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N°659

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 janvier 2008.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,

FAMILIALES ET SOCIALES

sur

le dossier médical personnel

ET PRÉSENTÉ

par M. Jean-Pierre Door,

Député.

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INTRODUCTION 7

I.- LE DOSSIER MÉDICAL PERSONNEL : UN OUTIL EMBLÉMATIQUE DES     ENJEUX DE L’INFORMATISATION MÉDICALE 11

A. L’INFORMATISATION DES DONNÉES MÉDICALES EST UN PROCESSUS INÉLUCTABLE 11

1. Les dossiers électroniques personnels s’inscrivent dans le processus de diffusion des technologies de l’information et de la communication 11

a) Un mouvement à l’œuvre dans tous les pays occidentaux 11

b) La nécessité d’un meilleur partage des informations médicales 18

c) Un contexte technique favorable 22

d) Les particularités du processus d’informatisation 25

2. Le dossier médical personnel est au centre de la circulation des informations médicales entre les acteurs du système de santé français 32

a) Une réponse au cloisonnement des informations au sein du système de santé français 32

b) Une informatique professionnelle libérale hétérogène et non communicante 33

c) Des systèmes informatiques hospitaliers qui n’ont pas réussi leur mutation 34

3. Les expériences de dossiers électroniques spécialisés ont montré les limites de ces instruments 38

a) Les dispositifs de gestion personnelle des données de santé : des supports cloisonnés 38

b) Les dossiers patients hospitaliers : des outils hétérogènes 40

c) Les dossiers patients des réseaux locaux : des architectures disparates 43

B. LE DMP S’INSCRIT DANS UN CORPUS JURIDIQUE PRÉ-EXISTANT GARANTISSSANT LA PROTECTION DES DONNÉES MÉDICALES À CARACTÈRE PERSONNEL 44

1. Une protection assurée par la loi informatique et libertés 45

2. Une protection relayée par les textes européens 46

3. Une protection confirmée par la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades. 47

4. Une protection garantie par l’obligation de recueillir le consentement du patient sur la collecte et le partage des données médicales le concernant 48

5. Une protection garantie par des dispositions spécifiques 49

C. L’IMPULSION POLITIQUE DONNÉE PAR LA LOI DE 2004 A PERMIS LE LANCEMENT D’UN DOSSIER MÉDICAL ÉLECTRONIQUE ACCESSIBLE À TOUS LES BÉNÉFICIAIRES DE L’ASSURANCE MALADIE 50

1. Le dispositif du DMP dans la loi de 2004 relative à l’assurance maladie   50

2. Une mise en œuvre malaisée 53

a) Une parcimonie de moyens 53

b) Le travail du GIP-DMP 54

c) Les expérimentations 56

d) Le changement de stratégie 58

e) La nouvelle architecture 59

f) Une moindre implication des pouvoirs politiques pendant la première partie de l’année 2007, suivie d’une phase d’attente, puis d’un regain d’intérêt 61

g) Une réforme attendue du pilotage des projets de systèmes d’information par le ministère de la santé 62

3. L’évolution du cadre législatif issu de la loi du 13 août 2004 63

a) Les conditions d’accès des médecins 63

b) La tarification applicable aux hébergeurs 64

c) Les liens entre le DMP et certains autres dossiers de santé 64

d) La confidentialité et l’interopérabilité 65

e) Un ajustement de la règle du recueil du consentement du patient 65

f) L’adoption d’un identifiant unique du patient dans le domaine de la santé 66

g) Le complément de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 sur le portail d’accès unique et sur le droit de masquage 68

II.- LES TRAVAUX ENGAGÉS JUSQU’À PRÉSENT CONSTITUENT UNE BASE      UTILE POUR LA RELANCE DU PROJET 71

A. UNE INFRASTRUCTURE DE COMMUNICATION EN VOIE DE RÉALISATION 71

1. L’utilisation d’un identifiant personnel de santé commun à toutes les structures de soins 71

2. Les garanties de confidentialité des données de santé 72

B. DES QUESTIONS ORGANISATIONNELLES EN VOIE DE CLARIFICATION 75

1. La place du DMP parmi les autres dossiers ou services électroniques 75

a) L’historique des remboursements (le « Web-médecin ») 76

b) Le dossier pharmaceutique (DP) 77

c) Le dossier communicant de cancérologie (DCC) 78

d) Les dossiers électroniques de dimension locale 80

2. L’impact du DMP sur l’organisation des soins 81

a) L’impact de l’informatique sur la relation médecin / patient 81

b) Les droits du patient à l’égard du dossier médical électronique 85

C. LE DMP, RÉVÉLATEUR DES RETARDS DE SON ENVIRONNEMENT OU CATALYSEUR DE SES ÉVOLUTIONS ? 88

1. Les systèmes d’information hospitaliers sont identifiés comme l’un des principaux problèmes de mise en œuvre du DMP 88

2. La question du pilotage des systèmes d’information hospitaliers est au cœur de la problématique 89

D. LES QUESTIONS TECHNIQUES LIÉES AU CONTENU DU DMP 92

1. La structure du dossier médical et son contenu 92

2. Quelles normes d’interopérabilité ? 97

a) l’interopérabilité des systèmes d’information, notion à la fois statique et dynamique 97

b) Les normes qui fondent l’interopérabilité des systèmes d’information de santé ne sont pas stabilisées et couvrent les besoins fonctionnels des services spécialisés de manière encore incomplète 99

III.- RECOMMANDATIONS DE LA MISSION D’INFORMATION 101

1. Placer résolument l’utilisation du DMP dans un cadre professionnel 102

a) Affirmer les garanties fonctionnelles auxquelles le DMP doit impérativement répondre du point de vue des professionnels de santé. 102

b) Définir la gestion du consentement attendu de la part des patients. 104

2. Relancer le projet DMP en réformant le dispositif de pilotage et en l’inscrivant dans la durée 105

a) Donner un financement pérenne au DMP sous la forme d’un budget programme 106

b) Renforcer le rôle des services du ministère de la santé aux côtés du GIP-DMP 106

c) Confier à la HAS la mission de définir la structure des informations inscrites dans le DMP 107

d) Impliquer la CNAMTS dans l’organisation et l’accompagnement du changement 107

3. Mettre l’accent sur l’importance de la coordination 107

a) Identifier les chantiers prioritaires 107

b) Établir un schéma d’organisation de l’infrastructure informatique, précisant notamment l’articulation entre les différents dossiers médicaux électroniques 108

c) Garantir la convergence technique des dossiers électroniques développés par la puissance publique ou sur fonds publics, grâce à une maîtrise d’œuvre commune. 110

4. Inscrire les choix méthodologiques et techniques dans la durée 111

a) Élaborer à titre transitoire un dispositif polyvalent : un dossier médical numérique détenu par son titulaire sur un support électronique 112

b) Confirmer le choix d’une architecture centralisée 113

c) Faire le choix d’une démarche d’expérimentations préparant une montée en charge progressive et ciblée 114

5. Assurer la mise à niveau de l’environnement avec lequel le DMP doit interagir 114

a) Favoriser l’interopérabilité informatique des acteurs de santé en assurant le développement des échanges de données électroniques entre les professionnels de santé 114

b) Orienter les systèmes d’information hospitaliers vers l’interopérabilité 115

c) Ne pas négliger le rôle charnière des interfaces 115

6. Planifier la réalisation du projet 116

CONCLUSION : QUINZE PROPOSITIONS POUR UNE RELANCE DU PROJET DMP 117

CONTRIBUTIONS DES MEMBRES DE LA MISSION 119

TRAVAUX DE LA COMMISSION 127

ANNEXE N° 1 : COMPOSITION DE LA MISSION 137

ANNEXE N° 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 139

ANNEXE N° 3 : RÉPONSES DES AMBASSADES AU QUESTIONNAIRE DE LA MISSION 143

ANNEXE N° 4 : CADRE JURIDIQUE DU DMP 159

ANNEXE N° 5 : GLOSSAIRE 177

INTRODUCTION

Pour le législateur de 2004, la création du dossier médical personnel (DMP) devait améliorer la prise en charge des malades par un partage de l’information médicale au moyen d’un outil moderne associant le patient et son – ou ses – médecins. Les progrès attendus concernaient :

– une meilleure prise en compte de la santé de la personne dans sa globalité, dans un contexte marqué par une très grande spécialisation et donc un risque de parcellisation ;

– une meilleure coordination des intervenants, médecins de ville et praticiens hospitaliers, et une prise en charge plus adaptée ;

– une continuité des soins mieux assurée ;

– la suppression des actes répétitifs inutiles et des accidents liés à une mauvaise association de médicaments (iatrogénie) ;

– une plus grande qualité des soins résultant de l’effort de collecte et de partage de l’information utile, le malade et les différents professionnels de santé participant, chacun dans son rôle, à l’acte de soins.

L’évolution technique, en particulier la généralisation de l’usage d’Internet et le développement des lignes à haut débit, permettait en effet, dès cette époque, d’envisager que chaque assuré social puisse disposer d’un dossier médical électronique auquel aussi bien le patient lui-même que les médecins pourraient accéder pour améliorer la qualité de la prise en charge médicale. Ce type d’outil s’est d’ailleurs répandu dans tous les pays occidentaux, mais subit actuellement la concurrence de produits privés n’offrant pas les mêmes garanties ni les mêmes fonctionnalités que les instruments développés par les autorités publiques. Cette situation appelle vigilance et détermination dans la conduite des projets publics.

La conception et la réalisation du DMP – projet public séduisant et attendu – supposaient le respect de nombreuses garanties tant sur le plan technique que sur le plan juridique qui ont rendu sa réalisation plus complexe que prévu et finalement ont empêché l’aboutissement du projet dans le délai légal initialement fixé au 1er juillet 2007.

Ce retard a fait naître beaucoup de doutes, non seulement sur la faisabilité technique du projet mais également sur sa pertinence même, notamment en raison du débat sur le caractère « partagé » ou « personnel » du dossier et de la problématique liée au droit au masquage d’informations par le patient. Nombreux parmi les professionnels de santé sont ceux qui y ont vu un risque pour la crédibilité des informations figurant dans le DMP et donc pour la qualité de la prise en charge médicale du patient. Ces questions ont été systématiquement évoquées au cours des travaux de la mission.

En réalité, s’il est effectivement indispensable que le médecin dispose de toutes les informations utiles à son diagnostic et au traitement à prescrire, cette question relève davantage de la relation de confiance qui doit s’établir au sein du colloque singulier entre le médecin et son patient – dossier médical ou pas – que de la nature « partagée » ou « personnelle » du DMP. Surtout, le statut des informations figurant dans le DMP ne pouvait déroger à l’ensemble des règles préexistantes relatives à la protection des données personnelles, notamment médicales. Il ne faut donc pas opposer les deux termes, au contraire, tout DMP devrait avoir vocation à les rapprocher dans l’intérêt du malade. Le DMP – dossier médical donc professionnel, même s’il appartient au patient – ne doit pas gêner les échanges entre professionnels de santé mais au contraire les développer en généralisant l’utilisation de l’outil informatique à des fins médicales, mais dans le respect des règles de confidentialité.

Dès le mois de juillet 2007, le nouveau gouvernement constitué après les élections du printemps a souhaité être informé de l’état d’avancement du projet et a désigné une mission composée de cinq membres des Inspections générales de l’administration chargée d’établir une « revue de projet » à l’intention de la ministre de la santé et du ministre des comptes publics. Le rapport rendu le 6 novembre 2007 dresse un tableau sévère de la conduite du projet, tout en soulignant le caractère irréaliste du calendrier fixé par la loi. Considérant par ailleurs que le DMP est un outil « inéluctable », il conclut à sa nécessaire relance et présente des recommandations à cet effet.

Le retard du DMP et les interrogations qu’il a suscitées concernant notamment ses objectifs et son contenu ont également conduit la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale à créer, le 12 septembre 2007, une mission d’information chargée de faire le point de ce dossier.

Sans nier les nombreuses difficultés rencontrées par le projet DMP et sans doute les dysfonctionnements dont il a pâti, la mission n’a pas souhaité refaire le travail de la revue de projet. Elle s’est attachée à replacer le DMP dans le cadre du processus d’informatisation des dossiers médicaux – processus long et complexe – et à rappeler les évolutions de son agencement juridique. Le rapport dresse également un bilan des acquis du projet, tels qu’ils sont apparus au fur et à mesure des auditions de la mission. Ce regard, davantage tourné vers l’avenir que vers le passé, a permis de conduire une réflexion positive sur les moyens de relancer un outil que tout le monde estime, à juste titre, indispensable, comme le soulignent les propos récents de notre ministre de la santé.

« Faciliter le travail des professionnels, améliorer les diagnostics, réduire les risques d’accidents, mieux soigner les patients : le dossier médical personnel doit entraîner des progrès dont les patients devraient, en priorité, tirer les plus grands bénéfices », tels sont en effet les termes qu’elle a récemment employés à l’occasion des troisièmes rencontres parlementaires sur le DMP, le 10 décembre 2007, pour rappeler les objectifs du dossier médical personnel (DMP).

Les recommandations du présent rapport ont vocation à y répondre et à contribuer au travail de l’ « équipe resserrée », chargée par le gouvernement, à la suite du rapport de la revue de projet, de présenter au printemps 2008 des propositions précises sur la relance du DMP.

I.- LE DOSSIER MÉDICAL PERSONNEL : UN OUTIL EMBLÉMATIQUE DES ENJEUX DE L’INFORMATISATION MÉDICALE

Le DMP, dossier médical personnel, témoigne de l’irruption de la révolution numérique dans le champ de la médecine. Pierre angulaire de la loi du 13 juillet 2004 relative à l’assurance maladie, le DMP devait non seulement favoriser la continuité, la coordination et la qualité des soins, mais aussi servir de vecteur de diffusion des technologies de l’information et de la communication dans le secteur de la santé. Ce projet fut en réalité le révélateur des retards pris dans ce domaine.

A. L’INFORMATISATION DES DONNÉES MÉDICALES EST UN PROCESSUS INÉLUCTABLE

La convergence d’initiatives de dimension nationale en matière de dossiers médicaux électroniques témoigne du caractère inéluctable du mouvement d’informatisation des données médicales.

Dans ce contexte, il est apparu nécessaire à la mission de replacer le projet DMP dans le cadre du mouvement général d’informatisation des données de santé à l’œuvre dans les pays développés. Les exemples étrangers donnent l’information nécessaire pour porter un jugement éclairé sur les difficultés rencontrées en France.

1. Les dossiers électroniques personnels s’inscrivent dans le processus de diffusion des technologies de l’information et de la communication

a) Un mouvement à l’œuvre dans tous les pays occidentaux

On compte aujourd’hui dans le monde plus d’une centaine de projets de dossiers médicaux électroniques de dimension nationale ou régionale (1). Le développement de ces projets est suivi de très près par les grands éditeurs mondiaux de logiciels informatiques, qui sont les seuls à pouvoir fournir l’infrastructure logicielle nécessaire à des projets concernant plusieurs millions de personnes.

À l’heure actuelle les principaux projets de dossiers médicaux électroniques connus sont les suivants :

– Le projet britannique Connecting for Health, conduit pour le compte du National Heath Service, s’inscrit dans le cadre d’une refonte totale du système d’information du système de santé britannique ;

– Le projet hollandais LSP « Point d’accès national », développé par l’institut public NICTIZ (Institut national pour l’informatisation des soins de santé), est une infrastructure électronique destinée à faciliter l’accès aux informations médicales existantes d’ordre d’individuel ;

– Les projets canadien Infoway (Inforoute pour le Québec) et australien Health Connect, visent à promouvoir une action coordonnée des États fédérés pour la constitution de dossiers médicaux électroniques. Ces projets s’intègrent aux programmes de développement des technologies de l’information et de la communication dans le secteur de la santé confiés à des agences fédérales dédiées ;

– Des projets de dossiers médicaux électroniques à l’échelle régionale ont également été initiés en Andalousie (Espagne) et en Lombardie (Italie) ;

– Les dossiers patients électroniques mis en œuvre par certains organismes de soins américains Kaiser Permanente et Veteran administration medical center, au sein de leurs réseaux d’établissements hospitaliers et de cabinets médicaux de ville, concernent une population dont l’effectif se compte en millions de personnes.

D’autres initiatives ont été annoncées par les autorités publiques en Norvège et au Danemark (le réseau danois MEDCOM est directement accessible depuis le portail Internet www.medcom.dk). En Allemagne et au Japon, les autorités publiques ont décidé que des supports électroniques (CD-Rom au Japon et carte électronique en Allemagne) seraient distribuées aux assurés sociaux pour qu’ils puissent disposer d’un espace permettant d’inscrire des informations médicales (2).

On peut ainsi définir le dossier médical individuel comme un dossier électronique mis en œuvre par les pouvoirs publics ou les autorités sanitaires pour stocker des informations médicales utiles aux assurés sociaux, afin de mettre ces informations à la disposition des professionnels de santé.

● La convergence des initiatives n’exclut pas une grande variété des dispositifs institutionnels et techniques.

Afin de compléter les informations qui lui ont été communiquées dans le cadre des auditions et d’avoir des éléments d’évaluation sur les dispositifs existants, la mission a décidé d’adresser un questionnaire détaillé auprès des ambassades de France installées dans les pays où un dispositif a été identifié. Les informations rassemblées ont permis d’identifier les dispositifs suivants :

– Le projet hollandais concerne le développement d’une infrastructure nationale permettant d’accéder en temps réel aux informations médicales stockées dans des bases de données réparties à l’échelon régional. Il s’agit d’un « dossier médical virtuel » ne contenant pas lui-même de données médicales mais d’une infrastructure électronique permettant la localisation des informations médicales disponibles dans les systèmes d’information des acteurs de la santé impliqués dans le réseau (établissements hospitaliers et laboratoires) (3);

– Au Canada, le gouvernement a confié à une agence fédérale particulière, Inforoute santé, la mission de promouvoir l’usage des dossiers médicaux électroniques et d’assurer leur caractère interopérable. Il l’a dotée d’une somme de 1,2 milliard de dollars canadiens destinée pour l’essentiel au financement des projets des États fédérés. Le projet de dossier de santé électronique interopérable (DSEi) le plus exemplaire est peut-être le système « un patient, un dossier » présenté par l’État du Nouveau-Brunswick. Pour un montant total de 36 millions de dollars canadiens, subventionné à hauteur de 50 % par Inforoute santé, ce projet s’inscrit dans la stratégie globale de cet État d’assurer la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le secteur de la santé. Il repose sur quatre piliers : un dossier de santé électronique interopérable, un annuaire commun d’identification des patients, un annuaire électronique des acteurs de santé et un entrepôt provincial pour l’imagerie électronique (4).

– Au Royaume-Uni, le programme d’informatisation du système de santé Connecting for Health comprend un projet de dossier électronique Care Record Service qui vise le regroupement des données médicales numériques dans un dossier national individuel pour chaque résident du territoire anglais. Le dossier médical national est un dossier synthétique dont la mise en œuvre repose sur une articulation complexe entre les différents lieux de stockage de l’information. Les informations techniques (imagerie médicale, etc…) resteront stockées localement dans des banques de données numériques (par exemple à l’hôpital où les soins ont eu lieu). Les informations essentielles sur les soins apportés au patient seront en revanche, remontées au niveau national au sein d’un gigantesque système informatique appelé « Spine » (colonne vertébrale). Le dossier national sera alimenté par les ajouts en provenance de tous les intervenants du système de santé (depuis le médecin généraliste jusqu’au radiologue), qui sélectionneront les informations synthétiques devant remonter à ce niveau. Spine contiendra notamment les données nominatives du patient et les informations médicales pertinentes (maladies chroniques comme le diabète, réactions adverses à certains médicaments, allergies, etc…) permettant aux services d’urgence de prendre connaissance, en cas de besoin, de ces données sanitaires. Enfin, Spine jouera le rôle d'interface pour permettre, en sens inverse, d’accéder aux informations techniques (imagerie médicale, analyses détaillées, etc.) stockées dans les bases de données locales.

– Aux Etats-Unis d’Amérique, l’utilisation de ces dossiers électroniques répond à la volonté des acteurs de santé de maîtriser leur risque médico-juridique, qui donne à l’exercice de la médecine dans ce pays un caractère écrit et procédural spécifique. M. Jean de Kervasdoué (5), qui a consacré une étude à ce sujet, a souligné devant la mission l’importance de ces moyens : les médecins américains consacrent en moyenne quatre minutes par consultation à dicter un compte rendu, 400 000 personnes sont employées pour dactylographier ces notes. Dans ce contexte, l’investissement consenti par les organisations de soins pour traiter l’information médicale est à la hauteur des frais engagés pour la collecter : M. de Kervasdoué a indiqué que l’organisation de soins Kaiser Permanente n’a pas hésité à abandonner un système ayant coûté 600 millions de dollars pour en concevoir un nouveau pour un montant de 3,2 milliards de dollars sur cinq ans. Par ailleurs, bien qu’un dossier électronique soit utilisé dans 18 % des consultations médicales (évaluation faite sur 1,8 milliard de visites comptabilisées chez des médecins en 2003 et 2004) (6), les projets du gouvernement américain concernant l’interopérabilité de ces dossiers médicaux sont plus vagues que dans les autres pays.

● Cette revue des dispositifs nationaux appelle quelques remarques générales :

– Les enveloppes les plus élevées sont en réalité allouées à des projets d’informatisation du système de santé, au sein desquels le dossier médical électronique est peut-être l’élément le plus emblématique mais pas le plus coûteux.

Au Canada, l’agence Inforoute santé a reçu un financement gouvernemental de 1,2 milliard de dollars canadiens pour « fournir un dossier de santé électronique interopérable (DSEi) à la moitié des canadiens d’ici fin 2009 ». Dans cet ensemble, une petite partie des fonds est explicitement consacrée à la mise au point de solutions de DSEi, soit 175 millions de dollars canadiens. Le solde, engagé à plus de 73 % dans 210 projets d’investissement, se répartit entre huit programmes qui couvrent l’ensemble du champ des systèmes d’information de santé (7).

En Angleterre, le coût du programme d’investissement est fixé à 9 milliards d'euros pour les fonctionnalités centrales sur l'ensemble de la durée du programme (1998-2010). À cette somme s'ajoute à compter de 2004 une enveloppe de 2 milliards d'euros par an pour les dépenses d'équipement réalisées au niveau local, soit un coût prévisionnel total approchant les 30 milliards d'euros. Le projet global comporte plusieurs programmes ambitieux à l’échelle nationale, notamment l’informatisation totale de la gestion des rendez-vous, de toute la prescription et du traitement de l’imagerie médicale. Au terme du projet, toutes les données devraient être consignées de façon informatisée, sans recours au papier, et rendues accessibles à la fois au patient et aux professionnels de santé.

– Sans ignorer le contexte institutionnel de chaque projet, on peut considérer que la notion de dossier électronique interopérable répond d’abord au souci des autorités sanitaires d’organiser la mise en commun des informations électroniques détenues par chaque acteur de santé, afin d’assurer une meilleure utilisation des ressources existantes.

À cette préoccupation correspond une infrastructure de communication minimale constituée d’un réseau électronique donnant accès aux fichiers stockés dans les systèmes informatiques des principaux acteurs de santé et d’un dossier individuel identifiant la localisation électronique des informations personnelles dans le réseau.

À un stade plus élaboré, on trouve un hébergement des données de santé – ou plutôt de leur copie électronique – sur des plateformes spécifiques, permettant de ne pas s’appuyer sur les capacités informatiques des acteurs de santé, moins fiables et moins ouvertes que celles des serveurs d’hébergement. C’est le schéma d’organisation choisi par exemple par la Province du Québec.

Enfin, quelques organisations, en Angleterre et aux États-Unis, ont l’ambition de ne pas se limiter au rassemblement des documents électroniques existants et réfléchissent au contenu des dossiers électroniques pour apporter des informations vraiment utiles à l’amélioration des soins.

– Les initiatives doivent concilier la présence de systèmes d’information hétérogènes tant du point de vue de leur niveau de développement que de leurs caractéristiques techniques. Le projet canadien Inforoute santé cite le chiffre de 40 000 acteurs de santé. Les projets les plus ambitieux (Inforoute santé et Connecting for Health) associent étroitement le développement du dossier électronique à la mise à niveau de systèmes d’information de santé, notamment du point de vue de leur interopérabilité.

– L’accès du patient aux données électroniques stockées et les droits de celui-ci en cas de communication à d’autres acteurs de santé sont des problématiques complexes mais qui concernent tous les pays.

Aux États-unis, dès lors qu’un dossier patient centralisé est mis en place dans un organisme de soins, la question de l’accès du patient est étudiée (projet KPOnline pour l’organisme de soins Kaiser Permanente et My HealthVet pour l’organisation Veteran administration medical center).

Dans un système fédéral comme celui du Canada qui admet différentes législations provinciales sur le sujet, la question de la gestion du consentement du patient à la communication des données de santé à d’autres professionnels devient d’une redoutable complexité. Elle n’a pas été éludée pour autant et a donné lieu à une étude approfondie à partir de laquelle est actuellement envisagé un dispositif de gestion conciliant différents types de décision de la part du patient : absence de consentement, consentement présumé, consentement implicite avec possibilité de liste négative, consentement explicite par liste positive ou exprimé au moment de la consultation (8).

Aux Pays-Bas, selon les informations communiquées par l’ambassade de France à La Haye, le programme prévoit que les patients peuvent consulter leur dossier électronique depuis leur domicile ou depuis la salle d’attente du cabinet médical.

Enfin, le programme d’investissement anglais Connecting for Health inclut le module de visualisation Healthspace, une interface internet destinée à donner au patient la maîtrise de son dossier médical numérique.

– Aussi variées soient-elles, ces initiatives semblent se heurter à des difficultés techniques et institutionnelles de même ampleur que celles rencontrées par le projet français, ainsi que l’a remarqué M. Jean-François Penciolelli, directeur développement du marché santé-social de la société Oracle, lors de son audition.

L’étude de ces dispositifs nationaux, ainsi que celle des réseaux territoriaux français, a permis à la mission de recenser dans le diagramme suivant l’ensemble des chantiers dont l’aboutissement est nécessaire à la mise en œuvre d’un dossier médical électronique de l’envergure du DMP.

Les dossiers médicaux électroniques personnels : plus que des projets informatiques, de multiples chantiers à coordonner.













































b) La nécessité d’un meilleur partage des informations médicales

Peut-être davantage que les systèmes nationaux étrangers organisant le partage de fichiers médicaux, le projet français a pour ambition de mettre en œuvre un instrument informatique spécifiquement destiné à l’amélioration de la qualité des soins. La démarche d’informatisation du dossier médical a pour objectif de développer de nouveaux usages, la conception de l’outil informatique n’étant que le moyen d’y parvenir. Les nouveaux usages visent à répondre à un besoin accru de partage de l’information médicale ressenti par les professionnels médicaux dans un contexte de transformation des pratiques médicales.

Ce besoin correspond à la nécessité d’assurer une prise en charge des patients répartie entre des acteurs de santé plus nombreux du fait d’une plus grande spécialisation des soins. L’étude « Interopérabilité des dossiers de santé informatisés et normalisation » du cabinet Canope le relevait déjà en juillet 1999 devant le Conseil supérieur des systèmes d'information de santé :

« Actuellement, les médecins ne se sont pas encore vraiment appropriés, à la différence d'autres professions, l'usage de l'informatique comme un outil de travail complètement banalisé. Aussi ne demandent ils pas, contrairement à d'autres professions, un accès banalisé et délocalisé à l’information. Il ne faut pas s'y tromper : cette exigence viendra vite. Demain, le médecin vacataire à l'hôpital ou travaillant dans la clinique voudra, sur une alerte ou une question, accéder à son espace d'information. Le médecin traitant d'un malade voudra accéder aux informations créées par son remplaçant ou par un confrère auquel il a adressé le patient. Un médecin traitant un patient dans son cabinet et un établissement devrait pouvoir accéder aux mêmes informations dans les deux localisations et à travers des systèmes éventuellement différents.

[On peut concevoir aujourd’hui] les problèmes que posera bientôt le partage d'information médicale et auxquels les tâches de normalisation doivent préparer. Les informations doivent être partageables par un même intervenant dans plusieurs localisations – et ceci quels que soient les supports, le médecin ou l'autre professionnel utilisant un système portable ou accédant par un système local à son propre système. Les informations doivent aussi être partageables, sous son contrôle, avec ses confrères et les autres professionnels à l'intérieur de l'institution, ainsi qu'avec des professionnels associés au cours d'un épisode de soins. »

Étude « Interopérabilité des dossiers de santé informatisés et normalisation » remise par la société CANOPE

Ainsi que le rappelle la loi du 13 août 2004 instituant le dossier médical personnel, le partage de l’information médicale a pour but de favoriser la continuité des soins, la coordination des soins et l’amélioration de la qualité des soins. Le dossier médical qui rassemble des informations médicales se rapportant à un individu en constitue le support naturel. L’article 45 du code de déontologie médicale précise les règles de communication du dossier médical en imposant la transmission des éléments utiles à la continuité des soins (9).

Comme le souligne le docteur Philippe Massari, responsable de l’unité d’informatique médicale au CHU de Rouen, la dématérialisation du dossier médical ouvre de nouvelles possibilités pour le partage des données du patient nécessaires à la prise en charge coordonnée et à la continuité des soins : «  le contenu du dossier médical et sa communication rendent sa gestion sous forme papier de plus en plus difficile. Le dossier papier a de nombreuses limites, en particulier le classement, l’extraction de certains éléments et son archivage. L’informatisation est une alternative quasi-obligatoire au dossier papier ». (10)

Lors de son audition par la mission d’information, M. Philippe Douste-Blazy, ministre en charge du dossier DMP lors de son lancement, a lui-même insisté sur l’acuité des problèmes de continuité et de coordination des soins que l’informatique peut contribuer à résoudre. Le développement du savoir médical et des techniques thérapeutiques conduit en effet à l’élaboration de protocoles complexes de prise en charge, requérant une plus grande spécialisation de la part des intervenants médicaux.

● La continuité des soins

La prise en charge des pathologies chroniques s’est diversifiée et s’appuie désormais sur des protocoles mieux personnalisés, où l’on s’efforce de trouver pour chaque patient le point d’équilibre entre un traitement de fond régulier et le traitement des phases aiguës, grâce à un arsenal thérapeutique diversifié. Ce point d’équilibre est parfois trouvé après une phase de recherche relativement longue impliquant divers intervenants, et notamment les services hospitaliers spécialisés dans les maladies restant difficiles à maîtriser comme l’asthme.

Les avancées de la médecine ont toutefois leur contrepartie et peuvent rendre difficile la prise en charge d’urgence par un médecin généraliste lorsqu’une crise se déclenche à l’occasion d’un déplacement ou en l’absence du médecin traitant. À titre d’exemple, un médecin s’est trouvé dans l’obligation de prescrire depuis l’étranger le traitement à administrer, lors d’une crise aiguë, à l’un de ses proches atteint d’une maladie rare – la spondylarthrite (300 000 cas en France) – faute de pouvoir transmettre à son collègue présent sur les lieux un document actualisé faisant le point sur la maladie diagnostiquée, la stratégie de traitement et les traitements compatibles en cas de crise.

Les problèmes de continuité des soins naissent également de la rupture de prise en charge due au cloisonnement des soins hospitaliers et ambulatoires, alors que les passages entre les deux secteurs se multiplient du fait du raccourcissement de la durée des séjours hospitaliers.

La continuité des soins a enfin une dimension temporelle. Le dossier médical du patient a en effet vocation à être la mémoire de son histoire médicale et peut contribuer à ce titre à la formulation du diagnostic. Les informations contenues en principe dans le dossier médical tenu par le médecin traitant – en particulier sur les antécédents et les traitements en cours –, intéressent tous les médecins que le patient est amené à consulter. Le partage d’information, rendu possible par la dématérialisation du dossier et sa mise en réseau, offre aux praticiens consultés ponctuellement un regard sur l’état de santé du patient, passé et actuel, plus complet que la seule interrogation orale du patient.

● La coordination des soins

Les besoins de coordination concernent plus particulièrement la prescription médicamenteuse et la prise en charge pluridisciplinaire.

– la prescription médicamenteuse

Dans un parcours de soins spécialisés, le nombre d’intervenants accroît le besoin de coordination matérielle : faute d’un support spécifique, le médecin prescripteur ne dispose pas toujours d’une information suffisante sur les médicaments prescrits par ses confrères. De plus, le rythme de renouvellement des médicaments mis sur le marché conduit à une relative méconnaissance des produits pharmaceutiques utilisés par les autres spécialités médicales. Une étude a montré que parmi cinq médicaments pris au hasard, les médecins américains en identifient trois en moyenne et n’ont pas eu connaissance des autres dans leur pratique médicale.

L’outil informatique peut donc orienter la prescription médicamenteuse en fonction du diagnostic déclaré (logiciel d’aide à la prescription), renseigner sur les traitements pharmaceutiques prescrits au patient et signaler les interactions dangereuses avec des prescriptions envisagées.

– la prise en charge pluridisciplinaire

Un premier domaine d’application de la coordination des soins concerne les filières de soins mises en œuvre dans le cadre de pathologies chroniques requérant les interventions successives et sur le long terme, de plusieurs spécialités médicales et paramédicales. Il s’agit plus particulièrement des filières qui s’installent pour le traitement coordonné des patients en cancérologie ou en hémato-oncologie. Ces malades nécessitent la collaboration de plusieurs intervenants médicaux qui doivent s’accorder sur un véritable planning thérapeutique, dans le cadre de réunions de concertation pluri-disciplinaires (RCP), et le mettre en oeuvre.

Un second domaine d’application est celui des prises en charge à domicile et des hospitalisations à domicile. Pour ces types de prise en charge, il est indispensable d’organiser dans le temps et l’espace les responsabilités et les modes d’intervention des différents acteurs (médecin hospitalier, généraliste, infirmière, services sociaux, famille, assurance maladie, travailleurs sociaux) pour un patient donné.

La coordination des soins, que ce soit pour des soins de courte durée, pour des protocoles complexes (cancérologie, hématologie), ou pour des soins à domicile, relève alors d’outils informatiques de type « Workflow » qui permettent la collaboration en réseau. Ces outils provenant du monde de l’entreprise transposent sous une forme informatique les procédures de traitement instituées par les médecins, en précisant à chaque acteur le moment de son intervention, l’objectif de cette intervention, et les aspects techniques, psychologiques ou sociaux à prendre en compte de manière systématique ou facultative.

● L’amélioration des techniques médicales

– l’informatique est devenue un outil indispensable à la maîtrise du savoir médical

Les études ont mis en évidence que le capital d’informations sur lequel repose la connaissance médicale double tous les sept ans. Cette explosion documentaire n’est pas sans poser des problèmes d’organisation du savoir médical, qui n’est plus accessible à un esprit humain dans sa totalité : la base de données américaine UMLS (Unified Medical Language System), qui recense l’intégralité des termes utilisés dans les terminologies médicales en vigueur, compte aujourd’hui 1,3 million de concepts et 6,4 millions de termes (certains termes étant synonymes). Il faut sans cesse réviser le corpus des concepts médicaux, revoir son étendue et sa structuration (11) et actualiser les référentiels médicaux en tenant compte des nouvelles connaissances. Seule l’informatique permet donc d’accéder à des bases de connaissance médicales actualisées.

– l’informatique en tant qu’instrument d’aide à la décision médicale

Le recours aux instruments d’analyse statistique, notamment dans le cadre d’études épidémiologiques, a également transformé la nature des connaissances médicales, celles-ci s’appuyant sur un spectre plus large de données et sur des calculs prenant en compte des probabilités. Ainsi, l’analyse des facteurs de risque détermine les démarches de recherche diagnostique et les stratégies thérapeutiques. Les conditions d’emploi des nouvelles techniques médicales, telles que la thrombolyse pour le traitement des accidents vasculaires récents, y font également appel pour limiter les risques d’accidents iatrogéniques. L’outil informatique est donc un moyen de rationaliser et d’objectiver la décision médicale.

Par ailleurs, les appareils électroniques de mesure produisent une grande quantité de données numériques dont l’outil informatique améliore l’exploitation en multipliant les possibilités d’analyse et les modes de représentation. L’intelligence informatique permet ainsi de mettre en perspective l’évolution au cours du temps de certains paramètres biologiques – à condition bien sûr que les valeurs du paramètre soient réunies dans le même dossier – ce qui ouvre de nouvelles perspectives d’analyses. Ainsi la représentation graphique de l’évolution du taux de l’antigène spécifique prostatique (PSA) permet de visualiser le rythme de croissance de ce taux et d’alerter de manière plus appropriée sur le risque de développement d’un cancer de la prostate. Enfin, l’informatique peut améliorer le traitement des données médicales générées automatiquement par les appareils électroniques, par exemple en cas de surveillance par monitoring.

c) Un contexte technique favorable

L’émergence du dossier électronique patient comme élément central de la circulation et du partage des informations médicales s’inscrit dans un contexte général où les technologies informatiques permettent une meilleure exploitation des données numériques. Le DMP s’inscrit également dans un mouvement de diffusion des concepts de l’informatique professionnelle dans le secteur de la santé – en particulier ceux de systèmes d’information et d’hébergement externe de données – signe de l’arrivée sur le marché de l’informatique de santé de nouveaux acteurs liés au monde de l’édition internationale de logiciels.

Ÿ L’évolution technique tend à considérer les systèmes informatiques comme des systèmes d’information.

– Du système informatique au système d’information

Un système informatique est un ensemble d’applications informatiques entre lesquelles les échanges de données sont faibles au regard des traitements assurés par chacune de ces applications.

Un système d’information est un système informatique où la gestion des données n’est plus laissée aux applications dans lesquelles ces données ont été créées, ce qui ouvre la voie à une autre exploitation des données stockées. Un système d’information est une construction ; en tant que tel, il est « orienté » en vue de la production d’informations de synthèse particulières : dans une comptabilité informatisée, par exemple, il permet la production de comptes analytiques.

– L’évolution vers des systèmes d’information résulte d’une dissociation des données et des applications

Cette évolution est fondée sur la capacité des systèmes informatiques à isoler les données par rapport aux applications et à permettre l’exploitation de ces données par des applications secondaires dites d’aide à la décision.

La dissociation des applications et des données est le fruit d’une approche volontariste. L’informatique de gestion a longtemps été fondée sur le développement de logiciels où les données étaient enfermées par des formats propriétaires. Ces logiciels étaient construits sur la base de modèles d’organisation des données différents (modèle hiérarchique, modèle relationnel,…) et présentaient des niveaux de complexité variable, dont il résultait une aptitude inégale à s’adapter aux besoins des utilisateurs. Dans ce monde cloisonné, les échanges d’informations n’étaient pas pré-organisés et devaient prendre la forme de requêtes adressées au logiciel propriétaire des données (12) En l’absence de standards établis et de demande suffisamment pressante de la part des utilisateurs, l’interopérabilité n’était pas développée et les éditeurs de logiciels ne travaillaient guère à l’exportation des données dans les formats propriétaires de leurs concurrents (13).

L’évolution des technologies de l’informatique a permis de promouvoir l’autonomie des données par rapport aux applications. Initiée par le développement des échanges dématérialisés entre les entreprises et de la standardisation des formats de données, l’autonomie des données autorise leur hébergement externalisé. Ce mouvement s’inscrit toutefois dans un effort plus général de maîtrise des coûts informatiques, par lequel la plupart des organisations externalisent aujourd’hui les fonctions informatiques les moins bien maîtrisées, en confiant leur « hébergement » à des prestataires extérieurs spécialisés. Il est désormais possible d’externaliser ainsi la maintenance et la gestion de tout ou partie des équipements informatiques, des applications ou des données elles-mêmes.

– Les systèmes d’information se sont également développés grâce à l’émergence de l’informatique de communication.

L’informatique s’est historiquement développée autour de la saisie, du traitement et de la mise à disposition de données structurées. Internet et ses outils ont ainsi conduit à la fusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) avec l’informatique, que l’on désigne parfois sous les termes d’« informatique de communication ». L’informatique de communication n’a plus pour objet de traiter l’information mais de la transmettre ou de la stocker sous une forme utilisable (courrier électronique, partage d’agenda, gestion électronique de documents …). Les outils utilisés relèvent du groupware – ensemble des techniques permettant un échange non planifié des informations, telles que la messagerie électronique – ou du Workflow, ensemble planifié d’échanges d’informations visant à organiser un processus de production.

L’informatique de communication utilise des données structurées pour organiser le classement de l’information mais ces données ne représentent qu’une faible partie du volume total de l’information manipulée. L’information restant principalement écrite en langage courant, l’informatique de communication est longtemps restée en périphérie des systèmes d’information du fait du caractère difficilement exploitable de l’information en langage courant (14).

Ÿ La constitution de dossiers uniques correspond à une démarche d’« intégration » des systèmes d’information.

L’accroissement des données gérées par un système d’information augmente de manière exponentielle les risques de redondance des données lorsque celles-ci sont gérées dans plusieurs bases de données différentes. Ce constat est à la base du mouvement d’intégration des composants logiciels des systèmes d’information et de regroupement des données dans un dossier unique.

M. Claude Le Pen, économiste de la santé, a rappelé devant la mission que la constitution de systèmes d’information orientés « client » ou « patient » correspondait à une démarche courante d’ intégration informatique : « Lorsqu’elles sont amenées à refondre leur système d’information, pour le moderniser ou pour tenir compte d’une évolution de leur activité, les entreprises s’engagent fréquemment dans des démarches d’ERP (Entreprise Resource Planning)  (15), qui visent à rassembler les données au sein d’une base de données unique utilisée et alimentée par les différents composants logiciels de l’ERP. Ces démarches visent à valoriser les données que détient l’entreprise et à faciliter leur utilisation tout au long de la chaîne de production ou de commercialisation » (16).

Ÿ Toutes ces évolutions ont contribué à changer le regard sur les systèmes informatiques de santé et à susciter des attentes, peut-être excessives

Les perspectives ouvertes se heurtent en effet à des difficultés importantes de mise en œuvre des technologies qui leur servent de support. Loin d’être des ensembles unifiés, les systèmes informatiques, notamment dans le secteur de la santé, se présentent le plus souvent comme le résultat de couches logicielles appartenant des époques différentes et pouvant même remonter aux années 1970 (17). La transformation de ces systèmes pour mobiliser de manière efficace l’information disponible implique leur refonte complète, ainsi que l’a souligné M. André Loth, chef de la Mission pour l’informatisation des systèmes de santé (MISS), lors de son audition, ce qui suppose des coûts et des délais importants. Avec les solutions techniques les plus intégrées, la transmission ne peut guère être progressive, elle relève davantage du basculement d’un système à un autre, comme le montre le « Big-bang » informatique que connaît le système de santé britannique.

Riches en exemples mettant en œuvre des technologiques diversifiées, l’informatisation des autres secteurs de l’économie offre aujourd’hui un ensemble de solutions techniques qui ouvrent un éventail de perspectives extrêmement large aux systèmes de santé.

La mission a toutefois pu observer la distance qui demeure entre les analyses de type prospectif mettant en avant des projets ambitieux d’externalisation des données médicales, et la réalité des systèmes d’informations hospitaliers. Les coûts de mise en œuvre de ces technologies semblent devoir être évalués plus précisément à la lumière des expériences en cours, avant que l’on soit en mesure d’opter pour une technologique particulière.

d) Les particularités du processus d’informatisation

Le DMP, version française du dossier médical électronique, soulève aujourd’hui une série de questions – sur ses objectifs, son échéance et sa forme finale – auxquelles on ne peut répondre qu’en le considérant avant tout comme le vecteur de l’informatisation des dossiers médicaux. Il faut ainsi faire la distinction entre le projet informatique, dont la problématique est principalement centrée sur sa faisabilité, et le processus d’informatisation, où les questions portent autant sur les usages à promouvoir que sur les outils à développer.

● Un processus dans lequel l’outil et les usages se définissent mutuellement

La mission a pu constater lors de ses auditions que la question des usages vers lesquels orienter la conception du DMP a occupé, et occupe toujours, une place importante dans le débat que suscite cet outil.

Comme l’a relevé M. Etienne Caniard, expert en informatique (18), dès qu’ils ne sont plus fondés sur la poursuite d’objectifs précis et sur un processus de développement maîtrisé, les rapports entretenus avec l’outil informatique s’installent très rapidement dans la fascination. Ainsi la perte de vue des objectifs initiaux du DMP, résultat d’un excès d’optimisme devant les potentialités de l’outil informatique, a souvent été déplorée par les interlocuteurs de la mission, et a également été évoquée dans la revue de projet dressée par les inspections générales. Bien qu’ils ne sachent pas quoi attendre précisément de cet outil, les professionnels de santé y voient une réponse globale à leurs besoins en information sur la santé de leurs patients. Leur déception est à la mesure de leurs attentes.

Pourtant, il est toujours difficile d’anticiper de manière précise les usages qui seront faits d’un outil innovant. Quelques exemples suffisent à illustrer le caractère imprévisible des innovations technologiques :

– la première série d’ordinateurs mise sur le marché par IBM en 1952 était destinée aux usages scientifiques, a priori les plus concernés par les capacités de ces machines. Les entreprises intéressées l’utilisèrent paradoxalement davantage pour la gestion que pour le calcul, et IBM sortit rapidement un modèle plus adapté faisant appel aux cartes perforées (19;

– l’ordinateur individuel Macintosh, père spirituel du système d’exploitation Windows (20) ne doit pas son succès au caractère novateur de son interface graphique (déjà présente dans le modèle précédent, Lisa), mais plutôt à l’apparition concomitante de l’imprimante laser, qui permit la naissance de la publication assistée par ordinateur ;

– a contrario, l’ancêtre des agendas électroniques de poche, le Newton, d’Apple n’avait pas convaincu de son utilité.

Éclairant avec plus de recul les débats sur les usages et les objectifs du DMP, il faut également évoquer la réflexion de Pierre Levy sur les technologies de l’intelligence, selon laquelle il n’existe pas, lors de l’élaboration d’un outil réellement novateur, de moment de rationalité pure où l’on réfléchirait en cénacle sur les caractéristiques optimales de l’outil avant de lancer sa mise en œuvre. Les outils informatiques jouent en réalité, relève-t-il, le rôle de « technologies intellectuelles » qui réorganisent la vision du monde de leurs interlocuteurs et modifient leurs réflexes mentaux (21).

La question de la technique et de son usage

« On entend souvent dire que la technique en elle-même n’est ni bonne ni mauvaise et que seul compte l’usage que l’on en fait. Or, en répétant cela, on ne s’avise pas qu’un circuit imprimé représente déjà un usage : celui que l’on fait d’un matériau de base, de divers principes logiques, des procédés industriels disponibles, etc. Un ordinateur donné cristallise un certain nombre de choix parmi les usages possibles de ces composants et chacun d’eux est lui-même l’aboutissement d’un ordinateur et d’un langage de programmation. Le programme à son tour sera utilisé de telle façon particulière, et ainsi de suite.… L’usage de l’ « utilisateur final », c’est à dire du sujet que l’on considère à un moment donné, ne fait que poursuivre une chaîne d’usages qui précontraint le sien, le conditionne sans le déterminer totalement. Il n’y a donc pas la technique d’un côté et son usage de l’autre, mais un seul hypertexte, un immense réseau fluctuant et compliqué d’usage, en quoi consiste précisément la technique.

……

L’usage étant partout, la question du bon et du mauvais est donc coextensive au processus technique. Elle ne peut se repousser en fin de course, dans une région idéale et vide où les humains, tout nus, séparés des objets qui tissent leurs relations et des milieux concrets où se constitue leur vie, choisiraient des buts pour le meilleur et pour le pire et chercheraient ensuite des moyens pour les réaliser. Qu’elles soient considérées comme naturelles ou comme les fruits de l’activité humaine, les choses, en passant d’un acteur à l’autre, sont alternativement fins et moyens, éléments objectifs de la situation ou dispositifs à transformer et à détruire. Les choses, toutes les choses, suivant le spectre complet de leurs signification et de leurs effets médiatisent ainsi les relations humaines. C’est pourquoi l’activité technique est intrinsèquement politique, au plutôt cosmopolitique. »

Extrait du livre de Pierre Levy, Les technologies de l’intelligence, Éditions La Découverte, p 66.

De telles considérations ne paraissent pas inutiles au moment où l’on s’interroge sur la méthodologie à adopter dans la conduite stratégique du DMP. Le DMP est un projet d’informatisation avant d’être un projet de développement informatique ; les questions de l’usage et de l’outil à développer restent donc étroitement imbriquées.

De fait, les trois finalités dégagées par le législateur lors de la loi de 2004 – permettre la continuité des soins, contribuer à la coordination des soins et améliorer la qualité des soins – correspondent à des objectifs médicaux particuliers (« les usages ») et à des technologies informatiques qu’il est possible de mobiliser (« les outils »), ainsi que l’indique le tableau ci-après.

Finalité

Objectifs médicaux identifiés

Cadre technologique

Continuité des soins

– suivi dans le temps de l’état de santé du patient ;

– information sur les traitements en cours ;

– prise en charge dans un cadre d’urgence ;

– bilan des antécédents personnels et familiaux (notion d’historique) ;

– transmission d’information d’un professionnel de santé à un autre.

Informatique de communication : technologies du groupware (outils de partage non structuré de l’information).

Coordination des soins

– prise en charge pluri-disciplinaire suivant un protocole thérapeutique précis ;

– prise en charge au sein d’un réseau de santé.

Informatique de communication : technologies de workflow (outils de partage de l’information visant à organiser un processus de production).

Amélioration technique de la qualité des soins

Accès aux bases de données organisant le savoir médical (référentiels médicaux, …)

Aide à la prescription

Analyse et gestion du risque

Lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse

Informatique de gestion, organisant le traitement de données structurées en vue de la production d’informations synthétiques : analyse automatisée des données, tableaux de bord (datawarehouse).

Technologie des systèmes experts (aide à la décision) (22).

Ce tableau fait apparaître que les finalités définies par le législateur s’appuient sur des technologies différentes car l’information n’y joue pas le même rôle :

– l’information transmise dans le cadre de la continuité des soins est statique ; c’est un élément destiné à être pris en compte dans la décision médicale ;

– lorsqu’elle est utile à la coordination des soins, l’information médicale peut être considérée comme un élément du processus de soins, car sa transmission détermine la suite de ce processus ;

– lorsqu’elles font l’objet d’un traitement informatique, les informations sont des données qui servent à la production d’une nouvelle information synthétique (par exemple une alerte).

