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N° 815

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 avril 2008

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE

SUR LA MESURE DES GRANDES DONNÉES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES (1)

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Hervé Mariton

Député.

——

 

La mission d’information commune est composée de : MM. Pierre-Alain Muet, Président, Hervé Mariton, Rapporteur, MM. Olivier Carré, Rémi Delatte, Jean-Louis Gagnaire, M. Marcel Rogemont (en remplacement de M. Michel Ménard), Pierre Morel-A-L’Huissier.

INTRODUCTION : ENTRE DÉBAT POLITIQUE ET VÉRITÉ STATISTIQUE 7

LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE 9

PREMIÈRE PARTIE : DE L’INFLATION AU POUVOIR D’ACHAT 13

I.– L’INDICE DES PRIX, UN INSTRUMENT MACROÉCONOMIQUE QUI NE PEUT RENDRE COMPTE DES SITUATIONS INDIVIDUELLES 13

A.– L’INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION : UN INSTRUMENT FIABLE DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE 13

1.– La construction de l’indice obéit à une méthodologie complexe soumise à des recommandations internationales 13

2.– L’IPC, un outil de politique macroéconomique 15

B.– LA PERCEPTION DE L’INFLATION PAR LES CONSOMMATEURS, EN DÉCALAGE AVEC SA MESURE 15

1.– Un décalage observé dans tous les pays au moment du passage à l’euro… 18

2.– … mais qui persiste en France 18

C.– PEUT-ON ET DOIT-ON MODIFIER L’INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION ? 19

1.– Les limites de l’indice des prix à la consommation 19

a) L’incomplète prise en compte des dépenses de logement 19

b) L’imparfaite mesure de l’effet qualité 21

c) La difficile prise en compte de l’évolution des pratiques commerciales 22

2.– Peut-on améliorer l’indice des prix à la consommation ? 23

3.– L’INSEE propose des indices particuliers répondant à la demande d’information individualisée 23

II.– AMÉLIORER ET DIVERSIFIER LA MESURE DU POUVOIR D’ACHAT DES MÉNAGES ET DES INDIVIDUS 25

A.– LA PERCEPTION DE L’ÉVOLUTION DE LEUR POUVOIR D’ACHAT PAR LES MÉNAGES EST DÉCALÉE DE SA MESURE PAR L’INSEE 25

1.– La mesure du pouvoir d’achat par l’INSEE… 25

2.– … en décalage avec la perception des ménages 26

3.– Les biais de perception des consommateurs 27

a) La focalisation des consommateurs sur l’évolution des prix des dépenses courantes 27

b) La multiplication de l’offre de produits engendre des frustrations 31

c) Les consommateurs ne tiennent compte que du revenu « libéré » des dépenses considérées comme contraintes 31

B.– LES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION : DIFFUSER DES INDICES COMPLÉMENTAIRES DU POUVOIR D’ACHAT 32

1.– Publier l’évolution du pouvoir d’achat par ménage et par individu 32

2.– Poursuivre des recherches sur la notion de dépenses contraintes 34

3.– Analyser l’évolution du pouvoir d’achat par niveau de revenus 35

4.– Améliorer la communication de l’INSEE 36

DEUXIÈME PARTIE : LES CHIFFRES DU CHÔMAGE : MIEUX MESURER, MIEUX DIFFUSER 37

I.– LES CRITIQUES ADRESSÉES AUX INDICATEURS DU CHÔMAGE APPELLENT UNE RÉPONSE 38

A.– LA REMISE EN CAUSE DE LA FIABILITÉ DES SOURCES 38

1.– À l’origine de la polémique : les divergences importantes entre enquête emploi et sources administratives 38

2.– Comment répondre au problème de l’incohérence des sources ? 42

B.– LE CARACTÈRE RESTRICTIF DES INDICATEURS « PHARES » 45

1.– Le chômage BIT ne rend pas compte de la complexité des situations sur le marché du travail 45

2.– Quels indicateurs complémentaires ? 47

C.– LA FAIBLESSE DES INDICATEURS LOCAUX 50

1.– Le dispositif actuel : un problème de sources 50

2.– Le cas particulier des DOM : une faiblesse des données d’autant plus problématique que l’INSEE publie désormais un taux de chômage trimestriel DOM inclus 51

D.– UN CERTAIN NOMBRE DE LACUNES DANS L’INFORMATION DU PUBLIC 52

1.– Une coordination de la diffusion des données qui pourrait être améliorée 52

2.– Un manque de transparence et de pédagogie des publications 53

3.– Un mode de communication des chiffres qui ne favorise pas leur utilisation par les médias 53

II.– AMÉLIORER LA MESURE DU CHÔMAGE ET METTRE FIN À LA RÉCURRENTE BATAILLE DES CHIFFRES 54

A.– S’APPUYER SUR L’ENQUÊTE EMPLOI POUR ANALYSER L’ÉVOLUTION CONJONCTURELLE DU CHÔMAGE AU SENS DU BIT 54

B.– PRENDRE EN COMPTE LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS : LA NÉCESSITÉ D’INDICATEURS COMPLÉMENTAIRES 60

1.– Publier mensuellement deux indicateurs complémentaires du chômage BIT : halo du chômage et sous-emploi 60

2.– Améliorer la qualité et la diffusion des statistiques de l’emploi 60

3.– Publier annuellement d’autres indicateurs complémentaires 61

C.– COMBLER LE MANQUE D’INFORMATION AU NIVEAU LOCAL 62

1.– Améliorer la qualité des statistiques locales du chômage 62

2.– Le cas particulier des départements d’outre-mer 63

D.– AMÉLIORER L’INFORMATION DU GRAND PUBLIC 64

1.– Mettre fin à la confusion des données administratives et de l’évaluation du chômage au sens strict 64

2.– Éviter la focalisation du débat public sur les DEFM 1 65

3.– Mettre en place un calendrier de publication des chiffres de l’emploi et du chômage 65

4.– Insister sur le respect des règles déontologiques en matière de communication des chiffres 66

5.– Publier des documents clairs et pédagogiques 66

TROISIÈME PARTIE : « AU DELÀ DU PIB » : LES INDICATEURS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE 69

I.– COMPLÉTER LA MESURE DU PIB : POURQUOI ET COMMENT ? 70

A.– UNE PRISE DE CONSCIENCE DES LIMITES DU PIB DEPUIS LES ANNÉES 1970 70

1.– Le PIB : un indicateur de bien-être ? 70

2.– De nombreuses difficultés à surmonter 74

B.– COMMENT MESURER LE BIEN-ÊTRE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL ? 76

1.– Face aux limites du PIB, plusieurs approches sont possibles 76

2.– Un foisonnement d’indicateurs alternatifs mais peu d’indicateurs synthétiques crédibles : les variables environnementales sont plus faciles à mesurer que les données sociales 80

a) Les indicateurs à dominante sociale 80

b) Les indicateurs à dominante environnementale 85

c) Un indicateur intégrant les deux dimensions : l’indice de bien-être économique (IBEE) 86

II.– LE SUJET NÉCESSITE UNE RÉFLEXION INTERNATIONALE DONT LA FRANCE DOIT ÊTRE PARTIE PRENANTE 87

A.– APPROFONDIR LES RÉFLEXIONS INTERNATIONALES 87

B.– IMPLIQUER LES INSTITUTS STATISTIQUES NATIONAUX DANS LES TRAVAUX SUR LES INDICATEURS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE 91

1.– La France accuse un certain retard en la matière 91

2.– Développer la recherche sur les indicateurs de développement durable, coordonner les travaux au plan national et mieux diffuser l’information statistique : un rôle moteur pour l’INSEE 93

QUATRIÈME PARTIE : CONFORTER LA CRÉDIBILITÉ DE LA STATISTIQUE PUBLIQUE 95

I.– LE CONTEXTE EUROPÉEN : L’INDÉPENDANCE DES ACTIVITÉS STATISTIQUES EST DE PLUS EN PLUS AFFIRMÉE 96

A.– L’ÉVOLUTION DE LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE ET SES CONSÉQUENCES SUR LE SYSTÈME STATISTIQUE FRANÇAIS 96

1.– Lindépendance scientifique : un principe posé par le Traité sur l’Union européenne et la « loi statistique communautaire » 96

2.– Le Code de bonnes pratiques de la statistique européenne : le texte fondamental de la statistique en Europe 96

3.– La France s’est engagée à respecter les principes de bonnes pratiques de la statistique européenne 98

B.– LA MAJORITÉ DES PAYS EUROPÉENS ONT RENFORCÉ L’INDÉPENDANCE DE LEUR APPAREIL STATISTIQUE 99

II.– BIEN QUE L’INDÉPENDANCE PROFESSIONNELLE DES STATISTICIENS FRANÇAIS NE SOIT PAS CONTESTÉE, SON INSCRIPTION DANS LE DROIT EST AUJOURD’HUI UNE NÉCESSITÉ 103

A.– L’INDÉPENDANCE DE L’INSEE : INSCRITE DANS LES FAITS MAIS PAS DANS LE DROIT 104

1.– La qualité du travail de l’INSEE et l’indépendance de ses statisticiens sont incontestées. 104

2.– Cependant son indépendance est juridiquement moins garantie que celle de ses homologues européens 106

B.– LES PRÉCONISATIONS DE LA MISSION 107

1.– Inscrire l’indépendance des travaux de la statistique publique dans le droit français tout en préservant la spécificité de l’INSEE 107

2.– Faire du CNIS un organisme chargé de garantir l’indépendance professionnelle du système statistique français 108

3.– Garantir le statut et les attributions des services statistiques ministériels (SSM) 110

EXAMEN EN COMMISSION 113

ANNEXE 1 : LISTE DES AUDITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION 121

ANNEXE 2 : PROPOSITION DE LOI RELATIVE AU SERVICE STATISTIQUE PUBLIC 123

ANNEXE 3 : EXTRAITS DES RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE DE LA MISSION, ADRESSÉES PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRÉSOR ET DE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE 125

INTRODUCTION :
ENTRE DÉBAT POLITIQUE ET VÉRITÉ STATISTIQUE

« Si l’utilisation rationnelle des statistiques à des fins pratiques n’est pas plus à l’honneur, c’est qu’elle est à la fois pénible par un bout et périlleuse par l’autre. »

Alfred Sauvy, Le pouvoir et l’opinion, 1949

Avec la mise en cause des chiffres officiels du chômage et le débat récurrent sur la réalité de l’inflation et la question (non tranchée) de la baisse du pouvoir d’achat, l’année 2007 a vu la contestation des statistiques officielles prendre une ampleur sans précédent.

C’est dans ce contexte qu’a été constituée par les commissions des Affaires économiques, des Affaires sociales et des Finances une mission d’information commune sur la mesure des grandes données économiques et sociales. Elle a commencé ses travaux, fin 2007, avec pour objectif de clarifier les termes du débat et de proposer des mesures qui permettent de restaurer la confiance dans la statistique publique.

Lors de l’introduction de l’euro est apparu un décalage, qui persiste depuis, entre l’inflation mesurée et l’inflation ressentie par les ménages. Alors que les données publiées par l’INSEE montrent que les revenus des ménages français ont progressé plus vite que les prix ces dernières années, la controverse sur la baisse du pouvoir d’achat alimente toujours le débat. Il convient au préalable de s’entendre sur les termes employés, pour éviter les confusions fréquentes entre les notions d’inflation, de pouvoir d’achat et de coût de la vie. Il est alors possible d’enrichir les données disponibles d’indicateurs complémentaires permettant d’appréhender la variété des situations au regard de l’évolution du pouvoir d’achat.

La mesure du chômage est soumise aux mêmes dilemmes que la mesure des prix : disposer d’un indicateur de référence simple et qui permette les comparaisons internationales, ce qui est indispensable au débat public et à l’action politique, tout en tenant compte de la diversité des situations vécues. Se focaliser sur un indicateur unique, c’est se cantonner dans une vision étriquée, mais multiplier les indicateurs entretiendrait la confusion. La mission a entendu répondre aux critiques régulièrement adressées aux indicateurs du chômage ; elle propose des solutions pour établir des indicateurs fiables, suffisamment complets, mieux diffusés. Sur ce sujet, elle a accordé une attention particulière aux statistiques locales, qui pourraient être nettement améliorées.

Si la mesure du PIB est essentielle, il existe un consensus sur la nécessité de mesurer dans chaque pays le progrès des sociétés en allant au-delà des indicateurs économiques habituels. Certes, les initiatives se multiplient, les propositions d’indicateurs de développement durable foisonnent, et la question est peu à peu reprise au niveau institutionnel. Cependant, tout reste à faire et un certain nombre d’obstacles techniques et de choix idéologiques pèsent sur la construction d’indicateurs alternatifs au PIB. C’est pourquoi la mission considère que la question doit être abordée avec prudence. Elle insiste sur la nécessité d’approfondir la réflexion internationale et sur le rôle de chef de file que doit jouer l’INSEE en la matière.

Enfin, elle a mesuré combien le contexte institutionnel a une influence déterminante sur la crédibilité des autorités statistiques. C’est pourquoi, bien que l’impartialité et la qualité du travail fourni par les statisticiens français soient unanimement reconnues, il convient d’inscrire l’indépendance de la statistique publique dans notre droit. Le contexte national de méfiance à l’égard des chiffres dits « officiels » autant que la réglementation européenne nous y invitent. Les membres de la mission entendent déposer une proposition de loi afin de consacrer juridiquement l’indépendance des autorités statistiques.

En définitive, le débat ne porte pas tant sur les résultats de la mesure que sur la nature des données mesurées. En effet, les auditions conduites par la mission d’information ont montré que la crédibilité et l’objectivité des statistiques publiques, et en particulier de l’INSEE, n’étaient pas sérieusement contestées. Ce qui est sujet à controverses, ce sont les phénomènes économiques et sociaux que l’on veut mesurer. C’est pourquoi le débat est, au sens le plus noble, de nature politique. S’il n’appartient pas aux travaux statistiques de trancher des débats politiques et moraux, les données fournies doivent alimenter la réflexion.

C’est ainsi qu’au terme de ses nombreuses auditions, la mission a eu à cœur de formuler des propositions afin d’enrichir le débat public et la connaissance économique et sociale, en répondant à une demande d’information croissante en matière de statistiques et en garantissant l’indépendance de la statistique publique.

LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE

Proposition n° 1 : Publier systématiquement l’indicateur du pouvoir d’achat par unité de consommation en complément du pouvoir d’achat des ménages.

Proposition n° 2 : Publier l’évolution du pouvoir d’achat par décile de niveau de vie.

Proposition n° 3 : L’INSEE doit, en liaison avec ses homologues européens, développer une véritable politique de recherche en matière de statistique pour mieux cerner les nouvelles réalités sociologiques.

Proposition n° 4 : L’INSEE doit intensifier ses efforts de pédagogie et de communication.

Proposition n° 5 : Faire de l’enquête emploi l’instrument de mesure de l’évolution conjoncturelle du chômage :

– Améliorer l’enquête emploi : augmenter l’échantillon, améliorer les méthodes de pondération ;

– Faire apparaître clairement qu’enquête emploi et sources administratives ne mesurent pas les mêmes phénomènes ;

– Engager l’indispensable réflexion au niveau européen sur les moyens d’améliorer les instruments du suivi conjoncturel du chômage.

Proposition n° 6 : Publier régulièrement des indicateurs complémentaires :

– Publier mensuellement deux indicateurs complémentaires du chômage BIT : halo du chômage et sous-emploi ;

– Améliorer la qualité et la diffusion des statistiques de l’emploi ;

– Envisager la publication d’un dossier commun annuel regroupant divers documents et indicateurs sur l’emploi, le chômage, ainsi que les marges entre chômage, emploi et inactivité.

…/..

Proposition n° 7 : Renforcer la statistique locale :

– Remettre au Parlement un rapport sur les voies d’amélioration des statistiques locales ;

– Améliorer la qualité des statistiques de l’emploi et du chômage dans les départements d’outre-mer (réaliser l’enquête emploi en continu, augmenter son échantillon) et informer le Parlement sur l’intégration des personnes au chômage en outre-mer dans les statistiques nationales.

Proposition n° 8 : Améliorer la publication des chiffres de l’emploi et du chômage :

– Distinguer clairement les publications de l’INSEE, fournissant l’évolution de l’emploi et du taux de chômage, et celles de l’ANPE-DARES, permettant un suivi des politiques de l’emploi ;

– Annoncer en début d’année un calendrier de publication des statistiques de l’emploi et du chômage ;

– Respecter les règles déontologiques en matière de communication des chiffres et informer le public de la communication anticipée des chiffres au gouvernement ;

– Veiller à publier des documents clairs et pédagogiques (faire état des éventuelles modifications de méthode et en chiffrer l’impact ; accompagner les publications de commentaires méthodologiques ; réserver la première page des publications à un résumé pédagogique ; améliorer la présentation des documents sur le site Internet de l’INSEE).

Proposition n° 9 : Développer la recherche sur les indicateurs de développement durable.

Proposition n° 10 : Consacrer le rôle clé de l’INSEE dans la coordination des différents travaux menés au plan national sur le développement durable.

Proposition n° 11 : Participer aux travaux européens et internationaux sur les indicateurs de développement durable.

Proposition n° 12 : Mieux informer le public sur les indicateurs de développement durable.

…/..

Proposition n° 13 : Inscrire dans le droit l’indépendance de la statistique publique tout en préservant la spécificité de l’INSEE.

Proposition n° 14 : Mettre en place un organe de surveillance, garant de la qualité et de l’impartialité des données statistiques, en renforçant les prérogatives et l’indépendance du CNIS.

Proposition n° 15 : Appliquer les principes du Code de bonnes pratiques à toutes les activités des services statistiques ministériels et renforcer le rôle de coordination de l’INSEE.

PREMIÈRE PARTIE :
DE L’INFLATION AU POUVOIR D’ACHAT

Alors que les données publiées par l’INSEE montrent que les revenus des ménages français ont progressé plus vite que les prix ces dernières années, la controverse sur la baisse du pouvoir d’achat alimente toujours le débat. Pourtant, en soi, le terme même de pouvoir d’achat peut porter à confusion, car il recouvre des acceptions différentes selon les personnes qui l’emploient.

Ainsi, l’on confond souvent inflation et pouvoir d’achat, alors que ce sont deux notions distinctes. L’inflation, mesurée par l’indice des prix à la consommation, est une donnée macroéconomique, qui ne peut pas, par définition, traduire la multitude des situations individuelles. Ainsi, ce qui serait contesté ne serait pas tant le résultat de la mesure, que son objet.

Il est toutefois possible d’affiner l’offre de données statistiques afin de mieux expliquer la situation de certaines catégories au regard du pouvoir d’achat. Néanmoins, il convient d’éviter que la quantité des informations disponibles nuise à leur lisibilité.

I.– L’INDICE DES PRIX, UN INSTRUMENT MACROÉCONOMIQUE QUI NE PEUT RENDRE COMPTE DES SITUATIONS INDIVIDUELLES

A.– L’INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION : UN INSTRUMENT FIABLE DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE

1.– La construction de l’indice obéit à une méthodologie complexe soumise à des recommandations internationales

L’indice des prix à la consommation (IPC) est l’instrument de mesure, entre deux périodes données, de la variation du niveau général des prix sur le territoire français.

La mesure porte sur les prix des biens et des services proposés aux consommateurs sur l’ensemble du territoire, toutes taxes comprises. Cela comprend les soldes et les promotions, mais exclut les réductions privées. Une faible part, soit moins de 5 %, des biens et services, ne sont pas couverts par l’IPC : il s’agit principalement des services hospitaliers privés (2), de l’assurance vie et des jeux de hasard. Ces produits sont écartés pour des raisons méthodologiques : par exemple les assurances vie sont en général à la fois des assurances, qui devraient être suivies par l’IPC, et des placements financiers, exclus de son champ. Or ces deux fonctions étant indissociables, il est impossible de déterminer le prix du seul service d’assurance. Les opérations financières ne relevant pas de la consommation proprement dite sont exclues de son champ : tel est le cas de l’achat de logement – considéré comme un investissement –, des opérations d’épargne, des impôts directs, des cotisations sociales.

Comme il est impossible de suivre tous les prix, l’IPC mesure l’évolution des prix d’un panier de biens et services pondérés en fonction de leurs poids respectifs dans la consommation des ménages. L’échantillon de l’INSEE est composé de 110 000 biens et services, qui reflètent à la fois la variété des produits consommés, les différences géographiques et les divers circuits de distribution. Au total, environ 200 000 prix sont collectés chaque mois.

Pour qu’un type de produit entre dans l’échantillon, il doit être suffisamment consommé. La réglementation européenne rend obligatoire le suivi de tout produit représentant plus d’un millième de la consommation des ménages.

L’IPC est publié mensuellement, le 13 de chaque mois pour les données du mois précédent. L’échantillon de produits suivis est fixé pour l’année.

Source : INSEE.

Le calcul de cet indice résulte de l’application d’une méthode complexe, qui tend à être harmonisée au niveau international. Les instituts nationaux de statistique se concertent régulièrement sur ses principes.

Dans l’Union européenne, les indices de prix ont fait l’objet d’un travail d’harmonisation entre les services statistiques nationaux sous la coordination d’Eurostat. Les indices de prix à la consommation harmonisés (IPCH) ainsi obtenus ne se substituent pas aux IPC nationaux.

Si l’IPC se distingue encore sur certains points de l’IPCH en vigueur à l’échelle de l’Union européenne (3), ses fondements méthodologiques sont très proches des indices de prix à la consommation calculés dans la plupart des pays industrialisés. Ainsi, les critiques que l’on peut formuler à l’égard de l’IPC en France sont généralement applicables aux indices de prix produits à l’étranger.

Dans le cadre de l’objectif de stabilité des prix poursuivi par la Banque centrale européenne, l’IPCH est l’indicateur majeur pour la conduite de la politique monétaire dans la zone euro.

2.– L’IPC, un outil de politique macroéconomique

L’indice des prix à la consommation permet de suivre l’évolution des prix et donc d’apprécier les tensions inflationnistes. Cet indice n’a pas vocation à mesurer l’évolution du coût de la vie, mais la dépréciation de la valeur de la monnaie. C’est un instrument de politique économique, budgétaire et monétaire.

L’IPC est essentiel pour mesurer les grandes évolutions économiques. Il est utilisé comme déflateur de nombreux agrégats économiques (consommation, revenus...) pour en calculer les évolutions en volume ou en termes réels (« en euros constants »). C’est ainsi qu’on peut dire qu’« en creux », l’inflation mesure la croissance, puisque tout ce qui n’est pas inflation, dans l’augmentation en valeur du produit intérieur brut, est de la croissance.

Pourtant, bien que la fiabilité de la méthode retenue pour calculer l’IPC ne soit pas sérieusement contestée, il reste que la perception de l’inflation par les consommateurs français est en décalage avec sa mesure, singulièrement depuis le passage à l’euro. La polémique sur la réalité de l’évolution des prix a acquis beaucoup d’ampleur ces derniers temps.

B.– LA PERCEPTION DE L’INFLATION PAR LES CONSOMMATEURS, EN DÉCALAGE AVEC SA MESURE

Le décalage entre inflation mesurée et inflation perçue persiste en France depuis le passage à l’euro. L’INSEE réalise une enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages, qui mesure leur sentiment par rapport à l’inflation. Dès 1999, les ménages perçoivent une hausse de l’inflation, sentiment qui correspond effectivement à une remontée de l’indice des prix à la consommation. Jusqu’en 2001, les deux courbes d’inflation mesurée et perçue sont à peu près comparables. Mais au moment du passage à l’euro en janvier 2002, l’inflation perçue bondit, décrochant nettement de la courbe d’évolution de l’IPC, dont elle était solidaire auparavant. Tous les pays concernés ont connu un tel décrochage lors du passage à l’euro, comme le montrent les travaux d’Eurostat. Cependant, le décalage persiste en France alors qu’il s’est résorbé dans la plupart des pays de la zone euro.

ÉVOLUTION DE L’IPCH ET DE L’INFLATION PERÇUE DANS LA ZONE EURO

Source : Eurostat, Commission européenne.

1.– Un décalage observé dans tous les pays au moment du passage à l’euro…

Au moment du passage à l’euro, le prix de certains biens a réellement augmenté, mais la perception des consommateurs a surestimé ce phénomène. Deux effets se sont conjugués pour donner le sentiment que le passage à l’euro avait joué un rôle inflationniste :

– d’une part, la hausse des prix dans la grande distribution a été particulièrement forte. Cette hausse a marqué les consommateurs, mais elle ne portait que sur un nombre limité de produits, ce qui explique que l’indice des prix dans son ensemble ait peu augmenté à cette époque. De plus, après les accords de juin 2004, les prix ont reculé dans la grande distribution ;

– d’autre part, certains consommateurs ont eu des difficultés à retrouver leurs repères après le changement de monnaie. Ainsi, l’INSEE a observé que lorsqu’ils laissent un pourboire, les consommateurs laissent cinquante centimes d’euros comme ils laissaient auparavant cinquante centimes de francs.

2.– … mais qui persiste en France

Les graphiques d’Eurostat montrent que le décalage entre inflation perçue et inflation mesurée s’est résorbé dans la majorité des pays de la zone euro. Il persiste en France, mais aussi en Belgique, en Grèce et en Finlande.

Cette spécificité est malaisée à expliquer. Alors que les statisticiens et les économistes décrivent un faible impact inflationniste du passage à l’euro, l’opinion publique, certains médias, les fédérations de consommateurs et une partie de la classe politique continuent à lui attribuer une responsabilité directe dans la hausse des prix.

La Banque de France et l’INSEE ont mis en place divers outils visant à mesurer l’impact de l’euro. Dans tous les cas, les conclusions de la Banque de France et de l’INSEE convergent pour indiquer un impact modéré de l’euro, inférieur à 0,3 point.

Le comportement des prix dans la grande distribution a probablement joué un rôle important dans la perception du passage à l’euro. Le fait que la grande distribution ait anticipé le passage à l’euro en augmentant ses prix quelques mois avant a marqué les esprits, d’autant plus que les produits achetés en grande distribution concernent la consommation courante des ménages.

Une autre explication peut être apportée par le fait qu’en France, le passage à l’euro a coïncidé avec un ralentissement de l’augmentation des salaires. Les salaires représentent 60 % du revenu disponible brut (RDB), les transferts sociaux reçus comptant pour environ 30 %. Si l’on décompose le taux de croissance du revenu disponible brut pour identifier les composantes qui y contribuent le plus, il apparaît que la part due à la croissance du salaire brut a diminué : alors que le taux de croissance du salaire représentait environ 90 % du taux de croissance du RDB en 1998, il ne rend compte que de 55 % de sa progression en 2006. C’est le revenu des entrepreneurs individuels qui soutient la croissance du revenu disponible brut en 2006, pour y contribuer aujourd’hui à hauteur du quart. La contribution des autres composantes, transferts sociaux et fiscalité, est relativement stable.

Ainsi, en raison du faible dynamisme des revenus salariaux, les Français auraient développé une hypersensibilité à la hausse des prix, alors que dans d’autres pays européens, c’est la hausse prévisible de la rémunération qui fait l’objet de toutes les attentions.

Ces éléments ne sont toutefois pas suffisants pour expliquer un tel décalage entre inflation mesurée et inflation perçue, et il convient d’analyser les limites techniques de l’indice des prix à la consommation.

C.– PEUT-ON ET DOIT-ON MODIFIER L’INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION ?

1.– Les limites de l’indice des prix à la consommation

L’indice des prix à la consommation n’est pas exempt de critiques. Certes, il ne faut pas en attendre qu’il mesure l’évolution du pouvoir d’achat ou du coût de la vie (cf. infra). Cependant, dans le cadre même de son objet qui est de mesurer l’inflation, il comporte des limites, comme le montre le rapport « Mesurer le pouvoir d’achat » de MM. Philippe Moati et Robert Rochefort pour le Conseil d’analyse économique.

Les trois principales critiques qui peuvent être faites à l’IPC sont la sous-pondération des dépenses du logement, l’imparfaite mesure de « l’effet qualité » et le défaut de prise en compte de certaines évolutions récentes des marchés.

a) L’incomplète prise en compte des dépenses de logement

Les variations du patrimoine des ménages peuvent modifier leur perception du pouvoir d’achat, bien qu’elles aient en réalité un effet mineur sur le revenu. En effet, la comptabilité nationale considère que les ménages propriétaires de leur logement se versent un loyer, évalué en référence aux prix pratiqués sur le marché. Ces loyers dits « imputés » sont enregistrés comme une production pour compte propre de services de logement des propriétaires-occupants, qui augmente simultanément leur revenu et leur consommation. Si les prix de l’immobilier augmentent, cela augmente donc à la fois les revenus et la consommation des ménages.

Toutefois, à court terme, l’augmentation des prix de l’immobilier a un impact important sur la perception du pouvoir d’achat par les ménages, dans la mesure où une partie croissante des revenus des accédants à la propriété est bloquée. Dans l’IPC, le coût du logement pèse au total pour 13,5 %. Cela inclut les loyers – des résidences principales et de vacances – (6,1 %), l’énergie domestique (4,3 %) et les autres charges (eau, gardien, travaux et maintenance...). Le poids des loyers peut paraître faible, dans la mesure où l’on observe par ailleurs que les loyers représentent environ 20 % des dépenses des ménages locataires. Cependant, les locataires sont moins nombreux que les propriétaires (le pourcentage de ménages propriétaires de leur logement a augmenté de 45,6 % en 1973 à 56 % en 2002), et, moins aisés en moyenne que les propriétaires, ils consomment moins. La part qu’ils représentent dans la consommation de l’ensemble des ménages n’est que d’un tiers environ.

Le prix de l’acquisition d’un logement n’est pas pris en compte dans l’IPC, car il s’agit d’un investissement. Dans le contexte d’une forte augmentation des prix de l’immobilier ces dernières années, sa faible prise en compte dans le panier de l’indice entretient la méfiance sur la crédibilité de l’inflation mesurée.

Les méthodes de prise en compte du logement dans le calcul des indices des prix à la consommation varient d’un pays à l’autre. L’IPCH d’Eurostat est construit de la même manière que l’indice français, mais certains pays, comme le Royaume-Uni ou la Suède, prennent en compte les charges d’intérêts payées par les propriétaires accédants et d’autres comme l’Allemagne, les États-Unis ou les Pays-Bas imputent un loyer fictif. Enfin, le Royaume-Uni et la Suède prennent en compte la dépréciation du logement.

Toutefois, la prise en compte de loyers fictifs pour les propriétaires crée d’autres problèmes. Il est difficile de distinguer, dans le prix d’acquisition d’un logement, le montant qui correspond à une consommation de logement, et le montant correspondant à un investissement pour l’avenir, une épargne accumulée.

À l’initiative de la BCE, les offices statistiques nationaux réunis sous l’égide d’Eurostat réfléchissent actuellement à la construction d’un indice de prix qui intégrerait partiellement le prix de l’immobilier. D’après le rapport du Conseil d’analyse économique, la démarche consistera probablement dans le calcul d’un indice des prix de l’immobilier fondé sur l’observation de l’ensemble des transactions immobilières réalisées par les ménages ; l’effet de l’intégration de cet indice dans l’IPC serait atténué en le pondérant par le seul poids des achats de logements neufs dans le budget des ménages.

En tout état de cause, il s’agit seulement de créer un indice des prix complémentaire, élargi à l’immobilier. Il n’est pas question de remplacer l’actuel IPC qui, en tant qu’outil de politique monétaire, ne doit porter que sur des dépenses de consommation.

b) L’imparfaite mesure de l’effet qualité

La part attribuable à l’augmentation de la qualité des produits dans la hausse des prix est extrêmement difficile à mesurer. Le problème est de séparer dans l’évolution du prix ce qui ressort d’une variation de prix « pure » de ce qui est lié à une évolution de la qualité du produit.

Pour tenir compte de l’apparition des nouveautés et de l’évolution ou de la disparition de certains types de produits, le panier de biens et services qui sert au calcul de l’indice est actualisé tous les ans. Il faut distinguer entre les produits qui évoluent, et les produits nouveaux. S’agissant des produits qui s’améliorent, l’INSEE corrige le rapport de prix entre l’ancien et le nouveau produit de l’éventuelle variation de qualité. Cette correction aboutit souvent à ce que l’indice d’un produit baisse régulièrement alors que les prix du marché se maintiennent ou augmentent. C’est le cas des micro-ordinateurs, dont la capacité de mémoire augmente rapidement, et de manière générale, des produits technologiques.

