus, dont la Cour des comptes a dénoncé l’inefficacité ? La Cour propose de relever le plafond des bonus-malus à 5% de ce que le STIF reverse à la SNCF ou à la RATP. Ces préconisations ont-elles fait l’objet d’un avis du CPTP ? La composition du comité lui permet-elle de faire des propositions précises et concrètes au STIF ?

M. Patrice Calméjane. On sait que les dysfonctionnements du RER sont dus en partie à des problèmes d’aménagement du territoire. Compte tenu de sa composition, on pourrait s’attendre à ce que le CPTP se soit saisi de cette question. Est-ce le cas ? Le CPTP s’est-il prononcé sur l’éventualité d’un Pass Navigo à tarif unique, ou de son « dézonage » en fin de journée ? Le système de « dézonage » du Pass Navigo d’Imagine R vous semble-t-il pertinent ? En effet, le « dézonage » débute le vendredi à minuit et court jusqu’au dimanche à minuit. Il me semble que les lycéens et étudiants en tireraient un plus grand bénéfice s’ils pouvaient en profiter dès 17h le vendredi, d’autant plus qu’ils restent en général chez eux le dimanche soir.

M. Lucien Dumont-Fouyat. Les usagers ont en effet exprimé leur désaccord sur ce point, et cet avis a été transmis au STIF.

La politique tarifaire a été débattue il y a quelques mois dans le cadre d’une réunion spéciale du CPTP. Il est à noter que seuls deux des sept représentants des collectivités étaient présents. À l’issue de cette réunion, le CPTP a adopté une motion dont je me permets de vous donner lecture : « Le Comité des partenaires du transport public estime que la première attente des usagers en Île-de-France réside dans la qualité de service et la densité de l’offre de transport. À juste titre, elles sont jugées souvent médiocres par les usagers. Ils n’admettent pas de payer plus cher quand elles ne s’améliorent pas. Si la tarification actuelle des transports en Île-de-France est parfois injuste, complexe ou trop élevée, le Comité des partenaires considère toutefois que le Pass Navigo à tarif unique n’est pas la solution la plus pertinente dans les conditions actuelles. Sa simplicité ne permet pas de cibler les populations défavorisées, est génératrice de nouvelles injustices et menace la maîtrise de l’urbanisation des zones rurales.

Le Comité des partenaires demande au STIF d’élargir l’étude de modernisation de la tarification. Plusieurs pistes méritant d’être étudiées, le Comité des partenaires formule plusieurs propositions, comme le complément de parcours, le « dézonage » le week-end et la tarification par bassin de vie »

Cette motion a été approuvée par moi-même, Jean Pierre Lerosey, Gérard Schepfer, Bernard Carler, Pierre Marco, Daniel Rabardel, Bernard Garnier, Éric Brasseur, Abdellah Mezziuouane, Gilles Catoire, Daniel Zivic, Joël Lefebvre et Étienne Le Fur.

Par ailleurs, les membres du CPTP sont membres ès qualités de cinq commissions du STIF : la commission des investissements et du suivi du contrat de projet, la commission économique et tarifaire, la commission de l’offre de transports, la commission qualité de service et une commission de la démocratisation qui je dois le dire, ne sert pas à grand-chose.

Je crois savoir enfin qu’un remaniement du système de bonus-malus est envisagé dans le cadre de la renégociation en cours des contrats passés avec les opérateurs. Il s’agirait de sanctionner plus lourdement les opérateurs au cas où ils ne satisferaient pas à l’exigence de qualité, de régularité et de ponctualité du service. Il n’est pas besoin de vous dire que les opérateurs « font plus que traîner les pieds ».

——fpfp——

Audition de M. Pierre Cardo, président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF)

(Séance du jeudi 19 janvier 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Mesdames, messieurs, monsieur le président, chers collègues, nous poursuivons nos travaux en recevant à présent M. Pierre Cardo, que nous accueillions avec un grand plaisir.

Il n'est point besoin de présenter Pierre Cardo à des élus, notamment à des députés d’Île-de-France. En effet, Pierre Cardo a longtemps appartenu à notre Assemblée. Il nous a quittés pour prendre la présidence de la nouvelle Autorité de régulation des activités ferroviaires, l'ARAF.

À cet égard, je tiens à vous préciser, monsieur le Président, que notre commission comprend qu'il vous sera peut-être parfois difficile de ne pas invoquer une obligation de réserve sur certains sujets. En effet, votre position pourrait se trouver délicate face à des questions qui porteraient sur les relations entre la SNCF et RFF, voire concernant la RATP. Nous chercherons bien entendu à respecter votre mission d'arbitrage. Une mission dont nous avons conscience de la difficulté, car ces entités vous ont déjà saisi de certains de leurs conflits – elles sont peut-être même venues soumettre quelques unes de « querelles » devant vous !

En tout état de cause, notre commission travaille dans le souci de formuler des propositions concrètes, en dehors de toute polémique, donc de toute mise en cause institutionnelle ou personnelle qui ne serait pas étayée sur des faits précis.

Si nous avons tenu à vous entendre, c'est bien plus en qualité de « grand témoin ». Votre expérience de maire de Chanteloup-les-Vignes, puis, aujourd'hui, de président de la communauté d'agglomération des Deux Rives de la Seine (CA2RS), peut nous éclairer sur de nombreux points. Chacun se souvient de vos interventions et de vos propositions sur les conséquences d'une urbanisation plus ou moins bien maîtrisée, et sur de nombreux autres aspects de ce qu’on a appelé la politique de la ville. Vous êtes d'ailleurs actuellement pilote d'une opération d'intérêt national (OIN), l'opération « Seine Aval ».

Dans ces conditions, la question des transports en Île-de-France et, en premier lieu, les problématiques du RER, du Transilien, sans oublier les attentes comme les interrogations liées au Grand Paris, ne vous sont pas étrangères. Nous avons notamment déjà entendu les associations d'usagers, les organisations syndicales de salariés des deux opérateurs RATP et SNCF, et, hier soir, leurs présidents, M. Mongin puis M. Pepy. Nous progressons ainsi méthodiquement dans une démarche empreinte de pragmatisme. Nous n'allons pas vous demander de valider telle ou telle affirmation de nos interlocuteurs, même si certaines de leurs réflexions peuvent, consciemment ou non, inspirer nos questions.

Nous allons donc vous écouter pour un court exposé liminaire. Puis notre rapporteur, Pierre Morange, engagera le dialogue, et il sera suivi par nos autres collègues.

Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, M. Pierre Cardo prête serment.

M. Pierre Cardo, président de l’Autorité des activités ferroviaires. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les parlementaires, en tant que président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), votre convocation m’a quelque peu surpris dans la mesure où nos compétences et nos responsabilités ne nous amènent pas à intervenir pour la RATP, qui n’est pas considérée comme relevant du réseau ferroviaire au même titre que la SNCF. Cependant, comme élu de banlieue, je me suis senti interpellé car la problématique en région parisienne recouvre un grand nombre de thèmes. La politique de la ville, c’est en effet l’aménagement du territoire, les zones d’emploi, ou encore la fiscalité locale sur la réforme de laquelle je reviendrai.

D’abord, je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’une grande partie du réseau parisien est saturée depuis des années. Le problème est qu’on nous demande, à nous acteurs de la périphérie, notamment de la grande banlieue, de continuer à construire des logements pour remédier à la pénurie criante qui sévit dans Paris intra muros et la petite couronne, alors que le système de transport n’est pas du tout adapté en grande couronne. Les cartes font apparaître de vastes déserts. Et le Grand Paris n’apportera parfois aucune amélioration. Ainsi, nous relevons du seul contrat de territoire de l’ouest parisien à ne pas être concerné par Arc Express. C’est tout à fait regrettable ! Dans la mesure où les zones d’emplois ne se situent pas forcément chez nous, comment les habitants, actuels et futurs, de nos quartiers pourront-ils rejoindre leur lieu de travail ? Le réseau est vieillissant et saturé, le matériel est inadapté, les rames à deux niveaux se font toujours attendre, et les dysfonctionnements sont quasi quotidiens. Il est indispensable de développer un réseau de transport adapté.

La zone de la confluence est concernée par l’opération d’intérêt national « Seine Aval », l’Axe Seine, le Grand Paris, et notamment le contrat de territoire qui réunit les villes de Cergy-Pontoise, Poissy, Achères, Conflans, Maurecourt et les territoires de notre communauté d’agglomération. Cet ensemble représente 400 000 habitants et plus de 150 000 emplois. Nous assurons à nous seuls la construction de plus de 400 logements par an, et l’agglomération dans sa totalité, avec les villes que je viens de citer, plusieurs milliers, alors que toutes les lignes du RER A sont saturées. La ligne Paris Saint Lazare–Mantes-la-Jolie par Conflans-Sainte-Honorine, un véritable « tortillard », est elle-même saturée aux heures de pointe.

Chercher à remédier à la pénurie de logements en région parisienne est une excellente chose. Mais la réforme des finances locales pose le principe selon lequel nos ressources seront basées essentiellement sur les recettes de la taxe d’habitation et beaucoup moins sur celles provenant du développement économique.  Si ce principe me paraît adapté à Paris intra muros et à la petite couronne, où le nombre de logements doit être augmenté et le développement économique freiné, il ne l’est pas pour la grande couronne où la construction de logements va inciter les gens à continuer à habiter dans notre secteur, alors que les zones d’emploi ne vont pas se déplacer. Ainsi, la réforme des finances des collectivités locales ne va pas dans le sens d’un règlement de la problématique des transports en grande couronne.

De la même manière, si la taxe sur les bureaux se justifie, là encore, pour Paris et la petite couronne, il n’est pas logique que la grande couronne y soit soumise alors que, dans le même temps, on continue à développer La Défense pour épargner un déficit à l’EPAD. Je l’avoue, tout cela me laisse perplexe.

À un moment donné, il faudra bien s’interroger sur l’incidence des décisions prises en matière de fiscalité locale et de développement. On ne peut pas considérer que seul le transport va régler les problèmes de la région Île de France : il faut tenir compte aussi de l’aménagement du territoire et de la fiscalité locale dont la réforme, même si je la comprends, globalement mériterait d’être ciblée.

Par ailleurs, si nos axes sont saturés dans de nombreux endroits, il n’y a jamais eu de déclaration de saturation sur une partie du réseau. Or des priorités sont données. Le président de Réseau ferré de France (RFF) a ainsi récemment déclaré donner la priorité aux transports de voyageurs par rapport au fret, ce dernier trouvant davantage sa place la nuit, quand le réseau n’est pas saturé. J’entends bien cela, sauf que les directives européennes prévoient qu’en l’absence de déclaration officielle de saturation, il ne peut y avoir de priorité. La déclaration de saturation permettrait de donner des critères de priorité et, éventuellement, d’imposer certaines contraintes en termes d’investissement.

Les grands projets, comme Eole, permettront de prendre en charge une partie du trafic de voyageurs du RER A. Quant au tracé de la ligne nouvelle Paris Normandie, il règlera en partie le problème de la saturation du RER A, et même de la ligne Paris Saint-Lazare –Mantes-la-Jolie par Conflans, mais à la condition qu’une gare soit prévue au niveau de la Confluence, faute de quoi les sillons ne seront pas soulagés. Alors que le port d’Achères occupe quelque 450 hectares, avec tout ce que cela implique en termes de trafic, de populations nouvelles et d’emplois, il paraît difficile de ne pas envisager une gare digne de ce nom dans cette ville. Elle permettrait d’assurer la connexion avec la tangentielle Ouest puis la tangentielle Nord. La ligne à grande vitesse (LGV) Paris Normandie n’aura qu’un intérêt relatif si elle ne sert qu’à aller à Caen ou au Havre.

Autre grand problème : le trafic de banlieue à banlieue. Si je veux me rendre de Chanteloup-les-Vignes à Versailles, il me faudra d’abord aller jusqu’à Saint-Lazare pour emprunter ensuite le RER. Ce sera long. Par le bus, il faudra passer par Poissy et Saint-Germain avant d’arriver à Versailles. Tout cela n’est pas très cohérent. Dans la grande couronne, qui peut encore accueillir des entreprises et des populations, il faudra bien, si l’on veut éviter l’incohérence de la sur utilisation des radiales, se préoccuper aussi des rocades, et pas seulement au niveau autoroutier, d’autant que la Francilienne n’est pas encore achevée chez nous. Je note au passage que, si la route doit parfois épauler le rail, je vois mal comment on pourra augmenter le trafic sur l’A13 ou l’A14 par le biais de la Francilienne alors que le classement il y a quelques années de la plaine de Versailles bloque toute possibilité d’une liaison vers Saint-Quentin-Versailles.

En outre, il faut prendre conscience des difficultés rencontrées par nos concitoyens dans le RER, en soirée ou la nuit, du fait des horaires et de la fermeture de certaines gares. Dans notre secteur, nous avons mis en place le bus A14, qui va jusqu’à La Défense. Les bus de cette liaison rapide et efficace  sont pleins sans toutefois être saturés le matin alors qu’ils le sont le soir. C’est tout simplement que les usagers, en premier lieu des femmes, y trouvent davantage de sécurité et de confort que dans un train. Il serait intéressant de voir comment on peut améliorer le confort, voire la sécurité, le soir, sur les lignes du RER ! Le Syndicat des transports d’Île de France (STIF) considère néanmoins que le développement de cette ligne, réclamé par les usagers, constitue une forme de concurrence par rapport au réseau ferré. Je pense pour ma part que si les usagers souhaitent utiliser préférentiellement le bus dans certaines circonstances, il est de notre devoir de favoriser le développement des lignes concernées. Je ne suis par là pour empêcher le développement du ferroviaire, bien au contraire ; encore faut-il que les infrastructures le permettent, ce qui n’est pas le cas actuellement. Du reste, l’intermodalité ne doit pas être négligée. Quand les lignes seront moins saturées, que les moyens de transport seront plus adaptés, nous pourrons alors peut-être moins utiliser la route. Nous en sommes loin, pour l’instant.

S’agissant de la sécurité, à la suite de l’agression de chauffeurs de bus lors des émeutes des années quatre-vingt-dix, j’avais mis en place un réseau de médiateurs. Les choses n’ont pas très bien fonctionné au départ car les jeunes initialement engagés n’étaient pas véritablement formés. Mais ils ont bénéficié ensuite d’une formation adaptée grâce à la mise en place de structures appropriées, et la SNCF m’a demandé d’en prévoir pour ses trains. Ils ont toutefois mis du temps à se faire accepter, notamment par son Service de surveillance générale (SUGE)… Aujourd’hui, sur la ligne Paris-Mantes par Conflans et sur la ligne Nord qui mène à Cergy, l’action des médiateurs est efficace. Le dispositif règle cependant davantage les problèmes d’incivilité que d’insécurité. En tout état de cause, je constate que la SNCF a passé contrat avec l’association de formation de nos médiateurs, c’est donc qu’elle y a trouvé un certain bénéfice au regard des problématiques de dégradations des matériels, de non-paiement des tickets de transport, et d’autres comportements inacceptables.

Le dispositif a permis de régler un autre problème : celui des signaux d’alarme. Pour échapper à une interrogation, certains collégiens ou lycéens n’hésitaient pas en effet à actionner le signal d’alarme afin d’obtenir une dispense de la SNCF pour cause de retard ou d’annulation du train. Il n’est donc pas inintéressant d’essayer d’améliorer la régularité du trafic par le biais de ce type d’intervention, qui ne coûte pas très cher. Si nous avons fait le choix de la médiation, c’est aussi parce que, dans un grand nombre de circonstances, la police ne pourrait pas agir.

Toujours au titre des dysfonctionnements, si les grèves sont plus ou moins bien supportées par nos concitoyens, désormais elles sont au moins annoncées et permettent de s’organiser, dans la mesure du possible Les annulations ou les retards des trains compliquent en revanche considérablement la vie des gens. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de personnes qui ont perdu leur travail pour cause de dysfonctionnements du réseau ! En outre, j’ai beaucoup de mal à accepter l’usage abusif du droit de retrait : il n’est pas censé servir à mettre en exergue des revendications. Ce n’est pas parce qu’on est solidaire d’un agent victime d’une agression inacceptable qu’il faut bloquer le réseau. Imaginez la situation des femmes, souvent parent isolé, lorsqu’elles sont « coincées » à Paris alors que la crèche va fermer ! Je comprends parfaitement que des droits protègent les salariés, mais il faut éviter les dérives auxquelles nous assistons Elles pénalisent les familles, confrontées ainsi à des difficultés insurmontables. On ne dit pas assez combien il est difficile d’être un parent isolé en banlieue. C’est un cri du cœur de l’ancien maire de banlieue que je suis. J’ai une relation affective avec ma population et il m’est insupportable de voir les gens souffrir à cause d’un dysfonctionnement dans les transports en commun. La vie est déjà bien assez pénible pour certains en dehors des problèmes de transport...

Pour finir, je dirai que l’amélioration du réseau passe d’abord par la résolution des problèmes de gouvernance et de répartition des responsabilités. Il faudra bien s’attaquer à ces problèmes, et pas seulement pour la région parisienne.

M. le rapporteur Pierre Morange. C’est avec grand plaisir que nous accueillons à nouveau notre ami Pierre Cardo, dont chacun connaît la richesse de l’expérience.

Monsieur le président, pouvez-vous nous apporter des précisions sur la gouvernance et les problématiques organisationnelles entre les deux transporteurs que sont la RATP et la SNCF, en particulier s’agissant des lignes A et B que vous connaissez bien ?

Que recouvre pour vous la notion de convention entre RFF et la SNCF, notamment dans le cadre de l’attribution des sillons ?

Pouvez-vous préciser la méthodologie réglementaire de la déclaration de saturation, qui permet de définir des priorités ?

S’agissant des incivilités, une évaluation socio-économique a-t-elle été menée, au moins dans votre bassin de vie ? Le rapport de la Cour des comptes de la fin de l’année 2010 relève en effet une carence en la matière. Une telle évaluation assortie de critères nous permettrait de définir des priorités.

Enfin, une évaluation économique des dysfonctionnements dans leur ensemble a-t-elle été réalisée ?

M. Patrice Calméjane. Monsieur le président, vous avez des pouvoirs d’investigation en matière de comptes et la possibilité de prononcer des sanctions si vous constatez un manquement en matière de mise à disposition des réseaux. S’agissant du RER B, les personnes précédemment auditionnées nous ont fait part de problèmes entre RFF, la SNCF et la RATP pour l’ouverture de sillons. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, sachant que cette ouverture permettrait de résoudre certains dysfonctionnements, fréquents sur cette ligne, à l’entrée nord de Paris ?

Par ailleurs, si des investissements importants ont été réalisés pour le TGV, l’entretien des lignes et des réseaux en banlieue parisienne semble avoir été négligé par RFF comme par la SNCF. Vous êtes-vous penché sur cette question pour déterminer d’éventuels manquements de la part des opérateurs ?

M. François Pupponi. La question de la gouvernance a souvent été abordée au cours des auditions précédentes. Aux dires du président de la RATP, cette dernière fonctionne correctement et s’il y a des difficultés, elles sont dues aux autres intervenants ! Ces derniers, eux, mettent en avant l’avantage de l’existence de plusieurs opérateurs sur une même ligne, qui permet d’éviter l’arrêt total du réseau en cas de grève.

Selon vous, de quelle manière doivent être gérées les lignes RER, en particulier celles qui sont « cogérées » par la SNCF et la RATP, sans oublier RFF ? Est-il préférable de désigner un seul opérateur par ligne ?

M. le président Daniel Goldberg. La gouvernance est éclatée. Monsieur le président, appelez-vous à une plus grande cohérence entre RFF, gestionnaire des infrastructures, et la SNCF, l’exploitant ; entre la RATP, pour le réseau RER, et la SNCF ; et entre RFF et la RATP pour la gestion des réseaux ? On peut craindre en effet, d’un côté, un risque d’appauvrissement des compétences de la SNCF au vu de l’éclatement des responsabilités, et, de l’autre, un risque d’éloignement dans la mesure où RFF n’est pas en relation directe avec les usagers. Les « Assises du ferroviaire », qui se sont tenues à la fin de l’année 2011, ont abordé la question du regroupement sous une bannière unique des infrastructures du réseau francilien, mais aucun gestionnaire n’a été désigné me semble-t-il. En tant qu’autorité de régulation, pensez-vous que ce gestionnaire unique devrait être plutôt RFF ou la SNCF ?

Par ailleurs, quelles seraient selon vous les conséquences de l’ouverture à la concurrence, sachant que RFF revendique une stricte neutralité vis-à-vis de la SNCF ? Une priorité d’attribution des sillons ne devrait-elle pas être accordée au RER francilien de la part de RFF ?

Enfin, qu’en est-il de la place des élus ? De quelle manière les collectivités territoriales pourraient-elles être davantage parties prenantes des choix en matière de gestion des infrastructures ?

M. le rapporteur. Monsieur le président, la loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires a introduit la notion de maîtrise d’ouvrage partagée entre le STIF et la RATP pour les aménagements, les prolongations et les extensions de lignes ou de gares existantes. Cette possibilité a-t-elle déjà été mise en œuvre ?

M. Pierre Cardo. Sur certains aspects de la gouvernance, je ne saurais vous répondre dans la mesure où nous ne sommes pas compétents, même si nous pouvons esquisser plusieurs hypothèses sur l’organisation en région parisienne. Je dirai simplement qu’une gouvernance claire s’impose, afin d’éviter toute ambiguïté entre les responsabilités des uns et des autres ; il faut savoir qui décide. Faute de quoi, nous irons au conflit ! C’est d’ailleurs ce qui se passe actuellement puisque la réforme engagée est restée « au milieu du gué ».

L’ARAF s’est déjà exprimée dans le premier document de référence des réseaux (DRR) qu’elle a commencé à étudier à partir de fin 2010. Notre position est claire : étant donné les contraintes imposées par l’Europe, une attribution de sillons non discriminatoire et impartiale implique que le gestionnaire de l’infrastructure maîtrise l’ensemble de la problématique. Comme nous l’avons expliqué lors des « Assises du ferroviaire », cela signifie que RFF doit disposer non seulement de la pleine et entière responsabilité des attributions de sillons, par l’intermédiaire de la Direction de la circulation ferroviaire (DCF), mais aussi de la maîtrise totale des plages de travaux pour que précisément les attributions de sillons puissent se faire de façon optimale.

Je pense donc qu’il faut définir un organisme indépendant de la SNCF, qui sera responsable de l’attribution des sillons et qui n’aura aucun lien hiérarchique avec un quelconque opérateur. La SNCF Infra, chargée de l’entretien du réseau, doit être elle aussi détachée de l’opérateur ferroviaire SNCF. L’analyse des conflits que nous avons à régler démontre en effet qu’il y a souvent suspicion vis-à-vis de la SNCF de la part des opérateurs concurrents du fait que SNCF Infra est au sein de la SNCF, et que la DCF l’est également. Certes, le législateur a prévu que la nomination du directeur de cette dernière direction devait nous être soumise pour approbation, mais cela ne garantit pas pour autant la neutralité totale de tous les acteurs – disant cela, je ne fais aucun procès d’intention.

Au surplus, si l’Europe, après avoir ouvert à la concurrence le marché du fret ferroviaire et le transport international de voyageurs, décide de l’ouvrir localement aux transports de voyageurs, il faudra que l’attribution des sillons soit effectuée en toute objectivité, que seule l’indépendance totale des structures d’attribution rendra possible. Sans cela, nous aurons de multiples conflits à régler à l’ARAF.

Les interventions d’entretien et de rénovation du réseau sont définies par RFF, mais il n’est pas certain que ce qui a été programmé soit réalisé. Or cela pourra engendrer de la suspicion. Un opérateur pourra ainsi se demander pourquoi une plage de travaux, dont la programmation l’a empêché d’obtenir le sillon qu’il avait réclamé, a brutalement été supprimée alors qu’il a pourtant été forcé de se contenter d’un sillon de moindre qualité. Un autre opérateur souhaitera bénéficier d’une priorité pour l’attribution du sillon qu’il aura été le premier à demander. Bref, la situation sera ingérable. Quand on sait, en outre, que ces opérations, d’une grande complexité, restent encore largement effectuées manuellement... les systèmes informatiques n’étant toujours pas tout à fait au point !

Encore une fois, si l’on veut optimiser le fonctionnement de notre réseau – très étendu et qui a coûté très cher à la France – et arriver à définir clairement les priorités en région parisienne, une gouvernance claire est essentielle.

S’agissant de la RATP, qui a le réseau et qui est opérateur, l’urgence impose que tous les conducteurs, de la Régie comme de la SNCF, soient formés pour être aptes à conduire sur toute partie du réseau, comme c’est le cas pour le RER B. Cela évitera les changements de conducteur et donc des pertes de temps pour l’usager. Les deux grands opérateurs doivent se mettre d’accord.

Au vu de tous ces éléments, l’idéal serait pour l’avenir que l’ensemble du réseau français appartienne à un gestionnaire d’infrastructure distinct de l’opérateur. Cette solution réglerait bien des problèmes en matière d’attribution des sillons. Elle finira par s’imposer en cas d’ouverture à la concurrence au niveau européen, y compris pour la RATP.

Pour l’heure, il appartient aux élus de décider ou non de l’ouverture à la concurrence au niveau des régions. Mais l’Europe a son mot à dire, d’où l’importance de clarifier l’organisation du système ferroviaire français afin que l’opérateur historique, notamment, soit en mesure d’affronter la concurrence et de ne pas perdre des parts de marché. En Allemagne, le fret sur la Deutsche Bahn a progressé et la concurrence a permis de développer de nouvelles parts de marché. Ce n’est pas le cas en France, et l’on doit s’interroger sur l’organisation de notre réseau ferré, qui se distingue de celui de certains nos voisins européens.

Pour autant, l’ouverture à la concurrence n’est pas un but. Elle n’est qu’un moyen qui permet d’offrir un choix supplémentaire, éventuellement de faire baisser les prix. En tout état de cause, elle ne pourra être abordée de façon objective si le problème des conventions collectives et celui du statut particulier du personnel de la SNCF ne sont pas clairement traités dans le cadre de négociations. Les élus ont un rôle à jouer en la matière.

Pour les régions, il faudra arbitrer l’attribution des sillons des TGV, des TER et des TET, d’où l’intérêt, encore une fois, d’avoir un gestionnaire d’infrastructure unique qui garantira l’objectivité de ces attributions à l’autorité organisatrice. Cela permettra aux régions, qui fixeront un cahier des charges définissant les prestations que souhaitent les élus, de défendre leurs intérêts, puisque les plages travaux notamment seront négociées face à un interlocuteur unique.

N’ayant aucune connaissance très précise de l’organisation du réseau ferroviaire, je suis arrivé à l’ARAF sans a priori : essayant de garder cette objectivité, je pense sincèrement que beaucoup de choses doivent être réformées d’urgence...

Par ailleurs, l’ARAF considère qu’il n’est pas souhaitable de continuer à investir massivement sur des lignes à grande vitesse, dont la rentabilité devient de moins en moins évidente. En effet, au-delà de la distance parcourue et de la concurrence ainsi ouverte par rapport à l’avion et la route, une ligne à grande vitesse doit, pour être rentable, assurer la liaison d’une agglomération à une autre. Les plus rentables étant d’ores et déjà réalisées, les futures lignes auront un intérêt économique plus limité. Certes, ce sujet s’inscrit dans le cadre de l’aménagement du territoire, mais nous constatons que tous les élus dans les régions souhaitent avoir « leur » LGV. En la matière, les choix politiques ne sont pas neutres. Enfin, à titre personnel et en tant qu’ancien élu, je pense qu’il faudrait limiter l’appel aux partenariats public privé (PPP) qui se révèlent toujours coûteux à terme.

S’agissant de la déclaration de saturation, le secrétaire général de l’ARAF va vous apporter des précisions. Pour dire les choses simplement, un opérateur n’a pas le droit d’afficher des priorités s’il n’a pas fait une déclaration de saturation sur telle ou telle partie du réseau. Je trouve étonnant qu’aucune déclaration de ce type n’ait été faite alors que certaines parties de réseau sont bel et bien saturées. A-t-on peur des conséquences de cette procédure ?

M. Michel Vermeulen, secrétaire général de l’ARAF. L’article 22 de la directive européenne 2001/14 et le décret 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l’utilisation du réseau ferré national régissent la déclaration de saturation.

Le principe général de l’allocation des sillons est qu’il n’y a pas de priorité. En pratique, RFF doit recevoir l’ensemble des demandes, auxquelles il doit répondre de manière « raisonnable », comme le stipule la directive.

Dès lors qu’il est obligé de refuser des sillons, le gestionnaire de l’infrastructure doit s’interroger sur la saturation, qui doit être déclarée devant le ministre et qui lui permet notamment de fixer des priorités. Il peut alors examiner les capacités réelles d’une ligne saturée et donner des priorités – tant de trains pour le fret, tant d’autres pour le transport régional et pour les TGV. Aux termes de la directive, il ne peut prendre de telles décisions qu’en cas de déclaration de saturation.

La fixation de priorités est un moyen de gestion. Elle oblige aussi le gestionnaire à proposer un programme pour lutter à long terme contre la saturation.

M. Pierre Cardo. Depuis de nombreuses années, l’investissement pour la rénovation du réseau est insuffisant. Il doit impérativement être accru pour assurer une circulation correcte des trains. Si le réseau ferré national contribue largement à l’aménagement du territoire, un grand nombre de lignes secondaires, considérées comme non prioritaires, sont délaissées. En outre, le lancement de lignes à grande vitesse sur des axes déjà saturés n’est pas logique : en effet, ces lignes viennent perturber le fonctionnement des lignes « classiques » – on peux penser par exemple à la LGV Atlantique. Certains choix politiques peuvent être contestables. Il faudrait éviter de répéter les mêmes erreurs sur d’autres axes.

Pour être plus précis sur le renoncement, des conventions entre RFF et SNCF Infra prévoient un montant pour la réalisation par cette dernière de travaux définis par le premier. Notons au passage que la facture pour l’entretien du réseau n’est pas loin de représenter le montant des péages que RFF reçoit de la SNCF… Or lorsque SNCF Infra a consommé le budget qui lui a été attribué par une convention pour effectuer un ensemble de travaux programmés, on renonce à effectuer certains travaux. Et les parties du réseau concernées par ce renoncement sont plutôt des voies secondaires, souvent utilisées par le fret – ce qui n’est pas forcément dans l’intérêt des régions.

Nous avons découvert ce problème du renoncement récemment. Il existe certainement des moyens de le régler, mais pour l’instant l’ARAF, à peine installée, ne s’est pas prononcée. Je rappelle que nos équipes ont été constituées l’année dernière et comprennent essentiellement des jeunes. Le fait que notre siège soit situé au Mans, a sensiblement retardé le recrutement en renforçant la proportion des jeunes, car c’est un fait, les gens expérimentés ne souhaitant pas, en général, quitter Paris. Certes, nous avons un pouvoir d’investigation. Mais alors que l’étude de préfiguration de l’ARAF prévoyait un effectif de 60 personnes, nous ne sommes que 40 pour l’instant – votre assemblée ayant eu la gentillesse de fixer en outre un plafond à 52. Aujourd’hui, cela passe mais nous risquons de rencontrer des problèmes à l’avenir en cas de surcharge de travail.

M. le rapporteur. Avez-vous un droit de regard sur le bien-fondé du renoncement ? Pouvez-vous vérifier la bonne allocation des moyens financiers et les procédures en matière de concurrence et de marchés publics ?

M. Pierre Cardo. Pour l’instant, il n’y a pas de concurrence : SNCF Infra est la seule à intervenir sur le réseau. Nous avons un droit d’investigation, mais notre tâche nécessite du temps. Pour les gares, nous devons définir la séparation comptable. Nous attendons les dernières réponses de la SNCF. Là encore, ces structures sont censées être autonomes, mais elles sont au sein de la SNCF.

M. le rapporteur. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné cette agrégation comptable, et a demandé des comptes certifiés.

M. Pierre Cardo. L’Autorité de la concurrence est allée dans le même sens : on ne peut qu’être favorable à une telle mesure. Pour une partie des gares, la gouvernance devra de toute façon être clarifiée à terme. La question est de savoir si cela relève d’un opérateur ferroviaire ou d’une entité totalement indépendante, ce qui est tout à fait possible. Le rôle du politique ne sera pas neutre.

Au sein de la SNCF la complexité des comptes et des facturations internes est un réel problème, et j’accorde du temps à mes services pour qu’ils ne commettent pas d’erreurs. Il faut avoir à l’esprit que la SNCF constitue un groupe qui n’a pas moins de 650 filiales. À titre personnel, je dirai que, pour être efficace, un opérateur ferroviaire doit intervenir dans son cœur de métier.

S’agissant des évaluations, je pense que la SNCF peut d’ores et déjà établir des comparaisons entre les dégradations et les interruptions de service liées aux incivilités sur les lignes qui comportent des médiateurs et celles qui n’en bénéficient pas. Si l’opérateur a continué à accepter la prestation de service des médiateurs, c’est qu’elle présente un certain intérêt pour lui. Prenez donc un train un samedi entre treize et quatorze heures à Mantes-la-Jolie en direction de Paris : vous constaterez que la dernière voiture est remplie de passagers qui n’ont pas payé ! Face à cette situation, les CRS sont parfois intervenus, mais cela n’a rien changé, si ce n’est générer quelques incidents. Si l’on veut que les jeunes des quartiers, comprennent que tout n’est pas gratuit, ils doivent apprendre très jeunes à se déplacer en transports en commun dans le cadre de l’école ou des activités périscolaires. Car s’ils ne les découvrent que le week-end avec les grands qui leur apprennent à entrer en force dans les trains, il devient quasiment impossible de leur expliquer comment les choses doivent normalement se passer.

Je termine par la problématique des gratuités. La mise en place du RSA complémentaire s’est heurtée à la gratuité dans les transports pour les chômeurs en région parisienne, révélant un problème de cohérence entre les dispositifs mis en place par les régions et les systèmes nationaux au bénéfice de certaines populations. Je pense qu’il est possible, en respectant le droit de chacun, d’établir un minimum de coordination pour que les dispositifs d’aide aux personnes et ceux pour le retour à l’emploi fonctionnent en cohérence.

M. le président. Monsieur le président, je vous remercie.

——fpfp——

Audition de M. Jean-Paul Huchon,
président du Conseil régional d’Île-de-France

(Séance du mercredi 25 janvier 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Soyez le bienvenu, monsieur Huchon. En tant que président de la région Île-de-France, vous présidez aussi le conseil d’administration du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF). À ce titre, vous occupez une place centrale dans l’organisation et la définition des transports en Île-de-France. Il est donc déterminant, pour notre commission, de vous entendre sur l’orientation des contrats pluriannuels en cours de renouvellement avec la RATP et la SNCF. Vous aviez regretté, au lendemain de la publication d’un rapport de la Cour des comptes sur les transports en Île-de-France, il y a un peu plus d’un an, que « la SNCF et la RATP ne communiquent pas toujours les données indispensables ». Ce rapport constituant l’une des bases de travail de notre commission, vous comprendrez que nous vous interrogions sur un tel sujet. Y a-t-il eu des progrès ? La Cour avait même regretté que les opérateurs s’abritent parfois derrière des notions telles que le « secret des affaires » ou la « confidentialité commerciale » pour ne pas avoir à transmettre certaines données relatives à leur activité : attitude plutôt étrange de la part de transporteurs publics en situation de monopole, en l’occurrence sur le RER et le Transilien.

Depuis la réforme de 2005, le STIF a l’entière responsabilité de l’organisation des transports publics en Île-de-France ; encore faut-il que l’État assume sa participation financière à la hauteur des besoins. À cet égard, quelles conclusions tirez-vous du plan de mobilisation des transports, doté de 17,8 milliards d’euros et défini par la région en juin 2008 ? Quels sont, dans le cadre de ce plan, les financements dévolus à la modernisation et à la « désaturation » du RER ?

M. Pepy, président de la SNCF, a souligné devant notre commission l’importance de la convention passée entre l’État et la région, le 26 septembre dernier. Cette convention, qui devrait permettre de financer des opérations en faveur du RER à hauteur d’1 milliard d’euros, a-t-elle pour objectif de solder les comptes entre l’État et la région ? Quelle est la part de chacun ? Financera-t-elle des projets déjà programmés ou d’autres qui restent à définir ?

Par ailleurs, il nous semble que les associations d’usagers aimeraient être davantage consultées sur les choix relatifs à la rénovation comme à l’acquisition des matériels. L’accessibilité, l’aménagement intérieur, le nombre de places assises dans les rames ainsi que la configuration globale de celles-ci sont évidemment des sujets qui leur importent au premier chef. Que pouvez-vous faire de plus, en ce domaine, en amont de la décision ? Plus généralement, quels sont vos rapports avec les constructeurs ? Les marchés conclus par le STIF sont-ils faciles à suivre ? Avez-vous eu, sinon des conflits, du moins des difficultés dans ces relations ? Enfin, indépendamment de la capacité des industriels quant aux plans de charges, vous paraît-il financièrement possible d’accélérer la mise en service des nouvelles rames à deux étages sur la ligne A, pour aller au-delà de trois nouvelles unités par trimestre, voire de deux par mois ?

Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, M. Jean-Paul Huchon prête serment.

M. Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d’Île-de-France. Merci de m’accueillir dans le cadre de votre commission d’enquête. Je limiterai mon exposé initial au RER, mais répondrai volontiers à vos questions sur les contrats, les constructeurs et les matériels, ainsi que sur les observations de la Cour des comptes.

Le RER concentre l’essentiel des difficultés d’un réseau de transports qui, par ailleurs, fonctionne de façon plutôt satisfaisante, du moins de Paris jusqu’à la Petite couronne, si l’on excepte la ligne 13 du métro et l’épineuse question du prolongement de la ligne 14. Le RER étant le principal moyen de transport au sein des grandes zones d’activité, il intéresse directement le développement et l’attractivité de la région. À cet égard, il faut bien reconnaître que la dégradation du service concerne autant la Grande que la Petite couronne

La modernisation du RER fait désormais partie des urgences prioritaires du plan de mobilisation pour les transports que la région met en œuvre depuis 2008, et auquel l’État s’est associé dans le cadre du Grand Paris et surtout de la convention spécifique signée en septembre dernier. Rappelons que celle-ci est une exception justifiée par la situation particulièrement critique du réseau francilien : aucune autre région ne bénéficiera d’ailleurs d’un tel avenant au volet « Transports » de son contrat avec l’État.

Je m’exprimerai devant vous en tant que président du STIF, bien entendu, mais aussi de la région, puisque c’est d’elle que relèvent plus directement les investissements.

L’audit que le STIF diligenta dès 2006 – puisqu’il a fallu attendre cette date pour que la région prenne véritablement le contrôle de cet organisme, après d’âpres débats sur les compensations de l’État – avait fait apparaître le vieillissement des infrastructures supportant une pression démographique croissante et la grande obsolescence des équipements, qu’il s’agisse de la signalisation, de la puissance électrique, de l’information et des matériels roulants.

Suite à ce constat alarmant, l’État versa, dans le cadre de la décentralisation des transports, une compensation unique de 400 millions d’euros pour la rénovation du matériel roulant – alors que le STIF a prévu d’engager, pour le seul matériel ferroviaire, plus de 2 milliards d’euros par an entre 2007 et 2020. Enfin, depuis 2009 et la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, dite « ORTF », le STIF s’est vu transférer la propriété des matériels roulants sur l’ensemble du périmètre de la RATP, et ce sans aucune compensation financière.

Sans faire de procès à quiconque, force est de constater que l’État, qui était en charge de ces dossiers jusqu’en 2005, n’avait rien anticipé : il n’existait aucune étude, ni de moyen, ni de long terme, sur les besoins de modernisation du réseau, et le contrat de plan 2000-2006, que j’avais signé avec le Premier ministre, Dominique de Villepin, et le préfet, Bertrand Landrieu, était resté lettre morte. Ce constat, je veux y insister, est partagé par tous les élus qui siègent au conseil d’administration du STIF, quelle que soit leur origine géographique ou leur sensibilité politique.

De fait, le STIF s’est mobilisé dès 2006. La tâche est ingrate car elle est à long terme: les transports fonctionnent 365 jours par an, si bien qu’il faut, pour cette raison et afin de rendre les financements pleinement efficaces, procéder par étapes, comme on n’avait pas su le faire dans le passé.

Le sentiment des usagers ne diffère guère de celui des élus : mauvaise organisation, information défaillante – notamment lors des perturbations –, trains surchargés, en retard ou purement et simplement supprimés, conditions de transport à la limite de l’acceptable et dégradation croissante du réseau depuis une dizaine d’années. Les réalités sont néanmoins différentes selon les lignes. Pour les lignes A et B, la saturation est liée à l’accroissement du trafic et aux limites du système actuel. S’agissant des lignes C et D, elle tient essentiellement à la juxtaposition des trafics – RER, TER, fret et trains à grande vitesse – ainsi qu’à la longueur des lignes et à leur trop grande ramification ; c’est d’ailleurs ce qui nous a conduit à refuser, dans le cadre du Grand Paris, le prolongement de la ligne 14 jusqu’à Roissy. Quant à la ligne E, le prolongement vers l’ouest doit être mis en œuvre à l’issue du travail d’enquête et de concertation.

Au sein de l’agglomération centrale, les usagers sont surtout attachés à la fréquence des trains ; au-delà, ils souhaitent des trains rapides, directs ou semi-directs, entre Paris et la banlieue.

J’évoquerai à présent les difficultés d’exploitation. Les lignes A et B sont co-exploitées par la SNCF et la RATP, et leur trafic connaît une hausse continue depuis plusieurs années. Les intervalles entre les trains sont réduits, et le nombre de branches est élevé : deux à l’est et trois à l’ouest. Ces lignes accueillent plus d’1 million de voyageurs par jour, avec une pointe, récemment, à 1,2 million sur la ligne A. Une interconnexion SNCF-RATP est assurée à la station Nanterre-Université.

Les lignes B et D sont fortement affectées par la circulation des trains dans le tunnel reliant la station Châtelet à la Gare du Nord. L’interopérabilité de la ligne B, identifiée comme problématique, a été améliorée grâce à la suppression en novembre 2009, à l’initiative du STIF et en accord avec les entreprises, de la relève des conducteurs en Gare du Nord. Un poste de commandement central a été créé à la station Denfert-Rochereau. Enfin, le projet de RER B Nord + verra le jour avant la fin de l’année 2013.

Comme je l’ai indiqué, le réseau des lignes C et D est partagé avec d’autres trafics, qui en occupent 25%. La ligne C cumule l’insuffisance de ses capacités sur les tronçons centraux, où le moindre incident entraîne des perturbations en cascade, à une trop grande longueur.

La ligne E, qui est la plus récente, fonctionne mieux que les autres, et ses indicateurs de régularité sont satisfaisants.

Le STIF se mobilise, mais ces nombreux problèmes résultent de trente ans de sous-investissement, sous tous les Gouvernements ; au moins dix ans d’efforts soutenus seront nécessaires pour espérer les résoudre ; c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai signé, avec le ministre Maurice Leroy, l’accord sur le Grand Paris. Quant au plan de mobilisation mis en œuvre par le STIF et les collectivités, il porte sur quelque 18 milliards d’euros ; je l’avais présenté le 9 juillet 2008 à M. Jean-Louis Borloo, alors ministre, en présence des conseils généraux. Les besoins en financements suivent très exactement les recommandations du remarquable rapport de Gilles Carrez, rapporteur général du budget.

En signant l’accord sur le Grand Paris, la région et le Gouvernement ont pris des engagements réciproques ; d’où cette convention spéciale qui constitue, pour ce dernier, un geste tout à fait nouveau en faveur du financement des transports en Île-de-France. Pour autant, il faut s’interroger sur la « soutenabilité » des investissements à long terme puisque, aujourd’hui, l’essentiel des efforts du Gouvernement est concentré sur le réseau du Grand Paris. Deux ans après le lancement du plan de mobilisation, nous avons voulu rendre lisibles, pour l’usager, les perspectives à court, moyen et long terme : à l’horizon 2013-2014, modernisation du RER B Nord, rénovation des conditions d’exploitation des lignes C et D ainsi que du matériel roulant du RER B, dont les premières rames ont été inaugurées il y a environ un an ; d’ici à 2020, traitement des « points durs » des RER A, B Sud, C et D, et prolongement à l’ouest du RER E ; d’ici à 2025, « désaturation » des RER, avec la troisième paire de voies entre Paris et Juvisy-sur-Orge et le nouveau tunnel reliant Châtelet à la Gare du Nord. La programmation de ces travaux obéit à des schémas directeurs conçus par le STIF et adoptés à l’unanimité de son conseil d’administration. Les schémas directeurs des RER B Nord, C et D sont en cours d’exécution ; le STIF validera cette année ceux des RER A et B Sud. Un schéma directeur est aussi prévu pour la partie est du RER E, en complément du prolongement à l’ouest. D’ici à 2013, les travaux à réaliser sur le RER seront donc programmés, pour un investissement global d’environ 8 milliards d’euros, dont 5 milliards d’ici à 2020. La facture du prolongement du RER E à l’ouest s’élève, quant à elle, à environ 3,4 milliards.

Cette programmation est déjà une réalité, puisque la convention spécifique signée avec l’État permettra d’engager plus d’1,2 milliard d’euros supplémentaires dès 2013. Faut-il néanmoins rappeler que, conformément aux clés de répartition du contrat de projet, 70% de l’effort global restent à la charge de la région et des départements ? L’accent sera mis sur les matériels roulants, avec les nouveaux MI09 du RER A, les 71 nouvelles rames du RER 2N de nouvelle génération – qui circuleront sur le prolongement de la ligne E – et la rénovation du matériel existant. À l’horizon 2016, toutes les lignes du RER seront équipées de matériels renouvelés ou rénovés. J’ai en effet pris l’engagement qu’à cette date, aucun matériel n’aurait plus de vingt ans d’âge, alors que certains d’entre eux en ont aujourd’hui de trente à quarante-cinq.

Ces différents objectifs sont bien entendu spécifiés dans les clauses des nouveaux contrats que le STIF a signés avec la SNCF et la RATP. Nous irons plus loin aussi sur le suivi de l’offre, en mettant l’accent sur la régularité du trafic aux heures de pointe. Une vingtaine de critères relatifs à l’information des voyageurs – notamment en cas de perturbations –, sur le respect desquels nous serons particulièrement exigeants, ont été ajoutés aux contrats. Enfin, les programmes d’investissements feront désormais l’objet d’engagements contractuels : nous passerons à ce sujet un accord avec la RATP, lundi. Nous espérons en faire de même avec la SNCF dans les semaines à venir. Le but est que ces contrats puissent être validés par le conseil d’administration du STIF qui se réunira le 14 mars prochain.

Un effort considérable étant consenti par la région et les départements, l’État doit aussi prendre sa part en finançant, compte tenu de l’urgence, plus de 30% de la modernisation du réseau. L’idéal serait un financement à parité, comme ce fut le cas, par exemple, pour le plan « Espoir banlieues ».

De nouvelles ressources doivent être mobilisées, d’autant que certaines recettes fiscales affectées au plan de mobilisation s’avèrent plus faibles que prévu : je pense notamment à la redevance pour création de bureaux, dont le produit, avec la crise immobilière, est pratiquement nul, alors que la région en attendait 100 millions d’euros par an. La « TIPP Grenelle » rapportera, quant à elle, environ 70 millions par an ; mais nous comptons beaucoup sur l’augmentation des ressources du versement transport (VT), augmentation induite, non par un relèvement des taux, mais par l’effet mécanique d’un « rezonage ». J’attends bien entendu de l’État qu’il tienne ses engagements sur ce point.

Comme votre collègue Gilles Carrez l’avait signalé dans son rapport, d’autres ressources peuvent être nécessaires à terme, comme la taxe poids lourds. M. Christian Favier, président du conseil général du Val-de-Marne, souhaite même une ressource dédiée à la modernisation du RER. La région et les collectivités espèrent par ailleurs, qu’en accord avec le préfet de région, qu’une partie des ressources considérables de la Société du Grand Paris (SGP) soit avancée, dès 2013, en faveur du plan de mobilisation.

Enfin, les opérateurs doivent contribuer davantage sur leurs fonds propres. La RATP, avec laquelle, nous en avons parlé, a investi en quatre ans plus de 6 milliards d’euros dans la rénovation du matériel ; d’autre part, s’agissant de la ligne Paris-Pontoise du Francilien, le STIF et la SNCF se sont réciproquement engagés à hauteur d’1 milliard d’euros.

Chaque euro dépensé doit l’être à bon escient ; d’où l’absolue nécessité d’une ingénierie mieux intégrée entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), comme ce fut le cas pour Éole. Les nouveaux contrats devraient également permettre d’améliorer la gouvernance et la transparence des choix d’exploitation et d’investissement.

Quant au rapport de la Cour des comptes, il faut reconnaître qu’il nous avait irrités. Sans nous ingérer dans la gestion des entreprises, il est inconcevable que nous ne puissions disposer de certains éléments comptables et économiques. La dernière mouture du contrat dont je discuterai lundi avec M. Pierre Mongin, le président de la RATP, comporte des avancées importantes à cet égard.

Le STIF doit également être associé à l’affectation des sillons ferroviaires. Des sommes considérables sont dépensées pour améliorer la qualité du service, et l’on voit encore des trains de marchandise circuler aux heures de pointe sur le réseau express régional ! La Cour des comptes avait d’ailleurs dénoncé cette absurdité.

Afin d’éviter toute dépense inutile, nous nous sommes efforcés de contraindre les entreprises à améliorer la qualité du service, et ce à budget constant – ou « isobudget », pour reprendre le terme en vigueur au STIF. Nous n’avons pas eu de difficultés à en convaincre la RATP, un peu plus à en convaincre la SNCF mais les difficultés ne sont pas insurmontables. Il faut dire que la première génération de contrats, signés par le préfet Jean-Pierre Duport, permettait aux opérateurs de s’exonérer de certaines obligations de ponctualité, car la question était envisagée de façon globale, sur l’ensemble des lignes. Les contrats de deuxième génération, que j’ai signés avec Mme Anne-Marie Idrac et M. Pierre Mongin, contenaient des spécifications ligne par ligne. Les nouveaux contrats vont encore plus loin puisque le contrôle passe par des comités de ligne. Reste que le rapport entre les directions et les syndicats est un équilibre fragile ; aussi me suis-je toujours gardé d’interférer dans la gestion des entreprises concernées.

M. Pierre Morange, rapporteur. Vous paraît-il possible d’accélérer la production des rames MI09 ? Notre commission d’enquête, loin de tout esprit polémique, souhaite travailler avec pragmatisme, en hiérarchisant les priorités. À cet égard, la nécessité de rénover un réseau vieillissant fait consensus.

S’agissant de la ligne B, et plus encore de la ligne A, quel est votre sentiment sur la multiplicité des acteurs ? L’un des opérateurs n’utilisant la ligne A que de façon marginale, il a été suggéré d’en déléguer la gestion à la seule RATP. Vous avez donné à penser que le centre unique de commandement RATP-SNCF, dit « CUB », était opérationnel, mais il semble bien que les avis sont partagés, sur ce point , y compris chez les opérateurs eux-mêmes. Beaucoup resterait, en vérité, à faire en termes de standardisation des procédures et de communication.

Le rapport de la Cour des comptes, qui constitue l’une de nos bases de réflexion, insiste sur la nécessité de mieux évaluer les investissements par le moyen d’expertises indépendantes. Qu’en pensez-vous ?

Quelle ventilation envisagez-vous à partir du versement transport, qui était initialement dévolu à l’investissement, sachant que le jeu des vases communicants peut être préjudiciable aux usagers ?

L’attribution des sillons est effectuée par RFF, via une convention avec la SNCF. Or, comme vous l’avez souligné, de nombreux intervenants utilisent les lignes du RER. Notre commission d’enquête a récemment appris, en auditionnant M. Pierre Cardo, président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), qu’une déclaration officielle de saturation était requise pour s’exonérer de la règle de mise en concurrence et attribuer prioritairement certains sillons aux voyageurs. Qui doit effectuer cette déclaration ?

Le partage de la maîtrise d’ouvrage entre le STIF et la RATP, prévu par la loi « ORTF » du 8 décembre 2009, peut-il s’appliquer aux aménagements ou aux extensions de ligne ?

Vous souhaitez par ailleurs, conformément aux préconisations de la Cour des comptes, affiner les critères d’évaluation des conditions d’accueil dans les trains, qui apparaissent dégradées. Est-il possible d’associer les usagers à cette démarche, comme le souhaitent unanimement les membres de notre commission d’enquête ? Cela me semblerait légitime, dans la mesure où les usagers sont au centre du système.

Enfin, la Cour des comptes a estimé qu’il convenait de porter le taux des bonus-malus à 5% des recettes, contre, actuellement, 0,6% à la RATP et 0,9% à la SNCF. Quel est votre sentiment sur ce point ?

Dernière remarque : nous ne pouvons qu’applaudir à l’exigence que vous avez formulée s’agissant de la transparence des comptes, afin de s’assurer de la bonne utilisation des financements.

Compte tenu de nos contraintes horaires, nous nous permettrons de vous adresser d’autres questions, sous forme écrite.

M. Guy Malherbe. Le schéma directeur de la ligne C du RER est actuellement « gelé », car il ne satisfait pas les élus. Pour améliorer la desserte des Val-de-Marnais, il était en effet question de rallonger le temps de trajet de certains habitants de l’Essonne. Le comité de ligne ne s’est plus réuni depuis longtemps, et nous n’avons guère d’informations, même si je crois savoir que des échanges ont lieu avec les présidents des conseils généraux. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Aux termes du contrat État-région que vous avez signé avec Mme la ministre de l’Écologie, 300 millions, sur un total d’1 milliard d’euros, seraient consacrés à la ligne C. Lors d’un conseil d’administration au mois de décembre, le STIF a décidé de lancer plusieurs études relatives à la ligne C, notamment sur le nœud ferroviaire de Bretigny-sur-Orge, qui est au cœur des problèmes. Il y a urgence à réaliser ces travaux. Qu’en est-il ?

Mme Françoise Briand. Je vais vous poser une question précise Certaines catégories de population, à Viry-Châtillon par exemple, disposent d’une carte Azur qui leur permet de bénéficier de réductions, voire de la gratuité. Or, vous avez déclaré qu’à partir du 1er janvier 2012, cette carte serait illégale, ce dont les municipalités n’ont été informées que très tard. Que comptez-vous faire sur ce dossier ?

M. Patrice Calméjane. Le RER E, qui dessert ma circonscription, fonctionne plutôt bien, mais nous restons vigilants.

Vous avez évoqué les dysfonctionnements du RER. Quid de la présence de l’usager dans ce diagnostic ? Le Comité des partenaires du transport public (CPTP) dépend du STIF, mais son président nous en a dressé un tableau assez sombre : réunions peu fréquentes des comités de ligne et convocations qui arrivent trop tard, si bien que les membres du CPTP ne peuvent y assister.

L’une des solutions envisagées pour décongestionner le tronçon central du RER A est l’automatisation de la ligne 1 du métro, mais l’on a pu lire dans la presse, ce matin, que seules 16 des 49 rames automatiques, soit moins de 33%, fonctionnaient. Y a-t-il des objectifs fixés à la RATP, et éventuellement des pénalités ?

Par ailleurs, on parle depuis quelques mois de l’instauration de deux grandes zones tarifaires. Les usagers, qui, pour certains d’entre eux, ont des abonnements annuels, ont besoin de savoir à quoi s’en tenir. Le STIF a-t-il anticipé des pertes de recettes et une augmentation du nombre des usagers sur certaines lignes ?

D’autre part, a-t-on établi le rapport entre le coût de la lutte contre la fraude et le surcroît de recettes induit par une éventuelle augmentation des pénalités ?

Avez-vous une idée de l’évolution des recettes issues des amendes de stationnement, dont le STIF perçoit une partie, à Paris et dans la petite couronne, dans la mesure où la Société du Grand Paris (SGP) devrait à l’avenir en bénéficier aussi ?

Comment jugez-vous la mise en place du service minimum dans les transports ?

J’avais interrogé le président de la SNCF, M. Guillaume Pepy, sur l’interconnexion souterraine entre les stations Magenta et Gare de l’Est – puisque le passage s’effectue encore à ciel ouvert –, mais il ne m’a pas répondu. Ce chantier, prévu, dès 1998, n’apparaît pas dans les projets de modernisation du RER E. Avez-vous des informations ?

Mme Annick Lepetit. La majorité des questions qui vous ont été posées devraient plutôt l’être au Gouvernement, puisqu’elles concernent la RATP et la SNCF, toutes deux entreprises publiques d’État. Cependant, l’objectif de la nouvelle génération de contrats est de renforcer les exigences vis-à-vis de ces entreprises, compte tenu des sommes mises en jeu par le STIF, donc par les collectivités locales.

Beaucoup d’usagers nous apportent leur témoignage sur le fonctionnement des lignes A et surtout B du RER. Que pensez-vous, à cet égard, de l’idée de confier la gestion de ces deux lignes à un opérateur unique ? Le STIF peut-il négocier en ce sens avec la RATP et la SNCF, dans le cadre des contrats ? Je sais, pour siéger au conseil d’administration du STIF depuis 2008, que ce dernier est très attaché à l’information des voyageurs ; nous ne manquons d’ailleurs jamais de le rappeler aux présidents de la RATP et de la SNCF, d’autant que les comités de ligne, de création récente, ne sont peut-être pas assez influents pour obtenir toutes les informations sur ce sujet.

Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes évoque les coûts, dont les montants augmentent souvent entre le devis et la facture : celui des nouvelles rames du RER A, annoncé à 10 millions d’euros, s’est ainsi établi à 15 millions. Pour le prolongement d’Eole, les coûts initiaux, déjà considérables, ont été revus à la hausse avant même le début des travaux.

Quant à la ligne 13 du métro, la RATP n’a fait savoir qu’au bout de six ans, par un communiqué de presse, qu’elle attendait toujours, de la part de l’entreprise concernée, l’installation du nouveau matériel roulant. Alors que le comité de suivi de cette ligne se réunit souvent, à aucun moment la RATP ne nous avait fait part de ce problème. Quelle peut être l’influence du STIF pour endiguer de telles dérives, dans la mesure où, depuis la décentralisation, plus aucun élu local ne siège au conseil d’administration de la RATP et de la SNCF ? Si le suivi des commandes passées par ces deux entreprises nous échappe, la facture, elle, ne nous échappe pas !

M. Yanick Paternotte. Quelle est, en pourcentage, la part des investissements pour le RER dans le budget régional ?

Les rames construites par Bombardier sont destinées au Transilien et non au RER, mais en ce domaine, la répartition, souvent mutualisée, s’apparente à un jeu de go. Les premières rames Bombardier ont été inaugurées à Luzarches ; depuis, les incidents liés aux conditions météorologiques se multiplient, et les livraisons ont pris du retard. On n’entend plus parler, notamment, de nouvelles rames pour la ligne D. Les retards seront-il rattrapés, et si oui, sous quels délais ?

L’interconnexion, par le maillage radial qu’elle a permis, a fait la réussite du RER. Or, le Grand Paris est essentiellement structuré selon un axe nord-sud ; pour le reste, il s’agit essentiellement de rocades. Doit-on selon vous, d’ici à 2025, conserver les interconnexions actuelles ? Faut-il que ligne D du RER garde sa longueur de cent kilomètres ? Est-il absolument nécessaire de construire le tunnel sous le Châtelet, pour un coût qui risque de dépasser les 2 milliards annoncés ? Des réponses à ces questions dépendent la programmation des investissements et les schémas de transports. J’ajoute que, le cadencement étant fixé, on ne reviendra pas sur les sillons avant deux ans.

S’agissant de la desserte de Roissy, quelle est la vision stratégique ? Dans le cadre de Paris Métropole, M. Le Bouillonnec et moi avons lancé un groupe de travail sur la desserte aéroportuaire. La question est de savoir qui, de la SNCF ou de la RATP, assurera cette desserte sans rupture de charge – là est peut-être, d’ailleurs, l’explication de la rupture de charge de la ligne 14, même si la RATP trouve toujours le moyen de la justifier. Beaucoup d’acteurs ont le sentiment que la RATP veut abandonner le terrain à la SNCF. La desserte des trois grands aéroports franciliens, qui contribuent grandement à la puissance économique de la région, est-elle une priorité stratégique ? Fera-t-on traîner les arbitrages au profit des débats d’experts ?

À ce sujet, l’expertise indépendante vous semble-t-elle suffisante ? Les experts, intimement liés aux exploitants, ne sont pas responsables des devis qu’ils établissent, comme Mme Lepetit vient de le souligner. Quelles sont les capacités d’expertise internes du STIF et de la région ? N’y a-t-il pas des insuffisances à ce niveau ? Le tunnel du Châtelet, par exemple, nous est présenté comme « la » solution. Pour ma part je doute, non seulement du projet, mais aussi de son coût.

Le nord de l’Île-de-France touche au sud de la Picardie, que dessert la ligne D du RER. Le projet de liaison Roissy-Picardie, dont le financement doit être assuré par les deux régions, est une question brûlante. Les habitants de la Picardie auront-ils droit à la carte orange sur le RER D ? En contrepartie, les TER s’arrêteront-ils dans le Val-d’Oise ? Nous n’avons pas eu de réponse à ces questions. Les usagers attendent des solutions en termes de confort, de mutualisation et de rapidité des transports.

Dans la grande couronne, qui ne dispose pas de voies rapides comparables à la Francilienne, les programmes de voirie sont interrompus. Or, sans infrastructures autoroutières, le maillage du territoire est impossible. Même si de telles réalisations ne sont guère évidentes sur le plan politique, leur absence pénalise d’abord les populations les plus défavorisées, qui n’ont pas les moyens d’habiter dans les zones centrales.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le système actuel est organisé entre, d’un côté, l’État actionnaire des deux grandes entreprises de transport et, de l’autre, le STIF, la région et les départements. Lors du débat législatif sur le Grand Paris, on s’est interrogé sur la cohérence de cet ensemble. Ne peut-on envisager, à des fins de plus grande efficacité, sa refonte globale, d’autant que la question va se poser de savoir qui exploitera le réseau du Grand Paris ?

Les projets d’avenir ne répondent pas complètement aux attentes des usagers. La région et le STIF ont-ils les moyens d’accélérer les procédures, notamment en ce qui concerne le matériel roulant et l’amélioration des infrastructures, en attendant des travaux plus lourds ?

M. Gérard Gaudron. Qu’en est-il du « rezonage » du versement transport ?

Dans le cadre de ce que vous appelez l’« Isobudget », avez-vous, pour l’amélioration de la qualité du service, des marges de négociation avec la RATP et la SNCF ?

Enfin, les améliorations attendues sur le RER B Nord + vous semblent-elles à la hauteur des investissements ?

Mme Cécile Dumoulin. Quel est le montant actuel des pénalités de retard, dont M. le rapporteur a évoqué une probable augmentation ? Ce montant a-t-il déjà augmenté au cours des dernières années ?

Ne peut-on imaginer que ces recettes qui entrent dans les caisses du STIF, soient fléchées vers les investissements dans le matériel roulant et les infrastructures, causes de la plupart des perturbations ?

Enfin, le matériel roulant est financé par le STIF et la SNCF. L’efficacité ne gagnerait-elle pas à ce qu’il n’y ait qu’un opérateur ?

M. le président Daniel Goldberg. Les nouvelles rames MI09 à double niveau du RER A vous semblent-elles une solution à court terme ? S’est-on interrogé, pour apprécier la justesse de l’investissement, sur l’aménagement des gares et sur les possibilités d’accélération et de freinage de ces rames, c’est-à-dire sur leur capacité à transporter davantage de voyageurs ?

Quid du futur rôle des collectivités locales, notamment dans la gestion des infrastructures de transport ?

M. Jean-Paul Huchon. Le STIF est responsable de la bonne gestion du système, et il assume ce rôle par le biais de la contractualisation : il fixe des objectifs et en vérifie le respect. En fait, le problème de la multiplicité des opérateurs se pose à différents niveaux.

On peut se demander, par exemple, si les charges du président de la SNCF contre la cogestion du réseau avec RFF ne sont pas une façon d’exonérer son entreprise de certaines de ses responsabilités. La question de l’efficacité du management des entreprises publiques mérite à tout le moins d’être posée. Quoi qu’il en soit, une telle séparation entre la gestion des infrastructures et l’exploitation est unique en Europe : il m’étonnerait que ce système ne soit pas réformé d’ici à 2013.

S’agissant de la RATP et de la SNCF, nous les avons obligées à l’interopérabilité sur la ligne B, et des groupes de travail communs y réfléchissent pour la ligne A. Mais de là à envisager une fusion de ces deux entreprises, dont on connaît les relations conflictuelles, il y a un pas que je ne franchirai pas. Les grèves dans les transports sont plus souvent liées, désormais, à des violences ou à des incidents techniques qu’à des revendications sociales. Il faut être particulièrement vigilant à cet aspect car, à chaque mouvement de grève massif, la clientèle se détourne. En tout état de cause, je ne crois pas utile de forcer les deux entreprises à un rapprochement brutal. Mon opposant au conseil régional, M. Roger Karoutchi se plaignait régulièrement de ce que l’on ne parvenait pas à supprimer la relève à Gare du Nord. C’est désormais chose faite.

Reste que, sur tous ces sujets, il faut prendre le temps de la négociation. Les deux entreprises, dont je rappelle qu’elles sont nationales, ont des cultures très différentes, y compris pour les procédures de conduite des trains. Mieux vaudrait dédier des lignes à chacune d’entre elles ; leurs dirigeants, d’ailleurs, savent bien que l’on y viendra. Mais cette interopérabilité ne verra le jour qu’après de longues négociations. Il a fallu plus de trois ans, par exemple, pour que les équipes de la SNCF et de la RATP se mettent à travailler ensemble au poste de commandement centralisé de Denfert-Rochereau. Quant à l’automatisation de la ligne 1 du métro, elle n’a été possible qu’après dix ans de négociations. Bref, soyons réalistes.

Le Figaro, monsieur Calméjane, est plutôt coutumier, en la matière, du dénigrement systématique. J’ai interrogé le président de la RATP sur le problème que vous évoquez : en réalité, si quelques incidents sont à déplorer, les difficultés sont loin d’être aussi grandes que ne le laisse supposer cet article. L’automatisation est globalement une réussite, et nous envisageons de son extension à la ligne 4 ou à la ligne 6. L’automatisation, faut-il le rappeler, a été encouragée par le STIF mais intégralement financée par la RATP.

La desserte de Roissy est bien entendu essentielle. Je suis le seul élu, soit dit au passage, à proposer d’apporter la garantie de la région sur les emprunts souscrits pour le Charles-de-Gaulle Express, ce qui m’a valu bien des critiques, notamment de la majorité. Comment Paris pourrait-elle rester la seule capitale européenne à ne pas disposer d’une telle liaison ? Le projet du groupe Vinci n’a pas abouti car dans les conditions du partenariat public-privé (PPP) il était voué à l’échec. Dans la grande tradition des « lois scélérates », un amendement, voté à deux heures du matin, a écarté le STIF du contrôle de la desserte aéroportuaire. Comme je l’ai indiqué au ministre et au préfet, nous devons être réintégrés dans le processus de décision. Il semblerait, désormais, que le projet soit repris par un consortium RATP-SNCF, pour un coût avoisinant les 170 millions d’euros, contre 500 millions pour celui qui fut initialement envisagé avec un PPP. Quoi qu’il en soit, je suis favorable à une desserte dédiée car telle qu’elle existe actuellement, la ligne B du RER ne suffit pas ! De l’enquête publique qui lui a été consacrée, il ressort que les usagers souhaitent d’abord y voir apporter des améliorations. C’est l’objectif du projet RER B Nord +, et de celui du futur schéma directeur du RER B Sud. La Mairie de Paris a, de son côté, de puissantes raisons d’approuver ce projet de liaison aéroportuaire.

M. Paternotte m’a interrogé sur le RER D et les liaisons ferroviaires entre le Val-d’Oise et la Picardie. La région Île-de-France négocie avec la Picardie dans le cadre du C8, qui regroupe les huit régions d’un grand Bassin parisien étendu. Je ne trouverais pas anormal que les Picards bénéficient de ces liaisons vers Paris mais, en contrepartie, les Franciliens doivent évidemment pouvoir monter dans les trains !

Un schéma directeur avait été défini pour le RER C mais, à la veille des élections régionales, Mme Kosciusko-Morizet et un groupe d’élus – de gauche comme de droite, d’ailleurs – ont assailli le STIF pour en demander la suppression au motif qu’il privilégiait le Val-de-Marne au détriment de l’Essonne. J’ai donc décidé un moratoire sur ce schéma, dans l’attente de nouvelles études.

Cependant, face à l’urgence, chacun a pris conscience qu’il fallait engager des travaux, dont certains d’entre vous estiment le coût pharaonique. Leur achèvement est possible, à mon avis, à l’horizon de 2020 ou 2025 ; mais, en attendant, il convient d’améliorer les conditions d’exploitation de la ligne. Quoi qu’il en soit, le STIF doit arbitrer en fonction de l’intérêt général, ce qui est d’autant moins simple que les départements contribuent financièrement à son budget, à hauteur de 30 % pour la seule ville de Paris – et je puis vous assurer qu’Annick Lepetit ne revendique pas un retour financier équivalent à cette contribution, comme le faisait en son temps, Mme Thatcher avec son slogan : « I want my money back » ! (Sourires.) Une telle solidarité permet d’ailleurs des réalisations dont profitent les habitants de la banlieue, qui, comme l’a justement observé M. Bertrand Delanoë, représentent la moitié des usagers du tramway T3. Des crédits importants, y compris dans le cadre de la convention avec l’État, sont dédiés aux études sur le tunnel du Châtelet et le doublement des voies à Juvisy-sur-Orge ; quant au pôle de Brétigny-sur-Orge, pour lequel 370 millions d’euros ont été engagés, il devrait voir le jour d’ici à 2017.

Plusieurs d’entre vous m’ont aussi interrogé sur une éventuelle accélération de la livraison du matériel roulant. Le train commandé au constructeur était superbe, mais nous nous sommes rendu compte que l’extrême complexité de l’informatique embarquée générait des incidents. J’ai vigoureusement « tiré les oreilles », passez-moi l’expression, au président de l’entreprise Bombardier mais aussi à celui de la SNCF, et, comme me l’ont confirmé des élus régionaux qui ne sont pas de mon bord politique, le problème est désormais réglé. Je rappelle que, si le STIF a apporté la moitié du financement, la commande a été effectuée par la SNCF, qui est donc responsable des rapports avec son fournisseur. En tout état de cause, 40 rames ont été livrées à ce jour, contre 60 initialement prévues ; mais ce retard sera assez vite rattrapé, de sorte que l’ensemble des rames, soit 140, devraient être livrées d’ici à 2014. Ce matériel sera redéployé vers les lignes de l’est – Coulommiers et Provins –, puis à Saint-Lazare.

Quant aux rames à deux étages, monsieur le président, leur déploiement, qui s’effectue au rythme de deux à trois unités par mois, sera achevé en 2014. Le STIF a investi 650 millions d’euros dans ces équipements, avant de voir la facture passer de 10 à 15 millions d’euros la rame, soit de 1,3 à 1,8 milliard pour l’ensemble du projet. Nous avons unanimement refusé ce surcoût, si bien que la RATP a dû puiser dans ses fonds propres. Au total, le STIF n’aura donc financé que 37% du projet, alors qu’il contribuera désormais, pour les autres projets, à hauteur de 50%, et parfois même à 100%.

Ces rames à deux étages peuvent transporter chacune 2 200 voyageurs, contre environ 1 500 pour les autres. À chaque arrêt du train, le flux sera donc quelque peu ralenti, ce qui, théoriquement, devrait se répercuter sur la fréquence. Mais nous avons pu vérifier sur le terrain que les choses se passaient plutôt bien.

M. le rapporteur. Je me permets d’insister sur la double nécessité d’une information transparente et actualisée mensuellement. Tout a été dit sur le sujet ; il faut désormais passer aux actes.

J’ai aussi évoqué la déclaration de saturation, qui, dans l’attribution des sillons, permet de donner la priorité aux voyageurs. Qui doit remplir cette déclaration ?

M. Jean-Paul Huchon. À l’époque où je préparais le grand oral de l’ENA, on m’avait dit qu’il n’était pas préjudiciable d’avouer une ignorance ; je vous avoue donc la mienne sur votre dernière question. Mais je me renseignerai, bien entendu.

Je veux vous rassurer sur la tarification unique, laquelle ne doit évidemment pas conduire à pénaliser les capacités d’investissement de la région et du STIF. Nous avons conditionné cette réforme, qui devrait intervenir en 2013, à une évolution du versement transport, soit par un dézonage, soit, comme le recommandait Gilles Carrez, par une augmentation de 0,1%, laquelle devrait rapporter les 240 millions d’euros que nous attendions en 2013 au titre de la revoyure pour le Grand Paris. Nous avons évité deux écueils importants. Le premier eût été le gel de la nouvelle offre ; le second, une augmentation inconcevable du Pass Navigo pour les Parisiens et les habitants de la petite couronne.

Les entreprises critiquent cette initiative mais, pour certaines d’entre elles, la tarification unique fera baisser le coût de remboursement du Pass Navigo, si bien que leurs charges, au total, ne devraient pas augmenter. D’une façon plus générale, la Cour des comptes elle-même a souligné que les entreprises devraient contribuer à hauteur de 50% au financement des transports, dans la mesure où plus de la moitié des gens les utilisent pour se rendre au travail.

Selon la première estimation du cabinet d’étude diligenté par le STIF, le coût de la mesure serait compris entre 300 et 500 millions d’euros, mais je crois ce chiffre surévalué. Quoi qu’il en soit nous avons un peu de temps : en 2012, le STIF financera le dézonage, lequel interviendra soit les jours fériés, soit les week-ends. Cette première étape permettra, dès juin ou juillet prochain, d’habituer les Franciliens à circuler sur « un réseau dézoné ».

Nous répondrons volontiers par écrit aux autres questions.

M. le président Daniel Goldberg. Monsieur le président, je vous remercie.

——fpfp——

Audition de M. Roger Karoutchi, président de la Commission des Finances et de M. François Kalfon, président de la Commission des Transports du Conseil régional d’Île-de-France

(Séance du mercredi 25 janvier 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Messieurs les présidents, votre audition doit permettre à la commission d’enquête de recueillir vos points de vue sur les sujets qui l’intéressent plus particulièrement et de compléter, s’il en est besoin, l’intervention précédente.

Depuis la réforme de 2005, le Syndicat de transports d’Île-de-France (STIF) a l’entière responsabilité de l’organisation des transports publics en Île-de-France. Encore faut-il que l’État assume sa participation financière à la hauteur des besoins. À cet égard, quelles conclusions tirez-vous de la mise en œuvre du plan de mobilisation des transports défini par la région en juin 2008 ? De quelle part le RER a-t-il pu bénéficier dans ce cadre pour sa remise à niveau et sa « désaturation » ? Comment vous semble-t-il possible d’améliorer l’évaluation du coût des investissements dans les domaines des infrastructures et des matériels roulants ?

Sur un autre thème, pensez-vous que le STIF devrait augmenter le montant maximal des bonus et malus prévus dans les contrats et accroître la pondération des indicateurs liés à la qualité du service effectivement rendu au public ?

