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N° 1885

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 juillet 2009

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE (1)

sur le prix des carburants dans les départements d’outre-mer,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Jacques le Guen ET

Jérôme Cahuzac,

Députés.

——

La mission d’information commune sur le prix des carburants dans les départements d’outre-mer est composée de : M. Patrick Ollier, président ; M. Alfred Almont ; Mme Christiane Taubira, vice-présidents ; MM. Jérôme Cahuzac ; Jacques Le Guen, rapporteurs ; MM. Jérôme Bignon ; Jean-Claude Fruteau ; Jean-Claude Lenoir ; Alfred Marie-Jeanne.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I.— LES SPÉCIFICITÉS DES MARCHÉS DES CARBURANTS DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER 11

A.— DES MARCHÉS ÉTROITS, ULTRAPÉRIPHÉRIQUES, MAIS OÙ S’APPLIQUENT LES NORMES EUROPÉENNES 11

1. Des marchés étroits et ultrapériphériques 11

a) L’éloignement de la métropole 11

b) Des marchés étroits 12

2. L’application des normes européennes 14

B.— DES PRIX ADMINISTRÉS PAR LE PRÉFET 15

1. Les prix des produits pétroliers outre-mer sont fixés par le Préfet 15

a) La nécessité d’une administration des prix des carburants et du gaz 15

b) La détermination d’une structure de prix 17

2. Les prix des carburants outre-mer sont globalement proches de ceux de la métropole 20

a) Des droits et des taxes inférieurs à leurs équivalents en métropole 20

b) Des prix de détail globalement équivalents à ceux de la métropole 21

II.— LES VARIATIONS BRUTALES DES PRIX DU PÉTROLE EN 2008 ONT RÉVÉLÉ LES DYSFONCTIONNEMENTS DU MARCHÉ DES CARBURANTS DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER 23

A.— LA CHRONOLOGIE DE LA CRISE 23

B.— LA MISE À JOUR DES DYSFONCTIONNEMENTS DU MARCHÉ DES CARBURANTS 24

1. La fixation du prix des carburants, caractérisée par l’absence de transparence, échappe largement au contrôle du Préfet 25

a) La structure de prix s’impose dans une large mesure au Préfet 25

b) L’absence générale de transparence et de contrôle 29

2. La position dominante des compagnies pétrolières 32

a) Une position dominante et une organisation opaque 32

b) Les relations complexes entre les gérants et les compagnies pétrolières 38

III.— LES SPÉCIFICITÉS LOCALES ONT AGGRAVÉ LA HAUSSE DES PRIX ET LES DYSFONCTIONNEMENTS DU MARCHÉ DES CARBURANTS 44

A.— LA RÉUNION 44

1. Le cas de la Société réunionnaise de produits pétroliers (SRPP : une rentabilité très élevée malgré une dégradation en 2008 44

2. La marge de gros : l’effet de périmètre ne doit pas masquer la confortable rentabilité des distributeurs 47

B.— LES DÉPARTEMENTS FRANÇAIS D’AMÉRIQUE 50

1. L’épineuse question des stocks stratégiques 50

a) La réglementation 51

b) La situation des stocks stratégiques dans les départements d’outre-mer 52

2. La Martinique, le cas de la SARA 53

a) La SARA : une société héritière de son histoire liée à l’indépendance énergétique nationale 53

b) La SARA un acteur économique, social et sociétal de la vie non seulement Martiniquaise mais des trois départements français d’Amérique 56

c) La SARA, importateur, raffineur, stockeur et, temporairement collecteur d’huiles usagées 57

3. La Guadeloupe 65

a) Un réseau de stations-service important et structuré 66

b) L’engagement de l’État par la signature du protocole d’accord du 4 mars 2009 67

4. La Guyane 68

a) L’application des normes européennes à compter d’avril 2007 a obligé la Guyane à s’approvisionner exclusivement auprès de la SARA 68

b) L'importance de la fiscalité 69

c) Les contraintes géographiques 69

d) Le stockage 70

IV.— LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION 71

A.— LE RENFORCEMENT DE LA TRANSPARENCE 71

1. Associer l’ensemble des parties prenantes – via un comité de suivi – à la détermination du prix des carburants 71

2. Informer le consommateur en station-service 72

3. Régler le problème des cuves privées 72

4. Assurer le respect des règles de la concurrence 73

B.— DES BAISSES DE PRIX SONT ENVISAGEABLES TOUT EN PRÉSERVANT L’EMPLOI, LA SÉCURITÉ DE L’APPROVISIONNEMENT ET LES RESSOURCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D’OUTRE-MER 74

1. Le maintien d’un système de prix administrés par le Préfet 74

a) Le choix de maintenir l’administration des prix 74

b) Simplifier la formule de prix 75

2. L’approvisionnement 76

3. Le fret 77

4. Le raffinage 78

a) Préserver les emplois de la SARA 78

b) Préparer l’avenir de la SARA 78

5. Le stockage 81

6. Les marges de distribution 82

a) Paraissant pouvoir être réduites, les marges de distribution doivent cependant garantir l’emploi et la continuité de l’approvisionnement en carburant 82

b) Renforcer la position des propriétaires-gérants face aux compagnies pétrolières 85

7. La sortie de crise 86

a) L’État doit régler sa dette aux compagnies pétrolières 86

b) Le retour au prix « réel » des carburants est nécessaire 88

C.— DÉVELOPPER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES 88

1. Le prix des énergies fossiles est voué à augmenter 88

2. Anticiper la fin des énergies fossiles en développant des énergies renouvelables 89

a) L’énergie solaire : l’avenir 90

b) L’énergie éolienne : la contrainte des cyclones 91

c) Les biocarburants : la contrainte foncière 91

V.— EXAMEN EN RÉUNION COMMUNE 93

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION 111

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 113

MESDAMES, MESSIEURS,

Ces dernières années, le prix des carburants n’a pas été un sujet dans les départements d’outre-mer. Alors que la « vie chère », c'est-à-dire le surcoût de nombreux produits de consommation courante par rapport aux mêmes produits distribués en métropole, est malheureusement une réalité que supportent nombre de nos concitoyens ultramarins, le prix des carburants (essence et gazole) a longtemps été plus ou moins équivalent au prix métropolitain, certes élevé lorsque les prix du pétrole étaient à la hausse, mais sans la forte distorsion qu’il est possible d’observer s’agissant, par exemple, des médicaments, de l’accès à Internet ou des denrées alimentaires.

C’est ainsi que le prix des carburants dans les départements d’outre-mer n’a pas suscité d’attention particulière de la part de l’État et des services préfectoraux, lesquels se contentaient de l’administrer sans chercher à lever le voile sur les dysfonctionnements d’un marché qui, en apparence, fonctionnait à la satisfaction générale.

Les prix des carburants dans les départements d’outre-mer sont, en effet, fixés par les Préfets. Si l’article 1er de l’ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que « les prix des biens produits et services […] sont librement déterminés par le jeu de la concurrence », le prix des carburants a continué à être administré en raison des spécificités de ces marchés.

L’intérêt général est à l’origine de la décision de créer, en 1964, la Société Anonyme de Raffinage des Antilles (SARA), volet outre-mer de la politique du Général de Gaulle visant à assurer à la France son indépendance énergétique. En effet, sans raffinerie sur leur territoire, l’approvisionnement de la Martinique et de la Guadeloupe en carburants reposait sur le bon vouloir des pays voisins (de leurs raffineries et des compagnies pétrolières qui les exploitaient) et des caprices de la météo, avec le risque évident d’une rupture des importations dont les conséquences seraient catastrophiques. Cependant, la SARA étant l’une des plus petites raffineries du monde, ses coûts de production sont tels que le « prix de sortie raffinerie » du carburant dans ces départements est bien plus élevé que le serait celui d’importations directes depuis les pays voisins (s’ils étaient aux normes européennes), voire depuis l’Europe.

Enfin, alors que les stations-service sont, en métropole, totalement automatisées, celles des départements d’outre-mer, bien souvent transformées en supérettes, ont recours à un personnel nombreux qui justifie, au nom de l’emploi dans des territoires particulièrement frappés par le chômage, des marges de détail bien plus élevées qu’en métropole.

L’ensemble de ces surcoûts – auquel il faut ajouter ceux de la marge de gros, du fret et du stockage – n’a été supportable qu’en raison du choix des conseils régionaux de Martinique et de Guadeloupe de maintenir à un niveau relativement bas les taxes sur les carburants. Si celles-ci étaient, comme c’est légalement possible, fixées au même niveau qu’en métropole, le prix des carburants outre-mer serait comparativement bien plus élevé. En outre, jusqu’à très récemment, la Guyane ne subissait pas les surcoûts de la SARA puisqu’elle importait ses carburants de la raffinerie de Trinidad dont les faibles coûts compensaient des taxes régionales très élevées. Quant à La Réunion, enfin, n’ayant pas de raffinerie sur son sol, elle s’approvisionnait en carburants à Singapour au prix du marché mondial, soit environ 70$ le baril au début de l’année 2008.

Structurellement plus élevé qu’en métropole du fait de l’étroitesse de chacun des marchés, le prix des carburants était maintenu à un niveau compatible d’une part avec les exigences de rentabilité de tous les acteurs de la filière pétrolière et, d’autre part, avec la capacité des consommateurs (particuliers et entreprises) à pouvoir accepter ces prix. La très forte hausse du prix du baril, à partir de 2007 et, en France dans un contexte politique connu, a rompu cet équilibre. La répercussion à la pompe de la hausse du prix du brut a été jugée, à l’époque, incompatible avec le maintien de la paix sociale. Le mécanisme des prix administrés a permis aux préfets de garantir cette paix sociale en conservant des niveaux de prix compatibles avec celle-ci jugée prioritaire par rapport aux demandes des acteurs de la filière pétrolière. Ces niveaux de prix étaient en revanche, à structures d’achat, de fret, de raffinage, de stockage et de distribution de produits pétroliers identiques, incompatibles avec les exigences de rentabilité des acteurs de la filière d’approvisionnement en produits pétroliers. La conséquence inéluctable de cette décision politique était que ces niveaux de prix resteraient les mêmes nonobstant la baisse, prévisible à terme, du prix du baril : le lissage à la hausse des prix entraînait nécessairement, à structures constantes, le lissage à la baisse de ces mêmes prix ! La baisse du prix du baril est intervenue, et comme cela était prévisible, il n’y eut pas de modification à la baisse des prix à la pompe pour les consommateurs et les entreprises. Le constat qu’en a fait la population, à laquelle rien n’avait été expliqué lors du lissage des hausses de prix à partir de 2007, fut à l’origine du mécontentement puis des troubles qu’ont connus les territoires et départements d’outre-mer.

La Réunion fut la première touchée, dès l’été 2008, par la forte hausse du prix des carburants que ses taxes – très élevées – ne pouvait compenser comme en Martinique et en Guadeloupe. Mais ces deux départements subissaient quant à eux les surcoûts de la SARA, leur faible fiscalité n’a pu contrebalancer l’explosion des prix à la pompe. Enfin, la Guyane cumulait des taxes régionales « au taquet » et des surcoûts de la SARA – l’application sur décision de justice des normes européennes de qualité ayant entraîné un changement d’approvisionnement – ainsi qu’un lissage de la hausse des prix découlant de ce changement, dont les conséquences furent la poursuite de l’augmentation du prix des carburants alors même que le cours du baril plongeait sur les marchés internationaux…

C’est d’ailleurs à ce moment que la crise a véritablement éclaté, à l’automne 2008, lorsque le cours du baril a commencé à refluer. Les troubles qu’ont connus notamment la Guyane et La Réunion trouvaient en effet leur origine dans le constat que la baisse rapide du prix du pétrole – que les médias ne se privaient pas de commenter – ne se traduisait pas par une baisse des prix à la pompe, voire que ceux-ci continuaient à augmenter ! Comment ne pas comprendre alors la suspicion et l’exaspération de nos concitoyens d’outre-mer et le sentiment largement répandu que, sous couvert d’intérêt général, s’était constitué, dans la plus totale opacité, un système de rente qui fonctionnait à leur détriment.

La crise s’est partiellement réglée en décembre 2008 par la baisse unilatérale du prix administré des carburants ; pour nécessaire qu’elle soit, cette mesure ne peut être que temporaire et son coût est élevé puisque c’est l’État qui supporte, in fine, les pertes des compagnies pétrolières. Surtout, elle ne dispense pas de poser les deux questions, liées entre elles, qui sont à l’origine la crise : d’une part, le prix élevé des carburants outre-mer découle-t-il de surcoûts objectifs ou constitue-t-il une rente au bénéfice de quelques-uns ? D’autre part, si rente il y a, comment l’administration des prix a-t-elle pu la tolérer ?

Conscient que nos concitoyens d’outre-mer exigent que la lumière sur la formation du prix des carburants, le Gouvernement a chargé de hauts fonctionnaires de l’Inspection des finances, de l’Inspection générale de l’Administration, du Conseil général de l’Industrie, de l’énergie et des technologies (IGF/IGA/CGIET) d’une part, et de l’Autorité de la concurrence d’autre part, d’analyser le marché des carburants outre-mer et de formuler des propositions dans le but d’en améliorer le fonctionnement et de faire baisser les prix.

Ce travail d’analyse et de proposition soit de très haute qualité, il n’en reste pas moins que des décisions devront être prises afin de régler la question du prix des carburants outre-mer. Or, ces décisions seront politiques, au sens le plus fort du terme, c'est-à-dire qu’elles engageront les populations et les territoires, leur économie et leur avenir ; c’est donc au Parlement qu’il revient de porter des propositions et d’éclairer le Gouvernement sur les meilleurs moyens de répondre aux légitimes aspirations de nos concitoyens d’outre-mer.

C’est pourquoi, à l’initiative de son président Patrick Ollier qui souhaitait répondre aux demandes de l’opposition comme à celles des députés ultra-marins, la commission des Affaires économiques a décidé, dès le 6 janvier 2009, de créer une mission d’information. Celle-ci a, bien volontiers, été élargie à la commission des Finances comme le souhaitait le président Didier Migaud. Cette mission d’information commune sur le prix des carburants dans les départements d’outre-mer est composée de députés de la majorité et de l’opposition, de métropole et d’outre-mer. La mission a organisé au total plus de 60 auditions, tant à Paris que dans les quatre départements d’outre-mer où elle s’est rendue pour rencontrer l’ensemble des acteurs du marché des carburants : services de l’État (préfet, DRCCRF, douanes, DRIRE), élus, compagnies pétrolières, gérants de stations-service, consommateurs, CCI, représentants des entreprises…

La mission d’information a mené ces auditions, poursuivi ses réflexions et rédigé son rapport avec un double objectif : d’une part, faire toute la transparence sur la formation des prix et, en particulier, sur les dysfonctionnements du marché des carburants et du système d’administration des prix et, d’autre part, concilier dans ses propositions les nécessaires baisses de prix avec la préservation de l’emploi et le développement des départements d’outre-mer.

I.— LES SPÉCIFICITÉS DES MARCHÉS DES CARBURANTS
DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

A.— DES MARCHÉS ÉTROITS, ULTRAPÉRIPHÉRIQUES, MAIS OÙ S’APPLIQUENT LES NORMES EUROPÉENNES

1. Des marchés étroits et ultrapériphériques

a) L’éloignement de la métropole

Les départements d’outre-mer ont en commun d’être très éloignés de la métropole et cet éloignement n’est pas sans exercer une influence certaine sur leurs conditions de développement.

La Réunion a une superficie totale de 2 512 km2 et une population estimée en 2008 de 802 000 habitants, soit une densité d’environ 319 habitants/km2. L’île de la Réunion est située dans l’océan indien, plus précisément dans l’archipel des Mascareignes, à environ 700 kilomètres à l’est de Madagascar et 200 kilomètres au sud-ouest de l’île Maurice, au large de la côte sud-est du continent africain. Sa préfecture, Saint-Denis se situe à 9 300 km de Paris.

La Guyane, d’une superficie de 85 504 km2 (dont 96 % couvert par une forêt équatoriale), pour une population estimée à 221 500 habitants en 2008 (soit une densité de l’ordre de 2,5 habitants au km2), constitue un territoire du continent sud-américain. Elle est frontalière du Brésil (sur 730 km) et du Suriname (sur 510 km). Sa préfecture, Cayenne se situe à 7 000 km de la capitale métropolitaine. Par ailleurs, située en zone de forêt dense, la Guyane échange avec la métropole et les Antilles voisines essentiellement par voie maritime pour tout ce qui concerne le fret en produits pétroliers.

La Guadeloupe constitue un archipel (formé de la « Guadeloupe continentale » regroupant Basse-Terre à l’ouest et Grande-Terre à l’est et de la « Guadeloupe insulaire » englobant La Désirade, Petite-Terre, Marie-Galante et les sept îlets des Saintes) des petites Antilles, d’une superficie de 1 632 km2, pour une population estimée à 405 550 habitants en 2008, soit une densité d’environ 249 habitants au km2. Elle se situe à 600 km au nord des côtes de l’Amérique du Sud, à 700 km à l’est de la République dominicaine et à 2 200 km au sud-est des États-Unis. Enfin, Pointe-à-Pitre se trouve à 6 800 km de Paris.

La Martinique est la troisième île par la superficie des petites Antilles, avec 1 128 km2. Selon les estimations de l’INSEE, sa population s’élevait, en 2008, à 402 000 habitants, soit une densité de l’ordre de 357 habitants au km2. Située, elle aussi dans la mer des Caraïbes, elle est distante de 450 km au nord-est des côtes de l’Amérique du Sud et environ 700 km au sud-est de la République dominicaine. Fort de France est éloignée de 6 800 km de Paris.

Les départements d’outre-mer constituent, avec les régions portugaises des Açores et de Madère ainsi que la région espagnole des Canaries, les Régions Ultra-Périphériques (RUP) de l’Union Européenne identifiées par l’article 299§2 du Traité de l’Union européenne. Ce sont les seules régions de l’Union européenne qui n’appartiennent pas à l’espace géographique européen.

Enfin, du fait même de leur position géographique, ces départements français présentent des caractéristiques physiques et climatiques très différentes de la métropole : un relief accidenté et pour trois d’entre elles (Guadeloupe, Martinique et La Réunion) une exposition importante aux risques sismiques en raison de la présence d’une activité volcanique ; ces quatre régions sont par ailleurs soumis à des conditions climatiques de type tropical ou équatorial et sont fréquemment victimes de catastrophes naturelles, séismes, cyclones ou inondations.

Du fait de ces particularités géographiques (insularité pour trois de ces régions et dimension avec une population concentrée sur une seule partie de son territoire pour la Guyane) et de l’absence de ressources pétrolifères propres, l’approvisionnement en pétrole brut ou en produits raffinés s’effectue exclusivement par la voie maritime.

b) Des marchés étroits

Comme le notait le rapport de l’IGF/IGA/CGIET « les caractéristiques spécifiques aux économies ultra-marines constituent des contraintes fortes au fonctionnement du marché des carburants », et « l’étroitesse du marché de consommation, en raison d’une faible population dans chacun des quatre DOM, se traduit par des niveaux de consommation également faibles ».

CONSOMMATION DES CARBURANTS EN 2008 DANS LES DOM (EN M3)

 

Martinique

Guadeloupe

Guyane

Ensemble

des DFA

Réunion

Ensemble DOM

Population

402 000

405 500

221 500

1 029 000

802 000

1 831 000

Supercarburant

141 032

135 441

31 516

307 989

151 745

459 734

Gazole routier

154 302

178 738

67 359

400 399

326 495

726 894

Carburants routiers

295 334

314 179

98 875

708 388

478 240

1 186 628

Source : rapport de l’IGF/IGA/CGIET

La consommation totale (supercarburant et gazole routier) des quatre départements d’outre-mer s’élève à environ 1,2 million de m3, pour une population totale de 1,8 million d’habitants. Afin de mieux apprécier le volume réel de ce marché dont l’ensemble des personnes auditionnées par la mission d’information a souligné l’étroitesse, il convient de rapporter ces chiffres à l’ensemble de la consommation et de la population française. Ainsi, la consommation totale des DOM représente approximativement 2,14 % de la consommation totale de la France (métropole et DOM), pour une population représentant 2,86 % de la population totale de la France.

Bien que la plupart de ces territoires partagent l’éloignement des sites d’exploitation des gisements de pétrole, il convient, s’agissant de leur approvisionnement en produits pétroliers, de distinguer la situation de La Réunion, d’une part, et, d’autre part, celle des départements français d’Amérique (Guadeloupe, Guyane et Martinique).

La Réunion ne dispose pas d’unité de raffinage. Elle s’approvisionne donc sur le marché de Singapour en produits raffinés aux normes européennes par l’intermédiaire de quatre importateurs (Société Réunionnaise de Produits pétroliers – SRPP –, Total-Réunion, Chevron-Texaco et Tamoil).