La prise en compte des produits nouveaux est différente, puisqu’on les ajoute au panier à l’occasion de sa révision annuelle, et qu’on ne commence à mesurer l’évolution de son prix qu’à partir de cette date (technique du « chaînage »).

Ces méthodes de calcul peuvent perturber l’appréciation subjective du consommateur, d’autant que les producteurs ou les distributeurs profitent souvent du remplacement d’un produit ancien par un produit nouveau pour changer les prix alors que le gain de qualité n’est pas toujours tangible. En définitive, pour cette raison, l’indice des prix à la consommation pourrait être soupçonné de tirer vers le bas l’évolution des prix.

A partir de travaux en cours sur les indices de qualité implicite (IQI) dans le cadre européen, l’INSEE a publié une étude démontrant que l’ensemble des ajustements de qualité n’avait qu’un faible impact à la baisse, d’environ 0,3 %, sur le glissement annuel de l’indice en 2003. Ce résultat s’explique par un taux réduit de remplacement dans l’indice des prix : en 2003, seulement 4,1 % des produits ont été remplacés par d’autres, mais compte tenu du fait que 40 % ont été réalisés à qualité équivalente, le taux de remplacement avec ajustement de qualité était limité à 2,7 %. En outre, les ajustements de qualité ne vont pas tous dans le sens d’une diminution de l’indice des prix : 39 % d’entre eux impliquent une baisse de qualité ayant pour effet d’augmenter l’indice de prix correspondant.

On se souvient que la commission Boskin, mise en place par le Sénat américain en 1995 pour évaluer l’indice des prix à la consommation, avait conclu, en décembre 1996, que l’effet qualité était sous-estimé d’environ 1,1 point – autrement dit, l’IPC surestimait l’inflation de 1,1 point.

La mesure de l’effet qualité est forcément imparfaite étant donné la multiplicité des critères d’amélioration d’un produit. Par ailleurs, l’INSEE ne mesure pas l’effet qualité dans les services, car ses variations sont trop subjectives et dépendent des circonstances et des clients. Toutefois, cette absence de mesure pose problème, étant donné le poids croissant des services. Ainsi, la réduction de la file d’attente à un guichet ou à une hotline n’est pas prise en compte, alors qu’elle constitue réellement une amélioration du service, associée à un coût pour celui qui le met en œuvre.

Le caractère subjectif s’applique également aux biens consommés. Par exemple, le prix d’un yaourt dont la teneur en fruits s’accroît augmente : s’agit-il d’une amélioration de sa qualité ou de l’inflation déguisée par le producteur ? La réponse est susceptible de varier selon les consommateurs interrogés.

c) La difficile prise en compte de l’évolution des pratiques commerciales

Le rapport du Conseil d’analyse économique distingue trois types d’évolutions qui caractérisent les pratiques commerciales récentes, et qui sont mal prises en compte par la méthodologie de calcul de l’IPC : le développement des offres forfaitaires et des abonnements, le développement des offres promotionnelles et l’évolution des circuits d’achat.

L’apparition de nouveaux moyens de télécommunication s’est accompagnée de la généralisation des offres commerciales forfaitaires, qui présentent en outre souvent la caractéristique d’être proposées sous forme de bouquets. Leur développement s’inscrit dans une tendance lourde de diffusion dans l’économie d’une logique de « l’accès », décrite par Jeremy Rifkin en 2005, et qui consiste à substituer, à des transactions ponctuelles sur des biens ou des services isolés, des contrats définissant les conditions d’accès à un ensemble de ressources supposées produire certaines catégories d’effets utiles pour les clients. La pratique ne concerne pas seulement les télécommunications, mais aussi les services bancaires, les services d’assurance, les suites logicielles, etc.

L’impact de ces pratiques commerciales sur le pouvoir d’achat est ambivalent. Il est très difficile pour le statisticien de mesurer l’évolution du prix des bouquets. Les statisticiens auraient besoin de savoir dans quelle mesure les consommateurs utilisent toutes les options fournies dans les « packs », afin de déterminer si l’effet qualité l’emporte, ou s’il s’agit d’une inflation déguisée.

Par ailleurs, le développement des offres promotionnelles telles que les cartes de fidélité et les remises sur le prochain achat n’est pas pris en compte dans l’IPC, car l’INSEE ne mesure que les prix affichés. Les remises après passage en caisse sont devenues très courantes, notamment dans les grands magasins, pour les possesseurs de cartes de crédit distribuées par l’enseigne. Les cartes permettant d’accumuler des points sont devenues très courantes.

On manque d’études pour mesurer l’impact de ce phénomène sur le pouvoir d’achat, mais il ne fait aucun doute qu’il s’est suffisamment développé pour que son effet ne soit plus négligeable sur les prix à la consommation.

Enfin, l’IPC n’a pas pris en compte des évolutions importantes du marché que sont l’apparition en France du hard discount ainsi que le développement des low costs. En effet, l’évolution des parts de marché des distributeurs est prise en compte par la modification du panier annuel mais cette mise à jour n’a pas d’impact indiciaire du fait de la technique du chaînage. On n’enregistre donc pas de baisse des prix consécutive au remplacement des points de vente chers par des points de vente bon marché. La non prise en compte de ce dernier phénomène est de nature à surestimer l’inflation.

2.– Peut-on améliorer l’indice des prix à la consommation ?

Les défauts de l’IPC décrits ci-dessus ont un effet ambivalent sur le niveau de l’inflation mesurée. Mis à part l’incomplète prise en compte des dépenses de logement, les autres sont plutôt de nature à surestimer l’inflation.

La rigueur scientifique de cet instrument n’est pas sérieusement contestée, ni en France ni à l’étranger. Les évaluations réalisées au plan international, notamment l’audit d’Eurostat de janvier 2007 et la mission du FMI sur les statistiques macroéconomiques et sur l’indice des prix à la consommation en 2003, ont souligné le sérieux des statistiques de l’INSEE.

Si l’IPC est imparfait, il appartient aux statisticiens de le faire évoluer dans la mesure du possible, et dans le cadre de son objet. Une des limites à cet exercice est le besoin de stabilité de l’indice, permettant les comparaisons spatiotemporelles, notamment dans le cadre de la politique monétaire. En outre, de nombreuses valeurs (produits financiers, prestations sociales) sont reliées à l’IPC.

3.– L’INSEE propose des indices particuliers répondant à la demande d’information individualisée

Les statistiques reposent sur une approche macroéconomique. L’indice des prix à la consommation est une moyenne, ce qui occulte la diversité des situations individuelles. Or, les consommateurs sont de plus en plus demandeurs d’informations qui reflètent leur situation individuelle. Chacun voudrait que l’IPC traduise sa propre perception de l’inflation.

L’INSEE publie un très grand nombre d’indices de prix :

– l’IPC hors tabac pour l’ensemble des ménages ;

– l’IPC hors tabac pour les ménages dont le chef est ouvrier ou employé (indice servant de base au calcul du SMIC) ;

– l’indice corrigé des variations saisonnières ;

– l’indice d’inflation sous-jacente, qui permet d’extraire de l’évolution observée des prix la tendance de moyen terme, en retirant de l’indice des prix les composantes jugées a priori trop fluctuantes, comme les produits frais, l’énergie, le tabac et les tarifs publics ;

– l’indice des prix de la dépense de consommation des ménages, ou « déflateur de la consommation des ménages » : directement issu de l’IPC, le déflateur de l’année n utilise les coefficients budgétaires de l’année – 1 (alors que pour des raisons de disponibilité statistique, l’IPC utilise ceux de l’année – 2). En outre, le déflateur de la consommation des ménages intègre les loyers fictifs imputés aux propriétaires de leur logement, ce que ne fait pas l’IPC ;

– 305 indices par familles de produits (« yaourts aux fruits », « pantalons pour enfants », « coiffeurs pour femme »…).

Par ailleurs, l’INSEE s’intéresse à la variété des situations individuelles en calculant, depuis 2004, des indices par catégorie de ménages. Ces indices permettent d’apprécier comment les différences de structure de consommation entre catégories de ménages modifient le niveau de l’inflation qu’ils supportent. Le loyer absorbe une part plus importante du budget des jeunes ménages, les dépenses de santé pèsent plus lourd dans celui des personnes âgées, les personnes seules consomment proportionnellement davantage de services domestiques et d’électricité.

L’INSEE calcule des indices de prix :

– selon l’âge de la personne de référence du ménage (cinq tranches d’âge) ;

– selon que le ménage est propriétaire ou locataire de son logement ;

– selon le revenu du ménage (dix déciles de revenu) ;

– selon le niveau de vie du ménage (dix déciles de revenu par unité de consommation) ;

– selon la catégorie socioprofessionnelle (six catégories) ;

– selon le type de ménage : couple sans enfant, avec un enfant, deux enfants, trois enfants ou plus, famille monoparentale, personne seule ;

– selon la taille de la commune de résidence du ménage (six catégories) ;

– par régions regroupées en zones d’étude et d’aménagement du territoire (huit zones).

C’est pour les 10 % des ménages ayant les plus bas revenus par unité de consommation (premier décile) que l’indice s’éloigne le plus de l’indice d’ensemble. Plus généralement, les indices de prix catégoriels tendent à décroître du premier au dernier décile de revenu par unité de consommation.

En outre, depuis février 2007, un simulateur d’indice personnalisé est disponible sur le site Internet de l’INSEE. Avec ce simulateur, inspiré des modèles déjà proposés par les instituts de statistiques allemand et britannique, chacun peut calculer un indice des prix prenant en compte les particularités de son budget, en modifiant les pondérations d’une douzaine de groupes de produits en fonction de ses propres habitudes de consommation.

La multitude d’indicateurs mesurés par l’INSEE répond à la demande d’informations plus individualisées. Toutefois, la statistique publique doit être enrichie s’agissant de la mesure du pouvoir d’achat et du coût de la vie, qui ne doivent pas être confondus avec l’inflation.

II.– AMÉLIORER ET DIVERSIFIER LA MESURE DU POUVOIR D’ACHAT DES MÉNAGES ET DES INDIVIDUS

Les ménages ont tendance à confondre l’inflation, mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC), le pouvoir d’achat et le coût de la vie.

A.– LA PERCEPTION DE L’ÉVOLUTION DE LEUR POUVOIR D’ACHAT PAR LES MÉNAGES EST DÉCALÉE DE SA MESURE PAR L’INSEE

Le cadre de la comptabilité nationale fournit une définition précise du pouvoir d’achat, harmonisée sur le plan international et articulée avec les notions de consommation et d’épargne.

1.– La mesure du pouvoir d’achat par l’INSEE…

Le pouvoir d’achat des ménages se définit comme le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages, tel qu’il résulte de la comptabilité nationale. Il comprend les revenus d’activité, les revenus du patrimoine, les transferts en provenance d’autres ménages et les prestations sociales, diminués des impôts et des cotisations versées. La définition de ce revenu disponible brut repose sur des conventions internationales.

Le pouvoir d’achat évolue positivement si le revenu brut disponible enregistre une hausse supérieure à celle des prix. À l’inverse, le pouvoir d’achat diminue si l’indice des prix évolue plus fortement que l’évolution du revenu disponible brut. L’évolution du pouvoir d’achat n’est donc pas l’inflation, mais le rapport entre l’évolution du revenu disponible brut et l’inflation.

Ainsi mesuré, le pouvoir d’achat des ménages augmente constamment, de façon plus ou moins rapide. Après avoir vigoureusement augmenté durant les années de forte croissance (+ 3,4 % par an en moyenne sur 1998-2002), il a globalement ralenti ces dernières années (+ 1,9 % par an en moyenne sur 2003-2006). En 2003, le revenu disponible brut des ménages n’a progressé que de 0,9 %, en raison de la stagnation des revenus d’activités. En 2004, il progresse de 2,2 %, en 2005 de 1,1 %, et en 2006 de 2,2 %.

2.– … en décalage avec la perception des ménages

Bien que la comptabilité nationale rende compte d’un certain ralentissement du pouvoir d’achat des ménages sur la période récente 2003-2006, comparée à la période 1998-2002, la perception du grand public sur cette question est beaucoup plus dégradée, comme le montre le graphique suivant.

MESURE ET PERCEPTION DE L’ÉVOLUTION DU POUVOIR D’ACHAT DES MÉNAGES

Il convient de noter ici que le traitement du logement ne peut pas expliquer le décalage. La comptabilité nationale tient compte des « revenus imputés » dans le calcul du revenu disponible des ménages. Les loyers imputés constituent le gros des dépenses imputées. La comptabilité nationale considère que les ménages propriétaires de leur logement se versent un loyer, évalué en référence aux prix pratiqués sur le marché. Ces loyers fictifs sont enregistrés comme une production pour compte propre de services de logement des propriétaires-occupants, qui augmente simultanément leur revenu et leur consommation.

Pour prendre la mesure du sentiment de dégradation du pouvoir d’achat, il convient, en outre, de tenir compte de la dispersion des situations individuelles. Le rapport précité de MM. Robert Rochefort et Philippe Moati (4) a mis en évidence les inégalités dans la dynamique des revenus. Entre 2001 et 2006, si les professions libérales, agriculteurs ou ouvriers, par exemple, ont connu une forte croissance de leur pouvoir d’achat, les professions intermédiaires et surtout les retraités ont été « perdants » par rapport à la moyenne. Pour les ménages relevant de ces groupes, la dégradation ressentie est à l’évidence plus vive encore que cette moyenne ne le suggère.

ÉVOLUTION DU POUVOIR D’ACHAT PAR MÉNAGE POUR QUELQUES GROUPES TYPES

(en %)

 

2002

2003

2004

2005

2006

Retraités

1,2

– 0,1

0,7

– 0,3

0,3

Professions intermédiaires administratives et commerciales en entreprises

2,6

0,4

1,4

– 0,6

2,5

Professions intermédiaires de la Fonction Publique

2,4

0,5

1,5

0,7

2,5

Contremaîtres et agents de maîtrise

2,9

0,6

1,5

0,9

2,7

Chômeurs

3,4

0,0

0,3

0,2

1,2

Ensemble de la population

2,5

0,0

1,2

0,1

1,4

Cadre de la Fonction Publique

2,5

– 1,9

1,9

– 0,4

2,2

Cadres administratifs et commerciaux d’entreprises

2,7

– 1,7

2,0

– 0,5

2,2

Ingénieurs et cadres techniques d’entreprises

2,6

– 1,7

1,8

– 0,1

2,3

Agriculteurs

2,5

0,6

1,5

0,3

2,0

Ouvriers

3,1

0,4

1,5

0,6

2,1

Chef d’entreprises de 10 salariés ou plus

2,8

– 0,6

3,0

0,6

3,5

Commerçants et assimilés

3,5

– 0,1

2,5

0,7

3,2

Professions libérales

5,8

– 1,5

3,8

– 0,8

3,7

Source : D’après rapport « Mesurer le pouvoir d’achat » de MM. Philippe Moati et Robert Rochefort pour le Conseil d’analyse économique, p.61

 

3.– Les biais de perception des consommateurs

a) La focalisation des consommateurs sur l’évolution des prix des dépenses courantes

La première explication du décalage entre l’évolution mesurée du pouvoir d’achat et sa perception est la focalisation des consommateurs sur les produits de consommation courante. Les prix des achats les plus courants marquent davantage l’esprit. Or, le prix de certains produits alimentaires a nettement augmenté : le prix des produits alimentaires et boissons non alcoolisées s’est globalement alourdi de 5 % entre février 2007 et février 2008.

Le prix de l’énergie et des services (surtout les réparations de véhicules et les services domestiques) a tendance à fortement augmenter. Entre février 2007 et février 2008, les prix des combustibles liquides ont cru de 32 %.

L’attention des consommateurs a ainsi tendance à se concentrer sur le prix des biens qu’ils achètent quotidiennement, plutôt que sur celui des achats qu’ils effectuent plus rarement, comme une télévision ou un ordinateur qui constituent pourtant une part croissante de leur consommation. Or le prix de ces biens durables ou semi-durables tend à diminuer constamment. Ainsi le prix des équipements audiovisuels, informatiques et photographiques a baissé de 10,7 % entre février 2007 et février 2008. Le prix de l’habillement a tendance à stagner.

Le tableau présenté ci-après montre le détail de l’évolution des prix par catégories de produits.

INDICE MENSUEL DES PRIX À LA CONSOMMATION DE L’ENSEMBLE DES MÉNAGES

(Base 100 : année 1998)

France métropolitaine et DOM. Février 2008.

Source : INSEE.

b) La multiplication de l’offre de produits engendre des frustrations

Le sentiment de baisse du pouvoir d’achat peut aussi provenir d’une sensation de frustration. L’apparition récente de nouveaux biens et services (téléphone mobile, ordinateur, Internet, MP3…), qui ont connu un fort engouement et une pénétration très rapide sur le marché, a intensifié le désir de consommation. Ces nouveaux produits ne se substituent pas à d’autres, mais viennent élargir les opportunités de consommation, et entraînent une évolution de la norme de consommation. Un tel phénomène peut expliquer un sentiment d’appauvrissement relatif même avec un revenu croissant : ou bien on satisfait à cette norme nouvelle, au prix parfois d’une baisse du taux d’épargne, ou bien on éprouve un sentiment de frustration.

Ainsi, le rapport du Conseil d’analyse économique explique : « L’urgence du besoin ressenti pour ces nouveaux biens et services se trouve ainsi fortement renforcée du fait qu’ils sont rapidement devenus des composantes des standards de mode de vie ; ne pouvoir y accéder suscite une frustration qui dépasse de beaucoup le simple fait de ne pouvoir jouir de leur usage. Ainsi observe-t-on que, contrairement aux biens d’équipement caractéristiques des Trente glorieuses dont la diffusion s’opérait graduellement en descendant l’échelle des revenus, les nouveaux biens et services se diffusent de manière beaucoup plus homogène au sein de la population. »

Le fait qu’il s’agisse de biens soumis à une obsolescence accélérée et de services faisant l’objet d’un enrichissement permanent ne fait qu’accentuer le phénomène de désir et de frustration. En outre, bien qu’il concerne des biens dont les prix baissent rapidement, ce désir porte sur des produits coûteux.

c) Les consommateurs ne tiennent compte que du revenu « libéré » des dépenses considérées comme contraintes

Les marges de manœuvre des ménages dans l’utilisation de leurs revenus ont tendance à se réduire à mesure que les dépenses préengagées s’accroissent. En effet, de plus en plus de dépenses des ménages correspondent à des contrats d’abonnement ou à des engagements réguliers qui sont prélevés automatiquement chaque mois sur leur compte en banque : forfait de téléphone portable, abonnement Internet, loyers et charges... Ces dépenses ont lieu avant tout arbitrage en matière de dépenses courantes. Le montant total de ce type de dépenses croît, donnant l’impression que le « reste-à-vivre » se réduit, mais le prix des produits en question n’est pas nécessairement orienté à la hausse.

B.– LES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION : DIFFUSER DES INDICES COMPLÉMENTAIRES DU POUVOIR D’ACHAT

1.– Publier l’évolution du pouvoir d’achat par ménage et par individu

Les évolutions démographiques expliquent, en partie, le décalage entre la tendance mesurée du revenu des ménages et celle perçue par chacun d’eux. En effet, une même croissance de la richesse produite ne renvoie pas à la même réalité sociale selon que la population s’accroît ou diminue.

La population française s’accroît, sous l’effet conjugué du dynamisme des naissances et d’une augmentation de l’espérance de vie, de 0,3 % à 0,6 % selon les années. En outre, le nombre de ménages augmente du fait du vieillissement et de la décohabitation (+ 0,9 % par an).

En conséquence, le pouvoir d’achat par ménage augmente moins vite que le pouvoir d’achat individuel et a fortiori que le revenu disponible brut des ménages. En effet, la progression du nombre de ménages est plus rapide que celle de la population (+ 1,4 % par an en moyenne sur 2003-2006, contre + 0,6 % pour la population).

Le calcul peut être affiné à l’aide des unités de consommation, qui retracent mieux la diversité des personnes composant le ménage. Les unités de consommation d’un ménage ne correspondent pas au nombre de personnes le composant. En effet, les besoins d’un ménage ne s’accroissent pas en stricte proportion de sa taille. Il est donc nécessaire d’utiliser une échelle d’équivalence, qui attribue un coefficient à chaque membre du ménage en fonction de ses besoins. L’échelle utilisée par l’INSEE est celle dite de l’« OCDE modifiée » ; elle consiste à attribuer une unité de consommation au premier adulte du ménage, 0,5 unité de consommation pour chaque autre personne de 14 ans ou plus, et 0,3 pour les enfants de moins de 14 ans.

Sur la période 2003-2006, le nombre d’unités de consommation serait en hausse de 0,9 % par an. Au total, l’évolution du pouvoir d’achat du revenu par unité de consommation (+ 0,9 % en moyenne par an sur cette période) est structurellement plus faible en France que celle du pouvoir d’achat.

LES DIFFÉRENTES APPROCHES DU TAUX DE CROISSANCE DU POUVOIR D’ACHAT

(en %)

Source : INSEE.

ÉVOLUTION DU POUVOIR D’ACHAT DU REVENU DISPONIBLE BRUT
ET DU POUVOIR D’ACHAT PAR UNITÉ DE CONSOMMATION

Source : INSEE, comptes nationaux - Base 2000.

En somme, le pouvoir d’achat des ménages est une notion macroéconomique. Le pouvoir d’achat individualisé donne une mesure du niveau de vie. Il est défini comme le revenu disponible du ménage dans lequel vit l’individu, rapporté au nombre d’unités de consommation de celui-ci.

L’Union nationale des associations familiales (UNAF) souhaiterait qu’une échelle plus fine des unités de consommation soit élaborée en fonction de l’âge des enfants. En effet, le coût que représente un enfant varie en fonction de son âge.

Comme le recommande le rapport du Conseil d’analyse économique, la mission d’information considère que l’INSEE devrait communiquer sur le pouvoir d’achat par unité de consommation, qui s’approche du pouvoir d’achat ressenti. C’est également l’avis de la commission mise en place par la ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi et présidée par M. Alain Quinet.

Proposition n° 1 : Publier systématiquement l’indicateur du pouvoir d’achat par unité de consommation en complément du pouvoir d’achat des ménages.

2.– Poursuivre des recherches sur la notion de dépenses contraintes

La définition des « dépenses contraintes » est très délicate.

S’agit-il des dépenses préengagées ? Le Conseil national de l’information statistique parle de « dépenses à engagement contractuel », sommes dépensées en début de mois, avant tout arbitrage en matière de dépenses courantes. Il s’agit essentiellement des dépenses consacrées au logement (loyers et diverses charges liées au logement), les services de téléphonie ainsi que les diverses assurances et les services financiers. Les dépenses qui font l’objet d’un engagement précontractuel lient le consommateur à court terme et réduisent sa capacité d’arbitrage dans l’utilisation de ses ressources.

Selon l’INSEE, les dépenses contraintes ainsi définies représentent entre 31 % et 37 % des dépenses de consommation finale des ménages. Leur part est en légère hausse depuis 2002. Leur croissance est encore plus soutenue une fois intégrés les remboursements d’emprunts immobiliers, qui ne sont pas comptabilisés comme des dépenses de consommation, et dont le poids s’est accru en raison de la hausse de l’endettement des ménages. Les dépenses contraintes représenteraient alors près de la moitié des dépenses de consommation des ménages.

La mesure du pouvoir d’achat par individu après dépenses contraintes est l’approche retenue par le BIPE, bureau d’études qui fournit les chiffres utilisés par l’enseigne E. Leclerc dans ses campagnes de communication. Le BIPE construit un « pouvoir d’achat effectif du consommateur » qui mesure le pouvoir d’achat dont disposent les ménages, par unité de consommation, après s’être acquittés des dépenses « contraintes », non compressibles à court terme. L’Institut national de la consommation (INC) a également développé un indice du pouvoir d’achat qui déduit du revenu disponible brut les dépenses contraintes.

Les dépenses contraintes jouent un rôle d’autant plus important dans la perception du pouvoir d’achat des ménages qu’elles touchent les différents niveaux de revenus de façon très inégale : ainsi, les dépenses contraintes hors remboursements d’emprunts représentent 48 % du budget des ménages du premier décile de niveau de vie en 2005, contre 38 % pour le cinquième décile et 27 % pour le décile qui a le plus haut niveau de vie (calculs du Centre d’analyse stratégique, sur la base des données de l’enquête Budget des familles).

Toutefois, la définition des dépenses contraintes comme dépenses préengagées n’est pas sans poser de problèmes, car elle recouvre des dépenses qui ne peuvent être considérées comme indispensables, comme les abonnements aux chaînes de télévision payantes. Les dépenses alimentaires et d’habillement, pourtant souvent jugées de première nécessité, sont en général exclues du champ des dépenses contraintes car, dans une économie ouverte et concurrentielle, les consommateurs gardent la possibilité de choisir ces types de biens selon leur niveau de prix parmi un grand nombre de variétés.

Définir des dépenses nécessaires, autrement dit un « minimum vital », n’est guère plus simple, et peut revêtir un caractère normatif qui dépasse la compétence du statisticien. L’OCDE a travaillé sur les dépenses contraintes socialement minimales, qui correspondent aux dépenses réelles engagées par les ménages du premier décile de revenus. Les résultats de l’enquête « Standards de vie » réalisée pour la première fois en France en janvier 2006 par l’INSEE devraient apporter des éléments d’information sur la nature des privations matérielles que les ménages considèrent comme représentatives des situations de pauvreté. L’approche peut être également fondée sur les dépenses du premier décile de niveau de vie. La mission d’information souhaiterait que l’INSEE progresse dans la définition des dépenses sinon contraintes, du moins nécessaires.

Le rapport de M. Alain Quinet recommande de publier un indicateur des dépenses préengagées et un indicateur du revenu libéré. La commission Quinet propose de classer comme dépenses de consommation préengagées les dépenses suivantes :

– les loyers et dépenses liées au logement – eau, gaz, électricité et autres combustibles utilisés dans les habitations ;

– les services de télécommunications ;

– les frais de cantine ;

– les services de télévision (redevance télévisuelle, abonnements à des chaînes payantes) ;

– les assurances ;

– les services financiers.

Votre Rapporteur estime que cette approche n’est pas suffisamment solide, en l’absence de définition consensuelle des dépenses contraintes et étudie la faisabilité et la pertinence d’un indice des dépenses vitales. La liste des dépenses contraintes proposée par la commission Quinet est contestable.

Dans ce contexte, votre Rapporteur souhaite que l’INSEE travaille à définir plus rigoureusement le champ des dépenses contraintes.

3.– Analyser l’évolution du pouvoir d’achat par niveau de revenus

L’évolution du pouvoir d’achat des ménages varie en fonction de leurs revenus. L’INSEE publie déjà des indices des prix à la consommation catégoriels, par décile de revenus.

Il devrait être possible de publier l’évolution du pouvoir d’achat par décile de revenu, en fonction de l’analyse par niveau de vie des comptes des ménages dans la comptabilité nationale, combinée avec l’approche microéconomique des enquêtes et des données administratives (principalement fiscales). C’est ce que recommande la commission présidée par M. Alain Quinet. Cela permettrait d’éclairer les disparités d’évolution de niveau de vie des différentes catégories de ménages.

L’INSEE a toutefois indiqué à cette commission qu’il s’agit là d’un travail très lourd, qui pourrait être disponible en juin 2008 pour la seule année 2003. Si cette expérience était concluante, elle pourrait alors être généralisée aux autres années.

Proposition n° 2 : publier l’évolution du pouvoir d’achat par décile de niveau de vie.

4.– Améliorer la communication de l’INSEE

L’INSEE pourrait travailler à l’élaboration d’un indicateur du coût de la vie, à partir des indices de prix moyens, et d’un budget moyen.

Les recherches sur les dépenses contraintes et les dépenses dites vitales, sont également à approfondir. La définition d’un champ des dépenses nécessaires n’est actuellement pas suffisamment avancée ni consensuelle pour pouvoir donner lieu à ce stade à des recommandations de mesures statistiques concrètes. En revanche, c’est un sujet incontournable, sur lequel la mission souhaite que l’INSEE poursuive ses travaux.

Proposition n° 3 : L’INSEE doit, en liaison avec ses homologues européens, développer une véritable politique de recherche en matière de statistique pour mieux cerner les nouvelles réalités sociologiques. (Proposition du rapport Quinet).

L’INSEE a déjà développé une certaine pédagogie, notamment sur son site Internet, avec un certain nombre de questions/réponses. Toutefois, ce site n’est pas suffisamment accessible et pédagogique.

De même, dans la communication à la presse des grands indicateurs, l’INSEE doit faire preuve de davantage de pédagogie.

Proposition n° 4 : L’INSEE doit intensifier ses efforts de pédagogie et de communication.

DEUXIÈME PARTIE :
LES CHIFFRES DU CHÔMAGE : MIEUX MESURER, MIEUX DIFFUSER

Les travaux de la mission se sont engagés dans un contexte de polémiques récurrentes concernant la validité des chiffres dits « officiels » du chômage. La question n’est pas nouvelle mais elle a pris une ampleur particulière en mars 2007, lorsque l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a décidé, en raison de divergences trop importantes entre l’évolution du nombre de demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE et les résultats de l’enquête emploi, de faire cesser la publication mensuelle des chiffres du chômage au sens du BIT et de reporter le calage annuel des deux sources.

Un rapport de l’IGAS et de l’IGF, remis au Premier ministre en septembre 2007, a identifié les principales causes de ces divergences et formulé un certain nombre de propositions, pour la plupart suivies par les instituts statistiques nationaux (arrêt de la publication mensuelle, travaux d’amélioration de l’enquête emploi).

Cependant, ces mesures n’ont pas permis d’apaiser la méfiance, voire le mécontentement d’une partie de la population à l’égard des principaux indicateurs du chômage. Il est donc urgent de répondre aux critiques régulièrement adressées à l’encontre de ces indicateurs et qui sont au nombre de trois :

– la remise en cause de la fiabilité des sources : les divergences entre les différentes sources de comptabilisation du chômage (sources administratives et données issues de l’enquête emploi) ont été à l’origine de nombreuses polémiques ces dernières années. Il s’agit là d’une particularité française, puisque partout où deux sources sont utilisées pour mesurer le chômage, leur fonction est clairement distinguée. Il importe donc de s’entendre sur une source solide et fiable afin d’analyser l’évolution conjoncturelle du chômage et d’assigner une fonction et une signification claires aux indicateurs qui en sont issus ;

– le caractère restrictif des indicateurs « phares » : le public ne se satisfait plus d’un indicateur unique du chômage (que ce soit les demandeurs d’emploi en fin de mois de catégorie 1 ou les chômeurs au sens du BIT). Il convient donc de publier et de commenter régulièrement des indicateurs complémentaires, tout en veillant à ne pas obscurcir le débat ;

– le manque de lisibilité dans la communication des chiffres : il est apparu au cours des auditions menées par la mission que le mode de communication des chiffres était une question cruciale, au même titre que leur fiabilité. Il faut donc veiller à ce que le mode de publication des chiffres soit le plus transparent et pédagogique possible.

Il convient de rappeler que tout indicateur est par définition une convention. Par conséquent, aucun indicateur n’est parfait pas plus qu’il n’est neutre. Chacun répond à un objectif particulier, s’adresse à des acteurs aux besoins divers sinon contradictoires, et sa signification varie en fonction de l’usage qui en est fait. L’analyse économique requiert un indicateur synthétique stable qui permette les comparaisons internationales. Les bénéficiaires des politiques de l’emploi attendent en revanche des indicateurs plus fins, qui rendent compte de la diversité des situations. Quant au public et aux médias, pour pouvoir évaluer l’efficacité des politiques publiques, ils ont besoin d’un petit nombre d’indicateurs pertinents. Le but de la mission n’est donc pas de mettre au point l’indicateur parfait, mais de définir un équilibre entre les besoins des différents destinataires des principaux indicateurs du chômage.

Dans ce contexte, les principales propositions de la mission sont les suivantes : 

– le chômage au sens du BIT doit rester le principal indicateur conjoncturel, pour cela un travail d’amélioration de l’enquête emploi doit être effectué sur le long terme ;

– la publication régulière de cet indicateur pourrait utilement être complétée par deux indicateurs principaux : sous-emploi et halo du chômage. À un rythme annuel, d’autres indicateurs, notamment sur la qualité de l’emploi, pourraient être publiés ;

– le mode de publication des chiffres pourrait être amélioré ;

– un effort concernant les statistiques locales devrait être initié.