Les conditions de transport vont être améliorées, avec notamment la mise en place des nouvelles lignes à deux étages du type « MI 09 ». Cette solution vous semble-t-elle adaptée au problème de saturation de la ligne A du RER ?

Quels sont, par ailleurs, les projets en cours qui vous semblent prioritaires ?

Ne vous semble-t-il pas, enfin, que le STIF devrait procéder de façon plus systématique à l’évaluation des grands projets d’infrastructures, c'est-à-dire entre trois et cinq ans après leur mise en œuvre ?

Je vous rappelle, pour conclure cette introduction, que vous déposez dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire. Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je demande donc à chacun d’entre vous de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Roger Karoutchi et M. François Kalfon prêtent serment.

M. Roger Karoutchi, président de la commission des  Finances  du conseil régional d’Île-de-France. Les transports publics en Île-de-France représentent un problème constant et permanent.

Depuis que le STIF, longtemps sous la présidence du préfet de région, a été transféré à la région, en 2005, la situation est plus compliquée. Au début des années 2000, j'interpellais déjà la SNCF et la RATP sur leurs responsabilités, d'autant plus grandes que ces deux entreprises publiques et, il faut bien le dire, l’État s'étaient longtemps désintéressés de l'Île-de-France. Durant des années, l'argent des contribuables franciliens a été consacré au TGV ou à des services de recherche de la RATP chargés d’obtenir des contrats en Amérique latine ou encore en Asie, au détriment des investissements nécessaires pour les infrastructures – au point que l’amortissement même du matériel roulant de la SNCF était transféré sur la province, au profit des lignes TGV ou TER. L'Île-de-France a conservé les fameux « petits gris », des trains qui ont désormais quarante ans, et possède des infrastructures usées, qui, elles aussi, remontent à plus de trente ou quarante ans et n'ont été ni rénovées, ni modernisées, ni actualisées entre 1990 et 2004 – ce qui place la droite et la gauche à responsabilité égale. En 2004, le président de la SNCF déclarait lui-même lors d'une audition qu'il n'y avait pas eu d'investissement de la SNCF sur les infrastructures ferroviaires d'Île-de-France depuis dix ans.

L'effort n'est pas nul pour autant. J’ai du reste voté et fait voter le transfert de la compétence à la région, car il vaut mieux que le budget, le contrôle et les travaux soient assumés par des élus responsables.

Entre 1997 et 2005, rien n’a été fait sur le RER A : on s’est contenté d’enregistrer, d’année en année, la hausse de fréquentation – passée de 500 000 voyageurs par jour au début des années 1990 à 1 million, puis 1,1 million – sans modifier les infrastructures. Pis encore, on a commis l'erreur monumentale d'allonger les lignes indéfiniment sans pour autant prévoir de centres de retournement intermédiaires, qu’on aurait pourtant pu prévoir en souterrain à Paris sur certaines portions : sur toutes les lignes, un accident a pour effet de bloquer toute la ligne ! Or, on compte aujourd’hui près de 4 millions d’usagers chaque jour sur l’ensemble des lignes du RER.

En 2003, j'interpellais la RATP et la SNCF en montrant qu’il était irresponsable et coûteux de ne pas mettre en place une gestion unifiée du RER en Île-de-France. Il a fallu quatre ans pour faire comprendre qu’il était aberrant d’arrêter le RER à la gare du Nord pour procéder à un changement d’équipe entre la SNCF et la RATP. Les technostructures des deux entreprises ont du reste trouvé mille bonnes raisons pour se renvoyer mutuellement la responsabilité. Dans un centre de surveillance de la RATP que je visitais, on m’a répondu que la coordination avec le centre de surveillance de la SNCF se faisait en échangeant des coups de téléphone – c’était « farcesque » ! Voilà où l’on en était lorsque les incidents lourds survenus à La Défense ont fini par entraîner une réaction, faisant apparaître – miracle ! – l’utilité d’un centre de surveillance commun sur l'ensemble d’une ligne RER. Sur certaines lignes de la SNCF, il est impossible de faire circuler les rames les plus anciennes de la RATP, de sorte que l'interaction est impossible. De même, les lignes RER sont toutes saturées.

Depuis le transfert du STIF à la région, en 2005, certains schémas directeurs ont été adoptés – celui de la ligne A ne le sera cependant que dans les mois prochains – et des travaux sont prévus dans certaines gares, mais on est encore loin du compte. Il n’y a pas assez d’argent sur la table, mais y en aurait-il que l’on ne pourrait pas pour autant rattraper rapidement quinze ans de retard dans les investissements. En effet, les infrastructures sont usées et le matériel à bout de souffle : il faudrait tout remplacer d'un coup et, au-delà des questions financières, les entreprises partenaires ne sont pas en mesure de fournir le matériel à un rythme soutenu, tandis que la rénovation des infrastructures ne peut se faire que la nuit.

Des mesures sont prises et les travaux démarrent, mais l'argent manque et les projets sont le plus souvent sous-évalués. Ainsi, tous les travaux entamés depuis dix ans connaissent des surcoûts représentant de 20% à 40% du montant des programmes, du fait de la concurrence à laquelle se livrent la SNCF et la RATP pour obtenir les contrats de la région et qui les pousse à sous-évaluer leurs projets. Ce problème s'atténue cependant depuis que le STIF a pris l'initiative de procéder lui-même à certaines évaluations.

Je continue de penser que la coexistence en Île-de-France de deux entreprises de transport public est une erreur et je suis favorable, depuis des années, à la création par la RATP et la SNCF d’une entreprise unifiée de transports publics dans cette région. Alors que la rareté de l'argent public plaide pour l'unification, les deux entreprises se font aujourd'hui concurrence sur des lignes parallèles. À Nanterre-Préfecture, par exemple, on trouve de part et d'autre du même quai le RER et le train. De même, alors que le projet Métrophérique de la RATP – devenu depuis lors le projet du Grand Paris modifié – couvrait huit à dix kilomètres autour de Paris, il existait un projet de la SCNF couvrant un rayon de quinze kilomètres et les deux entreprises ont consacré parallèlement d’importants moyens aux études relatives à ces projets et à l’obtention de l’accord des pouvoirs publics ou du STIF. Si l'on veut unifier les matériels pour réduire les coûts, uniformiser la gestion et la sécurité et disposer de services plus opérationnels, pourquoi ne pas adopter une gestion unifiée des RER ? Le tronçonnage de lignes entre les deux entreprises n’a pas de sens. Il faut opter pour une répartition par lignes entières ou pour une gestion unifiée de l'ensemble du système du RER. La concurrence qui prévaut aujourd'hui est coûteuse. Il convient d’y mettre un terme.

Les élus – quelle que soit leur orientation politique – portent cependant une part de responsabilité dans cette situation, car tout maire d'une commune tant soit peu éloignée de Paris veut qu'elle soit desservie par le RER, ce qui pousse à prolonger les lignes à l’excès. Lorsqu’une ligne est longue de plus de 150 kilomètres et ne comporte pas de pôle de retournement, il est inévitable que le moindre accident ralentisse l'ensemble des trains. Le niveau d’irrégularité est anormal – il était de 5% voilà moins de dix ans et atteint aujourd’hui au moins 20% selon les chiffres officiels de la SNCF et de la RATP, voire 50% selon le « ressenti » des usagers.

Par ailleurs, comment la saturation du réseau diminuerait-elle, dès lors que les logements sont à l’Est et les activités à l’Ouest ? L’élu des Hauts-de-Seine que je suis ne voit certes aucun mal à ce que le pôle de La Défense continue de se développer – car ce n’est pas en tuant les moteurs qu’on créera de l’activité, mais en créant d’autres moteurs. Ce développement va cependant continuer à attirer des actifs de l'Est, accentuant la saturation. L’automatisation de la ligne 1 et la prolongation d’Éole jusqu'à La Défense afin d'alléger la charge du RER A sont peut-être des solutions. Toutefois, ce dernier projet ne verra le jour qu’à l’horizon 2020. Le dédoublement de la ligne 1 a été envisagé, mais le coût en serait colossal. Quant au tunnel entre Châtelet-Les-Halles et Gare du Nord, le Syndicat des transports parisiens (STP) – devenu depuis le STIF –, que j’ai interpellé à ce sujet voilà des années, m’a répondu qu’il était impossible. Il a fallu qu’un chef de ligne du RER me révèle qu’on m’avait menti et que le projet, bien que coûteux, était réalisable, pour qu’on en arrive à lancer des études. Si l’on veut plus de régularité sur les lignes B et D, il faudra bien dédoubler ce goulot d’étranglement.

La collectivité régionale, le STIF et les entreprises consacrent aujourd’hui plus d’argent à l’Île-de-France qu’elle n’en a reçu entre 1990 et 2005. Le processus sera cependant très long. Pour le seul RER A, une première tranche est prévue jusqu’à 2014 et une deuxième jusqu’à 2017, et il faudra au moins dix à douze ans pour disposer de matériels modernes et performants sur les autres lignes. Aura-t-on les moyens de poursuivre régulièrement l’investissement sur une telle durée ?

Le plan d’urgence – que j’ai voté – est cher et ce ne sont certainement pas les ressources dont dispose aujourd’hui la région qui permettent de le financer. Les 250 millions d’euros par an que pourrait dégager, au maximum, l’augmentation du versement transport (VT) serait loin de couvrir les 500 à 600 millions d’euros supplémentaires qui seraient nécessaires chaque année pour maintenir le système. Il est certes légitime, compte tenu de l’insatisfaction des usagers, de vouloir moderniser l'existant, mais on ne prévoit pas suffisamment la suite. Face à l’accroissement des déplacements et à la politique de Paris et de la région visant à dissuader le recours à la voiture, la « double boucle » prévue au titre du Grand Paris ne suffit pas. Il faut consacrer beaucoup plus de moyens aux transports publics.

J'ai déjà proposé, à plusieurs reprises, que la région se concentre sur ses activités essentielles, notamment sur les transports publics – ce qui supposerait qu'elle abandonne certaines de ses autres politiques, économisant ainsi 200 ou 300 millions d’euros. Une politique globale d'aménagement du territoire est nécessaire, englobant les routes et les voies ferrées et définissant la répartition du financement entre les entreprises, les collectivités et l'État. Actuellement, les tables rondes ne sont ni cohérentes, ni suffisantes : on limite le désastre, mais on ne l’empêchera pas. Faute de mettre en place d'ici trois ou quatre ans une entreprise unifiée et une politique conventionnelle avec l'État beaucoup plus lourde et plus responsabilisée, les mêmes problèmes se poseront à nouveau.

Je le répète, je suis très inquiet face à l'état des transports publics. Nous avons pris quinze ans de retard. Nous sommes incapables de rattraper ce retard d'un coup ! Les usagers sont exaspérés. Ils ne comprendront pas que, tout en montrant qu'on a pris en considération leur exaspération, on n'ait pas de solution plus rapide.

M. François Kalfon, président de la commission des Transports  du conseil régional d’Île-de-France. Je pourrais souscrire à bon nombre des propos tenus par M. Karoutchi. Je tiens en outre à remercier la Représentation nationale d’avoir mis en place cette commission d’enquête car, pour changer la donne des transports publics en Île-de-France, il faut intégrer les citoyens dans la concertation, et non pas seulement « les professionnels de la concertation » qui participent d’ailleurs aux comités de ligne. Cela s’inscrit dans le cadre d’une réelle démocratie participative.

Il faut également intégrer les élus locaux et régionaux dans ce qui s’apparente à un véritable combat contre une technostructure qui dispose des meilleurs ingénieurs au monde dans les domaine des transports et a construit des digues de compétence pour éviter de s’adresser à la représentation démocratique. C’est là une réalité que, jeune président de la commission en charge des transports, j’ai vécue à tous les niveaux et avec toutes les entreprises. Les ingénieurs des Ponts issus des mêmes promotions ont une capacité fantastique « à promener les élus » qui les interrogent. Le dossier du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord a, en la matière, été mon « bizutage » : les mêmes personnes m’ont expliqué au début de mon mandat que ce projet n’était ni réalisable, ni même intéressant, car il coûterait plusieurs milliards d’euros, et que le problème pouvait être résolu par un nouveau système d’exploitation, puis l’ont inscrit, sous la pression démocratique, parmi les projets à considérer indispensables et devant faire l’objet d’études.

Il faut donc, pour faire avancer le chantier des transports publics, maintenir une pression démocratique constante, et cela d’autant plus que, compte tenu des investissements nécessaires, la sécurisation des financements est un sujet en soi. Le financement du plan de mobilisation des transports représente environ 18 milliards d’euros avant les dépassements de budget évoqués par M. Karoutchi et le financement du réseau du Grand Paris Express est quant à lui de l’ordre de 22 ou 23 milliards d’euros. Voilà, à horizon de quinze ou vingt ans, des ordres de grandeur dont il vous faut tenir compte en votant le budget de la Nation. Il faut également prévoir des réserves de précaution – sans parler du désendettement massif auquel devra procéder le prochain président de la République, quel qu’il soit.

Un paradoxe de la lutte entre la RATP et la SNCF est la « complexification à outrance » de la gouvernance et de l'exploitation des transports en Île-de-France. De fait, la Société du Grand Paris (SGP) ajoute un échelon de gouvernance supplémentaire à un système dont la complexité n'a déjà pas d'équivalent dans les autres régions. La répartition des maîtrises d’ouvrage entre le STIF, la SGP et le réseau du Grand Paris Express tourne souvent « à la discussion de marchands de tapis » et le  monstre technocratique  que nous voyons sortir de terre est impressionnant !

La capacité à débiter les travaux pose également problème. La France a anticipé la séparation demandée par une directive européenne entre la gestion de l’infrastructure ferroviaire et son exploitation. Elle a créé avec Réseau ferré de France (RFF) une sorte de consortium de la dette. De fait, RFF s’apparente plus à une banque d’investissement qu’à une entreprise, comme je le croyais naïvement, car elle facture des travaux aux cheminots de la SNCF, tandis que les ingénieurs restés à la SNCF reprochent à RFF ses retards et son incapacité à débiter les travaux. À la suite de la mise en place des schémas directeurs et de la convention « Transports » entre l’État et la région la commission des transports du conseil régional, suivie par le préfet de région et le président de région, s’est portée, à l’unanimité, candidate pour suivre concrètement l’avancement des travaux, faisant en cela peut être doublon avec le STIF, mais le rapport entre ce que nous pouvons dépenser en une année et les travaux que la SNCF et RFF peuvent réaliser est de 1 à 5.

Si bénéfique soit-elle, la pression politique n’est cependant saine que jusqu’à un certain point et il faut se garder des foucades. Élu de Noisiel, je ne peux que me réjouir de la mise en service de la rame à deux étages MI09, qui permet une montée et une descente rapides, mais on ne peut augmenter à l’infini le nombre de trains circulant sur la ligne et la mise en place du MI09, décidée très vite par le président de la République, a remis en cause un matériel existant sur la ligne A du RER, utilisable encore pendant quinze ans et dont on ne sait plus quoi faire. Quant au Francilien, que sa mise en place accélérée n’a pas laissé le temps de « déverminer », le matériel a dû être retiré et ce dysfonctionnement est à imputer, cette fois, aux élus.

Autre dysfonctionnement : la SNCF et la RATP se livrent une véritable guerre sur fond d'ingénierie et de développement international et nous sommes soumis de la part des deux entreprises à un lobbying intensif opposant le futur système d'exploitation de la SNCF – NExT – et le système d’exploitation actuel de la RATP, dont une version « 2.0 » sortira prochainement. Cette guerre pourrait coûter plusieurs milliards d’euros.

On constate dans les deux entreprises, et plus particulièrement à la RATP, une absence de séparation comptable des contrats conclus avec la puissance publique qui permet, par un jeu de substitution, de remporter des marchés à l’international. Il y a une réelle hypocrisie dans cette fusion des ingénieries et les entreprises savent jouer du dialogue social dans les entreprises pour refuser, notamment sur les lignes TZen, l’ouverture aux appels d’offre, en faisant monter au créneau les administrateurs de l’entreprise représentant les salariés tout en demandant par ailleurs de se soustraire à ces règles pour ce qui concerne l’exécution des contrats et la transparence des règles comptables liant l'opérateur à l'organisateur de transport.

En matière de bonus et de malus, les discussions entre le STIF et la RATP sont « surréalistes » ! Lorsqu’on met la pression sur les contrats, l’entreprise concernée annonce d’emblée qu’elle en internalisera les coûts par avance. Il est donc assurément souhaitable, monsieur le président Daniel Goldberg, de faire peser une plus grande pression démocratique pour l’exécution des contrats, mais les moyens technocratiques de s’y soustraire sont innombrables.

Sur le terrain, notamment dans les services de maintenance de la RATP en Seine-Saint-Denis, on m’a cependant expliqué le caractère vertueux des contrats pour la maintenance de divers éléments, comme les ascenseurs. Il importe donc de trouver un juste chemin entre des contrats, qui sont souvent un marché de dupes, et l’intégration d’une culture de la performance réellement ressentie comme une pression saine de la part de certains opérateurs.

M. Roger Karoutchi. Nous ne sommes pas en guerre avec la RATP et la SNCF, mais le fonctionnement des transports publics en Île-de-France, qui était encore normal voilà une vingtaine d’années, ne l’est plus du tout et il se pose un vrai problème de gestion.

Quant aux bonus et malus, puisqu’il s’agit ici d’entreprises publiques, ils sont payés au bout du compte par l’usager ou par les collectivités sous forme de subventions d’équilibre. Qu’on augmente les malus ou bien qu’on les réduise, c’est vous qui paierez !

M. Pierre Morange, rapporteur. Merci Messieurs pour ce langage de vérité. Il importe effectivement de mettre les usagers au centre du système, dans un cadre démocratique, car ils sont le meilleur aiguillon pour la rationalisation des moyens.

Dans la perspective d’un transporteur unique pour l’Île-de-France, suggérée par M. Karoutchi, et compte tenu du fait que les lignes C, D, E du RER sont exploitées par la seule SNCF, l’attribution des lignes A et B vous semblerait-il être une première étape raisonnable ?

Par ailleurs, le STIF possède-t-il les capacités nécessaires pour procéder aux évaluations et au suivi ou faut-il, comme l’envisage la Cour des comptes, faire appel à une expertise extérieure, éventuellement étrangère ?

Enfin, quelles réflexions vous inspire le fait, également souligné par la Cour des comptes, que la participation financière versée par les usagers franciliens soit inférieure à la moyenne européenne ?

M. Yanick Paternotte. Je souscris à l’idée d’une unicité de gestion des lignes A et B.

Monsieur Kalfon, à l’horizon 2000-2025, le Grand Paris sera réalisé et nous disposerons de rocades. L’interconnexion connaît aujourd’hui des limites. Au lieu d’un tunnel, ne pourrait-on pas revenir à des solutions « robustes » qui économiseraient des coûts de l’ordre de 2 à 4 milliards d’euros.

Il manque, par ailleurs, une expertise technique et financière indépendante, portant aussi bien sur l’ingénierie et sur les contrôles financiers des coûts et de l’exécution.

Quelle est, en outre, la part consacrée au RER dans l’investissement de la région ?

Quant aux relations interrégionales, il est étonnant que la région cofinance sans contrepartie les études et les travaux de la liaison entre la Picardie et Roissy, alors que nombre d’habitants de la Picardie sont des Franciliens exilés par la difficulté de se loger. L’arrêt de TER dans la Grande couronne serait une compensation appropriée des cofinancements.

M. Patrice Calméjane. Que pensez-vous du projet de modification ou de disparition du zonage de la carte Navigo ? Dans ma commune, située sur les zones 3 et 4, la facture de transport des usagers peut sensiblement varier, selon la gare qu’ils utilisent.

Il semble du reste que la Cour des comptes elle-même, dont certains de ses membres siègent ou ont pourtant siégé dans les conseils d’administration de la RATP et de la SNCF, ait des difficultés à avoir accès aux contrats. La gouvernance de ces entreprises est assez atypique dans un pays démocratique.

Par ailleurs, la lutte contre la fraude ne serait-elle pas une manière de faire rentrer de l’argent permettant la modernisation des transports ?

Enfin, vous avez évoqué le fait que les retournements n’aient pas été prévus. De fait, il s’en est fallu de peu que ce soit le cas sur la ligne T4 entre Bondy Aulnay et les élus ont obtenu avec difficulté l’installation d’une « baïonnette » à Livry Gargan.

M. François Pupponi. Combien de temps faut-il pour réaliser le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord et quel en sera le coût ?

M. François Kalfon. La robustesse du système de transports dépend aussi des choix d’aménagement qui sont faits. Le fonctionnement est encore nucléaire, organisé autour du noyau de la capitale, et j’espère que le fonctionnement en rocade permettra une désaturation. Les aménageurs privilégient la ville dense au détriment de la Grande couronne et, dans les schémas d’aménagement, ne pensent pas de façon robuste les relations de pôle à pôle. Le réseau du Grand Paris Express ne répond que partiellement à cette préoccupation. Si la Cité Descartes, qui est le pôle des aménageurs et qui comporte l’École des Ponts, n’a pas été oubliée, les liens entre Sénart, Orly, Marne-la-Vallée et Roissy n’intéressent pas les aménageurs. Une ligne de contournement TGV, qui existe déjà, ne coûterait rien, mais il m’a fallu déployer de grands efforts pour obtenir que l’on procède à des études pour utiliser l’existant.

La Grande couronne est le parent pauvre de l’Île-de-France. Sans entrer dans un débat relatif à la suppression des zones de tarification, il me semble que la modernité est du côté des unités de transport : face à la vision très nucléaire qu’expriment les zones, il conviendrait que le paiement se fasse au temps de déplacement. Le « dézonage » procède d’une vision dans laquelle les déplacements se font entre la banlieue et le cœur d’agglomération, et non d’une vision moderne des bassins de vie – Marne-la-Vallée et Roissy sont ainsi, La Défense mise à part, les deux principaux pôles d’activité d’Île-de-France.

En matière d’évaluation des politiques publiques de transport, l’endogamie me paraît malsaine. Cependant, bien que la Cour des comptes suggère le recours à de grands cabinets d’audit, je tiens, pour avoir été naguère chef de bureau dans l’administration centrale, à mettre en garde contre l’évaluation « lolfienne » permanente, qui a enrichi certains de ces cabinets sans assurer pour autant des gains d’efficience. La manière dont les crédits du Fonds social européen (FSE) sont dépensés me semble un assez bon exemple en la matière !

Pour ce qui est du financement, les Franciliens ne paient pas encore le transport au prix qui conviendrait. Compte tenu de la qualité de transport, on paie trop cher en Grande couronne et sans doute pas assez en cœur d’agglomération. La solution est une plus grande relation entre le prix payé et le type de déplacement : il faudrait adopter l’« unité transport », qui suppose de pouvoir enregistrer le transport à l’entrée et à la sortie. Un tel système est faisable et une grande collectivité locale du sud de la France propose déjà de le mettre en œuvre au moyen des smartphones.

Les coupures de ligne semblent être une solution évidente – je pense notamment à la ligne D du RER, dont le développement en Essonne et Seine-et-Marne multiplie les risques d’exploitation.

La coopération interrégionale renvoie aux questions de gouvernance de la SNCF, de la RATP et du STIF. L’organisation du transport entre Melun et une ville du Loiret ou de l’Yonne distante de 45 kilomètres ou la dynamique des « turbo-cadres » – Tours, Reims ou Le Mans sont moins loin de Paris par TGV que Melun par le RER D – ne sont pas traitées, car elles relèvent de personnes différentes au sein de la SNCF. Il s’agit pourtant d’un problème central. Je n’imagine pas que le STIF puisse prendre en charge prochainement la tarification des TGV pour les trajets de moins d’une heure, mais on peut rêver.

Pour ce qui concerne les contrats, même s’il est possible d’y avoir accès, la complexité technique de leur contenu fait que nous ne sommes pas outillés pour véritablement peser dans la négociation. Cela a cependant été parfois possible dans le cadre du STIF.

Pour conclure sur une note positive : il a fallu vingt ans pour faire admettre ce principe, mais la nouvelle ligne du RER E, l’extension d’Éole à l’Est, recourt désormais à la rupture de charge.

M. Roger Karoutchi. Je reste sceptique quant à l’opportunité d’une répartition des lignes du RER entre opérateurs. Une gestion unifiée me semble préférable. A cet égard, un accord me semble à tout le moins un préalable nécessaire. La RATP ferait mieux de se concentrer sur Paris et la proche banlieue, de sorte que la gestion unifiée du RER gagnerait peut-être à dépendre plutôt de la SNCF.

À ce propos, nous avons eu durant des années de grandes difficultés à obtenir de la SNCF le budget propre à l’Île-de-France, que l’entreprise a longtemps refusé de distinguer de son budget global. Si, dans le dossier qu’il nous a transmis, le président de la SNCF interprète comme un signe positif le fait que la totalité de l’amortissement en Île-de-France et des paiements à RFF restent désormais dans la région, cela signifie que, jusqu’à présent, l’argent allait ailleurs !

Pour ce qui est de la contribution des usagers, tout débat à l’Assemblée nationale ou au Sénat sur le versement transport (VT) donnera lieu à une lutte avec les provinciaux, qui ne voudront pas payer pour les transports des Franciliens. En réalité, la province ne paierait rien, car l’augmentation du versement transport serait financée par les entreprises franciliennes.

Au demeurant, l’Île-de-France ne saurait être comparée avec les autres régions. Les Franciliens paient déjà assez en fatigue, en usure et au travers d’un éloignement lié à l’impossibilité de se loger au cœur de l’agglomération : on ne peut séparer le transport des autres aspects de la vie quotidienne, comme le logement. Compte tenu en outre de la qualité du service, des trains et des réseaux, la vie quotidienne en Île-de-France ne se compare pas avec la vie en province. Dans ces conditions, il serait « cocasse » de devoir payer davantage. Je suis hostile à toute gratuité des transports, mais la réflexion dans ce domaine doit s’inscrire dans un raisonnement global.

Les missions d’expertise et les services d’analyse du STIF, bien que renforcés, restent faibles. Ils n’atteignent sans doute pas le dixième de ce dont disposent la RATP et la SNCF en la matière, de telle sorte que nous restons très dépendants des services d’analyse et de contrôle des deux entreprises. Quant à recourir à un système externe, il conviendrait d’abord d’en étudier soigneusement le coût.

Le STIF a un budget de 7 milliards d’euros et reçoit environ 600 millions d’euros de contributions de la région, indépendamment de celles de l’État. Bien que je fasse partie de ceux qui préconisent de supprimer certains financements de la région pour lui permettre de consacrer davantage aux transports publics, les sommes qu’elle consacre à ce poste sont déjà conséquentes.

La liaison avec les régions proches est depuis toujours un scandale permanent. La SNCF nous fait payer la desserte des villes périphériques à l’Île-de-France, les régions voisines refusant de payer au motif que l’essentiel de la ligne se situe en Île-de-France et que, somme toute, c’est cette dernière qui bénéficie du travail de leurs actifs.

Ayant été promoteur jadis de la Carte Orange à tarif unique, je reste partisan d’une réforme du Pass Navigo qui simplifierait le système inadapté des zones. Cependant, je ne souscris pas au vote par lequel la région prévoit la mise en place, au 1er janvier 2013, d’une contribution qu’elle ne peut pas financer et pour laquelle elle sollicite du Parlement l’augmentation du versement transport. Le dispositif envisagé est, je le répète, une solution à terme, mais le financement doit être bien étudié.

Le problème de l’accès aux contrats a déjà été évoqué. Quant aux fraudes, elles représentent, selon les analyses, entre 2% et 5% du total. Le renforcement de la lutte contre la fraude est l’un des objectifs de la RATP et de la SNCF, mais je ne suis pas certain qu’elle soit encore très efficace.

La question du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord est liée au fait que, comme je l’ai déjà souligné, il n’a pas été prévu de zones de retournement pour les trains dans Paris et qu’il serait aujourd’hui aussi coûteux d’en créer que de dédoubler le tunnel existant : il faut donc faire ce tunnel, qui permettra au moins de fluidifier les lignes B et D du RER.

M. le président Daniel Goldberg. Messieurs les présidents, je vous remercie de vos analyses concrètes et directes

M. le rapporteur. Je rappelle qu’une commission d’enquête dispose de pouvoirs spécifiques, notamment de contrôle sur pièces et sur place. Je pourrais donc, le cas échéant, être en mesure d’obtenir, en ma qualité de rapporteur, des documents budgétaires que la région aurait demandés sans succès.

——fpfp——

Audition de MM. Michel Teulet, président de l’Association des maires d’Île-de-France (AMIF), Emmanuel Lamy, maire de Saint-Germain-en-Laye, Patrice Pattée, maire adjoint de Sceaux, Dominique Lefebvre, président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, maire de Cergy, et Michel Bisson, vice-président du SAN de Sénart, maire de Lieusaint

(Séance du mercredi 25 janvier 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Nous avons le plaisir de recevoir M. Michel Teulet, président de l'Association des maires d'Île-de-France (AMIF), maire de Gagny et conseiller général de Seine-Saint-Denis, accompagné de M. Stéphane Beaudet, vice-président de l’AMIF et de sa commission « Transports et Déplacements », maire de Courcouronnes, ainsi que MM. Emmanuel Lamy, maire de Saint-Germain-en-Laye, Patrice Pattée, maire adjoint de Sceaux, Dominique Lefebvre, président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, maire de Cergy, et Michel Bisson, vice-président du SAN de Sénart et maire de Lieusaint.

L'AMIF a pris le relais de l'Union des maires de l'agglomération parisienne (UMAP) en 1990. Aujourd'hui, elle rassemble plus de 80% des communes de la Petite et de la Grande couronne.

Nous venons d'auditionner MM. Huchon, Karoutchi et Kalfon, qui nous ont donné le point de vue de la région sur l'action du STIF. Nous recevrons demain la directrice générale du STIF, ainsi que le président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP), à propos de la qualité du service offert aux usagers du RER par la RATP et la SNCF, dont nous avons auditionné les présidents la semaine dernière.

À en croire MM. Mongin et Pepy, si tout ne va pas mieux dans le meilleur des mondes, certains dysfonctionnements, notamment en matière de gouvernance, seraient en passe d'être résolus. Il me semble que les membres de la commission d'enquête partagent certains doutes à cet égard. C’est pourquoi, afin d’y voir clair, nous avons souhaité auditionner, outre le président de l’AMIF, des maires ou maires adjoints qui sont directement et plus particulièrement impliqués dans ces questions de transport régional.

Même si plusieurs des membres de la commission d'enquête sont également des maires adhérents de l'AMIF, je vous serais reconnaissant, monsieur le président, de bien vouloir nous présenter rapidement le rôle de cette structure en matière de politique de transport.

L'AMIF a rendu en décembre 2010, sur les projets de réseau de transport public du Grand Paris, un avis dans lequel elle semble craindre un épuisement des capacités d'investissement, lequel serait préjudiciable à la réalisation des objectifs fixés.

Nombre d’élus franciliens ont demandé qu'une importance particulière soit accordée à la modernisation des infrastructures existantes, donc au réseau du RER. Ils sont nombreux, en effet, à redouter que les solutions proposées n’améliorent pas la vie quotidienne des usagers du RER au cours des dix prochaines années.

Enfin, force est de constater que la saturation des lignes de RER est en partie liée au déséquilibre géographique entre les zones d'habitation et les bassins d'emploi. À votre avis, quel rôle les collectivités territoriales peuvent-elles jouer en faveur de politiques d'aménagement du territoire concertées qui favoriseraient une répartition plus équitable des emplois et des logements entre les départements ?

Puisque nous sommes ici dans le cadre d’une commission d’enquête, je vous demande, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

MM. Michel Teulet, Stéphane Beaudet, Emmanuel Lamy, Patrice Pattée, Dominique Lefebvre et Michel Bisson prêtent successivement serment.

M. Michel Teulet, président de l’Association des maires d’Île-de-France (AMIF). L’AMIF est, non pas un organisme opérationnel, mais une association, qui rassemble la très grande majorité des maires d’Île-de-France, de grandes villes comme de petites communes. Quels que soient nos engagements politiques et nos implantations géographiques, nous essayons de réfléchir ensemble sur les projets de toutes dimensions qui touchent à la vie quotidienne des Franciliens.

Aujourd’hui, le transport est au cœur des préoccupations des maires. Au sein de l’AMIF, nous vivons au quotidien le projet du Grand Paris, dont l’épine dorsale est le réseau de métro automatique. Vous avez eu raison de souligner, monsieur le président, que, lorsque l’AMIF a été appelée à émettre un avis, elle n’a pas manqué de souhaiter que l’avenir ne soit pas sacrifié au présent, ni le présent à l’avenir. Nous avons demandé que le financement du réseau Grand Paris Express ne soit pas assuré au détriment du plan de mobilisation, autrement dit d’une réelle prise en compte des besoins des Franciliens.

La vision de l’AMIF n’est pas ponctuelle. Bien sûr, chacun des membres de notre commission des transports se préoccupe plus particulièrement de sa ville. Il reste que l’AMIF est une sorte de « caisse de résonance » pour l’ensemble des souhaits, des demandes et des réclamations.

Aujourd’hui, alors que la technologie a progressé, le temps de transport s’est allongé ! Les Franciliens installés depuis longtemps au même endroit voient effectivement le temps passé dans les transports s’allonger, qu’ils prennent la route ou les transports collectifs. Il n’est pas rare que le trajet pour se rendre à leur travail augmente d’un tiers le temps qu’ils consacrent à celui-ci. Dans ces conditions, la semaine de travail passe de 35 à 50 heures. C’est beaucoup trop !

Pour améliorer cette situation dans l’immédiat, un recensement exhaustif des dysfonctionnements s’impose. Quels que soient les efforts de la SNCF et de la RATP, il en existe bel et bien. Nous sommes encore loin du compte pour que les Franciliens voyagent dans des conditions satisfaisantes.

Pour autant, les améliorations au quotidien ne doivent pas s’effectuer sans lien avec le projet du Grand Paris. Pour éviter le renouvellement des erreurs passées, il nous faut développer une réflexion sur l’articulation du réseau de RER avec la nouvelle « double boucle » du Grand Paris, avec Arc Express et avec les nouveaux moyens de transport, sur la base de la situation telle qu’elle sera dans quinze ans.

Il faut aussi être attentif à la liaison entre les lieux du travail et de l’habitation. Si le nouveau réseau est de nature à la faciliter, il ne faut pas qu’il aboutisse à créer, d’une part, des plateformes de travail et, de l’autre, des plateformes d’habitation ; les moyens de transport ne servant alors qu’à relier les unes aux autres. Le but doit être, grâce aux moyens de transport actuels et futurs, de fabriquer des lieux de vie, autrement dit à la fois d’habitation, de commerce, de travail et de loisirs. Cet objectif du Grand Paris est encore à construire.

Au-delà des difficultés ligne par ligne, nous constatons des dysfonctionnements globaux. Ignorant qu’il n’a pas de compétence directe en matière de transport, nos administrés viennent se plaindre auprès de leur maire, qui peut donc avoir une bonne idée des récriminations et des attentes. Celles-ci portent sur la vétusté des équipements, notamment des voitures, mais aussi des moyens techniques, qui ne permettent pas d’organiser un cadencement satisfaisant donc de limiter les trop fréquents retards. Les usagers se plaignent aussi de la dimension que prend tout incident : la chute d’une personne sur la voie ferrée peut entraîner la paralysie d’une ligne pendant des heures. Des méthodes pourraient sans doute être étudiées pour améliorer la rapidité du traitement des incidents, même les plus graves. Il y a quelques jours encore, un arrêt sous un tunnel a entraîné le gel total du trafic d’une ligne pendant plus de deux heures et demie, des passagers étant descendus sur la voie.

Il faut aussi s’attaquer aux problèmes structurels. Je pense notamment au changement de conducteur lors du passage entre la partie RATP et la partie SNCF d’une ligne. Si ce point a récemment été résolu sur une ligne, où le conducteur reste désormais le même tout au long du parcours, tel n’est pas le cas partout. Or le moindre incident lié, par exemple, à un empêchement de dernière minute d’un conducteur provoque une accumulation de retards.

Les exemples que je viens de citer montrent que, même si les opérateurs peuvent indiquer être globalement sur la bonne voie, les dysfonctionnements restent très nombreux et les progrès à accomplir importants.

La disparité des taux de satisfaction reste également considérable. Alors que la satisfaction des usagers de la ligne E doit avoisiner les 95% – soit l’objectif contractuel –, d’autres lignes en sont toujours bien loin.

Le rôle de l’AMIF est justement de rassembler les opinions des uns et des autres, d’en débattre dans l’esprit constructif auquel notre pluralisme nous oblige, puis de faire valoir ces attentes des Franciliens dans les organismes de transport où elle est représentée.

M. Dominique Lefebvre, président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, maire de Cergy. Je commencerai par citer deux témoignages. Samedi dernier, lors d’une fête d’association, un habitant de Courdimanche travaillant presque à l’autre extrémité de la ligne A du RER m’a déclaré qu’il ne sait jamais à quelle heure il arrivera à son travail, la durée de son trajet pouvant aussi bien être d’une heure que d’une heure trente. Quant à eux, les habitants de Cergy-Pontoise m’expliquent qu’à l’interconnection de Nanterre, il est très facile de reconnaître les trains en direction de Cergy : ils sont sales à l’extérieur et bondés à l’intérieur ; un train sur cinq seulement se dirige vers Cergy, contre trois, plus propres et à moitié vides, vers Saint-Germain-en-Laye, le dernier allant à Poissy.

Cergy-Pontoise, ce sont 200 000 habitants, 100 000 emplois et 27 000 étudiants. La Confluence, qui inclut notamment Achères et Conflans-Sainte-Honorine, 375 000 habitants et 150 000 emplois. Or l’État souhaite, dans le cadre d’un contrat de territoire, en faire passer la population à 500 000 habitants en 2025, autrement dit réaliser en quinze ans ce qui n’a été réalisé que difficilement en quarante ans pour construire Cergy-Pontoise, dont la population est passée, pendant cette période, de 40 000 à 200 000 habitants. D’autre part, 54% de nos actifs travaillent à l’extérieur de l’agglomération et, inversement, 50% des emplois de Cergy concernent des gens qui viennent de l’extérieur. Si cette situation représente un bon équilibre pour la Grande couronne, elle indique bien que la question de l’emploi se joue dans les deux sens, et elle pose fondamentalement le problème de la qualité de vie de ceux qui trouvent à se loger à Cergy-Pontoise. Chaque année, en moyenne, nous créons 1 300 logements. Cette année, nous lançons la construction de 1 800. La territorialisation de l’offre de logements nous amènerait à en réaliser de 1 600 à 1 700 par an à Cergy-Pontoise et de 2 500 à 2 700 sur le territoire de la Confluence.

Nous devons aussi affronter la question de l’attractivité de notre territoire. L’un des motifs avancés par des entreprises pour justifier leur départ de Cergy-Pontoise est la difficulté pour leurs clients et pour leurs salariés, notamment cadres moyens et supérieurs, de se rendre dans notre ville, en raison de la saturation des réseaux routiers, notamment des autoroutes A 86 et A 15 – à quoi s’ajoute le non bouclage de la Francilienne. Cette saturation est notamment due aux incertitudes sur la régularité des transports en commun, à l’absence de confort et à la saturation des trains – celui de 7 h 52 est déjà rempli à 120% à Cergy-Préfecture, qui n’est que la troisième station de la ligne. Cette situation n’incite pas les gens à prendre le train ! Des chefs d’entreprise m’ont également déclaré, avant le début des travaux de rénovation des gares, qu’ils allaient chercher en taxi leurs clients étrangers arrivant à Paris, de peur de leur faire vivre l’ambiance à l’intérieur du RER et dans la gare de Cergy-Préfecture.

Si l’ensemble de la ligne A connaît des problèmes de qualité de service, de régularité et, probablement, de maintenance de l’infrastructure existante, je voudrais souligner les points particuliers qui concernent Cergy-Pontoise. Nous sommes soumis à une double ou triple peine : victimes de l’engorgement du tronçon central aux heures de pointe, nous devons aussi faire face à l’engorgement à Nanterre cependant que, du fait de l’insuffisance de l’infrastructure, entre Achères et Maisons-Laffitte – c’est le seul cas en Île-de-France –, il faut faire passer sur seulement deux voies la ligne A du RER, le Transilien, les lignes reliant Paris à la Normandie et enfin du fret jusqu’à Sartrouville !

La branche du RER A qui nous concerne est également la seule à être gérée, à partir de La Défense, par la SNCF. C’est donc celle-ci qui est notre interlocuteur alors que c’est la RATP qui met en place les lignes. Bien que les nouvelles rames, à deux étages, soient censées être affectées en priorité aux liaisons avec Cergy, j’ai pu constater moi-même qu’elles pouvaient l’être à la ligne de Saint-Germain-en-Laye.

J’ai aussi eu, au début des années 2000, avec les prédécesseurs de MM. Guillaume Pepy et Pierre Mongin les mêmes discussions qu’avec eux sur la desserte de Cergy-Pontoise. Celle-ci était alors de 12 trains par heure aux heures de pointe – répartis entre 6 RER et 6 Transilien, qui ne roulaient que de 7 à 9 heures le matin et de 17 à 19 heures le soir –, d’un train toutes les vingt minutes entre 9 heures et 17 heures, et enfin d’un train toutes les trente minutes le samedi et le dimanche. C’est grâce au STIF et à la région qu’à partir de 2007, il nous a été possible de profiter d’un train toutes les dix minutes en journée – ce qui est un bon rythme – et d’un train toutes les vingt minutes le samedi et le dimanche, ce qui reste en revanche insuffisant. Des difficultés subsistent aussi en soirée pour les actifs, notamment des cadres et ingénieurs, qui se trouvent à partir de 19 h confrontés à des cadences d’un train toutes les vingt minutes, voire toutes les demi-heures. De plus, pendant les vacances scolaires, le rythme d’un train toutes des dix minutes n’est plus respecté. Cette situation nuit à la fois aux conditions de vie de nos concitoyens et à l’attractivité de notre territoire.

La ville nouvelle de Cergy-Pontoise a pour origine un grand projet d’intérêt national. Au départ, elle devait se développer grâce à l’aérotrain. Or celui-ci n’a jamais été construit. De ce fait, depuis 1975, les transports sont en permanence en retard sur le développement urbain. Il m’a fallu conduire une action de lobbying, en m’appuyant sur un cabinet privé, pour obtenir des cadences plus que justifiées – un train toutes les dix minutes en journée et toutes les vingt minutes les week-end – auprès d’interlocuteurs qui, ne s’étant jamais intéressés à ce territoire. Ils restaient dubitatifs sur la légitimité de nos demandes. J’ai dû expliquer à M. Louis Gallois, alors président de la SNCF, que des étudiants vivaient à Cergy-Pontoise, qu’il nous fallait du trafic le dimanche après-midi et que l’augmentation des Transilien vers la Gare Saint-Lazare n’était pas une solution pour relier Cergy-Pontoise à Paris : ce qui est structurant, c’est le RER A.

Ce travail de lobbying nous a permis de mettre en évidence le déséquilibre de l’offre. Le bassin de population et d’emploi de Cergy-Pontoise est trois fois supérieur à celui de Poissy, pour un nombre de trains identique. La même remarque pourrait être faite pour les trains en direction de Saint-Germain. L’offre actuelle ne correspond pas à la réalité du nombre des habitants et des emplois. Un rattrapage s’impose !

Je ne comprends pas pourquoi l’interconnection de Nanterre n’est pas supprimée : quoi qu’en disent les anciens et actuels responsables de la SNCF et de la RATP, elle fait perdre au moins deux minutes à nos voyageurs. La maintenance aussi devrait pouvoir être améliorée. Si, d’ici à dix-huit mois, le remplacement de la totalité du matériel par des rames à double étage doit augmenter de 30% la capacité d’emport de passagers, nous restons confrontés à des difficultés lourdes. Malgré son schéma directeur, la ligne A est le réceptacle d’autres problèmes de structuration de l’offre dans l’Ouest francilien. Ils doivent également être pris en compte. Faute de réaliser les tangentielles Nord et Ouest, ainsi que la ligne nouvelle Paris-Normandie, indispensable pour libérer des sillons et pour permettre un jour de « débrancher » Roissy du RER, opération qui impose aussi la réalisation de la ligne Éole, il sera impossible d’accroître l’offre, comme l’exige pourtant l’importance des bassins d’emploi de Cergy-Pontoise et de la Confluence, surtout compte tenu des projets de développement qui les concernent.

C’est pourquoi, si je suis favorable aux projets à court terme, qui feront passer le nombre de places par train de 1 600 à 2 500 et celui des places assises de 400 à 900. Je dois pourtant constater qu’ils ne permettront même pas d’assurer le rattrapage nécessaire, alors que le développement de la ville continuera. Nous réalisons, je le répète, 1 300 logements par an ! La population de Cergy-Pontoise a crû de 5% par an en dix ans, et le trafic sur la ligne progresse de 10% par an.

Nous ne sommes pas opposés au Grand Paris Express ; les habitants de la Grande couronne ont besoin d’un système de transport qui fonctionne. La question était juste celle de la localisation des interconnections. Il reste que si les autres infrastructures que j’ai mentionnées ne sont pas réalisées, le RER A restera engorgé : nos habitants sont obligés de l’emprunter, même pour aller à Roissy. Or les infrastructures nécessaires ne seront pas réalisées avant dix ans. Et la saturation de la ligne A entraîne des dysfonctionnements importants au quotidien.

Pour conclure sur une note positive, je dois remarquer que, depuis quinze ans, et notamment avec le Transilien, nous avons fait avec la SNCF un excellent travail. Nous avons réglé les questions de l’accueil et de la sécurité dans les gares, que nous continuons à rénover.

De plus, lorsque le RER fonctionne et que ses trains sont à l’heure, sa rapidité et son caractère pratique sont sans comparaison avec ceux de la voiture. La vraie difficulté vient des surcharges aux heures de pointe et de l’irrégularité des horaires, notamment entre 16 heures et 18 heures 30. De plus, en cas de problème, aucune information n’est fournie. Les voyageurs sont laissés en déshérence, sans aucun renseignement sur la durée prévisible de l’incident et sans savoir vers quelle solution alternative ils pourraient se tourner.

Dans le cadre de mes fonctions professionnelles, j’avais été amené en 2005 à rédiger un rapport sur les transports de voyageurs, notamment en Île-de-France. Pour avoir vu fonctionner le système du temps du Syndicat des transports parisiens (STP), puis du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), avant et après la décentralisation, je ne peux que conclure, avec les élus, que le système fonctionne mieux aujourd’hui, même si c’est encore de manière imparfaite.

En revanche se pose la question du pouvoir effectif de l’autorité organisatrice. Face à la RATP, les effectifs du STIF font piètre figure : c’est un peu un jeu de dupes. J’avais moi-même exposé au président de la région, M. Jean-Paul Huchon, que régionaliser les transports dans des conditions où leur autorité organisatrice serait totalement dépendante de deux entreprises d’État – aux conseils d’administration desquelles la région ne peut siéger pour des raisons de réglementation européenne – était une décentralisation en « demi-trompe-l’œil ». Le STIF doit faire face aux décisions de l’État au sein des conseils d’administration des deux entreprises publiques ainsi qu’aux logiques qui leur sont propres –sachant qu’elles ne sont pas non plus d’accord sur les décisions à prendre concernant le RER A. Les deux entreprises souhaitent vraisemblablement nous imposer le maintien de deux opérateurs sur une ligne, ce qui n’est sans doute pas une solution.

M. Patrice Pattée, maire adjoint de Sceaux. Le RER est-il un système ou un service ? Je crains qu’aujourd’hui, il ne soit d’abord un système.

Ce système a été le moteur du développement de l’agglomération de l’Île-de-France. Le développement de ma ville au xixe siècle est dû à l’arrivée de la ligne de Sceaux – désormais ligne B –, qui a permis aux Parisiens de profiter de la verdure de sa colline. Marne-la-Vallée, Cergy ou La Défense n’existeraient pas sans le RER. Ce système a permis aux Franciliens de trouver un logement, quitte à ce que celui-ci ne soit pas à proximité immédiate de leur lieu de travail, ce qui les oblige à « avaler des kilomètres ».

Mais aujourd’hui, pour reprendre un article du quotidien Le Monde du 11 novembre dernier, ce système est au bord de l’implosion. Qui doit-on incriminer ? Bien sûr, d’abord l’évolution de la charge du réseau. L’étalement de la région parisienne a effectivement abouti à charger le réseau au-delà de sa capacité nominale. Non seulement il est plus que saturé aux heures de pointe, mais celles-ci s’étalent dans le temps jusqu’à couvrir presque toute la journée.

Est aussi en cause l’obsolescence du matériel et de l’infrastructure. Il faut bien constater aujourd’hui que l’infrastructure a fait l’objet d’une maintenance et d’un entretien insuffisants.

Les témoignages indiquent également que l’exploitant privilégie la performance du système – ainsi, le dispositif des bonus et des malus amène, pour éviter des pénalités, à ce que des trains ne s’arrêtent pas dans certaines gares –, aux dépens de la qualité du service et des voyageurs.

À ces causes s’ajoute un problème de gouvernance. Il vaut aussi bien pour la ligne B que pour la ligne A. Cette gouvernance ne s’est pas adaptée à une situation qui s’est complexifiée.

Le schéma directeur de la ligne B n’a pas encore été élaboré. Seul un dossier d’émergence nous a été présenté, le 16 novembre dernier. Il prévoit de très nombreuses études pour mettre la ligne à niveau. Mais l’usager n’a pas besoin de chiffres pour mesurer au quotidien la dégradation du service. Ses sentiments, ce sont la colère, l’exaspération, mais aussi la lassitude : comme le titrait Le Monde, les Franciliens sont un peu « prisonniers du RER »

Cette tendance à baisser les bras a cependant trouvé ses limites avec la crise de l’amiante sur la ligne B, à l’automne dernier, qui a entraîné une dégradation du service pendant des mois, assortie d’une communication totalement défaillante. Le blog ouvert par Le Monde pour suivre le fonctionnement de huit villes de France pendant l’année précédant l’élection présidentielle couvre notamment la ville de Sceaux. Mme Pascale Kremer a consacré sa chronique du 22 octobre au RER B ; s’en sont ensuivis 164 commentaires, puis 63 sur le blog du 23 octobre, 95 sur celui du 8 novembre, 81 sur celui du 9 et enfin 65 sur celui du 17. Bref, fatigués, les voyageurs prennent la parole pour dénoncer les conditions dans lesquelles ils voyagent tous les jours. Pourtant, le RER est une belle mécanique… lorsqu’il fonctionne !

Aujourd’hui, le fil conducteur de l’action doit être de remettre au cœur du dispositif un voyageur qui a été un peu oublié – et cela me semble valoir aussi pour le Grand Paris Express. Ce qui ressort des témoignages, c’est l’incertitude du passager quant à l’heure à laquelle il va arriver à destination ! Paradoxe à peine imaginable aujourd’hui : alors que l’automobiliste peut savoir par la radio, le matin, l’état des « bouchons » autoroutiers d’Île-de-France, il n’est possible au voyageur de connaître l’état du fonctionnement du réseau RER qu’au moment où il constate le retard avec lequel sa rame entre en gare.

Le travail de rattrapage à faire paraît considérable : il y faudra du temps. La RATP, je le lui ai dit, devrait à tout le moins mieux communiquer avec ses usagers sur les retards, notamment grâce à son site Internet ; il n’en est rien aujourd’hui.

Nous sommes, de fait, un peu prisonniers du RER. À Sceaux, la seule solution alternative est de prendre les autobus. Mais leur capacité est sans comparaison avec celle du RER, si le réseau RER est en panne, ils ne peuvent pas absorber la masse de voyageurs qui voudraient se reporter sur ce moyen de transport. Les usagers éprouvent de ce fait un sentiment de colère face à un système qui ne fonctionne plus, et qui ne les informe même pas un minimum des difficultés rencontrées.

J’ai créé sur Facebook une page destinée à collecter des témoignages. Ils vont tous dans le même sens : ils dénoncent un système qui ne se préoccupe en aucun cas du voyageur.

La ligne B, même si elle n’est pas aussi chargée que la ligne A, relie Saint-Rémy-lès-Chevreuse à Roissy, elle souffre aussi d’une difficulté de gouvernance, du fait de la présence de plusieurs opérateurs : RATP, SNCF, sans oublier Réseau ferré de France (RFF). Même sans aller jusqu’à instaurer un opérateur unique, il faudrait au moins que cette ligne soit dotée d’un centre de commandement unique, qui serait situé à Denfert-Rochereau. Or, aujourd’hui, ce centre de commandement est resté à l’état de projet. En cas de crise, il faut contacter par téléphone les correspondants de la RATP, de la SNCF et de RFF. Une telle situation nuit bien sûr à la réactivité de l’opérateur – au sens générique du terme.

La ligne B présente une autre difficulté, liée à ce que les techniciens appellent les « points de retournement ». Ainsi, en cas d’incident empêchant la circulation sur la partie nord de la ligne, un point de retournement, situé à la station Laplace, est activé ; mais les voyageurs se retrouvent alors bloqués dans cette station sans pouvoir emprunter un autre réseau de transport en commun. Une solution serait l’aménagement d’un point de retournement à Denfert-Rochereau ; il permettrait aux usagers de la branche sud du RER B de prendre le tramway à la station Cité universitaire ou d’emprunter le métro à la station Denfert-Rochereau. Aucune décision n’a été prise aujourd’hui en ce sens.

M. Pierre Morange, rapporteur. Eu égard au temps dont nous disposons, je suis amené à demander aux intervenants de limiter la durée de leurs interventions. En revanche, je propose à chacun de m’adresser une contribution écrite reprenant l’ensemble de ses revendications. Ainsi notre commission d’enquête pourra se faire votre porte-voix. Nous avons tous en tête les éléments qui contribuent aux difficultés du RER, et nous partageons les mêmes constats. Nous devons avancer de façon pragmatique, en ayant à l’esprit que les questions de moyen ou de long terme ne connaîtront leur solution qu’au prix d’une reprise des investissements, laquelle n’a été lancée que récemment. Notre objectif est d’établir une liste des éléments pouvant aider à mieux gérer une période intermédiaire qui devient absolument insupportable pour l’ensemble de nos concitoyens.

M. Patrice Pattée. Je mentionnerai enfin simplement une certaine inquiétude de la ville de Sceaux face au projet du Grand Paris. Les opérateurs ne nous semblent pas vraiment motivés pour réaliser dans « notre gare  fétiche », celle de Robinson, les aménagements pourtant identifiés dans le cadre d’un diagnostic partagé. Nous avons l’impression que le RER passe au second plan par rapport à des projets d’une autre nature.

M. Emmanuel Lamy, maire de Saint-Germain-en-Laye. Je partage assez largement l’analyse de M. Lefebvre sur la situation de la ligne A.

Je rappelle toutefois que c’est en 1972 que le RER a atteint Saint-Germain-en-Laye et il a été une source de progrès considérable pour la commune, contribuant au développement de cette sous-préfecture à la tête du plus grand arrondissement de France.

Pourtant, aujourd’hui, nous sommes revenus,  toutes choses égales par ailleurs, à la situation de 1837 ! En effet, contrairement à ce croit M. Lefebvre, tous les trains marqués « Saint-Germain » ne vont pas jusqu’à cette ville. La plupart s’arrêtent à La Défense, à Rueil, et surtout à la gare du Vésinet-Le Pecq. En fait, un train sur six parvient à Saint-Germain – un sur quatre à certaines heures car j’ai obtenu que soient « glissés » quelques trains supplémentaires dans le prochain schéma directeur de la ligne A mais, au moindre incident, ce sont les premiers supprimés.

Ainsi, après avoir représenté un progrès fantastique, le RER est devenu une sorte de nœud coulant pour Saint-Germain et pour les communes aux alentours. Quand il fonctionne, c’est formidable ; dans le cas contraire, c’est épouvantable ! On peut d’ailleurs en dire autant dans toutes les villes qu’il dessert.

À l’été 2008, jugeant la situation insupportable, un certain nombre d’élus de toutes tendances ont bien voulu me rejoindre au sein d’un collectif informel. Après avoir rencontré tous les décideurs concernés, nous avons publié un livre blanc qui a eu un certain écho.

Aujourd’hui, et malgré les décisions qui ont été prises, la situation n’a pas fondamentalement évolué, ce que nous avons beaucoup de mal à expliquer à nos administrés. Bien sûr, certaines annonces, comme l’acquisition de nouvelles rames, mettent en jeu l’industrie et leur concrétisation demande du temps. Nous comprenons également que certaines sections soient prioritaires. Mais, bien que tous les incidents soient répertoriés par un collectif appelé « Ma ligne A » et que la RATP ait accepté de jouer le jeu, rien n’a véritablement changé au quotidien. On a un sentiment d’impuissance. Cela ne peut qu’accroître la frustration.

Quand on peut expliquer pourquoi les choses se passent mal, les usagers l’acceptent ou ne l’acceptent pas, mais au moins un dialogue s’établit. En l’espèce cependant, nous ne le pouvons pas. Il est par exemple impossible d’expliquer les problèmes de gouvernance et le fait que deux sociétés publiques se disputent le réseau. En outre, même lorsqu’on parvient à identifier les problèmes, la RATP ne peut pratiquement rien faire. La situation ne pourra se débloquer que très lentement.

La raison de cette lenteur, c’est que nous sommes toujours « en retard d’une guerre » : certes, les lignes A et B connaître des améliorations mais, dans le même temps, les populations concernées vont continuer d’augmenter, si bien que les gains obtenus seront absorbés par cette croissance démographique. C’est pourquoi je lance l’alerte : la territorialisation des objectifs de logement et le Grand Paris sont des idées formidables, mais il ne faut pas oublier que la Grande couronne est totalement dépendante des transports collectifs. Si la population s’accroît sans que ces moyens soient développés, la thrombose est inévitable. Et, dans ce cas, la réaction des usagers peut être très violente, même à Saint-Germain-en-Laye qui a l’image d’une ville policée !

Comment sortir de cette situation ? Tout d’abord, il faut être extrêmement prudent à l’égard des objectifs de territorialisation et éviter une augmentation inconsidérée et trop rapide du nombre de logements. Mieux vaut raisonner en termes de réseaux, brancher le RER A, notamment à l’ouest et au nord, sur les tangentielles ferrées, donner des alternatives aux voyageurs. Par ailleurs, il faut se concentrer sur certains nœuds. Ainsi, si peu de trains vont jusqu’à la gare de Saint-Germain, c’est parce qu’elle est ancienne et inadaptée. On ne peut pas y effectuer des retournements, à moins de bloquer la ligne à 500 mètres le temps que la rame change de voie.

Une autre raison du manque de trains à Saint-Germain tient à la gestion de la section centrale. C’est une évidence, mais elle est peu soulignée : pour assurer des fréquences exceptionnelles sur la section centrale de la ligne A, il est impossible d’envoyer toutes les rames aux extrémités du réseau. Il faudrait augmenter leur nombre mais, dans ce cas, il n’y aurait plus la place de les faire circuler. Il existe donc un lien direct entre la fréquence des passages en section centrale et l’irrigation des extrémités. Le problème peut être réglé notamment par une augmentation de la capacité unitaire des rames.

À Saint-Germain comme ailleurs, nous voulons rendre un peu d’espoir à nos habitants. Cela implique l’utilisation de rames à double niveau, mais aussi le développement d’Éole : sans cette ligne qui peut seule permettre le doublement de la capacité sur la branche ouest du RER A, les gains obtenus grâce aux nouvelles rames seront absorbés en quelques années.

Il faut donc de nouvelles infrastructures, un raisonnement fondé sur les réseaux et une nouvelle gouvernance, susceptible de donner aux usagers des espoirs d’amélioration. Aujourd’hui, tout est flou, et on ressort de chaque réunion avec la RATP – même si nos relations avec la Régie sont plutôt bonnes – avec un sentiment d’impuissance.

M. Michel Bisson, vice-président du syndicat d’agglomération nouvelle de Sénart, maire de Lieusaint. Je concentrerai mon propos sur la ligne D du RER, qui dessert notre agglomération. Exploitée par la SNCF, cette ligne accueille 550 000 voyageurs par jour et a vu sa fréquentation croître de 40% en huit ans. Aujourd’hui, plus de 20 % des trains ont systématiquement plus de cinq minutes de retard. Aux heures de pointe, il y a donc du retard tous les jours.

Une des raisons de cette dégradation est l’absence d’investissements durant les dernières décennies. Toutefois, la ligne ayant été jugée sensible par le STIF, plusieurs plans ont été mis en œuvre. Le premier, le plan d’investissement 2007-2014, n’a apporté que des corrections marginales et ses résultats seront notoirement insuffisants. La deuxième tranche, 2014-2020, outre que ses résultats sont lointains, est conditionnée à des investissements et des mobilisations financières encore incertains.

Sénart abrite 100 000 habitants et 40 000 emplois. En outre, 40% des habitants travaillent à Paris ou dans sa proche couronne. Ils doivent donc emprunter la ligne D et sont confrontés tous les jours au manque de fiabilité de cette section du réseau. Pour illustrer le défaut d’investissements, sachez que l’on y voit encore circuler des trains « petits gris », qui ont plus de cinquante ans.

La ville nouvelle de Sénart étant une opération d’intérêt national, l’État et la région nous demandent de réaliser des logements : nous en construisons donc mille par an. Bien entendu, les élus lient logement et emploi, si bien que nous créons également mille emplois par an. Cependant – et c’est nouveau –, des responsables d’entreprise nous disent ne pas vouloir s’implanter sur notre territoire en raison de l’absence de fiabilité du RER D, qui serait pénalisante pour leurs salariés comme pour leurs clients.

On nous a fixé pour objectif d’atteindre, en 2025, 150 000 habitants et 60 000 emplois. Cela implique un équilibre entre le logement, les services, l’emploi et les transports. À cet égard, la ligne D, qui permet le raccordement de notre agglomération à Paris et à la proche banlieue, représente un élément fondamental, un axe majeur de notre développement.

Dans le cadre du projet « Grand Paris », la priorité doit être donnée à la rénovation des RER. Les plans de cette rénovation doivent être clarifiés et faire l’objet d’engagements fermes, assortis d’objectifs plus précis.

J’en viens au problème de la gouvernance. Je participe assidûment aux comités de ligne organisés par le STIF et qui réunissent également la SNCF et RFF – par chance, la RATP n’est pas concernée par la gestion de notre ligne. Nos interlocuteurs sont mobilisés et ont de bonnes intentions, mais on sent une absence de fil conducteur, de coordination. Il est nécessaire d’avoir un pilote et un opérateur, mais pas davantage.

En ce qui concerne le financement, il est indispensable de confirmer la mobilisation en faveur du doublement du tronçon entre la gare de Lyon et Châtelet, compte tenu de l’importance de la section centrale, soulignée par M. Lamy.

Vous vous interrogez sur les solutions qui pourraient être envisagées à titre transitoire. L’une d’elle serait l’organisation de liaisons semi directes vers Paris. Cela n’impliquerait pas une augmentation du rythme de circulation des rames, mais permettrait de mieux répartir l’effort et d’améliorer la qualité du service. La même décision pourrait concerner la branche desservant Corbeil et Évry.

Il existe une autre solution, à moyen terme, liée à la validation par RFF de l’implantation d’une gare TGV à Sénart – obtenue grâce à l’unité sans faille des conseils généraux de la Seine-et-Marne et de l’Essonne et des collectivités de ce qu’on appelle le « quadrant sud-est » : c'est-à-dire Sénart, Melun, Évry et Corbeil. Non seulement ce projet va améliorer l’attractivité de cette partie de la région parisienne, mais il rend possible la création de navettes que l’on pourrait appeler « RER-GV », susceptibles de relier Massy, Orly, Sénart, Marne-la-Vallée, Roissy et, peut-être demain, Cergy – une telle mesure permettrait d’alléger le trafic sur le réseau express régional.

Quant au projet du Grand Paris, il concerne avant tout les transports, les logements et l’emploi. Or les gisements de logements et d’emplois se trouvent surtout en Grande couronne. Le Grand Paris ne peut donc pas se faire sans celle-ci, et donc sans la rénovation des lignes RER, la D comme les autres.

M. Stéphane Beaudet, vice-président de l’AMIF et de sa commission « Transports et Déplacements », maire de Courcouronnes. Je partage bien entendu le constat général dressé par les intervenants précédents, qui, comme je le suis également, sont des élus de villes nouvelles ou de collectivités de la Grande couronne. Je tiens aussi à souligner la perte d’attractivité dont souffrent nos territoires, un phénomène qui fait du Grand Paris un projet anxiogène à nos yeux.

Enfant de la ville nouvelle, j’ai pu mesurer combien, en trente ans, notre ville d’Évry s’est éloignée de Paris. En effet, il faut désormais deux heures en voiture, contre vingt à vingt-cinq minutes auparavant. Et en RER, alors qu’il fallait vingt-neuf minutes, il nous arrive d’en mettre trente-neuf !

Lorsqu’on parle des transports franciliens, il est un sujet qui n’est pas suffisamment évoqué, me semble-t-il : l’apparition d’une  quatrième couronne , constituée par Lille, Reims, Orléans, Vendôme, autant de villes desservies par le TGV et devenues – surtout d’un point de vue foncier – très attractives pour les familles des villes nouvelles. Par ailleurs, l’agglomération d’Évry – qui, après avoir été longtemps soutenue par l’État, au point d’atteindre 120 000 habitants pour 70 000 emplois, a le sentiment d’être abandonnée – commence à voir les entreprises quitter son territoire, non pour s’éloigner de Paris, comme elles le faisaient il y a trente ans, mais au contraire pour s’en rapprocher.

Le problème est que, comme nous le constatons tous, le montant des investissements destinés à la réhabilitation des RER n’est pas à la hauteur des enjeux, d’autant qu’une partie risque d’être absorbée par le projet du Grand Paris, dont les besoins en financement sont colossaux. Le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) nous invite à lutter contre l’étalement urbain, à « reconstruire la ville sur la ville », à réinvestir les centres villes et les quartiers proches des gares. Ce serait cohérent si les réseaux de transport n’étaient déjà saturés. Le premier défi auquel est confrontée la ligne D du RER, c’est celui de sa capacité. Changer de matériel roulant, mettre une troisième porte à chaque voiture n’est pas ce qui permettra de résoudre le problème, alors que l’on prévoit de construire 50 000 ou 60 000 logements sur la seule partie sud du réseau.

Dès lors, quelle est la solution ? Je proposerai pour ma part plusieurs pistes, dont certaines pourront paraître provocatrices. Ce serait d’abord de recourir à d’autres modes de transport que le RER, qu’ils soient ou non ferrés. Pour les trajets de banlieue à banlieue, le développement des T Zen – comme il en existe entre Sénart et Évry, et bientôt entre Évry et Versailles – me paraît souhaitable. Il s’agit de lignes de bus, mais en site propre. Je rappelle qu’une somme de 200 millions d’euros suffirait pour doubler le kilométrage des lignes de bus en Grande couronne. Ce mode de transport, même s’il paraît moins noble que les lignes de tramway que nous rêvons tous d’accueillir dans nos agglomérations, est sans doute à même de désengorger le réseau de RER.

Une autre piste consisterait à revenir sur la continuité de la ligne D et à la couper à nouveau – même s’il paraît peu plausible que la séparation se fasse comme auparavant à l’intérieur de Paris. On peut envisager un terminus situé juste au nord de Paris pour la partie sud, et un autre juste au sud pour la partie nord. En effet, seulement 1% des usagers de la section sud du RER D vont au-delà de la capitale. Or, à l’heure actuelle, un incident qui survient à 125 kilomètres d’Évry peut avoir des conséquences dans notre ville.

De même, nous devons nous interroger sur une possible réorganisation du réseau à ses extrémités, situées en très grande couronne. Je rappelle que la ligne D s’étend jusqu’à Malesherbes, soit 15 kilomètres au-delà du péage de Fleury, sur l’autoroute A6. Peut-être n’est-il pas nécessaire de prévoir systématiquement un terminus à cet endroit ; on pourrait envisager des trains plus rapides, dont le terminus serait Évry ou Corbeil. Ce serait une solution peu onéreuse.

Qu’on parle de  plan de mobilisation  – au conseil régional – ou du projet du Grand Paris – du côté de l’État –, le financement disponible, 500 millions d’euros, résulte pour l’essentiel de ce qui a été engagé en 2009. Il n’y a pas, en réalité, d’investissement nouveau. Or on estime qu’entre 2 et 4 milliards seraient nécessaires pour régler, à démographie constante, les problèmes auxquels est confrontée la ligne De fait, et contrairement à M. Lefebvre, je ne m’estime même pas autorisé à dire aux habitants d’Évry que la situation sera meilleure dans dix ans, car ce serait mentir. Or il n’y a rien de pire, pour les élus que nous sommes, que de s’attendre à une dégradation continue des conditions de transport, donc de vie quotidienne, de nos concitoyens à échéance de dix ou vingt ans.

M. le rapporteur. Vous faites une analyse lucide de la situation, marquée – c’est un constat partagé – par une forme de gestion de la pénurie.

En matière de gouvernance, quelles sont vos positions respectives sur la question classique du partage des compétences entre la SNCF et la RATP ? Êtes-vous favorables à une gestion unifiée sur les lignes A et B ?

S’agissant de la place de l’usager dans le dispositif, quelle est la capacité de nos concitoyens à être, non de simples témoins passifs, mais des acteurs susceptibles de participer à une rationalisation du système et à peser sur les décisions intéressant la qualité du service, la diffusion de l’information en temps réel ou le développement de modes de transport alternatifs ?

Je rappelle qu’une commission d’enquête est dotée de pouvoirs particuliers dont nous pouvons user, comme celui d’effectuer des contrôles sur pièces et sur place. La Cour des comptes a en effet souvent dénoncé le manque de transparence des décisions stratégiques prises en matière de transport, dont la conséquence est l’incapacité de mesurer leur efficience socio-économique. En tant qu’élus, il est légitime que vous puissiez adosser votre réflexion sur des faits tangibles afin de parvenir à un compromis entre le souhaitable et le possible.

Enfin, j’aimerais connaître votre sentiment sur l’articulation entre les activités de la SNCF et celles de RFF, autorité qui a le pouvoir d’attribuer les sillons mais qui ne semble pas hiérarchiser les priorités. Les travaux de la commission d’enquête nous ont en effet permis d’apprendre un fait surprenant, que même le président du conseil régional d’Île-de-France semblait ignorer : pour donner au transport de voyageurs une priorité sur le fret, ce que tous les élus appellent de leurs vœux, il est nécessaire de faire une déclaration de saturation. Or une telle déclaration n’aurait jamais été faite…

M. le président Daniel Goldberg. Un des objectifs de la commission d’enquête est aussi de mieux comprendre les besoins des usagers. Certes, des études sont régulièrement réalisées sur le sujet et elles sont de qualité, mais leurs conclusions peuvent servir les intérêts des opérateurs qui en sont généralement les initiateurs. Nous aimerions donc bénéficier de votre expérience – soit maintenant, soit sous forme de contributions écrites – s’agissant des besoins de déplacement des populations de chacun de vos territoires.

M. Beaudet a rappelé que seulement 1% des usagers de la section sud du RER D allaient au-delà de Paris. Une question a été posée au moment du débat sur le Grand Paris : les déplacements de banlieue à banlieue, majoritaires, se font-ils surtout entre le domicile et le lieu de travail ? Quelle part y prennent les déplacements d’une autre nature – comme ceux liés aux loisirs –, qui me semblent avoir augmenté ces dernières années ? Ces déplacements sont-ils plutôt de type radial ou tangentiel ? Pour ma part, j’ai le sentiment que dans un grand nombre de secteurs de l’Île-de-France, les déplacements sont plutôt de type radial, même s’ils n’atteignent pas nécessairement la capitale. Cela expliquerait la saturation du RER, réseau de transport essentiellement radial.

M. le rapporteur. M. Mongin observait que le doublement des rames en heures creuses sur le RER A avait absorbé toute marge de manœuvre dans la gestion du tronçon central. Cela montre que l’ensemble des décideurs, locaux ou nationaux, sont pris au piège d’une gestion de la pénurie, parce que les moyens matériels n’ont pas suivi la croissance de la demande de transport.

M. Dominique Lefebvre. À la question de savoir si nous sommes en faveur d’un gestionnaire unique pour le RER A, je ferai une réponse de Normand : peut-être bien que oui, peut-être bien que non. La pratique actuelle m’offre au moins la garantie de bénéficier d’un avocat au sein du système, Guillaume Pepy, qui me dit régulièrement que la SNCF n’est pas le premier responsable de la plupart des dysfonctionnements, et qu’il veille, lors de ses discussions avec la RATP, à ce que le tronçon de Cergy soit le mieux desservi possible.

Désigner un opérateur unique pourrait sembler la solution la plus simple, mais en fait, la vraie question n’est sans doute pas là. Dans la mesure où, en effet, nous gérons la pénurie et où nous devrons le faire encore longtemps. Nous devons nous intéresser aux conditions dans lesquelles se font les arbitrages successifs, d’autant que certains sont effectués à l’intérieur même de chaque opérateur, ce qui en double le nombre. Ainsi, lorsque nous avons obtenu que la fréquence des trains passe à un toutes les dix minutes, il a fallu faire des choix politiques. C’est comme pour le cadencement : il y a des gagnants et des perdants ! Mais il importe que ces choix soient cohérents avec les objectifs stratégiques globaux, notamment en matière de développement territorial, ou qu’ils contribuent à de nécessaires rééquilibrages.

En 2010, une dégradation du dialogue social au sein de la SNCF a fait que les agents de conduite se sont mis à respecter strictement les réglementations de sécurité, ce qui a entraîné une désorganisation totale d’un système déjà en flux tendu. Dans ce cas, l’usager a été victime d’un arbitrage effectué à l’intérieur de l’entreprise publique, sur une question relative au dialogue social. Or le problème de l’interconnexion entre la RATP et la SNCF est avant tout un problème de statuts, de primes et de règlements. Lorsque je demande pourquoi ce qui a été accompli à la Gare du Nord ne peut pas l’être à La Défense, on m’explique que cela entraînerait plus de problèmes que ça n’en résoudrait – mais des problèmes pour qui, je ne le sais pas.

Alors, on peut envisager que demain, la RATP soit gestionnaire de l’ensemble de la ligne, mais encore faut-il savoir dans quelles conditions se feront les arbitrages.

La gouvernance commence à la tête. La régionalisation a été une bonne chose : pour avoir, comme je l’ai dit, successivement contrôlé le STP, puis le premier et le deuxième STIF, j’ai pu apprécier l’évolution. Reste que les moyens attribués au STIF sont toujours insuffisants, de même que les leviers dont il dispose pour peser sur les opérateurs – même si les contrats aussi connaissent une évolution. Réfléchir à une meilleure gouvernance revient donc à rechercher ce qui permettrait à l’autorité organisatrice d’exercer pleinement ses responsabilités. On prétend que la région décide mais, en réalité, son président se retrouve seul face aux deux opérateurs d’État. Ce n’est pas le système que l’on connaît en province, où des délégations de service public sont accordées en application de la loi d’orientation des transports intérieurs. On devrait parvenir à la même situation dans dix ou quinze ans, et la mise en concurrence devrait permettre de clarifier les compétences, mais cela rendra nécessaire le renforcement de l’autorité organisatrice et l’adoption de procédures de décision plus transparentes et plus claires, y compris pour mieux gérer la pression exercée par les usagers. Quant à RFF, il doit être inclus dans la boucle.