Dès lors, il convient de savoir de quelle façon le DMP, en tant que dossier médical électronique à caractère universel, a vocation à contribuer aux objectifs médicaux identifiés en mobilisant un ensemble de technologies cohérentes entre elles. Cette réflexion peut prendre appui sur les dossiers électroniques existants, en France notamment, qui sont partagés entre professionnels de santé d’une même région, parfois regroupés au sein d’un réseau de soins, ou d’une même spécialité.

Comme l’indiquent les informations obtenues par la mission sur les différentes expériences de dossiers médicaux informatisés, il ne faut pas exclure dans un premier temps le maintien d’une pluralité d’instruments électroniques, Mais il est évident que la poursuite du mouvement d’informatisation des données de santé doit permettre leur convergence technique, afin d’éviter un émiettement des données entre des bases distinctes et non communicantes.

● Un processus qui ne peut faire sentir pleinement ses effets qu’à long terme

La question de l’échéance du DMP a été récurrente tout au long des travaux de la mission. En réalité, le calendrier du projet diffère, selon que l’on considère l’objectif opérationnel fixé au GIP-DMP pour la construction d’une infrastructure informatique (1er juillet 2007) ou l’objectif dans lequel s’inscrivent les pouvoirs publics de développer l’informatisation des dossiers médicaux.

Le DMP est un vecteur du processus d’informatisation des dossiers médicaux, lequel a besoin de supports concrets pour être initié. La feuille de route donnée au GIP-DMP lors de sa création fut ainsi de créer un dossier médical électronique à usage universel, c’est à dire destiné à tous les Français et utilisable par tous les professionnels de santé. L’objet de cette première phase du processus, la phase de numérisation, était de réussir la dématérialisation du dossier médical (passage d’un support physique à un média numérique) pour permettre les usages en réseau.

La seconde phase correspond au développement d’usages spécifiques professionnels. À cet égard, les usages auxquels le dossier médical électronique donnera lieu s’éloigneront progressivement de son équivalent papier. Le Professeur Marius Fieschi souligne en effet dans son rapport précurseur de 2003 la liaison entre la dématérialisation, la prise de conscience des nouvelles fonctionnalités offertes par l’informatique et l’émergence de nouveaux usages : « Le dossier patient électronique permet de s’affranchir de la forme du contenant et du mode de rangement. La dématérialisation des documents permet d'indexer à l'identifiant du patient tous les éléments disponibles dans les différentes bases de données alimentées par les divers logiciels de l'hôpital (gestion administrative des patients, gestion de la production des soins, gestion des laboratoires, comptes-rendus, etc.)…. Le "dossier patient" n'est pas, à proprement parler, une fin en soi résultant d’une fonctionnalité individualisable du système d’information. Il est le résultat des traitements de l’information nécessaires dans les différents processus médicaux et de soins. Il est aussi un mode de visualisation et de présentation des données engrangées dans le cadre des multiples processus de soins (anamnèse, prescription, résultat d'examen, interventions thérapeutiques, etc.). Il devient de ce fait un outil de coordination et d’intégration des soins.» (23)

L’exemple de secteurs d’activité, tels que ceux de la musique, du cinéma ou de l’édition, montrent que l’ensemble du processus s’étend sur une durée très longue, probablement plus d’une dizaine d’années, le temps que l’accoutumance au nouvel outil et l’arrivée des nouvelles générations facilitent l’acceptation des changements dans les relations de pouvoir qui accompagnent l’émergence de l’outil. Entre la numérisation du son accomplie par le CD-Audio au début des années 1980 et l’apparition des offres légales de téléchargement, une vingtaine d’années se sont écoulées. Le cas n’est pas exceptionnel : si la numérisation des textes par scannérisation de document et reconnaissance de caractère a débuté au début des années 1990, les techniques de gestion électroniques de documents sont encore en cours de diffusion dans les entreprises.

Ces exemples soulignent également à quel point les conséquences sociales ou économiques d’un processus d’informatisation sont difficilement prévisibles.

● Les gains de ces évolutions structurelles ne sont pas immédiatement perceptibles

Le rapport de M. Jean-Jacques Jegou, sénateur, sur l’informatisation des données de santé (24) rappelle à ce sujet l’analyse du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie sur le caractère structurel des évolutions que représente la tarification à l’activité (T2A) et le DMP.

« On ne peut attendre de telles évolutions structurelles, qui visent à modifier en profondeur les conditions de fonctionnement et les comportements, des bénéfices instantanés. Ils ne peuvent se déployer que progressivement, dans la durée, et le décalage de calendrier avec l’urgence de la situation financière est pour une part inévitable.

Trois éléments risquent d’ailleurs de venir accentuer ce décalage :

- le déploiement des mesures lui-même n’est pas aussi immédiat qu’espéré…

- ces réformes nécessitent, pour être menées à bien, des investissements nouveaux…

- enfin certaines de ces réformes ont été conçues plus pour rendre l’allocation des ressources plus efficace que pour faire des économies…

Pour toutes ces raisons, les gains financiers nets à attendre de ces réformes à très court terme sont certainement limités.

Ceci ne signifie nullement, pour la majorité des membres du Conseil, qu’il faille les abandonner, ou les dégrader jusqu’à les vider de leur sens. Ce serait au contraire la pire des solutions, car alors tous les bénéfices que l’on peut en engranger à terme seraient perdus. Il importe au contraire d’aller jusqu’au bout des logiques qui ont été enclenchées, d’assurer le déploiement des dispositifs prévus et de leur donner une traduction opérationnelle cohérente avec l’ambition de départ. Ainsi il faut ne pas rogner sur l’ambition du DMP, et mettre des moyens organisationnels à hauteur de l’enjeu. »

Rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, juillet 2005

● Enfin, le processus suppose une approche industrielle de l’informatique

Pour qu’un projet de dossier électronique puisse voir le jour, il faut que les professionnels du secteur et les spécialistes de l’informatique puissent comprendre réciproquement, les uns les besoins de leurs clients, les autres les contraintes de la technique. La clé du processus réside dans l’analyse responsable des besoins que doit permettre le rapprochement de deux mondes différents, celui de la médecine et celui l’informatique d’entreprise.

Le marché de l’informatique d’entreprise fait aujourd’hui intervenir trois catégories d’acteurs, les éditeurs de logiciels, les intégrateurs et les sociétés de services :

– les éditeurs de logiciels proposent une gamme de logiciels variée, fondée sur une diversité de modèles conceptuels ;

– les intégrateurs définissent une solution technique associant une proposition d’infrastructure informatique (choix d’un parc de serveurs ou d’une solution d’hébergement) compatible avec la solution logicielle retenue ;

– les sociétés de service réalisent la mise en place matérielle et le travail de paramétrage logiciel nécessaire pour répondre aux demandes de l’utilisateur final.

Le mouvement de concentration actuellement à l’œuvre dans le secteur de l’édition logicielle au niveau mondial – selon certaines analyses, il ne pourrait rester que trois grands éditeurs mondiaux à l’issue de la vague de fusions/acquisitions actuelle, IBM, Microsoft et Oracle (25) – témoigne d’un glissement du risque financier vers les sociétés de service informatique à l’extrémité de la chaîne. Il semble que les grands groupes informatiques soient aujourd’hui parvenus à s’assurer de la maîtrise de leurs coûts de production, à partir d’une force commerciale assurant la promotion de leurs modèles conceptuels et d’un rapport de force favorable vis à vis des sociétés de service informatique. Ils sont ainsi en position d’externaliser à faible coût les tâches d’exécution les plus délicates.

C’est dans cette logique de structuration du marché, fondée sur la dissociation entre la promotion des modèles conceptuels informatiques et les problèmes pratiques de mise en œuvre, que doivent trouver leur place les projets de dossiers médicaux électroniques engagés par les différents pays et les choix industriels qu’ils impliquent. L’ambassade de France à Londres relate ainsi les difficultés industrielles du projet Care Record Service en Grande-Bretagne : deux des trois sociétés de services informatiques (les sociétés ISoft  et IDX) retenues par les consortiums en charge de la conduite du projet global « Connecting for Heath » sont en effet dans de graves difficultés financières et aujourd’hui jugées incapables de livrer le produit attendu.

2. Le dossier médical personnel est au centre de la circulation des informations médicales entre les acteurs du système de santé français

a) Une réponse au cloisonnement des informations au sein du système de santé français

La période de cinq années qui sépare les réflexions du Conseil supérieur des systèmes d’information en santé (CSSIS) sur le dossier médical informatisé en 1999 de celles du rapport sur le partage des données de santé remis par M. Marius Fieschi en 2003 au ministre en charge de la santé correspond à une profonde évolution dans la perception des enjeux de ce dossier.

Les réflexions du CSSIS, pourtant déjà très avancées sur certains points tels que la question de l’identifiant de santé, faisaient du dossier médical électronique l’aboutissement d’un mouvement spontané porté par des considérations matérielles telles que le nombre et le volume croissants des dossiers médicaux ainsi que leur importance pratique.

En 2003, le rapport Fieschi appréhende le système de soins français comme un système d’informations global, composé d’éléments hétérogènes, à l’intérieur duquel l’information médicale circule mal du fait des cloisonnements du système. La thèse sous-tendant les conclusions du rapport Fieschi est que l’organisation de la circulation de l’information médicale au sein du système de santé français est possible, dès lors que les systèmes informatiques de tous les acteurs de santé sont conçus comme des parties d’un système d’information global et sont mis à niveau pour remplir des fonctions de communication. L’entreprise suppose deux conditions : la normalisation des échanges informatiques de données et une standardisation particulière des systèmes informatiques, désignées par le terme d’interopérabilité. L’interopérabilité des systèmes informatiques traduit leur convergence vers une capacité à traiter des données sous le même format.

Le rapport Fieschi est donc à la fois un constat, celui d’une mauvaise circulation de l’information, et une approche particulière de la solution, reposant sur l’idée que la définition du format d’échange des données est aujourd’hui un élément structurant des systèmes d’information. En d’autres termes, il annonce le futur DMP comme une « brique » au centre du système d’information global, ayant vocation à faciliter la convergence des différentes composants de ce système.

b) Une informatique professionnelle libérale hétérogène et non communicante

On estime que 80 % des médecins libéraux sont actuellement équipés d’un ordinateur dans leur cabinet médical. La télétransmission des feuilles de soins électroniques a été sans aucun doute le facteur déclenchant de l’informatisation des cabinets de médecine de ville.

M. Philippe Chossegros, président de la Coordination nationale des réseaux de santé, précise ainsi : « En l’absence d’incitations centrales fortes, et compte tenu des capacités des outils de l’époque, l’informatisation des cabinets médicaux est restée longtemps l’apanage d’une minorité de professionnels expliquant l’échec d’une tentative de mise en place d’outils professionnels comme Liberalis. C’est l’assurance maladie, avec sa demande de développement de télétransmission des FSE qui a créé l’impulsion nécessaire grâce à l’apport de cette technique dans le remboursement des malades et le financement des équipements individuels par le Fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale (FORMMEL) créé au sein de la CNAMTS par l’article 4 de l’ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins des actions d’accompagnement de l’informatisation des cabinets médicaux ». (26)

Le véritable saut s’est fait entre 2000 et 2001 avec une télétransmission passant de 41 à 79 % pour les généralistes. Plus de 92 % des pharmaciens, 80 % des médecins généralistes, 65 % des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes, 55 % médecins spécialistes et 40 % des chirurgiens dentistes avaient assuré une télétransmission des feuilles de soins en avril 2004.

Ÿ Les chiffres de télétransmission ne reflètent qu’imparfaitement le niveau de pénétration de l’informatique dans la pratique libérale

La télétransmission ne résume pas à elle seule le niveau d’utilisation de logiciels métiers et l’usage des outils informatiques est diversement appréciée suivant les sources : M. Philippe Chossegros cite une fourchette allant de 50 à 88 % pour l’utilisation d’un dossier médical, avec comme usages secondaires la gestion du cabinet et l’assistance à prescription. Les chiffres mentionnés par le GIP-DMP, et repris par les Inspections générales de l’administration dans leur rapport de revue de projet, sont moins optimistes et considèrent qu’un quart seulement des praticiens de ville utilisent leur ordinateur pour l’usage électronique de dossiers médicaux.

Le taux d’utilisation d’internet n’est également pas très bien connu. A côté de la télétransmission, Internet offre un accès à des services diversement utilisés. Le confort d’utilisation dépend évidemment du débit de l’accès avec, semble-t-il, un peu plus d’un tiers d’abonnés à l’ADSL.

Ÿ Un émiettement du marché préjudiciable aux échanges de données

L’offre logicielle de gestion de cabinet médical se singularise par le nombre de produits concurrents, plus d’une centaine selon les statistiques de télétransmission des feuilles de soins électroniques. Les produits de trois éditeurs couvrent 50 % du parc informatique de la médecine libérale et avec quatre éditeurs, on atteint 60 % des effectifs du même parc.

Les médecins spécialistes, moins informatisés que les généralistes, utilisent une très grande variété de logiciels métiers du fait de la diversité de leurs besoins.

Par ailleurs, comme pour beaucoup de logiciels professionnels en constante évolution, les formules d’achat segmentent davantage le marché. Elles vont de l’achat unique à l’abonnement donnant droit à des mises à jour et à des services particuliers. Cette évolution a creusé les écarts, entre les médecins qui ont conservé leur ancien logiciel, et d’autres qui ont migré vers le système des abonnements.

En l’absence de standards, les logiciels offrent rarement des fonctionnalités d’échanges de données et pour nombre d’entre eux la reprise des données d’une version antérieure du même produit est encore un problème.

« Force est de constater que la décision [de mettre en œuvre le] DMP se confronte à un équipement très hétérogène des professionnels libéraux et hospitaliers avec une multiplicité de logiciels plus ou moins récents et actualisables qui se caractérisent par leur incompatibilité. », résume M. Philippe Chossegros, président de la Coordination nationale des réseaux de santé (27).

c) Des systèmes informatiques hospitaliers qui n’ont pas réussi leur mutation

Une étude de la société Eurasanté, présentant un panorama de l’offre logicielle à destination des établissements hospitaliers (28), constatait en 2004 qu’il n’était pas rare de trouver dans le service informatique de certains établissements de soins des mini-ordinateurs AS/400, mis sur le marché par IBM en 1987. Bien que l’AS/400 soit un ordinateur apprécié pour sa polyvalence et son haut niveau de sécurité, son système d’exploitation largement obsolète requiert des trésors d’ingéniosité de la part du personnel chargé de sa maintenance pour l'installation de nouvelles applications. Encore très hétérogène, le parc informatique des établissements hospitaliers mérite parfois le qualificatif de « vieille 403 bricolée », pour reprendre l’expression imagée de M. Jean de Kervasdoué, ancien directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins au ministère de la santé (29).

L’équipement informatique hospitalier, dont l’indigence a été maintes fois soulignée au cours des auditions, appelle deux constats :

– les besoins en termes d’intégration de nouvelles données médico-économiques au système d’information ne doivent pas cacher la subsistance de logiques « métiers » au sein des services de spécialité ;

– l’offre logicielle reste peu adaptée aux exigences de l’exercice médical, malgré la restructuration engagée dans ce secteur de l’édition logicielle où s’introduisent en force des acteurs généralistes internationaux.

Ÿ Une prégnance des logiques « métiers » en milieu hospitalier, défavorable à l’intégration des systèmes d’information

Selon M. Angel Piquemal, président de la conférence des directeurs de centre hospitalier, les crédits débloqués dans le cadre du plan hôpital 2007 ont permis aux établissements hospitaliers de résorber une partie de leur retard en matière informatique mais n’ont pas permis une remise à niveau complète.

En matière d’information médicale, les établissements hospitaliers n’ont pas réussi, à quelques exceptions près, la transformation de leur système informatique en un système d’information intégré. Les applications médicales installées se comportent comme de simples serveurs de résultats : elles se limitent à remettre les données médicales détenues à disposition du service de spécialité qui les a créées, sans pouvoir communiquer entre elles (du fait de l’insuffisance des normes d’échanges actuelles), ni alimenter un dossier patient central, souvent réduit à son expression minimale.

L’énoncé de l’épreuve de technologie de l’information et de la communication du dernier concours d’entrée à l’ENA, portant sur l’impact du DMP sur un système d’information hospitalier, fournit une illustration du type de difficultés auxquelles est confronté le gestionnaire responsable d’un système d’information déficient. Le fait qu’on ait choisi cette problématique pour un support de concours national témoigne à n’en pas douter de son acuité dans les hôpitaux.

« A. Schéma de principe du système d’information hospitalier

Le système d’information hospitalier de l’établissement est composé de nombreuses applications spécifiques à chaque métier. Elles sont interconnectées par un réseau local fédérateur. Des données communes à plusieurs applications, peu nombreuses, sont reparties dans des bases de données hétérogènes qui ont été créées au fil du développement du système d’information et sont administrées par le département informatique. »

….

« B. Description synthétique du projet de refonte proposé par le directeur des systèmes d’information (DSI)

Le système actuel a été construit par étapes successives, à mesure de l’informatisation des différents départements de l’établissement de santé. Il a désormais atteint une complexité excessive. Le directeur des systèmes d’information a mis en évidence qu’une partie prépondérante de ses moyens financiers et humains est consacré au simple maintien en bon fonctionnement du système informatique : entretien de compétences sur des systèmes d’exploitation nombreux, dont certains sont obsolescents, sauvegardes de serveurs dispersées dans les services, coût croissant de maintenance d’un parc de terminaux hétérogènes. Chaque projet de nouvelle application transversale, comme le dispositif de consolidation récemment spécifié pour la mise en œuvre de la compatible analytique, se heurte à des délais au à des coûts trop importants. En outre, un audit de sécurité réalisé par une société spécialisée a montré que des failles existaient, notamment du fait de cette trop grande hétérogénéité, d’un accès à internet insuffisamment supervisé et de possibilités d’administration déportée. »

Extraits de l’énoncé de la 5e épreuve d’admissibilité du concours externe d’entrée à l’Ecole nationale d’administration, septembre 2007, épreuve de technologie de l’information et de la communication.

Ÿ L’évolution des besoins d’information hospitaliers

Ainsi que le souligne l’étude Eurasanté, l’informatique hospitalière s’est développée à partir d’une dissociation entre les données administratives de séjour, dont le traitement au niveau de l’établissement peut être considéré comme satisfaisant, et les données proprement médicales, dont la gestion demeure au niveau de l’unité de soins.

Toutefois, la montée en puissance de la tarification à l’activité (T2A) devrait se traduire par un élargissement des flux de données médicales aux informations relatives à la prise en charge dont bénéficient les patients dans les unités de soins, afin de suivre de manière parallèle l’évolution des recettes et des dépenses liées à la production des soins. Les dossiers patients constitués au niveau de l’établissement devraient ainsi s’enrichir des informations sur les actes de soins, mais la question des autres données cliniques dépendra des choix d’architecture informatique effectués par l’établissement.

Ÿ L’offre logicielle reste peu adaptée aux exigences de l’exercice médical en milieu hospitalier.

M. Angel Piquemal, président de la conférence des directeurs de centre hospitalier, est revenu lors de son audition par la mission sur les raisons de la faible maturité du marché du logiciel médical hospitalier (30). Les utilisateurs ne sont pas guidés dans l’expression de leurs besoins par une connaissance suffisante des exigences habituelles en matière d’informatique industrielle ou du techniquement possible. La faible maturité de la maîtrise d’ouvrage conduit à négliger les conséquences organisationnelles du processus d’informatisation et à exiger de l’outil informatique qu’il s’adapte à l’organisation en place, générant ainsi une demande de développement « sur mesure » excessive et coûteuse. Outre cette relative méconnaissance des contraintes de l’informatique industrielle, l’informatisation des médecins hospitaliers se heurte également au problème de la mobilité des praticiens au sein de l’hôpital. L’offre matérielle en solutions mobiles est encore insatisfaisante et pas véritablement opérationnelle dans le cadre d’une utilisation professionnelle collective (31).

Ce constat est confirmé par une étude du Groupement de modernisation des systèmes d’information hospitaliers (GMSIH) de 2003, qui pointe :

– la faiblesse des maîtrises d’ouvrage qui entraîne une définition imprécise des objectifs et du périmètre fonctionnel des projets de système d’information ;

– une conduite des projets ne prenant pas suffisamment en compte les aspects organisationnels et l’importance de l’accompagnement du changement vis-à-vis des utilisateurs ;

– une couverture fonctionnelle difficile à déployer en raison de la spécificité des besoins des professionnels de santé et de l’utilisation de certaines applications non transversales ;

– des difficultés techniques liées principalement à l’intégration et à l’absence d’architecture fonctionnelle cible, qui restent à surmonter.

● Face à ces aléas, la stratégie des éditeurs et des sociétés de services informatiques est hésitante.

D’après un document remis à la mission par M. Jean-François Penciolelli, directeur du département santé de la société Oracle France, lors de son audition, 1,4 milliard d’euros sont consacrés annuellement aux dépenses informatiques par 3 000 établissements de santé, mais 80 % de cette somme sont destinés aux infrastructures et la moitié seulement des 20 % restants sont consacrés à l’acquisition de nouvelles applications informatiques.

Répugnant à des investissements lourds dans ce secteur – dont la rentabilité ne serait pas assurée – les opérateurs tendent à privilégier l’adaptation de logiciels généralistes ou la traduction de logiciels étrangers. M. Jean de Kervasdoué a regretté devant la mission la situation difficile du marché français du point de vue de l’offre, dominé par les éditeurs américains ou allemands et où ne subsiste plus qu’un seul acteur spécialisé d’envergure nationale.

Outre les logiciels d’intégration ou d’informatisation des processus de soins, le marché offre également des logiciels « métiers » commercialisés par des éditeurs spécialisés, tels que les logiciels de chirurgie et les progiciels de gestion du bloc opératoire.

3. Les expériences de dossiers électroniques spécialisés ont montré les limites de ces instruments

Les types de dossiers électroniques actuellement utilisés dans le secteur de la santé se situent à des stades de maturité très différents.

a) Les dispositifs de gestion personnelle des données de santé : des supports cloisonnés

L’offre des éditeurs privés propose depuis plus d’une dizaine d’années dans le monde anglophone divers dispositifs permettant aux personnes qui le souhaitent d’inscrire des informations de santé les concernant sur un support électronique de type mémento. Ces dispositifs sont personnels car ils sont élaborés sous la responsabilité des individus auxquels les informations se rapportent, même si dans certains cas un professionnel de santé peut être sollicité pour y inscrire les informations les plus pertinentes.

Il faut toutefois rappeler que la loi française – qui n’est pas applicable, il est vrai, aux sites installés à l’étranger – impose des exigences particulières visant à préserver la confidentialité des données de santé personnelles. Le respect de ces exigences se traduira par l’obligation, dès 2009, d’obtenir un agrément du ministre de la santé pour l’hébergement des données de santé déposées par un professionnel de santé à la suite d’un acte de soins (article L1111-8 du Code de la santé publique). Les dossiers gérés par les opérateurs dépourvus de cet agrément ne pourront qu’être consultés par les professionnels de santé (à supposer que ceux-ci puissent être authentifiés de manière satisfaisante), mais jamais alimentés par eux.

● Les dispositifs accessibles en ligne

Ainsi que le souligne M. Jacques Sauret, directeur du GIP-MP, dans une note qu’il a fait parvenir à la mission à la suite de son audition du 19 décembre 2007, les services proposés pour les sites de santé en ligne s’apparentent davantage à des services de gestion des données personnelles – à l’exemple de la gestion des comptes bancaires personnels – qu’à des dossiers médicaux proprement dit, dans la mesure où ils ne sont qu’exceptionnellement consultés par les professionnels de santé.

L’idée est ancienne : un inventaire auquel avait procédé un site spécialisé dans l’information médicale en 2000 (32) identifiait une dizaine de sites où il était possible d’entreposer des informations médicales. Sept ans plus tard, une simple vérification permet de constater que l’écrasante majorité de ces services a été supprimée, certains sites ayant disparu tandis que d’autres ont concentré leur activité sur la fourniture de produits pharmaceutiques. Il semble donc que ce type de service n’ait pas trouvé jusqu’à maintenant de « modèle économique » assurant sa pérennité.

On observe aujourd’hui, il est vrai, l’arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché de l’e-santé comptant parmi les acteurs majeurs de l’Internet : trois sociétés mondiales, Microsoft, Google et Orange, ont annoncé à quelques mois d’intervalle en 2007 la mise en place de sites où les particuliers pourront gérer et stocker leur dossier médical personnel. Microsoft a baptisé son site « HealthVault », Google « Google Health » et Orange « monpass.santé ».

On peut imaginer que ces opérateurs trouveront les moyens d’assurer la pérennité de leurs services, mais la question réelle, si l’on veut évaluer le potentiel de ces dispositifs, est de savoir s’il s’agit de services indépendants ou de produits d’appel destinés à permettre à leurs promoteurs de prendre pied sur un marché très disputé et en cours de restructuration. En 2004, le nombre de sites Internet consacrés à la santé était supérieur à 10 000 aux États-Unis et à 1 500 en France. Ces sites auraient été consultés par un internaute sur deux. La base Medline, première base de données médicales au monde contient 9 millions d'articles ; elle a vu le nombre de requêtes passer de 7 millions en 1997 à 120 millions dès 1998 (33).

Les sites d’e-santé proposent de nombreux services à destination du grand public : vulgarisation du savoir médical, accès aux bases de connaissances spécialisées, avis médicaux en ligne et vente par correspondance (depuis l’étranger). De l’avis de ses acteurs, le marché de l’e-santé se développe avec une grande hétérogénéité dans la qualité des informations et des services proposés, entraînant des risques de santé particuliers pour l’usager internaute, notamment en matière de médicaments. Pour celui-ci, il n’existe pas de repère clair lui permettant de juger de la qualité des services qu’il utilise ou de l’indépendance des informations qu’il reçoit. Ainsi que l’a souligné lors de son audition M. Philippe Degos, directeur de la Haute autorité de santé (HAS), la HAS consciente de ces enjeux de santé publique a récemment consacré deux études à ce sujet, l’une sur le comportement des patients internautes (« Le patient internaute », mai 2007), l’autre sur la certification des sites d’e-santé (novembre 2007).

● Les supports électroniques

La capacité de stockage des outils informatiques ne cesse d’augmenter. Dans ce mouvement, la standardisation des matériels tend à privilégier le CD-ROM (voire le DVD) et les mémoires flash connectables sur port USB (les « clés USB »), au détriment de la puce électronique, de faible capacité et nécessitant un lecteur spécifique pour sa connexion à un ordinateur.

L’objectif est de fournir à l’assuré social un support électronique qu’il puisse apporter au professionnel de santé consulté, afin que ce dernier prenne connaissance des informations médicales stockées sur le support électronique à partir de son poste de travail. Le succès de ces dispositifs reste toutefois tributaire de leur compatibilité, matérielle et logicielle, avec les équipements informatiques des professionnels de santé : malgré la variété des dispositifs présents sur le marché, aucun d’entre eux n’a véritablement émergé.

b) Les dossiers patients hospitaliers : des outils hétérogènes

Les dossiers patients à l’hôpital appellent deux observations :

– des dossiers médicaux informatisés existent dans près de 30 % des établissements hospitaliers mais les exemples sont peu nombreux de dossiers centralisant toutes les données médicales des patients.

– le développement des outils d’intégration informatique dans les autres secteurs ouvre des perspectives séduisantes mais à long terme pour la majorité des établissements.

● Des dossiers patients le plus souvent partiels

Si l’informatisation du dossier médical à l’hôpital a suscité de nombreuses initiatives depuis les années 1990, la revue dressée par M. Philippe Masari, responsable du département d’informatique médicale au CHU de Rouen, porte à constater qu’aucune formule n’a réussi à s’imposer. Dossiers propres aux services de spécialités, solutions de communication de type intranet, dossier minimum commun, les formules alternatives au dossier patient unique à l’hôpital fleurissent et vieillissent tout aussi vite.

La cause principale du désordre apparent est organisationnelle : les services ne trouvent pas d’accord pour structurer un dossier médical commun selon une méthode compatible avec les processus de soins de chaque spécialité. L’hôpital Lariboisière à l’AP-HP s’est ainsi engagé dans un projet de dossier électronique synthétique en cours de développement « Adam », comprenant un outil dont l’originalité majeure est de permettre aux utilisateurs eux-mêmes – sans intervention des services informatiques – de créer leurs propres « Dossiers de Spécialité » (gérant les différents examens complémentaires, notamment d’imagerie, et différents registres de spécialité) et leurs propres « Dossiers Cliniques Structurés » (gérant les hospitalisations et consultations).

Dans ce contexte, les établissements hospitaliers ont d’autant plus de facilité à déployer un dossier patient unique que leur activité est concentrée sur une pathologie, à l’instar de l’Institut Antoine Curie, spécialisé dans la lutte contre le cancer.

La mission a pris connaissance, grâce à M. Alain Livartowski, cancérologue, chef du service de l’information médicale à l’Institut Curie, de l’organisation du dossier électronique mis en œuvre à l’Institut depuis 2001. Il regroupe toutes les informations faisant partie du dossier médical des patients de l’Institut, y compris les documents reçus de l’extérieur, qui sont scannées (50 % des pièces). Le dossier présente une structuration évènementielle grâce à une représentation graphique sur une échelle de temps, baptisée Synopsis, où le médecin visualise les actes pratiqués, les traitements, les consultations et hospitalisations et navigue dans les comptes rendus et les images comme dans une page internet au format html. Des médecins extérieurs peuvent y accéder, si le patient y consent expressément, à partir d’un portail internet dénommé Portalys.

● Des solutions d’intégration généralistes

Les solutions techniques qui permettent le regroupement des données sont de deux ordres :

– les logiciels intégrés de type ERP (Entreprise Resource Planning(34), qui se présentent comme un ensemble intégré de différents composants logiciels ayant vocation à constituer le noyau central du système d’information de l’entreprise ;

– les applications horizontales du type EAI (Entreprise Application Integration) qui se proposent d’organiser rationnellement les échanges de données entre les applications présentes dans le système d’information.

L’introduction de ces technologies soulève toutefois quelques réserves de principe.

– Les logiciels intégrés de type ERP,

Ces logiciels se présentent comme un ensemble de différents composants logiciels constituant à eux seuls un système d’information centralisant leurs données dans une base unique (35).

Il s’agit d’un des segments du marché de l’informatique les plus actifs, mais dont les coûts ne sont pas toujours bien maîtrisés, car l’achat de la licence d’utilisation de ces logiciels ne représente qu’une faible partie de la dépense que l’entreprise doit supporter pour installer un ERP. L’ERP est un logiciel généraliste qu’il faut adapter aux besoins de son activité et les coûts d’adaptation sont d’autant plus élevés que l’activité est spécialisée : « Le travail de paramétrage, réalisé par les consultants, ainsi que la conduite du changement – il est souvent préférable de redéfinir les procédures de l’entreprise plutôt que d’adapter l’ERP – font que l’installation coûte de 5 à 20 fois le prix de la licence ». Selon Michel Volle, spécialiste de l’informatique d’entreprise (36), « il sera raisonnable de faire appel à l’ERP pour les fonctions qui ne relèvent pas de son cœur de métier ; par contre sur le cœur de métier où il lui importe d’être plus efficace que ses concurrents elle ne pourra généralement se contenter de l’ERP et devra utiliser un logiciel sur mesure réalisé pour une SSII sur cahier des charges, puis traiter les problèmes que pose l’intégration de ce logiciel avec l’ERP. Tout ERP a ses limites et il est inévitable qu’elles ne coïncident pas avec ce que l’entreprise aurait souhaité. »

– Les applications horizontales spécialisées dans l’échange de données entre applications, les EAI (Entreprise Application Integration).

Elles réalisent une intégration virtuelle des applications informatiques. Ce sont des logiciels middleware, qui sont dédiés à l’organisation des interfaces entre les applications Leur argument est économique. Il faut en principe développer beaucoup plus d’interfaces pour organiser des échanges directs de données entre des applications – 15 interfaces par exemple pour 6 applications et 36 interfaces pour 9 applications – que si l’on confie l’acheminement des données à échanger à un logiciel EAI. L’économie sur les coûts de développement peut donc très élevée –d’autant plus que les applications à intégrer sont nombreuses – mais leur faiblesse tient à l’insuffisance de la couverture des besoins d’échanges par les normes existantes.

● Dans la pratique ces outils sont peu nombreux et relativement coûteux pour les acteurs de santé.

L’étude d’Eurasanté présentant en 2004 un panorama de l’offre informatique hospitalière (37) analyse de manière détaillée les déboires de la société ID9 Prima, société de service informatique de taille moyenne qui a tenté de commercialiser un système ERP orienté santé en 2002-2003. Soulignant l’importance de la trésorerie que les entreprises doivent engager pour adapter l’ERP aux demandes des clients avant d’être réglées, l’étude conclut à la nécessité pour les éditeurs de ne pas faire reposer leur modèle économique sur la seule vente de l’ERP et de « proposer des services annexes comme l’intégration et l’interfaçage des progiciels dans le système d’information hospitalier ». Outil d’une mise en œuvre complexe, l’ERP semble davantage être l’atout des grandes sociétés informatiques disposant d’une trésorerie suffisante.

En ce qui concerne les applications de type EAI, elles ne sont apparues que très récemment dans le secteur de la santé. De plus, les normes les plus fréquemment citées en informatique de santé semblent perfectibles : la norme HPRIM utilisée pour communiquer les résultats d’analyses biologiques est employée de manière différente dans les laboratoires hospitaliers et les laboratoires de ville (38), la norme HL7 ne couvre pas l’ensemble des soins spécialisés, la norme IHE correspond à la version 2.5 de la norme HL7, bien que cette version soit maintenant délaissée par l’Angleterre et les Pays-Bas au profit de la version 3 de la norme HL7.

Dans un contexte marqué par la prédominance des logiques « métiers » dans l’informatisation des processus de soins (39), la constitution d’un dossier patient unique au sein des établissements hospitaliers constitue sans doute une exigence forte, conduisant à privilégier certaines technologies qui n’ont pas encore fait leurs preuves dans le secteur médical.

c) Les dossiers patients des réseaux locaux : des architectures disparates

Près d’un millier de systèmes informatiques assureraient actuellement en France des fonctions de communication entre différents acteurs de santé (40). On dénombre notamment un certain nombre de réseaux ville-hôpital – dont les premiers ont été initiés à la fin des années 1990 – destinés à permettre aux médecins de ville d’accéder plus rapidement aux documents d’hospitalisation de leurs patients (comptes rendus de sortie et images médicales numériques) dans le cadre d’une prise en charge à la sortie de l’hôpital. Dans certains cas, ces expériences d’échanges électroniques, sous forme de messagerie sécurisée ou de plateforme d’hébergement, ont progressé jusqu’au partage réciproque de documents, les médecins de ville pouvant mettre un historique médical à la disposition des praticiens hospitaliers. Par ailleurs, un certain nombre de réseaux de soins coordonnés, souvent thématiques (oncologie, diabétologie), se sont également équipés d’un système informatique de réseau pour servir de support à leurs échanges d’information.

Après une période de forte croissance entre 2000 et 2004, grâce à l’appui de fonds publics, la dynamique de développement de ces réseaux s’est ralentie, en raison notamment des doutes suscités par l’hétérogénéité des architectures techniques ainsi que des efforts nécessaires à la mise en place et au maintien des infrastructures informatiques. M. Xavier Courtois, responsable du réseau ville-hôpital d’Annecy, dont l’architecture technique a fait l’objet de plusieurs exposés dans la presse médicale, a confirmé à votre rapporteur qu’après une période de mobilisation ayant impliqué plus de 300 praticiens utilisateurs, on assistait à une décroissance régulière des intervenants, en raison de la difficulté à assurer le maintien de l’infrastructure informatique sur le long terme.

Les pouvoirs publics ont en conséquence redéfini leur soutien au développement de ces réseaux afin d’éviter leur multiplication et ont insisté sur l’objectif de mutualisation des coûts d’infrastructure. Ces expériences illustrent toutefois les limites de la formule, montrant que les coûts préalables de construction de l’infrastructure informatique dépassent les possibilités ou les compétences des acteurs locaux et favorise l’émergence de solutions disparates non viables à terme.

B. LE DMP S’INSCRIT DANS UN CORPUS JURIDIQUE PRÉ-EXISTANT GARANTISSSANT LA PROTECTION DES DONNÉES MÉDICALES À CARACTÈRE PERSONNEL

A l’ère de l’informatique, la garantie de la confidentialité et des droits des patients requiert une vigilance particulière. Le respect de la vie privée, de son intimité et du secret des informations à caractère personnel figure d’ailleurs parmi les libertés fondamentales garanties par la Constitution et par son préambule. La loi fixe les règles qui en assurent l’application, en particulier la garantie qu’apporte la règle du secret professionnel.

1. Une protection assurée par la loi informatique et libertés

C’est ainsi qu’il y a trente ans déjà était adoptée la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (41). Elle garantit dans son article 1er que « l’informatique ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ». À cet effet, elle met en place un dispositif de protection applicable à tous les traitements automatisés (ou non) de données à caractère personnel.

De façon générale, le système de protection mis en place par la loi informatique et libertés comporte :

– des conditions de licéité des traitements reposant sur une collecte loyale et licite, effectuée pour des finalités déterminées, lesquelles n’excluent pas, sous certaines conditions, un traitement ultérieur à des fins statistiques ou à des fins de recherche scientifique ;

– le recueil du consentement de la personne concernée par ledit traitement ou l’application d’une obligation légale ou contractuelle ;

– une interdiction de collecter certains types d’informations, notamment les informations relatives aux opinions mais aussi à la santé. Mais des dérogations à cette interdiction sont prévues :

● lorsque la personne concernée a donné son consentement exprès (à moins que la loi prévoie expressément que l’interdiction ne peut être levée par ce consentement) ;

● quand la personne ne peut pas, pour une raison juridique ou physique, donner son consentement alors que sa vie est en danger ;

● ou plus largement, en ce qui concerne les données de santé, lorsque les traitements concernés sont mis en œuvre par des professionnels de santé, soumis à l’obligation de secret professionnel prévue par l’article 226-13 du code pénal ;

– des formalités préalables à la mise en œuvre des traitements : à l’exception des traitements de tenue de registre qui en sont dispensés, les traitements doivent soit faire l’objet d’une déclaration, soit être soumis à autorisation. Les traitements de données à caractère personnel qui portent sur des données parmi lesquelles figure le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR) sont autorisés par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ;

– des mesures de contrôle à la diligence des membres et des agents des services de la CNIL ;

– des sanctions prononcées par la CNIL ;

– des sanctions pénales (articles 226-16 à 226-24 du code pénal) en cas d’infractions à ce dispositif ;

– des dispositions particulières relatives aux traitements de données à caractère personnel ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé ou l’évaluation et l’analyse des pratiques ou des activités de soins et de prévention, qui excluent l’identification des personnes concernées ;

– enfin, la création de la CNIL, autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect de la loi informatique et libertés. C’est ainsi que l’avis de la CNIL doit être sollicité par le Gouvernement avant toute transmission au Parlement d’un projet de loi créant un traitement automatisé de données nominatives, que les traitements de données à « risques » sont soumis à son autorisation et qu’elle donne un avis sur les traitements publics utilisant le numéro national d’identification des personnes.

De plus la CNIL a une large mission de contrôle sur les applications informatiques. Elle surveille la sécurité des systèmes d’information en s’assurant que toutes les précautions sont prises pour empêcher que les données ne soient déformées ou communiquées à des personnes non autorisées.

Beaucoup de ces dispositions sont applicables au projet de dossier médical personnel et la CNIL est effectivement intervenue à tous les stades du projet : avis sur le projet de loi, sur les projets de décret, sur les agréments des hébergeurs de données, sur les conventions relatives aux expérimentations et à l’occasion des contrôles qu’elle a effectués sur ces dernières, sur les autorisations relatives aux applications informatiques utilisées.

2. Une protection relayée par les textes européens

L’article 6 de la convention n° 108 du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel adoptée en 1981 prévoit que « les données à caractère personnel révélant l'origine raciale, les opinions politiques, les convictions religieuses ou autres convictions, ainsi que les données à caractère personnel relatives à la santé ou à la vie sexuelle, ne peuvent être traitées automatiquement à moins que le droit interne ne prévoie des garanties appropriées… ».

L’article 8 de la directive européenne 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données prévoit en outre que ce traitement est interdit, sauf dérogations reposant sur le consentement explicite de la personne concernée et moyennant l’introduction de garanties appropriées.

Il dispose également que les États membres peuvent prévoir d’autres dérogations dans leur législation interne pour un motif d’intérêt public important.

3. Une protection confirmée par la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades.

« Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins, a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant ». Ces dispositions issues de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, codifiées à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, ont été reprises à l’article L. 161-36-1 A du code de la Sécurité sociale, placé en tête du dispositif relatif au dossier médical personnel.

La loi du 4 mars 2002 confirme aussi, dans la logique de loi informatique et libertés, le droit à l’information du patient sur son état de santé et sur l’ensemble des traitements envisagés (article L. 1111-2 du code précité).

Il est d’ailleurs possible d’observer des correspondances entre les protections organisées par la loi informatique et libertés et les droits ouverts par la loi sur les droits des malades :

– Le droit à la confidentialité des informations médicales à caractère personnel (article L. 1110-4 du code de la santé publique) et l’obligation faite au responsable du traitement informatique de veiller à la sécurité des données et d’empêcher l’accès de tiers non autorisés (article 34 de la loi informatique et libertés) ou le droit pour une personne d’obtenir de ce responsable que les données la concernant soient « selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées » (article 40 de la loi informatique et libertés) ;

– Le droit à l’information du patient (article L. 1111-2 du code de la santé publique) et l’obligation faite au responsable du traitement informatique de fournir des informations sur la finalité de son action et sur les droits de la personne concernée par les informations traitées ainsi que sur les moyens qu’elle a de s’y opposer (article 32 de la loi informatique et libertés) ;

– Le droit d’accès aux informations médicales personnelles (article L. 1111-7 du code de la santé publique) et le droit de se faire communiquer les données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement informatique (article 39 de la loi informatique et libertés).

Le droit d’accès prévu par l’article L. 1111-7 vise toutes les informations détenues par les professionnels et les établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé. Le malade peut accéder à ces informations directement ou par l’intermédiaire d’un médecin dans un délai qui ne peut excéder huit jours suivant sa demande, mais qui ne peut être inférieur à un délai, dit de « réflexion », de deux jours. La présence d’une tierce personne est recommandée lorsque l’information est particulièrement sensible, comme l’annonce d’une maladie grave.

Enfin, le stockage des données de santé à caractère personnel est entouré de garanties relatives à leur intégrité et à leur confidentialité. L’article L. 1111-8 du code de la santé publique encadre très strictement l’activité des hébergeurs de données de santé, en instituant une responsabilité spécifique relative à la protection des données de santé. La prestation d’hébergement fait l’objet d’un contrat et lorsque celui-ci est établi entre un professionnel de santé ou un établissement de santé et un hébergeur, le consentement du patient est requis.

Les articles R. 1111-9 à R. 1111-16, introduits ultérieurement par le décret du 4 janvier 2006, précisent les conditions d’agrément des hébergeurs (voir infra I-C-2-b).

4. Une protection garantie par l’obligation de recueillir le consentement du patient sur la collecte et le partage des données médicales le concernant

Le recueil du consentement de la personne est explicitement exigé par les articles identiques du code de la santé publique (L. 1110-4) et de la sécurité sociale (L. 161-36-1 A) pour l’échange entre deux ou plusieurs professionnels de santé d’informations relatives à la même personne. Une exception est toutefois prévue en cas d’hospitalisation : « lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à toute l’équipe ». Mais, la règle du secret s’impose à tous les membres de l’équipe. Une disposition récente dispense également du consentement exprès lorsque l’accès aux systèmes de données est réservé au professionnel ou à l’établissement de santé qui y a lui-même déposé ces données et au patient concerné (article L. 1111-8, alinéa 5 nouveau).

Alors même que la loi créant le DMP a pu paraître innover en présentant ce dernier comme un dossier patient, accessible aux seuls professionnels autorisés par le patient, l’ensemble des règles exposées ci-dessus montre qu’elle s’inscrit plutôt dans la logique des dispositions antérieures s’appliquant à ce type de données et que la dénomination « dossier médical partagé », qui aurait pu être retenue, n’aurait pas fondamentalement modifié la règle selon laquelle toutes les informations médicales concernant une personne ne peuvent être partagées sans son accord.

La création du DMP reposant sur le consentement exprès du patient, la CNIL s’est interrogée sur le point de savoir si le consentement de la personne pouvait être considéré comme réellement libre, dès lors que le projet créant le DMP lie le niveau de remboursement à l’accès au DMP. Au vu des dispositions françaises et européennes qui viennent d’être rappelées, elle a estimé que « les dispositions du projet de loi instituant le dossier médical personnel et liant le niveau de remboursement des soins à l’accès du professionnel de santé à ce dossier sont justifiées par un motif d’intérêt public important qui est … la coordination, la qualité et la continuité des soins et l’amélioration de la pertinence du recours au système de soins, l’ensemble du projet de loi visant à sauvegarder l’assurance maladie »

Le patient doit également donner son consentement à chaque fois qu’un professionnel de santé demande accès à son DMP.

Le législateur a par ailleurs prévu de laisser au patient la possibilité de contrôler à tout moment les accès aux informations de son dossier: après avoir donné son consentement à l’accès à son DMP, puis à son alimentation, le patient pourra décider de « masquer » telle ou telle information inscrite dans son DMP à tel ou tel professionnel de santé autorisé à accéder à son dossier. Cette faculté n’est pas dirigée contre les professionnels de santé : elle est la conséquence du principe du respect de la vie privée et du droit du malade de ne pas tout dire au médecin, droit qu’il exerce couramment aujourd’hui, hors DMP, dans le cadre de son colloque singulier avec le médecin.

5. Une protection garantie par des dispositions spécifiques

Soucieuse d’une application effective de toutes les protections prévues, la CNIL a estimé indispensable :

– l’utilisation d’un nouvel identifiant « anonymisé » dédié à la santé ;

– le cryptage de l’ensemble des données et de toutes les opérations auxquelles leur collecte, leur consultation et leur transmission donnent lieu ;

– la mention des sanctions pénales en cas d’atteinte au secret professionnel couvrant l’ensemble des données hébergées ;

– la réaffirmation de l’interdiction de toute commercialisation des données.

Le débat relatif au statut des informations figurant dans le DMP est directement lié au fait que le dossier électronique peut désormais « sortir » du cabinet médical et figurer sur la toile. Cette réalité impose que toutes les garanties de confidentialité soient assurées mais ne change pas la nature médicale et professionnelle du dossier.

Le terme de « personnel » se rapporte au mode d’accès. Dès lors qu’il s’agit d’informations médicales, et en vertu du principe de confidentialité qui leur est applicable, la mise en ligne est subordonnée au consentement du patient. Quant au droit de « masquage » d’informations par le patient, il n’est que la traduction informatique du droit fondamental du malade de ne pas tout dire au médecin, au nom du respect de l’intimité de la personne. Il peut certes affecter le contenu du dossier mais pas plus que dans le cadre d’une relation classique de patient à médecin, laquelle doit reposer sur la confiance et l’intérêt de la santé du malade.

C. L’IMPULSION POLITIQUE DONNÉE PAR LA LOI DE 2004 A PERMIS LE LANCEMENT D’UN DOSSIER MÉDICAL ÉLECTRONIQUE ACCESSIBLE À TOUS LES BÉNÉFICIAIRES DE L’ASSURANCE MALADIE

1. Le dispositif du DMP dans la loi de 2004 relative à l’assurance maladie  (42)

Pour le législateur, il s’agissait d’améliorer la prise en charge médicale par un partage de l’information médicale au moyen d’un outil moderne associant le médecin et le patient. L’amélioration recherchée revêt plusieurs aspects :

– une meilleure prise en compte de la santé de la personne dans sa globalité, dans un contexte marqué par une très grande spécialisation et donc un risque de parcellisation ;

– une meilleure coordination des intervenants, médecins de ville et praticiens hospitaliers, et une prise en charge plus adaptée ;

– une continuité des soins mieux assurée ;

– la suppression des actes répétitifs inutiles et des accidents liés à une mauvaise association de médicaments (iatrogénie) ;

– une plus grande qualité des soins résultant de l’effort de collecte et de partage de l’information utile, permettant au malade et aux différents professionnels de participer, chacun dans son rôle, à l’acte de soins.

Le dispositif du DMP a été introduit dans le code de la sécurité sociale par les articles 2 à 5 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie. Il comporte de fréquents renvois aux dispositions du code de la santé publique, issues de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades. (43)

L’article L. 161-36-1 A, introduit par l’article 2 de la loi, reprend entièrement les dispositions de l’article L. 1110-4 du code de la Santé publique sur le respect de la vie privée et le secret des informations médicales. L’accent est mis d’emblée sur le principe fondamental du respect des droits de la personne qui s’impose à l’outil et à son usage.

L’article 3 crée le dossier médical personnel proprement dit en ouvrant, dans le chapitre 1er du titre VI du livre Ier du code de la Sécurité sociale, une section V intitulée « dossier médical personnel » comprenant à l’origine quatre articles (articles L. 161-36-1 à L. 161-36-4). (44)

Selon l’article L. 161-36-1, afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, gages d’un bon niveau de santé, chaque bénéficiaire de l’assurance maladie dispose d’un dossier médical personnel constitué de l’ensemble des données de santé à caractère personnel, notamment des informations qui permettent le suivi des actes et des prestations de soins Ce dossier médical personnel est créé auprès d’un hébergeur de données de santé à caractère personnel, agréé.

Le dispositif légal comporte aussi des mesures d’incitation à l’usage du DMP :

– Pour les professionnels de santé, l’usage du DMP des patients conditionne leur conventionnement avec l’assurance maladie (art. L. 161-36-1, 3ème alinéa ; le 4ème alinéa prévoit que ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 2007).

Cet usage consiste pour eux à reporter dans le dossier médical personnel, à l’occasion de chaque acte ou consultation, « les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge…», ainsi que le résumé, établi par les personnels hospitaliers habilités, des principaux éléments relatifs aux séjours hospitaliers (article L. 161-36-2, alinéa 1).