I.– LES CRITIQUES ADRESSÉES AUX INDICATEURS DU CHÔMAGE APPELLENT UNE RÉPONSE

A.– LA REMISE EN CAUSE DE LA FIABILITÉ DES SOURCES

1.– À l’origine de la polémique : les divergences importantes entre enquête emploi et sources administratives

  Dès les premières tentatives de mesure du chômage, plusieurs sources ont été utilisées.

Les pouvoirs publics ont eu initialement recours aux recensements de la population. Puis à partir des années 1950 aux enquêtes emploi. Parallèlement, les données sur les chômeurs secourus et les demandes d’emploi non satisfaites (DENS) ont été utilisées pour disposer d’informations plus fréquentes.

De longue date, il est donc fait appel pour mesurer le chômage à des sources distinctes, qui s’appuient sur des définitions du chômage ne se recoupant pas (chômeurs déclarés, chômeurs inscrits, chômeurs au sens du BIT). Ce n’est d’ailleurs pas une spécificité française. Les enquêtes ont traditionnellement été utilisées pour l’analyse structurelle du marché du travail, quand les sources administratives indiquent des évolutions de court terme.

SOURCES ET DÉFINITIONS DES INDICATEURS DU CHÔMAGE

Les enquêtes annuelles de recensement

Elles permettent de mesurer un taux de chômage spontané en janvier de chaque année. Le recensement repose depuis 2004 sur une collecte d’information annuelle, concernant successivement tous les territoires communaux au cours d’une période de cinq ans. Il succède aux recensements généraux de la population dont 1999 aura été la dernière édition. Ses premiers résultats complets seront disponibles fin 2008.

Les chômeurs au sens du recensement de la population sont les personnes (de 15 ans ou plus) qui se sont déclarées chômeurs (inscrits ou non à l’ANPE) sauf si elles ont, en outre déclaré explicitement ne pas rechercher de travail.

L’enquête emploi

L’enquête emploi est née en 1950 pour permettre un suivi régulier de l’emploi et comptabiliser les chômeurs. Initialement annuelle, l’enquête emploi était considérée comme un instrument d’analyse structurelle du marché du travail. Elle a au fil du temps fait l’objet de modifications techniques (échantillonnage, mode de collecte des informations) afin d’en améliorer la qualité, et s’est adaptée à la définition du chômage au sens du BIT.

En 2002, un règlement européen (n° 1991/2002) a rendu obligatoire la mise en place d’une enquête emploi trimestrielle réalisée en continu afin de faciliter les comparaisons entre pays de l’Union européenne. Le questionnaire de l’enquête doit par ailleurs suivre un protocole et un ordre précis, fixé par un règlement de 2000 (n° 1897/2000). Depuis le 1er janvier 2003, l’enquête emploi est donc trimestrielle et réalisée en continu, ce qui en fait un instrument d’analyse conjoncturelle du marché du travail indépendant des sources administratives.

L’enquête emploi utilise la définition du chômage au sens du BIT (adoptée en 1982 par le Bureau international du travail), un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions :

– être sans emploi, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé, ne serait-ce qu’une heure, durant une semaine de référence ;

– être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ;

– chercher activement un emploi ou en avoir trouvé un qui commence ultérieurement.

Les sources administratives (les demandeurs d’emploi en fin de mois ou DEFM)

L’extension progressive de l’activité de l’ANPE, créée en 1967, dans les années 1960 et 1970 l’a amenée à calculer une série mensuelle des DENS retraçant l’évolution du chômage.

Depuis un arrêté du 5 mai 1995, les demandeurs d’emploi sont répartis selon 8 catégories dont la définition est restée inchangée.

Classification par catégories des demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE

Type de contrat recherché

Exercice d’une activité occasionnelle ou réduite au cours du mois

Aucune activité ou activité n’excédant pas 78 h dans le mois

Activité de plus de 78 h dans le mois

Contrat à durée indéterminée à temps plein

Catégorie 1

Catégorie 6

Contrat à durée indéterminée à temps partiel

Catégorie 2

Catégorie 7

Contrat à durée déterminée ou mission d’intérim

Catégorie 3

Catégorie 8

Sources INSEE et DARES

De 1986 à 2007, la mesure du taux de chômage a été calculée à partir de deux sources : l’enquête emploi de l’INSEE qui fournissait le chômage au sens du BIT en moyenne annuelle et les DEFM 1, 2, 3 hors activité réduite, issues des données de l’ANPE. Ces données faisaient depuis 1986, date de publication du rapport Malinvaud, alors directeur général de l’INSEE, l’objet d’un calage. Cette méthode consistait à ajuster la moyenne annuelle des estimations mensuelles de chômage tirées du dénombrement des demandeurs d’emploi (DEFM) sur celles de l’enquête emploi (5). C’est en raison de trop grandes divergences entre les deux sources, mais aussi de problèmes rencontrés, en 2006 que l’INSEE a mis fin en 2007 à cette méthode.

  Le non-recouvrement des chiffres de l’enquête emploi et des sources administratives, apparu dans les années 1980, a atteint un niveau inégalé en 2006

En 1983 déjà, des analyses détaillées montraient le non-recouvrement des chômeurs au sens du BIT mesuré à partir des enquêtes et des chômeurs au sens des demandeurs d’emploi en fin de mois fournis par les fichiers de l’ANPE (6). Le rapport Malinvaud relevait également en 1986 des divergences de variation annuelle entre les DEFM et le chômage BIT. Néanmoins, le décalage entre les deux sources était encore mineur à l’époque (le rapport parle de « concordance approximative »). À partir de 1986, les divergences entre les deux sources n’ont cessé de s’accroître. En 1991 le rapport de P. Dubois et M. Lucas relevait qu’entre 1986 et 1990, « le nombre de demandeurs d’emploi s’accroît de 150 000 alors que les chômeurs appréciés à partir de l’enquête emploi ont diminué de plus de 200 000 ». L’INSEE avait alors, à la demande du gouvernement, mis au point une enquête trimestrielle du nombre d’emplois et de chômeurs selon les critères du BIT. Cependant, basée sur un échantillon de petite taille, elle n’a pas pu concurrencer les taux de chômage mensuel tirés des DEFM.

Si la divergence entre les sources n’est donc pas un phénomène nouveau, elle est réapparue à partir de 2004 pour atteindre un niveau inégalé en 2006 :

– en 2004, le chômage mesuré sur la base des statistiques de l’ANPE a augmenté de 30 000 personnes (DEFM 123 HAR) et diminué de 95 000 selon l’enquête emploi ;

– en 2005, il a diminué de 170 000 selon les chiffres de l’ANPE et augmenté de 115 000 selon l’enquête emploi ;

– en 2006 enfin, il aurait diminué de 320 000 selon l’ANPE et de 160 000 selon l’enquête emploi. Le décalage entre les sources aboutissait en 2006 à un écart de 0,7 point sur l’estimation du chômage.

ÉVOLUTION TRIMESTRIELLE DES CHÔMEURS BIT
SELON L’ENQUÊTE EMPLOI ET DEFM 123 HAR (ANPE) DE 2002 À 2007

  Commandé en juin 2007 par le Premier ministre, le rapport conjoint de l’Inspection générale des Finances et de l’Inspection générale des Affaires sociales sur « les méthodes statistiques d’estimation du chômage » (7) a identifié deux éléments d’explication

– Le premier réside dans les changements d’accompagnement des demandeurs d’emploi par l’ANPE. Ces changements « ont accéléré la baisse des DEFM de 45 000 à 115 000 personnes et par conséquent celle du taux de chômage BIT estimé mensuellement par l’INSEE (0,2 à 0,4 point du taux de chômage). Ils « ont aussi eu des effets sur le comportement de certains demandeurs d’emploi ». En effet le taux d’inscription à l’ANPE est passé de 82 % au second trimestre 2005 à 77 % au premier trimestre 2007. Les chômeurs non inscrits constituant 20 % des chômeurs au sens du BIT, cela expliquerait une partie de l’écart entre les deux sources. Il est pourtant à ce jour très difficile, selon la Direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques (DARES), de chiffrer avec exactitude l’impact de ces décisions sur les chiffres du chômage.

– Le second facteur explicatif réside dans les fragilités structurelles de l’enquête emploi liées aux processus de collecte et à la taille de l’échantillon. Les résultats de l’enquête sont ainsi affectés d’une marge d’imprécision de l’ordre de
+/- 0,42 point de chômage soit +/- 120 000 chômeurs.

Il faut y ajouter des difficultés propres à l’année 2006. Ainsi, au cours des trois premiers trimestres, le taux de réponse a fortement baissé en 2006 dans certaines régions, ce qui a eu un impact sur les résultats de l’enquête (le taux de non-réponse était en 2006 de 18 % au premier semestre, de 19,1 % au second, de 21,5 % au troisième et de 18,5 % au quatrième).

 Les mesures immédiates prises par l’INSEE n’ont pas résolu toutes les difficultés

– L’arrêt complet de la méthode de calage et de la publication mensuelle du chômage au sens du BIT, préconisé par le rapport IGF-IGAS, a été mis en œuvre par l’INSEE en accord avec la DARES dès la fin du mois de septembre 2007.

– Une amélioration de l’enquête emploi et un alignement de l’interprétation du chômage BIT sur les critères européens ont été mis en place. Votre mission, tout en approuvant ces réformes, souligne que leur impact doit être clairement affiché par l’INSEE.

L’arrêt du calage et de la publication mensuelle des chiffres du chômage au sens du BIT n’ont toutefois pas réglé tous les problèmes. Subsiste encore la publication régulière de deux indicateurs, issus des sources différentes, qui focalisent l’attention des médias et des pouvoirs publics : les DEFM basés sur les sources administratives et publiés par la DARES et l’ANPE à un rythme mensuel et les chômeurs au sens du BIT publiés par l’INSEE sur la base de l’enquête emploi désormais à un rythme trimestriel (chiffre qu’Eurostat continue de publier à un rythme mensuel). Il est essentiel de s’entendre sur un indicateur conjoncturel de référence reposant sur une source stable et solide.

2.– Comment répondre au problème de l’incohérence des sources ?

a) L’exemple des pays de l’OCDE : le chômage au sens du BIT, calculé à partir d’enquêtes, devient la référence

Au-delà de l’hétérogénéité des systèmes nationaux, on constate que les statistiques répondant à la définition du BIT deviennent la référence dans la plupart des pays de l’OCDE. Ainsi au Royaume-Uni, où l’on a longtemps utilisé les seules sources administratives (claimant count qui ne dénombre que les demandeurs d’emplois indemnisés), l’indicateur le plus commenté est aujourd’hui le chômage au sens du BIT calculé à partir du Labour Force Survey (LFS), enquête emploi en continu. En Autriche, au Danemark et en Allemagne (où il est désormais publié à un rythme mensuel et a fait l’objet d’une vaste révision en octobre 2007), la référence au chômage BIT est croissante alors qu’elle était auparavant inexistante. L’Espagne a cessé de calculer le taux de chômage sur la base de ses données administratives. La Finlande et la Suède utilisent les deux sources, mais accordent une large place aux enquêtes et considèrent les sources administratives comme un « complément » des données d’enquête. L’échantillon de ces enquêtes est partout largement supérieur à celui de la France. Il est seulement de 75 000 personnes en France lorsqu’il compte 120 000 à 160 000 personnes en Allemagne, 140 000 personnes en Espagne, 150 000 personnes en Italie, 120 000 au Royaume-Uni et 250 000 aux États-Unis.

La plupart de ces pays publient les chiffres du chômage BIT à un rythme mensuel, qu’ils disposent d’une enquête mensuelle (États-Unis, Suède, Finlande, Allemagne) ou d’une enquête trimestrielle (Royaume-Uni et Pays-Bas publient chaque mois une moyenne glissante). L’Espagne procède à un tel calcul sans le publier encore. La Hongrie et Malte envisagent le même type de publication. Les autres pays européens publient les chiffres du chômage BIT à un rythme trimestriel mais la plupart mènent des travaux pour publier ces chiffres tous les mois selon Eurostat (8).

Ceux des pays de l’OCDE qui ont recours à deux types de sources pour mesurer le chômage (sources administratives et enquêtes) distinguent clairement entre les deux. Les pays dotés de services publics de l’emploi suivent les statistiques administratives au même titre que les données de l’enquête emploi et tous les pays européens se conforment à la réglementation communautaire qui prévoit la mise en place d’Enquêtes emploi trimestrielles, tout en adoptant une définition spécifique du chômage au sens du BIT. Les divergences entre les chiffres issus des données administratives et ceux issus de l’enquête emploi existent mais ne donnent lieu à aucun débat. On estime en effet qu’ils mesurent des réalités différentes. Au Royaume-Uni, en Finlande, en Norvège et aux Pays-Bas, les données administratives sont considérées comme des informations complémentaires mais pas comme des indicateurs de l’évolution conjoncturelle du chômage.

b) Les scénarios envisageables en France

• Utiliser les statistiques des demandeurs d’emploi de l’ANPE (DEFM) pour estimer un taux de chômage au sens du BIT.

En 1986, le rapport Malinvaud, considérant que les statistiques des demandeurs d’emploi de l’ANPE fournissaient une « mesure précoce et fiable des évolutions à court terme sur le marché du travail », préconisait de les utiliser pour estimer le taux de chômage au sens du BIT. Cette préconisation est reprise par le rapport de l’IGF-IGAS de 2007 au motif que « l’enquête emploi ne peut rendre compte des évolutions à court terme du chômage au sens du BIT ». Cependant, en 1986, l’enquête emploi n’était pas encore réalisée en continu et n’était donc pas encore un instrument d’analyse conjoncturel.

Votre mission estime que les données administratives sont certes précieuses pour renseigner sur la façon dont les chômeurs inscrits sont suivis, et d’autres aspects du marché du travail (ancienneté, récurrence du chômage notamment). Mais il est difficile d’en faire la base d’une analyse conjoncturelle fiable du chômage (même si leur tendance est liée à l’évolution du chômage) en raison de trois faiblesses :

– elles sont soumises aux aléas des décisions de gestion liées aux diverses politiques de l’emploi, mais également aux variations du comportement des inscrits. Or l’ANPE et la DARES admettent qu’il est extrêmement difficile d’évaluer l’impact précis de ces deux phénomènes sur les chiffres du chômage (9). Il est donc délicat d’identifier la part des évolutions réelles de la situation du marché du travail et celle des décisions de gestion ;

– l’architecture des demandeurs d’emploi ne correspond pas aux critères du chômage BIT (des chômeurs ne sont pas inscrits à l’ANPE et inversement des demandeurs d’emploi inscrits peuvent ne pas être considérés comme chômeurs au sens du BIT) ;

– leur sensibilité aux décisions administratives a éveillé de nombreuses polémiques et alimenté la méfiance du grand public à l’égard des chiffres du chômage.

• Utiliser les données issues du recensement.

Le recensement fournit une estimation du chômage qui peut être considérée comme solide du fait du nombre de personnes interrogées (9 millions contre 75 000 par trimestre pour l’enquête emploi) (10). Il permet en outre d’analyser l’évolution du chômage à un niveau géographique très fin. Cependant, ses caractéristiques techniques font que le recensement n’est pas un véritable instrument d’analyse conjoncturel :

– les critères du chômage et de l’emploi retenus dans le questionnaire du recensement (déclaration spontanée) ne correspondent pas à ceux de l’Enquête emploi (chômage au sens du BIT). Par conséquent, le recensement fournit des évaluations beaucoup plus élevées que l’enquête emploi (11,7 % début 2005 contre 10,1 % d’après l’enquête emploi à la même période). Il faudrait donc introduire des questions du type BIT dans le questionnaire du recensement. Cette possibilité est actuellement expérimentée par l’INSEE ;

– la collecte d’information se fait par réponse écrite et ne fait pas appel à des enquêteurs ce qui introduit des divergences dans la nature des réponses. ;

– le recensement donne un taux de chômage à un instant donné tandis que l’enquête emploi est effectuée en continu et il n’offre des données complètes que sur cinq ans.

La mission estime par conséquent que le recensement peut permettre d’évaluer la cohérence des évaluations fournies par l’enquête emploi, mais ne constitue pas un instrument d’analyse conjoncturelle.

• Utiliser les réponses issues de l’enquête emploi.

Rendue obligatoire par la réglementation européenne, l’enquête emploi trimestrielle réalisée en continu permet depuis 2004 d’analyser l’évolution conjoncturelle du chômage. Son questionnaire est soumis à des règles précises fixées par un règlement européen auquel tous les pays européens se conforment désormais. Du fait de faiblesses techniques, le rapport IGF-IGAS conclut que l’enquête ne peut « rendre compte des évolutions à court terme du chômage BIT ». La critique est fondée, cependant la mission ne partage pas la conclusion du rapport :

– réalisée en continu, l’enquête emploi permet d’assurer un suivi conjoncturel du chômage ;

– l’enquête emploi permet de s’appuyer sur des éléments factuels clairement définis (définition du chômage et méthode définis à un niveau international), indépendants d’éventuelles décisions administratives ;

– certes des incertitudes sont attachées à cette enquête du fait de la faiblesse de son échantillon et des aléas liés à la récolte d’information. La marge d’incertitude des résultats de l’enquête emploi est actuellement de 220 000 chômeurs (+/- 110 000 chômeurs) dans les résultats trimestriels (soit 0,84 point de taux de chômage ; +/- 0,42 point) et de près de 284 000 chômeurs en glissement annuel (+/- 142 000 chômeurs soit +/- 0,53 point de taux de chômage). Cependant un certain nombre d’améliorations techniques (cf. II) pourrait en faire un instrument de mesure fiable de l’évolution du chômage au sens du BIT.

B.– LE CARACTÈRE RESTRICTIF DES INDICATEURS « PHARES »

1.– Le chômage BIT ne rend pas compte de la complexité des situations sur le marché du travail

Les modifications des modes de gestion de la main-d’œuvre, les effets induits du chômage de masse, l’impact des dispositifs de la politique de l’emploi ont eu pour conséquence de multiplier les zones de chevauchement entre trois catégories que la théorie sépare nettement : emploi-chômage-inactivité. Ainsi il existe des catégories de personnes, qui sans être au chômage stricto sensu, sont pour ainsi dire « privées d’emploi » : par exemple les chômeurs découragés, les personnes recherchant activement un travail mais n’étant pas disponibles, les temps partiels subis, ou encore en emploi intérimaire. Le chômage BIT ne renseigne pas non plus sur l’ancienneté et la récurrence du chômage.

Or, si l’on veut améliorer la préparation, mais aussi l’évaluation des politiques publiques de l’emploi, une analyse fine du marché du travail et des frontières du chômage sont plus que jamais nécessaires. D’autre part, et comme l’ont montré les débats de 2007 autour des chiffres du chômage, le public ne se satisfait plus d’un seul indicateur. Il a en effet le sentiment que pouvoirs publics et médias se focalisent sur un indicateur qui ne reflète pas leur réalité quotidienne.

La plupart des éléments nécessaires au calcul d’indicateurs complémentaires sont disponibles. L’INSEE et la DARES disposent d’un certain nombre de sources, mais tout le travail de constitution d’une batterie d’indicateurs fiables et cohérents reste à faire. Plus précisément, il serait utile de compléter le chômage BIT par des indicateurs sur les phénomènes suivants (classification proposée par le groupe de travail du CNIS sur les indicateurs en matière d’emploi, de chômage, de sous-emploi et de précarité de l’emploi) :

– sur le niveau de chômage : autour du chômage BIT existe ce qu’on appelle le halo du chômage, c’est-à-dire d’une part des personnes cherchant un travail mais ne satisfaisant pas les critères de disponibilité fixés par la définition du chômage au sens du BIT, et de l’autre des personnes qui se déclarent au chômage mais ne cherchent pas d’emploi (inactifs ayant renoncé à chercher, jeunes qui n’ont pas commencé à le faire, chômeurs découragés). Par ailleurs, des personnes peuvent avoir un emploi et vouloir travailler plus. Un indicateur du sous-emploi pourrait ainsi utilement compléter le chômage BIT ;

– sur les entrées et sorties du chômage : le chômage se traduit souvent par des mouvements incessants d’entrée et de sortie avec passage par des situations intermédiaires. Le mouvement entre chômage et activité est beaucoup rapide et fréquent que par le passé. L’analyse dynamique a par conséquent beaucoup d’importance qu’auparavant ;

– sur l’ancienneté et la récurrence du chômage : la capacité des personnes à retrouver du travail n’est pas la même selon la durée de leur période de chômage. Il est donc essentiel de disposer d’informations sur l’ancienneté du chômage et sa récurrence. La récurrence du chômage désigne la situation des personnes qui sont à nouveau au chômage après avoir connu une période d’emploi suite à une première période de chômage. Les périodes d’emploi et de chômage s’intercalent. Il s’agit le plus souvent de personnes éloignées du marché du travail dont la recherche d’emploi n’est pas stabilisée. Aucun indicateur n’est actuellement publié sur la récurrence du chômage.

La recherche de nouveaux indicateurs complémentaires suppose de s’interroger sur :

– les sources disponibles et leur robustesse. Certaines informations sont disponibles à partir de l’enquête emploi ou de sources administratives (données ANPE, UNEDIC). La question est de savoir quelle source privilégier ;

– la périodicité et le mode de publication de ces indicateurs (dans certains cas, des études approfondies permettront de fournir des éléments d’analyse plus pertinents que des indicateurs ; il faut veiller à ne pas multiplier excessivement les indicateurs).

2.– Quels indicateurs complémentaires ?

 Des indicateurs complémentaires ont été mis au point par certains pays de l’OCDE et par des organisations internationales

Aux États-Unis, le Bureau of Labor Statistics propose tous les mois des indicateurs alternatifs de mesure du chômage depuis 1976 (11), qui couvrent des situations diverses plus ou moins éloignées de la définition stricte du chômage au sens du BIT :

– U1 : chômeurs au sens du BIT depuis 15 semaines ou plus ;

– U2 : chômeurs au sens du BIT qui le sont suite à un licenciement ou à la fin d’un emploi temporaire ;

– U3 : chômeurs au sens du BIT ;

– U4 : U3 et travailleurs découragés ;

– U5 : U4 et autres « marginally attached workers » ;

– U6 : U5 et personnes qui travaillent à temps partiel pour des raisons économiques.

Cette nomenclature a l’avantage de tenir compte du halo du chômage et de renseigner sur la durée au chômage. Surtout, elle a la vertu d’élargir l’analyse au-delà du chômage stricto sensu et de rendre compte du continuum entre diverses situations sur le marché du travail.

L’OCDE met à disposition des chiffres sur les travailleurs découragés et le sous-emploi. Les travailleurs découragés désignent des personnes qui souhaitent travailler, mais qui ne cherchent pas d’emploi car elles considèrent qu’elles ne pourront pas en trouver compte tenu de l’état du marché du travail. Elle tient compte par ailleurs du sous-emploi, défini comme la catégorie des personnes qui travaillent involontairement à temps partiel. Ces chiffres sont disponibles sur le site de l’OCDE.

Eurostat publie annuellement des chiffres sur la situation des inactifs qui souhaitent travailler en distinguant par âge et par sexe, mais il ne publie pas de données régulières sur les frontières du chômage.

 Des recherches ont déjà été menées en France dans ce domaine, mais ces indicateurs sont peu médiatisés

Certains syndicats ont depuis les années 1980 élaboré leurs propres statistiques du chômage. En 1999, la CGT a débuté la publication d’indicateurs statistiques de sous-emploi (comprenant les temps partiels contraints, les préretraites liées à des suppressions d’emploi et les chômeurs découragés) et des exclus économiques du travail salarié (EETS) regroupant outre les DEFM, diverses catégories de bénéficiaires de dispositifs de la politique de l’emploi ainsi que les bénéficiaires du RMI. En 1996, le CERC-Association proposait une évaluation des personnes privées d’emploi qui réunissait les DEFM, les chômeurs en formation et en conversion, les préretraites, les personnes en travaux d’utilité collective et contrat emploi solidarité. Enfin, le collectif « Autres chiffres du chômage » a récemment fourni un chiffrage des « chômages invisibles » (12) comprenant les chômeurs des DOM, les demandeurs d’emploi à temps partiel, les dispensés de recherche d’emploi, les chômeurs à activité réduite et les demandeurs d’emploi non disponibles. ACDC évalue le nombre de « chômeurs invisibles » à 2,3 millions de personnes en tout.

Depuis 1986, des travaux menés par les statisticiens et économistes sur le halo du chômage se sont penchés sur la question de la marge chômage-inactivité (13) et ont souligné que les classements BIT rendaient mal compte de nouvelles marges d’activité liées au chômage massif et durable. Le rapport Malinvaud, tout en appelant à se référer à la définition BIT du chômage, préconisait un suivi plus fin des créations et disparitions d’emploi, demandait au BIT de préciser le mode de classification des situations intermédiaires entre emploi chômage et inactivité et proposait une publication annuelle contenant des informations sur le sous-emploi et l’emploi-formation. Tous les travaux récents insistent sur la possibilité et la nécessité d’analyser les frontières du chômage (14).

Un certain nombre d’indicateurs ont été proposés en 2006 par le groupe de travail formé au Conseil national de l’information statistique (CNIS) et présidé par M. Jacques Freyssinet sur l’amélioration de l’information statistique en matière de niveau de vie et d’inégalités sociales. Ces recommandations ont été prises en compte dans la publication annuelle de l’INSEE « France portrait social ». Auditionné par la mission, M. Freyssinet rappelait qu’il n’existe aucune bonne mesure qui se substituerait au chômage BIT mais qu’il est en revanche utile de mesurer l’écart entre le chômage BIT au sens strict et les formes de sous-utilisation des capacités de travail.

À la suite des polémiques de 2007 et face à la demande croissante du public, un groupe de travail présidé par M. Jean-Baptiste de Foucauld a été constitué en mars 2007 pour réfléchir, sous l’égide du CNIS, aux « indicateurs en matière d’emploi, de chômage, de sous-emploi et de précarité de l’emploi ».

PROPOSITION PROVISOIRE D’INDICATEURS DE CHÔMAGE ET DE SON HALO À PARTIR DE L’ENQUÊTE EMPLOI

Critères

Maquette trimestrielle

Proposition de classification du CNIS

Être sans travail et souhaiter le rester

Disponible

Recherche active

Chômage BIT *

C1 Chômage PSERE

Pas de recherche active

Postulants sans recherche et/ou non disponibles

C2-1 Travailleurs découragés **

C2-2 Travailleurs empêchés

C2-3 Travailleurs actuellement sans recherche

Non disponible

Recherche active

C3 Personnes non disponibles cherchant un emploi

 

Pas de recherche active

C4 Personnes non disponibles ne cherchant pas d’emplois

Avoir un travail (à temps partiel) et souhaiter travailler plus

Disponible

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Sous-emploi BIT ***

C5 Sous-emploi

Pas de recherche active

C6 Sous-emploi

Non disponible

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C7 Sous-emploi

Pas de recherche active

 

C8

Source : Groupe de travail du CNIS sur la définition d’indicateurs en matière d’emploi, de chômage, de sous-emploi et de précarité de l’emploi

* Le chômage au sens du BIT comprend aussi les personnes ayant trouvé un emploi qui commence plus tard

** La distinction entre travailleurs découragés et travailleurs empêchés repose sur les raisons de non recherche effective d’emploi :

– les travailleurs découragés considèrent que leur recherche serait vaine (en raison de la conjoncture ou de la sélectivité du marché du travail) ;

– les travailleurs empêchés indiquent d’autres raisons pour expliquer leur non recherche d’emploi (par exemple absence de possibilités de garde d’enfants, défaut de moyens de transport…) ;

– la question sur les raisons de non recherche n’est pas posée aux travailleurs actuellement sans recherche (ils attendent le résultat de démarches antérieures ou ont suspendu momentanément leur recherche).

*** Le sous-emploi au sens du BIT comprend aussi les personnes (à temps complet ou à temps partiel) ayant travaillé moins que d’habitude pour des raisons économiques.

Sur le niveau du chômage, le groupe s’est inspiré des indicateurs du Bureau of Labor Statistics en les adaptant à la situation française pour faire les propositions suivantes. Ces indicateurs seraient construits à partir de l’enquête emploi, publiés à un rythme trimestriel et calculés en effectifs et en taux, afin de pouvoir suivre leur évolution.

Concernant l’ancienneté du chômage, le groupe du CNIS propose quatre indicateurs exprimés en taux calculés à partir de l’enquête emploi :

– ancienneté de chômage en mois ;

– taux de chômage de 15 semaines ou plus ;

– taux de chômage de 1 an ou plus ;

– taux de chômage de 2 ans ou plus.

Pour l’étude de la récurrence du chômage le groupe du CNIS propose de s’appuyer sur une fraction de l’enquête emploi pour fournir les indicateurs suivants :

– nombre de chômeurs récurrents ;

– nombre moyen de périodes de chômage au cours de l’année écoulée ;

– répartition des chômeurs au sens du BIT selon le nombre de périodes au chômage dans l’année ;

– répartition des chômeurs au sens du BIT selon le nombre de période au chômage dans l’année et la durée cumulée de ces périodes de chômage.

Concernant l’étude des flux d’entrée et de sortie du chômage, le groupe du CNIS propose d’estimer en s’appuyant sur l’enquête emploi  le nombre de personnes dans une des trois situations (chômage, emploi, inactivité) et qui l’étaient déjà un an auparavant.

C.– LA FAIBLESSE DES INDICATEURS LOCAUX

1.– Le dispositif actuel : un problème de sources

La seconde vague du processus de décentralisation des compétences de l’État vers les collectivités territoriales a fait naître de nouveaux besoins en matière d’information statistique. Or les acteurs locaux appartenant aux différents niveaux territoriaux soulignent l’insuffisance et la fragmentation des informations statistiques dont ils disposent selon les niveaux de découpage spatial.

Les taux de chômage par région, par département et par zone d’emploi, calculés à partir de l’enquête emploi, sont disponibles à un rythme trimestriel seulement. En effet l’échantillon de l’enquête emploi n’est pas assez représentatif au niveau local pour permettre la publication mensuelle du taux de chômage. Il en est de même pour les estimations d’emploi.

Pour disposer de données à un rythme plus fréquent, les acteurs locaux, dans les départements, communes et régions, doivent avoir recours aux données de l’ANPE pour les chiffres du chômage, au répertoire Sirene et aux données des Urssaf et les déclarations annuelles de données sociales (DADS) pour les chiffres de l’emploi. Ils sont mis en œuvre et communiqués par les directions régionales de l’INSEE. Au niveau régional, la comparaison des chiffres issus du recensement et issus des données de l’ANPE se recoupent ce qui semble justifier l’emploi des données administratives. Cependant, à un niveau plus fin, départemental et communal, la pertinence des données administratives demande à être vérifiée.

L’insuffisante finesse géographique de l’enquête emploi a une autre conséquence : les indicateurs complémentaires de sous-emploi et de halo du chômage proposés à un niveau national par le groupe de travail du CNIS ne sont pas disponibles à un rythme régulier au niveau local, alors même qu’ils seraient utiles aux acteurs locaux.

2.– Le cas particulier des DOM : une faiblesse des données d’autant plus problématique que l’INSEE publie désormais un taux de chômage trimestriel DOM inclus

L’enquête emploi n’est réalisée dans les DOM qu’au deuxième trimestre de l’année et son échantillon contient 20 000 ménages. Par conséquent la méthode du calage, à laquelle l’INSEE a précisément mis fin en septembre 2007 est encore appliquée dans les DOM. Cette méthode s’appuie de plus sur des données administratives que les statisticiens jugent eux-mêmes de « qualité encore imparfaite ».

Comme il en est fait mention dans le document publié en décembre par l’INSEE, « cette méthodologie ne permet pas d’afficher à chaque trimestre un volume précis de nombre de chômeurs dans ces départements » (cf. encadré).

LE CALCUL DU CHÔMAGE DANS LES DOM

L’enquête emploi est effectuée tout au long du deuxième trimestre de l’année dans les quatre départements d’outre mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion). Son échantillon contient 20 000 ménages. Sur les trois trimestres où il n’y a pas d’enquête emploi, des modèles économétriques sont utilisés pour estimer le nombre de chômeurs et de personnes en emploi

Pour le chômage, des modèles différents sont construits pour chacun des DOM. Les variables explicatives sont selon les cas le nombre d’inscrits à l’ANPE (DEFM 1, 2, 3 HAR) et/ou le cumul des sorties pour radiations administratives et absence au contrôle au cours du semestre.