Lorsque ont été introduites les rames à double étage, elles arrivaient à Cergy-Pontoise à neuf heures trente, le matin – vous pouvez imaginer les réactions des usagers ! Mme Anne-Marie Idrac m’avait expliqué qu’il y avait objectivement plus de gens à transporter depuis Marne-la-Vallée, si bien que l’on a fait circuler ces rames en priorité là. Plus tard, lorsqu’on a parlé de renforcement de l’offre, j’ai revu Mme Idrac – ancienne directrice générale de l’établissement public administratif de Cergy-Pontoise –, qui n’était plus directrice générale de la RATP mais présidente de la SNCF : à ce titre, elle souhaitait donner la priorité au fret. Mais comment expliquer à nos concitoyens qu’après avoir massivement construit des logements à Cergy-Pontoise, on allait refuser d’augmenter le nombre de trains de voyageurs afin de favoriser le fret et de tenter de redresser la branche spécialisée de la société nationale ? C’est un problème qui relève de l’autorité de régulation.

Compte tenu des difficultés que connaît l’Île-de-France en matière de transports, il faut réévaluer le rôle de l’Autorité de régulation des transports ferroviaires, l’ARAF, mais aussi les compétences du STIF et les logiques des différentes entreprises concernées. En effet, l’état du système de transport est la résultante d’une somme incommensurable d’arbitrages, et sans une clarification des priorités, non seulement il n’est pas du tout certain que les décisions prises soient les plus cohérentes, mais il en résulte pour les usagers un sentiment de malaise et d’abandon.

À court terme, sur la ligne A, il est possible, à faible coût, d’améliorer deux points : la propreté et l’information. Que signifient les mots : « train retardé » ? Le retard est-il de cinq minutes, d’un quart d’heure ? Faute d’annonce vocale, on ne le sait pas. Le voyageur doit être mieux informé de façon à pouvoir prendre une décision.

En attendant les conclusions du rapport sur le schéma directeur de la ligne A, je reste persuadé que les difficultés sont dues à une trop grande complexité et à des décisions incohérentes. Il y a un an et demi, lorsqu’un grave incident a entraîné pendant plus de deux heures une perturbation du service, un de mes collaborateurs, présent sur le quai bondé de la gare Cergy-Saint-Christophe, a vu passer successivement quatre rames entièrement vides. Or aucune explication n’a été donnée ! Depuis, nous avons compris que la régulation de l’ensemble était compliquée par l’existence de trois types différents de matériels, de plusieurs types de quai ou de voies, etc. C’est un système d’horlogerie extrêmement complexe. Or, en cas d’incident, il est essentiel d’améliorer le temps de réactivité et la qualité de la réponse. On comprend bien qu’un suicide conduise à une perturbation du service, mais le problème est qu’il faut parfois de deux à quatre heures pour la surmonter. C’est pourquoi, au-delà des solutions de court terme, nous devons adopter un cadre de travail tel que, dans dix ou quinze ans, les mêmes problèmes ne surviennent pas faute d’anticipation et de coordination dans la conception des systèmes.

M. Stéphane Beaudet. Je suis plutôt en accord avec l’analyse de M. Lefebvre, même si les problèmes ne sont pas les mêmes sur la ligne D dans la mesure où la SNCF y est seule gestionnaire.

Je pense en effet que le STIF manque de moyens, y compris humains, mais aussi que ses missions ne sont pas forcément adéquates. Il est vrai que ses compétences doivent être renforcées, notamment pour ce qui concerne le développement de grosses infrastructures, mais, pour l’instant, un tel renforcement est impossible, pour des raisons fonctionnelles mais aussi de pertinence territoriale : on dénombre 122 contrats de type II – CT 2 – signés en Île-de-France, gérés par onze personnes seulement. L’ouverture, prévue par la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain (SRU), de délégations de compétence, notamment au bénéfice d’autorités organisatrices de proximité, est selon moi une nécessité, en particulier en Grande couronne.

Une autre difficulté est que les lignes de RER sont longues, s’étendant de part et d’autre de Paris, alors que les problématiques d’aménagement urbain sont fondamentalement différentes d’une zone à l’autre. Le déséquilibre entre l’est et l’ouest, qui fait tant débat, est l’exemple le plus connu, mais il n’est pas le seul. Si bien que les élus comme les associations d’usagers – dont certaines comptent des techniciens hors pair – ont tendance à adopter une vision très territoriale du RER et ne partagent absolument pas une culture commune. Le résultat est que les opérateurs, qui portent les projets et même souvent les imaginent, ont pour terrain de jeu la région entière. J’ai évoqué tout à l’heure la question de la coupure de la ligne D : avec qui en discuter ? Au sein de quelle instance ? Nous devons nous doter d’une culture commune liée à des bassins de population. Si l’avenir du RER nous laisse perplexes, c’est d’abord pour des raisons financières, mais aussi faute d’une vision. Nous ne sommes pas là pour discuter de l’opportunité du projet de Grand Paris, ni de celle d’une fusion entre Arc express et la « double boucle ». Mais si ce projet est mené à son terme, je doute qu’il réponde, ne fût-ce qu’en partie, aux problèmes auxquels le RER est confronté. Le réseau est en panne de projet : je ne vois pas de possibilité de se réunir autour d’une table – comme au moment du débat sur la convergence entre Arc express et la « double boucle » – afin de s’interroger sur l’avenir du RER. Or, alors que toutes les réunions de concertation aboutissent à la même conclusion – la priorité est de s’occuper de l’existant –, rien n’a fondamentalement changé, à part une partie du matériel et quelques aiguillages. Et malheureusement, cela risque de durer.

M. Emmanuel Lamy. Ce qui peut être réalisé pour un faible coût, c’est l’amélioration de la prévisibilité. Lors de la dernière rencontre entre notre collectif et Pierre Mongin, nous avons beaucoup insisté sur ce point. Il est important de savoir si l’horaire affiché va être respecté et, en cas d’incident, de pouvoir prévoir, en montant dans un train, que l’on atteindra telle station à telle heure. Le personnel dispose souvent de ces informations ; la partager ne coûterait rien de plus qu’un peu de discipline à tous les échelons. Et les voyageurs n’auraient pas le sentiment de « jouer à la roulette russe » en empruntant le réseau ferré. Aujourd’hui, le candidat qui doit se trouver à Paris à une heure précise pour passer un examen n’emprunte pas le RER : c’est bien trop risqué. Une plus grande prévisibilité permettrait d’améliorer la qualité du service.

M. le président Daniel Goldberg. C’est d’autant plus vrai que selon un chercheur que nous avons auditionné, M. Jean-Pierre Orfeuil, une minute de temps d’attente sur un quai est ressentie par l’usager comme aussi longue que trois minutes de temps de transport.

Je vous remercie, Messieurs, pour votre participation. N’hésitez pas à nous transmettre vos contributions par écrit ; de notre côté.

M. le rapporteur. J’ajoute que la Commission peut exercer un droit de suite. Nous allons engager les opérateurs à prendre des engagements écrits, selon un échéancier précis, et nous nous assurerons que ces engagements sont tenus en temps et en heure.

——fpfp——

Audition de Mme Sophie Mougard, directrice générale du STIF, Mme Sandrine Gourlet, directrice adjointe de la direction des projets d’investissement, et M. Patrice Saint-Blancard, chef de la division offre ferroviaire de la direction d’exploitation

(Séance du jeudi 26 janvier 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Nous recevons ce matin Mme Sophie Mougard, directrice générale du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF. Vous avez, madame, l’expérience des dossiers d’aménagement et de transports urbains, que vous avez acquise d’abord sur le terrain, en qualité d’ingénieur, puis au sein de cabinets ministériels et à la tête des services de la région.

Nous avons entendu, hier, M. Jean-Paul Huchon, président de la région et du conseil d’administration du STIF, puis MM. Roger Karoutchi et François Kalfon, qui président respectivement les commissions des Finances et des Transports du conseil régional. Nous avons ensuite eu le plaisir de recueillir l’expérience de maires représentatifs de la diversité de la région par leur appartenance politique, la localisation géographique – en Petite ou en Grande couronne – et les conditions de la desserte par le RER de leur commune. Auparavant, nous avions notamment entendu les présidents de la RATP et de la SNCF, ainsi que M. Dumont-Fouya, président du Comité des partenaires des transports publics, le CPTP, instance consultative auprès du STIF.

Votre audition, madame, complétera utilement notre information. Nous souhaitons connaître aussi précisément que possible les engagements financiers du STIF pour la remise à niveau et la « désaturation » du RER. Comment les travaux sont-ils programmés et, au préalable, hiérarchisés en fonction des urgences et de ce qu’il est possible de faire ? Selon vous, la SNCF, la RATP et Réseau ferré de France (RFF) parviennent-ils à définir des programmes d’investissement cohérents ? Le STIF a-t-il été contraint de jouer les arbitres le cas échéant ? Dispose-t-il des moyens de faire valoir son point de vue dans ce domaine essentiel ? Pourriez-vous illustrer votre propos à l’aide d’exemples significatifs ? La capacité d’expertise autonome du STIF est un enjeu essentiel du débat, qu’il s’agisse de déterminer des programmes d’investissement, de suivre les travaux ou de passer des contrats pour acquérir de nouveaux matériels ou en assurer la maintenance.

En Île-de-France, plus que dans d’autres régions, l’État prend des décisions qui engagent les finances régionales. De ce fait, il est difficile à la région de faire valoir ses priorités et de conduire librement sa politique en matière de transports. Les projets du Grand Paris font ainsi craindre à certains que les perspectives à court et à moyen terme ne soient négligées. Quel est votre sentiment sur ce point, qu’il s’agisse des projets, de l’ingénierie ou de la sécurisation des financements ?

Enfin, la commission d’enquête a identifié un problème de gouvernance interne au réseau du RER. Sur les lignes A et B, exploitées conjointement par la RATP et par la SNCF, l’unité de commandement opérationnel s’impose. C’est une question de bon sens ! Les présidents de la RATP et de la SNCF nous ont même fait à ce sujet des promesses dont nous comptons bien nous assurer qu’elles seront tenues. Parce que c’est le concret qui nous importe, nous aimerions également connaître votre sentiment sur ce point. Selon vous, cette unification des responsabilités peut-elle voir le jour à court terme ? Quels sont les obstacles à lever ? Les intéressés sont-ils vraiment de bonne volonté ?

Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, Mme Sophie Mougard prête serment.

Mme Sophie Mougard, directrice générale du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF). Le RER transporte 3,6 millions de voyageurs par jour. Ce chiffre, que vous avez souvent entendu, mérite toutefois d’être rappelé. Il donne la mesure du problème mais recouvre des disparités selon les lignes. Plus d’un million de voyageurs empruntent chaque jour la ligne A, qui concentre à elle seule 25% des trafics RER et Transilien. Vient ensuite la ligne B, où circulent 900 000 personnes par jour et où la fréquentation a augmenté de 35% en dix ans. Constatant l’inégale répartition de cette augmentation entre le week-end, où elle atteint 50%, et les jours ouvrables, où elle n’est que de 20%, le STIF a adapté l’offre à cette variation de l’usage des transports selon les « temps de la vie ». Le RER C transporte 500 000 voyageurs par jour et ce chiffre a augmenté de 2,5 % par an au cours des dernières années. C’est la ligne sur laquelle la desserte est la plus complexe, mais la mise en service du Tram Train entre Massy et Évry, une réalisation pilotée par le STIF, devrait contribuer à la simplifier. La ligne D transporte 550 000 passagers par jour. Cette ligne, qui relève exclusivement de la SNCF, est très fréquentée et le trafic de voyageurs y a crû de 40% au cours des huit dernières années. Enfin, la ligne E qui est la plus jeune et la plus courte – mais nous travaillons à la prolonger – transporte chaque jour 310 000 voyageurs.

Notre constat est triple. Premièrement, le réseau s’est chargé. Il continue de se charger alors même que les infrastructures n’ont pas été adaptées ni modernisées et que les investissements de capacité nécessaires n’ont pas été réalisés. Deuxièmement, le parc de matériel roulant a besoin d’être renouvelé ou rénové, et il est « tendu », c’est-à-dire que les réserves d’exploitation et de maintenance dont disposent les opérateurs sont souvent insuffisantes. Troisièmement, la desserte n’a guère été adaptée à l’évolution des territoires ; le STIF est souvent sollicité à ce sujet.

En ce qui concerne les infrastructures, au lendemain de la décentralisation, nous avons demandé un audit spécifique dans le prolongement du rapport Rivier, audit national réalisé en 2005 par l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Nous avons souhaité y associer Réseau ferré de France (RFF) pour nous assurer que le gestionnaire des infrastructures en partagerait les conclusions. Il en est ressorti que le programme de renouvellement du réseau accusait un retard et que, pour pallier les irrégularités liées aux infrastructures, il fallait réduire non seulement le nombre d’incidents à la source, en remédiant à leur vétusté, mais réduire aussi le nombre de trains dont chaque incident compromettait par ricochet la régularité. Cela suppose que l’exploitation du réseau bénéficie d’outils performants utilisant des technologies modernes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. L’outil que RFF doit développer est la commande centralisée du réseau, la CCR. Il convenait également de mobiliser des ressources de maintenance et de régénération du réseau en quantité suffisante. Enfin, l’audit suggérait fortement un plan de maintenance renforcé pour certaines installations, grâce à un référentiel de maintenance fondé sur des critères plus exigeants que le référentiel de maintenance national.

Forts de ces résultats, nous avons conclu avec RFF une convention de partenariat pour la période 2009-2012 qui sensibilise notre partenaire au suivi de la régularité dépendant de l’infrastructure et l’invite à rendre le réseau plus robuste donc à en moderniser l’exploitation en zone dense. Cette convention permet en outre de définir des programmes pluriannuels d’investissement adaptés, notamment, aux besoins de renouvellement et à l’exigence d’amélioration de la qualité de service. RFF s’est ainsi engagé auprès du STIF à porter de 700 millions à un milliard d’euros les investissements concernant l’infrastructure en Île-de-France par rapport à la période précédente. Il s’est également engagé à consacrer à l’Île-de-France toute la capacité d’autofinancement qu’il dégage grâce aux péages que lui verse le STIF via la SNCF et qui était auparavant redéployée en fonction des besoins sur l’ensemble du réseau national. Rappelons que ces péages ne représentent pas moins de 680 millions d’euros par an et que le STIF est la seule autorité organisatrice de transports à qui l’arrêté ministériel définissant le barème des péages au niveau national facture « le coût complet » des infrastructures, c’est-à-dire, outre le coût de l’usage, les investissements de renouvellement, de capacité et de modernisation nécessaires.

Deuxième constat : le parc de matériel est vieillissant et « tendu ». Le président Huchon a dû vous le dire, le STIF décentralisé a lancé, dès son installation, un important programme de renouvellement et de rénovation des matériels roulants. La première décision de principe a été prise en mai 2006 et la décision de financement en décembre 2006, pour 2,94 milliards d’euros aux conditions économiques de 2006. Il s’agit de déployer 172 rames de trains Franciliens sur les réseaux de Paris-Nord, de Paris-Saint-Lazare et de Paris-Est, ce qui permet d’affecter le matériel le plus récent, notamment les Z2N, à d’autres lignes, dont les lignes de RER. Vingt-quatre automotrices à grande capacité sont destinées au réseau Paris-Est, Paris-Provins et Paris-Meaux-La Ferté Milon. Trois cents rames automotrices Z2N qui circulent sur les lignes D et C du RER seront en outre rénovées en vertu de deux décisions successives du conseil du STIF, de même que les MI79 de la ligne B grâce à un programme de plus de 300 millions d’euros subventionné à 50% par le STIF. Enfin, le conseil du STIF a décidé d’investir 650 millions d’euros dans le remplacement des MS61 et des MI84 par le MI09, matériel à deux niveaux, sur la ligne A. Par ailleurs, le conseil du STIF a récemment approuvé le cahier des charges fonctionnel du futur matériel RER 2N – pour « deux niveaux » – NG – pour « nouvelle génération », destiné au prolongement de la ligne E mais aussi au RER D. L’objectif est qu’en 2016, tout le parc circulant sur le réseau Transilien soit constitué d’un matériel neuf ou rénové depuis peu. Le STIF a élaboré et soumis à son conseil un schéma directeur du matériel roulant ferroviaire qui assure la cohérence de ces différentes actions.

Troisième constat : les dessertes sont parfois mal adaptées aux besoins des territoires. Le STIF a décidé des renforcements de l’offre, par exemple à Cergy, notamment sur la ligne A du RER, ou en généralisant les rames doubles sur les lignes B et D pour tenir compte de la charge, y compris au cours des week-ends. Mais l’état des infrastructures et du parc en limite les effets. Il est donc apparu nécessaire de prévoir des actions à court, à moyen et à long terme afin de résoudre les problèmes d’infrastructure, de matériel roulant, d’exploitation – comment les trains sont-ils produits et comment le service est-il assuré ? – et d’adaptation de la desserte. C’est le principe du schéma directeur des RER. Il s’agit d’identifier et d’appliquer les mesures d’exploitation et les investissements à court, à moyen comme à long terme permettant d’améliorer la régularité et la qualité du service, sans oublier l’information des voyageurs, notamment lors de perturbations.

Je m’attarderai sur le cas de la ligne A avant d’évoquer plus brièvement les spécificités des autres lignes.

Sur la ligne A, la régularité s’est dégradée dès 2008. Le président du STIF a donc saisi en avril 2008 les présidents de la RATP et de la SNCF afin qu’ils lui soumettent d’urgence un programme d’amélioration permettant de restaurer la qualité de service prévue par le contrat qui les lie à l’autorité organisatrice. Trois éléments apparaissaient particulièrement nécessaires : le traitement des installations fixes, notamment au niveau du tronçon central, très chargé ; l’amélioration de l’exploitation commune de la ligne par la RATP et la SNCF ; la mise en œuvre d’une meilleure information des voyageurs. De plus, le schéma directeur du matériel roulant, que je viens d’évoquer, tenait compte des besoins spécifiques de capacité du RER A, en prévoyant notamment de généraliser le matériel à deux niveaux.

L’une de nos préoccupations est le nombre de trains qui circulent à l’heure de pointe dans le tronçon central. Car ce qui fait la capacité de la ligne, c’est non seulement la capacité unitaire de chaque train mais le nombre de trains que l’on parvient à faire passer dans un laps de temps donné. À cet égard, en réponse à la demande du STIF, la RATP a recouru dès 2008 à plusieurs mesures d’exploitation qui ont permis de porter, à la fin de cette même année, de vingt-quatre à vingt-sept le nombre de trains empruntant le tronçon central à l’heure de pointe. Cela montre que si d’importants investissements sont nécessaires, les opérateurs doivent également être particulièrement attentifs aux conditions d’exploitation. En l’espèce, il s’agissait de renforcer les effectifs des agents d’encadrement, d’affecter des secouristes à Châtelet et Gare de Lyon, d’anticiper la préparation des trains à quatre heures trente du matin ou de mettre en place à Nation un train de réserve que l’on peut « injecter » en sus dans le tronçon central pour décharger les quais saturés, de sorte que les trains suivants rattrapent en partie le retard pris.

À moyen terme, le STIF a demandé à la RATP d’engager des études sur les différentes mesures susceptibles d’alimenter le schéma directeur du RER A. La RATP, la SNCF et RFF ont réalisé à cette fin un « dossier d’émergence » financé par le STIF et constitué d’études de préfaisabilité fondées sur un bilan complet des dysfonctionnements et des principales difficultés de la ligne. Trois grandes difficultés structurelles s’en dégagent : une desserte inadaptée et des infrastructures insuffisamment performantes sur la branche de Marne-la-Vallée, celle où la fréquentation a le plus augmenté ; un tronçon central qui concentre 60% du trafic, ce qui exclut d’y résoudre un problème dans un train et ne fait qu’aggraver les difficultés de la ligne ; enfin, une exploitation trop rigide des branches de Cergy et Poissy, due notamment à leur convergence dans des conditions très contraignantes entre Houilles Carrières et Nanterre Préfecture, où diverses circulations se partagent les voies. S’y ajoutent deux difficultés plus générales : l’hétérogénéité du matériel roulant et le fait que la supervision conjointe de la RATP et de la SNCF n’est pas assez centralisée.

Au cours des 565 journées qui se sont écoulées entre février 2008 et novembre 2010, 24,3 trains en moyenne sont passés à Châtelet-Les Halles à l’heure de pointe du matin et 25,6 à l’heure de pointe du soir, alors que l’outil de pilotage SACEM Système d’aide à la conduite, à l’exploitation et à la maintenance – utilisé dans le tronçon central permet en théorie d’en faire circuler 30. Il faut une heure dix au lieu d’une heure pour faire passer ces 30 trains, d’où les problèmes de capacité de la ligne. Ce chiffre met en évidence une difficulté d’exploitation, plus aiguë le matin.

L’élaboration du schéma directeur implique de réfléchir aux conditions de performance de la ligne – en particulier à l’heure de pointe – et de gestion des situations dégradées ou perturbées ; à l’adéquation de l’offre aux besoins des voyageurs par l’adaptation de la desserte ; enfin, à l’homogénéisation du service aux voyageurs et à l’unification de l’exploitation. Notre objectif est de nous appuyer sur ces études réalisées par les opérateurs pour présenter, à la fin du premier trimestre 2012, un schéma directeur aux associations d’usagers, aux élus concernés, par l’intermédiaire des commissions de suivi, enfin au conseil du STIF, instance décisionnelle.

Quelques orientations se dessinent dès à présent. La capacité de la ligne sera accrue. La standardisation du matériel roulant grâce à la généralisation du MI09 va permettre de mener des actions d’amélioration. En ce qui concerne les conditions d’exploitation du tronçon central, les opérateurs étudient à notre demande les bénéfices de l’automatisation. Enfin, des portes palières seraient installées afin de réguler les flux entre le quai et le train dans les stations.

Il s’agit en deuxième lieu de supprimer les points fragiles. On étudie ainsi le recours à des infrastructures de retournement des trains au terminus à Chessy, à Cergy et à La Varenne, afin de résorber les retards en réinjectant plus rapidement ces trains sur la ligne ; mais aussi dans le tronçon central, à Gare de Lyon, Étoile, La Défense, Nanterre Université ou Val de Fontenay. S’y ajoutent des infrastructures liées au fonctionnement des branches : l’accès au garage de Torcy et l’extension de l’outil SACEM jusqu’à Neuilly-Plaisance. La RATP, la SNCF et RFF doivent étudier la faisabilité de ces travaux et nous en préciser le coût ainsi que les délais envisageable de réalisation.

Enfin, il s’agit d’améliorer l’exploitation commune de la ligne par les opérateurs, ce qui nécessite d’améliorer les interfaces opérationnelles et de réfléchir à ce qu’implique l’unification de l’exploitation, en étudiant la faisabilité d’un centre de commandement unique ainsi que la suppression de la relève des conducteurs à Nanterre.

Nous invitons en outre les opérateurs à réformer profondément la gestion des perturbations en donnant aux voyageurs une place centrale. Nous souhaitons ainsi inscrire une action nouvelle dans les contrats actuellement négociés avec eux, en nous fondant sur l’expérience des incidents dont nous font part les représentants des voyageurs, auprès desquels nous plaçons un élu, administrateur du STIF. Notre objectif est d’identifier des propositions concrètes, véritablement novatrices, de sorte que les voyageurs, loin de se sentir livrés à eux-mêmes, participent à un diagnostic en commun. Ils nous ont fait part de leurs premières expériences, dont le compte rendu a été mis en ligne sur le site du STIF.

Il s’agit notamment d’étudier le renforcement et le perfectionnement des systèmes d’annonce sonore et visuelle, l’amélioration de la gestion des flux de voyageurs dans les grandes gares et la préparation anticipée de scénarios de perturbation communs aux opérateurs, maîtrisés par les exploitants et compris par les voyageurs. Lors de la commission de suivi du schéma directeur, nous avons aussi évoqué la propreté des gares et des trains, qui engage non seulement la qualité du service, mais également le respect dû aux voyageurs.

Enfin, pour adapter l’offre aux besoins des voyageurs, nous avons demandé aux opérateurs d’étudier des modifications de la desserte pour prolonger certaines missions ou généraliser certains arrêts.

Le prolongement du RER E à l’ouest permettra de décharger d’environ 12 % le tronçon central du RER A à l’horizon 2020. Nous devons aussi adapter les pôles d’échange à la charge pour que les voyageurs effectuent leur correspondance dans les meilleures conditions, comme nous le faisons à Châtelet-Les Halles, à Nanterre Université et à Noisy-le-Grand. Abstraction faite du financement de ces grands pôles dans le cadre des contrats de plan entre l’État et la région, le montant investi par le STIF dans l’adaptation des pôles d’échange, toutes lignes de RER confondues, a été multiplié par huit entre la période 2000-2005 et la période 2006-2011, passant de 40 à 300 millions d’euros.

La ligne B a la particularité d’être exploitée par trois opérateurs, pour moitié par la RATP et pour moitié par la SNCF et RFF. Sa fréquentation a beaucoup augmenté et son tronçon central est lui aussi très chargé, surtout la partie commune avec la ligne D – le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord. La partie nord de la ligne a fait l’objet dès 2003 du schéma directeur « RER B Nord + ». Les investissements sur les infrastructures doivent permettre de dédier deux voies au RER B, ce qui débouchera sur une « métroisation » de la desserte en proche couronne : même origine, même destination et même desserte omnibus pour toutes les missions. Cela devrait considérablement améliorer la régularité. Le STIF a également décidé d’investir dans la rénovation du matériel roulant. Au total, près de 260 millions d’euros sont consacrés à l’infrastructure. Mais le taux de régularité de la ligne reste très faible. Les voyageurs s’en plaignent beaucoup et les associations d’usagers ont dû souvent en faire état auprès de vous. Une deuxième étape est rendue nécessaire par l’augmentation du trafic et par le projet de réseau Grand Paris Express, destiné à s’entrelacer au RER B.

Monsieur le président, vous avez évoqué l’unification du pilotage. La première étape de l’unification est due au STIF, qui a souhaité inscrire la suppression de la relève des conducteurs en Gare du Nord dans les contrats conclus avec la RATP et la SNCF en 2008. L’échéance – juillet 2008 – était ambitieuse ; le chantier a duré plus longtemps, les opérateurs ayant dû mener un dialogue social difficile, former les agents et définir des normes de sécurité communes. La mesure n’a été effective qu’en novembre 2009. Nous avons en outre tenu à inscrire dans les contrats signés en 2008 un indicateur de ponctualité des voyageurs – et non de régularité des trains – qui permet de connaître le pourcentage de voyageurs dont le retard à l’arrivée ne dépasse pas cinq minutes. La RATP et la SNCF en sont coresponsables.

La seconde étape est l’instauration d’un pilotage unique de la ligne : le centre unique RER B, ou « CUB ». Aujourd’hui, l’exploitation – gestion des circulations, plan de transport, information des voyageurs, gestion des incidents – est supervisée par plusieurs entités : pour la RATP, un poste de commande centralisé (PCC) ; pour la SNCF, un centre opérationnel Transilien (COT) ; pour RFF, un centre opérationnel pour la gestion des circulations (COPC) situé à Paris Nord et qui communique avec les agents des différents postes d’aiguillage, lesquels dépendent de la Direction des circulations ferroviaires, indépendante au sein de la SNCF. La réunion de ces acteurs dans un seul et même lieu de supervision est un enjeu majeur. Le STIF a rappelé aux trois opérateurs, dès février 2011, qu’il souhaitait atteindre cet objectif dans les meilleurs délais. On nous objecte que, dans le contexte d’ouverture à la concurrence, RFF ne peut entretenir de lien privilégié avec une entreprise ferroviaire en particulier. Cet argument trouve ses limites dès lors que 99,9% des lignes concernées relèvent de l’entreprise ferroviaire visée, ce qui sera le cas lorsque le RER B bénéficiera de deux voies dédiées sur le tronçon nord. Une solution se dessine, que M. Pepy a pu évoquer ici et que M. du Mesnil vous confirmera peut-être : RFF pourrait déléguer sa compétence à la SNCF pour ce qui concerne la gestion des circulations et de l’infrastructure. La SNCF partageant un centre unique avec la RATP, la ligne serait dès lors dotée d’un seul lieu de pilotage.

Sur la ligne C, la ponctualité s’est très fortement dégradée en 2010, notamment parce que la part des causes d’irrégularité liées à l’infrastructure a doublé. Au vieillissement des infrastructures s’est ajouté l’accident de Choisy-le-Roi. Nous avions proposé, en juillet 2009, au conseil du STIF un schéma directeur du RER C où sont répertoriées les difficultés d’une ligne qui mêle circulations lentes et rapides et multiplie les points de connexion entre les deux. Outre l’usure de son infrastructure, notamment des signalisations, la ligne C se caractérise également par la mixité des circulations – RER, TER, fret. Le STIF a décidé plusieurs investissements en conséquence.

Un mot sur les délais de réalisation des études et des travaux en question. Dès 2003, le STIF avait identifié plusieurs investissements nécessaires sur la ligne C, parmi lesquels la rénovation du poste d’aiguillage et de régulation – le PAR – des Invalides, dont les représentants des associations d’usagers vous ont peut-être parlé. Les études ont pris beaucoup de temps et le nouveau PAR n’a pas été livré avant 2011. Fort heureusement, les délais ne sont pas toujours aussi longs, mais j’appelle votre attention sur le fait que les opérateurs doivent consacrer tous les moyens nécessaires, en maîtrise d’ouvrage et en maîtrise d’œuvre, aux opérations complexes qu’implique le schéma directeur, afin que les études progressent et que les travaux puissent s’engager. C’est l’enjeu principal du schéma directeur du RER C depuis que le président du conseil régional qui préside le conseil du STIF et la ministre des transports, Mme Kosciusko-Morizet, ont signé une convention spécifique « Transports » qui ne consacre pas moins de 260 millions d’euros au schéma directeur. En effet, il faut que les études soient suffisamment avancées pour que cette somme puisse être investie d’ici à la fin de l’année 2013.

Ces délais doivent nous inciter à nous interroger dès aujourd’hui sur la manière de résoudre à long terme les problèmes de circulation et de mixité. Nous avons donc demandé à RFF et à la SNCF d’étudier la création de nouvelles voies pour le RER C entre Juvisy et Paris : c’est ce que l’on a coutume d’appeler le « sextuplement » des voies, de manière impropre puisqu’il s’agit en réalité de passer de quatre à six voies.

La ligne D est structurellement fragile, avec des conflits de circulation à Corbeil-Essonnes, des terminus et des installations en ligne qui ne laissent pas assez de marge de manœuvre aux opérateurs, et des missions très longues qui partagent les voies avec le RER B dans le fameux tunnel, mais aussi avec les TER et avec le fret au sud de Villeneuve-Saint-Georges. Nous avons commandé un audit indépendant pour tenter de comprendre la très forte augmentation des dysfonctionnements liés au matériel roulant en 2010. Il est apparu que l’on n’avait pas systématisé le dispositif d’anti-enrayage sur les essieux des Z2N de la ligne, contrairement à ce que l’on avait fait sur la ligne C. Or cet équivalent de l’ABS des véhicules automobiles évite que la présence de feuilles sur la voie ne fasse patiner les essieux, entraînant une perte d’adhérence et un fluage qui obligent à remettre les rames en maintenance et à changer les bogies. Le STIF a donc décidé sans tarder de subventionner à hauteur de 10 millions d’euros son installation sur tous les Z2N de la ligne. L’audit a également montré la nécessité de nouvelles mesures d’encadrement et d’organisation des ateliers de maintenance, ainsi que de moyens supplémentaires.

Le schéma directeur de la ligne D prévoit 120 millions d’euros d’investissements d’ici à 2014 pour réaliser d’importantes opérations sur les infrastructures, auxquelles s’ajoute la rénovation du matériel roulant. Le STIF s’est efforcé avec les opérateurs de donner un peu de souplesse à un parc très tendu, sans pouvoir apporter de solution miracle. Ainsi, les MI84, remplacés par les MI09 sur la ligne A, pourraient être réaffectés en partie sur la ligne B, mais aussi, à titre transitoire, sur d’autres lignes. Nous avons également demandé à la SNCF de se rapprocher de la région Nord-Pas de Calais, qui utilise six Z2N proches de ceux qui circulent en Île-de-France. Naturellement, cette région, elle aussi confrontée à une augmentation du trafic, ne nous les céderait pas sans les avoir remplacés par des TER de type Regio 2N ou 2N NG. Mais la piste mérite d’être creusée. Nous attendons les résultats de cette démarche. Enfin, nous avons demandé à la SNCF de prévoir, dans l’appel d’offres qu’elle va lancer pour les RER 2N NG, un dimensionnement large du marché, avec des tranches optionnelles qu’elle pourrait lever rapidement pour développer le parc.

Sur cette ligne, l’enjeu à moyen et à long terme est le doublement du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord, car ce n’est qu’en séparant les lignes B et D que l’on en sécurisera durablement l’exploitation. Nous avons donc confié à RFF une étude de faisabilité que nous finançons et dont nous attendons les conclusions pour la fin 2012.

Le prolongement de la ligne E à l’ouest, qui ne représente pas moins de 3,2 milliards d’euros, doit contribuer à « désaturer » la ligne A et à améliorer l’accès des habitants du Mantois et des Mureaux aux emplois de La Défense. Pour concevoir ce prolongement, on a tiré les leçons des difficultés rencontrées sur les autres lignes. Ainsi, on a prévu un recouvrement des trains dans le tronçon central mais aussi, de façon systématique, un retournement de toutes les missions à Évangile d’un côté et à Nanterre-La Folie de l’autre, ce qui évitera qu’une irrégularité ne se propage d’est en ouest et réciproquement. La future gare Rosa Parks, qui devrait être mise en service en 2015 et qui représente à elle seule un investissement de 116 millions d’euros, est un autre exemple des pôles d’échange précédemment évoqués. Une autre avancée importante est la mise à l’étude par la SNCF et RFF d’une plateforme commune, avec le nouveau système NExT de signalisation et de pilotage de l’exploitation. Nous sommes attentifs aux fonctionnalités de ce système et à son apport potentiel à la robustesse, à la régularité et à la capacité de la ligne, mais aussi au type de supervision qu’il autorise, forts des leçons du RER A où, je l’ai dit, les difficultés structurelles entravent les possibilités théoriquement offertes par le SACEM. Ainsi, comment le dispositif NexT utilisé dans le tronçon central s’articulera-t-il aux outils de pilotage globaux – la CCR, mais aussi les outils de signalisation employés sur les branches ? Enfin, pour avoir une vision d’ensemble de l’exploitation de la ligne et anticiper les difficultés, le STIF a demandé aux opérateurs une étude du schéma de secteur du RER E Est. On sait par exemple que le pont de Nogent est un point critique. Autant profiter de l’occasion pour traiter ensemble les différents problèmes.

Qu’en est-il de la régularité dans les nouveaux contrats ? Les contrats signés en 2008 ont fait notablement progresser le suivi de la ponctualité des voyageurs puisque nous avons fondé les incitations financières de la RATP et de la SNCF sur cet indicateur. Nous avons obtenu une « déglobalisation » du suivi par ligne : en lieu et place de sept sous-réseaux et d’un indicateur pour l’ensemble du métro ; le suivi porte désormais sur quarante-cinq axes, s’étend à la ponctualité des voyageurs et est assorti d’une incitation. Les contrats ont également consacré la suppression de la relève des conducteurs en Gare du Nord sur la ligne B et intégré la coresponsabilité des opérateurs. Pour Transilien, SNCF et RFF sont coresponsables. Nombre de nouveaux indicateurs de la qualité de service ont été introduits, qui déterminent un dispositif de bonus et de malus. Au total, l’enveloppe incitative est passée d’une vingtaine de millions d’euros à près de 48 millions pour les deux opérateurs réunis.

Aux yeux du STIF, et sans préjuger des résultats de la négociation en cours, les prochains contrats devraient insister encore davantage sur la régularité et la ponctualité des voyageurs, qui devraient représenter 50 à 60% de l’enveloppe des incitations. La ponctualité des voyageurs devrait faire l’objet d’un suivi sur toute la ligne, mais aussi sur les branches. La suppression d’un train est déjà prise en considération au titre du retard : d’une part, l’offre n’est pas assurée ; d’autre part, une pénalité s’applique si, de ce fait, l’objectif de ponctualité n’est pas atteint. Mais nous voulons aller plus loin en dissuadant spécifiquement les exploitants de supprimer des trains, car cela pénalise particulièrement les voyageurs selon les associations d’usagers que nous rencontrons au sein des comités de ligne ou lors de réunions bilatérales.

Nous souhaitons également que le dispositif d’incitation tienne compte de l’enquête sur la perception des voyageurs intégrée aux contrats qui viennent d’arriver à échéance – de l’évolution plutôt que des valeurs absolues, d’ailleurs, et ce même s’il convient d’ « objectiver » les données recueillies. Nous voulons en outre mettre l’accent sur l’information des voyageurs lors des perturbations, en tenant compte de la manière dont ils en perçoivent l’amélioration le cas échéant. S’y ajoutent la propreté et l’accessibilité.

Nous comptons naturellement maintenir nos lieux de rencontre et d’échange avec les voyageurs, qu’il s’agisse des comités de ligne, des réunions publiques consacrées aux projets – près de quarante-cinq en 2011 – ou des retours d’expérience liés à un incident, sans oublier un dispositif nouveau au sein duquel nous souhaitons prendre le relais de la RATP : les « témoins de ligne », en lien avec la Fédération nationale des associations d’usagers des transports, la FNAUT.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission d’enquête. Merci, madame, de la qualité de cet exposé. J’aimerais vous demander des précisions sur plusieurs points.

Il s’agit tout d’abord de la déclaration de saturation qui permet de donner la priorité aux voyageurs. On le sait, RFF attribue les sillons sans faire de différence entre les modes de transport – fret ou transport de voyageurs, en TER ou en TGV, par exemple. Or, dans l’agglomération parisienne – Petite et Grande couronne –, il est impératif de donner la priorité aux voyageurs. En effet, comme l’ont dit avant vous plusieurs des personnes que nous avons auditionnées, nous devons gérer la pénurie sur un réseau vieillissant en attendant que la relance de l’investissement porte ses fruits. Dans ce contexte, la rationalisation de l’attribution des sillons permettrait de dégager des marges de manœuvre.

Deuxièmement, vous avez évoqué les indicateurs de qualité, auxquels la commission d’enquête est particulièrement attentive, raison pour laquelle elle a commencé ses travaux par une Table ronde réunissant des associations d’usagers. Au-delà de la volonté, partagée par tous les parlementaires, de placer les voyageurs au centre du système, dans quelle mesure les usagers pourraient-ils être associés non seulement à l’élaboration des critères, mais aussi à leur évaluation ?

Troisièmement, le STIF semble se heurter comme la Cour des comptes à une certaine opacité des opérateurs, qu’il s’agisse de la RATP, de la SNCF ou de RFF, qui a quelque peu déçu les espoirs que l’on plaçait en lui. À ce propos, j’ai rappelé hier à MM. Huchon, Kalfon et Karoutchi, qui se sont montrés très intéressés, les pouvoirs de saisine sur pièces et sur place dévolus à une commission d’enquête. Je vous confirme que nous sommes à votre disposition pour vous aider à obtenir des documents propres à nourrir une analyse socio-économique pertinente.

La loi du 8 décembre 2009 dite « ORTF » permet une maîtrise d’ouvrage partagée entre le STIF et la RATP. Avez-vous progressé sur ce point ?

Vous avez également évoqué la longueur excessive des lignes. A-t-on étudié précisément la pertinence et les bénéfices d’une desserte avec ruptures de charge, solution préconisée par notre collègue Guy Malherbe ? Plutôt que des plates-formes de retournement, auxquelles des contraintes topographiques peuvent faire obstacle, a-t-on envisagé d’installer des motrices à l’avant et à l’arrière des trains ?

Quel est l’état de votre réflexion sur l’harmonisation des procédures et la standardisation des réglementations, dont les variations d’un transporteur à l’autre nuisent à la rationalisation du système ?

Enfin, à propos des projets inscrits dans les schémas directeurs, vous avez mentionné les expertises que vous confiez aux opérateurs « historiques ». Ne faudrait-il pas envisager des expertises entièrement indépendantes ?

M. le président Daniel Goldberg. Je signale que lundi 30 au matin, nous nous rendrons sur la ligne B du RER – qui était ralentie ce matin par une panne de matériel à Saint-Michel –, nous verrons notamment le centre opérationnel de Denfert-Rochereau.

M. Guy Malherbe. Merci, madame, pour la qualité de cet exposé très complet.

L’interopérabilité a été maintes fois évoquée ici même. Il apparaît que l’opérateur unique, idéalement préférable, reste inenvisageable en pratique, pour diverses raisons. En revanche, on évolue vers des postes de commandement uniques ou unifiés qui devraient améliorer la gestion des lignes. D’autre part, on a évoqué la possibilité d’affecter un seul opérateur à chaque ligne – la SNCF au RER B et la RATP au RER A, par exemple. Qu’en pensez-vous ?

Le tunnel de Châtelet-Les Halles est un autre problème important et récurrent. Les études sont lancées. On parle pour sa réalisation d’un à deux milliards d’euros, voire davantage ! En outre, les études prennent du temps. Les travaux, à supposer qu’ils soient jugés réalisables, seront longs. Dans l’intervalle, le problème va s’aggraver. Selon certains spécialistes, seuls 1% des voyageurs traversent Paris du nord au sud ou vice versa. Dès lors, ne serait-il pas moins cher et plus rapide de couper les lignes B et D en deux tronçons nord et sud, avec des retournements ?

La ligne C est, elle aussi, très chargée, notamment sur son tronçon central. Même si elles ne seraient pas très agréables, des ruptures de charge aux portes de Paris, complétées par des navettes intra-muros, n’amélioreraient-elles pas la desserte de la capitale en évitant que les irrégularités ne se propagent d’un bout à l’autre de la ligne ?

Certes, le trafic va être allégé par le Tram Train entre Massy et Évry, qui permettra de couper une tentacule de la pieuvre et d’améliorer la circulation en provenance de Versailles, sur un tronçon où, comme vous l’avez dit, des feuilles tombées à Bièvres peuvent faire patiner les trains. Pourriez-vous nous préciser le calendrier de mise en service du Tram Train ? Je sais que le projet progresse pour avoir participé à la commission de suivi.

La réalisation du schéma directeur de la ligne C du RER est actuellement gelée. L’association des élus de cette ligne, que je préside, n’a aucune information sur l’évolution de la réflexion à ce sujet. Qu’en est-il ? Ne serait-il pas temps de réunir le comité de ligne pour l’informer des moyens envisagés pour sortir de cette impasse et mettre fin au moratoire ?

Le contrat État-région prévoyant une enveloppe de 300 millions d’euros consacrée à l’amélioration de la ligne C, des travaux seront réalisés qui concerneront le nœud ferroviaire de Brétigny, une voie de retournement sur la Gare d’Austerlitz et l’électrification, ainsi que le « sextuplement » des voies entre Juvisy et Paris. Mais ce tronçon est également concerné par le projet de ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand, dite POCL, et les calendriers d’achèvement des deux programmes diffèrent grandement. Comment se fera la coordination ?

Pouvez-vous nous en dire davantage sur l’évolution prévisible de la tarification ? Envisagez-vous une seule zone en Île-de-France, ou plutôt deux ?

Nous voyons passer dans nos gares des TER des régions Centre et Nord-Pas-de-Calais, qui ne s’arrêtent pas. Des négociations sont-elles en cours avec elles pour obtenir que ces TER prennent des voyageurs dans les gares d’Île-de-France, ce qui améliorerait la desserte de la grande banlieue ?

L’hypothèse du rachat de rames à la région Nord-Pas-de-Calais avait déjà été évoquée devant moi. Pourriez-vous préciser les conditions auxquelles l’opération se conclurait ? J’ai cru comprendre que la cession pourrait se faire rapidement et peut être même pour un prix avantageux.

Le fait que les entreprises travaillent désormais à flux tendus n’est pas sans incidence sur l’organisation des transports en Île-de-France : comme leur activité dépend de la livraison des pièces alimentant les chaînes de production, les convois de fret doivent eux aussi arriver impérativement à l’heure sous peine de pénalité. Dans ce contexte, comment négociez-vous avec RFF et la SNCF pour que la répartition des sillons entre les trains de voyageurs et les trains de fret soit la meilleure possible ?

M. Axel Poniatowski. En ma qualité de député de la ville nouvelle de Cergy, je suis particulièrement intéressé par la qualité du fonctionnement de la branche de Cergy de la ligne A du RER. Or, élu de cette circonscription depuis dix ans, je n’ai jamais reçu autant de courriers de protestation faisant état d’un service devenu calamiteux - comme vous l’avez exposé, madame. Vous avez expliqué que le tronçon central forme un goulet d’étranglement et vous avez mentionné des pistes de réflexion intéressantes dont l’application permettrait d’améliorer la situation – mais à quel terme ? Quand peut-on s’attendre à constater une amélioration sur la ligne A du RER et singulièrement sur la branche desservant Cergy ? Ma circonscription, la plus grande de France, connaît une urbanisation galopante dont résulte l’augmentation continue du trafic ferroviaire. Dans ces conditions, peut-on vraiment s’attendre à ce que le service, actuellement déplorable, s’améliore durablement ? Cergy compte quatre gares de RER ; je sais que de plus en plus d’usagers des transports s’obligent à partir d’abord vers le terminus de la ligne, Cergy-le-Haut, au nord de l’agglomération, pour être sûrs de trouver une place assise jusqu’à Paris… Je ne sais si la généralisation des rames à deux niveaux suffira à régler le problème ; l’évolution au cours des années à venir ne laisse pas de m’inquiéter.

Enfin, la situation de la ligne H n’a pas été commentée. Pourtant, ses usagers subissent en permanence retards et suppressions de trains. La branche desservant Luzarches a été modernisée, mais qu’en est-il de la branche desservant Persan ?

M. le président Daniel Goldberg. Quelle appréciation portez-vous sur les moyens dévolus au STIF – qu’il s’agisse de ses moyens en personnel ou de ses capacités d’expertise indépendante face à des opérateurs amplement dotés –, et sur ses pouvoirs de contrainte vis-à-vis des opérateurs en cas de désaccord ?

En votre qualité d’autorité organisatrice des transports en Île-de-France, vous semble-t-il envisageable que, la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF) ayant transféré à la RATP la propriété des infrastructures utiles à l'exploitation de son réseau, les collectivités territoriales soient à l’avenir directement gestionnaires des infrastructures de transport ?

Vous avez évoqué une éventuelle délégation de compétences de RFF à la SNCF sur le réseau francilien. Ce serait une étape importante mais, outre cela, ne faudrait-il concevoir une instance permettant des échanges entre l’autorité organisatrice de transport, des représentants de l’État et les parties concernées ?

On peut se féliciter que la ligne A du RER ait été dotée de rames à deux niveaux, mais quel sera le gain réel de cette évolution pour les usagers si, dans le même temps, les infrastructures ne sont pas améliorées ni les gares rénovées, et si la réflexion sur les temps d’échange n’a pas été approfondie ?

Chacun attend l’entrée en fonction du centre de commandement unique de la ligne B du RER. Dans l’intervalle, pouvez-vous nous dire plus précisément comment le STIF a été mis au courant par les opérateurs des problèmes d’organisation du service que posait la découverte d’amiante dans certaines rames de cette ligne ? À ma connaissance, plusieurs semaines se sont écoulées entre cette découverte et l’application d’un processus spécifique. Qu’en est-il ? Le STIF a-t-il pu peser sur la réorganisation de la ligne et l’information des passagers ?

Souhaiteriez-vous voir les financements du STIF sécurisés comme le sont ceux de la Société du Grand Paris (SGP) ? Le STIF a-t-il réfléchi à un mécanisme qui permettrait d’assurer le financement nécessaire aux lignes du RER à l’avenir ?

Nous vous avons entendue énumérer les projets du STIF pour les lignes A à E du réseau francilien. En supposant garantis le financement et la volonté politique qui permettront à ces projets d’aboutir, quelles améliorations les usagers pourraient-ils constater dans les cinq ans à venir ?

Mme Sophie Mougard. Nous portons bien entendu une attention particulière au déblocage des financements destinés tant à l’amélioration du réseau existant qu’à l’ensemble des autres projets définis dans le contrat entre l’État et la région pour améliorer l’offre de transport. En participant aux travaux de la commission réunie sous l’autorité de M. le rapporteur général Gilles Carrez et qui visait à trouver un équilibre entre l’amélioration de l’existant et la construction de la nouvelle rocade maintenant dénommée Grand Paris Express, nous avions identifié des ressources importantes qui visaient à financer l’ensemble. Puis la loi de finances rectificative pour 2010 a fléché des ressources fiscales vers la réalisation du réseau de transport du Grand Paris, pour lequel le STIF exercera la maîtrise d’ouvrage de la ligne Orange. Mais le financement de la remise à niveau de l’existant continuera de dépendre des capacités budgétaires de l'État et des collectivités locales et, étant donné leur situation budgétaire respective, nous ne sommes pas sans quelques inquiétudes.

M. Gilles Carrez avait eu à cœur de tenir compte des dépenses d’exploitation et des dépenses de matériel roulant qui pèsent sur le STIF. Il avait envisagé pour cela de mobiliser plusieurs ressources dont celles issues du « versement transport » (VT). Mais nous attendons encore la publication du décret instituant le « rezonage » du versement transport sur l’ensemble de la zone agglomérée au sens de l’INSEE, au taux rehaussé de 1,7%. Le montant atteint de la sorte ne sera pas tout à fait celui que M. Carrez jugeait nécessaire, mais c’est un premier pas indispensable, sachant que le coût d’exploitation annuel du projet Grand Paris Express et des améliorations attendues sera de quelque 1,7 milliard d’euros. Seule la sécurisation des flux peut garantir au STIF la visibilité pluriannuelle qui lui est nécessaire.

Vous m’avez interrogée sur les moyens et l’expertise du STIF. Le syndicat a bénéficié du large soutien des collectivités qui le financent, permettant que ses ressources humaines soient renforcées. Il compte aujourd’hui 350 postes. Son conseil a statué récemment sur la nécessité de renforts importants pour exercer la maîtrise d’ouvrage de la ligne Orange et le suivi du projet Grand Paris Express.

Nous disposons aussi d’importants moyens d’expertise indépendants et nous procédons à des audits réguliers qui nous permettent de porter un regard critique sur les propositions des opérateurs. Ils concernent des sujets multiples : le coût du prolongement de la ligne E du RER à l’Ouest, les recettes annexes de la RATP, les conditions dans lesquelles la SNCF facture au STIF l’utilisation des TER qui s’arrêtent en Île-de-France, l’état du matériel roulant sur la ligne D du RER, celui des infrastructures...

Le STIF a deux priorités. L’une est que les opérateurs explicitent les gains attendus des projets d’investissements qu’ils nous proposent, notamment en termes de régularité. L’autre, c’est l’intérêt socio-économique des projets. Nous enrichissons continûment nos modèles d’évaluation des gains rendus possibles par les projets qui nous sont soumis. Ainsi travaillons-nous en ce moment avec des universitaires pour mieux prendre en compte l’aspect « régularité » mais aussi le volet « confort » des projets de « désaturation » que nous portons, que ce soit l’arc Sud du Grand Paris Express ou le prolongement de la ligne E du RER. Quand, dans un tunnel, circule 1,4 million de voyageurs chaque jour, tout l’enjeu est de garantir la ponctualité des trains successifs – et s’il en va bien ainsi, le taux de rentabilité socio-économique interne explose. C’est dire tout l’intérêt d’études sur le tunnel envisagé entre la gare Saint-Lazare et La Défense pour prolonger la ligne E du RER.

Il serait compliqué de dédier à un opérateur la ligne Cergy-Poissy qui relève du réseau ferré national (RFN) et qui est imbriquée dans d’autres circulations que la seule ligne A du RER. En revanche, c’est sans doute possible pour la ligne E du RER à l’horizon 2020, le préalable indispensable étant que toutes les circulations aient été refondues pour séparer l’exploitation du réseau RER et celle du réseau ferré national. Dans l’intervalle, l’urgence est que tous les acteurs soient réunis dans un centre de commandement commun.

Je ne m’appesantirai pas sur le dialogue social, dont je ne doute pas que le président de la Région et les présidents de la SNCF et de la RATP vous ont dit toute l’importance qu’ils y attachent.

M. le rapporteur. Au cours des auditions antérieures, des allusions répétées ont été faites à la pesanteur de la technostructure, qui rend le passage à l’acte laborieux. De quel pouvoir d’injonction dispose le STIF ? La primauté du politique sur le technocratique parvient-elle à s’exercer ?

Mme Sophie Mougard. La décentralisation du STIF lui a donné une légitimité réelle. Elle nous a notamment permis d’obtenir la suppression de la relève des conducteurs en Gare du Nord. Il y a fallu une ferme volonté politique, qui s’est appuyée sur la simulation que nous avions faite – en association avec RFF, la SNCF et la RATP pour éviter les querelles d’experts – des gains pour les voyageurs que l’on obtiendrait par ce biais. La primauté du politique a ainsi été démontrée : depuis des années, les acteurs des transports évoquaient cette suppression, mais les opérateurs minimisaient l’intérêt de l’interopérabilité.

L’attribution des sillons n’intéresse pas directement le STIF : sont en jeu les relations entre RFF et les entreprise ferroviaires. Un « document de référence du réseau » rédigé par RFF décrit le processus d’allocation des capacités d’infrastructure aux demandeurs de sillons. Le paragraphe 4.4.3 de ce document traite des « lignes saturées » en ces termes : « Une ligne est déclarée saturée par Réseau ferré de France quand des demandes de sillons réguliers pour circuler au moins une fois par semaine sur la durée de l’horaire de service, hormis cause travaux, n’ont pu donner lieu à attribution de sillons, à l’issue de la procédure de coordination et de réclamation. Cette déclaration est adressée au ministre chargé des transports, publiée par Réseau ferré de France sur son site Internet et communiquée à toutes les parties intéressées.

À partir de cette déclaration, Réseau ferré de France procède à l’attribution des capacités selon les priorités définies par le décret n° 2003-194. (…) Réseau ferré de France soumet au ministre chargé des transports, dans les six mois qui suivent la déclaration de saturation, un rapport qui rend compte des différentes causes de la saturation et propose des mesures propres à remédier à l'insuffisance des capacités constatées. Ce rapport est accompagné des observations éventuelles des entreprises ferroviaires utilisatrices de la ligne.

Dans les six mois qui suivent la présentation du rapport, Réseau ferré de France soumet à l'approbation du ministre chargé des transports un plan de renforcement des capacités (…) »

Le STIF transmet les demandes de sillons liées à l’offre qu’il souhaite développer à la SNCF, qui les adresse à son tour à RFF, puis fait part au STIF de ce qu’il est possible d’obtenir. Le reste ne nous est pas communiqué directement.

Le premier exemple de maîtrise d’ouvrage partagée entre le STIF et la RATP est celui du prolongement de la ligne 14 du métro jusqu’à la mairie de Saint-Ouen pour désengorger la ligne 13. L’enquête publique est en cours. Ce projet essentiel, qui met en jeu 1,2 milliard d’euros, avance conformément au calendrier fixé pour permettre la mise en service, en 2017, de ce qui sera le premier maillon du Grand Paris Express. Le STIF souhaite par ailleurs pouvoir exercer une maîtrise d’ouvrage directe, ce qui renforcera sa capacité à piloter la réalisation de projets de tramway ou de métro.

Les améliorations perceptibles à cinq ans seront essentiellement le matériel roulant pour la ligne A du RER. Mais je le répète, l’importance des moyens alloués par les opérateurs, dans la durée, à l’encadrement et à l’exploitation contribue immédiatement à améliorer les conditions de desserte de la ligne. Les nouvelles rames MI09 augmenteront les capacités de transport – encore que la capacité théorique de 4 voyageurs au m² ne puisse être atteinte en raison de l’espace dévolu aux escaliers. Se pose aussi la question de la maîtrise des temps d'échange en station – la montée et la descente des voyageurs. La marge de manœuvre sur une ligne aussi chargée que la ligne A du RER est très limitée : le temps de battement doit être de 10 secondes à chaque arrêt. Or, avec les nouvelles rames, le temps d’échange augmente de 3 secondes et quelques dixièmes ; la généralisation des rames à deux niveaux va donc accroître d’un tiers le temps de battement. C’est pour nous un sujet de préoccupation et, c’est pourquoi, dans le cahier des charges relatif aux rames 2N NG, nous avons mis l’accent sur les temps d’échange, un élément déterminant de l’efficacité de l’exploitation.

Pour ce qui est du rôle des collectivités locales, le STIF a passé des contrats avec les entreprises privées qui opèrent des lignes d’autobus en Grande couronne, et il a signé des conventions de partenariat avec les collectivités locales qui participent le plus souvent au financement de ces lignes à hauteur de 10%. Cela nous permet de mieux participer au développement de l’offre et d’avoir un relais au plus près du terrain. Le conseil du STIF a approuvé une première convention de délégation de compétences en matière de transport routier de voyageurs aux quatre communautés d’agglomération du plateau de Saclay.

S’agissant de l’articulation des responsabilités respectives au regard du partage opéré par la loi dite « ORTF », une question se pose en effet pour le réseau de surface. En province, les autorités organisatrices de transport sont propriétaires des infrastructures des tramways et du matériel roulant. Elles mettent en concurrence l’attribution de délégations de service public sur le fondement de la loi Sapin et, une fois choisi le délégataire, elles mettent à sa disposition infrastructures et matériels roulants ; le délégataire étant chargé de l’exploitation et de la maintenance de l’ensemble. Pour l’Île-de-France, la loi « ORTF » a organisé métro et RER en instaurant un découpage entre le gestionnaire d’infrastructures et l’opérateur de transport. Nous sommes attentifs à avoir un seul contrat avec la RATP, et un seul interlocuteur. La nécessité d’une synergie dans l’exploitation d’une ligne est encore plus évidente quand il s’agit de lignes automatiques. Le STIF devant, aux termes de cette loi, procéder à une mise en concurrence en 2024 pour les autobus et en 2029 pour les tramways, il faudra déterminer comment il pourra rester maître de ce que le Règlement européen définit comme des « facilités essentielles », pour garantir l’application des dispositions voulues par le législateur.

M. Malherbe, parlant de la ligne C du RER, a évoqué l’hypothèse de ruptures de charge. Le projet de Tram Train entre Massy et Evry a été conçu en ce sens – réorganiser la desserte pour la rendre plus efficace. Nous observons toutefois que l’on nous a demandé en contrepartie de prolonger cette ligne jusqu’à Versailles, précisément pour éviter une rupture de charge… Il faut donc trouver le bon équilibre dans l’évolution des dessertes pour gagner en régularité sans pénaliser un trop grand nombre de voyageurs.

Nous ne souhaitons pas attendre la réalisation de la ligne POCL pour engager la mise à six voies du tronçon Juvisy-Paris. Les besoins étant évidents, des études doivent être engagées et la mutualisation avec le projet de ligne à grande vitesse est risquée. Nous souhaitons que l’essentiel, sinon la totalité, des capacités permises par les nouvelles infrastructures bénéficient à la ligne C du RER. Nous sommes intervenus en ce sens dans le débat public sur l’interconnexion sud des TGV.

Le « déverminage » du Francilien – autrement dit, le rodage des rames neuves – a été à ce point laborieux que le président du STIF a invité M. Guillaume Pepy, président de la SNCF, à obliger l’industriel à mettre au point un plan d’urgence destiné à remédier aux pannes à répétition qui mettaient gravement en cause la fiabilité de ce matériel. Des pressions ont été exercées sur le constructeur, en complet accord entre le STIF et la SNCF. Il a en particulier été décidé que les nouvelles rames ne seraient pas réceptionnées aussi longtemps qu’un niveau de fonctionnement satisfaisant n’aurait pas été atteint. De plus, un avenant au contrat a été négocié pour prendre en compte le préjudice subi par la SNCF et la collectivité puisque, comme vous le savez, le président de la Région a décidé d’indemniser les voyageurs. De nouvelles pénalités ont été définies, et je crois pouvoir dire que les difficultés principales sont maintenant derrière nous. Le déploiement de ce matériel sur d’autres lignes donne satisfaction.

M. le président Daniel Goldberg. Madame, je vous remercie.

——fpfp——

Audition de M. Étienne Guyot, président du directoire de la Société du Grand Paris

(Séance du jeudi 26 janvier 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Nous poursuivons nos auditions en recevant M. Etienne Guyot, président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP). Il est depuis peu à ce poste, mais Monsieur Guyot connaît bien les questions de transports urbains et d'aménagement pour avoir été amené à les suivre dans le cadre des fonctions qu’il a exercées en cabinet ministériel et en préfecture.

Le véritable lancement du Grand Paris peut être daté de la publication, au Journal officiel du 26 août 2011, du décret approuvant le schéma d'ensemble du réseau. Ce projet nous intéresse naturellement, car le Grand Paris Express verra la construction, à l'horizon 2025, de 200 kilomètres de voies supplémentaires, exploitées sous la forme d'un métro automatique desservant 72 gares, dont 57 nouvelles.

Monsieur le président, pouvez-vous nous dire comment aura lieu l’ensemble du maillage avec le réseau du RER ? Reprendrez-vous l’organisation actuelle ou bien comptez-vous l’améliorer ? Le RER devrait rester un élément essentiel, voire central, du réseau francilien de transport public.

Je précise que le Grand Paris Express doit être construit en grande partie par la SGP, le STIF assurant la maîtrise d'ouvrage du prolongement de la ligne 14, dans un délai plus court, entre Saint-Lazare et la mairie de Saint-Ouen, et celle de l’Arc Est, en proche couronne, entre Saint-Denis Pleyel et Noisy-Champs.

Les premiers tronçons devraient être mis en service vers 2018, pour un investissement total dépassant 20 milliards d'euros. Je souhaiterais que vous reveniez sur ces données chiffrées, qui n’intègrent plus la liaison Versailles-La Défense, repoussée au-delà de 2025.

Pour l’information de la commission, il importe aussi de connaître les moyens mis à votre disposition jusqu’en 2014. Quels sont vos budgets prévisionnels et les études ou les premières réalisations programmées ?

Le lancement du Grand Paris s'accompagne de l'élaboration, en cours, de 17 contrats de développement territorial (CDT), lesquels intéressent au premier chef les élus d'Île-de-France, et d'une révision du schéma directeur de la région (SDRIF). Plusieurs collègues m’ont d’ailleurs prié de les excuser, car ils assistent à la signature d’un CDT dans le Val-d’Oise en présence de Maurice Leroy.

Nous n'avons naturellement ni la volonté ni la mission de reprendre le débat d'ensemble sur le schéma de transport du Grand Paris Express. Votre problématique est de long terme, quand la nôtre est plus immédiate : ce qui nous préoccupe est l'articulation de l'action publique et la nécessité de trouver rapidement des solutions à la saturation du réseau existant – il est difficile de demander aux usagers d'attendre dix ou quinze ans avant que leur situation s’améliore au quotidien. La « désaturation » du RER ayant un coût, nous devons adresser un signal fort et cohérent en proposant des solutions concrètes, susceptibles d'être financées de manière réaliste.

Nous allons maintenant vous écouter pour un court exposé liminaire. Notre rapporteur, Pierre Morange, vous posera ensuite des questions, et il sera suivi par nos autres collègues.

Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, M. Etienne Guyot prête serment.

M. Étienne Guyot, président du directoire de la Société du Grand Paris. Pour accompagner mon propos, je vous ai apporté une plaquette, publiée hier, qui est consacrée aux gares de métro dans le monde – nous nous en inspirons pour les travaux du Grand Paris –, et un flyer sur le réseau que nous allons construire.

Cette audition présente un caractère assez particulier pour moi, car elle intervient un an, jour pour jour, après la signature du protocole d'accord entre l'État et la région sur les transports en Île-de-France.

Ce protocole a pris acte du souhait, formulé lors des réunions publiques, dans les « cahiers d'acteurs » et dans les contributions au débat, que les infrastructures de transport existantes, en particulier les réseaux RER, soient rapidement améliorées et que l’on réalise un projet en rocade qui soit structurant à l'échelle régionale, qui marque une vraie rupture dans les conditions de mobilité, et qui apporte une réponse structurelle sur le long terme.

L'État et le conseil régional d'Île-de-France ont constaté le rapprochement de leurs points de vue en signant ce protocole qui prévoit la réalisation d’un réseau de transport en rocade, dit « Grand Paris Express », et qui règle aussi la question du financement des investissements dans le domaine des transports publics.

Le total des opérations correspondant au plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France et à la réalisation du réseau du Grand Paris représente un montant global d'investissements évalué à 32,4 milliards d’euros.

Le premier objectif a été de trouver un équilibre entre les investissements de long terme, qui doivent permettre de réaliser un réseau puissant et disposant de réserves de capacités importantes, et la nécessité de remédier à la situation d'urgence actuelle, qui exige des mesures rapides et d’effet immédiat.

L'accord du 26 janvier 2011 réaffirme ainsi la nécessité d'effectuer un investissement profond, structurant et dimensionnant, tout en assurant le financement des opérations urgentes qui s’imposent en attendant que ce projet soit mené à bien.

Parmi ces mesures, il y a notamment le schéma directeur du RER D et celui du RER C, tous deux d’un montant de 500 millions d’euros, la construction du RER B Nord +, pour 220 millions d’euros, le prolongement d’Éole à l'Ouest pour 2,5 milliards d’euros, le renouvellement du matériel roulant du RER A, pour 1,3 milliard, et les matériels roulants du plan de mobilisation, pour deux milliards.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? La phase des études préalables, qui a démarré au début de l’année 2011, s’est achevée en octobre et en novembre, puis nous avons ensuite lancé les études préliminaires. Le calendrier initial a donc été entièrement respecté.

En 2011, la SGP a également conduit de nombreuses études transversales, notamment des études de trafic qui vont servir aux équipes « projet » pour le dimensionnement des gares et qui vont fournir les données d'entrée nécessaires pour les études d'impact. Nous avons aussi réalisé des études socio-économiques et des études fonctionnelles pour les gares.

De plus, nous avons commencé à constituer un dossier de définition de la sécurité qui couvrira l'ensemble du réseau, et nous avons effectué des études environnementales, après avoir élaboré un calculateur spécifiquement conçu pour établir le bilan carbone du métro du Grand Paris. Nous avons ainsi réalisé une étude sur les possibilités d'élimination, de traitement ou de valorisation des déchets, ainsi qu’une étude d'incidences au titre de Natura 2000, partie intégrante de l'étude d'impact environnementale qui a été lancée en février 2011 et dont le rapport final a été remis il y a quelques jours.

En ce qui concerne les études socio-économiques, je tiens à préciser que nous avons constitué un conseil scientifique réunissant dix des meilleurs économistes mondiaux, dont cinq experts étrangers, afin de nous appuyer sur les meilleures expertises possibles.

Les résultats de ces études, qui sont indispensables pour la mise en oeuvre du projet, serviront de base technique pour la constitution du dossier d'enquête publique et pour la préparation des phases d'avant-projet et de projet que nous allons lancer à partir du mois de juin.

À l’automne dernier, nous avons également engagé une procédure d'évaluation préalable qui doit permettre d’établir une comparaison entre un éventuel contrat de partenariat et une maîtrise d'ouvrage publique sur la ligne verte, entre Orly et Versailles. Le titulaire du marché sera très prochainement choisi.

Nous avons aussi lancé une consultation visant à déterminer la charte architecturale et les lignes de design des gares. Les offres, qui viennent de nous être remises, sont en cours d'analyse. Conformément au règlement de la consultation, nous allons retenir les plus intéressantes – sept au maximum –, puis nous engagerons une discussion avec l’appui d’une commission consultative de haut niveau, afin de choisir l'équipe lauréate à la fin du premier trimestre.

Les prochaines étapes du processus vont nous conduire sur le terrain en 2012, avant le début des travaux à la fin de l’année 2013.

Cet ancrage sur le territoire se concrétisera, dans un premier temps, par le lancement d’enquêtes publiques pour un certain nombre de tronçons. Cette procédure sera engagée dès l’été prochain pour le tronçon le plus avancé, à savoir le Sud de la ligne rouge, entre Pont de Sèvres et Noisy-Champs. Ce tronçon, qui mesure 33 kilomètres, comprend 16 gares et traverse les départements des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et de Seine-et-Marne. La procédure commencera en juillet avec l'envoi du dossier d'enquête publique au préfet de région, qui saisira ensuite l’autorité environnementale – elle aura trois mois pour se prononcer. Pendant ce temps, nous reviendrons devant les habitants, les entreprises et les associations en organisant, à compter de septembre 2012, des réunions publiques de concertation et d’information.

Nous engagerons ensuite la communication en « mode projet » sur le terrain, pour expliquer comment nous allons opérer. La phase de l’enquête publique, proprement dite, sera pilotée par un commissaire enquêteur, et elle se traduira par l’ouverture de cahiers d’enquête dans les mairies en novembre ou en décembre.

Puis la procédure d'enquête sera engagée entre décembre 2012 et avril 2013 pour les tronçons restants, qui pourraient être répartis de la manière suivante : la ligne verte entre Orly et Versailles, desservant le plateau de Saclay, la ligne rouge entre Noisy-Champs et Le Bourget, la ligne rouge entre les Grésillons et Le Mesnil-Amelot, au-delà de Roissy, la ligne rouge entre Les Grésillons et Saint-Cloud, et la ligne bleue entre Olympiades et Orly.

Vous le voyez, la Société du Grand Paris se met en ordre de bataille pour lancer de façon presque simultanée les procédures d'enquête. Notre objectif est qu’elles soient toutes réalisées avant la fin de l’année 2013, et que nous puissions obtenir dans la foulée les déclarations d'utilité publique. Ces décrets en Conseil d’État seront nécessaires pour procéder à des expropriations là où nous n’aurons pas réussi à acquérir les parcelles à l’amiable.

Le rythme des enquêtes publiques sera très dense, mais il ne préjuge en rien de l’ordre des travaux. Sur ce point, nous commencerons à préparer le choix de la maîtrise d'oeuvre à compter d'octobre 2012. Comme je l’ai indiqué hier, la SGP travaille sur des scénarios utilisant simultanément entre sept et dix tunneliers – chaque tunnelier permet de creuser 300 mètres par mois, soit environ 3 kilomètres par an, alors que la SGP doit construire, en maîtrise d’ouvrage, 144 kilomètres avant 2025. Je rappelle que la réalisation des 22 kilomètres restants, entre Versailles et Nanterre, a été effectivement repoussée après 2025.

J’en viens à la question des gares, dont nous allons arrêter l'emplacement cette année de manière définitive. Notre travail, qui concerne la partie souterraine, la « boîte », mais aussi les « émergences », c'est-à-dire les bâtiments des gares, se déroule dans un cadre original : celui des comités de pilotage partenariaux, les COPILS, qui réunissent la SGP, les élus et le STIF.

A ce jour, 18 COPILS ont déjà atteint le niveau 2 : pour presque toutes les gares du premier tronçon de la ligne rouge, l’emplacement des gares a été arrêté ou bien il le sera avant la fin du mois de février. Si nous avons pu avancer dans des temps record, c’est grâce à la mobilisation de nos partenaires. Les COPILS de niveau 3 se réuniront ensuite pour déterminer, avant le mois de juin pour le premier tronçon, l'emplacement des émergences, et pour aborder les questions de valorisation foncière autour des gares.

Puis nous lancerons les premières consultations de maîtrise d'œuvre, en octobre et en novembre 2012, autour des gares de la ligne rouge, entre Pont de Sèvres et Noisy-Champs, sur le fondement des études de fonctionnalité et des résultats de la mission de conseil en architecture et en design.

J’en viens au lien étroit entre le réseau du Grand Paris et les cinq lignes de RER d'Île-de-France. Ce maillage est intrinsèque à la conception du réseau et à son ambition. Le maillage entre les trois lignes du Grand Paris et le réseau actuel du RER sera assuré par 19 gares, sur un total de 57 : Noisy-Champs, Saint Maur-Créteil, Nanterre et La Défense sur le RER A ; Le Bourget, Sevran-Beaudottes, Sevran-Livry, Arcueil Cachan, Parc des Expositions et Aéroport CDG 2 sur le RER B ; Les Ardoines, Issy-les-Moulineaux, Les Grésillons, Versailles Chantiers, Pont de Rungis sur le RER C ; Le Vert de Maisons, Stade de France (Pleyel) sur le RER D ; Chelles sur le RER E ; et enfin Massy Palaiseau sur les RER B et C.

En outre, des études visant à créer une nouvelle gare sur le RER E en correspondance avec la future gare de Bry Villiers Champigny, sur la ligne rouge, sont en cours. Sur cette même ligne, la gare de Gonesse sera en correspondance avec la liaison ferroviaire dite du « barreau de Gonesse », raccordée au RER D. Ces projets compléteront le maillage pour permettre une correspondance avec l'ensemble des branches du RER dont le Grand Paris croise le tracé.

À cela s’ajouteront les possibilités de correspondance offertes par la ligne orange, qui sera réalisée sous maîtrise d'ouvrage du STIF et à laquelle nous contribuerons à concurrence de deux milliards d’euros. Le maillage avec les lignes B et E du RER sera assuré par cinq gares.

Il va de soi que les tracés et les gares qui ont été arrêtés dans le cadre du schéma d'ensemble du Grand Paris doivent lui permettre de jouer pleinement son rôle dans la recomposition des déplacements des Franciliens et dans leur amélioration. Grâce à ses lignes, qui seront majoritairement en rocade – la ligne rouge, mais aussi la ligne verte, une fois qu’elle aura été prolongée jusqu’à Nanterre –, et qui seront connectées aux lignes radiales des RER, le Grand Paris Express permettra des déplacements de banlieue à banlieue sans transit par Paris, comme c’est aujourd’hui le cas.

Les catégories de voyageurs qui bénéficieront directement de cette amélioration des transports effectuent aujourd’hui près de la moitié des déplacements quotidiens en Île-de-France, soit 17 millions de déplacement sur un total de 35 millions. Il s’agira, en particulier, des déplacements en rocade, de banlieue à banlieue, qui représentent entre 30 et 35% du total et qui trouveront, grâce au réseau du Grand Paris, un mode de transport direct et performant qui fait aujourd’hui défaut. Les déplacements radiaux entre Paris et ses différentes couronnes bénéficieront aussi d’un allégement significatif de la charge sur la partie centrale du réseau, en particulier le RER – entre 20 et 25% des déplacements actuels seront ainsi concernés.

Les études prévisionnelles réalisées dans le cadre du débat public et du schéma d'ensemble permettent de mieux apprécier les effets du réseau du Grand Paris : l’utilisation de l’ensemble du RER le matin, à l’heure de pointe, devrait se réduire de 10 %. Les lignes qui en bénéficieront le plus seront les RER A et B, où les gains dépasseront 15 % par rapport à ce que serait la situation sans la construction du réseau du Grand Paris. La réduction de l’utilisation des RER C et D devrait être comprise entre 5 et 10 %, et celle du RER E entre 10 et 15 %.