Les départements français d’Amérique s’approvisionnent, quant à eux, en produits raffinés auprès de la Société Anonyme de raffinerie des Antilles (SARA), petite unité de raffinage installée dans la baie du Lamentin en Martinique depuis 1971. Dès 1964, à l’instigation des pouvoirs publics (lettre du Premier ministre du 27 mai 1964) et sous l’impulsion du Général de Gaulle, plusieurs compagnies pétrolières Shell, Exxon et Texaco ainsi que Total et Elf – alors curieusement absentes des DFA, ont proposé un projet de construction d’une raffinerie et d’unités de stockage des produits pétroliers sur un site unique, instituant un système de mutualisation de l’ensemble des opérations encore en usage aujourd’hui. Il convenait, en effet, dans un contexte international fondamentalement différent de celui que nous connaissons maintenant :

– d’assurer la sécurité et l’indépendance des approvisionnements des départements français des Antilles (la production de produits raffinés n’était pas alors commercialisée en Guyane) en produits pétroliers en permettant de couvrir les besoins locaux en carburants et en combustibles pétroliers ;

– de garantir une capacité de stockage ;

– de créer un pôle de développement industriel et d’emplois qualifiés.

C’est dans ce contexte qu’est intervenu le lancement de la construction en Martinique de la SARA en 1969 à proximité de la rade de Fort de France ainsi que l’installation de capacités de stockage en Guadeloupe, dans la zone portuaire de Jary. La Martinique fut d’ailleurs choisie, à l’époque, comme l’a précisé M. Alfred MARIE-JEANNE, député et président du conseil régional de la Martinique, en raison d’une répartition, entre les deux départements antillais d’outils de développement local communs : la raffinerie en Martinique et les établissements de meunerie en Guadeloupe.

Il convient de rappeler ici, que cette unité simple de raffinage du pétrole, de type « hydroskimming » (distillation atmosphérique, reformage catalytique et hydrodésulfuration de distillats moyens) a été dimensionnée aux marchés antillais, ce qui en fait l’une des plus petites raffineries du monde.

Ce n’est qu’en 1982 que la SARA a repris en Guyane la gestion des dépôts de carburants de Degrad-des-Cannes. Puis, en raison de l’application à l’ensemble des départements français d’Amérique des normes européennes en matière de carburants, l’approvisionnement en carburants de ce département (voir infra).

2. L’application des normes européennes

Les départements d’outre-mer, appartiennent, au même titre que la métropole à l’espace communautaire, même s’ils sont considérés comme des régions ultrapériphériques. En conséquence, sauf dérogation, les directives et règlements européens s’y appliquent.

Ainsi, les règles et normes définies en matière de carburants pour satisfaire à des exigences environnementales, notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre, fixées par la directive carburants 98/70 CE sont applicables depuis le 1er janvier 2009 dans l’ensemble de ces départements.

Sans entrer dans le détail de l’évolution de la réglementation européenne visant à réduire les émissions des véhicules à moteur, il paraît souhaitable de procéder à un bref rappel historique.

Depuis la directive 70/220/CEE du Conseil du 20 mars 1970 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les émissions des véhicules à moteur, l’Union européenne a constamment cherché à améliorer la protection de la santé et de l’environnement à travers un renforcement de la réglementation en matière de normes applicables aux carburants.

C’est ainsi que dès 1975, ont été introduits des seuils maximaux concernant la teneur en soufre de certains carburants, seuils qui ont été depuis abaissés. La réglementation telle qu’elle découle de la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel, outre la teneur en souffre s’applique à d’autres paramètres, notamment l’émission des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), celle des oxydes d’azote, des composés organiques volatils, de dioxyde de carbone et les émission de particules fines (PM).

Une révision de la directive 98/70/CE a eu lieu entre 2007 et 2008 pour aboutir à une nouvelle directive, adoptée le 26 mars 2009, modifiant cette fois plusieurs paramètres et non plus uniquement la teneur en soufre qui est maintenue à son niveau antérieur (fixé par la directive 2003/17/CE).

Jusqu’à une période récente, les départements d’outre-mer, sur la base d’éléments collectés par les autorités françaises, bénéficiaient, en application d’une possibilité de mesures dérogatoires spécifiques aux régions ultrapériphériques, de dérogations accordées par la Commission européenne :

– autorisation de commercialiser de l’essence plombée jusqu’au 1er janvier 2005 pour les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion ;

– exemption des spécifications de la teneur en soufre de l’essence et du carburant diesel dans le département de la Réunion jusqu’au 1er janvier 2003.

La directive 2003/217/CE a exigé l’introduction sur le marché de carburants ayant une teneur en soufre égale ou inférieure à 10 ppm (10 parties par millions, soit l’équivalent de 10 grammes par tonne), à compter du 1er janvier 2005, sur une base géographique équilibrée. Sur ce point, à la demande de la France, une dérogation a été introduite pour les régions ultrapériphériques, valable jusqu’au 1er janvier 2009, date à laquelle la réglementation européenne s’applique intégralement à l’ensemble du territoire européen, y compris aux RUP.

Il convient toutefois de souligner qu’en Guyane, suite à une action en justice des concessionnaires de véhicules dont la motorisation conçue en application du respect des normes européennes souffrait de l’utilisation de carburants « non conformes » à ces normes, a conduit les distributeurs à s’approvisionner auprès de la SARA qui produisait des carburants « vertueux » dès 2007.

Enfin, la directive adoptée le 26 mars 2009 a conservé la possibilité de dérogation pour les régions ultrapériphériques. Au vu des éléments collectés par le ministère de l’Énergie, de l’environnement, du développement durable et de l’aménagement du territoire, lors de la négociation (qui suivait de peu la décision judiciaire applicable sur le territoire guyanais), il ressortait qu’une telle dérogation n’était pas nécessaire pour les carburants commercialisés dans les départements d’outre-mer :

– pour les DAF, car la SARA avait réalisé des travaux sur son unité de raffinage permettant de produire des carburants répondant aux exigences de la directive 98/70/CE révisée ;

– l’approvisionnement de la Réunion, dés lors qu’il était effectué à partir de raffineries situées à Singapour et en Australie, était conforme aux spécifications européennes.

B.— DES PRIX ADMINISTRÉS PAR LE PRÉFET

1. Les prix des produits pétroliers outre-mer sont fixés par le préfet

a) La nécessité d’une administration des prix des carburants et du gaz

L’article 1er de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, qui dispose que « les prix des biens produits et services […] sont librement déterminés par le jeu de la concurrence », a mis fin à l’administration des prix qu’avait connue la France en application de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945. Cependant, le même article 1er précise que « dans des secteurs ou des zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d’État peut réglementer les prix après consultation du Conseil de la concurrence ».

Dans son avis n° 88-A-04 du 16 mars 1988, le Conseil de la concurrence a considéré que le marché des produits pétroliers dans les quatre départements d’outre-mer était caractérisé par une concurrence limitée dans la mesure où « l’approvisionnement en produits pétroliers est assuré par une seule entreprise. Pour les DAF, la Société anonyme de raffinage des Antilles (SARA) qui contrôle à la fois les opérations en raffinerie, d’importation et de stockage ». De même à La Réunion, une seule entreprise – la Société Réunionnaise de Produits pétroliers (SRPP) – a le monopole de l’activité de stockage sur l’île et assure une part substantielle de la distribution. Le Conseil note en outre que, dans tous les cas, « l’absence de concurrence au stade des prix de gros limite la concurrence par les prix dans la distribution de détail ». En effet, l’étroitesse du marché limite le nombre de grossistes à quelques compagnies pétrolières entre lesquelles une entente aurait été aisée à mettre en œuvre.

Par conséquent, la libéralisation des prix des produits pétroliers dans les départements d’outre-mer aurait très probablement entraîné une forte hausse de ceux-ci, au détriment des populations et des entreprises locales.

C’est pourquoi les prix des produits pétroliers ont continué à être administrés dans les départements d’outre mer alors qu’ils étaient libéralisés en France métropolitaine. Les décrets n° 88-1044, 88-1045, 88-1046 et 88-1047 du 17 novembre 1988 (un décret par département d’outre-mer) ultérieurement modifiés et précisés par le décret n° 2003-1241 du 23 décembre 2003 (pour la Guadeloupe et la Martinique), ont confié au préfet de chaque département la responsabilité de fixer, par arrêté, les prix de ces produits, c'est-à-dire le supercarburant, le gazole, le butane, le pétrole lampant (2), le fioul domestique et le fioul lourd (3).

Le préfet ne fixe ainsi que les prix d’une liste limitée – d’ailleurs variable selon les départements – de produits pétroliers, et non ceux de l’intégralité des produits pétroliers du tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes. En particulier, les prix du carburéacteur sont librement déterminés par le jeu de la concurrence.

Il convient cependant de souligner que le décret n° 2003-1241 précité n’a modifié que les décrets n° 88-1046 et 88-1947 applicables à la Guadeloupe et à la Martinique, la Guyane et La Réunion continuant à relever du régime institué par les décrets n° 88-1044 et 88-1045, lesquels sont bien moins précis.

b) La détermination d’une structure de prix

C’est donc au Préfet qu’appartient la responsabilité, dans chacun des départements d’outre-mer, de fixer via un arrêté généralement trimestriel, le prix des carburants. Plus précisément, et la mission d’information tient à souligner ce point, le Préfet ne fixe qu’un prix maximal auquel les acteurs du marché, en particulier les distributeurs, peuvent déroger à la baisse. Mais cette faculté n’est jamais utilisée et le prix maximal s’impose dans les faits comme le prix de vente au détail. Le consommateur ultramarin n’a donc pas à se poser de question quant au prix que pratique telle ou telle station-service ; il est identique et elles se dispensent même de l’afficher de manière visible comme c’est le cas en métropole où les prix sont libres. La France, dans son ensemble, connaît depuis 1981 le prix unique du livre, les départements d’outre-mer expérimentent quant à eux le prix unique du litre.

C’est ainsi que dans les départements d’outre-mer, les automobilistes ont le choix de l’enseigne (sept en Guadeloupe, trois en Guyane, six en Martinique et cinq à La Réunion) ; mais la diversité n’est qu’apparence puisque la totalité des stations-service affichent en pratique les mêmes prix.

Cependant, les règles de fixation des prix ne sont pas les mêmes aux Antilles, en Guyane et à la Réunion, en raison de la présence, à la Martinique, d’une raffinerie – la SARA – qui dispose d’un monopole sur l’importation, le raffinage et le stockage du carburant à la fois pour Martinique et la Guadeloupe (et, depuis 2007, également pour la Guyane).

● Les règles applicables en Martinique et en Guadeloupe

Aux Antilles, la détermination du prix des produits pétroliers découle du décret n° 2003-1241, lequel fixe une formule très précise, adaptée à la spécificité de la Guadeloupe et de la Martinique qui s’approvisionnent en carburants exclusivement via la SARA. Ce décret a également modernisé l’approche de la régulation. En effet, en précisant que les prix administrés tiennent compte « des efforts de productivité » consentis par les entreprises de raffinage et de stockage, la régulation ne se borne plus à couvrir les coûts exposés par les entreprises concernées mais doit aussi les inciter à les réduire.

Le préfet fixe donc un prix maximum « hors taxes de sortie raffinerie, hors passage en dépôt » des produits pétroliers, modifié à chaque livraison de matières premières pour tenir compte, en proportion des quantités importées :

– du coût de la matière première importée, calculé en fonction des cotations de brut de référence (brent daté) et du cours moyen du dollar, sur une période de vingt jours comprenant les dix jours ouvrés et cotés précédant et suivant la date du connaissement maritime (4), c'est-à-dire le départ du navire ;

– du coût des produits finis et semi-finis importés (c'est-à-dire les carburants), calculé en fonction du cours des produits pétroliers sur l’un des marchés de référence de la zone Amérique et du cours du dollar à la date du connaissement maritime.

Ce prix maximum « hors taxes de sortie raffinerie, hors passage en dépôt » tient également compte, une fois l’an :

– de l’évolution des coûts de transport maritime et de logistique ;

– de l’évolution de la réglementation en matière de spécifications des produits, de sécurité et de protection de l’environnement ;

– des efforts de productivité consentis par la SARA ainsi que des variations justifiées de sa masse salariale.

Le prix maximum hors taxes de passage en dépôt est quant à lui modifié une fois l’an afin de tenir compte :

– d’une part, de l’évolution des coûts des entreprises chargées du stockage des produits pétroliers due, notamment, à l’évolution de la réglementation en matière de sécurité ;

– d’autre part, des efforts de productivité consentis par ces entreprises.

Enfin, le prix maximum de vente en gros et au détail, toutes taxes comprises, de produits pétroliers est modifié :

– à chaque variation des droits et taxes assis sur ces produits ;

– à chaque modification des autres prix de la structure susmentionnés ;

– une fois l’an, pour tenir compte, d’une part, de l’évolution des coûts de transport, de stockage et de distribution due, notamment, à l’évolution de la réglementation en matière de sécurité et de protection de l’environnement et, d’autre part, des efforts de productivité consentis par les grossistes et les détaillants.

● Les règles applicables à La Réunion

Les règles applicables à la Réunion sont plus simples dès lors qu’il n’y a pas de raffinerie sur l’île et que la totalité des carburants est importée directement depuis Singapour. Elles sont également bien moins précises que celles applicables en Guadeloupe et en Martinique puisque le décret n° 88-1045 du
17 novembre 1988  novembre e de fixer le prix de vente en gros et le prix de vente au détail (en francs) que le préfet modifie :

– en fonction de l’évolution du prix des produits importés et de la variation des droits et taxes assis sur ces produits ;

– une fois l’an, en fonction des variations justifiées des salaires et de tous autres éléments du prix de revient.

● Les règles applicables en Guyane

Le décret n° 88-1044 du 17 novembre 1988 applicable à la Guyane est aussi laconique que son équivalent réunionnais. Comme lui, il se contente de fixer en francs le prix de vente en gros et le prix de vente au détail des carburants, prix que le préfet modifie :

– en fonction de l’évolution du prix des produits importés et de la variation des droits et taxes assis sur ces produits ;

– une fois l’an, en fonction des variations justifiées des salaires et de tous autres éléments du prix de revient.

En revanche, afin de tenir compte de la géographie du territoire guyanais, le prix administré est majoré des frais de transport pour la distribution des carburants en dehors des grandes agglomérations que sont Cayenne, Kourou et Saint Laurent-du-Maroni. Ces frais sont également fixés par le préfet.

En définitive, les arrêtés de fixation du prix des carburants dans les départements d’outre-mer sont publiés tous les trois mois par le préfet après avis de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et la répression des fraudes (DRCCRF) avec, en annexe, un tableau détaillant les différents éléments qui composent la structure de prix et la part qu’ils représentent dans le prix total des carburants.

Cette structure de prix peut être présentée selon le schéma suivant :

2. Les prix des carburants outre-mer sont globalement proches de ceux de la métropole

a) Des droits et des taxes inférieurs à leurs équivalents en métropole

Les produits pétroliers ne sont pas soumis, comme en France métropolitaine, à la taxe intérieure de consommation des produits pétroliers (TIPP). De même la TVA ne leur est pas applicable. En revanche, ils supportent, en application de l’article 266 quater du code des douanes, une taxe spéciale de consommation (TSC) dont les taux sont fixés par chaque conseil régional et le produit versé au budget régional puis réparti avec le département et les communes.

Les taux de la TSC ne peuvent excéder les taux applicables en métropole aux mêmes carburants, soit :

– 63,96 €/hl pour le supercarburant ;

– 41,69 €/hl pour le gazole.

Les taux de la TSC s’établissent comme suit :

(En €/hl)

 

Supercarburant

Gazole

Guyane

63,96

41,69

Guadeloupe

49,937

28,09

Martinique

47,613

22,12

La Réunion

58,20

36,13

Par conséquent, les taux de la TSC dans les départements d’outre mer sont substantiellement inférieurs aux taux de TIPP en vigueur en France métropolitaine, à l’exception de la Guyane où ils sont équivalents.

Le produit de cette TSC peut différer selon les départements. A La Réunion, par exemple, il est affecté en totalité au FIRT (Fonds d’investissement pour les routes et le transport) puis réparti entre les collectivités territoriales.

Les produits pétroliers supportent en outre l’octroi de mer et l’octroi de mer régional (équivalents de la TVA pétrolière), dont les taux sont également fixés par les conseils régionaux. Ils sont affectés au budget des collectivités territoriales. Les taux de l’octroi de mer et de l’octroi de mer régional s’établissent comme suit :

 

Octroi de mer

Octroi de mer régional

 

Supercarburant

Gazole

supercarburant

Gazole

Guyane

4,5 %

4,5 %

2,5 %

2,5 %

Guadeloupe

5 %

5 %

2,5 %

2,5 %

Martinique

7 %

0

2,5 %

1,5 %

La Réunion

21 %

3 %

2 %

2 %

Le taux des octrois de mer applicable au gazole est ainsi systématiquement inférieur ou égal à celui applicable au supercarburant. En outre, la Réunion se distingue par un octroi de mer très élevé pour le supercarburant, justifié par d’importants investissements en matière d’infrastructures routières.

Le préfet n’a par conséquent aucune responsabilité dans la fixation des droits et taxes applicables aux produits pétroliers dans les départements d’outre-mer, lesquels sont, globalement et dans la totalité des cas (sauf en Guyane), inférieurs à leurs équivalents en France métropolitaine.

b) Des prix de détail globalement équivalents à ceux de la métropole

C’est un fait que les prix des carburants outre-mer ont toujours été plus ou moins équivalents à ceux en vigueur en métropole ces dernières années, un peu plus élevés pour le supercarburant, mais souvent très inférieurs pour le gazole, sauf en Guyane où les prix sont toujours supérieurs.

En effet, la relative faiblesse des taxes (TSC, octroi de mer et octroi de mer régional) par rapport à leurs équivalentes métropolitaines (TVA et TIPP) compense les surcoûts d’approvisionnement. Dans le cas particulier de la Guyane, où les taxes sont à leur maximum légal, ce département avait l’avantage de pouvoir s’approvisionner, jusqu’en 2007, non pas à la SARA mais à Trinidad où le « prix de sortie raffinerie » du carburant était bien plus bas, pour une qualité environnementale inférieure.

Au total, avant que la crise ne se déclenche à l’été 2008, dans un contexte de très forte hausse des prix du pétrole depuis un an, les prix des carburants dans les départements d’outre-mer et en métropole s’établissaient comme suit :

PRIX DE VENTE AU DÉTAIL DES PRODUITS PÉTROLIERS AU 1ER AOUT 2008

(En €/hl)

 

Guyane

Guadeloupe

Martinique

La Réunion

Métropole

Supercarburant

1,68

1,53

1,44

1,48

1,46

Gazole

1,47

1,33

1,14

1,18

1,37

Dans la période 2003-2008, le niveau moyen des prix des carburants dans les départements d’outre-mer n’a pas été supérieur au niveau moyen constaté en métropole. Plus précisément, les prix du gazole, carburant majoritairement consommé, ont plutôt été inférieurs alors que ceux des supercarburants ont été légèrement supérieurs comme le montre le tableau ci-dessous qui retrace l’écart moyen de prix entre ces départements et la métropole

Écart en
centimes par litre

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Moyenne non-pondérée

Moyenne pondérée

Gazole

0

- 12

+ 7,4

- 7,6

- 3

- 6,6

Supercarburants

+ 10

+ 5,7

+ 16,5

+ 8,6

+ 10,2

+ 8,5

Source : Autorité de la concurrence

La situation n’est complètement défavorable que pour la Guyane. Mais lorsque l’on pondère à partir des volumes consommés, les gains sur le gazole compensent les pertes sur les supercarburants. A l’exception de la Guyane, l’idée que les carburants sont plus chers dans les départements d’outre-mer qu’en métropole est une idée fausse.

Dans ces conditions, il faut considérer que la modération fiscale des conseils régionaux compense, au bénéfice des consommateurs ultramarins, le prix structurellement élevé des carburants. En revanche, lorsque les prix du pétrole augmentent brutalement, la faiblesse des taxes ne suffit plus à contrebalancer les surcoûts : la hausse des prix du pétrole les révèle alors dans toute leur ampleur et le prix à la pompe est porté à son niveau de métropole, voire bien au-delà ! C’est ce qui s’est passé à compter du deuxième semestre 2008.

II.— LES VARIATIONS BRUTALES DES PRIX DU PÉTROLE EN 2008 ONT RÉVÉLÉ LES DYSFONCTIONNEMENTS DU MARCHÉ DES CARBURANTS DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

En apparence, le système d’administration des prix dans les départements d’outre-mer semblait parfaitement fonctionner puisque, dans ces marchés contraints, où toute concurrence est jugée impossible, les prix des carburants et du gaz étaient globalement inférieurs (sauf en Guyane) à ceux de la métropole. Cependant, la hausse brutale puis la baisse rapide des prix du pétrole en 2008 ont démontré que les apparences étaient fausses : seule la fiscalité expliquait le niveau relatif des prix ; celle-ci n’ayant évidemment pas diminué puisque les besoins de financement des collectivités locales étaient identiques, les conséquences de la décision politique prise en 2007 de ne pas répercuter à la pompe les hausses du prix du baril ainsi que les dysfonctionnements, consécutifs à cette décision, du marché et du système d’administration des prix sont alors apparus, provoquant une grave crise politique et sociale dans ces départements.