– Pour les patients, le niveau des remboursements de l’assurance maladie est subordonné à l’usage de leur DMP (article L. 161-36-2, alinéa 2). Le paragraphe II de l’article 3, non codifié, précise que cette disposition est applicable à compter du 1er juillet 2007.

Le lien établi par la loi entre le niveau de prise en charge et l’utilisation du DMP avait fait l’objet de critiques au cours des débats et motivé une saisine du Conseil constitutionnel. Celui-ci a validé le dispositif, estimant que le législateur avait opéré une « conciliation non déséquilibrée » entre les diverses exigences constitutionnelles : d’une part les exigences relatives à la garantie de la protection de la santé ainsi qu’au respect de la vie privée et du secret des informations de santé à caractère personnel et d’autre part, celles qui s’attachent à l’équilibre financier de la sécurité sociale qu’a introduites la révision constitutionnelle du 22 février 1996 en inscrivant les lois de financement de la sécurité sociale dans l’article 34 de la Constitution.

L’accès du DMP est limité aux seuls professionnels de santé et, parmi eux, à ceux désignés par le patient. Même avec le consentement du patient, le DMP ne peut être accessible à d’autres personnes. Ainsi, l’article L. 161-36-3 interdit l’accès au DMP lors de la conclusion de contrats exigeant l’évaluation de l’état de santé de l’une des parties comme le contrat de travail, ou de contrats de protection complémentaire en matière de santé. Le DMP n’est pas non plus accessible au médecin du travail.

Le non-respect de ces dispositions est pénalement sanctionné.

Par souci de cohérence, la loi abroge les dispositions relatives au volet santé de la carte vitale et au carnet de santé papier de 1996.

L’article 4 de la loi renforce la protection des données de santé à caractère personnel stockées chez un hébergeur prévue par l’article L. 1111-8 du code de la santé publique, issu de la loi de 2002, en complétant cet article par un alinéa précisant que « tout acte de cession à titre onéreux de données de santé identifiantes, directement ou indirectement, y compris avec l’accord de la personne concernée est interdit sous peine des sanctions prévue à l’article 226-21 du code pénal ».

L’article 5 concerne le mode d’identification personnelle du patient, nécessaire à la collecte des données de santé et à l’accès au DMP. Bien qu’ayant fait l’objet d’observations de la part de la CNIL, cette question n’était pas abordée par le projet de loi. Elle a été introduite au cours de l’examen du texte par l’Assemblée nationale. Le texte renvoie à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL, le soin de fixer les conditions d’utilisation de l’identifiant DMP.

Les conditions d’application de l’ensemble du dispositif, et notamment les conditions d’accès aux différentes catégories d’informations qui figurent au DMP, doivent être fixées par décret (article L. 161-36-4). Un projet de matrice des droits attribués selon la profession ou la discipline devrait répondre à cette exigence particulière.

Le décret devrait également préciser le contenu du DMP, c’est-à-dire les différentes catégories d’informations médicales dont l’inscription appartient aux professionnels de santé (un avant-projet de ce décret en propose une liste non limitative répartie en données médicales générales, données relatives aux soins reçus, données de prévention, images radiologiques ou tout autre imagerie médicale), en réservant au titulaire du DMP un espace spécifique dans lequel il doit pouvoir entrer des indications personnelles qu’il souhaite par exemple porter à la connaissance des professionnels de santé ou bien concernant la personne à alerter en cas de nécessité. Ce décret précisera également les modalités de gestion et d’utilisation du DMP tant par le patient que par les professionnels de santé, en particulier les outils d’identification (la future carte Vitale 2 contenant le numéro d’identification de santé pour le premier, la carte de professionnel de santé pour les seconds) et d’authentification.

Selon le dispositif légal, le DMP est donc un dossier médical, c’est-à-dire professionnel, rassemblant toutes les informations médicales utiles concernant un patient. Il est informatisé et stocké chez un hébergeur agréé.

Il est un outil de la coordination et de la qualité des soins grâce au rassemblement et au partage des informations médicales du patient, autorisés sous certaines conditions.

Conformément au principe du secret de ces informations, le patient a la maîtrise de l’accès aux données figurant dans son DMP.

2. Une mise en œuvre malaisée

a) Une parcimonie de moyens

La décision de ne pas confier la mise en œuvre du DMP à la CNAMTS –susceptible d’utiliser le DMP à des fins de contrôle, comme le craignaient les professionnels de santé dont l’adhésion était indispensable à la réussite du projet – a conduit le gouvernement à solliciter d’abord un groupe de personnes chargées de réfléchir au schéma à retenir pour le DMP. Celles-ci ont élargi la réflexion à l’occasion de plusieurs « séminaires » de durée brève qui ont permis de préciser le projet, notamment celui de Roissy, souvent cité, organisé en octobre 2004. Puis un groupe restreint dit « de préfiguration » a été constitué pour lancer concrètement le projet.

Par la suite, une structure juridique ad hoc – le groupement d’intérêt public GIP-DMP – a été créée par l’arrêté du 11 avril 2005. Cette structure comprenait un nombre réduit de personnes sous la présidence de M. Pierre Bivas, remplacé trois mois plus tard, en juillet 2005 par M. Dominique Coudreau, M. Jacques Beer-Gabel devenant directeur. Le GIP-DMP ne s’est étoffé que tardivement, à partir d’avril 2006, à l’initiative du nouveau directeur Jacques Sauret.

Quant au ministère de la santé, engagé avec retard dans le projet, il n’a pas eu la possibilité d’en définir la stratégie ni de procéder dans de bonnes conditions à une analyse systématique et structurée des nombreuses questions que sa mise en œuvre soulevait. En effet, les cabinets ministériels sont largement intervenus alors qu’ils ne pouvaient pas porter un projet de cette ampleur, qui exige de la continuité. De plus, la confusion née de l’attribution à une même personne des deux fonctions de chef de la Mission pour l’informatisation des systèmes de santé du ministère de la santé (MISS) et de directeur du GIP-DMP a compromis la capacité de gouvernance du ministère.

b) Le travail du GIP-DMP

Créé ex nihilo et trop longtemps limité dans son activité par des moyens insuffisants, le GIP-DMP dispose aujourd’hui, après une première période d’instabilité, d’une équipe qualifiée comprenant une soixantaine de personnes (45). Il est organisé autour d’un conseil d’administration de onze membres (46), présidé par M. Dominique Coudreau.

Le GIP-DMP a également souhaité mettre l’accent sur la concertation avec les acteurs, son président soulignant que pour conduire aujourd’hui un grand projet de santé, il faut y associer en permanence tous les acteurs. Ainsi, le groupement compte un comité d’orientation (COR) associant étroitement les représentants des patients et ceux des professionnels de santé, ces derniers comptant pour plus de la moitié de ses quelque 80 membres.

Certaines personnes auditionnées par la mission ont regretté qu’un excès de concertation ait freiné la prise de décision. D’autres, plus nombreuses, en ont au contraire souligné l’utilité et ont observé de grands progrès dans son animation et sa méthode. Le comité leur est apparu comme un lieu tout à fait nouveau d’échanges et de dialogue dont elles souhaitent le maintien en tant qu’instrument de décloisonnement des différentes représentations des acteurs de la santé et d’amélioration du fonctionnement du secteur de la santé dans son ensemble.

Sur la base des premiers travaux de réflexion, le GIP-DMP s’est attaché à définir les caractéristiques techniques, juridiques et économiques du projet.

Dans le schéma défini à la fin du premier semestre 2005, le GIP-DMP a distingué deux phases de développement :

– l’une de préfiguration, permettant de tester les produits et fonctionnalités proposés par les industriels ;

– l’autre de généralisation, à partir des enseignements de la phase précédente

Le GIP-DMP a ensuite élaboré un cahier des charges très détaillé en vue du lancement d’un appel d’offres relatif aux expérimentations prévues, pour lequel il a pu s’appuyer sur les travaux antérieurs du professeur Fieschi.

Concrètement, pour alimenter de façon satisfaisante le DMP, il fallait disposer, sous forme numérique, des informations médicales produites par les professionnels de santé, quelles que soient leurs conditions d’exercice.

Compte tenu des délais très courts, le GIP-DMP a pris l’option de confier les expérimentations du DMP, sur la base du cahier des charges, à des industriels qu’il a chargés, non seulement de concevoir le DMP, d’en garantir la compatibilité avec les logiciels  « métiers » utilisés par les médecins et tous les professionnels de santé ainsi que par les établissements de santé, mais aussi de choisir les acteurs des expérimentations (professionnels de santé, hôpitaux, patients) : les industriels déjà fournisseurs des équipements du monde de la santé paraissaient en effet les mieux placés pour sélectionner les participants.

Le GIP a lancé l’appel d’offre en juillet 2005 ; les réponses étant parvenues en septembre 2005, il a rédigé des conventions d’expérimentation qui ont été signées avec les industriels le 22 décembre 2005.

Pourtant, les expérimentations n’ont pas pu débuter dès cette date. En effet, les décrets d’application de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, qui devaient constituer le socle juridique de l’activité d’hébergeur et fixer les modalités de la protection de la confidentialité des données médicales personnelles, au cœur de l’expérimentation, n’avaient pas été publiés.

Manquaient ainsi :

– le décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL et des conseils de l’ordre des professions de santé, prévu au troisième alinéa de l’article L. 1111-8 du code de la santé publique, qui devait définir les conditions d’agrément des hébergeurs de données de santé à caractère personnel.

– le décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL, prévu par l’alinéa 4 de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique relatif à la confidentialité des informations médicales à caractère personnel.

Le premier décret, dit « hébergeurs », a été pris le 4 janvier 2006 en tenant compte des avis de la CNIL du 27 mai 2004 et du 15 mars 2005 (décret n° 2006-6 du 4 janvier 2006). Il précise les modalités de l’agrément des hébergeurs d’informations de santé : celui-ci est délivré par le ministre de la santé qui se prononce après les avis de la CNIL et d’un comité d’agrément créé auprès de lui.

Les délais nécessaires à la mise en place de ce comité et à l’obtention, même rapide, de l’avis de la CNIL sur les soumissionnaires retenus par le GIP ont retardé la publication de l’arrêté ministériel d’agrément jusqu’au 29 mai 2006.

Le second décret relatif à la confidentialité des informations médicales conservées sur support informatique ou transmises par voie électronique a été pris le 15 mai 2007 (n°2007-960). Ses dispositions sont codifiées aux articles R. 1110-1 à R. 1110-3 du code de la santé publique.

Ce texte est fondamental car il définit les diverses modalités de la protection des données médicales à caractère personnel (voir infra).

Comme il n’était pas encore publié à l’époque des expérimentations, la CNIL a admis que des clauses provisoires relatives à la confidentialité soient prévues dans les conventions entre le GIP-DMP et les industriels retenus à l’issue de l’appel d’offres. Lors de son examen des conventions, elle a souhaité en renforcer la rigueur par rapport aux propositions initiales des industriels. Elle a également souhaité que ces modalités provisoires ne s’appliquent pas au-delà du terme fixé aux expérimentations.

Sur ces bases, la CNIL a donné le 30 mai 2006 un avis favorable aux applications informatiques nécessaires aux expérimentations du DMP.

Les contrats initiaux ont ensuite fait l’objet de plusieurs avenants, notamment pour prolonger la durée des expérimentations et introduire des clauses nouvelles conformes au décret « hébergeurs » du 4 janvier 2006. Les expérimentations se sont déroulées du 1er juin 2006 au 31 décembre 2006, une durée unanimement jugée trop courte, d’autant que les six mois n’ont pas pu être effectivement utilisés.

c) Les expérimentations

● Le cadre d’expérimentation

Les expérimentations avaient pour but de lancer une opération de préfiguration, prototype du déploiement du DMP. Elles ont été intégralement confiées aux industriels retenus à l’issue de l’appel d’offres, ceux-ci ayant notamment la responsabilité de présenter des « sites de préfiguration » regroupant, avec leur accord, des établissements et des professionnels de santé.

Au plan quantitatif, les six soumissionnaires retenus ont hébergé 38 200 dossiers médicaux personnels, ouverts sur 17 sites répartis dans 13 régions. Les expérimentations ont impliqué 2 500 médecins et 100 établissements de santé. Elles ont été financées par le GIP-DMP pour un montant total de 21 millions d’euros dont six millions au titre de la prolongation de l’expérimentation jusqu’à la fin 2006. La durée de l’expérimentation devait atteindre six mois après une mise en place de deux mois.

● Le déroulement des expérimentations

Si l’objectif quantitatif de 30 000 DMP (5 000 pour chacun des six soumissionnaires retenus) a été dépassé, en revanche, la durée effective de l’expérimentation a été très inférieure aux six mois initialement prévus. En effet, le nombre nominal de 30 000 dossiers n’a été atteint qu’en septembre 2006, sans que la date de fin puisse être reportée au delà de fin 2006, l’agrément de la CNIL à des solutions de sécurité provisoires n’ayant pu être prolongé, certaines expérimentations n’ont donc pu durer, de fait, que quelques semaines.

● Le bilan (sur la base des informations rassemblées par le GIP)

Les expérimentations visaient à identifier l’impact du DMP sur les pratiques médicales, ainsi que les conditions d’appropriation de l’outil par les professionnels de santé et les patients, et à évaluer leur satisfaction. S’y ajoutaient la mesure de la qualité de service des hébergeurs, la validation de leurs solutions techniques, ainsi que la mise au point du cahier des charges pour la généralisation du dispositif.

Si la brièveté relative de l’expérience n’a pas permis d’apprécier pleinement les processus d’enrichissement des DMP après leur constitution initiale et a limité le nombre de leurs consultations, les évaluations entreprises à son issue ont quand même apporté des informations significatives :

– L’implication du médecin traitant est un facteur élevé de succès : elle sera d’autant plus acquise que l’accès au DMP à partir de son logiciel métier sera immédiate (un « clic »). Des efforts de généralisation des équipements informatiques des cabinets et de formation des praticiens à la rédaction de comptes rendus, pratique plus familière aux praticiens hospitaliers, sont donc indispensables.

– L’alimentation des DMP en données exportées des dossiers informatisés des établissements de santé n’a globalement pas posé de problèmes pour les établissements équipés. Outre la mise à niveau de l’ensemble des systèmes d’information hospitaliers, il faudra toutefois formaliser le processus d’alimentation des DMP par des praticiens habilités, à partir de postes de travail spécialisés auxquels ils pourront seuls accéder, grâce à leur carte de professionnel de santé (CPS).

– Les médecins de ville comme les praticiens hospitaliers ont perçu l’intérêt des DMP pour leur pratique médicale et l’optimisation des soins qui peut en résulter. Toutefois, ils y recourront d’autant plus facilement que ces dossiers seront simples d’accès et faciles à consulter, grâce à une structuration de leurs données.

– Quant aux patients, environ un sur dix s’est connecté à son DMP pour le consulter essentiellement, rarement pour l’alimenter dans la partie réservée à cet effet. Leurs attentes concernent l’inscription de l’historique de certaines données biométriques et celle du planning des examens et rendez-vous à venir.

– Les industriels, regroupés pour certains en consortiums pour les expérimentations du DMP, tout en déplorant particulièrement la durée trop brève d’expérimentations sans suite et des difficultés de pilotage local, ont cependant souligné certains aspects positifs comme la familiarisation des acteurs avec le concept de dossier médical communicant, l’accélération du mouvement d’adoption de normes standards, un accroissement de qualité technique générale dans le développement du projet.

– Les expérimentations ont aussi démontré la nécessité de concevoir de bons outils de sécurisation des données personnelles (voir infra).

d) Le changement de stratégie

Le changement de stratégie est intervenu avant que les expérimentations – retardées pour les raisons déjà exposées – n’aient commencé. Celles-ci se sont donc déroulées dans des délais très brefs, ce qui a limité la possibilité d’en tirer des enseignements. Par ailleurs, l’absence de perspective immédiate de généralisation du DMP a mis quelque peu à l’épreuve la motivation des acteurs.

En effet, à l’occasion d’un changement de direction, le GIP a remis en cause la possibilité de généraliser le DMP dans le cadre de la stratégie décentralisée choisie pour les expérimentations. Ces doutes sont apparus lors de l’examen des conditions techniques et financières de la généralisation, notamment sur les deux points suivants :

● Quelle architecture pour le DMP?

Le choix initial d’une architecture technique décentralisée où chaque consortium dispose d’une liberté totale d’organisation pose le problème de l’interopérabilité des données médicales entre les zones couvertes par chaque opérateur. L’unicité, au niveau national, du dossier médical pour chaque personne n’y est pas garantie. La question de l’interopérabilité se pose aussi pour les éditeurs de logiciels qui ont besoin d’un cadre national pour assurer la rentabilité de leurs productions et n’envisagent pas de lancer plusieurs versions de logiciels pour couvrir l’ensemble des territoires attribués à chaque opérateur.

● Quel coût pour le DMP ?

Le coût moyen de constitution d’un dossier médical électronique, tel qu’il résultait des offres présentées par les industriels, est apparu très élevé : 550 euros par DMP, sans comparaison avec le coût du dossier anglais, évalué à 30 euros  (47).

Tout en reconnaissant l’importance des premières expérimentations pour initier un démarrage rapide du projet et garantir l’adhésion au DMP des malades, des professionnels de santé et des industriels, le GIP a indiqué que les offres faites par les consortiums dans le cadre d’une extension des expérimentations à trois millions d’assurés étaient trop élevées pour être retenues (48).

Les orientations du ministre de la santé, M. Xavier Bertrand, ayant mis l’accent sur l’uniformité du coût du DMP sur tout le territoire et sur l’harmonisation des échanges de données de santé, l’architecture envisagée par la généralisation du DMP a été révisée.

e) La nouvelle architecture

Conformément aux orientations fixées par le ministre, le GIP a proposé une nouvelle architecture pour le DMP, reposant sur :

– un portail d’accès unique pour l’ensemble du territoire national, servant d’aiguilleur : il oriente le demandeur d’accès (patient, médecin ou établissement, ces derniers avec l’accord du patient), dûment identifié, vers l’hébergeur des données médicales concerné. Le portail gère les droits d’accès, garantit la confidentialité des données mais laisse au patient la liberté du choix de l’hébergeur de données ;

– un stockage des DMP chez des hébergeurs de données, parmi lesquels un hébergeur, dit « de référence », garantit la continuité du service public. Les hébergeurs sont simplement des spécialistes de l’hébergement de masse. Ils doivent garantir aux données qu’ils gèrent un niveau de sécurité très élevé, équivalent à celui requis dans le domaine militaire et font, à cet effet, l’objet d’un agrément. L’hébergeur de référence est hébergeur au même titre que les autres, mais il doit aussi pouvoir récupérer dans un délai très court (24 heures) les données d’un hébergeur défaillant ou ne répondant plus aux conditions d’agrément pour des raisons techniques ou contractuelles.

Cette nouvelle architecture a donné lieu à divers développements. La Caisse des dépôts et consignations a été chargée par le ministre de la santé d’élaborer une première version du portail et l’appel d’offre pour l’hébergeur de référence a été publié le 30 mars 2007.

Pour les responsables du GIP, la nouvelle architecture avait le mérite de réaliser un équilibre entre :

– les attentes du patient, qui bénéficie d’un service public gratuit, sécurisé et simple par le biais du portail unique ;

– les professionnels de santé qui n’ont à connaître que leur patient et sont dispensés de double saisie ;

– les industriels hébergeurs qui peuvent proposer différentes prestations en sus du service d’hébergement du DMP à l’origine de leur agrément ;

– l’hébergeur de référence technique, qui garantit la permanence du DMP ;

– les éditeurs de logiciels, qui disposent d’une plate-forme de référence et n’auront à mettre en œuvre qu’un seul modèle de connexion au DMP.

En outre, les coûts de gestion du DMP devaient être considérablement inférieurs à ceux des expérimentations. Les hébergeurs ayant répondu au nouvel appel d’offres publié le 30 mars 2007 proposaient un coût de moins d’un euro à deux ou trois euros par DMP, incluant la « hot line de niveau 1 ». Il est vrai que le prix élevé demandé pour l’expérimentation incluait des prestations plus étendues, tels les frais de recherche de volontaires, des primes d’assurance très élevées et des coûts de gestion téléphonique importants.

Par ailleurs, le conseil d’administration du GIP avait décidé, pour la gestion des appels téléphoniques associés au DMP, de solliciter la CNAMTS qui exploite la plus grande plate forme téléphonique d’Europe.

Ainsi,  l’argent public devait contribuer à la construction d’un système commun de santé, en particulier aux travaux en cours sur l’interopérabilité et l’identifiant, autant qu’à l’accompagnement du DMP. Le GIP a évalué le coût prévisionnel du DMP à 1,2 milliard d’euros sur cinq ans (soit, en moyenne 240 millions par an), puis de 100 à 150 millions d’euros par an en régime de croisière ; 60 % de ces sommes seraient consacrés à l’accompagnement du changement.

Cette nouvelle stratégie et ses premières réalisations devaient être validées par les pouvoirs publics.

Simultanément, le GIP-DMP lançait des appels à projets dans la perspective de préparer l’alimentation du DMP en données, telles que les images de radiologie, les examens de biologie ou les dispensations de médicaments. C’est ainsi en particulier qu’il a engagé des collaborations avec la Société française de radiologie, avec le responsable du Dossier communicant de cancérologie d’Ile-de-France en vue de l’utilisation de normes techniques communes, de systèmes convergents et d’un partage des infrastructures et qu’il a soutenu le projet de dossier pharmaceutique, conçu par l’ordre des pharmaciens (voir infra).

f) Une moindre implication des pouvoirs politiques pendant la première partie de l’année 2007, suivie d’une phase d’attente, puis d’un regain d’intérêt

Début 2007, plusieurs questions techniques et juridiques, concernant notamment l’identifiant, le masquage et l’hébergeur de référence, restaient en suspens. De plus des débats, qui pourtant avaient abouti à des consensus – non finalisés, il est vrai, dans des décisions politiques – ont été rouverts et ont nourri les doutes préexistants sur le DMP, dans un contexte marqué par le fait que le dossier n’était pas disponible à la date annoncée du 1er juillet 2007.

Aussi la nouvelle ministre de la santé a-t-elle demandé, le 3 juillet 2007, une revue de projet commune aux Inspections générales des affaires sociales et des finances et au Conseil général des technologies de l’information. Le rapport lui a été remis le 6 novembre 2007 et a été rendu public dans les jours qui ont suivi (49) : sévère sur la gestion du projet, le rapport confirme toutefois l’intérêt du DMP et présente des recommandations pour sa relance.

À la suite de ce rapport, considérant que le calendrier peu réaliste fixé au projet avait été la source de beaucoup des difficultés rencontrées et affirmant à son tour l’intérêt et la nécessité du DMP, la ministre a décidé, au mois de décembre 2007, de relancer le projet, de façon « ambitieuse et pragmatique », « sans repartir de zéro mais en évitant toute précipitation »  (50). L’appel d’offre pour l’hébergeur de référence a été déclaré sans suite. Puis la ministre a mis en place une « équipe resserrée » chargée de lui faire des propositions sur trois questions :

– le cadre stratégique du projet (ses objectifs, l’architecture du DMP et les grandes étapes de sa mise en œuvre) ;

– l’amélioration de la gouvernance, et plus généralement celle des projets relatifs aux systèmes d’information de santé, afin de garantir qu’ils soient conduits efficacement ;

– l’organisation de la concertation, pour s’assurer que celle-ci porte sur les bons sujets, qu’elle implique les différentes parties prenantes, et qu’elle débouche sur un plan d’action concret.

Cette « équipe resserrée », dite aussi « task force », compte neuf membres. Elle est présidée par le chef de l’Inspection générale des affaires sociales ayant participé aux travaux de la mission d’inspection (51).

Cette équipe a tenu une première réunion d’orientation à la fin du mois de décembre 2007 et sa première réunion opérationnelle le 8 janvier 2008.

Ses travaux déboucheront sur une phase de concertation concernant l’usage du DMP et sur les modalités de son déploiement : cette concertation s’appuiera sur des groupes de travail thématiques et se conclura, à la fin du printemps 2008, par un séminaire de deux jours, dont l’objectif est de « caler la feuille de route du DMP », c’est-à-dire de définir un cadre stratégique et un plan d’action clairs.

La ministre a énuméré les acquis sur lesquels elle entend s’appuyer :

– la prise de conscience collective s’exprimant dans la forte popularité du projet DMP et les attentes qu’il suscite, en particulier chez les médecins ;

– le travail de l’équipe du GIP-DMP ;

– la démarche engagée sur  le portail sécurisé d’accès au DMP et le rôle de tiers de confiance de son responsable ;

– l’élaboration de normes d’interopérabilité. (52)

g) Une réforme attendue du pilotage des projets de systèmes d’information par le ministère de la santé

La relance du DMP va pouvoir intervenir dans un cadre de gestion stratégique reformé de l’informatisation des données de santé.

Un « comité de pilotage » des systèmes d’information de santé a été installé en avril 2007. Présidé par la Secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales, il comprend, les directeurs d’administration centrale concernés et le directeur général de la CNAMTS.

De septembre 2006 à avril 2007, ont été menés des travaux d’élaboration d’un plan stratégique portant sur l’ensemble des systèmes d’information de santé : le plan P6, qui en est l’aboutissement, a été approuvé par la nouvelle ministre de la santé, au mois de juillet 2007.

Enfin, la MISS a été rattachée au secrétariat général des ministères de la santé et du travail, et placée sous la direction d’un nouveau responsable, distinct de celui du GIP-DMP. Parmi les enjeux  de la MISS : le renforcement de la mission et sa structuration afin d’en faire un organe très performant d’analyse des problématiques liées à l’informatisation des données de santé.

3. L’évolution du cadre législatif issu de la loi du 13 août 2004

Les travaux menés depuis 2004, notamment les expérimentations, ont fait apparaître la nécessité de compléter le texte initial de la loi du 13 août 2004 relative à la réforme de l’assurance maladie en vue du déploiement du DMP. Il s’agit principalement de préciser certaines obligations ou prérogatives revenant à l’État en matière de sécurisation des accès, de normalisation des données et d’identification des titulaires des dossiers.

a) Les conditions d’accès des médecins

Le cadre législatif a été complété sur les points relatifs à certaines conditions particulières d’accès des médecins au DMP et aux modalités d’expression du consentement du patient : procédures de « bris de glace » et de transfert du consentement :

– de façon mineure, par l’article 88-IV de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, introduisant dans la section du code de la sécurité sociale relative au DMP un nouvel article L. 161-36-2-1 qui élargit expressément l’accès au dossier médical personnel aux médecins coordonnateurs des établissements assurant l’hébergement des personnes âgées, avec l’accord du titulaire ou de son représentant légal.

– de façon sensiblement plus importante, par l’article 25 de la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 ratifiant l’ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l’organisation de certaines professions de santé et à la répression de l’usurpation de titres et de l’exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique (53).

Dans l’esprit de la disposition précédente élargissant le nombre des médecins pouvant accéder au DMP, dans l’intérêt de la santé du patient, le I de l’article 25 introduit un nouvel article L. 161-36-2-2 dans le code de la sécurité sociale :

– en premier lieu, celui-ci tend à autoriser les professionnels de santé à accéder au dossier médical personnel d’une personne qui est hors d’état d’exprimer son consentement et dont la situation comporte un risque immédiat pour sa santé, sauf opposition expressément et préalablement exprimée (procédure dite de « bris de glace »).

– la même faculté est ouverte dans les mêmes conditions aux urgentistes (mais les médecins régulateurs des centres de réception des appels d’aide médicale urgente peuvent seulement consulter le DMP sans l’alimenter).

– enfin le médecin peut solliciter du patient son consentement à ce qu’un confrère à qui il confie une partie de la prestation de soins accède au DMP de l’intéressé et l’alimente.

Ces diverses dispositions confirment l’idée que le DMP, même personnel, reste un dossier médical, dont l’intérêt principal est d’être un outil professionnel au service d’un corps médical et de la santé du patient.

b) La tarification applicable aux hébergeurs

Sortant de la logique purement libérale ayant prévalu lors des expérimentations, et visant une limitation du coût du DMP, l’ article 25 de la loi du 30 janvier 2007 fait intervenir l’État en confiant au décret d’application du DMP le soin de déterminer les modalités de fixation de la tarification (cette disposition aurait en particulier servi de support à la fonction de tarification qu’il était envisagé de confier à l’hébergeur de référence, avant que l’appel d’offre ne soit déclaré sans suite).

c) Les liens entre le DMP et certains autres dossiers de santé 

Le nouvel article L. 161-36-4-1 du code de la sécurité sociale renvoie au décret d’application du DMP la fixation du mode d’alimentation du carnet de santé des enfants (prévu à l’article L. 2132-1 du code de la santé publique) par les informations du DMP. Ces dispositions tendent à assurer l'articulation entre le DMP nouvellement créé et l'actuel carnet de santé de l'enfant, pour permettre au carnet de santé, dispositif important en matière de santé publique, de continuer à remplir toutes ses fonctions, mais en évitant toutefois aux professionnels de santé concernés d'avoir à remplir les deux documents.

Le nouvel article L. 161-36-4-2 du code de la sécurité sociale, en créant le dossier pharmaceutique (DP), donne une base légale à l’expérimentation de ce dossier, puis à sa généralisation. Initiative du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, financée par une contribution des pharmaciens à l’ordre, complétée par une subvention du GIP-DMP, le DP récapitule la consommation médicamenteuse des patients dans les diverses pharmacies de France, médicaments remboursés ou non, sur une durée de quatre mois. Le DP a les mêmes objectifs de coordination et de qualité des soins que le DMP. S’y ajoute explicitement celui de sécurité de la dispensation des médicaments (prévention de la iatrogénie). Le Conseil national de l’ordre des pharmaciens est chargé de la mise en œuvre du DP (voir infra).

Le nouvel article précise que les informations du DP alimentent le DMP, « dans des conditions que le décret d’application du DMP devra préciser », était-il ajouté : pour éviter que le DP ne pâtisse du retard du DMP, l’article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a prévu que la mise en œuvre du DP fasse l’objet d’un décret spécifique.

À l’avenir le numéro identifiant de santé (NIS) sera utilisé pour l’accès au DP (voir infra – f.).

d) La confidentialité et l’interopérabilité

La loi impose à tous les détenteurs d’informations de santé à caractère personnel l’utilisation de dispositifs conformes aux prescriptions des règles de confidentialité et répondant à des conditions d’interopérabilité arrêtées par le ministre de la santé (alinéas 4 et 5 de l’article L. 1111-8 du code de la santé publique).

Ces obligations nouvelles sont indispensables à la mise en place du DMP qui doit concilier un meilleur partage des données médicales et le respect du secret de la vie privée. Mais elles sont également nécessaires au développement dans de bonnes conditions des systèmes d’information hospitaliers et de ville. En ce sens, le projet DMP sert de catalyseur au développement général de l’information médicale à travers l’utilisation de normes communes imposées. Ces dispositifs doivent permettre l’élaboration de référentiels de confidentialité et d’interopérabilité soumis à l’avis préalable de la CNIL et du comité d’agrément placé auprès du ministre de la santé, avis qui s’imposera aux hébergeurs de données.

La procédure d’agrément des hébergeurs de données, mise en place par le décret du 4 janvier 2006, a d’ailleurs été suspendue le temps nécessaire à la production de ces référentiels, sauf pour les dispositifs d’hébergement du DMP (article 25 IV de la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007)

e) Un ajustement de la règle du recueil du consentement du patient

En contrepartie des nouvelles obligations de conformité de tous les dispositifs d’hébergement de données de santé à caractère personnel, certains allègements, déjà évoqués, ont été apportés en matière de recueil du consentement du patient: le consentement exprès n’est plus exigé quand l’accès aux systèmes de données est réservé au professionnel ou à l’établissement de santé qui a lui-même déposé ces données et au patient concerné (article L. 1111-8, alinéa 5 nouveau). Il s’agit plus précisément d’éviter que le médecin qui a confié ses données à un hébergeur soit obligé de requérir le consentement de la personne pour consulter les données qu’il a lui-même déposées (article L. 1111-8, alinéa 5 nouveau).

Ces dispositions ne sont pas propres au DMP ; elles résultent de la nécessité de préciser les modalités d’application de la règle du consentement à la communication des données qu’impose le DMP.

f) L’adoption d’un identifiant unique du patient dans le domaine de la santé

● Du NIR à un identifiant spécifique au DMP

« Le dossier médical personnel exige une identification personnelle : un DMP pour chaque personne, chaque personne n’ayant qu’un seul dossier. Il faut donc construire un identifiant, c’est-à-dire un ensemble d’informations qui garantisse à la fois l’unicité de ce dossier et son invariabilité dans le temps » expliquait devant l’Assemblée nationale M. Jean Dionis du Séjour pour défendre l’amendement introduisant l’identifiant de santé dans la loi. Dans ce but, il préconisait l’adoption du numéro utilisé par la sécurité sociale et le fisc, le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques – le NIR – communément appelé numéro INSEE ou « numéro de sécurité sociale ». Pour surmonter les réticences de la CNIL vis-à-vis d’éventuels recoupements frauduleux de fichiers par l’utilisation des données personnelles qu’il contient, il a cependant évoqué l’idée d’utiliser non pas le NIR lui-même mais un dérivé construit à partir d’un algorithme, sans possibilité de remonter au NIR, tout en soulignant que cette solution ferait perdre beaucoup de temps et d’argent et amoindrirait la force du dispositif. En effet la création d’un nouveau numéro identifiant de santé (NIS) est une opération qui implique la création d’un répertoire national et prend un temps incompatible avec l’échéance du 1er juillet 2007, fixée par la loi.

Le texte finalement adopté pour l’article 5 de la loi du 13 août 2004 résulte d’un amendement du gouvernement qui prévoit qu’ « un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL, détermine les conditions dans lesquelles un identifiant peut être utilisé pour l'ouverture et pour la tenue du dossier médical personnel tel que défini à l'article L. 161-36-1 du code de la sécurité sociale, dans l'intérêt de la personne concernée et à des fins exclusives de coordination des soins ».

Les représentants de la CNIL, lors de leur audition par la mission, ont précisé que pour aller plus vite, il aurait fallu retenir le NIR mais que la CNIL a toujours estimé ce numéro trop signifiant pour être retenu. Il est en effet composé de caractères permettant de déterminer le sexe, la date et le lieu de naissance de la personne, susceptibles d’être utilisés pour toutes sortes de tris et classements des personnes en catégories. C’est en raison de ces risques que la loi informatique et libertés soumet son utilisation à une autorisation de la CNIL. Officiellement saisie, la CNIL a constitué un groupe de travail, puis a conclu que le numéro d’identification permettant l’accès à des données nominatives de santé ne pouvait pas être le NIR, même associé à un mot de passe, comme celui utilisé lors des expérimentations. Il est par contre possible de construire un numéro de santé identifiant spécifique, dérivé du NIR, mais sans possibilité de remonter au NIR.

● Un identifiant de santé unique et commun à tous les dossiers du patient

La suggestion de la CNIL a été formulée dans son avis du 20 février 2007, proposant : « un nouvel identifiant, spécifique aux données de santé, généré à partir du NIR. Ce nouvel identifiant serait certifié selon les procédures déjà éprouvées, reconnues et fiables, actuellement utilisées pour les bénéficiaires de l’assurance maladie, mais transcodé selon des techniques établies de l’anonymisation. Cette proposition permettrait de bénéficier des avantages du NIR au moment de la création de l’identifiant tout en maintenant un niveau de garantie élevé » (communiqué de la CNIL du 20 février 2007). 

L’identifiant de santé spécifique pourrait donc prendre la forme d’un numéro non signifiant, dont la création relèverait d’un décret soumis à l’avis préalable de la CNIL pour être utilisable dans l’ensemble du système de soins

Entre-temps, l’article 25 de la loi du 30 janvier 2007 a substitué à l’article 5 de la loi du 13 août 2004, non codifié, un article nouveau L. 1111-8-1 introduit dans le code de la santé publique, selon lequel : « Un identifiant de santé des personnes prises en charge par un professionnel de santé ou un établissement de santé ou dans le cadre d'un réseau de santé défini à l'article L. 6321-1 est utilisé, dans l'intérêt des personnes concernées et à des fins de coordination et de qualité des soins, pour la conservation, l'hébergement et la transmission des informations de santé. Il est également utilisé pour l'ouverture et la tenue du dossier médical personnel institué par l'article L. 161-36-1 du code de la sécurité sociale et du dossier pharmaceutique institué par l'article L. 161-36-4-2 du même code. Un décret, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe le choix de cet identifiant ainsi que ses modalités d'utilisation. »

Cet identifiant sera donc utilisé pour le dossier pharmaceutique et plus largement pour la conservation, l’hébergement et la transmission de toutes les informations de santé à caractère personnel. Il est précisé que cette utilisation est faite « dans l’intérêt des personnes concernées et à des fins de coordination et de qualité de soins ». En définitive, la question de l’identifiant – qui a nui à la réalisation du DMP dans les délais fixés –  a finalement trouvé un début de solution juridique, sous la poussée des nécessités de mise en place du DMP.

La ministre de la santé, au cours de son audition par la mission, a indiqué que le « décret identifiant » allait être prochainement soumis à l’avis de la CNIL.

Cet aboutissement a pour effet de souligner la différence qui sépare le dossier médical personnel, utilisant le futur NIS de l’autre dossier créé par la loi du 13 août 2004 (article 21), qui autorise l’assureur à mettre en place un historique des remboursements dont a bénéficié un assuré social pendant une année (Web médecin). Il s’agit d’une récapitulation des remboursements exprimée sous forme de codes. Ce dossier actuellement en voie de généralisation utilise en effet le numéro de sécurité sociale (NIR). (voir infra)

g) Le complément de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 sur le portail d’accès unique et sur le droit de masquage

● Le portail unique d’accès au DMP

L’article 55 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 (n° 2007-1786 du 19 décembre 2007) insère dans code de la sécurité sociale un article nouveau L. 161-36-3-1 prévoyant l’institution d’ «… un service unique d’accueil dématérialisé, dénommé portail du dossier médical personnel », destiné aux bénéficiaires de l’assurance maladie et aux professionnels de santé.

« Ce portail assure des fonctions d’information générale et un service de gestion permettant aux bénéficiaires de l’assurance maladie de gérer leur dossier médical personnel et les droits d’accès des professionnels de santé. Il assure le contrôle et la traçabilité des accès aux dossiers médicaux personnels. Il produit les données de suivi d’activité nécessaires à l’évaluation de ce service. »

Ce portail matérialise le rôle de « tiers de confiance » que, dans la nouvelle architecture envisagée pour le DMP, il a paru utile de confier à la Caisse des dépôts et consignations, présente, comme il a été indiqué, dans le conseil d’administration du GIP-DMP. Le portail a en effet pour objet de rassurer les titulaires du DMP qui seraient inquiets des possibles failles du système sur la sécurité et la confidentialité des données ainsi que sur leur intégrité. C’est ainsi que sera vérifié que seules les personnes habilitées peuvent accéder à un DMP donné.

Le texte de loi prévoit également de mettre les fonctions offertes par le portail à la « disposition d’autres organismes assurant des missions de partage et d’échange de données personnelles de santé » dont la liste est arrêtée par le ministre chargé de la santé. Ainsi se met en place un portail d’accès unique non seulement au DMP mais à un ensemble de dossiers qui ont vocation à intégrer le DMP ou à être consultables simultanément, comme le dossier communiquant de cancérologie, le dossier pharmaceutique ou les dossiers de réseaux de santé.

● Le droit au masquage d’information par la malade

Les difficultés liées au droit du patient de masquer des informations dans son DMP ont à nouveau fait l’objet d’un débat au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Il était initialement prévu de faire figurer dans le décret d’application de la loi du 13 août 2004 la faculté laissée au patient de « masquer » des informations inscrites dans son DMP. Depuis, il a été jugé préférable que l’inscription de cette faculté liée au droit de la personne soit explicitement prévue par la loi. C’est ainsi que l’article 55 précité, dans sa rédaction finale, a introduit dans l’alinéa 1 de l’article L. 161-36-4 de la sécurité sociale le principe selon lequel le décret d’application fixe également : « les conditions dans lesquelles certaines informations peuvent être rendues inaccessibles par le titulaire du dossier médical personnel ou son représentant légal ainsi que les modalités selon lesquelles le professionnel de santé accédant au dossier médical personnel a connaissance de l’inscription au dossier d’informations rendues inaccessibles par son titulaire ou son représentant légal ».

S’agissant du droit au « masquage du masquage », traduction du « droit à l’oubli », cette rédaction prévoit donc que le médecin aura la possibilité de savoir si le DMP qu’il consulte est complet ou non complet. Le législateur a ainsi souhaité répondre au souci de la majorité du corps médical d’avoir accès à des données médicales pertinentes, tout en renvoyant au décret les modalités de la mise à disposition des médecins des indications associées à la traçabilité du masquage.

La ministre de la santé a indiqué qu’avant de prendre le décret annoncé, elle saisirait le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé de cette question philosophique et éthique.

L’article 55 précise par ailleurs la durée de conservation du DMP, pendant dix ans après sa clôture ainsi que certaines conditions particulières d’accès au DMP : accès des ayants droit au DMP d’un titulaire décédé et accès dans le cadre d’une expertise médicale.

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La création, puis la mise en œuvre du DMP a suscité de nombreux débats, voire des doutes, notamment en raison de l’échec du déploiement du DMP à la date du 1er juillet 2007 prévue par la loi.

Simultanément les ajouts au dispositif initial apportés par les lois et décrets successifs, s’ils n’assurent pas encore la mise en place d’un dispositif complet, en l’absence notamment du décret d’application du DMP, ont précisé son cadre et posé certaines bases nécessaires à son fonctionnement tant en matière de sécurité et de confidentialité d’accès, qu’en ce qui concerne, de façon plus générale, la collecte, l’hébergement (sur les modalités duquel des incertitudes demeurent cependant) et le partage des informations médicales produites par les professionnels de santé dans des formats acceptés par tous les acteurs.

II.- LES TRAVAUX ENGAGÉS JUSQU’À PRÉSENT CONSTITUENT UNE BASE UTILE POUR LA RELANCE DU PROJET

A. UNE INFRASTRUCTURE DE COMMUNICATION EN VOIE DE RÉALISATION

Les expériences étrangères autant que celles des réseaux territoriaux existant en France montrent que la constitution d’une infrastructure de communication assurant une gestion précise des identités des utilisateurs ou des patients d’une part et la sécurité des échanges électroniques d’autre part constituent le préalable incontournable de tout dossier électronique partagé. La construction de cette infrastructure doit être achevée en priorité car ses enjeux dépassent ceux du DMP.

1. L’utilisation d’un identifiant personnel de santé commun à toutes les structures de soins

Le projet DMP a permis des avancées significatives sur ce chantier, resté au point mort depuis 1999, alors même que son caractère prioritaire avait été mis en relief à cette époque par le rapport d’activité du Conseil supérieur des systèmes d’information de santé. Comme cela a déjà été évoqué, au terme d’une longue période d’hésitations, le débat sur l’utilisation du numéro d’immatriculation au registre de l’INSEE (le « numéro Sécurité sociale », NIR) a été tranché par une décision semble-t-il fondatrice de la CNIL du 20 février 2007. Il convient de préciser ici les enjeux de cette décision et ses conséquences.

L’attribution à chaque patient d’un identifiant de santé unique est indispensable pour faire le lien entre les différents séjours hospitaliers du même patient. À défaut, il est pour le moment impossible de reconstituer l’historique précis des soins délivrés aux patients, dès lors que ceux-ci sont hospitalisés dans un autre établissement hospitalier, voire dans un autre service du même établissement.

L’absence d’identifiant personnel de santé est un obstacle majeur à la continuité des soins entre les différents segments du système de santé français. Elle est aussi un frein au développement des stratégies thérapeutiques reposant sur une coordination entre les différents acteurs du système de soins. Elle fait par ailleurs obstacle à la conduite d’études sur les trajectoires de soins des patients à l’intérieur du système de santé français, alors que de telles études pourraient contribuer significativement à l’amélioration de la qualité des prises en charge.

L’identifiant permettant de rattacher les données de santé à une personne précise ne peut être qu’un numéro. Aux risques d’homonymies (même nom, même prénom) s’ajoutent les risques d’erreur sur l’orthographe des noms, en particulier pour ceux d’origine étrangère : on a dénombré jusqu’à 17 orthographes différentes d’un nom dont la source est non latine. La question est de savoir si l’utilisation du numéro de sécurité sociale (NIR) pour le moment limité aux échanges de données à caractère administratif avec les organismes de sécurité sociale, pourrait être étendue aux échanges de données de santé. Pour l’instant, cette utilisation est prohibée. Ainsi, les établissements hospitaliers attribuent eux-mêmes un numéro d’identification particulier à leurs patients au moment de leur admission.

La mise en commun de la fonction de gestion des identités est un préalable incontournable à la communication ou au partage d’informations médicales entre les acteurs de santé. La mise en œuvre d’un identifiant personnel commun à plusieurs établissements fait ainsi partie de l’infrastructure de base aux réseaux de communication interétablissements déjà mis en œuvre dans certaines régions : c’est par exemple le cas de la fonction de gestion des identités actuellement assurée par le serveur Idéo-Pass du réseau régional inter-établissements en Franche-Comté, et par le serveur du réseau SISRA en région Rhône-Alpes.

Après les débats précédemment évoqués, la CNIL, a estimé que le numéro de sécurité sociale (NIR) ne pouvait être utilisé pour échanger des informations médicales personnelles et a appelé à la création d’un identifiant personnel spécifique, qui serait lié au NIR soit par un tableau de correspondance, soit par un algorithme mathématique à sens unique.

Cette décision lève l’hypothèque de principe qui pesait sur l’utilisation d’un identifiant personnel commun par les acteurs de santé et dégage des perspectives importantes pour le développement des échanges de données de santé, dépassant l’horizon du seul DMP.

Toutefois, ainsi que l’a souligné devant la mission Mme Bonnet Galzy, secrétaire générale du ministère de la santé, les conséquences pratiques de cette décision sont difficiles à évaluer précisément et on a encore du mal à savoir comment s’organisera concrètement la coexistence des deux numéros d’identification, le NIR (le numéro de sécurité sociale) utilisé dans tous les échanges à caractère administratif avec les organismes de la sécurité sociale et le NIS (le numéro d’identifiant de santé) qui accompagnera non seulement les échanges de données médicales, y compris la consommation de médicaments (Dossier pharmaceutique), mais servira également de numéro de classement pour les dossiers médicaux hospitaliers ou libéraux.

2. Les garanties de confidentialité des données de santé

La définition d’une politique de sécurité reposant sur des standards élevés est un des apports des expérimentations pour le développement du DMP. Il s’est traduit par la publication du décret du 15 mai 2007 sur la confidentialité des données de santé qui consacre le passage d’une politique de sécurité traditionnelle d’accès par mot de passe logiciel à une politique d’identification sécurisé par certificat physique.

● Les expérimentations ont mis en évidence la nécessité de définir une politique de sécurité unifiée, garantissant un haut niveau de confidentialité.

Le déroulement des expérimentations a été marqué par des problèmes de sécurité récurrents.

La CNIL a appelé à deux reprises lors du démarrage des expérimentations l’attention des consortiums sur la nécessité de crypter les données hébergées accessibles par internet (54), (décisions du 21 mars 2006 et du 30 mai 2006). Pourtant, selon le rapport final de la CNIL de mars 2007, certains hébergeurs n’ont pas tenu compte de cette recommandation importante.

Les exigences de la CNIL n’ont pas non plus été toujours respectées en matière d’authentification des usagers. La CNIL avait ainsi demandé que les établissements hospitaliers associés aux expérimentations par quatre consortiums (InVita, Santéos, Santénergie et France Télécom) soient dotés de lecteurs de carte CPS pour identifier les professionnels de santé accédant ou alimentant les DMP au sein des établissements hospitaliers. Mais ces consortiums ont accepté, probablement pour des motifs techniques, que les DMP soient alimentés de manière anonyme par les personnels de chaque établissement et qu’ils puissent être consultés à partir d’un identifiant simple associé à un mot de passe.

Le déroulement des expérimentations a fait apparaître d’autres problèmes de sécurité plus préoccupants. Le 21 novembre 2006, un médecin expérimentateur de la région Midi-Pyrénées a fait savoir au GlP-DMP qu’il avait brisé le système de mot de passe utilisé par le réseau Santénergie (Siemens). En dépit des mesures correctives rapidement prises par le consortium concerné, l’information a été reprise par les médias locaux et nationaux et la CNIL, relevant les systèmes d’authentification utilisés par d’autres consortiums (clé USB cryptée), a rappelé dans son rapport final que « l’expérimentation a permis de relever une importante faille de sécurité internet d’un hébergeur (Santénergie), où l’accès au DMP par les patients reposait sur des identifiants et mots de passe identiques et facilement déductibles. »

Enfin, la CNIL a également été amenée à constater qu’un hébergeur proposait une fonction d’importation dans le logiciel métier du médecin des données de santé provenant du DMP, en contradiction avec les principes retenus pour le fonctionnement de ce dossier, qui excluent que les données de santé puissent demeurer sur le poste de consultation à l’issue de la connexion.

● L’identification par certificat physique constitue le plus haut niveau de sécurité actuellement possible. Sa mise en œuvre complète implique un investissement important de la part des pouvoirs publics

Les spécialistes de sécurité informatique soulignent que la principale faiblesse des dispositifs d’accès par mot de passe tient au caractère cessible du mot de passe : à terme, on considère qu’une partie de plus en plus importante des utilisateurs d’un réseau informatique négligent le caractère confidentiel du mot de passe et en communiquent la teneur à leur entourage. C’est pourquoi, les administrateurs de réseau informatique d’entreprise demandent aujourd’hui aux utilisateurs de renouveler périodiquement leur mot de passe.

La publication du décret du 15 mai 2007 sur la confidentialité des données de santé consacre l’adoption par les pouvoirs publics d’une politique de sécurité des données de santé plus exigeante, fondée sur l’identification sécurisée par certificat physique. Les certificats électroniques implantés sur des cartes à puces présentent un meilleur niveau de sécurité que les mots de passe. Il n’est en effet pas possible de les séparer de leur support physique : l’utilisateur qui confie sa carte à puce s’en dépossède ; il ne peut retrouver ses droits utilisateurs qu’en la reprenant. On parle dans ce cas d’ « authentification » (par opposition à la simple identification de l’utilisateur) pour désigner la fonction qui permet d’assurer que la personne qui se connecte avec un dispositif d’identification sécurisé est bien la personne qu’elle prétend être.