Il y aura également une amélioration de la situation sur les tronçons centraux, lesquels subissent la charge la plus lourde. Elle devrait être allégée d’au moins 20 % pour les RER A et B, de 10 ou 15 % pour les RER C et D, et de plus de 20 % pour le RER E sur les deux branches Est de Tournan et de Chelles.

Pour toutes ces raisons, le réseau du Grand Paris contribuera significativement à l'amélioration du fonctionnement des lignes de RER. L’un des objectifs était précisément de remédier à la saturation du réseau francilien actuel.

Cela dit, le Grand Paris ne se résume pas à un projet de transport. Plusieurs auditions réalisées par votre commission ont ainsi montré que la maîtrise insuffisante du développement urbain était manifestement une des causes de la saturation progressive du réseau RER. Le RER A pâtit ainsi du déséquilibre entre l'Est et l'Ouest de l'agglomération en matière d’habitat et d’emploi, qui conduit à multiplier les navettes entre le domicile et le travail.

Sur ce point, le réseau du Grand Paris a pour vertu de s'inscrire dans une réflexion globale sur l'aménagement et l'urbanisation, grâce à l'outil stratégique que sont les contrats de développement territorial. Le rééquilibrage des territoires et la création de bassins de vie plurifonctionnels permettront de démultiplier l'effet du réseau du Grand Paris sur les transports en commun régionaux, dans une vision d'ensemble croisant transport et urbanisation.

J’ajoute que la SGP a bien conscience que son action s'inscrit dans l'avenir. L'une des conclusions majeures du débat public de la fin de l'année 2010, qui sous-tend le protocole d'accord conclu entre l'État et la région Île-de-France, est qu’il faudra mener de front l’amélioration du réseau à court terme et les actions d'investissement à moyen et long terme.

Comme l’a indiqué Pierre Mongin, la mise en service du nouveau matériel roulant à deux étages procurera quinze ans d'oxygène à la ligne A, ce qui coïncide avec l'horizon de réalisation du schéma d'ensemble du réseau. Il y a donc une cohérence dans le temps des actions à mener. Avec la mise en service progressive du réseau du Grand Paris, entre 2018 et 2025, nous absorberons la hausse naturelle du trafic associée à la croissance démographique et au développement de l'usage des transports en commun, tout en redonnant une marge de capacité aux lignes du réseau existant, notamment le RER.

J’en viens aux aspects financiers. En matière de maîtrise d’ouvrage, le budget de la Société du Grand Paris devrait s’élever à 20,5 milliards d’euros, dont 17,5 milliards pour la réalisation de la ligne rouge et de la ligne verte, ainsi que pour la prolongation de la ligne bleue entre Mairie de Saint Ouen et Saint Denis Pleyel au Nord, et entre Olympiades et Orly au Sud. La différence correspond à la contribution de la SGP au financement de l’arc proche, la ligne orange, à hauteur de deux milliards d’euros, et à sa participation à la prolongation de la ligne bleue entre Saint-Lazare et Mairie de Saint Ouen, sous maîtrise conjointe du STIF et de la RATP.

Pendant la phase de conception et de travaux, qui va de 2010 à 2025, la SGP engagera les dépenses nécessaires pour la mise en service du réseau, tout en contribuant au financement du prolongement de la ligne 14 et de la réalisation de l’arc Est proche, grâce à des ressources principalement constituées de recettes fiscales affectées, d’une dotation de l'État, de contributions des collectivités locales, pour un montant de 900 millions d’euros, et d’un recours à l’emprunt à compter de 2016.

À partir de 2026, la SGP consacrera ses recettes à l’amortissement de la dette accumulée au cours de la phase de construction, étant entendu que l'entretien et le renouvellement du réseau ne seront pas à sa charge. Les recettes fiscales continueront d'être affectées à la SGP et elles seront complétées par des recettes commerciales, essentiellement liées aux gares, et par la redevance d'occupation des infrastructures dont la SGP est propriétaire.

Ces deux phases se superposeront peu : le début de la mise en service, à partir de 2018, marquera l'entrée dans une phase intermédiaire, caractérisée par une diversification des ressources de la SGP, qui percevra alors ses premières recettes commerciales et des redevances d'occupation. Cela étant, la SGP ne pourra pas commencer à amortir sa dette avant la fin des travaux. Notre objectif est de réaliser son amortissement sur une période cohérente avec la durée de vie des infrastructures, soit environ quarante ans.

Entre 2010 et 2025, les coûts à la charge de la Société du Grand Paris sont estimés à environ 20 milliards d’euros aux conditions économiques de 2008, hors matériel roulant. Cette estimation inclut une provision pour les acquisitions foncières, une provision pour les travaux préparatoires, tels que la déviation de certains réseaux concessionnaires, le coût des travaux de génie civil pour les tunnels, les gares, les ouvrages annexes et les ouvrages en ligne, une provision pour certains ouvrages de correspondance, les coûts liés à l'aménagement des gares, aux systèmes de contrôle et de supervision, ainsi qu’aux ateliers et à leur équipement, les frais d'études pour la maîtrise d'ouvrage et les maîtrises d'œuvre, et enfin la prise en compte des aléas classiques dans la phase de définition du projet.

La SGP bénéficie de trois recettes fiscales affectées : une fraction de la taxe locale sur les bureaux, qui représente 155 millions d’euros en 2011, une taxe spéciale d'équipement additionnelle aux « quatre vieilles », pour environ 118 millions d’euros, et une fraction de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), assise sur les matériels roulants utilisés par le réseau de la RATP, pour 60 millions d’euros. L'ensemble devrait nous procurer entre 300 et 350 millions d’euros par an de 2011 à 2013, puis entre 400 et 450 millions d’euros à partir de 2014 – nous récupérerons alors 95 millions d’euros prélevés pour abonder l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU.

À partir de 2014, l’État versera, en outre, une dotation en capital en fonction des besoins : le rythme de montée en puissance des dépenses par rapport aux recettes nous permet de nous en passer jusqu’à cette date.

Quant aux dépenses du Grand Paris, elles se sont élevées à 8,5 millions d’euros en 2010 et à 33 millions en 2011. Pour 2012, nous prévoyons un montant de 171 millions d’euros. La montée en puissance de la SGP est très importante et conforme au rythme initialement prévu.

M. Pierre Morange, rapporteur. Ma première question porte sur la complexité de la gouvernance et de la gestion du réseau express régional, qui est sa marque de fabrique. Elle se traduit notamment par une multiplication des acteurs : la SNCF, la RATP et RFF, mais aussi d’autres autorités, telles que le STIF, autorité organisatrice des transports.

À cela s’ajoute une logique de gestion de la pénurie, qui provoque l’exaspération des usagers et qui a motivé la création de cette commission d’enquête, dont le but est de rationaliser l’existant en attendant que les investissements prévus, depuis peu, produisent leurs effets.

La complexité du système et les différences historiques et culturelles entre les acteurs ont un poids qui rend très difficile leur mobilisation, comme le montre la question du changement de conducteurs sur la ligne B du RER. Cette pesanteur et l’addition des structures ne risquent-elles pas d’entraver la mise en œuvre opérationnelle du Grand Paris ?

Ma deuxième question porte sur les contrats de développement territoriaux. Ceux-ci répondent à la volonté de corriger l’absence de vision stratégique qui a caractérisé l’Île-de-France pendant des décennies et a abouti à déconnecter les zones résidentielles des zones d’activité économique. Avez-vous une idée de la façon dont leur montée en puissance a été planifiée ?

Ces contrats de développement territoriaux s’adossent, notamment, sur des aménagements destinés à faciliter l’accueil d’activités économiques. Ma troisième question sera donc la suivante : que pensez-vous des propos tenus à la presse par le président de la SNCF, par lesquels il semble appeler de ses vœux une limitation des implantations des activités « entrepreneuriales » à proximité de certaines gares ?

M. Gérard Gaudron. Monsieur le président, je souhaiterais moi aussi vous interroger sur les contrats de développement territoriaux. Cela se passe-t-il aussi bien que vous semblez le dire ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous rappeler le planning du choix des gares ?

Enfin, la multiplicité des intervenants aboutit à une très grande complexité de gestion. Ne pensez-vous pas que la situation va s’aggraver avec le Grand Paris ?

M. le président Daniel Goldberg. Monsieur le président, vous avez souligné que l’année passée, certains des financements dédiés au Grand Paris avaient été utilisés pour gommer la « bosse de l’ANRU » – en l’occurrence, résoudre les problèmes de financement à court terme de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. Vous pouvez certes compter sur la dotation de 4 milliards d’euros que l’État vous versera ultérieurement. Mais êtes-vous assurés que les financements – censément – pérennes de la Société du Grand Paris ne seront pas utilisés à d’autres fins ? La question a-t-elle été abordée dans les différentes instances de la Société, en particulier au sein du conseil de surveillance ?

Je m’inquiète ensuite d’une éventuelle concurrence entre le Grand Paris Express et le RER. La mise en place du premier et l’amélioration du second pourront-elles être réalisées en même temps, financièrement et techniquement parlant ? Trouvera-t-on les financements nécessaires pour le réseau du RER ? Disposera-t-on, pour les deux projets, de suffisamment de ressources en ingénierie ? Rien que le nombre de tunneliers que vous souhaitez mobiliser en même temps constitue déjà une prouesse …

J’aimerais savoir également si la SGP réfléchit aux problèmes d’exploitation que peuvent engendrer, sur une ligne automatique fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les dysfonctionnements, pannes, aléas techniques ou accidents de voyageurs. Un accident sur une partie du réseau ne risque-t-il pas d’impacter l’ensemble de ce réseau ?

Ma dernière question concerne la desserte de l’aéroport Charles de Gaulle. Lors des débats préliminaires sur le réseau du Grand Paris, l’accent avait été mis sur la liaison de cet aéroport, non pas avec Paris, mais avec le nord-ouest de la capitale et principalement la zone économique de La Défense, via le Bourget, le Parc des expositions et la future gare TGV implantée à Saint Denis Pleyel. Par la suite, a été engagé le « successeur » du projet CDG Express, qui prévoit une desserte de Roissy vers Paris. Ces deux projets ne vous semblent-ils pas concurrents ?

M. Étienne Guyot. On a beaucoup parlé de complexité. En l’occurrence, la Société du Grand Paris a une mission clairement définie par la loi : elle est maître d’ouvrage d’un nouveau réseau primaire. Sa mission fondamentale est de construire les tunnels, le réseau, les gares, et d’acquérir le matériel roulant.

L’infrastructure sera remise en gestion à la RATP, qui est gestionnaire d’infrastructures et avec laquelle nous sommes d’ailleurs en train de négocier une convention globale de fonctionnement. Le matériel roulant acheté sera remis au STIF, en pleine propriété, et c’est lui qui choisira l’exploitant. Aujourd’hui, il existe différents exploitants – la RATP, la SNCF – et sur les trois ou quatre lignes de métro automatique qui seront construites, les exploitants seront peut-être – ou peut-être pas – différents.

Dans les responsabilités qui sont les miennes aujourd’hui, je ne ressens pas de difficultés dans la manière de conduire ce projet, dont la Société du Grand Paris est maître d’ouvrage. Celui-ci avance vite, parce que nous avons une excellente interface, aussi bien avec le STIF qui est l’autorité organisatrice, qu’avec RFF qui est propriétaire d’une partie de l’infrastructure, qu’avec la SNCF ou la RATP. Nous avons des conventionnements et nous connaissons les interlocuteurs avec lesquels nous travaillons. Cela étant, il n’est pas simple de créer 166 km de métro automatique en quelques mois – 206 km, à terme. Le projet est gigantesque, puisqu’il aboutira à doubler la longueur des lignes de l’actuel métro parisien !

Sur les contrats de développement territorial (CDT), je peux vous apporter une réponse. Mais, par la loi, la Société du Grand Paris exerce une mission d’assistance auprès du Préfet de la région d’ Île de France: c’est donc Daniel Canepa qui pilote, même si nous travaillons avec lui, notamment sur la partie « Transports ».

En septembre dernier, j’ai conclu une convention avec l’État, pour participer au financement des études des contrats de développement territorial qui pouvaient nous intéresser. L’état d’avancement des dix-sept projets de CDT est différent selon les cas, ne serait-ce que parce que ces projets sont fondés sur le volontariat des collectivités territoriales, qui ont besoin de s’organiser entre elles.

Un protocole d’accord a été conclu il y a huit jours en présence du Premier ministre. Celui qui concerne Gonesse a été signé hier ; ce sera bientôt le tour de la Cité Descartes et des Ardoines. Le dispositif monte en puissance. Cinq ou six protocoles d’accord seront ainsi passés au mois de février ou au début du mois de mars.

Nous pourrons désormais remédier au manque de vision stratégique qui a prévalu pendant des décennies, et que vous dénonciez tout à l’heure. La SGP est un outil créé par la loi pour y parvenir, les CDT en sont un autre, dont l’originalité tient à la place prise par le volontariat. La France a en effet adopté une démarche totalement inverse de celle suivie par la Grande-Bretagne qui, pour mener à bien le projet Crossrail, s’est d’abord appuyée sur le maire du Grand Londres. Nous avons préféré laisser le projet se construire et monter en puissance ; la question de la gouvernance viendra après. Quoi qu’il en soit, « la mayonnaise prend et elle prend bien ! ».

Si j’ai bien compris, Guillaume Pepy souhaite qu’on limite les implantations « entrepreneuriales » pour réduire, à court terme, la saturation du réseau RER.

M. le rapporteur. De fait, ce réseau n’est plus adapté à l’augmentation du trafic. Mais certains ont trouvé que M. Pepy avait une vision quelque peu malthusienne de la question.

M. Étienne Guyot. Les contrats de développement territorial visent à créer des centralités nouvelles, précisément pour ne pas concentrer l’activité dans les zones existantes. Il convient d’éviter que l’urbanisation ne progresse dans les limites de la région capitale. On le fera en reconstruisant « la ville sur la ville ». Or la création de nouvelles centralités rend nécessaire la densification des zones autour des gares du Grand Paris. Il ne peut s’agir que de zones d’activités mixtes, avec des bureaux, certes, mais aussi des logements et des commerces ; si on ne construit que des bureaux, les gares et leurs alentours seront déserts à partir de dix-neuf heures, avec les problèmes de sécurité que cela suppose. Voilà pourquoi je m’inscris plutôt en décalage par rapport à ce qui a pu être dit.

Monsieur Gaudron, s’agissant des contrats de développement territoriaux, je vous ai déjà répondu : d’après ce que j’ai constaté, « la mayonnaise prend ». Mais bien sûr, on en discute, et c’est tout à fait normal. Il s’agit en effet de documents de planification et de ciblage des financements. Ils engagent pour quinze ans et concernent, non seulement les transports, mais également les équipements publics, le développement économique et l’emploi. Ces contrat, très utiles, donnent du sens à l’aménagement du territoire.

Vous m’avez également interrogé sur le planning du choix des gares. Il est en effet indispensable de déterminer l’emplacement des gares dans les différents dossiers d’enquête publique : la boîte en souterrain – qui assurera les correspondances par rapport aux autres réseaux – et l’émergence. Ces documents comprendront en outre d’autres éléments telles les études d’impact économique et social ou environnemental, au niveau de l’urbanisme et de la sécurité du système. Comme plusieurs tronçons seront soumis à enquête publique, il est impératif de connaître l’emplacement des gares, tronçon par tronçon. D’où l’importance de la phase du « comité de pilotage numéro 2 » qui arrête l’emplacement de la boîte en souterrain, puis de celle du « comité de pilotage numéro 3 », qui arrête l’emplacement de l’émergence.

Le premier tronçon qui sera soumis à enquête publique se trouve sur le tracé rouge entre Noisy-Champs et Pont de Sèvres. Pour les seize stations concernées, nous aurons déterminé l’emplacement de la boîte en souterrain d’ici à la fin du mois de février, et celui des émergences, d’ici au mois de juin. Nous procéderons ainsi, réseau par réseau et tronçon par tronçon.

Monsieur le président Goldberg, vous me demandez si je n’ai pas peur que l’on ne distraie certains des financements qui nous sont destinés. En effet, le Parlement, par son vote, a déjà permis qu’entre 2011 et 2013, les 95 millions d’euros initialement affectés à la SGP soient versés à l’ANRU. À l’époque, il est vrai, la SGP venait à peine de naître. Reste que nous avons clairement fait passer le message : cette opération ne doit pas se reproduire, même si nous pouvons comprendre qu’elle ait pu avoir lieu. Nous ne le souhaitons pas, parce que nous avons besoin de cette ressource fiscale pour monter en puissance.

J’ai pris mon bâton de pèlerin et je suis allé voir le rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale et celui du Sénat. J’ai pu constater que l’opération n’avait pas été reconduite dans la loi de finances pour 2012. L’enjeu est extrêmement important pour ce projet, fondé sur un accord entre l’État et les collectivités, la majorité et l’opposition, que tout le monde appelle de ses vœux et qui représente un immense investissement pour la vie quotidienne de nos concitoyens, pour l’aménagement du territoire et le développement économique. En outre, si les pouvoirs publics ne montrent pas qu’ils croient fondamentalement en sa réalisation, la SGP sera en moins bonne posture à partir de 2016, lorsqu’elle émettra ses emprunts – nous serons mêmes notés ! Je le répète donc : il n’est pas souhaitable que l’on touche aux ressources actuelles de la SGP.

Monsieur le président, vous avez évoqué une possible concurrence entre le Grand Paris Express et le RER. Vous vous demandez, en fait, si nous pourrons disposer d’une ingénierie suffisante. À ce stade, je ne suis pas inquiet. Je vois comment les sociétés se positionnent sur les différents marchés. Que ce soit en termes d’ingénierie ou de travaux, elles se sont toutes organisées pour répondre au projet du Grand Paris – et pas seulement du Grand Paris Express –, dont les chantiers vont générer un grand nombre d’emplois. Naturellement, nous nous assurerons régulièrement qu’elles sont effectivement en mesure de gérer à la fois la rénovation des RER et la montée en puissance du projet du Grand Paris.

À cet égard, ce n’est pas la SGP qui commandera elle-même les tunneliers, mais le maître d’œuvre des travaux. Celui-ci se sera engagé, dans son contrat, à en employer un nombre suffisant. Pour information, pour réaliser le projet Crossrail, qui porte sur 80 km de ligne, les Britanniques ont recours à huit tunneliers, opérant simultanément.

J’ai le sentiment que les partenaires privés s’organiseront pour nous répondre s’ils sentent que les autorités publiques sont mobilisées sur ces projets et si le calendrier est annoncé suffisamment à l’avance.

S’agissant des éventuels dysfonctionnements, d’abord, nous n’envisageons pas d’exploitation en H 24 – même si le rythme sera sans doute plus dense le week-end – car nous avons absolument besoin de disposer de certaines plages, la nuit, pour entretenir le réseau.

Ensuite, nous avons prévu plusieurs dispositifs, afin d’éviter qu’une panne sur une ligne automatique ne se répercute sur l’ensemble de la ligne, comme cela se passe aujourd’hui sur le réseau du RER. C’est moins la longueur de la ligne que le nombre d’arrêts en gare qui pose problème car la majorité des pannes se produisent à cette occasion. Nous avons donc fait le choix, par exemple, d’une ligne bleue plus courte et qui ne relie pas directement Orly à Roissy. Elle comptera ainsi moins d’arrêts et nous pourrons mieux gérer les pannes qui pourraient survenir.

Par ailleurs, il y aura suffisamment de voies de dépassement – en gare ou en dehors des gares – ou de retournement pour injecter des trains supplémentaires et faire face aux difficultés que l’on pourrait rencontrer.

Enfin, les métros automatiques qui existent déjà dans le monde fonctionnent plutôt bien – c’est notamment le cas de la ligne 14 du métro parisien. La technologique nous apporte des réponses dont nous ne disposions pas autrefois. Cela étant, la sécurité reste une préoccupation fondamentale : en cas de panne, il faut informer les voyageurs, s’agissant en particulier de la façon d’évacuer les rames, et pouvoir compter sur les cheminots. Nous savons gérer ce type de situation.

Votre dernière question portait sur la desserte de l’aéroport Charles de Gaulle. Dans l’acte motivé, la SGP s’était prononcée en faveur de la création du CDG Express. Elle considérait en effet qu’une telle ligne ne lui faisait pas concurrence dans la mesure où elle constituait une offre complémentaire – et où son financement était privé. Le raisonnement vaut toujours : l’objectif reste de permettre aux voyageurs arrivant à l’aéroport Charles de Gaulle d’aller dans Paris très rapidement. Ils pourront prendre la ligne rouge jusqu’à Pleyel, où ils devront emprunter la ligne bleue. Le changement se fera de quai à quai et les trains passeront toutes les 85 secondes. Entre l’aéroport et Saint-Lazare, ils ne mettront que trente minutes. Mais ce ne sera pas une liaison directe. Voilà pourquoi on peut considérer que le CDG Express apportera une réponse complémentaire tout à fait utile.

M. le président Daniel Goldberg. Monsieur le président du directoire de la Société du Grand Paris, je vous remercie pour ces réponses très pertinentes.

M. Étienne Guyot. Je suis évidemment à votre disposition pour toute question supplémentaire.

——fpfp——

Audition de M. Hubert du Mesnil, président de RFF

(Séance du mercredi 1er février 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Nous accueillons aujourd’hui M. Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France (RFF), une institution souvent mentionnée par les interlocuteurs de la commission d’enquête.

Il n’y a pas lieu de s’en étonner : l’exploitation du RER s’effectue en grande partie sur le réseau ferré national dont RFF est à la fois le propriétaire et le gestionnaire. Si cet établissement n’effectue pas directement les travaux sur ce réseau, son influence est désormais déterminante s’agissant tant de la fixation des programmes d’investissement – qu’ils concernent des rénovations ou des extensions de lignes – que de la création d’aires de retournement ou du doublement des voies à tel ou tel endroit.

Vous comprendrez donc que nous vous interrogions sur la conciliation de vos priorités d’investissement avec celles de la SNCF et du STIF, sans oublier la RATP – propriétaire de la partie du réseau qu’elle exploite sur les lignes A et B. La tâche n’est sans doute pas facile, d’autant que les travaux sont exécutés par SNCF Infra, qui en a ainsi une assez large maîtrise des coûts et du calendrier à en croire certains de nos interlocuteurs, qui ont même évoqué des « renoncements » en cours de route. En outre, les travaux d’aménagement dans les gares et sur les quais échappent en grande partie à la compétence de RFF.

La question de la régulation et de la gestion des circulations a retenu toute notre attention, en particulier pour ce qui concerne les RER A et B, qui sont co-exploités par la RATP et par la SNCF sans pour autant être placés sous un commandement unifié et compétent pour la totalité d’une même ligne. Les présidents des deux opérateurs ont pris devant notre commission des engagements fermes en faveur de cette unité de commandement et nous souhaitons que RFF y apporte sa contribution. Des incertitudes demeurent cependant sur la réalisation de cette avancée, désormais indispensable comme nous avons pu le constater lundi matin lors de notre visite des postes de commandement de la ligne B – celui de la Gare du Nord pour ce qui concerne la SNCF et celui de Denfert-Rochereau pour ce qui concerne la RATP.

RFF dispose d’un pouvoir considérable, celui d’attribuer les sillons de circulation. Les horaires des RER résultent donc des décisions qu’il prend à cet égard. Le STIF nous a d’ailleurs précisé que certaines de ses demandes de renforcement des circulations sur des créneaux avaient été rejetées alors qu’elles lui paraissaient essentielles à la satisfaction des usagers. Ces refus sont certainement fondés sur des motifs techniques, voire sur des raisons de sécurité. Se pose cependant la question de la saturation du réseau et des moyens d’une « désaturation », même partielle. Nous sommes évidemment preneurs de vos propositions en ce sens.

Le président de la SNCF nous a fait part, lors de son audition, de votre récent accord pour une délégation à son entreprise de tout ou partie de la compétence de RFF sur les aiguillages du RER. Quel est l’objectif de cette décision ? Selon d’autres de nos interlocuteurs, certains aiguillages du réseau RER dateraient en effet des années 1930…

Plus généralement, quelles sont les règles qui régissent vos relations avec la SNCF sur le réseau RER ? La réglementation européenne vous interdit-elle d’entretenir des rapports particuliers avec l’opérateur ferroviaire historique ?

La commission d’enquête s’intéresse donc à des situations concrètes. Elle entend en effet faire des propositions réalistes visant à améliorer le quotidien des usagers du RER, sans pour autant laisser penser qu’elle disposerait de la recette miracle. Nous espérons donc que votre audition représentera un apport important à notre réflexion.

Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, M. Hubert du Mesnil prête serment.

M. Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France (RFF). Le sujet qui nous réunit aujourd’hui est vaste. Je vais m’efforcer de vous apporter quelques éléments d’éclairage, sans reprendre ce que vous avez pu entendre lors d’auditions précédentes et en alliant des éléments de réflexion – sur la nature du réseau RER et sur les problèmes structurels qui s’y posent – et des éléments plus concrets.

Le réseau ferré national – qui a une définition juridique – est parcouru en Île-de-France par des trains très divers : trains de voyageurs nationaux ou internationaux, trains de marchandises, Transiliens. En son sein, nous trouvons donc, s’emboîtant comme des poupées russes, le réseau ferré en Île-de-France, puis un sous-ensemble utilisé par le Transilien et, enfin, un sous-ensemble « RER ».

Le réseau ferré en Île-de-France représente environ 10 % du réseau ferré national. Le Transilien représente 70 % de l’activité de ce réseau régional, la partie RER représentant elle-même 70 % de l’activité Transilien. Vous vous intéressez donc à la partie majoritaire de l’activité du réseau régional. Une première réflexion s’impose ici : il faut combiner à tout moment la présence sur le réseau ferré national, qui n’est pas totalement dédié à l’activité Transilien – et par conséquent intégrer des contraintes nationales – avec le fait que cette activité est à la fois la plus importante, celle qui s’est le plus développée et celle qui connaît le plus de difficultés. Nous devons donc concentrer nos énergies et nos moyens pour affronter cette situation, avec une vraie contrainte : le réseau n’étant pas dédié, l’activité RER est au voisinage permanent d’autres activités nationales ou régionales.

L’activité RER est en croissance continue depuis de nombreuses années, d’où une saturation et une dégradation de la qualité du service – et notamment de la régularité. Alors que le réseau ferré national est généralement plutôt sous-utilisé, le réseau RER, lui, est sur-utilisé. Or il a fait l’objet d’un sous-investissement, à la fois en termes de capacité, en termes de qualité et dans le domaine technologique. Alors que ce réseau est l’un des plus fréquentés au monde, il est loin de faire partie des mieux équipés. La technologie y est médiocre, souvent très ancienne. Non seulement certaines parties du réseau – caténaires, traverses – sont trop vieilles, mais on n’a pas doté celui-ci des outils de technologie nécessaires pour traiter une telle densité de trafic – l’état de certains aiguillages et postes de commandement en atteste.

Comment rattraper ce retard ? Il ne s’agit plus de se complaire dans l’analyse du passé, mais de s’engager dans une course de fond pour rendre ce réseau enfin conforme aux attentes des usagers.

Les causes d’irrégularité du trafic sont nombreuses. Il importe de les clarifier, car nous aurons besoin des efforts de tous pour progresser sur ce sujet : les marges de manœuvre de chacun des acteurs pris isolément sont en effet limitées. Pour notre part donc, bien que 10 à 15 % seulement de ces causes tiennent à l’insuffisance, à la défaillance ou au mauvais état de l’infrastructure, nous considérons que notre devoir est de nous attaquer résolument à cette partie du problème tout en appelant toutes les autres parties prenantes à prendre chacune leur part de l’effort. C’est en s’organisant collectivement, en additionnant les efforts de tous que nous obtiendrons un résultat.

Loin de nous, par conséquent, l’idée de dire que les questions relatives à l’infrastructure seraient secondaires, même si nous savons que d’autres causes d’irrégularité pèsent davantage.

J’en viens à la question de la gouvernance. Partant du constat que nous avions un réseau dans lequel on avait trop peu investi, dont la qualité s’était dégradée et dont les capacités étaient insuffisantes, nous avons noué avec le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) une relation d’une nouvelle nature. En tant qu’autorité organisatrice de transports, le STIF est compétent pour organiser les services de transport avec Transilien. Juridiquement, il n’a pas de compétence en matière de réseaux et d’infrastructures. Il ne saurait pourtant y avoir de qualité de service ni de développement de l’offre sans adaptation de l’infrastructure. Il n’est d’ailleurs pas concevable que le STIF, qui paye les péages, n’ait pas son mot à dire sur les sillons dont il a besoin. Toute la question est dès lors d’organiser une gestion du réseau qui combine la compétence d’un établissement public national en charge du réseau ferré – RFF – et celle de l’autorité organisatrice de transports – le STIF – dont les domaines, a priori séparés, sont en fait liés l’un à l’autre.

Au terme d’une longue réflexion conduite avec le président Jean-Paul Huchon, nous avons donc mis au point une convention. Le STIF, autorité organisatrice de transports, a une relation contractuelle avec la SNCF et la RATP – à qui il passe commande de l’exécution des services de transport. Il entretient avec nous une relation d’une autre nature : il ne s’agit pas d’une relation d’autorité, au sens juridique du terme, mais d’une relation que nous avons formalisée par une convention dans laquelle nous nous engageons sur trois points. Premièrement, RFF doit rendre des comptes au STIF sur l’état, sur les performances et sur la qualité de l’infrastructure. Deuxièmement, RFF doit convenir avec le STIF des actions à entreprendre pour améliorer la qualité du réseau. Troisièmement, RFF doit rendre des comptes au STIF sur le plan économique : celui-ci acquitte des péages, il a le droit de savoir ce que l’on fait de son argent.

Nous avons donc bâti avec le STIF cette relation de nature contractuelle, dans laquelle nous reconnaissons son rôle d’intégrateur : autorité organisatrice de transports, il a besoin de disposer de leviers pour mettre en œuvre sa compétence, à la fois sur les services de transport – avec Transilien et la RATP – et sur les questions liées à l’infrastructure – avec RFF. Nous avons donc défini dans la convention un programme de quatre ans qui porte sur trois sujets : les éléments de connaissance, d’information et de transparence sur le réseau ; la maintenance et le renouvellement du réseau ; les éléments à caractère économique, qui concernent la connaissance des coûts et l’utilisation des péages. Ce dernier point est d’autant plus important que le STIF acquitte près de 700 millions d’euros par an de péages. Ces péages, payés par le STIF à chaque fois qu’un train roule sur notre réseau, représentent le coût complet de celui-ci. Le STIF ne reçoit pas de subvention de l’État pour assumer cette charge : autrement dit, tout ce que coûte le réseau est payé par le syndicat. En contrepartie, nous estimons que nous avons l’obligation de lui rendre des comptes sur l’utilisation de cette ressource.

Un virage a donc été pris il y a trois ans. Dans l’organisation précédente, en effet, il n’y avait pas de compte régional : l’argent perçu du STIF au titre des péages en Île-de-France alimentait une « caisse commune » nationale. Il servait donc, en partie, à combler les déficits des autres régions. Nous avons mis un terme à cette sorte de mutualisation. Depuis la signature de la convention, le principe – qui a été confirmé par l’État – est que la totalité des ressources payées par l’Île-de-France va à l’investissement et au développement en Île-de-France.

M. Pierre Morange, rapporteur. Pouvez-vous, monsieur le président, nous préciser la date d’entrée en vigueur de cette convention ?

Vous évoquez, à juste titre, la nécessité d’avoir une connaissance des coûts. Or, dans son dernier rapport, la Cour des comptes a relevé la relative opacité des comptes fournis par la RATP et par la SNCF. Comment comprendre la structuration des coûts si le STIF lui-même ne dispose pas – comme il nous l’a dit – de comptes dûment certifiés par ligne et par mode de transport ? Il est indispensable que RFF et le STIF puissent avoir une lecture plus fine de ces comptes. Avez-vous cette possibilité, ou faites-vous le même constat que le STIF ?

M. Hubert du Mesnil. Nous pouvons faire nôtre cette critique sur le manque de transparence et de connaissance des coûts. Notre coût correspond au coût d’entretien et de fonctionnement du réseau. L’information que nous donnons au STIF est celle que la SNCF nous fournit pour sa partie infrastructure, mais elle ne dispose sans doute pas elle-même, dans son organisation interne, des moyens de connaître ses coûts. Et s’il en est autrement, encore faut-il, me direz-vous, qu’elle ait envie de donner cette information ! Peut-être y a-t-il ici matière à discuter, mais il faut bien voir que la SNCF n’a pas été configurée pour que le Transilien soit une composante de son organisation. Elle est organisée en effet par secteurs, l’Île-de-France recouvrant cinq de ceux-ci. Il n’y avait donc pas, dans l’organisation interne de la société nationale, de pilotage, de reporting et d’évaluation des coûts correspondant à la région Île-de-France. L’entreprise doit aujourd’hui réorganiser sa structure de pilotage interne pour que sa gouvernance et ses propres coûts soient délimités en fonction du découpage territorial réel. Il devrait dès lors être plus facile à RFF et au STIF d’avoir accès en toute transparence à l’information financière dont ils ont besoin.

M. le rapporteur. Vous nous confirmez donc que cette connaissance des coûts s’adosse à une construction quelque peu virtuelle. Or il est essentiel que le STIF et la région disposent d’outils de mesure, afin que le dialogue et les conventions d’objectifs signées avec les transporteurs s’appuient sur des comptes stabilisés et incontestables.

M. Hubert du Mesnil. Ce que je viens de vous dire s’applique aux coûts de gestion et d’entretien. Nous avons en revanche la maîtrise et la connaissance des coûts d’investissement. Dès lors que le STIF et la région cofinancent, nous avons une obligation de transparence – et nous sommes en mesure d’y satisfaire sans difficulté.

M. le rapporteur. Vous avez évoqué une pratique de mutualisation : avant la signature de la convention avec le STIF, la contribution des transporteurs était ventilée sur l’ensemble du pays, et non spécifiquement dédiée à la région francilienne. À combien s’élève la somme ainsi réaffectée à d’autres régions au cours des trois dernières années ?

M. Hubert du Mesnil. Il faut retenir que, pour l’Île-de-France, le montant des péages est de 700 millions d’euros, soit l’équivalent de ce que payent toutes les autres régions, alors qu’au total les péages s’élèvent à 3,5 milliards Cette somme est complétée pour ces dernières par une subvention de l’État d’un montant total d’1,2 milliard d’euros. Cela vous donne la mesure des enjeux financiers.

La politique de réallocation de la ressource vers l’Île-de-France entamée en 2009 en application de la convention passée avec le STIF a permis d’accroître sensiblement l’effort d’entretien, de maintenance et de renouvellement du réseau.

M. François-Régis Orizet, directeur régional Île-de-France. Le coût du réseau s’établit globalement pour Transilien à 700 millions d’euros, soit 500 millions pour l’entretien et l’exploitation et un peu moins de 200 millions pour l’investissement – j’entends par-là l’investissement de renouvellement.

M. le président Daniel Goldberg. Vous parlez là du réseau Transilien en général, et non du RER ?

M. François-Régis Orizet. En effet.

La convention avec le STIF conduit à une majoration de 250 millions d’euros sur la première période couverte, 2009-2012. En pratique, on observe une certaine difficulté à monter en puissance, mais ces 250 millions d’euros correspondent au triple de l’effort annuel : chaque année, nous consacrons 80 millions d’euros de plus que précédemment aux investissements de renouvellement, essentiellement – nous avions là un grand retard –, mais aussi à des investissements de prévention sur des zones considérées comme particulièrement sensibles. Une étude nous avait permis d’identifier les zones où il y avait le plus de trains touchés, et qui exigeaient par conséquent une politique de « maintenance renforcée ».

Les RER représentent environ 40 % du réseau en linéaire et leurs coûts de maintenance s’établissent à environ 55 % de la dépense consentie pour le Transilien. Nous leur consacrons les deux tiers de l’effort de 250 millions d’euros dont je vous ai parlé.

M. Hubert du Mesnil. L’effort que nous avons accompli avec le STIF en faveur du réseau francilien a donc porté de manière plus particulière sur le RER : plus de 50 % de l’effort de renouvellement lui a été dédié alors qu’il ne représente que 40 % du réseau. Nous avons donc bien privilégié la partie la plus sensible du réseau. La montée en puissance a été un peu lente, c’est vrai, mais le processus est maintenant bien engagé et nous pourrons tenir l’essentiel de nos engagements d’ici à la fin de 2012. Nous ferons bien entendu en sorte de poursuivre l’effort au-delà de cette date.

M. le rapporteur. Le coût de la maintenance représente environ 55 % de celui du Transilien, et les deux tiers de l’enveloppe supplémentaire de 80 millions sont affectés au RER, avez-vous dit. L’effort supplémentaire consenti au titre de la maintenance s’élèverait donc à quelque 50 millions d’euros par an ?

M. François-Régis Orizet. C’est exact. Mais il convient de préciser que cet effort concerne surtout l’investissement. Je vous l’ai dit, l’investissement de renouvellement représentait environ 200 millions d’euros. Les 80 millions d’euros – dont 50 sont affectés au RER – financent essentiellement des renouvellements supplémentaires, ce qui correspond à une croissance de plus de 40 % sur ce poste. Mais nous sommes aujourd’hui aux limites de notre capacité d’intervention sur le réseau, tant sur le plan physique que sur le plan financier.

M. Hubert du Mesnil. En clair, cela signifie que nous ne pouvons faire plus et plus vite pour combler le retard et renouveler les rails, traverses et câbles électriques trop âgés.

J’en viens à l’investissement proprement dit sur les programmes de RER. Les RER ont leur histoire et leur géographie que vous connaissez bien. Une fois qu’on a amélioré leur entretien et leur renouvellement, il s’agit d’améliorer leur capacité. Cela passe par des investissements plus substantiels, et donc par les schémas directeurs. Là aussi, les projets ont tardé à être définis. Il est vrai qu’ils sont complexes à monter. Se mettre d’accord avec la SNCF Transilien et le STIF sur un schéma directeur et sur les choix à faire – localisation des voies supplémentaires, augmentation ou réduction des dessertes – n’est pas chose aisée. Comment s’y prendre pour améliorer la structure même du réseau RER ? La réponse est loin d’être simple ! Néanmoins, nous avons aujourd’hui un schéma directeur pour tous les RER ou presque – sont concernés le B, le C, le D et le E. De nombreux programmes sont arrêtés pour les cinq ans qui viennent, soit jusqu’en 2017-2018. Des programmes plus substantiels – qui ne sont pas encore financés – sont également prévus à l’horizon 2020-2025.

Le pilotage des schémas directeurs est assuré par le STIF, autorité organisatrice de transports. Quand bien même elle requiert une approche technique, la démarche part en effet du service à rendre – quelles améliorations de cadence, de régularité ? Le STIF a donc la main sur la définition du projet, à charge pour RFF de lui fournir les éléments d’étude qui permettront d’arbitrer entre les choix d’investissement. Reste ensuite à combiner les investissements sur un itinéraire. Le schéma directeur orchestre sur un certain nombre d’années un ensemble d’opérations qui doivent avoir leur cohérence pour permettre à terme d’augmenter le nombre de trains, la fréquence, le nombre d’arrêts et la qualité du service sur la ligne.

Le programme de schémas directeurs a été difficile à mettre au point, et il progresse à des rythmes différents selon les lignes. C’est sur le RER B Nord qu’il est le plus avancé : nous sommes proches de la phase finale. Bref, nous avons de quoi travailler – avec les financements nécessaires – pour les années qui viennent. Cette première série d’améliorations de l’investissement va permettre de franchir un pas vers une plus grande qualité.

Nous avons cependant avec la géographie des RER un autre problème, et d’une autre nature : les lignes sont trop longues et trop compliquées, si bien que même en augmentant le nombre de voies et en installant des postes d’aiguillage neufs, la mise en qualité du réseau se heurte à de vraies difficultés. Sans doute vous a-t-on déjà parlé de l’idée de séparer les flux : lorsqu’une section du réseau est fréquentée par les RER, mais aussi par des TGV et des trains de fret, il est impossible d’assurer une très bonne qualité, même si le rail est parfait. Le « mélange des genres » dans le trafic ne permet pas de faire du haut de gamme, car celui-ci exige une exploitation séparée, une cadence rapide et un mode de fonctionnement adapté au service. Il y a là un problème d’incompatibilité difficile à résoudre. Nous ne pouvons détricoter du jour au lendemain le réseau de l’Île-de-France : il faut faire avec. Lorsque c’est possible, nous nous attachons cependant à proposer une simplification du réseau RER. Il peut s’agir de couper certaines branches qui se mélangent trop, d’essayer de trouver des sections où le réseau soit dédié au RER, en séparant les voies… C’est un travail structurel, de long terme, qui s’ajoute aux efforts de court et moyen termes que nous avons déjà évoqués. Il ne faut pas sous-estimer sa complexité, mais il ne faut pas non plus reculer devant sa nécessité. Par exemple, nous prolongeons le RER E à l’Ouest, mais cette prolongation ne s’inscrit pas dans la continuité de la ligne à l’Est. Il y aura donc deux demi-lignes, ce qui évitera qu’un incident n’affecte l’ensemble de la ligne.

En ce qui concerne le mode de pilotage, deux points font l’objet d’une attention particulière. Il s’agit d’abord de l’interconnexion SNCF-RATP, qui est une source majeure de dysfonctionnements. Le problème peut être traité par une collaboration, une organisation différente ou une cogestion de la ligne par les deux entreprises – et elles y travaillent. Mais cela n’empêche pas que la zone centrale du RER A – pour prendre un exemple – fonctionne véritablement comme un métro tandis que ses extrémités se divisent en plusieurs branches. Même avec un seul opérateur, on n’échapperait donc pas aux difficultés que pose la coexistence sur la ligne d’une zone parisienne à haute densité et très cadencée et de branches aux situations très variées. Bref, il n’y pas seulement un problème de cohérence entre deux opérateurs, mais aussi un problème de nature du réseau. C’est pourquoi nous considérons que l’une des contributions les plus utiles que nous puissions apporter à l’amélioration du RER A est la réalisation du RER E. Ce dédoublement permettra de simplifier sensiblement la gestion de la ligne.

Le deuxième point sur lequel j’appelle votre attention est le suivant : la séparation entre le transporteur et l’opérateur qui s’occupe des sillons et des circulations – on parle de RFF par souci de simplification, mais il s’agit en réalité de RFF et de la Direction de la circulation ferroviaire (DCF), une direction autonome de la SNCF qui travaille pour le compte de RFF : est-elle adaptée à la situation de l’Île-de-France ? Je dirai que le plus important pour nous n’est pas de respecter les dispositions législatives ou européennes en la matière : cela va de soi, mais cela ne doit pas nous empêcher de pourvoir à plus essentiel : inventer des modes de gestion adaptés aux situations réelles. Il y a une réalité : nous devons organiser la cohabitation de plusieurs activités sur le réseau francilien, ce qui suppose de disposer d’une « tour de contrôle » commune aux RER et aux autres trains. Pour autant, rien ne nous interdit, sur les sections RER sur lesquelles il n’y a pas de concurrence, de mettre au point avec le STIF des modes d’exploitation adaptés à la nature du trafic, à savoir un trafic dense, qui exige de pouvoir prendre des décisions en temps réel et sans contraintes inutiles. Dès lors qu’il n’y a qu’un seul transporteur, Transilien, organisons la gestion de ces sections en convenant avec les personnels concernés de la meilleure manière de faire.

Vous avez utilisé le terme de « délégation ». Il n’est pas tout à fait approprié, puisqu’il ne s’agit pas d’une délégation au sens juridique du terme, mais d’un mode opératoire. Ce que nous souhaitons faire, c’est mettre la DCF et Transilien dans une disposition d’esprit et d’action commune. Compte tenu de leurs contraintes, il leur faut trouver la meilleure manière de s’organiser ensemble pour assurer le pilotage de ces lignes, en tenant compte du fait que sur certaines sections, il peut y avoir d’autres trains, mais en essayant de réduire au maximum les contraintes de ce voisinage et en se concentrant sur le sujet principal : l’organisation de cette circulation de RER dense et la meilleure gestion possible des situations dégradées. Il faut vraiment que nous mettions au point un mode de gestion et des outils. Vous savez sans doute que la régulation des trains sur la ligne C du RER est assurée par des agents implantés à Montparnasse – qui n’est pas une station de la ligne. Peut-être aussi avez-vous visité le poste des Invalides, que nous venons de rénover. Ne pourrait-on y installer les agents qui s’occupent du RER C ? L’idée est d’adopter les modes opératoires, les outils, les lieux d’implantation et les modes de collaboration qui permettent de tirer le meilleur parti possible d’une proximité entre le régulateur – RFF / DCF – et le transporteur – Transilien – sans méconnaître les contraintes qui s’imposent à nous, et notamment le fait que certaines parties du réseau sont fréquentées par des trains venant d’ailleurs. C’est une approche qui se veut pragmatique. Nous proposerons donc dans les deux mois à venir une adaptation du mode opératoire de gestion de ces lignes, élaborée conjointement avec la DCF et Transilien, et que nous allons examiner avec la SNCF.

Il nous faudra ensuite combiner, pour les RER A et B, cette approche coopérative avec la circulation RATP. Il faut conjuguer la coopération entre les personnes avec un effort considérable d’investissement. À cet égard, j’ai un regret : alors que la RATP a organisé depuis très longtemps le pilotage par axes, RFF et la SNCF ont tardé à suivre cet exemple et continuent de privilégier une gestion par territoires. Le RER nécessite évidemment une gestion par axes : il faut que quelqu’un soit responsable sur l’ensemble de l’itinéraire du pilotage des trains, des relations avec les conducteurs, des relations avec les clients et de l’information des voyageurs. Or cette organisation structurée par axes n’a pas été mise en place. Cela est vrai aussi d’un point de vue technique : nous avons 17 postes d’aiguillage sur le RER D ! Autrement dit, il faut organiser la coopération et la coordination de 17 lieux et de 17 personnes alors que sur son axe, la RATP a un poste de commande unique. Bref, il y a un gros effort d’investissement et de rationalisation des outils à entreprendre.

M. le rapporteur. Nous saluons l’intelligence de ces propositions marquées du sceau du pragmatisme, mais la SNCF et la RATP nous ont tenu le même discours. La volonté de rationaliser et d’optimiser le système est donc partagée. Reste que l’histoire nous incite pour le moins à la perplexité : ne serait-ce que pour la ligne B, la réflexion sur les difficultés que créent les trajets partagés, avec le fameux changement de conducteur sur la section Châtelet-Gare du Nord, est encore dans les limbes malgré la volonté affichée d’avancer sur ce point. Le fait de privilégier des dispositions contractuelles, qui permettent de mieux associer les différents acteurs, n’induit-il pas un risque d’inertie ? Concrètement, pourriez-vous nous dire quel échéancier strict vous vous êtes imposé pour la mise en œuvre des décisions que vous avez prises avec la DCF et Transilien ?

M. Hubert du Mesnil. Je ne méconnais pas les spécificités culturelles propres à chaque entreprise, mais la nôtre n’a que quelques années, elle n’est guère marquée par l’histoire. Et les agents qui travaillent sur la partie régulation sont en réalité des agents de la SNCF, puisque la DCF est une direction de celle-ci. Il est donc difficile de parler à ce propos de complications d’ordre culturel…

M. le rapporteur. Mon propos n’était pas de jeter la pierre aux uns ou aux autres. Je fais simplement le constat, au vu de l’expérience, d’une certaine difficulté dans l’exécution des décisions prises par les deux transporteurs, et je souhaitais connaître votre sentiment sur ce point.

M. Hubert du Mesnil. Il y a tout de même une réalité qui n’est pas d’ordre culturel, mais d’ordre technique et géographique : la RATP fonctionne structurellement par axes, tandis que la SNCF fonctionne structurellement par réseaux, avec une organisation fondée sur un découpage en secteurs. Cette donne est difficilement compatible avec une organisation du territoire Île-de-France, à l’intérieur duquel interférent actuellement des sous-ensembles qui ne sont que des morceaux de réseaux.

Pour autant, rien n’empêche de jouer avec ces contraintes pour dégager des marges de manœuvre. Il faut donc entamer résolument une évolution de l’organisation et des méthodes, y compris dans le domaine managérial. Nous sommes en train de le faire. La SNCF a clairement fait ce choix : il y a un directeur du RER C qui est le « patron » de la ligne ; la DCF désigne également des responsables par itinéraire ; nous faisons la même chose au sein de notre direction régionale d’Île-de-France. Si chaque entreprise désigne clairement un responsable par itinéraire, il est déjà plus facile de les réunir. D’autre part, nous appartenons à des établissements publics de l’État : nous avons donc la même tutelle. Enfin, nous travaillons tous pour la même autorité organisatrice, le STIF. En dépit de nos différences juridiques et culturelles, il y a donc deux autorités pour nous rassembler et fixer les objectifs : notre tutelle, l’État, et notre partenaire, le STIF. Je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas en mesure de répondre à leurs demandes. En ce qui nous concerne, nous n’avons aucun état d’âme à cet égard. Et qu’on ne vienne pas nous dire que Bruxelles nous interdit de le faire, ou que c’est parce que nous sommes trois établissements publics que nous n’arrivons pas à nous entendre ! À court terme, rien n’empêche de rassembler des agents de nos différents établissements publics au même endroit pour piloter ensemble un projet commun. Nous croyons beaucoup à cette approche qui passe par les personnes.

Pour répondre précisément à votre question, le projet que nous avons lancé pour le RER C est un projet de court terme – nous attendons une proposition pour mars. En 2012, nous conduirons une expérimentation afin de mettre au point un mode opératoire pour rassembler les différentes composantes sur une section donnée. Si cela fonctionne, nous le ferons sur les autres.

M. le président Daniel Goldberg. Une rupture de caténaire s’est produite ce matin sur la ligne B Nord du RER et a entraîné un blocage du trafic à Sevran. Surtout, un conducteur de rame SNCF a été grièvement blessé. Son pronostic vital est engagé. Il me paraît donc naturel – et j’aurais souhaité le faire à l’ouverture de notre réunion – que nous ayons une pensée pour lui et pour sa famille.

M. le rapporteur. J’adresse en notre nom à tous nos vœux de prompt rétablissement à cet agent. Cet accident donne une tragique justification à la création de notre commission d’enquête – s’il en était encore besoin. Au-delà de ses causes précises, qui restent à déterminer après enquête technique, il nous renvoie en effet à la question de l’entretien du réseau, que chacun s’accorde à qualifier de vieillissant et qui n’a pas bénéficié des investissements nécessaires pendant les deux dernières décennies.

Nous comprenons votre discours pragmatique et votre volonté de recourir à des formules opérationnelles – vous venez d’en donner un exemple à propos de la ligne C. Je crois comprendre que vous n’êtes guère partisan de dédier les voies ou de retirer les lignes de RER du réseau national. Vous avez proposé la gestion des aiguillages à la SNCF, mais vous souhaiteriez limiter là le transfert de compétences, et non affecter l’ensemble d’une ligne – en la sortant le cas échéant de votre périmètre – à l’un des deux transporteurs. Pouvez-vous me confirmer votre position sur ces différents points?

Sur ce réseau ferroviaire vieillissant, emprunté par des trains de statuts très divers, la marge de manœuvre dont disposent, vis-à-vis des différents acteurs – RATP, SNCF, RFF –, la région et de son bras armé, le STIF, apparaît finalement assez réduite. J’aimerais qu’on revienne à ce sujet sur la question de l’attribution des sillons et sur celle de la priorité susceptible d’être donnée au transport de voyageurs. À propos des lignes, l’un des commissaires a évoqué l’autre jour, de manière plutôt poétique, un effet « aile de papillon ». Seriez-vous quant à vous favorable à une ventilation par modes de transport sur l’ensemble du réseau ferroviaire francilien – j’entends par là l’affectation de voies en propre soit au RER, soit au TGV, soit au trafic de fret ? Pensez-vous que cela permettrait de dégager une marge de manœuvre, dès lors qu’une priorité claire et ferme serait donnée au transport de voyageurs ?

Pour établir cette hiérarchie, il est nécessaire d’effectuer une déclaration de saturation. Pouvez-vous nous en préciser les modalités ? Avez-vous déjà été saisi ? Quelles réponses avez-vous données ?

S’agissant enfin de la convention à établir entre la SNCF et RFF, pouvez-vous nous donner des éléments plus précis, notamment sur l’échéancier ? Quel est enfin votre sentiment sur le doublement du tunnel entre Châtelet et la gare du Nord ?

M. François Pupponi. Je ne suis pas sûr de bien comprendre les chiffres, de RFF, monsieur le président. Le montant des péages s’élève à 700 millions d’euros. Vous nous avez expliqué que, jusqu’en 2009, RFF ne réinvestissait pas la totalité de cette somme sur le réseau francilien. À combien s’établissait l’excédent, et quand est-il apparu ? Les 80 millions de plus que vous allez réinvestir correspondent-ils à cet excédent, de sorte qu’on ne ferait que revenir au niveau initial ? Si tel est le cas, depuis quand le réseau souffrait-il d’un déficit d’investissement de 80 millions ? Je m’explique : vous dites que vous encaissez environ 700 millions et que vous réinvestissez désormais 700 millions. Cela signifierait donc que vous ne réinvestissiez auparavant que 620 millions d’euros?

Compte tenu de l’état du réseau, combien faudrait-il par ailleurs investir par an ? Vous avez dit que les retards étaient dus pour 15 % à des problèmes sur le réseau, mais cette proportion n’est-elle pas appelée à augmenter ? Si le réseau n’est pas entretenu, sa vétusté va en effet s’aggraver – l’accident de ce matin en est un triste exemple. Voilà tout de même plusieurs hivers que se produisent ces ruptures de caténaires.

Vous indiquez que vous arrivez à la limite de vos capacités d’intervention. S’agit-il de vos capacités techniques, de vos capacités financières, ou des deux à la fois ?

Enfin, au fil de nos auditions, nous avons cru comprendre que le projet CDG Express, en principe abandonné, devrait finalement voir le jour – c’est en tout cas ce que nous ont annoncé la RATP et la SNCF. Il emprunterait les voies de Paris Nord, avec une « virgule » pour arriver Gare de l’Est. Quand ce projet se ferait-il ? Quel serait son coût réel en termes d’investissement ? Pourquoi ce choix de la Gare de l’Est, plutôt que de la Gare du Nord ? Et j’ajoute une question subsidiaire : est-il si facile de se rendre à La Défense depuis la Gare de l’Est ?

M. Patrice Calméjane. Vous dites qu’il serait opportun de regrouper la SNCF et RFF que la loi a séparés mais, dans nos communes, lorsqu’un aménagement est nécessaire, nous avons parfois bien du mal à déterminer ce qui relève de l’une et de l’autre pour trouver le bon interlocuteur. La séparation entre les deux est-elle bien effective ?

Sachant que des membres de la Cour des comptes assistent aux conseils d’administration de la SNCF, de la RATP et de RFF, je trouve pour ma part paradoxal qu’ils posent des questions…

RFF est-il rémunéré à chaque fois qu’un train passe sur les voies qui lui appartiennent ? Le tarif est-il le même pour un train de marchandises et pour un train de voyageurs, ou pour un train quasiment vide et pour un train circulant à une heure de pointe ? Vous indiquez que près de 10 % du réseau de RFF se trouvent en Île-de-France, mais la région procure-t-elle à l’établissement public une part équivalente de ses recettes ? Qu’en est-il par exemple pour le tronçon commun Châtelet-Gare du Nord ?

Vous suggérez, pour désengorger la ligne A, d’utiliser le RER E. Il ne faudrait pas, pour régler un problème dans un secteur, en susciter d’autres ailleurs. Le réseau Transilien souffre d’une erreur de conception : chaque ligne ne dispose pour ainsi dire, de bout en bout, que d’un faisceau de voies de sorte qu’au moindre incident, c’est tout le trafic qui est bloqué. Dans le cadre de la modernisation du réseau, envisagez-vous d’aménager des sortes de baïonnettes afin de faciliter la circulation des trains en cas de panne ?

M. Didier Gonzales. Il est prévu à long terme de créer une troisième paire de voies entre Paris et Juvisy. Ne pourrait-on envisager une « mutualisation » avec le projet de ligne à grande vitesse Paris Orléans Clermont Ferrand (POCL) ? Il suffirait pour cela de réserver les quatre voies actuelles au RER C et d’aménager une autre paire de voies pour les TGV, dont le tracé via le plateau d’Orly éviterait les territoires urbanisés. Ce secteur, qui est comme « la pulpe de la dent », mérite une attention particulière.

Je suis moi aussi soucieux de la desserte des aéroports parisiens. Quelle est la position de RFF sur le projet de ligne dédiée, qui serait une alternative au projet CDG Express ?

Enfin, je voudrais dire à M. Orizet que la sous-station de Villeneuve-le-Roi reste en l’état où il l’a connue.

M. Jacques Alain Bénisti. Le projet du Grand Paris prévoit un certain nombre d’interconnexions du métro automatique avec les réseaux existants. Quels documents juridiques ou conventionnels avez-vous signés avec la Société du Grand Paris ?

Où en est le projet de la gare dite « des trois communes » – Villiers, Bry, Champigny – qui devrait voir le jour, en même temps que le site de maintenance de Champigny ? Les travaux commenceront-ils l’année prochaine ? Les problèmes qui se posaient à propos des espaces appartenant à RFF sont-ils réglés ?

Mme Annick Lepetit. Le prolongement d’Éole n’est pas encore vraiment lancé que nous entendons déjà parler d’une dérive des coûts. Est-elle due à une sous-estimation des travaux nécessaires ou à des complications imprévues ?

M. le président Daniel Goldberg. Compte tenu de son obligation de neutralité, quelle est la marge de manœuvre de RFF dans ses relations avec la SNCF ? S’agissant de l’entretien courant du réseau, les programmes d’investissement de la SNCF sont-ils définis en commun avec vos services, et selon quelle hiérarchie ? RFF dispose-t-il de capacités d’expertise financière et technique indépendantes ?

Notre collègue François Asensi, qui n’a pu assister à cette audition, m’a demandé de vous interroger sur le projet de doublement du tunnel entre Châtelet et la Gare du Nord : quid de sa faisabilité technique, de son financement et du calendrier des travaux ? Quels sont selon vous les gains à en escompter ? Le président de la SNCF, Guillaume Pepy a soulevé le problème de l’aiguillage du tunnel du Châtelet, géré par RFF au croisement des réseaux SNCF et RATP. La frontière semble parfois difficile à déterminer entre les deux opérateurs : quelle est la marge de manœuvre de RFF sur les lignes qu’ils partagent ? Enfin, quelles sont vos relations avec le département de la RATP chargé de la gestion des infrastructures ? Avez-vous la possibilité de définir une politique commune ?

M. Hubert du Mesnil. Certes, le réseau est polyvalent. Il convient d’en prendre acte et d’organiser au mieux cette polyvalence. Les activités sont parfois difficilement compatibles, notamment dans les zones où le RER est en concurrence avec le trafic de fret et avec le TGV. Là où c’est possible, nous avons donc intérêt à séparer ces activités en procédant au cas par cas. Pour le RER B nord, nous l’avons fait, ce qui permet de faire circuler côte à côte des trains omnibus et des trains directs. L’interconnexion Sud des lignes à grande vitesse permet de retirer les TGV de la ligne empruntée par le RER C. La nouvelle liaison directe Paris Normandie permettra de dédier une ligne au RER Paris Mantes-la-Jolie. Mais cette séparation n’est pas possible partout. Il nous faut alors répartir les capacités d’une ligne, les sillons, entre les trains nationaux ou à grande vitesse, les RER et les trains de fret, en définissant des priorités.

Or il n’appartient pas au gestionnaire de l’infrastructure de décider à qui donner la priorité : RFF n’a pas le pouvoir de dire, à lui seul, s’il est plus important de faire passer sur une ligne un TER, un TGV ou un train de fret. Il faut donc en passer par un débat entre toutes les parties prenantes. La difficulté vient du fait que le STIF a compétence pour le TER, mais pas pour le TGV, qui relève uniquement de règlements européens. L’État lui-même est partie prenante en tant qu’autorité organisatrice pour les trains d’équilibre du territoire (TET). Quant au fret, il relève du libre marché. Et il n’existe pas à l’heure actuelle, dans ce paysage institutionnel, d’instance capable de réunir l’ensemble de ces autorités en vue de déterminer des règles d’arbitrage et de priorité ! La question ne semble pas avoir été vraiment traitée dans les débats de ces dernières semaines sur la gouvernance du système ferroviaire, mais RFF souhaite que, dans ce cadre, on ménage un lieu de rencontre où puissent se faire ces choix qui ont un caractère nettement politique. Autrement dit, si nous pouvons, nous, faire valoir des éléments techniques, nous avons besoin d’une gouvernance politique.

Il existe une règle européenne en vertu de laquelle un gestionnaire d’infrastructures qui se voit dans l’incapacité de répondre à la demande de transport dans une zone donnée, peut déclarer cette zone saturée. Cette déclaration, qui doit être adressée au ministre en charge des transports, entraîne cependant deux effets : le gestionnaire doit proposer des investissements propres à régler le problème de capacité, et il doit appliquer les règles de priorité européennes. Or celles-ci font passer les TGV, puis les trains de fret internationaux avant les trains régionaux…

Au vu de certaines situations, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) semble nous pousser à recourir à cette procédure, mais nous souhaitons en débattre avec les autorités publiques – le STIF et l’État – car les règles de priorité que nous serons alors obligés de respecter ne sont pas forcément celles que nous aurions appliquées. Ainsi les TER passeraient au troisième rang : est-ce bien ce que nous voulons ? Cela nécessite de s’accorder.

Cette discussion que nous allons avoir avec l’ARAF, l’État et les régions doit nous amener à une décision : soit celle de respecter la règle européenne, plutôt contraignante, soit celle d’arrêter entre nous d’autres priorités – l’Union européenne ne peut nous en empêcher – en organisant notre propre gouvernance. En effet, si la règle européenne était appliquée, un train allemand, belge ou italien pourrait passer avant un RER. Avant de nous engager dans un schéma juridique qui comporte des avantages mais également des contraintes, je propose donc de mener une réflexion qui pourrait notamment tenir compte des recommandations que pourrait faire votre commission d’enquête.

Le doublement du tunnel Gare du Nord-Châtelet est une opération de très grande ampleur sur laquelle nous n’avons pas encore engagé d’études. Nous allons toutefois le faire, à la demande du STIF. Il faut certes examiner les aspects techniques du projet, mais nous devons également, pour évaluer l’intérêt d’une telle opération et la dimension à donner à l’ouvrage, mesurer l’impact que cette réalisation ne manquera pas d’avoir sur l’ensemble du réseau et du trafic de voyageurs ; et il convient de faire de même s’agissant du Grand Paris. C’est à quoi nous devons prendre attache avec la Société du Grand Paris (SGP), avec la région et avec le STIF. Je ne prétends pas que la réalisation du Grand Paris résoudra les problèmes du RER et rendra ce tunnel inutile. Je considère seulement qu’il faut prendre en compte l’ensemble des données et que les trois grands gestionnaires de projet – SGP, RATP et RFF – doivent se rencontrer pour traiter le sujet de manière transversale.

M. le rapporteur. Les différentes autorités – STIF, SNCF et RATP – que nous avons auditionnées ne nous ont pas informés du fait que la déclaration de saturation entraînerait la soumission à une réglementation européenne, avec un résultat contraire à ce que nous souhaitons en matière de priorités. Sans doute l’information circule-t-elle mal…

Vous préconisez de créer un espace de discussion en vue de rationaliser la gestion des lignes et l’attribution des sillons. Pourquoi ne s’en est-on pas préoccupé plus tôt ? Cette lacune, pour laquelle le législateur porte une part de responsabilité, est caractéristique du cloisonnement de l’ensemble du dispositif.

En ce qui concerne le doublement du fameux tunnel, l’étude qu’a demandée la région par l’intermédiaire du STIF doit être en effet suffisamment globale pour aboutir à une évaluation pertinente. Ne pensez-vous pas que cela implique de recourir à une expertise indépendante ?

M. Hubert du Mesnil. S’agissant de la déclaration de saturation, j’ai simplement dit que le fait de nous insérer dans un dispositif juridique européen risquait de nous placer dans une situation qui ne correspond pas à ce que nous recherchons, c’est-à-dire une meilleure gestion des priorités. Je préconise donc de comparer cette solution avec celle qui consisterait à organiser, en concert avec les autorités impliquées, une gouvernance indépendante de la réglementation européenne, mais la question, sur laquelle nous allons travailler, reste ouverte.

Il y a deux ou trois ans encore, c’était la SNCF, en tant que seul utilisateur du réseau national, qui déterminait ses priorités, par le biais d’arbitrages internes. En effet, la compétence d’attribuer les sillons, confiée en 2004 à RFF, lui avait été déléguée. Dès lors que le réseau s’ouvre, nous « héritons » de cette responsabilité, mais nous entendons la partager. D’où l’importance de faire évoluer la gouvernance pour associer les différentes autorités à ces choix.

Il en va de même pour l’expertise, qui reposait sur la seule SNCF. Aujourd’hui, nous avons besoin d’expertises diverses et le STIF, lui-même, souhaite disposer de capacités en ce domaine afin d’évaluer la pertinence des réponses qu’on lui oppose. Il me paraît nécessaire que chaque partenaire ait sa propre compréhension du réseau. Même si elle introduit de la complexité, cette diversité des expertises permettra à chacun de tenir mieux son rôle : un débat équilibré entre les différentes parties prenantes est de nature à tirer le débat vers le haut en nous évitant le travers d’une pensée unique.

Les 700 millions d’euros sont la somme que la SNCF perçoit du STIF et nous reverse à titre de péages pour l’ensemble des trains qui circulent sur le réseau de l’Île-de-France. Le tarif de ces péages est modulé en fonction du type de train et de la nature de la ligne : il est ainsi plus élevé pour les lignes à grande vitesse, pour celles qui sont très chargées ou encore pour celles qui sont très bien équipées. Le tarif appliqué à un train de fret, même sur une ligne bien équipée, est très inférieur au tarif d’un TGV. Ce barème complexe, élaboré à partir de nos propositions, se trouve désormais sous le contrôle de l’ARAF. Le produit des péages, qui se monte au total à quelque 3,5 milliards d’euros, est complété par une subvention de l’État d’environ 1,2 milliard d’euros, au titre de la circulation des trains régionaux. Les 700 millions d’euros provenant de la région Île-de-France servent à financer l’entretien du réseau par SNCF Infra, son exploitation par les personnels de la DCF et son amortissement – autrement dit son renouvellement.

Si, au cours de la période récente, un excédent a pu être utilisé dans d’autres régions que l’Île-de-France, la totalité des sommes reçues est depuis trois ans réaffectée au réseau de la région.

Les 80 millions d’euros représentent-ils le bénéfice réalisé sur le réseau et destiné aux autres régions de France ? Les choses sont en réalité plus complexes : comme le trafic ne cesse de croître en Île-de-France, le résultat s’améliore ; en effet, quand le nombre de trains augmente, les recettes de péage augmentent elles aussi, plus vite que les coûts fixes.

Cette somme sera-t-elle suffisante pour mener à bien les travaux nécessaires sur le réseau ? Je le pense. D’une part, nous ne pouvons pas faire plus que nous ne faisons déjà dans la mesure où l’appareil – ingénieurs, techniciens, ouvriers – tourne déjà à plein régime et où, d’autre part, la disponibilité du réseau est très limitée en Île-de-France. Les travaux ne pouvant être réalisés que la nuit, même si nous disposions de plus d’argent et de plus d’ouvriers, nous ne pourrions en engager davantage. Mais, si nous maintenons le rythme actuel, nous aurons rattrapé notre retard dans dix ou quinze ans.

Je ne peux néanmoins laisser dire que le réseau d’Île-de-France est délabré comme il peut l’être dans d’autres régions. Ce n’est pas exact. Pour prendre un exemple, si les ruptures de caténaires peuvent être dues à l’usure du fil ou au fait que le poteau était rouillé, il arrive également que celui-ci soit détruit par un train, d’où la nécessité de faire preuve de prudence pour apprécier les causes de ces incidents.

Notre réseau n’est donc pas délabré, je le maintiens. Il n’a toutefois pas le niveau de qualité et de robustesse correspondant à l’usage que nous en faisons en Île-de-France, où le nombre impressionnant de trains qui circulent nécessite des installations « haut de gamme ».

J’ai participé au projet CDG Express lorsque j’étais directeur général d’Aéroports de Paris (ADP). À titre personnel, je suis convaincu de son utilité. Je trouve regrettable qu’il n’ait pu être réalisé, tant pour l’aéroport lui-même et pour ses conditions d’accès que pour le transport en Île-de-France en général. Ce projet est né il y a un certain nombre d’années de la coopération entre la SNCF, ADP et RFF. L’État a envisagé une concession. L’idée n’a pas abouti, mais le projet existe toujours, il a été déclaré d’utilité publique et son coût n’atteint probablement pas un milliard d’euros. Nous sommes disposés à le mettre en œuvre, quitte à le réactualiser. Puisque l’État a récemment demandé aux mêmes trois établissements publics ainsi qu’à la RATP de se regrouper pour un nouveau projet qui, à mon sens, ne peut guère différer de ce qui a déjà été imaginé, je propose d’aller jusqu’au bout, d’autant que cette réalisation sera largement facilitée par la libération de voies auparavant empruntées par le RER B. Reste, certes, à réaliser la jonction au terminal de Charles-de-Gaulle, mais ce n’est certainement pas le plus difficile. Un raccordement en forme de « virgule » est prévu pour relier la Gare de l’Est et la Gare du Nord. Pour se rendre à La Défense, on pourra emprunter Éole.

M. Patrice Calméjane. Il n’y aura donc pas de liaison entre la Gare de l’Est et Montparnasse ?

M. Hubert du Mesnil. L’aéroport Charles-de-Gaulle sera relié directement à La Défense dans le cadre du projet de Grand Paris, sous forme de métro. Nous allons créer vers la Gare de l’Est une liaison en surface totalement dédiée à l’aéroport, sachant qu’il faudra régler le problème qui se pose pour la traversée du secteur de la Chapelle. Mais la desserte directe de la gare Montparnasse n’est pas prévue : on ne peut avoir tout à la fois.

M. François-Régis Orizet. S’agissant de l’amélioration du réseau existant, un schéma de principe est en cours d’étude au STIF pour le RER A. Il prévoit des aménagements permettant de gérer avec plus de souplesse le réseau en cas d’accident : « tiroirs » de retournement à Sartrouville ou à Nanterre Université, terminus et garages complémentaires à Cergy le Haut, installations de contresens entre Nanterre et Houilles-Carrières. Des installations de ce type sont également prévues pour le RER D dans le cadre des travaux en cours, qui devraient s’achever en 2014.

La question de la mutualisation entre le RER C et la ligne POCL est ouverte, monsieur Gonzales, mais elle n’est pas encore tranchée. Il s’agirait en effet d’ajouter deux voies aux quatre existantes, restant à déterminer si cette mutualisation doit se faire en surface ou en tunnel. Le STIF nous a demandé une étude.

La gare dite des trois communes, monsieur Bénisti, fait actuellement l’objet d’études avec la SGP et avec la SNCF. Mais le projet nécessite des investissements importants, notamment pour des extensions de voies. Qui en paiera le coût, qui pourrait atteindre 300 millions d’euros ? Le financement doit-il se faire dans le cadre du Grand Paris, ou dans un autre cadre ? Cette question non plus n’est pas tranchée…

Madame Lepetit, le DOCP ou « dossier d’objectifs et de caractéristiques principales » remis avant le débat public évaluait le coût d’Éole entre 2,4 et 2,8 milliards d’euros. Mais le dossier présenté à la fin de l’année dernière dans le schéma de principe faisait, lui, état d’un coût de 3,7 milliards d’euros, que le STIF nous a demandé de réduire de 15 % pour le ramener à 3,2 milliards. Deux raisons à cet écart de 2,8 à 3,7 milliards : la première, pour 250 à 300 millions, est en effet une augmentation des coûts de près de 10 %, le chiffrage figurant dans le DOCP n’ayant pas été établi à partir d’études spécifiques mais basé sur la longueur des tunnels et la nature des équipements ; la seconde, pour les 500 à 600 millions restants, est que certains postes n’avaient pas été évalués – ils le sont désormais. Il s’agit d’ateliers destinés à la SNCF et, pour 250 millions d’euros, du NExT ou « nouveau système d’exploitation Transilien », qui sera mis en place pour assurer la cadence de 28 trains par heure que nous cherchons à atteindre sur le tronçon central du RER E.

M. Hubert du Mesnil. Pour définir la relation entre RFF et SNCF, je dirai que nous devons faire preuve de neutralité lorsque nous sommes face à deux utilisateurs dans un domaine ouvert à la concurrence, à savoir le fret et, depuis le mois de décembre dernier, le trafic de voyageurs. Mais nous devons également collaborer avec SNCF Infra, qu’il faut distinguer de la DCF, totalement dédiée à la circulation des trains et sur laquelle nous exerçons une autorité fonctionnelle – ses personnels ne sont pas rattachés à RFF mais nous travaillons à une réunification et Mme la ministre en charge des transports nous a demandé d’accélérer le processus. Avec SNCF Infra, nous avons passé un contrat qui est pour une large part forfaitaire. La loi portant création de RFF a prévu que la gestion technique du réseau serait assurée par la SNCF dans le cadre d’une délégation, sous la responsabilité de RFF, mais la situation est en train d’évoluer car nous avons atteint les limites de cette organisation et nous intervenons de plus en plus dans la politique de maintenance. Nous devons passer du système de délégation, dans lequel nous nous contentions de verser 2 milliards d’euros à la SNCF pour qu’elle fasse le travail, à un système de pilotage et d’optimisation des choix – faut-il entretenir une ligne plutôt qu’une autre, concentrer nos efforts sur l’Île-de-France ou sur une autre région, favoriser les TGV ou les autres trains ?

Nous devons donc à la fois veiller à l’égalité de traitement entre concurrents, rassembler des compétences dont la dispersion nuit à la qualité des résultats et réunir les entités intervenant sur les infrastructures et les différents transporteurs soumis aux règles de concurrence afin de faire émerger différentes formes d’expertise. L’ouverture ne doit pas seulement s’appliquer à la concurrence, mais aussi aux technologies, à l’ingénierie et à la coopération avec les réseaux de nos voisins européens.

S’agissant de la RATP, il n’est que partiellement exact de dire que la maintenance des aiguillages est assurée par RFF : elle l’est aussi par la SNCF, puisque les agents de la DCF sont des cheminots. Mais j’espère que la situation de concurrence n’empêche pas les personnels de se parler ! Notre collaboration avec la Régie est une réalité. Il se trouve que ses systèmes de gestion du trafic sont incompatibles avec ceux de la SNCF et, pour notre part, nous sommes prêts à collaborer avec ces deux opérateurs et, pourquoi pas, avec la SGP en vue d’adopter des systèmes de gestion compatibles, cohérents, voire communs. Comme nous l’avons fait depuis longtemps avec la SNCF, nous avons d’ailleurs proposé à nos collègues de la RATP – qui ont accepté – de participer à la mise au point d’un système d’exploitation adapté à la ligne Éole qui, bénéficiant des technologies les plus modernes, pourrait être utilisé pour les autres RER. Progressivement, nous pourrions ainsi bâtir des systèmes d’exploitation homogènes, susceptibles d’être confiés à terme à n’importe quel opérateur.