Pour l’emploi, les estimations d’emploi salarié dans le secteur marchand, issues des données URSSAF, sont utilisées. Du fait de la disponibilité d’une nouvelle enquête emploi annuelle dans les DOM, les données sont révisées une fois par an lors de la publication des chiffres du chômage, au troisième trimestre de l’année, pour les quatre derniers trimestres disponibles.

Cette méthode du calcul du taux de chômage ne permet pas d’afficher à chaque trimestre un volume précis de nombre de chômeurs dans ces départements.

Source : INSEE conjoncture 11 décembre 2007 n° 349

Cette relative incertitude est d’autant plus problématique que l’INSEE publie depuis 2007 un taux de chômage pour la France entière, suivant en cela les préconisations du rapport IGAS-IGF et l’interprétation d’Eurostat du chômage BIT. Du fait des incertitudes liées à la faiblesse de l’enquête emploi dans les DOM et au maintien de la méthode de calage, l’analyse de l’agrégat pour la France entière (métropole et DOM) est malaisée.

S’il est évident que les différences de développement économique et social entre la métropole et les DOM doivent être prises en compte, la qualité des principaux indicateurs de chômage et d’emploi, doit, elle, faire l’objet d’une même exigence, que ce soit en métropole ou dans les DOM.

D.– UN CERTAIN NOMBRE DE LACUNES DANS L’INFORMATION DU PUBLIC

1.– Une coordination de la diffusion des données qui pourrait être améliorée

Il existe une profusion de sources, de documents et d’indicateurs sur le chômage et l’emploi. On trouve ainsi sur le site de l’INSEE pas moins d’une vingtaine de tableaux de chiffres clés sur le chômage et l’emploi, mais aussi des études et analyses sur des thèmes particuliers et enfin des liens vers des bases de données et des tableaux plus complets. À quoi il faut ajouter les publications régulières de la DARES et de l’ANPE.

Cependant la présentation de ces informations et l’absence de hiérarchisation des documents rendent leur accès et leur lecture difficile. À cela s’ajoute un calendrier de publication peu clair.

Comme le notait un rapport de 2003 du FMI  (15)« la coordination de la diffusion des données reste un point relativement faible du système français ».

La situation est donc paradoxale : une multiplicité de chiffres et d’analyses contraste avec une focalisation des médias et des pouvoirs publics sur un petit nombre d’indicateurs comme les demandeurs d’emploi en fin de mois de catégorie 1. Cette faible visibilité d’ensemble des chiffres du chômage et de l’emploi ne contribue pas à éclairer le débat public.

2.– Un manque de transparence et de pédagogie des publications

Lors des auditions menées par la mission, un certain nombre de reproches ont été formulés à l’encontre des publications de l’INSEE mais aussi de la DARES et de l’ANPE, sur les chiffres du chômage :

– un manque de transparence : l’intervalle de confiance ainsi que les révisions méthodologiques et leur impact ne sont pas toujours détaillés et chiffrées ;

– un manque de pédagogie : tous les concepts employés ne sont pas définis en des termes simples et pédagogiques, un certain flou entoure la définition de certains indicateurs (ainsi on confond facilement demandeurs d’emploi en fin de mois et chômeurs au sens du BIT) ;

– un problème d’exhaustivité : le reproche a été adressé aux publications de la DARES-ANPE de ne pas mentionner et détailler les données relatives à tous les demandeurs d’emploi en fin de mois.

Il convient de noter que la dernière publication de l’INSEE sur la mesure du chômage est une réussite unanimement reconnue. Votre mission salue cet effort.

3.– Un mode de communication des chiffres qui ne favorise pas leur utilisation par les médias

Comme l’ont noté les représentants des associations de journalistes auditionnés par la mission, le niveau de formation des jeunes générations de journalistes de la presse économique et sociale s’est considérablement amélioré. Le problème réside moins dans la capacité des journalistes à analyser les chiffres que dans leurs conditions de travail. En effet, les chiffres sont communiqués aux rédactions à 18 heures, ce qui laisse peu de temps aux journalistes pour les analyser. De plus, cette situation, qui crée une inégalité de fait entre presse écrite et télévision, ne favorise pas une lecture approfondie et par conséquent une utilisation saine des chiffres.

Les porte-parole des journalistes ont également insisté sur les effets néfastes de la rupture de l’embargo par les pouvoirs publics.

Le rapport d’évaluation par les pairs réalisé en 2007 au nom du Comité de programmation statistique européen préconise à ce titre « que la politique de l’INSEE relative aux transmissions préalables aux autorités et à la presse soit rendue plus directement accessible sur le site Internet de l’INSEE ».

II.– AMÉLIORER LA MESURE DU CHÔMAGE ET METTRE FIN À LA RÉCURRENTE BATAILLE DES CHIFFRES

L’objectif de la mission n’est pas de définir des indicateurs complémentaires en tant que tels, ce qui relève de la seule compétence des statisticiens, mais de fournir des orientations sur l’information qu’elle jugerait utile aux pouvoirs publics et à la population. Afin de répondre aux différentes critiques opposées aux indicateurs du chômage la mission présente les propositions suivantes.

A.– S’APPUYER SUR L’ENQUÊTE EMPLOI POUR ANALYSER L’ÉVOLUTION CONJONCTURELLE DU CHÔMAGE AU SENS DU BIT

Il ressort des éléments présentés précédemment que le contexte international et européen mais également l’extrême sensibilité du public à la question de la transparence des chiffres du chômage plaident en faveur de l’adoption du chômage au sens du BIT, calculé à partir de l’enquête emploi comme principal indicateur conjoncturel.

– La définition du chômage au sens du BIT mais aussi les méthodes qui permettent de le calculer sont fixées à un niveau international et européen. Ainsi, la France a comme les autres pays européens, l’obligation de fournir des statistiques de chômage BIT à un rythme trimestriel, sur la base d’un questionnaire précis. Le chômage au sens du BIT devient peu à peu la référence dans les pays européens, et Eurostat les encourage à publier des chiffres mensuels de plus en plus fiables et selon une définition harmonisée.

– Bien que l’enquête emploi soit soumise à des incertitudes, ses résultats sont fondés sur des éléments factuels et surtout sur des critères précis et objectifs, appliqués à une période courte. Ils sont par conséquent moins sujets à la critique récurrente de « manipulation des chiffres » que les données administratives.

– Enfin, l’enquête emploi permet de mieux connaître la trajectoire individuelle des personnes et ainsi d’élaborer des indicateurs complémentaires sur les marges emploi-chômage-inactivité.

Votre mission estime par conséquent que le chômage au sens du BIT calculé à partir de l’enquête emploi doit être privilégié comme principal indicateur conjoncturel. Cependant, il n’est pas à ce jour l’indicateur de référence au plan national. Les pouvoirs publics et les médias se focalisent d’avantage sur les demandes d’emploi en fin de mois (DEFM) de catégorie 1. Il semble que trois conditions doivent être remplies afin de faire du chômage au sens du BIT un indicateur phare de l’évolution conjoncturelle du chômage : renforcer l’enquête emploi, distinguer clairement le chômage au sens du BIT et les DEFM publiés tous les mois, enfin entamer une réflexion au niveau européen pour harmoniser les définitions du BIT dans les différents pays.

  Améliorer l’enquête emploi

Le rapport IGF-IGAS de septembre 2007 estime que pour diviser par deux l’intervalle de confiance actuel, il faudrait multiplier par quatre le coût de l’enquête actuelle qui s’élève à 3,5 millions d’euros (coûts externes). Votre mission considère qu’il est essentiel de consentir un tel effort si l’enquête emploi doit devenir le principal support de l’analyse conjoncturelle du chômage. L’enquête emploi fournit également des informations essentielles pour la construction d’indicateurs complémentaires (16). L’INSEE a initié en 2007 « un plan d’action visant à sécuriser et stabiliser le dispositif de mesure du chômage au sens du BIT ». La mission encourage la poursuite de ces travaux méthodologiques.

L’échantillon devrait être augmenté : réduire l’intervalle de confiance à 0,2 (comme c’est le cas en Allemagne, en Italie et en Suède) supposerait de le porter à 100 000 personnes.

Des efforts accrus pourraient être réalisés afin de faire remonter le taux de réponse à l’enquête. Ces efforts, ont d’ores et déjà été initiés par l’INSEE (au premier semestre 2007, le taux de réponse était de 84,1 %, soit 2 points de plus qu’au premier semestre 2006) méritent d’être poursuivis. Il serait également utile de sensibiliser les enquêteurs au fait que les retards pris dans la collecte d’information ont un impact important sur les résultats, tout en poursuivant les travaux sur le lien entre taux de réponse et taux de chômage.

À long terme, il est essentiel d’améliorer les critères de pondération (17). La répartition géographique de la population et sa dimension socio-économique devraient désormais être prises en compte dans la pondération de l’enquête emploi. Par ailleurs, une enquête postale a été réalisée auprès des non-répondants en 2007 par l’INSEE afin de mieux connaître l’impact des non-réponses sur les estimations du chômage. Ses résultats doivent être intégrés dans la méthode de redressement des non-réponses à l’enquête emploi. Votre mission encourage la poursuite de ces travaux. Elle préconise que leur impact global sur la mesure du chômage au sens du BIT fasse l’objet d’une publication claire et accompagnée de commentaires suffisants lorsqu’ils auront abouti.

Pourraient être étudiés les moyens de publier à un rythme mensuel les chiffres du chômage BIT issus de l’enquête emploi. Bien que la publication mensuelle ne soit pas jugée indispensable par les statisticiens interrogés par la mission, il est fort probable que les médias et la classe politique dans son ensemble auront recours aux chiffres qui paraîtront le plus fréquemment. De plus, Eurostat continue de publier mensuellement les chiffres BIT et encourage les États-membres à adopter le même rythme. La publication pourrait être effectuée, comme c’est le cas au Royaume-Uni, sur une moyenne de trois mois glissants (cf. encadré).

LES CONDITIONS D’UN RETOUR À LA PUBLICATION MENSUELLE DU TAUX DE CHÔMAGE AU SENS DU BIT

L’enquête emploi est actuellement réalisée en continu. Cependant, l’exploitation de l’enquête (contrôles de la validité des questionnaires, « remontées d'informations » d'une interrogation à une autre, détection de valeurs aberrantes, codification de certaines variables comme les catégories socioprofessionnelles ou encore les diplômes à partir d'informations en clair…) est réalisée dans l’optique d’une publication trimestrielle des résultats.

Selon les informations fournies à votre mission par l’INSEE, passer à une exploitation mensuelle des résultats de l’enquête emploi est donc possible, mais nécessite d’importants aménagements informatiques et organisationnels. Ces aménagements sont prévus par le projet de refonte de l’enquête emploi, lancé par l’INSEE en 2007, qui devraient aboutir à l’horizon 2011.

Il sera alors possible d'exploiter mensuellement les résultats de l'enquête emploi et de publier des résultats sur des trimestres glissants et plus seulement sur des trimestres calendaires (chaque mois serait publié un taux de chômage moyen sur les trois derniers mois disponibles).

La source du recensement pourrait utilement être utilisée pour évaluer la cohérence des résultats de l’enquête emploi. La mission préconise par ailleurs que soient menées des études pour mieux connaître les raisons des décalages entre enquête emploi et recensement.

●  Faire apparaître clairement qu’enquête emploi et sources administratives ne mesurent pas les mêmes phénomènes et identifier les causes de divergence

– Les données administratives demeurent un indicateur indispensable du suivi de l’évolution du nombre de chômeurs, particulièrement au niveau local, où l’enquête emploi ne permet pas d’obtenir des données précises à un niveau géographique très fin. Cependant il convient de préciser que les données de l’ANPE ne mesurent pas l’évolution conjoncturelle du chômage en tant que tel, mais l’évolution des demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE. Les pays de l’OCDE qui ont recours aux sources administratives et d’enquête maintiennent une séparation claire entre les deux (18). Poser ainsi clairement que les sources administratives et l’enquête emploi ne mesurent pas les mêmes phénomènes permettrait d’éviter leur opposition récurrente. La mission fait donc les préconisations suivantes.

Le titre actuel de la publication mensuelle de la DARES-ANPE, intitulée « Le marché du travail », pourrait être modifié (le titre « Demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE » prêterait moins à confusion). Par ailleurs, ces données pourraient être publiées au nom de la seule ANPE.

– Dans le même souci de clarification, la simplification et la clarification des catégories de DEFM doit être envisagée. La mission s’associe au constat dressé par la Cour des comptes dans un rapport de 2006 (19) estimant que ces catégories « ne sont pas pertinentes pour les analyses statistiques et ne sont plus en rapport avec les objectifs des politiques de l’emploi ». Auditionné par la mission, M. Christian Charpy, directeur de l’ANPE, a évoqué des travaux en cours menés conjointement par la DARES et l’ANPE sur la question. Les demandeurs d’emploi en fin de mois pourraient être regroupés non plus en fonction du type d’emploi recherché (CDD, CDI, temps partiel), mais en fonction de leur situation. Quatre groupes pourraient ainsi être suivis simultanément et mis en exergue dans les publications de la DARES-ANPE (ce qui permettrait d’éviter la focalisation sur les DEFM de catégorie 1) :

– catégories 1, 2 et 3 hors activité réduite (cette catégorie se rapproche du chômage BIT),

– catégories 1, 2 et 3 en activité réduite inférieure ou égale à 78 heures par mois, disponibles et en recherche active d’emploi (cette catégorie correspond à une partie du sous-emploi),

– catégories 6, 7 et 8 en activité réduite supérieure à 78 heures, non disponibles et en recherche active d’emploi (cette catégorie correspond à une partie du sous-emploi),

– catégories 4 et 5.

Il faudrait y ajouter le total des personnes inscrites à l’ANPE (toutes catégories confondues).

– Enfin, il est essentiel d’approfondir la connaissance des causes des divergences entre les sources et de les quantifier. Sur ce point, il serait utile de procéder à l’appariement d’un échantillon des données de l’enquête emploi et des données de l’ANPE (20). La mission considère que la connaissance précise des différences entre les sources contribuerait à apaiser les polémiques sur leurs divergences. De même la nature des écarts entre l’enquête emploi et l’enquête annuelle de recensement devrait être étudiée avec attention.

●  Engager l’indispensable réflexion au niveau européen sur les moyens d’améliorer les instruments du suivi conjoncturel du chômage

Afin de faciliter les comparaisons internationales, les pays de l’Union européenne se sont efforcés d’harmoniser leur interprétation du concept de chômage au sens du BIT et de choisir un instrument commun de collecte des informations. Cependant des divergences de méthode et d’interprétation existent encore.

Eurostat encourage fortement les pays de l’Union européenne à faire du chômage BIT la référence dans l’analyse de l’évolution conjoncturelle du chômage et les comparaisons internationales. La tendance semble actuellement à l’œuvre. Cependant, il est essentiel d’entamer une réflexion commune sur l’amélioration de la méthodologie de l’enquête LFS et l’harmonisation des données.

– Mener des travaux au niveau européen sur la qualité de l’enquête Labor Force Survey.

Selon la règlementation européenne (21), chaque État membre doit conduire une enquête (Labor Force Survey-LFS) selon des règles précises :

– l’enquête est réalisée par sondage en continu produisant des résultats trimestriels et annuels transmis à Eurostat dans un délai de 90 jours après la fin du trimestre ;

– elle comporte une liste de questions précises posées dans un ordre déterminé ;

– les semaines de référence de l’enquête doivent être réparties uniformément sur l’année et l’entretien doit avoir lieu au plus tard dans les cinq semaines qui suivent la semaine de référence.

Cependant, les États membres sont libres de fixer :

– le volume et les caractéristiques de l’échantillon ;

– le mode de pondération des résultats ;

– le caractère obligatoire ou non de l’enquête (22) ;

– le nombre de vagues d’interrogation ;

– le mode d’interrogation.

Eurostat a mis en place en 2007 une task-force sur la qualité de l’enquête LFS, qui doit travailler sur les moyens de renforcer la cohérence des résultats de l’enquête et des autres sources et la qualité de ces enquêtes. Elle doit rendre ses travaux d’ici l’été 2009. Votre mission estime que ces recherches doivent être une priorité dans les années à venir.

– Calculer le chômage BIT à partir de données harmonisées 

En France, la différence d’interprétation du chômage BIT conduisait à un écart de l’ordre de 0,5 à 0,7 point de chômage entre les chiffres publiés par Eurostat et par l’INSEE (23). Suivant les préconisations du rapport IGF-IGAS, l’INSEE s’est depuis aligné sur l’interprétation communautaire. Cet exemple souligne que les divergences d’interprétation, non seulement du chômage au sens du BIT, mais également de la population active peuvent avoir des conséquences notables sur la mesure du chômage. Il est donc essentiel de les résorber afin de faire du chômage au sens du BIT un instrument fiable de comparaison internationale.

Proposition n° 5 : Faire de l’enquête emploi l’instrument de mesure de l’évolution conjoncturelle du chômage :

Améliorer la qualité de l’enquête emploi : augmenter l’échantillon,
améliorer les méthodes de pondération ;

Faire apparaître clairement qu’enquête emploi et sources administratives ne mesurent pas les mêmes phénomènes et identifier les causes de divergence ;

Engager une réflexion au niveau européen sur les moyens d’améliorer les instruments du suivi conjoncturel du chômage.

B.– PRENDRE EN COMPTE LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS : LA NÉCESSITÉ D’INDICATEURS COMPLÉMENTAIRES

Il importe de maintenir un équilibre entre deux exigences : éviter d’une part la « fétichisation » d’un seul indicateur qui serait trop restrictif et de l’autre la multiplication des indicateurs, qui serait source de confusion. Votre mission propose donc de se limiter à la publication régulière d’un petit nombre d’indicateurs clairement définis. À plus long terme, elle invite l’INSEE et les autres instituts statistiques à entamer une réflexion commune deux points précis :

– améliorer l’appréhension des zones de « chevauchement » entre chômage et inactivité pour rendre compte de la situation des personnes qui sont considérées comme chômeurs ou actifs mais sont en réalité « privées d’emploi » ;

– améliorer la qualité des statistiques sur l’emploi et leur diffusion, ce qui pourrait atténuer la focalisation des pouvoirs publics et de la population sur les chiffres du chômage.

1.– Publier mensuellement deux indicateurs complémentaires du chômage BIT : halo du chômage et sous-emploi

Deux indicateurs du halo du chômage et du sous-emploi ont été intégrés à la publication de décembre de l’INSEE. Il s’agit d’une amélioration notable.

L’INSEE envisage de publier régulièrement d’autres indicateurs. Votre mission souhaite toutefois attirer l’attention sur le fait qu’un petit nombre d’indicateurs récurrents et identifiables sera plus à même d’être repris par les médias et les pouvoirs publics qu’une batterie complète d’indicateurs. Il est préférable de choisir un petit nombre d’indicateurs pertinents qui seront commentés, quitte à publier les autres indicateurs à un rythme annuel.

Il faut noter que l’INSEE n’est pas aujourd’hui en mesure de publier à un rythme mensuel les indicateurs complémentaires de halo du chômage et de sous-emploi qui ont été publiés dans le document de décembre de l’INSEE. Dans la mesure où la tendance actuelle est à l’accélération de la publication du chômage BIT, la mission invite l’INSEE à étudier les moyens de publier ces indicateurs complémentaires tous les mois.

2.– Améliorer la qualité et la diffusion des statistiques de l’emploi

Contrairement aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne, les chiffres du chômage sont en France beaucoup plus commentés que les chiffres de l’emploi. On peut certes y voir l’effet d’une situation de l’emploi plus favorable. Cependant, l’amélioration des statistiques de l’emploi pourrait atténuer la focalisation excessive du public sur les chiffres du chômage.

Votre mission juge essentiel d’améliorer la qualité des statistiques de l’emploi et les modalités de leur publication, qu’il s’agisse :

– du suivi conjoncturel de l’emploi ;

– de l’analyse structurelle des emplois ;

– de la publication simultanée des chiffres de l’emploi et du chômage.

3.– Publier annuellement d’autres indicateurs complémentaires

La mission invite l’INSEE, la DARES et l’ANPE à réfléchir à la publication d’un dossier commun annuel regroupant divers documents et indicateurs sur le chômage, l’emploi et les marges entre chômage, emploi et inactivité. Ce dossier pourrait comprendre trois volets :

●  Un document regroupant tous les indicateurs faisant état des marges du chômage, de l’emploi et de l’inactivité

La mission estime en effet essentiel à l’information du public qu’un document fasse état des marges qui existent entre inactivité, chômage et emploi ainsi que de la situation des personnes qui sans être chômeurs sont « privés d’emploi ». Pourraient y figurer :

– les indicateurs proposés par le groupe de travail du CNIS sur le halo du chômage ;

– des indicateurs sur l’ancienneté et la récurrence du chômage : la mission estime que ces deux indicateurs sont essentiels à l’analyse du phénomène du chômage et permettent de le faire apparaître comme l’élément d’un parcours individuel. Des typologies de parcours seraient utiles ;

– des indicateurs de précarité de l’emploi (temps partiels subis, intérim).

Sur la question de la récurrence du chômage, il est toutefois difficile d’établir une définition consensuelle et la question des sources doit être tranchée. Le groupe de travail du CNIS propose d’utilise les questions rétrospectives de l’enquête emploi, mais ces données reposeraient un échantillon restreint (1/6ème de l’échantillon). Votre mission préconise donc que des études structurelles soient menées sur le sujet afin d’examiner la possibilité et l’opportunité de construire un tel indicateur.

●  Des études et articles de recherche sur le marché du travail

Actuellement ces données sont éclatées, disponibles sur des sites différents ou classées seulement par ordre chronologique sur le site de l’INSEE, ce qui ne facilite ni la lecture ni la recherche d’information par thème. Ils constitueraient une source d’information précieuse notamment pour les journalistes.

●  Le bouclage annuel emploi-chômage

Le débat public est appauvri par sa focalisation sur l’évolution à court terme du chômage. L’évolution de l’emploi n’est pas moins significative pour identifier les forces et les faiblesses de l’économie française, notamment sur le plan local. Les liens entre emploi et chômage doivent donc être présentés dans leur complexité.

Proposition n° 6 : Publier régulièrement des indicateurs complémentaires :

Publier mensuellement deux indicateurs complémentaires du chômage BIT : halo du chômage et sous-emploi ;

Améliorer la qualité et la diffusion des statistiques de l’emploi ;

Réfléchir à la publication d’un dossier commun annuel regroupant divers documents et indicateurs sur l’emploi, le chômage et les marges entre chômage, emploi et inactivité.

C.– COMBLER LE MANQUE D’INFORMATION AU NIVEAU LOCAL

1.– Améliorer la qualité des statistiques locales du chômage

Votre mission souhaite attirer l’attention des instituts statistiques sur le paradoxe qui consisterait à juger que les données administratives ne seraient pas pertinentes au niveau national mais le seraient au niveau local. En effet, les mêmes biais concernant ces données (impact des décisions administratives sur l’évolution des demandeurs d’emploi et le comportement des chômeurs) existent au niveau local. Il convient donc de réfléchir à la qualité des données locales.

Votre mission préconise qu’un rapport soit commandé à l’INSEE afin d’étudier les voies d’amélioration des statistiques locales, pour ce qui concerne l’analyse non seulement conjoncturelle du chômage, mais aussi structurelle pour que régions et départements puissent disposer d’indicateurs complémentaires.

Ainsi, la mission considère que les données du recensement pourraient être utilisées. En effet, la précision de l’enquête est 100 fois supérieure à celle de l’enquête emploi actuelle et fournit des informations précises à un niveau géographique très fin. Il serait possible d’introduire des questions plus précises de type BIT dans le questionnaire du recensement. L’enquête pilote menée actuellement par l’unité Recensement de l’INSEE étudie cette possibilité. Votre mission souhaiterait que le Parlement soit informé des conclusions de ces travaux.

2.– Le cas particulier des départements d’outre-mer

Deux orientations complémentaires doivent être associées :

– Maintenir les statistiques, analyses et prévisions qui sont pertinentes pour le champ limité à la France métropolitaine

La loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat du 21 août 2007 dispose que le « Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport sur les modalités d’intégration des personnes privées d’emploi en outre-mer dans les statistiques nationales relatives au chômage ».

Selon ce rapport, les difficultés techniques sont telles que l’INSEE ne pourrait pas « envisager une réforme de ses outils statistiques » avant 2011 « afin d’obtenir un agrégat reposant sur une méthodologie qu’elle reconnaîtrait comme incontestable », ce qui signifie qu’il ne serait pas en mesure de mettre fin à la méthode actuelle du calage avant 2011 « au moins ».

Votre mission comprend que compte tenu de la spécificité des DOM, l’agrégat pour la France entière doive être analysé avec prudence. Elle tient à ce que le Parlement soit tenu informé de l’avancée de ces recherches.

– Améliorer la qualité des statistiques dans les DOM

L’enquête emploi pourrait être menée en continu et son échantillon pourrait être augmenté, afin d’améliorer la fiabilité de ses résultats et de mettre fin à la méthode de calage dont l’arrêt est techniquement justifié. Conscient des contraintes techniques qui doivent être levées pour améliorer l’appareil statistique dans les DOM, votre Rapporteur souhaite cependant que le Parlement soit tenu informé des avancées des travaux de l’INSEE sur ce sujet.

Proposition n° 7 : Renforcer la statistique locale :

Remettre au Parlement un rapport sur les voies d’amélioration des statistiques locales ;

Améliorer la qualité des statistiques de l’emploi et du chômage dans les DOM (réaliser l’enquête emploi en continu, augmenter son échantillon) ;

Informer le Parlement sur l’intégration des personnes au chômage en outre-mer dans les statistiques nationales.

D.– AMÉLIORER L’INFORMATION DU GRAND PUBLIC

Au cours des auditions organisées par votre mission, un certain nombre de critiques sur l’information statistique sont apparues : focalisation du débat public sur les DEFM 1, non-respect de l’embargo, confusion sur la définition des indicateurs et des différentes sources, calendrier peu clair, manque de pédagogie des publications.

Les critiques émises à l’encontre des pouvoirs publics et des instituts statistiques eux-mêmes par le grand public montrent qu’au-delà des travaux sur la fiabilité des chiffres s’impose une réflexion sur leur mode de communication. Des efforts ont déjà été initiés par les instituts statistiques nationaux afin d’améliorer l’information du grand public. Ainsi, selon la majorité des personnes auditionnées par la mission, les dernières publications de l’INSEE constituent un progrès notable. Ces efforts méritent d’être poursuivis.

1.– Mettre fin à la confusion des données administratives et de l’évaluation du chômage au sens strict

• Distinguer clairement deux publications

Tous les pays européens qui recourent aux données administratives et au chômage au sens du BIT établissent clairement la différence entre les deux. Déjà en 1986, le rapport Malinvaud proposait la publication mensuelle séparée de deux tableaux de bord. Le premier, publié par le ministère du travail, aurait compris des indicateurs d’emploi (effectifs salariés, durée du travail, licenciements économiques etc.), des indicateurs sur le marché du travail (demandes d’emploi) et d’autres indicateurs sur l’effectif des personnes bénéficiant de mesures spécifiques. Le deuxième, publié par l’INSEE, aurait compris l’évaluation du taux de chômage et les évolutions récentes de l’emploi.

Votre mission estime qu’il faudrait distinguer deux publications régulières :

– la publication de l’INSEE présenterait l’évolution du chômage au sens du BIT et quelques indicateurs complémentaires (halo du chômage et sous-emploi). Elle pourrait utilement comporter des données sur l’emploi ;

– la publication commune de la DARES-ANPE se présenterait comme un tableau de bord du suivi des demandeurs d’emploi qui comporterait : des statistiques précises et complètes sur toutes les catégories de DEFM (en publiant à titre principal des séries pertinentes cf. I C) ; des indications complémentaires sur les dispenses de recherche d’emploi, les activités réduites, etc., enfin des informations plus précises sur les causes d’entrées et de sortie de l’ANPE, actuellement très lacunaires. Ce document doit être considéré, non comme un reflet de l’état du marché du travail, mais comme un suivi des politiques de l’emploi.

• Modifier le titre du document publié mensuellement par la DARES et l’ANPE 

Cette modification (« Demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE » au lieu de « Marché du travail ») aurait la vertu de bien distinguer ces données de l’évaluation du chômage stricto sensu.

2.– Éviter la focalisation du débat public sur les DEFM 1

La fin de la publication mensuelle par l’INSEE des chiffres au sens du BIT était techniquement justifiée. Cependant, le passage à une publication trimestrielle pourrait entraîner une focalisation accrue des pouvoirs publics et des médias, focalisation déjà excessive, sur les DEFM, particulièrement les DEFM 1 (demandeurs d’emploi en fin de mois qui cherchent un CDI et ayant travaillé moins de 78 heures dans le mois).

À ce titre, la mission invite l’INSEE à étudier les moyens de publier à nouveau les chiffres du BIT à un rythme mensuel (ce d’autant plus qu’Eurostat continue de publier tous les mois les chiffres du chômage BIT pour la France) accompagnés de deux indicateurs complémentaires.

Par ailleurs la mission invite l’ANPE et la DARES à réfléchir à une nouvelle maquette de présentation des demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE qui aurait pour fonction, non pas d’évaluer l’évolution conjoncturelle du chômage, mais de suivre les politiques de l’emploi et le parcours des demandeurs d’emploi. Trois éléments pourraient à court terme être améliorés :

– modifier le titre du document mensuel comme il a déjà été indiqué ;

– simplifier et clarifier les catégories de DEFM afin de présenter non pas huit catégories, dont la lecture et la compréhension sont difficiles pour le grand public et encouragent la focalisation sur les DEFM 1, mais quelques ensembles pertinents (cf. I) ;

– dissiper le flou qui entoure les catégories « Autres motifs de sortie » et « Absences au contrôle ». Votre mission estime que ces catégories devraient être clarifiées afin d’améliorer le suivi des demandeurs d’emploi et l’information du public et des journalistes.

3.– Mettre en place un calendrier de publication des chiffres de l’emploi et du chômage

Votre mission suggère que soit annoncé en début d’année un calendrier de publications régulières, qui serait ensuite respecté tout au long de l’année. Cette présentation du calendrier pourrait avoir lieu lors d’une conférence de presse commune de l’INSEE et de la DARES. Elle pourrait être l’occasion de :

– récapituler les différentes publications et leur rythme ;

– préciser la différence de nature entre les publications régulières (suivie des DEFM et du chômage au sens du BIT).

4.– Insister sur le respect des règles déontologiques en matière de communication des chiffres

Concernant la communication des chiffres, l’embargo officiel, pour l’INSEE et la DARES, est fixé à 8 h 45 le lendemain et non pas à 20 heures le soir comme on le dit parfois. Les statisticiens transmettent les chiffres au cabinet du ministre à 18 heures la veille de l’embargo (règle définie par le FMI). Si cette communication précoce des chiffres est justifiée, votre mission rappelle que l’embargo doit être respecté.

Par ailleurs, la mission estime qu’il est crucial d’informer le public que le gouvernement a accès aux statistiques avant leur publication en spécifiant l’heure exacte de cette communication anticipée. Cette information est déjà publiée sur le tableau d’affichage des normes de diffusion du FMI ; elle doit l’être sur le site de l’INSEE.

5.– Publier des documents clairs et pédagogiques

• Faire état des éventuelles modifications de méthode et en chiffrer l’impact

Il est essentiel que toute modification (d’ordre administratif pour les chiffres de l’ANPE ou méthodologique pour les chiffres de l’INSEE) qui affecte les chiffres soit non seulement mentionnée clairement dans une publication spécifique, mais que l’impact de ces modifications soit chiffré aussi précisément que les moyens techniques le permettent.

À ce titre, votre mission préconise que l’impact des décisions administratives de 2005 et 2006 qui ont contribué à éveiller la polémique de 2007 sur les chiffres du chômage fasse l’objet d’une analyse spécifique.

De la même façon, les changements méthodologiques intervenus dans le traitement de l’enquête emploi et dans l’interprétation du chômage BIT par l’INSEE devraient être analysés et commentés avec précision afin d’éviter toute polémique inutile.