Cette politique de sécurisation des identités implique cependant la distribution de cartes à puce sécurisées à tous les utilisateurs concernés. Le système retenu par les pouvoirs publics s’appuie sur des supports électroniques existants : la carte électronique de professionnel de santé (carte CPS) pour les professions médicales et la carte Sésam vitale (dans sa 2e version en cours de diffusion) pour les assurés sociaux.

En ce qui concerne les professionnels de santé, le décret du 15 mai 2007 précité impose dorénavant l’usage de la carte électronique de professionnel de santé pour tout accès à des données électroniques de santé à caractère de santé. Un délai de mise en conformité de trois ans est prévu pour les établissements de santé, par l’article 2, non codifié, du décret. La diffusion de la CPS dans les établissements hospitaliers est en effet encore réduite : 4 % seulement des professionnels de santé en établissements, toutes catégories confondues, disposent actuellement d’une carte CPS, contre 78 % des professionnels libéraux. Cette situation résulte, explique le dernier rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, « de l’absence fréquente d’une véritable politique de sécurité [des données informatiques] au sein des établissements et, en corollaire, du faible développement au sein des systèmes d’information hospitaliers des infrastructures de sécurité (annuaires des personnels, gestion personnalisée des habilitations…) » (55). Sous réserve de disposer des crédits nécessaires, l’introduction de la CPS dans les établissements de santé est le révélateur des besoins de mise aux normes des systèmes d’information hospitaliers en matière de protection des données.

● Ces orientations se sont traduites par la décision de mettre en œuvre un portail d’accès unique, chargé de l’identification sécurisée des personnes et de la gestion des droits d’accès aux dossiers

Le portail d’accès unique que les pouvoirs publics ont décidé de créer en 2006 assurera dans le cadre d’un dispositif homogène toutes les fonctions nécessaires à l’identification et à la sécurisation des informations de santé, tout en autorisant une gestion déconcentrée de ces informations chez différents hébergeurs.

Le portail unique est bien plus que la porte d’entrée commune par laquelle il sera possible d’être redirigé vers un dossier électronique partagé. Il sera relié par une connexion permanente avec les plateformes électroniques des partenaires, constituant un réseau d’informations sécurisé au sein duquel il est possible de circuler sans avoir à s’authentifier. Les coûts de connexion à un tel réseau sont bien inférieurs à ceux de la mise en place d’un système spécifique de gestion des identités et d’authentification sécurisé. Le portail unique représente ainsi un potentiel important de mutualisation des coûts d’accès aux différents instruments électroniques partagés (les dossiers médicaux, tel que le dossier communicant de cancérologie, mais aussi les outils de partage de l’information des réseaux ville-hôpital ou des réseaux de santé existants). La présence de cet élément d’infrastructure facilitera l’apparition de nouveaux dossiers de réseau santé en abaissant les coûts initiaux de mise en œuvre.

Le portail unique est une infrastructure qui représente donc une source d’économies importantes dès lors qu’elle n’est pas réservée au DMP mais permet de rassembler dans un ensemble unifié tous les dossiers médicaux partagés. Les responsables du GIP-DMP ont indiqué que l’achèvement du portail unique était aujourd’hui menacé par la remise à plat du projet DMP. Pourtant la mission souligne le caractère transversal et structurant du portail pour le développement des échanges de données dans le secteur de la santé.

B. DES QUESTIONS ORGANISATIONNELLES EN VOIE DE CLARIFICATION

1. La place du DMP parmi les autres dossiers ou services électroniques

Le bilan dressé par la mission sur les dossiers électroniques existants montre qu’une pluralité de dossiers médicaux électroniques n’est pas à exclure dans son principe et que les dossiers électroniques déjà opérationnels poursuivent des objectifs plus complémentaires que concurrents à ceux du DMP.

a) L’historique des remboursements (le « Web-médecin »)

En présentant à la mission le dispositif de consultation de l’historique de remboursements ou « Web-Medecin », M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés a souligné qu’il s’agissait d’un exemple de téléservice que la CNAMTS souhaite développer pour mettre à disposition des médecins les données dont elle dispose.

La loi du 13 août 2004 relative à la réforme de l’assurance maladie, prévoit que de manière complémentaire au DMP, les données de remboursement détenues par l’assurance maladie puissent être mises à disposition des médecins, dès lors que le patient donne son consentement (article 21 de la loi du 13 août 2004). La CNAMTS a été chargée de mettre en œuvre ce dispositif inter-régimes baptisé « Web-médecin ». Le Web-médecin entre maintenant dans une phase de généralisation (1 400 médecins sont déjà connectés en Ile-de-France) qui permettra de mieux connaître l’impact de cet outil dans la pratique médicale.

Le Web-médecin est réservé aux médecins disposant d’une carte électronique de professionnel de santé (CPS). Il indique le nombre d’actes remboursés par la sécurité sociale au cours des douze derniers mois dans quatre catégories de soins – les consultations et soins médicaux, les prescriptions médicamenteuses, les examens de biologie ou de radiologie et les prescriptions d’arrêts de travail – mais n’indique pas les résultats des actes.

Le Web-médecin n’est pas un outil de partage de l’information médicale, stricto sensu mais simplement la mise à disposition de données administratives relatives aux actes de soins. Il s’agit d’un outil d’utilisation seconde des données existantes dans une logique d’optimisation impliquant un investissement peu élevé : l’investissement nécessaire à son déploiement est évalué à 5 millions d’euros et le coût de fonctionnement annuel à moins de 1 million d’euros, étant précisé que le web-médecin devrait pouvoir être mis en œuvre par les infrastructures existantes.

Le dispositif permet d’éviter la redondance des actes de soins en indiquant au médecin qui le consulte si l’acte qu’il prescrit a déjà été pratiqué. Mais il ne comporte pas d’informations relatives au diagnostic ni aux résultats des examens ou des soins pratiqués et ne peut pas être alimenté par les professionnels de santé. L’accès aux données ne peut pas non plus y être modulé (si le patient autorise l’accès au dossier, cet accès concernera toutes les données, sans possibilité de masquer certaines d’entre elles).

Sa finalité et les usages qu’il permet sont très éloignés de ceux qui inspirent le DMP.

b) Le dossier pharmaceutique (DP)

● Les objectifs du dispositif

Le dossier pharmaceutique (DP), déjà évoqué, est un outil destiné aux pharmaciens qui répond à une initiative du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP).

Le rôle du pharmacien officinal en matière de contrôle de l’usage pharmaceutique est en effet amené à se renforcer. Si le rôle du pharmacien est historiquement caractérisé par la préparation des substances actives, ce dernier dispense aujourd’hui des spécialités pharmaceutiques majoritairement élaborées par les laboratoires industriels. Sa responsabilité professionnelle évolue dans le même sens, en mettant l’accent sur la bonne dispensation des médicaments. Le pharmacien intervient au dernier stade du circuit du médicament et doit contrôler les éventuelles interactions médicamenteuses entre les prescriptions relevant de médecins différents.

● État d’avancement du projet

L’ordre des pharmaciens assure la maîtrise d’ouvrage, le pilotage et le développement informatique en interne et il a créé pour cela une division spécifique en son sein. Le dispositif a été conforté par le législateur, qui a donné un fondement légal au dossier pharmaceutique par la loi du 30 janvier 2007 (article 25).

La CNIL a autorisé le 15 mai 2007 l'expérimentation du dossier pharmaceutique dans six départements français (le Doubs, la Meurthe-et-Moselle, la Seine-Maritime, le Pas-de-Calais, la Nièvre et le Rhône) pour une durée de six mois. L’expérimentation a débuté mi-juin et le dispositif a été déployé dans les 2 048 officines implantées dans les six départements concernés.

Le déploiement technique est facilité par le fait que toutes les officines sont informatisées, que tous les médicaments sont codifiés et que tous les pharmaciens ont une carte électronique professionnelle. Toutefois, on estime qu’actuellement 50% seulement des officines disposent de l’équipement requis pour accéder à toutes les fonctionnalités du dossier pharmaceutique, les autres pouvant alimenter « en différé » les dossiers pharmaceutiques créés grâce à un système de transmission par lots selon le même principe que l’envoi des feuilles de soins électroniques.

● Gestion du consentement du patient

L'ouverture d'un dossier pharmaceutique électronique est facultative et subordonnée à l’accord du client, qui a en outre la faculté de demander la suppression du dossier à tout moment. L’identifiant du malade est, dans l’attente d’un identifiant de santé commun, un numéro spécifique au dossier pharmaceutique – le numéro du dossier personnel (NDP) – élaboré lors de la création du dossier à partir du numéro NIR inscrit sur la carte SESAM Vitale.

La consultation ou l’alimentation des dossiers ne peut se faire qu’en présence du patient et avec son accord. Après son départ de la pharmacie, le dossier pharmaceutique, situé dans un serveur sécurisé et agréé, n’est plus accessible par le pharmacien : personne ne peut plus en prendre connaissance, pas plus les pharmaciens qu’a fortiori les firmes pharmaceutiques.

Lors de leur audition par la mission, les représentants de l’ordre des pharmaciens ont souligné que le taux d’adhésion des clients au système proposé est important, dès lors que ces derniers ont la conviction que sa finalité thérapeutique est transparente.

● Spécificité du dispositif

Le dossier pharmaceutique est un outil à usage professionnel dont l’usage est réservé aux pharmacies d'officine qui sont seules autorisées à alimenter et à consulter l’historique de délivrance de médicaments sur les quatre derniers mois.

À l’opposé du Web-médecin qui se présente comme un simple outil de visualisation de données, le DP est un dispositif qui recourt à l’intelligence informatique pour détecter les interactions médicamenteuses potentiellement dangereuses entre les médicaments prescrits à une même personne. Les données sont totalement structurées (codées) et les flux d’information très réduits (quelques Ko).

En comparaison, le DMP s’étend sur un périmètre plus vaste d’actes de soins (le DP est limité à la prescription médicamenteuse) intégrant un cercle d’informations plus large, pouvant s’étendre aux prescriptions médicamenteuses hospitalières qui sont hors champ du dossier pharmaceutique.

c) Le dossier communicant de cancérologie (DCC)

Alors que le DCC apparaissait à ses débuts comme un prototype, préfigurant à l’échelle de la filière de soins de cancérologie ce que pourrait être le DMP sur l’ensemble du périmètre de santé (56), les différences entre les deux projets n’ont cessé de s’affirmer, au fil de leur développement, sous l’influence de deux maîtres d’œuvre, le DCC placé sous l’égide de l’INCa et le DMP sous celui du GIP-DMP.

À l’issue de sa phase expérimentale, le DCC affiche aujourd’hui des différences notables avec le futur DMP :

– il présente une structuration des données fondée sur les processus thérapeutiques mis en oeuvre dans le traitement du cancer, alors que le DMP est pour le moment non structuré. Selon l’INCa, le DCC doit être conçu comme un « dossier de synthèse rassemblant sous une forme résumée les principaux évènements du parcours de soin » (57)permettant l’accès à des informations plus détaillées « stockées par des applications locales et mises à disposition du réseau ». Le DMP est un dossier unique, rassemblant dans quelques compartiments les données qui y seront entreposées ;

– ce sont les comités régionaux de lutte contre le cancer qui sont les maîtres d’ouvrage du DCC, l’INCa souhaitant limiter son rôle à celui de fournisseur de ressources (préparation d’un cahier des charges type pour le DCC, à la disposition des comités régionaux, subventionnement de projets préparatoires,…). Le DMP bénéficie pour sa part d’une maîtrise d’ouvrage nationale entièrement assumée par le GIP-DMP ;

– l’interopérabilité entre les régions semble n’être assurée pour le DCC que sur la base d’un « contenu minimum de données médicales partageables » (58), alors que pour le DMP, ce problème a été levé par le changement stratégique en faveur d’une plateforme nationale décidé par le GIP-DMP en 2006.

Depuis 2005, date du premier bilan des expérimentations du DCC, il semble que le déroulement du projet DCC ait marqué le pas par rapport au calendrier initial, qui prévoyait une généralisation du DCC pour 2007. Suite à l’élaboration d’un cahier des charges type par l’INCa en octobre 2005, un appel à projet à été lancé par l’Institut et des conventions ont été signées en novembre 2006 avec les réseaux régionaux de cancérologie pour établir les « feuilles de route » du déploiement du DCC tenant compte des spécificités de chaque région. Aucune information globale n’a été publiée sur l’état de cette phase du déploiement. Le retour d’expérience du réseau de cancérologie d’Aquitaine, laisse penser que le système en place se heurte encore à des problèmes d’interface gênants pour les utilisateurs (59).

Le 19 juillet 2006, l’INCa et le GIP-DMP ont annoncé leur intention de se rapprocher pour mutualiser les infrastructures techniques et les investissements. Une convention a été signée entre l’INCa et le GIP-DMP pour concrétiser ce rapprochement.

Les divergences entre le DCC et le DMP rendent incertaine la convergence des deux projets. On peut notamment craindre que la coexistence du DMP et du DCC ne soit fondée sur une interopérabilité « statique », laissant la charge aux utilisateurs de consulter séparément, dans des conditions techniques que l’on devine difficiles, les informations contenues dans le DMP et dans le ou les (60) DCC d’un même patient, hébergés le cas échéant sur différentes plateformes régionales.

d) Les dossiers électroniques de dimension locale

Ces réseaux sont hétérogènes du point de vue de leur taille, de leur architecture technique et de leurs fonctionnalités. Un certain nombre semble orienté vers la satisfaction de besoins d’échanges exprimés par les professionnels, par messagerie ou sur une plateforme d’hébergement. C’est le cas des réseaux ville-hôpital visant à assurer une transmission électronique des documents hospitaliers (comptes rendus d’hospitalisation, fichiers d’imagerie numérique) et des réseaux de santé qui assurent la transmission de données numériques. Ces fonctions coexisteraient avec le DMP sans s’y confondre.

Certains réseaux sont des dossiers patients qui, moyennant une infrastructure de base (construction d’un réseau entre les partenaires et mise en place d’un serveur de gestion des identités), assurent la création d’un dossier patient s’apparentant au DMP. Il s’agit d’un dossier central qui permet de localiser toutes les données concernant un même patient dans les systèmes d’information des partenaires au réseau. Ces dossiers patients fonctionnent en mode réparti, c’est-à-dire qu’ils font appel aux ressources informatiques des adhérents pour la conservation des documents numériques, système plus économique mais moins fiable que l’hébergement de toutes les pièces. C’est le cas du Réseau d’information patient d’Ardèche méridionale (RIPAM, constitué autour de l’hôpital d’Aubenas) et du Dossier patient partagé réparti (DPPR) mis en œuvre par le réseau Système d’information de santé Rhône-Alpes (SIS-RA). De tels dossiers patients feront double emploi avec le DMP lorsque celui-ci sera opérationnel et pourraient être simplement supprimés après versement de leurs documents dans le DMP.

Certains de ces réseaux ont cependant élargi leurs fonctionnalités à partir de l’infrastructure qu’ils ont construite, à l’exemple du réseau Rhône-Alpin SIS-RA. Ce réseau, qui recense 60 000 dossiers patients, réunit à la fois des établissements hospitaliers (12 hôpitaux), des réseaux de santé et des professionnels de ville. Il a été initié sous l’égide de l’Agence régionale de l’hospitalisation de Rhône-Alpes en 2001 autour d’un projet de serveur d’identifiant unique des patients. En 2002, les partenaires du projet ont approuvé le lancement du dossier patient DPPR ; fin 2003 une plateforme d’hébergement pour les dossiers des réseaux de santé a été ouverte (13 réseaux de santé utilisaient en 2006 la plateforme PEPS-Réseau, pour traiter 9 500 patients) ; fin 2005, les fonctions d’hébergement de la plateforme PEPS ont été étendues pour couvrir les échanges sécurisés entre tous les professionnels de santé (PEPS-hébergement).

Cet exemple d’élargissement des fonctionnalités des infrastructures informatiques dans le but d’optimiser leur efficacité peut inspirer utilement la construction du DMP en le plaçant non comme un objectif isolé mais comme l’élément central d’un dispositif plus vaste d’échange d’informations.

Il est à noter que tous les patients titulaires d’un dossier DPPR ont la faculté d’habiliter nommément les professionnels autorisés à consulter leur dossier personnel et peuvent à tout moment consulter le journal des consultations de leur dossier, qui présente un historique horodaté des demandes d’accès à leur dossier.

2. L’impact du DMP sur l’organisation des soins

L’impact du DMP ne peut être évalué isolément. Il participe des transformations induites par l’informatique du point de vue de l’accès à la connaissance médicale et de la gestion des données de santé. La rapidité d’accès aux données numériques multiplie les informations disponibles et modifie donc la nature du risque juridique attaché à l’activité médicale comme aux activités humaines en général. L’accès à la connaissance médicale donné par internet n’est pas sans provoquer une remise en cause, sinon du pouvoir médical lui-même, du moins de la légitimité que ce dernier tirait d’un parcours universitaire long et difficile. Enfin, la fluidité des échanges numériques rend incertaine la limite des espaces public et privé, et induit une demande de garantie concernant la maîtrise des données personnelles.

a) L’impact de l’informatique sur la relation médecin / patient

Ÿ Une menace pour le pouvoir médical ? 

Les psychologues le savent, la relation thérapeutique est une relation de pouvoir : le patient attribue le pouvoir de le guérir au représentant du corps médical qu’il consulte, par le déploiement de son arsenal thérapeutique. Cet espoir est une part importante de l’ « effet placebo », mis évidence depuis longtemps par les études scientifiques et pris en compte dans les protocoles de conduite des essais cliniques.

Une telle relation de pouvoir est vivante. L’anxiété liée à la peur de ne pas guérir peut conduire au doute, à une contestation explicite de la compétence du praticien consulté, voire au nomadisme médical. De même, quoiqu’on en dise, l’incapacité de la thérapeutique à enrayer parfois le cours de la maladie est une source de déception à l’égard du pouvoir médical et de ses possibilités. Les conséquences d’une telle déception échappent parfois à la rationalité. La problématique des professions médicales n’est pas d’échapper à cet élément commun de la pratique médicale mais de savoir comment l’appréhender et le gérer humainement.

Dans ce contexte, le DMP, même s’il n’est a priori destiné qu’à être un instrument supplémentaire de l’« arsenal thérapeutique », ne peut certes être neutre. Mais à vrai dire il est difficile de d’identifier plus précisément aujourd’hui quelle serait son influence.

● L’informatique comme médiateur de la relation médecin/patient 

L’idée que le médecin puisse trouver des informations médicales contribuant à son diagnostic ailleurs que dans la relation directe que lui fait le patient de ses symptômes et de ses antécédents est un élément potentiellement déstabilisant du colloque singulier et de sa qualité. Cette déstabilisation peut résulter autant de l’entremise d’un ordinateur que du contenu du DMP.

Le Conseil consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé évoque ce risque et sa cause matérielle dans un avis sur l’informatisation de la prescription : « Le constat n’est pas rare : parce qu’il « triangularise » la relation, la présence d’un ordinateur dans un espace d’interlocution tend à empêcher une forme directe de discussion. Le regard du sujet assis derrière son écran est capté, comme si la lumière artificielle l’attirait à lui. En consultation, il arrive que le médecin soit comme « happé » par son écran, en sorte qu’il regarde davantage en direction de l’ordinateur que du côté de son patient. Ce glissement pernicieux dans l’usage de l’outil informatique est révélateur d’une possible altération de la qualité relationnelle du dialogue. » (61)

Par ailleurs, parce qu’elle définit des usages, l’informatique rigidifie les procédures et met à jour les conventions tacites. Du colloque singulier naît la confiance et dans la confiance est livrée l’information couverte par le secret médical. Quelle place doit avoir l’informatique dans ce processus où l’information est dévoilée ? Les professionnels de santé sont-ils en droit d’attendre du DMP des informations exhaustives sur la santé de leurs patients ?

Les réponses à ces questions doivent être compatibles avec la définition légale du secret médical donnée par l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, qui fonde le secret médical « sur le respect de la vie privée » des patients. Comme on l’a vu, le législateur a récemment institué un droit au masquage des informations n’ayant pas vocation à être dévoilées à tous les professionnels de santé. Mais il faut bien reconnaître que l’idée d’un patient, devenu « maître du jeu », masquant et démasquant des informations à volonté, mais aussi avec un arbitraire et des risques d’erreurs non négligeables, ne peut contribuer à améliorer la qualité du colloque singulier. Or la qualité de ce colloque est un enjeu essentiel de la relation thérapeutique, aujourd’hui bousculée dans son équilibre traditionnel autant par les évolutions sociologiques que techniques, comme le souligne M. Philippe Chossegros, président de la Coordination nationale des réseaux de santé : « Le médecin comme tout professionnel doit faire aujourd’hui la preuve quotidienne de sa capacité à démontrer sa compétence (occuper sa position symbolique) d’où l’épuisement constaté chez près d’un tiers de ces professionnels. » (62)

Si la possibilité de masquer des informations est un droit utile, notamment pour faciliter l’usage du DMP par tous les patients, quelle que soit leur situation personnelle, seul un usage éclairé de ce droit – avec si possible un conseil éclairé professionnel ainsi que le proposait dans son rapport, le député Pierre-Louis Fagniez – peut assurer que le DMP sera effectivement l’instrument d’amélioration de la qualité des soins qu’il doit être.

● L’impact du DMP sur le régime de la responsabilité médicale 

Il convient de rappeler, en préambule, que l’usage du DMP ne peut engager la responsabilité du médecin qu’en cas de faute professionnelle avérée, reconnue devant le juge. La pratique médicale étant « une activité à risques exercée au sein d'une profession organisée », l’article L. 1112-1 précise que le régime de responsabilité applicable en la matière est un régime de responsabilité pour faute (63). La responsabilité pénale peut être mise en cause, quels que soient la qualité et le mode d'exercice, lorsque la faute résulte d’une infraction pénale. A défaut, c’est devant la juridiction civile que la question d’une éventuelle faute professionnelle et de la réparation du dommage peut être évoquée.

La question de savoir si le DMP introduit de nouveaux éléments dans le régime de la responsabilité médicale se pose dans un contexte de juridiciarisation croissante des questions médicales suscitant une crispation des professionnels de santé sur ces problèmes. Le GIP-DMP a demandé à un cabinet d’avocat une étude exhaustive sur les questions juridiques susceptibles d’être soulevées lors l’introduction du DMP. En ce qui concerne la responsabilité des praticiens médicaux, l’étude estime que le DMP  « ne constitue qu’un outil de stockage de l’information accessible à tous [et] n’entraîne pas de modification du régime de responsabilité des professionnels » (64).

L’étude a toutefois isolé deux éléments susceptibles d’influer sur l’appréciation des juges sur l’existence d’une faute professionnelle :

– l’obligation faite aux professionnels par la loi de tenir à jour le DMP ;

– l’hypothèse d’une erreur de diagnostic faite en méconnaissance d’une information inscrite dans le DMP.

– La portée de l’obligation de mise à jour du DMP faite au médecin

L’article L. 161-36-2 du Code de la sécurité sociale dispose que « chaque professionnel de santé, exerçant en ville ou en établissement de santé, quel que soit son mode d'exercice, reporte dans le dossier médical personnel, à l'occasion de chaque acte ou consultation, les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge ».

Les possibilités de faute à l’égard de cette obligation semblent cependant restreintes. Lors de la mise à jour le DMP, le médecin demeure en effet soumis à un ensemble de règles professionnelles, au premier rang desquelles figurent le secret médical et le consentement du patient, qui lui donnent en pratique la possibilité d’apprécier la nature et la forme des informations à inscrire dans le DMP.

– Le cas d’une erreur de diagnostic faite en méconnaissance d’une information contenue dans le DMP

Depuis l'arrêt Mercier rendu par la Cour de cassation en 1936 (65), il est admis que la relation qui se crée entre le patient et le médecin est un contrat constitutif d’une obligation de soins, « non pas quelconques mais consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science ». Ces soins doivent être prodigués après avoir collecté toutes les informations nécessaires à l’élaboration du diagnostic. Selon l’article 33 du Code de déontologie médicale : « Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés. ». Il s’agit donc d’une obligation de moyen et non pas d’une obligation de résultat.

Soulignant que le DMP a pour objet de rassembler les informations relatives à la santé du patient pour les mettre à la disposition des médecins, l’étude réalisée pour le GIP-DMP considère que la méconnaissance d’une information au moment de la formation d’un diagnostic erroné pourrait être constitutive d’une faute professionnelle : « Depuis 1986 déjà, les juges ont tendance à estimer que l'erreur de diagnostic constitue une faute à part entière. Cette assimilation sera renforcée, lorsque le professionnel disposera de tous les éléments permettant de connaître le « passé médical » du malade, puisqu’il deviendra susceptible d’éviter une confusion dans le diagnostic. Or, avec le DMP, le médecin bénéficiera de la totalité des informations lui permettant de réaliser les meilleurs diagnostics et/ou acte thérapeutique. Le DMP risque donc de faciliter l’assimilation de l’erreur à la faute. »

Cette analyse souligne l’enjeu que représente du point de vue de la responsabilité médicale une organisation structurée des informations dans le DMP qui en assure l’accessibilité et la lisibilité dans les conditions normales de l’exercice médical.

Mais autre est la situation dans laquelle le patient aurait masqué une information utile au diagnostic : dans ce cas, conformément à une jurisprudence constante, la responsabilité du médecin ne peut pas être engagée. Le projet de décret d’application du DMP devrait prévoir un journal des décisions de masquage auquel il serait possible de recourir en cas de contentieux.

b) Les droits du patient à l’égard du dossier médical électronique

Ÿ Le dossier médical, objet juridique inclassable

L’existence d’un dossier médical est devenue synonyme de prise en charge thérapeutique. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi : si le recueil des signes cliniques est à la base de la connaissance médicale, il n’a longtemps été réalisé que dans le seul but d’accroître cette connaissance et de la transmettre. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que la notion de « dossier médical » apparaît, reflétant la prise de conscience collective de l’utilité de consigner des informations médicales au bénéfice du malade lui-même, au delà des simples notes prises par le médecin pour son usage professionnel (66).

Dès lors, se posait la question de la propriété des informations portées dans ce dossier, celle-ci étant le fruit du travail intellectuel du médecin tout autant que de la relation d’une histoire médicale particulière. Une fois celle-ci tranchée sur le plan juridique, il appartenait de définir ce que le dossier médical doit contenir.

Le point de vue juridique peut prendre en compte non seulement la dimension symbolique de la propriété du dossier, mais également sa dimension économique : les données de santé ont une valeur économique, notamment dans le cadre d’études épidémiologiques menées pour l’évaluation des médicaments après leur autorisation de mise sur le marché (67). Certains organismes d’hébergement de données personnelles de santé opérant sur le sol américain prévoient ainsi la possibilité pour leurs clients de vendre leurs données de santé auprès d’organismes intéressés. Ce commerce douteux a été prohibé par le législateur français. Par ailleurs, la détention de l’histoire médicale du patient par le médecin peut être un obstacle au changement de médecin traitant, si la possibilité de transmettre cette histoire à un autre médecin n’est pas assurée. Sans prendre explicitement position sur la propriété du dossier lui même, la loi a organisé la tenue et la communication des pièces qu’il contient, assurant ainsi au patient une maîtrise de son dossier équivalente à celle que lui donnerait la propriété du dossier en tant que tel.

D’un point de vue pratique, on peut retenir que les patients sont propriétaires des informations médicales qui les concernent mais que la gestion du support sur lequel elles sont inscrites relève du professionnel auquel le dossier est confié.

Ÿ Les droits des patients à l’égard des dossiers électroniques sont équivalents à ceux qu’ils peuvent exercer à l’égard des dossiers médicaux papier

Ainsi qu’on l’a vu, l'informatisation d'un dossier ne modifie pas les obligations légales qui résultent de son caractère médical. Dématérialisé, le dossier médical est un fichier à caractère nominatif, contenant des données de santé personnelles, qui entre dans le champ de la loi informatique et libertés de 1978, comme on l’a vu.

Ces deux législations se rejoignent sur le fond pour définir :

– le droit à l’information du patient ;

– un droit à la communication du contenu du dossier médical informatisé;

– le droit à la confidentialité des informations portées au dossier informatisé ;

À ce tronc commun s’ajoutent :

– la définition du contenu du dossier médical permettant d’apprécier la qualité de sa tenue ((Art R 1112-2 du Code de la santé publique) ;

– un droit à la conservation des informations par le gestionnaire du dossier médical pendant une durée définie par la loi (Art R 1112-7 et R 1112-9 du Code de la santé publique).

– et un droit de rectification des informations contenues dans le dossier, résultant de l’article 40 de la loi informatique et liberté.

Ÿ Le régime juridique du DMP créé par la loi de 2004 ne marque pas d’évolution significative de la législation relative aux dossiers médicaux.

En ce qui concerne la question de la propriété du dossier médical, la loi créant le DMP ne modifie pas la situation antérieure : l’article L. 161-36-1 du code de la Sécurité sociale créant le DMP indique que le dossier médical est mis à la disposition de l’usager. Il s’inscrit ainsi dans le cadre général commun des dossiers médicaux (libéraux ou hospitaliers), qui garantit la maîtrise par le patient des informations de santé qui le concernent.

D’une manière plus générale, les particularités du régime légal du DMP par rapport aux autres dossiers médicaux sont d’une portée relative :

– dans son principe, le DMP organise un accès immédiat à l’information médicale, alors que pour les dossiers papier le délai de transmission est de deux jours minimum et huit jours maximum à compter de la demande ;

– alors que le dossier médical est normalement détenu par un professionnel médical, le dépositaire du DMP est un organisme agréé par l’État ;

– le gestionnaire de fait du DMP est l’État lui-même qui en définit l’organisation ;

– le droit au masquage de certaines informations contenues dans le DMP consacre une évolution de la façon dont étaient appliquées les dispositions de l’article 40 de la loi informatique et liberté relatives au droit de rectification, ainsi que le souligne Mme Jeanne Bossi, juriste de la CNIL : « de façon générale, la CNIL [avait] considéré, jusqu’à présent, que la requête d’un patient qui demanderait à son médecin l’effacement de données qui ne seraient ni inexactes, ni incomplètes, ni équivoques ou périmées, ne peut être satisfaite, sauf si le patient invoque des motifs légitimes »  (68). En ouvrant la possibilité de masquer des informations dans le DMP, le législateur a considéré que le souhait des patients de contrôler la lecture des informations médicales susceptibles d’être consultées par des médecins de différentes spécialités était légitime.

Faut-il déduire de ces spécificités que le DMP est un dossier médical « personnel » et non « professionnel » ? Nous avons déjà vu que les deux adjectifs ne sont pas incompatibles et que tout dossier médical a vocation à les concilier.

C. LE DMP, RÉVÉLATEUR DES RETARDS DE SON ENVIRONNEMENT OU CATALYSEUR DE SES ÉVOLUTIONS ?

1. Les systèmes d’information hospitaliers sont identifiés comme l’un des principaux problèmes de mise en œuvre du DMP

Sur le plan technique, le DMP est un programme national qui doit être « interopérable », avec des systèmes d’information hospitaliers hétérogènes. Les établissements hospitaliers bénéficient en effet d’une autonomie de gestion de leurs développements informatiques et des choix technologiques afférents. Cette situation peut être un frein à la diffusion du DMP, dans la mesure où les systèmes hospitaliers avec lesquels il doit interagir ne sont pas connus précisément et se situent parfois même à des stades de développement différents.

Intervenant dans un contexte de sous-investissement en matière d’informatique souligné par plusieurs rapports, notamment celui de l’IGAS (69), le projet DMP  « n’a fait que révéler les carences des systèmes d’information médicaux », selon les termes de M. Jean-Jacques Jégou, sénateur en 2005 (70). Les auditions de la mission ont permis d’identifier ces carences :

– les systèmes hospitaliers ne disposent pas de système d’authentification permettant de gérer des droits d’accès différenciés aux données médicales, selon le statut des intervenants. Ils ne sont donc pas compatibles avec les exigences juridiques auxquelles est subordonné l’accès aux données figurant dans le DMP. La carte électronique de professionnel de santé n’est pas utilisable, faute de lecteurs installés sur les postes mais aussi, faute de logiciels capables de la prendre en compte. Son utilisation en milieu hospitalier suppose une refonte de l’architecture d’un grand nombre de systèmes informatiques, ainsi que l’illustre l’exemple du CHU de Lille cité par M. André Loth, chef de la Mission pour l’informatisation des systèmes de santé, lors de son audition ;

– les systèmes hospitaliers sont organisés autour d’applications « métier » (répondant aux besoins spécifiques de chaque discipline médicale) qui maintiennent le cloisonnement des services à l’intérieur de l’hôpital ;

– faute d’identifiant commun, il n’est actuellement pas possible de retracer, s’il y a lieu, le parcours de soins d’un patient dans différents établissements médicaux, ni même souvent entre les différents services d’un même hôpital ;

– enfin, les systèmes hospitaliers ne sont pas suffisamment ouverts pour permettre des échanges réguliers sécurisés avec des intervenants extérieurs (il faut toutefois nuancer ce dernier point par le fait que les exigences en matière d’ouverture des systèmes – « l’interopérabilité » – sont encore mal définies).

On considère ainsi que les systèmes d’informations hospitaliers sont encore loin de pouvoir communiquer avec le DMP et que leur mise à niveau demandera à la fois du temps et un investissement financier conséquent.

2. La question du pilotage des systèmes d’information hospitaliers est au cœur de la problématique

Le rapport Fieschi (2003) considère que l’hétérogénéité des systèmes d’information hospitaliers était la conséquence d’une déconcentration trop faiblement encadrée :

« Depuis une quinzaine d’années de nombreux changements sont intervenus. D’une politique dirigiste, visant à imposer aux hôpitaux le choix de leurs logiciels parmi des produits des « filières » élaborés par les ex CRIH, l’État est passé à une politique d’ouverture du marché hospitalier au secteur industriel. Ce passage a été réalisé sans préparation des décideurs aux enjeux des systèmes d’information orientés vers la prise en charge des patients… Le lancement puis la généralisation du PMSI a favorisé le développement de systèmes d’information dits « verticaux »… D’autres systèmes d’information, demandés par le ministère ou les agences, sur les traçabilités et les vigilances par exemple, ont été mis en place sans une approche du dossier du patient. Ces systèmes d’information comportent un défaut conceptuel important : ils sont « centrés métier » ou « centrés service », « centrés problème » éventuellement « centrés pathologie ». Ils ne sont pas « centrés patient ». Ils imposent l’application de règles de codage de l’information en vue d’une seule utilisation, ce qui, ipso facto, conduit à coder plusieurs fois les informations suivant les systèmes ou sous-systèmes, entraînant lourdeurs de saisies redondantes et disfonctionnements dans les services de soins. Ils conduisent à des systèmes d’information dont le coût de fonctionnement est élevé, produisant des informations de qualité médiocre et difficiles à consolider…Au partage nécessaire de l’information, on a substitué, par absence de pilotage, la multiplication des saisies des mêmes informations. La mise en place de systèmes parallèles et peu communicants a été favorisée au détriment d’une incitation à la mise en place de systèmes interopérables partageant l’information. Ainsi a-t-on abouti à la défaillance de l’État sur une de ses missions principales : développer des incitations visant à la cohérence minimale du système d’information pour la qualité des soins. »

Rapport du Professeur Marius Fieschi au ministre de la santé, « Les données au patient partagées : la culture du partage et de la qualité des informations pour améliorer la qualité des soins. », janvier 2003.

Dans son rapport précité, M. Jean-Jacques Jégou, sénateur soulignait aussi, en novembre 2005, le sous-dimensionnement des moyens mis en œuvre par l’État pour assurer le pilotage de l’informatisation des systèmes de santé :

« Tous les interlocuteurs auditionnés par votre rapporteur spécial, même le directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins du ministère de la santé et des solidarités, s’accordent à dire que l’organisation administrative actuelle n’est pas adaptée à l’exercice de fonctions de pilotage de la politique d’informatisation telles qu’elles devraient être assurées au regard des enjeux. L’absence de continuité dans les structures de pilotage affaiblit, en effet, la visibilité de l’importance stratégique de leurs missions.

La faiblesse principale du pilotage de la politique d’informatisation tient essentiellement à l’éclatement des responsabilités entre les divers services de l’administration centrale, les missions spécialisées (T2A, MAINH1 notamment) et les structures (groupements ou établissements publics) :

– au niveau ministériel, chaque direction (direction de l’hospitalisation et des soins, direction de la sécurité sociale, direction générale de la santé, direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) dispose d’un service ou d’un bureau des systèmes d'information pour gérer son domaine propre de compétence ; la mission Villac, [devenue la] Mission pour l’informatisation du système d'information de santé, se concentre sur un certain nombre de dossiers (Sesam-Vitale, CPS1, DMP2) et ne dispose pas des moyens d’assurer une réelle coordination entre les directions ;

– les missions sont également éclatées entre les différentes structures techniques concernées par les systèmes d'information hospitaliers ou le système d'information de santé : GIP CPS, GIE Sesam-Vitale, GMSIH3, ATIH4 et, désormais, le GIP DMP.

De plus, les moyens sont très inégalement répartis, l’État disposant d’effectifs très réduits pour accomplir sa mission (six personnes au bureau Dhos/E3 en charge des systèmes d’information hospitaliers et du PMSI) alors que les divers groupements comptent des effectifs importants (200 personnes pour le GIE Sesam-Vitale, 80 personnes pour le GIP CPS, mais seulement 12 personnes pour le GMSIH).

Globalement, il faut souligner que l’absence, au sein du ministère, de structure ayant la visibilité suffisante pour assurer une coordination efficace des initiatives en matière de systèmes d’information est un handicap majeur. De trop nombreuses structures prennent part à la définition des systèmes d’information. »

Ces problèmes de dispersion des moyens et de coordination ont été à nouveau relevés par la Cour des comptes qui aborde la question de l’interopérabilité des systèmes d’information dans son rapport sur la sécurité sociale de 2007 (71).

La Cour y est très critique sur la faiblesse des moyens et l’enchevêtrement des compétences entre :

– la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS), qui selon le code de la santé publique « contribue à la définition des règles de gestion de l’information médicale ainsi qu’au développement et à l’utilisation des systèmes d’information par les professionnels et les établissements de santé » ;

– la Mission pour l’informatisation des systèmes de santé (MISS) créée en 1997 pour assurer la coordination des projets informatiques de dimension nationale (CPS, Carte Sesam Vitale 1 et 2).

– le Groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier (GMSIH), créé par l’État en 2000 et dont la Cour des comptes considère que l’apport au développement des système informatiques de santé est essentiellement méthodologique. Outre des audits d’établissements, réalisés à la demande de ces derniers, le GMSIH participe à divers travaux de normalisation, en particulier sur les échanges de données.

– la Mission nationale d’appui à l’investissement hospitalier (MAINH), créée dans le cadre de la mise en oeuvre du plan hôpital 2007 pour accompagner techniquement le programme de rénovation hospitalier. La compétence de la MAINH ayant été étendue par la suite aux systèmes d’information hospitaliers, une cellule spécialisée a été formée au sein de cet organisme, pour accompagner l’adaptation des systèmes d’informations aux programmes nationaux (dossier médical personnel, T2A, plan urgences).

Dans les faits, l’absence de pilotage stratégique affirmé en matière de systèmes d’information de santé continue d’aviver les inquiétudes des opérateurs privés et publics sur la réalité de l’interopérabilité offerte par le DMP. Ces opérateurs redoutent en effet que les produits qu’ils proposent – logiciels de gestion de cabinet médicaux et progiciels achetés par les services hospitaliers – doivent assurer la charge effective de l’interopérabilité avec le DMP.

Ces craintes sont confortées par les inquiétudes de la Cour des comptes qui regrette l’absence de normes et de standards, « alors que la conformité aux normes et standards reconnus permet une exploitation plus efficace des données partagées ».

Extrait des recommandations de la Cour des comptes (Rapport sur la Sécurité sociale 2007) :

Recommandation 35. Réduire le nombre d’opérateurs des systèmes d’information en santé et renforcer le pilotage stratégique par la tutelle.

Recommandation 36. Apporter sans tarder des solutions opérationnelles aux questions d’identification, de normes et de standard qui conditionnent l’interopérabilité.

À la suite de la publication du rapport de la Cour des comptes, le ministère de la santé a pris plusieurs mesures de réorganisation, parmi lesquelles le rattachement de la MISS au secrétariat général du ministère de la santé, le renforcement des effectifs de certaines structures (GMSIH) et surtout la création d’un comité de pilotage stratégique des systèmes d’information de santé.

Dans ce contexte, sauf à imaginer le retour à une politique pesant directement sur l’offre logicielle – que la directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins au ministère de la santé, Mme Annie Podeur a expressément exclu lorsqu’elle a été entendue par la mission (72), l’État ne peut s’appuyer que sur un développement des normes pour améliorer la cohérence des systèmes hospitaliers.

À cet effet, le législateur a adopté, sur proposition du Gouvernement, l’article L. 1111-8, qui fait l’obligation aux systèmes d’information de santé de respecter des normes édictées par le ministre de la santé. Cet instrument s’avère toutefois d’un emploi assez difficile, du fait de la fragilité des normes existantes et n’a donné lieu jusqu’à maintenant à aucune traduction réglementaire. Il serait utile que cette situation soit clarifiée, compte tenu de l’importance reconnue de la normalisation pour l’aboutissement du projet DMP.

D. LES QUESTIONS TECHNIQUES LIÉES AU CONTENU DU DMP

1. La structure du dossier médical et son contenu 

Le travail accompli par Roger Pédauque – pseudonyme collectif choisi par un réseau de chercheurs du CNRS – sur la notion de document numérique (73) a montré comment la dématérialisation des documents et la mise en jeu de liens hypertextes conduit à la confusion des notions de « structure » et de « contenu » : penser la structure d’un dossier électronique et le classement de l’information, c’est aussi préciser de quelle information on parle.

La « structure » du DMP (ou son « contenu ») reste le point faible du projet. Tel qu’il figure actuellement dans un avant-projet de décret de mars 2007, le projet de DMP est la simple copie numérique de son équivalent papier, c’est-à-dire un ensemble de pièces informatiques classées par nature de document.

Une telle structuration est loin de permettre l’utilisation professionnelle de l’information stockée. Comme le souligne M. Daniel Lenoir, directeur de la Mutualité française, il n’appartient pas aux professionnels de santé de fouiller dans un DMP encombré à la recherche d’une information utile dont l’existence n’est pas garantie au départ. Aux considérations pratiques s’ajoute une question de responsabilité médicale, qui est de savoir si une telle recherche fait partie de l’obligation de moyens incombant au professionnel de santé. Il s’agit là probablement d’un des problèmes clé conditionnant l’appropriation du DMP par les professions de santé.

Calquée sur son équivalent papier, la structure du projet actuel est minimale, bien en-deça des propositions de structuration que permettrait l’expérience des dossiers électroniques hospitaliers en la matière. L’information y est consignée de manière statique. Elle n’est pas organisée dans une perspective de coordination des soins, où sa valeur médicale tient à sa capacité à s’insérer dans un processus de soins. De même, la multiplicité des formats acceptés au sein des mêmes compartiments éloigne la perspective d’un traitement intelligent par l’informatique, qui permet de rapprocher une information relative aux antécédents d’une prescription médicamenteuse par exemple, pour déclencher des alertes.

En inscrivant le DMP dans la continuité du dossier papier, on pouvait espérer échapper aux longues discussions relatives à l’organisation du dossier, à la tenue et au contenu des dossiers médicaux qui ont marqué l’émergence d’une réglementation sur ces sujets depuis 1992, mais dans le même temps, on se privait du bénéfice des avancées informatiques.

La question de la structure à donner au DMP et à ses données s’inscrit dans le cadre d’un débat théorique qui a probablement contribué à figer les positions sur ce sujet. Il convient d’en rappeler les termes mais aussi de le dépasser pour réaffirmer clairement que l’information n’a de véritable valeur médicale que lorsqu’elle est structurée.

● Le débat sur la forme à donner à l’informatisation des données et sur la nature des bénéfices à attendre du DMP

Cette question n’est pas définitivement tranchée dans la mesure où elle renvoie au débat sur les bénéfices à attendre de l’informatisation des données de santé. Mais les choix opérationnels doivent anticiper les évolutions à venir.

Pour les praticiens de l’informatique industrielle tel que M. Jean de Kervasdoué, auditionné le 4 décembre 2007, l’essentiel de ces bénéfices réside dans les traitements de données rendus possibles par l’informatisation.

Mais pour que l’intelligence informatique puisse produire de l’information médicale, il faut que les données qu’elle exploite soient structurées, c’est à dire soient entrées dans le système d’information de manière entièrement normalisée. L’exemple du dossier pharmaceutique montre que ce cadre d’exercice de l’informatique n’est pas virtuel : toutes les informations sur les médicaments étant saisies sous forme codée dans le dossier pharmaceutique – grâce au code barre inscrit sur chaque produit –, ces données sont traitées en temps réel par l’intelligence informatique pour signaler au pharmacien des interactions médicamenteuses dangereuses entre le médicament qu’il délivre et ceux précédemment achetés par le client (74).

A contrario, le rapport du Professeur Marius Fieschi, dont les idées sur le partage de l’information ont inspiré le projet DMP, plaide sans ambiguïté pour une informatique de communication. Constatant que « le débat sur la structuration a priori du dossier a occupé méthodologistes et professionnels de la santé depuis 20 ans », il considère que les professionnels de santé sont « extrêmement demandeurs de communication d’informations médicales numérisées, en général non structurées », telles que des informations en texte libre, des images ou des schémas. Le partage des données du patient « n’exige donc pas une codification et une structuration particulière des informations », au point qu’il convient d’éviter de parler de dossier médical mais de « données dont le recueil a pour objet l’amélioration du suivi de son état de santé » (75). « Il s’agit de recentrer le système d’information de santé sur le patient en permettant, pour un patient donné et pour les professionnels de santé qui le prennent en charge, l’accès aux documents élaborés ou échangés le concernant. Techniquement ces documents seront mémorisés dans des réceptacles définis en vue de la conservation et du partage des données médicales compte tenu de leur spécificité ».

Pourtant, même circonscrits au cadre de l’informatique de communication, les dossiers doivent être structurés de manière à permettre l’usage professionnel de l’information. Si elle est réfractaire à l’utilisation de données complètement normalisées, pour d’évidentes raisons de commodité (76), l’informatique de communication suppose une structuration partielle des données visant à permettre le classement et la compréhension des informations transmises.

L’explosion documentaire provoquée par l’essor des technologies de l’information a engendré des problèmes de repérage et d’accès à l’information dans tous les secteurs d’activité. Pour faciliter ces tâches, des techniques documentaires ont été développées visant à organiser les connaissances, tant du point de vue conceptuel (construction d’ « ontologie ») que pratique (développement de base de connaissances), ainsi que pour décrire les contenus des documents (indexation de documents). Ces outils sont en cours de développement dans le secteur de la santé, mais reposent sur un faible nombre de personnes.

● « Un classeur à six compartiments et de multiples sous-chemises »

C’est la forme retenue pour l’organisation du DMP dans le projet de décret d’application communiqué pour avis aux professionnels de santé le 15 mars 2007 :

Projet d’article R.161-69-9. :

« Le dossier médical personnel mentionné à l’article L.161-36-1 contient notamment les informations suivantes :

I – des données permettant d’identifier le titulaire du dossier médical personnel comportant son nom de famille, ou le nom d’usage si l’intéressé le demande, son prénom usuel, sa date de naissance, l’identifiant permettant l’ouverture et la tenue du dossier médical personnel prévu à l’article L. 1111-8-1 du code de la santé publique, les informations permettant d’identifier son médecin traitant ainsi que les informations techniques, à l’exclusion de l’adresse postale, permettant de s’assurer de l’identification de la personne et de la contacter ;

II - l’ensemble des données suivantes concourant à la coordination, la qualité, la continuité des soins et la prévention, notamment :

1° des données médicales générales :

– les antécédents médicaux et chirurgicaux personnels ;

– les synthèses ;

– les certificats médicaux ;

– l’historique des consultations médicales et chirurgicales ;

– les allergies et intolérances reconnues ;

– les vaccinations ;

– les prothèses et appareillages en place.

2° des données de soins :

– les résultats d’examens biologiques ;

– les comptes rendus d’actes diagnostiques ;

– les comptes rendus d’actes thérapeutiques ;

– le bilan d’évaluation de la perte d’autonomie ;

– les bilans fonctionnels par auxiliaire médical ;

– les conclusions de télé médecine ;

– les comptes rendus de séjours hospitaliers et les lettres de sortie ;

– les pathologies en cours ;

– les traitements prescrits ou administrés ;

– les dispensations médicamenteuses et de produits ou objets définis à l’article L. 4211-1 du code de la santé publique ;

– le suivi de soins par auxiliaire médical;

– les protocoles de soins, notamment ceux relatifs aux affections de longue durée mentionnées à l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale.  

3° des données de prévention :

– les facteurs de risques individuels ;

– les comptes rendus d’acte diagnostique à visée préventive ;

– les comptes rendus d’acte thérapeutique à visée préventive ;

– les traitements préventifs prescrits ou administrés ;

– le calendrier des vaccinations et des actes de prévention.

4° des images radiologiques ou toute autre imagerie médicale.

III - un espace d’expression du titulaire comportant les informations qu’il inscrit pour les porter à la connaissance des professionnels de santé et comprenant notamment la mention indiquant qu’il a eu connaissance des dispositions de la réglementation sur le don d’organe  ainsi que les coordonnées d’une personne à prévenir en cas de nécessité. Cet espace peut également contenir les informations rendant accessibles les directives anticipées mentionnées à l'article L.1111-11 du code de la santé publique. » 

En ce qui concerne les formats des document acceptés pour le dépôt d’une information dans le DMP, le GIP-DMP a indiqué que le dossier accueillerait des documents sous divers formats, image ou texte, dans lesquels les informations pourraient éventuellement être signalées par des « balises » en langage XML ou HL7, de la même façon qu’un dossier papier accueille des formulaires divers apportant des informations sous un mode structuré.