A.— LA CHRONOLOGIE DE LA CRISE

Dès que l’on remet en cause son pouvoir d’achat, le consommateur ultramarin manifeste, comme le consommateur métropolitain, un fort mécontentement. Le prix des carburants, dans la mesure où l’automobile a conquis une place importante dans la vie quotidienne, cristallise l’attention du citoyen, par ailleurs automobiliste. Toute augmentation du prix des carburants, que ce soit dans les DOM comme en métropole, est aussitôt ressentie comme une atteinte, voire une amputation du pouvoir d’achat. Dans un monde médiatique, le consommateur est informé quotidiennement des variations des cours du pétrole. S’il accepte volontiers que les hausses du baril ne soient pas répercutées immédiatement à la pompe, il s’insurge facilement quand les baisses ne le sont pas.

La question du prix des carburants revêt une particulière acuité dans l’ensemble des DOM, même si les mouvements sociaux auxquels ils ont été confrontés, n’y ont pas tous eu la même ampleur qu’en Guadeloupe. Cette sensibilité spécifique s’explique par un niveau de vie moyen des habitants de ces départements inférieur à celui des métropolitains, d’où une importance plus grande du poste carburant dans le budget des ménages. De plus, les transports en commun n’y sont pas ou que très peu développés.

Successivement, les départements d’outre-mer ont été le théâtre de mouvements revendicatifs, parfois d’une extrême violence, dont l’élément déclencheur a été le prix considéré excessif des prix à la pompe des carburants.

Les causes de ces mouvements qui se sont propagés d’un département à l’autre, s’analysent aisément. En effet, alors qu’en métropole, les prix des carburants répercutaient la baisse brutale du baril, ils augmentaient sensiblement dans les départements ultramarins en raison de l’existence d’un décalage d’ajustement. Il est vrai que le système d’administration des prix des carburants dans les DOM, étroitement lié aux approvisionnements, ne présente pas la souplesse nécessaire à la répercussion rapide des cours du pétrole.

C’est à la Réunion, dès septembre 2008, que sont nées les premières protestations contre les tarifs élevés des carburants. Le mouvement s’est, par la suite, étendu à la Guyane en novembre, puis à la Guadeloupe et à la Martinique au début de l’année 2009. Il convient toutefois de souligner que le prix des carburants a constitué très probablement une sorte de catalyseur à une crise plus profonde portée par un ensemble de revendications d’ordre social et économique. Les récriminations initiales qui visaient essentiellement les prix des carburants se transformèrent progressivement en des manifestations contre « la vie chère » et la « profitation ».

En Guyane, par exemple, il paraissait difficilement compréhensible au consommateur de devoir acquitter 1,77 € par litre de supercarburant et 1,55 € par litre de gazole, alors que ces mêmes produits pétroliers coûtaient respectivement, à l’automne 2008, 1,18 € et 1,02 € le litre à l’automobiliste métropolitain.

S’il ne paraît pas indispensable de rappeler jour après jour le déroulement d’événements qui ont pu connaître des épisodes tragiques, il semble à tout le moins nécessaire de dire ici qu’ils ont été d’une ampleur et d’une durée jusque là inconnues, par la mobilisation forte des populations ultramarines.

Force est de constater que durant cette crise, les départements d’outre-mer ont connu, pour certains une situation quasi insurrectionnelle les condamnant à une quasi paralysie économique et sociale.

Pour tenter de sortir de cette crise, le Gouvernement et le Président de la République durent s’impliquer eux-mêmes dans les négociations. Le retour au calme ne fut rétabli qu’à partir du moment où le Gouvernement lança un vaste mouvement de concertation, notamment à travers l’institution d’états généraux de l’outre mer dont le périmètre dépasse le seul aspect des prix des produits pétroliers. Parallèlement, les préfets baissèrent, unilatéralement et contre toute logique économique à système de distribution constant, les prix des carburants, en fixant d’ailleurs des tarifs proches de ceux ayant cours en métropole et n’ayant plus aucun rapport avec la réalité économique.

B.— LA MISE AU JOUR DES DYSFONCTIONNEMENTS DU MARCHÉ DES CARBURANTS

Il faut reconnaître au système actuel d’administration des prix un mérite : depuis qu’il a été mis en place, jamais les départements d’outre-mer n’ont connu de ruptures dans l’approvisionnement en carburant (sauf, bien sûr, les ruptures volontaires liées aux grèves et blocages divers). La continuité de l’approvisionnement a donc été assurée. Mais à quel prix ! Sans la crise suscitée outre-mer par la non-répercussion à la baisse des prix des carburants, jamais la lumière n’aurait été faite sur les dysfonctionnements graves tant du marché des carburants et que du système d’administration des prix. Ce sont ces dysfonctionnements que la mission d’information s’est donnée pour objectif de révéler et, à partir du constat ainsi fait, d’analyser leur responsabilité dans le prix élevé des carburants dans les départements d’outre-mer.

1. La fixation du prix des carburants, caractérisée par l’absence de transparence, échappe largement au contrôle du préfet

a) La structure de prix s’impose dans une large mesure au Préfet

Si l’on en croit les textes et l’idée communément admise outre-mer, c’est au préfet qu’il appartient de fixer le prix des carburants et du gaz. Cependant, nombre d’éléments du prix de structure sont fixés soit par le marché (prix des carburants, du gaz ou du pétrole brut) soit par les collectivités territoriales et autres organismes publics (taxes des chambres de commerce et d’industrie, TSC, octroi de mer). Les prix des carburants échappent donc largement au contrôle du préfet qui se borne à fixer le prix de sortie raffinerie (pour la SARA), les droits de passage et la marge de distribution sans réellement piloter les deux premiers ni la répartition entre marge de gros et marge de détail de la seconde.

● Une influence très limitée sur le prix d’achat des carburants et du pétrole et le « prix de sortie raffinerie ».

En Guadeloupe, en Martinique et en Guyane (dès lors qu’elle s’approvisionne auprès de la SARA), le « prix de sortie raffinerie » de la SARA est déterminé, pour une large part, à partir d’éléments objectifs, détaillés dans le décret du 23 décembre 2003 précité, que sont, d’une part, l’évolution du coût des approvisionnements et, d’autre part, celle des autres facteurs de production (logistique, fret, masse salariale…).

S’agissant du prix du pétrole, celui-ci est calculé à partir de la moyenne des dix cotations du pétrole brut (Brent daté FOB) avant et après la date de chargement du navire, auquel s’ajoutent le premium (qui représente le surcoût découlant de la qualité demandée) et une commission de trading. L’évolution du coût de l’approvisionnement est donc totalement dépendante du prix du marché sur lequel le préfet n’a aucune influence. Il en va de même s’agissant des produits raffinés que la SARA est amenée à importer, lors d’arrêts techniques notamment, ceux-ci sont achetés sur le marché mondial au cours du jour.

En revanche, une négociation s’engage entre la SARA et l’État afin de déterminer la marge sur coûts variables de raffinage (MCVR) qui sert de base au calcul du « prix de sortie raffinerie ». Cette marge fait l’objet d’une négociation directe annuelle entre les responsables de la SARA et ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l’Économie, des finances et de l’emploi. Les services locaux, en particulier les DRCCRF sont bien évidemment consultés sur les propositions de la SARA, mais la décision est prise en réalité par le ministère des finances et s’impose dans les départements d’outre-mer.

En outre, on ne peut pas dire que le pilotage de cette marge ait été particulièrement efficace au cours des dernières années. Comme l’a relevé le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et du Conseil général des mines (CGM) sur la formation du prix des carburants, l’objectif de MCVR a été rarement atteint, dans un sens ou dans un autre, obligeant à des mouvements de balancier qui affectent directement un « prix de sortie raffinerie » de plus en plus déconnecté des prix constatés sur les marchés internationaux.

A la Réunion, il n’y a pas de prix de sortie raffinerie mais un prix d’achat des carburants et du gaz importé depuis les raffineries de Singapour. Cependant, comme dans les départements français d’Amérique, la marge du Préfet est nulle : le prix de l’approvisionnement est calculé à partir d’une formule comprenant le prix de marché à Singapour (moyenne calculée sur cinq jours autour du départ du bateau), le premium et la commission de négoce de 5$ par tonne laquelle rémunère la société de trading. Le Préfet ne peut qu’enregistrer les évolutions du marché.

● Le préfet enregistre tels quels dans la structure de prix les droits et taxes fixés par le conseil régional et la chambre de commerce et d’industrie

La fiscalité au sens large, c'est-à-dire la TSC, l’octroi de mer, l’octroi de mer régional et les droits des chambres de commerce et d’industrie, relèvent des conseils régionaux et des CCI régionales Elles s’imposent en tant que telles dans la structure de prix. Or, la seule fiscalité régionale représente une part considérable du prix des carburants, comme le montre le tableau suivant, même si elle est inférieure à celle de la métropole :

MONTANT DES TAXES DANS LE PRIX DES CARBURANTS AU 1ER DÉCEMBRE 2008

 

Guyane

Guadeloupe

Martinique

La Réunion

Métropole

% des taxes dans le prix de vente au détail du gazole

37,6 %

28 %

21,8 %

35,8 %

59,7 %

% des taxes dans le prix de vente au détail du supercarburant

47,4 %

40,5 %

40,9 %

50,8 %

72 %

Source : rapport IGF/IGA/CGIET

L’existence d’une fiscalité représentant entre 40 et 50 % du prix des carburants et, relevant de la seule compétence des collectivités territoriales et autres organismes publics, limite donc considérablement les marges de manœuvre du préfet.

● Marges de distribution : la foire d’empoigne

En pratique, la compétence du préfet en matière de fixation du prix des carburants et du gaz ne porte que sur les droits de passage et les marges de distribution, c'est-à-dire à la fois la marge de gros et la marge de détail. C’est somme toute logique puisque c’est au niveau de la distribution que l’absence de concurrence pourrait entraîner une entente sur les prix et les pousser à la hausse. Quant au stockage, une seule société, la SARA dans les départements français d’Amérique et la SRPP à La Réunion, détient le monopole de cette activité dont l’impact dans le prix des carburants est limité, comme le montre le tableau suivant.

DROITS DE PASSAGE DANS LA STRUCTURE DES PRIX DES CARBURANTS EN 2009 (€/HL)

 

Guyane

Réunion

Martinique

Guadeloupe

Gazole

6,35

2,095

3,353

3,353

Supercarburant

3,582

3,582

Source : arrêtés préfectoraux

Même en Guyane où ils sont pourtant trois fois plus élevés qu’à La Réunion, les droits de passage ne représentent guère plus de 5 % du prix des carburants et moins de 2 % dans les autres départements d’outre-mer.

En revanche, les marges de distribution représentent une part substantielle du prix des carburants, comme le montre le tableau suivant.

MARGES DE DISTRIBUTION DANS LA STRUCTURE DE PRIX
DES CARBURANTS EN 2009 (€/HL)

 

Guyane

La Réunion

Martinique

Guadeloupe

Marge de gros

Supercarburant

9,085

11,5

5,940

6,068

gazole

10

6,260

Marge de détail

10

10,649

9,08

12,584

Marge totale

19,085

20,92

15,02

18,652

Source : rapport IGF/IGA/CGIET

Si les marges de distribution font l’objet d’une véritable foire d’empoigne, c’est que le préfet a une réelle liberté pour accorder ou refuser l’augmentation de marge que lui réclament les distributeurs ou les gérants de stations-service. Alors qu’il refuse régulièrement l’augmentation de la marge de gros, la marge de détail est très régulièrement augmentée.

En effet, la fixation des prix des carburants n’est pas seulement un acte administratif mais également un acte politique et social dès lors qu’elle détermine les revenus de milliers de personnes dans les départements d’outre-mer. Dans ces conditions, le niveau de la marge de détail est le prétexte à de nombreux conflits avec les détaillants. Bien souvent, la hausse est la seule porte de sortie lorsque les détaillants baissent le rideau, paralysant en quelques jours des économies insulaires fortement dépendantes de l’automobile. La latitude de manœuvre du préfet en matière de marge de détail, si elle est réelle, ne joue en fait que dans un seul sens.

En outre, comme le prix maximal des carburants est un prix unique, forcément moyenné, certaines stations ne sont pas rentables et ne peuvent le devenir qu’en augmentant des prix qui sont fixes. C’est ainsi que la menace de fermeture des petites stations est agitée régulièrement par l’ensemble de la profession afin d’obtenir du préfet une revalorisation de la marge de détail applicable alors à toutes les stations-service y compris celles qui n’en ont nul besoin.

Or, si ces revalorisations de la marge de détail permettent la survie des stations les plus fragiles, elles bénéficient également aux stations les plus rentables dont les bénéfices augmentent encore, au détriment des consommateurs ultramarins. C’est le premier inconvénient du manque de souplesse du système d’administration des prix et de l’absence totale de la moindre concurrence par les prix.

Deuxième inconvénient, corollaire du premier, nombreux sont les gérants de stations-service qui, locataires, versent mensuellement un loyer et des redevances aux compagnies pétrolières propriétaires du fond de commerce. La tentation est donc grande, pour celles-ci, de capter une partie de la revalorisation de la marge obtenue par les détaillants, d’autant plus que leur propre marge a tendance à stagner.

Cette « remontée des marges » est même parfois institutionnalisée dans les contrats, c'est-à-dire que les redevances versées par le locataire-gérant augmentent mécaniquement lorsqu’augmente la marge de détail. Dans son avis précité, l’Autorité de la concurrence cite ainsi l’exemple du contrat d’une station-service guyanaise qui stipule que le distributeur recevra une redevance variable sur les carburants « égale à 0,8 centime par litre, soit 10 % de la marge-détaillant fixée par les autorités publiques ; en cas d’augmentation de la marge, la redevance évoluera de même ».

Les compagnies pétrolières peuvent également capter la marge des transporteurs routiers de carburants. Les représentants martiniquais de cette profession ont ainsi affirmé à la mission d’information que la hausse de 4,64 % de la marge de gros prévue par l’arrêté de juin 2008 était destinée à financer le transport, mais que les prix du transport n’ont pas été réévalués. Les compagnies pétrolières ont donc « empoché » la différence. Interrogée, la DRCCRF a indiqué être actuellement en train d’expertiser la question…

Par conséquent, sans toucher à la marge de gros, en augmentant la marge de détail, le préfet augmente aussi, via une remontée des recettes, les marges des grossistes. Ceux-ci ont peut-être fini par comprendre qu’il ne servait à rien de demander au préfet une augmentation de la marge de gros qu’il refuse quasi-systématiquement. Mieux vaut augmenter les redevances et les loyers pesant sur les locataire-gérants et laisser ceux-ci exiger une augmentation à due concurrence de leur marge de détail avec des moyens de pression autrement plus forts que ceux dont les grossistes disposent. Pour les compagnies pétrolières, le résultat est le même, mais pour le consommateur, c’est une hausse des prix de détail.

b) L’absence générale de transparence et de contrôle

Du point de vue juridique, les règles semblent clairement établies. Le préfet fixe le prix des carburants sur la base d’une structure de prix transparente, prenant en compte l’ensemble des coûts de la filière, de l’approvisionnement en brut à la marge de détail. Cependant, la transparence affichée cache mal l’opacité généralisée. Lorsque le prix des carburants a brutalement augmenté à partir de 2008, puis s’est maintenu à un niveau élevé malgré la baisse des cours, les tensions économiques et sociales en découlant ont été aggravées – voire suscitées – par la suspicion entourant l’élaboration des prix et les marges réelles des différents acteurs de la filière.

● Des textes inadaptés, voire non publiés

L’opacité commence avec les règles mêmes. A première vue clairement établies par des décrets dont la mission d’information a cependant relevé le laconisme, elles ont dû parfois, de ce fait, être précisées par des textes qui, bien qu’engageant l’État, n’ont jamais été publiés, demeurant ainsi ignorés de l’immense majorité de la population.

C’est ainsi que le décret n° 2003-1241 du 23 décembre 2003 précité a fait l’objet d’une circulaire ministérielle qui, pour des raisons inconnues, n’a jamais été signée ni publiée, mais appliquée ! Or, ladite circulaire est néanmoins appliquée pour la détermination du prix des carburants en Guadeloupe et en Martinique (et en Guyane depuis qu’elle s’approvisionne à la SARA), et fixe notamment une formule mathématique de variation du « prix de sortie raffinerie » (hors passage en dépôt) dont la mission d’information a pu apprécier l’apparente clarté :

TM n = TMn-1 + [(y Bn + (1 – y) Pn) – (y Bn-1 + (1 – y) Pn-1)]

De même, afin d’encadrer l’évolution des différentes marges à la Réunion, l’État a signé en 1998 avec les compagnies pétrolières, les détaillants et la SRPP un protocole d’accord qui s’est appliqué formellement jusqu’en 2002. La mission d’information, qui s’est fait communiquer ledit protocole, n’a rien à redire à des dispositions techniques que le laconisme du décret de 1988 avait probablement rendues nécessaires. Cependant, le fait qu’il n’a jamais été publié et qu’il a en outre continué à s’appliquer après 2002 n’a pu que renforcer la suspicion, au sein de la population, d’une collusion entre les services de l’État et les acteurs de la filière.

Enfin, bien que n’ayant pas été modifiée suite au changement d’approvisionnement découlant de l’application obligatoire des normes européennes en 2007, l’arrêté préfectoral du 11 juin 2004 est toujours applicable en Guyane. Il se réfère toujours, pour la fixation du prix des carburants importés, aux « cotations de référence afférentes à la zone Trinidad » alors qu’est désormais applicable le prix de sortie raffinerie de la SARA.

● La discrète négociation des marges

Au secret des règles s’ajoute également la discrétion qui entoure la négociation des marges. Loin de la transparence souhaitée, la fixation des prix des carburants repose sur une négociation directe et informelle entre les différents acteurs de la filière (gérants, compagnies pétrolières, SARA, transporteurs, stockeurs…) et la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DRCCRF), à la préfecture, voire à Paris dans le cas de la marge de raffinage de la SARA. Les seules fois où la population est prise à témoin de ces négociations sont les conflits qui éclatent périodiquement et dont elle se retrouve l’otage.

S’il est naturel qu’une négociation avec les acteurs économiques précède la fixation des prix, la mission d’information s’étonne toutefois qu’une question aussi sensible que le prix des carburants soit débattue dans le secret d’une enceinte administrative. Une telle opacité est propre à susciter tous les fantasmes et toutes les suspicions de collusion et d’entente qui ont largement pesé dans la crise de l’automne 2008. Pourtant, des organismes de concertation ou des interlocuteurs existent : observatoires des prix, fédérations professionnelles (MEDEF, CGPME) et associations de consommateurs dont la mission d’information a pu apprécier leur connaissance du sujet. Aucun d’entre eux n’a d’ailleurs jamais été consulté lors de l’élaboration de la structure de prix. Les citoyens comme les entreprises découvrent, sans avoir leur mot à dire, le jour de la publication de l’arrêté, le prix des carburants pour les trois prochains mois.

Il est vrai que les textes n’imposent aucune concertation préalable à l’adoption des arrêtés. Cependant, ce qui est vrai pour les citoyens et les entreprises l’est également pour les distributeurs et les gérants de stations-service. Ils sont pourtant étroitement consultés. On peut objecter qu’ils sont directement intéressés à la question du prix des carburants. Mais l’ensemble de la population et des acteurs économiques l’est également !

● Le difficile contrôle des DRCCRF

L’absence de transparence, c’est enfin la réelle difficulté, pour les services de l’État, d’assurer un contrôle efficace sur certains éléments de la structure de prix, jetant ainsi le doute sur le bien-fondé des marges pratiquées. Ces difficultés sont d’autant plus ardues à surmonter que ces services de l’État manquent cruellement, comme la mission a pu le constater, de moyens et de compétences. Ainsi en est-il du prix d’achat des carburants et du brut. Celui-ci est un mystère que malgré sa persévérance, la mission d’information n’a pu totalement éclaircir.

Le prix d’achat du pétrole brut et des carburants intégré dans la structure de prix est établi de manière incontestable par une formule reposant sur les cours mondiaux. Mais ce prix d’achat est en pratique le prix auquel ils sont facturés par les sociétés de trading, pas celui auquel elles l’ont réellement payé. Personne, à part les sociétés de trading intermédiaires pour le compte de la SARA et des importateurs réunionnais ne sait à quel prix les produits ont été acquis sur le marché international.

Il semble évident à la mission d’information qu’une marge est faite sur l’achat du carburant et du pétrole brut par les sociétés de trading dont c’est le rôle d’acheter moins cher que le marché ; mais personne n’a été en mesure de l’éclairer sur ce point. La raison en est la structure particulière des compagnies pétrolières qui s’organisent autour de fonctions dédiées à des filiales spécialisées, géographiquement et juridiquement autonomes les unes par rapport aux autres.

C’est ainsi qu’à la question du prix d’achat du carburant, les responsables de la SARA ou d’une filiale locale d’une compagnie pétrolière internationale ont renvoyé la mission d’information vers les sociétés de trading, installées à Dubaï, Houston ou ailleurs et avec lesquelles ils n’ont d’autres contacts que la facture que celles-ci leur adressent et qu’ils n’auraient pas les moyens – pas plus que la DRCCRF si elle en avait l’intention – de contrôler.