• Publier des documents transparents et pédagogiques

La mission rappelle la nécessité d’accompagner les publications :

– de commentaires fournis et pédagogiques expliquant l’origine des principales tendances des chiffres :

– de commentaires distinguant le cas échéant la part des évolutions réelles de la situation du marché du travail et les évolutions résultant de décisions administratives ou modifications méthodologiques :

– d’indications sur l’intervalle de confiance ;

– de la définition précise et simple des concepts utilisés (à ce titre la publication de la DARES-ANPE pourrait clarifier la présentation des DEFM) précisant ce qu’il recouvre et ce qu’il ne recouvre pas ;

– du rappel des sources et de la méthodologie en des termes pédagogiques.

Il pourrait être pertinent de réserver la première page des publications de l’INSEE et de la DARES à cette présentation pédagogique. Le reste du document pourrait ensuite entrer davantage dans les détails techniques.

Proposition n° 8 : Améliorer la publication des chiffres de l’emploi et du chômage :

Distinguer clairement les publications de l’INSEE, fournissant l’évolution du taux de chômage, et celles de l’ANPE-DARES, permettant un suivi des politiques de l’emploi ;

Annoncer en début d’année un calendrier clair de publication des statistiques de l’emploi et du chômage ;

Respecter les règles déontologiques en matière de communication des chiffres et informer le public de la communication anticipée des chiffres au gouvernement ;

Veiller à publier des documents clairs et pédagogiques (faire état des éventuelles modifications de méthode et en chiffrer l’impact ; accompagner les publications de commentaires méthodologiques ; réserver la première page des publications à un résumé pédagogique ; améliorer la présentation des documents sur le site Internet de l’INSEE).

TROISIÈME PARTIE :
« AU DELÀ DU PIB » : LES INDICATEURS
DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

La mesure du PIB est indispensable et aussi bien, « il existe un consensus sur la nécessité de mesurer dans chaque pays le progrès des sociétés en allant au-delà des indicateurs économiques habituels tels que le PIB par habitant » (24).

Les termes de la déclaration d’Istanbul de juin 2007 entrent en résonance avec le titre de la conférence organisée par la Commission européenne, l’Organisation de coopération et de développement économiques et le Parlement européen en novembre 2007 : Au-delà du PIB, mesurer la richesse véritable, le progrès et le bien-être des nations.

Ces deux initiatives, mais aussi le regain d’intérêt des économistes pour ce courant de recherche, les travaux en cours à l’OCDE et à Eurostat pour mettre au point des indicateurs de développement durable, ou encore l’installation en France d’une commission sur les « limites du produit national brut comme critère de mesure de la performance économique et du bien-être » témoignent d’une prise de conscience commune de l’importance de disposer d’indicateurs en phase avec le contexte socio-économique actuel et de répondre à une réelle demande sociale.

Il y a en effet un hiatus entre la place accordée aujourd’hui au développement durable, désormais inscrit dans le Traité sur l’Union européenne (25) et élevé au rang de principe constitutionnel (26), et les instruments de mesure encore utilisés pour juger du progrès ou de la richesse des différents pays. Cette situation souligne la nécessité de mettre au point des indicateurs de développement durable complémentaires.

Certes les initiatives se multiplient, les propositions d’indicateurs de développement durable foisonnent, et la question est peu à peu reprise au niveau institutionnel. Cependant, tout reste à faire et un certain nombre d’obstacles pèsent sur la construction d’indicateurs alternatifs au PIB : un concept très englobant (à la fois économique, social et environnemental) aux contours encore flous, un manque de données fiables et comparables, des problèmes méthodologiques, une traduction quantitative délicate de certaines variables, une coordination internationale à mettre en place, des approches et hypothèses différentes selon les travaux.

Surtout, la dimension technique de la question ne doit pas conduire à éluder son caractère politique. On ne sous-estimera pas ici la dimension idéologique du débat. Tout indicateur s’appuie en effet sur des normes et des valeurs : sans un certain consensus autour de valeurs communes, aucun indicateur de développement durable ne pourra prétendre s’imposer à un niveau mondial. Un point de vue technocratique sur la question serait insuffisant. Comme le note M. Enrico Giovanini, statisticien en chef de l’OCDE, un indicateur tire sa légitimité « d’un processus démocratique dans lequel les citoyens seraient associés pour définir des indicateurs les plus importants pour eux ». Il est donc essentiel, avant même de s’interroger sur la solidité scientifique des indicateurs alternatifs, d’engager cette réflexion. Et de ne pas vouloir trop embrasser, sauf à imposer des choix idéologiques éminemment subjectifs et risquer alors l’échec.

La question de l’intégration de données relatives au développement durable dans le calcul du PIB ou de la construction d’indicateurs alternatifs doit donc être considérée avec prudence. Le propos de la mission n’est pas de mettre au point des indicateurs en tant que tels mais d’insister sur la nécessité de poursuivre les travaux en cours et d’impliquer les instituts statistiques nationaux dans ce mouvement.

I.– COMPLÉTER LA MESURE DU PIB : POURQUOI ET COMMENT ?

A.– UNE PRISE DE CONSCIENCE DES LIMITES DU PIB DEPUIS LES ANNÉES 1970

Le PIB est l’un des indicateurs les plus connus et les plus largement utilisés qui soient directement comparables d’un pays à l’autre et dans le temps. S’il n’a pas été conçu comme un indicateur de bien-être, de fait, il est fréquemment associé à cette notion. Est-ce un raccourci impropre ou bien, pour reprendre les termes d’une récente publication de l’OCDE, le PIB, en l’absence d’indicateurs alternatifs est-il un indicateur « correct » du bien-être ? Sinon, comment répondre aux insuffisances du PIB ?

1.– Le PIB : un indicateur de bien-être ?

• Un indicateur essentiellement quantitatif

Si le PIB est un indicateur assez fin, il n’en demeure pas moins un indicateur fortement quantitatif, qui ne mesure que la richesse produite, la qualité de la croissance n’étant pas explicitement prise en compte (27).

Le PIB mesure la valeur ajoutée nationale, à savoir la production de biens et services des résidents (entreprises, administrations) d’un pays dans une période donnée, déduction faite de la valeur des biens et services intermédiaires détruits ou transformés dans le cours de production.

Ce mode de calcul a plusieurs conséquences :

Tout ce qui a une valeur ajoutée monétaire vient augmenter le PIB, que cela contribue ou non au bien-être de la communauté. Les dépenses de réparation des dommages environnementaux sont donc comptabilisées comme des contributions positives à la croissance. Ne sont pas décomptés les flux négatifs liés à la dégradation de certains patrimoines, comme les ressources non renouvelables.

La qualité de la croissance n’est pas explicitement prise en compte. Le PIB ne renseigne pas sur la répartition de la richesse par exemple, il ne rend compte ni de la pauvreté ni de la sécurité économique.

De nombreuses activités non marchandes ne sont pas comptabilisées : l’activité domestique ou bénévole, les loisirs de même que les externalités positives de certaines productions.

L’évolution du PIB n’est que faiblement corrélée au degré de satisfaction de la population comme le montrent les enquêtes de bien-être.

• Un indicateur « correct », faute de mieux ?

Est-ce à dire que le PIB est un mauvais indicateur du bien-être d’une société ? Ne peut-on estimer en effet que le bien-être comporte certes d’autres dimensions que la composante monétaire, mais qu’« une économie riche sera mieux à même de créer et de préserver les autres conditions de nature à améliorer le bien-être, notamment un environnement sain, la possibilité pour un individu moyen d’accomplir 10 années d’études ou plus et la probabilité de mener une vie relativement longue en bonne santé » (28) ?

Dans un rapport publié en 2006, l’OCDE a, à titre illustratif, procédé à une correction du PIB en prenant en compte le loisir, le partage des revenus ou encore le bien-être subjectif tiré d’enquêtes de satisfaction (cf. graphiques suivants).

PRODUIT INTÉRIEUR BRUT ET REVENU NATIONAL BRUT PAR HABITANT, 2003

AJUSTEMENT DES REVENUS EN FONCTION DE L’INÉGALITÉ 1

AJUSTEMENT DU PIB POUR TENIR COMPTE DES LOISIRS, 2002
(par rapport aux États-Unis)

INDICATEURS DE BIEN-ÊTRE SUBJECTIF DANS LES PAYS DE L’OCDE, 2000 1

Le rapport tire plusieurs remarques de ces ajustements du PIB.

– La prise en compte des loisirs et du partage des revenus révèle que le classement des pays sur la base de ces indicateurs et celui sur la base du PIB par habitant ne sont pas, en niveau, sensiblement différents, mais ont évolué de manière différente. Le niveau du PIB et de certains aspects du bien-être ne sont pas déconnectés.

– En revanche, un indice composite reposant sur divers indicateurs sociaux fait apparaître des différences notables de classement par rapport au PIB par habitant dans la moitié des pays de l’OCDE (cf. également B.2 ci-après).

– Il faut noter également que la construction d’indicateurs complémentaires a une dimension normative indiscutable. Ainsi, l’aversion à l’inégalité peut entraîner un classement très différent de celui opéré sur la base du PIB par habitant. La différence est bien moindre si l’on retient une plus faible aversion à l’inégalité.

– Enfin, les données issues d’enquêtes sur le bonheur et la satisfaction de la vie ne sont que faiblement reliées au niveau du PIB par habitant.

Il y a donc bien une corrélation entre bien-être et PIB. Mais ce dernier est un instrument biaisé de la mesure du bien-être : il ne s’attache qu’à l’un de ses aspects, les ressources économiques, en évacuant les autres (cadre environnemental, santé, égalité, sécurité, etc.). Il nécessiterait d’être enrichi ou complété. Cependant, du fait que l’on ne dispose pas à l’heure actuelle d’indicateurs alternatifs à la fois satisfaisants, crédibles, aisément disponibles et reconnus au niveau international, l’OCDE conclut que le PIB est, faute d’indicateurs, un indicateur « correct » du bien-être.

La mission estime que les faiblesses des indicateurs alternatifs ne signifient pas que leur recherche est vaine. En effet, la comptabilité nationale a été établie à la fin de la seconde guerre mondiale sur la base de conventions adaptées au contexte socio-économique de l’époque (29). Ce contexte a aujourd’hui profondément changé et, tout comme la comptabilité nationale actuelle a été le fruit de débats intenses, il n’est pas exclu que les discussions en cours autour des indicateurs de bien-être aboutissent à une meilleure mesure.

2.– De nombreuses difficultés à surmonter

Amartya Sen, qui a dirigé en 1990 l’équipe du Programme des Nations Unies pour le développement et a contribué à la création de l’IDH, déclarait récemment qu’il fallait « réfléchir à un nouvel indicateur qui explique pourquoi certaines personnes dans les pays riches ne voient pas leurs conditions de vie s’améliorer lorsque le produit intérieur brut augmente. (…) Mais c’est une question complexe à laquelle il n’existe pas de solution facile. » En effet, un certain nombre de difficultés doivent être résolues s’il s’agit de parvenir à la construction d’indicateurs alternatifs au PIB.

• Des problèmes techniques

Une première série de difficultés relève de la technique économique :

– le manque de données harmonisées pour pouvoir renseigner d’éventuels indicateurs de développement durable. Ces données sont parfois complètement absentes ou bien sont définies différemment selon les pays ;

– la question des variables que l’on choisit d’intégrer aux indicateurs et de leur pondération : il n’existe aucun consensus sur les variables à privilégier et leur poids respectif. Selon M. Jean Gadrey, au cours de son audition par la mission, il est essentiel de s’entendre sur une quinzaine d’indicateurs sociaux et environnementaux pour ensuite envisager de construire des indicateurs synthétiques ;

– le problème de la méthode à adopter : faut-il opter pour la monétarisation des données, avec les approximations que cela suppose, préférer la synthèse d’indicateurs composites sans monétarisation, ou adopter une batterie d’indicateurs en sachant que l’on perd ainsi ce qui fait la force du PIB, cette capacité de résumé global d’une situation ?

– l’articulation des approches nationales et internationales, sachant que les besoins ne sont pas les mêmes.

• Un difficile accord sur le sens et les objectifs d’indicateurs alternatifs au PIB

– Sur le sens des indicateurs, doit-on définir les indicateurs alternatifs comme des indicateurs de « bien-être », de « développement durable » ou encore de « progrès durable » ? Et qu’entendre par bien-être ou développement durable ? Selon M. Enrico Giovanini, statisticien en chef de l’OCDE, un indicateur tire sa légitimité « d’un processus démocratique dans lequel les citoyens seraient associés pour définir des indicateurs les plus importants pour eux ». Il s’agit donc de clarifier la définition du développement durable. La construction d’indicateurs alternatifs au PIB ne saurait faire l’économie d’une telle réflexion (30). La déclaration d’Istanbul de juin 2007 y invite d’ailleurs les différentes organisations régionales, nationales et internationales. « Nous exhortons les bureaux statistiques, les organisations publiques et privées ainsi que les experts à collaborer avec les représentants de leur population pour produire des informations de qualité, basées sur des faits concrets que l’ensemble des sociétés peut utiliser pour définir une vision commune de leur bien-être et son évolution au fil du temps ».

– Quant aux objectifs, veut-on construire un ou plusieurs indicateurs complémentaires du PIB ou intégrer de nouvelles variables au PIB lui-même ? Autre interrogation, qui rejoint la précédente, veut-on disposer d’indicateurs qui permettent d’évaluer les politiques publiques ou informer le public et le mobiliser sur des sujets déterminés ? Le premier objectif aboutirait à élaborer des batteries d’indicateurs précis, mais peu parlants pour le public. « Comment en effet un citoyen normalement constitué peut-il faire la synthèse de 155 courbes fatalement non parallèles ? » (31). Le second suppose de mettre au point des indicateurs synthétiques, pédagogiques et peu nombreux, capables de contrebalancer le PIB mais qui risqueraient d’être trop grossiers pour permettre un suivi efficace de politiques publiques précises. Ainsi, la task force d’Eurostat comme le groupe de travail interministériel français sur la mise en place d’indicateurs de développement durable ont écarté les indicateurs synthétiques sur ce motif.

Ces réflexions techniques et conceptuelles ne peuvent être menées qu’au niveau international et ont d’ores et déjà été initiées par des organismes tels que l’ONU, l’OCDE ou Eurostat.

B.– COMMENT MESURER LE BIEN-ÊTRE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL ?

1.– Face aux limites du PIB, plusieurs approches sont possibles

Diverses méthodes ont été proposées.

• Compléter le PIB par des panels d’indicateurs

Il s’agit d’enrichir la panoplie des indicateurs nationaux d’indicateurs complémentaires dans le domaine de l’inégalité et de la pauvreté ou de l’environnement. C’est la démarche suivie par l’INSEE, qui publie des indicateurs sociaux complémentaires dans sa publication annuelle France, portrait social (32). C’est également celle adoptée par Eurostat qui propose une batterie d’indicateurs de développement durable.

Compléter ainsi le PIB par des tableaux de bord de divers indicateurs est certes intéressant, mais ces indicateurs nombreux et dispersés sont peu lisibles pour le public et peu susceptibles de contrebalancer réellement le PIB. C’est en même temps l’approche la plus modeste et la plus subjective.

• Monétariser certaines variables pour les ajouter au PIB ou les en retrancher

La première tentative de ce type a été réalisée en 1973 par les économistes Nordhaus et Tobin (33). Partant des dépenses de consommation finale enregistrées par la comptabilité nationale, ils ont retranché celles qui ne contribuaient pas au bien-être (services financiers ou juridiques par exemple, mais au fond, en raison de quelle justification) et en achetant des variables comme la valeur du temps de loisir et du celle du travail bénévole. M. Fleurbaey et G. Gaulier, économistes à la Banque de France, ont mis au point un revenu équivalent (34) en imputant six variables au revenu national net (temps de travail, précarité liée au chômage, espérance de vie en bonne santé, composition des ménages, niveau des inégalités et soutenabilité de la croissance). La contribution de ces variables au revenu est estimée en fonction du consentement à payer des individus. Les PIB verts et indicateurs de bien-être durable (IBED) suivent la même méthodologie (35) (cf. B.1 ci-après).

Ces tentatives d’extension et de redéfinition du PIB se heurtent à plusieurs critiques :

– tout d’abord la liste des éléments devant être intégrés au calcul du PIB est potentiellement infinie et aurait pour conséquence une redéfinition radicale de ce concept, ce qui provoque le scepticisme des comptables nationaux (« Ces projets et ces recherches – à notre avis sans perspective de succès – présentent néanmoins l’avantage de souligner à quel point le calcul du PIB est sensible à certaines conventions » (36). Mais l’argument se renverse et l’on peut répondre à cette critique que la comptabilité nationale et le calcul du PIB sont par définition le fruit de conventions et par conséquent non immuables. Il est donc possible de conserver le PIB marchand comme référence d’un côté et de mettre au point un PIB corrigé ou amélioré de l’autre ;

– de plus la monétarisation de certaines variables comme le loisir, ou encore la dégradation de l’environnement, est non seulement techniquement difficile (faut-il par exemple évaluer la détérioration de l’environnement sur la base des coûts de réparation qu’elle entraîne ou des coûts de prévention ?), mais aussi soumise à des conventions parfois très discutables. Ainsi le revenu équivalent de M. Fleurbaey et G. Gaulier est très sensible aux hypothèses sur les choix collectifs (comme l’aversion au risque du chômage). De même pour ce qui concerne les indicateurs de bien-être durable, le classement des activités en dépenses « défensives » (37) ou non prête à discussion.

• Construire un indice synthétique à partir d’éléments composites non monétarisés

Un tel indice synthétique peut englober le PIB (comme l’Indice de développement humain) ou non (Indicateur de santé sociale). La grande majorité de ces indicateurs sont à vocation sociale. Le plus connu de ces indices est l’Indice de développement humain (IDH) proposé depuis 1990 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). L’indice du BIP 40 proposé en France par le réseau d’alerte sur les inégalités (RAI) suit également cette démarche.

Si cette méthode a l’avantage d’échapper à la délicate question de la valorisation de certaines activités non marchandes, elle ne résout pas la question normative puisqu’il faut non seulement choisir les variables prises en compte par l’indicateur, mais aussi leur affecter une pondération.

Cependant, on peut retourner cette critique de la pondération arbitraire contre le PIB qui donne un poids nul à tous les déterminants du bien-être autres que le revenu. « Le problème est la difficulté à arrêter une pondération de référence. C’est ce problème qui fait obstacle à l’institutionnalisation de ces indices » (38).

• Pratiquer des enquêtes de satisfaction

Cette méthode consiste à recueillir directement l’avis de la population à l’aide de réponses à des enquêtes de satisfaction, ce qui permet d’étudier les composantes subjectives du bien-être. En séries longues, on constate un paradoxe entre ces indicateurs de bien-être subjectif et l’évolution du PIB par habitant, paradoxe soulevé par Easterlin en 1974 et confirmé par la suite aux États-Unis mais aussi en Europe.

Plusieurs éléments d’explication ont été avancés pour rendre compte de ce décalage. L’École de Leyden évoque un mouvement de « glissement des préférences » : une augmentation de revenu entraîne de nouvelles préférences et exigences et n’a donc qu’un effet limité sur l’état de satisfaction. Oswald (1997) a montré que sur une courte période la satisfaction des individus est supérieure à celle mesurée sur une longue période, ce qui accrédite cette idée d’acclimatation. Enfin plusieurs travaux mettent en évidence l’importance des comparaisons sociales (Oswald Clark, 1996 ; C. Senik, 2002) dans l’évaluation du bien-être. L’évaluation de leur bien-être par les individus s’effectue en fonction de l’évolution du revenu d’un groupe de référence mais également en fonction des anticipations (Albert O. Hirschman, 1973). Si l’augmentation du revenu de référence est vécue par l’individu comme l’annonce de l’augmentation future de son propre revenu, elle ne se traduira pas par un sentiment de mal-être.

Il semble donc difficile de s’appuyer sur les indicateurs de bien-être subjectif, tant leur évolution semble dépendre d’autres facteurs que l’évolution du revenu. Néanmoins ils illustrent parfaitement la faiblesse du raccourci qui consiste à corréler systématiquement croissance et bien-être (39).

INDICATEURS DE BIEN-ÊTRE : DIFFÉRENTES APPROCHES

Indicateurs synthétiques

 

Monétaires

Agrégation de variables monétarisées dans un cadre comptable

Composites

Moyenne pondérée d’indices hétérogènes fondés sur des variables non monétarisées

Globaux

Mesure cohérente du bien-être saisi dans l’ensemble de ses dimensions

Indicateur de progrès véritable (IPV) de Redefining Progress

Indicateur de bien-être économique durable (IBED)

Indicateur de niveau de vie de Fleurbaey et Gaulier

Indice de développement humain (IDH) du PNUD

Indicateur de développement durable de l’ONU

Happy Planet index (HPI) * des Amis de la Terre

Bonheur national brut (BNB), initié par la monarchie du Bhoutan en 1972 et conforme aux valeurs spirituelles bouddhistes

Indice de bonheur mondial (IBM) du Globeco

 

Indice de bien-être économique (IBEE) de Osberg et Sharpe (monétaire et composite)

Dédiés

Mesure d’une dimension spécifique du bien-être

Indicateur d’épargne véritable (IEV) de la Banque mondiale, mesure du capital environnemental

Indice de santé sociale (ISS) du Fordham Institute, mesure des pathologies sociales

BIP 40 (baromètre des inégalités et de la pauvreté) du Réseau d’alerte sur les inégalités

Indice de sécurité personnelle (ISP) * du Canadian Council on Social Development, mesure de l’état de sécurité

Empreinte écologique du WWF, mesure des biocapacités

Indicateur sexué de développement humain (ISDH) du PNUD

Tableaux de bord

Globaux

Dash board

Dédiés

Indicateurs de développement durable de l’ONU, Eurostat

* Inclut des variables subjectives (données fondées sur des enquêtes déclaratives)

2.– Un foisonnement d’indicateurs alternatifs mais peu d’indicateurs synthétiques crédibles : les variables environnementales sont plus faciles à mesurer que les données sociales

De nombreux indicateurs synthétiques prenant en compte d’autres variables que la production ont été mis au point depuis les années 1970. Mais d’une part ces initiatives sont encore expérimentales et se heurtent à des problèmes techniques. D’autre part, nul consensus n’a encore été trouvé autour des objectifs que doivent remplir ces indicateurs, des valeurs autour desquelles ils sont construits et des variables qui doivent y être intégrées.

Il est cependant utile de noter que tous ces indicateurs, bien qu’ils s’appuient sur des méthodologies, des valeurs et des variables différentes, fournissent sur une longue période des diagnostics convergents (décalage entre PIB par habitant et indicateurs de bien-être). Cette convergence invite à réfléchir aux moyens de les améliorer.

Par ailleurs, selon les personnes auditionnées par votre mission, il apparaît que les variables environnementales sont à ce jour plus faciles à mesurer et donc à intégrer dans un indicateur de développement durable que les données sociales, dont la pondération dépend d’éléments plus subjectifs.

a) Les indicateurs à dominante sociale

• Les indicateurs de développement du PNUD

Ces indicateurs publiés depuis 1990 sont parmi les plus célèbres au monde, en particulier l’IDH (indicateur de développement humain). Cependant, de l’avis même de l’un de ses créateurs, Amartya Sen, cet indicateur a un intérêt limité pour le classement des pays développés. En effet, pour les quatre variables prises en compte dans le calcul de l’IDH (PIB/hab, taux d’alphabétisation, espérance de vie et scolarisation), les vingt pays les plus développés ont des scores supérieurs à 0,9 (sur une échelle de 0 à 1). En revanche l’indicateur de pauvreté humaine (IPH) révèle un classement différent de celui basé sur le PIB par habitant (cf. tableau).

M. Jean Gadrey a préconisé devant la mission de mettre au point une variante de l’IDH qui révélerait davantage les différences entre pays riches (en intégrant des variables nouvelles en matière d’éducation et de santé) et de s’intéresser aux deux autres indicateurs du PNUD, l’indicateur de pauvreté humaine (IPH) et l’indicateur de participation des femmes à la vie politique et économique (IPF).

CLASSEMENT DES PAYS DÉVELOPPÉS SELON QUATRE INDICATEURS

Classement IDH (2002)

Classement selon le PIB/hab (PAA) (2002)

Pauvreté : IPH-2 (2002)

Indicateur de participation des femmes/hommes IPF (2002)

Norvège

2

Suède

Norvège

Suède

20

Norvège

Suède

Australie

11

Pays-Bas

Danemark

Canada

8

Finlande

Finlande

Pays-Bas

10

Danemark

Pays-Bas

Belgique

12

Allemagne

Islande

Islande

7

Luxembourg

Belgique

États-Unis

4

France

Australie

Japon

14

Espagne

Allemagne

Irlande

3

Japon

Canada

Suisse

6

Italie

Nouvelle-Zélande

Royaume-Uni

19

Canada

Suisse

Finlande

18

Belgique

Autriche

Autriche

9

Australie

États-Unis

Luxembourg

1

Royaume-Uni

Espagne

France

15

Irlande

Irlande

Danemark

5

États-Unis

Bahamas

Nouvelle-Zélande

22

 

Royaume-Uni

Allemagne

13

 

Costa Rica

Espagne

23

 

Singapour

Italie

17

 

Argentine

Lecture : pour chacun de ces quatre indicateurs, le pays classé en tête est celui qui fait le « mieux ». Ainsi, en matière de pauvreté humaine, la Suède est en tête en ce sens que c’est le pays où il y a le moins de pauvreté selon cet indicateur.

Source : Rapport 2004 du PNUD

• L’indice de santé sociale (ISS), le BIP 40 et l’Indice de sécurité personnelle (ISP)

Ces indices ont en commun une grande sensibilité aux problèmes sociaux (pauvreté, inégalités, chômage, violence).

– L’indice de santé sociale (ISS) a été mis au point dans les années 1990 par MM. Miringoff dans le cadre du Fordham Institute for Innovation in Social Policy et appliqué au Canada et dans l’État du Connecticut. Il est calculé à partir de seize variables élémentaires regroupés dans cinq composantes associées aux âges de la vie.

COMPOSANTES DE L’INDICE DE SANTÉ SOCIALE

Enfants

Adolescents

Adultes

Personnes âgées

Tous âges

Mortalité infantile

Suicide des jeunes

Chômage

Pauvreté des plus de 65 ans

Délits violents

Maltraitance des enfants

Usage de drogues

Salaire hebdomadaire moyen

Espérance de vie à 65 ans

Accidents de la route mortels liés à l’alcool

Pauvreté infantile

Abandon d’études universitaires

Couverture par l’assurance-maladie

 

Accès à un logement d’un prix abordable

 

Enfants nés de mères adolescentes

   

Inégalités de revenu familial

Un article publié en 1996 présentait le décalage entre l’évolution du PIB par habitant et l’ISS.

INDICE DE L’ÉTAT DE SANTÉ SOCIALE AMÉRICAIN À NEUF VARIABLES
ET L’INDICE DE PIB AMÉRICAIN PAR HABITANT AUX PRIX DE 1996, DE 1959 À 1996

(base 100 en 1959 pour chaque indice)

L’intérêt de cet indicateur réside moins dans la synthèse des différentes variables que dans leur analyse détaillée. Pour l’ISS comme pour les autres indicateurs synthétiques, les résultats les plus spectaculaires sont les plus critiquables scientifiquement, mais ils ont le mérite d’attirer l’attention sur les données que la PIB ne prend pas en compte.

– Le BIP 40, mis en place en France en 2002 par le Réseau d’alerte sur les inégalités (RAI), est une forme d’adaptation de l’ISS. Une cinquantaine d’indicateurs sont choisis dans différents domaines, auxquels on attribue des notes entre 0 et 10 (10 pour la pire performance et 0 pour la meilleure). Puis on agrège ces données en y appliquant des coefficients de pondération. Le graphique montre que les inégalités sont sensiblement plus importantes en 2002 que dans les années 1980.

ÉVOLUTION DU BIP 40 (FRANCE) ENTRE 1980 ET 2004

Comme pour l’ISS, l’analyse des différentes variables est un complément nécessaire à l’examen de l’indice global : ainsi la dégradation de la situation a été plus marquée pour les variables travail et emploi, les indices en matière de santé, revenu et éducation sont relativement stables et les inégalités ont progressé en matière de justice et de logement. Il faut également noter que ces deux indices s’inscrivent dans des contextes nationaux précis. Par conséquent, la liste et la hiérarchie des grands problèmes sociaux établies par chaque indicateur dépendent en grande partie des valeurs de chaque pays. Il est donc difficile d’utiliser ces indicateurs à des fins de comparaison internationale.

– L’indice de sécurité personnelle (ISP) a été mis au point dans les années 1990 par le Canadian Council on Social Development et s’appuie sur une approche originale. En effet il évalue le bien-être en fonction des différentes insécurités auxquelles les individus sont confrontés (sécurité physique, économique et devant la santé). La méthode de pondération est également originale car elle est issue de données subjectives obtenues à partir de vastes enquêtes questionnant les Canadiens sur l’importance qu’ils accordaient aux trois dimensions de la sécurité.

ISP : LES VARIABLES ET LEUR PONDÉRATION

Indicateurs de données objectives de l’ISP

Pondération

Indicateurs de données subjectives

Pondération

Dimension économique

35

Dimension économique

35

Revenu disponible

5,83

Dans quelle mesure votre revenu est-il suffisant pour subvenir aux besoins du ménage ?

8,75

Écart moyen de pauvreté

5,83

Je pense qu’il y a un risque que je puisse perdre mon emploi dans les deux ans

8,75

Taux de chômage de longue durée (> 12 mois)

5,83

Si j’ai perdu mon emploi, je suis confiant dans mes chances d’en retrouver un dans les six mois

8,75

Couverture d’assurance chômage

5,83

Si j’ai perdu mon emploi, j’ai confiance dans les politiques publiques pour subvenir à mes besoins pendant la période de recherche d’emploi

8,75

Niveau d’assistance sociale ( %  du seuil de pauvreté)

5,83

   

Niveau d’endettement personnel ( %  du revenu disponible)

5,83

   

Dimension santé

55

Dimension santé

55

Années potentielles de vie perdue

18,33

Comment évaluez-vous globalement votre état de santé ?

18,33

Accidents du travail

18,33

Dans quelle mesure votre vie est-elle stressante ?

18,33

Accidents de la route

18,33

Si moi ou un membre de ma famille était sérieusement malade, j’ai confiance dans l’accès au système de soins

18,33

Dimension de sécurité physique

10

Dimension de sécurité physique

10

Violence physique

5

Du point de vue de la violence sur votre famille, quel est l’état de sécurité de votre voisinage ?

5

Délits contre la propriété

5

Du point de vue des délits de propriété (vols, etc.), quel est l’état de sécurité de votre voisinage ?

5

Total indicateur données objectives

100

Total indicateur de perception

100

b) Les indicateurs à dominante environnementale

• PIB vert, indicateurs de bien-être économique durable (IBED), indicateur de progrès véritable et empreinte écologique

Ces indices sont monétarisés et accordent une place importante à l’environnement.

– Depuis 1996, date de publication de l’ouvrage de John et Clifford Cobb, de nombreux pays ont mis au point des indicateurs de bien-être économique durable (Canada, Royaume-Uni, Suède, Allemagne, Pays-Bas). On peut citer l’indice de bien-être durable de l’association Friends of Earth (Les amis de la Terre). Le calcul de ces indicateurs illustre la difficulté du classement de certaines activités dans les dépenses appelées « défensives », car ne contribuant pas directement au bien-être de la population, et par conséquent soustraites du PIB. Une autre difficulté tient dans l’estimation monétaire des dommages causés à l’environnement (perte de valeur des terres, diminution des ressources non renouvelables et dommages environnementaux à long terme comme ceux liés à l’émission de CO2).