● Sans structure associée, une information n’a pas de véritable valeur médicale

La valeur médicale d’une information dépend du contexte de soins. Savoir que le patient est diabétique pèsera sur la décision de thrombolyse médicamenteuse en cas d’accident vasculaire cérébral (AVC) mais s’avère insuffisant pour suivre l’évolution du diabète et prévenir ses complications : l’information doit être inscrite sous une forme exploitable pour servir au processus de soin. L’effort de structuration des données vise donc à prédéfinir le format des données et leur place dans le dossier personnel, afin de les rendre exploitables dans un cadre professionnel médical donné. Un acte de soins doit être rattaché à une pathologie plutôt qu’à une autre en présence de plusieurs maladies, un prélèvement prescrit s’inscrit dans une stratégie de dépistage particulière, etc... La structure du DMP devrait donc permettre de lier les actes de soins et les évènements entre eux, afin de les rendre lisibles dans leur perspective médicale.

L’enjeu médical du format d’enveloppe des données

La structure d’une information s’étend aux données qui rendent compte du contexte dans lequel l’information a été produite : ce sont les « méta-données ».

Ces méta-données certifient l’origine de l’information. A titre d’illustration, si l’on prend l’exemple du groupe sanguin, on conçoit que la mention du groupe sanguin ne peut guère être prise en compte dans le cadre d’une prise en charge médicale normale, sans la marque du laboratoire producteur de l’information : la mention isolée du groupe sanguin n’est pas d’un niveau de fiabilité compatible avec les standards actuels. En attestant de l’origine médicale des informations, les méta-données autorisent leur utilisation dans un cadre professionnel.

Ces inscriptions nécessitent la définition d’un format informatique spécifique, en adéquation avec les besoins de l’usage médical. Le GIP-DMP a retenu le format IHE-CDX pour le stockage des données dans le DMP, sous la forme d’une « étiquette » électronique attachée au document, précisant la date et l’heure du dépôt dans le DMP ainsi que l’identité de la personne ayant effectuée le dépôt.

● Les orientations données à la structuration du DMP doivent correspondre aux trois finalités définies par la loi de 2004 : continuité des soins, coordination et amélioration technique de la qualité des soins.

L’information entreposée de manière statique permet d’éclairer la décision médicale en dehors d’un protocole défini de prise en charge. C’est un usage de l’information commode mais à plus faible valeur ajoutée que si les informations sont ordonnées ou structurées : parce que l’usage de l’information n’est pas planifié, sa recherche est plus aléatoire.

Les outils logiciels au service de la coordination des soins et de l’amélioration technique de la qualité des soins sont plus rigides mais ils s’inscrivent dans le cadre d’une utilisation plus dynamique de l’information médicale, dont la valeur ajoutée médicale est plus forte, et en un certain sens ils sont plus structurants pour la pensée et la pratique médicale. Leur usage ne devrait donc pas être écarté du DMP, sous peine de perdre une partie de la valeur que ce dossier présente pour le suivi des pathologies chroniques ou lourdes, dont on sait qu’elles représentent une part importante des dépenses de santé. Il conviendrait donc de modéliser les processus de soins de ces pathologies à l’image de ce qui a été fait dans le dossier communiquant de cancérologie (DCC). Si l’expérience des réseaux de santé assurant une prise en charge spécifique coordonnée de ces maladies est utile, il faut également ne pas négliger l’apport des initiatives hospitalières en matière de dossiers électroniques partagés entre plusieurs spécialités, telles que le système informatique ADAM étudié à l’hôpital Lariboisière visant à donner à tout utilisateur la capacité de définir informatiquement un processus de soin dans lequel organiser les informations présentes et à venir.

2. Quelles normes d’interopérabilité ?

a) l’interopérabilité des systèmes d’information, notion à la fois statique et dynamique

Dans le domaine des systèmes d’information, l’interopérabilité est, selon la définition reprise par la Cour des comptes dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, « la capacité, pour un système informatique, d’utiliser les informations produites par un autre système informatique comme les informations produites par lui-même et de mettre à la disposition des autres systèmes les informations qu’il a produites. ».

● L’interopérabilité s’appuie sur le développement des normes d’échanges

Il faut rechercher l’origine du glissement sémantique qui conduit de la notion de compatibilité à celle d’interopérabilité qui prévaut aujourd’hui. La notion de « compatibilité » en usage dans les années 1990 caractérisait la capacité de deux composants informatiques à fonctionner ensemble, notamment les logiciels et les systèmes d’exploitation. L’interopérabilité est davantage fondée sur l’échange de données et sa construction est étroitement liée l’émergence des normes : deux systèmes d’information sont interopérables s’ils sont capables de se communiquer des données grâce à un protocole de transmission commun.

L’interopérabilité ne vaut que pour les fonctions couvertes par la norme commune. Par exemple, les postes informatiques sont désormais interopérables en termes d’affichage des pages internet, quelle que soit la taille et la définition de leur écran, grâce aux fonctionnalités du langage html.

Inversement, une fonction qui n’est pas encore couverte par une norme ne peut donner lieu à aucune interopérabilité réelle entre les systèmes d’information. Il est certes alors toujours possible d’échanger des fichiers selon un format convenu (correspondant par exemple à un standard de fait, tel que celui d’Adobe Acrobat pour la visualisation des textes avec mise en page), mais il convient plutôt de parler de « convergence » des systèmes d’information que d’« interopérabilité », puisqu’il reste nécessaire d’installer un logiciel spécifique (Adobe Acrobate Reader dans l’exemple choisi) pour utiliser les documents transmis.

● L’interopérabilité des systèmes d’information est déjà assurée pour les fonctions de base des échanges

Ainsi que le souligne M. Jean de Kervasdoué ou M. Norbert Paquel (77)dans leurs interventions écrites publiques, le développement des échanges de données dans tous les secteurs de l’activité a contribué à construire l’interopérabilité des systèmes d’information pour toutes les fonctions liées au transport de données, même les plus complexes telles que le routage, la compression ou le cryptage des données transportées ainsi que l’authentification des utilisateurs. La mise en œuvre effective de cette interopérabilité suppose simplement la mise à niveau des systèmes informatiques à ces normes.

Au niveau applicatif, une norme de langage (le langage XML) est aujourd’hui le principal support de développement de l’interopérabilité. Ce langage de description des données doit cependant être complété par des travaux de normalisation supplémentaires pour enrichir son vocabulaire et l’adapter aux besoins de chaque secteur d’activité (78). Ces travaux dits de « normalisation syntaxique » consistent à définir un vocabulaire et une grammaire commune aux types de données utilisés dans un secteur d’activité donné. Dans le domaine de la santé, la normalisation syntaxique demeure un défi, en raison de la richesse du vocabulaire médical et de la complexité de la prise en charge thérapeutique. De plus, le socle central de ce mouvement est le protocole HL7, dont le développement est entravé depuis près de dix ans par un conflit méthodologique.

● L’interopérabilité en matière de santé doit répondre à deux questions simples

L’interopérabilité des systèmes d’information repose à la fois sur une architecture établie – les normes existantes – et sur un mouvement permanent d’élaboration de nouvelles normes, qui vise à étendre le champ des fonctionnalités concernées grâce à l’enrichissement des protocoles d’échange.

La question de l’interopérabilité des systèmes de santé peut donc se traduire par deux questions simples :

– les normes existantes couvrent-elles tout le périmètre des fonctions concernées par les échanges de données prévus ? C’est une question dont la réponse relève de la seule responsabilité de l’acheteur de logiciel, avec l’aide, les informations et la compétence du vendeur ;

– les normes existantes sont-elles suffisamment fiables pour une utilisation professionnelle permettant l’automaticité des procédures ? C’est une question sur laquelle le vendeur de logiciel doit s’engager de manière claire.

Ces deux questions ont contribué à l’émergence d’un forum Integrating the health entreprise (IHE), dont l’ambition est d’y répondre de manière pratique par des tests réels, lors de rencontres annuelles baptisées « Connectathon ». Le forum réunit un certain nombre d’acteurs informatiques souhaitant faire progresser les échanges de données dans le domaine de la santé et démontrer la capacité des normes et des logiciels du marché à répondre de manière professionnelle à certains besoins d’échanges de données.

b) Les normes qui fondent l’interopérabilité des systèmes d’information de santé ne sont pas stabilisées et couvrent les besoins fonctionnels des services spécialisés de manière encore incomplète

● Des normes non stabilisées

La cohésion de l’ensemble formé par les normes actuellement en usage dans le secteur de la santé est faible. Elle est obérée par le niveau d’informatisation variable des disciplines médicales.

La norme HL7 qui a vocation à décrire d’une manière générale les actes de soins, toutes spécialités confondues, n’est pas encore parvenue à maturité. Après une période de valses-hésitations de près de dix ans entre deux versions de la norme, les autorités nationales de normalisation ont rejoint en ordre dispersé la version 3, qui reste encore critiquée pour sa lourdeur de mise en oeuvre.

Deux disciplines médicales sont équipées aujourd’hui d’appareils électroniques émettant en sortie des données directement en format numérique : la radiologie (format DICOM) et les analyses médicales (format français HPRIM).

En ce qui concerne la norme HPRIM utilisée pour la transmission des résultats d’analyse, elle ne peut convaincre de son statut de standard sans amélioration de ses performances. Elle est employée de façon divergente dans le secteur de ville et dans les établissements hospitaliers (79). L’assistance publique des hôpitaux de Paris vient de lui préférer la norme internationale LOINC.

● L’histoire tourmentée de la norme HL7 montre le caractère précaire des initiatives privées de normalisation

L’enrichissement syntaxique est souvent aujourd’hui le fait de groupes coopératifs de normalisation qui développent progressivement des propositions de nouvelles normes et en demandent la reconnaissance auprès des organismes internationaux (L’international Standard Organisation – ISO – et l’American National Standards Institute – ANSI –).

La place grandissante qu’occupent les groupes de normalisation privés au niveau international (80) tient sans doute à la difficulté des acteurs publics à être le moteur d’une dynamique de long terme en matière de normalisation. Toutefois, le caractère coopératif et volontaire des groupes de normalisation privés masque l’hétérogénéité de leur fonctionnement. C’est ainsi qu’en 1997, l’apparition d’une nouvelle version de la norme HL7, la version 3, fondée sur une définition rigoureuse d’un noyau de données central (81), a donné lieu à une scission méthodologique du groupe de travail, qui ne s’est pas résorbée depuis.

Il semble que les nouveautés conceptuelles de la version 3, très substantielles, aient été avancées dans un contexte qui a entraîné leur rejet par un grand nombre d’acteurs industriels notamment européens. Ceux-ci ont poursuivi leurs travaux sur la base de la version 2 dans le cadre de l’initiative Integrating the health entreprise (IHE) : il est probable que l’importance des investissements déjà consentis sur le continent européen, notamment en Grande-Bretagne, aurait rendu très coûteuse pour certains opérateurs une migration vers la norme HL7 v3. La scission a toutefois porté préjudice au développement de la norme HL7, ainsi qu’en témoigne le mouvement tardif de ralliement à la norme HL7 version 3 des autorités nationales de normalisation (Canada, Pays-Bas et maintenant Angleterre (82)).

En ce qui concerne la France, les organes techniques (GIP-DMP et GMSIH) ne se sont prononcés en faveur de la norme IHE-XDS que récemment et de manière peu formelle, en l’absence de visibilité sur l’avenir des deux normes.

Dans ce contexte, l’État devrait se donner les moyens d’identifier les besoins d’échanges correspondant à ses ambitions en matière d’interopérabilité et s’engager effectivement dans le développement des normes y répondant.

III.- RECOMMANDATIONS DE LA MISSION D’INFORMATION

En créant le DMP par la loi du 13 août 2004, le législateur avait pour objectif la mise en oeuvre d’un instrument visant à contribuer de manière efficace à la continuité, à la coordination et à la qualité des soins, au-delà des seules fonctions de transmission de l’information ou de rassemblement de documents numériques, auxquelles sont restées cantonnées beaucoup d’expériences de ce type.

L’idée sous-jacente au DMP est que l’investissement public nécessaire à la mise en place d’une infrastructure nationale de communication des données de santé ne peut se justifier que s’il débouche sur un instrument au service de tous les patients et de tous les professionnels de santé.

Comme tout dossier médical, le DMP est donc un instrument professionnel contenant des informations à caractère personnel sur la santé de l’assuré social qu’il concerne. C’est ce que M. Philippe Douste Blazy, ministre en exercice lors de la création du DMP, a souhaité souligner en rappelant lors de son audition que le « glissement » du sigle DMP d’un dossier partagé à un dossier personnel avait une portée avant tout symbolique. Il s’agissait de montrer que le DMP s’inscrivait dans le prolongement des dispositions de la loi de 2002 sur les droits des patients, les termes de « dossier médical » suffisant à marquer le caractère professionnel de l’instrument souhaité par les pouvoirs publics.

Malgré l’importance du débat sur le caractère « personnel » ou « professionnel » du dossier, soulevé par les Inspections générales et exprimé de façon récurrente au cours des travaux de la mission, il est essentiel de souligner que la difficulté ne résulte pas du concept lui-même de dossier médical personnel, tel que défini par le législateur et ne remet pas en cause les finalités du dispositif.

Pour répondre aux trois finalités du DMP, celui-ci doit pouvoir faire appel à un ensemble varié de technologies qui attribuent une fonction différente à l’information médicale, selon que l’on se place du point de vue de la continuité des soins – où l’information est un élément de la décision médicale –, du point de vue de la coordination des soins – où l’information est un élément du processus de soins –, ou du point de vue de l’amélioration de la qualité des soins.

Les recommandations de la mission prennent en compte plusieurs éléments du constat :

– le DMP est un projet d’envergure reposant sur un processus d’informatisation qui vise autant à définir les usages des informations médicales inscrites dans le DMP que l’outil technique lui-même ;

– le pilotage du DMP doit être en mesure de faire progresser de front les cinq chantiers menant à un dossier électronique opérationnel :

● la construction d’une infrastructure informatique ;

● l’interopérabilité avec les systèmes d’information de santé ;

● l’élaboration d’un identifiant de santé ;

● la définition du contenu du DMP ;

● la définition de son cadre juridique ;

– la période qui s’ouvre est une période de transition dont les enjeux sont :

● la réorganisation du dispositif institutionnel de pilotage ;

● l’achèvement des travaux d’infrastructure engagés (portail unique, politique de sécurité, élaboration d’un identifiant de santé) ;

● la diffusion des outils (normes et interfaces) préparant les systèmes d’information à opérer avec le DMP ;

● une relance des expérimentations orientées sur les problèmes du contenu et des usages du DMP, grâce à la mise en œuvre d’un prototype installé sur un support polyvalent (qui pourrait être une mémoire flash sur port USB).

1. Placer résolument l’utilisation du DMP dans un cadre professionnel

a) Affirmer les garanties fonctionnelles auxquelles le DMP doit impérativement répondre du point de vue des professionnels de santé.

L’adhésion des professionnels de santé à un projet d’informatisation, parfois présumée de manière forte (83), n’en est pas pour autant complètement acquise. Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé observe ainsi, dans un avis sur les problèmes posés par l’informatisation de la prescription hospitalière et du dossier patient, qu’un projet de ce type « a besoin de justifications fortes pour convaincre l’ensemble des professionnels et les usagers du système de santé qui pourraient pointer à juste titre un risque de déshumanisation de la prise en charge autant qu’une artificialisation excessive des métiers de santé. Le fait que la culture informatique soit loin d’être développée dans les établissements de santé français est sans doute significatif d’une sourde résistance psychologique dont il faut tenir compte dans la mise en place éventuelle d’un système de ce genre. » (84)

Cette réserve des professionnels n’est pas spécifique à la France. Dans une note qu’elle a transmise à la mission, l’ambassade de France aux Pays-Bas souligne que 66 % des médecins spécialistes et 52 % des médecins généralistes considèrent le dispositif de dossier électronique mis en œuvre par le gouvernement hollandais comme incomplet, du fait des problèmes d’ergonomie.

Un consensus s’est ainsi établi depuis le lancement du DMP pour considérer l’ergonomie du système informatique envisagé comme la clé de l’appropriation du dispositif par les professionnels de santé. Cet élément doit être pris en compte très en amont dans le processus de définition du DMP, de manière à influencer, si nécessaire, les choix d’architecture ou de technologie.

Dans ce contexte, votre rapporteur a retenu cinq engagements qu’il convient absolument de tenir à l’égard des professionnels de santé :

– garantir l’absence de redondance dans la saisie de l’information pour les utilisateurs (c’est le problème de la « double saisie ») ;

– garantir un accès instantané aux informations du DMP à tous les utilisateurs dans les conditions normales de leur exercice professionnel ;

– garantir l’accès à toutes les informations relatives à une personne à partir d’un point d’accès unique, quel que soit le dossier dans lequel les informations sont stockées (DMP, dossier pharmaceutique, dossier communicant de cancérologie…) ;

– affirmer le droit à une information de qualité professionnelle, reposant sur un standard de présentation obligatoire pour le dépôt de tout document dans le DMP. Ce format doit au minimum comprendre une « notice électronique » qui précise l’auteur assumant la responsabilité médicale des informations contenues dans le document et qui « indexe » précisément son contenu, la tâche des praticiens médicaux n’étant pas de fouiller dans une « bibliothèque de Babel » à la recherche d’une information intéressante.

– garantir la disponibilité du service au moment où les professionnels de santé en ont besoin.

b) Définir la gestion du consentement attendu de la part des patients.

Il existe une tension naturelle entre la notion de secret médical et celle de partage des informations médicales, que résout le consentement donné par le patient à la communication des informations. Cette tension n’est pas propre au dossier électronique : comme déjà indiqué, l’article L. 1110-4 du code de la santé publique relatif au secret médical pose le principe du consentement (implicite) du patient à la communication de toute information entre les professionnels de santé.

Les travaux de la mission ont aussi permis de constater que la démarche n’est pas particulière à la France et que tous les pays engagés dans un projet de dossier médical électronique prévoient que le patient doit pouvoir avoir connaissance des informations figurant dans son dossier médical et marquer son consentement à la communication de ces informations aux professionnels concernés.

Les formes par lesquelles les patients sont amenés à exprimer leur consentement varient cependant selon la nature des informations portées au dossier et le nombre de praticiens amenés à les consulter. Dans le cas du dossier communicant de cancérologie servant de support à la filière de soins en cancérologie pluridisciplinaire, l’accord du patient donné lors de son adhésion au dossier vaut pour les soins correspondants au traitement anticancéreux et pour les médecins appartenant au réseau de soins. Dans le cas du dossier pharmaceutique, visant à rassembler toutes les informations relatives aux médicaments achetés en pharmacie de ville, le client renouvelle son accord pour la consultation du dossier pour chaque achat en pharmacie, ainsi qu’à l’inscription dans le dossier des nouveaux produits achetés.

En ce qui concerne le DMP, le législateur a été amené, dans le cadre d’une disposition introduite dans le code de la santé publique par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, à ouvrir aux patients la possibilité de masquer des informations déjà inscrites dans le DMP. Ce faisant, il a considéré que le consentement du patient à l’inscription d’une information dans le DMP est un accord de principe, mais que le DMP étant destiné à toutes les catégories de professionnels de santé, certaines informations n’ont pas à être connues d’autres praticiens que les spécialistes concernés. À titre d’illustration, on peut penser aux actes de chirurgie esthétique qu’un patient peut légitimement souhaiter ne dévoiler qu’aux professionnels de santé concernés, mais d’autres problématiques plus graves, telles que la connaissance du VIH, alimentent également le débat, comme l’ont montré les travaux de la mission. Le DMP ayant vocation – à la différence des dossiers spécialisés – à rassembler des informations d’origine très diverses et à permettre une consultation en principe ouverte à toutes les catégories de professionnels de santé, la possibilité de masquer des informations inscrites dans le DMP est apparu au Gouvernement, qui l’a proposée au législateur, comme une forme d’expression du consentement des patients utile et complémentaire des deux autres formes. M. Pierre-Louis Fagniez a d’ailleurs souligné dans son rapport au ministre en charge de la santé (85) que la possibilité de masquer ultérieurement les informations inscrites favoriserait le consentement initial des patients à l’inscription de ces informations.

La possibilité de masquer une information médicale particulière inscrite dans le DMP ne doit pas être opposée à l’idée d’exhaustivité du dossier médical, car celle-ci est récusée du point de vue même du droit par la définition donnée par la loi au secret médical. Le législateur, qui a précisé que « toute personne prise en charge… a droit au respect de sa vie privée et au secret des informations la concernant » (article L. 1110-4 du code de la santé publique), a clairement indiqué que le champ du secret médical ne se limite pas à l’obligation de discrétion professionnelle. En évoquant « le respect de la vie privée » il reconnaît le caractère confidentiel des informations de santé, pouvant aller jusqu’au droit de ne pas tout dévoiler. Le droit au masquage est, selon Mme Jeanne Bossi, juriste à la CNIL, la traduction « d’une certaine réalité de la relation médecin-patient dans laquelle le patient ne se dévoile pas immédiatement » et où « une information cachée à un moment pourra être révélée à un autre moment de la relation ou par l’intermédiaire de la nature des soins prodigués. » (86)

Le fait de savoir si le dossier médical personnel doit signaler qu’il contient des informations masquées par le patient (« le masquage du masquage ») est une autre question, qui a été clairement séparée de la première à l’issue des discussions sur l’article 36 du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2008 visant à donner une base législative au masquage. La question du « masquage du masquage » soulève des arguments qui s’appuient sur une utilisation du DMP anticipée mais non validée sur le terrain. On ne peut donc la détacher des travaux qui restent à mener et des expérimentations qui doivent être conduites sur les usages du DMP. Par ailleurs, elle est liée au problème de la relation de confiance qui doit être préservée entre le médecin et son patient. Sur cette question difficile, la ministre de la santé, Mme Roselyne Bachelot, a décidé à juste titre de saisir le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

2. Relancer le projet DMP en réformant le dispositif de pilotage et en l’inscrivant dans la durée

La mission préconise un élargissement et une consolidation du dispositif institutionnel de gestion du projet pour assurer un pilotage efficace des chantiers relatifs aux usages du DMP (définition du contenu et de la structuration du DMP, définition du cadre juridique…) par l’association des acteurs les plus qualifiés pour étudier ces problématiques (Haute autorité de santé et Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés).

a) Donner un financement pérenne au DMP sous la forme d’un budget programme

On ne peut que partager l’opinion des Inspections générales de l’administration sur la nécessité d’assurer au projet DMP un financement pérenne, ce qui n’est pas incompatible sur le plan technique avec le caractère évaluatif des prévisions de dépense. Le financement des dépenses d’investissement devra être inscrit dans le cadre d’un budget de programme pluriannuel, dont le montant sera révisé chaque année en fonction de la progression des travaux.

Le compte rendu de l’avancement du projet devrait être présenté au Parlement lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans le cadre d’une annexe spécifique.

b) Renforcer le rôle des services du ministère de la santé aux côtés du GIP-DMP

Le GIP-DMP s’est imposé au centre du dispositif institutionnel relatif au DMP, dans un contexte de priorité donnée à la réalisation de l’infrastructure informatique. Chargé d’animer la concertation avec toutes les parties prenantes au projet, au sein du comité d’orientation (COR), il a assuré un rôle de coordination opérationnelle important et a animé quatorze groupes de travail sur les différentes problématiques relatives au DMP. Le GIP-DMP a eu toutefois des difficultés à encadrer et à évaluer les expérimentations du DMP sur le terrain, faute d’un échelon régional, et la structuration du DMP envisagée dans sa version actuelle est encore éloignée de ce que l’on peut attendre d’un outil à usage professionnel.

Plusieurs éléments plaident en faveur d’un rôle accru des services du ministère de la santé, dans la période ouverte par la remise à plat du projet :

– les enjeux attachés à l’élaboration d’un identifiant de santé spécifique (NIS) et à la constitution d’un réseau de communication (portail unique assurant une mise en relation sécurisée avec les sites producteurs de données de santé) dépassent le DMP, car ils sont le support indispensable aux échanges d’informations médicales entre les producteurs de soins. L’achèvement de ces deux chantiers prioritaires demande en outre une implication politique forte pour aplanir des difficultés de mise en œuvre encore importantes (87).

– la nécessité de mettre en cohérence les différents types de dossiers électroniques (DCC, Web-médecin, DP, dossiers de réseaux de santé, dossiers ville-hôpital) avec le DMP, afin de faire en sorte que ces dossiers soient tous accessibles depuis le portail unique et que leurs données puissent être déversées, avec l’accord du titulaire, dans le DMP.

– la nécessité pour le GIP-DMP de travailler avec de nouveaux acteurs publics (HAS et CNAM) sur des sujets liés à l’usage du DMP, une telle collaboration pouvant requérir un arbitrage ministériel entre des structures ayant des vocations différentes. Le GIP-DMP est en effet en moins bonne position que les services des ministères de la santé (88) pour coordonner l’action des établissements publics et suggérer des impulsions politiques sur ces chantiers lorsque celles-ci seront nécessaires.

c) Confier à la HAS la mission de définir la structure des informations inscrites dans le DMP

La structuration de l’information médicale figurant dans le DMP est un enjeu d’efficacité probablement supérieur à celui lié à la construction de son infrastructure informatique. Le DMP ne doit pas – on l’a vu – être une « Bibliothèque de Babel ». La structure du DMP doit donc traduire la perspective médicale donnée à l’organisation de l’information.

La mission considère que la Haute autorité de santé (HAS) devrait être étroitement associée à cette question en raison de sa complexité et des compétences que la Haute autorité est seule à posséder sur ces sujets. La Haute autorité a toutefois estimé qu’une implication dans la conception du DMP supposait que celle-ci figure expressément parmi les missions qui lui sont dévolues.

d) Impliquer la CNAMTS dans l’organisation et l’accompagnement du changement

Les craintes que le DMP devienne un outil de maîtrise médicalisée des dépenses de santé, qui ont initialement conduit les pouvoirs publics à refuser que la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) joue une fonction centrale dans sa mise en œuvre, se sont semble-t-il aujourd’hui estompées. La CNAMTS pourrait désormais avoir un rôle plus actif dans la conduite du projet, notamment pour l’organisation des expérimentations au niveau régional, car elle dispose à cette échelle des relais qui manquent au GIP-DMP.

Comme les inspections générales de l’administration l’ont souligné : « la CNAMTS doit être davantage associée à la détermination du calendrier de développement et du budget de programme du DMP, et s’engager en contrepartie à coordonner ses propres projets avec celui du DMP. »

3. Mettre l’accent sur l’importance de la coordination

a) Identifier les chantiers prioritaires

L’aboutissement du projet DMP dépend de la capacité de la structure ministérielle chargée de la coordination du projet à faire avancer de front les cinq chantiers principaux du projet DMP : la construction d’une infrastructure informatique, l’interopérabilité avec les systèmes d’information de santé, l’élaboration d’un identifiant de santé, la définition du contenu du DMP et la définition de son cadre juridique.

Cette coordination devra toutefois tenir compte du caractère prioritaire de certains chantiers au regard des besoins d’autres intervenants sur le dossier :

– la confection de l’identifiant de santé, qui est le préalable à toute amélioration du suivi médical des patients dans leur parcours de soin ;

– l’élaboration des normes d’interopérabilité fonctionnelle que les acteurs de santé et les éditeurs de logiciels devront intégrer dans leurs équipements et leurs produits informatiques ;

– l’achèvement d’une infrastructure de communication organisant un accès sécurisé et centralisé aux différents dossiers spécialisés existants.

b) Établir un schéma d’organisation de l’infrastructure informatique, précisant notamment l’articulation entre les différents dossiers médicaux électroniques

Les dossiers électroniques partagés répondent à un ensemble de besoins exprimés par les professionnels, qui justifient la diversité actuelle de ces solutions dans son principe, pour autant que celle-ci évite le cloisonnement et la redondance des informations. L’utopie technologique serait sans doute de vouloir fusionner tous ces dossiers en un seul, utile à chaque professionnel de santé pour les besoins particuliers de sa spécialité. Il convient toutefois de s’assurer dès à présent que ces dossiers, élaborés avec le soutien de fonds publics, puissent échanger leurs informations avec le DMP et soient accessibles depuis le portail unique (même si des accès directs ne sont pas à exclure).

Par ailleurs, la réflexion de la mission sur les usages du DMP conduit à distinguer « l’échange » de données de santé du « partage » des informations médicales, et plaide pour la construction distincte d’un outil dédié aux échanges.

L’échange de données numériques entre les professionnels de santé contribue à la continuité des soins, entre professionnels de santé, entre l’hôpital et le secteur de ville ou au sein d’un réseau de soins. Toutefois, à la différence du partage d’information, l’échange est destiné à un professionnel précisément identifié et il porte sur des données hétérogènes qui ne sont en elles-mêmes pas toujours porteuses d’informations médicales. Mme Sylvie Royant-Parola, présentant le système informatique dont s’est équipé le réseau Morphée sur les pathologies du sommeil, a expliqué que celui-ci répondait à un besoin de transmission de données numériques d’enregistrement du sommeil particulièrement volumineuses ne pouvant pas prendre place sur des supports papier.

Bien qu’il ait la même finalité que le DMP – servir de support à la continuité des soins – l’échange d’information s’en distingue par l’hétérogénéité des données transmises, son caractère bilatéral, sa vocation à remplacer les échanges de courrier papier et les technologies spécifiques lui servant de support : un format d’enveloppe des données mentionnant l’expéditeur et le destinataire, une notion d’accusé de réception permettant de ne pas doubler l’échange d’un envoi papier et un annuaire à jour des professionnels déclarant accepter des données au format numérique.

La mission recommande de doubler le DMP d’une plate-forme nationale d’échange des données numériques, qui prendrait le relais des plateformes locales expérimentées dans le cadre des réseaux ville-hôpital et permettrait de valoriser l’infrastructure de communication mise en place pour le DMP en assurant une mutualisation des coûts. La plate-forme nationale ne se substituerait pas aux expériences de messageries instantanées sécurisées, qui offrent des fonctionnalités différentes : le caractère immédiat de la transmission y a en effet pour contrepartie une limitation du volume des données échangées et une gestion moins élaborée de l’annuaire.

Une plate-forme nationale d’échange de données serait donc un complément utile au DMP, dont elle contribuerait à la clarification des fonctionnalités. Elle valoriserait l’investissement consenti pour mettre en place l’infrastructure de communication du DMP, à l’exemple de ce qu’a pratiqué le réseau Rhône-alpin SIS-RA (Système d’information de santé – Rhône-Alpes), qui est le réseau régional de partage d’informations médicales le plus étendu en France.

● Proposition d’organisation générale des modalités d’alimentation du DMP depuis les autres sources d’information numériques 


● Schéma des accès aux dossiers électroniques 

c) Garantir la convergence technique des dossiers électroniques développés par la puissance publique ou sur fonds publics, grâce à une maîtrise d’œuvre commune.

La multiplication des structures de type GIP, chargées d’assurer le développement d’un projet informatique de manière spécifique en y associant les professionnels concernés, comporte un risque croissant d’émiettement des compétences informatiques des acteurs de santé, déjà dénoncé par l’Inspection générale des affaires sociales dans son rapport précité d’août 2006 :

« La multiplicité des acteurs concernés et la technicité du domaine ont conduit à créer des structures spécialisées constituées sous forme de groupements d’intérêt public (GIP) ou d’intérêt spécialisés (GIE) tels que GIE SESAM-vitale, les GIP « carte de professionnel de santé » (GIP-CPS), « dossier médical personnel » (GIP-DMP), « groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier » (GMSIH), le futur « institut des données de santé » (IDS) ou encore d’établissements publics administratifs (EPA), telle l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH)…

Elles sont parvenues ainsi à acquérir une expertise reconnue dans des spécialités techniques pointues (conception des cartes à puces pour le GIE SESAM vital et le GIP-CPS, conception d’infrastructures sécurisées pour le GIE, politiques et outils de certification pour le GIP-CPS, normes et référentiels pour le GMSIH, conception et gestion de classification médico-économiques pour l’ATIH) mais en élargissant toujours leur gamme de métiers et de compétences : exemple le plus significatif, à partir de la mise en place d’un serveur de collecte des données PMSI des établissements par internet, l’ATIH a développé un savoir faire réel dans la conception et l’exploitation de services web, requérant des profils de compétence très éloignés de son métier initial.

Cette diversification et cette spécialisation poussée font aujourd’hui apparaître des redondances dans les métiers des organismes, sans garanties que les solutions techniques développées par chacun présentent une cohérence d’ensemble optimale (même si elles répondent individuellement aux besoins) et avec le risque qu’ils développent ou maintiennent des solutions techniques voisines pour en préserver le champ d’intervention. En outre l’émergence de nombreux projets mis en chantier par d’autres acteurs est susceptible à brève échéance d’accroître fortement ce risque de redondances, voire d’incohérence. »

Extrait de l’« Audit de l’organisation et du pilotage des organismes oeuvrant à l’informatisation du système de santé », présenté par Laurent Gratieux et Roland Ollivier, novembre 2006

Les effets délétères pour la cohérence des projets d’une distribution des maîtrises d’œuvre à des organismes différents sont d’ores et déjà sensibles entre le DMP et le Dossier communicant de cancérologie (DCC), placé sous l’égide de l’Institut national de lutte contre le Cancer (InCa). Alors que le DCC apparaissait à ses débuts comme un prototype préfigurant à l’échelle de la filière de soins de cancérologie, ce que pourrait être le DMP sur l’ensemble du périmètre de santé (89), les différences entre les deux projets n’ont cessé de s’affirmer, au fil de leur développement, sous l’influence des deux maîtres d’œuvre, l’InCa et le GIP-DMP. Comme déjà souligné, les divergences introduites entre le DCC et le DMP rendent incertaine la convergence des deux projets, malgré la signature récente d’une convention.

La mission soutient l’idée émise par l’Inspection générale des affaires sociales d’assurer une maîtrise d’œuvre informatique commune aux différentes structures GIP (carte électronique de professionnel de santé CPS, carte Sesam Vitale, etc.…), afin d’éviter que ces structures ne développent des compétences redondantes et pour faciliter la cohérence technique des projets.

4. Inscrire les choix méthodologiques et techniques dans la durée

La mission rejoint l’opinion des Inspections générales de l’administration selon laquelle la question de l’hébergement n’est « ni prioritaire ni la plus complexe » et devrait être reprise après l’achèvement notamment de travaux plus approfondis sur les usages du DMP, c’est-à-dire sur la définition d’un contenu et d’une structuration du dossier électronique qui corresponde le mieux aux objectifs du législateur.

Ces travaux doivent pouvoir s’appuyer, ainsi que l’ont souligné les Inspections, sur un prototype polyvalent, permettant de passer à une phase de test et d’expérimentation des principes dégagés par les groupes de travail mis en place par le GIP-DMP.

a) Élaborer à titre transitoire un dispositif polyvalent : un dossier médical numérique détenu par son titulaire sur un support électronique

L’évolution technique a significativement amélioré les capacités de stockage des supports électroniques ainsi que leur interopérabilité physique (grâce à la généralisation du port USB). Elle les pose aujourd’hui en alternatives crédibles de support pour le DMP.

L’idée de pouvoir confier aux assurés sociaux une carte mémoire contenant leur DMP illustre de manière très concrète la maîtrise que la loi leur donne sur leurs informations de santé. Par ailleurs, l’interopérabilité physique qu’assure le port USB ou le lecteur de CD-ROM au sein du parc informatique actuel est très supérieur à celle des solutions en ligne (un peu plus d’un tiers des praticiens libéraux disposent d’une connexion internet professionnelle haut débit), même si celle-ci devrait s’améliorer avec le temps.

Enfin, les principaux arguments invoqués à l’encontre des supports électroniques – risques de perte ou de vol – peuvent recevoir des réponses techniques grâce aux outils déployés.

Il est en effet désormais possible d’organiser une sauvegarde automatique en réseau du contenu des supports électroniques, lorsque ceux-ci sont utilisés sur un poste de travail connecté au réseau général (dans un établissement hospitalier ou dans le cabinet d’un praticien libéral équipé d’une ligne ADSL). Un réseau de sauvegarde pourrait ainsi être facilement constitué à partir de trois éléments : le portail unique en cours de mise en place, l’hébergement contractuel des données sauvegardées et le développement d’une application d’interface implantée sur les postes locaux, permettant de reconnaître le support électronique inséré (une clé USB par exemple) et à organiser la sauvegarde automatique de son contenu en tâche de fond (90). La sauvegarde des données limite le préjudice lié à la perte de la carte mémoire au coût de remplacement du support physique.

Par ailleurs la confidentialité des données de santé inscrites sur la carte mémoire peut être assurée par les techniques de cryptage prévues pour la protection des données en ligne (méthode de chiffrement/déchiffrement autorisée en présence de certificats électroniques sur support physique, tels que la carte CPS et la carte Sesam-vitale), sachant que le niveau de protection requis pour des données décentralisées est en principe moins élevé que pour des données centralisées accessibles en ligne, plus exposées par leur mode de stockage aux attaques de piratage.

La mission préconise donc, dans la logique de la recommandation déjà faite sur ce point dans un rapport de MM. Jean Dionis du Séjour, député, et Jean-Claude Etienne, sénateur, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix technologiques rendu public le 22 juin 2004 sur les télécommunications à haut débit et Internet au service du système de santé, de mettre en œuvre un prototype de DMP crypté et sécurisé sur un support de type mémoire flash USB, à l’appui des expérimentations sur les usages et la structure du DMP.

b) Confirmer le choix d’une architecture centralisée

La recommandation de la mission relative à la réalisation d’un prototype polyvalent confié à l’assuré social pour promouvoir l’expérimentation des usages du DMP ne remet pas en cause le choix d’une architecture technique centralisée.

Ÿ L’architecture territoriale, parfois souhaitée, semble techniquement sans objet

La question d’une architecture replacée dans un cadre régional a été évoquée devant la mission. Elle ne semble pas toutefois offrir d’intérêt au niveau technique, dans la mesure où le portail unique a vocation à centraliser au niveau national les demandes d’accès aux dossiers spécialisés et à les renvoyer vers les hébergeurs choisis pour ces dossiers, une fois l’identité du demandeur authentifiée et ses droits d’accès recensés. Dans ce contexte, une limitation du champ de compétence des hébergeurs à une portion du territoire national apparaît comme une restriction inutile de leur champ d’intervention, sans intérêt pour l’organisation des dossiers électroniques eux-mêmes. En Angleterre, ce type de découpage territorial a été effectivement pratiqué, mais pour l’ensemble du projet d’informatisation du système de santé britannique, qui comprend une dimension territoriale importante en raison de la délégation de gestion opérée pour l’informatique des établissements de santé.

Ÿ L’hypothèse d’un stockage en mode réparti ne présente que des avantages limités

La seconde voie de déconcentration des dossiers électroniques concernerait la possibilité de stocker certaines pièces particulièrement volumineuses, comme les images médicales, dans les bases informatiques des producteurs de soins eux-mêmes. On parle alors de « stockage en bases réparties », par opposition à l’option de stockage centralisé chez un hébergeur choisi pour le DMP.

Mis en œuvre dans certains réseaux territoriaux, tel que le RIPAM (91) en Ardèche, le stockage en mode réparti est certes plus économique – dans la mesure il est possible de trouver parmi les établissements de santé des systèmes informatiques ouverts –, mais il est moins fiable que l’hébergement externe, car il dépend de l’effort de maintenance informatique des acteurs de santé participant au réseau. Pour le DMP, il ne peut constituer qu’une solution de repli offrant une moindre qualité de service.

c) Faire le choix d’une démarche d’expérimentations préparant une montée en charge progressive et ciblée

La mission recommande que la relance du DMP soit fondée sur le lancement d’une série d’expérimentations sur les usages du DMP, permettant de définir son contenu et sa structuration en fonction d’objectifs médicaux clairement définis pour des populations cibles (coordination des soins pour des pathologies graves, continuité des soins en présence de comorbidités…). Les expérimentations devraient également être menées sur des territoires différents en termes de densité démographique et d’offre de soins, afin de déterminer ses conditions d’emploi optimum et de préparer la phase de montée en charge du DMP.

5. Assurer la mise à niveau de l’environnement avec lequel le DMP doit interagir

a) Favoriser l’interopérabilité informatique des acteurs de santé en assurant le développement des échanges de données électroniques entre les professionnels de santé

Le développement des échanges de données informatiques est le principal vecteur de l’interopérabilité des systèmes informatiques de santé. Les professionnels de santé sont très demandeurs d’un support électronique leur permettant d’échanger des données médicales en lieu et place des échanges de courrier papier.

L’expérience des réseaux de communication ville-hôpital a toutefois montré que le développement de ces échanges supposait une infrastructure de communication spécifique qui leur donne un cadre sécurisé (un système d’authentification sécurisé, un annuaire à jour des professionnels de santé acceptant des envois électroniques,…).

Les travaux de la mission l’ont amenée à conclure qu’une plateforme nationale d’échange de données médicales serait un complément utile au DMP, offrant un support électronique au développement des échanges en réseau, tout en optimisant l’investissement public et en clarifiant les fonctions du DMP (voir point 4). La mise en œuvre de cette plateforme et son ouverture au plus grand nombre pourraient utilement préparer le DMP, en stimulant les échanges et donc la diffusion des normes d’interopérabilité.

b) Orienter les systèmes d’information hospitaliers vers l’interopérabilité

Le rôle structurant du DMP à l’égard des systèmes d’information hospitaliers appelle un jugement nuancé. Ce projet favorisera effectivement une évolution des systèmes d’information hospitaliers mais ne suffira sans doute pas à lui seul à définir les solutions nécessaires à la modernisation de ces systèmes.

Les mesures envisagées par le ministère de la santé dans le cadre du « plan stratégique des systèmes d’information de santé » (juillet 2007) visent principalement le financement de la modernisation des systèmes d’information et le pilotage stratégique de cette modernisation. Le dixième objectif du plan stratégique prévoit que le plan « Hôpital 2012 » consacrera 15 % des crédits alloués à la modernisation des systèmes d’information hospitaliers (92).

De sérieuses questions subsistent sur les leviers réels dont dispose l’État pour favoriser la convergence des systèmes d’information hospitaliers ainsi que l’éventail des modèles d’architecture informatique. Dans un tel contexte, on peut regretter que le plan stratégique des systèmes d’information de santé (PSSIS) envisagé par le ministère n’aborde que de manière relativement formelle les questions auxquelles est confrontée l’informatique hospitalière.

Reprenant les préoccupations exprimées à plusieurs reprises par plusieurs membres de la mission sur la situation de l’informatique hospitalière, la mission recommande que ce sujet soit étudié de manière approfondie par les instances ministérielles en charge du pilotage des systèmes d’information de santé afin que le DMP ne devienne pas un « mauvais cadeau » pour les systèmes d’information hospitaliers, en réduisant l’éventail des options techniques, mais soit plutôt l’occasion d’attirer l’attention sur les moyens de consolider l’expertise acquise.

c) Ne pas négliger le rôle charnière des interfaces

L’utilisation du DMP dans un cadre professionnel requiert la présence – aussi bien dans les systèmes d’information hospitaliers que dans les logiciels de gestion de cabinet médical – d’interfaces spécifiques (middleware), tels que les outils d’indexation automatique du contenu des documents déposés dans le DMP ou les moteurs de recherche de termes médicaux tenant compte des synonymes. Le développement de ces outils ne doit pas reposer sur la seule initiative privée, en raison de leur importance pour l’usage du DMP, et devrait être inclus dans la programmation des travaux du projet DMP.

6. Planifier la réalisation du projet

• Les objectifs à court terme du projet DMP devraient porter sur :

– le lancement d’expérimentations visant à promouvoir les usages du DMP et à définir sa structure (point 4.c du présent chapitre – proposition 1).

– la mise au point d’un prototype polyvalent détenu par les utilisateurs (point 4.a du présent chapitre – proposition 2) ;

– l’achèvement de l’infrastructure de communication et la mise en connexion avec les dossiers électroniques existants (point 3.b du présent chapitre – proposition 3) ;

• Les objectifs à moyen terme du DMP devraient viser le développement des échanges de données médicales, facteur d’interopérabilité des systèmes d’information de santé :

– l’attribution d’un identifiant de santé spécifique pour tous les assurés sociaux (point 3.a du présent chapitre – proposition 4) ;

– la mise en œuvre d’une plate-forme d’échanges électroniques ouverte à tous les professionnels de santé (point 3.b du présent chapitre – proposition 10) ;

– la fixation du cadre juridique du DMP (et notamment des modalités de masquage) sur la base des retours d’expérimentation (points 1.a et 1.b du présent chapitre – proposition 13) 

• La généralisation progressive du DMP au sein de la population pourrait passer par les étapes suivantes :

– amélioration de la continuité des soins pour les personnes souffrant de maladies chroniques (asthme, diabète,….) ; (proposition 14)

– renforcement de la coordination des soins pour la prise en charge des pathologies graves (cancer, VIH,…..). (proposition 15)

CONCLUSION : QUINZE PROPOSITIONS POUR UNE RELANCE DU PROJET DMP

Appuyer la relance du DMP par une reprise des expérimentations orientée vers les usages du DMP

1) Conduire des expérimentations locales sur l’utilisation du DMP, dans des contextes variés d’organisation territoriale de l’offre de soins, en concertation étroite avec les professionnels de santé et sur une durée adaptée d’au minimum 9 mois.

2) Mettre en œuvre, à l’appui des expérimentations, un prototype de DMP détenu par les patients, par exemple sur un support crypté et sécurisé de type mémoire USB ou autre.

Consolider et valoriser les acquis du projet

3) Achever la réalisation du portail unique d’accès et assurer sa connexion avec les dossiers électroniques partagés existants.

4) Elaborer et diffuser l’identifiant de santé qui sera attribué à chaque assuré social, afin de permettre son utilisation dans un délai rapide (un à deux ans).

5) Développer l’infrastructure autour du portail unique du futur DMP, afin de permettre une mutualisation des moyens de communication utilisés par les dossiers médicaux électroniques et par les autres modes d’échanges sécurisés de données de santé.

Renforcer le pilotage du projet

6) Doter le projet DMP d’un financement pérenne par un budget de programme dont l’exécution donnera lieu à un compte-rendu annuel devant le Parlement dans le cadre du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Des évaluations plus approfondies pourront être engagées par les organes permanents de contrôle du Parlement (MECSS ou OPEPS).

7) Confirmer le GIP-DMP dans sa mission de conduite opérationnelle du projet DMP.

8) Consolider le pilotage ministériel du projet, par l’implication du comité de pilotage stratégique des systèmes d’information de santé et par un rôle de direction confié à la Mission d’informatisation des systèmes de santé (MISS) rattachée à la secrétaire générale du ministère en charge de la santé.

9) Associer la Haute autorité de santé à la définition du contenu du DMP et la CNAM à l’organisation des expérimentations régionales ainsi qu’à l’accompagnement du changement.

Développer les échanges électroniques de données entre les professionnels de santé, en vue de préparer l’interopérabilité de leurs systèmes informatiques

10) Mettre en œuvre une plate-forme centrale ouverte à tous les professionnels de santé, pour promouvoir les échanges électroniques de données.

11) Orienter la mise à niveau des systèmes d’information hospitaliers vers l’ouverture aux échanges de données et l’interopérabilité.

Garantir une utilisation confiante du DMP

12) Prendre cinq engagements par lesquels doit se traduire la simplicité d’utilisation du DMP dans un cadre médical professionnel : pas de double saisie, une organisation des informations selon des critères professionnels, un point d’accès unique à toutes les informations, un accès instantané aux informations du DMP et une disponibilité du service à tout moment.

13) Approfondir la question des modalités du masquage de certaines informations par le titulaire du DMP, sur la base de l’avis que donnera le Comité consultatif national d’éthique sur ce sujet et des retours des expérimentations portant sur les usages du DMP.

Prévoir une généralisation progressive du DMP, ciblée en priorité sur des certaines populations, en particulier

14) …pour améliorer la continuité des soins des personnes souffrant de maladies chroniques.

15) …pour faciliter la coordination des soins dans la prise en charge des pathologies graves.

*

Le rapport et ces propositions ont été adoptés par la mission lors de sa réunion du 22 janvier 2008.

CONTRIBUTIONS DES MEMBRES DE LA MISSION

– Contribution de M. Jean M. Jean Bardet (UMP), député du Val d’Oise

– Contribution de M. Marc Bernier (UMP), député de la Mayenne

– Contribution des membres du groupe SRC, présentée par Mme Catherine Génisson, députée du Pas-de-Calais

Contribution de M. Jean M. Jean Bardet (UMP), député du Val d’Oise

Le DMP institué par la loi de 2004 n’est toujours pas opérationnel malgré les efforts et l’argent déjà dépensés pour sa mise en œuvre.

Les raisons de ce retard sont liées à différents problèmes qui auraient dû être résolus dès le début de la conception du projet et qui ne l’ont pas été.

A mon avis, il persiste encore un mal entendu entre ceux qui pensent que le projet initial était trop ambitieux et ceux qui pensent qu’il faut continuer dans la même direction.

Les problèmes qui se posent sont pour moi des problèmes de fond et tant qu’ils ne seront pas résolus, le DMP n’avancera pas.

1) Le nom même est discuté, du moins dès que l’on veut donner un sens aux trois lettres D-M-P. Les deux premières ne posent pas de question, mais la troisième divise : Personnel, ou Professionnel, certains ont même proposé Philosophique !

La discussion n’est pas uniquement théorique car sa réponse en pose une autre : à quoi sert le DMP ?

Est-ce un dossier appartenant au malade qui, finalement, pourrait y mettre ce qu’il veut et « masquer » ce qu’il ne veut pas, ou est-ce un dossier professionnel utile et nécessaire pour mieux soigner les malades ?

Dans le premier cas, le DMP irait dans le sens de la loi Kouchner sur le « droit des malades » mais serait totalement sans intérêt médical si le médecin ne peut pas se fier aux renseignements qu’il contient. A quoi un certificat de garantie de vente d’un véhicule servirait si l’ancien propriétaire avait le droit d’interdire que l’on signale que les freins ou la boite de vitesse ne marche pas !