Pour le reste, les DRCCRF se font communiquer, dans chaque département, l’ensemble des éléments nécessaires à la fixation des marges de stockage et de distribution. Cependant, sans remettre en cause la compétence et le sérieux des personnels maintenus dans ces directions, la mission d’information a toutes les raisons de douter qu’elles aient les moyens de contrôler et d’expertiser réellement ceux-ci. Les paramètres sont si nombreux, si instables et l’asymétrie d’information est telle avec les acteurs de la filière que le contrôle ne peut être que superficiel, d’autant plus que bien souvent, un seul agent est chargé de la régulation du secteur des carburants.

Ce manque de moyens explique probablement pourquoi les droits de passage dans les stocks de la SARA et de la SRPP, non seulement ne baissent jamais, mais semblent fixés pour l’éternité. En effet, comme le relève le rapport IGF/IGA/CGIET, à La Réunion, il est révisé annuellement en fonction de l’évolution de l’indice INSEE des prix des services, aux Antilles, il n’a pas bougé depuis 2003 et en Guyane, où il est particulièrement élevé, il est inchangé depuis 2000… Or, les investissements comptent pour une large part dans le niveau des droits de passage et la mission d’information a quelques difficultés à croire que certains n’ont pas été amortis au cours de cette période. Mais encore faut-il avoir le temps d’analyser précisément la comptabilité des entreprises concernées et de calculer l’impact des investissements et des dotations aux amortissements sur les droits de passage…

Enfin, les DRCCRF ne pratiquent pas le contrôle d’opportunité et ne peuvent légalement le pratiquer. Elles jugent à partir des éléments dont elles ont connaissance et ne s’interrogent pas sur la possibilité d’avoir un prix plus bas. Pour justifier ses coûts de transport, la compagnie pétrolière présente les factures de son transporteur routier (si elle a externalisé le transport terrestre de carburant) et celles de son armateur pour son approvisionnement. Il n’entre pas dans les attributions des DRCCRF ni même du préfet de juger du prix payé. Il leur appartient seulement de vérifier, dans la mesure du possible, que la marge demandée se justifie par des coûts réellement exposés.

Dès lors que c’est le consommateur qui paie et que les éventuels surcoûts sont intégrés dans la structure de prix, il n’y a aucune raison de rechercher le prix le plus bas ni de faire des gains de productivité, alors même que le décret de 2003 impose qu’elle tienne compte de ceux-ci. D’ailleurs, comment les services de l’État pourraient-il réellement mesurer les gains de productivité possibles ? Le contrôle des DRCCRF s’apparente ainsi au contrôle de légalité en matière administrative. Il faut que les règles aient été respectées et les justifications produites. Le reste n’est pas de sa compétence.

2. La position dominante des compagnies pétrolières

a) Une position dominante et une organisation opaque

● La coopération étroite entre les grandes compagnies pétrolières

Certes des plus grandes compagnies pétrolières internationales (majors) ont des filiales dans les départements d’outre-mer, dont elles dominent totalement le marché des carburants. L’organisation de ce marché a cependant évolué récemment dans deux sens contradictoires :

– d’une part, un indépendant français – Rubis – a repris en 2007 le réseau de stations-service de Shell en Martinique et en Guadeloupe et un groupe libyen – Tamoil  – a repris la même année le réseau d’Exxon-Mobil à La Réunion, réduisant ainsi le poids des majors sur le marché des carburants des départements d’outre-mer ;

– d’autre part, en rachetant Elf-Aquitaine en 1999, le groupe Total est non seulement entré au capital de la SRPP mais il a accru une emprise historiquement très forte sur ce marché, comme le montre le tableau suivant :

NOMBRE ET RÉPARTITION DES STATIONS SERVICE PROPRIÉTÉS DES GROUPES PÉTROLIERS OU EN CONTRAT D’EXCLUSIVITÉ AU 1ER JANVIER 2009

 

Martinique

Guadeloupe

Guyane

La Réunion

Ensemble

% des stations

Total (et Elf)

42

49

12

58

161

43,3 %

Texaco-Chevron

10

10

8

34

62

16,6 %

Rubis-Vito

19

22

9

-

50

13,4 %

Exxon-Mobil

15

15

-

-

30

8,1 %

Tamoil

-

-

-

28

28

7,5 %

Shell

-

-

-

27

27

7,3 %

Autres (1)

2

12

-

-

14

3,8 %

Ensemble

88

108

29

147

372

100 %

(1) Sont regroupés dans cette catégorie WIPCO, CAP et GPC

Source : Autorité de la concurrence

Présent dans les quatre départements, le groupe Total y contrôle plus de 43 % des stations-service et pèse quasiment autant que ses quatre principaux concurrents réunis. Les quatre majors contrôlent ainsi ensemble près de 75 % des canaux de distribution des carburants.

Le terme de « concurrents » n’est cependant pas tout à fait pertinent, à la fois parce que les prix sont administrés – supprimant toute concurrence par les prix – et parce que la coopération entre les grandes compagnies pétrolières est étroite (5) ; en effet, en raison de la taille réduite du marché des carburants dans les départements d’outre-mer, celles-ci ont mutualisé un certain nombre d’activités afin de dégager des économies d’échelle. C’est ainsi qu’au-delà de leur personnalité juridique distincte, il faut considérer qu’un monopole de fait s’exerce à la fois sur l’approvisionnement, le transport, le raffinage et le stockage :

– l’approvisionnement en pétrole brut, en produits raffinés ou semi-raffinés aux Antilles, en Guyane et à La Réunion est mutualisé pour l’ensemble du marché. La SARA utilise les sociétés de trading de ses quatre actionnaires (Total, Rubis, Texaco-Chevron et Exxon), à tour de rôle, pour rechercher les produits répondant à ses spécifications techniques ; de même, à La Réunion, les quatre importateurs (SRPP, Total, Chevron-Texaco et Tamoil) confient à la société de trading de l’un d’entre eux l’approvisionnement en produits pétroliers pour l’ensemble du marché depuis Singapour ;

– de même, afin de transporter les produits pétroliers jusqu’à La Réunion et de la SARA à la Guyane, chaque ligne (Singapour – Le Port, Martinique – Guyane) dispose d’un seul et même navire, spécialement dédié et exploité exclusivement pour l’approvisionnement de chacun de ces marchés. De plus, s’agissant de la Réunion, où les importateurs sont à la fois les affréteurs et les distributeurs, le coût est directement partagé entre eux au prorata des volumes de carburants qu’ils ont acquis. L’affrètement est mutualisé et organisé par les départements Shipping des compagnies pétrolières ;

– la SARA raffine le pétrole brut pour l’ensemble des compagnies pétrolières présentes aux Antilles et en Guyane, y compris les distributeurs indépendants que sont Wipco, CAP et GPC. En raison des faibles volumes consommés sur ces marchés, ces sociétés indépendantes éprouvent de réelles difficultés à s’approvisionner directement sur le marché spot ;

– le stockage, enfin, constitue un monopole tant dans les départements français d’Amérique qu’à La Réunion ; la SARA est la seule à disposer d’installations de stockage en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane ; de même, la SRPP dispose des seules cuves de la Réunion. En revanche, si la SARA reste propriétaire des produits stockés dans ses cuves qu’elle vend aux distributeurs, la SRPP n’assure que le stockage de carburants dont les propriétaires sont les importateurs-distributeurs.

Dans tous les cas, le monopole est naturel et résulte des spécificités du marché des carburants dans les départements d’outre-mer. La mutualisation de l’approvisionnement, du transport, du raffinage et du stockage est le système le moins coûteux pour l’ensemble des acteurs. Il serait en effet peu rentable de multiplier les canaux d’approvisionnement avec des navires de faible capacité ; de même, les fortes contraintes d’entrée sur l’activité de stockage interdit à chaque opérateur de construire ses propres cuves.

Les liens contractuels entre compagnies pétrolières se doublent de nombreux liens capitalistiques, à travers des filiales communes souvent dominées par Total, lequel est l’acteur majeur de la filière pétrolière dans les départements d’outre-mer, comme le montre le schéma ci-après.

Un tel enchevêtrement de relations, outre qu’il est difficilement compréhensible pour l’observateur extérieur qui pourrait à juste titre le considérer avec suspicion, aurait pour objet, selon l’un des responsables auditionnés par la mission d’information, de « limiter la responsabilité juridique de chacune des entités ». Il réduit ainsi considérablement l’information dont disposent les responsables des filiales locales des compagnies pétrolières et leur permet de justifier de leur ignorance lorsqu’ils sont interrogés, par exemple, sur le prix d’achat du carburant (qui relèvent des sociétés de trading) ou le transport de celui-ci (à la charge des départements shipping).

● Le difficile développement des distributeurs indépendants

Si les compagnies pétrolières internationales présentes dans les départements d’outre-mer coopèrent entre elles – parfois jusqu’à l’entente illégale (6) – il n’en va pas de même avec les distributeurs locaux de carburants qui tentent de se développer depuis quelques années aux Antilles, les marchés guyanais et réunionnais restant la chasse gardée des majors. Ceux-ci sont au nombre de trois – WIPCO (7), CAP (8) et GPC (9) – et s’appuient sur des groupes locaux souvent implantés de longue date en Guadeloupe et en Martinique.

Ces trois distributeurs occupent une place encore marginale sur les marchés guadeloupéen et martiniquais, comme le montre le tableau suivant.

 

Martinique

Guadeloupe

Ensemble

% des stations

Total

42

49

91

46,4%

Rubis

19

22

41

20,9 %

Exxon-Mobil

15

15

30

15,3 %

Texaco-Chevron

10

10

20

10,3 %

WIPCO

1

5

6

3 %

CAP

1

6

7

3,6 %

GPC

-

1

1

0,5 %

Ensemble

88

108

196

100 %

Source : Autorité de la concurrence

La mission d’information a rencontré les responsables de ces nouveaux distributeurs, qui se sont regroupés afin de mieux résister aux compagnies pétrolières ; ils ont en effet dénoncé vigoureusement l’action des majors et en particulier de la SARA qui, cherchant à verrouiller le marché antillais, entraverait considérablement leur développement.

Pour se développer sur un marché contraint, ils n’ont souvent d’autres possibilités que de convaincre les propriétaires-gérants de signer avec eux un nouveau contrat d’approvisionnement exclusif ; or, à les entendre, Total n’a reculé devant rien pour les en dissuader, allant jusqu’à faire poser des scellés sur les cuves qu’un propriétaire voulait racheter, l’obligeant à les faire enlever par huissier de justice. Plus insidieusement, les compagnies pétrolières actionnaires de la SARA auraient, selon les mêmes responsables, multiplié les gestes commerciaux vis-à-vis des propriétaires gérants – dont le consommateur n’a bien entendu jamais profité. Ces largesses sont rendues financièrement possibles du fait des bénéfices dégagés sur le raffinage et sur les locataires-gérants.

La mission d’information n’a pas à se prononcer sur la véracité de ces faits évoqués devant elle. Il appartiendra à l’Autorité de la concurrence, saisie d’une plainte de WIPCO et de CAP, de les vérifier et de sanctionner, le cas échéant, les responsables.

Maltraités selon eux par les compagnies pétrolières, les distributeurs indépendants sont également mal vus des gérants, notamment en Guadeloupe qui constitue leur principale zone de développement. Les gérants estiment en effet que la Guadeloupe est d’ores et déjà saturée de stations-service et que les multiplier, alors même que stagne la consommation de carburants, ne pourrait que réduire la rentabilité de chacune d’entre elles. Ces gérants ont ainsi obtenu du secrétaire d’État à l’Outre-mer, M. Yves JEGO, de subordonner la création de toute nouvelle station à l’autorisation d’une commission sui generis qui, dans le contexte local, ne peut que favoriser le gel de leur nombre alors même que de nouveaux besoins pourraient apparaître. Bien que consciente du fait que le marché guadeloupéen des carburants n’est pas infiniment extensible, la mission d’information ne peut qu’être critique face à une restriction supplémentaire de concurrence sur un marché où elle est déjà quasi-inexistante.

Elle estime au contraire que l’arrivée de nouveaux distributeurs sur le marché antillais ne peut qu’être favorable aux consommateurs et qu’ils doivent pouvoir se développer librement dans le respect des règles de la concurrence.

Les gérants reprochent également aux distributeurs indépendants, le fait qu’ils encourageraient les entreprises, notamment dans le secteur du transport et du BTP, à installer des cuves privées. L’avantage qu’ils retirent des cuves privées est en effet évident : ils peuvent les approvisionner directement et, ainsi, réduire leur prix à due concurrence de la marge de détail. Les gérants s’élèvent contre ce qu’ils considèrent comme de la concurrence déloyale qui, en outre, soulève de réelles questions de sécurité s’agissant de la qualité et de l’entretien de ces cuves que personne ne recense ni ne contrôle mais qui pourraient représenter jusqu’à 20 % du marché des carburants aux Antilles.

Cependant, si la mission d’information est consciente des problèmes de sécurité qu’entraîne la multiplication des cuves privées, elle ne peut manquer de relever le caractère contradictoire du discours des gérants guadeloupéens qui ont évoqué la possibilité de baisser le rideau de leurs stations-service s’ils n’obtenaient pas leur interdiction. Or, ce sont justement les mouvements sociaux incessants frappant la distribution au détail de carburants qui poussent les entreprises à assurer la régularité de leur approvisionnement via des cuves privées.

b) Les relations complexes entre les gérants et les compagnies pétrolières

Après avoir analysé le fonctionnement de la distribution de gros, la mission d’information s’est intéressée à la distribution au détail des carburants et aux relations complexes entre les gérants de stations-service et les compagnies pétrolières : complexes parce qu’il est difficile d’y voir clair dans des relations couvertes par le secret professionnel. En outre, les contrats qui lient les gérants avec leur fournisseur sont très différents les uns des autres et il est malaisé de dresser un tableau exhaustif d’une accumulation de situations individuelles. Enfin, la population des gérants de stations-service présente par un clivage majeur qui interdit de la considérer comme homogène (propriétaires ou locataires).

Lors de ses déplacements outre-mer, la mission d’information a rencontré les représentants des gérants de stations-service dont l’audition lui a permis de mieux appréhender la réalité des relations entre les gérants et les distributeurs. Elle est désormais convaincue que la marge de détail porte, bien plus que la marge de gros, une lourde responsabilité dans la hausse continue des prix des carburants dans ces départements.

● Le modèle économique de la station-service outre-mer

Le modèle économique de la distribution au détail de carburant outre-mer diffère sur plusieurs points du modèle métropolitain :

– la sous-traitance de la distribution au détail par les compagnies pétrolières. Outre-mer, les compagnies pétrolières sous-traitent l’intégralité de la distribution au détail des carburants à des gérants. Les compagnies concluent des contrats d’approvisionnement exclusif avec les propriétaires-gérants ou possèdent des stations-service qu’elles louent à des locataires-gérants. Tous les matériels (cuves, pompes, locaux, installation de lavage, gonflage des pneus…) sont fournis par les compagnies pétrolières qui se chargent également de l’entretien de ceux-ci en échange du loyer et/ou de redevances versés par le locataire-gérant qui supporte également l’entière responsabilité en cas d’accident de pistolet ou de mauvais entretien des pistes et des cuves. Corollaire de ce modèle de la mise en gérance généralisée des stations-service, les filiales locales des compagnies pétrolières se composent de quelques dizaines de salariés, voire moins, essentiellement concentrés au siège ;

– le développement d’une activité « boutique ». Les marges sur l’activité de distribution de carburants et de gaz, fixées par le Préfet, sont relativement faibles ; il est rare qu’elles dépassent 10 % ; en revanche, les marges sur l’activité boutique peuvent être élevées, jusqu’à attendre 40 % sur certains produits, notamment alimentaires. C’est pourquoi les gérants sont fortement incités à développer, à côté de leur activité principale de distributeur de carburants, une activité boutique. Les stations-service, qui bénéficient d’une large amplitude horaire, sont ainsi dans les départements d’outre-mer des « lieux de vie » et considérées comme tels. L’Autorité de la concurrence estime que les boutiques brassent un chiffre d’affaires allant de 100 000 euros pour les plus petites à plus d’un million d’euros pour les plus grandes qui fonctionnent comme des superettes ;

– l’emploi de nombreux salariés. Contrairement aux stations-service métropolitaines qui ont automatisé leurs pompes, les pompistes sont encore présents en nombre outre-mer afin d’assurer un service de qualité aux clients ; en effet, dès lors que la concurrence ne peut s’exercer par les prix et que les stations se trouvent toutes dans un périmètre réduit, en particulier en ville, la différence ne peut se faire que sur le service, la propreté et la qualité de l’accueil ; les emplois de pompistes s’ajoutant à ceux de la boutique, les stations-service représentent au total plusieurs milliers d’emplois dans les départements d’outre mer et, de fait, les charges salariales jusqu’à 60 % de la marge de détail d’une station-service (qui emploie en moyenne entre 5 et 10 salariés et jusqu’à 20 pour les grosses stations) ;

– une syndicalisation très forte : en nombre très réduit et se connaissant tous, les gérants se sont depuis longtemps regroupés dans un syndicat pour faire face aux compagnies pétrolières et peser sur le préfet à qui revient la charge de fixer la marge de détail. La quasi-totalité sinon la totalité (comme à la Réunion) des gérants en sont membres et ses mots d’ordre sont généralement respectés. Lorsque les gérants décident d’engager le bras de fer avec l’État, c’est l’intégralité ou presque des stations-service qui peuvent être simultanément fermées. En outre, les pompistes eux-mêmes sont syndiqués (à l’UGTG en Guadeloupe) et font pression sur les gérants pour obtenir des avantages salariaux comme une convention collective (en Guadeloupe encore) dont le surcoût est directement intégré dans la structure de prix via la marge de détail et pèse donc sur les automobilistes...

● La confortable « rente » des propriétaires-gérants

Les propriétaires-gérants de stations-service – qui possèdent le fonds de commerce – ne sont pas à proprement parler des détaillants indépendants. Tous sont liés, par des contrats à long terme (souvent de dix ans) d’approvisionnement exclusif à un distributeur dont ils affichent l’enseigne dans leur station-service.

La répartition en termes de nombre d’exploitants entre les locataires-gérants et les propriétaires-gérants s’établit comme suit.

 

Locataires-gérants

Propriétaires-gérants

Total

Martinique……………. .

74

14

88

Guadeloupe……………..

89

19

108

Guyane………………….

21

8

29

LaRéunion………………

108

39

147

Total ……………………

292

80

372

Total en %.....................

78,5%

21,5%

100%

Source : Autorité de la concurrence

Les gérants propriétaires de leur fonds de commerce, qui représentent environ un cinquième des gérants de stations-service outre-mer, sont plus ou moins nombreux selon les départements. Ils représentent ainsi plus d’un tiers des gérants à La Réunion mais seulement 19 % à la Martinique. La Réunion compte ainsi quasiment autant de stations indépendantes que l’ensemble Antilles-Guyane. Le nombre de propriétaires-gérants est également variable selon les enseignes. Sur la zone Antilles-Guyane, par exemple, la moitié des stations Total sont gérées par des indépendants alors qu’Exxon-Mobil possède la totalité de ses trente stations.

Les propriétaires-gérants sont, globalement, dans une situation très favorable, bien plus favorable que les locataires-gérants. En effet, agissant sur un marché où la concurrence par les prix est inexistante et la clientèle captive, ils bénéficient à plein d’un système où la marge de détail est identique quelle que soit la forme juridique de la station-service. Or, contrairement au locataire-gérant, un propriétaire-gérant ne verse pas – par définition – de loyer ni de redevances à son grossiste auquel il se contente d’acheter ses produits. En revanche, les investissements et l’entretien sont à sa charge. Malgré tout, sa marge est souvent bien plus élevée puisqu’il ne subit pas de « remontée de recettes » via les redevances (voir supra).

Bien plus, dans un marché contraint, où le foncier est rare et où tous les bons emplacements sont déjà occupés, le seul moyen pour un grossiste de se développer est d’intégrer toujours plus de stations indépendantes dans son réseau via des contrats d’exclusivité. Non seulement les propriétaires-gérants ne paient ni loyer ni redevance à leur distributeur, mais ceux-ci leur accordent en plus des avantages que n’ont pas les locataires-gérants qui peuvent, globalement, s’élever à plusieurs dizaines de milliers d’euros par an et par station :

– nombreuses sont les stations indépendantes qui bénéficient d’un rabais sur les prix de gros des carburants, justifié notamment par les économies réalisées par le grossiste qui ne supporte pas le coût de certains gros investissements ni les charges d’entretien ;

– dans certains cas, ces rabais sont payés intégralement en début de contrat, sorte de « golden hello » bien connu de certains chefs d’entreprise et qui constitue un avantage de trésorerie appréciable ;

– enfin, quelques contrats contiendraient également des clauses favorables comme la livraison gratuite du carburant ou des prêts sans intérêt lorsque le propriétaire-gérant souhaite rénover sa station-service.