Nous préparons donc l’avenir en regroupant nos forces et nos compétences.

M. le président Daniel Goldberg. Je vous remercie.

——fpfp——

Audition de M. Michel Gaudin, Préfet de police

(Séance du mercredi 1er février 2012)

M. le président Daniel Goldberg. La question de la sécurité dans les transports en commun a retenu de longue date l'attention de nos concitoyens. Notre Commission d’enquête se devait donc de s'y intéresser, au même titre qu'à la régularité du service, à la propreté des trains ou au confort général des usagers.

Les pouvoirs publics se sont préoccupés très tôt du sujet en créant, dès 1846, une police des chemins de fer. Depuis lors, le réseau a considérablement évolué, notamment en Île-de-France : chaque jour, 3,6 millions de voyageurs prennent le RER. Rapportées à ce nombre, les statistiques sur les faits délictueux pourraient paraître modestes. La réalité est autre : nombreux sont les usagers à se plaindre d'un climat général parfois pesant, à parler de faits dont ils ont été victimes ou témoins, ou que leur ont relatés les médias ou leur entourage.

Voyager en sécurité est un droit pour tous. La sécurité comme la sûreté du transport constituent les toutes premières obligations des opérateurs vis-à-vis des voyageurs. Elles sont inscrites dans le contrat de transport.

La tâche est particulièrement difficile. Les opérateurs ont été amenés à créer en leur sein des services spécialisés : la Surveillance générale, la SUGE, à la SNCF et le Groupe de protection et de sécurisation des réseaux, le GPSR, à la RATP. À elle seule, la SUGE compte 2 400 agents dont plus de 50% sont affectés en Île-de-France. Les membres de ces deux services sont armés ; ils sont d'ailleurs individuellement agréés par le parquet et assermentés en justice.

L’époque où certains contestaient le rôle et les missions de ces services spécialisés étant heureusement révolue. Vous comprendrez, monsieur le préfet de police, que l'articulation de leur travail avec celui des policiers placés directement sous votre autorité intéresse la commission.

Vous voudrez bien nous expliquer également les conditions d'intervention et les modes d'action de vos fonctionnaires sur le réseau du RER, qui se déploie en majeure partie dans le champ de la compétence territoriale de la préfecture de police. La sécurité des gares et de leur environnement immédiat est-elle à l’origine de difficultés particulières, s'agissant notamment du RER ?

Enfin, l'action et la coordination des différents intervenants en matière de sécurité se heurtent-elles à certains « butoirs », que des initiatives législatives, réglementaires ou simplement matérielles – je pense à des moyens radio ou à des postes de commandement encore plus performants – seraient susceptibles de lever ? En dépit de la spécificité de chaque grand réseau, avez-vous trouvé des solutions efficaces en confrontant l'expérience de la préfecture de police avec des pratiques mises en œuvre à Londres, à New York ou dans d'autres métropoles ?

Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, M. Michel Gaudin prête serment.

M. Michel Gaudin, préfet de police de Paris. Il est évident que le travail que nous devons accomplir pour assurer la sécurité de nos concitoyens dans les réseaux ferrés franciliens est lié à la notion de bassin de délinquance et à la notion d’agglomération. Mais nous n’avons pas eu à attendre le 14 septembre 2009, date de naissance de la police d’agglomération à Paris et dans les trois départements de la Petite couronne. En effet, le Service régional de police des transports – SRPT – a été créé en 2003 par le ministre de l’intérieur de l’époque, M. Nicolas Sarkozy. Auparavant, le dispositif de sécurité publique déployé dans les transports par la police nationale et par la gendarmerie était totalement segmenté et la compétence des fonctionnaires se limitait en général au département, ce qui pouvait entraîner des situations ubuesques.

Le contexte francilien est bien particulier. Sur 2,2% du territoire national se concentrent là 18% de la population, soit 11 600 000 habitants. Dix millions de voyageurs circulent quotidiennement sur les différents réseaux de la région : 5 millions dans le métro ; 1 700 000 sur le réseau RATP du RER et 2 500 000 sur le réseau SNCF Transilien. Nous devons surveiller 449 gares SNCF, 66 gares RER RATP, 300 stations de métro, 5790 rames RATP et quelque 5 000 trains SNCF.

Je souhaiterais maintenant faire le point sur les chiffres de la délinquance au cours des dix dernières années, depuis la création du Service régional de police des transports. Ce sera l’occasion, monsieur le président, d’apporter certaines nuances sur le degré d’inquiétude de nos concitoyens. En effet, même si nous n’avons pas réglé tous les problèmes, nous avons beaucoup progressé dans notre lutte contre la délinquance, alors même que le nombre des voyageurs a considérablement augmenté, passant de sept millions, a la fin des années 90, à dix millions de voyageurs par jour – ce qui ne pose pas que des problèmes de sécurité.

La délinquance a baissé dans les transports comme elle a baissé dans toute l’agglomération parisienne. Je dois toutefois reconnaître que l’accroissement de la surface couverte par le SRPT complique parfois les comparaisons. Ainsi, une réforme de 2007 - applicable en 2008 – a confié à ce service, outre les lignes et les trains, les gares, ce qui a évidemment fait monter les chiffres de la délinquance. D’autre part, l’année 2010 a été particulièrement difficile puisque l’on a alors enregistré de nombreux vols avec violence, liés notamment à l’arrivée des smartphones de nouvelle génération – et souvent répertoriés comme tels pour des questions d’assurance. Mais, depuis, la tendance s’est inversée.

Comment se caractérise la délinquance sur les réseaux ferroviaires ?

Il s’agit à 70% d’une délinquance dite acquisitive, c’est-à-dire de vols. Pour moitié - 53% –, ce sont des vols à la tire ou des vols simples et la proportion est pratiquement inchangée par rapport à 2002, où ils comptaient pour 51%. En revanche, les vols avec violence ont représenté, pour cette dernière année 2011, 17,86 % du total de la délinquance alors qu’en 2002, ils n’en représentaient que 10%du total.

Le nombre des atteintes dont sont victimes les agents des transporteurs – outrages, actes de violence et de rébellion – est stable, avec 2% du total des infractions relevées. Il en est de même des violences commises à l’encontre des particuliers, avec 3% du total. Malgré tout, nous avons enregistré l’année dernière une petite augmentation des actes hostiles subis par les agents de la RATP et de la SNCF.

Enfin, la part des IRAS ou infractions révélées par l’action des services – et pas seulement constatées – est relativement stable, de l’ordre de 15%.

Venant après des années de baisse de la délinquance, l’année 2010 avait nourri nos inquiétudes. Mais en 2011, la situation a évolué favorablement : pour l’agglomération, c’est-à-dire Paris et les départements de la Petite couronne, nous avons enregistré une baisse de 3,69% des actes de délinquance, et même de 6,59% à Paris, ce qui est d’autant plus appréciable que c’est là que se produisent près de la moitié des faits – 46,84% exactement. Nous sommes moins efficaces dans la Grande couronne. Même si la délinquance y est moins importante en valeur absolue, avec seulement 27% des faits enregistrés, elle y a progressé de 16,75%.

De ce fait, l’année se termine sur une augmentation de la délinquance de 1%, mais le constat de cette évolution très contrastée entre le centre de Paris et la Petite couronne, d’une part, et la Grande couronne, d’autre part, nous amène évidemment à réorganiser quelque peu notre dispositif. Il ne faut cependant pas oublier que nous avons désormais compétence, au-delà des limites de la région Île-de-France, sur les « bouts de ligne ».

L’année dernière, nous avons donc fait porter l’effort sur les vols avec violence, parmi lesquels les vols de téléphones portables occupaient une grande place puisqu’ils comptaient pour 70% des objets volés, dont 43% pour les seuls iPhones. Depuis, la Brigade anti-criminalité a interpellé 2 684 auteurs de vols à la tire ou avec violence, soit 27% de plus qu’en 2010. L’unité d’appui au réseau a, quant à elle, procédé à l’interpellation de 245 auteurs de ce type d’agressions acquisitives. Le résultat final est que les vols avec violence ont baissé de 7,67% en 2011. Nous n’en sommes pas totalement satisfaits, mais nous avons su inverser la tendance. Nous pourrons bien évidemment fournir à votre commission tous les détails qu’elle souhaitera.

Je voudrais présenter maintenant la structuration du dispositif, c’est-à-dire l’organisation spécifique de ce qui est devenu, dans le cadre de la police d’agglomération, la sous direction régionale de la police des transports, depuis 2003 organe de commandement opérationnel unique de la sécurité dans les réseaux de transport d’Île-de-France.

Cette sous direction, qui est sous la responsabilité de M. Rivayrand, dispose d’une autorité fonctionnelle sur les quatre directions territoriales de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne, mais aussi sur les quatre directions départementales de la sécurité publique – DDSP – de la Grande couronne, sur les quatre groupements de gendarmerie départementale et sur les deux services de sécurité des transporteurs : le GPSR pour la RATP et la SUGE pour la SNCF.

Elle regroupe aujourd’hui 1 369 fonctionnaires : un état-major de 14 fonctionnaires et un service à vocation régionale : la Brigade des réseaux ferrés – BRF – de 1 355 policiers. Cette BRF est structurée en trois départements : la sécurisation générale, l’investigation judiciaire et la police des gares parisiennes qui, comme je l’ai dit, a été rattachée au SRPT en 2008 alors qu’elle était auparavant de la responsabilité des commissariats territorialement compétents.

Avec l’investigation judiciaire, nous disposons d’un outil qui nous permet de prendre en charge l’instruction judiciaire du dossier, quel que soit le lieu de constatation de l’infraction.

Au cours de l’été, le ministre nous a demandé de renforcer le SRPT de 300 fonctionnaires. Nous y avons donc affecté 111 fonctionnaires actifs de la police nationale, gradés ou gardiens, et 100 adjoints de sécurité que nous avons recrutés dans le courant de l’année, ainsi qu’un escadron de la gendarmerie mobile qui nous a été dédié pour cette mission hors de notre enveloppe régionale ; il constitue une aide permanente, qui nous permet d’avoir 14 patrouilles quotidiennes supplémentaires sur le terrain

La Brigade des réseaux ferrés a accru en 2011 sa présence et sa visibilité, avec 126 patrouilles par jour – 94 de la BRF et 32 des forces de renfort –, soit sept patrouilles de plus qu’en 2010. Nous pouvons ainsi couvrir tous les jours 912 gares et 813 trains, contre respectivement 880 et 606 en 2010.

Pour la coordination avec les exploitants, nous disposons d’un pôle opérationnel régional « Transport » à la salle d’information et de commandement (SIC) de la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), pôle qui fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Ce pôle, implanté dans l’Île de la Cité, est relié aux salles de commandement de la RATP et de la SNCF, qui sont situées respectivement à la Maison de la RATP et à la Gare du Nord.

Nous sommes également en liaison avec les centres d’information et de commandement des quatre directions départementales de la sécurité publique, avec les centres opérationnels de la gendarmerie et avec le centre du Service national de la police ferroviaire.

Nous avons enfin beaucoup progressé dans le travail en commun avec le GPSR et la SUGE, avec lesquels nous sommes en contact permanent.

Sur le fondement de textes adoptés l’année dernière, notre compétence a été prolongée au-delà des limites territoriales de la région Île-de-France, et étendue à cinq « bouts de ligne » sensibles : jusqu’à Creil et Beauvais sur les lignes TER Paris Nord ; jusqu’à Dreux sur la ligne TER Paris Montparnasse ; jusqu’à Vernon sur la ligne TER Paris Saint-Lazare ; jusqu’à Malesherbes, dans le Loiret, sur la ligne D du RER. Les opérations de sécurisation des gares et des trains sont donc préparées avec les exploitants sur ces nouveaux sites.

Les horaires de présence ont également été étendus, grâce à la sécurisation nocturne des réseaux qui est assuré par la BRF.

Je terminerai sur un sujet pour nous essentiel en raison des progrès dont il ouvre la possibilité : la vidéoprotection.

Nous avons travaillé sur cette question de façon très coordonnée avec la SNCF et la RATP. À l’heure actuelle, la RATP dispose de 8 000 caméras, avec possibilité de renvoi d’images et enregistrement de 72 heures – 5 300 dans le métro, 2 000 dans les stations du RER A et 800 dans celles du RER B. La SNCF dispose pour l’heure de 5 300 caméras, utilisées dans les mêmes conditions. Le pôle opérationnel régional « Transport » de la SIC/DSPAP, qu’il serait d’ailleurs intéressant de vous présenter, dispose des retours d’images et peut visualiser simultanément huit écrans RATP et huit écrans SNCF. Je précise que l’on peut diffuser quarante images simultanément avec cinq pupitres SNCF.

Je tiens à insister sur le caractère opérationnel de cette vidéoprotection, qui peut être utilisée par la justice a posteriori, c’est-à-dire lorsque des méfaits ont été commis. Au cours des dernières années, les services de police, qu’il s’agisse de la police judiciaire ou de la DSPAP, ont de plus en plus souvent demandé l’accès aux images pour identifier les auteurs de délits. En 2008, nous avons compté 3 044 réquisitions ; en 2009, 5 705 ; en 2010, 7 015 et l’année dernière, 7 672 : ce qui traduit une véritable explosion !

La vidéoprotection est un outil très précieux. Je suppose que vous avez tous à l’esprit les affaires que nous avons élucidées grâce à elle. En quarante-huit heures, nous avons pu interpeller l’agresseur d’une dame à laquelle il avait arraché son iPhone et qui était tombée dans l’escalier. De la même façon, nous avons pu identifier deux « pousseurs », dont l’un opérait à La Défense.

Mais cet outil a trouvé une autre utilisation, encore plus intéressante, avec les « vidéopatrouilles » que nous avons mises en place depuis le mois de septembre dernier, notamment aux Halles, et à propos desquelles on peut parler d’une exploitation « proactive » de la vidéo : des policiers passent une heure derrière la caméra, puis partent faire leur patrouille et sont remplacés par des collègues. Nous avons affecté à ces « vidéopatrouilles » 1 041 fonctionnaires pour un volume de 7 816 heures et réalisé, depuis leur création, 2 031 arrestations qui ont été déterminantes pour confondre des individus qui s’étaient notamment livrés à des vols avec violence.

Si des membres de votre Commission le souhaitent, nous pourrons vous montrer comment fonctionne le dispositif des Halles, le même que celui qui a été mis en place dans l’Île de la Cité dans le cadre du Plan de vidéoprotection de Paris (PVPP) et qui a été inauguré par le Premier ministre, le 21 décembre 2011, en présence du maire de la capitale – là, avec seulement 143 caméras pour l’instant, nous avons pu procéder à plus de 200 interpellations. Nous constatons ainsi la démonstration de l’utilité de la vidéo, non pas pour remplacer les policiers, mais pour les rendre plus efficaces sur le terrain.

Je devrais sans doute ajouter, parmi nos nouvelles modalités de travail, la géolocalisation de nos patrouilles qui permet de guider rapidement celles-ci vers les lieux où elles seront les plus utiles.

M. Pierre Morange, rapporteur. Merci, monsieur le préfet, pour cette présentation. Nous souhaiterions maintenant aborder avec vous plusieurs questions.

La raison d’être de cette commission d’enquête est de se pencher sur la dégradation du service fourni aux Franciliens dans le RER. Les problèmes de sécurité participent évidemment à cette dégradation. Les statistiques permettent-elles d’apprécier l’incidence de la délinquance sur la régularité du trafic ? Les arrestations ont-elles amélioré la situation ? Existe-t-il une cartographie de la délinquance sur l’ensemble du réseau du RER ?

Vous avez évoqué l’ensemble des services de sécurité relevant de l’État comme ceux de la RATP et de la SNCF. Pourriez-vous nous donner des informations plus précises sur les compétences spécifiques des services de sécurité qui agissent sous l’autorité de tutelle du ministère, qu’il s’agisse de mettre en œuvre les consignes de sécurité ou de mener des actions de répression et de prévention?

D’autre part, quelles sont les procédures à suivre pour la gestion de crise ? En cas de suicide ou de chute sur la voie par exemple, il faut respecter certaines étapes : arrêt d’urgence, intervention des services de sécurité, du Parquet, voire d’un médecin légiste et d’une entreprise funéraire. Comment les différents services pourraient-ils mieux se coordonner de manière à ne pas allonger au-delà du raisonnable les délais d’intervention ?

Vous l’aurez compris, monsieur le préfet, notre commission travaille avant tout dans un esprit pragmatique, refusant toute querelle idéologique même à l’approche d’échéances électorales. Il s’agit pour nous de déterminer, d’un point de vue strictement technique, les moyens de faciliter l’action des services compétents. Indiquez-nous les mesures, réglementaires ou législatives, qui vous paraissent utiles et nous en tiendrons compte dans nos préconisations.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le préfet, nous mesurons les efforts considérables qui ont été consentis pour la sécurité dans les transports, à commencer par l’institution de la police d’agglomération qui a permis d’accroître les effectifs dans les départements de la Petite couronne. Cela dit, les agressions et les vols persistent. Dans les gares, où sévit le trafic de drogue, des bandes terrorisent les usagers. Tout toxicomane sait qu’il trouvera un dealer dans les gares terminus. Des altercations éclatent à l’occasion des ventes de drogue et perturbent la quiétude des passagers. Serait-il possible de placer des unités dans ces gares terminus, pour essayer d’endiguer cette délinquance ? Vous avez dit tout à l’heure que les commissariats n’étaient plus compétents pour intervenir à l’intérieur des gares, mais les bagarres et les agressions qui ont lieu là peuvent se prolonger à l’extérieur…

Vous nous avez dit également que le nombre des réquisitions avait explosé, pour dépasser aujourd’hui 7 000. Dès lors, ne pourrait-on envisager que la SNCF et la RATP signent une autorisation de réquisition permanente, comme celles qui, renouvelées chaque année, permettent à la police d’intervenir sans délai sur le domaine privé des bailleurs sociaux ?

Enfin, plutôt que de vidéoprotection, je préfère pour ma part parler de vidéosurveillance à propos des dispositifs dont sont notamment équipées toutes les nouvelles rames du RER A, dans la mesure où il s’agit en effet de surprendre les faits de délinquance. Interpellez-vous les auteurs des agressions que vous découvrez sur les écrans ? Comment intervenez-vous ? Dans quels délais ?

M. Patrice Calméjane. Les conducteurs ont dénoncé l’alourdissement des procédures à respecter en cas d’accident, notamment en cas de suicide. D’après eux, alors qu’il était possible de remettre le réseau en marche au bout d’une heure, il arrive maintenant qu’il faille attendre jusqu’à trois ou quatre heures. Il faut bien entendu respecter les procédures et déterminer par exemple si l’on est vraiment face à une situation de suicide, mais le trafic, déjà très tendu, est totalement paralysé, au grand dam de passagers qui ne savent pas de quoi il retourne.

Pourriez-vous nous donner des indications sur le type et sur le nombre d’interventions sur le réseau effectuées par les pompiers, à l’intérieur de la Petite couronne ? Avez-vous à cet égard des suggestions d’amélioration ?

Enfin, je suppose que l’auteur d’un acte de délinquance est rarement pourvu d’un titre de transport. Les dispositions prises par les opérateurs pour éviter que certains ne voyagent sans billet, ou sans ticket, vous paraissent-elles suffisantes ? Autant limiter le nombre de ceux qui n’ont rien à faire sur le réseau et qui risquent d’y poser des problèmes !

M. François Pupponi. Certaines opérations de contrôle, lorsqu’elles sont importantes, s’accompagnent d’un déploiement massif de forces de l’ordre. Certes, il convient d’assurer la sécurité des contrôleurs qui sont malheureusement parfois agressés par les personnes qui ont pris le train sans billet. Mais ces opérations sont compliquées à mener et il est parfois nécessaire d’arrêter le train en gare pour faire descendre les récalcitrants, ce qui se traduit par des retards.

À l’inverse, lorsque la SNCF décide d’organiser un contrôle dans une gare du RER, les honnêtes citoyens qui paient leur ticket ont le sentiment d’être pris en otages dans une gare « bunkerisée » – dans celle de Sarcelles par exemple, toutes les issues sont alors bloquées, sauf une où se massent une cinquantaine d’agents, de contrôleurs et de policiers. D’abord, je ne suis pas sûr que les normes de sécurité soient respectées et il me paraît dangereux de fermer ainsi, d’autorité, une gare. Ensuite, le caractère massif et quelque peu agressif de l’opération peut avoir des conséquences psychologiques négatives. Quel est votre avis sur le sujet ?

Enfin, les collectivités locales installent souvent leur propre vidéoprotection autour des gares, mais sans qu’il y ait une coordination avec la SNCF. Imaginez qu’un agresseur soit filmé par la caméra du quai, puis qu’il sorte dans la rue et soit filmé par la caméra de la collectivité locale. Ne pourrait-on pas faire en sorte, au moins dans les gares où les agressions sont les plus fréquentes, que les policiers puissent avoir accès à ces deux séries d’images ?

M. Michel Gaudin. Monsieur le rapporteur, il est évident que, lorsque nous intervenons, nous pouvons être à l’origine d’embarras et de retards : il est parfois nécessaire de bloquer un train pour procéder à des interpellations. Cependant, je ne crois pas que nos actions affectent beaucoup la régularité du trafic.

Vous m’avez interrogé sur la prévention des actes délictueux. Cela m’amène à évoquer le phénomène des bandes. Nous nous félicitons que les graves événements de 2007 ne se soient pas reproduits. Cette question est l’une de nos préoccupations dans le cadre du plan « Drogues », du plan « Itinérants » et du plan « Bandes », dont est chargé le SRPT. En effet, les bandes les plus connues opèrent dans les gares, comme à la Gare du Nord. Elles sont en voie de disparition à la Gare du Nord ou au Châtelet. J’ai le sentiment que notre action a été efficace : alors que nous avions répertorié environ 80 de ces bandes en 2008-2009, nous n’en comptions plus que 36 l’année dernière. Si elles sont à l’origine d’actes de délinquance, elles génèrent surtout un sentiment d’insécurité, ne serait-ce qu’en raison de l’attitude de leurs membres.

Ces phénomènes de bandes sont donc pris en charge par le SRPT. Les systèmes de vidéoprotection peuvent nous aider à évaluer la situation – et si nous employons ce terme plutôt que celui de « vidéosurveillance », monsieur Benisti, car c’est celui qui figure dans le texte de la loi que Mme Alliot-Marie a fait voter. Quoi qu’il en soit, à certains moments « de haute intensité », comme à la Saint-Sylvestre ou au cours de la Fête de la musique, nous arrivons à disperser ces bandes avant que la situation ne dégénère.

S’agissant de la gestion de crise, je distinguerai les cas très graves, comme celui des attentats, auxquels nous essayons de nous préparer, notamment en organisant des exercices avec les opérateurs, des cas tels que les accidents graves de voyageurs, qui se sont produits 199 fois en 2010 et 219 fois en 2011 – ils sont en général répartis à peu près à égalité entre la SNCF et la RATP, l’an dernier faisant exception. Il s’agit le plus souvent de suicides. Dans ce cas, le train est bloqué. M. Guillaume Pepy, le président de la SNCF, m’a signalé que les interventions de la justice étaient relativement longues. Certes, nous n’avons pas autorité sur les procureurs mais j’essaierai d’évoquer avec les intéressés ce sujet sensible qui a été plusieurs fois évoqué devant moi, dans le cadre des bonnes relations entre justice et police.

Les vols de cuivre et de câbles ont également entraîné des blocages du trafic au cours de la période récente, en dépit du travail engagé avec la SNCF et la RATP pour combattre ces délits dont on connaît évidemment les responsables.

Pour combattre les phénomènes de deal dans les gares terminus, nous souhaiterions disposer de relais. De fait, notre système, qui est centralisé, montre ses limites, surtout depuis que notre compétence a été étendue aux « bouts de ligne ». Nous avons déjà commencé à aller dans le sens d’une certaine déconcentration. À la gare de Saint-Denis, où s’étaient établis des vendeurs de crack en provenance du 18e arrondissement, nous avons ainsi créé un pôle et cette présence a été, je le crois, efficace. Dans le cadre de la police d’agglomération, nous avons maintenu le dispositif spécifique qui existait dans le Val-de-Marne. Nous souhaitons également installer un relais à La Défense, dès que nous disposerons des locaux nécessaires ce qui devrait pouvoir être possible. Nous donc envisageons de poursuivre cette évolution, surtout si notre compétence est élargie à d’autres portions de lignes éloignées de Paris. Cela aurait d’ailleurs l’avantage de permettre à certains de nos fonctionnaires, qui habitent eux-mêmes très loin, de faire moins de chemin pour prendre leur service.

On ne peut tout à fait assimiler, monsieur Bénisti, les réquisitions permanentes qui permettent à la police d’aller là où elle veut dans le domaine des offices HLM et les réquisitions judiciaires dont je parlais, qui interviennent à propos de dossiers précis : la justice, saisie d’une agression, nous demande d’aller chercher les images correspondantes.

Je vous signale aussi que, jusqu’à présent, peu de rames sont équipées de systèmes vidéo. Et lorsqu’elles le sont, à ma connaissance, nous n’avons pas le report des images. Donc, quand on nous signale aujourd’hui, par l’intermédiaire du contrôleur ou d’une patrouille, que quelqu’un a été victime d’une agression dans une rame, le train est immédiatement arrêté, ce qui entraîne les difficultés que nous dénonciez. Mais ce n’est là que la situation actuelle : il va de soi que, lorsque les wagons seront systématiquement équipés de caméras comme il est prévu, nous aurons à revoir nos modalités d’intervention.

Monsieur Calméjane, je crois vous avoir répondu s’agissant des accidents graves. Quant aux interventions de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), je ne peux vous en fournir le nombre car je ne dispose pas ici de ces données, mais je vais le demander.

Nous voulions vous faire, concernant le contrôle des titres de transport, une proposition qui, je dois le dire, ne recueille pas l’assentiment des organisations syndicales. Les policiers regrettent de ne pouvoir effectuer de tels contrôles, car ce serait un moyen de lutter contre des incivilités qui, bien que ne constituant pas des délits, n’en sont pas moins insupportables à beaucoup. Sur ce point, la situation qu’on observe dans les transports n’est pas différente de celle que l’on vit aujourd’hui dans la rue, notamment à Paris. Devant de tels actes, le policier se trouve démuni, mais il pourrait au moins contrôler le titre de transport.

Monsieur Pupponi, vous nous avez parlé des opérations « massives » de contrôle. Les contrôles sont bien sûr nécessaires, mais là encore, tout est question d’équilibre et de discernement. Il m’est difficile de vous répondre plus avant, sauf à pratiquer une certaine langue de bois.

En revanche, je vous ferai une réponse plus complète s’agissant de la coordination avec les communes pour l’exploitation des images vidéo. Nous proposons aux maires de passer avec nous des conventions, pour éviter de nous trouver dans une situation qui ne serait pas harmonieuse entre Paris et la Petite couronne. C’est la police nationale – en l’occurrence la préfecture de police, qui pilote le dispositif même si elle a bénéficié de l’appui de la mairie – elle aura le contrôle sur les 1 300 caméras de Paris, mais celles de la Petite couronne sont la plupart du temps dans la main des communes, qui ne font pas toujours « basculer » leurs images. Ainsi, quand nous nous sommes rendus à Saint-Denis avec le ministre, le maire ne s’est pas montré favorable à ce partage. Certes, les élus sont libres de leurs choix mais il est très important pour nous d’établir une jonction entre les systèmes vidéo communaux et ceux des gares, sur lesquelles le SRPT a maintenant compétence. La conclusion de conventions pourrait être la solution.

Je souhaiterais en dernier lieu vous faire part de quelques propositions.

Il s’agirait d’abord, de renforcer la coordination avec les services territoriaux, et donc avec les polices municipales. Cela pourrait passer par l’élaboration de conventions types « transports » – celles que je viens d’évoquer.

Ensuite, il conviendrait d’anticiper les problèmes de sécurité qui se poseront dans le cadre du Grand Paris. On nous annonce des gares gigantesques, qui abriteront des centres commerciaux et culturels. Or nous sommes un certain nombre à considérer que la prévention situationnelle n’est pas assez prise en compte dans notre pays – le décret d’application de la loi de 1995 n’a d’ailleurs été pris… qu’en août 2007 ! Je m’en suis entretenu avec le directeur de cabinet de M. Christian Blanc, puis avec MM. André Santini et Maurice Leroy, et nous avons maintenant détaché un commissaire auprès de la Société du Grand Paris (SGP) afin d’amorcer ce travail.

Je me suis rendu dimanche dernier sur la dalle des Olympiades : du point de vue architectural, le site est peut-être beau mais il est très compliqué d’y assurer la sécurité. Je ne saurais donc trop insister sur la nécessité de procéder à des études de sécurité dans le cadre du projet du Grand Paris.

Il serait utile, d’autre part, de développer la vidéo embarquée et, comme je l’ai dit, d’avoir un meilleur partage des retours d’images.

Nous tenons également que soient bien délimitées la zone ferroviaire à protéger et la zone ouverte au grand public sur le réseau. En effet, le contrôle de la détention de billets – qui pourrait être un peu renforcé – me paraît important.

Nous souhaiterions en outre qu’on réfléchisse à l’obligation d’être pourvu d’un titre d’identité quand on se trouve dans une zone de transport. Cela éviterait que des personnes qui ont négligé de s’en munir soient emmenées au poste de police.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous aimerions pouvoir verbaliser le défaut de titre de transport.

Lorsque nous avions travaillé dans le cadre du programme national avec le ministère, la préfecture de police avait proposé – sur le modèle en quelque sorte de l’interdiction administrative de stade – qu’on interdise l’accès au réseau aux personnes qui, à de multiples reprises, se seraient comportées de façon inacceptable. Nous regrettons, à ce propos, que les dispositifs judiciaires d’interdiction de séjour, par exemple dans une gare, qui sont pourtant prévus par le code pénal, ne soient pratiquement jamais appliqués par les tribunaux.

Nous envisageons par ailleurs de nous rapprocher de nos collègues de la justice pour que les Parquets donnent des instructions en sorte que les personnes qui passent leur temps dans le métro, et que l’on peut repérer trente ou quarante fois dans la journée, ne viennent pas perturber les voyageurs. Je pense à ces bandes inquiétantes, dont les membres sont généralement dépourvus de titre de transport.

En dernier lieu, nous avons formulé une demande auprès des opérateurs : maintenant que nous avons les images, nous voudrions avoir aussi le son. Les exploitants ne le souhaitent pas, mais peut-être pourriez-vous nous appuyer afin que nous soyons autorisés à faire des annonces : par exemple, lorsque des personnes fument dans le métro, nous signalerions que c’est interdit et que nous allons devoir intervenir.

Nous vous communiquerons ces propositions, destinées à améliorer la sécurité de nos concitoyens qui, dans leur immense majorité, ne souhaitent que pouvoir se rendre tranquillement à leur travail sans être importunés par quelques catégories d’individus, peu nombreux mais responsables de graves perturbations.

M. le président Daniel Goldberg. Monsieur le préfet de police, dans le cas d’un accident grave de voyageur, notamment d’un suicide, les opérateurs nous ont dit que le réseau était bloqué pendant deux heures environ. Cela peut être imputable à des lenteurs de vos collègues de la justice et, en outre, il convient d’observer un « délai de décence », après un décès, avant de faire redémarrer le RER, mais ne serait-il pas possible de dispenser une formation particulière aux officiers de police judiciaire, si ce n’est pas déjà le cas ?

D’autre part, on nous a expliqué que, lorsqu’un accident se produisait sur une voie, toutes se trouvaient bloquées. Quel est le dispositif mis en place sur le réseau RER, sur des voies qui ne sont pas forcément dédiées ?

M. Michel Gaudin. M. Guillaume Pepy a souvent soulevé ces questions lors de nos rencontres. Puisque vous les évoquez à votre tour, je vais proposer au procureur d’organiser une réunion pour essayer de définir une sorte de modus operandi. D’une certaine façon, nous rencontrons les mêmes difficultés avec les accidents de la circulation, qui sont à l’origine d’embouteillages considérables, ne serait-ce que parce que nous ne pouvons faire enlever rapidement les véhicules.

M. Christian Sonrier, directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne. Nous avons travaillé pendant plusieurs années, sous l’autorité des procureurs généraux, notamment avec celui de Versailles, à l’élaboration d’un protocole. En effet, en cas d’accident, interviennent pour la justice le substitut du procureur, pour la police un officier de police judiciaire et pour les transporteurs des techniciens. Pour ce qui nous concerne, nous avons commencé à assurer une permanence le matin et en soirée, aux heures de pointe : des OPJ sont pré positionnés dans des commissariats, souvent ceux des chefs de district. Ils sont donc immédiatement opérationnels et, une fois sur place, tout en sauvegardant les traces et indices nécessaires à l’enquête, ils peuvent par exemple, parce que le procureur les y a autorisés sous certaines conditions, décider de faire déplacer les corps – normalement, seul un médecin peut déclarer que quelqu’un est mort, même si le décès est évident. Ces dispositions permettent de ne pas bloquer toutes les voies et de permettre aux trains d’avancer, ne serait-ce qu’à petite vitesse.

Vous avez demandé, monsieur le président, si nous formions les OPJ à ce genre de situation. Nous faisons ce que nous appelons de la « sensibilisation » : régulièrement, nous envoyons nos enquêteurs à Saint-Lazare pour qu’ils constatent, dans le poste de commandement de l’opérateur, l’incidence que peut avoir le blocage d’une voie, qui immobilise des dizaines et des centaines de milliers de voyageurs. Si l’on peut maintenir la circulation, même à très faible vitesse, les risques de thrombose s’en trouvent notablement réduits.

Nous nous préoccupons donc de ces problèmes. Nous procédons même à une évaluation, que nous pourrons mettre à votre disposition. Par exemple, à la SNCF Saint-Lazare, nous sommes notés en fonction de notre capacité à limiter notre durée d’intervention.

M. le président Daniel Goldberg. Monsieur le préfet, messieurs, je vous remercie.

——fpfp——

Audition de M. Jérôme Dubus, délégué général du MEDEF d’Île-de-France

(Séance du mercredi 1er février 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur le délégué général, et nous attendons avec intérêt de connaître votre analyse dans la mesure où vous représentez des « usagers indirects » du RER, pour reprendre les termes utilisés lors de son audition du 17 janvier par le professeur Jean-Pierre Orfeuil.

Ce sont en effet les entreprises franciliennes qui fournissent la principale contribution financière au fonctionnement des transports collectifs en Île-de-France, au travers du versement transport (VT), un prélèvement obligatoire instauré par la loi du 12 juillet 1971, historiquement en faveur de cette seule région. Il procure au STIF une part très importante de ses ressources. Estimez-vous que le taux de ce versement, qui atteint 2,6% de la masse salariale pour les entreprises situées à Paris et dans les Hauts-de-Seine, se justifie au regard de la qualité de service des transports en commun ?

S’agissant toujours du point de vue de l’ « usager indirect », le cabinet Technologia a noté, dans une étude pleine d’intérêt, que, si les employeurs n’apprécient pas les retards, ils se montrent plus indulgents envers les employés qui empruntent les transports en commun qu’envers ceux qui viennent en voiture. Pourriez-vous nous confirmer le fait ?

L’Île-de-France fournit 29% de la richesse nationale et 22% des emplois mais, entre 1990 et 2006, l’emploi francilien a progressé deux fois plus lentement qu’en moyenne dans le reste du pays. Les explications sont-elles, selon vous à rechercher, en partie, dans l’organisation et dans le fonctionnement des transports publics ? Faut-il améliorer la desserte de pôles économiques majeurs ou en devenir, en les reliant mieux aux infrastructures nationales ? À cet égard, quelle position défendez-vous dans le débat sur le schéma de transports Grand Paris Express ? L’existence de l’agrément, c’est à dire une autorisation administrative délivrée par l’État dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire, constitue-t-elle un autre élément d’explication ? Cette procédure particulière à l’Île-de-France est nécessaire pour la construction, la reconstruction, la réhabilitation ou l’extension de locaux à usage industriel, professionnel, administratif, technique, scientifique ou même d’enseignement, mais est-elle utilisée à bon escient ?

Le président du conseil régional d’Île-de-France, M. Jean-Paul Huchon, que nous avons auditionné le 25 janvier, a déclaré que la tarification unique ne devait pas « conduire à pénaliser les capacités d’investissement de la région et du STIF » et qu’elle serait « conditionnée à une évolution du versement transport, soit par un « dézonage », soit, comme le recommandait notre collègue Gilles Carrez, par une augmentation de 0,1%, laquelle devrait rapporter les 240 millions d’euros que nous attendions en 2013 au titre de la « revoyure » pour le Grand Paris. Qu’en pensez-vous ?

Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, M. Jérôme Dubus prête serment.

M. Jérôme Dubus, délégué général du MEDEF d’Île-de-France. En Île-de-France, sur 630 000 entreprises, quelque 250 000 adhèrent au MEDEF à travers ses huit structures départementales. Les MEDEF territoriaux sont les cellules d’adhésion, notre structure régionale s’occupant, quant à elle, des questions de logement, de transport et de développement économique, notamment.

Je serai relativement bref puisque nous vous avons fait parvenir un document de travail résumant notre analyse et nos propositions.

Comment les entreprises voient-elles la situation des transports en Île-de-France ? Depuis 2000, et même en faisant abstraction des années de crise qui se sont succédé depuis 2008, la croissance de la région a accumulé les retards. En effet, d’un peu moins de 2% par an en moyenne, elle a été inférieure à celle qu’on a observée dans d’autres régions françaises – en Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) et dans les Pays de la Loire, elle a été comprise entre 3,5 et 4% –, dans d’autres métropoles européennes comme le Grand Londres ou Madrid voire même en Lombardie, pour ne pas parler des régions allemandes où la progression a été de 4 ou 5%. Cet écart est d’autant plus notable qu’ailleurs en Europe, c’est en général la région capitale qui tire la croissance du pays. Or, en France, elle se situe à peine dans la moyenne hexagonale.

Les problèmes de mobilité sont l’un des éléments qui expliquent cette croissance insuffisante. Jusqu’au début des années 2000, le réseau de transport était regardé comme un atout majeur de Paris et de l’Île-de-France par les investisseurs internationaux qui envisageaient de s’y s’implanter. Aujourd’hui, les études que nous avons menées avec la Chambre de commerce et avec l’Agence « Paris Île-de-France Capitale Économique » démontrent exactement l’inverse. Notre réseau de transport est considéré comme insuffisant et, changement majeur dans les critères de choix des investisseurs étrangers, il est même désormais perçu par ceux-ci comme un handicap.

Quant aux entreprises déjà implantées en Île-de-France, elles caractérisent le transport dans cette région par les trois « I » : irrégularité, inconfort et insécurité. Ce sont en effet les trois inconvénients que les salariés subissent tous les jours dans leurs trajets entre le domicile et le lieu de travail, et qui se traduisent pour eux par un double stress, avant et après le travail.

Se conjuguent ainsi les effets de deux facteurs négatifs : au niveau macroéconomique, le retard de croissance fait obstacle à l’arrivée des investisseurs étrangers – ce qui est d’autant plus regrettable que chaque emploi créé par un grand groupe en génère potentiellement huit chez les PME et les TPE sous-traitantes – cependant que le mauvais fonctionnement du réseau de transport entraîne une perte de productivité et d’heures travaillées.

Nous considérons que le réseau a beaucoup vieilli du fait du retard pris en matière d’investissement au cours des dernières vingt années – la dernière opération majeure remonte au début des années quatre-vingt-dix. Les conséquences en sont d’autant plus graves que, durant la même période, les emplois et les entreprises ont eu tendance à glisser dans un premier temps de Paris vers la première couronne, puis de la première couronne vers la deuxième. Paris a ainsi perdu 200 000 emplois, ainsi que des entreprises. Cette déconcentration de l’emploi vers les franges de la région est un phénomène structurel qui s’est amorcé sous la majorité « Chirac-Tibéri » et s’est poursuivi sous l’actuelle majorité municipale. Dès lors, le système actuel de transports en commun, organisé en étoile, ne permet plus aux salariés de se rendre à leur travail dans des conditions satisfaisantes : il est inadapté à l’évolution de l’emploi en Île-de-France, qui rend nécessaire un réseau circulaire – et c’est donc tout l’intérêt du Grand Paris.

Quatre séries de mesures s’imposent d’urgence.

Comme nous l’avons écrit dans le cahier d’acteur que nous avons remis lors de la consultation sur le Grand Paris, la première consiste à améliorer les infrastructures. Le plan de mobilisation de la région va dans le bon sens. Il correspond à ce qu’attendent les entreprises : renouvellement du matériel roulant sur la ligne A RER, remplacement des rames sur la ligne B, accélération des schémas directeurs de réseau et de remise à niveau pour les lignes C et D, « désaturation » de la ligne 13 par le prolongement de la ligne 14.

La deuxième urgence, qui nécessite des décisions aux effets tangibles, concerne la sécurité des voyageurs ainsi que la fréquence et la régularité des rames – même si, sur ce dernier point, la loi sur le service minimum a nettement amélioré la situation. Pour atteindre ces objectifs, il faut que le STIF soit beaucoup plus exigeant à l’égard d’opérateurs, la RATP et la SNCF, qui sont aujourd’hui en position de monopole.

Troisième urgence : il faut rationaliser l’exploitation du réseau, les zones de compétence des deux opérateurs se recoupant parfois. Des améliorations ont été apportées sur certaines lignes, mais il faut aller plus loin car la répartition entre la RATP et la SNCF, qui était efficiente il y a une vingtaine d’années, ne l’est certainement plus aujourd’hui.

Quatrième urgence : comme l’a souligné le rapport de la Cour des comptes du 17 novembre 2010 après le rapport de Gilles Carrez de 2009, il faut maîtriser les coûts de fonctionnement. Ceux-ci subissent actuellement une dérive, mais ce n’est rien au regard de ce qui nous attend quand seront réalisées les opérations prévues dans le projet Grand Paris Express et dans le plan de mobilisation pour l’horizon de 2025 : ils augmenteront alors d’environ 1,5 milliard d’euros.

Pour le long terme, j’évoquerai plusieurs points que Grand Paris Express et le plan de mobilisation de la région prennent globalement en compte, à commencer par le désenclavement de la banlieue. En effet, si, dans Paris, 95 % des emplois sont couverts par les transports en commun, cette proportion tombe à 45 % en banlieue. Je l’ai dit, le dessin en étoile du réseau n’est plus adapté à la nouvelle implantation des entreprises en Île-de-France.

Cela étant, nous nous félicitons de la fusion, que nous demandions, entre Arc Express et le Réseau de transport public du Grand Paris. Il est essentiel, pour le Grand Paris et pour le développement économique de la région, que soient correctement desservis les dix futurs pôles économiques majeurs qui seront demain les clusters de l’Île-de-France. Ces pôles doivent évidemment être intégrés dans le futur schéma régional de développement.

Cela dit, plusieurs insuffisances nous inquiètent beaucoup. Tout d’abord, le problème de la desserte de Saclay n’est pas réglé. L’on nous oppose qu’une ligne à grande capacité et à fonctionnement rapide, comme celle du Grand Paris, ne serait pas rentable en l’espèce. Des études de rentabilité réalisées sur certains tronçons de la ligne du Grand Paris Express démontrent en effet que c’est la moins rentable, puisque le retour sur investissement y est à peine de 50%. Toutefois, Saclay constitue une priorité pour le développement économique francilien – je rappelle que l’ambition est d’en faire un cluster à vocation mondiale – et il importe de trouver une solution, même si ce n’est qu’une solution intermédiaire.

Cergy et, plus largement, le Val-d’Oise, sont également insuffisamment desservis. Comme nous l’avons souligné dans notre cahier d’acteur, il est fort regrettable que Cergy soit « le grand oublié » du Grand Paris Express alors que c’est un cluster en évolution, une agglomération de 200 000 habitants en forte progression et riche de ses universités et de ses grandes écoles. Nous l’avons dit à plusieurs reprises au président André Santini et la Société du Grand Paris (SGP) étudie une possibilité de desserte directe de Roissy passant par Cergy. C’est une condition indispensable au développement du département du Val-d’Oise.

La troisième insuffisance concerne la desserte de Roissy à partir de Paris. Nous ne savons plus très bien où l’on en est du projet de CDG Express, même si, selon de récentes annonces, une solution aurait été trouvée. Le groupe Vinci a lâché prise en raison des exigences qu’ont multipliées les collectivités locales. Je pense notamment au tunnel passant dans le 18e arrondissement, tout cela n’était pas prévu et a représenté une telle dépense, que le coût du CDG Express a bondi de 500 millions à 1 milliard d’euros. Nous sommes évidemment très partisans d’une ligne dédiée entre la Gare du Nord et Roissy. Les 23 millions de touristes qui débarquent chaque année dans cet aéroport pourraient ainsi directement rejoindre Paris.

S’agissant du financement du réseau régional et du versement transport, je rappellerai quelques chiffres. Aujourd’hui, en Île-de-France, les entreprises financent environ 47% du coût de fonctionnement des transports en commun, contre 31% en 1983. Leur contribution n’a donc cessé de croître, du fait que le versement transport a augmenté tous les ans depuis une dizaine d’années de 4 à 5%, soit du double de l’inflation, et mais aussi parce qu’elles prennent en charge pour la moitié en moyenne le prix du Pass Navigo, le tout pour un service qui, il faut bien le dire, n’a cessé de se dégrader. Je reviendrai tout à l’heure sur la tarification unique, mais sachez que le relèvement de cette prise en charge est aujourd’hui l’objet de négociations dans les entreprises, dans la mesure où les salaires ne peuvent que difficilement augmenter. On ne peut donc prétendre, comme nous l’entendons dire parfois, que nous récupérerons ce que nous paierions au titre du versement transport en contribuant moins au bénéfice des salariés au titre d’un pass unique. En réalité, de nombreuses entreprises prennent aujourd’hui en charge le Pass Navigo à 70%, voire à 100%, et c’est une évolution qui s’accélère compte tenu de la difficulté à augmenter les salaires.

Autre phénomène parallèle à l’augmentation du versement transport : la part des déplacements entre le domicile et le travail dans l’ensemble des déplacements en transports en commun est passée de 40 % en 1983 à 33 % en 2008. Donc, non seulement les entreprises paient plus pour un service qui se dégrade de jour en jour, mais le Pass Navigo est de moins en moins utilisé pour des trajets entre le domicile et le lieu de travail mais pour d’autres déplacements. Il y a donc là un double effet de ciseaux.

En 2011, le financement du Grand Paris Express a déjà occasionné une augmentation importante des charges pesant sur les entreprises, mais celles-ci comprennent que c’est leur intérêt dans la mesure où il s’agit de financer des investissements. En revanche, elles acceptent de moins en moins de financer le fonctionnement de ce qui ne fonctionne pas ! L’idée a été avancée de conditionner la tarification unique à une évolution du versement transport, soit par le « dézonage », soit par une uniformisation des taux à 2,6%, c'est-à-dire au niveau en vigueur à Paris et dans les Hauts-de-Seine. Cette dernière option se traduirait, pour les entreprises, par une ponction d’environ 800 millions d’euros venant s’ajouter à celle de 500 millions d’euros qu’elles ont déjà supportée en 2011. Une telle augmentation des charges pesant sur les entreprises franciliennes est incompatible avec l’objectif affiché du Grand Paris, qui est d’améliorer la croissance en Île-de-France. C’est une orientation qui nous paraît dangereuse pour les entreprises et ce serait un mauvais coup porté à la compétitivité de la région.

Face à la dégradation quotidienne des conditions de transport en commun depuis vingt ans, les employeurs font en effet preuve d’une grande tolérance, car ils considèrent que les salariés n’y sont pour rien ! Mais les uns comme les autres sont exaspérés par ce mauvais fonctionnement qui n’est pas digne de la région capitale.

M. Pierre Morange, rapporteur. Merci, monsieur le délégué général, pour cet exposé précis, qui a couvert l’ensemble des problèmes posés. Il qui rejoint d’ailleurs les constats d’une commission d’enquête déterminée à aborder ce sujet avec pragmatisme, sans parti pris idéologique.

Quels sont, selon vous, les impacts financiers et socio-économiques de ces dysfonctionnements ? Une étude exhaustive a-t-elle été réalisée pour les mesurer ?

Vos propositions rejoignent donc en grande partie celles des parlementaires, mais votre organisation préconise-t-elle un modèle de gouvernance qui permettrait de rationaliser l’exploitation du réseau et de maîtriser les coûts de fonctionnement ? Avez-vous des suggestions à formuler sur ce dernier point ?

Dans le cadre des mesures de long terme, vous avez souligné la pertinence de la fusion entre le Réseau de transport public du Grand Paris et Arc Express tout en constatant l’insuffisance des dessertes de Saclay, de Cergy et de Roissy. Cette insuffisance témoigne à n’en pas douter d’une faiblesse de la réflexion stratégique sur un mode d’aménagement du territoire plus propice à mieux armer l’Île-de-France dans sa compétition avec les autres grandes régions du monde. En tant qu’acteur économique d’importance, pour ne pas dire incontournable, dans la mesure où les entreprises jouent un rôle de locomotive pour la région, le MEDEF se sent-il associé à cette réflexion stratégique ?

M. le président Daniel Goldberg. Je vous ai trouvé très sévère, monsieur le délégué général, lorsque vous avez évoqué la dégradation de l’ensemble des transports en commun en Île-de-France. En effet, si des dysfonctionnements majeurs affectent le RER, le maillage a en revanche beaucoup progressé en finesse. Les bus à haut niveau de service permettent, par exemple, de désenclaver certaines zones et de faciliter les trajets des salariés. On insiste régulièrement, devant cette commission, sur la nécessité d’un doublement du tunnel Châtelet-Gare du Nord, dont le coût prévisionnel se situerait entre 1 et 2 milliards, mais ne faudrait-il pas plutôt envisager des dessertes plus fines, en faveur de territoires en devenir qui n’ont pas forcément besoin d’investissements aussi lourds ? D’autre part, pour se rendre à leur travail, les salariés ont-ils, selon vous, plutôt besoin de liaisons radiales ou plutôt de rocades ? Enfin, j’ai lu avec intérêt le bulletin du MEDEF Île-de-France de décembre 2011 qui traite de l’articulation entre zones de vie et zones de travail : pourriez-vous développer votre position sur le sujet ?

M. Jérôme Dubus. Aux débuts du projet de Grand Paris, nous avions des rapports extrêmement conflictuels avec M. Christian Blanc, à tel point que certaines publications ont titré : « Le MEDEF est contre le Grand Paris ! », ce qui était totalement faux. En revanche, et même si cela peut étonner venant de notre organisation, nous essayions de faire passer l’idée selon laquelle il ne suffisait pas de favoriser le développement économique dans les futurs clusters, car nous avions bien compris qu’il fallait rapprocher l’emploi du logement. C’est ce qui nous a conduits à nous heurter frontalement au secrétaire d’État qui était alors chargé du développement de la région capitale. Nous reprochions simplement de s’appuyer sur un modèle du passé, qu’on n’appliquait plus nulle part. De fait, dans la Silicon Valley, les gens ont trouvé à se loger à 500 mètres de leur activité et le développement d’Euro Disney a été largement favorisé par la construction de logements à proximité. Le développement économique ne peut se limiter à « plaquer » tel ou tel type d’activité à tel ou tel endroit, pour créer des pôles ex nihilo sans se soucier du reste. Nous constatons que prévalent aujourd’hui des conceptions plus équilibrées et nous nous réjouissons d’y avoir modestement contribué.

Quant aux besoins de déplacement, ils se concentrent évidemment pour l’essentiel sur les liaisons entre banlieues, y compris en première couronne. Or ces liaisons sont encore insuffisantes, surtout dans les deuxième et troisième couronnes, où beaucoup de salariés demeurent condamnés à prendre leur voiture. Il nous paraît donc indispensable que des tangentielles assurent la liaison entre les têtes de métro ou de RER : c’est la priorité des priorités.

De nombreux progrès ont effectivement été réalisés en termes de maillage. Notre antenne de Saint-Ouen a ainsi œuvré, il y a cinq ou six ans, pour assurer, grâce à un maillage plus fin, une meilleure desserte de cette zone en très forte expansion. Avec la RATP, nous avons créé un système de bus qui fonctionne plutôt bien. Cela dit, un salarié francilien passe aujourd’hui en moyenne 85 minutes par jour dans les transports, contre 38 minutes en 1980 et 60 en moyenne nationale ! Certes, les conditions ne sont pas les mêmes que dans la Corrèze ou dans la Creuse, mais l’évolution est extrêmement défavorable aux entreprises et à leurs salariés.

Globalement, nous sommes plutôt satisfaits de la gouvernance, même si, je le répète, le STIF n’est pas assez coercitif à l’égard des deux opérateurs. Évidemment, le fait que ceux-ci soient en situation de monopole ne lui facilite certainement pas la tâche ! Cela dit, une ouverture à la concurrence est inéluctable tant l’actuelle situation conduit à des lourdeurs. En attendant, il est extrêmement difficile au STIF de faire respecter ses prescriptions : on ne peut être en position de force face à des monopoles. C’est pourquoi nous avons insisté sur le fait que les contrats liant le STIF aux opérateurs devaient être beaucoup plus contraignants et beaucoup mieux appliqués. J’en parle avec d’autant plus de liberté que ces deux opérateurs sont adhérents chez nous !

S’agissant de la maîtrise des coûts de fonctionnement, nous n’avons pas fait d’étude spécifique, mais nous pourrons compiler les éléments dont nous disposons et vous faire parvenir cette synthèse.

Lors des négociations que les partenaires sociaux ont menées sur le sujet, le fonctionnement des transports en Île-de-France a souvent été cité comme une nouvelle cause de pénibilité, et qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Malheureusement, ces négociations n’ont pas abouti, mais c’est un chantier que nous allons reprendre car il faut trouver des moyens d’atténuer cette pénibilité.

M. le président Daniel Goldberg. Je vous remercie, monsieur le délégué général, pour ces éclaircissements.

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Audition de M. Christian Leyrit, vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable

(Séance du jeudi 2 février 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Avant d’être nommé, en juillet 2010, vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), M. Christian Leyrit a mené une longue carrière au sein du ministère de l’Équipement, à Paris, ainsi qu’à les directions régionales et départementales. Depuis 1999, il a exercé les fonctions de préfet dans plusieurs départements, dont le Val-d’Oise, et plusieurs régions.

Le CGEDD est né en juillet 2008, de la fusion du Conseil général des Ponts et chaussées et de l’Inspection générale de l’environnement. Présidé par le ministre de l’environnement, il a pour mission d’informer et de conseiller les pouvoirs publics, ainsi que d’inspecter, d’auditer et d’évaluer les services et organismes chargés de missions de service public dans ses domaines de compétences, parmi lesquels figurent les transports et l’aménagement du territoire.

M. Leyrit présentera le bilan de son expérience à la vice-présidence du CGEDD. Le conseil général de l’environnement fonctionne-t-il de manière satisfaisante ? Dispose-t-il des moyens nécessaires à l’exercice de ses fonctions ? Quelle est l’activité de la section « économie, transports, réseaux » présidée par M. Jean-Paul Ourliac ? S’est-elle intéressée au RER ?

Le CGEDD a été chargé par le président de la République d’une mission de préfiguration de la future Autorité chargée de la qualité de service dans les transports, notamment ferroviaires. Quelles sont ses premières conclusions ? L’Autorité sera-t-elle créée prochainement ? Quelle place accordera-t-elle aux transports franciliens ? Puisqu’il lui incombe d’établir de nouveaux indicateurs de qualité, la CGEDD a-t-elle rencontré des associations d’usagers ?

M. Christian Leyrit prête serment.

M. Christian Leyrit, vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Créé il y a à peine plus de deux ans, le CGEDD, procède à des missions d’expertise, d’étude et d’évaluation. Il est à la disposition de la ministre de l’Environnement, du développement durable, des transports et du logement, comme du ministre de la Ville, du ministre chargé de l’aménagement du territoire ou du ministre chargé de l’énergie. S’il n’a reçu récemment aucune mission spécifique sur le fonctionnement du transport francilien, il avait traité le retour d’expérience sur les épisodes neigeux ayant affecté, en décembre 2010, les transports terrestres et aériens.

Le sujet qui vous intéresse concerne autant l’Autorité chargée de la qualité de service dans les transports que l’Autorité environnementale, créée en 2009 au sein du Conseil général de l’environnement et du développement durable, en application de deux directives communautaires visant à améliorer la qualité des évaluations environnementales et la prise en compte des problèmes d’environnement. Une évaluation environnementale incombe désormais au maître d’ouvrage des projets -plans et programmes-. Réalisée en externe, elle sera fournie au public comme au maître d’ouvrage avant toute décision administrative. Elle doit par conséquent intervenir avant le lancement de l’enquête publique.

Quand le maître d’ouvrage dépend d’un autre ministère que celui de l’Environnement, c’est à celui-ci qu’incombe l’évaluation. Quand il s’agit d’une collectivité, c’est au préfet de région ou du département, ainsi qu’à l’Autorité environnementale, qu’il revient de procéder à l’évaluation. Quand le décideur est le ministre de l’Environnement, ou une entité qui en dépend, c’est l’Autorité environnementale du CGEDD qui en est chargée. On évite ainsi toute confusion entre le décisionnaire et l’autorité consultée.

L’Autorité environnementale du CGEDD émet un avis sur les projets de Réseau ferré de France (RFF) ou de la RATP, ainsi que sur le Schéma national des infrastructures de transport (SNIT). On lui soumet aussi le Schéma directeur de la région d’Île-de-France (SDRIF), actuellement en révision, qui est élaboré par la région, puis approuvé par décret en Conseil d’État, après validation par le Gouvernement sur proposition du ministre en charge de l’écologie.

Rattachée à un service administratif, l’Autorité environnementale du CGEDD n’est pas une autorité administrative indépendante au même titre que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF). Elle bénéficie toutefois d’une indépendance relative puisqu’elle réunit un grand nombre de membres permanents du Conseil général, ainsi que des personnalités extérieures, notamment des universitaires. Ses avis sont immédiatement diffusés sur Internet, c'est-à-dire dès la délibération terminée.

Sur les quelque 160 avis qu’elle a émis depuis sa mise en place, trois concernent le RER. Le premier a trait à la construction de la gare Évangile, sur la ligne E ; le second, à la modernisation de la ligne D ; le troisième, qui date de décembre 2011, au prolongement de la ligne E, entre Saint-Lazare et Mantes-la-jolie. S’agissant de ce dernier dossier, l’Autorité a formulé des observations sur les effets du projet sur l’étalement urbain, l’incidence des ouvrages sur les nappes phréatiques et les nuisances sonores liées à la circulation des trains ou au préconditionnement des rames dans les gares.

C’est à l’initiative du Président de la République que l’Autorité chargée de la qualité de service dans les transports doit être créée ; elle étudiera notamment leur ponctualité, de manière intermodale. Pour vérifier l’amélioration de la qualité des transports réguliers de voyageurs, elle étudiera les transports ferroviaires – internationaux comme les TGV ou les TER –, maritimes – vers la Corse ou le Royaume-Uni – et urbains – dans les dix grandes agglomérations de plus de 500 000 habitants –, ainsi que les bus interurbains.

Dès sa mise en place, elle disposera d’un portail Internet qui mettra à la disposition du grand public des statistiques sur la qualité, notamment sur la ponctualité et la régularité du service. Nous offrirons des informations sur l’aérien, les transports ferroviaires internationaux ou les TGV. Les internautes pourront ainsi connaître tous les retards, ainsi que toutes les annulations, par origine, par destination et par compagnie, ce qui suscite un débat assez vif avec les opérateurs. Le site sera actualisé chaque mois.

L’Autorité surveillera également la clarté et la fiabilité de l’information délivrée aux voyageurs. Le portail détaillera les droits des passagers en cas de perte de bagages, de retard ou d’annulation. Dans ce domaine, des règlements européens ont été mis en application il y a longtemps pour l’aérien, et plus récemment pour le ferroviaire. D’autres le seront prochainement pour le maritime et le transport de voyageurs. Désormais, les citoyens pourront accéder sur le même site à toutes les informations concernant les démarches qu’ils pourraient entreprendre.

L’Autorité améliorera non seulement le traitement des réclamations, mais aussi le recours à la médiation. Car, si les grands opérateurs comme la SNCF, Aéroports de Paris (ADP) ou Air France disposent déjà d’un service de ce type, ce n’est pas le cas de tous les opérateurs, notamment aériens, qu’il faut encourager à cet égard. Il nous appartiendra ensuite d’évaluer ces services, en fonction de leur accessibilité, de leur qualité et de leur efficacité, et d’apprécier l’impartialité, la compétence et la diligence avec lesquelles ils accomplissent leur mission. L’Autorité précisera notamment le nombre de dossiers traités par le médiateur de la SNCF, de la RATP ou d’Air France, ce qui permettra sans doute d’exercer une certaine pression sur ces opérateurs. Elle pourra aussi réaliser ou faire réaliser des sondages de satisfaction sur la qualité de service dans les transports, et formuler des propositions pour l’améliorer.

Après l’aérien et le ferroviaire longue distance, nous travaillerons sur le TER, le Transilien et les transports interurbains de voyageurs, en Île-de-France et dans les agglomérations de plus de 500 000 habitants. Nous collaborerons avec l’autorité organisatrice des transports, qui est, pour le RER, le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF). Nous terminerons par le maritime.

L’Autorité s’appuiera sur un Haut comité de la qualité de service dans les transports. Actuellement en cours de composition, il comprendra trente-cinq membres. Parmi lesquels des parlementaires et des représentants des collectivités publiques et sera présidé par un parlementaire. Il se réunira avec des représentants des ministères en charge des transports et de la consommation, ainsi que des régions et des départements, des maires de grandes villes, des représentants du Groupement des autorités responsables de transport (GART) et un représentant du STIF. Un deuxième collège, de dix membres, réunira des représentants des opérateurs : Fédération de l’aviation marchande, compagnies aériennes, armateurs, Union des transports publics, Union des aéroports, Fédération nationale des transports de voyageurs, Ports de France. Un troisième collège de dix membres sera composé de consommateurs et d’usagers de transports – Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT), UFC Que choisir – et d’un représentant de l’Association des paralysés de France. La situation des personnes à mobilité réduite doit en effet être envisagée de manière globale. Pour l’instant, le problème des ruptures de charge n’est pas traité. Un quatrième collège rassemblera des personnalités qualifiées dans le domaine du transport ou de l’évaluation de la qualité des services publics, ainsi que des enseignants chercheurs.

Les membres du Haut comité, titulaires et suppléants, sont connus à ce jour. Ils attendent leur nomination par la ministre en charge de l’écologie. Quant aux représentants des associations d’usagers, ils seront nommés par un arrêté conjoint avec le ministre de la consommation.

M. Pierre Morange, rapporteur. De quels moyens disposez-vous ? Vous permettent-ils de remplir vos diverses missions ? Qu’en sera-t-il de l’Autorité de la qualité de service, qui, faute d’être une autorité administrative indépendante, disposera nécessairement de moyens réduits ? Comment peut-elle réagir quand la divulgation de certaines données rencontre l’opposition des compagnies aériennes ? Peut-elle se contenter de chiffres fournis par les compagnies elles-mêmes ou, en matière ferroviaire, par la SNCF ou RFF, dont l’objectivité n’est pas garantie ?

Pour jouer le rôle de médiateur, il faut entrer dans un rapport de forces. L’Autorité dispose-t-elle d’un pouvoir suffisant pour imposer un compromis ? Quand sera-t-elle opérationnelle ? Que pensez-vous des projets d’aménagement du territoire et de modernisation du transport francilien ? Que ressort-il, enfin, de l’évaluation du CGEDD, dont vous avez pris l’initiative ?

M. Yanick Paternotte. Depuis trente ans, le RER souffre d’un sous investissement. Les nouvelles structures permettront-elles de rattraper ce retard ?

Votre ambition d’actualiser votre site une fois par mois est-elle suffisante, alors que les réseaux créés par les associations de voyageurs fonctionnent en temps réel ?

De quel budget disposez-vous ? Pensez-vous pouvoir édicter des recommandations, comme l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (CNUSA), à l’émergence de laquelle j’ai participé ? Vos moyens vous permettent-ils d’être indépendants, c’est-à-dire de procéder à des expertises en interne, au lieu de dépendre des informations fournies par les opérateurs ? Percevrez-vous une partie des amendes, comme la CNUSA, au titre de la réglementation européenne sur les transports ? Si ce n’est pas le cas, l’Autorité chargée de la qualité de service dans les transports risque de n’être qu’un gadget.

M. Christian Leyrit. Le CGEDD dispose de moyens importants, puisqu’il est issu de la fusion du Conseil général des Ponts et chaussées, qui comptait 250 membres permanents, ingénieurs des Ponts, des Eaux et des Forêts, et de l’Inspection générale de l’environnement et il réunit notamment en son sein des administrateurs civils de l’Équipement ou de l’Environnement, ainsi que des architectes et urbanistes de l’État.

Le rapporteur l’a rappelé, il y a plus d’un an, à mon arrivée,il m’a paru utile de nous interroger sur « notre valeur ajoutée » pour le Gouvernement et la nation. J’ai lancé, ce qui était inédit, une évaluation de notre activité et de nos missions. Un consultant extérieur a auditionné quelque quatre-vingts acteurs avec lesquels nous sommes en contact, issus des missions de l’inspection générale, des mines, de l’agriculture ou du ministère de l’agriculture. Par ailleurs, nous avons mis en place un comité d’évaluation présidé par Antoine Rufenacht, qui réunit des personnalités indépendantes : Anne-Marie Idrac, François Logerot, ancien Premier président de la Cour des comptes, Marie-Dominique Hagelsteen, présidente de la section travaux publics du Conseil d’État, ainsi que le vice-président de l’École polytechnique de Lausanne et la vice-présidente de France nature environnement. Ce comité d’évaluation a remis la semaine dernière son rapport à la ministre.

À mon arrivée, j’avais reçu une lettre de mission du ministre, M. Jean-Louis Borloo, m’invitant à réorienter l’activité du Conseil général. Une de mes propositions, qu’il a retenue, était que nous appuyions les actions de l’État au niveau déconcentré. Nombre de départements notamment ruraux souffrant d’un déficit de compétences techniques, nous nous sommes mis à la disposition des préfets pour les aider à résoudre certains problèmes locaux.

Autre innovation : à côté des membres du Conseil général, qui étaient souvent en fin de carrière, j’ai sollicité de jeunes ingénieurs récemment sortis de l’école, comme le fait l’Inspection générale des finances. En matière de développement durable, il est précieux de disposer d’un Conseil pluri générationnel.

Nous allons aussi créer une mission de déontologie, indispensable quand on procède à des activités d’audit ou d’inspection, ainsi qu’un dispositif de qualité interne. Nous voulons faire valoir la dimension économique, sociale et environnementale du développement durable, et faire émerger la collégialité propre à certaines inspections ou à la Cour des comptes et au Conseil d’État.

La question s’est posée de savoir si le CGEDD devait constituer une autorité indépendante, comme l’ARAF, ou s’il devait être rattaché, comme l’Autorité environnementale, à un service administratif placé sous la responsabilité d’un ministre. Le choix qui a prévalu s’explique par un souci de rapidité, mais des évolutions peuvent encore intervenir. Pour l’heure, nous ne disposons pas d’un pouvoir de coercition ni même de sanction, même si nous travaillons en étroite collaboration avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Enfin, en cas d’échec d’une médiation, le juge reste un dernier recours.

Travailler sur plusieurs modes de transport est d’une extrême complexité, même quand on se cantonne à l’aérien, aux liaisons ferroviaires internationales et au TGV. Par exemple, qu’est-ce qu’un « vol annulé » ? La direction générale de l’Aviation civile (DGAC) et les compagnies aériennes travaillent sur le sujet depuis des années pour savoir en quoi consiste un vol annulé.

Les données en matière de retard ou de suppression d’un vol nous sont fournies non par les opérateurs mais par les aéroports.

Notre champ d’action étant extrêmement vaste, l’Autorité ne peut pas fonctionner en temps réel, surtout en situation de crise. Lors des intempéries de décembre 2010, il aurait été impossible de répondre de manière instantanée aux millions d’usagers. Cependant, le seul fait d’afficher des résultats de manière fiable – sur un site se terminant en «.gouv.fr » – aura un impact sur les opérateurs, tout comme l’affichage du nombre de dossiers de réclamations et des délais de traitement. L’actualisation mensuelle du site constitue déjà un défi. Depuis quatre mois, où nous ne travaillons que sur l’aérien, le TGV et les liaisons internationales, nous avons rentré 25 000 données, ce qui représente une masse d’informations considérable. Il n’est pas possible de les traiter plus rapidement.

Nous avons posé au président de RFF et de la SNCF le problème de la fiabilité des données. Celles-ci seront fournies par la SNCF, puis vérifiées par la direction de la circulation ferroviaire (DCF), placée sous l’autorité de RFF. Peut-être mettrons-nous en place, de manière ponctuelle, par exemple pendant quarante-huit heures sur une zone donnée, un dispositif d’enquête, afin de tester la fiabilité des informations qui nous seront transmises. Mais, faute de pouvoir recueillir toutes les données à la source, nous nous en remettrons nécessairement aux opérateurs.

Les propositions que formulera l’Autorité, comme le Haut comité, où les associations sont très représentées, seront autant d’aiguillons qui permettront d’améliorer la qualité de service dans les transports.

M. Yanick Paternotte. Pensez-vous qu’il sera possible de rattraper le retard en matière d’investissement ?

M. Christian Leyrit. D’autres sont plus qualifiés que moi pour vous répondre. Au-delà des grands projets d’investissement, l’État a à cœur de traiter le problème des transports existants, notamment en Île-de-France, où des milliers d’usagers sont mécontents. Le projet du Grand Paris améliorera la moitié des déplacements franciliens, notamment ceux qui s’effectuent d’une banlieue à l’autre. Actuellement, ceux-ci passent par le centre Paris, ce qui crée un engorgement. Les prévisions permettent d’anticiper un allégement d’au moins 15% pour les lignes A et B, de 5% à 10% pour les lignes C et D, et de 10 % et 15% pour la ligne E. Il sera encore plus important pour les tronçons centraux.

Une autre difficulté vient de l’éloignement entre les grandes zones de développement de l’habitat et celles des emplois, qui a fait exploser le trafic de la ligne A, où s’effectuent chaque jour 1,1 million de déplacements quotidiens. Dans le cadre du Grenelle de l’environnement et du Grand Paris, dix-sept contrats de développement territoriaux (CDT) seront signés, afin d’intégrer la réflexion sur les transports au développement urbain. À l’avenir, la planification spatiale, à travers le SDRIF et les schémas de cohérence territoriale (SCOT), prendra mieux en compte les déplacements.

M. le président Daniel Goldberg. L’Autorité est-elle consciente que les trajets de banlieue à banlieue ne doivent pas nécessairement à passer par Paris ? Dans une période où l’argent public est rare, il est essentiel de distinguer les déplacements radiaux et les déplacements en rocade.

Il faut aussi réfléchir à l’aménagement de l’Île-de-France, car, si les bassins d’habitation sont de plus en plus éloignés des lieux du travail, le temps de trajet entre le domicile et le travail, qui a triplé en vingt ans, s’allongera nécessairement, quelle que soit la qualité des transports. Avez-vous expertisé l’adéquation du réseau de transports à la densification urbaine ?

M. Christian Leyrit. Nous n’avons pas reçu de commande sur ce point. Je ne peux donc pas vous répondre précisément.

M. Julien Matabon, sous-directeur adjoint des services ferroviaires et des déplacements urbains (DGITM). L’accord du 26 janvier 2011, entre la région Île-de-France et l’État, sur le Grand Paris, comprend deux volets. Le premier, sur le déplacement en rocade, réduira à moyen terme la saturation du réseau. L’autre, relatif à la reprise du plan de mobilisation de la région, permettra de le moderniser, en mettant en œuvre les schémas directeurs sur les lignes C et D, en préparant les schémas directeurs sur les lignes A et B, et en prolongeant notamment la ligne E. Si nous avons pris du retard, nous entendons préparer l’avenir avec le Grand Paris tout en travaillant sur le réseau existant.

M. le président Daniel Goldberg. Je vous remercie.

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Audition de M. Daniel Canepa, Préfet de la région Île-de-France

(Séance du jeudi 2 février 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Monsieur Canepa, vous exercez, en qualité de préfet de la région Île-de-France, des responsabilités importantes. L'aménagement du territoire et la planification régionale relèvent de votre compétence. La question des transports ne peut donc vous être étrangère, et cela d’autant moins qu’avec le lancement officiel du réseau de transports du Grand Paris – le Grand Paris Express, dans sa nouvelle dénomination –, le Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) doit désormais être révisé.

Notre commission d'enquête s'intéresse à la place dévolue à un RER qui doit être remis à niveau et, le cas échéant, étendu – ou, plus exactement, mieux adapté dans sa configuration.

Nous souhaiterions également connaître l'orientation générale des volets « transports » des quelque 18 contrats de développement territorial (CDT) sur le point d’être conclus ou déjà conclus.

Comment se concilie le maillage du réseau Grand Paris avec celui du réseau existant, en premier lieu avec le RER, qui a dans tous les cas vocation à constituer un élément essentiel du réseau de transports définitif ? Sur ce point précis, bon nombre de nos interlocuteurs s'interrogent, certains considérant même que la Société du Grand Paris (SGP) qui dispose d'une garantie de protection de ses recettes, devrait être mise à contribution dès 2013 pour participer au financement d'opérations visant à « désaturer » le RER A – ce qu’a d'ailleurs souligné, au cours de son audition, le président de la région, qui n’est certainement pas seul à penser ainsi !

La saturation du RER sur certaines parties de lignes conduit notamment la SNCF à s'interroger, comme en témoignent des articles de presse, sur l'installation de nouvelles activités dans certaines communes et sur la densification le long des lignes de RER. Avez-vous eu à connaître de telles situations au motif de l'insuffisance des capacités de transport ? Il existe en effet en Île-de-France une procédure d'agrément administratif conditionnant l'obtention d'un permis de construire pour des installations ou des extensions d'activités, notamment des bureaux. À votre connaissance, des refus d'agrément principalement ou partiellement fondés sur un défaut de desserte par les transports en commun se sont-ils déjà produits ? Si tel était le cas, le RER, initialement conçu comme un facteur d'équité territoriale, deviendrait un frein au développement de certaines zones, ce qui serait difficilement admissible.

Dans un récent entretien au Journal du Dimanche, vous avez exprimé votre confiance dans le schéma du Grand Paris, qui, selon votre expression, « avance ». Nous prenons acte de cette affirmation, tout en souhaitant que le Grand Paris n'élude pas certains problèmes cruciaux qui exigent aujourd'hui des réponses et des financements plus immédiats à court et à moyen termes.

Avant de vous donner la parole, je vous demande, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Daniel Canepa prête serment.