D’ailleurs 70 % des médecins refusent le droit au masquage, ce qui pose une nouvelle question : peut-on faire un dossier médical qui, dès le départ, serait rejeté par une grande majorité des médecins ? Rappelons-nous le carnet de santé institué par les ordonnances prises par le gouvernement d’Alain Juppé qui n’a jamais fonctionné, car rejeté par les médecins.

2) La finalité du DMP n’est pas totalement définie : dossier médical contenant des informations utiles et nécessaires au médecin pour mieux soigner ses malades et surtout les malades qu’il ne connaît pas en ayant les informations les plus complètes possibles sur eux, ou dossier servant à la sécurité sociale pour contrôler les actes des praticiens afin d’éviter les redondances ? Sûrement les deux !

Dans le cas d’un outil de contrôle qui sera responsable d’un examen mal fait ou mal interprété et non refait par peur de sanctions administratives : celui qui a fait l’acte ou celui qui aura fait confiance à la conclusion erronée ?

3) Le contenu du DMP n’est pas défini. S’agit-il d’un dossier, tel que le dossier papier que tiennent la majorité des médecins, mais qui sera électronique et interactif, ou d’un dossier contenant tous les documents relatifs à un malade ?

Dans le premier cas, le DMP contiendra des renseignements succincts, tels que des comptes rendus de sortie en cas d’hospitalisation, des lettres de médecins spécialistes, des comptes rendus d’examens d’imageries ou de laboratoire (radiographie du thorax normal, bilan lipidique perturbé…).

Dans le second cas, il devra comprendre tous les examens complémentaires avec bien sûr la possibilité pour le médecin de les lire. Mais un médecin non spécialiste est-il intéressé par les courbes polygraphiques de l’apnée du sommeil ou par les courbes spirométriques d’épreuves fonctionnelles respiratoires ? Là encore ne lui suffit-il pas de savoir s’il y a apnée du sommeil appareillée, ou insuffisance respiratoire chronique de type restrictif, par exemple.

4) Qui remplira le DMP ?

Les médecins ont peur d’avoir un surcroît de travail administratif et d’être obligés à effectuer une double saisie. On ne peut pas répondre à cette question en disant qu’elle ne se pose pas, car elle se pose. Comment sera éventuellement rémunéré le temps passé ? Là aussi, il ne suffit pas de répondre, on verra le moment venu !

5) Qui aura accès au DMP ?

– Le malade bien sûr surtout si le « P » veut dire personnel, ce qui pose le problème du type d’information inscrite dans le DMP. Si tout malade bien portant dit « moi si j’avais un cancer, je voudrais le savoir », tout le monde n’a pas forcément la force morale d’ouvrir son ordinateur, à 2 heures du matin, et de lire « les résultats de la biopsie ont montré qu’il s’agit d’un cancer du poumon » !

– Le médecin consultant, les médecins spécialistes ;

– Le personnel paramédical ;

– Le pharmacien ;

– Les personnels administratifs de divers organismes.

Ces personnels sont tous tenus au secret médical, mais une inquiétude peut se poser néanmoins sur le risque de la diffusion de certaines informations lorsque autant de personnes y auront accès.

Il m’apparaît que la réponse à toutes ces questions, et certainement à d’autres dont je n’ai pas parlé, mais qui ont été évoquées durant les auditions que la commission a conduites sous la présidence du député Jean-Pierre Door, sont des points à résoudre avant d’aller plus avant.

Si l’on veut s’en tenir au projet initial qui à mon avis apparaît trop ambitieux et mal défini, il faut dans un premier temps recommencer l’expérimentation, que celle-ci soit suffisamment longue et porte sur un nombre suffisant de cas pour que les conclusions tirées soient indiscutables, ce qui n’a pas été le cas des premières expérimentations déjà faites.

Ces expérimentations pourraient dans un premier temps porter sur certaines maladies, cancers, ALD, se limiter à certaines régions suffisamment vastes pour éviter les différences interrégionales et devraient s’interconnecter avec les systèmes existant déjà.

Mais sur quelles bases pourraient être faites ces expérimentations tant que les points que j’ai évoqués ne seront pas résolus ?

Il semblerait que dans l’état actuel d’avancement du dossier un certain nombre d’avis soient demandés :

– celui de la Haute autorité de santé (HAS) pour le contenu du dossier ;

– celui de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pour la confidentialité ;

– celui du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour les problèmes d’éthique.

Tous ces avis, et peut-être d’autres, me semblent justifiés, mais quand rendront-ils leurs conclusions ?

En attendant, il semble intéressant de s’orienter vers d’autres systèmes peut-être moins ambitieux mais qui ont l’avantage d’exister et qui ont été présentés aux membres de la mission. Ces systèmes sont de véritables dossiers personnels puisqu’ils appartiennent au malade, inscrits sur un support informatique qui peut être variable : clefs USB, DVD, ou via Internet avec un code sécurisé.

Ces systèmes sont déjà commercialisés, certains en France (Infocament), d’autres à l’étranger ou expérimentés en France (Life badge).

Ces systèmes ont toutes les chances d’être largement diffusés avant que le DMP à la française – qu’aucun autre pays n’a réussi à mettre au point – ne voie le jour dans notre pays.

Contribution de M. Marc Bernier (UMP), député de la Mayenne

Afin de trouver une issue rapide et efficace à l'impasse dans laquelle se trouve actuellement le projet de Dossier médical personnel, je suggère que soit créé un dossier médical de suivi (DMS).

Ce pourrait être un dossier médical informatisé hébergé sur un site sécurisé, dont le but serait de permettre la continuité des soins en toute sécurité par tout praticien, même s'il n'a jamais connu le patient auparavant. Ceci devient indispensable avec la nouvelle organisation de la permanence des soins (PDS).

II s'agirait d'un dossier au contenu optimal pour soigner. Simple et rapide d'accès, il ne contiendrait que des données objectives :

– Allergies

– Médicaments non tolérés ;

– Résultats d'examen biologique indispensables à la qualité et au suivi des soins ;

– Comptes-rendus opératoires indispensables à la qualité et au suivi des soins ;

– Comptes-rendus d'anatomo-pathologie indispensables à la qualité et au suivi des soins ;

– Comptes-rendus ou résumés d'examens complémentaires (radiographies, échographies) indispensables.

En ce qui concerne l'hébergement du dossier lors de l'expérimentation, il serait souhaitable de choisir l'hébergeur du Dossier pharmaceutique (DP), afin d'étudier d'éventuelles connexions ultérieures entre ces deux dossiers.

La sélection des données retenues serait à réaliser par le groupe de travail expérimentateur. L'alimentation du dossier serait automatique depuis les laboratoires et les cabinets médicaux

L'accès au dossier se ferait selon le même type de protocole que l'accès au web-medecin (carte électronique de professionnel de santé – dite carte CPS – et carte Sesam-Vitale du patient, à insérer dans le lecteur de carte)

La consultation des données pourra être choisie:

– par date

– par chronologie

– par matière

L'accès au Dossier médical de suivi serait possible pour tout praticien, quel que soit son système informatique, en utilisant le format « pdf » si besoin, rapide d'accès et de consultation, puisqu'il s'agirait d'une aide à l'exercice professionnel qu'il ne devrait nullement entraver. Cette particularité serait un gage de son utilisation.

Le dossier médical de suivi (DMS) serait donc un outil utile à tout praticien, complémentaire du web-médecin, sécurisant pour le patient.

Les pôles de santé qui se mettent en place en Mayenne seraient un lieu intéressant de mise en expérimentation du Dossier médical de suivi, la Mayenne ayant déjà une expérience dans ce domaine.

Contribution au rapport par les membres du groupe SRC à la mission d’information sur le dossier médical personnel (DMP)

Présentée par Mme Catherine Génisson,
Députée du Pas-de-Calais, membre de la mission

Au-delà de la qualité des travaux effectués par la mission, l’état des lieux qui en résulte ne peut que laisser perplexe ceux qui suivent ce dossier depuis le début.

La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a institué le dossier médical personnel (DMP) en lui conférant un rôle stratégique dans l'organisation de l'offre de soins et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Si on se réfère aux débats auxquels a donné lieu l’adoption de cette loi, on se rend compte que les arguments et les questions sont restés les mêmes. On mesure ainsi à quel point il n’y a pas eu d’évolution majeure, laissant le DMP au stade de projet inabouti.

Tout d’abord il faut envisager le DMP comme un outil résultant de l’aboutissement d’une bonne organisation des soins.

Un des points essentiels est celui de l’appropriation du DMP par les usagers (dont la prise en compte dans les instances du système de santé n’a fait que s’accroître depuis la loi Kouchner sur le droit des malades), mais surtout par les professionnels de santé. De leur implication dépendra sa réussite.

Sont également à prendre en compte l’importance de la définition de son périmètre, son contenu, son élaboration, sa gestion et le support technique, ce dernier étant d’autant plus facile à réaliser que le projet est clair.

L’informatisation médicale très largement inachevée et insuffisante, particulièrement à l’hôpital, est un obstacle important à lever pour sa mise en œuvre.

Certains points clés comme celui de l'identifiant de santé (qui selon la recommandation de la CNIL de février 2007 doit être distinct du numéro de Sécurité sociale et anonymisé) sont connus, mais n’ont toujours pas été traités à ce jour.

S’agissant du masquage des données, qui est un élément essentiel pour l’acceptation de ce DMP par ses futurs utilisateurs, il nécessite de mener un véritable travail de dialogue et de pédagogie pour arriver à un compromis acceptable par tous. C’est en réalisant ce travail que l’on pourra faire comprendre aux usagers que plus leur dossier sera complet et mieux ce sera pour leur santé. Mais on doit également faire comprendre aux professionnels l’importance pour l’usager d’avoir le droit de choisir de mentionner ou pas des informations le concernant au premier chef. L’aboutissement d’un compromis sur cette question sera la base de la confiance nécessaire à établir pour garantir le bon fonctionnement de ce DMP.

L’une des leçons à tirer de cet échec (le DMP devait être mis en place pour mi-2007 selon les affirmations de M. Xavier Bertrand) est l’erreur fondamentale du gouvernement d’avoir fait passer les objectifs quantitatifs et économiques devant les objectifs qualitatifs. Pourtant l’exigence qualitative peut être une source d’économie, comme l’a illustré le plan de prise en charge des affections ORL par une meilleure prescription des antibiotiques.

D’autre part il est important de prendre acte des expériences qui sont développées à l’heure actuelle comme celle de l’assurance maladie avec le webmédecin ou celle de l’ordre des pharmaciens avec le dossier pharmaceutique. Il faut constater que les professionnels utilisent de plus en plus ces outils risquant de marginaliser de fait le DMP.

Au-delà des critiques formulées dans le rapport de l’IGAS, la seule voie qui nous parait envisageable de prendre à l’heure actuelle est celle de l’expérimentation.

Les conclusions de la mission s’orientent vers le choix de mettre en place le DMP en particulier pour les maladies chroniques et graves, ce qui présente l’avantage de prendre en compte des données qui sont largement existantes. Le danger de cette orientation est de cantonner le DMP à une partie de la population, certes très consommatrice de soins mais quantitativement peu importante. Or l’intérêt est de faire du DMP un véritable outil pour tous les citoyens, pour améliorer la qualité des soins, tout en sollicitant la responsabilité de tous, des malades et des professionnels : un DMP qui dès le départ contiendrait des données simples et incontournables pour une bonne prise en charge de la santé des citoyens et qui serait complété, voire complexifié, au fur et à mesure de sa mise en place.

On peut s’interroger sur les raisons qui ont fait que ce DMP dont l’intérêt apparaît si évident depuis longtemps, n’arrive pas à devenir réalité.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission s’est réunie, le mardi 29 janvier 2008, sous la présidence de M. Pierre Méhaignerie, président, pour examiner le rapport de M. Jean-Pierre Door, député.

Un débat a suivi l’exposé de M. Jean- Pierre Door, rapporteur.

M. Jean Bardet a remercié le rapporteur pour l’efficacité avec laquelle il a mené cette mission d’information, dont l’intérêt a surtout consisté à soulever un certain nombre de problèmes plutôt qu’à apporter des solutions définitives.

On doit d’abord s’interroger sur la signification du « P » de DMP : s’agit-il d’un dossier médical personnel ou partagé ? Cette question a une grande importance quant à la conception même de ce dossier.

Quelle est par ailleurs la finalité du DMP ? Elle doit être orientée vers le malade, afin de permettre au médecin de mieux l’appréhender, surtout quand il ne le connaît pas. Quel doit être en outre le contenu du dossier ? Doit-il apporter tous les renseignements au sujet d’un malade ? Faut-il y faire figurer le détail de l’imagerie médicale ou suffit-il de dire que la radio pulmonaire est normale ? Et si elle se révèle anormale, à qui incombera la faute : à celui qui a donné le compte rendu ou à celui qui en a tenu compte ?

Si le projet initial était très ambitieux, la mission a essayé de modérer cette ambition en insistant sur la nécessité qu’une nouvelle expérimentation aille jusqu’à son terme, qu’elle soit suffisamment longue, qu’elle concerne suffisamment de patients et qu’elle tienne compte de la diversité interrégionale.

La mission a par ailleurs examiné un certain nombre d’alternatives au DMP. On pourrait ainsi envisager d’aller vers un dossier véritablement médical personnel. Le rapporteur s’est à juste titre demandé si chaque patient ne pourrait pas avoir, sur un support informatique qui reste à définir, ses propres données, afin qu’il puisse apporter son dossier lorsqu’il va voir un médecin et que ce dernier puisse en prendre connaissance et l’enrichir.

La ministre de la santé considère qu’il convient désormais d’interroger la CNIL, la HAS et le Comité consultatif national d’éthique. Toutefois il ne saurait s’agir que d’obstacles temporaires à l’application d’un DMP sans doute moins ambitieux que prévu mais qui serait utile pour les malades.

Enfin, on ne saurait faire le DMP contre les médecins. Or 70 % d’entre eux sont contre le masquage et si l’on en reste à la solution actuelle, on peut craindre que le DMP ne se développe pas davantage que le carnet médical voulu jadis par Alain Juppé.

M. Yves Bur a salué le travail accompli par la mission présidée par Jean-Pierre Door. C’est une bonne façon de montrer que le Parlement ne s’est pas contenté d’adopter le principe du DMP, qu’il continue à s’intéresser à cette question et que le dossier médical n’est pas devenu un projet technocratique, mais qu’il répond toujours à un choix politique majeur. C’est la raison pour laquelle il serait souhaitable que le Parlement soit représenté au sein des instances de pilotage du DMP. Si cette mission d’information a été créée, c’est parce que pendant trois ans les parlementaires n’ont été associés qu’épisodiquement à ce dossier, le plus souvent à leur demande.

Il faut aujourd’hui avoir le courage de reconnaître que la présentation du DMP, dans le cadre de la réforme de l’assurance maladie de 2004, n’a été qu’un leurre. Même s’il s’agissait d’un enjeu majeur pour le système de santé, il était illusoire de faire croire que l’on pourrait le réaliser en quelques mois. Dans un débat politique sérieux, de tels procédés ne doivent plus avoir cours. Pour autant, le DMP ne doit pas être abandonné. La qualité de l’information partagée est un gage de qualité pour le parcours de soins, au bénéfice des patients comme du système de santé. Les efforts doivent donc être poursuivis, mais en faisant preuve de plus de patience.

Il est important que la ministre de la santé se détache des illusions d’un calendrier irréaliste : il faut être déterminé, mais se donner le temps nécessaire pour mettre au point le dossier de manière crédible, d’autant qu’on s’est aperçu qu’il présentait une grande complexité juridique, éthique et technique, même si l’on a pu parfois se demander si cette complexité n’était pas un alibi pour ne jamais le réaliser…

Dans les régions, l’expérimentation a été menée en dépit du bon sens : on l’a commencée en été pour l’interrompre en novembre et la complexité pour créer des dossiers était telle qu’au moment de l’arrêt il n’a pas été possible d’utiliser les dossiers expérimentaux. La présence de représentants de l’Assemblée nationale dans le comité de pilotage éviterait sans doute de telles dérives et permettrait de veiller à ce que l’on prenne le temps nécessaire.

M. Jean Bardet a souligné que le masquage n’était pas entièrement accepté par les médecins, mais la loi sur les droits des malades s’applique ; il paraît donc sage de s’en remettre au Comité national consultatif d’éthique.

Enfin, le dossier médical personnel devra être réalisé avec le souci que son coût puisse être supporté : élaborer un outil parfait mais hors de prix obligerait vraisemblablement à faire des choix. Les Allemands évaluent le coût de leur projet de dossier médical entre 5 et 6 milliards d’euros, mais ils estiment pouvoir en retirer 5 milliards d’euros d’économies. Pourtant, il conviendrait sans doute de renoncer à l’idée d’un retour sur investissement pour considérer que le DMP est au service d’abord de la qualité des soins et pas de l’économie de santé.

Mme Catherine Génisson a souligné que, au-delà de la qualité des travaux effectués par la mission, l’état des lieux ne peut que laisser perplexe ceux qui suivent ce dossier depuis le début. La loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a institué le dossier médical personnel en lui conférant un rôle stratégique dans l’organisation de l’offre de soins et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Or les questions posées alors sont restées sans réponses, ce qui montre que le DMP demeure au stade de projet inabouti.

Il faut d’abord envisager ce dossier comme un outil résultant d’une bonne organisation des soins. Un point essentiel tient à son appropriation par les usagers, dont on tient bien davantage compte dans les instances du système de santé depuis la loi Kouchner sur les droits des malades, mais aussi, et surtout, par les professionnels de santé car c’est de leur implication que dépendra la réussite du projet, comme M. Jean Bardet vient de le souligner.

L’informatisation médicale très largement inachevée et insuffisante, en particulier à l’hôpital, est un obstacle majeur qu’il convient de lever préalablement à la mise en œuvre du DMP. On ne saurait oublier, par ailleurs, l’importance de la définition du périmètre du dossier, son contenu, son élaboration, sa gestion et son support technique, lequel sera d’autant plus facile à réaliser que le projet sera clair.

Un certain nombre de questions importantes reste en suspens, comme celle de l’identifiant de santé, dont la CNIL a recommandé en février 2007 qu’il soit distinct du numéro de sécurité sociale.

S’agissant du masquage des données, comme l’a souligné M. Yves Bur, il est vrai que l’on doit convaincre les malades d’opérer ce masquage le moins possible, mais la loi Kouchner leur garantit un droit quasi constitutionnel.

L’échec de la mise en place du DMP tient à l’erreur d’avoir voulu en faire, dans le cadre de la réforme de la sécurité sociale, un outil de gestion économique et financière, alors que l’exigence qualitative aurait dû prévaloir.

Il convient par ailleurs de prendre acte des expériences actuellement développées par l’assurance maladie comme le webmédecin ou le dossier pharmaceutique, l’utilisation de plus en plus fréquente de ces outils par les professionnels risquant de marginaliser le DMP.

Au-delà des critiques que contient le rapport de la mission interministérielle, seule la voie de l’expérimentation peut aujourd’hui être empruntée. Toutefois, le groupe SRC a une divergence avec les conclusions de la mission d’information, qui préconisent de mettre en place prioritairement le DMP pour les maladies chroniques et graves. Certes, on dispose de beaucoup de données sur ces populations, mais cela ne concernerait qu’un faible nombre de patients. Or l’intérêt de l’expérimentation est précisément que l’ensemble des citoyens et les professionnels de santé s’approprient le DMP. Mieux vaudrait donc aller vers un dossier qui contiendrait au départ des données simples et incontournables pour une bonne prise en charge de la santé des patients et qui serait complété, voire rendu plus complexe, par la suite.

Enfin, il paraît quand même très surprenant qu’à partir d’un principe simple, on ne parvienne pas à concrétiser le DMP.

Le rapporteur a rappelé que la mission d’information a pris acte du rapport de la mission interministérielle de revue de projet et qu’aucune des quelque soixante-dix personnes qu’elle a invitées n’a remis en cause ce rapport. Dès lors, il a semblé utile de se concentrer moins sur le constat que sur la relance du processus et sur les moyens d’y parvenir.

Le contenu du dossier devra être défini par la HAS, qui sera partie prenante du comité de pilotage. Il lui appartiendra de distinguer l’indispensable et l’accessoire, le nécessaire et l’utile dans les examens radiologiques ou les comptes rendus chirurgicaux. Bien entendu, le patient pourra faire entrer dans le dossier ce qu’il voudra, mais le médecin devra avoir accès informatiquement aux données essentielles.

La demande que des parlementaires siègent au conseil d’administration du nouveau comité de pilotage du GIP-DMP, comme c’est déjà le cas au Haut conseil de l’assurance-maladie ou à la Commission des comptes de la sécurité sociale, a été faite officiellement et elle a été acceptée.

Le rapport de la mission d’information insiste également sur le fait que ce n’est pas l’objectif quantitatif et budgétaire qui doit primer mais bien la qualité, la continuité et la coordination des soins : l’état de santé de l’individu est au cœur du DMP, comme il l’est d’ailleurs dans de nombreux pays et le rapport comporte des éléments de comparaison internationale. On s’aperçoit que l’on rencontre partout les mêmes questions, les mêmes difficultés. Pourtant tout le monde s’inscrit dans cette voie et il n’y a pas de raison que la France se prive du progrès informatique pour le traitement des données de santé.

L’expérimentation est en effet primordiale, mais il a semblé à la majorité de la mission qu’au cours d’une période donnée les professionnels de santé voyaient plus souvent les patients atteints d’une maladie chronique et que le dossier était ainsi amené à être complété fréquemment. Ainsi, le retour d’expérimentation sera plus riche en vue de l’élaboration du prototype.

M. Christian Paul a salué le travail de la mission et de son rapporteur, qui a dû se montrer bien diplomate, tant les récents rapports des inspections générales montrent que ce grand chantier d’informatisation de la société française est un véritable naufrage. Il est regrettable que le secteur de la santé fasse cette douloureuse expérience, d’autant que l’impact annoncé du DMP sur la maîtrise des dépenses de santé était bien une illusion. Le budget comme le calendrier étaient irréalistes : on a voulu faire trop vite avec trop peu de moyens, la comparaison avec l’Allemagne le confirme. En France, on oscille entre le tout étatique centralisé et le tout marché.

Pour se montrer plus efficace par la suite, il faut tirer les leçons de l’épisode précédent. Cela suppose en particulier de mener des expérimentations au niveau régional et de rechercher davantage la participation des médecins, dont un quart seulement dispose d’une informatique à haut débit adaptée. La proposition relative au portage du dossier par le malade est intéressante, notamment pour la gestion des données personnelles. Le Parlement doit être particulièrement vigilant sur ce point, la CNIL ne disposant pas des moyens d’un contrôle efficace.

Le DMP n’est ni un gadget ni un projet technocratique, mais un projet politique, qui relève aussi à ce titre de la responsabilité politique.

Après s’être associé aux félicitations adressées au rapporteur, M. Bernard Debré a regretté que le but initial du DMP ait été de permettre à la sécurité sociale de réaliser quelques milliards d’économies. Sans doute a-t-on davantage de chances de gagner au loto ! Qui plus est, ni la CNIL ni le Comité consultatif national d’éthique n’accepteraient une telle orientation, car le but de ce dossier est en fait de servir le malade.

Manifestement, il y a eu erreur dans l’estimation du temps nécessaire et le rapporteur vient de reconnaître qu’il faudrait au moins six ou sept ans. Sans doute s’est-on aussi montré trop ambitieux. Dans les hôpitaux, il ne se passe pratiquement rien au niveau informatique et on se trouve avec, au sein d’un même établissement, un grand nombre de systèmes différents qui ne sont même pas interconnectés, ce qui oblige à saisir à plusieurs reprises les mêmes informations. Les hôpitaux manquent aussi cruellement de moyens ; leur parc informatique est ancien, il fonctionne mal.

Quand on nourrit une aussi grande ambition nationale, peut-être faut-il commencer par aller voir ce qui se passe sur le terrain. On s’apercevrait, par exemple, que plusieurs centaines de mètres carrés sont utilisées au stockage des radios et des dossiers. Pourquoi n’a-t-on pas encore pensé à informatiser tout cela ? En s’intéressant aux problèmes auxquels sont confrontés chaque jour les médecins généralistes et les hôpitaux, il serait possible d’avoir les idées plus claires sur ce que pourrait être l’informatisation des données médicales

S’agissant enfin de la signification du « P » de DMP, il convient plutôt de parler de dossier médical personnel.

M. Jean-Luc Préel a salué à son tour le travail de la mission et ses quinze propositions intéressantes pour relancer le DMP. Les récentes journées parlementaires sur ce thème ont été riches d’enseignements. Des propositions y ont été formulées et l’on y a recherché le consensus entre les associations de malades, les professionnels de santé et les informaticiens.

Le DMP est un outil nécessaire pour améliorer la qualité des soins et ce but ne doit pas être perdu de vue. Cependant il souffre depuis 2004 d’un péché originel : il a été présenté comme devant être prêt dès 2007 afin de permettre immédiatement 3,5 milliards d’euros d’économies. À cela s’est ajouté un problème de gouvernance du GIP, lequel a connu pas moins de trois directeurs en trois ans, ce qui est une méthode singulière pour parvenir à un résultat !

On est passé désormais à la logique du dossier médical personnel alors qu’il aurait mieux valu s’en tenir au dossier partagé entre les patients et les professionnels de santé, seul moyen d’être efficace. Le problème de l’identifiant n’est pas non plus réglé. La CNIL souhaite qu’il soit totalement sécurisé, ce qui est difficile : si les hackers peuvent entrer dans le système du Pentagone, on voit mal le DMP leur résister.

Un autre problème est celui du masquage des données, plus précisément du masquage du masquage. On a évoqué la loi Kouchner, dans laquelle Mme Génisson a même semblé voir un principe constitutionnel. Ce n’est pas le cas et il suffirait d’une autre loi pour revenir sur ce texte. D’ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a un peu mieux défini le masquage. Il n’est pas bon de faire de la démagogie sur les droits des malades, car les médecins disent tous qu’en cas de masquage du masquage, le DMP n’aura plus aucun intérêt.

L’interopérabilité n’est pas non plus réglée : on voit mal comment s’engager dans cette voie alors que chaque hôpital dispose d’un système informatique différent. Même si l’on y parvenait, il faudrait ensuite organiser l’interopérabilité avec les professionnels de santé.

A contrario du dossier médical, le dossier pharmaceutique a été mis en place de façon pragmatique et prudente. Il a d’abord été expérimenté dans six départements avant de faire récemment l’objet d’une extension ; il faut espérer que la CNIL ne s’opposera pas à sa généralisation.

À l’avenir, il faudra donc mettre en place le DMP le plus rapidement possible, mais sans précipitation, redonner confiance à tous les acteurs, mais aussi prendre en compte le point de vue des utilisateurs dont on comprend mal qu’ils ne soient pas représentés au sein de la task force. Il conviendra également de veiller à ce que les autres professionnels de santé – infirmiers, kinésithérapeutes – aient également accès à certaines données.

Mme Martine Billard s’est réjouie qu’un consensus semble se dégager sur la nécessité que le dossier médical serve d’abord à améliorer la qualité et la continuité des soins.

On a en France la manie de vouloir créer des éléphants informatiques, mais, au bout du compte, on n’est guère efficace : ainsi, aujourd’hui, lorsque l’on se présente dans un hôpital avec le fichier informatique d’un scanner, il n’est souvent pas possible de le lire faute d’ordinateur, de lecteur de CD ou de DVD. Seule la solution de la clé USB semble envisageable. Il était également impossible de tout mettre dès le début dans le DMP, sauf à envisager un temps de saisie considérable et à demander au patient de retourner vers tous les intervenants antérieurs. Il faut donc prévoir au début un dossier comportant les données essentielles, permettant en particulier d’éviter les interactions médicamenteuses et les allergies.

Il est par ailleurs important de tenir compte de l’avis des patients. M. Bardet a souligné que l’accord des médecins est indispensable à la réussite du dispositif, mais on ne saurait oublier que le dossier médical papier a échoué parce que les patients ne s’en munissaient pas au moment de leur visite chez le médecin. Un dossier personnel respectueux de la loi sur les droits des malades aura la confiance des patients. En médecine comme en politique, on ne saurait faire le bonheur des gens contre leur gré : si les personnes refusent de fournir certaines informations, elles devront être averties des risques encourus et elles seront tout simplement responsables en cas d’accident.

S’agissant du dossier pharmaceutique, il est quand même étonnant qu’il n’y ait eu aucun débat public et que les patients ne soient pas au courant de son existence alors que l’on est en train d’informatiser des données qui les concernent, lesquelles seront d’ailleurs par la suite interconnectées avec le DMP.

Enfin, on peut s’interroger sur la place des représentants des usagers de la santé : on ne saurait construire le dossier médical sans qu’ils soient partie prenante de la définition de son contenu et de son utilisation.

Mme Pascale Gruny a jugé urgent de ne plus attendre. Or il est possible de mettre très rapidement en place le DMP. Pour cela, il faut lancer l’expérimentation le plus vite possible, bien définir le cahier des charges afin de fixer des objectifs avant même de voir comment l’informatique peut y répondre.

Il convient par ailleurs de clarifier les responsabilités. Les auditions ont montré que, contrairement à ce qui a été dit, les professionnels de santé sont favorables au DMP et qu’ils sont même en attente de son lancement.

Du point de vue du patient, il peut être préférable que le dossier médical ne comporte pas de masquage, afin qu’en cas d’admission aux urgences le médecin dispose de tous les éléments nécessaires. Au cours des auditions, les associations représentant certains malades ont toutefois souligné que des professionnels de santé refusent de soigner certains patients, ce qui est scandaleux. Dans de tels cas, il faut absolument soit rappeler leurs obligations aux professionnels de santé, soit permettre le masquage.

M. Marc Bernier a souligné que c’est à juste titre que la mission a choisi de ne pas insister une fois de plus sur les raisons de l’échec du DMP, préférant s’intéresser plutôt aux moyens de développer cet outil simple, dans l’intérêt du patient. Si rien n’est fait, on peut être certain que les grands opérateurs privés interrogeront les patients sur leurs antécédents et que les résultats obtenus seront exploités, quelle que soit leur fiabilité.

Il faut aller vers un DMP comportant les données médicales générales sur les antécédents médicaux et sur les allergies, les données de soins, les examens biologiques, le bilan pathologique en cours, les traitements prescrits, les données de prévention comme la vaccination et les facteurs de risque individuels. Tout cela n’est pas très compliqué. À partir de là, on pourra mener des expérimentations orientées. Aujourd’hui, on assiste à la création, au sein des hôpitaux, de pôles regroupant les professions médicales et paramédicales, qui devraient toutes avoir accès au dossier.

Enfin, il est d’autant plus nécessaire d’agir que si l’on ne fait rien, d’autres s’en chargeront.

Le rapporteur a observé que, si certains parlent de naufrage et d’autres de constat sévère, nul ne conteste le rapport de la mission interministérielle.

C’est à juste titre que M. Paul a jugé que le DMP traduit un engagement politique. Il est très important que l’on puisse stocker et sécuriser les informations sur la santé des patients. C’est tout l’intérêt du portail d’accès unique, auquel les patients accéderont par leur identifiant de santé et les praticiens grâce à leur carte de professionnel de santé (CPS), si le patient leur en donne l’autorisation. Quand on sait qu’il existe 10 000 sites consacrés à la santé aux États-Unis contre 1 500 en France, on mesure l’importance de ce marché.

Les représentants des hôpitaux ont fait part de leur sentiment à la mission ; ils semblent moins inquiets que M. Debré. Ils investissent chaque année 1,5 milliard d’euros dans les 3 000 sites hospitaliers de France. Le plan Hôpital 2012 met également l’accent sur l’informatique.

La composition de la task force a été décidée récemment. La mission s’est étonnée qu’elle soit aussi réduite, mais la ministre de la santé a répondu qu’elle avait voulu qu’elle soit conduite par l’IGAS et qu’elle comporte un représentant de la mission pour l’informatisation du système de santé. Par la suite, il faudra créer le comité de pilotage au sein duquel les parlementaires devront être présents.

Manifestement, le débat se poursuit sur le masquage. La loi Kouchner existe et la population souhaite que l’on préserve les droits des malades. Soit on abroge la loi Kouchner, soit on fait avec.

Dans le système prévu, le dossier pharmaceutique ira vers le portail unique. Ensuite, pour avoir accès au DMP, il faudra l’identifiant du patient et le CPS du professionnel en cas d’autorisation du patient, la CNIL exigeant une signature sur place.

En effet, les expérimentations doivent être conduites dans un cadre régional. Les caisses d’assurance maladie pourront y aider car elles disposent d’un système informatique développé. Le directeur de la CNAM a donné un avis favorable et les services informatiques de la sécurité sociale sont partie prenante de la task force.

On le voit, les choses progressent, le processus sera long, mais on ne peut pas laisser totalement ouvert le marché de l’informatique médicale.

La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXE N° 1

COMPOSITION DE LA MISSION

 

Groupe politique

M. Jean-Pierre Door, président-rapporteur

UMP

M. Jean Bardet

UMP

M. Marc Bernier

UMP

Mme Jacqueline Fraysse

GDR

Mme Catherine Génisson

SRC

Mme Pascale Gruny

UMP

M. Michel Heinrich

UMP

M. Olivier Jardé

NC

M. Jean-Marie Le Guen

SRC

Mme Catherine Lemorton

SRC

M. Pierre Morange

UMP

ANNEXE N° 2

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Groupement d’intérêt public – dossier médical personnel (GIP-DMP) – M. Dominique Coudreau, président, M Jacques Sauret, directeur général et Mme Marie-Laure Micoud, directeur général adjoint

Ø Commission nationale de l’Informatique et des libertés (CNIL) –M. Jean-Pierre de Longevialle, commissaire en charge du secteur santé et Mme Jeanne Bossi, directeur adjoint, direction des relations avec les usagers et du contrôle

Ø Mission pour l’informatisation des systèmes de santé (MISS) – M. André Loth, chef de la mission, accompagné de M. Philippe Cirre, chargé de mission

Ø Sous-direction de la gestion et des systèmes d’information de la sécurité sociale – direction de la sécurité sociale (DSS), ministère de la santé, de la jeunesse et des sports – M. François Godineau, sous-directeur

Ø Caisse des dépôts et consignations – M. Jean Sebeyran, secrétaire général

Ø Haute autorité de santé (HAS) – Professeur Laurent Degos, président, M. François Romaneix, directeur, M. Etienne Caniard, président de la commission « qualité de l’information médicale » et M. Hervé Nabarette, chargé de mission

Ø Institut national du cancer (INCA) – M. Alain Livartowski, cancérologue, chef du service de l’information médicale de l’Institut Curie, chargé par l’INCA d’un groupe de mise en œuvre du dossier communicant de cancérologie (DCC) et responsable d’un groupe d’expérimentation du DMP

Ø M. Alexandre Moatti, spécialiste des nouvelles technologies, membre du cabinet de M. Douste-Blazy, chargé du DMP en 2004-2005

Ø Inspection générale des finances (IGF) – M. Yann Boaretto et M. Philippe Dumas, inspecteurs généraux des finances

Ø Inspection générale des affaires sociales (IGAS) – M. Michel Gagneux et Mme Pascale Romenteau, inspecteurs généraux des affaires sociales

Ø Conseil général des technologies de l’information (CGTI) – M. François Cholley, ingénieur général des télécommunications

Ø Ministère de l’enseignement et de la recherche – M. Pierre Louis Fagniez, ancien député, conseiller auprès de la ministre, Mme Valérie Pécresse

Ø Conseil national de l’ordre des médecins – M. Jacques Lucas, vice-président chargé de la télématique de santé

Ø M. Daniel Lenoir, membre du CA du GIP-DMP, directeur de la Mutualité française

Ø Table ronde des syndicats de médecins :

– Drs Gérald Galliot et Jean-François Thebaut, Confédération des syndicats médicaux français (CSMF)

– Dr Roger Rua, Syndicat des médecins libéraux (SML)

– Dr David Tarac, Alliance intersyndicale des médecins indépendants de France

– Dr Jean-Paul Hamon et Dr Rigal, Fédération des médecins de France (FMF)

Ø Conseil national de l’Ordre des pharmaciens – M. Jean Parrot, président et Mme Isabelle Adenot, membres du comité d’orientation du GIP DMP

Ø Secrétariat général du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports – Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy, Secrétaire générale

Ø Direction générale de la santé (DGS) du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports – M. Martial Mettendorff

Ø Direction de la sécurité sociale (DSS) du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports – M. Dominique Libault, directeur et Mme Annelore Coury, adjointe au sous-directeur de la gestion et des systèmes d’information

Ø Table ronde consortiums des expérimentations et représentants du GETICS (Groupement des entreprises de technologies de l’information et de la communication de santé) :

– M. Yves Augereau, Siemens

– M. Jean-Bernard Schroeder directeur réglementation des marchés Snitem

– M. Jean-Yves Robin, directeur de Santéos

– Mme Corinne Jacquemin, Thales

Ø Société Oracle – M. Jean-François Penciolelli, directeur développement du marché santé-social et Mme Isabelle Rich

Ø M. Jean de Kervasdoué, Professeur titulaire de la chaire d'économie et de gestion des services de santé au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM)

Ø M. Claude Le Pen, Professeur d’économie de santé à l’Université de Paris IX, Membre du laboratoire de l’économie et de gestion des organisations de santé (LEGOS)

Ø Collectif inter associatif sur la santé (CISS) – M. Christian Saout, président, Mme Danièle Desclerc-Dulac, Vice-présidente, M. Marc Morel, directeur et Mme Nathalie Tellier, chargée de mission « assurance maladie » à l’UNAF

Ø M. Alain Coulomb, administrateur du GIP-DMP, président du comité d’évaluation de la tarification à l’activité, ancien président de la Haute autorité de santé

Ø Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – M. Frédéric van Roekeghem, directeur général et Mme  Sophie Thuot-Tavernier chargée des relations avec le parlement

Ø Dr Claude Bronner, président d’Espace généraliste et Dr. Claude Leicher, vice-président de MG France accompagné du Dr Gilles Urbejtel, chargé de mission DMP

Ø Conférence des directeurs d’hôpitaux – Dr Angel Piquemal, président

Ø Réseau Morphée – Dr Sylvie Royant-Parola, présidente

Ø Table ronde des fédérations hospitalières et de la coordination médicale hospitalière :

– Fédération hospitalière de France (FHF), M. Pierre Lesteven

– Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), M. Philippe Burnel, délégué général et M. Philippe Cruette, chargé du dossier DMP

– Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privée (FEHAP), M. Jean-Pierre Sobczak, directeur des services informatiques à l’AHNAC

– Coordination médicale hospitalière, Professeur Claude Gibert

Ø Groupement d’intérêt public – dossier médical personnel (GIP-DMP) – M. Dominique Coudreau, président, M Jacques Sauret, directeur général et Mme Marie-Laure Micoud, directeur général adjoint

Ø GIE Sésam-Vitale – M. Jacques de Varax, directeur général

Ø M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité accompagné de MM. Eric Rance, Michel Bettan et Hervé Drouet, conseillers et de Mme Sophie Gauguin, attachée parlementaire

Ø Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports – Mme Annie Podeur, directrice

Ø M. Philippe Douste-Blazy, conseiller, chargé de mission auprès du président de la république

Ø Lifebadge France – M. Michel Becquevort, directeur et Dr Simon Thabaut

Ø CIRA - Infocament – M. Sylvain Hochberg, directeur et M. Jean-Pierre Coustenoble

Ø Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports

ANNEXE N° 3

Notes communiquées par les ambassades de France à l’étranger,
en réponse au questionnaire de la mission

* *

*

Réponse de l’Ambassade de France à La Haye

Question 1 – Le périmètre des dossiers médicaux électroniques existants :

Les Pays-Bas n’ont pas mis en œuvre, à ce stade, de système concernant les dossiers médicaux électroniques partagés au niveau national. Toutefois, depuis le début de l’année 2006, un dispositif est à l’essai dans 12 régions pilotes : 6 d’entres-elles expérimentent le fichier EMD et les 6 restantes testent le fichier WDH.

Le fichier EMD (Elektronisch medicatiedossier) concerne l’ensemble des professionnels de la santé qui ont souscrit à ce système de partage des données. A ce stade de l’essai, ce fichier contient uniquement les données relatives au traitement médicamenteux des patients. A terme, il est prévu que celui-ci regroupe d’autres données comme le commentaire des prescriptions médicales, les données sur les allergies des patients, etc…

Pour le fichier WDH (Elektronisch waarneemdossier huitsartsen), celui-ci n’est consultable que par l’ensemble des médecins généralistes des régions concernées et leurs remplaçants. Ce fichier contient l’historique des maladies contractées par le patient, ainsi que le diagnostic du médecin généraliste.

Le public visé est celui des 12 régions pilotes, sans disctinction d’âge ou de maladie. Il faut néanmoins que le patient se rende chez un médecin agréé et relayé informatiquement au serveur central (LSP).

Question 2 - Les autorités à l’origine de ces dossiers électroniques 

Le ministère de la Santé, du Bien-être et des Sports, est à l’origine de l’initiative et pilote l’application de ce programme. Le ministère travaille en étroite collaboration avec le NICTIZ (Institut National des technologies de la communication et de l’informatique dans le domaine de la santé), puis le CIBG ( Point d’information central des métiers de la santé), qui ont un rôle de partenaire.

Question 3 - Les droits des patients 

 Les patients peuvent-ils consulter leur dossier électronique ? Oui

Directement ? Oui

Par l’intermédiaire d’un médecin ? Oui

– Les patients peuvent-ils refuser qu’une information soit inscrite dans leur dossier médical électronique (des maladies ou des actes de soins particuliers) ? Oui. Dans ce cas précis, le patient peut faire part au médecin de son désaccord. Le médecin doit alors prévenir le patient des risques que cela peut entraîner sur sa santé et peut lui demander de signer un formulaire actant la non-inscription de ces données dans le fichier électronique. Il s’agit d’un dispostif équilibré, entre respect du secret médical pour le patient et protection juridique pour le praticien.

– Les patients peuvent-ils faire effacer certaines informations contenues dans leur dossier médical ? Oui

Si Oui, à quelles conditions ? A l’aide de son identifiant, le patient pourra accéder à son dossier par internet, de chez lui ou depuis la salle d’attente du médecin, pour effacer certaines données.

– Les patients peuvent-ils masquer eux-mêmes (pour une durée donnée) certaines informations contenues dans leur dossier ? Oui, cette fonctionnalité sera possible à terme.

– Les patients peuvent-ils déterminer les professionnels de santé qu’ils autorisent à consulter leur dossier électronique ? Oui

Question 4 - Dispositif technique servant de support au dossier médical électronique :

Le dispositif technique est un système internet sécurisé, accessible depuis le domicile du patient ou la salle d’attente d’un cabinet de médecin/spécialiste, permettant d’accéder aux ressources autorisées de systèmes d’information déployés par certains organismes (institutions de protection sociale ou établissement médical). Mais les compagnies d’assurance n’ont et n’auront pas le droit de consulter les dossiers médicaux des patients.

Principe d’identification des usagers :

Il s’agit d’un « numéro de service citoyen » (BSN= burgerservice nummer) attribué à la naissance, contenu dans la puce électronique de la carte d’identité nationale, et qui remplace le numéro d’assuré social. Ce numéro permettra l’identification du patient. Une fois identifié, le patient pourra sélectionner le professionnel de santé ou l’institution de son choix qui pourra se connecter à son dossier.

Les médecins disposent d’un pass-UZI leur permettant de s’identifier et d’accéder au dossier du patient. Pour des raisons de sécurité, leur identification se fait en quatre étapes : identification, authentification, autorisation, connexion. Pour cela, les médecins doivent raccorder leur système électronique à un serveur central (LSP).

Question 5 - Le dossier électronique a-t-il comme support juridique :

– les dispositions normalement applicables à tout dossier médical, qu’il soit sur support papier ou électronique ? Oui. Le secret médical est toujours de rigueur.

– des dispositions relatives aux fichiers informatiques, quelle que soit la nature des données ? Non

– des dispositions relatives aux données de santé stockées sur support informatique ? Non

– des dispositions réglementaires ou législatives particulières au dossier médical électronique partagé ? Oui. Une loi particulière au dossier médical électronique partagé est en cours de préparation. Elle viendra compléter la loi sur le BSN qui est déjà votée par le Parlement, mais qui n’est pas encore entrée en vigueur dans le domaine de la santé. Pour la période d’essai actuelle, le Collège de protection des données personnelles (CBP) a désigné le NICTIZ comme responsable de la protection et de la confidentialité des données.

Question 6 – Quelle est la participation des entreprises privées dans la mise en œuvre du dossier médical électronique partagé ?

– des entreprises privées assurent en totalité la conception, la réalisation et la gestion du dossier électronique. Non

– des autorités publiques ont défini l’architecture technique et des entreprises privées assurent le développement informatique et la gestion du dossier électronique sur la base d’un cahier des charges. Non

– des structures publiques ont assuré le développement informatique du projet et des entreprises privées assurent la gestion courante du dossier électronique (hébergement de données). Oui. Le NICTIZ (structure publique) est chargé du développement informatique des dossiers, mais ce sont des fournisseurs privés en TIC qui s’occupent de l’hébergement des données. Ses fournisseurs doivent souscrire aux critères de confidentialité des données, exigés par le NICTIZ.

– la réalisation du projet et la gestion courante des dossiers ont été confiées entièrement à des structures publiques. Non

Question 7 – Quelles mesures ont-elles été prises pour inciter les professionnels de santé à utiliser les dossiers électroniques partagés ?

– Les médecins (ou les professionnels de santé) ont-ils bénéficié de formations gratuites à l’utilisation des dossiers partagés ? Oui. Des ateliers de travail sont organisés pour la formation des professionnels. Mais chaque région pilote, chaque groupe de professionnels a la liberté de choisir une formule adaptée pour la formation.

– Les médecins (ou les professionnels de santé) ont-ils bénéficié d’une somme d’argent pour acheter des équipements informatiques compatibles. Oui, le gouvernement prend en charge les dépenses d’équipement pendant la durée de la période d’essai.

Pour quel montant ? non communiqué

– Les médecins sont payés lorsqu’ils utilisent les dossiers électroniques (par exemple forfait à l’année). Non

– Des actions d’accompagnement particulières ont-elles été engagés pour utiliser les dossiers électroniques partagés ? Non. Des manuels (existant aussi en format pdf) guident les utilisateurs étape par étape pour une meilleure compréhension du système et pour la mise en application. Des sites internet donnent des informations mises à jour régulièrement, et un bureau d’aide est joignable à tout moment.

Question 8 - La forme du dossier électronique :

– Le dossier est un ensemble de documents non normalisés. Des fichiers sont déposés par les professionnels de santé dans la forme qu’ils souhaitent et selon la norme (jpeg, pdf, HL7) qu’ils préfèrent. Non

– Le dossier est un ensemble d’informations structurées (standardisées ou codées), acceptant malgré tout des documents non normalisés (s’ils sont renseignés dans une notice spéficique). Oui. L’échange des données au sein du système se fait par l’intermédiaire d’un message format HL7 version 3, norme déjà utilisée dans une quarantaine de pays. Quant au dossier en tant que tel, il doit préférablement contenir des informations structurées pour faciliter la compréhension entre les professionnels de la santé (une liste de codes est progressivement développée).

– Le dossier n’accepte que des informations codées ou standardisées. Non

Question 9 - Quels sont les coûts de mise en œuvre du dossier électronique ?

• Les coûts d’investissement (préciser le périmètre pris en compte) :

– coûts global et par dossier ouvert : pour le coût global, le NICTIZ perçoit une subvention du ministère de la Santé d’un montant de 10 millions d’euros par an. Le coût par dossier est une information difficile à communiquer à ce stade de l’essai puisqu’il s’agit d’un support virtuel, matériellement difficile à quantifier.

– coûts de développement informatique, coûts d’infrastructure et coûts annexes (formation, équipements informatiques des correspondants). Tous les coûts sont encore en discussion, rien n’est encore établi.

• Les coûts de fonctionnement

– coûts de gestion facturés par les entreprises extérieures : non communiqués
– coûts d’assistance aux utilisateurs :
non communiqués
– autres coûts de fonctionnement
 : les spécialistes ne peuvent pas encore dire s’il y aura un coût de fonctionnement pour les praticiens et qui le prendra en charge s’il y en a un.

Question 10 - Quel jugement peut-on porter sur les dossiers électroniques mis en œuvre 

– du point de vue de la contribution à la coordination des soins : l’expérience débute à peine, mais, à ce stade, tous les utilisateurs s’accordent à dire qu’elle facilite la transmission des données et évite des erreurs. A titre d’exemple, en l’espace d’une année, 90 000 admissions à l’hôpital, liées à des erreurs médicales devraient pouvoir être évitées une fois ce système étendu au niveau national et utilisé par l’ensemble des professions médicales.

– du point de vue des utilisateurs : les utilisateurs professionnels approuvent la nécesité de consulter électroniquement les données des patients. Cependant ils jugent le système encore complexe : le pass-UZI freine la manière de travailler, puisqu’ils perdent un temps précieux à s’identifier, à se connecter, à se déconnecter plusieurs fois par jour. De plus ils doivent penser à avoir leur pass-UZI sur eux en permanence en cas de déplacement à domicile. Quant aux patients, ils sont globalement enthousiastes puisqu’il s’agit d’améliorer le service qu’il leur est donné. Ils font majoritairement confiance à leur médecin pour la sécurisation des données.

– par rapport aux objectifs quantitatifs initiaux (pourcentage de patients adhérents parmi la cible, pourcentage de professionnels de santé utilisateurs,…). (cf. ci-dessous)

– par rapport aux autres finalités assignées au dossier électronique :

Dans le dernier bulletin mensuel de décembre publié par le ministère de la Santé, 66% des spécialistes pensent que le but de ces fichiers électroniques n’est pas atteint, ou ne se prononcent pas à ce sujet. Ce pourcentage passe à 52% pour les médecins généralistes et à 50% pour les pharmaciens.

Ces professionnels de la santé estiment qu’il y a encore de nombreux problèmes pratiques à régler en ce qui concerne l’automatisation, le manque de données sur les fichiers consultables, et le peu de praticiens qui utilisent ce système au niveau des régions pilotes.