L’avis de l’Autorité de la concurrence donne une idée des montants des remises versées par les fournisseurs : entre 20 000 euros pour les plus basses et 75 600 euros pour les plus élevées. Cependant, rien ne dit que celles-ci soient d’un montant strictement égal aux investissements effectués par le propriétaire ; le bon sens conduit à penser que c’est le « prix de la fidélité ». D’ailleurs, certains contrats désignent explicitement ces remises par les termes « primes d’exclusivité », ce qui les apparente à des marges arrières qui ne sont jamais restituées au consommateur puisque les prix de détail sont interprétés comme un prix unique.

En outre, les stations-service exploitées par des propriétaires-gérants bénéficient d’une structure de bilan favorable. En effet, les immobilisations sont totalement amorties, les dettes payées et la trésorerie abondante, souvent de plusieurs centaines de milliers d’euros comme a pu le constater l’Autorité de la concurrence.

Il est cependant difficile de connaître la rémunération réelle des propriétaires de stations-service. Selon l’Autorité de la concurrence, la majorité des rémunérations annuelles des propriétaires-gérants sont comprises entre 40 000 et 50 000 €, avec des extrêmes à 30 000 € et 101 000 € brut et en 2007. Cependant, le salaire qu’ils se versent ne constitue qu’une partie – parfois minoritaire – de leur rémunération totale. En effet, ceux-ci, outre leur salaire, se distribuent les bénéfices. L’Autorité de la concurrence cite ainsi l’exemple d’un gérant majoritaire d’une station-service qui a touché, en 2007, 48 000 € au titre de salaire mais a réalisé un bénéfice net de 73 900 € en 2004, 107 800 € en 2006 et 33 700 € en 2007, en raison d’une charge exceptionnelle de 65 000 €. Le revenu moyen de ce propriétaire-gérant atteint donc 120 000 €. De plus, les stations-service étant souvent gérés par des familles, à cette rémunération du gérant s’ajoutent ceux du conjoint et/ou des enfants.

● La situation plus difficile des locataires-gérants

Alors que les propriétaires-gérants reçoivent, en contrepartie du contrat d’exclusivité, des remises et autres avantages de leur grossiste, les locataires-gérants leur versent – par définition – un loyer qui, selon les mots de l’un d’entre eux, s’apparente dans certains cas à un « mille-feuille » :

– un loyer fixe ;

– une redevance variable, exprimé en €/m3, sur les volumes de carburants vendus (exigible ou non à partir d’un certain seuil) ;

– une redevance variable sur le chiffre d’affaires des installations de lavage des véhicules (lorsqu’elles existent) ;

– une redevance sur le chiffre d’affaires de la boutique, dont le taux varie selon les produits vendus. Par conséquent, même lorsque les stations-service vendent des cartes téléphoniques, des journaux ou des produits alimentaires, les compagnies pétrolières touchent leur pourcentage.

Cependant, les loyers et les redevances sont très variables selon les enseignes, dans leur montant bien sûr, mais également dans leur forme (variable ou forfaitaire). De plus, ils varient selon l’ancienneté des contrats, les plus anciens se contentant parfois d’un loyer fixe complété d’une simple clause d’indexation.

Ces redevances et loyers ne constituent pas forcément des recettes nettes pour les compagnies pétrolières mais des recettes brutes qui servent en partie à couvrir les loyers versés aux propriétaires des terrains ou des immeubles où sont implantées certaines stations-service. Cependant, l’augmentation très forte de ces redevances au cours des deux dernières années montre que ce ne sont pas les charges que supportent les grossistes qui expliquent une telle hausse mais, plus probablement, une « remontée des recettes » (voir supra) :

Redevances payées
par les détaillants

2006

2007

Augmentation 2006/2007

2008

Augmentation 2007/2008

Antilles-Guyane………

7,570 M€

7,897 M€

+ 4,3%

8,590 M€

+ 8,8%

Réunion……………….

6,247 M€

6,837 M€

+ 9,4%

7,717 M€

+ 12,9%

Source : Autorité de la concurrence

Ni les propriétaires-gérants ni les locataires-gérants n’étant salariés des compagnies pétrolières, qui leur délèguent totalement la distribution au détail des carburants, la mission d’information s’est interrogée sur la plus-value réellement apportée par les compagnies pétrolières et la justification de leur marge. Celles-ci l’ont justifiée par le coût de distribution des carburants aux détaillants, par les frais de personnel du siège ainsi que diverses actions de formation qu’elles ont soutenu organiser.

Sur ce point, la mission d’information a cependant quelques doutes. En Guyane, Total mène certes des formations mais elles sont à la charge du gérant. Chez Rubis-Vito, le gérant est bien formé mais c’est à lui, ensuite, de former ses pompistes. De même, l’entretien des stations-service (pompes, climatisation, compresseur, cuves…) est le plus souvent mis à la charge du gérant alors même que les matériels appartiennent aux distributeurs et que des prestataires leur sont souvent imposés.

Dans un système où les prix sont fixes et les marges identiques, le montant de ces redevances pèse fortement sur la rentabilité des stations-service. Les locataires-gérants – qui sont à la merci d’un non-renouvellement de leur contrat – ne pouvant s’opposer efficacement aux compagnies pétrolières, se retournent vers le préfet afin d’obtenir une augmentation de la marge de détail. Face à la menace d’une fermeture simultanée de toutes les stations du département, celui-ci n’a souvent pas d’autre choix que de céder. En conséquence, plus les compagnies pétrolières rognent la marge des détaillants, plus celle-ci augmente en valeur absolue afin de préserver, au moins partiellement, la rémunération des locataires-gérants. Dans ce système, tant les grossistes que les détaillants peuvent trouver leur compte, et bien plus encore les propriétaires-gérants qui se comportent en « passagers clandestins », mais au détriment, une fois de plus, des consommateurs ultramarins.

C’est ainsi que la marge de détail a connu une très forte augmentation depuis 2001, beaucoup plus forte que la marge de gros (sauf à la Réunion, voir infra les spécificités de ce département), comme le montre le tableau suivant :

(En centimes/litre)

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

2001……………………

7,93

7,47

6,2

6,71

2002……………………

8,23

8,08

8

7,83

2003……………………

9,38

9,08

9

8,37

2005…………………..

9,88

9,08

9

9,04

2007…………………..

12,58

9,08

9

10,54

2009……………………

12,58

9,08

10

10,76

Variation 2001/2009….

+ 58%

+ 21%

+ 61%

+ 60%

Source : Autorité de la concurrence

La Martinique se distingue par une hausse très limitée de la marge de détail. Depuis 2003, en effet, les détaillants ont préféré à une hausse de celle-ci obtenir, à l’instar de leurs homologues guadeloupéens, l’application de l’accord interprofessionnel pétrolier (AIP) qui leur garantit, à leur cessation d’activité, une prime substantielle d’environ 100 000 euros. Cette prime a finalement été accordée en 2008 et s’est traduite par une nouvelle ligne de 0,6854 €/hl dans la structure de prix des carburants, payée une fois de plus par le consommateur.

En conclusion, la mission d’information constate les dysfonctionnements tant du marché des carburants que du système d’administration des prix. Le préfet n’est pas en mesure de contrôler la plupart des éléments de la structure des prix et pour la seule part qui relève de sa pleine compétence – la marge de distribution – il est soumis à des pressions telles qu’il ne peut s’en sortir que par des revalorisations sans fin de la marge de détail. Or, par le biais des relations financières croisées entre détaillants et grossistes, ces derniers captent une partie de la revalorisation ; de même les propriétaires-gérants profitent d’une marge unique.

Le manque de souplesse d’un système opaque et incontrôlable, dominé par des compagnies pétrolières toutes liées entre elles et verrouillant le marché, explique pour une large part le fait que les coûts de distribution soient, outre-mer, deux fois plus élevés qu’en métropole.

III.— LES SPÉCIFICITÉS LOCALES ONT AGGRAVÉ LA HAUSSE
DES PRIX ET LES DYSFONCTIONNEMENTS DU MARCHÉ
DES CARBURANTS

Vu de métropole, il est courant de considérer l’outre-mer comme un ensemble homogène ; cependant, l’homogénéité des structures administratives, identiques par ailleurs à celles de la métropole, ne doit pas masquer l’extraordinaire diversité de ces territoires, diversité qu’il est nécessaire de prendre en compte pour développer une analyse correcte de la situation de chacun d’entre eux. C’est pourquoi, à des dysfonctionnements du marché des carburants et du système d’administration des prix qui sont communs aux quatre départements d’outre-mer, s’ajoutent des spécificités locales qui concourent également au prix élevé des carburants et expliquent notamment pourquoi la crise liée à celui-ci a pu connaître une intensité plus forte en Guyane qu’ailleurs.

A.— LA RÉUNION

1. Le cas de la Société réunionnaise de produits pétroliers (SRPP) : une rentabilité très élevée malgré une dégradation en 2008

Installée à La Réunion depuis 1955, la Société réunionnaise de produits pétroliers est une société anonyme détenue à 50 % par Total France et à 50 % par Shell International Petroleum Company.

La SRPP exerce cinq types d’activité :

– l’importation de carburants et de gaz butane  via les sociétés de trading des compagnies pétrolières (dont celles de ses deux actionnaires) ;

– la réception des carburants et du gaz butane sur ses terminaux depuis deux navires spécialement dédiés : le Tamarin (pétrolier) et le Maïdo (butanier) ;

– le stockage des carburants et du gaz butane dans ses installations du Port, dont la capacité est de 250 000 mètres cubes répartis sur trois cuves séparées ; la SRPP dispose ainsi de la quasi-totalité des capacités de stockage de carburant de la Réunion (10) et, à ce titre, est responsable des stocks stratégiques (le niveau de 73 jours est atteint). Cependant, chaque distributeur de carburant et de gaz reste propriétaire des produits qu’il a importés ;

– le remplissage des bouteilles de gaz pour l’ensemble des sociétés de distribution (soit environ 1,6 million de bouteilles par an) ;

– la distribution de carburants, de gaz et de lubrifiants via son propre réseau de distribution (sous les enseignes Elf et Shell).

Fort de cette diversification, le chiffre d’affaires de la SRPP a connu une croissance régulière depuis 1999, passant de 150 millions d’euros à
262 millions d’euros en 2008, comme le montre le graphique suivant.

Cependant, le cumul de ces activités place la SRPP dans une position singulière. Elle est à la fois le partenaire obligé de l’ensemble des distributeurs de carburants de l’île – puisqu’elle dispose d’un monopole de fait sur le stockage des carburants – et un concurrent de ceux-ci puisqu’elle dispose d’un réseau de distribution de 52 stations-service (sur 148) exploitées sous les marques Shell et Elf (dont 12 en location-gérance).

La position particulière de la SRPP n’a pas été sans susciter des soupçons, relayés auprès de la mission d’information par divers intervenants, sur les éventuels abus que cette société ferait de son monopole de fait, s’assurant ainsi une rente confortable – par des droits de passage et de stockage plus élevés que nécessaires – au détriment des distributeurs et, in fine, des consommateurs de gaz et de carburants. En outre, la société ayant plusieurs activités, des financements croisés entre le monopole qu’est le stockage et la distribution de carburants via des investissements communs sont tout à fait possibles.

La SRPP se défend en invoquant le fait que les droits de passage sont validés chaque année par la DRCCRF, laquelle se contente, en pratique, d’appliquer auxdits droits l’indice INSEE du prix des services....

Afin de vérifier la véracité de ces allégations, la mission d’information, qui a naturellement auditionné les responsables de la SRPP (son président, M. Ahmed ABZIZI, et son Directeur général, M. Daniel WERNERT), a demandé à se faire communiquer l’ensemble de sa comptabilité pour les exercices 1999 à 2008. Si les bilans et les comptes de résultats ont bien été transmis, elle n’a pu obtenir de la SRPP qu’elle lui transmette également sa comptabilité analytique, lui interdisant donc de vérifier la ventilation des charges, des produits et du résultat entre les différentes activités.

La mission d’information a constaté que la rentabilité de la SRPP reste à un niveau très élevé malgré une dégradation continue de celle-ci depuis 2006, comme le montre le graphique suivant.

Le rapport IGF/IGA/CGIET a été publié en mars 2009, soit avant l’arrêté des comptes de l’exercice 2008. Ses auteurs ne disposaient donc que du résultat de l’année 2007 – 13,42 millions d’euros – qui équivalait effectivement à une rentabilité financière très confortable de 21 %. Cependant, l’année 2008 fut moins favorable à la SRPP, qui a enregistré une chute de son bénéfice de moitié
– à 6,73 millions d’euros – et de sa rentabilité financière à 11,6 %. Les raisons en sont la comptabilisation de 26 millions d’euros d’investissement.

Cependant, même si elle s’est récemment dégradée, la rentabilité financière de la SRPP, appréciée sur longue période, est exceptionnelle, comme le montre le diagramme suivant :

Depuis 1999, la SRPP a donc dégagé une rentabilité sur capitaux investis annuelle moyenne d’environ 28 %.

Enfin, la mission d’information s’interroge sur le comportement de la SRPP s’agissant des nouvelles installations portuaires de la ville du Port. Le chenal ne pouvait en effet accueillir que des navires de moins de 50 000 tonnes. La SRPP a estimé souhaitable qu’à l’avenir, il puisse être emprunté par des pétroliers de 80 000 tonnes. Le chenal a donc été approfondi et de nouveaux quais ont été construits, spécialement dédiés au déchargement du carburant et du gaz, désormais séparés des quais affectés aux navires de commerce.

Or, pour être opérationnels, il est nécessaire qu’un pipeline les relie aux cuves de la SRPP situées de l’autre coté de la ville. Pour des raisons de sécurité et de réduction de l’emprise foncière, la CCI qui gère les installations portuaires a demandé que le pipeline soit sous-marin. En revanche, la SRPP lui préfère un tracé terrestre. Personne n’ayant fléchi, le pipeline n’a pas été construit et les nouveaux quais sont inutilisés. Les conséquences sont cependant limitées, au moins pour la SRPP qui a validé, avec les autres importateurs, l’affrètement d’un navire, le Tamarin, qui charge 45 000 tonnes, qu’il n’est pas prévu de remplacer avant une dizaine d’années…

2. La marge de gros : l’effet de périmètre ne doit pas masquer
la confortable rentabilité des distributeurs

La mission d’information s’est donnée comme objectif de faire toute la transparence sur la formation du prix des carburants et du gaz dans les départements d’outre-mer. A ce titre, il lui appartient de pointer les dysfonctionnements de ces marchés, les marges excessives de certaines entreprises et les défaillances du mécanisme d’administration des prix.

Mais faire toute la transparence implique également de s’interroger sur certaines rumeurs relatives aux marges excessives que certains acteurs feraient « sur le dos » des consommateurs réunionnais. Ces rumeurs sont d’autant plus insistantes qu’elles sont parfois étayées par un rapport officiel, comme celui de l’Autorité de la concurrence. Celui-ci souligne en effet, sans plus de précision, la singularité de la marge de gros à La Réunion, non seulement la plus élevée en valeur absolue des départements d’outre-mer mais également celle qui a connu la plus forte progression depuis 2001, comme le montre le tableau suivant :

(En centimes/litre)

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

2001……………………

5.03

5,18

8,1

5,1

2002……………………

5.79

5,35

8,1

5,2

2003……………………

5.79

5,85

8,1

8,1

2005…………………..

5.79

5,85

9,1

8,3

2007…………………..

5,79

5,85

9,1

9,6

2009……………………

6,07

6,12

9,1

10,1

Variation 2001/2009….

+ 21%

+ 18%

+ 12%

+ 98%

Source : Autorité de la concurrence

La Réunion se singularise donc par une marge de gros qui a quasiment doublé depuis 2001 alors qu’aux Antilles et en Guyane, elle a connu une évolution beaucoup plus modeste, globalement la même que celle de l’indice des prix des services qui est leur indice de référence.

La mission d’information s’est donc rapprochée de la DRCCRF réunionnaise afin de comprendre les raisons d’une telle explosion. Il lui a ainsi été confirmé que le brusque ressaut de la marge de gros en 2003 résultait d’un changement de périmètre de celle-ci. En effet, à l’expiration en novembre 2002 du protocole signé en 1998 entre l’État, les grossistes, les détaillants et la SRPP et visant à encadrer l’évolution de leurs marges, la DRCCRF a simplifié la structure de prix en intégrant dans la marge de gros des éléments qui, dans le protocole, lui étaient distincts. C’est ainsi que la « nouvelle » marge de gros calculée à compter de 2003 intègre désormais les frais financiers, le transport routier et les investissements exceptionnels des compagnies pétrolières.

Or, si ces éléments avaient été intégrés dans la marge de gros en 2002, celle-ci se serait élevée non plus à 5,2 ct/l mais à environ 8 ct/l. A partir de ce nouveau chiffre, l’évolution de la marge de gros entre 2001 et 2009 s’établit à environ 25 %, évolution toujours supérieure à celle des autres départements d’outre-mer mais bien moins que les 98 % mis en avant par le rapport.

Il n’en reste pas moins qu’à 10,1 ct/l, la marge de gros actuelle à la Réunion est la plus importante de l’ensemble des départements d’outre-mer et son rythme de progression le plus rapide. Il n’est donc pas étonnant que l’Autorité de la concurrence ait découvert que les taux de marge des distributeurs en gros de carburants à la Réunion soient plus élevés qu’ailleurs, comme le montre le tableau suivant.

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Marge de gros réglementée……….

6,07

6,12

9,1

10,1

Taux de marge commerciale……...

7 à 11 %

7 à 11 %

nc

10 à 15 %

Résultat courant/CA………………

2 à 4 %

2 à 4 %

nc

3 à 8 %

Résultat net/CA…………………..

1 à 3 %

1 à 3 %

nc

2 à 5 %

Source : Autorité de la concurrence

Afin de faire toute la lumière sur la rentabilité des distributeurs de carburants à la Réunion, la mission d’information s’est fait communiquer les comptes de la société Total-Réunion qui, avec 40 % des stations-service, domine largement le marché réunionnais.

Total-Réunion a connu, depuis 2002, une très forte et régulière augmentation de son chiffre d’affaires (sauf en 2007) qui a quasiment doublé, passant de 95,942 millions d’euros à 188,801 millions d’euros en six ans, comme le montre le graphique suivant :

S’agissant plus précisément de la rentabilité de Total-Réunion, l’activité de distribution de carburants dans ce département d’outre-mer est, certes, rentable, mais moins que certains ont pu le prétendre, comme le montre le graphique suivant :

Les brusques variations du résultat net résultent, à la baisse, des dotations exceptionnelles aux amortissements et de provisions (2,354 millions d’euros en 2004 et 4,783 millions d’euros en 2005) et, à la hausse, par la reprise en résultat de provisions constituées antérieurement (4,04 millions d’euros en 2006).

La rentabilité financière, qui mesure le rapport entre le résultat net et les capitaux investis – c'est-à-dire concrètement la rémunération de l’actionnaire, est encore plus pertinente :

De l’analyse des comptes de Total-Réunion, la mission d’information conclut que cette société est, certes, rentable, mais que sa rentabilité n’a rien d’excessive eu égard à la norme de retour sur investissement que les actionnaires exigent couramment pour un groupe coté comme Total, puisque, même en incluant la rentabilité exceptionnelle de 2006 résultant de la reprise de provisions antérieurement constituées, la rentabilité financière s’est élevée, en moyenne entre 2002 et 2007, à 15,8 %. En effet, c’est en tout cas bien moins que la SRPP qui, depuis dix ans, sauf en 2000, a toujours dégagé une rentabilité sur capitaux investis supérieure à 20 % (et même de près de 30% entre 2002 et 2008).

En outre, en raison de la décision du préfet d’abaisser le prix de vente du carburant en dessous de son prix de structure et d’en faire porter la charge aux compagnies pétrolières, Total-Réunion a été lourdement déficitaire en 2008 (11) puisque ses pertes atteignent 3,948 millions d’euros contre un bénéfice de
2,754 millions d’euros en 2007 et de 7,357 millions d’euros en 2006, soit une rentabilité financière négative de plus de 30 %. En d’autres termes, si le groupe Total a dégagé en 2008 un bénéfice net (part du groupe) de 10,59 milliards d’euros, la contribution de Total-Réunion à celui-ci fut négative.

B.— LES DÉPARTEMENTS FRANÇAIS D’AMÉRIQUE

1. L’épineuse question des stocks stratégiques

Dès la fin de la première guerre mondiale, le caractère stratégique des produits pétroliers a conduit les autorités françaises à imposer aux opérateurs (principalement les compagnies pétrolières) la détention de stocks de réserves pour parer, outre les besoins des armées, aux conséquences d’une pénurie d’une source d’énergie polyvalente indispensable à l’économie. S’agissant d’une réglementation nationale, elle s’applique naturellement, après adaptation, aux départements d’outre-mer.

a) La réglementation

Décidée unilatéralement au niveau national dès 1925, la réglementation relative aux stocks stratégiques est désormais mise en application dans un cadre international, depuis 1968 au sein de la CEE et depuis 1974 pour les pays membres de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) (12).