LES VARIABLES DE L’IBED ET LEUR MONÉTARISATION

Variables

Valeur 1992 (Suède *)

Consommation finale marchande

502

Distribution des revenus

0,77 **

D’où consommation finale pondérée par les inégalités

653 (= 502/0,77)

Travail domestique

+ 242

Valeur économique des biens durables – service de ces biens

– 36

Dépenses publiques de santé et éducation

+ 33

Dépenses privées de santé et éducation

– 10

Coûts des déplacements domicile-lieu de travail

– 37

Coûts des accidents de voiture

– 8

Coûts de la pollution de l’eau

– 24

Coûts de la pollution de l’air

– 24

Coûts de la pollution sonore liée à la circulation automobile

– 8

Pertes de terres humides par drainage (marécages, forêts…)

–2,4

Pertes de terres cultivées liées à l’urbanisation ou à la diminution non naturelle de qualité des sols

– 3,4

Réduction des ressources naturelles non renouvelables

– 166

Dommages environnementaux à long terme (dont émissions de CO2 et déchets nucléaires)

– 73

Réduction de la couche d’ozone

– 22

Croissance nette du capital produit par les hommes

+ 60

Changements de la position internationale

+ 49

IBED (1992)

595

* en milliards de SEK (couronne suédoise) de 1985. Dans cette colonne, les signes + et – indiquent ce qui est ajouté ou retranché de la consommation finale

** Base 1 en 1950 (forte réduction des inégalités entre 1950 et 1992).

– L’indicateur de progrès véritable

Cet indicateur mis au point par une ONG, Redefining progress, a été créé en 1994. De nombreux instituts de recherche (Allemagne, Canada, Royaume-Uni, Australie) s’en sont inspirés et l’ont adapté à leur propre contexte national. Sa méthode se rapproche de celle des indicateurs de bien-être économique durable.

c) Un indicateur intégrant les deux dimensions : l’indice de bien-être économique (IBEE)(40)

Développé par les deux économistes L. Osberg et A. Sharpe, cet indicateur fait la moyenne de quatre indicateurs eux-mêmes synthétiques :

– la consommation au sens large c’est-à-dire les flux effectifs de consommation par tête (valeur monétaire à prix constants) affectés d’un indice de progression d’espérance de vie auxquels on ajoute les dépenses gouvernementales par tête hors service de la dette et le travail domestique et bénévole ;

– les stocks de richesse (économique humaine et environnementale) ;

– les inégalités et la pauvreté ;

– l’insécurité économique (risques liés au chômage, à la maladie, aux risques de rupture familiale et à la vieillesse).

Cette approche qui articule les bases de la comptabilité nationale et certaines statistiques sociales permet de comparer les progrès en termes de bien-être économique de la plupart de pays de l’OCDE. Sa présentation en quatre dimensions fait apparaître clairement les différentes composantes du bien être. L’IBEE est souvent cité par les économistes comme l’un des indicateurs synthétiques les plus solides. Il a récemment été appliqué à la France (41).

L’étude des principales réponses proposées face à ce que l’on juge être les insuffisances du PIB, permet de tirer quatre enseignements :

– les indicateurs synthétiques de bien-être sont certes expérimentaux et jugés trop grossiers par les économistes, mais d’une part ils fournissent des diagnostics convergents et de l’autre ils ont pour vertu d’attirer l’attention du public sur des dimensions du bien-être extérieures au PIB ;

– ces indicateurs posent des problèmes méthodologiques et idéologiques particuliers : les variables environnementales semblent plus faciles à mesurer et à intégrer dans un indicateur de développement durable que les données sociales, qui reposent sur des hypothèses plus subjectives. De plus la pondération des différentes variables est une question délicate ;

– l’évolution des indicateurs à dominante sociale sera toujours par définition « bornée » par rapport à celle du PIB. Les économistes reconnaissent en effet que le PIB peut augmenter de façon continue sur le long terme alors que certains indicateurs sociaux sont soumis à certaines limites (par exemple le taux de chômage ou le taux de pauvreté ne seront jamais de 0%) ;

– ces indicateurs reposent enfin sur des conventions parfois discutables. Cependant le PIB est lui aussi calculé sur la base de conventions, c’est donc moins l’existence d’une convention que l’absence d’accord autour de celle-ci qui pose problème.

La mise au point d’indicateurs synthétiques de développement durable permettrait donc de répondre aux insuffisances du PIB. Il faudrait pour cela renforcer leur fiabilité et s’accorder sur un cadre conceptuel commun. Sur ces deux plans, des progrès sont à attendre de la recherche menée au sein des instituts statistiques et du débat international qui s’ouvre sur ces questions.

Il faut rappeler cependant que les indicateurs de bien-être sont par définition bornés, ce qui n’est pas le cas du PIB.

II.– LE SUJET NÉCESSITE UNE RÉFLEXION INTERNATIONALE DONT LA FRANCE DOIT ÊTRE PARTIE PRENANTE

La mission estime qu’il est essentiel que la France soit présente dans cette réflexion internationale et en mesure de faire des propositions. Pour cela les instituts statistiques nationaux doivent s’impliquer activement dans la recherche sur les indicateurs de développement durable.

A.– APPROFONDIR LES RÉFLEXIONS INTERNATIONALES

En 2007, des institutions reconnues (OCDE, Commission européenne, Parlement européen) se sont saisies simultanément du sujet. Ces initiatives montrent que la question quitte peu à peu le cadre restreint des recherches économiques souvent menées au niveau national pour se hisser au niveau international.

L’organisation par l’OCDE du Forum mondial des statistiques sur le thème « Mesurer et favoriser le progrès des sociétés » est à ce titre significative. Partant d’un consensus sur la nécessité de « mesurer dans chaque pays le progrès des sociétés en allant au-delà des indicateurs économiques habituels tels que le PIB par habitant », l’OCDE préconise le partage des bonnes pratiques et la recherche d’accords, au niveau national - et à terme mondial - sur un ensemble d’informations permettant d’évaluer les résultats politiques.

En 2007, une conférence internationale, organisée à l’initiative de la Commission européenne, de l’OCDE, du Parlement européen et de WWF, a réuni des économistes et des personnalités politiques sur le thème « Beyond GDP ». Dans son discours introductif, M. José Manuel Baroso, président de la Commission européenne déclarait : « Parler de liberté, de changement climatique, de santé, de sécurité et d’environnement n’est pas suffisant. Nous avons besoin d’outils de communication, reconnus par tous, qui montrent les progrès accomplis dans ces différents domaines. Et ces progrès ne peuvent être mesurés qu’au moyen d’indicateurs adaptés. Il est donc temps d’aller au-delà des outils développés pour le monde des années 1930. Il est temps d’aller au-delà du PIB ».

Ces deux événements s’inscrivent dans le sillage des travaux menés depuis les années 1990 au niveau international par l’ONU, différents pays de l’OCDE et l’Union européenne.

– En 1992, la signature de la déclaration finale du sommet de la Terre à Rio de Janeiro a marqué le lancement de l’Agenda 21 qui pose que le développement durable doit intégrer transversalement les trois piliers de l’économie, de l’environnement et du social. Chaque État signataire s’est engagé à créer une Commission nationale du développement durable, à définir une stratégie nationale de développement durable (SNDD) (42), et pour en comparer les résultats, à mettre en place des indicateurs de développement durable (43). Les Nations Unies publient ces indicateurs depuis 1996.

L’Union européenne ayant souscrit les mêmes engagements, le Conseil européen a demandé à Eurostat de mettre au point des indicateurs de développement durable qui ont été validés par le Comité du programme statistique de novembre 2005, suivant les préconisations d’une task force ad hoc composée d’experts nationaux (44). Ces indicateurs ont été partiellement révisés en 2007. La task force s’est inspirée des indicateurs mis au point par l’ONU et l’OCDE, mais elle a également utilisé les batteries d’indicateurs européens spécifiques à certains domaines.

INDICATEURS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE MIS AU POINT PAR EUROSTAT

Thème (10)
(niveau 1)

Sous-thèmes (31)
(niveau 2)

Indicateurs de niveau 1 (15)

1.

Développement économique

– Investissement
– Compétitivité
– Emploi

Taux de croissance du PIB par habitant

2.

Pauvreté et exclusion sociale

– Pauvreté monétaire
– Accès au marché de l’emploi
– Autres aspects de l’exclusion sociale

Taux du risque de pauvreté après transferts sociaux

3.

Vieillissement de la société

– Adéquation des pensions
– Variations démographiques
– Viabilité des finances publiques

Taux de dépendance vieillesse actuel et projets

4.

Santé publique

– Protection de la santé humaine et modes de vie
– Sécurité et qualité alimentaires
– Gestion des produits chimiques
– Risques sanitaires liés à l’environnement

Espérance de vie en bonne santé à la naissance, par sexe

5.

Changement climatique et énergie

– Changement climatique
– Énergie

– Émissions totales de gaz à effet de serre
– Consommation intérieure brute d’énergie, par combustible

6.

Modes de production et de consommation

– Eco efficacité
– Structures de consommation
– Agriculture
– Responsabilité des entreprises

– Consommation totale de matières
– Consommation intérieure de matières

7.

Gestion des ressources naturelles

– Biodiversité
– Écosystèmes marins
– Ressources en eau douce
– Utilisation des sols

– Indice de biodiversité
– Évolution de la population d’oiseaux des champs
– Prise de poisson sur les stocks et dehors des limites biologiques de sécurité

8.

Transports

– Croissance des transports
– Prix des transports
– Impact social et environnemental des transports

– Indice véhicules-km
– Consommation totale d’énergie des transports

9.

Bonne gouvernance

– Cohérence des politiques
– Participation du public

Niveau de confiance des citoyens dans les institutions de l’UE

10.

Partenariat global

– Globalisation des échanges
– Financement du développement durable
– Gestion des ressources

Aide publique au développement

La liste des abréviations est donnée dans le tableau 2. Lorsque l’indicateur est en italique, cela signifie qu’il est « le meilleur indicateur requis », autrement dit qu’il doit être substantiellement amélioré.

L’examen des indicateurs proposés révèle qu’une place importante a été accordée au social et à l’environnement. On constate également que certains thèmes, tel que la bonne gouvernance, sont peu familiers aux statisticiens et nécessiteront des travaux méthodologiques poussés. L’objectif à terme n’est pas de juxtaposer ainsi une batterie d’indicateurs mais de les intégrer dans un ensemble cohérent. En effet, la lecture des 155 indicateurs est malaisée et peu susceptible d’être reprise par le public, les médias et les pouvoirs publics s’ils ne sont pas intégrés ou du moins hiérarchisés.

– L’OCDE mène par ailleurs une réflexion très riche depuis les années 1990 sur la mise au point d’indicateurs permettant de mesurer l’intégration de contraintes environnementales dans le développement économique et s’efforce d’encourager la recherche et la coordination internationale dans ce domaine. En 2002, l’organisation a publié un document qui recensait et évaluait les principaux indicateurs de développement durable (45). En 2006, elle a consacré une étude complète au problème des indicateurs alternatifs de bien-être (46). Enfin, elle publie depuis deux ans un recueil annuel de 100 principaux indicateurs statistiques de développement durable (47) et organise depuis 2004 le forum mondial « Statistiques, connaissance et politique », dont la dernière version a abouti à la déclaration d’Istanbul.

– Enfin, un groupe de travail commun UNCE/OCDE/Eurostat (Working group for statistics on sustainable development(48), présidé par R. Smith de Statistique Canada travaille depuis avril 2006 pour identifier les indicateurs de développement durable mis au point dans les pays de l’OCDE et établir un cadre conceptuel commun. Son approche est fondée sur la notion de capital : le capital physique devrait être complété par un capital humain, un capital naturel et un capital social. La soutenabilité du développement d’une société serait jugée à l’aune de l’évolution de ces différents types de capitaux. Le groupe de travail doit rendre son rapport en 2008.

Ces divers travaux menés au sein d’institutions internationalement reconnues répondent à un besoin réel, celui de coordonner les différentes approches nationales afin de disposer de nouveaux outils de mesure de la richesse dans un contexte qui n’est plus celui de l’immédiate après guerre.

Le lancement de la commission sur « les limites du produit national brut comme critère de mesure de la performance économique et du bien-être », présidée par Joseph Stiglitz et Amartya Sen et coordonnée par Jean Pisany-Ferry, témoigne de la prise de conscience de l’importance du sujet et de la place que la France peut prendre dans la réflexion internationale.

Il est en effet essentiel que la France s’implique activement dans ces recherches. À ce titre, votre mission d’information estime nécessaire de renforcer la présence française dans les groupes de travail lancés à Eurostat et à l’ONU-OCDE. L’établissement d’un cadre conceptuel commun est en effet une étape nécessaire avant le choix un petit nombre d’indicateurs admis et utilisés par tous, qui pourront ensuite être intégrés dans des indicateurs synthétiques. La future présidence de l’Union européenne serait l’occasion pour la France de jouer un rôle moteur dans la recherche d’accords au niveau européen et à terme mondial, autour de nouveaux indicateurs de développement durable.

B.– IMPLIQUER LES INSTITUTS STATISTIQUES NATIONAUX DANS LES TRAVAUX SUR LES INDICATEURS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

1.– La France accuse un certain retard en la matière

Depuis une quinzaine d’années, les travaux de recherche et les initiatives internationales se multiplient sur le sujet des indicateurs de développement durable. La France, qui dispose pourtant d’instituts statistiques nationaux de grande qualité, capables de nourrir la réflexion et de proposer des indicateurs crédibles, est jusqu’ici restée prudente dans ce mouvement.

Certes il faut prendre en compte les travaux d’un certain nombre de chercheurs (D. Meda (49), P. Viveret, B. Perret, J. Gadrey et F. Jany-Catrice (50)) et ceux d’institutions comme le CERC (51) (Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion) ou l’IFEN (Institut français de l’environnement) (52) qui ont nourri la réflexion sur les indicateurs alternatifs au PIB dans les domaines sociaux et environnementaux. Il conviendra d’encourager la variété des approches.

Il faut noter également que suite à la signature de la déclaration de Rio en 1992, la France a adopté en 2003 une stratégie nationale de développement durable et prévu un rapport triennal sur l’état du développement durable en France, qui a été pour la première fois remis au Parlement en 2006 (53). À l’automne 2006, la délégation interministérielle au développement durable a ainsi publié douze indicateurs principaux du développement durable :

Développement économique

Indicateur n° 1 : Taux de croissance du produit intérieur brut par habitant

Changement climatique et énergie propre

Indicateur n° 2 : Émissions totales de gaz à effet de serre

Indicateur n° 3 : Part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie primaire

Transport durable

Indicateur n° 4 : Consommation d’énergie totale des transports

Production et consommation durables

Indicateur n° 5 : Quantité de déchets municipaux collectés

Conservation et gestion des ressources naturelles

Indicateur n° 6 : Indice d’abondance des populations d’oiseaux communs

Indicateur n° 7 : Prises de poissons au-dessus des seuils de précaution

Santé publique, prévention et gestion des risques

Indicateur n° 8 : Espérance de vie en bonne santé

Inclusion sociale, démographie et immigration

Indicateur n° 9 : Part des ménages sous le seuil de pauvreté

Indicateur n° 10 : Taux de dépendance vieillesse

Pauvreté dans le monde et défis internationaux

Indicateur n° 11 : Aide publique au développement

Bonne gouvernance

Indicateur n° 12 : Disponibilité de l’administration en ligne.

Cependant, ces recherches ont rencontré peu d’écho auprès des économistes et comptables nationaux. De plus, elles ne font pas l’objet d’une réelle coordination au niveau national.

2.– Développer la recherche sur les indicateurs de développement durable, coordonner les travaux au plan national et mieux diffuser l’information statistique : un rôle moteur pour l’INSEE

La France dispose d’instituts statistiques dont la valeur est internationalement reconnue. Il lui est donc possible de combler ce retard. L’INSEE pourrait à ce titre jouer un rôle de chef de file. La mission formule quatre préconisations.

Proposition n° 9 : Développer la recherche sur les indicateurs de développement durable.

Il est aujourd’hui indispensable que l’INSEE, en partenariat avec les universités françaises et les autres producteurs de statistiques sociales et environnementales (IFEN, DARES/DREES) accentue ses efforts de recherche sur le développement durable et sa mesure afin de mieux maîtriser le fond du sujet et d’être capable de faire des propositions au niveau national et international. Son implication est même une garantie importante de la qualité scientifique de l’effort poursuivi.

Il est notamment essentiel d’étudier la pertinence des principaux indicateurs complémentaires au PIB (PIB verts, IBEE), les moyens de remédier au manque de données fiables et harmonisées et au caractère encore expérimental de la méthodologie de ces indicateurs.

L’INSEE a consacré un dossier de « l’Économie française » au problème des indicateurs de bien-être. La mission invite les instituts nationaux à poursuivre cet effort. Elle suggère notamment que la question du développement durable soit prise en compte par le Conseil national de l’information statistique dans l’élaboration du prochain programme statistique.

Proposition n° 10 : Consacrer le rôle clé de l’INSEE dans la coordination des différents travaux menés au plan national sur le développement durable.

Sur un sujet aussi transversal que le développement durable, qui suppose une adaptation du système national de statistiques, il est essentiel de coordonner les travaux des différents acteurs. L’INSEE pourrait jouer le rôle de chef de file dans ce domaine.

Dans un rapport d’octobre 2005 « Horizon 2020, l’État face aux enjeux du développement durable », le Commissariat général du Plan préconisait déjà une « amélioration du système d’information, en regroupant la production d’indicateurs de développement durable au sein d’un organisme unique, l’INSEE. Le choix d’un organisme indépendant, l’INSEE, permettrait de redonner une légitimité tant scientifique que politique à la mesure du développement durable, et de combler les carences constatées aujourd’hui dans la collecte de l’information ».

À ce titre, votre mission note qu’il est essentiel d’associer le département des comptes nationaux aux recherches sur les indicateurs de développement durable.

Proposition n° 11 : Participer aux travaux européens et internationaux sur les indicateurs de développement durable

Des recherches en vue de l’harmonisation des concepts, des méthodes statistiques et des données disponibles sur le développement durable sont actuellement en cours à Eurostat et à l’OCDE. Il est essentiel que les représentants des instituts nationaux de statistique y soient présents et en mesure de faire des propositions.

Il faut noter qu’aucun représentant de l’INSEE n’avait participé aux travaux du groupe piloté par l’OCDE en 2001 (Working group on Environmental Information and Outlooks).

Proposition n° 12 : Mieux informer le public sur les indicateurs de développement durable

La rubrique des grands indicateurs du site de l’INSEE ne comporte aucun indicateur de développement durable. La mission estime qu’il est essentiel d’améliorer l’information diffusée sur ce site en y faisant figurer notamment les indicateurs de développement durable mis au point par la mission interministérielle française sur le développement durable ainsi qu’un lien vers les indicateurs proposés par Eurostat.

D’autre part, les publications annuelles de l’INSEE (« L’économie française » ou « Portrait social ») pourraient comporter systématiquement des indicateurs et études sur le développement durable.

La France pourrait enfin s’inspirer de l’exemple du Royaume-Uni, où le National Statistics Board et le Department for Environment, Food and Rural Affairs ont publié en 2006 un guide d’une centaine de pages : « Sustainable développent indicators in your pocket » (54), guide qui se veut de qualité tout en étant accessible au public. Les indicateurs y sont présentés sur une quinzaine d’années sous forme de graphiques. Il est prévu par la suite de publier des indicateurs synthétiques de bien-être.

QUATRIÈME PARTIE :
CONFORTER LA CRÉDIBILITÉ DE LA STATISTIQUE PUBLIQUE

Comme l’énonce le Code de bonnes pratiques de la statistique européenne, « les facteurs institutionnels et organisationnels ont une influence non négligeable sur l’efficacité et la crédibilité d’une autorité statistique produisant et diffusant des statistiques européennes ».

La question de la crédibilité de la statistique publique est en effet aussi essentielle que celle de la qualité intrinsèque des chiffres qu’elle produit. Elle est surtout cruciale lorsqu’il s’agit de rétablir la confiance de la population.

Si les pouvoirs publics veulent tenter de répondre à la méfiance diffuse ressentie par la population à l’égard des principaux indicateurs économiques et sociaux, ils ne peuvent faire l’impasse sur cette question.

En France, la situation actuelle est celle d’une indépendance de fait des autorités chargées de la production statistique sans que cette indépendance soit inscrite dans le droit. Or, cette situation est problématique tant au regard du contexte national que de l’évolution de la réglementation européenne.

D’un côté, bien que l’impartialité et la qualité du travail accompli par le personnel de l’INSEE et des services statistiques ministériels soient indiscutables (55), les polémiques récurrentes autour de grands indicateurs économiques et sociaux comme le taux de chômage ou l’indice des prix à la consommation ont pu affecter la confiance que les Français accordent à la statistique publique et aux chiffres dits « officiels ».

D’autre part, l’adoption en 2005 du Code de bonnes pratiques de la statistique européenne soumet la statistique française à un certain nombre d’exigences. Ce Code pose en effet un ensemble de principes, parmi lesquels l’indépendance professionnelle ou l’engagement sur la pertinence, la qualité, l’exactitude et la fiabilité des données statistiques. Ces principes sont assortis d’indicateurs précis dont le respect est régulièrement contrôlé lors d’évaluations par les pairs. Le premier de ces indicateurs est l’inscription dans le droit de l’indépendance de l’autorité statistique à l’égard de toute interférence externe.

Il convient donc de répondre à l’inquiétude des Français et de respecter la réglementation européenne sans menacer l’équilibre de nos institutions statistiques, dont le professionnalisme ne saurait être remis en cause.

I.– LE CONTEXTE EUROPÉEN : L’INDÉPENDANCE DES ACTIVITÉS STATISTIQUES EST DE PLUS EN PLUS AFFIRMÉE

A.– L’ÉVOLUTION DE LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE ET SES CONSÉQUENCES SUR LE SYSTÈME STATISTIQUE FRANÇAIS

1.– Lindépendance scientifique : un principe posé par le Traité sur l’Union européenne et la « loi statistique communautaire »

L’article 285 du Traité sur l’Union européenne, modifié par le Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997, dispose que « l’établissement des statistiques se fait dans le respect de l’impartialité (…) de l’objectivité » et de « l’indépendance scientifique ». Ces principes sont placés au même rang que la « fiabilité » et l’«objectivité» des données, critères habituellement utilisés pour juger de la qualité des statistiques. Enfin, l’article mentionne l’« efficacité » de l’établissement des statistiques « au regard de leur coût ».

Cette référence à l’impartialité des producteurs de statistiques, relativement vague dans le Traité sur l’Union européenne, est précisée par l’article 10 du règlement 322/97 du 17 février 1997, dite « loi statistique communautaire ». L’impartialité y est définie comme : « une manière objective et indépendante de produire les statistiques communautaires, à l’abri de toute pression émanant de groupes politiques ou d’autres groupes d’intérêt, notamment en ce qui concerne le choix des techniques, définitions et méthodologies les plus adaptées à la poursuite des objectifs définis. Cela implique que tous les utilisateurs (institutions communautaires, gouvernements, acteurs économiques et sociaux, milieux universitaires et publics en général) aient accès aux statistiques dans les meilleurs délais ».

L’indépendance des autorités statistiques est enfin le premier principe du Code de bonnes pratiques de la statistique européenne, celui qui en « assure la crédibilité ». Sa définition y est déclinée selon sept indicateurs précis qui vont au-delà de la simple indépendance scientifique, puisque sont pris en compte aussi bien l’inscription dans le droit de l’indépendance de l’autorité statistique principale, la qualité de son chef ou encore le choix des méthodes statistiques.

2.– Le Code de bonnes pratiques de la statistique européenne : le texte fondamental de la statistique en Europe

Fruit d’une réflexion commune à tous les États membres, le Code de bonnes pratiques de la statistique européenne a été adopté à l’unanimité par le Comité du programme statistique européen (56) en février 2005 et promulgué dans la recommandation de la Commission du 25 mai 2005 sur l’indépendance, l’intégrité et la responsabilité des services statistiques nationaux et communautaires. Il constitue le texte fondamental pour tous les instituts statistiques des pays membres de l’Union européenne.

Ce Code est le fruit d’une réflexion menée au sein du Comité du programme statistique bien avant 2005. Cette initiative a d’abord été motivée par l’annonce du gouvernement grec que les notifications de déficits et de dettes publiques présentées en 2004 étaient erronées, annonce qui avait causé une émotion considérable au niveau communautaire, parmi les banques centrales et les Trésors nationaux.

Il faut noter que le Code de bonnes pratiques ne s’adresse pas seulement aux fournisseurs de données mais aussi à leurs utilisateurs, qu’il a pour but de rassurer quant à l’impartialité des institutions statistiques. Son objectif est en effet double :

– un objectif extrinsèque : renforcer la confiance de la population dans l’indépendance, l’intégrité et la responsabilité tant des autorités nationales que d’Eurostat et dans la crédibilité et la qualité des statistiques produites par ces organismes ;

– un objectif intrinsèque : développer les meilleures pratiques possibles en matière de statistique, améliorer les méthodes et les principes de tous les producteurs de statistiques européens.

Lors de la rédaction du Code, trois points ont fait l’objet de discussions particulières et méritent d’être soulignés :

– les modalités de nomination et de cessation de fonction des directeurs généraux des instituts statistiques nationaux, que le Code ne mentionne pas : les procédures institutionnelles étant très diverses d’un pays à l’autre, aucune solution commune n’a pu être élaborée ;

– le Comité du programme statistique a fait le choix de ne pas chercher à officialiser par le biais du Code un « système statistique européen », cela nécessitant un règlement en bonne et due forme et non un texte de la nature d’un Code ;

– la création d’un organe consultatif (advisory body) chargé de la surveillance de la mise en place du Code a été discutée. Il s’agissait notamment de fixer le champ d’intervention de cet organe, Eurostat ou bien l’ensemble du système statistique européen, et ses missions, notamment s’il devait ou non reprendre les attributions du Comité consultatif européen de l’information statistique (CEIES) en matière de représentation des utilisateurs de la statistique européenne.

CODE DE BONNES PRATIQUES DE LA STATISTIQUE EUROPÉENNE

PRINCIPE 1 : INDÉPENDANCE PROFESSIONNELLE

L’indépendance professionnelle des autorités statistiques à l’égard aussi bien des autres services et organismes politiques, réglementaires ou administratifs, que des opérateurs du secteur privé, assure la crédibilité des statistiques européennes

PRINCIPE 2 : MANDAT POUR LA COLLECTE DES DONNÉES

Les autorités statistiques doivent disposer d’un mandat légal clair les habilitant à collecter des informations pour les besoins des statistiques européennes. À la demande des autorités statistiques, les administrations, les entreprises et les ménages ainsi que le public en général peuvent être contraints par la loi à permettre l’accès à des données ou à fournir des données pour l’établissement de statistiques européennes

PRINCIPE 3 : ADÉQUATION DES RESSOURCES

Les ressources dont disposent les autorités statistiques doivent être suffisantes pour leur permettre de répondre aux exigences statistiques au niveau européen

PRINCIPE 4 : ENGAGEMENT SUR LA QUALITÉ

Tous les membres du Système statistique européen s’engagent à travailler et à coopérer dans le respect des principes définis dans la déclaration de qualité du Système statistique européen

PRINCIPE 5 : SECRET STATISTIQUE

Le respect de la vie privée ou du secret des affaires des fournisseurs de données (ménages, entreprises, administrations ou autres répondants), la confidentialité des informations qu’ils communiquent et l’utilisation de celles-ci à des fins strictement statistiques doivent être absolument garantis

PRINCIPE 6 : IMPARTIALITÉ ET OBJECTIVITÉ

Les autorités statistiques doivent produire et diffuser des statistiques européennes dans le respect de l’indépendance scientifique et de manière objective, professionnelle et transparente plaçant tous les utilisateurs sur un pied d’égalité

PRINCIPE 7 : MÉTHODOLOGIE SOLIDE

Des statistiques de qualité sont fondées sur une méthodologie solide. Cela nécessite des procédures, des compétences et des outils adéquats

PRINCIPE 8 : PROCÉDURES STATISTIQUES ADAPTÉES

Des statistiques de qualité sont fondées sur des procédures statistiques adaptées, depuis la collecte des données jusqu’à leur validation

PRINCIPE 9 : CHARGE NON EXCESSIVE POUR LES DÉCLARANTS

La charge de réponse doit être proportionnée aux besoins des utilisateurs sans être excessive pour les déclarants. L’autorité statistique surveille la charge de réponse et fixe des objectifs en vue de sa réduction progressive

PRINCIPE 10 : RAPPORT COÛT-EFFICACITÉ

Les ressources doivent être utilisées de façon efficiente

PRINCIPE 11 : PERTINENCE

Les statistiques européennes doivent répondre aux besoins des utilisateurs

PRINCIPE 12 : EXACTITUDE ET FIABILITÉ

Les statistiques européennes doivent refléter la réalité de façon exacte et fiable

PRINCIPE 13 : ACTUALITÉ ET PONCTUALITÉ

Les statistiques européennes doivent être diffusées en temps utile et aux moments prévus

PRINCIPE 14 : COHÉRENCE ET COMPARABILITÉ

Les statistiques européennes doivent présenter une cohérence interne et dans le temps et permettre la comparaison entre régions et pays ; il doit être possible de combiner et d’utiliser conjointement des données connexes provenant de sources différentes

PRINCIPE 15 : ACCESSIBILITÉ ET CLARTÉ

Les statistiques européennes doivent être présentées sous une forme claire et compréhensible, diffusées d’une manière pratique et adaptée, disponibles et accessibles pour tous et accompagnées de métadonnées et d’explications.

Source : Eurostat

Les 15 principes du Code de bonnes pratiques, déclinés en 77 indicateurs concrets, dessinent un cadre précis qui, bien qu’il permette aux spécificités nationales de s’exprimer, devrait infléchir considérablement la pratique statistique des États membres de l’Union dans les années à venir.

3.– La France s’est engagée à respecter les principes de bonnes pratiques de la statistique européenne

La France, contrairement à ses voisins européens, n’a pas inscrit dans son droit national le principe de l’indépendance professionnelle des autorités statistiques censé renforcer leur crédibilité. Depuis le vote par la Grande-Bretagne de la loi du 26 juillet 2007, elle fait figure d’exception.

En revanche, comme tous les pays membres de l’Union européenne, elle s’est engagée à respecter les 15 principes qui sont au fondement du Code de bonnes pratiques de la statistique européenne. La contribution de la France à son élaboration a d’ailleurs été décisive. M Jean-Michel Charpin, ancien directeur général de l’INSEE, a en effet présidé la « task force » chargée de rédiger le Code de bonnes pratiques.

Le Code devrait s’appliquer non seulement à l’institut national principal, l’INSEE, mais aussi aux autres producteurs de statistiques. La réunion plénière du Conseil national de l’information statistique, tenue fin 2005, a en effet décidé que les principes retenus dans le Code devraient s’appliquer à toutes les statistiques produites par ces différents services : « L’INSEE et les services statistiques ministériels devront se mettre progressivement en condition de respecter le Code de bonnes pratiques de la statistique européenne pour un champ couvrant l’ensemble de l’activité du CNIS »(57).

La mise en œuvre du Code se déroule en deux phases :

– une auto-évaluation des autorités statistiques : un questionnaire s’appuyant sur les indicateurs du Code a été envoyé à tous les instituts nationaux en 2005, dont les résultats ont été publiés par Eurostat dans un rapport de 2006. L’objectif de cette première phase est d’inciter les autorités statistiques à adopter une démarche d’amélioration de leurs pratiques mais également de comparer les résultats de l’auto-évaluation et ceux du contrôle externe ;

– un contrôle périodique exercé par le Comité du programme statistique au moyen de ce qu’on appelle le « contrôle par les pairs ». Ce contrôle a eu lieu en France en janvier 2007 et a concerné non seulement l’INSEE mais aussi les services statistiques ministériels (cf. II A). Or, de nombreux éléments relevés par le rapport d’évaluation par les pairs en 2007 avaient déjà été identifiés en interne en 2005.

Ceci témoigne de l’influence positive déjà exercée par la mise en œuvre des principes du Code de bonnes pratiques. Leur application est l’occasion pour la statistique française d’améliorer la qualité et l’objectivité de ses données. Votre mission souhaite que les mesures visant à renforcer l’indépendance de l’INSEE résultent du même mouvement.

B.– LA MAJORITÉ DES PAYS EUROPÉENS ONT RENFORCÉ L’INDÉPENDANCE DE LEUR APPAREIL STATISTIQUE

La France, contrairement à la majorité des pays européens, n’a pas encore inscrit le principe de l’indépendance de ses autorités statistiques dans le droit national.

– La majorité des pays européens ont inscrit le principe de l’indépendance de leur autorité statistique dans le droit.

Ainsi, en Allemagne, le Statistisches Bundesamt a un statut d’autorité supérieure fédérale indépendante (selbständige Bundesoberbehörde), qui s’apparente au statut français d’établissement public. À ce titre, il dispose d’une certaine autonomie de gestion en matière budgétaire et dans la gestion de ses ressources humaines. L’indépendance du Statistisches Bundesamt est garantie par l’article 1 de la loi 1987 en vertu duquel « les statistiques fédérales sont soumises aux principes de neutralité, d’objectivité et d’indépendance ».