Réponse de l’Ambassade de France à Londres

A titre liminaire, il faut rappeler que le projet anglais ne se limite pas au seul DMP. Il intègre des fonctionnalités nombreuses et cohérentes entre elles :

a- NHS Care Record Service (CRS). Le CRS est le dossier médical informatisé de chacune des 60 millions de personnes résidant sur le territoire anglais. Il est similaire dans son concept au dossier médical partagé français. Au terme du projet, toutes les données médicales seront consignées dans le dossier informatisé, sans aucun recours au papier, et seront facilement accessibles à la fois au patient et aux professionnels de santé.

Les informations techniques (imagerie médicale, etc…) resteront stockées localement dans des banques de données numériques (par exemple à l’hôpital où les soins ont eu lieu). Les informations essentielles sur les soins apportées au patient seront par contre remontées au niveau national au sein d’un gigantesque système informatique appelé « Spine » (la colonne vertébrale). Spine contiendra les données nominatives du patient (nom, adresse, date de naissance, numéro de sécurité sociale) et les informations médicales pertinentes (maladies chroniques comme le diabète, réactions adverses à certains médicaments, allergies, etc…) permettant notamment aux services d’urgence de prendre connaissance, en cas de besoin, de ses données sanitaires.

Le dossier sera alimenté par les ajouts en provenance de tous les intervenants du système de santé (depuis le médecin généraliste jusqu’au radiologue en passant par l’infirmière ou le psychiatre), qui sélectionneront les informations synthétiques devant remonter au niveau de Spine. Spine jouera le rôle d'interface pour permettre en sens inverse d’accéder aux informations techniques (imagerie médicale, analyses détaillées, etc.) stockées dans les bases de données locales.

b- Electronic Transmission of Prescriptions (ETP). Si le généraliste prescrit des médicaments, cette prescription sera numériquement adressée à la pharmacie auprès de laquelle le patient est enregistré, en même temps qu’elle sera stockée dans le dossier médical informatisé. Le patient n’aura plus qu’à aller chercher ses médicaments à la pharmacie sans débourser d’autre somme que le forfait qui grève chaque boîte en Grande Bretagne. Le professionnel adressera quant à lui à un service central une demande numérique de remboursement, qui lui sera acquittée par virement électronique. Dans l’hypothèse où le patient n’est pas enregistré dans une pharmacie ou est en voyage, la prescription sera délivrée par le biais d’un code barre imprimé ayant les mêmes fonctions que l’envoi numérique.

c- Picture Archiving and Communications Systems (PACS). Le NHS va, à terme, totalement basculer dans un système d’imagerie médicale numérique. Les radios ne seront plus matérialisées sous forme de films, mais demeureront sous forme numérique, permettant la vision d’images en mouvement, de visionner successivement les différentes couches organiques (peau, muscles et organes, os), d’agrandir l’image à la demande. Ces images numériques pourront être visionnées sur ordinateur dans chacune des salles de l’hôpital dans lequel elles sont stockées. Le nouveau système surpuissant de transmission électronique du NHS permettra au généraliste, par l’intermédiaire de Spine, de les visionner sur son ordinateur, à son cabinet, moins de 30 secondes après en avoir fait la demande.

d- Choose and Book. Ce service de réservation permettra à un généraliste ou à un autre intervenant de la chaîne des soins primaires de réserver immédiatement par internet, en compagnie du patient, un rendez vous à l’hôpital, à la date et à l’heure de son choix, en fonction des plages disponibles. Le patient pourra choisir l’hôpital dans lequel il veut se faire opérer, et donc utiliser pleinement l'information publique (évaluation et classement nationaux) dont il dispose en termes de performance de chaque établissement pour chaque spécialité. A terme, plus aucune prise de rendez vous ne sera acceptée autrement que par le biais de ce système.

e- Quality Management and Analysis System (QMAS) : Cette fonctionnalité, qui est déjà en service par le biais d'un site internet dédié, permet de répertorier très exactement le travail des médecins généralistes, ce qui permet de les rémunérer en fonction de celui-ci. Une partie substantielle de la rémunération des généralistes (environ 30%) dépend en effet, depuis 2004, de la qualité des soins et du suivi qu'ils apportent aux patients. Le QMAS est donc fondamental pour assurer la soutenabilité financière future du système de santé britannique, et permet de connaître très exactement la rémunération de chaque praticien, ce qui objective les débats classiques sur les honoraires grâce à des éléments financiers objectifs. Le généraliste est ainsi mieux à même de faire pratiquer les examens et vérifications routiniers que la situation particulière du patient nécessite. Grâce au suivi plus régulier et objectif des patients en fonction des normes médicales qui inspirent le nouveau système de rémunération, des hospitalisations ou des soins plus lourds peuvent de fait être évités, générant des économies sur le plan hospitalier.

f- Healthspace. Il s'agit de l'interface internet destiné à donner au patient la maîtrise de son dossier médical numérique. Pour le moment, il permet seulement au patient de stocker pour son propre usage ses données médicales essentielles (taille, poids, groupe sanguin, allergies…) et de recevoir des courriers électroniques de rappel de ses rendez vous médicaux. A terme, il sera connecté au dossier médical personnel, et permettra au patient de le consulter en toute sécurité, ainsi que de choisir lui-même les informations médicales personnelles qu'il souhaite porter à la connaissance des professionnels de santé ou de compléter ces informations. Il sera également relié à la fonctionnalité "Choose and book".

g- Contact : le NHS met en place un nouveau système de messagerie électronique universelle et sécurisée accessible à partir du site internet du NHS. Ce système crypte les envois, ce qui permet de transmettre des données médicales dans les meilleures conditions de confidentialité. Le système est accessible de tout lieu, et permet l'envoi de messages électroniques à l'extérieur du NHS. L'ensemble des personnels du NHS aura à terme une adresse électronique au sein de ce système, qui, au-delà de la simple réception-transmission d'information, jouera le rôle d'annuaire, avec le numéro de téléphone, la fonction, le lieu de travail, de chacun des agents.

h- Secondary Uses Service (SUS). Il s’agit d’une fonctionnalité localisée dans Spine permettant notamment d’utiliser à des fins épidémiologiques et de gestion du risque les données médicales personnelles anonymisées contenues dans les dossiers électroniques stockés dans le CRS. Les données exhaustives qu'il répertoriera constitueront donc un instrument extraordinaire de planification hospitalière et, plus globalement, de l'offre de soins.

On conçoit donc bien le gigantisme de ce chantier, qui est le plus important programme d'informatique civil actuellement développé au plan mondial.

* *

*

Question 1 – Le périmètre des dossiers médicaux électroniques existants

– Quels sont les professionnels de santé concernés ?

Le projet Connecting for Health concerne tout le territoire anglais, artificiellement divisé en cinq grandes régions pour la conduite de ce projet. Il vise à relier entre eux tous les intervenants du système de santé, toutes professions confondues, sur une base nationale.

– Quel est le public visé ?

L’ensemble des résidents sur le territoire anglais.

Question 2 - Les autorités qui ont décidé de créer ces dossiers électroniques partagés sont-elles :

Le National Health Service (NHS) est le système national de santé anglais. Le NHS n'a pas de personnalité morale autonome (c'est par contre le cas des organisations qui le composent). Il s'agit d'un label qui recouvre l'ensemble des organisations chargées du pilotage (agences nationales et locales, par exemple) et de la délivrance des soins (cabinets de médecine générale, hôpitaux, etc.). Même si les organisations individuelles qui composent le NHS recrutent et payent elles-mêmes leur personnel, le cadre d'emploi est national.

La totalité de ces organisations sont soumis à la tutelle du ministère de la santé, dont les démembrements locaux (Strategic Health Authorities, Primary Care Trusts) opèrent eux-mêmes le label "NHS". Le ministère de la santé et le NHS sont donc une seule et même chose : l'Etat anglais.

Question 3 - Les droits des patients 

– Les patients peuvent-ils consulter leur dossier électronique ? Oui.

– Les patients peuvent-ils faire effacer certaines informations contenues dans leur dossier médical ? Oui.

– Les patients peuvent-ils masquer eux-mêmes (pour une durée donnée) certaines informations contenues dans leur dossier ? Oui.

Il est prévu que les patients puissent consulter directement leur dossier par le biais d'internet (interface "Healthspace").

– Les patients peuvent-ils refuser qu’une information soit inscrite dans leur dossier médical électronique (des maladies ou des actes de soins particuliers) ? Oui.

L'option retenue initialement était que le dossier synthétique inclurait les principaux diagnostics, les opérations, les tests récents, les médicaments utilisés et les allergies. Les archives électroniques ne garderaient pas la trace d'éléments concernant la santé mentale, les maladies sexuellement transmissibles et de quelques autres informations potentiellement stigmatisantes.

Il était également envisagé que les données médicales du patient soient ajoutées automatiquement aux archives, le patient conservant un droit de regard et de retrait ("opt out") d'informations contenues dans son dossier.

A l'occasion d'une expérimentation prévue pour le début de l'année 2007 (le dossier numérique devant être déployé au niveau national en 2008), il a été décidé que le chargement initial des dossiers à partir des archives existant dans les systèmes informatiques précédents, outre les données d'identification (nom, alias, adresse, numéros de téléphone) concernerait les prescriptions, allergies et contre-indications, mais que le consentement préalable du patient ne serait pas requis.

Le patient conserverait en revanche le droit de "cacher" les informations aux personnes accédant au dossier grâce à un bandeau de masquage informatique, selon un système dit "d'enveloppe scellée". Ce bandeau informatique pourrait cependant être levé en cas d'urgence médicale, ou tout simplement "dans l'intérêt public".

– Les patients peuvent-ils déterminer les professionnels de santé qu’ils autorisent à consulter leur dossier électronique ?

Non, le principe du dossier étant de pouvoir être consulté par tout professionnel de santé "y ayant intérêt", notamment en cas d'urgence.

Question 4 - Dispositif technique servant de support au dossier médical électronique :

– Un dispositif confié au patient (une carte électronique à mémoire ou une clé mémoire USB) ? Non.

– un système externe accessible par internet (portail internet et hébergement des dossiers patient sur un site internet sécurisé) ? Oui.

– le système d’information interne d’une institution (organisme de protection sociale ou établissement médical) accessible depuis l’extérieur par des correspondants utilisateurs (ouverture en extranet du système informatique d’une institution) ? Oui.

Le DMP anglais est mixte, puisque le stockage des données est effectué dans des bases de données à la fois nationales (NHS Care Record Service) et locales (notamment l'imagerie médicale, qui est stockée dans des centres régionaux dont la capacité se chiffre en térabits). Il faut rappeler que le projet ne se limite pas au seul DMP, mais est de beaucoup plus vaste ampleur :

Question 5 - Le dossier électronique a-t-il comme support juridique :

Le programme national d'informatisation du système de santé anglais opère dans un environnement juridique et culturel très différent de celui de la France. La question posée n'a donc aucun sens de ce côté-ci de la Manche, dans la mesure où aucune loi ou instrument réglementaire n'a fixé les paramètres de ce projet, même si le Parlement a eu l'occasion d'en débattre à maintes reprises et d'être informé de son déroulement.

En ce qui concerne la question de la sécurité des données, la question légale, pour les Anglais, ne se pose pas : seuls les personnels du NHS peuvent avoir accès aux données. Ils obtiennent cet accès par l'intermédiaire des terminaux installés sur leur lieu de travail. Mais pour ce faire, ils doivent utiliser une carte à puce personnelle protégée par un mot de passe. Pour les anglais, ceci suffit à garantir que seules les personnes habilitées auront accès aux données personnelles des patients.

Par ailleurs, un "code de pratique" élaboré par un comité de sages s'impose à tout agent du NHS en matière de confidentialité des données personnelles des patients.

Ce code possède une force obligatoire (ce type de code s'insère dans les contrats de travail des agents du NHS, il fait donc partie de leurs obligations), et régit les cas et conditions de l'utilisation des données. En particulier, tout agent ayant eu accès aux données personnelles d'un patient doit pouvoir justifier qu'il avait un intérêt pour ce faire.

En cas de non-respect des dispositions de ce code, des sanctions disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement peuvent être prises. Il n'est toutefois prévu, à notre connaissance, aucune peine d'amende ou d'emprisonnement particulière.

Le code, qui comporte une cinquantaine de pages, peut utilement être consulté en ligne 93

Question 6 – Quelle est la participation des entreprises privées dans la mise en œuvre du dossier médical électronique partagé ?

– des autorités publiques ont défini l’architecture technique et des entreprises privées assurent le développement informatique et la gestion du dossier électronique sur la base d’un cahier des charges. Oui.

A noter que le pilotage stratégique du chantier (établissement de cahiers des charges, passation des marchés, adaptation des stipulations initiales, dialogue avec les cocontractant, application des pénalités en cas de retard, etc…) est confiée à une agence ad hoc du ministère de la santé, la Connecting for Health Agency.

Question 7 – Quelles mesures ont-elles été prises pour inciter les professionnels de santé à utiliser les dossiers électroniques partagés ?

– Les médecins (ou les professionnels de santé) ont-ils bénéficié de formations gratuites à l’utilisation des dossiers partagés ? Oui.

– Les médecins (ou les professionnels de santé) ont-ils bénéficié d’une somme d’argent pour acheter des équipements informatiques compatibles ?

L'équipement informatique en hard et en soft des cabinets est totalement pris en charge par le NHS. Les médecins conservent le choix de leur matériel hard et de quelques softs, sous réserve que ceux-ci correspondent aux stipulations du NHS.

– Les médecins sont-ils payés lorsqu’ils utilisent les dossiers électroniques (par exemple forfait à l’année) ?

Tout l'intérêt du projet anglais est de relier l'intérêt financier des professionnels à l'entrée des données issues de leur pratique dans le dossier médical des patients. Le Quality Management and Analysis System (QMAS) est en effet un système de mesure des actes réalisés par les médecins généralistes, que ceux-ci ont tout intérêt à entrer correctement parce qu'une part significative en dépend depuis 2004 (année d'entrée en vigueur de la nouvelle convention médicale de 2003) par le biais du nouveau système de rémunération à la performance, le Quality Outcome Framework (QOF).

Sans trop entrer dans le détail de ce système complexe ni exposer ses divers mécanismes transitoires, il faut retenir que le QOF est un système par points fondé sur l'atteinte d'objectifs prédéterminés. Ces points ouvrent droit à une rémunération additionnelle à l'allocation budgétaire unique. Il existe à cette fin un barème de points correspondant à l'atteinte des objectifs maximaux dans chaque "champ", exposés dans le tableau ci-dessous (chaque point étant doté d'une valeur monétaire unique94) :

Barème 2005/2005

Clinical indicators

 

CHD including LVD etc

121

Stroke or transient ischaemic attack

31

Cancer

12

Hypothyroidism

8

Diabetes

99

Hypertension

105

Mental health

41

Asthma

72

COPD

45

Epilepsy

16

Clinical maximum

550

Organisational indicators

 

Records and information

85

Patient communication

8

Education and training

29

Practice management

20

Medicines management

42

Organisational indicators maximum

184

Additional services

 

Cervical screening

22

Child health surveillance

6

Maternity services

6

Contraceptive services

2

Additional services maximum

36

Patient experience

 

Patient survey

70

Consultation length

30

Patient experience maximum

100

Holistic care payments95

100

Quality practice payments

30

Total for clinical, organisational, additional, patient experience, holistic care and quality service

1,000

Le déclenchement de cette rémunération supplémentaire suit le schéma suivant :

- en début d'année, en concertation avec le PCT, chaque cabinet se fixe une série d'objectifs quantifiés qu'il espère atteindre en matière de qualité des soins. Un "paiement d'objectifs" lui est alors affecté mensuellement, sur la base de 30% du total des points que le cabinet obtiendra s'il atteint tous ses objectifs.

- En fin d'année, s'il a atteint ses objectifs, le PCT débloque un "paiement de résultats", qui correspond au solde de points afférents aux objectifs prévisionnels, ce qui se traduit donc par une prime en fin d'année. S'il n'a pas atteint ses objectifs, le PCT ne lui verse que le solde correspondant aux objectifs atteints. Mais si le cabinet a atteint moins de 30% de son objectif, le PCT récupèrera les sommes indûment versées au titre "paiement d'objectifs" initial sur les paiements d'objectifs de l'année suivante.

Le niveau d'atteinte des objectifs cliniques est exprimé en pourcentage ; le niveau de réussite dans les domaines organisationnel, des services additionnels et de la prise en compte des patients est à lui fondé sur une logique binaire oui / non. Le nombre de points prévu pour chaque indicateur est attribué en totalité en cas de réussite. Les totaux des points acquis pour chaque domaine sont ensuite additionnés entre eux pour donner le score total.

Avant la convention médicale de 2003, moins de 4% de la dépense britannique en rémunération des généralistes étaient explicitement dérivés d'indicateurs de productivité et de qualité des soins. Le QOF fait passer à 30% la part de rémunération fondée sur ces critères, dans le but affiché de faire des économies sur les soins hospitaliers en rationalisant le suivi des patients par leur médecin généraliste.

Par exemple, si l'on considère des pathologies chroniques comme le diabète ou les maladies coronariennes, il est prouvé que la prévention et un suivi régulier sont des armes valables pour éviter l'hospitalisation, fréquente pour ce type de patients.

Le QOF incite le médecin à pratiquer sur ces patients un certain nombre d'actes, comme vérifier périodiquement la tension des patients affectés, et à leur prodiguer à chaque visite, désormais planifiée, les conseils nécessaires sur leur alimentation et leur style de vie. Grâce à ce suivi constant, il est possible de diminuer très sensiblement le nombre d'admission en milieu hospitalier de ces patients.

L'autre avantage – immédiatement perceptible, quant à lui - est que les médecins doivent entrer l'ensemble des actes qu'ils pratiquent dans un système informatique ad hoc pour obtenir leurs points. Ceci permet deux choses fondamentales, dont l'intérêt ne peut échapper :

- de contrôler leur activité réelle, et donc de ne plus être aveugle dans les négociations conventionnelles ;

- de constituer une carte épidémiologique extrêmement détaillée par la remontée et le stockage de ces opérations saisies dans un système informatique central ; donc d'être en mesure d'ajuster l'offre de soins aux besoins constatés localement ; donc, à terme, de réaliser des économies considérables.

Le QOF était conçu comme optionnel (les cabinets pouvaient choisir de ne pas y adhérer). Mais de facto, du fait de son intérêt financier (30 % "en plus" de la dotation globale à la capitation), 98 % des CMG ont adhéré au dispositif.

Le ministère de la santé anticipait que les CMG obtiendraient en moyenne 71 % du maximum de points, mais le "taux de réussite" a finalement été de 91 %. Ceci démontre que des marges de productivité importantes existaient dans le système de médecine de ville britannique. Le revers de la médaille de ce "succès" est que le coût du dispositif a excédé le budget prévisionnel d'environ 450M€ sur l'exercice d'entrée en vigueur (2005/2006).

La générosité de court terme était cependant le prix à payer pour que les médecins adhèrent à ce dispositif, dont le caractère souple et ajustable (nombre de points pour chaque indicateur, valeur de service du point, rebasage des points en fonction d'un nombre d'indicateurs plus étendus, introduction d'un mécanisme de sanctions financières en cas d'échec dans l'atteinte des objectifs, etc.) permettra à l'avenir de récupérer assez facilement ces coûts s'il est opportunément exploité.

On doit d'ailleurs noter que ses paramètres pratiques en font un instrument qui n'affecte pas réellement la prévisibilité de l'exécution budgétaire, dans la mesure où la rémunération qu'il induit n'est pas véritablement variable.

Il permet en fait tout simplement de s'assurer que le médecin exerce conformément aux bonnes pratiques qui inspirent les déterminants du QOF, et traite ses patients dans des délais décents tout en consacrant à chacun un temps suffisant.

Dans certains cas, il rémunère des choses que beaucoup de médecins faisaient déjà. Dans d'autres champs, il induit une vraie rationalisation des pratiques en obligeant les médecins à pratiquer certains actes ou à répéter des conseils à chaque visite du patient, alors qu'ils ne l'auraient pas nécessairement fait s'ils n'y avaient pas eu un intérêt financier.

– Actions particulières d’accompagnement :

De nombreuses formations ont été organisées par les syndicats de médecins généralistes et par le NHS. Ceci étant, l'exercice de la médecine est depuis assez longtemps conditionnée à la maîtrise des outils informatiques. Il est parfaitement impensable, en Angleterre que des médecins puisse prétendre exercer sans être informatisés.

Question 8 - La forme du dossier électronique :

– Le dossier est un ensemble de documents non normalisés. Des fichiers sont déposés par les professionnels de santé dans la forme qu’ils souhaitent et selon la norme (jpeg, pdf, HL7) qu’ils préfèrent. Non.

– Le dossier est un ensemble d’informations structurées (standardisées ou codées), acceptant malgré tout des documents non normalisés (s’ils sont renseignés dans une notice spécifique). Oui.

Tout est codé et normalisé, mais il existe une zone de texte libre permettant au praticien de porter ses commentaires96.

Question 9 - Quels sont les coûts de mise en œuvre du dossier électronique ?

Les détails comptables demandés ci-dessus ne sont pas disponibles, dans la mesure où le programme national d'informatisation du système de santé est bien plus vaste que le seul dossier médical personnel.

Il n'est donc pas possible d'identifier les coûts pour cet élément spécifique du programme.

Le gestionnaire public du projet nous a communiqué les données ci-dessous :


Ce tableau expose :

- les coûts centraux (service d'interconnexion Spine, équipement de l'ensemble des intervenants du NHS en accès internet à très haut débit 3G, système de réservation hospitalier Choose and Book)

- et les coûts budgétés pour l'ensemble des autres paramètres du programme (dossier médical personnel, mais aussi système de transfert d'imagerie numérique, transfert électronique des prescriptions, système d'entrée des actes des médecins, applications statistiques…) pour chacune des "régions définies pour sa mise en œuvre.

Ce coût total de 6Md£ (9Md€) n'intègre pas les coûts liés à l'acquisition de nouveaux matériels informatiques permettant de gérer les nouvelles fonctions. Ces coûts d'équipements sont évalués à 1.5Md€ par an à partir de 2004 jusqu'à l'achèvement du projet en 2011, soit environ 10Md€ supplémentaires.

Il n'existe pas d'élément public sur les coûts prévisionnel de gestion courante du système.

Question 10 - Quel jugement peut-on porter sur les dossiers électroniques mis en œuvre ?

Les données médicales sont transférables de cabinet de médecine générale à cabinet de médecine générale depuis mars 2007 (en cas de changement de cabinet par le patient).

Toutefois, le DMP britannique interconnectant tous les intervenants du système de santé n'est pas encore mis en œuvre. Il a été testé dans 6 zones locales pilotes pendant l'été 2007.

Il devrait être déployé nationalement dans le courant de l'année 2008 sous une forme sommaire (nom et adresse du médecin de famille, date de naissance et adresse du patient, mention des allergies, médicaments actuellement prescrits, historique des réactions adverses aux médications prescrites). Toutes les nouvelles informations sur le patient ont vocation à être intégrées dans les bases de données.

Le dossier médical définitif devrait être opérationnel pour tous les résidents anglais en 2010. Le programme complet serait achevé vers 2011/2012. Il sera alors possible de répondre aux questions qualitatives de la mission.

Réponse de l’Ambassade de France à New-York

Le Président Bush a lancé, en avril 2004, un grand chantier national, en matière d’application des technologies de l’information au système de santé , visant notamment à doter la majorité des Américains d’un dossier médical personnel électronique utilisable au sein des différentes structures publiques et privées du système de santé à l’horizon 2014.

A cet effet, une Direction spécifique a été créée au Ministère de la Santé pour coordonner ce programme national, l’ «Office of the National Coordinator for Health Information Technology».

Les buts affichés pour cette initiative ambitieuse sont :

– l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins

– l’optimisation du rapport coût /efficience des systèmes de santé.

Au terme des trois premières années de ce programme prévu sur 10 ans, les résultats sont encore modestes, mais la prise de conscience par les professionnels et les financeurs du secteur de la santé de l’opportunité de mettre en œuvre un dossier médical électronique partagé ainsi que la réflexion sur l’interopérabilité des systèmes d’information sanitaires ont progressé de façon significative.

1 - Situation actuelle

Selon les études du Ministère américain de la Santé, moins de 10 % des médecins américains utilisent un dossier médical informatisé pour suivre leurs patients et environ 5 % des 6 000 hôpitaux américains disposent d’un système d’information médicale intégrant un dossier médical électronique.

Trois dossiers électroniques sont actuellement opérationnels.

Dans le secteur public, les systèmes de santé du Département de la Défense (Service de Santé des Armées – DOD) et du Ministère des Anciens Combattants (Veteran Administration – VA) disposent d’un dossier médical électronique partagé, très complet et opérationnel. Dans le secteur privé, le groupe Kaiser Permanente a développé un dossier électronique utilisé au sein de ses réseaux de soins.

– le dossier médical électronique du Veteran administration : VISTA

Développé dans les années 90, le dossier «VISTA» est utilisé dans l’ensemble du système de soins hospitaliers et ambulatoires du Veteran administration, (160 hôpitaux, 880 dispensaires, 135 établissements de long séjour, 45 centres de rééducation) et couvre environ 5,5 millions de patients. Il permet de recueillir et de consulter en temps réel des données cliniques, biologiques, d’imagerie ainsi que de prescrire.

Le Veteran administration, estime à 78 dollars/patient/an le coût de la gestion informatique de ce dossier dont le logiciel est actuellement fourni gracieusement sur demande par le VA.

VISTA est aujourd’hui complété par un dossier additionnel, renseigné et géré directement par le patient (dossier « Myhealth e-Vet »). Il permet de recueillir des informations sur les mesures cliniques, effectuées à domicile par le malade (poids, TA, glycémie …), la prise de médicaments accessibles sans prescription, les commentaires du patient sur son état de santé…

– le dossier médical du Service de Santé des Armées : AHLTA

Partagé par l’ensemble des structures du Service de santé des armées (70 hôpitaux, 800 dispensaires), ce dossier couvre 9 millions de personnes (militaires en activité ou retraités et leurs ayant droits) et est utilisé par 60 000 professionnels de santé.

AHLTA et VISTA sont compatibles depuis un an, permettant un chaînage du suivi des patients lorsqu’ils quittent l’armée.

– les dossiers médicaux électroniques au sein des réseaux de soins coordonnés du secteur privé.

Certains groupes d’assurances santé et de gestion de réseaux de soins (Health Maintenance Organisation – HMO) ont développé leur propre dossier médical électronique partagé par l’ensemble des structures et des professionnels gérés par ou contractants du réseau. Le dossier le plus complet et le plus diffusé est celui développé par le groupe Kaiser Permanente qui compte 8,7 millions d’adhérents, et emploie (ou contracte avec) 14 000 médecins répartis sur le territoire américain au sein de 32 établissements hospitaliers et 420 cabinets de groupes.

2 – Aspects économiques et perspectives.

Selon certains experts, le coût du développement et du déploiement d’un système d’information national basé sur un dossier médical électronique inspiré du modèle du Veteran administration ou de Kaiser permanente s’élèverait à 156 milliards de dollars (dont 1/3 pour assurer l’interopérabilité du dispositif) et le coût annuel de fonctionnement du système serait de 48 milliards de dollars. En contrepartie l’utilisation d’un dossier médical électronique universel permettrait de réduire de 160 milliards (soit 8 %) les dépenses de santé annuelles aux Etats-Unis.

L’effort du gouvernement fédéral porte aujourd’hui sur la mise en œuvre d’un dossier médical électronique partagé chez les patients bénéficiaires d’une couverture par l’assurance fédérale MEDICARE (45 millions de personnes âgées de plus de 65 ans ou handicapées sévères).

Par ailleurs, le Congrès américain se penche actuellement sur les questions de sécurité des données de santé et de protection de la vie privée soulevées par les perspectives d’extension nationale des dossiers médicaux électroniques.

Sites à consulter :

1. Dossier médical du Service Santé Armées : www.ha.osd.mil/AHLTA

2. Dossier de la Veteran Health Administration :

http://www1.va.gov/VHA_OI/page.cfm?pg=47

3. Dossier du groupe Kaiser Permanente : www.kp.org/newscenter/kphealthconnect/index.html, www.kphealthconnectq4update.org/index.html

4. Stratégie nationale : www.hhs.gov/healthit

ANNEXE N° 4

CADRE JURIDIQUE DU DMP

Code de la sécurité sociale

(Livre 1, Titre 6, Chapitre 6)

Avant la Section 5 : Dossier médical personnel

Article L161-36-1 A

Créé par la loi n°  2004-810 du 13 août 2004-art.2

I. - Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tout professionnel de santé ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l'ensemble de l'équipe.

Afin de garantir la confidentialité des informations médicales mentionnées aux alinéas précédents, leur conservation sur support informatique, comme leur transmission par voie électronique entre professionnels, sont soumises à des règles définies par décret en Conseil d'État pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret détermine les cas où l'utilisation de la carte de professionnel de santé mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 161-33 est obligatoire.

Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'article L. 1111-6 du code de la santé publique reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations.

Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès.

Section 5 – Dossier médical personnel

Article L 161-36-1 Créé par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 – art. 3

Afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, gages d'un bon niveau de santé, chaque bénéficiaire de l'assurance maladie dispose, dans les conditions et sous les garanties prévues à l'article L. 1111-8 du code de la santé publique et dans le respect du secret médical, d'un dossier médical personnel constitué de l'ensemble des données mentionnées à l'article L. 1111-8 du même code, notamment des informations qui permettent le suivi des actes et prestations de soins. Le dossier médical personnel comporte également un volet spécialement destiné à la prévention.

Ce dossier médical personnel est créé auprès d'un hébergeur de données de santé à caractère personnel agréé dans les conditions prévues à l'article L. 1111-8 du même code.

L'adhésion aux conventions nationales régissant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les professionnels de santé, prévues à l'article L. 162-5 du présent code, et son maintien sont subordonnés à la consultation ou à la mise à jour du dossier médical personnel de la personne prise en charge par le médecin.

Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à compter du 1er janvier 2007.

Article L 161-36-2 Créé par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 – art. 3

Dans le respect des règles déontologiques qui lui sont applicables ainsi que des dispositions des articles L. 1110-4 et L. 1111-2 du code de la santé publique, et selon les modalités prévues à l'article L. 1111-8 du même code, chaque professionnel de santé, exerçant en ville ou en établissement de santé, quel que soit son mode d'exercice, reporte dans le dossier médical personnel, à l'occasion de chaque acte ou consultation, les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge. En outre, à l'occasion du séjour d'un patient, les professionnels de santé habilités des établissements de santé reportent sur le dossier médical personnel les principaux éléments résumés relatifs à ce séjour.

Le niveau de prise en charge des actes et prestations de soins par l'assurance maladie prévu à l'article L. 322-2 est subordonné à l'autorisation que donne le patient, à chaque consultation ou hospitalisation, aux professionnels de santé auxquels il a recours, d'accéder à son dossier médical personnel et de le compléter. Le professionnel de santé est tenu d'indiquer, lors de l'établissement des documents nécessaires au remboursement ou à la prise en charge, s'il a été en mesure d'accéder au dossier.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux personnes visées aux chapitres Ier à V du titre VI du livre VII pour les soins reçus à l'étranger ou à l'occasion d'un séjour temporaire en France.

NOTA : Loi 2004-810 du 13 août 2004 art. 3 II : les dispositions du 2e alinéa de l'art. L. 161-36-2 s'appliquent à compter du 1er juillet 2007.

Article L 161-36-2-1 Créé par la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 – art 88

Le médecin coordonnateur des établissements mentionnés au I de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles a accès au dossier médical personnel de la personne hébergée dans l'établissement sous réserve de l'accord de celle-ci ou de son représentant légal.

Article L 161-36-2-2 Créé par la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 – art. 25 (V)

I. - Les professionnels de santé accèdent au dossier médical personnel d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, en présence d'une situation comportant un risque immédiat pour sa santé, sauf si cette personne avait auparavant manifesté son opposition expresse à ce que son dossier soit consulté ou alimenté dans une telle situation.

Le médecin régulateur du centre de réception et de régulation des appels d'aide médicale urgente mentionné à l'article L. 6112-5 du code de la santé publique qui reçoit un appel concernant une personne accède, sauf si cette personne avait auparavant manifesté son opposition expresse à ce que son dossier soit consulté dans une telle situation, au dossier médical personnel de celle-ci.

II. - Le professionnel de santé recueille, après avoir informé la personne concernée, son consentement pour qu'un autre professionnel de santé à qui il serait nécessaire de confier une partie de la prestation accède à son dossier médical personnel et l'alimente.

Article L 161-36-3 Créé par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 – art. 3. Modifié par la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 – art. 88 et par la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007

L'accès au dossier médical personnel ne peut être exigé en dehors des cas prévus aux articles L. 161-36-2 et L. 161-36-2-1, même avec l'accord de la personne concernée.

L'accès au dossier médical personnel est notamment interdit lors de la conclusion d'un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé et à l'occasion de la conclusion de tout autre contrat exigeant l'évaluation de l'état de santé d'une des parties. L'accès à ce dossier ne peut également être exigé ni préalablement à la conclusion d'un contrat, ni à aucun moment ou à aucune occasion de son application.

Le dossier médical personnel n'est pas accessible dans le cadre de la médecine du travail.

Tout manquement aux présentes dispositions donne lieu à l'application des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal.

Le dossier médical personnel est conservé pendant une durée de dix années à compter de sa clôture.

En cas de décès du titulaire, les ayants droit peuvent solliciter l'accès au dossier conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique. L'accès à ce dossier peut également intervenir dans le cadre d'une expertise médicale diligentée aux fins d'administration de la preuve. »

Art. L. 161-36-3-1 Créé par la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007

Il est institué un service unique d'accueil dématérialisé, dénommé "portail du dossier médical personnel”, destiné aux bénéficiaires de l'assurance maladie et aux professionnels de santé.

Ce portail assure des fonctions d'information générale et un service de gestion permettant aux bénéficiaires de l'assurance maladie de gérer leur dossier médical personnel et les droits d'accès des professionnels de santé. Il assure le contrôle et la traçabilité des accès aux dossiers médicaux personnels. Il produit les données de suivi d'activité nécessaires à l'évaluation de ce service.

« Ces fonctions peuvent être mises à disposition d'autres organismes assurant des missions de partage et d'échange de données personnelles de santé dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. »

Article L 161-36-4 Créé par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 – art. 3. Modifié par la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 – art. 25 (V) et par la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007

Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et des conseils nationaux de l'ordre des professions de santé fixe les conditions d'application des articles L. 161-36-1 à L. 161-36-3-1 et notamment les conditions d'accès aux différentes catégories d'informations qui figurent au dossier médical personnel, les conditions dans lesquelles certaines informations peuvent être rendues inaccessibles par le titulaire du dossier médical personnel ou son représentant légal ainsi que les modalités selon lesquelles le professionnel de santé accédant au dossier médical personnel a connaissance de l'inscription au dossier d'informations rendues inaccessibles par son titulaire ou son représentant légal.

Il détermine également, pour le ou les hébergeurs mentionnés à l'article L. 161-36-1, les modalités de fixation de la tarification qui leur est applicable au regard des missions qui leur sont confiées pour la gestion des dossiers médicaux personnels, ainsi que celui ou ceux chargés d'assurer la conservation prévue à l'article L. 161-36-3.

Article L 161-36-4-1 Créé par la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 – art. 25 (V)

Le décret prévu à l'article L. 161-36-4 fixe les conditions dans lesquelles les informations contenues dans le dossier médical personnel contribuent à alimenter le carnet de santé prévu à l'article L. 2132-1 du code de la santé publique.

Article L 161-36-4-2 Créé par la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 – art. 25 (V) Modifié par la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007

Afin de favoriser la coordination, la qualité, la continuité des soins et la sécurité de la dispensation des médicaments, produits et objets définis à l'article L. 4211-1 du code de la santé publique, il est créé, pour chaque bénéficiaire de l'assurance maladie, avec son consentement, un dossier pharmaceutique.

Sauf opposition du patient quant à l'accès du pharmacien à son dossier pharmaceutique et à l'alimentation de celui-ci, tout pharmacien d'officine est tenu d'alimenter le dossier pharmaceutique à l'occasion de la dispensation. Les informations de ce dossier utiles à la coordination des soins sont reportées dans le dossier médical personnel dans les conditions prévues à l'article L. 161-36-2.

La mise en oeuvre du dossier pharmaceutique est assurée par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens mentionné à l'article L. 4231-2 du code de la santé publique.

Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, fixe les conditions d'application du présent article. »

Autres dispositions du Code de la sécurité sociale

Article L 162-1-14 Modifié par la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, art. 88

L'inobservation des règles du présent code par les professionnels de santé, les établissements de santé, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les employeurs ou les assurés, ayant abouti à une demande de remboursement ou de prise en charge ou à un remboursement ou à une prise en charge indus ainsi que le refus par les professionnels de santé de reporter dans le dossier médical personnel les éléments issus de chaque acte ou consultation ainsi que l'absence de déclaration par les assurés d'un changement dans la situation justifiant le service de ces prestations peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, après avis d'une commission composée et constituée au sein du conseil de cet organisme. Lorsque la pénalité envisagée concerne un professionnel de santé, des représentants de la même profession participent à la commission. Lorsqu'elle concerne un établissement de santé ou un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, des représentants au niveau régional des organisations nationales représentatives des établissements participent à la commission. Celle-ci apprécie la responsabilité de l'assuré, de l'employeur, du professionnel de santé de l'établissement de santé ou de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes dans l'inobservation des règles du présent code. Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Ce montant est doublé en cas de récidive. L'organisme d'assurance maladie notifie le montant envisagé de la pénalité et les faits reprochés à la personne ou l'établissement en cause, afin qu'il puisse présenter leurs observations écrites ou orales dans un délai d'un mois. A l'issue de ce délai, l'organisme d'assurance maladie prononce, le cas échéant, la pénalité et la notifie à l'intéressé ou à l'établissement en lui indiquant le délai dans lequel il doit s'en acquitter.

La mesure prononcée est motivée et peut être contestée devant le tribunal administratif.

En l'absence de paiement dans le délai prévu par la notification de la pénalité, le directeur de l'organisme d'assurance maladie envoie une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des pénalités notifiées dans les deux ans précédant son envoi. Le directeur de l'organisme, lorsque la mise en demeure est restée sans effet, peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux pénalités qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées sur la mise en demeure.

L'organisme de sécurité sociale ne peut concurremment recourir au dispositif de pénalité prévu par le présent article et aux procédures conventionnelles visant à sanctionner la même inobservation des règles du présent code par un professionnel de santé.

Les modalités d'application du présent article, notamment les règles mentionnées au premier alinéa et le barème des pénalités, sont fixées par décret en Conseil d'État.

Article L 162-5-3 Modifié par la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 – art. 37

Afin de favoriser la coordination des soins, tout assuré ou ayant droit âgé de seize ans ou plus indique à son organisme gestionnaire de régime de base d'assurance maladie le nom du médecin traitant qu'il a choisi, avec l'accord de celui-ci. Le choix du médecin traitant suppose, pour les ayants droit mineurs, l'accord de l'un au moins des deux parents ou du titulaire de l'autorité parentale. Le médecin traitant choisi peut être un généraliste ou un spécialiste. Il peut être un médecin hospitalier.

Le médecin traitant peut être un médecin salarié d'un centre de santé mentionné à l'article L. 6323-1 du code de la santé publique ou d'un établissement ou service visé à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Les médecins exerçant dans le cadre de la même spécialité au sein d'un cabinet médical situé dans les mêmes locaux ou dans un centre de santé mentionné à l'article L. 6323-1 du code de la santé publique peuvent être conjointement désignés médecins traitants. Un arrêté fixe les missions du médecin traitant quand celui-ci est un médecin salarié.

Le médecin traitant participe à la mise en place et à la gestion du dossier médical personnel prévu à l'article L. 161-36-1 du présent code.

Dans le cas où l'assuré désigne un médecin traitant autre que son médecin référent, ce dernier, pour ce qui concerne cet assuré, perd les avantages relatifs à l'adhésion à cette option conventionnelle. L'assuré perd également ces avantages.

La participation prévue au I de l'article L. 322-2 peut être majorée pour les assurés et les ayants droit n'ayant pas choisi de médecin traitant ou consultant un autre médecin sans prescription de leur médecin traitant. Un décret fixe les cas dans lesquels cette majoration n'est pas appliquée, notamment lorsqu' est mis en oeuvre un protocole de soins.

Les dispositions prévues à l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque la consultation se fait en cas d'urgence auprès d'un autre médecin que celui désigné à l'organisme gestionnaire du régime de base d'assurance maladie, ou lorsque la consultation se fait en dehors du lieu où réside de façon stable et durable l'assuré social ou l'ayant droit âgé de seize ans ou plus.

Article L 221-1-1 Modifié par la loi n°  2006-1640 du 21 décembre 2006 – art. 94 (V)

I. - Il est créé un fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins.

Il contribue à la mise en oeuvre du dossier médical personnel mentionné à l'article L. 161-36-1 et, notamment, au développement d'une offre d'hébergement, au sens de l'article L. 1111-8 du code de la santé publique, des données de santé des assurés sociaux permettant le partage de données médicales.

Les frais de gestion sont à la charge du fonds dans des conditions fixées par décret.

II. - Les ressources du fonds sont constituées par une dotation des régimes obligatoires d'assurance maladie dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale. La répartition entre le régime général d'assurance maladie, les régimes d'assurance maladie des professions agricoles et le régime social des indépendants est fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

III. - Le fonds dispose d'un comité national de gestion associant des représentants de l'État et des représentants du collège des directeurs de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et d'un Conseil national de la qualité et de la coordination des soins, composé de représentants du conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, des professionnels de santé, des fédérations d'établissements de santé et médico-sociaux et de personnalités nommées en fonction de leur expérience et de leurs compétences par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Le bureau du Conseil national de la qualité et de la coordination des soins est composé à parité de représentants de l'assurance maladie et des professionnels de santé.

Le fonds dispose également dans chaque région de conseils régionaux de la qualité et de la coordination des soins.

IV. - Sur proposition du comité national de gestion, le Conseil national de la qualité et de la coordination des soins délibère sur :

1°Les orientations stratégiques concernant les priorités d'action du fonds et d'affectation de la dotation ;

2°La part affectée au financement d'expérimentations concernant les soins de ville mentionnées au deuxième alinéa du I ;

3°La dotation annuelle consacrée au financement des actions à caractère national ou interrégional et celle réservée au financement des actions à caractère régional ;

4°Le rapport d'activité annuel.

Le Conseil national de la qualité et de la coordination des soins peut, sur la base d'un avis motivé, demander un second projet de délibération au comité national de gestion. Il ne peut s'opposer à ce second projet qu'à la majorité qualifiée des deux tiers des membres le composant.

V. - Le comité national de gestion élabore les propositions présentées au Conseil national de la qualité et de la coordination des soins. Il répartit la dotation annuelle réservée aux actions régionales entre les missions régionales de santé et attribue les aides pour les actions à caractère national ou interrégional. Toutefois, les décisions d'attribution des aides en vue des expérimentations mentionnées au 2° du IV sont prises par le bureau du Conseil national de la qualité et de la coordination des soins.

Le comité national de gestion présente chaque année ses orientations ainsi que le bilan de son activité au Conseil national de la qualité et de la coordination des soins.

VI. - L'attribution des aides peut être déconcentrée et confiée aux missions régionales de santé mentionnées à l'article L. 162-47, dans des conditions fixées par décret. Les aides peuvent être attribuées sur une base pluriannuelle.

Les décisions d'attribution des aides en vue des expérimentations mentionnées au 2° du IV sont prises par le bureau du conseil régional de la qualité et de la coordination des soins.

VII. - La composition et les modalités de fonctionnement du comité national de gestion, du Conseil national de la qualité et de la coordination des soins et des conseils régionaux de la qualité et de la coordination des soins ainsi que de leurs bureaux sont déterminées par décret.

Code de la santé publique

(Première partie, Livre 1er, Titre 1er)

Chapitre préliminaire : Droits de la personne

Confidentialité des informations médicales

Article L 1110-4 Créé par la Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, art. 3. Modifié par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 – art. 2

Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tout professionnel de santé, ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l'ensemble de l'équipe.

Afin de garantir la confidentialité des informations médicales mentionnées aux alinéas précédents, leur conservation sur support informatique, comme leur transmission par voie électronique entre professionnels, sont soumises à des règles définies par décret en Conseil d'État pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret détermine les cas où l'utilisation de la carte professionnelle de santé mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 161-33 du code de la sécurité sociale est obligatoire.

Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations.

Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès.

Articles R. 1110-1 à R. 1110-3 issus du décret n° 2007-960 du 15 mai 2007

Art. R. 1110-1. – La conservation sur support informatique des informations médicales mentionnées aux trois premiers alinéas de l'article L. 1110-4 par tout professionnel, tout établissement et tout réseau de santé ou tout autre organisme intervenant dans le système de santé est soumise au respect de référentiels définis par arrêtés du ministre chargé de la santé, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Ces référentiels s'imposent également à la transmission de ces informations par voie électronique entre professionnels. Les référentiels déterminent les fonctions de sécurité nécessaires à la conservation ou à la transmission des informations médicales en cause et fixant le niveau de sécurité requis pour ces fonctions.

Ils décrivent notamment :

1°Les mesures de sécurisation physique des matériels et des locaux ainsi que les dispositions prises pour la sauvegarde des fichiers ;

2°Les modalités d'accès aux traitements, dont les mesures d'identification et de vérification de la qualité des utilisateurs, et de recours à des dispositifs d'accès sécurisés ;

3°Les dispositifs de contrôle des identifications et habilitations et les procédures de traçabilité des accès aux informations médicales, ainsi que l'histoire des connexions ;

4°En cas de transmission par voie électronique entre professionnels, les mesures mises en oeuvre pour garantir la confidentialité des informations échangées, le cas échéant, par le recours à un chiffrement en tout ou partie de ces informations.

Art. R. 1110-2. - Pour chaque traitement mis en oeuvre par les personnes et les organismes mentionnés à l'article R. 1110-1 et comportant des informations médicales à caractère personnel, le dossier de déclaration ou de demande d'autorisation auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés décrit les moyens retenus afin d'assurer la mise en conformité de ce traitement avec le référentiel le concernant.

Le responsable du traitement, au sens de l'article 3 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, est chargé de veiller au respect du référentiel. Il lui appartient notamment de :

1°Gérer la liste nominative des professionnels habilités à accéder aux informations médicales relevant de ce traitement et la tenir à la disposition des personnes concernées par ces informations ;

2°Mettre en oeuvre les procédés assurant l'identification et la vérification de la qualité des professionnels de santé dans les conditions garantissant la cohérence entre les données d'identification gérées localement et celles recensées par le groupement d'intérêt public mentionné à l'article R. 161-54 du code de la sécurité sociale ;

3°Porter à la connaissance de toute personne concernée par les informations médicales relevant du traitement les principales dispositions prises pour garantir la conformité au référentiel correspondant.

Art. R. 1110-3. - En cas d'accès par des professionnels de santé aux informations médicales à caractère personnel conservées sur support informatique ou de leur transmission par voie électronique, l'utilisation de la carte de professionnel de santé mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 161-33 du code de la sécurité sociale est obligatoire. »

Article 2 du décret n° 2007-960 du 15 mai 2007

À compter de la date de publication des arrêtés mentionnés à l'article R. 1110-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du présent décret, les professionnels de santé, établissements, réseaux ou organismes mentionnés à cet article disposent d'un délai d'un an pour se mettre en conformité avec les dispositions des articles R. 1110-1 à R. 1110-2 du même code.

Les dispositions de l'article R. 1110-3 du code de la santé publique ne sont applicables aux établissements de santé que dans un délai de trois ans à compter de la publication du présent décret

Chapitre premier : Information des usagers du système de santé
et expression de leur volonté

Droit d’accès aux informations médicales personnelles

Article L. 1111-7 Créé par la Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, art. 11. Modifié par la loi n° 2007-131 du 31 janvier 2007 – art. 6

Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers.

Elle peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé. Ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des hospitalisations psychiatriques est saisie en application du quatrième alinéa.

La présence d'une tierce personne lors de la consultation de certaines informations peut être recommandée par le médecin les ayant établies ou en étant dépositaire, pour des motifs tenant aux risques que leur connaissance sans accompagnement ferait courir à la personne concernée. Le refus de cette dernière ne fait pas obstacle à la communication de ces informations.

À titre exceptionnel, la consultation des informations recueillies, dans le cadre d'une hospitalisation sur demande d'un tiers ou d'une hospitalisation d'office, peut être subordonnée à la présence d'un médecin désigné par le demandeur en cas de risques d'une gravité particulière. En cas de refus du demandeur, la commission départementale des hospitalisations psychiatriques est saisie. Son avis s'impose au détenteur des informations comme au demandeur.

Sous réserve de l'opposition prévue à l'article L. 1111-5, dans le cas d'une personne mineure, le droit d'accès est exercé par le ou les titulaires de l'autorité parentale. À la demande du mineur, cet accès a lieu par l'intermédiaire d'un médecin.

En cas de décès du malade, l'accès des ayants droit à son dossier médical s'effectue dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article L. 1110-4.

La consultation sur place des informations est gratuite. Lorsque le demandeur souhaite la délivrance de copies, quel qu'en soit le support, les frais laissés à sa charge ne peuvent excéder le coût de la reproduction et, le cas échéant, de l'envoi des documents.

Hébergement des données de santé à caractère personnel

Article L. 1111-8. Modifié par la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 – art. 25 (V)

Les professionnels de santé ou les établissements de santé ou la personne concernée peuvent déposer des données de santé à caractère personnel, recueillies ou produites à l'occasion des activités de prévention, de diagnostic ou de soins, auprès de personnes physiques ou morales agréées à cet effet. Cet hébergement de données ne peut avoir lieu qu'avec le consentement exprès de la personne concernée.

Les traitements de données de santé à caractère personnel que nécessite l'hébergement prévu au premier alinéa doivent être réalisés dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. La prestation d'hébergement fait l'objet d'un contrat. Lorsque cet hébergement est à l'initiative d'un professionnel de santé ou d'un établissement de santé, le contrat prévoit que l'hébergement des données, les modalités d'accès à celles-ci et leurs modalités de transmission sont subordonnées à l'accord de la personne concernée.