L’importance des produits pétroliers, leur impact en matière de sécurité publique et d’indépendance nationale, a conduit le législateur en 1992, dans le cadre de la refonte du régime pétrolier, à intégrer les engagements précités pour édicter de nouvelles règles en matière de stocks (loi n° 92-1443 du
31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier). Les stocks stratégiques concernent le fioul, le gazole, le supercarburant et le carburéacteur. Les stocks intermédiaires de pétrole avant raffinage peuvent être décomptés pour atteindre les volumes fixés.

Le régime national prévoit deux types d’obligations, l’une pour les stocks stratégiques situés en France métropolitaine, l’autre applicable à la France d’outre-mer et aux collectivités territoriales. Les obligations nationales de la France au regard de la réglementation européenne sont globalement atteintes, par mutualisation des stocks sur l’ensemble du territoire français (métropole et DOM).

– s’agissant de la métropole, l’obligation de chaque opérateur agréé (distributeur acquittant les droits de douanes) est de détenir 27 % du volume mis à la consommation l’année civile précédente. Cette obligation est réalisée pour partie (56 % ou 90 %, au choix de l’opérateur) par le Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP), moyennant le paiement d’une redevance, le solde étant garanti avec des stocks en propriété ou mis à disposition par l’opérateur. Le CPSSP fait réaliser en partie ses stocks par la Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS), le solde de ses quotas étant réalisés par des mises à disposition de capacités de stockage par les opérateurs ;

- s’agissant des départements d’outre-mer, pour tenir compte des infrastructures limitées, l’obligation a été réduite à 20 % (soit 73 jours) des mises à la consommation réalisées sur le territoire dans les douze derniers mois. La répartition est différente de celle de la métropole, en effet les obligations sont assurées pour moitié par les opérateurs, par le CPSSP pour l’autre moitié. Pour des raisons obscures et difficilement explicables, la SAGESS est étonnamment absente des DOM. De ce fait, pour couvrir ses obligations, le CPSSP a donc recours exclusivement aux contrats de mise à disposition des volumes disponibles dans les cuves des entreprises de stockage, moyennant une contribution financière, acquittée par le CPSSP.

Les dispositions particulières concernant les DOM sont définies dans l’arrêté du 13 décembre 1993 qui complètent celles prévues par le décret
n° 91-131 du 29 janvier 1993, désormais codifiées dans le code de la défense.

Les opérateurs (CPSSP et compagnies pétrolières) sont tenus de déclarer mensuellement la situation de leurs stocks et les mises à la consommation réalisées. Ces déclarations sont adressées aux directeurs régionaux de l’industrie et de la recherche. Des sanctions sont prévues en cas de manquement au respect des obligations. Il appartient au préfet de saisir la direction centrale ayant en charge les questions énergétiques (direction de l’énergie du MEDDAD). La sanction est arrêtée par le ministre chargé des hydrocarbures.

b) La situation des stocks stratégiques dans les départements d’outre-mer

Il ressort des dispositions susmentionnées que les stocks stratégiques dans les départements d’outre-mer devraient s’élever à 20 % de la mise à la consommation, soit 73 jours de stocks. La situation en 2008 au regard de cette obligation est assez contrastée selon les départements.

En application de l’article 13 de l’arrêté du 13 décembre 1993 précité, l’obligation de stockage doit être exécutée sur le territoire du département d’outre-mer où a lieu la mise à la consommation ou la livraison de l’avitaillement des aéronefs. Toutefois, pour le respect des obligations par les opérateurs pétroliers d’outre-mer, et pour la part qui leur incombe directement, les départements de la Guadeloupe et de la Martinique sont considérés comme un même territoire.

Si les obligations peuvent être considérées comme globalement respectées à la Réunion, il n’en va pas de même dans les trois départements français d’Amérique. Que ce soit pour la zone « Antilles » (Guadeloupe et Martinique) comme pour la Guyane, le niveau des stocks stratégiques reste, dans le meilleur des cas, inférieur à 50 jours de consommation, niveau se situant environ d’un tiers en dessous des obligations devant être respectées par les opérateurs.

Bien que la réglementation prévoit des sanctions en cas de non respect des obligations, il est étrange qu’à ce jour aucune procédure de ce genre n’ait jamais été engagée contre les opérateurs ! Selon les informations recueillies, cette absence de réaction des pouvoirs publics trouverait son explication dans la responsabilité partagée des compagnies pétrolières et du CPSSP dans la mise en œuvre des obligations. En effet, la SAGESS n’intervenant pas pour le compte du CPSSP dans les DOM, celui-ci a recours aux capacités de stockage de la SARA, pour le compte des compagnies pétrolières. L’État considère donc, que les compagnies pétrolières remplissent leurs obligations et que le manquement est, par voie de conséquence, imputable au seul CPSSP, considéré comme un organisme chargé d’une mission d’intérêt public, alors que la réglementation prévoit une répartition moitié - moitié des obligations. Il apparaît pour le moins indispensable qu’en respect de ses obligations contractuelles, la SAGESS soit présente dans les DFA au même titre que sa présence en métropole.

2. La Martinique, le cas de la SARA

Comme dans l’ensemble des départements d’outre-mer et sans doute plus que dans les autres DOM, le pétrole et les carburants tiennent en Martinique une place importante dans la vie des martiniquais et dans la vie économique du département. Entre la Martinique et la Société Anonyme de la Raffinerie des Antilles (SARA), il s’agit d’une déjà longue histoire, dans laquelle les acteurs, étroitement liés, constituent une sorte de vieux couple. Ils ont, certes, du mal à vivre ensemble mais toute forme de séparation aurait des conséquences fâcheuses pour chacun d’eux.

a) La SARA : une société héritière de son histoire liée à l’indépendance énergétique nationale

L’implantation d’une activité de raffinage aux Antilles a été décidée il y a maintenant quarante années, dans un contexte géostratégique et géopolitique fondamentalement différent de celui que connaît le monde aujourd’hui.

C’est effectivement dans un contexte international de guerre froide, en 1969, que, sous l’impulsion du général de Gaulle, soucieux d’assurer les conditions d’une indépendance énergétique des Antilles françaises, la SARA a été créée. Le général de Gaulle souhaitait notamment renforcer la présence nationale par l’implantation sur le sol Antillais de compagnies pétrolières françaises (ELF et Total). L’approvisionnement des Antilles françaises et de la Guyane dépendait en effet de sociétés étrangères (Esso, Shell et Texaco).

La création de la Société Anonyme de la raffinerie des Antilles répondait donc à une double motivation, à la fois politique et stratégique.

Pour assurer et permettre la présence des groupes pétroliers français aux Antilles, il convenait de constituer une structure industrielle originale dans laquelle les deux compagnies françaises participeraient au capital, sans pour autant léser les intérêts des sociétés étrangères qui avaient, jusqu’alors approvisionné le marché local. Cette particularité originelle explique, aujourd’hui encore, la répartition du capital de la SARA. A ce jour, le capital de la SARA est réparti entre quatre actionnaires : Total 50 % ; Rubis 24 % ; Exxon-Mobil 14,50 % et Chevron-Texaco 11,50 % (Total s’étant substitué à Elf lors de la fusion des deux sociétés et Shell qui souhaitait se retirer ayant cédé ses parts à Rubis).

Le choix de la Martinique répondait également à la volonté de mettre en place un outil important en faveur du développement économique local, que ce soit lors de la phase de construction de la raffinerie et de l’unité de stockage sur le site du Lamentin, comme après sa mise en route, en raison des nombreux emplois directs et indirects, notamment qualifiés, indispensables à son fonctionnement. Il convenait, en effet, que cet outil offre à la population martiniquaise des débouchés en matière d’emploi, tout en favorisant la croissance économique d’un département à la recherche d’industries.

Rien d’étonnant donc, dans ces conditions que lors des événements de l’automne et de l’hiver derniers, la SARA, élément central de la chaîne pétrolière dans les départements français d’Amérique, ait constitué un abcès de fixation du mécontentement des populations ultramarines et la cible des critiques face à la flambée des prix des carburants.

Force est de reconnaître que la complexité de l’organisation de la chaîne des produits pétroliers (structure intégrée en interaction et complexifiée par la présence au capital de trois grandes compagnies et d’un distributeur) et l’opacité qui entoure le mode de fixation des prix des carburants aient concouru à désigner la SARA, pièce centrale du dispositif ayant pour actionnaires les compagnies pétrolières à la fois fournisseurs et clients, comme le bouc émissaire, responsable à elle seule des hausses considérables subies.

Ce phénomène se trouve alimenté par le fait que la SARA a dégagé, en moyenne depuis 2000 un résultat net moyen de 13,2 millions d’euros et selon les chiffres qui ont été communiqués à la Mission, une rentabilité de 7 % sur la même période.

Les résultats nets de l’entreprise sur la période 2000 à 2008 sont retracés dans le tableau suivant :

Selon le groupe Total, « L’évolution du chiffre d’affaires de la SARA n’a qu’une signification limitée. En effet, la valeur ajoutée est faible et l’évolution du chiffre d’affaires est directement liée à l’évolution du cours du pétrole. En 2005 et 2006, le résultat net s’est élevé à environ 10 millions d’euros, à 54 millions en 2007 et le résultat 2008 fait apparaître une perte d’environ 1 million d’euros ». Toutefois, une analyse des résultats de l’entreprise permet de mesurer, eu égard aux variations importantes, l’inadaptation de la formule de fixation des prix qui répercute, avec un décalage important, les évolutions, à la hausse, comme à la baisse, des cours du pétrole, y compris dans la comptabilité de la SARA.

La rentabilité se situe aux alentours d’une moyenne annuelle de 7 %, chiffre non négligeable, bien qu’inférieur semble-t-il à celui enregistré dans ce secteur d’activité. Le retour sur investissement au profit des actionnaires a atteint, en 2007 le taux exceptionnel de 21 %, alors que, dans un même temps, les populations antillaise et guyanaise voyaient l’emploi se dégrader et leur pouvoir d’achat stagner, voire baisser du fait notamment de l’augmentation des prix des carburants.

Il convient ici de noter que plusieurs personnes auditionnées ont indiqué que cette rentabilité moyenne était inférieure à la rentabilité fixée tacitement avec les pouvoirs publics à 12 %. Or, ces propos n’ont pas été démentis, mais il n’a pas été possible à la mission d’information de déterminer par qui et quand cet accord tacite avait été conclu ! Il est vraisemblable que cette décision politique ait été motivée par la volonté de ne pas léser les compagnies étrangères et d’attirer les compagnies nationales lors de la création de la SARA.

Compte tenu de la gravité des événements qui ont affecté les départements d’outre-mer, la mission d’information s’interroge sur la pertinence actuelle d’un tel accord tacite et sur sa pérennisation, qui paraît peu compatible avec les règles du marché. Dans un contexte économique et social tendu, l’application de cet accord concourt inévitablement à entretenir, voire renforcer, le sentiment de « profitation » qui entoure le prix des carburants dans les trois départements approvisionnés par la SARA.

b) La SARA un acteur économique, social et sociétal de la vie non seulement Martiniquaise mais des trois départements français d’Amérique

Par l’implantation de son activité principale en Martinique, la SARA est avant tout impliquée dans la vie quotidienne des Martiniquais. Toutefois, étant également présente en Guadeloupe et en Guyane, elle constitue un acteur important, voire majeur, de la vie locale dans la zone Antilles - Guyane.

La SARA a un effectif de 270 employés sur les trois départements : une quarantaine de collaborateurs sur les sites de Guadeloupe et de Guyane, l’ensemble des autres salariés est affecté en Martinique. Il convient de noter que cette présence sur les trois départements permet aux salariés d’avoir une mobilité géographique interne, sans pour autant trop s’éloigner de leur département d’origine, particularité d’autant plus importante que l’entreprise recrute et forme principalement ses salariés localement. Au 28 février 2009, les effectifs de la SARA se répartissaient de la façon suivante :

Ingénieurs et cadres 

43

Contremaîtres et experts

32

Techniciens supérieurs

61

Techniciens

77

Ouvriers, employés et agents techniques

57

Outre ces emplois directs, l’entreprise génère par les multiples sociétés dont elle induit l’activité près de 330 emplois indirects, car la SARA effectue 50 % de ses achats auprès de prestataires locaux et de fournisseurs ayant une forte implantation locale. C’est ainsi qu’en 2008, elle comptait 330 fournisseurs en Martinique, pour un montant d’achats d’environ 12,2 millions d’euros ; 130 fournisseurs en Guadeloupe, pour des achats se montant globalement à 3,5 millions d’euros ; 100 fournisseurs en Guyane, pour un montant de
1,6 million d’euros. La SARA a recours aux entreprises locales dans une large gamme d’activités : gardiennage, transitaire, entretien de locaux et d’espaces verts, hôtellerie, intérim, nettoyage industriel, mécanique, électricité, port autonome, produits chimiques …

Par sa présence elle assure également une contribution importante aux ressources des collectivités locales. Pour l’ensemble de l’année 2008, elle a acquitté prés de 9,260 millions d’euros d’impôts locaux, de taxes et de redevances : 3,53 millions de taxes professionnels ; 2,44 millions de taxes foncières ; 1,30 million de droit de port ; 0,49 million de redevances, 1,50 million de cotisations à l’Organic.

Par ailleurs le montant de ses investissements (non liés directement à la production) dans les trois départements français d’Amérique au cours des dix dernières années s’est élevé à total de près de 168,6 millions d’euros.

(En millions d’euros)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

5,5

6,9

15,6

8,3

4,1

12,6

30,2

44

26,3

15,1

Enfin, la SARA a un fort engagement sociétal dans la vie quotidienne des populations guadeloupéenne, guyanaise et martiniquaise. Elle s’implique notamment dans le mécénat, le parrainage sportif et culturel, notamment dans le secteur de l’éducation et de l’emploi par l’accueil de stagiaires, de visites scolaires et l’attribution de bourses et de prix d’excellence en faveur des élèves méritants.

c) La SARA, importateur, raffineur, stockeur et, temporairement collecteur d’huiles usagées

Bien que l’essentiel de son activité soit exercée sur le territoire de la Martinique, la SARA constitue le point de passage des approvisionnements en hydrocarbures de l’ensemble de la zone Antilles-Guyane. A tour de rôle, chacun des ses quatre actionnaires achète, pour le compte de la société, du brut que la SARA raffine. Elle revend ensuite aux distributeurs de gros les produits finis en fonction de leurs parts de marché, à l’exception du fuel lourd, résidu du raffinage.

S’agissant de ce marché particulier, Esso (enseigne de EXXON MOBIL) est le partenaire du contrat passé avec EDF seul utilisateur du fuel lourd dans ses centrales thermiques. Bien qu’une parte des approvisionnements, environ le tiers soit assuré par Vitol, courtier helvetico-néerlandais en pétrole basé à Rotterdam,  le paiement est effectué intégralement au profit d’Esso. Le prix de ce produit est calculé par référence aux cotations du fuel sur le marché de New York et comprend, outre le prix du fioul, le premium correspondant à la marge de la SARA augmentée de la redevance pour usage de l’oléoduc reliant la SARA à EDF et de la marge de Esso. Bien qu’EDF procède par appel d’offres, il est difficile d’imaginer que d’autres distributeurs puissent y répondre, compte tenu des spécificités locales du marché des carburants.

L’exercice de l’activité de raffinage est directement lié aux mouvements tant des matières premières que des produits raffinés. Ainsi, toute raffinerie doit s’alimenter en pétrole brut, l’entreposer avant raffinage, le transformer et stocker les produits après raffinage. Compte tenu de son lieu d’implantation, l’approvisionnement en pétrole brut de la SARA s’effectue exclusivement par voie maritime, le pétrole brut étant acheminé par un oléoduc de l’appontement du navire de la Pointe-des-carrières vers la raffinerie.

● Les approvisionnements en brut de la SARA

La SARA est avant tout une raffinerie dont la matière première de base est du pétrole brut. Cette matière première existe dans presque toutes les régions du monde. Parmi les grandes régions productrices, on peut citer : le Golfe persique, l’Afrique de l’Ouest, la Mer du Nord, le Venezuela et le Mexique, la Russie et les États-Unis. Chacun des bruts de ces régions présente des spécificités physiques et chimiques différentes, d’où un comportement différents lors de leur transformation et l’obtention de produits raffinés aux caractéristiques différentes, dans quantités différentes, à des coûts différents.

On distingue généralement deux grandes familles de brut : les bruts légers présentant des rendements inférieurs à 35 % de fuel lourds et dont la teneur en soufre est faible et les bruts lourds qui sont généralement plus soufrés. Le degré de complexité de la raffinerie permet alors de traiter des bruts de l’une ou l’autre famille en fonction des contraintes environnementales et des spécifications formulées par le marché.

La SARA est une raffinerie simple et son marché est réglementé par les normes européennes, ce qui ne lui permet pas d’envisager de traiter des bruts trop lourds, d’où la nécessité de s’approvisionner en bruts légers. Ceci a pour effet d’écarter, par voie de conséquence, toute fourniture en provenance du Golfe persique, du Venezuela et de Russie, car celles-ci présentent des teneurs en soufre incompatibles avec la taille et le mode de raffinage.

Si certains bruts produits aux États-Unis et au Mexique répondent aux spécifications exigées par l’unité de raffinage, force est de constater qu’ils ne sont pas proposés car les compagnies pétrolières les réservent aux raffineries américaines.

Par ailleurs, la SARA est confrontée, en raison de ses capacités de stockage du brut, à des contraintes de volume. En effet, pour ces raisons logistiques, elle ne peut qu’accepter des livraisons ne dépassant par 650 000 barils (80 000 tonnes). Or, les cargaisons en provenance de l’Afrique de l’Ouest s’effectuent sur des bâtiments embarquant au minimum 1 000 000 barils. Le surcoût potentiel lié au fait de sous charger un navire empêche d’envisager ce type d’approvisionnement.

Tout achat de pétrole brut doit également de tenir compte du paramètre économique. Chacun des bruts s’achète, en effet, sur le marché de référence auquel il est rattaché : brut DURBAN pour le Golfe persique, brut WTI (West Texas Intermediates) pour les États-Unis et le Venezuela, brut Brent pour l’Europe et la Russie. Bien qu’évoluant « indépendamment », ces marchés de référence sont sensibles aux mouvements et aux perturbations des autres marchés. Historiquement, le marché WTI est supérieur au marché Brent, l’écart représentant les coûts occasionnés par la traversée de l’Atlantique.

En raison de ces différents paramètres et contraintes, la SARA est limitée dans ses approvisionnements. Elle ne peut alimenter sa raffinerie qu’avec des bruts en provenance de la Mer du Nord ou en « Santa Barbara » mexicain, avec les réserves évoquées précédemment sur la disponibilité de ce brut léger. Enfin, bien que dans l’absolu, le brut en provenance du Venezuela soit moins cher que le pétrole en provenance de d’Europe, si l’on raisonne en terme de qualités équivalentes, les coûts sont quasiment semblables, le vendeur de pétrole ajustant son prix en conséquence.

● La production de la SARA doit être complétée par des importations de produits finis

Outre le processus classique de production et de séparation de la matière première en divers hydrocarbures, par application du principe de la distillation atmosphérique, l’obtention de produits finis suppose d’autres étapes permettant, ensuite, la transformation des résultats de la distillation (élimination du soufre et des autres polluants).

La production de la raffinerie comprend la quasi-totalité des produits de la distillation du pétrole :

– des gaz à usage domestique : butane et propane (gazinière et éclairage) réclamant des conditions particulières de stockage ;

– des carburants routiers (essence sans plomb et gazole) particulièrement volatils ;

– du carburant destiné aux avions (kérosène) ;

– du fioul servant de combustible pour la production d’électricité et à celle de petites industries, ainsi que pour les moteurs des gros navires ;

Tous produits confondus, la production annuelle de la SARA s’élève à environ 803 000 tonnes de produits finis, dont 237 000 tonnes d’essence et 361 000 tonnes de diesel, soit 598 000 tonnes de carburants routiers (74,5 %). Il convient de noter que la SARA, comme les autres raffineries, a dû s’adapter à l’évolution du marché et tenir compte de la « diésélisation » du parc automobile, tendance également enregistrée aux Antilles et en Guyane.

Cette adaptation permanente au marché n’est pas la seule à laquelle doit faire face la raffinerie. En effet, elle a dû modifier son appareil de production pour anticiper la future application de normes européennes afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre, contribuant ainsi aux engagements forts de la France en faveur de la protection de l’environnement et renforçant la sensibilisation des États de la zone à la problématique environnementale. C’est ainsi que la société a investi plus de 50 millions d’euros entre 2005 et 2007 pour procéder à l’adaptation de l’unité de raffinage aux futures normes (soit près du quart de ses investissements au cours des dix dernières années).

Un simple rapprochement entre les capacités de production de la SARA et les volumes de carburants consommés dans les départements français d’Amérique fait apparaître que les capacités de la raffinerie, du fait d’un dimensionnement défini pour un marché plus étroit, ne permettent pas de satisfaire les besoins du marché. De ce fait, la SARA importe des produits raffinés, pratique au demeurant normale pour une entreprise devant approvisionner sans rupture un marché, mais donnant lieu à controverses.