M. Daniel Canepa, préfet de la région Île-de-France. L’une de mes missions premières est de veiller au développement de la région capitale, qui représente le sixième de la population nationale et le tiers du produit intérieur brut de notre pays – de telle sorte que l'avenir de la région d’Île-de-France et celui de notre nation tout entière sont intimement liés. C'est à partir de ce constat qu'a été conçu le projet du Grand Paris, qui vise principalement à rendre à notre région les moyens d'être compétitive dans le cadre de la concurrence mondiale entre métropoles de premier rang et de tirer vers l’avant avec elle la France entière. Cette approche s’inscrit quelque peu en rupture avec la conception précédente de l'aménagement du territoire, consistant à freiner le développement de la région Île-de-France pour permettre aux autres régions françaises de se développer. Le problème ne se pose plus aujourd'hui dans les mêmes termes, car les autres régions ont désormais montré leur capacité de développement et l'on s'est rendu compte que freiner l'Île-de-France avait, en revanche, pour effet de faire reculer le Grand Paris dans le classement mondial des grandes métropoles.

La question des transports est centrale pour la réalisation de cet objectif. Elle recouvre celle, primordiale, de l'amélioration du fonctionnement du réseau express régional, le RER, qui structure le fonctionnement de la métropole, son marché de l'emploi donc détermine son attractivité.

Ce réseau est aujourd'hui saturé. Il est victime d'un effet de ciseaux produit par l'augmentation de la fréquentation et le vieillissement des infrastructures qui n'ont pas été rénovées à temps, faute d'investissements au cours des vingt à vingt-cinq dernières années. Ce constat est partagé par tous, ainsi que la volonté de mobiliser des moyens exceptionnels pour y remédier – le Président de la République s'est d'ailleurs exprimé sur ce point dans son discours du 5 décembre dernier.

Pour y parvenir, les leviers directs à actionner sont connus. Il s’agit d’abord de rénover les infrastructures existantes et d’accroître les capacités du réseau, en particulier dans les goulets d'étranglement tels que le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord ou encore Brétigny. Il s’agit aussi de repenser les dessertes en mettant en place un système dans lesquels les trains omnibus à haute fréquence en zone dense sont complétés par des trains rapides. Enfin, il convient d’améliorer les conditions d'exploitation – je rappelle à cet égard les efforts déployés pour obtenir une meilleure synergie entre la RATP et la SNCF – et installer de nouveaux moyens informatiques.

Les choix à opérer dans ces différents domaines relèvent plutôt de l'autorité organisatrice, et ils vous ont sans doute été largement présentés lors des auditions auxquelles vous avez déjà procédé.

Une fois ces choix arbitrés et au-delà des contraintes techniques, l'un des principaux facteurs « limitants » est la quantité des financements mobilisables. L'accord conclu entre l'État et la région le 26 janvier 2011 a constitué une avancée très importante, car cette convention a permis d'arrêter une stratégie d'investissement axée sur deux volets qui se veulent complémentaires : l'amélioration à court et moyen terme des transports franciliens au moyen du plan de mobilisation et la réalisation à plus long terme d'un nouveau métro automatique de grande capacité, prévu par le dispositif de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Il s’agit là d’une rupture par rapport à la logique qui prévalait précédemment, car ce plan vise à assurer une desserte « point à point » de cette grande métropole sans passer par le centre – Paris intra muros – et à éviter ainsi les bouchons que nous constatons aujourd'hui.

L’accord du 26 janvier 2011 prévoit que plus de 10,9 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2020 seront consacrés aux transports collectifs, dont 4,7 milliards d’euros, soit près de la moitié, dédiés à l’amélioration du RER. À ce titre, les schémas directeurs du RER D et du RER C représentent un investissement de 500 millions d’euros, la réalisation du schéma directeur du RER B Nord + atteint 220 millions d’euros et le prolongement d’Éole à l’Ouest 2,5 milliards d'euros – ce dernier budget étant actuellement en cours de discussion, car la facture dépasse désormais 3 milliards d’euros, du fait de demandes qui me semblent du reste justifiées.

On voit bien que la priorité a été logiquement donnée au RER. Cet engagement s'est concrétisé par la signature entre l'État et la région, le 26 septembre 2011, d'une convention spécifique « transports » qui porte, sur la période 2010-2013, les engagements de l'État et de la région en faveur des transports collectifs franciliens à plus de 2,745 milliards d’euros, dont 1,084 milliard pour l’État, ce qui représente un effort exceptionnel dans les circonstances budgétaires actuelles. C’est également une démarche originale car, du fait de la répartition des compétences entre la région et l'État définie en 2004, l’État n’a pas nécessairement à intervenir financièrement dans ce domaine.

Pour ce qui concerne le RER, la convention prévoit notamment des opérations d'urgence permettant d'engager sans attendre le schéma directeur du RER C et de réaliser les premiers travaux de réaménagement du pôle de Juvisy, point nodal de l’amélioration du système de fonctionnement du RER C, ainsi que les études de poursuite du schéma directeur et des premiers travaux sur le RER D, et d’engager tant les études que le lancement de travaux du RER E à l’Ouest, dans la section Nanterre–Mantes-la-Jolie.

Au-delà de l'accord sur le programme, il nous appartient d'être vigilants quant à la mise en œuvre dans les délais des programmes contractualisés. Un dispositif de suivi adapté, associant les opérateurs, l’État et la région, a été mis en place en ce sens, le 2 décembre dernier. Nous veillerons ensemble à ce que les crédits annoncés soient mobilisés efficacement et rapidement. Les efforts se prolongeront ensuite lors de la négociation du prochain plan État-région, qui sera conduite dans le respect de l'accord du 26 janvier 2011.

Le deuxième point que j’aborderai est le projet de transport automatique du Grand Paris Express, sur lequel l'État et la région se sont engagés et qui représente 20,5 milliards d’euros d’investissement. Il s’agit d’une perspective plus lointaine pour des usagers qui subissent aujourd'hui les dysfonctionnements du réseau, mais les premiers tronçons, qui seront mis en service dans moins de dix ans, seront de nature à améliorer la situation et ce délai, bien qu’il paraisse long, est comparable à celui de la réalisation d'autres infrastructures lourdes, notamment pour l'amélioration du RER.

Dix-neuf des cinquante-sept  gares du futur réseau du Grand Paris seront en interconnexion avec le RER. Le nouveau réseau, structuré en rocade, modifiera profondément les habitudes de transport des Franciliens en facilitant les déplacements de banlieue à banlieue, qui représentent aujourd’hui plus du tiers des déplacements quotidiens. Les modèles de trafic présentés lors du débat public sur ce grand projet montrent que le réseau du Grand Paris déchargera significativement les lignes du RER – de l’ordre de 10 % aux heures de pointe et, pour les tronçons centraux, les plus saturés, de 20 % pour les RER A et B, de 15 % pour les RER C et D et de plus de 20 % pour le RER E.

Le réseau du Grand Paris permettra donc d’absorber une grande partie de la hausse du trafic projetée d'ici à 2025. Nous aurons ainsi apporté une réponse importante à au problème de saturation du RER.

Le troisième point que j’aborderai est l’aménagement de la région parisienne en vue d’équilibrer habitat et activités. Face aux contraintes budgétaires et techniques d'intervention sur le réseau et aux contraintes physiques inhérentes au milieu urbain, il est clair que la réponse à la hausse continue de la demande de transports ne pourra se limiter à multiplier toujours plus les infrastructures et le nombre de trains. La saturation des RER doit conduire à s’interroger plus largement sur la façon dont nous nous déplaçons. Dans le respect des compétences de l'autorité responsable des transports, il faudra réfléchir à la manière de favoriser un étalement dans le temps de la pointe matinale.

Au-delà de l'organisation de l'utilisation du réseau, se pose la question de l'aménagement du territoire francilien, qui exige de concilier deux objectifs moins antagonistes qu'ils ne semblent l'être : développer des pôles d'activités polarisées – ou clusters – assez importants et lisibles pour exercer un rayonnement international et rapprocher davantage les logements des emplois, en développant un tissu urbain mixte et accessible. Ces deux logiques doivent être conciliées dans une démarche contractuelle, que j'avais suggéré d'ajouter au schéma que proposait le secrétaire d'État de l'époque et qui consistait à relier des clusters par un métro automatique rapide. Ces contrats sont menés en liaison avec les collectivités, afin d'en faciliter l'appropriation par les parties prenantes. Je veille à ce que le développement économique s'accompagne systématiquement de la production de logements, en privilégiant la densification – certains parlent de « compacité » – et à ce que celle-ci se fasse autour des futurs nœuds de transport du Grand Paris.

Un deuxième outil dont nous disposons consiste à veiller à l'équilibre entre l’habitat et les activités par le biais de la délivrance de l'agrément auquel est soumise toute opération de construction de locaux d'activités de grande ampleur. Une étude de circulation comportant une évaluation du trafic engendré par la construction est alors exigée et l'agrément n'est délivré qu'à la condition que des projets de logements équivalents soient également programmés dans la commune. Le rééquilibrage territorial entre les activités et les logements est un souci constant et s'appliquera nécessairement au futur Schéma directeur de la région (SDRIF), actuellement en révision.

La résolution pérenne des difficultés du RER ne peut passer que par les trois leviers mis en place simultanément : l'amélioration du réseau existant tant en matière d'infrastructures que d'exploitation ; la création d'une nouvelle rocade de métro automatique à grande capacité ; le rééquilibrage du tissu urbain par des projets de développement mixte associant étroitement les logements et les activités.

M. Pierre Morange, rapporteur. Merci, monsieur le préfet, pour cet exposé liminaire qui, à partir d’un constat partagé sur l’état de dégradation du réseau régional, dessine avec pertinence le cadre de la compétition des grandes  régions du monde. C’est d’ailleurs dans ce cadre que s’inscrit ce problème. Il met en évidence la nécessité de parvenir à des concepts globaux d’aménagement du territoire en espaces cohérents.

D’abord, les contrats de développement territorial (CDT) que vous évoquiez sont-ils l’addition d’initiatives particulières – même si elles s’inscrivent dans un cadre général –, ou procèdent-ils d’une vision stratégique de l’aménagement du territoire ?

En deuxième lieu, ces CDT sont-ils une addition de délocalisations d'activités économiques destinées à faciliter le rapprochement entre les logements et les bassins d’emploi ou correspondront-ils à des créations d'activités économiques ?

En troisième lieu, dans le contexte actuel de tension sur le marché immobilier, pourriez-vous préciser les propos que vous avez tenus lors de l’entretien donné au Journal du Dimanche ? Les maires « non bâtisseurs » sont-ils inclus dans le périmètre des CDT ? La participation que vous évoquez est-elle une forme de mutualisation ?

Pour ce qui est, en quatrième lieu, du réseau de transports publics, les coûts de fonctionnement ont-ils été intégrés dans la stratégie de mise en œuvre – et donc dans les enveloppes budgétaires – de la modernisation du réseau existant et du projet du Grand Paris ?

Enfin, face à la congestion complète du réseau de transports régional – sur laquelle tout a déjà été dit – les transporteurs ont-ils déjà procédé à une étude de circulation « origine-destination » qui offrirait une vision cohérente des besoins et permettrait de procéder aux choix techniques les plus pertinents pour améliorer le quotidien de nos concitoyens ?

M. Yanick Paternotte. Au lieu d’un découpage qui nuit à l’efficacité, le recours à un gestionnaire unique pour les lignes A et B du RER ne permettrait-il pas de les « désaturer » plus facilement ?

Par ailleurs, ne sommes-nous pas parvenus aux limites de l'interconnexion, mise en œuvre dans les années 1970 pour permettre de venir travailler à Paris, où les emplois étaient cantonnés ? L’« effet papillon » que représente l’extension toujours croissante d’un réseau aux branches multiples n'est-il pas destructeur et, au lieu de lignes de plus de 100 kilomètres de long, ne faudrait-il pas plutôt ramener les voyageurs sur les radiales de la Grande couronne vers Paris, avec une ambition limitée, sachant, qu'à terme, le Grand Paris permettra les échanges entre les deux réseaux ? Cette démarche permettrait notamment de faire l'économie du tunnel sous le Châtelet, dont le coût, estimé entre 2 et 4 milliards d'euros, n’est pas financé.

En troisième lieu, êtes-vous favorables à la création d’autorités organisatrices de transport (AOT) de second rang, qui pourraient émerger au moins autour des aéroports internationaux d’Orly et de Roissy ? De fait, le rabattement n’est pas bien organisé dans la Grande couronne et les logiques de territoires coupent assez souvent les financements. Ainsi, le village de Roissy étant situé dans le Val-d’Oise et Tremblay, commune mitoyenne, en Seine-Saint-Denis, les financeurs sont différents et les bus desservant les habitants d’un même territoire sont mal connectés.

En quatrième lieu, quelle est votre position sur les projets d’alternative au CDG Express ? Où en est par ailleurs cette connexion indispensable à la métropole francilienne ?

En cinquième lieu, est-il vraiment prioritaire de commencer la connexion du Grand Paris Express – idée extraordinaire au demeurant – par le Sud, où existe déjà le tramway parisien des Maréchaux ? La priorité d'une « ville-monde » qui affiche ses ambitions n'est-elle pas de connecter ses entrées – les aéroports – à la capitale ? Ne faudrait-il pas avant tout connecter Orly et Roissy au cœur des pôles économiques ?

Enfin, est-il possible de gagner le pari consistant à résoudre le problème de saturation dû en grande partie au sous-investissement des vingt à trente dernières années ? La croissance prévue en termes de besoins de déplacements, qui pourrait être de 30 % à 50 %, ne viendra-t-elle pas en effet réduire à néant les gains de 15 % réalisés en matière de « désaturation » ? Ne serons-nous pas à nouveau en retard d'un train ?

On peut donc s'interroger sur la vision stratégique du réseau global et sur les fonds qui lui seront consacrés. L’argent étant rare, ne faut-il pas nous donner des priorités, notamment la connexion des aéroports ? En outre, alors que l’Île-de-France attire les habitants du Sud de l’Oise et de la Picardie et que la région d’Île-de-France finance la liaison entre Roissy et la Picardie, les TER venus de Picardie ne s'arrêtent pas pour autant en Île-de-France.

La loi prévoit qu’un dialogue doit avoir lieu dans le cadre de l’établissement des schémas propres au bassin parisien. Un dialogue sur les transports et les déplacements a-t-il eu lieu entre les préfets des régions riveraines s’agissant du fonctionnement des TER des régions limitrophes, notamment de la Normandie et de la Picardie ?

M. Patrice Calméjane. Les aspects positifs de la mise en œuvre du Grand Paris sont indéniables. Il s'agit toutefois de perspectives à moyen terme. Alors que des moyens financiers considérables ont été mis en œuvre pour le tramway qui entoure Paris, la Cour des Comptes a observé que le gain par rapport à la ligne d’autobus PC n’était que de 5 kilomètres à l’heure. Ces moyens – deux fois 700 millions d’euros – auraient sans doute pu être dirigés davantage vers la modernisation nécessaire du RER.

Le triptyque « logement-travail-transport » est assurément important, mais les outils disponibles dans le Grand Paris, comme la récupération sur plus-value des aménagements pour permettre le financement des modes de transport et des gares autour du Grand Paris, sont-ils suffisants? Alors qu’un financement instantané sera nécessaire, le mode de récupération en décalé posera en effet quelques problèmes.

Par ailleurs, les foires et salons organisés notamment à la porte de Versailles et à Villepinte, qui attirent un public venu parfois de très loin, ne sont pas toujours très bien desservis. Or il importe de conserver à Paris ces salons et toutes les activités qu’ils engendrent, notamment dans l'hôtellerie. Les équipements de notre région capitale sont-ils à la hauteur de ceux que proposent d'autres métropoles concurrentes. ?

M. le président Daniel Goldberg. L'évolution des coûts que vous avez évoquée pour le projet Éole est un phénomène assez général, comme nous avons pu par exemple le constater, au fil des auditions auxquelles nous avons procédé, avec le budget du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord. Les services déconcentrés de l'État ont-ils les moyens de mieux maîtriser les surcoûts de ces projets ? De fait, dans un contexte budgétaire contraint, le doublement du coût d'un projet en modifie évidemment l'utilité sociale.

Pour ce qui est du réseau du Grand Paris Express, l'aménagement prévu par les CDT porte sur le périmètre des gares : si large que puisse être ce périmètre, il ne s'agit pas d'une logique d'aménagement global de l'Île-de-France. En effet, même si vous êtes, en tant que signataire, garant de cette logique, chaque élu local, également cosignataire, se situe quant à lui avant tout – et bien légitimement du reste – dans une perspective d'aménagement de son propre territoire. Comment faire prévaloir la vision partagée d’un aménagement harmonieux et robuste de l’Île-de-France, visant à rapprocher le domicile du travail et à éviter aux Franciliens de « courir après le train » ?

Quant aux gares, qui peuvent avoir des physionomies très différentes – d’un simple tourniquet flanqué d'un distributeur de tickets à des gares de xxie siècle équipées de divers services –, elles ont fait l’objet de discussions approfondies au cours des débats la loi, mais elles n'entrent pas dans le cadre du financement prévu du réseau de transports. C’est là une question qui devra être posée.

En troisième lieu, le Charles-de-Gaulle Express, réactivé depuis la fin de l'année 2011 dans une configuration différente de celle qui avait été précédemment envisagée et qui doit relier Roissy à la Gare de l’Est, n'entrerait-il pas en concurrence avec la partie Nord de la ligne rouge du réseau du Grand Paris, qui assure une liaison entre l'aéroport Charles-de-Gaulle et La Défense ? La question se poserait a fortiori s’il était envisagé d’interconnecter ensuite la Gare de l'Est à Éole pour rejoindre La Défense, car les deux dessertes rejoindraient les deux mêmes points de départ et d'arrivée : Roissy et La Défense. Ce projet vous semble-t-il envisageable ?

Bien que la décentralisation du STIF se traduise par une moindre présence de l'État dans l'organisation des transports en Île-de-France, ma dernière série d'interrogations porte sur les relations entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), qui occupent une grande place dans les travaux de notre commission. L'organisation interne de ces deux établissements qui relèvent largement de la puissance publique, ne nécessiterait-elle pas des améliorations en termes, par exemple, de maîtrise d'ouvrage conjointe, avec des lieux de décision mieux identifiés et sur lesquels l'État pourrait être plus présent ?

Peut-être faudrait-il également revoir, s’agissant tant des infrastructures que du réseau, la répartition des tâches et les relations aussi bien entre RFF et la SNCF qu’entre la RATP et la SNCF ou entre la RATP et RFF. À ce sujet, notre commission parle tantôt d’exploitation complexe, tantôt de désorganisation. Comment l'État pourrait-il intervenir pour que ces deux opérateurs et le gestionnaire des infrastructures aient des relations, sinon de transparence, du moins de compréhension vis-à-vis des usagers moyens des transports franciliens – parmi lesquels figurent aussi parfois les députés ?

M. Daniel Canepa. Pour ce qui est tout d'abord du nombre de contrats de développement territorial, il est actuellement de 18 ou 19. Dix-huit, car certaines collectivités se sont volontairement mobilisées autour de Sénart pour mettre en place un tel contrat, rendu possible hors du cadre du Grand Paris Express par l’importance du projet d’investissement envisagé – en l’espèce une gare TGV –, comme c’est du reste le cas pour le projet de gare Confluence, équipement important potentiellement porté par l'État, le port autonome de Paris et le port d’Achères. Ces approches débordent du cadre strict des rocades du Grand Paris Express et accompagnent de grands projets fondateurs pour la métropole. Un dix-neuvième CDT verra peut-être le jour, car Issy-les-Moulineaux en a exprimé le souhait – mais il faut d'abord pour cela que cette commune s'entende avec d'autres.

Plusieurs protocoles fixant les orientations générales sur lesquelles s'engagent les collectivités locales et l'État ont déjà été signés. Nous en signerons d'autres dans les prochaines semaines. Le projet du Grand Paris est en marche, il avance et il est irréversible.

Les CDT revêtent nécessairement trois dimensions. La première est une vision de ce que le développement du territoire concerné apporte, au-delà de sa stratégie propre, au développement économique global de la métropole. La deuxième est celle des réponses que le contrat apporte aux besoins en matière de logement à l'échelle de la métropole. La troisième est, au-delà de l’apport du Grand Paris Express, sa contribution à l'amélioration de la mobilité.

L'identification d'une stratégie économique visible à la fois pour le territoire et à l'extérieur de celui-ci ne vise nullement à induire une mono-activité, mais à assurer une visibilité à une thématique économique particulière, en cohérence avec les autres. Cette démarche s'appuie sur les réflexions menées à propos des clusters, sur les pôles de compétitivité et sur les différentes politiques menées : il s'agit donc de mettre en cohérence à l'échelle territoriale, un ensemble de politiques publiques qui auront du fait de leur force un effet de développement sur ces territoires et au profit de toute la métropole.

La dimension « logement » est fondée sur une analyse menée précédemment par l'ensemble des acteurs de la région d’Île-de-France et visant à réaliser 60 000 logements dans cette région. En 2011 la loi ayant porté à 70 000 le nombre de logements à construire, il était logique que les 10 000 logements supplémentaires soient situés en priorité sur les territoires relevant des contrats de développement territorial (CDT). Cette méthode nous a permis d'élaborer un outil de territorialisation des objectifs de logements en définissant des points de repère assurant la cohérence des CDT conclus par l'État avec l’objectif défini par le législateur. Il s'agit donc bien de faire plus de logements en vue de renforcer le développement économique.

Quant à la mobilité, elle suppose de mener, au-delà du principe d’un métro rapide qui irrigue ces territoires, un complément de réflexion sur le « transport secondaire » – le transport de rabattement sur les gares principales – et la bonne irrigation des quartiers, afin d’éviter que, comme l'évoquait tout à l’heure M. Paternotte, des quartiers puissent se trouver totalement isolés et connaître des taux de chômage très élevés à proximité de zones de forte activité ménageant des possibilités d'emplois. Cette vision complémentaire du réseau principal doit donc être intégrée dans le troisième volet du CDT afin de mieux assurer l'adéquation entre les emplois, les logements et les activités.

L’AOT de second rang est, dans certains cas, une bonne réponse pour une meilleure adaptation et une meilleure vision locale du transport – du moins sous réserve qu'aucun déficit d'exploitation ne soit reporté sur « la maison mère ». C’est la raison pour laquelle j’ai encouragé l'adoption d’une telle AOT pour Saclay, où elle se justifiait. Il serait également justifié que le grand Roissy fasse aussi l’objet d’études en ce sens.

Pour ce qui est des gares, nous avons lancé une réflexion visant à associer tous les partenaires intéressés afin d’identifier des lieux emblématiques qui pourraient être autant d'éléments de visibilité forte. De même que Paris intra-muros s'est illustrée jadis avec des gares symboliques d'un point de vue tant historique qu’architectural, une réflexion s’impose aujourd’hui en vue de construire les gares du xxie siècle, qui doivent à la fois être des lieux de visibilité, appuyés sur des études d'architectes et d'urbanistes, et des lieux de multifonctionnalité où se combineraient mobilité, commerces, culture et prestations de services. Il ne faut pas exclure que l'élaboration de ces gares nouvelles, associant des activités très différentes, fasse appel à de nouveaux modes de financement, et des partenariats public privé pourraient ainsi être conclus pour certaines gares à caractère symbolique – soit, sur les 57 gares prévues, la dizaine de celles qui représentent des nœuds importants. L’on ne peut que se réjouir de constater que le thème a suscité un grand intérêt : la SGP a engagé des études et mis en place des comités de pilotage, tandis que la SNCF s'est renforcée en interne pour mener cette réflexion.

Les CDT sont cependant loin de se limiter au périmètre des gares, qui a été visé par le législateur comme permettant de mettre en œuvre cet outil particulier qu’est la Société du Grand Paris (SGP), destinée à être acteur sur ces territoires, mais cela n’exclut en rien l'ensemble du territoire concerné. C'est d'ailleurs le cas des CDT sur lesquels nous travaillons.

Le défunt CDG-Express, projet porté naguère par une entreprise privée, n’a pas abouti, mais les ministres ont relancé la réflexion et m'ont confié le soin de la mettre en œuvre, ce qui sera chose faite pour le 21 février. Il nous est apparu que cette ligne devait relier l’aéroport Charles de Gaulle à Paris et les grands opérateurs ont désormais accepté les conditions techniques de cette liaison, qui arrivera à la Gare de l’Est, verra son tracé faire une « virgule » et se verra doter de voies supplémentaires pour ne pas encombrer cette aérogare. Nous avons également bien avancé sur les éléments financiers. Restent donc à voir les éléments juridico-financiers.

Il me semble, et cet avis est partagé par tous les acteurs qui étudient ce dossier, qu'il n'y a pas de concurrence entre les deux lignes. De fait, le Charles-de-Gaulle Express, qui reliera l'aéroport Charles-de-Gaulle et Paris intra-muros sans arrêt et pour un prix supérieur à 20 euros, c’est-à-dire plus cher que le trajet en RER, s’adressera à une clientèle d’affaires ou de tourisme. Il n'existe du reste pas de liaisons directes entre la Gare de l'Est et La Défense et les voyageurs qui emprunteront le Charles-de-Gaulle Express le feront essentiellement pour se rendre le plus rapidement possible dans le centre de Paris avec un confort équivalent à celui que proposent les lignes reliant les grands aéroports internationaux aux capitales qu'ils desservent. Je me suis d'ailleurs toujours employé à expliquer aux différents ministres compétents qu'il n'y avait pas de concurrence entre ce que l’on appelle aujourd’hui Grand Paris Express et ce qu’était alors le CDG Express. C'est la raison pour laquelle j'ai pris la responsabilité de prononcer une déclaration d'utilité publique (DUP), qui a certes fait l'objet d'attaques, mais a finalement été validée par le Conseil d'État.

La question relative aux relations entre les préfets de région appelle une réponse nuancée. Des relations de parfaite collaboration sont établies avec les préfets de région de Normandie, car la logique du Grand Paris associe les deux Normandie et fait écho à une future ligne à grande vitesse. Je travaille par ailleurs avec mon collègue de Champagne Ardenne sur certaines liaisons, notamment sur le problème de l'électrification de la ligne Paris-Troyes – ou Paris-Bâle. Les liens sont cependant moins continus avec la Picardie, alors que le Grand Roissy comporte une forte dimension picarde ; cette question aura, je l'espère, un regain d'actualité avec la mise en place, le 14 février, d'une gouvernance du Grand Roissy.

Je plaide pour un peu d'indulgence quant à l'augmentation des coûts car tous les grands investissements, notamment publics, connaissent toujours un coefficient de majoration entre le point de départ et le point d'arrivée – je ne connais pas d’exemple du contraire.

Pour tenter de contenir ces coûts, trois éléments sont nécessaires. Il faut en premier lieu du courage : celui de résister aux différents appétits qui se manifestent. De fait, si on joue le jeu, les débats publics et les échanges qui constituent la démocratie locale se traduisent généralement plutôt par des augmentations que par des diminutions des coûts. C'est le cas d'Éole, pour lequel a été demandée une gare supplémentaire, parfaitement justifiée sur le plan territorial, mais dont il faudra assumer le coût. Il faut donc savoir dire « non » à certaines demandes !

Le deuxième élément consiste à mieux anticiper les réponses et, pour ce faire, prêter une grande attention aux études préalables. Je veille toujours à éviter de faire des études sans motif – ce qui peut être un excellent moyen de ne pas agir –, mais le risque de dérapage financier est encore plus grand si nous n'en faisons pas.

Il convient également d’être lucides quant aux délais, afin d’éviter les dérapages du calendrier. Ils se traduisent toujours par des augmentations des coûts. C'est la raison pour laquelle nous mettons en place, pour Éole, des groupes assurant un suivi attentif et régulier.

Les relations entre la RATP, la SNCF, RFF, l’État et le STIF – car il faut désormais tenir compte de cet acteur de premier plan – sont complexes. Plus les acteurs sont nombreux, plus il est nécessaire de coordonner – et donc de savoir qui doit avoir cette responsabilité de coordination, dans le cadre de répartitions de compétences d’une rare complexité et où le seul « juge de paix » est l’usager. On pourrait envisager de revisiter la répartition des compétences entre la RATP, la SNCF et RFF, mais il est d’autant plus difficile de différencier les territoires, déjà fortement imbriqués, que les ego en jeu compliquent encore les relations. Une telle révision concernant la SNCF et RFF était d’ailleurs l’une des conclusions des réflexions lancées récemment sur le ferroviaire. Cette question est régulièrement abordée au conseil d'administration de la SNCF, dont je suis membre, et cette entreprise souhaite déplacer le curseur, jugeant que la réforme n'a pas été menée jusqu'à son terme. Les progrès réalisés notamment à propos de la ligne B du RER ne suffisent peut-être pas et une unité de vue pourrait être nécessaire. La question est devant nous.

Quant à savoir si nous avons eu une vision stratégique, il me semble que cela n'a guère été le cas depuis vingt-cinq ans. La dernière vision stratégique me paraît avoir été celle de mon prédécesseur Paul Delouvrier. Depuis lors, on a « tiré » sur les lignes pour adapter le réseau à l’éloignement croissant des habitants chassés par le coût du foncier, ce qui fragilise beaucoup le système de transports – c’est l’« effet papillon » évoqué tout à l’heure : un problème à un bout de la ligne se répercute sur l’ensemble. Ce constat fait l’unanimité, et il nous faut nous interroger sur l’efficacité de l’unité de la tarification – ceux qui habitent loin ne paient pas plus cher – pour prévenir l’étalement urbain. Peut-être faut-il aussi savoir couper ou réduire certaines lignes, plutôt que de continuer à les fragiliser en les prolongeant, mais la décision de substituer un autre mode de transport au RER dont bénéficiaient certains usagers pour faciliter le fonctionnement global du réseau n’est pas sans poser des problèmes. Une réflexion s'impose également sur les dessertes qui se brancheront sur les nouveaux modes de transport prévus.

Il reste donc « du grain à moudre » en termes de réflexion globale. De plus, le transport n'a plus véritablement de pilote – ou plutôt, il en a plusieurs –, ce qui complique la réflexion.

M. Pierre Morange, rapporteur. Vous n’avez pas répondu à ma question sur les maires bâtisseurs et la pénalité financière à laquelle s'exposeraient les maires non bâtisseurs. Cette question a des incidences politiques importantes.

Par ailleurs, au-delà des contrats de développement territorial que vous évoquiez, comme le beau projet Confluence, qui prévoit une grande plate-forme multimodale à Achères, ou les projets de ligne Éole et de ligne à grande vitesse entre Paris et la Normandie, le maire d’une commune des Yvelines que je suis voudrait vous interroger sur les liaisons de banlieue à banlieue, et tout particulièrement sur la tangentielle Ouest, dont il est urgent d’accélérer le prolongement entre Saint-Germain-en-Laye et Cergy.

M. Daniel Canepa. Les aides aux maires bâtisseurs sont une idée que je suis pratiquement seul à porter, mais toute idée semée est un jour reprise ! Bon nombre des collectivités locales auxquelles je demande de construire davantage de logements seraient prêtes à le faire, mais objectent que l'afflux de populations nouvelles impliquera la mise en place d'équipements nouveaux, laquelle pèsera sur les moyens financiers limités dont elles disposent et accroîtra leur endettement. En outre, l'augmentation de la population a sur le plan financier un « effet retard » et le coût croît plus rapidement que l'hypothétique recette.

J'ai donc imaginé de fournir aux maires bâtisseurs une aide tenant compte de cette situation et nous avons rédigé un texte en ce sens. De fait, bien que la rédaction de textes ne relève ordinairement pas de la responsabilité du préfet de région, l’administration n’était pas pressée de modifier tant soit peu les dotations globales et j’ai donc dû opérer en solitaire.

L'aide aux maires bâtisseurs est la façon positive de présenter cette idée. On peut aussi évoquer, sous l'angle négatif, un système de bonus et malus. Dans un contexte financier très contraint, en effet, donner plus aux uns suppose de donner moins aux autres – ceux qui ne s’intègrent pas bien dans la dynamique voulue par le législateur, c’est-à-dire ceux qui ne construisent pas, ou pas assez. Je suis persuadé que l'objectif de 70 000 logements qui est ambitieux si l’on songe que 41 000 ont été construits cette année et que ce chiffre est de surcroît le plus élevé depuis des années, ne pourra être atteint sans un accompagnement. Le législateur demandera un jour très légitimement des comptes à propos de la réalisation d'un objectif fixé par la loi. L’aide aux maires bâtisseurs est un moyen d'atteindre cet objectif.

Quant à la tangentielle, elle figure dans le projet de protocole que nous sommes en train d'élaborer. La question de la participation de Saint-Germain-en-Laye a encore été évoquée hier.

M. le président Daniel Goldberg. Monsieur le préfet, je ne peux que souscrire, en mon nom personnel, à votre souci d’aider les maires bâtisseurs. Je pense d’ailleurs que de nombreux membres de la commission d’enquête y souscrivent, tant il est nécessaire de penser à l’adéquation entre les logements, les transports et les activités économiques pour permettre à nos concitoyens franciliens de vivre le mieux possible. Je vous remercie.

——fpfp——

Audition de M. Sébastien Genest, vice-président de France Nature Environnement, et de M. Pierre-Jean Rozet, conseiller confédéral CGT, membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE), ainsi que de M. Daniel Rabardel, vice-président de la commission des Transports, et de Mme Nadine Barbe-Ursulet, chargée de mission auprès du président du Conseil économique, social et environnemental régional d'Île-de-France (CESER)

(Séance du mardi 7 février 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Nous recevons aujourd'hui des représentants du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Conseil économique, social et environnemental de la région d’Île-de-France (CESER) : pour l'instance nationale, M. Sébastien Genest, vice-président de France Nature Environnement, et M. Pierre-Jean Rozet, conseiller confédéral CGT, tous deux membres de la section de l'aménagement durable des territoires ; pour l'instance régionale, M. Daniel Rabardel, vice-président de la commission « Transports », et Mme Nadine Barbe-Ursulet, chargée de mission auprès du cabinet du président.

Madame, Messieurs, la commission d'enquête vous remercie de votre présence. Vos propos nous permettront de compléter utilement non seulement les informations recueillies lors des précédentes auditions mais aussi lors de nos déplacements puisque nous avons ainsi emprunté, hier, la ligne A du RER afin de mieux évaluer ses dysfonctionnements.

Nous souhaiterions que vous puissiez nous présenter l'action de vos deux institutions s’agissant des transports franciliens et, en particulier, du RER. À ce titre, je sais combien le CESER s'est engagé sur la question de l'accessibilité des personnes handicapées aux transports en commun. Un avis a d'ailleurs été adopté en novembre dernier à ce propos.

Monsieur Rabardel, en 2007, vous avez co-rapporté un avis sur l'évolution du rôle et des compétences du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF). Près de cinq ans après la publication de votre rapport, comment jugez-vous l’évolution, l’action et les prérogatives de ce dernier ? L'autorité organisatrice vous paraît-elle en mesure d'exercer pleinement les compétences qui lui sont dévolues ?

Plus généralement, je ne peux m'empêcher de solliciter votre avis sur les projets du Grand Paris Express et sur le volet « transports » du Schéma directeur de la Région d’Île-de-France (SDRIF). De même, que pensez-vous des réflexions sur la mise en place d'une tarification unique sur le réseau francilien ? Une telle option vous paraît-elle souhaitable et même réalisable ?

Enfin, l'un des objectifs de cette commission d'enquête étant d'analyser l'impact environnemental du projet de rénovation du RER d'Île-de-France, comment appréciez-vous les projets de modernisation du réseau ?

Voilà quelques premières questions qui vous permettront de guider votre exposé liminaire. Pierre Morange, rapporteur de la commission d'enquête, prendra ensuite la parole afin de vous poser des questions complémentaires, de même que les collègues qui le souhaiteront.

Conformément à l’article 6 du 17 novembre 1958, M. Sébastien Genest, M. Pierre-Jean Rozet, M. Daniel Rabardel et Mme Nadine Barbe-Ursulet prêtent serment.

M. Daniel Rabardel, vice-président de la commission « Transports » du Conseil économique, social et environnemental de la région d’Île-de-France (CESER). C’est un honneur pour Mme Nadine Barbe-Ursulet, chargée de mission auprès des commissions des Transports et du Débat public, et pour moi-même que d’être auditionnés par l'Assemblée nationale.

Seconde assemblée régionale, le CESER est une instance consultative composée de 128 membres de la société civile organisée. Placé par la loi auprès du conseil régional, il représente le monde économique, social, associatif et environnemental. Ces membres se répartissent dans onze commissions thématiques et une section en charge de la « prospective et planification »

Le CESER produit des rapports et émet des avis sur les thèmes relatifs aux domaines de compétence de la région. Ses travaux sont entrepris soit sur saisine du président de la région, soit en auto saisine sur des sujets concourant au développement de l'Île-de-France. Une vingtaine de rapports et avis environ sont ainsi rédigés chaque année.

Le CESER s'est depuis longtemps impliqué dans les questions relatives aux transports, tant en qui concernent les modes individuels – la route, les circulations douces – que collectifs – transport des personnes ou des biens, activités dont l'impact sur l'aménagement du territoire régional est déterminant. Le CESER considère qu'il s'agit là d'une activité essentielle à la qualité de vie des Franciliens, à la marche des entreprises, à l'essor économique, social et environnemental de la région, et qui constitue un levier en faveur d’une plus grande équité territoriale, pour l’attractivité de la région.

Les questions relatives aux transports sont traitées principalement au sein de trois commissions thématiques : la commission des Transports ; la commission de l'Aménagement du territoire ; la commission des Finances et du plan. Les rapports et avis de ces commissions comportent un certain nombre de considérations et de recommandations relatives aux transports régionaux, dont le RER.

Cela étant, les avis émis par le CESER, à son niveau et dans le cadre de ses missions, sont naturellement de portée générale. Leur objectif est d'apporter aux décideurs l'éclairage de la société civile sur des questions qui, s'agissant des transports, relèvent en premier lieu de l'autorité organisatrice unique des transports de la région, le Syndicat des transports d’Île de France (STIF), ainsi que des opérateurs.

Ainsi le CESER s'est principalement impliqué, au cours des cinq dernières années, dans les dossiers suivants : le financement et la gouvernance des transports en Île-de-France ; le schéma directeur de la région (SDRIF), à l’élaboration duquel il a été étroitement associé ; le plan de déplacements urbains (PDU) ; le réseau de transport du Grand Paris ; l'accessibilité aux transports collectifs.

Dans le cadre des débats publics sur les infrastructures lancés par la Commission nationale du débat public (CNDP), le CESER a par ailleurs réalisé des « cahiers d'acteurs » dont certains portent sur des opérations ayant trait au RER comme, par exemple, le prolongement à l'ouest de la ligne E du RER en 2010.

Selon notre assemblée, le réseau de transports collectifs constitue un atout majeur de l'aménagement de la région et de sa compétitivité. Le RER en est l'ossature car il permet, comme l'indiquait le Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) de 1965, de répondre aux besoins de la population et des entreprises. Dans ce document, il était écrit que la région devait se doter d'un réseau autoroutier et d'un réseau ferroviaire rapide entre les villes nouvelles et avec Paris.

Si le réseau routier a été en grande partie réalisé, le réseau rapide ferroviaire l’a quant à lui été « à l'économie ». La transversale Est / Ouest a vu le jour – le RER A – mais les deux transversales Nord / Sud ne répondent pas aux prévisions d'origine : l'une devait relier la Gare de Lyon à la Gare du Nord par la République, et l’autre Saint-Lazare à Montparnasse. En fait, nous avons la ligne D avec un tunnel commun avec la ligne B et la ligne 13 entre Saint-Lazare et Montparnasse par la jonction de deux lignes de métro à gabarit plus réduit que celui du RER avec les conséquences que l'on connaît sur cette ligne. Par ailleurs, les liaisons appelées tangentielles n'ont pas été réalisées.

Aujourd'hui, la réalisation du Grand Paris Express, que nous soutenons, est à même de répondre en partie à la demande de transport, notamment de banlieue à banlieue, mais elle ne pourra répondre aux besoins de la grande couronne – je pense à la Seine-et-Marne, au sud de l'Essonne ou au Val d'Oise.

Mais il est tout aussi important d'améliorer l'exploitation du réseau existant, RER et Transilien, en prenant des mesures de renforcement de l'exploitation et d'augmentation des capacités de certaines gares pour effectuer des retournements en cas d'incidents comme cela devrait se faire pour la ligne E.

La configuration du réseau actuel nécessite aussi la réalisation du tunnel sur la ligne D entre Châtelet et Gare du Nord.

La mise en oeuvre progressive des schémas directeurs des RER devrait également, dans un premier temps, améliorer leurs tronçons centraux respectifs mais ces améliorations seront certainement insuffisantes au regard de l'évolution de la mobilité et du respect des objectifs du plan de déplacements urbains de l’Île-de-France (PDUIF).

Cela implique des besoins de financement croissants.

Les nouveaux enjeux de transport, en regard des mutations urbaines – poursuite du polycentrisme et développement de l'urbanisation en moyenne et grande couronne – et l'évolution tant quantitative que qualitative des déplacements conduisent à prévoir un doublement de la demande en transports collectifs à l'horizon 2020. Cette perspective, qui s'inscrit dans la dynamique du développement durable portée par les autorités publiques, situe les efforts à consentir pour accompagner voire anticiper cette évolution, tant en investissement qu'en fonctionnement. S'agissant de la moyenne couronne et de la grande couronne, il est compréhensible que l'accent soit mis prioritairement sur le réseau ferroviaire, le Transilien et le RER.

En matière d’investissement, pour répondre à la fois aux besoins de rattrapage et aux objectifs de développement de l'offre, le CESER considère qu'il faudrait doubler les dotations actuelles d'ici à 2020 pour les infrastructures de transport, ce qui implique un changement d'échelle comparable à celui consenti dans les années 70 et les décennies suivantes pour constituer le réseau du RER actuel.

En ce qui concerne le fonctionnement, le CESER réaffirme son attachement au principe d’un dispositif de financement associant la participation directe du voyageur, le versement transport (VT) par les entreprises et des contributions publiques. Il considère par ailleurs qu’il est nécessaire de contenir l'érosion des recettes tarifaires.

La gouvernance du système de transport collectif doit être préservée, mais il faut aussi lui permettre d’évoluer

Pour le CESER, il demeure essentiel que le STIF, en tant qu'autorité organisatrice des transports collectifs en Île-de-France, adossée à l’entité politique régionale et prenant appui sur une large base collégiale, voit son rôle de garant de la cohérence et de l'unicité du système des transports collectifs francilien non seulement préservé mais renforcé, avec des moyens et des ressources appropriés.

Cela étant, le CESER considère qu'en regard des évolutions tant démographiques qu'institutionnelles de l’Île-de-France, notamment en matière de décentralisation, le STIF, doit, ainsi que le permet la loi, aller plus loin dans les délégations à accorder à des autorités organisatrices de proximité. Simultanément, son rôle stratégique d'autorité régionale en charge d'assurer en cohérence le développement des réseaux « structurants » de transport collectif, dont le RER, doit se voir conforté.

Depuis 2004, le CESER s'est particulièrement impliqué dans le processus de révision du SDRIF, adoptant six avis, entre décembre 2004 et septembre 2008, traduisant les aspirations et les attentes des Franciliens en mettant notamment en évidence les besoins de la population en matière de transports collectifs en lien avec le développement urbain. En ce sens, le CESER souligne la nécessité d'une articulation forte entre politiques d'aménagement et de transport.

S'agissant plus précisément du RER, le CESER juge que l'extension à l'Ouest de la ligne E, aujourd'hui décidée, non seulement permettra de renforcer et d'élargir l'accessibilité au pôle économique majeur de La Défense mais, de plus, contribuera à soulager la ligne A du RER et la ligne 1 du métro, aujourd'hui saturées.

Plus largement, dans la compétition accrue que se livrent les métropoles de rang mondial, le CESER considère comme un atout pour la « région capitale »l'existence d’une offre diversifiée de transports collectifs. Il préconise le renforcement des connexions avec les grands réseaux d'échanges européens et mondiaux – TGV, aéroports – de nature à faciliter l'accessibilité aux grands pôles régionaux. Il soutient en particulier le projet d'interconnexion Sud des TGV avec une gare à Orly et une gare à Sénart, des gares connectées au RER D.

Le PDUIF (plan de déplacement urbain d’Île-de-France), qui définit les principes de l'organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement en Île-de-France, est un document qui, contrairement aux autres, concerne l'ensemble de la région, ce qui nous semble très positif. Ainsi, le CESER soutient le projet de PDUIF qui entend apporter des éléments de réponse pour améliorer la situation à travers trois thématiques principales.

Tout d’abord, une réduction de 20% des émissions des gaz à effet de serre d'ici à 2020 obtenue par un recul significatif de l'usage de la voiture particulière, des deux-roues motorisés et des poids lourds polluants, et ce dans un contexte d'augmentation des déplacements de l’ordre de 7%.

Ensuite, une augmentation de la mobilité des personnes : le PDUIF vise une croissance de 20% des déplacements en transports collectifs par rapport à la situation actuelle, de 10% pour les modes actifs – piétons et vélos –, et une diminution de 2% des déplacements en voiture et deux-roues motorisés.

Enfin, pour le transport de fret, les objectifs poursuivis s'attachent, pour la période 2010 à 2020, au maintien des surfaces logistiques multimodales constitutives de l'armature logistique régionale, notamment en zone centrale. Cela implique de réserver des sillons pour le fret si l'on veut répondre aux besoins des entreprises et contribuer à la diminution de la part du « routier » ayant une origine et/ou une destination en Île-de-France, ainsi que de la part des camions et des véhicules utilitaires légers les plus polluants.

Le CESER propose également de favoriser les transports collectifs grâce à certaines mesures qui s'appliquent évidemment au RER. Au-delà d'une indispensable amélioration de la qualité de service au sens large – régularité, cadencement, amplitude, fréquence –, des mesures doivent être prises pour que soient dimensionnés les aménagements, les équipements et les accès – entrée et sorties – en fonction des évolutions prévisibles de la demande. Il faut aussi adapter l'offre pour favoriser l'accessibilité aux pôles d'emplois, notamment depuis les territoires les plus enclavés. Il convient également de mieux prendre en compte l'augmentation continue des déplacements liés aux achats et aux loisirs.

Nous pensons également qu'il faut aller plus loin dans l'intégration tarifaire afin de favoriser l'inter modalité sans pour autant souhaiter une tarification unique. Nous restons en effet réservés sur la tarification unique pour deux raisons : d’une part, le risque est grand d’urbaniser la partie la plus éloignée de la région, ce qui soulèverait de nouveaux problèmes de transport; d’autre part, une augmentation de la tarification en zone centrale pénaliserait les populations en difficulté vivant dans la première couronne.

Ces propositions du CESER n'ont qu'un but : enrichir la réflexion après l'approbation du STIF mais avant la décision du conseil régional qui devrait avoir lieu la semaine prochaine sur deux enjeux majeurs. Le premier de ces enjeux concerne l’alternative à l'usage des modes individuels motorisés. Le second est relatif à la diminution du transport routier de transit en Île-de-France, en particulier dans la zone dense, grâce à la mise en oeuvre du contournement ferroviaire et routier au sein du Bassin parisien ainsi qu’à la réalisation de Seine Nord Europe dès 2017. Au-delà des bénéfices qu'un tel objectif apporte à chaque Francilien en termes de réduction des nuisances, il doit permettre également de fluidifier le trafic au bénéfice de l'activité économique et touristique de la région.

S’agissant du Grand Paris Express, projet qui « s’enracine dans la durée », le CESER adhère aux quatre objectifs fixés dans celui-ci: améliorer le fonctionnement quotidien des transports collectifs en facilitant les déplacements de banlieue à banlieue ; soutenir le développement économique ; promouvoir une nouvelle politique urbaine ; désenclaver des territoires marginalisés notamment à l'est de la Seine-Saint-Denis.

Il considère que ce projet répond au souhait de cibler l'effort d'investissement en matière de transport collectif principalement sur la structuration des territoires stratégiques de l'Île-de-France, sur l'amélioration de leurs relations ainsi que de leurs liaisons avec le cœur de l'agglomération. Il considère également que cette nouvelle infrastructure, en captant les déplacements de banlieue à banlieue, soulagera partiellement le réseau existant, aussi bien le RER que les extensions du métro.

Pour autant, le CESER considère que le réseau de transport public tel que conçu par le Grand Paris ne doit pas se faire au détriment des investissements déjà programmés pour améliorer les réseaux existants ou réaliser d'autres projets. Il juge, à cet égard, que le projet du Grand Paris Express qui une synthèse car il prend appui à la fois sur le projet lancé par le secrétariat d’État chargé du développement de la région capitale et sur le plan de mobilisation pour les transports soutenu par la région d’Île-de-France – en lien avec les collectivités locales –, représente un bon compromis.

Le CESER rappelle aussi l'importance que revêtent à ses yeux : la connexion, comme c’est le cas pour de nombreuses capitales, du système aéroportuaire avec le cœur de l'agglomération grâce à des liaisons rapides spécifiques entre chaque aéroport et le centre de l'agglomération ; le raccordement avec les gares de TGV existantes ou à venir ; la desserte du pôle scientifique de Saclay et du parc international des expositions de Villepinte ; le maillage avec les transports collectifs existants et projetés, en particulier le prolongement à l'ouest de la ligne E du RER.

S'agissant de l’accessibilité des RER et du Transilien aux personnes à mobilité réduite (PMR), la situation rencontrée est assez différente selon que l'on se situe sur le réseau RATP ou sur le réseau RFF/SNCF.

En ce qui concerne le réseau à gabarit ferroviaire – RER, Transilien –, la problématique de l'accès au train demeure très complexe car le réseau ferroviaire a été construit depuis le milieu du 19ème siècle selon des modalités très différentes. Le relèvement des quais a soulevé, dès l'origine, une difficulté liée au gabarit ferroviaire pour les transports de marchandises et plus précisément pour les transports militaires. À partir des années 1970, en Île-de-France, les quais des gares les plus importantes ont été portés à 92 centimètres afin de faciliter les montées et les descentes. Parallèlement, le matériel roulant a évolué avec la généralisation des rames à deux niveaux avec une hauteur de plancher, au niveau des portes, de 97 centimètres. Cependant, il subsiste dans tous les cas une lacune horizontale inhérente au gabarit ferroviaire à respecter.

Enfin, les gares en courbe soulèvent un problème particulier puisque, si la ligne est parcourue par des trains à vitesse élevée, la voie doit être inclinée – c’est ce que l’on appelle le devers – afin de limiter les efforts centrifuges exercés sur les rails extérieurs, ce qui induit une difficulté supplémentaire pour les passagers.

La Commission européenne a validé la spécification technique d'interopérabilité (STI) relative aux PMR élaborée sous l'égide de l'Agence européenne d'interopérabilité ferroviaire (AEIF) : « Dans le système ferroviaire transeuropéen conventionnel et à grande vitesse, cette STI PMR détermine la lacune maximale admissible, un dispositif d'aide à l'embarquement et au débarquement devant être prévu pour permettre l'embarquement ou le débarquement d'un voyageur en fauteuil roulant, sauf s'il est démontré que le vide entre le seuil de la porte et le bord du quai ne dépasse pas 75 millimètres horizontalement et 50 millimètres verticalement. »

Sur les réseaux d’Île-de-France, c'est donc le principe d'une « palette comble lacune rétractable » qui a été retenu pour l'équipement des trains et RER – ce qui suppose que les quais soient suffisamment rehaussés pour permettre un accès en totale autonomie –, de préférence à l'utilisation d'un élévateur depuis les quais. Sachant que la durée de vie des RER et des trains est très longue – 30 voire 40 ans –, l'échéance de la mutation vers un parc de matériels totalement accessibles est donc très éloignée.

S’agissant des contraintes organisationnelles sur les réseaux ferrés, il convient de préciser que la loi de 1997 a fait de la SNCF le « gestionnaire d'infrastructure délégué » pour le compte de RFF. Mais nous sommes confrontés à un autre type de difficultés : la multiplicité des intervenants et des décideurs. En effet, si dans le cas du réseau RER / RATP la structure qui commande les matériels roulants et les fait rouler est la même entreprise que celle qui gère les infrastructures et engage les travaux d'aménagement des quais, la situation est un peu différente sur le réseau du Transilien où c'est RFF qui gère l'infrastructure, la SNCF étant déléguée. Par « infrastructure », il faut entendre tout ce qui est nécessaire pour assurer la libre circulation des convois et, à ce titre, les quais de desserte ainsi que leurs équipements pour les voyageurs. En revanche, les gares sont restées dans le domaine de gestion de la SNCF.

Le STIF s'est engagé sur une programmation raisonnée de mise en accessibilité, en privilégiant les gares les plus fréquentées tout en garantissant une continuité territoriale de l'accessibilité sur l'ensemble de l'Île-de-France.

L'étude du Schéma directeur d’accessibilité (SDA) a défini un réseau de référence de 266 gares – sur un total de 455 – qui captera 97% du trafic ferroviaire francilien à l'horizon 2015 car il est impossible d’offrir sur la totalité du réseau ferré une accessibilité en toute autonomie à cet horizon : d'une part, la rénovation ou le renouvellement du matériel sera postérieur à 2015 ; d'autre part, les délais de mise en oeuvre des travaux sont longs – quatre ans en moyenne – et les capacités financières limitées.

Les efforts financiers et les moyens humains à déployer pour mettre aux normes les réseaux de transports en Île-de-France sont toutefois sans équivalents dans l'histoire des transports franciliens.

Sur près de 250 gares du RER, la RATP en exploite 65, qui sont relativement modernes et, surtout, avec des infrastructures totalement dédiées. La SNCF exploite quant à elle 184 gares RER, mais, dans leur grande majorité, elles sont pratiquement restées dans l'état où elles étaient au début du 20ème siècle et, surtout, aucune ligne du RER / SNCF – propriété de RFF – ne dispose encore d'infrastructures dédiées. Les voies de circulation sont donc empruntées par d'autres types de trains, lesquels imposent des contraintes supplémentaires.

Le CESER a fait plusieurs constatations.

L'effort réalisé par le STIF et par la région d’Île-de-France sur le plan financier est considérable et sans précédent. L'implication de la RATP, de la SNCF et de RFF est réelle et à hauteur de la complexité des travaux à réaliser sans interrompre l'exploitation.

Toutefois, ces efforts sont contrariés par une prise en compte insuffisante de la part des communes de l'importance de la notion de « continuité du cheminement » : il ne suffit pas de rendre les trains accessibles, encore faut-il pouvoir accéder aux gares.

Est également en cause la multiplicité des acteurs qui peinent à se coordonner faute de « chef d'orchestre », le STIF n'ayant pas les compétences légales pour assurer une telle coordination.

De même, lorsque des communes réalisent des efforts pour aménager des cheminements sur les trottoirs et les espaces publics, ceux-ci sont souvent contrariés par le mauvais comportement des riverains – avec, par exemple, l’occupation des trottoirs par des deux-roues.

Nous avons également relevé quelques points importants bien que de portée plus ponctuelle : la méconnaissance des PMR susceptibles de se déplacer en Île-de-France, que ce soit leur nombre mais aussi de leurs situations particulières, l’uniformité de la prise en compte des besoins d'accessibilité alors qu'ils sont différenciés selon les PMR – personnes en fauteuil roulant, malvoyants, etc. ; la consultation peu aisée du système d'information – cartographie sur INFOMOBI et sur les sites des exploitants –, sachant cependant que le STIF a un programme ambitieux et coûteux de rénovation de l'information ; les lacunes du « service de substitution », lequel est incomplètement assuré par le réseau des bus pour des raisons de tarification.

Ce sont ces différents constats qui ont orienté le vote de l'avis par l'assemblée plénière du CESER d’Île-de-France.

La question des déplacements constitue l'une des constantes des politiques d'aménagement de I’Île-de-France. C'est un sujet majeur sur lequel le CESER s'exprime régulièrement et qui fait l'objet de nombreux rapports traitant directement ou indirectement de ce problème.

Cela étant, même si l'accent doit être mis davantage sur les transports collectifs que sur les modes individuels, il n'en demeure pas moins qu’il convient de mettre en avant le concept de l'unité de la région urbaine avec l'objectif de faire jouer aux transports un rôle moteur dans la réduction des inégalités sociales et territoriales. À cet égard, le RER occupe certes, à son échelle, une place centrale mais ce qui doit, selon nous, prévaloir, c'est la bonne articulation avec les autres transports dans le cadre d'une politique des déplacements qui donne du sens à l'unicité de la région capitale.

M. Sébastien Genest, vice-président de France Nature Environnement, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Nous vous remercions pour votre invitation et nous espérons que nos travaux et nos réflexions pourront vous aider même si, comme le Président Delevoye vous l’a dit, ils ne sauraient être en l’occurrence aussi précis que ceux du CESER d’Île-de-France.

M. Rozet et moi-même sommes co-rapporteurs d’un avis sur le SNIT, le Schéma national des infrastructures de transport, qui sera discuté en réunion plénière à la fin du mois. Vous comprendrez donc que nous ne puissions en dévoiler l’essentiel même si nous pouvons toutefois vous faire part d’une première analyse concernant directement les problèmes rencontrés en Île-de-France s’agissant des infrastructures existantes ou de leur développement. L’éclairage que nous proposons peut s’avérer intéressant, dès lors qu’il nous oblige à prendre un peu de recul.

S’agissant du SNIT et de la dimension « fret » et « voyageurs », le Parlement a validé de nouvelles orientations, tant en ce qui concerne l’aménagement du territoire que la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou, plus généralement, les impacts environnementaux que s’agissant des aspects socio-économiques inhérents à cette problématique. Or, comme nous l’avons constaté auprès de nombre d’acteurs, ce SNIT constitue peut-être un exercice impossible à court terme.

M. Hervé Mariton, votre collègue, l’a rappelé : au-delà des objectifs, la question financière se pose. Or, dans le contexte que nous connaissons, il sera d’autant plus essentiel d’être attentifs à la définition des choix à opérer que nous ne pourrons nous offrir le luxe de nous tromper. Il importe, notamment en Île-de-France, de déterminer des critères permettant de hiérarchiser les projets retenus et de programmer ces derniers dans la plus grande clarté sur les cinq années d’une législature afin que l’on puisse connaître les modalités de réalisation des projets engagés pour pouvoir les adapter. C’est ainsi qu’il sera possible d’améliorer un schéma de planification, qui est certes important mais dont on constate aujourd’hui les limites.

En outre, contrairement au CIADT de 2003, consacré essentiellement aux projets de développement des infrastructures, le SNIT concernera également l’entretien et la modernisation de ces dernières, tant en ce qui concerne le fret que les voyageurs, mais aussi les transports collectifs en site propre (TCSP) ainsi que le projet de Grand Paris, qui y a été intégré au dernier moment – mais sur un volet très limité, puisque deux pages seulement sur les 214 que compte le SNIT lui sont consacrées alors que le montant estimé de l’opération s’élève à 30 milliards d’euros. Il était d’ailleurs étonnant qu’il n’y figurât pas compte tenu de son impact national et alors que le SNIT s’y référait pour faire le lien avec les autres infrastructures quand ce projet renvoyait quant à lui au SNIT pour ce faire !

Le coût des projets de développement élaborés jusqu’en 2040 voire 2050 est évalué à 140 milliards et celui des projets d’entretien à 105 milliards, ce qui représente donc, hors le projet du Grand Paris et les TCSP, 245milliards. De surcroît, le SNIT comprend d’autres projets d’infrastructures pour lesquels aucune projection financière n’a été réalisée alors que leurs impacts seraient importants.

Je le répète, compte tenu des sommes engagées, il faudra faire preuve de vigilance dans la définition des choix concernant ces projets, mais aussi dans ceux relatifs à l’entretien, à la modernisation et au développement des infrastructures. L’État – RFF ou l’AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France) – et les collectivités territoriales sont bien entendu concernés.

Le CESE insiste donc sur la nécessité d’établir de bons critères permettant de régénérer les infrastructures existantes, tout développement nous semblant potentiellement inconsidéré. Ainsi, s’agissant du secteur ferroviaire, l’ « audit Rivier », de l’École polytechnique de Lausanne, avait en effet montré combien il est important d’entretenir les différents réseaux – et encore ne savons-nous pas aujourd’hui ce qu’il en est vraiment des réseaux routiers et fluviaux. Comme le préconise le rapport du sénateur Louis Nègre sur le SNIT, nous avons donc besoin d’un diagnostic indépendant afin qu’il soit le plus objectif possible et qu’il permette ainsi de prendre les meilleures décisions. Cela devrait permettre de mettre en avant la nécessité de régénérer le réseau existant pour en maintenir la qualité et de favoriser une bonne articulation avec les projets de développement d’infrastructures prioritaires – qui doivent donc être hiérarchisés – et d’œuvrer ainsi à un bon aménagement du territoire.

M. Henri Plagnol. Vous parlez d’or !

M. Pierre-Jean Rozet, Conseiller confédéral CGT, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Il est en effet très important que le projet de SNIT intègre la nécessité de consacrer les financements au maintien et à l’amélioration des infrastructures existantes. Les chiffres qui ont été mentionnés ont varié en fonction des évolutions du SNIT lui-même, dont je rappelle que nous en sommes à la troisième version ! S’agissant de la maintenance et de la régénération du secteur ferroviaire, la première version avait établi une estimation de 25 milliards sur les 30 ou 40 ans à venir, laquelle s’élève aujourd’hui à 50 milliards. J’ajoute que, pour RFF, les dépenses de maintenance augmentent plus vite que les recettes, le gap étant à ce jour d’un milliard par an, hors toute dépense liée à de nouvelles infrastructures. L’équilibre financier du modèle tel qu’il est aujourd’hui est donc problématique.

M. le président Daniel Goldberg. Au nom de mes collègues, je crois pouvoir dire que nous partageons bon nombre de vos réflexions, en particulier s’agissant du modèle financier de gestion des infrastructures.

M. Pierre Morange, rapporteur. Je précise, Madame, Messieurs, que vous pourrez le cas échéant répondre par écrit de façon plus exhaustive aux questions que nous allons vous poser.

Le premier problème auquel nous sommes confrontés est donc celui de l’aménagement du territoire, en l’occurrence en Île-de-France. Par ailleurs, la nécessité financière d’une hiérarchisation des priorités tant en ce qui concerne les projets que la régénération du secteur ferroviaire est patente.

Une telle hiérarchisation implique d’être assuré de la fiabilité des coûts. Or le rapport de la Cour des comptes du mois de novembre 2010 a critiqué la comptabilité fournie par la RATP, la SNCF et RFF. Faute d’une certification des comptes et en raison d’un cloisonnement thématique vertical qui rend difficile leur lecture, il est délicat de tirer des conclusions sur leur structuration et, donc, d’établir des priorités en matière d’investissement.

Le président de RFF, lors d’une audition, a même considéré que le doublement de la dotation serait inutile dès lors que les séquences horaires d’intervention sur le réseau, qui sont extrêmement restreintes – entre une heure et quatre heure du matin – limitent de fait les possibilités de renouvellement d’équipements vieillissants, qui depuis vingt-cinq ans n’ont pas bénéficié des investissements qui s’imposaient.

Sur un plan organisationnel, vous avez rappelé la complexité de la gouvernance, laquelle doit donc être rationalisée et optimisée. Or la réservation de certains sillons au fret ne contredit-elle pas la nécessité de donner une priorité aux voyageurs ?

Vous avez également évoqué les autorités organisatrices de transport de proximité. Ce point me semble d’autant plus important que, faute de moyens, l’autorité organisatrice centrale rencontre des difficultés pour assurer ses missions. MM. Huchon, Karoutchi et Kalfon ayant d’ailleurs déploré devant nous, au titre de la région, qu’ils soient si peu entendus par la SNCF, la RATP ou encore RFF ! Cela dit, attribuer des délégations à des autorités de proximité, ce qui revient à constituer un échelon supplémentaire, ne contribuerait-il pas à complexifier plus encore l’ensemble de la structure ?

Enfin, quelle est, d’après le CESE, qui représente le monde économique, social, syndical et associatif, la place de l’usager dans cette « jungle » alors que son avis n’est que fort peu pris en compte ? Lorsque nous avons emprunté la ligne A du RER, nous avons eu droit à une accumulation d’avanies dont je gage qu’elles n’étaient pas exhaustives. Le CESE et le CESER ont-ils donc entrepris une réflexion quant aux critères permettant de mesurer la qualité des services rendus dans le domaine des transports et sur la participation des usagers à cette évaluation ? Cela me paraît plus important que l’établissement de délégations à des organismes finalement assez peu parties prenantes du réseau.

M. Henri Plagnol. Je m’associe aux questions judicieuses posées par M. le rapporteur.

Le CESER a fourni une liste quasi-exhaustive de tout ce qu’il faudrait faire et le CESE a, quant à lui, fait un rappel à l’ordre financier tout à fait bienvenu en pointant des incohérences regrettables au sein de la feuille de route concernant l’aménagement du territoire – ce dont les parlementaires, il faut bien le reconnaître, sont en partie responsables. L’argent sera donc rare et cher, nous aurons donc tout intérêt à faire preuve d’imagination. Or nous manquons un peu d’audace.

S’agissant du grand bassin parisien, nous devons poser le problème de la densification de l’habitat, laquelle crée des problèmes de gestion quasi-inextricables et induit des coûts élevés. Cela me conduit à poser deux questions hétérodoxes.

L’usager passant trop de temps dans les transports pour se rendre à son travail, les partenaires économiques et sociaux ne pourraient-ils pas réfléchir à rapprocher l’habitat et l’emploi, ce qui suppose de rééquilibrer la région Île-de-France ? Élu du Val-de-Marne, je constate que les emplois sont à l’Ouest, quoi que l’on en dise, et que les logements – qui plus est de personnes souvent défavorisées – sont quant à eux à l’Est ou dans le grand Est, le tronçon central de transports ne pouvant donc qu’être de plus en plus congestionné.

En outre, n’est-il pas temps de repenser les horaires de travail ? Un jeune célibataire n’a pas forcément envie de se lever très tôt tous les matins pour partir au travail et revenir chez lui aux horaires de pointe. Certains souhaiteraient profiter d’horaires décalés pour pouvoir par exemple passer la soirée au cœur de Paris. À l’inverse, une mère de famille peut fort bien souhaiter travailler à temps partiel – piste qui a été explorée depuis longtemps par les partenaires sociaux – mais aussi bénéficier d’horaires qui lui permettent de ne pas rentrer trop tard. Or le système est congestionné aux heures de pointe sans que les investissements réalisés, qui sont très lourds, soient rentabilisés aux autres moments.

L’audace ne coûte pas cher et peut peut-être rapporter.

M. Daniel Rabardel. Je ne dispose pas d’éléments s’agissant des séquences d’intervention mais leur organisation soulève de réels problèmes. Certaines dessertes sont parfois supprimées à partir de 23 heures mais les bus qui sont alors mis en place ne facilitent guère le retour des usagers à leur domicile.

S’agissant de la gouvernance et de la réserve des sillons, s’il faut évidemment que les usagers puissent se rendre à leur travail, que se passera-t-il lorsque les sillons permettant de desservir les entreprises seront insuffisants ? Par expérience personnelle, je rappelle que la situation n’était ainsi pas facile, jadis, à la gare de triage du Bourget, lorsque les wagons n’étaient disponibles qu’à onze heures du matin alors que le personnel était présent dès huit heures. Parce que nous n’avons pas intérêt à ce que les entreprises partent en grande couronne ou quittent l’Île-de-France, il convient de trouver un juste milieu et d’établir de justes priorités entre le fret et transport de voyageurs, avant même que nous ne soyons dans une situation de saturation.

Je précise que les délégations à des autorités de proximité dont nous parlons dans notre rapport ne concernent que les transports locaux et non le réseau principal de tramway, de bus ou encore du RER. Le cas échéant, elles concerneraient les intercommunalités souhaitant améliorer leur réseau principal – sans lui faire concurrence – en bénéficiant d’une tarification spéciale si elles intègrent les conditions du STIF ou à leurs propres frais si tel n’était pas le cas.

Pour ce qui est des usagers, des membres d’organisations comme UFC Que choisir ? du Centre technique régional de la consommation, d’associations de parents d’élèves, de syndicats et d’entreprises interviennent au sein du CESER.

Dans les années 90, j’ai eu l’occasion de rédiger un rapport sur la qualité des transports. Malgré toutes les critiques dont ils sont l’objet, je peux attester que, même si la situation doit, bien entendu, être améliorée, des progrès importants ont été réalisés – en particulier en ce qui concerne l’information – et que les voyageurs sont également devenus beaucoup plus exigeants.

La situation dans le grand bassin parisien est également délicate parce que certaines entreprises s’installent parfois dans ses marges pour diverses raisons tout en continuant de bénéficier des services de la région – il n’est donc plus possible de raisonner strictement à partir des limites administratives de l’ Île-de-France.

La densification de l’habitat, quant à elle, ne passe pas nécessairement par l’édification de tours de trente étages. Certains secteurs de banlieue pourraient être encore valorisés – parce qu’ils sont bien desservis – grâce à des reconstructions.

M. Plagnol a raison s’agissant de la répartition des entreprises et de l’habitat, tout particulièrement en ce qui concerne l’axe Est-Ouest.

À propos des horaires de pointe, je me souviens des files d’attente, jadis, devant les ascenseurs de la Tour Montparnasse. C’est à cette occasion que les partenaires sociaux ont commencé des négociations sur l’aménagement d’horaires variables !

M. Henri Plagnol. Maintenant, il faut aller beaucoup plus loin.

M. Daniel Rabardel. Vous avez raison mais je crains que nous ne parvenions qu’à lisser les horaires de pointe dans un contexte d’augmentation à venir de 20% de la mobilité.

M. Sébastien Genest. S’agissant de la structuration des coûts, la transparence s’impose en effet car elle conditionne l’évolution de l’ensemble des projets.

En ce qui concerne les réalisations possibles, il faut prendre acte des contraintes techniques – il convient de mettre en œuvre tout ce qui est possible pour permettre la restauration la plus rapide possible du réseau – et de notre retard historique. De ce point de vue, le modèle économique de RFF n’est pas assuré si l’on continue de la sorte, sans promouvoir aucun projet de développement, sa dette augmentera d’ici à 2016, et si l’on y ajoute les projets de lignes grande vitesse (LGV) qui y ont été intégrés, elle s’élèvera à 40 milliards. Comme l’a dit M. Mariton, sa requalification au sein de la dette nationale est tout à fait possible. Il faudra donc trancher politiquement quant à la pérennité du modèle économique de RFF

Pour ce qui est du transport de voyageurs, les problèmes proviennent d’un manque de sillons. Parmi les solutions techniques qui peuvent être envisagées figure la modification des cadencements même si la situation varie au cas par cas, notamment en Île-de-France. Cette question s’articule évidemment avec celle des projets de développement, comme nous l’avons vu dans le cadre du Grand Paris avec le problème du calibrage des voies nouvelles et de leur utilisation dans la logistique urbaine pendant tel ou tel créneau.

S’agissant de l’évaluation de la qualité de service, de la satisfaction des usagers et de la gouvernance, je puis vous assurer, en tant que vice-président du CESE, que nombre de dispositifs existent déjà. Il faut certes savoir mieux les utiliser mais nos avis, comme ceux des CESER, méritent aussi d’être mieux pris en compte et mieux articulés avec les travaux du Parlement et les projets gouvernementaux, en complément d’ailleurs de ceux d’autres instances de dialogue social ou environnemental. Il convient également d’améliorer la prise en compte de la parole des usagers dès lors que nous souhaitons avancer avec l’ensemble des acteurs. C’est ainsi que nous améliorerons les bonnes pratiques.

Les problèmes liés à l’habitat et aux transports, quant à eux, sont au cœur de l’aménagement du territoire. À ce propos, je suis frappé de constater que le débat public qui est organisé concerne Paris et non la province. Que voulons-nous donc faire en la matière ? Comment, ensuite, envisager les différentes déclinaisons territoriales possibles ? Je note, de la même manière, que nous débattons d’un projet d’infrastructures – le Grand Paris – alors que ce dernier ne constitue qu’une réponse à un projet d’aménagement du territoire. Or, mal poser la question, c’est s’interdire d’y répondre. Nos concitoyens ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisqu’ils se ont d’abord demandé quel était le but du Grand Paris et comment leurs problèmes actuels allaient être résolus. C’est tout l’intérêt du débat public !

M. Pierre-Jean Rozet. S’agissant du financement, le manque de ressources publiques étant évident, il importe de hiérarchiser fortement les projets – ce que ne fait pas le SNIT actuel – sans s’interdire de réfléchir à de nouvelles ressources. Par exemple, comment, dans le cadre du Grand Paris, capter la plus-value foncière liée aux nouvelles infrastructures de transport ? Ou encore : Quid du relèvement du prix du transport routier qu’autorisent les nouvelles directives d’ « Euro vignettes » ?

Par ailleurs, un avis du CESE de 2006 ou 2007 suggérait de réserver un certain nombre de sillons au fret afin de garantir le passage des trains de marchandises, l’arbitrage étant en l’occurrence parfois difficile à réaliser puisque les autorités organisatrices de transport (AOT) sont davantage soumises à la pression des « voyageurs-électeurs » qu’à celle des marchandises !

Pour ce qui est de l’habitat et de l’emploi, certaines évolutions dépendent certes des forces économiques et sociales mais aussi des forces politiques – je songe, en particulier, aux schémas de cohérence territoriale (SCOT). Il importe donc de se saisir de ces problèmes suffisamment en amont de manière à établir des projections en matière d’urbanisme et de transport sur les trente ou quarante années qui viennent. Peut-être pourrait-on pas déjà réfléchir à une densification de l’habitat autour des infrastructures de transport existantes ?

En ce qui concerne les horaires de travail, tout est possible, même si la flexibilité des horaires s’est d’ores et déjà accrue. En tant que responsable syndical, je constate que les entreprises avaient parfois tendance à « éclater » les horaires de travail alors que des plages communes sont nécessaires afin d’assurer le dialogue et la cohésion entre les salariés. Le problème de la congestion des transports ne sera pas résolu d’un coup de baguette magique par un tel éclatement.

M. Daniel Rabardel. Autant il importe de favoriser l’urbanisation là où les réseaux de transport sont importants, autant il conviendrait de savoir si ces réseaux sont capables d’absorber le surcroît de voyageurs lorsqu’une grande entreprise vient s’installer.

M. le président Daniel Goldberg. Je vous remercie, Madame, Messieurs, pour votre expertise, à la fois francilienne et nationale, qui a permis d’éclairer nos travaux ainsi que pour vos analyses, avec lesquelles nous sommes souvent en accord.

——fpfp——

Audition de M. Christian Descheemaeker,
président de la septième chambre de la Cour des comptes,
accompagné de M. André Le Mer, conseiller maître

(Séance du mardi 7 février 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Le rapport thématique sur les transports ferroviaires régionaux en Île-de-France, publié en novembre 2010 par la Cour des comptes, constitue une des sources de référence pour notre commission d’enquête. C’est pourquoi il nous a paru indispensable d’entendre M. Christian Descheemaeker, président de la septième chambre, qui se consacre notamment à l’aménagement du territoire, à l’équipement et aux transports.