La loi statistique danoise de 1966 énonce que Danmarks Statistik est une institution indépendante. Sa tutelle est exercée par le ministre des affaires économiques. Son directeur général porte le titre de Statisticien national. Elle est dirigée par un conseil des gouverneurs. Ce conseil est composé du Statisticien national, qui le préside, et de six personnalités qualifiées.

En Italie, L’ISTAT est un organisme indépendant de droit public placé sous la tutelle de la présidence du Conseil, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. En Suède, le Statistics Sweden est une agence depuis 1988.

Enfin, aux Pays-Bas, le Centraal Bureau voor de Statistiek (CBS) qui produit la quasi-totalité des statistiques officielles néerlandaises a vu son statut juridique modifié en 2003. L’institut statistique est ainsi devenu une agence indépendante après avoir initialement été une direction du ministère des affaires économiques

– Les autorités statistiques sont le plus souvent assistées d’une commission ou d’un conseil d’orientation.

En Allemagne, la loi de 1987 met en place un comité consultatif statistique – Statistischer Beirat – pour « conseiller l’office statistique fédéral sur les questions fondamentales ». Celui-ci est composé d’une trentaine de personnalités qualifiées qui se prononcent uniquement sur le programme de travail des instituts et sur la mise en place de nouvelles statistiques. Le même système a été mis en place dans chaque Land.

En Italie il s’agit d’un système bicéphale. D’un côté la commission pour la garantie de l’information statistique (CGIS) est chargée de veiller à la qualité de la production statistique ; de l’autre le comité d’orientation et de coordination, dirigé par le président de l’ISTAT (institut national) est chargé de promulguer les directives obligatoires au sein du système national de statistiques.

Aux Pays-Bas, la Central Commission for Statistics (CCS) occupe un rôle central d’orientation et de supervision. Cette commission, dont le nombre de membres a été ramené d’une cinquantaine à huit en 1996, doit notamment se prononcer sur le programme de travail de l’institut.

Enfin, en Suède, le Council for Official Statistics (COS) a été mis en place auprès de Statistics Sweden en 2002.

L’exemple de la Grande-Bretagne mérite d’être particulièrement signalé. Il n’est pas envisageable de le transposer purement et simplement, tant les traditions politiques et culturelles divergent. Cependant le contexte de la réforme en fait une illustration intéressante de l’importance du système institutionnel sur la crédibilité des productions statistiques.

L’étude des systèmes statistiques européens révèle à un double titre le caractère exceptionnel de la situation française. L’INSEE fait figure d’exception puisqu’il s’agit d’une administration placée sous la tutelle du ministère de l’économie quand les instituts statistiques européens sont des instances autonomes. De plus, son indépendance n’est ni inscrite dans le droit, ni garantie par un organe externe de contrôle et de conseil. À cet égard, la France pourrait utilement s’inspirer des exemples étrangers.

LA RÉFORME DU SYSTÈME STATISTIQUE EN GRANDE-BRETAGNE

Annoncée dès 2005, la loi du 26 juillet 2007 a conduit à une profonde réforme du système statistique britannique. Cette réforme poursuivait un double objectif : 1.– améliorer la qualité et l’intégrité des statistiques ; 2.– responsabiliser les « producteurs » de statistiques.

Cette réforme s’est inscrite dans un contexte de doutes exprimés sur l’intégrité des statistiques britanniques par le grand public (seulement 17 % du public estimait que les statistiques officielles étaient réalisées en toute indépendance lors de l’enquête de 2005) et par les milieux économiques (surtout suite à plusieurs décisions de classement de contrats PFI ou de dépenses hors de la sphère publique). Ce processus de réforme a donc eu une forte connotation politique.

1.– Le système précédent était décentralisé et placé sous la tutelle du ministère des Finances. Avant 2007, la production de statistiques au Royaume-Uni était partagée entre les services de statistique du gouvernement « Governement statistical services » attachés aux différents ministères et l’office national des statistiques (ONS) qui produisait des statistiques économiques et sociales utilisées par le gouvernement pour la conduite de sa politique économique. L’ONS était un département ministériel, sous tutelle du ministère des Finances (nomination du directeur, détermination des ressources…). Une Commission des statistiques était chargée de veiller à l’intégrité des statistiques produites mais elle avait un rôle limité par ses pouvoirs restreints (elle ne disposait pas de pouvoir d’injonction).

2.– Le cœur de la réforme a consisté à sortir totalement la production statistique de la tutelle du Ministère des finances.

La loi du 26 juillet 2007 crée un organe indépendant le Conseil des statistiques « Statistics board », responsable uniquement devant le Parlement. Ce Conseil reprendra les fonctions préalablement exercées par l’ONS et celles de la Commission des statistiques. Ce conseil sera composé de 9 membres (6 non exécutifs et 3 exécutifs dont le « Statisticien national » à qui reviendra le rôle exécutif. Il sera assisté d’un directeur de l’évaluation « head of assessment »). La production de statistique restera décentralisée et partagée entre :

– les services de statistique du gouvernement « Government statistical services » qui ne seront plus placés sous l’autorité du Ministre mais sous l’autorité du directeur de l’Évaluation, et devront se soumettre à un code de conduite sur la production de statistique ;

– un service centralisé (le Board executive office – anciennement ONS) pour la production de statistiques globales, nationales et utilisées par le gouvernement pour la conduite de sa politique économique, constituant un service du Conseil des statistiques et donc responsable uniquement devant le Parlement.

II.– BIEN QUE L’INDÉPENDANCE PROFESSIONNELLE DES STATISTICIENS FRANÇAIS NE SOIT PAS CONTESTÉE, SON INSCRIPTION DANS LE DROIT EST AUJOURD’HUI UNE NÉCESSITÉ

L’indépendance professionnelle des statisticiens, et notamment son inscription dans le droit, est posée comme le premier principe du Code de bonnes pratiques de la statistique européenne.

Certes, il convient de distinguer les principes inscrits dans les textes et la pratique effective. De ce point de vue, la compétence et l’impartialité des statisticiens de l’INSEE ne sont pas contestées. Comme le note le rapport d’évaluation par les pairs de janvier 2007 (58), «  bien que l’indépendance de l’INSEE en matière de statistiques ne soit pas inscrite dans le droit, dans la pratique, l’indépendance professionnelle est un point fort de la culture de l’INSEE ».

Il demeure toutefois que, comme le note le même rapport d’évaluation, son indépendance a pu être « parfois mise en doute par les médias » ce qui justifie « qu’il soit accordé à l’INSEE, dès que possible, une indépendance en matière de statistique inscrite dans le droit ». Il convient de rétablir en droit une indépendance des autorités statistiques qui n’a cessé d’exister en fait.

La réglementation européenne et le contexte national appellent donc tous deux l’inscription de l’indépendance professionnelle des autorités statistiques dans le droit français et son contrôle par un organisme adéquat. C’est ce qu’on fait la grande majorité des pays membres de l’Union européenne qui se sont engagés à mettre en œuvre le Code de bonnes pratiques.

Plusieurs solutions sont envisageables : faire de l’INSEE une Agence, le transformer en Haut conseil, créer une nouvelle instance chargée de contrôler la qualité et l’impartialité des statistiques. Ces différentes solutions ont été évoquées au cours des nombreuses auditions menées par votre mission et soigneusement étudiées. La solution privilégiée par la mission a voulu tenir compte à la fois des exigences posées par la réglementation européenne et de la spécificité du système statistique français. Celui-ci s’articule autour d’un institut dont l’impartialité est indiscutable, l’INSEE, et d’une instance qui pourrait jouer un rôle décisif à condition de voir son organisation modifiée et ses prérogatives renforcées : le Conseil national de l’information statistique (CNIS).

A.– L’INDÉPENDANCE DE L’INSEE : INSCRITE DANS LES FAITS MAIS PAS DANS LE DROIT

1.– La qualité du travail de l’INSEE et l’indépendance de ses statisticiens sont incontestées.

L’audit de janvier 2007, dit « d’évaluation par les pairs », a conclu à l’indépendance de l’institut, tout en émettant quelques critiques par rapport au Code de bonnes pratiques de la statistique européenne.

Lors de sa réunion du 25 mai 2005, le Comité du programme statistique a approuvé une procédure par étapes de suivi et de contrôle du Code de bonnes pratiques de la statistique européenne sur trois années, au cours desquelles les auto-évaluations de chaque pays doivent être rapprochées des éléments d’évaluations par des pairs, avec des repérages et un suivi, sur la base des indicateurs explicatifs ajoutés à chaque principe du Code.

L’auto-évaluation menée à la fin 2005 (59) par l’INSEE avait été suivie d’un plan d’action qualité, dont certains axes ont été repris par le rapport d’évaluation par les pairs.

Cette évaluation, portant sur tout le système statistique français, a été réalisée en janvier 2007. Une équipe composée de trois évaluateurs s’est entretenue avec la direction et le personnel de l’INSEE, ses directions régionales, mais aussi le personnel des services statistiques ministériels, les membres du Conseil national de l’information statistique et de ses comités, les partenaires des producteurs de statistiques et enfin les journalistes.

Les évaluations par les pairs suivent une méthode centrée sur l’environnement institutionnel et la diffusion des chiffres en référence aux principes suivants tirés du Code de bonnes pratiques :

– indépendance professionnelle ;

– mandat pour la collecte de données ;

– adéquation des ressources ;

– engagement sur la qualité ;

– secret statistique ;

– impartialité et objectivité ;

– accessibilité et clarté.

Le rapport d’audit fait état de l’indépendance réelle des statisticiens : tous les indicateurs du Code de bonnes pratiques correspondant à ce principe (cf. tableau ci-contre) ont été jugés pleinement satisfaits, à l’exception de sa non inscription dans le droit. Le rapport souligne que « l’indépendance professionnelle est une composante importante de la culture INSEE et une valeur forte parmi le personnel ». Ainsi, la direction de l’INSEE et les chefs des services statistiques ministériels garantissent, dans leurs domaines respectifs, que les statistiques sont établies et diffusées de façon indépendante. Les méthodes, normes et nomenclatures utilisées par les autorités statistiques sont de fait fixées par le directeur général de l’INSEE, par délégation du ministre chargé de l’Économie, après avis de la commission nationale des nomenclatures économiques et sociales placée au sein du CNIS. Toute nouvelle enquête est soumise à l’examen d’une des formations du CNIS et à son comité du label qui lui fournit un label de qualité.

Le rapport souligne par ailleurs un fort souci de la qualité des données produites à l’INSEE. Ainsi, au cours de l’année 2006, suite au rapport d’autoévaluation réalisé en 2005, un plan d’action qualité a été approuvé par le comité de direction de l’INSEE, dont la mise en œuvre est assurée par un comité de suivi de la qualité qui rassemble les principaux chefs de département concernés ainsi que des directeurs régionaux.

Enfin, le rapport estime que le « secret statistique est bien protégé par la loi et solidement ancré comme valeur de l’organisation ». Cependant, il préconise que soit édité un manuel unique expliquant les règles standard générales et les procédures qui sont suivies à l’INSEE.

On peut citer également le résultat globalement positif de l’évaluation menée par le Fonds monétaire international (FMI), Report on the Observance of Standards and Codes (ROSC), qui examine le système statistique à l’aune de normes connues sous le nom de Special Data Dissemination Standard (SDDS), qui définissent des bonnes pratiques selon quatre « dimensions » principales – les données, l’accès aux données, l’intégrité, la qualité. Il ressort de la dernière évaluation en date, en 2003, que tous les critères du SDDS sont remplis par la statistique française. Le FMI formule quelques remarques, qui concernent d’avantage l’amélioration de la présentation des chiffres que l’indépendance des statisticiens et l’objectivité des données (cartographier les produits statistiques, mieux expliciter les révisions méthodologiques, communiquer les causes et les modalités de communication précoce des chiffres au gouvernement, mentionner le caractère définitif ou provisoire des données publiées).

L’indépendance du personnel de l’INSEE fait donc l’objet d’une reconnaissance unanime, confirmée au cours des auditions de votre mission.

Quant à son directeur, il est certes nommé en Conseil des ministres, comme tout directeur d’administration centrale, mais il dispose en pratique d’une influence et d’une autorité considérables dans son domaine de compétence (il signe notamment, par délégation du ministre, nombre d’actes fondamentaux tels que le programme annuel d’enquête). Cette indépendance se paie toutefois d’une grande solitude. Ainsi M. Jean-Michel Charpin notait lors de son audition par la mission, que le directeur général de l’INSEE ne pouvait, contrairement à nombre de ses homologues étrangers (cf. I B), s’appuyer sur une instance collégiale, sorte de « conseil des gouverneurs » capable de faire face aux différentes pressions.

2.– Cependant son indépendance est juridiquement moins garantie que celle de ses homologues européens

Le statut de direction d’administration centrale de l’institut français tranche avec le droit commun des instituts nationaux statistiques (INS), qui sont tous des instances autonomes.

Cette particularité tient d’une part à des différences culturelles. Ainsi, au Royaume-Uni, le recours à des agences pour gérer des activités publiques est une pratique courante, en Suède il est de droit commun. Le statut d’agence garantit d’autre part une impartialité effective des producteurs de données statistiques. La proximité juridique entre l’INSEE et les structures administratives chargées de mettre en œuvre les politiques publiques fait donc figure d’exception en Europe, ce que ne pouvaient manquer de noter les statisticiens étrangers chargés d’évaluer en janvier 2007 la statistique publique française (60).

Comme on l’a montré précédemment, contrairement aux autres pays européens, les garanties juridiques de l’indépendance de l’INSEE sont quasiment inexistantes. En effet, le décret de 1946 qui fixe les attributions de l’INSEE mentionne seulement dans son article 7 : « les fonctionnaires de l’institut national prêtent serment. Le personnel de toutes catégories de l’institut national est tenu au secret professionnel » (décret n° 46-1432 du 14 juin 1946 portant règlement d’administration publique pour l’application des articles 32 et 33 de la loi de finances du 27 avril 1946 relatifs à l’institut national de la statistique et des études économiques pour la métropole et la France d’outre-mer).

Le rapport d’évaluation par les pairs de janvier 2007 note qu’« il n’existe pas même de document national traitant d’un Code de bonnes pratiques ou de normes éthiques dans le domaine des statistiques publiques. Fin 2005, l’INSEE a proposé au cabinet du ministre des Finances un projet de décret concernant l’indépendance professionnelle, en matière statistique, de l’INSEE et des services statistiques ministériels (SSM ) ». Votre mission, qui salue cette initiative, entend remédier à ce vide juridique.

Enfin, et comme le soulignait très justement un rapport de l’Inspection générale des finances de 2004 (61) sur l’INSEE, celui-ci fait l’objet d’un contrôle externe limité : « Bien qu’étant, on l’a vu, le moins autonome des instituts nationaux de l’échantillon pour sa gestion, l’INSEE est également le plus dépourvu de tout regard externe sur de nombreux aspects de son activité ».

On peut citer comme exemples d’un tel regard ceux portés par la commission centrale de la statistique aux Pays-Bas, le conseil des gouverneurs de l’institut national au Danemark ou le conseil de la statistique officielle en Suède. Ces conseils ou commissions peuvent avoir un rôle de conseil auprès de l’institut statistique national, de contrôle de son indépendance et d’évaluation de qualité des données qu’il produit. L’INSEE dispose du Conseil national de l’information statistique, mais celui-ci joue aujourd’hui davantage un rôle de comité consultatif et de forum des utilisateurs de statistiques que d’organe de surveillance et d’évaluation.

B.– LES PRÉCONISATIONS DE LA MISSION

Les personnalités auditionnées par la mission, le rapport d’évaluation par les pairs ainsi que le rapport de l’Inspection générale des finances de 2004 concluent à la nécessité d’inscrire dans le droit français l’indépendance de la pratique statistique et de renforcer le contrôle exercé sur l’INSEE.

1.– Inscrire l’indépendance des travaux de la statistique publique dans le droit français tout en préservant la spécificité de l’INSEE

Le rapport de la Commission pour la libération de la croissance française (62), s’inspirant des exemples étrangers de la Suède et de la Grande-Bretagne, propose de transformer l’INSEE en agence. Il aurait pu être envisagé également d’en faire un établissement public afin de garantir son indépendance. Cependant, cette solution a été écartée par votre mission, pour deux raisons principales.

Tout d’abord la transformation de l’INSEE en instance autonome serait un geste symboliquement fort mais pratiquement contre-productif.

En effet, comme on l’a vu, l’indépendance de fait des statisticiens de l’INSEE n’est pas contestée. Il est préférable de trouver les moyens de contrôler l’impartialité et la qualité des chiffres que de faire de l’INSEE lui-même une nouvelle institution.

Plus fondamentalement, et comme l’ont souligné M. Jean-Philippe Cotis, actuel directeur général de l’INSEE, ainsi que l’intersyndicale du personnel, reçus par la mission, modifier le statut de l’INSEE risquerait de menacer ce qui fait sa spécificité et constituerait une perte réelle pour toute la statistique publique française.

Deux traits originaux méritent en effet d’être conservés : la mobilité du personnel de l’INSEE et son activité d’analyse économique.

Ainsi, le rapport d’évaluation par les pairs de janvier 2007 souligne que la politique de mobilité du personnel de l’INSEE est une bonne pratique dont les autres instituts statistiques européens devraient s’inspirer : « L’INSEE met en œuvre une politique systématique de mobilité au sein du système statistique public, qui assure un haut niveau de mobilité entre l’INSEE et les SSM et entre la direction générale et ses directions régionales. C’est un outil de coordination puissant qui contribue à assurer une culture statistique et des compétences communes dans tout le système ». Les deux écoles dont sont issus les statisticiens de l’INSEE sont reconnues comme fournissant une formation de haute qualité qui profite non seulement à l’institut, mais aussi à l’ensemble du système statistique français.

Quant à la pratique des études économiques, il s’agit d’une spécificité qui a été réaffirmée, et même renforcé, à la suite du rapport Malinvaud de 1997. C’est d’ailleurs sur ce modèle que la DREES, qui est aujourd’hui le SSM compétent pour le secteur de la santé et des affaires sociales, a été créée en 1998. La mission estime qu’il est peu pertinent de remettre en cause la double activité de l’INSEE.

Proposition n° 13 : Inscrire dans le droit l’indépendance de la statistique publique tout en préservant la spécificité de l’INSEE.

2.– Faire du CNIS un organisme chargé de garantir l’indépendance professionnelle du système statistique français

Depuis sa création par la loi de 1951 (63), le CNIS est, pour ce qui concerne l’information statistique, un forum de concertation entre les utilisateurs de l’information, les services publics et, dans la mesure où ils y sont soumis, les autres services producteurs d’informations statistiques.

Le CNIS joue un rôle consultatif : il recueille les besoins des utilisateurs de statistiques et les préoccupations de fournisseurs de données afin de les ajuster. Il joue également un rôle de conseil en vue d’améliorer l’architecture globale des données statistiques. Ainsi, l’on peut citer les groupes de travail présidés par deux personnalités auditionnées par la mission : M. Jacques Freyssinet et M. Jean-Baptiste de Foucauld. Enfin, le Conseil émet un avis sur le programme annuel bien qu’il ne confronte pas ce programme aux moyens disponibles pour le mettre en œuvre.

Il faut noter également qu’ont été créés en son sein le Comité du label des enquêtes statistiques, la Commission nationale des nomenclatures économiques et sociales ainsi que la Commission nationale d’évaluation du recensement de la population. L’autorité et les fonctions du CNIS se sont donc considérablement élargies depuis sa création et ses avis sont en général suivis par les instituts statistiques nationaux.

Certes, dans l’état actuel de ses prérogatives et de son fonctionnement, le CNIS ne peut jouer pleinement le rôle d’un conseil statistique, du fait de sa composition et de la nature de ses prérogatives. À l’évidence, une notoriété suffisante auprès du grand public lui fait défaut, l’empêchant de se poser en autorité morale à l’image de ce que peut représenter le comité national d’éthique en matière d’éthique biomédicale. Dans les crises de confiance à l’égard des statistiques publiques, sa capacité de réaction paraît insuffisante.

Toutefois, c’est un organisme produisant des études de grande qualité et assurant une indispensable conciliation des points de vue. À l’issue de ses nombreuses auditions, la mission estime possible et souhaitable de s’appuyer sur la structure du CNIS pour le transformer en conseil supérieur de la statistique à plusieurs conditions :

– renforcer ses prérogatives et son indépendance. Ce conseil reprendrait les fonctions actuelles du CNIS et serait par ailleurs chargé de veiller au respect de l’indépendance professionnelle des services statistiques, à la qualité de leur travail et à la pertinence des orientations stratégiques de la gouvernance statistique ;

– créer en son sein un comité scientifique composé de neuf experts nommés de façon à garantir leur indépendance ;

– mieux prendre en compte les besoins des utilisateurs de statistiques. Ce rôle essentiel actuellement joué par le CNIS est encore trop peu développé et manque cruellement au système statistique français. À titre d’exemple on peut citer la Suède, où l’évaluation du système statistique a fait apparaître en 1999 que le renforcement de l’influence des utilisateurs avait le plus souvent permis d’améliorer le contrôle de la qualité des statistiques et leur adéquation aux besoins. C’est à la suite de ce constat qu’a été créé le conseil de la statistique officielle. Les associations de consommateurs et d’autres représentants de la société civile devraient être représentées au CNIS. Leur degré de satisfaction par rapport aux statistiques existantes et à leur pertinence devrait être davantage considéré.

Il aurait été possible d’aller plus loin, et de créer un conseil supérieur de la statistique distinct du CNIS. Ainsi, le rapport de l’IGF suggérait en 2004 la création d’un organisme chargé de garantir l’indépendance et la surveillance du système statistique français, qui aurait joué un rôle d’intermédiaire entre la tutelle et le directeur général.

Cependant, une telle solution comporte un inconvénient majeur. Il y aurait un risque fort que la répartition des rôles entre cette nouvelle autorité ou conseil et le CNIS actuel soit peu claire. Alors que le CNIS manque déjà de visibilité, dédoubler les institutions placées à côté de l’INSEE serait encore compliqué le paysage.

L’objectif principal de votre mission d’information commune est de rétablir la confiance des français dans leurs institutions statistiques et d’améliorer la gouvernance statistique. Elle estimerait peu crédible et peu compréhensible de créer une nouvelle instance au rôle incertain, alors même qu’existe une institution reconnue dont il suffirait de renforcer le rôle et les prérogatives.

Proposition n° 14 : Mettre en place un organe de surveillance, garant de la qualité et de l’impartialité des données statistiques, en renforçant les prérogatives et l’indépendance du CNIS.

3.– Garantir le statut et les attributions des services statistiques ministériels (SSM)

Comme on l’a noté plus haut, les exigences d’impartialité et de qualité des données statistiques posées par le Code de bonnes pratiques de la statistique européenne ont vocation à s’appliquer non seulement à l’INSEE mais également aux services statistiques ministériels. Il sera ainsi nécessaire de mettre en place des procédures d’habilitation ou de labellisation des différents services et/ou produits statistiques (64).

Deux difficultés se posent alors :

– définir le périmètre du système statistique public : la mise en œuvre du Code devrait obliger les États membres à mieux définir les frontières de leur système statistique public et son fonctionnement interne. On peut distinguer à ce titre un premier cercle comprenant les services statistiques ministériels et un second cercle comprenant les institutions qui produisent des données chiffrées sans avoir vocation à faire de la statistique publique, par exemple les organismes de sécurité sociale, les agences de placement des chômeurs, la Banque centrale. Ce périmètre dépend cependant du contexte institutionnel propre à chaque pays. Ainsi, en Italie, la statistique publique comprend les deux catégories citées ;

– garantir les conditions de l’indépendance effective des services statistiques ministériels Le problème se posera d’autant plus que les services concernés sont insérés dans des ministères très politiques.

Ces deux difficultés montrent que le rôle de chef de file de l’INSEE doit être renforcé dans la définition des méthodes et des normes statistiques, mais aussi dans le contrôle de la qualité et la labellisation des différents services et indicateurs statistiques. Ce rôle de coordination est plus que jamais nécessaire afin d’améliorer la crédibilité du système statistique français dans sa globalité au niveau national et international.

Proposition n° 15 : Appliquer les principes du Code de bonnes pratiques à toutes les statistiques produites par les services statistiques ministériels et renforcer le rôle de coordination de l’INSEE.

Ces trois mesures sont essentielles si l’on veut renforcer la crédibilité de notre statistique publique auprès du public. Les membres de la mission entendent déposer une proposition de loi afin de mettre en œuvre ces préconisations – voir annexe n° 2.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 16 avril 2008 à 9 heures, la commission des Finances de l’économie générale et du plan a examiné, conjointement avec la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et la commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire, le rapport de la mission d’information commune sur la mesure des grandes données économiques et sociales.

M. Didier Migaud, Président de la commission des Finances a salué la présence des membres de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et de la commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire, et tout particulièrement celle de M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et ancien Président de la commission des Finances, de l’économie générale et du plan.

Il a souligné que la mesure des grandes données économiques et sociales est actuellement en débat, qu’il s’agisse du chômage, du pouvoir d’achat ou de la prise en compte du développement durable dans la croissance. Les Français expriment une forte demande de statistiques pour éclairer le débat public. Ils manifestent aussi des doutes sur la fiabilité des chiffres publics. Comment restaurer la confiance de l’opinion ?

Il convenait que le Parlement se saisisse de ce sujet qui, par-delà des aspects techniques, soulève des questions de société. Sur la suggestion de votre Rapporteur, le bureau de la commission des Finances a estimé nécessaire la mise en place d’une mission d’information. Eu égard à la diversité des données économiques et sociales en cause, il a décidé de proposer que ce travail soit mené en commun avec la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, ainsi qu’avec la commission des Affaires économiques, de l’environnement et de l’aménagement du territoire.

Ces deux Commissions ayant bien voulu ratifier cette démarche, un membre de la majorité et un membre de l’opposition issus de chacune des trois Commissions ont été désignés pour participer à la mission. Ils ont été rejoints par le Rapporteur spécial de la commission des Finances pour la mission Pilotage de l’économie, M. Pierre Morel-A-L’Huissier, qui venait d’aborder le sujet dans son rapport spécial.

Cette mission est donc représentative de la diversité des sensibilités et des compétences de l’Assemblée nationale sur ces questions. Au cours de sa réunion constitutive du 28 novembre 2007, elle a désigné M. Pierre-Alain Muet comme Président et M. Hervé Mariton comme Rapporteur. Puis elle a réalisé une vingtaine d’auditions publiques, selon un programme varié et riche.

Ces travaux lui ont permis de recueillir un consensus très large des différentes parties intéressées et des parlementaires composant la mission, toutes sensibilités confondues. Son rapport, adopté hier, exprime ce consensus. Il comporte des propositions et un projet de proposition de loi.

Votre Rapporteur a indiqué qu’il avait inscrit en exergue du rapport une citation d’Alfred Sauvy : « Si l’utilisation rationnelle des statistiques à des fins pratiques n’est pas plus à l’honneur, c’est qu’elle est à la fois pénible par un bout et périlleuse par l’autre. ». Cette phrase résume la problématique du travail de la mission.

Cette mission d’information est née du constat de l’importance du débat et de la contestation des chiffres dans l’opinion publique, et du décalage entre mesure et perception de certains indicateurs. Elle visait à éclairer le débat et renforcer la confiance de l’opinion dans les statistiques publiques. Les travaux se sont déroulés entre décembre 2007 et mars 2008, avec de nombreuses auditions sous la présidence de M. Pierre Alain Muet, dans un excellent climat de travail.

Le calendrier des travaux de la mission est important, dans le contexte du prochain examen par le Parlement du projet de loi de modernisation de l’économie, en cours de préparation. La proposition de loi à laquelle la mission a abouti vise à améliorer les dispositions du projet de loi qui devraient concerner la gouvernance statistique.

Le rapport aborde quatre thèmes : l’inflation et le pouvoir d’achat, les chiffres du chômage, la mesure d’indicateurs de développement durable en complément du PIB, et la crédibilité de la statistique publique et l’amélioration de sa gouvernance.

S’agissant de l’inflation et du pouvoir d’achat, Votre Rapporteur a souligné que l’indice des prix à la consommation – IPC – est un instrument fiable qui n’est pas contesté scientifiquement, mais que c’est un instrument de politique économique qui n’a pas pour objet de traduire des situations individuelles. S’il est certainement possible de l’améliorer techniquement, c’est davantage la création d’indicateurs complémentaires qui permettra de fournir des informations pour le débat sur l’évolution du pouvoir d’achat. En effet, on constate un décalage entre la mesure du pouvoir d’achat par l’INSEE – Institut National de la Statistique et des Études Économiques – et sa perception par les ménages, notamment du fait de la variété des situations individuelles.

La mission a été prudente sur la question des « dépenses contraintes » car cette notion prête à confusion. La dépense contrainte peut être la dépense pour laquelle les capacités d’arbitrage des ménages sont limitées, car elle est préengagée, par des abonnements le plus souvent. Or, les abonnements ne concernent pas forcément des dépenses vitales. Le lobbying intensif de certaine enseigne de grande distribution pour la prise en compte des dépenses contraintes est éclairé par le fait que les revenus disponibles pour la consommation dans ce type d’enseignes diminuent.

La mission d’information fait quatre propositions sur le thème de l’inflation et du pouvoir d’achat :

– publier systématiquement l’indicateur du pouvoir d’achat par unité de consommation en complément du pouvoir d’achat des ménages ;

– publier l’évolution du pouvoir d’achat par décile de niveau de vie ; l’INSEE doit, en liaison avec ses homologues européens, développer une véritable politique de recherche en matière de statistique pour mieux cerner les nouvelles réalités sociologiques ;

– l’INSEE doit intensifier ses efforts de pédagogie et de communication.

La deuxième partie du rapport est consacrée aux chiffres du chômage, avec pour ambition de mieux les mesurer et de mieux les diffuser. On se souvient des polémiques de l’an dernier sur ces statistiques et de la décision de l’INSEE de faire cesser la publication mensuelle des chiffres du chômage au sens du Bureau international du travail – BIT – et de reporter le calage annuel des données administratives et des résultats de l’enquête emploi en raison de leur trop grande divergence. La mission considère que le bon outil statistique est l’enquête emploi. Dans la mesure où les données administratives de l’ANPE sont mensuelles, il est indispensable que l’enquête emploi de l’INSEE puisse aussi donner des chiffres mensuels, sans quoi le débat public continuera de porter sur les chiffres de l’ANPE.

Par ailleurs, la mission s’est penchée sur les travaux menés dans le cadre du Conseil national de l’information statistique – CNIS. Il faut compléter les statistiques en analysant les questions de « halo du chômage » et de sous-emploi. Il est regrettable que le débat porte plus souvent sur le taux de chômage que sur les données relatives à l’emploi. De même, s’agissant du pouvoir d’achat, il est surprenant de constater qu’en France, on discute de l’évolution des prix quand, dans les autres pays européens, le débat porte sur l’évolution des salaires.

La mission avance quatre propositions sur le chômage :

– faire de l’enquête emploi l’instrument de mesure de l’évolution conjoncturelle du chômage, en augmentant l’échantillon et en améliorant les méthodes de pondération. Il faut faire apparaître clairement qu’enquête emploi et sources administratives ne mesurent pas les mêmes phénomènes et engager l’indispensable réflexion au niveau européen sur les moyens d’améliorer les instruments du suivi conjoncturel du chômage ;

– publier mensuellement des indicateurs complémentaires du chômage au sens du Bureau international du travail – BIT : le halo du chômage et le sous-emploi ; améliorer la qualité et la diffusion des statistiques de l’emploi et envisager la publication d’un dossier commun annuel regroupant divers documents et indicateurs sur le chômage, l’emploi ainsi que les marges entre chômage, emploi et inactivité ;

– renforcer la statistique locale ; il faudra remettre au Parlement un rapport sur les voies d’amélioration des statistiques locales, améliorer la qualité des statistiques de l’emploi et du chômage dans les départements d’outre-mer et informer le Parlement sur l’intégration des personnes au chômage en outre-mer dans les statistiques nationales ;

– améliorer la publication des chiffres, en distinguant clairement les publications de l’INSEE qui fournissent l’évolution du taux de chômage, et celles de l’ANPE-DARES, qui permettent un suivi des politiques de l’emploi, et en annonçant en début d’année un calendrier de publication des statistiques de l’emploi et du chômage. Il faudra respecter les règles déontologiques en matière de communication des chiffres et informer le public de la communication anticipée des chiffres au Gouvernement, et, enfin, veiller à publier des documents clairs et pédagogiques.