En effet, au cours des déplacements de la mission d’information dans les DFA, la question de l’importation de carburants par la SARA a souvent été abordée, notamment par les associations de consommateurs, comme étant l’une des causes essentielle de sa « profitation ». Cette interprétation largement partagée par l’ensemble des populations des Antilles et de la Guyane semble due, d’une part, au défaut de communication des pouvoirs publics et, d’autre part, à l’absence de transparence couvrant les importations de la SARA.

Les quelques initiés qui, au sein de l’administration, ont accès aux formules mathématiques complexes qui permettent de calculer le prix des carburants ne pouvaient ignorer que les volumes importés sont pris en compte dans la fixation des prix. Ces volumes sont, en effet, inclus dans la détermination d’un coefficient intervenant dans la fixation du prix des carburants, permettant ainsi d’établir une pondération entre les volumes de produits raffinés par la SARA, donc au coût SARA, et les volumes de produits finis achetés par la SARA. Il paraît difficilement compréhensible que face à l’importance que prenaient ces rumeurs de « profitation », rien ou peu de choses aient été faites en matières d’information du public de manière à instaurer un minimum de transparence et à lever les ambiguïtés qui prospéraient.

Force est également de reconnaître que, pour sa part, l’entreprise n’a guère brillé en matière communication sur sa politique d’importation, entretenant ainsi les rumeurs et la vindicte populaire. Il est vrai que les explications permettant de relier les volumes de produits importés avec les fluctuations des cours en fonction des approvisionnements ne constituaient sans doute pas la priorité d’une société de raffinage dont l’objectif principal consistait avant tout à faire en sorte que les territoires et les marchés à desservir ne connaissent pas de ruptures, tout en étant confrontée à la recherche des capacités de stockage supplémentaires nécessaires. La mission d’information espère, toutefois, apporter à travers les éléments ci-après, un minimum de transparence, grâce paradoxalement aux informations recueillies, sans difficultés particulières, auprès de la SARA.

Globalement, la part des importations de carburants routiers représentait, en 2008, 29,3 % des volumes de carburants transitant par la SARA. Les schémas, ci après, détaillent les volumes d’importations de carburants par rapport au marché de l’ensemble des départements français d’Amérique.

IMPORTATIONS ESSENCE

S’agissant des importations d’essence, années 2005 et 2006 mises à part, on constate une baisse continue des quantités importées. Cette tendance s’explique d’une part, par la baisse du marché global en raison de la « diésélisation » du parc automobile, et, d’autre part, par le résultat des investissements réalisés par l’entreprise afin d’accroître sa production.

Afin de garantir un approvisionnement permanent, y compris pendant les périodes d’arrêt annuel pour effectuer la maintenance de l’outil industriel, la SARA est contrainte d’importer entre 5 % et 10 % de l’essence nécessaire à alimenter annuellement le marché des départements français d’Amérique.

Les importations d’essence des années 2005 et 2006 correspondent pratiquement à la consommation de carburants. A cette période, la SARA a dû suspendre en partie ses activités de façon à apporter de profondes modifications technologiques à ses installations pour les rendre compatibles avec la production d’essence correspondant aux spécifications édictées par les normes européennes. Elle a dû s’approvisionner en produits raffinés sur le marché européen et, compte tenu des quantités importantes des cargaisons disponibles, les stocker temporairement à Sainte Lucie, de façon à ne pas créer de rupture dans l’approvisionnement en carburant des DFA. Cette délocalisation des stocks a alimenté involontairement la suspicion sur ses activités. Dés lors qu’elle a eu recours à des unités de stockage situées en dehors des Antilles françaises, la SARA a été suspectée de tenter par la suite d’accroître ses bénéfices en réalisant des profits indus par la vente de produits supportant un surcoût de fabrication alors qu’il s’agissait de produits déjà raffinés.

IMPORTATIONS GAZOLE

Le début des importations de gazole, en 2001, correspond au durcissement des spécifications en teneur en souffre de la réglementation et à l’augmentation constante et rapide de la demande. Il convient de noter que la demande a doublé au cours des dix dernières années, notamment en raison de l’extension imposée à la SARA de son marché à la Guyane. La forte augmentation des importations en 2007 est liée à un arrêt de la production pour des opérations de maintenance et au cyclone Dean qui a perturbé la marche de l’usine. En 2008, les importations de gazole n’ont que peu diminué par rapport à 2007 en raison d’un arrêt de maintenance d’environ deux mois.

Contrairement à une idée largement répandue, les produits importés par la SARA ne permettent pas à la société de réaliser des bénéfices supplémentaires en étant commercialisés au même prix que les produits raffinés en Martinique. Il convient de rappeler que leurs volumes sont intégrés, sous la forme d’un coefficient, révisé annuellement, dans le mode de calcul des prix par l’administration. Sans doute serait-il nécessaire de réviser plus fréquemment la valeur de ce coefficient pour mieux tenir compte des volumes.

Enfin, la SARA n’exporte qu’exceptionnellement ses produits raffinés. Deux produits sont occasionnellement concernés : le fioul lourd et l’essence légère (produits intermédiaires de la distillation, hors spécifications européennes), pour cause de surproduction ponctuelle. Au cours des six premiers mois de l’année 2009, aucun fioul lourd n’a été exporté et 2 572 tonnes d’essence ont été exportées vers les États-Unis, pour une valeur d’environ 960 000 dollars.

● Le stockage et la livraison des produits raffinés

C’est bien évidemment la SARA, qui entrepose dans ses cuves les différents carburants qu’elle produit ou qu’elle importe, que ce soit en Martinique, comme en Guadeloupe ou en Guyane. Ses capacités de stockage des produits finis, dans chaque département, figurent dans le tableau ci-dessous :

Martinique

Guadeloupe

Guyane

Total

88 500 m3

103 000 m3

58 600 m3

250 100 m3

Source : SARA

De fait, le stockage est effectué pour le compte de chacun des actionnaires-grossistes qui, pour les carburants routiers, disposent de leurs propres flottes de camions citernes, ou en confient le transport à des sociétés privées, qui s’approvisionnent directement à la SARA. Elle exploite également un réseau d’oléoducs pour le transport d’hydrocarbures liquides et gazeux, notamment pour le kérosène entre les dépôts et les aéroports. Enfin, la SARA réalise aussi des expéditions par voie maritime en direction de ses dépôts de Jarry en Guadeloupe, de Kourou et de Degrad-des-Cannes en Guyane, les bâtiments étant affrétés par les distributeurs grossistes.

Si le rapport IGF/IGA/CGIET préconise assez clairement la filialisation de l’activité stockage de la SARA, l’Autorité de la concurrence ne se prononce pas aussi nettement pour cette solution. Toutefois, elle souligne que  « puisque la SARA bénéficie de fait d’un monopole d’importation et que les grossistes ne peuvent bénéficier des facilités de stockage moyennant le paiement d’un tarif de passage ; ils doivent acheter à la SARA. Or, il n’y a aucune raison que l’utilisation des cuves de stockage soit réservée aux actionnaires de la SARA ». Elle indique même « afin de prévenir des contentieux futurs et de préparer une reconversion probable de la raffinerie des Antilles, l’Autorité propose de revoir les statuts de la société … de manière à assurer l’accessibilité totale et non discriminatoire de ces installations aux opérateurs tiers ».

Il convient également de souligner que les obligations en matière de stocks stratégiques dans les DFA ne sont que partiellement remplies, notamment par l’absence sur ces territoires de la SAGESS, société agissant pour le compte du CPSSP en métropole et dans le cadre d’une mission d’intérêt public.

Dans ces conditions, il paraîtrait intéressant d’envisager la création d’une société spécialisée dans le stockage au capital de laquelle participerait outre la SARA, l’État et les collectivités territoriales qui le souhaiteraient, la SAGESS ainsi que les opérateurs tiers.

● Le traitement des huiles usagées

Les huiles usagées, huiles noires (huiles de moteurs et certaines huiles industrielles) et huiles claires (transformateurs, circuits hydrauliques et turbines) sont considérées comme des produits polluants et, qu’elles soient d’origine minérales ou synthétiques, leur collecte et leur traitement sont réglementés sur l’ensemble du territoire national. La collecte doit être assurée par un ramasseur, disposant de matériel adapté, agréé par la préfecture. C’est également le cas des centres d’élimination, qui recourent principalement à l’incinération dans des unités spécialisées. Cette activité est par conséquent très éloignée des activités de raffinage, cœur de métier de la SARA.

Pourtant, suite au renforcement de la réglementation nationale relative à l’élimination des déchets non ménagers au débuts des années 1990, notamment l’établissement de plans d’élimination des déchets (décret 93-140 du
3 février 1993 relatif aux plans d’éliminations de déchets autres que les déchets ménagers et assimilés), les pouvoirs publics se sont tournés vers la SARA pour qu’elle prenne en charge temporairement l’activité d’élimination des huiles usagées, en l’absence de filière existante dans les départements français d’Amérique. Toutefois cette dernière ne disposant pas des compétences requises l’a confiée par voie d’appel d’offres à des prestataires agréés, parfois dans des conditions avantageuses pour la SARA.

De façon à assurer une contrepartie financière à cette charge nouvelle, les préfets ont intégré un nouveau paramètre invariable dans la structure de prix. Cette ligne « récupération et expédition des huiles usées » est intégrée dans le passage en dépôt et s’élève à 0,1 centime par litre, montant inférieur a-t-il été précisé au coût réel de la récupération et au traitement de ces huiles.

Le reproche a été fait à la SARA d’avoir perçu un excédent de recettes (le produit de la « taxe collecte et traitement » se révélant dans un premier temps supérieur au coût réel de l’activité considérée). Les responsables de la SARA, interrogés sur cette question, ont déclaré à la mission d’information qu’effectivement, bien que la prestation soit depuis plusieurs années déficitaire, la société disposait encore d’une réserve de trésorerie, globalement en diminution. Elle s’engageait d’ailleurs à la restituer, dés lors qu’elle serait déchargée de la mission de collecte et de traitement.

ÉVOLUTION DE L’ACTIVITÉ COLLECTE ET TRAITEMENT DES HUILES USAGÉES

 

Martinique

Guadeloupe

Guyane

 

2007

2008

2007

2008

2007

2008

Recettes (1)

329

328

321

321

331

110

Volumes (2)

987

1 582

839

1 112

353

293

Charge de l’activité (3)

554

701

407

1 091

173

171

Résultats

- 225

- 382

- 85

- 770

158

- 62

Résultats cumulés (4)

2 917

2 535

2 954

2 184

960

898

Source : SARA

(1) : recettes perçues : 0,1 centime par litre de carburant en milliers euros ;

(2) : volumes collectés et traités en tonnes ;

(3) : coûts de la collecte, y compris coûts supportés par la SARA en milliers d’euros ;

(4) : montants cumulés des résultats présentant un excédent qui varie en fonction des résultats annuels en millier d’euros.

Le tableau ci-dessus fait apparaître une diminution progressive de l’excédent perçu par la SARA (résultat cumulé) imputable aux résultats déficitaires de cette activité et à la diésélisation du parc automobile.

Enfin, les agences départementales de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’ÉNERGIE (ADEME) devraient reprendre, dès le 1er janvier 2010, la gestion directe de l’activité « huiles usagées » avec un financement qui lui sera propre. Actuellement, la SARA est en discussion avec l’administration afin de définir les modalités de restitution de l’excédent

3. La Guadeloupe

Dans ce département, les mouvements initiaux de protestations contre le prix des carburants ont très vite muté en revendications contre la vie chère et la « profitation », déchaînant des manifestations atteignant parfois une rare violence.

Lors de l’audition d’une délégation de représentants du LKP conduite par M. Elie DOMOTA, il est clairement apparu que la question du prix des carburants, bien que n’étant pas le seul motif de mécontentement de la population guadeloupéenne, n’en constituait pas moins un point central des revendications. Selon une étude de l’Insee en 2006, les dépenses afférentes à l’automobile dans le budget des familles en Guadeloupe atteignent 19 %, contre 13,3 % en métropole.

La SARA, partie émergée de l’iceberg que constitue la chaîne du pétrole dans les départements français d’Amérique, a concentré l’essentiel des critiques, notamment pour l’opacité qui entoure ses activités, que ce soient ses comptes, ses relations avec l’administration, sa gestion des huiles usagées où encore ses importations, comme ses relations complexes et obscures avec ses fournisseurs – clients - actionnaires. Autre reproche adressé à la SARA, mais en porte-t-elle la responsabilité ? (il est fait application d’une réglementation européenne transposée dans le code des douanes), le phénomène de dilatation qui causerait, selon les interlocuteurs de la mission d’information un préjudice conséquent aux finances des collectivités locales

a) Un réseau de stations-service important et structuré

● Des gérants de stations-service très organisés

Les gérants de stations services de Guadeloupe se sont regroupés au sein d’une organisation (OPGSS) afin de défendre les intérêts de la profession, tant auprès des pouvoirs publics que des distributeurs grossistes.

Cette organisation a d’ailleurs été particulièrement active lors des mouvements sociaux, elle était partie prenante à la réunion du 1er octobre 2008 qui s’est tenue à la préfecture, au cours de laquelle il a été notamment convenu de la création d’un groupe de travail chargé :

- d’analyser les conditions de création des stations services ;

- de préparer un schéma prospectif régional d’implantation des stations services avant la fin de l’année 2008 ;

- d’instaurer, dans l’intervalle, un moratoire sur la création de nouvelles stations services, la suspension des travaux en cours et la suspension de l’installation de cuves privées pour les véhicules roulants.

Par la suite, après quinze jours de fermeture du réseau de stations-service, elle obtenait du secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, en contrepartie de la reprise de la distribution du carburant, la signature, le
3 février 2009, d’un protocole par lequel
l’État s’engageait à :

– assurer un moratoire de trois ans sur la construction de nouvelles stations services au-delà de 118 stations ;

– présenter un texte législatif soumettant à autorisation toute ouverture de station sur le mode de la commission départementale d’aménagement commercial ;

– préserver un système administré de prix du carburant ;

– sous trois mois, procéder à un état des lieux des cuves privées existantes, en établir la carte, et vérifier leur conformité aux normes environnementales. Devra en outre être établie la liste des professions autorisées à installer des cuves nouvelles, cette liste devant s’appuyer sur celles des professions bénéficiant de carburant détaxé.

La mission d’information ne peut qu’être perplexe sur la portée d’un tel protocole dont les termes semblent pour le moins en contradiction avec les principes consacrés dans le préambule de la constitution.

● Des employés bénéficiant d’une convention collective avantageuse

Depuis 1996, les salariés des stations services bénéficient des dispositions de la convention collective signée le 19 décembre 1996 entre le Syndicat des gérants de stations services (prédécesseur de l’OPGSS) et l’Union des travailleurs des produits pétroliers (UTPP-UGTG), complétée par l’accord collectif sur les salaires, la durée du travail, l’emploi et la formation des stations services de Guadeloupe du 4 décembre 2006.

Cette convention collective assure aux personnels salariés des stations services un statut attrayant, s’agissant notamment des jours fériés chômés par an, sans réduction de salaire, des jours de congés supplémentaires en fonction de l’ancienneté, pour événements familiaux et d’une couverture sociale complémentaire avec l’instauration d’une mutuelle prévoyance dont le financement est pris en charge à hauteur de 60 % par les entreprises.

b) L’engagement de l’État par la signature du protocole d’accord du 4 mars 2009

Le 4 mars 2009, le préfet de la Guadeloupe M. Nicolas DESFORGES et M. Elie DOMOTA signaient, à l’issue de 44 jours de grève générale un protocole d’accord, les signataires appelant à la reprise de l’activité dans l’île.

Sont parties prenantes à ce protocole : l’État, la Région Guadeloupe, le département de la Guadeloupe, l’association des maires de Guadeloupe, un certain nombre de communes et établissements de coopération intercommunale.

Ce protocole d’accord de portée générale comporte pas moins de
165 articles. Il porte sur douze points principaux : le niveau de vie et le pouvoir d’achat, le logement, les transports, l’éducation, la formation professionnelle, l’emploi, les droits syndicaux et les libertés syndicales, les services publics, l’agriculture, la pêche, l’aménagement du territoire et les infrastructures, la culture, auxquels s’ajoute un volet supplémentaire concernant son application.

Six articles (articles 27 à 32) concernent le prix des carburants :

– les articles 27 et 28 constatent les baisses déjà intervenues à l’initiative de l’État,

– l’article 29 annonce la mise en place par l’État, en concertation avec les acteurs concernés, d’un nouveau dispositif de gestion des carburants assurant plus de transparence et qui devra tenir compte de la problématique des emplois dans les stations service ;

– l’article 30 porte sur la suspension immédiate dans la structure des prix des carburants de la taxe sur les huiles usagées ;

– l’article 31 subordonne aux conclusions du rapport de l’IGF/IGA/CGIET une éventuelle suppression du « prélèvement pour passage en dépôt » ;

– l’article 32 prévoit la mise à l’étude par l’État de dispositifs législatifs ou réglementaires sur l’assiette véritable des taxes sur les carburants (prise en compte de la température dans la structure des prix).

Enfin, l’article 90, qui constitue un élément du dispositif concernant la formation professionnelle, stipule que « dans l’hypothèse où la mission d’inspection aura mis à jour la perception de sommes indues par l’un ou l’autre des acteurs de la filière pétrolière, ces sommes, susceptibles in fine d’être reversées par ce ou ces acteurs, serviront à alimenter un fonds de formation professionnelle par la Région »

4. La Guyane

La Guyane est le département d’outre-mer où les prix du carburant ont atteint leur niveau le plus élevé. En décembre 2008, le supercarburant distribué dans ce département a même atteint le prix de 1,77 euro par litre, soit le plus cher d’Europe ! Une telle hausse – et la gravité de la crise qu’elle a entraînée – ne peut être due qu’à la seule augmentation du cours du pétrole. D’autres facteurs ont également joué, découlant des spécificités nombreuses de ce territoire ainsi que d’un mauvais concours de circonstances.

a) L’application des normes européennes à compter d’avril 2007 a obligé la Guyane à s’approvisionner exclusivement auprès de la SARA

Le 17 novembre 2006, une décision de justice a fait droit à une plainte des concessionnaires automobiles guyanais. Ceux-ci dénonçaient le fait que la Guyane importait depuis Trinidad du gazole et de l’essence qui ne respectaient pas les normes européennes normalement applicables en matière de qualité des carburants. Ces carburants abîmaient ainsi prématurément certaines pièces des véhicules, notamment les carburateurs, dont certains, encore sous garantie, devaient être réparés à leurs frais.

Par conséquent, les distributeurs de carburant ont dû, à compter du
1er avril 2007, s’approvisionner auprès de la seule raffinerie de la zone Caraïbes à même de fournir du carburant aux normes européennes : la SARA
. Or, non seulement le prix de sortie raffinerie de la SARA est bien plus élevé que celui de l’énorme raffinerie de Pointe-à-Pierre, mais la Martinique est plus éloignée de la Guyane que Trinidad, avec pour conséquence des coûts de transport également plus élevés.

Les prix des carburants étant administrés, c’était au préfet de tirer les conséquences de ce changement d’approvisionnement et d’appliquer l’augmentation des prix de vente qui en résultait. Ces prix auraient dû alors connaître une hausse brutale de 31 centimes pour l’essence et de 27 centimes pour le gazole. Afin d’éviter celle-ci, il a choisi de lisser cette augmentation sur une dizaine de hausses étalées entre février 2007 et janvier 2009. Par conséquent, alors même que le prix du pétrole avait entamé sa décrue rapide, à partir de l’été 2008, le prix des carburants en Guyane continuait à augmenter !

b) L’importance de la fiscalité

Les taux de la taxe spéciale sur les carburants ne peuvent être supérieurs à ceux de la TIPP applicable en métropole. Si la région Réunion, la région Guadeloupe et, surtout, la région Martinique, ont des taux bien inférieurs, ce n’est pas le cas de la région Guyane où les taux de TSC plafonnent au maximum légal.

Le conseil régional de Guyane n’a cependant guère le choix tant les besoins en investissements publics sont considérables, en particulier en matière d’infrastructures routières. La Guyane ne dispose en effet que de
500 kilomètres de voirie nationale, 500 km de voirie départementale et seulement 7 km de voies rapides. Or, comme la dotation globale d’équipement est calculée notamment sur la longueur des voiries, celle de Guyane – 857 907 euros en 2008 pour un département aussi vaste qu’une grande région métropolitaine – est la plus faible des quatre départements d’outre mer et l’une des cinq plus faibles de France (hors Paris, petite couronne et le Territoire de Belfort) ! La faiblesse du réseau routier explique aussi l’importance des liaisons aériennes internes et le fait que celles-ci soient largement subventionnées. Enfin, l’accroissement démographique que connaît ce département oblige à construire de nouveaux lycées (trois en 2009).

Pour l’ensemble de ces raisons, présentées en détail à la mission d’information, les collectivités territoriales guyanaises ont besoin de la totalité des ressources que peut apporter la taxe spéciale de consommation sur les carburants.

c) Les contraintes géographiques

La Guyane est un territoire immense où les communes ont parfois la taille d’un département métropolitain. Dans ces conditions, les coûts de transport du carburant et des bouteilles de gaz dans les endroits les plus reculés sont tels que leur prix de vente est bien plus élevé que dans les communes côtières. La mission d’information a ainsi appris que le prix du carburant pouvait atteindre 3 euros le litre à Maripasoula et celui de la bouteille de gaz, livrée par hélicoptère, 80 euros à Saul. Contrairement aux autres départements d’outre-mer, il n’y a donc aucune continuité territoriale des prix en Guyane, au détriment des consommateurs de l’intérieur.