Les conditions d'agrément des hébergeurs sont fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et des conseils de l'ordre des professions de santé. Ce décret mentionne les informations qui doivent être fournies à l'appui de la demande d'agrément, notamment les modèles de contrats prévus au deuxième alinéa et les dispositions prises pour garantir la sécurité des données traitées en application de l'article 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, en particulier les mécanismes de contrôle et de sécurité dans le domaine informatique ainsi que les procédures de contrôle interne. Les dispositions de l'article L. 4113-6 s'appliquent aux contrats prévus à l'alinéa précédent.

La détention et le traitement sur des supports informatiques de données de santé à caractère personnel par des professionnels de santé, des établissements de santé ou des hébergeurs de données de santé à caractère personnel sont subordonnés à l'utilisation de systèmes d'information conformes aux prescriptions adoptées en application de l'article L. 1110-4 et répondant à des conditions d'interopérabilité arrêtées par le ministre chargé de la santé.

Les professionnels et établissements de santé peuvent, par dérogation aux dispositions de la dernière phrase des deux premiers alinéas du présent article, utiliser leurs propres systèmes ou des systèmes appartenant à des hébergeurs agréés, sans le consentement exprès de la personne concernée dès lors que l'accès aux données détenues est limité au professionnel de santé ou à l'établissement de santé qui les a déposées, ainsi qu'à la personne concernée dans les conditions prévues par l'article L. 1111-7.

L'agrément peut être retiré, dans les conditions prévues par l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, en cas de violation des prescriptions législatives ou réglementaires relatives à cette activité ou des prescriptions fixées par l'agrément.

Seuls peuvent accéder aux données ayant fait l'objet d'un hébergement les personnes que celles-ci concernent et les professionnels de santé ou établissements de santé qui les prennent en charge et qui sont désignés par les personnes concernées, selon des modalités fixées dans le contrat prévu au deuxième alinéa, dans le respect des dispositions des articles L. 1110-4 et L. 1111-7.

Les hébergeurs tiennent les données de santé à caractère personnel qui ont été déposées auprès d'eux à la disposition de ceux qui les leur ont confiées. Ils ne peuvent les utiliser à d'autres fins. Ils ne peuvent les transmettre à d'autres personnes que les professionnels de santé ou établissements de santé désignés dans le contrat prévu au deuxième alinéa.

Lorsqu'il est mis fin à l'hébergement, l'hébergeur restitue les données qui lui ont été confiées, sans en garder de copie, au professionnel, à l'établissement ou à la personne concernée ayant contracté avec lui.

Les hébergeurs de données de santé à caractère personnel et les personnes placées sous leur autorité qui ont accès aux données déposées sont astreintes au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal.

Les hébergeurs de données de santé à caractère personnel ou qui proposent cette prestation d'hébergement sont soumis, dans les conditions prévues aux articles L. 1421-2 et L. 1421-3, au contrôle de l'Inspection générale des affaires sociales et des agents de l'Etat mentionnés à l'article L. 1421-1. Les agents chargés du contrôle peuvent être assistés par des experts désignés par le ministre chargé de la santé.

(loi n° 2004-810 du 13 août 2004, art 4) Tout acte de cession à titre onéreux de données de santé identifiantes, directement ou indirectement, y compris avec l'accord de la personne concernée, est interdit sous peine des sanctions prévues à l'article 226-21 du code pénal.

NOTA : Loi 2007-127 du 30 janvier 2007 art. 25 IV : Sauf lorsqu'elle s'applique à des demandes d'agrément portant sur l'hébergement des dossiers médicaux personnels prévus à l'article L. 161-36-1 du code de la sécurité sociale, la procédure d'agrément prévue à l'article L. 1111-8 du code de la santé publique est suspendue pendant une période de deux ans à compter de la publication de la présente loi.

La dérogation prévue au cinquième alinéa de l'article L. 1111-8 du code de la santé publique, tel que résultant du III du présent article, entre en vigueur à compter de la période de suspension de deux ans mentionnée au premier alinéa du présent IV.

Art. R. 1111-7 - Les informations concernant la santé des patients sont soit conservées au sein des établissements de santé qui les ont constituées, soit déposées par ces établissements auprès d'un hébergeur agréé en application des dispositions à l'article L. 1111-8.

« Le directeur de l'établissement veille à ce que toutes dispositions soient prises pour assurer la garde et la confidentialité des informations ainsi conservées ou hébergées.

« Le dossier médical mentionné à l'article R. 1112-2 est conservé pendant une durée de vingt ans à compter de la date du dernier séjour de son titulaire dans l'établissement ou de la dernière consultation externe en son sein. Lorsqu'en application des dispositions qui précèdent, la durée de conservation d'un dossier s'achève avant le vingt-huitième anniversaire de son titulaire, la conservation du dossier est prorogée jusqu'à cette date. Dans tous les cas, si la personne titulaire du dossier décède moins de dix ans après son dernier passage dans l'établissement, le dossier est conservé pendant une durée de dix ans à compter de la date du décès. Ces délais sont suspendus par l'introduction de tout recours gracieux ou contentieux tendant à mettre en cause la responsabilité médicale de l'établissement de santé ou de professionnels de santé à raison de leurs interventions au sein de l'établissement.

« À l'issue du délai de conservation mentionné à l'alinéa précédent et après, le cas échéant, restitution à l'établissement de santé des données ayant fait l'objet d'un hébergement en application de l'article L. 1111-8, le dossier médical peut être éliminé. La décision d'élimination est prise par le directeur de l'établissement après avis du médecin responsable de l'information médicale. Dans les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant à l'exécution du service public hospitalier, cette élimination est en outre subordonnée au visa de l'administration des archives, qui détermine ceux de ces dossiers dont elle entend assurer la conservation indéfinie pour des raisons d'intérêt scientifique, statistique ou historique. »

Articles R. 1111-9 à R. 1111-16 issus du décret n° 2006-6 du 4 janvier 2006

Art. R. 1111-9 - Toute personne physique ou morale souhaitant assurer l'hébergement de données de santé à caractère personnel, mentionné à l'article L. 1111-8, et bénéficier d'un agrément à ce titre doit remplir les conditions suivantes :

1°Offrir toutes les garanties pour l'exercice de cette activité, notamment par le recours à des personnels qualifiés en matière de sécurité et d'archivage des données et par la mise en oeuvre de solutions techniques, d'une organisation et de procédures de contrôle assurant la sécurité, la protection, la conservation et la restitution des données confiées, ainsi qu'un usage conforme à la loi ;

2°Définir et mettre en oeuvre une politique de confidentialité et de sécurité, destinée notamment à assurer le respect des exigences de confidentialité et de secret prévues par les articles L. 1110-4 et L. 1111-7, la protection contre les accès non autorisés ainsi que la pérennité des données, et dont la description doit être jointe au dossier d'agrément dans les conditions fixées par l'article R. 1111-14 ;

3°Le cas échéant, identifier son représentant sur le territoire national au sens de l'article 5 de la loi du 6 janvier 1978 ;

4°Individualiser dans son organisation l'activité d'hébergement et les moyens qui lui sont dédiés, ainsi que la gestion des stocks et des flux de données ;

5°Définir et mettre en place des dispositifs d'information sur l'activité d'hébergement à destination des personnes à l'origine du dépôt, notamment en cas de modification substantielle des conditions de réalisation de cette activité ;

6°Identifier les personnes en charge de l'activité d'hébergement, dont un médecin, en précisant le lien contractuel qui les lie à l'hébergeur.

Art. R. 1111-10 - L'agrément nécessaire à l'activité d'hébergement de données de santé à caractère personnel est délivré par le ministre chargé de la santé, qui se prononce après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et d'un comité d'agrément placé auprès de lui.

À cet effet, la personne intéressée adresse au ministre chargé de la santé un dossier de demande d'agrément comprenant les éléments mentionnés à l'article R. 1111-12. Le ministre transmet le dossier à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui apprécie les garanties présentées par le candidat à l'agrément en matière de protection des personnes à l'égard des traitements de données de santé à caractère personnel et de sécurité de ces données. La commission rend son avis dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier, délai pouvant être renouvelé une fois sur décision motivée de son président.

Dès que la commission s'est prononcée ou à l'expiration du délai qui lui était imparti, elle transmet la demande d'agrément, accompagnée, le cas échéant, de son avis, au comité d'agrément mentionné au premier alinéa. Ce comité se prononce sur tous les aspects du dossier, en particulier sur les garanties d'ordre éthique, déontologique, technique, financier et économique qu'offre le candidat. Il émet son avis dans le mois qui suit la réception du dossier transmis par la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Il peut toutefois demander un délai supplémentaire d'un mois.

Le ministre chargé de la santé dispose, pour prendre sa décision, d'un délai de deux mois suivant l'avis du comité d'agrément. A l'issue de ce délai, son silence vaut décision de rejet.

Art. R. 1111-11.

I. - Le comité d'agrément mentionné à l'article R. 1111-10 comprend :

1°Un membre de l'inspection générale des affaires sociales nommé sur proposition du chef de l'inspection générale des affaires sociales ;

2°Deux représentants des associations compétentes en matière de santé, agréées au niveau national dans les conditions prévues à l'article L. 1114-1 ;

3°Deux représentants des professions de santé, l'un nommé sur proposition du Conseil national de l'ordre des médecins et l'autre sur proposition de l'Union nationale des professions de santé ;

4° rois personnalités qualifiées :

a) Une personne choisie en raison de ses compétences dans les domaines de l'éthique et du droit ;

b) Une personne choisie en raison de ses compétences en matière de sécurité des systèmes d'information et de nouvelles technologies ;

c) Une personne choisie en raison de ses compétences dans le domaine économique et financier.

Le directeur général de la santé, le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, le directeur des Archives de France, le directeur général des entreprises et le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou leurs représentants, assistent aux séances du comité avec voix consultative.

II. - Les membres du comité d'agrément, dont celui qui, parmi eux, exercera la présidence du comité, sont nommés pour cinq ans par arrêté du ministre chargé de la santé. Leur mandat est renouvelable une fois.

Lors de leur entrée en fonction, les membres du comité adressent au président une déclaration mentionnant toute activité personnelle ou professionnelle en rapport direct ou indirect avec les missions du comité, ainsi que les liens directs ou indirects qu'ils peuvent avoir avec tout organisme hébergeant ou susceptible d'héberger des données de santé à caractère personnel ou avec les organismes professionnels et les sociétés de conseil intervenant dans le domaine de compétence du comité. Ils s'engagent à signaler toute modification concernant cette situation.

Ils ne peuvent siéger lorsque est examinée une affaire relative à un organisme au sein duquel ils détiennent un intérêt, exercent des fonctions ou détiennent un mandat, ou au sein duquel ils ont, au cours des dix-huit mois précédant la séance, détenu un intérêt, exercé des fonctions ou détenu un mandat.

Des suppléants en nombre égal au nombre de titulaires sont désignés dans les mêmes conditions que ceux-ci. Un membre titulaire empêché ou intéressé par une affaire est remplacé par son suppléant.

Le remplacement d'un membre du comité en cas de cessation de fonction en cours de mandat est réalisé dans les mêmes conditions que sa nomination et pour la durée du mandat restant à courir.

Les fonctions de membre du comité ouvrent droit à des indemnités pour frais de déplacement et de séjour dans les conditions prévues par les dispositions législatives et réglementaires applicables aux fonctionnaires civils de l'Etat.

III. - Le comité d'agrément ne peut délibérer que si deux tiers au moins de ses membres sont présents. Dans le cas contraire, une nouvelle séance peut se tenir sans obligation de quorum après un délai de quinze jours.

Les avis rendus par le comité sont motivés. Ils sont pris à la majorité des voix exprimées des membres présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

IV. - Le comité d'agrément peut être saisi par le ministre chargé de la santé de tout sujet entrant dans son domaine de compétence.

Art. R. 1111-12

– Le dossier de demande d'agrément comprend les éléments suivants :

1°L'identité et l'adresse du responsable du service d'hébergement et, le cas échéant, de son représentant ; pour les personnes morales, les statuts sont produits ;

2°Les noms, fonctions et qualifications des opérateurs chargés de mettre en oeuvre le service, ainsi que les catégories de personnes qui, en raison de leurs fonctions ou pour les besoins du service, ont accès aux données hébergées ;

3°L'indication des lieux dans lesquels sera réalisé l'hébergement ;

4°Une description du service proposé ;

5°Les modèles de contrats devant être conclus, en application du deuxième alinéa de l'article L. 1111-8, entre l'hébergeur de données de santé et les personnes physiques ou morales qui sont à l'origine du dépôt des données de santé à caractère personnel ; ces modèles sont établis conformément aux dispositions de l'article R. 1111-13 ;

« 6°Les dispositions prises pour assurer la sécurité des données et la garantie des secrets protégés par la loi, notamment la présentation de la politique de confidentialité et de sécurité prévue au 2° de l'article R. 1111-9 ;

7°Le cas échéant, l'indication du recours à des prestataires techniques externes et les contrats conclus avec eux ;

8°Un document présentant les comptes prévisionnels de l'activité d'hébergement et, éventuellement, les trois derniers bilans et la composition de l'actionnariat du demandeur, ainsi que, dans le cas d'une demande de renouvellement, les comptes de résultat et bilans liés à cette activité d'hébergement depuis le dernier agrément.

L'hébergeur déjà agréé informe sans délai le ministre chargé de la santé de tout changement affectant les informations mentionnées ci-dessus et de toute interruption, temporaire ou définitive, de son activité.

Art. R. 1111-13

– Les modèles de contrats devant être joints à la demande d'agrément, mentionnés au 5° de l'article R. 1111-12, contiennent obligatoirement au moins les clauses suivantes :

1°La description des prestations réalisées : contenu des services et résultats attendus ;

2°Lorsque le contrat est souscrit par la personne concernée par les données hébergées, la description des modalités selon lesquelles les professionnels de santé et les établissements de santé les prenant en charge et désignés par eux peuvent être autorisés à accéder à ces données ou en demander la transmission et l'indication des conditions de mise à disposition de ces données ;

3°Lorsque le contrat est souscrit par un professionnel de santé ou un établissement de santé, la description des modalités selon lesquelles les données hébergées sont mises à leur disposition, ainsi que les conditions de recueil de l'accord des personnes concernées par ces données s'agissant tant de leur hébergement que de leurs modalités d'accès et de transmission ;

4°La description des moyens mis en oeuvre par l'hébergeur pour la fourniture des services ;

5°La mention des indicateurs de qualité et de performance permettant la vérification du niveau de service annoncé, ainsi que de la périodicité de leur mesure ;

6°Les obligations de l'hébergeur à l'égard de la personne à l'origine du dépôt des données de santé à caractère personnel en cas de modifications ou d'évolutions techniques introduites par lui ;

7°Une information sur les conditions de recours à d'éventuels prestataires techniques externes et les engagements de l'hébergeur pour que ce recours assure un niveau équivalent de garantie au regard des obligations pesant sur l'activité d'hébergement ;

8°Une information sur les garanties permettant de couvrir toute défaillance éventuelle de l'hébergeur ;

9°Une présentation des prestations à la fin de l'hébergement.

Art. R. 1111-14

Une présentation de la politique de confidentialité et de sécurité, prévue au 2° de l'article R. 1111-9, doit être fournie à l'appui de la demande d'agrément conformément au 6° de l'article R. 1111-12. Elle comporte notamment les précisions suivantes :

1°En matière de respect des droits des personnes concernées par les données hébergées :

a) Les modalités permettant de s'assurer de l'existence du consentement de l'intéressé à l'hébergement des données le concernant ;

b) Les modalités retenues pour que l'accès aux données de santé à caractère personnel et leur transmission éventuelle n'aient lieu qu'avec l'accord des personnes concernées et par les personnes désignées par elles ;

c) Les conditions dans lesquelles sont présentées et prises en compte les éventuelles demandes de rectification des données de santé à caractère personnel hébergées ;

d) Les moyens mis en oeuvre pour assurer le respect des dispositions de l'article L. 1111-7 relatif à l'accès des personnes à leurs informations de santé, notamment en termes de délais et de modalités de consultation ;

e) Les procédures de signalement des incidents graves, dont l'altération des données ou la divulgation non autorisée des données personnelles de santé ;

f) La fourniture à la personne concernée par les données hébergées, à sa demande, de l'historique des accès aux données et des consultations ainsi que du contenu des informations consultées et des traitements éventuellement opérés.

2° En matière de sécurité de l'accès aux informations :

a) Les dispositions prises pour garantir la sécurité des accès et des transmissions des données de santé à caractère personnel vis-à-vis des établissements ou des professionnels de santé à l'origine du dépôt et des personnes concernées par ces données ;

b) Les mesures prises en matière de contrôle des droits d'accès et de traçabilité des accès et des traitements ;

c) Les conditions de vérification du contenu des traces des accès et des traitements afin de détecter les tentatives d'effraction ou d'accès non autorisés ;

d) Les modalités de vérification du registre des personnes habilitées à accéder aux données hébergées tenant compte des éventuelles mises à jour ;

e) Les procédés techniques retenus en matière d'identification et d'authentification ; en ce qui concerne les professionnels de santé, ces procédés techniques doivent avoir été agréés par le groupement d'intérêt public mentionné à l'article R. 161-54 du code de la sécurité sociale.

3°En matière de pérennité des données hébergées :

a) Les procédures visant à assurer, au moment du transfert des données vers l'hébergeur, la réception sécurisée des données et l'intégrité de celles-ci, leur prise en compte dans le système d'information de l'hébergeur et le suivi de cette prise en charge ;

b) Les modalités de prise en compte et d'enrichissement tout au long de la durée de l'hébergement, de l'ensemble des informations concernant les données depuis leur création, telles que les données permettant de les identifier et de les décrire, de les gérer, de déterminer leurs propriétés techniques et d'en assurer la traçabilité ;

c) Les modalités de surveillance des supports en vue d'anticiper les changements technologiques et, le cas échéant, d'opérer des migrations de supports dans des conditions en garantissant la traçabilité ;

d) Les procédures liées à la réplication des données sur différents supports informatiques en des lieux distincts ;

e) Les conditions de mise en oeuvre d'une alerte concernant les formats d'encodage des données, destinée à avertir la personne à l'origine du dépôt en cas d'obsolescence de ce format et, éventuellement, les procédures visant à réaliser, avec l'autorisation de la personne à l'origine du dépôt, des migrations de formats des données, si ces derniers ne permettent plus d'assurer la lisibilité des informations et à assurer la traçabilité de ces migrations.

4°En matière d'organisation et de procédures de contrôle interne en vue d'assurer la sécurité des traitements et des données :

a) La désignation d'un responsable sécurité et d'un responsable qualité ;

b) La définition des missions, des pouvoirs et des obligations des personnels de l'hébergeur et de ses éventuels sous-traitants, habilités à traiter les données de santé à caractère personnel ;

c) Les spécifications techniques des logiciels et des mécanismes de sécurité propres à garantir la confidentialité des transmissions, notamment en ce qui concerne le mode de chiffrement des flux d'information ;

d) Les modalités retenues pour l'évaluation périodique des risques et l'audit des mesures de protection mises en place afin de garantir la sécurité des données et en vue d'apporter les modifications nécessaires en cas de détection de défaillances ;

e) Les dispositifs de simulation régulière de défauts de fonctionnement pour vérifier l'efficacité des mécanismes destinés à garantir la continuité des services ;

f) Les moyens mis en oeuvre pour sensibiliser et former le personnel aux mesures de protection mises en place et à leurs obligations en matière de confidentialité ;

g) Les conditions de mise en oeuvre de la sécurité physique des sites informatiques, des mesures de protection de l'infrastructure technique, notamment en termes de sécurité des réseaux, des serveurs et des postes de travail ;

h) Les dispositions prises en ce qui concerne l'exploitation de l'infrastructure technique ;

i) Les conditions de mise en oeuvre du plan de secours informatique comportant notamment les dispositions prises pour informer du déclenchement de ce plan les personnes physiques ou morales à l'origine du dépôt des données de santé à caractère personnel ainsi que les dispositions prises pour la reprise des activités.

Art. R. 1111-15

L'agrément est délivré aux hébergeurs de données de santé à caractère personnel pour une durée de trois ans.

La demande de renouvellement doit être déposée au plus tard six mois avant le terme de la période d'agrément. Elle comprend les documents mentionnés au 8°de l'article R. 1111-12 et un récapitulatif des modifications intervenues depuis la dernière demande d'agrément en ce qui concerne les autres documents mentionnés à cet article, ainsi qu'un audit externe réalisé aux frais de l'hébergeur, attestant de la mise en oeuvre de la politique de confidentialité et de sécurité mentionnée à l'article R. 1111-14. Elle est instruite selon la même procédure que celle applicable à la demande initiale.

Les décisions d'agrément, ainsi que le renouvellement de cet agrément, sont publiées au Bulletin officiel du ministère de la santé.

Art. R. 1111-16

Le ministre chargé de la santé, lorsqu'il envisage de procéder au retrait d'un agrément en application du quatrième alinéa de l'article L. 1111-8, communique à l'hébergeur intéressé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les motifs de ce projet de retrait et l'appelle à formuler ses observations, écrites ou, à sa demande, orales, dans un délai de deux mois.

« En cas de divulgation non autorisée de données de santé à caractère personnel ou de manquements graves de l'hébergeur à ses obligations mettant notamment en cause l'intégrité, la sécurité et la pérennité des données hébergées, le ministre chargé de la santé peut, à titre conservatoire, dans l'attente qu'il soit statué définitivement sur le projet de retrait d'agrément, prononcer la suspension de l'activité d'hébergement.

« La décision de retrait est notifiée à l'hébergeur intéressé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Elle met fin de plein droit à l'hébergement des données confiées à l'hébergeur et entraîne la restitution de ces données aux personnes ayant contracté avec l'hébergeur.

« Les décisions de suspension et de retrait font l'objet de la mesure de publicité prévue à l'article R. 1111-15. Elles sont transmises pour information au comité d'agrément mentionné à l'article R. 1111-10 ainsi qu'à la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

Art. R. 1112-7

Les informations concernant la santé des patients sont soit conservées au sein des établissements de santé qui les ont constituées, soit déposées par ces établissements auprès d'un hébergeur agréé en application des dispositions à l'article L. 1111-8.

Le directeur de l'établissement veille à ce que toutes dispositions soient prises pour assurer la garde et la confidentialité des informations ainsi conservées ou hébergées.

Le dossier médical mentionné à l'article R. 1112-2 est conservé pendant une durée de vingt ans à compter de la date du dernier séjour de son titulaire dans l'établissement ou de la dernière consultation externe en son sein. Lorsqu'en application des dispositions qui précèdent, la durée de conservation d'un dossier s'achève avant le vingt-huitième anniversaire de son titulaire, la conservation du dossier est prorogée jusqu'à cette date. Dans tous les cas, si la personne titulaire du dossier décède moins de dix ans après son dernier passage dans l'établissement, le dossier est conservé pendant une durée de dix ans à compter de la date du décès. Ces délais sont suspendus par l'introduction de tout recours gracieux ou contentieux tendant à mettre en cause la responsabilité médicale de l'établissement de santé ou de professionnels de santé à raison de leurs interventions au sein de l'établissement.

A l'issue du délai de conservation mentionné à l'alinéa précédent et après, le cas échéant, restitution à l'établissement de santé des données ayant fait l'objet d'un hébergement en application de l'article L. 1111-8, le dossier médical peut être éliminé. La décision d'élimination est prise par le directeur de l'établissement après avis du médecin responsable de l'information médicale. Dans les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant à l'exécution du service public hospitalier, cette élimination est en outre subordonnée au visa de l'administration des archives, qui détermine ceux de ces dossiers dont elle entend assurer la conservation indéfinie pour des raisons d'intérêt scientifique, statistique ou historique. »

Identifiant de santé

Article 5 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 abrogé par la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 – art.25 (V)

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les conditions dans lesquelles un identifiant peut être utilisé pour l'ouverture et pour la tenue du dossier médical personnel tel que défini à l'article L. 161-36-1 du code de la sécurité sociale, dans l'intérêt de la personne concernée et à des fins exclusives de coordination des soins.

remplacé par :

Article L 1111-8-1 Créé par la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 – art. 25 (V) Modifié par la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007

Un identifiant de santé des bénéficiaires de l’assurance maladie pris en charge par un professionnel de santé ou un établissement de santé ou dans le cadre d'un réseau de santé défini à l'article L. 6321-1 est utilisé, dans l'intérêt des personnes concernées et à des fins de coordination et de qualité des soins, pour la conservation, l'hébergement et la transmission des informations de santé. Il est également utilisé pour l'ouverture et la tenue du dossier médical personnel institué par l'article L. 161-36-1 du code de la sécurité sociale et du dossier pharmaceutique institué par l'article L. 161-36-4-2 du même code. Un décret, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe le choix de cet identifiant ainsi que ses modalités d'utilisation.

Décrets à venir :

Le décret prévu par l’article L 1111-8-1 relatif à l’identifiant de santé ;

et le décret d’application du DMP prévu par l’article L 161-36-4 du code de la Sécurité sociale

ANNEXE N° 5

GLOSSAIRE

ACCS Architecture conceptuelle de confidentialité et de sécurité

AMO Aide à la maîtrise d’ouvrage

ANSI American National Standards Institute

ATIH Agence technique de l’information sur l’hospitalisation

AVC Accident vasculaire cérébral

CISS Collectif inter associatif sur la santé

CNAM Conservatoire national des arts et métiers

CNAMTS Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés

CNDCH Conférence des directeurs de centres hospitaliers

CNIL Commission nationale informatique et libertés

CPS Carte de professionnel de santé

CRIH Centre régional d'informatique hospitalière

CSMF Confédération des syndicats médicaux français

CSSIS Conseil supérieur des systèmes d’information en santé

DCC Dossier communicant cancer

DGS Direction générale de la santé

DHOS Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins

DMP Dossier médical personnel

DP Dossier pharmaceutique

DPPR Dossier patient partagé réparti

DSEi dossier de santé électronique interopérable (Canada)

DSI Directeur des systèmes d’information

DSS Direction de la sécurité sociale

EAI Entreprise Application Intégration

EPA Établissements publics administratifs

ERP Entreprise Ressource Planning

FEHAP Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privé

FHF Fédération hospitalière de France

FHP Fédération de l’hospitalisation privée

FIQCS Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins

FORMMEL Fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale

GIP Groupement d’intérêt public

GMSIH Groupement de modernisation des systèmes d’information hospitaliers

HAS Haute autorité de santé

HPRIM Harmoniser et PRomouvoir les informatiques médicales

iDSE Infostructure de dossier de santé électronique

IGAS Inspection générale des affaires sociales

IHE Integrating the health entreprise

INCA Institut national du cancer

ISO International standard organisation

LEGOS Laboratoire de l’économie et de gestion des organisations de santé

LESISS Les entreprises des systèmes d'information sanitaire et sociaux

MAINH Mission nationale d’appui à l’investissement hospitalier

MISS Mission pour l’informatisation des systèmes de santé

NDP Numéro du dossier personnel

NICTIZ Institut national pour l’informatisation des soins de santé (hollande)

NIR Numéro d’inscription au répertoire (INSEE)

NIS Numéro identifiant de santé

PMSI Programme de médicalisation des systèmes d'information

PSA Antigène spécifique prostatique

RIPAM Réseau d’information patient d’Ardèche méridionale

SIH Système d’information hospitalier

SIS-RA Réseau Système d’information de santé Rhône-Alpes

SML Syndicat des médecins libéraux

SNITEM Syndicat national de l'industrie des technologies médicales

RCP réunions de concertation pluri-disciplinaires

RIM Referent implémentation modèle

RIPAM Réseau d’information patient d’Ardèche méridionale

TIC Technologies de l’information et de la communication

T2A Tarification à l’activité

1 () Ainsi que l’a expliqué à la mission M. Jean-François Penciolelli, directeur du département santé de la société Oracle France, Audition du 4 décembre 2007

2 () Dossier médical partagé ou personnel, Karima Bouquart, directrice des études du GMSIH, Pratiques et organisation des soins, volume 38, n° 1, Janvier-mars 2007, disponible sur internet

3 () Sur la base d’une solution fournie par un consortium de sociétés de service informatique, associant deux sociétés internationales, la société CSC et la société InterSystems.

4 () Bulletin d’Inforoute santé Nouvelles DES@inforoute d’automne 2007 info@infoway-inforoute.ca.

5 () M. Jean de Kervasdoué, Ancien directeur de l’Hopitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) du ministère de la santé, professeur titulaire de la Chaire d’économie et de gestion des services de santé au Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM), Audition du 4 décembre 2007.

6 () Selon une étude des Ecoles de Médecine de Stanford et Harvard “Electronic Health Record Use and the Quality of Ambulatory Care in the United States” Jeffrey A. Linder et alii, revue Archives of Internal Medicine du 9 juillet 2007; Vol. 167  N°. 13:1400-1405source :http://news-service.stanford.edu/news /2007/july25/med-ehr-072507.html.

7 () Infrastructure (23 projets), imagerie diagnostique (27 projets), registres (29 projets visant à permettre une meilleure identification des patients et des acteurs de santé), systèmes d’information sur les médicaments (18 projets, dont des projets d’ordonnance électronique), systèmes d’information de laboratoire (7 projets), télésanté (64 projets), surveillance de la santé publique (14 projets) et innovation et adoption (28 projets).

8 () Infostructure de dossier de santé électronique (iDSE) - Architecture conceptuelle de confidentialité et de sécurité (ACCS) - Version 1.1 – Document Inforoute - Juin 2005 – p 65.

9 () Article 45 du code de déontologie médicale : « Tout médecin doit, à la demande du patient ou avec son consentement, transmettre aux médecins qui participent à sa prise en charge ou à ceux qu'il entend consulter, les informations et documents utiles à la continuité des soins. Il en va de même lorsque le patient porte son choix sur un autre médecin traitant. ».

10 () http://web1.univ-rouen.fr/med/breeze/PMdossier/index.htm

11 () Le Canada, qui vient d’acquérir avec six autres pays les droits de propriété de la terminologie SNOMED en version anglaise, comprenant 350 000 termes médicaux, annonce que la mise à jour périodique de cette terminologie coûtera 8 à 9 millions de dollars américains par an. (http://sl.infoway-inforoute.ca/content/dispPage.asp?cw_page=snomedct_f

12 () Une information est le résultat d’un traitement informatique donnant un sens aux données numériques.

13 () On notera que les outils bureautiques de Microsoft (Word) n’intègrent toujours pas jusqu’à présent le format pdf d’Adobe Acrobat, même si celui-ci est pourtant devenu un standard de fait pour les textes avec mise en page. Le docteur Claude Uberjtel et Claude Bronner, évoquant les difficultés des utilisateurs de logiciels médicaux de cabinet libéral, lors de leur audition du 12 décembre 2007, ont rappelé le rôle moteur des éditeurs de logiciels en matière d’interopérabilité.

14 () Les moteurs de recherche ont certes changé la donne, mais leur diffusion dans les systèmes professionnels reste aléatoire. Il n’est ainsi pas rare que les fonctions de recherche de texte proposées par des sites internet soient une simple redirection masquée vers l’outil de recherche de Google, utilisant la fonction de ce moteur de recherche qui limite le champ de recherche à un site internet spécifique.

15 () ou Progiciel de gestion intégré (PGI) en français.

16 () Audition du 4 décembre 2007

17 () À cet égard on peut rappeler que l’inventaire des applications réalisé à l’occasion du passage à l’an 2000 avait fait apparaître nombre d’applications très anciennes, souvent rattachées au cœur de métier de l’entreprise et datant pour cette raison des premiers âges du système informatique, qui n’avaient jamais été remplacées faute de disposer d’un document de spécifications précis à leur sujet.

18 () Membre du collège de la Haute autorité de santé (HAS), auditionné le 31 octobre 2007.

19 () François de Closets et Bruno Lussato, « L’imposture informatique », Editions Fayard, 2000, p 67.

20 () A l’origine, Windows n’était pas un système d’exploitation mais une simple interface graphique ajoutée au système d’exploitation MS-DOS de Microsoft. Apple, qui exploita le premier l’interface graphique inventée par un département recherche de la société Xerox, perdit son procès pour le copyright contre Microsoft.

21 () Pierre Levy, « Les technologies de l’intelligence », Éditions La Découverte, p 60.

22 () La terminologie désignant ces logiciels a beaucoup changé. La notion de « système expert » qui exprimait dans les années 1990 l’ambition d’informatiser les tâches d’analyse les plus complexes réalisées par l’intelligence humaine, a cédé la place au terme anglais « datawarehouse » (« gestion de l’entrepôt de données ») et français de « logiciels d’aide à la décision », ou de  « pilotage », qui mettent davantage l’accent sur les traitements informatiques réalisés dans le seul but de préparer ou d’éclairer la décision. Toutefois la terminologie des systèmes experts semble plus adéquate pour le domaine médical, faisant référence aux méthodes d’organisation des savoirs humains, qui constituent un des points de difficulté majeure de l’informatisation du dossier médical.

23 () Les données du patient partagées, rapport du Professeur Marius Fieschi au ministre en charge de la santé, janvier 2003.

24 () « L’informatisation dans le secteur de la santé », rapport d’information n° 62 déposé an nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation du Sénat par M. Jean-Jacques Jegou, le 3 novembre 2005.

25 () Audition du 4 décembre 2007 de M. Jean-François Penciolelli, directeur du département santé de la société Oracle France.

26 () Le DMP : plus qu’un simple outil technique à optimiser, Philippe Chossegros, président de la coordination nationale des réseaux de santé

27 () Le DMP : plus d’un simple outil technique à optimiser, Philippe Chossegros, président de la coordination nationale des réseaux de santé

28 () Les logiciels à destination des établissements de santé, un marché en mutation, Eurasanté, 2004, p 65

29 () Document Powerpoint ayant servi à une présentation orale, communiqué à l’occasion de son audition du 4 décembre 2007.

30 () On peut également utilement consulter les documents suivants :

– « Rapport sur les enjeux de la société de l’information dans le domaine de la santé » - Pr. Régis Beuscart – mars 2000. L’auteur attribuait la faible diffusion des systèmes d’information en milieu hospitalier (« les systèmes d’information hospitaliers dignes de ce nom sont encore l’exception ») à trois facteurs : les problèmes de gouvernance de l’informatique médicale, le faible niveau de professionnalisation des réflexions en matière d’informatique médicale et la pauvreté de l’offre française en matière de systèmes d’information médicaux. Un constat plus nuancé a été exprimé dans le rapport précité de M. Jean-Jacques Jegou, sénateur, sur l’informatisation dans le secteur de la santé (novembre 2005 – p 18)

– « L’informatique au chevet de l’hôpital » - Livre Blanc publié par le SNIIS et le LESISS réalisé par M. Bernard Thiebault de la société du cabinet Infine-conseil. Septembre 2005. Le livre blanc fait toutefois un bilan global de l’offre qui ne distingue pas les enjeux de l’informatique administrative de ceux de l’informatique médicale.

– « L’informatique dans le monde médical : bilan et perspective 2006-2011 » - Etude du cabinet IDC France – Auteurs : Anne-Marie Abissegué, Yasmina Benjelloun.

31 () Le premier obstacle se situe bien sûr au niveau des batteries actuelles dont l’autonomie pourrait toutefois s’améliorer avec l’apparition d’ordinateurs avec des disques durs à mémoire flash, à l’instar de ces portables fonctionnant d’ores et déjà avec un système d’exploitation Linux (Eee–Pc d’Asus). Mais on peut regretter la stratégie du marché adoptée par les constructeurs de portables dotés du système Tablet-Pc, lesquels malgré le prix de commercialisation très élevé de ces matériels n’en n’ont jamais sorti de versions «  durcies » permettant à ces produits d’affronter les aléas du milieu hospitalier.

32 () « Le dossier médical en ligne » - Laurent Alexandre, Elie Lobel, Cédric Tournay – mai 2000 – Les sites cités sont : 4heathylife.com, wellmed.com, lifelinemed.com, mdlnk.com, telemedical.com, WebMD, DrKoop, Medisite

33 () Information donnée par le Professeur Régis Beuscart dans son rapport sur les enjeux de la société d’information dans le domaine de la santé (2000).

34 () Ou Progiciel de gestion intégré (PGI) en français.

35 () L’idée est d’éviter la dispersion des informations clients et fournisseurs en confiant la gestion des commandes et la facturation à un seul logiciel utilisant une base de données unique. Selon le JDN Solutions du 16 janvier 2006, la société allemande SAP, à l’origine de ce concept, détenait en 2005 40 % du marché mondial (45 % en France), contre 10 % pour Oracle (22 % en France), et 12 % pour Peoplesoft (d’après Michel Volle, « De l’informatique », Éditions Économica, Paris 2006).

36 () Michel Volle, « De l’informatique », éditions Economica, Paris 2006, chapitre 8 Outils et architecture.

37 () Les logiciels à destination des établissements de santé, un marché en mutation, Eurasanté, 2004.

38 () M. Jean de Kervasdoué a confirmé lors de son audition cette information, tirée de son livre « Carnet de santé de la France 2006 ».

39 () Le degré d’informatisation des spécialités médicales est très variable. Les disciplines médicales les plus informatisées sont la biologie et la radiologie, dont les équipements utilisent des composants numériques depuis plusieurs années et éditent en routine leurs résultats dans un format numérique.

40 () Audition de M. Jean-François Penciolelli, directeur du département santé de la société Oracle France.

41 () Elle a été modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel.

42 () Voir le rapport n° 1703 du 24 juin 2004 fait par M. Jean-Michel Dubernard au nom de la commission spéciale de l’Assemblée présidée par M. Yves Bur.

43 () Loi n°  2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, articles 3 et 11

44 () Voir en annexe le texte de la loi du 13 août 2004 modifiée.

45 () Dans une intervention du 10 décembre 2007 lors de la 3e journée parlementaire sur le DMP, la ministre de la santé a déclaré que  « l’équipe qui s’est progressivement construite autour du projet, au sein du GIP-DMP, constitue un autre acquis important sur lequel nous pouvons nous appuyer. »

46 () Siègent à ce conseil quatre représentants du ministère de la santé (le directeur général de la Santé, le directeur de la Sécurité sociale, le directeur de l’Hospitalisation et de l’organisation des soins, le directeur de l’Administration générale du personnel et du budget), le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, trois personnalités qualifiées (dont le président de ce conseil), un représentant des associations de patients et un représentant des professionnels de santé.

47 ()L’estimation initiale du coût de gestion des dossiers GIP-DMP était de 15 euros, et le GIP a aussi souligné que le coût de gestion d’un dossier bancaire informatisé est de l’ordre d’un à deux euros.

48 () Après négociation, les offres faites au GIP-DMP s’établissaient à 15 euros par DMP

49 () Le rapport est disponible sur le site de la Documentation française, dans la rubrique de la Bibliothèque des rapports publics ou BRP.

50 () Discours prononcé à l’ouverture des troisièmes rencontres parlementaires sur le DMP, le 10 décembre 2007.

51 () Sont membres de l’ « équipe resserrée », outre son président, M Michel Gagneux, chef de l’IGAS, les responsables actuels du projet : MM. Jacques Sauret, directeur général du GIP-DMP, André Loth, chef de la Mission pour l’informatisation des systèmes de santé (MISS) du ministère de la Santé, Alain Foluet et Denis Richard, respectivement directeur des services informatiques et responsable de la mission DMP à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAM-TS), deux consultants du cabinet de conseil CSC : Pierre-Henri Comble et Loïc de Kergommeux, Jean-Luc Bernard, ancien président du collectif des associations de patients (CISS) et le docteur Alain Livartowski, oncologue et chef du service de l’information médicale à l’Institut Curie, ancien responsable d’un groupe d’expérimentation du DMP.

52 () Discours prononcé à l’ouverture des troisièmes rencontres parlementaires sur le DMP, le 10 décembre 2007.

53 () Cet article résulte d’un amendement du Gouvernement déposé au Sénat. Il reprend les termes de l’article 134 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007, qui résultait également d’un amendement du Gouvernement déposé au Sénat et qui fut déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de la méconnaissance de la règle de priorité d’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale par l’Assemblée nationale posée par l’article 39 de la Constitution.

54 () Le 21 mars 2006, la CNIL constatait que trois consortiums, France Telecom, InVita et Santénergie, ne respectaient pas ces exigences.

55 () Cour des Comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, Septembre 2007, Chapitre X - Le partage des données entre les systèmes d’information de santé- .

56 () « Le dossier communicant de cancérologie devra s’inscrire dans la mise en place progressive d’un système d’échange de données médicales des patients entre les acteurs de santé : il peut constituer une phase pilote de ce système qui a vocation à couvrir toutes pathologies. » Extrait du Plan cancer 2003-2004 – Mesure 34.

57 () « Document d’étape sur l’expérimentation en cours et la préparation de la généralisation », Plan Cancer 2003-2007-InCa – Février 2005.

58 () Ibidem.

59 () « Procédure de création des dossiers rédhibitoire », « double saisie non acceptable en dehors des expérimentations », « contenu et organisation des dossiers partagés à revoir », « dispersion des informations entre dossier local, DCC, DMP, source potentielle d’erreurs et de perte de temps ».

60 () Si un patient est soigné dans plus d’une région.

61 () Avis sur les problèmes éthiques posés par l'informatisation de la prescription hospitalière et du dossier du patient, Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, 16 février 2006.

62 () Le DMP : plus d’un simple outil technique à optimiser, Philippe Chossegros, président de la coordination nationale des réseaux de santé.

63 () Article L 1142-1 du Code de la Santé Publique : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».

64 () http://www.d-m-p.org/docs/DMPetudeResponsabilite2005.pdf.

65 () Arrêt Mercier, Cass. Civ. 1, 20 mai 1936 : « il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien, l'engagement sinon, bien évidemment, de guérir le malade, du moins de lui donner des soins consciencieux, attentifs, et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ».

66 () « De l'observation médicale au dossier de santé du futur

Observer le malade, est à la base de la démarche médicale. Depuis des millénaires, les médecins ont rédigé des "observations de malades" les consignant sur des tablettes d'argile ou sur des papyrus, voire les gravant dans la pierre. Du Corpus hippocratique aux grandes Leçons cliniques du XIXème siècle, du Bimaristan de l'orient médiéval aux CHU d'aujourd'hui, "l'observation du malade" a traversé l'histoire car elle est un irremplaçable instrument de formation.

Mais l'observation du malade est aussi un instrument de recherche: la médecine moderne est née, voici deux siècles, de la "méthode anatomo-clinique" qui n'est autre que la confrontation systématique dans les hôpitaux de deux observations celle des signes du vivant et celle des lésions du cadavre.

Longtemps l'observation médicale ne servit guère aux soins: pour l'essentiel, la mémoire du médecin y suffisait ; il était seul à s'occuper d'un malade et ses moyens thérapeutiques étaient fort limités.

La situation devait progressivement changer au début du XXème siècle avec l'apparition des premiers examens biologiques puis radiographiques6. Les traditionnels registres ne suffirent plus. La question très concrète du rangement de ces examens finit par se poser. Les radios devaient-elles être conservées par le "laboratoire de radiologie" ? par le malade ? par le clinicien avec son "observation " ? Le dossier médical est né du regroupement physique de l'observation clinique traditionnelle et des résultats d'examens. »

Extrait du rapport d’activité 1999 du Conseil supérieur des systèmes d’information de santé, partie consacrée au dossier de santé électronique, p. 23.

67 () « L'un des marchés les plus porteurs du Busines to Business dans le domaine de la santé est celui de la collecte, l'exploitation et la revente d'informations médicales sur les patients. Cegedim est une société créée au tout début des années 70, employant en 1999 plus d'un millier d'employés et dont le métier de base est la collecte des données médicales auprès des praticiens afin de les revendre sous forme de statistiques aux laboratoires. En fait la division santé de Cegedim s'est bien diversifiée autour de ce noyau et se compose aujourd'hui de 17 activités différentes, couvrant tous les besoins du secteur», Rapport sur la sur les enjeux de la Société de l’information dans le domaine de la santé, Pr Regis Breuscart, 2000.

68 () « Les questions autour du dossier médical personnel », Jeanne Bossi, Revue ADSP, n°58, mars 2007, p.17

69 () « Audit de l’organisation et du pilotage des organismes oeuvrant à l’informatisation du système de santé », rapport présenté par Laurent Gratieux et Roland Ollivier, novembre 2006.

70 () « L’informatisation dans le secteur de la santé », rapport d’information n° 62 déposé an nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation du Sénat par M. Jean-Jacques Jegou, le 3 novembre 2005.

71 () Chapitre X : Le partage des données entre les systèmes d’information de santé.

72 () Audition de Mme Annie Podeur, directrice de lhospitalisation et de lorganisation des soins au ministère de la santé, audition du 8 janvier 2008.

73 () Document : forme, signe et médium, les re-formulations du numérique - Roger T. Pédauque, STIC-CNRS, avril 2003 - http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/documents/archives0/00/00/05/11/index_fr.html.

74 () Audition de M. Parrot et Mme Isabelle Adenot du 4 décembre 2007.

75 () « En effet, d’une manière pragmatique, il ne peut s’agir d’un dossier médical structuré, exhaustif convenant à tous quelle que soit la spécialité de chacun et interopérable avec tous les systèmes d’information existants en pratique. La mise en place d’un tel dossier ne peut être envisagé à court terme pour une proportion importante de la population. » Introduction du rapport du Professeur Marius Fieschi, janvier 2003.

76 () Le rapide déclin du marché des agendas numériques de poche (PocketPC et Palm) illustre bien la lassitude qui menace les utilisateurs de modes de saisie structurée, quand bien même ceux-ci sont justifiés par les avantages évidents qu’on en tire lorsque le fonctionnement est compris.

77 () M. Norbert Paquel est délégué général de l’association EDISANTE, qui œuvre depuis de nombreuses années pour la promotion des échanges de données dans le secteur de la santé.

78 () Certains auteurs considèrent ainsi le langage XML comme un exemple de « méta-langage », c’est à dire un langage servant de support au développement d’autres langages.

79 () M. Jean de Kervasdoué a confirmé lors de son audition cette information, tirée de son livre « Carnet de santé de la France 2006 ».

80 () La reconnaissance par une instance de normalisation est devenue une politique pratiquée par les plus grands groupes informatiques, puisque la société Microsoft fait aujourd’hui la promotion auprès des autorités internationales de normalisation d’un protocole de transmission de données bureautiques à partir d’un format XML enrichi, dénommé Open XML, qui élèverait ses propres formats de document au rang de standards.

81 () Le Referent implémentation modèle (RIM) représente, à la manière du modèle d’implémentation d’une base de données, les relations entre 96 variables, organisées autour la relation centrale décrivant l’acte médical, entité-rôle-participation-acte.

82 () Engagée dans une refonte de l’ensemble de ses systèmes d’information de santé, le National Heath Service fit en 2001 une évaluation officielle de la version 3 du protocole HL7 qui a préconisé le maintien de la version 2 déjà déployée, en raison d’incertitudes liées à la jeunesse de la version 3. Après avoir vu sa position confirmée par son conseil d’administration en 2002 et 2003, le NHS l’a récemment infléchie et a adopté la norme HL7 v3 pour les messages transitant sur l’infrastructure nationale du réseau de santé britannique, sans toutefois remettre en cause les choix effectués pour les plateformes régionales.

83 () Le rapport « Les données du patient partagées » remis par le Pr Marius Fieschi au ministre en charge de la santé en janvier 2003 estime ainsi que « Les professionnels sont favorables à l’intégration des TIC dans les pratiques en santé. Contrairement à ce qui est souvent avancé, la profession médicale a adopté les technologies de l’information assez facilement. Les professionnels sont extrêmement demandeurs de communication d’informations médicales numérisées, en général non structurées : les courriers entre praticiens, les synthèses d’épisode, les comptes rendus d’imagerie, les comptes rendus opératoires, les résultats de biologie. Les difficultés d’intégration de ces technologies relevées par les professionnels tiennent plus aux conditions dans lesquelles cette intégration a été proposée qu’aux technologies elles mêmes. »

84 () Avis sur les problèmes éthiques posés par l'informatisation de la prescription hospitalière et du dossier du patient, Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, 16 février 2006.

85 ( ) Le masquage d’informations par le patient dans son DMP – Rapport remis au ministre de la santé et des solidarités par le député Pierre-Louis FAGNIEZ - 30 janvier 2007.

86 () « Les questions autour du dossier médical personnel », Jeanne Bossi, Revue ADSP, n°58, mars 2007, p.17 ;

87 () Rappelons qu’il a fallu sept années, depuis le rapport d’activité du Conseil supérieur des systèmes d’information (CSSIS) de 1999, qui soulignait l’importance du choix d’un identifiant de santé, pour que la question du recours au NIR (le numéro de sécurité sociale) soit tranchée, définitivement espérons-le.

88 () On peut penser que cela peut être une des missions de la MIIS ou d’un de ses départements.

89 () « Le dossier communicant de cancérologie devra s’inscrire dans la mise en place progressive d’un système d’échange de données médicales des patients entre les acteurs de santé : il peut constituer une phase pilote de ce système qui a vocation à couvrir toutes pathologies. » - extrait du Plan cancer 2003-2004 – mesure 34.

90 () Les techniques de synchronisation permettent de ne faire transiter par le réseau que les informations nouvellement inscrites dans le DMP.

91 () Réseau d’information patient d’Ardèche méridionale

92 () « Un plan de modernisation des SIH, articulé avec les objectifs de systèmes d'information du plan Hôpital 2012, sera élaboré sous l’égide de l’État, dans la concertation et avec l’appui du GMSIH (groupement pour la modernisation des systèmes d'information hospitaliers). Ce plan sera mis en oeuvre sur cinq ans pour permettre la généralisation de l’informatisation des dossiers médicaux ainsi que les principaux processus de soins hospitaliers. Cette démarche sera conduite dans le souci de la cohérence avec les systèmes d'information des professionnels libéraux, des réseaux de santé et du DMP. »

93 http://www.connectingforhealth.nhs.uk/resources/resources/nhs_code_of_practice.pdf

94 La valeur du point est nationale. En 2006, un point correspond à 175€ environ. L'atteinte de 100% des objectifs génère donc un revenu annuel de 175 000€ pour le CMG

95 L'enregistrement des patients pour plusieurs pathologies est également construit pour permettre l'identification des patients à plus haut risque. Il est particulièrement important pour les patients les plus âgés, qui ont un niveau de risque plus élevé du fait de leurs pathologies multiples, et permet au cabinet de concentrer ses efforts sur ces patients.

96 http://www.nhscarerecords.nhs.uk/patients/what-will-change


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