La Cour a confronté les coûts supportés par la collectivité et la qualité du service rendu, mais, dans le cas du RER, les présentations comptables distinctes adoptées par la RATP et la SNCF l’empêche de procéder à des comparaisons. Les particularismes et certaines insuffisances masquent les résultats comptables précis, notamment ceux de chaque ligne. De ce fait, l’autorité organisatrice – le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), qui contracte à moyen terme avec les opérateurs – manque d’une bonne connaissance des situations. Jean-Paul Huchon, qui, en tant que président de la région, préside le conseil d’administration du STIF, l’a souligné à plusieurs reprises.

La Cour se demande si le label Transilien, qui, à la SNCF, recouvre aussi bien les liaisons de banlieue que le RER, n’entretient pas une confusion entre des activités qui mériteraient d’être distinguées d’un point de vue comptable.

La question des bonus et des malus contractuellement opposés par le STIF à chaque opérateur est une autre source de complexité. La Cour souhaite une révision du système, qui renforcerait pour chaque opérateur les conséquences de son activité. À ce jour, les indicateurs de qualité du service semblent faire l’objet d’une sous pondération contractuelle.

Si la décentralisation de la compétence en matière de transport de voyageurs présente en Île-de-France des particularismes et des difficultés spécifiques, les usagers sont en droit d’attendre des opérateurs un service sûr et régulier, notamment une information fiable. Or, sur ce point, les résultats demeurent très en deçà des objectifs de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) votée en 1982.

La commission d’enquête et la Cour se rejoignent sur la nécessité de simplifier la gestion des lignes du RER A et B, co-exploitées par la RATP et la SNCF. Ces lignes ne sont toujours pas dotées d’un poste de commandement unifié ! Par ailleurs, l’intervention de RFF, qui attribue les sillons de circulation, n’a évidemment pas contribué à simplifier la situation.

M. Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes. La Cour a rédigé le rapport de novembre 2010 sur les transports ferroviaires régionaux en Île-de-France à partir de trois sources : le contrôle organique de la RATP, dont le rapport, datant d’octobre 2009, a été adressé à la Commission des finances de l’Assemblée nationale ; le contrôle du Transilien, de juin 2010 ; et la synthèse d’un contrôle sur le STIF, en novembre 2009, par la chambre régionale des comptes d’Île-de-France. En outre, la commission des finances de l’Assemblée nationale avait commandé une étude sur la « soutenabilité » de la dette de la RATP.

Depuis 2010, la situation a quelque peu évolué ; certaines de nos observations ont été prises en compte. Par ailleurs, la Cour procède au contrôle sur des marchés d’acquisition de rames supplémentaires, du point de vue de la RATP comme de la SNCF, mais, dès lors qu’elle n’a pas terminé son rapport, je n’y ferai pas allusion.

Enfin, je signale pour l’anecdote que je me déplace en métro depuis des décennies. Ayant présidé pendant six ans la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, j’ai effectué quotidiennement le trajet reliant les Hauts-de-Seine à la Seine-et-Marne, via Paris, le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis. En d’autres termes, je suis un fidèle utilisateur de la ligne A, ce qui signifie, non que le rapport exprime mon opinion personnelle, mais que je connais assez bien le sujet sur lequel il porte.

La Cour a constaté d’abord l’inadaptation du réseau. Dans Paris, le réseau central du métro est exceptionnellement dense, puisque le nombre de stations excède largement celui d’autres villes comparables. En revanche, celui de la banlieue est inférieur à celui des autres métropoles étrangères. Si la création du RER, en 1969, a amélioré la situation, elle a aussi compliqué le schéma, en faisant apparaître des lignes cogérées par la RATP et la SNCF. En outre, les investissements ont marqué le pas pendant vingt ans, ce qui explique en grande partie les problèmes actuels.

La Cour observe ensuite que la qualité du service s’est dégradée. Si les premiers contrats conclus entre les opérateurs et le STIF ont fait apparaître des indicateurs de régularité, leurs chiffres sont souvent en décalage avec la perception des usagers. Jadis, on ne comptabilisait pas dans les retards, les suppressions des trains qui allongent pourtant l’attente sur le quai. Aujourd’hui encore, ces indicateurs semblent perfectibles, surtout si l’on veut s’en servir pour calculer les bonus ou les malus affectant la rémunération pour les opérateurs et leurs agents dont la Cour regrette le caractère trop peu incitatif. Par ailleurs, les usagers se demandent comment des bonus peuvent être versés, alors qu’ils constatent chaque jour des difficultés dans les transports.

Le rapport pointe en troisième lieu la lourdeur de l’organisation institutionnelle. En Île-de-France, le STIF est quasiment l’unique autorité organisatrice, mais les grands acteurs sont nombreux. Il s’agit de la RATP, de la SNCF, des propriétaires et des gestionnaires d’infrastructures, dont la RATP, Réseau ferré de France (RFF), l’État et, depuis la loi du 3 juin 2010, la Société du Grand Paris (SGP), auxquels s’ajoutent à présent les autorités de régulation. À cette lourdeur s’ajoute le fait qu’en raison d’une culture et d’une organisation très différentes, la RATP et la SNCF ont du mal à se coordonner. Le cas de l’aiguillage coexploité par la RATP, la SNCF et RFF frise la caricature. Heureusement que la France est le pays de Descartes !

La Cour regrette que les données comptables restent opaques, malgré les progrès intervenus dans l’exécution des contrats passés avec le STIF pour 2008-2011. Les chiffres qui permettraient d’évaluer le coût du transport collectif ne figurent pas dans les comptes rendus annuels d’exploitation. Or, si l’on ne connaît pas le taux de remplissage des trains, des métros ou des tramways, comment savoir si une ligne est saturée ? Ni la SNCF ni la RATP ne fournissent à l’autorité organisatrice le coût complet par ligne, alors même que la SNCF met ces chiffres à notre disposition pour la province. Cette imprécision tient peut-être à celle du mot Transilien, appellation très vague qui ne correspond ni à une branche ni à une filiale. En tant qu’usager, habitué à ce qu’on a appelé longtemps les « trains de banlieue », j’ai eu du mal à comprendre qu’il s’agissait d’un concept plaqué sur une entreprise.

Pour disposer de chiffres utilisables, il faudra procéder à de nombreuses facturations entre branches de l’établissement public, pour la traction, l’entretien du matériel roulant, des gares, du réseau de distribution, la sûreté et la lutte antifraude. Pour l’heure, la Cour considère qu’elle ne dispose pas d’informations suffisantes et directement exploitables. Les sommes en jeu étant considérables, il faudrait alourdir les pénalités financières sanctionnant la non transmission de données.

La Cour pointe également l’augmentation sensible des coûts de fonctionnement. La rémunération que le STIF verse à la RATP et à la SNCF en complément des recettes tarifaires croît plus vite que l’inflation. Certes, l’offre est plus importante aujourd’hui, puisque les plages horaires du week-end sont plus étendues, mais le coût unitaire du transport augmente indépendamment du volume, du fait d’une hausse des coûts de fonctionnement.

Enfin, le RER souffre d’un sous investissement. Longtemps, la SNCF a sacrifié la desserte de la banlieue parisienne à la construction du TGV. Quant à la RATP, elle a connu un épuisement financier après le chantier de METEOR, qui a coûté plus cher que prévu, et celui du nouveau tramway parisien. De plus, la Régie est lourdement endettée. De ce fait, l’investissement dans le RER a été insuffisant, même si un rattrapage est amorcé.

J’en viens à nos recommandations. Il faut d’abord faire prévaloir la clarté des coûts et des performances, afin que le STIF puisse exercer pleinement ses compétences. L’objectif n’a rien d’irréalisable. Pour peu qu’on adopte certaines conventions, comme il en existe dans toute comptabilité analytique, le STIF disposera d’un instrument de pilotage. À défaut, il devra se contenter de considérations vagues et risquées.

En second lieu, il faut rattraper le sous investissement, en privilégiant l’existant. Pour autant, la Cour n’ignore pas le besoin d’infrastructures nouvelles pour répondre à la demande, bien qu’elle n’ait pas travaillé sur les projets de grands investissements. En tout état de cause, on constate chaque jour sur les lignes A, B ou D, des retards supérieurs à trente minutes imputables à des incidents. Si nombre d’entre eux sont liés à des suicides, à des malaises de voyageurs ou au vandalisme, les postes de commande sont aussi trop anciens, l’automatisation est insuffisante et le matériel roulant dépassé. Il est donc urgent d’investir dans l’existant, au lieu de laisser vieillir un matériel dont la durée de vie est déjà dépassée. Il n’y a pas lieu de s’étonner quand des caténaires prévues pour durer trente ans, mais en service depuis plus de trente-cinq, viennent à se casser ! Les solutions sont admises, mais, pour renouveler les matériels et les équipements qui relèvent à la fois de la SNCF et de RFF, les deux entreprises doivent coopérer. Même si la situation est plus simple à la RATP, le matériel est également souvent périmé.

Un sérieux effort doit être consenti pour abaisser les coûts de fonctionnement. La Cour souligne l’importance de réaliser des gains de productivité. À cet égard, les projets de la SNCF comme ceux de la RATP pourraient être plus ambitieux.

La Cour n’a certes pas de légitimité en matière technique. Il reste toutefois bien difficile d’admettre que l’interconnexion soit si souvent suspendue à Nanterre, et que l’organisation n’ait pas évolué depuis des années. À la Gare du nord, où l’interconnexion est censée avoir disparu en novembre 2009, les arrêts durent toujours. On annonce qu’elle sera effectivement supprimée à Nanterre Université, mais j’ai quelques doutes à ce sujet. D’ailleurs, j’ai un peu de mal à comprendre qu’un conducteur de la RATP ne puisse pas conduire sur le réseau de la SNCF, alors qu’un chauffeur routier anglais qui arrive en France accepte de rouler à droite, sans qu’il soit nécessaire de le remplacer.

Au-delà de l’aspect technique, on peut s’interroger sur la coexploitation des lignes A et B. Certes, il s’agit d’un legs de l’histoire, mais rien n’a empêché que la ligne de Sceaux soit gérée, au sud, par la RATP, et, au nord, par la SNCF. Si deux entreprises exploitent les lignes A et B, pourquoi ne pas confier l’une à la RATP et l’autre à la SNCF ? Mais, pour l’instant, cette solution simple n’a pas été retenue.

M. Pierre Morange, rapporteur. Puisque la clarté des comptes et la connaissance des coûts sont nécessaires pour donner à l’autorité organisatrice les moyens de ses ambitions, on doit sanctionner les opérateurs qui refuseraient de transmettre leurs chiffres. Par ailleurs, quels gains de productivité suggérez-vous ? Quelles conclusions tirez-vous de la mise en œuvre de la comptabilité analytique en province ? Faut-il soumettre les sociétés de transport à un audit extérieur ?

Pour limiter ou supprimer les retards quotidiens, que les voyageurs endurent avec un stoïcisme remarquable, il est suggéré d’élever à 5% l’enveloppe du bonus ou du malus, qui représente 0,6 % des recettes d’exploitation de la RATP et 0,9% de celles de la SNCF. Le taux de 2%, suggéré par certains décideurs politiques, permettrait-il vraiment d’améliorer le service ?

Pour assurer la modernisation du réseau existant et sanctuariser les recettes qui lui sont attachées, faut-il, s’agissant des lignes A et B, attribuer en totalité une ligne à un opérateur, ou peut-on se contenter d’un commandement unifié pour chaque ligne ? Je rappelle toutefois que le commandement unifié, prévu pour la ligne B en 2009, est loin d’être opérationnel.

Mme Annick Lepetit. J’avais lu le rapport de la Cour des comptes dès sa publication en 2010, quand nous examinions le texte sur le Grand Paris. Aujourd’hui, la nécessité de privilégier l’existant ne fait plus polémique, signe que votre rapport a porté ses fruits. En revanche, le nombre élevé d’intervenants continue de poser problème, d’autant qu’une nouvelle instance est apparue en 2010 : la Société du Grand Paris (SGP), avec laquelle le STIF apprend à travailler. Cela dit, le financement des travaux n’est toujours pas phasé.

Plusieurs questions restent posées, notamment celle de la gouvernance et des relations entre les intervenants. En outre, même si l’exécution du contrat pour 2008-2011 et les nouveaux contrats qui lient le STIF, avec la RATP et la SNCF pour 2012 traduisent une amélioration, l’opacité demeure sur ce qui se passe au sein de ces grandes entreprises nationales. Le temps est peut-être venu d’entamer une troisième décentralisation, car le STIF, dont le conseil d’administration réunit des élus locaux, a du mal à exercer une contre-expertise face aux grands opérateurs.

Comme les coûts de fonctionnement, les coûts d’investissement augmentent, même quand les travaux n’ont pas commencé. C’est le cas pour l’allongement de la ligne E. Il faut donc poser le problème des rapports entre financeurs et opérateurs. Si, à brève échéance, le schéma directeur du RER fait l’objet d’un contrat, on peut craindre, à long terme, les effets de la multiplicité des intervenants. Les usagers ne savent plus à qui s’adresser quand les instances se renvoient la balle sans rien décider ! Comment améliorer les relations entre les opérateurs sans remettre en cause le principe d’une autorité régionale, garantie que les décisions se prennent au plus près ?

M. Henri Plagnol. J’ai apprécié votre intervention, teintée de l’ironie que vous permet votre expérience personnelle d’usager. Vous avez bien fait de souligner que le concept de Transilien est une trouvaille du marketing qui n’a pas de traduction comptable ni juridique, et que rien ne vaut une expertise indépendante pour apprécier la pertinence des investissements.

Si les lignes actuelles sont congestionnées aux heures de pointe, ne faut-il pas améliorer le taux de remplissage pendant les heures creuses, en évoluant vers des horaires variables, et intégrer à la réflexion sur le transport la problématique habitat/emploi ? À moyen terme, ne faut-il pas aussi densifier l’habitat et opérer un rééquilibrage entre l’Est et l’Ouest de l’Île-de-France ? Au lieu de doubler la surface de bureaux à La Défense, pourquoi ne pas en créer à l’Est de Paris ? Ne peut-on s’inspirer de l’exemple du Grand Londres, qui a délocalisé ses aéroports pour retrouver du foncier ? À Orly, il y aurait de quoi construire dix fois La Défense.

M. Arnaud Richard. Quelles réponses vous ont apporté les administrations ou les entreprises citées dans le rapport ?

Pourquoi ne pas utiliser les indicateurs adoptés par d’autres régions ?

On jette l’anathème sur les deux opérateurs, mais parfois leurs clients ne sont-ils pas en cause, eux aussi ?

Ce qu’on nomme pudiquement la fluidité du dialogue social n’a-t-elle pas freiné certaines réformes de bon sens ?

Enfin, n’y a-t-il pas moyen de trouver un « espéranto » pour aider à se parler et à coopérer des structures ayant chacune leur légitimité et leur stratégie ?

M. le président Daniel Goldberg. Le RER est amené à devenir le métro de la métropole francilienne, ce qui suppose d’améliorer les dessertes existantes et de prévoir de nouvelles extensions. La Cour a-t-elle réfléchi au moyen d’intégrer au réseau du RER des lignes transiliennes qui appartiennent à celui de la SNCF ?

Pour les lignes A et B, vaut-il mieux une gestion unique par un opérateur ou une gestion unifiée ? Pour avoir visité le poste de commandement de la SNCF, à la Gare du Nord, et celui de la RATP, à Denfert-Rochereau, nous avons l’impression que le commandement unique est surtout un vœu pieux.

Comment sécuriser les investissements dans l’existant, alors que les financements ne sont acquis que pour le réseau Grand Paris Express, dans le cadre de la SGP ?

Dès lors que la RATP, la SNCF et RFF possèdent une forte logique interne, ne faut-il pas réunir dans une même instance les exploitants, les gestionnaires des infrastructures et l’autorité organisatrice ?

Ne faut-il pas revoir la séparation des tâches entre RFF et la SNCF, notamment pour la maîtrise d’ouvrage ?

Enfin, dès lors que les collectivités territoriales franciliennes pourvoient à certains financements, ne doivent-elles pas devenir à terme gestionnaires des infrastructures, soit de manière directe soit par délégation ?

M. Christian Descheemaeker. Sur l’avenir de La Défense, je commencerai par une remarque individuelle : avant de créer 40 000 emplois, il faut savoir où les situer et comment transporter ceux qui les occuperont. Quand j’ai contrôlé l’Établissement public pour l’aménagement de La Défense (EPAD), j’ai entendu, au conseil d’administration, un échange qui m’a inquiété. Quelqu’un posait la question suivante : si, pour financer la rénovation des tours, on accorde le droit de les élever de 30%, comment fera-t-on dans trente ans, quand le problème de la rénovation se posera à nouveau ? Quelqu’un a répondu : « nos enfants règleront le problème ».

Des audits externes me semblent effectivement nécessaires pour éclairer la comptabilité des deux opérateurs et identifier des gains de productivité. Les comptes de la SNCF sont complexes, mais, si une fois en place des conventions, on évite de les modifier, on pourra procéder à des comparaisons d’une année sur l’autre, ce qui est essentiel.

Il m’est difficile de me prononcer sur le taux optimal des bonus et des malus. En revanche, il me semble indispensable d’alourdir les sanctions financières à l’encontre des opérateurs qui ne transmettraient pas les informations demandées. Évitons cependant de les décourager, car, même si, sur le papier, la concurrence existe, elle rencontre rapidement ses limites dans les faits.

Faut-il confier les lignes A et B à un exploitant différent ou prévoir une coordination, ce qui serait déjà un progrès ? Je constate que les années passent sans aucune amélioration. Est-il si difficile que deux personnes dont le métier consiste à faire rouler des trains sur des rails collaborent quand une rame a du retard ? En Belgique, on peut attribuer les difficultés de communication à un problème linguistique, mais on ne peut tout de même pas invoquer cet argument en Île-de-France !

J’aimerais pouvoir répondre aux questions de Mme Lepetit sur l’avenir du transport en Île-de-France, mais la Cour ne s’est pas engagée dans cette voie, sans doute par prudence. Le nombre des acteurs a tendance à augmenter. Qu’arrivera-t-il si des concurrents surgissent ? En province, où la RATP n’existe pas, un dialogue est établi entre l’autorité organisatrice et la SNCF. Même si les coûts sont élevés et que l’intervention du département complique parfois la situation – par exemple quand il faut prévoir une ligne d’autocar –, un équilibre a été trouvé. Ce n’est pas le cas en Île-de-France, peut-être parce que les acteurs sont dans des situations différentes : la SNCF et RFF constituent un couple, ce qui n’est pas le cas de la SNCF et de la RATP.

Monsieur Plagnol, la réflexion sur les taux d’utilisation, pertinente pour la consommation d’électricité ou, dans une moindre mesure, pour l’étalement des vacances, est difficile à transposer dans les transports. Comment éviter l’affluence des usagers le matin et le soir ? En dehors des familles qui se rendent dans la journée à EuroDisney – mais rentrent tout de même en fin d’après-midi –, la plupart des trajets s’effectuent à la même heure, entre le domicile et le travail. Aucun schéma ne propose d’abaisser le prix du billet aux heures creuses. Si les adeptes de la voiture n’hésitent pas à partir de chez eux de plus en plus tôt et à rentrer de plus en plus tard, les usagers des transports, qui se plaignent d’être compressés, ne modifient pas pour autant leurs horaires. Quant au rééquilibrage entre l’Est et l’Ouest, j’y suis favorable, considérant, à titre personnel, que la densification de La Défense n’offrira pas d’autre avantage que d’attirer éventuellement des avions meurtriers, mais d’autres prétendent qu’il existe une clientèle qui ne se déplace, de Londres à Singapour, que dans des centres d’affaires de ce type.

Monsieur Richard, vous avez parlé des clients, c’est-à-dire des usagers, qui ont aussi une responsabilité dans les dysfonctionnements. On annonce souvent que le RER est arrêté parce que des gens circulent sur les voies – sans doute est-ce une question d’éducation ! Les suicides, le vandalisme ou l’utilisation intempestive du signal d’alarme ne facilitent pas la tâche des opérateurs dont la responsabilité n’est pas en cause dans 44% des incidents. Si une grande majorité de voyageurs suscite notre admiration par son fatalisme, une faible minorité gêne tout le monde. Des solutions existent, comme les portes palières qu’on trouve sur les lignes 1 et 14, mais elles coûtent cher, et ne règlent pas tous les problèmes.

Monsieur le président, vous avez évoqué les liens entre le RER et les autres trains de la région parisienne, mais il est difficile de savoir où commence et où finit le Transilien. À quoi sert un label qui n’est pas clair ? On a voulu se débarrasser de l’expression « train de banlieue », qui était connotée de manière péjorative, mais on n’a pas rénové le matériel en lançant une nouvelle étiquette. Dès lors, il est logique que la perception des usagers n’ait pas évolué. Certes, on peut créer un autre label pour désigner les trains qui ne sont pas des RER, mais, à titre personnel, il convient de se méfier des labels qui ne sanctionnent pas une amélioration du fonctionnement.

J’ai répondu partiellement sur la gestion unifiée ou la coordination. Celle-ci, qui représenterait déjà une amélioration, se heurte cependant à des obstacles juridiques. La SNCF prétend ne pas pouvoir indiquer le nombre d’agents affectés au Transilien, puisqu’ils peuvent à tout moment intervenir sur d’autres liaisons, mais je ne crois guère à cet argument. Il est probable que certains personnels sont affectés durablement sur les lignes transiliennes. On nous oppose aussi que les conducteurs de la RATP et les cheminots obéissent à des règles de fonctionnement très différentes. Cependant, je l’ai dit, la ligne de Sceaux a été exploitée par la SNCF avant de l’être par la RATP.

La Cour ne s’est pas prononcée sur la réunion éventuelle des opérateurs dans une même instance. On pourrait certes confier la gestion des infrastructures aux collectivités locales, mais il me semble délicat d’introduire un nouvel intervenant dans un schéma très complexe – sauf si l’on en supprime d’abord un autre. Il a déjà fallu de longues discussions pour régler la plupart des litiges découlant, par exemple, du financement de l’extrémité des lignes par le STIF.

M. le président Daniel Goldberg. M. le président, je vous remercie.

——fpfp——

Audition de M. Denis Huneau, directeur général de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF)

(Séance du mardi 7 février 2012)

M. le président Daniel Goldberg.  Nous entendons M. Denis Huneau, qui dirige l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), une structure qui est, en France, la détentrice de la réglementation relative aux matériels et à la circulation et qui en contrôle, à ce titre, l'application.

Au cours de votre carrière, M. Huneau, vous avez représenté notre pays au sein de l'Agence ferroviaire européenne, plus connue sous son acronyme anglais, ERA. Ce point est important : l'essentiel de la réglementation ferroviaire résulte désormais de directives européennes. Vous connaissez aussi la procédure des commissions d'enquête : vous avez été auditionné, il y a moins d'un an, par la commission relative aux matériels ferroviaires dont nos collègues Alain Bocquet et Yanick Paternotte étaient respectivement président et rapporteur.

Une de nos préoccupations, monsieur le directeur général, est de mieux comprendre les conséquences des différences entre les procédures d'exploitation et les cadres réglementaires mis en œuvre par la SNCF et la RATP, alors qu'elles assurent une co-exploitation des lignes A et B du RER.

La commission a, jusqu'ici, été destinataire de promesses d'une progression rapide vers une totale interopérabilité et une gestion unifiée de ces deux lignes, lesquelles commenceraient par l'institution de postes de commandement unifiés entre les deux opérateurs – sans oublier Réseau ferré de France (RFF). Mais est-il envisageable d'aller plus loin vers une unification des procédures, voire une meilleure harmonisation, alors que la RATP est propriétaire de la partie du réseau qu'elle exploite et que la SNCF opère sur un réseau ouvert à des circulations autres que celle des RER ? L'EPSF a-t-il déjà été amené à réfléchir à ce problème complexe ? Vous paraît-il possible de dépasser des blocages réglementaires qui freinent et même perturbent la fluidité de l'exploitation ? Disposez-vous d'exemples concernant d'autres grands réseaux urbains et périurbains dont il pourrait être judicieux de s'inspirer, notamment dans le domaine de la réglementation des circulations ?

Que doit-on attendre du nouveau système d'exploitation du Transilien, le NExT, pour l'exploitation du RER ? Ne concernera-t-il que la ligne E, prolongée à l'Ouest par Eole ? Ce travail de modernisation des procédures a-t-il recherché, à un quelconque moment, une certaine compatibilité, un rapprochement, avec le système SACEM propre à la RATP ?

Pouvez-nous nous donner des éclaircissements sur des évolutions dont la commission juge essentiel de comprendre les conséquences ? Notre préoccupation majeure est de savoir ce qu’elles peuvent apporter à la sécurité de l'usager, à son confort quotidien et à la régularité du service. Par ailleurs quel est le rôle de RFF dans ces évolutions de procédures ? Quelles relations RFF entretient-il avec l'EPSF sur de tels sujets ?

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous demande de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Denis Huneau prête serment.

M. Denis Huneau, directeur général de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). L'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) exerce, pour le compte du ministère chargé des transports, les fonctions dévolues à l'autorité nationale de sécurité ferroviaire au sens de la directive 2004/49/CE concernant la sécurité des chemins de fer communautaires.

Sa création, en 2006, a répondu à la nécessité, pour l'État, de disposer, dès lors que les réseaux ferroviaires étaient ouverts à la concurrence, d'un organisme réunissant les compétences nécessaires en matière de sécurité ferroviaire, de façon à en assurer le contrôle, tout en étant indépendant des opérateurs.

L'EPSF n’écrit pas la réglementation. Celle-ci reste de la responsabilité de l’État. Par ailleurs, ce que la culture commune de la SNCF et de la RATP appelle réglementation n’est pas ce qui est dénommé comme tel en droit. Pour les cheminots et les agents de la RATP, le terme de « réglementation » désigne les dispositions mises en œuvre par leur entreprise pour respecter les règles juridiques. Il ne s’agit pas forcément de ces règles elles-mêmes. Le travail de l’EPSF, c’est d’abord de délivrer les autorisations nécessaires à la sécurité, nous sommes en quelque sorte « le Service des Mines » du chemin de fer, et de s’assurer, au moyen d’audits et de contrôles, que leurs dispositions sont respectées, et cela en garantissant une égalité de traitement aux opérateurs. Ces autorisations concernent la mise en service des matériels roulants et les infrastructures majeures ainsi que leurs modifications les plus notables. Nous accordons aussi aux entreprises ferroviaires les certificats de sécurité qui leur sont nécessaires pour exploiter des services de transports en toute sécurité. Une entreprise ferroviaire ne peut accéder au réseau d’un gestionnaire d'infrastructure que si elle dispose du certificat de sécurité requis.

Nous contrôlons également ce que fait le gestionnaire d’infrastructure. Nous vérifions ainsi que RFF entretient ou fait entretenir les installations dans des conditions qui garantissent le niveau de sécurité exigé.

La sanction la plus forte dont nous disposons est le retrait des autorisations. Nous pouvons cependant aussi limiter, pendant un temps donné, le nombre de trains passant sur une voie ou encore leur vitesse. Après analyse, nous avons retiré l’autorisation de circulation de wagons dont un modèle – assez ancien – avait été impliqué dans un accident. Nos agents sont assermentés.

Le champ d'intervention de l'EPSF couvre le réseau ferré national (RFN) et la partie française de la section internationale Perpignan-Figueras. Il pourrait évoluer : selon la loi, les compétences de l'EPSF peuvent être étendues, par décret, à d'autres réseaux présentant des caractéristiques d'exploitation comparables.

L’EPSF a aussi une mission d’immatriculation des véhicules ferroviaires : il donne une sorte de « carte grise » aux wagons et locomotives. Depuis 2011, nous délivrons les licences – autrement dit, « les permis de conduire » – désormais exigées par la réglementation pour les nouveaux conducteurs. Aujourd’hui, seuls sont concernés les conducteurs récents circulant sur le réseau international. À partir de 2013, les nouveaux conducteurs, et, à partir de 2018, tous les conducteurs, seront astreints à posséder cette licence.

L'EPSF est un établissement public administratif (EPA), autorisé à recruter des personnels de droit privé. Le pouvoir de délivrance et de retrait des autorisations est attribué à son directeur général, sous une légère tutelle du ministère chargé des transports. Le ministre ne peut en effet que demander la confirmation écrite d’une décision : il n’a pas le pouvoir d’exiger sa modification ou son retrait.

L’autonomie financière de l’EPSF est garantie par la perception d’un « droit de sécurité », qui représente un pourcentage du montant des péages versés à RFF par les entreprises ferroviaires. Le montant de ce droit, versé sans passage par le budget de l’État, était en 2011 de 16,9 millions d’euros.

L'EPSF dispose d'une centaine de salariés, basés à Amiens. Une quarantaine d’entre eux sont habilités à réaliser des inspections.

Autorité de sécurité pour le réseau ferré national, l’EPSF n’intervient directement que sur les parties du RER qui en relèvent.

Pour moi, en pratique, ce qui définit une ligne de RER, c’est qu’elle traverse Paris. C’est le cas des lignes des RER A, B, C et D. Ce devrait finir par l’être pour la ligne E. C’est cette caractéristique qui distingue les lignes de RER des trains de banlieue traditionnels – désormais dénommés aujourd’hui Transilien.

La conception des RER est celle de lignes qui se concentrent en un tronçon commun central. Cette caractéristique peut rendre assez difficile l’exploitation desdites lignes : celles de la ligne C du RER peuvent atteindre, de bout en bout, quelque 200 kilomètres. Cela dit le champ de notre intervention, c’est la sécurité. Or, les difficultés d’exploitation ne concernent pas forcément celle-ci ; elles ne sont pas anti-sécuritaires par nature.

Le champ juridique de notre compétence nous amène à intervenir sur la totalité des lignes C, D et E ainsi que sur les secteurs Ouest du RER A et Nord du RER B.

Cela dit, dès qu’un matériel exploité par la RATP circule sur la partie des lignes qui relèvent de notre compétence, il doit être autorisé par nous. Nous vérifions alors sa compatibilité avec les systèmes de sécurité que nous contrôlons. Nous avons ainsi autorisé, le 20 octobre 2011, le modèle MI09.

Nous avons aussi vérifié les systèmes d’habilitation des conducteurs de la RATP qui circulent sur la ligne B. Nous nous sommes assurés qu’ils disposent en permanence de compétences équivalentes à celles des conducteurs circulant sur le réseau ferré national.

Si nous avons entendu parler du projet NExT, nous ne sommes saisis aujourd’hui que d’un projet de première étape de dossier de sécurité. Il est en effet assez logique qu’un demandeur ne nous présente son projet qu’une fois qu’il sait qu’il disposera du financement nécessaire pour le mener à bien

En droit communautaire, la définition de l’interopérabilité est presque inverse de celle que nous sommes chargés de vérifier. L’interopérabilité au sens communautaire consiste à permettre aux trains qui viennent de l’étranger de rouler de manière aisée sur les voies françaises. Les lignes à grande vitesse les plus récemment construites en France sont réputées interopérables ; aujourd’hui, alors que l’environnement technique y change du tout au tout, un train ne s’arrête pas à la frontière franco-belge.

Le premier niveau d’interopérabilité consiste à conserver le même conducteur du début à la fin du parcours, et de n’en changer qu’au terminus ou au moment de sa pause. Si ce niveau d’interopérabilité peut créer des difficultés d’organisation, il n’en pose pas en matière de sécurité : ainsi, les conducteurs du Tram Train de Mulhouse sont formés pour conduire sur la section ferroviaire.

Ensuite vient ce qu’on appelait autrefois le mouvement des trains. Aujourd’hui, les aiguillages d’une ligne peuvent très bien être gérés successivement par des aiguilleurs de la RATP puis de RFF. Nous vérifierons cependant le niveau de sécurité offert ; que deux aiguilleurs situés côte à côte ne se parlent pas peut aboutir à une très mauvaise régulation.

Le projet de PC unique du RER B – qui sera géré par quelques dizaines de personnes – nous est présenté dans la mesure où il modifie l’organisation de la régulation, et donc de la commande des aiguillages. Il a pour objectif de constituer une sorte d’unité de pilotage et de régulation de la ligne. Le point le plus sensible est non pas la création de l’unité technique de pilotage, mais l’élaboration de la stratégie qu’il sera demandée à ses personnels d’appliquer en cas d’incident – c’est leur raison d’être.

Au-delà de sa section centrale, le mode d’exploitation du RER est très proche de celui du chemin de fer. Ainsi, la circulation de trains de fret à Maisons-Laffitte implique une infrastructure partagée, et donc une gestion différente de celle d’une infrastructure dédiée. Or la culture de la RATP est à la base une culture de métro. Mais le métro, c’est presque un train électrique ! La commande des trains s’y fait depuis un pupitre. Au contraire, le chemin de fer traditionnel est composé de trains conduits par des conducteurs qui doivent respecter une signalisation. Le regroupement de ces deux mondes peut poser des difficultés. On le voit en gare de Nanterre Préfecture, où ils se retrouvent. Et il s’agit non pas seulement de différences culturelles mais de modes d’exploitation différents entre deux mondes ferroviaires qui ont chacun leur légitimité. Or, la règle communautaire prévoit l’ouverture à la concurrence de voies de la ligne A du RER, et donc le passage de trains de fret sur ces voies, considérées comme faisant partie du réseau ferré national (RFN).

NExT est la mise en œuvre de l’idée de RFF et de la SNCF de constituer un mode de gestion proche de celui du RER, autrement dit de créer une exploitation dédiée, de type « métro ». Un tel mode d’exploitation est plus performant que le standard communautaire. En effet, l’interopérabilité au sens communautaire – autrement dit l’accueil de locomotives et de trains provenant d’un peu partout en Europe – conduit, en termes de débit, à de moins bonnes performances que la constitution de systèmes dédiés. NExT aboutit à refuser l’ouverture de la section centrale de la ligne E du RER aux transits autres que ceux du RER. La seule différence par rapport aux RER actuels est que son exploitation – ce projet devrait voir le jour en 2020 – ne sera pas effectuée sous le système SACEM, développé dans les années 1980. J’ai aussi entendu dire que ce nouveau système devrait par la suite être transposé à la ligne B du RER. C’est RFF qui installera les installations au sol et qui sera gestionnaire du trafic au quotidien.

M. Pierre Morange, rapporteur. Monsieur le directeur général, avez-vous procédé à une évaluation des gains de temps éventuellement dus à la standardisation des procédures entre les différentes autorités, notamment la SNCF et la RATP ?

Avez-vous pu évaluer le coût de la sécurité ? Comment peut-on d’ailleurs le déterminer alors que, comme vient de nous le rappeler la Cour des comptes, la lisibilité des comptes des opérateurs est insuffisante ?

La réglementation nationale vous confère un pouvoir de délivrance, mais aussi de suspension et de retrait des agréments. Le fret fait-il partie de votre domaine d’intervention ? Quelles actions de suspension et de retrait avez-vous déjà conduites ? Combien de décisions de ce type avez-vous pris ? Ces décisions ont-elles une incidence sur la régularité des rames de RER ?

Les attributions de licences pour les nouveaux conducteurs concernent-elles aussi bien les conducteurs de la SNCF que ceux de la RATP ?

La centaine de salariés de l’institution que vous dirigez suffit-elle pour couvrir un champ de compétence aussi vaste que le vôtre ? Arrivez-vous à assumer l’ensemble des missions qui vous sont confiées ?

Quelle forme de contrôle exercez-vous sur la RATP ? Quelle est l’étendue de vos compétences sur les lignes A et B du RER, dont l’une des caractéristiques est une gestion bicéphale de la RATP et de la SNCF ?

Enfin, j’ai compris que vous ne connaissiez pas très bien le système NExT. Au regard de l’ampleur de vos compétences en matière de sécurité, ne faudrait-il pas s’interroger sur votre nécessaire inscription ou association à l’ensemble des études « amont » ?

M. Arnaud Richard. Monsieur le directeur général, les institutions homologues de la vôtre dans les autres pays européens sont-elles organisées de la même manière ? Leur champ de compétences est-il aussi vaste ?

Sous-traitez-vous une partie des autorisations et inspections que vous avez à mener ? Ne disposer que d’une centaine de personnes pour traiter le champ de compétence qui est le vôtre doit être une difficulté.

Quels sont les éléments qui vous amènent à décider d’une inspection ?

Nous avons bien compris, lors de notre visite sur la ligne B du RER, la différence entre réglementation et règles de l’entreprise. Les réglementations que s’imposent les entreprises seraient-elles, pour des raisons de sûreté, bien plus exigeantes que les obligations posées par la réglementation publique ?

Enfin, nous avons pu constater qu’il fallait parfois jusqu’à trois ou quatre heures pour résoudre les situations dites « d’incident voyageur ». Êtes-vous dotés d’un pouvoir pour réduire les contraintes imposées à celles et ceux qui opèrent sur les voies de RFF ?

M. le président Daniel Goldberg. Vous n’êtes en charge que du réseau ferré national (RFN). Quel organisme effectue l’équivalent de votre travail sur la partie du réseau du RER exploité pat la seule RATP ?

Comment qualifieriez-vous la qualité du réseau du RER pour laquelle il vous revient de donner des agréments ?

Vous qualifiez les conducteurs de la RATP qui doivent travailler sur le réseau ferré national, autrement dit la partie du RER exploitée par la SNCF. La réciproque est-elle vraie ? Autrement dit, comment et par qui sont qualifiés les agents de la SNCF qui roulent sur la partie des voies du RER exploitées par la RATP ? À quelles obligations spécifiques les agents de la RATP qui roulent sur le réseau ferré national et les agents de la SNCF qui roulent sur le réseau de la RATP doivent-ils satisfaire ?

Enfin, nous avez-vous dit, le réseau ferré national accueille d’autres circulations que celle du RER. Dans ces conditions, est-il possible de mettre en place un opérateur unique – du type RATP – sur des lignes qui ne seraient pas dédiées à la seule circulation du RER, comme tel est le cas pour la partie Nord de la ligne B et la partie Ouest de la ligne A ? La réglementation le permettrait-elle ?

M. Denis Huneau. Aujourd’hui, le monopole de la SNCF sur le réseau ferré national (RFN) empêche juridiquement de constituer un opérateur unique. En revanche, en cas de suppression de ce monopole, les règles communautaires n’imposent aucun obstacle à la constitution d’un tel opérateur. Celui-ci devrait simplement s’astreindre à demander ses sillons, comme les autres. Je précise au passage que, les sillons de la partie Nord de la ligne B du RER relevant de la SNCF, lorsqu’un RER de cette ligne B est conduit par un conducteur de la RATP, il est – c’est une fiction juridique – considéré comme relevant de la responsabilité finale de la SNCF.

L’EPSF a d’abord été créé pour gérer le fret. C’est le fret qui a été ouvert à la concurrence. Aujourd’hui, sur 22 entreprises ferroviaires en France, 2 seulement exploitent des lignes de voyageurs, la SNCF et le groupe Thello qui a repris des trains de nuit internationaux. Le transport national de voyageurs n’est pas ouvert à la concurrence en France. Notre travail de contrôle porte donc essentiellement sur les entreprises de transport de fret, et notamment celles qui ont été créées ex nihilo.

Nous n’avons pas pris de mesures de suspension ou de retrait sur le RER. Nous prenons en réalité très peu de mesures de ce type. Nous identifions les difficultés lors des audits ou des inspections. Nous signalons alors l’écart, et laissons un certain temps à l’entreprise pour le régler. Nous n’avons jamais été amenés à constater un dépassement du délai fixé. Nous n’avons donc jamais été amenés à interdire la circulation d’un train.

Nos moyens ne nous permettent pas d’effectuer nous-mêmes l’inspection d’un pont ou d’un tunnel. Nous inspectons, notamment par sondages documentaires, les personnels et les entreprises qui les surveillent. Nous irons plus facilement sur le terrain dans des structures à risques, comme des gares de triage.

La licence ferroviaire est en réalité un permis de conduire communautaire. Elle vaut donc pour le réseau ferroviaire. En revanche, à la RATP le régime est celui d’une habilitation interne ; la RATP habilite ses propres conducteurs.

Le contrôle de la partie du RER qui ne relève pas du RFN est effectué sous la responsabilité du préfet de région, lequel s’appuie sur le Service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG), service à compétence nationale. Si les procédures qui sont appliquées par ce service ne sont pas tout à fait identiques aux nôtres, leurs grandes étapes sont les mêmes ; elles découlent de la même loi ! Il est impossible d’ouvrir une ligne de RER, ni d’y introduire de modifications substantielles ou de nouveaux matériels sans autorisation. Nous travaillons du reste en liaison : nous ne dupliquons pas les crash test que nous organisons, par exemple.

Les grands pays sont pourvus d’autorités qui ressemblent à la nôtre. Elles ont elles aussi été créées en application de la directive de 2004. Les Britanniques ont adapté à la suite de celle-ci un service, l’ORROffice of rail regulation –, qu’ils avaient créé en 1940. Ce service comporte 130 agents. L’Allemagne dispose d’un service dénommé EBA Eisenbahn-Bundesamt  – qui comporte environ 700 personnes chargées de la sécurité, et 300 autres pour gérer les autres dossiers.

M. Arnaud Richard. Pourquoi l’EPSF est-il un établissement public, et non pas une autorité administrative indépendante ?

M. Denis Huneau. Cela procède du choix opéré par le législateur en 2006. La logique initiale était de savoir si l’EPSF devait être un service de l’État ou non – en 1920 l’Office de contrôle des chemins de fer de l’État, indépendant des compagnies, comportait 700 agents. Il a été décidé de séparer l’EPSF de l’État de façon à pouvoir recruter des cheminots et à assurer son autonomie budgétaire. Par ailleurs, si nous exerçons des fonctions régaliennes, nous sommes dans une fonction de police et non d’arbitrage.

Disposons-nous de moyens et d’un personnel suffisant ? Le Parlement vote chaque année un plafond d’emplois de l’EPSF. Avec 102 emplois, il me paraît un peu juste, ce n’est là qu’un avis personnel. De plus, ce plafond devrait disparaître en 2013. Pour autant, les agents de notre homologue britannique sont au nombre de 130, pour un trafic équivalent au trafic français mais un réseau deux fois moins étendu que le nôtre. Cette situation nous amène aujourd’hui à n’effectuer que peu de contrôles. Nous ne procédons chaque année qu’à une centaine d’inspections ou d’audits.

Comment les déclenchons nous ? D’abord, nous effectuons un suivi très fin des incidents, même lorsqu’ils sont mineurs et n’engagent pas la sécurité. Les opérateurs ont l’obligation légale de nous les déclarer. Nous analysons environ 2 000 incidents par an. Ensuite, nous programmons de façon systématique des audits. Nous allons par exemple vérifier auprès d’une société qui dispose d’un certificat de sécurité comment elle gère ses conducteurs sur cinq ans.

Nous enquêtons aussi sur des difficultés spécifiques qui nous ont été signalées.

Il nous arrive également de conduire une enquête après un incident significatif.

Ainsi, nous menons selon les cas des actions programmées, systématiques et réactives pour prévenir des risques que nous sentons émerger.

En tant que contrôleurs de sécurité, nous ne sommes pas associés aux grandes décisions des opérateurs. Ceux-ci conçoivent et développent leurs projets comme bon leur semble. En revanche, nous exigeons dans la conception et la mise en œuvre le respect de certaines règles et le non dépassement d’un nombre donné de défaillances. Ainsi, si nous constatons qu’un niveau de sécurité est insuffisant, nous allons exiger la prise de mesures correctives : ajout d’un équipement, fermeture d’une ligne, ralentissement de la vitesse… Mais il ne nous revient pas de décider de la solution. Cela dit, la principale difficulté du RER, ce n’est pas la sécurité ; c’est son exceptionnel niveau de charge !

M. le président Daniel Goldberg. Monsieur le directeur général, merci pour votre intervention et vos réponses à nos questions.

——fpfp——

Audition de M. Jean-Claude Paravy, secrétaire général de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF)

(Séance du mercredi 15 février 2012)

M. le président Daniel Goldberg. Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Jean-Claude Paravy, secrétaire général de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France – AFITF.

M. Dominique Perben, président de l’AFITF, a eu un empêchement personnel. Aussi nous a-t-il priés d’excuser son absence.

L’AFITF, établissement public national, a été créée par un décret du 26 novembre 2004 qui faisait suite à une décision du Comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire, le CIADT. L'Agence dispose de ressources affectées : les redevances payées par les sociétés d'autoroutes, une part des amendes routières pour les infractions constatées par les radars automatiques ainsi que le produit de la taxe d'aménagement du territoire. L'AFITF devrait également bénéficier de la future « éco taxe » poids lourds dont le Gouvernement attend près de 9 milliards d'euros de recettes entre 2013 et 2025.

Au titre de 2012, l'AFITF dispose d'un peu plus de 2 milliards d’euros: ce budget lui permet de soutenir 5,2 milliards d'euros d'autorisations d'engagement.

En fait, certaines interrogations se posent s'agissant d'une structure encore assez peu connue. L'AFITF n'est-elle pour l'État qu'une structure de portage financier, voire de débudgétisation, la Cour des comptes ayant d'ailleurs émis des critiques sur son rôle ? L'Agence dispose-t-elle du pouvoir de choisir ses projets d'investissement ? Quelles sont, par exemple, ses relations avec la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, la DGITM ?

En outre, après le Grenelle de l'environnement, est-il exact que l'Agence ait l'obligation de consacrer près des deux tiers de ses interventions au transport ferroviaire considéré comme l'alternative principale à la route ? S'agit-il d'opérations de rénovation des réseaux ou ces opérations portent-elles principalement sur des lignes nouvelles ? L'AFITF pourrait-elle d’ailleurs participer financièrement à l'acquisition de nouveaux matériels roulants ?

Vous comprendrez, monsieur le secrétaire général, que la commission d'enquête cherche à mieux connaître tous les canaux possibles de financements publics. Le réseau du RER a en effet besoin d'être modernisé au travers d'actions à court et moyen termes qui soulageront quelque peu l'état de saturation et de fragilité qu'il a atteint aujourd'hui, cela sans attendre les premières réalisations du Grand Paris !

Telles sont nos premières interrogations. Vos réponses permettront peut-être à la notre commission d'ouvrir quelques pistes. Nous vous écoutons pour un court exposé liminaire, puis le rapporteur, M. Pierre Morange, et nos autres collègues lanceront le dialogue avec vous.

Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, M. Jean-Claude Paravy prête serment.

M. Jean-Claude Paravy, secrétaire général de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF). Je tiens à renouveler les excuses de M. Perben, qui a eu un empêchement personnel assez grave. En tant que secrétaire général, je fournirai des précisions sur le fonctionnement de l’AFITF plutôt que sur les enjeux stratégiques, qui relèvent de la décision politique.

Comme vous l’avez rappelé, l’AFITF est issue du CIADT de 2003 qui, à la suite d’un grand débat, a décidé un programme de relance des infrastructures de transports, créant, à cette fin, un outil doté de ressources affectées. L’Agence a été créée pour orienter et financer sur toute la durée de ce programme 7,5 milliards d’euros permettant 20 milliards de travaux ou de projets d’aménagement du territoire au sens large, dont le CIADT avait dressé la liste – projets routiers, ferroviaires, fluviaux ou portuaires. Cet établissement public a la particularité d’être doté d’un conseil d'administration paritaire composé, pour moitié, de membres issus des administrations concernées et, pour moitié, d’élus nationaux – députés et sénateurs – et locaux. C’est un lieu d’affectation de ressources permettant d’assurer un flux financier régulier en direction des infrastructures, en fonction des priorités et des orientations débattues entre l’État et les élus. Avant même le Grenelle de l’environnement, l’Agence s’était déjà occupée de politique intermodale puisque les ressources d’origine routière, notamment les dividendes des sociétés d’autoroutes, servaient, à l’époque, à financer un programme aux trois-quarts alternatif à la route, notamment de nature ferroviaire.

Dès 2005, la vente par l’État de ses parts dans les sociétés d’autoroutes a privé l’AFITF d’une partie de ses recettes, sinon la plus importante, du moins la plus prometteuse, recettes. Il a fallu les remplacer par d’autres sources de financement plus stables et cela s’est accompagné de l’élargissement du rôle de l’Agence au financement des contrats de projet État région – CPER – et, progressivement, de toute politique contractuelle, les lignes budgétaires d’investissement disparaissant en deux ans des programmes correspondants de l’État.

Le Grenelle de l’environnement a représenté, pour l’Agence, une deuxième étape dans l’élargissement de son périmètre puisqu’elle est devenue un outil d’application de son volet « Transports » – articles 10 et suivants du Grenelle –, ce qui a entraîné la révision de plusieurs projets inscrits dans le CIADT de 2003 et le choix de nouveaux projets dans le cadre du Schéma national d’infrastructures de transport – SNIT –, avec une confirmation du rôle de l’AFITF en matière de report modal. Certes, les textes ne font aucune obligation précise en la matière à l’AFITF, mais le Gouvernement lui donne l’objectif d’augmenter progressivement la part des infrastructures alternatives à la route avec, dans l’état actuel des choses, une très nette dominante ferroviaire.

En 2005, le routier, dans la politique de l’Agence, était toutefois remonté à quelque 50%, en raison du poids des contrats de plan État régions pour la période 2000-2006. Depuis, il s’érode progressivement, le Plan de relance ayant marqué un palier. Les mises en place des crédits varient énormément d’une année sur l’autre. Le routier était tombé jusqu’à 35%. Et si, l’année dernière, les crédits de paiement en direction du routier ont augmenté, le ferroviaire a, en revanche, représenté 83% des autorisations d’engagement, à savoir des paiements de demain, contre 17% pour le routier.

Le décret instituant l’AFITF ni d’ailleurs le Grenelle de l’environnement ne fixent aucune règle : il s’agit d’une orientation que nous nous efforçons de conforter année après année.

L’Agence n’a pas franchi en toute tranquillité les étapes, que j’ai évoquées, dans l’élargissement de son périmètre, car elle posait un problème en tant que nouvel outil affectant des crédits à une catégorie particulière de dépenses. Aussi, en 2008 et 2009, a-t-elle connu une crise : les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat se sont interrogées sur cette exception à la règle de l’universalité – ce qui est vrai –, la Cour des comptes se demandant, de son côté, si, à la suite du Grenelle de l’environnement et des réorganisations ministérielles, l’AFITF n’était pas devenue inutile et ne devait pas être supprimée.

Le Gouvernement, après avoir confié à M. Claude Gressier, président de la section Économie, transports, réseaux du Conseil général de l’environnement et du développement durable, la rédaction d’un rapport, a décidé de conforter l’Agence car elle offre trois avantages. Le premier est d’être un lieu unique d’observation des investissements dans les infrastructures de transports au plan national. Le deuxième est d’être un outil de dialogue entre l’État et les élus, en raison de la composition paritaire de son conseil d'administration, qui n’a finalement pas été renforcé mais dont le Gouvernement a souhaité développer le rôle. Le troisième est que cet outil peut, à moyen terme, servir à renouveler des recherches de financements innovants : il permet d’évaluer l’action et de jouer un rôle d’ingénierie financière.

La situation de l’Agence est donc confortée, du moins jusqu’au prochain rapport de la Cour des comptes, dans son rôle de mise en œuvre des priorités dégagées par le Grenelle de l’environnement.

L’AFITF détient le « nerf de la guerre » au plan national en matière d’infrastructures de transports puisqu’elle est le bras séculier de l’État sur le plan financier. Toutefois, son rôle est indirect, puisque l’Agence n’est pas l’État lui-même mais elle se trouve placée sous la tutelle du ministre des transports, qui prend les décisions. Elle ne saurait évidemment davantage décider à la place des collectivités territoriales. Elle n’est pas non plus le maître d’ouvrage des projets qu’elle finance – ce peut être l’État lui-même, pour les routes ; s’agissant du RER, ce sont surtout la RATP, la SNCF et Réseau ferré de France (RFF). Enfin, elle n’est pas une autorité organisatrice des transports, laquelle, pour le RER, est le STIF. Son rôle est donc d’apporter des cofinancements déterminants.

À l’origine, l’AFITF ne s’occupait que de grands projets structurants nationaux : le RER n’entrait donc pas dans son cadre. Avec l’élargissement de son périmètre aux contrats de projet État région, l’Agence s’est mise à participer au financement des RER. Le contrat de plan 2000-2006 de l’Île-de-France ayant une dominante « transports collectifs », il comprenait un volet RER. L’AFITF a donc pris le relais de l’État en assurant un rattrapage de plus de 400 millions d’euros pour achever les contrats relatifs aux transports collectifs en Île-de-France – j’ignore la part exacte du RER –, tout en prenant en charge le financement de la part « État » des contrats de projet. Or, le contrat de projet Île-de-France comprend de nouveau une dominante « transports collectifs » – le ferroviaire et le fluvial étant plus marginaux. Le grand projet N° 5 évoque déjà le schéma directeur des RER B, C et D, les études pour Éole, le RER A, ainsi que le projet Arc Express. L’AFITF, par le biais des CPER, apporte donc la part financière de l’État à des projets négociés entre l’État et la région.

Afin de ne pas casser la mécanique des contrats de projets, dans le cadre desquels les opérations sont décidées au travers d’un dialogue entre le préfet de région et le président du conseil régional, et de laisser toute sa dimension à la décentralisation, l’AFITF verse le fonds de concours à l’État dans le cadre d’une convention globale. Dès lors, si l’Agence connaît les projets qui ont été négociés, elle ignore l’affectation précise des crédits qu’elle verse. Je ne connais donc pas la part exacte des lignes du RER, des tangentielles ou encore des pôles d’échanges dans les quelque 110 millions d’euros que nous versons annuellement aux transports collectifs d’Île-de-France dans le cadre du contrat de projet. Nous demandons en revanche des comptes rendus de la destination finale des crédits que nous versons.

Le niveau des contrats de projets étant insuffisant pour répondre à l’insatisfaction des usagers devant l’état du réseau, on évoqua, durant deux à trois ans, l’idée d’un avenant au contrat de projet d’Île-de-France avant que le débat, entre l’État et les collectivités locales, sur le projet de Grand Paris ne mette l’Agence quelque peu « sur la touche ». Toutefois, l’accord de janvier 2011 s’est traduit, au mois de septembre suivant, par un contrat spécifique en matière de transports qui, financé par l’AFITF, a repris à son compte le projet d’avenant. C’est pourquoi un avenant à la convention de fonds de concours a permis d’ouvrir, dès 2011, essentiellement des autorisations d'engagement en vue de financer le volet de la convention spécifique « transports » d’Île-de-France. Cette convention prévoit non seulement le complément immédiat et à moyen terme du contrat de projet mais également, dans le cadre des perspectives pluriannuelles de l’AFITF, des projets assez lourds comme le prolongement d’Éole à l’ouest.

Telle est l’action indirecte de l’Agence en direction des RER.

Je tiens également à mentionner le fait que, parallèlement aux contrats de projets, l’Agence finance le volet « transports » de la dynamique Espoir banlieues – toutefois ce financement concerne davantage le bus ou les gares de banlieue que le RER. Elle a également financé les études du CDG Express, qui n’est d’ailleurs pas sans rapport avec le RER B. Enfin, dans le cadre du contrat de projet et de la convention relative à la décentralisation du STIF, il a été décidé, comme l’État n’avait pas de ligne budgétaire à cette fin, que l’AFITF verserait une aide aux matériels roulants de 400 millions d’euros, étalée jusqu’en 2025, dédiée davantage aux trains de banlieue qu’au RER. Un décret permettant à l’Agence de financer non seulement les infrastructures de transports mais également, pour tout type de transport, les équipements liés à ces infrastructures. Cela nous permet notamment d’inclure l’outillage spécialisé dans le financement d’une plate-forme de transports combinés. Était-ce la vocation de l’Agence de promettre cette aide de 400 millions ? Elle seule, en tout cas, avait la capacité de le faire, même si son cœur de métier se situe dans la construction d’infrastructures neuves ou leur remise en état lourde – elle finance les lignes à grande vitesse (LGV), le canal Seine Nord Europe ou la remise en état du réseau lorsqu’il est orienté vers le fret... Le financement de la rénovation du réseau ferroviaire, quant à lui, dépend plutôt des ressources budgétaires ou des ressources propres de RFF que de l’AFITF, sauf engagement particulier, comme l’Engagement national pour le fret ferroviaire. C’est donc de manière exceptionnelle que l’AFITF participe au financement du matériel roulant, même si un tel financement est possible sur le plan juridique.

Je tiens à préciser que nous ne finançons pas le projet du Grand Paris : la Société du Grand Paris (SGP) dispose de ressources propres. Nous avons simplement financé, avant sa naissance, des études préalables à hauteur de 8 millions.

Enfin, l’AFITF ne s’intéresse pas qu’aux transports collectifs de la région d’Île-de-France. Nous sommes un établissement public national – vous l’avez rappelé. Elle équilibre ses interventions en direction de l’Île-de-France et des agglomérations urbaines, en contribuant au financement des appels à projets lancés dans le cadre du Grenelle.

M. Pierre Morange, rapporteur. Ainsi que vous l’avez rappelé, Monsieur le secrétaire général, le rapport de la Cour des comptes de 2009 n’était pas empreint d’une grande aménité. La Cour avait en effet considéré que l’AFITF était une agence de financement aux ambitions limitées, privées de ses moyens et désormais inutile. Notre commission d’enquête a vocation, non pas à intenter un quelconque procès d’intention – et surtout pas à l’encontre des hommes et des femmes qui composent l’Agence, de son président et de vous-même, Monsieur Paravy –, mais à réfléchir pour essayer d’éclaircir un paysage touffu et de rationaliser l’usage des deniers publics.

La Cour avait également considéré que le conseil d’administration de l’AFITF se contentait d’approuver des conventions de financement sans se prononcer sur l’opportunité économique des opérations. Vous estimez d’ailleurs qu’il faudrait, à moyen terme, approfondir la réflexion sur cette notion de programmation. Mais cela implique une connaissance des coûts, et nous renvoie à un autre rapport de la Cour des comptes, celui de novembre 2010, qui mettait l’accent sur la difficulté de pouvoir disposer de comptes suffisamment lisibles de la part de la SNCF et de la RATP. Compte tenu de la difficulté à établir le coût du transport – le prix du kilomètre/voyageur –, nous nous demandons comment un organisme de financement peut établir une hiérarchisation des priorités ? Du reste, il ne revient pas à l’Agence de procéder à la sélection des investissements. Le ministère du budget avait indiqué partager les recommandations de la Cour sur la nécessité de disposer de programmations pluriannuelles et d’évaluations des projets associés. Il considérait également que la composition actuelle du conseil d’administration de l’AFITF se prêtait mal à l’exercice de cette mission. Enfin, il ne s’interdisait pas d’engager la réflexion sur le maintien, l’élargissement, voire la remise en question des compétences.

Monsieur le secrétaire général, la ventilation des masses financières que vous avez portées à notre connaissance n’est pas très facile à percevoir, qu’il s’agisse du périmètre francilien, du réseau du Transilien ou du RER. Or cette commission vise à faire en sorte que chaque euro public soit utilisé au mieux et permette notamment de moderniser le réseau existant en attendant la mise en œuvre de dispositifs beaucoup plus ambitieux au travers notamment du Grand Paris.

M. François Pupponi. Quel est exactement le montant de vos recettes et plus précisément celui provenant d’Île-de-France ? Nous avons constaté en effet qu’un certain nombre de recettes franciliennes étaient affectées à des infrastructures hors Île-de-France.

Par ailleurs, je crois savoir que vous avez financé les études de CDG Express : à la demande de qui et à hauteur de combien ? Vous êtes-vous borné à apporter une participation financière ?

Allez-vous être amené à financer également les études sur le doublement du tunnel entre Gare du Nord et Châtelet ?

M. Jean-Claude Paravy. Monsieur le rapporteur, au cours des auditions précédant la rédaction du rapport de la Cour des comptes, certains avaient même parlé de « chambre d’enregistrement » à propos de l’Agence. Avec un conseil d’administration comprenant notamment deux présidents de commissions parlementaires et un président de groupe, l’AFITF ne pouvait se contenter d’un tel rôle ! La lettre officielle du ministre de tutelle – M. Jean-Louis Borloo, à l’époque – a conforté ce rôle en prévoyant notamment la programmation pluriannuelle des perspectives jusqu’en 2014, parallèlement à la programmation budgétaire triennale. Aujourd’hui, le Grenelle doit se traduire par un Schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT. Son projet a été élaboré par les services de l’État et est actuellement soumis à l’avis du Conseil économique, social et environnemental. Il est censé traduire la vision stratégique de tout ce qui pourrait être fait d’ici à vingt ou trente ans mais il présente les choses « en vrac ». L’AFITF pourrait donc être une des instances de discussion et de définition des priorités à partir de l’enveloppe globale du SNIT puisque, chacun le sait, tout ne sera et ne pourra pas être fait tout de suite.

Ainsi que vous pouvez le constater, le rôle de l’Agence prend de l’épaisseur même si son conseil d’administration continue d’examiner des conventions financières. Lorsque nous finançons un projet ayant son maître d’ouvrage, nous ne versons les crédits qu’au vu de l’état d’avancement des travaux. Les autorités organisatrices des transports nous fournissent régulièrement des comptes rendus. Dans le cadre d’un contrat de plan ou de projets, nous versons un fonds de concours global à l’État et le conseil d’administration ne dispose souvent que d’une information en amont. Une grande souplesse est laissée à l’État et à la région pour permettre l’avancement des dossiers d’ores et déjà bouclés. Dans ces cas-là, l’AFITF a effectivement moins de visibilité.

S’agissant de l’évaluation, le dispositif que nous utilisons intervient au moment de la DUP, donc assez tard. S’il était là, le président Perben insisterait sur ce point : si l’AFITF doit jouer un rôle sur le SNIT, elle doit pouvoir s’entourer d’un certain nombre d’expertises permettant de définir les critères de hiérarchisation des projets. Nous sommes précisément dans cette phase de construction et de recherche de méthodes en amont.

Concernant le doublement du tunnel entre la Gare du Nord et Châtelet, ces travaux s’inscrivent dans une vision à long terme et ne figurent pas dans l’enveloppe 2011-2013.

M. François Pupponi. L’AFITF a-t-elle été chargée de financer les études ?

M. Jean-Claude Paravy. Pas directement. Mais ce projet était en filigrane.

M. le président Daniel Goldberg. Une première étude de faisabilité a été financée par le STIF.

M. Jean-Claude Paravy. S’agissant de CDG Express, voilà plus de deux ans que nous ne dépensons plus un centime. L’AFITF n’était pas maître d’ouvrage : elle devait apporter, en amont, les moyens nécessaires au concédant. Le projet devait s’autofinancer. Mais nous avons vu les difficultés qu’il a rencontrées. Aux dernières nouvelles, le prestataire pressenti a jeté l’éponge. L’État et ses opérateurs réfléchissent à une solution, le problème d’une liaison directe entre l’aéroport de Roissy et le centre de Paris restant posé.

M. Jacques Alain Bénisti. Qui décide de la pertinence d’un financement en matière d’études ? S’agissant du Grand Paris, plusieurs demandes visent à modifier les tangentielles. La SNCF propose ainsi une tangentielle sur l’est du département du Val-de-Marne entre la gare des trois communes de Villiers/Sucy-en-Brie. Avez-vous été consulté à propos de cette éventuelle étude complémentaire ?

M. Jean-Claude Paravy. Il est difficile de savoir qui décide dans la mesure où il y a toujours un faisceau d’intervenants. Il est clair en tout cas qu’aux termes de ses statuts, l’AFITF est le bras séculier financier du Gouvernement. Si elle ne doit pas se prendre pour le ministre des transports, son conseil d’administration peut cependant émettre des réserves s’il considère qu’un projet n’est pas au point ou ne correspond pas à la doctrine en matière d’avancement. Grâce au dialogue établi en amont entre les tutelles, l’AFITF et les opérateurs, nous avons évité jusqu’à présent les votes négatifs. Certains votes ont cependant été reportés dans l’attente d’explications complémentaires. Dans le domaine des infrastructures de transports, notre interlocuteur est davantage RFF que la SNCF. J’entretiens ainsi des relations assez directes avec RFF pour régler les problèmes qui peuvent se poser au quotidien mais aussi pour traiter de l’avenir, sans attendre que tous les arbitrages soient rendus.

S’agissant des tangentielles, les décisions techniques en Île-de-France font déjà intervenir RFF, la SNCF, la RATP, d’une part, et la Région, l’État, les préfectures, d’autre part. Eu égard, au nombre d’intervenants, à la complexité des relations et des dossiers, l’AFITF se garde bien d’entrer dans le détail. Cela ne lui a pas été demandé et c’est tant mieux car cela n’arrangerait pas forcément son image !

M. le président Daniel Goldberg. Merci, Monsieur le secrétaire général, pour votre contribution aux travaux de notre commission.

——fpfp——

Audition de M. Maurice Leroy, ministre de la ville et M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports

(Séance du jeudi 16 février 2012)

M. Pierre Morange, rapporteur. En recevant aujourd'hui les ministres en charge des transports et de la Ville, notre commission d’enquête arrive au terme de ses nombreuses auditions. Nous avons notamment entendu les représentants des usagers et les responsables syndicaux, mais également les dirigeants de Réseau ferré de France (RFF), de la SNCF, de la RATP, du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) et de l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). Au cours des dernières semaines, nous avons aussi auditionné M. Pierre Cardo, président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), le secrétaire général de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui remplaçait son président, M. Dominique Perben, empêché. Nous avons bien évidemment reçu MM. Jean-Paul Huchon, Roger Karoutchi et M. François Kalfon pour la région d’Île-de-France, ainsi que de nombreux élus locaux. Le préfet de police de Paris nous a apporté des éléments d’information sur le volet sécuritaire, tandis que les représentants du MEDEF et du Conseil économique, social et environnemental nous ont exposé le point de vue des acteurs économiques et sociaux. Les représentants de la Société du Grand Paris (SGP), le préfet de la région d’Île-de-France et des experts urbanistes ont traité de la question de l'aménagement de la région capitale et des projets en cours. Enfin, nous avons reçu la semaine dernière le président de la septième chambre de la Cour des comptes, qui avait remis, en novembre 2010, un rapport plutôt sévère sur les transports ferroviaires en Île-de-France.

Notre commission d'enquête n'a donc pas chômé ! Nous parviendrons à tenir les délais très courts qui nous étaient impartis. Le rapport sera remis officiellement au président de l’Assemblée, M. Bernard Accoyer, le 7 mars prochain, et nous pourrons ainsi nous targuer d'avoir clos la XIIIè législature.

Messieurs les ministres, votre présence est essentielle compte tenu de l'implication de l'État dans le développement des transports en Île-de-France. La RATP, la SNCF, RFF et l'EPSF sont des établissements publics, sur lesquels l'État exerce une tutelle. La complexité de la gouvernance du « système RER » m’incite à vous interroger sur la pertinence du maintien d’un schéma aussi obsolète. Résulte-t-il d’une volonté de l'État de conserver deux exploitants – la SNCF et la RATP – sur les lignes A et B du RER ? Même si les opérateurs nous ont présenté les progrès réalisés sur la ligne B depuis la mise en place de ce qu’on appelle l’interopérabilité en 2009, bien des problèmes subsistent. Le centre de commandement unifié de la ligne B (CUB) n'est toujours pas opérationnel. Malgré l'annonce récente de la RATP et de la SNCF de mettre en place de manière effective cette structure de gestion commune, des doutes demeurent. Ne serait-il pas plus simple de confier pleinement la ligne B à l'un des deux opérateurs ?

La même question se pose à propos de la ligne A. Comment comprendre que les trains s'arrêtent systématiquement plus longtemps en gare de Nanterre Préfecture afin de permettre un changement de conducteur ? La « relève » ressemble à une relique injustifiable à l'époque de la modernisation de l'action publique, de la LOLF et de la RGPP. La Cour des comptes avait également souligné ces incohérences dans le rapport précité.

Je ne peux également que faire écho aux interrogations de la Cour des comptes sur l'opacité des comptabilités des opérateurs. Bien que certaines données n'aient pu être fournies à la Cour lors de son enquête, celle-ci a pointé les présentations comptables qui sont données de leur activité tant par la RATP que par la SNCF, y compris de manière analytique. Toute comparaison entre les deux opérateurs semble impossible du fait de la particularité de chaque système et aucun des deux ne serait en mesure de fournir des résultats précis par ligne. Comment, dans ce contexte, l'autorité organisatrice qu’est le STIF peut-elle d'exercer pleinement ses compétences ?

Il me faut aussi relayer auprès de vous la lassitude des usagers du RER, confrontés chaque jour à une dégradation de leurs conditions de transport. Comment comprendre que, en vingt ans, la durée des trajets a augmenté sur des distances identiques ? Comment expliquer le manque d'information en cas d'incident ? L'accroissement du sentiment d'abandon en face de transports moins sûrs et plus sales est prégnant parmi les voyageurs. Certes, les nouvelles rames inaugurées sur la ligne A en décembre dernier améliorent sensiblement la situation, mais il s'agit d'une exception, tandis que les usagers des autres lignes sont, pour le moins, agacés de recevoir « les rames bâtardes de la ligne A » – je ne fais que répéter là une phrase entendue dans la bouche d'usagers lors de nos auditions.

Enfin, qu’en est-il de la politique d'aménagement de l’Île-de-France ? Bien sûr, celle-ci relève de la compétence de la région, mais l'État s'implique fortement dans le développement francilien, comme l'illustre le Grand Paris.

Depuis Paul Delouvrier, rien ne paraît réellement avoir été pensé dans son ensemble, et la région semble s'être agrandie par à-coups, le réseau de transport suivant cahin-caha, avec des solutions bricolées dans l’improvisation et posées comme des rustines sur les failles de nos politiques d'aménagement du territoire. Les déséquilibres territoriaux sont criants en Île-de-France, entre l’Ouest accueillant les bassins d'emplois et l'Est abritant des villes dortoirs. Ce bilan est quelque peu schématique, mais une question demeure : quand acceptera-t-on de faire de l'Île-de-France une région polycentrique au lieu de maintenir l'illusion d'un Paris au centre de tous les développements économiques et sociaux possibles?

M. Maurice Leroy et M. Thierry Mariani prêtent serment.

M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. L'intérêt marqué que porte l'Assemblée nationale au réseau express régional (RER) me paraît tout à fait pertinent. La démarche que vous menez pour proposer des pistes d'amélioration du fonctionnement de ses lignes s'inscrit parfaitement dans le cadre de la politique du Grenelle de l'environnement et du développement des transports collectifs que l'État soutient, notamment en Île-de-France. Elle enrichit la réflexion des différents acteurs – autorité organisatrice, exploitants et gestionnaires d'infrastructure – pour moderniser le RER.

La rénovation de ce dernier est en effet indispensable. C'est un constat partagé par toutes les personnes que vous avez auditionnées, ainsi que par les usagers qui empruntent quotidiennement les cinq lignes de ce réseau. C'est un constat également partagé par l'État, au regard des enjeux régionaux que sont l'amélioration de la qualité de vie des Franciliens et le renforcement de l’attrait de la région capitale.

Même si, depuis 2005, le STIF, autorité organisatrice chargée de définir l'offre de transport, dépend de la région et des départements franciliens, l'État entend poursuivre ses efforts afin de participer, aux côtés des collectivités locales, au développement accéléré des infrastructures de transports collectifs.

Un bref rappel du passé permet de mieux comprendre le contexte actuel. Voilà un peu plus d'un siècle que les métros parisiens parcourent le sous-sol de la capitale et il n'a fallu qu'une cinquantaine d'années pour que l'armature d'un réseau dense se dessine à Paris. Le RER a très vite offert aux Franciliens un moyen de transport rapide et efficace. Toutefois, depuis une dizaine d'années, alors que la plupart des lignes connaissaient une saturation croissante, les différents acteurs se sont contentés de prolonger l'existant, sans poursuivre, par des étapes nouvelles, la structuration du réseau. Parallèlement, les mutations du système productif, les politiques d'aménagement et le desserrement des lieux de résidence des Franciliens, participant à un mouvement de déconcentration des emplois de Paris intra-muros vers les banlieues, ont entraîné une accélération considérable de la mobilité entre celles-ci, sans accompagnement de l'offre de transports collectifs. Il ne s'agit pas aujourd'hui de chercher des responsabilités, sans doute partagées par l'ensemble des acteurs concernés, mais cette évolution n'a manifestement pas été anticipée à la fin de la décennie 1990, ni au début des années 2000.

Le réseau de transport est ainsi « étoilé », centré sur Paris alors que l'habitat est plutôt concentré à l'Est et les emplois à l'Ouest. Paris est le passage quasi obligatoire des relations entre domicile et travail, de l’Est à l’Ouest ou du Nord au Sud de la capitale, ce qui aggrave d'autant plus la saturation des sections centrales du RER et dégrade les conditions de déplacement sur l'ensemble des lignes. Chaque année, 290 millions de voyageurs sont transportés par le RER A, l'une des lignes les plus « chargées » au monde, avec une fréquentation quotidienne de plus d'un million de personnes pendant au moins 150 jours, dans les conditions que chacun connaît. Ainsi, malgré la mobilisation des opérateurs, la SNCF et la RATP, les incidents liés à la saturation des lignes, à l'usure des infrastructures et des matériels roulants poussés à la limite de leurs possibilités, ainsi qu’à l'indispensable prise en compte de la sécurité des voyageurs et de la sûreté, sont particulièrement nombreux. Ces derniers engendrent des répercussions en chaîne sur l'ensemble du réseau, mettant les Franciliens dans des situations inacceptables, et cela de manière répétée.

Quelles solutions pouvons-nous apporter à cet état de fait ? Nous n'avons pas le choix : il nous faut préparer l'avenir en modernisant et en améliorant l'existant, tout en étendant le réseau afin de répondre aux besoins de déplacements d'aujourd'hui et de demain. Je ne doute pas que ce constat sans appel soit partagé par tous. C'est pourquoi l'État a décidé de réagir avec force en accompagnant la région, le STIF et les opérateurs de transport parisiens, afin d’offrir une réponse à la hauteur des attentes des voyageurs. Le Président de la République l'a formulée, il y a un peu plus de deux ans, lors de son discours sur le Grand Paris, le 29 avril 2009. Il a annoncé un programme d'investissements sans précédent, de plus de 30 milliards d'euros, en faveur des transports collectifs en Île-de-France jusqu'en 2025.

Une première étape a déjà été franchie le 26 janvier 2011 lorsque le Gouvernement a conclu, avec le conseil régional d'Île-de-France, un accord historique concernant l'avenir des transports de la capitale. Cet accord, qui porte sur 32 milliards d'euros d'investissements à réaliser d'ici à 2025, comporte deux volets indissociables : la réalisation d'une rocade de métro automatique, pour un montant de 20 milliards d'euros, et l'extension ainsi que l'amélioration du réseau actuel, pour un montant de 12 milliards d'euros. Nous entendons mettre en œuvre cet accord, déjà financé, dans les meilleurs délais. La Société du Grand Paris (SGP), maître d'ouvrage de la future rocade, a présenté, le 26 mai 2011, le tracé du futur Grand Paris Express, approuvé par la région et par les départements.