Comme pour l’inflation et le pouvoir d’achat, l’ensemble de ces recommandations ne remet pas en cause la fiabilité des chiffres existants mais montre la nécessité de créer des indicateurs complémentaires.

La troisième partie du rapport traite de la prise en compte du développement durable dans la mesure de la croissance. Il y a un consensus politique et scientifique sur la nécessité d’aller au-delà de la mesure du seul PIB, bien que tout le monde reconnaisse la difficulté de mesurer le développement durable. Le PIB est un instrument de mesure précieux, qui permet les comparaisons internationales, et il n’est pas question de le remettre en cause. En revanche, il serait intéressant de le compléter par la mesure d’autres dimensions du développement, comme les dommages à l’environnement, le progrès social ou les inégalités.

La difficulté est à la fois scientifique, car ces notions sont difficiles à mesurer, et politique, car cette démarche peut traduire une prise de position idéologique. C’est pourquoi la mission invite à poursuivre les travaux sur le sujet, en encourageant l’INSEE à prendre les devants. Les propositions sont les suivantes :

– développer la recherche sur les indicateurs de développement durable ;

– consacrer le rôle clé de l’INSEE dans la coordination des différents travaux menés au plan national sur le développement durable ;

– participer aux travaux européens et internationaux sur les indicateurs de développement durable ;

– mieux informer le public sur les indicateurs de développement durable.

Enfin, la mission s’est penchée sur la gouvernance des instituts de statistiques. La qualité scientifique de l’INSEE et des autres producteurs de statistiques que sont les services statistiques ministériels comme la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – DARES – ne sont pas contestés. Néanmoins, dans le contexte européen, le système français fait figure d’exception, car l’indépendance du travail statistique, bien qu’observée dans les faits, n’est pas inscrite dans le droit. C’est le constat énoncé par l’ancien directeur général de l’INSEE M. Jean-Michel Charpin, lors de son audition, ainsi que par les personnels de l’INSEE et le Gouvernement.

Dans le cadre du code de bonnes pratiques de la statistique européenne, la mission s’est interrogée sur le statut de l’INSEE. Le rapport de la commission pour la libération de la croissance française présidée par M. Jacques Attali propose la transformation de l’INSEE en agence autonome, solution que la mission a écartée. L’INSEE doit rester une direction générale, au sein du ministère de l’Économie. Pour garantir son indépendance, le Rapporteur de la mission et son président ont discuté de l’éventualité de l’inamovibilité du mandat du directeur général. Cette solution a finalement été écartée, car peu compatible avec le statut juridique de direction d’administration centrale.

Lorsque la mission a commencé ses travaux, le Gouvernement considérait que la gouvernance des instituts statistiques était un sujet réglementaire et non législatif. L’avant-projet de loi de modernisation de l’économie comporte pourtant un article qui propose la création d’une haute autorité de la statistique. La mission a préféré ne pas suivre cette solution qui consiste à créer une structure supplémentaire à côté du CNIS. Cela dit, le Gouvernement n’est pas hostile à ce que nous essayions de trouver une solution consensuelle.

Dans une proposition de loi que les membres de la mission déposeront, l’article 1er de la loi n° 51–711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, est modifié pour définir la statistique publique et affirmer l’indépendance de ses travaux ; le CNIS est transformé en Conseil supérieur de la statistique dont le président n’est plus le ministre de l’Économie mais une personne indépendante, nommée par décret du président de la République, sur proposition des membres du Conseil supérieur. Il est assisté, au sein du CNIS, d’un comité scientifique composé de neuf membres, qui veillent au respect du principe d’indépendance professionnelle dans la production et la diffusion de statistiques publiques par l’ensemble des personnes publiques.

M. Didier Migaud, Président de la commission des Finances, a demandé comment serait composé le Conseil supérieur de la statistique.

Votre Rapporteur a indiqué qu’il reprendrait la composition très large du CNIS, en renforçant la représentation des consommateurs.

M. Pierre-Alain Muet, Président de la mission d’information, a souligné qu’un consensus a émergé au sein de la mission au fil des auditions. Concernant le pouvoir d’achat, l’écart entre l’évolution constatée et l’évolution ressentie s’explique pour l’essentiel par le fort contraste qui existe entre les situations individuelles, contraste qui se trouve accentué par la faible progression du pouvoir d’achat. C’est pourquoi le rapport d’information propose de publier l’évolution du pouvoir d’achat par décile de niveau de vie. Concernant le chômage, il conviendrait de privilégier les mesures réalisées par le Bureau international du travail. L’enquête emploi actuellement réalisée par l’INSEE repose sur un échantillon trop faible et n’autorise pas la publication d’une statistique mensuelle. Or, il importe de ne pas se fonder sur la seule mesure administrative réalisée par l’Agence nationale pour l’emploi. Concernant la publication des statistiques, il est important d’établir et de respecter des règles précises. Concernant la mesure du produit intérieur brut, force est de constater que la France est en retard sur certains pays qui, depuis une quinzaine d’années, mènent une réflexion sur la question de l’élargissement de l’indicateur PIB, notamment à des données mesurant le développement durable et sur la mesure du bien-être. Il appartient à l’INSEE de développer une réflexion de cette nature comme l’a souligné le Président Barroso lors d’une conférence intitulée « Au-delà du PIB : il est temps de développer d’autres outils que ceux qui ont été créés pour le monde des années 30 ». Concernant enfin la gouvernance de l’INSEE, la France fait encore une fois figure d’exception. En effet, l’autonomie de l’institut national de statistique n’est prévue par aucun texte. De fait, ainsi que la mission d’information a pu le constater au cours des auditions, l’indépendance de l’INSEE est reconnue par tous. Le sujet de la proposition de loi annexée au rapport entend consacrer juridiquement cette indépendance de fait. En outre, l’adoption de la proposition de loi permettrait au comité scientifique du Conseil supérieur de la statistique, composé de neuf « sages », d’être le garant de la fiabilité des travaux conduits par l’INSEE.

Votre Rapporteur a relevé dans l’actualité deux données qui soulignent l’opportunité des travaux conduits par la mission d’information. La première concerne l’évolution du pouvoir d’achat. En 2007, le pouvoir d’achat a progressé de 3 % ; en 2008, il devrait progresser de 0,5 % seulement. Or, pour 2007, l’évolution ressentie par les ménages a été nettement plus faible. Que sera-t-elle donc en 2008, avec une évolution réelle très inférieure ? La seconde donnée concerne l’accroissement de l’inflation. Informés d’une progression des prix supérieure à 3 % en 2007, les ménages français se sont sans doute dit qu’ils n’avaient rien appris, ressentant depuis plus longtemps ce retour de l’inflation.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Affaires culturelles, a salué la qualité du rapport de la mission d’information. Il est important de pouvoir comparer les grandes données économiques et sociales au niveau européen. Comment établir de telles comparaisons, et avec quelle fiabilité ?

Votre Rapporteur a indiqué que la mission d’information a commandé à ce sujet une étude comparative aux missions économiques de divers pays. Il en ressort que l’INSEE travaille en partenariat avec ses homologues de l’Union européenne, pratique qu’il conviendrait de renforcer. De larges extraits de l’étude synthétisée par la direction générale du Trésor et de la politique économique – DGTPE – seront publiés en annexe au rapport.

M. Pierre-Alain Muet, Président de la mission d’information, a précisé que l’utilisation des données du BIT faciliterait le travail de comparaison. Il faut relever que les indices de prix à la consommation sont construits de façon similaire dans de nombreux pays européens. En tout état de cause, la comparabilité des données est essentielle à la crédibilité des travaux statistiques.

Votre Rapporteur a attiré l’attention de ses collègues sur un ensemble de courbes figurant dans le rapport et montrant la différence de perception de l’évolution de l’inflation au sein de l’Union européenne. En France, depuis 2002, l’inflation ressentie est supérieure à l’inflation réelle. Auparavant, à l’inverse, l’inflation réelle était parfois plus importante que l’inflation ressentie. Dans la plupart des pays européens, l’inflation ressentie a dépassé l’inflation réelle en 2002, en raison du passage à l’Euro. Mais depuis lors, les courbes se rapprochent, voire se croisent. La dispersion des situations individuelles, évoquée plus tôt comme cause principale de la distorsion entre inflation réelle et inflation perçue, existe pourtant également chez nos voisins européens. La singularité française s’explique peut-être par des causes politiques, tenant à la façon dont se déroule dans notre pays le débat sur le pouvoir d’achat.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Affaires culturelles, a rappelé que les travaux conduits par le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale ont montré qu’en France, l’essentiel des gains de productivité se traduit par un accroissement du salaire socialisé et non du salaire direct. Il est donc particulièrement important de mesurer l’effet sur le pouvoir d’achat des dépenses sociales, qui représentent 500 milliards d’euros et 24 prestations, versées tout au long de la vie.

M. Serge Poignant, vice-Président de la commission des Affaires économiques, a félicité les membres de la mission d’information pour la richesse de leur travail. Il est primordial d’assurer aux travaux statistiques la plus grande crédibilité, dans un souci de juste information du grand public. Il serait intéressant que les membres de la mission d’information travaillent avec M. Jean-Paul Charié, qui rapportera au nom de la commission des Affaires économiques le projet de loi de modernisation de l’économie. Ce texte, dont un important volet sera consacré à la consommation et à la concurrence, devrait en effet proposer notamment la création d’une haute autorité statistique.

M. Marc Bernier a souhaité insister sur la remarque formulée par le Président Pierre Méhaignerie. Il est en effet très important de prendre en compte l’évolution des différentes mesures sociales et leur impact sur le pouvoir d’achat, réel comme ressenti.

Votre Rapporteur a précisé que ce sujet est traité dans le rapport de la mission d’information. Pour évaluer l’évolution de leur pouvoir d’achat, les ménages rapportent l’évolution de leur salaire à celle des prix. L’augmentation du volume des prestations sociales, qui a été plus importante que celle des seuls salaires, n’est sans doute pas prise en compte dans le calcul ainsi effectué.

M. Serge Poignant, vice-Président de la commission des Affaires économiques, s’est déclaré en accord avec les propos du Président qui a souligné la nécessité de développer la recherche concernant l’amélioration de la notion de PIB et la prise en compte de la notion de bien-être et de développement durable.

Votre Rapporteur a indiqué que l’INSEE poursuivait des travaux en ce sens et que la loi sur la modernisation de l’économie, qui viendra prochainement en discussion, pourrait être l’occasion de déposer des amendements sur ce sujet.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Affaires culturelles, a souligné que des progrès considérables avaient été accomplis depuis quelques années quant à la prise en compte, dans le calcul du PIB, des dommages que l’activité économique cause à l’environnement. Le fait de retrancher ces dommages du calcul du PIB commence à être admis. Par ailleurs, grâce à la comptabilité nationale, l’INSEE mesure avec précision l’évolution des revenus et du pouvoir d’achat. Mais ces résultats ne sont connus qu’avec retard.

M. Didier Migaud, Président de la commission des Finances, a demandé si ce débat sur la pertinence des statistiques existait dans d’autres pays de l’Union européenne.

Votre Rapporteur a répondu que ce débat existait, mais de manière inégale. En Grèce, les graves difficultés rencontrées dans la collecte des statistiques ont mis cette question sur la place publique. Au Royaume-Uni, le débat sur les chiffres du chômage a conduit à une modification de leur mode de calcul. Mais c’est en France que la question est soulevée avec le plus de vigueur et depuis le plus longtemps.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Affaires culturelles, a rappelé que la polémique sur le calcul de la hausse des prix et du chômage depuis les années 70 et 80 avait déjà conduit à plusieurs modifications de leur mode de mesure.

M. Didier Migaud, Président de la commission des Finances, a constaté l’unanimité des membres des trois commissions sur la pertinence du projet de proposition de loi contenu dans le rapport. Il a indiqué que ce texte pourrait être débattu à l’occasion de la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie, prévue pour la deuxième quinzaine de mai.

La commission des Finances, conjointement avec la commission des Affaires culturelles et la commission des Affaires économiques, a alors autorisé la publication du rapport d’information sur la mesure des grandes données économiques et sociales.

ANNEXE 1

LISTE DES AUDITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION

Mercredi 12 décembre 2007

– M. Jean-Philippe Cotis, directeur général de l’INSEE, accompagné de Mme Marie-Hélène Amiel

– M. Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances, ancien directeur général de l’INSEE

Mercredi 19 décembre 2007

– M. Bruno Durieux, inspecteur général des finances, et Mme Marie-Ange du Mesnil du Buisson, inspectrice générale des affaires sociales, auteurs du rapport de septembre 2007 sur les méthodes statistiques d’estimation du chômage

– M. Robert Rochefort, directeur général du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), co-auteur, avec M. Philippe Moati, du rapport au Premier ministre de novembre 2007 pour le Conseil d’analyse économique : « Mesurer le pouvoir d’achat ».

Mercredi 9 janvier 2008

– M. Jean Gadrey, professeur, et Mme Florence Jany-Catrice, maître de conférences à l’Université de Lille 1, auteurs de l’ouvrage « Les nouveaux indicateurs de richesse »

Mercredi 16 janvier 2008

– M. Jean-Baptiste de Foucauld, inspecteur général des finances, président du groupe de travail du Conseil national de l’information statistique sur la définition d’indicateurs en matière d’emploi, de chômage, de sous-emploi et de précarité

– M. Jean-Pierre Duport, vice-président du Conseil national de l’informatique statistique

Mercredi 23 janvier 2008

– Mme Reine-Claude Mader, présidente de Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), accompagnée de M. Édouard Petitjean

– M. François Fondard, président de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), accompagné de MM. Marcel Fresse et Jean-Louis Dubelloy

Mercredi 30 janvier 2008

– M. Michel-Édouard Leclerc, président des Centres E. Leclerc

– M. Jérôme Bédier, président exécutif de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution

Mercredi 6 février 2008

– M. Alain Bazot, président de l’Union fédérale des consommateurs (UFC-Que choisir)

Mercredi 13 février 2008

– M. Jacques Freyssinet, professeur à l’université Paris 1, président du groupe de travail Niveaux de vie et inégalités sociales au CNIS, auteur d’un rapport du CNIS sur le pouvoir d’achat

– M. Alain Quinet, inspecteur général des Finances, président de la Commission pour les indicateurs de pouvoir d’achat, accompagné de M. Ferrari, rapporteur du rapport sur la mesure du pouvoir d'achat

– MM. Christian Menanteau, vice-président, et Philippe Mabille, membre du bureau de l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF) et M. Marc Landré, ancien président de l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS)

Jeudi 14 février 2008

– M. Christian Charpy, directeur général de l’ANPE, et M. Antoine Magnier, directeur de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), aux ministères de l’Économie, des finances et de l’emploi, ainsi que du Travail, des relations sociales et de la solidarité

Mercredi 19 mars 2008

– délégation de l’Intersyndicale de l’INSEE, composée de Mme Julie Herviant, M. Ludovic Bourlès (CGT INSEE), Mme Nicole Dufour, M. Christian Laurent (CFDT INSEE) et M. Freddy Liénard (Sud INSEE)

– M. Dominique Bureau, Directeur des Affaires économiques et internationales au ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables (accompagné de Mme Françoise Maurel, chef du service Économie, statistiques et prospectives et M. Alain Ayong Le Kama, conseiller scientifique)

ANNEXE 2

PROPOSITION DE LOI RELATIVE AU SERVICE STATISTIQUE PUBLIC

Article 1er

L’article 1er de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques est remplacé par les dispositions suivantes :


«  Article 1er

I. Le service statistique public (SSP) comprend l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et les services statistiques ministériels (SSM).

La conception, la production et la diffusion des travaux statistiques sont effectuées par le service statistique public en toute indépendance professionnelle.

II. Le Conseil supérieur de la statistique est chargé, auprès du ministre chargé de l’Économie, d’organiser la concertation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique. Il fait des propositions pour l’élaboration du programme annuel des travaux statistiques. Il veille à la pertinence des orientations stratégiques des services statistiques.

III. Le président du Conseil supérieur de la statistique est nommé par décret du président de la République, sur proposition de ses membres, pour un mandat de cinq ans.

IV. Au sein du Conseil supérieur de la statistique, un comité scientifique est chargé d’assister le président. Il veille au respect du principe d’indépendance professionnelle dans la production et la diffusion de statistiques publiques par l’ensemble des personnes publiques.

Le comité scientifique est composé de neuf membres :

– une personnalité qualifiée désignée par le président du Sénat ;

– une personnalité qualifiée désignée par le président de l’Assemblée nationale ;

– un membre du Conseil économique et social ;

– le président du comité du secret statistique ;

– un membre de la Cour des comptes nommé par le Premier président de la Cour des comptes ;

– un membre de l’inspection générale des finances nommé par le chef de l’inspection générale des finances ;

– un membre de l’inspection générale des affaires sociales nommé par le chef de l’inspection générale des affaires sociales ;

– une personnalité qualifiée en matière statistique nommée par le ministre chargé de l’économie ;

– une personnalité qualifiée en matière d’utilisation des données de la statistique publique nommée par le ministre chargé de l’économie.

Les membres du comité scientifique sont membres de droit du Conseil supérieur de la statistique.

V. Le Conseil supérieur de la statistique publie un rapport annuel sur la qualité des statistiques publiques, le respect du Code de bonnes pratiques de la statistique européenne et la confiance de la population dans la statistique publique.

Le Conseil supérieur de la statistique peut être saisi par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, le Premier ministre ou le directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques.

Il peut également se saisir de questions posées par des personnes autres que celles qui sont mentionnées à l’alinéa ci-dessus ou par un ou plusieurs de ses membres. Ces avis sont rendus publics.

Il peut procéder à l’audition des responsables du service statistique public sur toute question de sa compétence.

Le rapport annuel et les avis du Conseil supérieur de la statistique publique sont rendus après consultation du comité scientifique. »

Article 2

Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’organisation et de fonctionnement du Conseil supérieur de la statistique et de son comité scientifique.

ANNEXE 3

EXTRAITS DES RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE DE LA MISSION, ADRESSÉES PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRÉSOR
ET DE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE


1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Les services hospitaliers publics entrant dans le champ de la consommation non marchande, ils sont exclus du champ de l’IPC. Le secteur des services hospitaliers privés soulève des problèmes méthodologiques : difficultés à définir la notion de prix et à procéder à des évaluations mensuelles, coût d’observation…

3 () Par exemple, les prix des médicaments remboursés par la Sécurité sociale ne sont pas pris en compte dans l’IPCH, alors qu’ils le sont dans l’IPC français.

4 () Rapport pour le Conseil d’analyse économique « Mesurer le pouvoir d’achat », pages 21 et 62.

5 () En cours d’année, l’INSEE estimait le nombre mensuel de chômeurs au sens du BIT à partir des DEFM 1, 2, et 3 hors activité réduite, catégories qui se rapprochent le plus de la définition du chômage BIT. Au cours du premier semestre de l’année N+1, l’INSEE recalait ses estimations sur les résultats annuels de l’enquête emploi de façon à ce que le nombre de chômeurs indiqué dans les résultats mensuels au sens du BIT soient égal à l’estimation annuelle tirée de l’enquête emploi. L’écart entre l’estimation provisoire et les résultats de l’enquête emploi était réparti sur les mois de l’année.

6 () Rapport de Marchand et Thélot, 1983.

7 () Pour une analyse chiffrée précise des divergences entre enquête emploi et sources administratives, se reporter au rapport conjoint de l’Inspection générale des Finances et de l’Inspection générale des Affaires sociales de septembre 2007 établi par M. Bruno Durieux et Mme Marie-Ange du Mesnil du Buisson sur les méthodes statistiques d’estimation du chômage (IGF N°2007-M-066-01).

8 () La Hongrie et Malte, à la suite de recherches récentes, ont décidé de publier le chômage BIT à un rythme mensuel, en utilisant une moyenne glissante sur trois mois comme aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. La République Tchèque, l’Estonie, l’Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, le Portugal, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie sont en cours de test en vue d’une production mensuelle du chômage BIT basé sur l’enquête LFS.

9 () Des travaux de la DARES ont montré que certaines décisions administratives avaient eu un impact sur la baisse des demandeurs d’emploi en fin de mois, tout en admettant la difficulté de chiffrer avec la plus grande exactitude cet impact. Voir le document d’étude n° 128 d’août 2007 (E. Debauche, T. Deroyon, F. Mikol, H. Valdelièvre).

10 () L’intervalle statistique de confiance à 95 % du taux de chômage du recensement permanent est de 0,16 point seulement en niveau, soit l’équivalent de 400 000 chômeurs, et de 0,24 point en variation, soit 70 000 chômeurs.

11 () Voir l’article « BLS introduces new range of alternative unemployment measures » Monthly Labor Review, octobre 1995, Bregger et Haugen.

12 () Collectif ACDC, « Les chômages invisibles », 27 décembre 2007.

13 () Voir sur ce sujet le numéro spécial de 1986 d’Economie et statistique « Emploi et chômage : l’éclatement » comportant des études sur les contrats à durée determinée et autres emplois précaires, les stages, le sous-emploi, le temps partiel, les carrières féminines, les jeunes, les préretraites ; Economie et statistique n°193-194 « Le chômage et son halo », M.Cézard ; Economie et statistique n° 300 « La population active, une catégorie statistique difficile à cerner ».

14 () Voir sur ce sujet « Les contours de la population active : aux frontières de l’emploi, du chômage, et de l’inactivité » 2000 C. Gonzales-Demichel et E. Nauze-Fichet ; 2002 « De moins en moins d’inactifs entre la fin des études et l’âge de la retraire » O. Blanchard in INSEE première n°872 ; « Mesurer l’emploi et le chômage, nouvelle enquête, débats anciens » 2003 D. Blanchard et O. Marchand.

15 () Report on the Observance of Standards and Codes – Data Module, Département des statistiques, FMI, 21 octobre 2003.

16 () Comme le notait déjà le rapport Malinvaud, qui recommandait « d’observer simultanément les effectifs correspondant aux trois concepts qui structurent la description du marché du travail : activité-emploi- chômage ».

17 () Sur les nouvelles méthodes de pondération employées par l’INSEE, voir la présentation du 30 novembre 2007 à la Formation emploi revenus du CNIS.

18 () Soit les chiffres issus de sources administratives sont considérés comme des informations complémentaires et non comme des indicateurs conjoncturels du chômage (au Royaume-Uni, aux Etats-Unis). Soit les deux sources font l’objet d’un suivi mais sont publiées séparément (Danemark, Espagne, Portugal, Suède, Finlande). Enfin, en Allemagne, où l’indicateur de référence a longtemps été le nombre de chômeurs enregistrés à l’agence pour l’emploi, le chômage au sens du BIT a été intégré à la publication mensuelle ; mais il est communiqué deux heures avant la communication des chiffres des chômeurs enregistrés et la Destasis s’efforce d’expliquer clairement la différence de définition des deux indicateurs.

19 () Rapport public thématique de la Cour des comptes de mars 2006 sur « l’évolution de l’assurance chômage : de l’indemnisation à l’aide au retour à l’emploi ».

20 () L’INSEE, l’ANPE et la DARES y travaillent actuellement, au sein d’un programme de travaux d’appariement plus vaste entre l’enquête emploi et d’autres sources administratives afin de récupérer de l’information sur la qualité de certaines variables dans l’enquête emploi ainsi que sur la possibilité d’améliorer la connaissance des non-répondants à l’enquête. Il s’agit d’un travail de long terme nécessitant notamment de bien réfléchir aux données à utiliser. Un dossier doit être présenté au CNIS d’ici avril 2008.

21 () Règlement n°577/98 du 9 mars 1998.

22 () Il l’est en France mais il n’y a pas de sanctions, Belgique, Allemagne, Italie, Chypre, Malte, Autriche, Portugal, Slovaquie.

23 () Jusqu’en septembre 2007, l’INSEE considérait l’inscription à l’ANPE comme une recherche active d’emploi répondant à la définition du chômage BIT, au contraire d’Eurostat. Les personnes sans emploi, disponibles et ayant trouvé un travail commençant ultérieurement n’étaient considérées comme chômeurs par Eurostat que si ce travail commençait dans moins de trois mois. La France n’appliquait aucun délai. Enfin, contrairement à Eurostat, l’INSEE n’intégrait pas les DOM dans le calcul du taux de chômage au sens du BIT.

24 () Déclaration d’Istanbul, signée en juin 2007 par les représentants de la Commission européenne, de l’Organisation de la Conférence islamique, des Nations Unies, du Programme des Nations unies pour les développement et de la Banque mondiale http://www.oecd.org/dataoecd/23/14/39558112.pdf .

25 () L’article 2 du Traité de l’Union européenne prévoit que « L’Union se donne pour objectifs de promouvoir le progrès économique et social ainsi qu’un niveau d’emploi élevé, et de parvenir à un développement équilibré et durable ».

26 () L’article 6 de la Charte de l’environnement du 1er mars 2005 dispose : « Les politiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

27 () Le produit intérieur brut (PIB) est un agrégat qui représente le résultat final de l’activité de production des unités productrices résidentes. Il peut se définir de trois manières :
– le PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées brutes des différents secteurs institutionnels ou des différentes branches d’activité, augmentée des impôts moins les subventions sur les produits (lesquels ne sont pas affectés aux secteurs et aux branches d’activité) ;

– le PIB est égal à la somme des emplois des comptes d’exploitation des secteurs institutionnels : rémunération des salariés, impôts sur la production et les importations moins les subventions, excédent brut d’exploitation et revenu mixte ;

– le PIB est égal à la somme des emplois finals intérieurs de biens et de services (consommation finale effective, formation brute de capital fixe, variations de stocks), plus les exportations, moins les importations.

28 () « Indicateurs alternatifs de bien-être » in Objectif croissance, rapport de l’OCDE, 2006.

29 () François Fourquet, Les comptes de la puissance, 1980.

30 () A titre illustratif, L. Osberg et A. Sharpe ont basé leur indice de bien-être économique (IBEE) sur la Déclaration universelle des Droits de l’homme des Nations Unies. Voir « Évaluer l’indice de bien-être économique dans les pays de l’OCDE » Travail et Emploi, n° 93, janvier 2003.

31 () On compte 800 indicateurs mis au point par la Banque mondiale, 100 mis au point par la commission sur le développement durable au Danemark, 140 pour la Suisse, 45 proposés par l’institut français de l’environnement, 155 indicateur de niveau III proposés en 2005 par l’Union européenne. Voir sur ce sujet l’article de B. Guilbert, « Adoption par l’Europe d’indicateurs de développement durable : conséquences pour la statistique française », in Courrier des statistiques n° 120, année 2007.

32 () INSEE, France, portrait social, Indicateurs d’inégalités sociales - Édition 2007 http://www.INSEE.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/FPORSOC07d.PDF

33 () Nordhaus et Tobin, « Is Growth obsolete ? »

34 () M. Fleurbaey et G. Gaulier, International Comparisons of Living Standards by Equivalent Incomes, CEPII Working Paper N°2007-03, January 2007; http://www.cepii.fr/anglaisgraph/workpap/resumesfr/2007/wp07-03resfr.pdf; voir également M. Fleurbaey
G. Gaulier Les champions du PIB par tête et ceux du niveau de vie, lettre du CEPII n°260, Octobre 2006
http://www.cepii.fr/francgraph/publications/lettre/pdf/2006/let260.pdf

35 () Pour une étude approfondie des méthodes de construction de ces indicateurs et leurs limites, voir Jackson et Stymne (1996) http://www.sei.se/dload/1996/SEWISAPI.pdf Stockolm Environment Institute.

36 () Piriou, 2004.

37 () Les dépenses défensives sont définies par les créateurs d’indicateurs de bien-être comme les activités économiques qui ne contribuent pas au bien-être. Par exemple les dépenses qu’il faut mettre en œuvre pour réparer les dommages environnementaux de l’activité économique sont considérées comme défensives. De même la moitié des dépenses d’éducation qui servent à améliorer les positions relatives sur le marché du travail sans progression globale des connaissances. La moitié des dépenses de santé serait également retranchée car destinée à couvrir les conséquences néfastes de mauvaises conditions de travail ou d’une détérioration environnementale, ce qui est très contestable.

38 () D.Blanchet, O.Simon, M.Sylvander, « Niveaux de vie, productivité et bien-être en longue période : la France et les principaux pays développés », L’économie française, 2007

39 () Voir l’analyse de A.E. Clark et C. Senik, « La croissance rend-elle heureux ? La réponse des données subjectives », Ecole d’économie de Paris, WP n°6, 2007.

40 () Voir sur cet indicateur le débat dans la revue Travail et emploi, n° 93, janvier 2003.

41 () F. Jany-Catrice et S. Kampelmann (2007). « L’Indicateur de bien-être économique : une application à la France », Revue française d’économie, Volume XXII, No 1.

42 () Chapitre 38 de l’Agenda 21.

43 () Chapitre 40 de l’Agenda 21.

44 () Comité du programme statistique (CPS 2005/57/20/FR), Eurostat, rapport final de la task force « Indicateurs de développement durable ».

45 () OCDE, Revue des indicateurs de développement durable utilisés par les agences nationales et internationales,, Statistics working paper, septembre 2002.

46 () OCDE, « Indicateurs alternatifs du bien-être » in Réformes économiques, Objectif croissance, 2006.

47 () Factbook, Economic, Environmental and social Statistics.

48 () Joint working group for statistics on sustainable development (WGSSD) http://www.unece.org/stats/groups/wgssd.e.htm .

49 () Qu’est ce que la richesse, 2000 .

50 () Les nouveaux indicateurs de richesse, 2005.

51 () Perret, B. (2002) « Indicateurs sociaux, état des lieux et perspectives », Les papiers du CERC, 2002-01, 1-36.

52 () « 45 indicateurs de développement durable - une contribution de l’IFEN », Etudes & travaux N° 41, décembre 2003.

53 () « Enjeux nationaux sur le développement durable : la France est-elle sur la voie ?  contribution à l’élaboration d’indicateurs nationaux de développement durable», rapporteur général : M. Alain Ayong Le Kama, 2006.

54 () Sustainable development indicators in your pocket 2006 http://www.sustainable-development.gov.uk/progress/indicators/documents/sdiyp2006_a6.pdf .

55 () Voir le rapport de l’évaluation par les pairs de l’INSEE sur la mise en œuvre du code de bonnes pratiques de la statistique européenne des 24-26 janvier 2007 : « l’INSEE se situe à un bon niveau pour ce qui concerne l’impartialité et l’objectivité ».

56 () Institué par la décision 89/382/CEE du Conseil du 19 juin 1989, le comité du programme statistique (CPS) est placé auprès d’Eurostat, et regroupe les directeurs généraux des instituts nationaux de statistiques (INS) des pays de l’Union européenne. Le CPS est consulté sur les projets de règlements « cadres » avant leur transmission par la Commission au Parlement européen et au Conseil ; il vote également les règlements de la Commission pris en application des règlements du Parlement européen et du Conseil.

57 () Extrait du rapport d’activité 2005 du CNIS.

58 () Rapport de l’évaluation par les pairs de l’Institut de statistique français (INSEE) sur la mise en oeuvre du Code de bonnes pratiques de la statistique européenne, réalisée du 24 au 26 janvier 2007 Adrian Redmond CSO, Institut National Statistique Irlande (chef de la mission), Marc Debusschere, Institut National Statistique Belgique et Pedro Diaz Muñoz, Eurostat.

59 () Résultats compilés dans un rapport d’Eurostat.

60 () « Nous croyons que l’INSEE établit et diffuse les statistiques de façon indépendante sans intervention politique, bien que, contrairement à la situation générale des autres instituts nationaux de statistique du système statistique européen, cette indépendance ne soit pas inscrite dans le droit ».

61 () Rapport de l’Inspection générale des finances N°2004-M-042-01 MISSION D’ANALYSE COMPARATIVE INTERNATIONALE DE L’INSEE ; P. Dane, M. Baffert, P. Cunéo, J. Sénèze, 2004.

62 () Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française : 300 décisions pour changer la France. Jacques Attali, 2008.

63 () Loi n°51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.

64 () L’évolution du rôle de coordination de l’INS au niveau national dans un système statistique européen renforcé, Courrier des statistiques n° 121-122, mai-décembre 2007


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