Le deuxième volet de l'accord a fait l'objet d'une convention particulière entre l'État et la région d’Île-de-France, signée le 26 septembre dernier. Relative à la mise en oeuvre du plan de mobilisation pour les transports collectifs jusqu'en 2013, elle complète l'actuel contrat de projet entre l’État et la région de 2007 à 2013 et porte l'engagement de l'État en faveur des transports collectifs en Île-de-France à 1084 millions d'euros jusqu'en 2013, soit un triplement de son effort financier par rapport à la période du précédent contrat de plan (2000-2006). Des projets majeurs seront ainsi réalisés en faveur de millions de voyageurs. Le réseau RER, capteur de l'essentiel des déplacements et couvrant une grande étendue du territoire, en sera le premier bénéficiaire.

La ligne E du RER sera prolongée jusqu'à Mantes-la-Jolie afin d'améliorer les liaisons Est-Ouest, offrant ainsi une alternative efficace et réaliste à la ligne A. Le démarrage des travaux est prévu dès l'année prochaine et la mise en service complète sera effective en 2020. La convention particulière permettra de financer l'ensemble des études et les premiers travaux. Une somme de 400 millions d'euros sera ainsi engagée d'ici à 2013, conformément au calendrier prévu.

Les schémas directeurs des RER C et D, relatifs à la modernisation de l'infrastructure existante, visent à améliorer la fréquence et la régularité des trains sur ces lignes qui, indispensables aux habitants de la Petite et de la Grande couronne, transportent chacune plus d'un demi million de voyageurs par jour. À ce titre, 370 millions d'euros sont mobilisés en faveur du RER C, dont 260 millions pour les infrastructures ferroviaires, auxquelles vont notamment s'ajouter des travaux de modernisation des gares (hors Paris intra-muros), financés par le STIF et par la région d’Île-de-France. Dans un souci d’anticipation à plus long terme, les études relatives au « sextuplement » des voies entre Paris et Juvisy sont également prévues dans le cadre de la convention particulière.

Par ailleurs, 153 millions d'euros seront mobilisés en faveur du schéma directeur du RER D. Les aménagements prévus ont été déterminés en tenant compte des points de fragilité de la ligne afin d’en rendre l'exploitation plus performante. La première étape du schéma directeur permettra, dès 2014, la mise en place d'une desserte renforcée et plus fiable. Il est prévu d’engager 20 millions d'euros pour procéder à des études destinées à la préparation de la seconde phase qui devrait être lancée après 2013. Enfin, dès cette année, les études de faisabilité du doublement du tunnel entre le Châtelet et la Gare du Nord seront réalisées.

Pour la modernisation de la ligne B du RER, le projet RER B Nord +, décidé dans le cadre du contrat de projets 2007-2013, et dont les travaux sont en cours, permettra d'accroître la régularité de la ligne, de simplifier et de renforcer la desserte, enfin d'améliorer le confort dans les gares et dans les trains. Les conditions de transport au quotidien seront ainsi considérablement améliorées. Dans la continuité, le STIF a lancé les travaux d'élaboration du schéma directeur du RER B au Sud afin d'améliorer la qualité de service, de consolider l'exploitation et de prévoir les besoins de développement de l'offre. Le financement de ces études est également prévu dans le cadre de la convention particulière.

Afin de répondre à une préoccupation très forte des Franciliens, le STIF a lancé l'élaboration d'un schéma directeur du RER A, dont le financement des études est aussi inclus dans la convention particulière. Il présentera, d'ici à la fin du premier trimestre 2012, les adaptations d'organisation, d'infrastructures ou d'équipements divers, permettant d'améliorer l'exploitation de la ligne, en situation normale comme en situation perturbée.

Ainsi, à travers le Grand Paris et la convention particulière conclue avec la région, l'État met concrètement en œuvre sa vision des transports, qui conjugue ambition et respect de l'environnement. Ce programme d'envergure est pour lui une priorité. Il importe donc de tout mettre en œuvre pour que les délais prévus soient tenus afin de répondre le plus rapidement possible aux attentes des usagers. Pour œuvrer dans ce sens, je sais pouvoir compter sur l'engagement et l'expertise des équipes de la SNCF, de la RATP et de RFF.

Outre la construction des infrastructures, financées principalement par l'État et par la région, les entreprises publiques ont engagé, avec le soutien du STIF et de l'État, d'importants programmes d'achat et de renouvellement de matériel roulant. Nouvelles rames et matériels rénovés constituent autant d'améliorations immédiatement perceptibles par les usagers. À la demande du Président de la République, la RATP a ainsi procédé, dans des délais record, à la commande de nouvelles rames à deux niveaux destinées à remplacer les rames les moins capacitaires en circulation sur le RER A. D’ores et déjà 60 rames ont été acquises, et la première a été mise en service en décembre dernier. Ce vaste programme de renouvellement du matériel roulant, qui permettra d'augmenter la capacité de la ligne, a notamment été permis grâce à la dotation de l'État à la RATP dans le cadre du Plan de relance, ainsi qu'à une participation du STIF. Un programme concernant principalement la rénovation des trains à deux étages circulant sur les lignes C et D est également en cours, la totalité du parc devant être rénovée d'ici fin 2016 par la SNCF. Il vient en complément du programme de près de deux milliards d'euros de déploiement du matériel sur le réseau Transilien, qui a bénéficié, via le STIF, de 400 millions d'euros de la part de l'État. De même, et en accompagnement de l'opération du RER B Nord +, l'ensemble du matériel roulant du RER B est en cours de rénovation.

Toutefois, à eux seuls, les investissements ne suffisent pas. Il est tout aussi indispensable que le fonctionnement du réseau progresse. L'amélioration de la qualité de service est une préoccupation constante de l'État, comme vous l'a indiqué le vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) lors de son audition. La SNCF, RFF et la RATP ont un rôle important à jouer pour améliorer les conditions de circulation. C'est pourquoi la qualité de service sera au cœur des prochains contrats que le STIF négocie actuellement avec la RATP et la SNCF. Les indicateurs devront mieux refléter la perception des usagers ; l'autorité organisatrice y est également attachée.

De même, le Président de la République a annoncé, à l'occasion de l'inauguration de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, le 8 septembre 2011, la création d'une autorité dédiée à la qualité de service dans les transports terrestres, maritimes et aériens. Celle-ci sera notamment chargée de suivre les niveaux de qualité et les progrès réalisés par les grands opérateurs publics. Le site que nous présenterons cet après-midi, avec Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, publiera ces indicateurs. Il sera mis en service dès ce lundi 20 février. Actuellement tourné vers les grandes lignes ferroviaires et le transport aérien, il s'ouvrira, à la fin de l'année, au RER et au métro.

Lors de l'inauguration du nouveau matériel roulant du RER A, le 5 décembre dernier, le Président de la République a également formulé le souhait que les modalités d'exploitation des RER, en particulier des lignes A et B, évoluent. Dans la continuité de la suppression de la relève sur le RER B, il faut effectivement que la RATP, la SNCF et RFF mettent en œuvre un pilotage unique de ces lignes, condition indispensable de leur bon fonctionnement. Les entreprises se sont mises en ordre de marche afin de proposer rapidement des solutions opérationnelles dans ce sens. Je sais combien elles ont à cœur de proposer des mesures concrètes perceptibles pour les usagers quotidiens, notamment dans la gestion des situations perturbées.

À ce moment de mon intervention, permettez-moi de vous relater une anecdote. En août dernier, j’ai visité la ligne B du RER afin de découvrir son nouveau matériel ; or, si celui-ci était bien en place à l’aller, tel ne fut pas le cas au retour. Faire preuve d’une telle incapacité, qu’il s’agisse de la SNCF ou de la RATP, lors de la venue d’un ministre conduit à imaginer ce qu’il peut en être pour l’usager de tous les jours…

La tâche s’avère donc immense et dépourvue de solutions immédiates et rapides. Tous les projets lancés doivent être menés de front. Le rétablissement de la situation passe par la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés afin qu'ils conduisent, de façon cohérente, la modernisation du réseau et du matériel, la construction de nouvelles infrastructures et la réforme de l’exploitation des services. Ce n'est qu'en menant collectivement ces trois chantiers que nos concitoyens pourront, à l’avenir, voyager de nouveau dans des conditions acceptables.

M. Maurice Leroy, ministre de la Ville. M. Thierry Mariani vient de vous parler très précisément des enjeux de la modernisation du RER, menée de manière accélérée sous l'impulsion du Président de la République et qui donne, dès cette année, de premiers résultats concrets : la livraison des nouvelles rames à double étage sur le RER A, mises en service en 2011, et des rames rénovées sur le RER B.

Ces premiers résultats illustrent parfaitement la volonté du Gouvernement de mener conjointement avec les collectivités locales, d’une part, la modernisation du réseau existant afin de traiter les questions urgentes – notamment les situations du RER et du Transilien, ainsi que la « désaturation » de la ligne 13 – et, d’autre part, la construction d'un nouveau réseau structurant pour préparer l'avenir : le Grand Paris Express, la prolongation de la ligne 14 jusqu’à Saint-Ouen et celle du RER Éole à l'Ouest.

Tous ces projets s'inscrivent dans l'esprit de responsabilité partagée tel qu’il ressort de l'accord conclu entre l’État et la région d’Île-de-France le 26 janvier 2011. À ce titre, a été décidé et financé, sans la moindre ambiguïté, un effort d'investissement historique en faveur des transports grâce à une contribution de l'État sans précédent : près de 10 milliards d'euros de contribution de 2010 à 2025. À cela s’ajoutent, pour la même période, plus de 9 milliards de recettes fiscales nouvelles prévues par la loi de finances rectificative et destinées à la modernisation du réseau – RER en particulier –, au nouveau métro en rocade, et à assurer une exploitation de qualité des lignes de tramway, de métro, de trains et de bus. Il est fondamental d’accélérer la modernisation de l'existant, pour ce qui concerne aussi bien les lignes RER C et D que la « désaturation » de la ligne 13 dès 2012, car cela permet de bien préparer l’avenir. Gardons à l’esprit que les usagers et les Franciliens n’en peuvent mais : ils galèrent dans les transports depuis des années, et ils l’ont d’ailleurs fait savoir dans le débat public voulu par la représentation nationale – et il faut la saluer pour cela – et imposé par elle au gouvernement de l’époque. Nous projetons aussi d’accélérer la réalisation des tangentielles et des tramways de banlieue à banlieue. Tous ces projets s’intégrent dans la convention particulière que le préfet de région, M. Daniel Canepa, a signée avec la région le 27 septembre 2011, sous 1' égide de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et de M. Thierry Mariani.

Une reprise par le Grand Paris Express de 90% du réseau de transport du Grand Paris, sous la maîtrise d'ouvrage de la SGP, permettra d'atteindre les objectifs fixés par le Président de la République le 29 avril 2009 : la desserte et le développement de Saclay ; la connexion des grands pôles économiques et urbains du Grand Paris, entre eux et avec le centre de l'agglomération ; la connexion avec les aéroports et les gares TGV, qui sont les « entrées » dans le Grand Paris pour l'Europe et pour le monde. Nous avons signé, il y a quelques jours, avec l’ensemble des acteurs locaux, le contrat de développement territorial du Grand Roissy.

Nous voulons aussi assurer un meilleur maillage du territoire grâce, d’une part, à l'intégration dans le projet de rocade d'une deuxième boucle à l'Est, sous maîtrise d'ouvrage du STIF, et, d’autre part, à l'intégration de gares supplémentaires sur son tracé, soit au final 57 gares pour le réseau de la SGP et 72 avec l'arc structurant complémentaire du STIF. Il s’agit de ce que nous appelons, dans notre jargon, la « ligne orange ».

Par ce maillage, et pour le RER A par exemple, c’est une « désaturation » de 15% supplémentaires qui est attendue du bouclage du Grand Paris Express. Elle s’ajoute à celle attendue de la réalisation du prolongement d'Éole à l'Ouest en 2020, elle-même de l'ordre de 12%. Pour les autres lignes, une « désaturation » de l'ordre de 15 à 20% est attendue.

Au-delà, la question du RER A – une des radiales structurantes de l'agglomération parisienne – nous amène naturellement à poser celle de l'articulation du réseau de transports avec le projet et le modèle de développement métropolitain que nous voulons mettre en œuvre dans les décennies qui viennent.

Il s'agit tout autant de créer les conditions d'une « désaturation » de la zone centrale d'un réseau de transports trop longtemps en mal d'investissements, que de structurer la ville de demain, à la fois intense et équilibrée, et de faire ainsi face, comme l’a évoqué M. Pierre Morange, aux difficultés de développement et d'aménagement que l’aire urbaine parisienne rencontre aujourd'hui. Car nous ne nous plaçons pas seulement dans une logique de transports : il s’agit aussi d’un projet global d’aménagement du territoire francilien.

En effet, si l’on regarde la ville qui s'est développée le long du RER A, on constate qu’elle est emblématique du mouvement d'agglomération des décennies passées, marqué, d’une part, par un fort clivage socio-économique entre l’Est et l’Ouest et, d’autre part, par un clivage encore plus accentué entre la zone dense, où tous les réseaux convergent, et les banlieues, mal reliées entre elles et parfois même totalement enclavées.

Le Grand Paris ambitionne de dépasser ces clivages. En effet, ce projet voulu par le Président de la République dès le début de son mandat, nous invite à aller au-delà de l'organisation très « radio-centrique » de la région capitale – une expression souvent employée, à juste raison, par M. Patrick Braouezec, député de Seine Saint-Denis et président de Paris Métropole, comme par d’autres élus – pour passer à une logique multipolaire et équilibrée.

Pour ce qui concerne les transports, M. Etienne Guyot, président de la SGP, et le préfet Daniel Canépa, vous ont précisément instruits de leurs aspects techniques. Mais je tiens à revenir sur la finalité du nouveau réseau de transport du Grand Paris, motivée par la vision multipolaire dont je viens de parler et très bien retracée dans l'article 1er de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Il s’agit de relier entre eux certains territoires stratégiques du Grand Paris, appelés à devenir de nouvelles centralités urbaines qui constitueront ensemble la palette d'identités du Grand Paris, mais aussi – et j'insiste sur ce point –de les relier avec le cœur de Paris et aux trois aéroports.

M. Pierre Morange, rapporteur. Chacun s’accorde à constater la complexité de la gouvernance des transports en Île-de-France, y compris pour vous en tant qu’autorités de tutelle des entreprises publiques opératrices qui composent ce paysage particulièrement touffu, sous l’égide du STIF, le bras armé de la région.

Emblématiques, les lignes A et B du RER soulèvent de nombreux problèmes, notamment au regard de l’interopérabilité prévue en 2009 et de la mise en place d’un centre unique de régulation, le CUB, qui n’est toujours pas opérationnel.

Toutefois, selon leurs dernières déclarations la SNCF et de RATP, peut-être pour rattraper une partie du temps perdu, semblent s’engagent sur une mise en œuvre effective à l’horizon de 2013. Ce passage à l’action n’est-il pas quelque peu problématique au regard de la capacité d’injonction de l’autorité de tutelle telle que nous avons pu la mesurer quand il s’est agi d’appliquer des engagements antérieurs ?

La Cour des comptes a souligné, dans son rapport de novembre 2010, que la présentation comptable des réseaux de transports franciliens manquait de lisibilité. Nous avons évoqué ce sujet au travers de nos différentes auditions. Comment, en effet, mener une politique de transport si on ne peut connaître son coût réel ? Cette carence de l’information, aussi bien pour l’autorité organisatrice que pour l’État, nous paraît gravement préjudiciable. Ne peut-on, là encore, enjoindre les différents acteurs, donc la SNCF et la RATP, de présenter une comptabilité permettant de disposer des éléments indispensables à la réflexion et à la décision stratégiques ?

L’affectation des sillons, sous l’égide de RFF, a aussi suscité bien des réflexions, au cours de nos auditions, s’agissant en particulier de l’hypothèse d’une déclaration de saturation afin d’établir un ordre de priorité en faveur des voyageurs au détriment du fret, des TER ou des TGV. Cette préoccupation doit s’intégrer dans les objectifs de modernisation des réseaux existants et donc dans la politique de relance des investissements, dont la mise en œuvre s’étalera dans le temps.

S’agissant de la constitution d’une sorte de Haute autorité de la qualité de service, nous n’en avons pas bien compris les éventuels pouvoirs : seront-ils purement consultatifs ou lui permettront-ils de peser sur les réalités ? Comment s’intégrera un acteur supplémentaire dans ce paysage déjà touffu mais qui méconnaît largement les attentes de l’usager que nous voulons mettre au centre du dispositif aussi bien pour qu’il participe à l’élaboration des critères de qualité qu’à l’évaluation de la qualité du service ? Hier, le secrétaire général de l’AFITF a évoqué devant nous la problématique et les fonctionnalités de cette nouvelle structure, collecteur de financements d’origines diverses mais dépourvue de la capacité de fixer des priorités et d’influer sur les choix stratégiques. Un rapport de la Cour des comptes de 2009 s’interrogeait d’ailleurs sur la pertinence d’un organisme aux compétences limitées à la signature de conventions de financement.

M. Arnaud Richard. Je tiens d’abord à saluer les travaux accomplis depuis cinq ans par les différents ministres en charge des transports comme du Grand Paris. Les relations entre l’État et la région ayant été débloquées il y a quelques mois, nous disposons maintenant de perspectives d’avenir au-delà du paysage touffu, tel que qualifié par notre rapporteur.

Le thème de la qualité de service des transports reste majeur. Trop souvent, les discours d’ingénieur minimisent l’aspect humain des enjeux.

Si nous ne sommes pas, les uns ou les autres, élus de telle ou telle ligne de transport, il n’empêche qu’il est légitime, lors d’une audition aussi importante que celle-ci, de parler de nos propres territoires. Ainsi, dans le Mantois et dans la zone de la Confluence entre Seine et Oise, la desserte sur la rive gauche est assurée par le RER A jusqu’à Poissy, par la branche qui passe par Achères et Conflans pour relier Cergy, et par la ligne Paris-Mantes par Poissy ; sur la rive droite, la desserte est assurée par la ligne Paris-Mantes par Conflans. L’ensemble des territoires concernés est appelé, dans les années à venir, à un développement phénoménal, aussi bien dans le cadre de l’opération d’intérêt national (OIN) « Seine aval » que du contrat de développement territorial « Grand Paris confluence Seine-Oise ». Les transports en commun devront bien sûr accompagner cette croissance, comme le prévoient d’ailleurs le protocole de l’OIN et le contrat de développement territorial. À ce titre, les pouvoirs publics ont arrêté un important programme de modernisation des lignes existantes, incluant un renforcement des capacités et de la fiabilité ainsi que la création de nouvelles infrastructures. Ce programme concerne le schéma de modernisation du RER A, le prolongement du RER E jusqu’à Éole, la tangentielle Ouest, l’ouverture de la ligne nouvelle Paris-Normandie et la modernisation de la ligne Paris-Mantes par Conflans.

La modernisation du RER A devrait améliorer la desserte de Cergy grâce à une modification du dispositif de retournement des trains en gare de Cergy-le-Haut qui devrait atténuer les retards récurrents de mise en ligne – nos collègues de la commission d’enquête ont pu s’en rendre compte lors de leur visite sur place. Les travaux correspondants devraient être réalisés en 2017. Le remplacement des rames MI84, de faible capacité, par des rames MI09, d’une capacité supérieure de 30%, devrait aussi améliorer sensiblement le confort des voyageurs. Leur mise en service a commencé à la fin de 2011 et devrait s’achever au début de 2014. Une rame double du type MI09 pourra transporter 2500 personnes, au lieu de 1600 dans une rame actuelle.

Lors du déplacement de la commission d’enquête, le journal Le Parisien a relevé que l’agglomération de Cergy-Pontoise souhaitait l’instauration d’un débat sur le rééquilibrage des lignes entre Poissy et Cergy en faveur de cette dernière, ainsi considérée comme défavorisée. En réalité, la situation est plus nuancée. Poissy est desservie par neuf trains par heure, et non par dix, et la charge des deux branches se trouve équilibrée au niveau de Nanterre Préfecture, où elles se rejoignent. Certes, le RER A transporte 9600 voyageurs sur la branche de Cergy et 9100 sur celle de Poissy. Toutefois, la charge de Poissy se réalise notamment à Maisons-Laffitte, Sartrouville et Houilles, ce qui justifie le nombre actuel de rames sur cette branche. Le basculement de la branche « Cergy » impliquerait de réintégrer ces arrêts et donc allongerait substantiellement la durée des parcours entre Cergy, Conflans et Achères.

En 2020, la mise en service d’Éole renforcera la desserte de Poissy et de la Seine aval. Cela devrait permettra de répondre au fort développement que j’ai évoqué précédemment, notamment celui de la boucle de Poissy. Toutefois, les études réalisées par le STIF et par RFF sur ce sujet ont montré que la pleine charge serait rapidement atteinte, ce qui suscite notre inquiétude.

M. Patrice Calméjane. Nos auditions ont souvent montré que la gouvernance du système de transports en Île-de-France souffrait de quelques carences. De fait, en dépit de la présence de représentants de l’État et même de la Cour des comptes dans les organes d’administration de RFF, de la SNCF et de la RATP, les véritables coûts, ainsi que la destination des recettes et des investissements, n’apparaissent pas toujours clairement dans les comptes. Nous avons ainsi appris que les redevances perçues par RFF sur le réseau d’Île-de-France servaient parfois à moderniser les réseaux de province. Une sérieuse remise en ordre me semble donc nécessaire.

Alors que les usagers des transports franciliens subissent les problèmes que nous connaissons, les projets qu’on nous présente portent sur le long terme, à l’horizon 2025, date à laquelle un bon tiers des usagers actuels seront à la retraite ! L’urgence frappe à la porte des toutes prochaines années. Il conviendrait donc de mettre rapidement en œuvre un certain nombre d’améliorations pratiques, comme certaines auditions de techniciens nous en montré la possibilité. Car, parfois, il suffirait de peu de choses pour moderniser le service : ainsi, pour le RER A, l’extension au secteur Est du système de gestion automatique déjà utilisé sur le tronçon central permettrait d’obtenir un meilleur cadencement, une meilleure desserte.

Je suis néanmoins satisfait de ce qu’a réalisé le Gouvernement au cours de ces dernières années. En effet, si le service minimum n’avait pas été institué, je vous laisse imaginer quelle aurait été l’ampleur de la dégradation du service en matière de transports en Île-de-France.

La prolongation du RER E vers l’Ouest devrait être prise en compte sans tarder, faute de quoi les problèmes qui ne manqueront pas de survenir demain nous feront regretter de ne pas avoir agi plus tôt. Nous devons anticiper l’évolution du cadencement du RER E en vue de l’augmentation future de sa desserte. Il en va de même de l’entretien et de la modernisation des voies : les contraintes du secteur font que les techniciens disposent aujourd’hui de très peu de temps pour intervenir – tout au plus trois heures et demie. Ne laissons donc pas se dégrader des réseaux déjà très utilisés et que l’on va encore surcharger par une augmentation de fréquence des trains.

La desserte des aéroports laisse également à désirer, particulièrement pour l’accueil de certains voyageurs : le RER n’est pas l’outil le plus sympathique ni le plus lisible pour amener vers le centre de Paris des touristes, des hommes d’affaires ou des participants à des congrès.

Enfin, monsieur le ministre de la Ville, de quels moyens complémentaires pourriez-vous disposer afin de contribuer au désenclavement de certains secteurs urbains relativement éloignés des gares ? Le Grand Paris prévoit certes la création d’une boucle en Seine-Saint-Denis, dans des zones jusqu’à présent délaissées par le système de transport. Mais, d’ici à 2025, des secteurs comme ceux de Clichy-sous-Bois ou de Sevran restent très mal raccordés au réseau de transports lourds. Comment, à plus court terme, améliorer la desserte des secteurs de rénovation urbaine, par des services d’autobus ou des aménagements de gares ?

M. le président Daniel Goldberg. On doit désormais, dans le cadre du schéma directeur des transports en Île-de-France, regarder le RER comme le futur métro du Grand Paris. Or ce réseau a vieilli, s’agissant de ses infrastructures comme de son matériel et, peut-être aussi, dans ses modes de gestion.

Ayant choisi de commencer nos auditions en entendant les usagers et leurs associations, nous avons été impressionnés par leurs connaissances techniques du sujet et par leur souci de voir leur vie quotidienne s’améliorer. Les auditions des représentants des salariés ont tout à fait confirmé cette impression.

Nous avons effectué deux déplacements : le premier de nature un peu théorique, en compagnie des opérateurs sur la ligne du RER B ; le deuxième bien plus concret puisqu’il nous a fourni l’occasion de patienter en gare d’Achères, les pieds dans la neige, dans la cohue des voyageurs du 6 février dernier.

Tenter d’améliorer aussi rapidement que possible le service proposé chaque jour à des centaines de milliers de Franciliens relève de notre responsabilité collective.

Au nom de tous les membres de notre commission, je voudrais aussi témoigner de ma sympathie pour le conducteur du RER B, qui a été grièvement blessé le matin du 1er février dernier en accomplissant sa mission de service public – le service public, ce n’est pas que le service minimum lors des mouvements sociaux, c’est aussi le service au quotidien – et qui reste encore plongé dans le coma. Nous pensons à sa famille.

La transparence comptable des opérateurs publics de transport a été plusieurs fois évoquée dans cette enceinte. Il est incompréhensible que l’on puisse aujourd’hui ignorer combien coûte le RER, au titre des investissements comme de l’exploitation. On ne peut, par exemple, dans le réseau du Transilien géré par la SNCF, distinguer la part de ce qui relève du RER de ce qui n’en relève pas. Cette opacité rend d’autant plus difficile le rôle des élus, tant ceux de la représentation nationale que ceux des collectivités locales. Nous espérons votre appui pour remédier à cette situation.

Il en va de même pour apporter des correctifs rapides à ce que j’appelle les « zones de frottement » : entre la RATP et la SNCF pour l’exploitation des lignes A et B ; entre la SNCF et RFF pour la gestion des infrastructures du réseau ferré national ; enfin, entre la gestion par la RATP de son infrastructures et RFF, car, pour être efficace, la modernisation des infrastructures des lignes A et B doit être conçue simultanément par les deux opérateurs.

Nous souhaitons – et le rapport de notre collègue Pierre Morange le soulignera certainement – que l’on travaille désormais selon un échéancier, non seulement des réalisations, mais aussi et surtout des prises de décision concernant la RATP, la SNCF et RFF. Je ne sais, par exemple, s’il faut réaliser le doublement du tunnel reliant le Châtelet aux Halles. En tout état de cause, les usagers, eux, attendent de savoir si, dans un an, ou deux ans au maximum, la décision de le faire ou non sera intervenue, sachant qu’on nous a présenté des coûts très variables pour ce projet, allant de un à quatre milliards d’euros !

De la même façon, se pose la question des lignes traversantes : faut-il conserver des lignes partant de l’extrême nord du Val-d’Oise pour aller jusqu’à l’extrême sud des Yvelines ou de l’Essonne, voire pour dépasser les limites de la région d’Île-de-France ? S’agit-il d’une bonne formule quand on sait que, en vertu d’un « effet papillon », un incident en bout de ligne provoque l’embolie de tout le réseau ? D’autant qu’on se propose d’étendre Éole à l’Ouest, vers Mantes-la-Jolie. Ne faut-il donc pas réfléchir à des modes d’exploitation différents permettant d’assurer, dans la zone la plus dense, un autre type de desserte que celui en vigueur en bout de ligne ?

Notre commission a vocation, non à répondre immédiatement à ces questions, mais à exiger des opérateurs, comme des décideurs, à leurs différents niveaux, qu’on aborde rapidement les sujets de cette nature et que soit arrêté un échéancier de prises de décisions.

La politique d’aménagement du territoire a été évoquée par M. Maurice Leroy, qui a su obtenir une convergence de vues, tardive mais certaine, entre l’État et la région d’Île-de-France. Lors de notre déplacement sur la ligne A du RER, nous nous sommes rendus à La Défense. Là-bas, l’augmentation continue des surfaces de bureaux, qui va doubler avec la réalisation du projet Seine Arche, soulève d’importantes questions d’accès par les transports en commun. Si nous sommes tous maintenant convaincus qu’on ne peut plus conserver les activités à l’Ouest et l’habitat à l’Est, ne faut-il pas remettre en cause ce type de développement ?

Enfin, quelle doit être la place des collectivités territoriales dans la maîtrise et dans la gestion des infrastructures des réseaux de transport franciliens ? Nous ne proposerons peut-être pas de décision définitive en la matière lors de la remise de notre rapport, le 7 mars prochain, mais la question mérite d’être posée et sa réponse de faire l’objet, elle aussi, d’un échéancier de décisions.

Mme Cécile Dumoulin. S’agissant du RER E, la liaison prévue pour 2020 entre Mantes-la-Jolie et Paris Saint-Lazare permettra d’avoir deux trains supplémentaires semi directs en direction des Mureaux et de Poissy, avec des durées de parcours acceptables. Le contrat spécifique de transport conclu entre l’État et la région stipule que des premiers travaux seront engagés dès 2013 pour une mise en service dès 2017, laquelle devrait améliorer notablement les conditions d’exploitation du réseau dans cette zone. Ainsi que l’a déjà demandé le comité de pilotage de l’opération d’intérêt national, l’OIN, peut-on préciser quelles sont ces possibilités d’amélioration en Seine aval, notamment pour la fiabilité du service, la mise en place des trains semi directs et les liaisons avec Nanterre-La Défense opérées par deux trains par heure ? Le calendrier sera-t-il respecté ?

Toutefois, l’amélioration la plus importante proviendra de la mise en service de la ligne Paris-Normandie, qui permettra de dissocier les trains de grandes lignes des trains transiliens. Elle correspond à un engagement du Président de la République en faveur de l’axe Seine Paris Rouen Le Havre. En dépit du caractère lointain de l’échéance, peut-on néanmoins disposer d’un calendrier de mise en oeuvre du projet ?

La rive gauche de la Seine sera très bien desservie par le RER et par la ligne Paris- Normandie. Mais, sur la rive droite, en raison, des nombreux franchissements du fleuve, les temps de parcours restent très longs : il faut plus d’une heure et quart pour se rendre de Mantes à Paris Saint-Lazare. Les élus locaux réclament donc une amélioration des transports sur la rive droite, éventuellement par des aménagements d’infrastructures, lesquels font actuellement l’objet d’une étude au sein du STIF. Le Gouvernement pourrait-il appuyer cette démarche ?

Mme Annick Lepetit. En ce qui concerne la représentation nationale, que vous avez saluée, monsieur le ministre, je rappelle que nous avons exigé une concertation et un débat public après le vote de la loi, et que la majorité comme l’opposition ont déposé des amendements au sujet de la connexion entre le nouveau réseau et l’existant.

Je ne vous interrogerai pas sur la gouvernance, car Patrice Calméjane a déjà évoqué ce sujet. Je suis d’accord avec lui, sauf sur la loi relative au service minimum : la question était déjà réglée.

Pour ma part, je regrette que le réseau existant n’ait pas fait l’objet d’un état des lieux, comme le président de la région, devenu également président du STIF, l’avait demandé lors du vote des lois de décentralisation de 2004 et 2005. Cela aurait évité de perdre du temps : deux années se sont écoulées entre la présentation du Plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France, en juillet 2008, et l’adoption de la loi relative au Grand Paris.

Mes questions porteront sur les opérateurs et la politique industrielle. Nous savons que le coût d’une nouvelle rame du RER A est passé de 10 à 15 millions d’euros entre la commande et la livraison. C’est le STIF qui paie, c’est-à-dire les collectivités locales, mais il ne peut pas peser, contrairement à l’État qui siège au conseil d’administration des entreprises concernées – la RATP pour le RER A, et RFF pour le prolongement d’Éole Il y a eu, là aussi, une dérive des coûts extrêmement importante avant même le début du chantier, et la Cour des comptes a insisté sur les difficultés actuelles, qui concernent quasiment tout le matériel roulant. Comment l’État peut-il faire pour améliorer la situation ?

S’agissant de la ligne 13, nous avons tout à coup appris par un communiqué de presse, il y a environ deux mois, qu’il y avait, depuis six ans, une procédure judiciaire opposant la RATP et une entreprise à propos de commandes de matériel roulant. Nous nous interrogeons depuis longtemps sur les problèmes de cette ligne, un comité de suivi a été mis en place et des réunions tous azimuts ont été organisées sur sa « désaturation », et pourtant nous ne savions rien de cette affaire. Les élus locaux et les usagers ont l’impression que l’on se moque d’eux.

M. Yves Vandewalle. Ma question concerne la cohérence de l’action publique dans la région Île-de-France. L’État ayant demandé, à juste titre, de développer la construction de logements, la révision du SDRIF a permis de fixer des objectifs chiffrés et ambitieux dans ce domaine. Pour accompagner cet effort, le conseil général des Yvelines a instauré des contrats de développement de l’offre résidentielle, grâce auxquels la construction de logements est passée d’environ 3 000 à 6 000 par an. Il reste toutefois un problème de cohérence entre la construction de logements et les moyens de transport disponibles.

Dans les Yvelines, les usagers se plaignent ainsi des dysfonctionnements de la partie sud de la ligne B du RER. Le réseau routier est de plus totalement saturé le matin et le soir dans ce département et dans l’Essonne : les carences des transports en commun poussent en effet nos concitoyens à se déplacer en voiture. Nous attendons donc avec impatience le bouclage du grand métro automatique au Sud.

Le retard actuel est, bien sûr, la conséquence d’une quarantaine d’années de sous-investissement. Je ne fais de procès à personne, mais je comprends fort bien les usagers. Comment ferez-vous pour assurer une cohérence entre les objectifs fixés en matière de construction de logements et la desserte en transports en commun ? Le développement durable l’exige.

M. Didier Gonzales. Le réseau du Grand Paris Express viendra très opportunément compléter l’offre de transport pour les Franciliens, notamment grâce à des liaisons de banlieue à banlieue.

S’agissant du RER C, le réseau tentaculaire, à sept branches, qui existe aujourd’hui doit céder la place à un nouveau modèle d’exploitation permettant un service plus fréquent à proximité de Paris, notamment dans le Val-de-Marne. À cela s’ajoute le problème posé par la mixité du trafic au Sud de la Gare d’Austerlitz : le STIF a semblé remettre en cause, devant cette commission d’enquête, la mutualisation du projet de sextuplement des voies avec la nouvelle ligne à grande vitesse Paris Orléans Clermont Lyon (POCL), qui permettrait de réserver les quatre voies actuelles au RER C et de construire deux voies spécifiques pour le POCL en dehors des secteurs urbanisés. J’aimerais connaître l’avis du Gouvernement à l’issue du débat public qui vient d’avoir lieu.

Plusieurs personnes auditionnées ont insisté sur la nécessité d’une politique d’aménagement du territoire équilibrée : le défaut des nouvelles lignes est qu’elles ont pour vocation de transporter des salariés habitant à l’Est de la capitale vers des zones d’emploi majoritairement situées à l’Ouest. Le Grand Paris présente certes une offre de transport bienvenue, mais nous aurions aussi besoin d’une vision ambitieuse de l’aménagement du territoire, tendant à assurer un rééquilibrage en Île-de-France. Les auditions ont montré qu’il y a une réelle interrogation sur le caractère « grenello-compatible » du recours à des territoires situés intra-muros ou dans la très proche banlieue. La question se pose notamment dans le cadre de la commission sur l’avenir d’Orly. L’Atelier international du Grand Paris travaillera-t-il sur cette question ? L’aménagement du territoire fait partie des solutions permettant de réduire l’engorgement des moyens de transport que les populations sont forcées d’utiliser en l’absence d’autres possibilités. Les solutions de nature technique ne sont pas à la hauteur des enjeux.

M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports. La création de l’Autorité de la qualité de service dans les transports a été annoncée par le Président de la République, le 8 septembre dernier, à l’occasion de l’inauguration de la LGV Rhin-Rhône.

Son premier objectif sera d’inciter les opérateurs à améliorer la qualité du service grâce à la publication d’indicateurs fiables sur la régularité, la ponctualité et la qualité de l’information diffusée aux voyageurs. Le deuxième objectif sera de les informer de manière claire et transparente sur leurs droits et leurs devoirs, ainsi que sur les démarches à accomplir.

Dès cet après-midi, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même annoncerons la création de la nouvelle Autorité, qui devrait être présidée à titre bénévole par un député francilien, Eric Raoult. Un site Internet sera ensuite lancé, le 20 février prochain, pour servir de baromètre en matière de qualité de service.

Pour la première fois en Europe, nous mettrons ainsi à la disposition du public plus de 27 000 données concernant la ponctualité des transports aériens et ferroviaires à longue distance. Dès la fin de 2012, les trains express régionaux, les trains périurbains et les transports en cars à longue distance seront également concernés. Cet effort de transparence devrait permettre d’éviter certaines querelles – pour le moment, les informations en provenance des associations d’usagers sont souvent plus claires que celles des services officiels !

Quant à la déclaration de saturation, cette procédure issue du droit communautaire est un dispositif lourd visant des situations particulières. Il convient de l’utiliser de manière pragmatique, lorsque sa pertinence est avérée, conformément au dernier avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF). Il faudra s’assurer que l’on en maîtrise bien les conséquences, notamment en matière de règles de priorité, après avoir mené une réflexion en amont avec toutes les parties prenantes, en particulier les autorités organisatrices des régions voisines, et en liaison avec l’ARAF. Je crois que vous avez déjà évoqué cette question lors de l’audition de M. du Mesnil.

En ce qui concerne la transparence, la situation est tout à fait insatisfaisante : les présidents de région nous disent qu’ils n’arrivent pas à y voir clair dans la comptabilité transmise par la SNCF. Il y a donc des efforts à réaliser, et je soutiens pleinement la demande du STIF et des régions.

Quant à la ligne 13, les services du ministère m’ont indiqué que le STIF était parfaitement informé du problème avec la RATP qui a été évoqué par Mme Lepetit. Il a même été sollicité directement, à plusieurs reprises, par l’entreprise Ansaldo.

Depuis la loi dite « ORTF », le STIF est co-décisionnaire en ce qui concerne le matériel roulant. Ce qui a été indiqué est exact, mais nous avons rectifié le tir, et je suis d’accord avec vous : il importe que l’autorité organisatrice soit davantage partie prenante dans ce domaine.

S’agissant de la qualité du service, le Président de la République a plaidé, le 5 décembre dernier, pour une évolution des modalités d’exploitation des transports collectifs en Île-de-France. Il a notamment demandé à la RATP, à la SNCF et à RFF d’expérimenter une structure de pilotage commune sur les RER A et B. La RATP et la SNCF ont donc constitué un groupe de travail en vue de créer une telle structure sur la ligne B, dans un délai de six mois. D’ici à la fin de l’année 2012, les acteurs opérationnels, la RATP, la SNCF et la direction de la circulation ferroviaire (DCF), seront regroupés au sein d’un centre de commandement commun qui devrait prendre en charge, avant la fin de l’année 2013, tous les moyens nécessaires pour une exploitation performante.

J’en viens à l’AFITF : cette structure, qui a fait la preuve de sa pertinence et de son poids, devrait être renforcé à l’avenir. Je pense en particulier au Schéma national des infrastructures de transport (SNIT), en cours d’examen au Conseil économique, social et environnemental : l’AFITF pourrait tout à fait être chargée d’une mission de hiérarchisation des investissements. Le SNIT étant un immense catalogue pour les trente années à venir, il reste à savoir par où commencer !

L’Île-de-France est une des priorités du budget de l’AFITF, Monsieur Richard, et les crédits nécessaires à la mise en œuvre des résultats de la concertation spécifique du 26 septembre 2011 sont bien provisionnés. Le développement des infrastructures, notamment le prolongement du RER à l’Ouest, participera à la « désaturation » de la ligne A. Nous y veillerons.

S’agissant du RER E, je suis d’accord sur la nécessité d’anticiper, mais vous connaissez la durée des investissements. Pour respecter le schéma de desserte, un nouveau système d’exploitation à haut débit est nécessaire. Les travaux entrepris par les trois principaux opérateurs doivent permettre de bénéficier des compétences techniques développées par la RATP pour son réseau de métro, dans le cadre de l’enveloppe prévue pour Éole. En réponse à Mme Dumoulin, je précise que le calendrier sera respecté.

Quant à l’accident sur le RER B, j’ai saisi le Bureau d’enquête sur les accidents de transport terrestre. Une partie métallique de la caténaire a heurté le conducteur et le pronostic vital est engagé. Comme vous, j’espère une issue favorable.

En ce qui concerne le doublement du tunnel entre Châtelet-les Halles et Gare du Nord, les études seront réalisées avec le STIF en 2012, et la place des collectivités sera essentielle dans la prise de décision, à l’image de leur participation financière.

J’ajoute que la nouvelle ligne entre Paris et la Normandie est une priorité du Gouvernement. M. Antoine Rufenacht, qui a été nommé Commissaire général pour le développement de la Vallée de la Seine, a récemment remis un rapport sur ce sujet au Premier ministre. Nous veillerons, par ailleurs, à améliorer les transports sur la rive droite.

S’agissant du RER C, vous savez que nous réalisons des efforts et que Nathalie Kosciusko-Morizet est particulièrement attentive à cette question. Les études sur le sextuplement des voies auront lieu cette année. Il s’agira notamment d’assurer une coordination avec le POCL. En ce qui concerne ce projet, le débat public s’est achevé à la fin du mois de janvier. Nous disposerons d’une synthèse avant la fin du mois de mars. RFF en tirera des conclusions que nous vous transmettrons dès que nous les connaîtrons.

La mise en cohérence des logements et des transports est l’exemple type, monsieur Vandewalle, de ce que nous devons faire dans le cadre du projet du Grand Paris.

M. Maurice Leroy, ministre de la Ville. Je tiens à rappeler que le périmètre de ce projet coïncide avec la moitié du champ de la politique de la Ville au plan national : 50% de la géographie prioritaire est concentrée en Île-de-France. Avec le Grand Paris, nous faisons donc de l’aménagement et du développement du territoire. Clichy-sous-Bois et Montfermeil sont, du reste, des cas emblématiques de la politique de la Ville.

L’accord du 26 janvier 2011 traduit une volonté de rééquilibrage au profit de l’Est francilien, notamment la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, qui n’étaient pas nécessairement visés par le Grand Paris Express, malgré l’importance de leur population. Nous avons veillé à concilier le projet de la région et celui de l’État, et nous allons réparer une injustice commise depuis des années. J’ajoute que si nous n’avions pas conclu un accord avant le 31 janvier, date de clôture de l’enquête publique, cette législature n’aurait pas vu le lancement du Grand Paris.

Avec M. Jean-Paul Huchon, à la région, je m’efforce d’accélérer le débranchement du T4 jusqu’à Clichy-sous-Bois et Montfermeil. Nous allons, bien sûr, faciliter la desserte, mais ce sera dans le cadre des contrats de développement territorial – notre approche n’est pas « haussmannienne ». À titre d’anecdote, je rappelle que le préfet Haussmann a personnellement été en charge de Paris pendant dix-sept ans, et que l’ensemble des grands travaux réalisés à cette époque a duré soixante ans !

La Défense doit-elle continuer à se développer ou bien faut-il construire un autre pôle économique ? C’est un vieux débat. Pour ma part, j’estime qu’on ne doit pas opposer La Défense et le reste de la région capitale, car celle-ci a besoin d’un pôle fort et développé. N’oublions pas que nos territoires sont en concurrence avec d’autres capitales européennes et mondiales, telles que Londres. La Défense est une chance pour l’ensemble de la métropole capitale et pour la France : elle attire des investissements et des emplois, et elle en crée aussi. Cela dit, nous devons permettre à d’autres territoires de se développer, en étant bien insérés dans la ville. Comme La Défense, ils doivent devenir des lieux de vie et d’habitat, répartis de manière équilibrée sur l’ensemble du territoire : c’est l’un des principaux enjeux de la ville « post-Kyoto ». Je pense en particulier à la Plaine Commune, à la Vallée scientifique de la Bièvre, à Grand Paris Seine-Ouest, à la Cité Descartes, aux pôles d’Orly et de Saclay, à Cergy-Pointoise, à la Confluence Seine-Oise, au Bourget et au Grand Roissy. Tous ces territoires se développent et assurent un rééquilibrage notamment par rapport à La Défense.

En ce qui concerne le financement, deux nouvelles ressources fiscales ont été créées en lois de finances rectificatives pour 2010 et 2011, ce qui est très important pour la crédibilité du Grand Paris. À chaque fois qu’un euro lui est alloué, un autre va au STIF pour financer les investissements du Plan de mobilisation, en particulier la rénovation des RER. Conformément aux préconisations du rapport de M. Gilles Carrez, que je tiens à saluer, le protocole d’accord du 26 janvier dernier se traduira chaque année, en loi de finances, par des ressources budgétaires destinées à couvrir les investissements nouveaux et les coûts d’exploitation qui en résultent. Les recettes fiscales nouvelles ont été fixées par la loi de finances rectificative pour 2010 à environ 300 millions d’euros pour la Société du Grand Paris (SGP) et à un montant identique pour le STIF. À cela s’ajoute le versement transport (VT) qui doit permettre au STIF de dégager, à terme, 100 millions d’euros de recettes supplémentaires par an, afin de couvrir une partie des coûts d’exploitation liés aux nouveaux investissements.

Eu égard à l’état du réseau, la priorité va à la rénovation, à la modernisation et à la « désaturation ». Le prolongement de la ligne 14 devrait ainsi permettre de « désaturer » la ligne 13. Grâce à la nouvelle définition de la zone 2 du versement transport, des moyens seront également dégagés par décret pour financer les coûts d’exploitation, conformément aux préconisations du rapport de Gilles Carrez.

Je fais confiance au STIF et à la région pour flécher, de manière responsable, ces ressources vers les investissements structurants présentés par Thierry Mariani. Il s’agira notamment de respecter les engagements pris avec l’État pour la rénovation du RER.

Il y a une cohérence entre le Grand Paris, la politique du logement et celle de la Ville : c’était le souhait du législateur, et c’est aussi le but des contrats de développement territorial (CDT). S’agissant du SDRIF, je rappelle que l’État a tenu parole et qu’une mise en cohérence a été prévue par une loi adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, sur proposition du groupe socialiste du Sénat. Quant aux 19 contrats de développement territorial – j’ai signé celui du Grand Roissy cette semaine, après celui de la Vallée de la Bièvre, la semaine dernière –, ils concernent notamment le logement. Au lieu de partir d’en haut, selon un modèle haussmannien, nous avons adopté une démarche partenariale avec les collectivités territoriales. La loi ne l’interdisant pas, j’ai d’ailleurs autorisé les conseils généraux à cosigner les contrats. Grâce au travail en amont qui est réalisé avec les élus, nous éviterons de reproduire les effets auxquels nous essayons actuellement de remédier.

En réponse à M. Gonzales, je rappelle qu’il y a un projet de contrat de développement territorial concernant Orly et Rungis, auquel l’Atelier international du Grand Paris est associé. Laissons le travail se faire. En parallèle, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, et Thierry Mariani, nous avons installé une commission de réflexion sur l’avenir d’Orly qui réunit l’ensemble des acteurs – les usagers, les riverains, les organisations syndicales représentatives, les élus et les opérateurs. Vous connaissez l’implication personnelle de Nathalie Kosciusko-Morizet, que je tiens à saluer pour son courage. Cette commission est une première en France, et elle avance bien dans ses auditions, sous la présidence du préfet André Viau. Je tiens enfin à rappeler qu’Orly, Roissy et Le Bourget sont les portes d’entrées de la région capitale et du Grand Paris, dont il ne faut pas oublier la vocation internationale.

M. le président Daniel Goldberg. Merci, Messieurs les ministres, pour votre participation à cette audition, qui est la dernière de la Commission d’enquête.

——fpfp——

SITES D’ASSOCIATIONS D’USAGERS DU RER

– Fédération nationale des associations d’usagers de transports (FNAUT) Île-de-France : http://www.fnaut.asso.fr/

– Fédération des usagers des transports et des services publics (FUT-SP) : http://www.sos-usagers.com/accueil.php

– Pour vivre sans CDG Express : http://vivresanscdgexpress.free.fr/

Ÿ LIGNE A

– Association de défense des usagers du RER A (ADURERA) :
http://fr-fr.facebook.com/pages/Association-des-Usagers-du-RER-A-ADURERA/101573063265806

– Association « Ma ligne A » : http://fr-fr.facebook.com/pages/MA-LIGNE-A/271926539497690?v=info

Ÿ LIGNE B

– Comité des usagers du RER B en Vallée de Chevreuse (COURB) : http://asso.rerb.free.fr/

Ÿ LIGNE C

– Comité d’Initiative pour le Rassemblement et la Concertation des Usagers de la Ligne C en Essonne (CIRCULE) : http://circule.rerc.free.fr

Ÿ LIGNE D

– Soutien Associatif des Usagers Révoltés (SADUR) : http://portail.sadur.org/

SIGLES

SIGLE

Signification

ADP

Aéroports de Paris

ADURERA

Association de défense des usagers saint-germanois du RER A

AEIF

Agence européenne d'interopérabilité ferroviaire

AFITF

Agence de financement des infrastructures de transport de France

AFNOR

Association française de normalisation

AGC

Autorail de grande capacité

AIGLE

Aide à l’intervention globale des lignes en exploitation

AMF

Association des maires de France

AMIF

Association des maires d’Île-de-France

AMP

Agent de maîtrise polyvalent

ANRU

Agence nationale pour la rénovation urbaine

AO

Autorité organisatrice

AOT

Autorités organisatrices de transport

AOTU

Autorité organisatrice des transports urbains

APUR

Atelier parisien d’urbanisme

ARAF

Autorité de régulation des activités ferroviaires

BFM

Bibliothèque François Mitterrand

BRF

Brigade des réseaux ferrés

BSPP

Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

BTP

Bâtiment et Travaux Publics

CADA

Commission d’accès aux documents administratifs

CAF

Capacité d’autofinancement

CCIR

Chambre de commerce et d’industrie régionale

CCL

Chef de circulation local

CCR

Commande centralisée du réseau

CDG

Charles de Gaulle

CDSMG

Centre de surveillance multi gares

CDT

Contrats de développement territorial

CERTU

Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques

CESE

Conseil économique, social et environnemental

CESER

Conseil économique, social et environnemental régional d'Île-de-France

CETE

Centre d’études techniques

CFDT

Confédération française démocratique du travail

CFE-CGC

Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres

CGEDD

Conseil général de l’environnement et du développement durable

CGT

Confédération générale du travail

CIADT

Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire

CIL

Chef d’incident local

CIRCULE

Comité d’initiative pour le rassemblement et la concertation des usagers de la ligne C en Essonne

CMP

Compagnie de chemin de fer de Paris

CNDP

Commission nationale du débat public

COGC

Centre opérationnel de gestion des circulations

COPC

Centre opérationnel pour la gestion des circulations

COPILS

Comités de pilotage partenariaux

CORG

Centre d'opérations et de renseignement de la gendarmerie

COT

Centre opérationnel Transilien

COURB

Comité des usagers du RER B en Vallée de Chevreuse

CPER

Contrat de projets État-Région

CPTP

Comité des partenaires du transport public

CRC

Coordinateur régional des circulations

CRE

Commission de régulation de l’énergie

CREG

Chef de régulation

CRTE

Comité régional « Transport et Équipement »

CTT

Cadre conduite traction

CUB

Centre unique ligne B

DATAR

Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale

DCF

Direction de la circulation ferroviaire

DDSP

Directions départementales de la sécurité publique

DeFacto

Établissement public de gestion du quartier d’affaires de La Défense

DEP

Dossier d’enquête publique

DG

Direction générale

DGAC

Direction générale de l’Aviation civile

DGCCRF

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

DGITM

Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer

DGTPE

Direction générale du trésor et de la politique économique

DOCP

Dossier d’objectifs et de caractéristiques principales

DRC

Directeur régional des circulations

DRH

Directeurs des ressources humaines

DRO

Directeur régional des opérations

DSPAP

Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne

DUP

Déclaration d’utilité publique

EF

Entreprise ferroviaire

EGT

Enquête globale transports

EIC

Etablissement infrastructure-circulation

EPA

Établissement public administratif

EPAD

Établissement public pour l'aménagement de la région de la Défense

EPADSA

Établissement public pour l'aménagement de la région de la Défense Seine Arche

EPCI

Etablissement public de coopération intercommunale

EPIC

Etablissement public à caractère industriel et commercial

EPSF

Établissement public de sécurité ferroviaire

ERPL

Eco-Redevance Poids Lourds

FEV

Fédération européenne des voyageurs

FNAUT

Fédération nationale des associations d’usagers des transports

FUT-SP

Fédération des usagers des transports et des services publics

GART

Groupement des autorités organisatrices des transports

GDI

Gestion des infrastructures (RATP)

GES

Gaz à Effet de Serre

GI

Gestionnaire d’infrastructure

GID

Gestionnaire d’infrastructure délégué

GIV

Gestionnaire de l’information voyageur

GM

Gestionnaire de moyens

GPE

Grand Paris Express

GPSR

Groupement de protection et de sécurité des réseaux (RATP)

GTI

Gestionnaire du plan de transport et de l’information

HQE

Haute qualité environnementale

IAU

Institut d’aménagement et d’urbanisme

IFER

Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux

INSEE

Institut national de la statistique et des études économiques

IPCS

Installation permanente de contresens

JO

Offre d’un jour ouvrable

KCVP

Contrôle continu de vitesse sur les prolongements

LGV

Ligne à grande vitesse

"LOLF"

Loi organique relative aux lois de finances

"LOTI"

Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs

MIN

Marché d’intérêt national

MRF

Matériel roulant ferroviaire

NAT

Nouvelle automotrice Transilien

NExT

Nouvelle exploitation du Transilien

NF

Norme française

OIN

Opération d’intérêt national

OPJ

Officier de police judiciaire

OPTILE

Organisation professionnelle des transports d’Île-de-France

ORSTIF

Observatoire Régional de Santé au Travail d'Île-de-France

"ORTF"

Loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires

OSP

Règlement européen du 23 octobre 2007, dit « obligations de service public »

PACT

Pôle d’appui conduite Transilien

PC

Petite ceinture

PCC

Poste de commandes centralisées

PDU

Plan de déplacements urbains

PDUIF

Plan de déplacements urbains de l’Île-de-France

PIB

Produit intérieur brut

PID

Panneau Indicateur de Direction

PIVIF

Point d’information voyageurs Île-de-France

PKO

Place/Km Offerte

PLD

Plan local de déplacements

PMR

Personnes à mobilité réduite

PN

Paris nord

POCL

Projet de ligne à grande vitesse Paris - Orléans - Clermont-Ferrand – Lyon

PORT

Pôle Opérationnel Régional Transport

PPP

Partenariats publics privés

PRG

Paris rive gauche

PVPP

Plan de vidéoprotection de Paris

RATP

Régie autonome des transports parisiens

RC

Redevance de circulation

RER

Réseau express régional

RFF

Réseau ferré de France

RFN

Réseau ferré national

RGPP

Révision Générale des Politiques Publiques

RP

Ressources propres

RR

Redevance de réservation

RTT

Recettes totales du trafic

SACEM

Système d'aide à la conduite, à l'exploitation et à la maintenance (RATP)

SADUR

Soutien Associatif des Usagers Révoltés

SCOT

Schémas de cohérence territoriale

SD

Offre d’un samedi / dimanche

SDA

Schéma directeur de l’accessibilité

SDAU

Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme

SDAURP

Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne

SDMR

Schéma Directeur du Matériel Roulant

SDRIF

Schéma directeur régional de la région Île-de-France

SDRPT

Sous-direction régionale de la police des transports

SGP

Société du Grand Paris

SIC

Salle d’information et de commandement

SIEL

Système d’information en ligne

SISVE

Système d’information sonore et visuel embarqué

SNCF

Société nationale des chemins de fer français

SNIT

Schéma national des infrastructures de transport

SRPT

Service régional de police des transports

"SRU"

Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains

STI

Spécification technique d'interopérabilité

STIF

Syndicat des transports d’Île-de-France

STP

Syndicat des transports parisiens

STRMTG

Service technique des remontées mécaniques et des transports guidés

SUD

Syndicat Solidaires Unitaires Démocratiques

SUGE

Service de surveillance générale (SNCF)

TCO

Tableau de contrôle optique

TCSP

Transports collectifs en site propre

TDE

Transformation et Distribution de l’Énergie électrique

TER

Transports express régionaux

TET

Trains d'Équilibre du Territoire

TTME

Tram Train entre Massy et Evry

TVM

Trans Val-de-Marne

T ZEN

Bus de nouvelle génération circulant sur une voie réservée et prioritaire

UFR

Utilisateurs de fauteuils roulants

UMAP

Union des maires de l'agglomération parisienne

UNSA

Union nationale des syndicats autonomes

UP

Unité de production

VBB

Verkehrsverbund Berlin Brandenburg

VMI

Vallée de Montmorency – Invalides

VT

Versement transport

ZAC

Zone d’aménagement concertée

ZIP

Zone dense / Information des clients / Prise en charge

ZUP

Zone à urbaniser en priorité

COMMISSION D’ENQUÊTE RELATIVE AUX MODALITÉS, AU FINANCEMENT ET À L’IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT DU PROJET DE RÉNOVATION DU RÉSEAU EXPRESS RÉGIONAL D’ÎLE-DE-FRANCE

CHARTE D’ENGAGEMENT

« POUR UN RER AU SERVICE DES FRANCILIENS »

SNCF, RATP et RFF, représentés par M. Guillaume Pepy, M. Pierre Mongin et M. Hubert du Mesnil, s’engagent au terme des travaux de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale relative aux modalités, au financement et à l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France, à mettre en œuvre dans les meilleurs délais compatibles avec les dispositions techniques et réglementaires, les mesures nécessaires à une simplification de l’exploitation et une modernisation de la gouvernance au service des usagers, grâce à une gestion unifiée de l’ensemble du réseau RER et du Transilien.

– Renforcer la place des usagers d’Île-de-France au sein des conseils d’administration ou de surveillance de la SNCF, de la RATP mais aussi de RFF dans l’esprit des lois du 26 juillet 1983 de démocratisation du secteur public ;

– Pour la ligne A, lancer dans les plus brefs délais un groupe de travail visant la création d’un centre unique de commandement de la ligne A (CUA), et supprimer la relève de Nanterre Préfecture entre conducteurs RATP et SNCF ;

– Pour la ligne B, réaliser la mise en œuvre opérationnelle, avant le terme de l’année 2012, du centre unique de commandement (CUB) de la ligne à Denfert-Rochereau ;

– Pour l’ensemble du réseau, augmenter le nombre des trains de réserve sur chaque ligne et de conducteurs immédiatement disponibles afin de répondre plus rapidement à certains incidents techniques autorisant néanmoins une reprise de la circulation à brefs délais et, là où c’est techniquement réalisable, créer de nouvelles plateformes de retournement ;

– Développer d’ici la fin de l’année 2012 un système d’information des usagers fiable, complet et multimodal en temps réel dans le cadre de Vianavigo en communiquant de manière systématique les incidents perturbant le réseau. Les représentants des usagers doivent être associés à l’élaboration, au contrôle et à l’évaluation des critères de qualité du service ;

– Pour les opérateurs SNCF et RATP, présenter une comptabilité analytique par ligne au plus tard le 31 décembre 2012.

SIGNATURE DE LA CHARTE D’ENGAGEMENT

M. Pierre MONGIN

M. Hubert du MESNIL

M. Guillaume PEPY

Président directeur général de la RATP

Président de RFF

Président de la SNCF

     

LISTE DES CONTRIBUTIONS ET DOCUMENTS REÇUS PAR LA COMMISSION

Ÿ OPÉRATEURS ET AUTORITÉS ORGANISATRICES

– Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) : Courrier de M. Denis HUNEAU (directeur général de l’EPSF) à M. Daniel GOLDBERG (président de la commission d’enquête), 9 février 2012

– PCC ligne B du RER : Présentation par M. Cyril CONDÉ (directeur du département RER) lors de la visite du 30 janvier 2012

– RATP : Courriers de M. Pierre MONGIN (PDG de la RATP), adressés à la Commission en réponse aux questions des parlementaires, 27 janvier 2012 et 24 février 2012 ; Données sur l’évolution du trafic des RER A et B ; « Mesures de régulation – PCC ligne A », document transmis par M. Didier GONZALES (député du Val-de-Marne, membre de la commission)

– RFF : Présentation de l’Institut de Recherche Technologique (IRT) "RAILENIUM"

– SNCF : Document de présentation réalisée pour l’audition de M. Guillaume PEPY et Mme Bénédicte TILLOY du 18 janvier 2012 ; Courriers de M. Guillaume PEPY (président de la SNCF), adressés à la Commission en réponse aux questions des parlementaires, 26 janvier et 14 février 2012

– RATP / SNCF : Communiqué de presse « La RATP et SNCF créent un groupe de travail pour mettre en place une gestion commune du RER B » (9 février 2012)

– Société du Grand Paris : « Métros du monde » (catalogue de gares de référence, janvier 2012)

– STIF : « Le conseil du STIF approuve les fonctionnalités du futur matériel RER en Île-de-France » (Communiqué de presse du 5 octobre 2011) ; Fiches d’information sur les lignes de RER (février 2011) ; Liste des indicateurs STIF-RATP et STIF-SNCF, adressée par M. Patrice SAINT-BLANCARD (Responsable du service Offre Ferroviaire, STIF – Direction de l’Exploitation, 13 février 2012 ; Réponse aux questions des parlementaires adressées par courrier du 2 février 2012, adressée à la Commission par M. Jean-Paul HUCHON (Président) et M. Jean-Christophe MONNET (directeur de Cabinet), 17 et 23 février 2012 ; « Préparation du Schéma Directeur du RER A – Réunion d’information du 16 décembre 2011 », document transmis par M. Didier GONZALES (député du Val-de-Marne, membre de la commission) ; Délibération n°2011/0917 (7 décembre 2011) relative à la modification du zonage du versement transport (avis du conseil du STIF sur le projet de décret relatif à la liste des communes prévue au 2° de l’article L.2531-4 du Code général des collectivités territoriales)

Ÿ COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

– Association « Les Villes du RER B Sud » : Contribution adressée par M. Vincent DELAHAYE (sénateur maire de Massy), 31 janvier 2012

– Mme Marie Carole CIUNTU (maire de Sucy-en-Brie, conseillère régionale d’Île-de-France, vice-présidente de la Communauté d’Agglomération du Haut Val-de-Marne), 27 janvier 2012

– Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise : Contribution adressée par M. Dominique LEFEBVRE (président de la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise), 3 février 2012

– Conseil régional d’Île-de-France : Réponse du Conseil régional d’Île-de-France au questionnaire de la commission d’enquête, adressée le 22 février 2012 à la Commission par M. Jean-Paul HUCHON (président du Conseil régional d’Île-de-France)

– Conseil Général du Val de Marne : Contribution adressée par M. Christian FAVIER (président du Conseil général du Val-de-Marne), 24 février 2012

– M. Alexandre JOLY (maire de Houilles, vice-président du Conseil général des Yvelines, vice-président de la CCBS chargé des transports), 21 février 2012

– SAN de Sénart : Contribution sur le RER D adressée le 25 janvier 2012 ; Courrier du 22 février 2012 de M. Jean-Jacques FOURNIER (président du SAN de Sénart) transmettant au Président de la commission d’enquête la résolution du Comité syndical du SAN de Sénart du 2 février 2012 sur les dessertes semi directes vers Paris du RER D

Ÿ ASSOCIATIONS ET GROUPES D’USAGERS

– ADURERA (Association de défense des usagers saint-germanois du RER A) : Contribution adressée par M. Frédéric LINARES, président de l’ADURERA, 11 janvier 2012

– « Ma Ligne A » : Contribution adressée par M. Cyril LANGELOT (président de l’association « Ma ligne A »), 2 mars 2012

– 4 D (Dossiers et Débats pour le Développement Durable) et ALU3 : « L’Association 4D et ALU3 demandent un réexamen des solutions permettant le prolongement du RER E à l’ouest », contribution à l’enquête publique « Projet EOLE : prolongement du RER E à l’ouest » (13 février 2012)

– ATC Pays d’Auge Normandie Europe : Contribution adressée par M. Pierre VAVASSEUR, 10 février 2012

– M. Didier BARRAULT : « Propositions d’améliorations du RER de la part d’un usager Lambda », 8 février 2012

– Comité des usagers de la ligne du R.E.R. B (Sevran) : Courrier adressé par M. Bernard WENTZEL (président du Comité des usagers de la ligne du R.E.R. B) à M. Daniel GOLDBERG (président de la commission), 12 janvier 2012 ; « Le livre blanc des revendications du comité des usagers de la ligne B de Sevran (Livry) » ; Lettres du comité des usagers de la ligne B du R.E.R.

– COURB (Comité des Usagers du RER B en Vallée de Chevreuse) : Contribution adressée par Mme Marie-Hélène WITTERSHEIM (présidente de la COURB), 18 janvier 2012

– Environnement 93 : Contribution « Le scandale du RER B » adressée par M. André CUZON (vice-président d'Environnement 93 en charge des transports), 31 janvier 2012

– Groupe d’habitants de Gif-sur-Yvette : Contribution adressée par M. Louis SANGOUARD, 26 janvier 2012

– Groupement de Nocéens : Courriel du 6 février 2012 sur les « Conditions de transport à NSM » transmis par M. Jacques MAHÉAS (maire de Neuilly-sur-Marne), 14 février 2012

– FNAUT Île-de-France (Fédération Nationale des Associations des Usagers de Transports) : « Le Réseau Express Régional : Quelques constats et propositions », janvier 2012

Ÿ SYNDICATS

– CRTE (Comité Régional « Transport-Équipement ») - CFDT d’Île-de-France : Contribution adressée par M. Philippe Goullieux (secrétaire général du CRTE CFDT d’Ile de France), 23 janvier 2012

– CFE CGC RATP : Courriel adressé par M. Alain TERNOIS (délégué syndical central, président), 17 janvier 2012

– CGT UIT / Fédération des cheminots / Transports : Déclaration du 12 janvier 2012 dans le cadre de la commission d’enquête

– Force Ouvrière (FO) : Contribution adressée par M. Alain BESLIN (délégué Syndical Central Adjoint, conducteur RER Ligne A), 18 janvier 2012

– FO / UNSA-RATP / CGT Métro : Lettre conjointe à M. Cyril CONDÉ (directeur de Département RER) relative à une alarme sociale sur les effectifs des lignes A et B, 31 janvier 2012 ; « Constat de désaccord suite à alarme sociale » (M. Cyril CONDÉ / FO / UNSA-RATP / CGT Métro, 6 février 2012) ; Déclaration des élus de l’UNSA-RATP à la séance du CDEP RER du 10 février 2012

– MEDEF : Contribution adressée par M. Jérôme DUBUS (délégué général du MEDEF Île-de-France), 1er février 2012 ; « éléments complémentaires » adressés le 9 février 2012

– SUD RATP : Contribution du 12 janvier 2012 adressée par M. Philippe TOUZET (délégué central SUD RATP), 20 janvier 2012

– UNSA RATP : « RER A, au cœur des maux », 16 janvier 2010 ; demande d’audience au Président Pierre MONGIN, janvier 2011 ; « Directives RER Ligne A - Nos propositions », février 2010 ; réponses au compte rendu du comité de ligne RER B, du 29 novembre 2010, par M. Laurent GALLOIS (délégué syndical au département RER RATP, délégué syndical d’établissement RER B), 22 février 2011 ; contribution adressée par M. Laurent GALLOIS (conducteur de train et représentant syndical à l’UNSA), 12 décembre 2011 ; contribution de M. Luc OFFENSTEIN (conducteur RER A, Délégué Syndical d’Établissement, élu au Comité Départemental Économique Professionnel, délégué du Personnel) et M. Gilles GROUX (conducteur RER A, élu au Comité Départemental Économique Professionnel, président de la Commission Nouvelles Technologies, Délégué du Personnel), 17 janvier 2012 ; Courrier de MM. Luc OFFENSTEIN et Gilles GROUX à M. Daniel GOLDBERG (président de la commission d’enquête), 8 février 2012

Ÿ INTERNAUTES (site de l’assembleé nationale)

– Dix-huit contributions, adressées en janvier et février 2012 par quatorze internautes (Association ENVIRONNEMENT 93, M. André BEL, Mme Emmanuelle BOIS, M. Jordi CARBONELL, Mme Valérie CASTILLO, Mlle Emmanuelle DIANI, M. Fabrice LANDRY, M. Frédéric LINARES (4), Mme Sabrina REIS, M. Éric SAUVANET, Mme Emmanuelle TOUSSAINT, Mme Anne TURCHINI, M. Pierre VAVASSEUR, M. Gérard VOILLOT)

Ÿ AUTRES

– Cour des comptes : Rapport thématique « Les transports ferroviaires régionaux en Île-de-France » (novembre 2010)

– CESER Île-de-France : Cahiers d’acteurs (brochures du CESER Île-de-France, n°2, 12, 18, 19, 22 et 39, octobre 2010 – décembre 2011) ; « Révision du PDUIF : avis préalable à l’arrêt du projet par le conseil régional » (rapport préparé par M. Daniel RABARDEL au nom de la commission des Transports, 13 octobre 2011) ; « Contribution à la mise en œuvre du volet transport de la loi du 11 février 2005 relative à "L’égalité des droites et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapée" » (rapport préparé par M. Denys DARTIGUES au nom de la commission des Transports, 10 novembre 2011) ; Avis sur la révision du SDRIF et les OIN, et avis relatif à la tarification des transports franciliens, transmis à la commission par M. Jean-Claude BOUCHERAT (président du CESER Île-de-France), 17 février 2012

– Groupe de conducteurs sur les lignes A et B du RER (agents à la RATP) : Contribution adressée par MM. Thierry GARON, Éric ORANGER et Éric SAUVANET, 30 janvier 2012

– Institut d’Aménagement et d’Urbanisme (IAU) : « Les performances des transports en commun à Londres et à Paris » (avril 2009) ; « Veille sur les projets de transport à Londres – Année 2009 » (février 2010) ; « Veille sur les transports à Berlin – Année 2010 » (mars 2011) ; « Veille sur les projets de transport à Londres – Année 2010 » (mars 2011)

– Société FOTOTEK : Contribution sur les problèmes de propreté des RER, janvier 2012

DOCUMENTS TRANSMIS À LA COMMISSION ET REPRODUITS

– Réponses des opérateurs (RATP/SNCF) et de l’autorité organisatrice (STIF – Région)

– Protocole entre l’État et la région relatif aux transports publics en Île-de-France (26 janvier 2011)

– Contributions des associations d’usagers

– Contributions des organisations syndicales

1 () Compte rendu de la réunion publique autour du RER D à Sénart

2 () 18/11/2011

3 () Compte rendu de la réunion publique autour du RER D à Sénart

4 (). Étude réalisée à partir de 5 242 questionnaires remplis par des salariés à l’occasion de leur visite à la médecine du travail, entre le 20 octobre et le 20 décembre. L’ORSTIF est une association paritaire (loi de 1901) regroupant sur le plan régional, des représentants des organisations d’employeurs et des syndicats de salariés. Cette étude a été réalisée en partenariat avec la CRAMIF (Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île-de-France) pour les moyens logistiques, les Services Interentreprises de Santé au Travail d’Île-de-France pour la diffusion et la documentation du questionnaire, l’Observatoire Social de Lyon pour la validation technique, la mise en forme du questionnaire, la saisie des réponses, l’exploitation, l’analyse et la présentation des résultats et la branche AT/MP de la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés).

Une étude de Yann Caene, Insee Île-de-France Christine Couderc, DREIF, Jérémy Courel IAU Île-de-France et Christelle Paulo du STIF, avril 2010 indique que les Franciliens consacrent 1h20 par jour à leurs déplacements.

5 () Étude ORSTIF.

6 () Michel CARMONA, 1979, Le Grand Paris, Evolution de l’idée d’aménagement de la région parisienne (thèse d’État), université de Paris IV.

7 () Bernard Marchand, Paris, histoire d’une ville, XIXe XX e siècle, collection Point, éditions du seuil, 1993.

8 () La France dans ses régions, sous la direction d’André Gamblin, SEDES, 2000.

9 () 1 train toutes les 3 minutes pour la partie Gare du Nord/Aulnay-sous-Bois,1 train toutes les 6 minutes sur les branches Aulnay-sous-Bois/Mitry-Claye et Aulnay-sous-Bois/aéroport CDG2

10 () Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Denis Huneau, directeur général de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), a exposé : « En droit communautaire, la définition de l’interopérabilité est presque inverse de celle que nous sommes chargés de vérifier. L’interopérabilité au sens communautaire consiste à permettre aux trains qui viennent de l’étranger de rouler de manière aisée sur les voies françaises. Les lignes à grande vitesse les plus récemment construites en France sont réputées interopérables ; aujourd’hui, alors que l’environnement technique y change du tout au tout, un train ne s’arrête pas à la frontière franco-belge. Le premier niveau d’interopérabilité consiste à conserver le même conducteur du début à la fin du parcours, et de n’en changer qu’au terminus ou au moment de sa pause. Si ce niveau d’interopérabilité peut créer des difficultés d’organisation, il n’en pose pas en matière de sécurité : ainsi, les conducteurs du Tram Train de Mulhouse sont formés pour conduire sur la section ferroviaire. Ensuite vient ce qu’on appelait autrefois le mouvement des trains. Aujourd’hui, les aiguillages d’une ligne peuvent très bien être gérés successivement par des aiguilleurs de la RATP puis de RFF. Nous vérifierons cependant le niveau de sécurité offert ; que deux aiguilleurs situés côte à côte ne se parlent pas peut aboutir à une très mauvaise régulation ».

11 () Sur le réseau RATP, la gestion de l’infrastructure est de la responsabilité de l’opérateur. Les incidents liés à la gestion de l’infrastructure entreraient donc plutôt dans la catégorie des causes internes.

12 () Bus de nouvelle génération mis en service par le STIF et circulant sur une voie réservée et prioritaire.

13 () Rapport sur le financement du projet de transport du Grand Paris.

14 () Gérard Pirès, « Elle court, elle court la banlieue », 1973.

15 () Étude du cabinet Technologia « Stress et transports en Île-de-France », 2010.

16 () David Béhar, « Grand Paris : la gouvernance métropolitaine…pour quoi faire ? », Métropolitiques, 6 avril 2011.

17 () Rapport déposé en application de l’article 145-7 alinéa 1 du règlement, par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la mise en application de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris n° 4003 déposé le 23 novembre 2011 par M. Yves Albarello et Mme Annick Lepetit.

18 () Comités de pilotages partenariaux

19 () Frédéric Léonhardt, « Des solutions nouvelles à la crise des transports franciliens », Métropolitiques, 13 janvier 2012. URL : http://www.metropolitiques.eu/Des-solutions-nouvelles-a-la-crise.html

20 () Frédéric Léonhardt, « Des solutions nouvelles à la crise des transports franciliens », Métropolitiques, 13 janvier 2012.

21 () Frédéric Léonhardt, « Des solutions nouvelles à la crise des transports franciliens », Métropolitiques, 13 janvier 2012.

22 () Jean-Pierre Orfeuil, « dix ans de droit à la mobilité, et maintenant ? », Métropolitiques, 16 septembre 2011.


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