Autre spécificité évidente de la Guyane, ce n’est pas une île ; elle dispose de longues frontières terrestres avec le Brésil à l’est et avec le Suriname à l’ouest. Or, dans ces pays, le carburant est bien moins cher et même s’il ne respecte pas les normes européennes, il peut être utilisé par les véhicules dont les propriétaires sont nombreux, dans les communes frontalières (Saint-Laurent du Maroni), à s’approvisionner à l’étranger, fragilisant l’équilibre financier des rares stations-service présentes. Les consommateurs, au moins dans les communes frontalières, ne sont pas captifs des distributeurs locaux comme ils le sont dans les autres départements d’outre-mer.

En outre, la concurrence ne se limite pas aux seuls carburants. Dans le domaine du transport routier de marchandises, les entreprises guyanaises font face à une concurrence étrangère, notamment de chauffeurs brésiliens, qui est inexistante dans les îles. Cette concurrence devrait encore s’accroître après la construction projetée du pont entre le Brésil et la Guyane. Le carburant représente 35 % de leurs charges et les contrats, notamment pour le transport des voyageurs, courent sur plusieurs années ; elles sont donc dans l’impossibilité de répercuter la hausse du prix des carburants dans leurs prix de vente.

d) Le stockage

La SARA dispose en Guyane d’un établissement qui assure le monopole du stockage du carburant. Ce ne fut pas toujours le cas puisque le stockage était, jusqu’en 1982, assuré par Texaco-Chevron. Lorsqu’il a fallu moderniser les installations, la SARA s’est porté candidate pour construire de nouvelles cuves. Elle dispose aujourd’hui de trois dépôts : Degrad-des-Cannes (près de Cayenne), Kourou et Larivo. Les capacités de stockage s’élèvent à environ 50 000 mètres cubes.

La mission d’information a pris connaissance de la comptabilité analytique de la SARA de 2006 à 2008 (13), qui isole l’activité « stockage » de celle-ci en Guyane. Les principaux chiffres sont les suivants :

(En millions d’euros)

 

2006

2007

2008

Chiffre d’affaires ………

8,68

8,76

8,56

Résultat net …………….

2,57

2,30

2,04

Source : SARA

L’activité « stockage » de la SARA en Guyane est donc largement bénéficiaire ; qu’une entreprise soit bénéficiaire est dans l’ordre des choses, mais qu’elle le soit à hauteur de près 25 % de son chiffre d’affaires n’étonnera que ceux qui ignorent que les marges de stockage sont, en Guyane, deux fois plus élevées qu’en Martinique et en Guadeloupe, comme le montre le tableau suivant.

DROIT DE PASSAGE DANS LES STOCKS (EN €/M3) FIGURANT
DANS LA STRUCTURE DES PRIX AU 1ER FÉVRIER 2009

 

Guyane

Guadeloupe

Martinique

Réunion

Gazole ………...

62,35

33,53

33,53

20,95

Supercarburant…

35,82

35,82

Les investissements en matière de stockage en Guyane ont été réalisés il y a presque trente ans, et si des mises aux normes sont évidemment intervenues depuis lors, comme aux Antilles d’ailleurs, la mission d’information a du mal à croire qu’elles puissent justifier des droits de passage qui sont le double de ceux applicables aux Antilles.

IV.— LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION

A.— LE RENFORCEMENT DE LA TRANSPARENCE

1. Associer l’ensemble des parties prenantes – via un comité de suivi – à la détermination du prix des carburants

Depuis de nombreuses années, le prix des carburants dans les départements d’outre-mer alimente les causes de mécontentements des populations locales ainsi que les archives des ministères et la réflexion des pouvoirs publics en rapport successifs, sans pour autant que les solutions retenues jusqu’à ce jour aient empêché le développement de mouvements revendicatifs d’une ampleur inégalée l’hiver dernier.

Que ce soit lors des auditions ou lors de leurs déplacements dans les départements d’outre-mer, la mission d’information a pu mesurer combien l’incompréhension, liée principalement au manque d’informations officielles crédibles (souligné d’ailleurs par le rapport de l’IGF/IGA/CGIET), laissait une large place aux désinformations les plus diverses générant ainsi des rumeurs incontrôlables qui en s’amplifiant ne pouvaient qu’avoir la suite que l’on connaît.

Il importe donc de mettre en place, dans chaque département une structure, qui associerait toutes les parties prenantes : représentants des consommateurs, représentants de l’État et des collectivités territoriales (régions et département), des représentants des acteurs de la chaîne du carburant (compagnies pétrolières, gérants de stations services, transporteurs).

Il convient en effet de disposer d’une instance multipartite, indépendante du préfet (contrairement aux observatoires des prix), dédiée spécialement à la question cruciale des prix des carburants, dont les membres auront pour mission de lever l’opacité actuelle et de créer les conditions d’une transparence totale sur l’ensemble des procédures de fixation des prix, le préfet et le directeur régional de la concurrence et de la répression des fraudes disposant chacun d’une voix consultative.

Ce « comité de suivi » donnera son avis préalablement à toute décision (nationale ou locale) touchant à la formation des prix des carburants, excepté la fiscalité qui restera de la responsabilité des collectivités territoriales. Ses avis seront rendus publics et annexés aux arrêtés préfectoraux de fixation des prix, sous peine de nullité de la décision administrative. Sa présidence sera confiée à une personne dont l’indépendance ne saurait être mise en doute, par exemple un membre de l’Autorité de la concurrence, appelé à présider les quatre comités de suivi.

Proposition n° 1 : Créer un « comité de suivi » des prix des carburants permettant de consulter préalablement l’ensemble des parties prenantes, préalablement à la publication de l’arrêté de fixation des prix des carburants.

2. Informer le consommateur en station-service

L’information du consommateur doit être clarifiée de façon à renforcer son action sur la chaîne de distribution.

Il importe en effet de donner aux associations de consommateurs, parties prenantes à la commercialisation, la possibilité de disposer en permanence de tous les éléments leur permettant de peser sur les circuits de distribution afin de pouvoir influer sur la tarification des produits qui sont proposés.

Comment concevoir que dans les stations services des DOM, il ne soit nulle part fait mention que le prix pratiqué corresponde au prix maximum autorisé. C’est pourquoi, si l’on souhaite réintroduire une possibilité de faire jouer un minimum de concurrence, il semblerait logique que chaque station-service affiche clairement d’une part le prix maximum autorisé et le prix à la pompe. Des différences de quelques centimes entre distributeurs concurrents ne devraient pas mettre en péril le système social protecteur que constitue le mode de commercialisation des carburants.

Proposition n° 2 : Imposer aux stations services l’affichage visible des prix administrés, avec la précision du prix maximum.

3. Régler le problème des cuves privées

Le stockage de produits pétroliers dans des « cuves privées » constitue actuellement dans les DOM une solution adoptée par les particuliers et les entreprises face aux mouvements fréquents des opérateurs de la distribution de détail et largement facilitée non seulement par les grossistes indépendants, particulièrement en Guadeloupe, de manière à s’ouvrir des débouchés en raison de leur difficulté d’approvisionnement auprès de la SARA, mais également par les compagnies pétrolières.

Le développement rapide de cette forme de stockage (représentant jusqu’environ 20 % de la distribution dans certains départements) est mal perçu par les distributeurs de détail qui y voient une forme de concurrence déloyale, susceptible de remettre en cause l’originalité du système social de distribution des carburants.

Cette forme de stockage est d’ores et déjà réglementée. En effet en application de en application du décret n° 62-1297 du 7 novembre 1962 et de l’arrêté du 21 mars 1968 modifié fixant les règles techniques et de sécurité applicables au stockage et à l’utilisation des produits pétroliers dans les lieux non visés par la législation des établissements dangereux, insalubres ou incommodes et la réglementation des établissements recevant du public, le stockage dans des cuves particulières doit répondre à des spécifications précises.

Si les citernes particulières d’un volume inférieur à 1 500 litres ne font pas l’objet de règles précises, tout stockage supérieur à ce volume doit obligatoirement répondre, en raison de sa dangerosité, à des normes de sécurité particulières et faire l’objet d’une déclaration en préfecture. Or, d’après les informations recueillies, il n’existe, dans les départements d’outre-mer, aucun recensement officiel du nombre et de l’emplacement de ce type de stockage, ce qui pose de réels problèmes de sécurité dans des territoires où en raison des données climatologiques et sismiques, ces cuves peuvent poser de sérieux problèmes : risques d’incendie, d’explosion et de pollution.

Compte tenu de ces risques particulièrement élevés, il apparaît souhaitable que toute installation de cuves d’une capacité supérieure à 1 500 litres soit soumise à une autorisation d’installation préalable qui ne serait délivré qu’après examen des risques sismiques et conformité du récipient et de son projet d’installation.

Proposition n° 3 : Recenser les cuves privées et soumettre leur installation, à partir d’une certaine capacité, à une autorisation administrative.

4. Assurer le respect des règles de la concurrence

Lors de ses déplacements dans les DOM, la mission d’information a eu accès à plusieurs contrats de location-gérance liant les gérants de stations service aux compagnies pétrolières propriétaires des stations services. Ceux-ci présentent un certain nombre de clauses dont la portée est particulièrement contraignante pour les locataires gérants. Les compagnies ont, en effet, une forte propension à transférer aux gérants, lors des renouvellements de contrats, une part importante des charges de maintenance des installations qu’elles supportaient antérieurement.

Par ailleurs les tournures juridiquement sibyllines de certaines clauses des contrats pourraient laisser entendre que le montant du loyer réclamé tiendrait compte d’activités annexes (boutique notamment) non liées directement à la distribution de carburants, ce qui semble pour le moins surprenant.

Dans ces conditions, il apparaît particulièrement important que les contrats et leurs éventuels avenants, soient, après signature par les parties, transmis aux directions régionales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes afin de s’assurer de la conformité de leur contenu avec les dispositions législatives et réglementaires et qu’ils ne comportent pas de transferts de charges abusifs.

Proposition n° 4 : Obliger les compagnies pétrolières à transmettre aux directions régionales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes les contrats signés avec les détaillants afin qu’elles vérifient qu’ils ne comportent pas de clauses abusives.

B.— DES BAISSES DE PRIX SONT ENVISAGEABLES TOUT EN PRÉSERVANT L’EMPLOI, LA SÉCURITÉ DE L’APPROVISIONNEMENT ET LES RESSOURCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D’OUTRE-MER

1. Le maintien d’un système de prix administrés par le préfet

a) Le choix de maintenir l’administration des prix

Forte du constat de dysfonctionnements graves du système d’administration du prix des carburants, des rentes qu’il a contribué à créer et de la hausse des prix qu’il n’a pu empêcher, la mission d’information s’est interrogée sur la pertinence de maintenir un tel système et sur la possibilité de libéraliser, comme en métropole, les prix des carburants dans les départements d’outre-mer.

Une telle libéralisation des prix a été envisagée par le rapport IGF/IGA/CGIET. Cependant, dès lors que l’approvisionnement, le raffinage et le stockage constituent des monopoles naturels découlant de l’étroitesse du marché des carburants dans ces départements, la libéralisation des prix ne peut porter que sur la marge de distribution. Si les prix de détail étaient libres, les distributeurs en gros comme les détaillants pourraient être tentés de les baisser afin de gagner des parts de marché.

Cependant, la concurrence n’a pas que des vertus et, parfois, elle s’exerce au détriment de l’emploi. En effet, le moyen le plus simple et le plus rapide, pour une entreprise, de réduire ses coûts – et donc ses prix de vente – est de diminuer ses charges salariales et les stations-service ne font pas exception à la règle. C’est pourquoi le risque est réel que la libéralisation des prix et la concurrence qu’elle est susceptible d’entraîner s’accompagnent de l’automatisation des pompes et de la généralisation du libre-service avec, par conséquent, des centaines de suppressions d’emplois.

C’est pourquoi la mission d’information, qui a fait de la préservation de l’emploi une priorité de sa réflexion, ne peut soutenir l’abrogation du système actuel d’administration des prix.

En outre, il n’est pas évident que la libéralisation des prix se traduise par l’accroissement de la concurrence entre les distributeurs et, partant, par une baisse des prix des carburants. C’est ainsi que le Conseil de la concurrence a été saisi, le 14 janvier 2003 par Air France sur le prix du carburéacteur à l’aéroport international de Saint-Denis de la Réunion tel qu’il est fixé par un cartel de compagnies pétrolières rassemblées dans un GIE. Le Conseil de la concurrence a fait droit à la plainte et condamné, dans sa décision n° 08-D-30 du
4 décembre 2008 les sociétés Total-Réunion, Total outre-mer, Chevron global aviation, SHELL SPS et ESSO SAF à des amendes pour un montant total de
41,2 millions d’euros. Or, le carburéacteur est le seul carburant dont le prix ne soit pas administré et c’est le seul qui ait fait l’objet d’une entente entre les distributeurs…

Enfin, la libéralisation des prix des carburants risquerait de rompre la continuité territoriale. Aujourd’hui, à La Réunion, les prix sont identiques à Saint-Denis et à Cilaos, isolé au milieu de son cirque. Si demain les prix sont libéralisés, non seulement il n’est pas sûr qu’ils baisseront à Saint-Denis – à moins peut-être de sacrifier l’emploi – mais ils augmenteront certainement à Cilaos.

Proposition n° 5 : Maintenir dans les départements d’outre-mer un système d’administration des prix des carburants par le préfet.

b) Simplifier la formule de prix

Maintenir le système d’administration des prix des carburants outre-mer a un corollaire : il doit être amélioré et cette amélioration – objet de la plupart des propositions du présent rapport – passe notamment par la simplification de la formule de prix elle-même.

La structure de la formule de prix ne peut être modifiée en tant que telle. Calquée sur l’organisation de la filière carburant, elle comporte autant de composantes qu’il y a d’étapes dans celle-ci. Ces composantes subsisteront quelle que soit la formule– ce qui n’empêche pas de modifier les prix eux-mêmes.

En revanche, plusieurs composantes de la formule de prix apparaissent contestables. Par exemple, à La Réunion, le coût d’assurance du « coulage en mer » à 1 % apparaît inutilement élevé par rapport aux coûts généralement constatés et c’est à juste titre que le rapport IGF/IGA/CGM recommande de le réduire à 0,2 %. De même, toujours à La Réunion, les importateurs de carburants, c'est-à-dire les compagnies pétrolières et la SRPP, bénéficient d’une rémunération de 2$ par tonne de carburants redondante avec la rémunération de 5$ par tonne que perçoivent déjà les sociétés de trading. L’Autorité de la concurrence a chiffré le coût de ces deux anomalies à respectivement 800 000$ (soit 620 000 euros) par an pour la première et entre 1,4 et 2 millions d’euros pour la deuxième.

La mission d’information estime donc nécessaire que les DRCCRF d’outre-mer procèdent sans délai à une analyse minutieuse de la formule de prix afin d’en éliminer les composantes contestables, obsolètes ou redondants.

De même serait-il souhaitable que les règles applicables en matière de fixation du prix des carburants soient cohérentes. Par exemple, en Guyane est toujours applicable l’arrêté préfectoral du 11 juin 2004 qui, n’ayant pas été modifié suite au changement d’approvisionnement découlant de l’application obligatoire des normes européennes en 2007, se réfère toujours, pour la fixation du prix des carburants importés, aux « cotations de référence afférentes à la zone Trinidad » alors qu’est désormais applicable le prix de sortie raffinerie de la SARA. La transparence ne pourrait qu’y gagner.

Proposition n° 6 : Simplifier la formule de prix afin d’en éliminer les composants contestables, obsolètes ou redondants.

2. L’approvisionnement

La crise qu’ont affrontée les départements d’outre-mer à partir de l’été 2008 n’a pas été qu’une réaction « classique » à l’envolée des prix du pétrole. Elle s’est exacerbée lorsque les prix du pétrole ont commencé à chuter rapidement sur les marchés internationaux sans que cette baisse soit répercutée dans les prix à la pompe. La mission d’information estime donc nécessaire que ceux-ci évoluent dans le même sens, à la hausse comme à la baisse, que le cours du pétrole.

Proposition n° 7 : Lier le prix à la pompe des carburants à l’évolution (à la hausse comme à la baisse) du cours du pétrole sur les marchés internationaux.

Actuellement, la formule de prix repose largement, s’agissant de l’approvisionnement en pétrole comme en carburants, sur les prix mondiaux qui garantissent une certaine objectivité. En effet, tant dans les départements français d’Amérique qu’à La Réunion, le prix administré est calculé à partir d’une moyenne des cotations (Brent daté FOB pour la SARA et indice Platt’s de Singapour pour La Réunion) autour de la date de chargement du bateau auquel s’ajoute le premium (« prime de qualité ») et la prime de trading.

Deux mesures sont cependant possibles afin d’améliorer encore la liaison entre le prix du pétrole et le prix à la pompe :

– comme l’a relevé l’Autorité de la concurrence, le premium pris en compte dans la formule de prix n’est pas celui que cote la société Platt’s mais un premium conventionnel particulièrement instable dans le temps et déterminé on ne sait comment par la société de trading concernée sans que personne ne puisse évidemment vérifier son bien-fondé. La société Platt’s publiant quotidiennement des fourchettes de premium pour les principales cotations de carburants, les DRCCRF pourraient utilement s’en inspirer dans la détermination du prix d’achat des produits pétroliers ;

– l’administration des prix repose sur la publication régulière d’arrêtés fixant, généralement pour trois mois, le prix des carburants dans le département d’outre-mer concerné. Le lissage qui en résulte, à la hausse comme à la baisse, a pour conséquence de déconnecter le prix des carburants à la pompe du cours du pétrole, déconnection qui s’est révélée particulièrement désastreuse lorsque le prix du pétrole s’est effondré à partir de l’été 2008. Rapprocher les prix à la pompe des prix du pétrole implique donc d’accélérer la fréquence de publication des arrêtés, idéalement en les faisant coïncider avec l’arrivée des bateaux.

3. Le fret

Les trois départements français d’Amérique sont tenus de s’approvisionner en carburants aux normes européennes auprès de la SARA, seule raffinerie offrant sur leur marché des carburants présentant ces spécifications. D’ores et déjà, le transport entre les deux départements antillais, très proches, fait l’objet d’une mutualisation.

Les consommateurs, la chambre de commerce et d’industrie et les élus guyanais, partant du principe que l’approvisionnement en carburants auprès de la SARA leur a été imposé et que l’essentiel de l’activité raffinage profite principalement au développement économique de la Martinique, considèrent qu’il y a lieu de mutualiser sur l’ensemble des trois départements français d’Amérique (DFA) le surcoût lié au transport, par bateau dédié, entre la Guyane et les entrepôts de stockage de la SARA en Martinique, au titre d’une juste solidarité entre les trois départements.

Cette question est d’autant plus sensible que les populations antillaises voient dans cette solution une augmentation plus que probable du coût des carburants. Si l’on raisonne par simple homothétie avec la situation en métropole, il n’y aurait pas lieu de donner suite aux demandes formulées par la Guyane. En effet, les prix pratiqués dans les stations services se trouvant à proximité des raffineries sont généralement inférieurs de plusieurs centimes d’euro à ceux des pompes qui en sont éloignées, en raison des coûts de transport supportés au final par les consommateurs.

Toutefois, l’argument avancé par les consommateurs et élus guyanais, selon lequel il leur est fait obligation de s’approvisionner auprès de la SARA en Martinique ne saurait être facilement écarté.

Enfin, il importe de prendre en compte le fait que toute modification de la structure des prix des carburants ne manquera pas d’avoir un impact réel sur les ressources financières des collectivités territoriales, leurs recettes fiscales étant étroitement liée aux prix de gros des produits pétroliers. Cette question est d’autant plus importante que certaines de ces collectivités doivent faire face à de lourds investissements afin de proposer à leurs populations des infrastructures éducatives, sociales et économiques plus en rapport avec leurs développements prévisibles et souhaités

Dans l’absolu, selon les informations recueillies par la mission d’information, une telle mutualisation au titre de la solidarité entre les trois départements entraînerait un surcoût de l’ordre du centime d’euro dans les départements antillais. Toutefois ce chiffre ne repose à ce jour sur aucune estimation économique réelle et mérite, à tout le moins, d’être mieux précisé.

Avant de s’engager, éventuellement, plus en avant sur cette voie, il convient que le Gouvernement procède à une étude approfondie et objective des effets réels qu’entraîneraient une mutualisation des coûts de transports vers la Guyane et engage une concertation dépassionnée avec et entre les collectivités territoriales concernées.

Proposition n° 8 : Engager une réflexion sur une éventuelle mutualisation des coûts du fret entre Antilles et Guyane.

4. Le raffinage

a) Préserver les emplois de la SARA

Suite à la publication du rapport IGF/IGA/CGM, qui faisait ressortir sans ambiguïté que le prix sortie SARA des carburants dans les DFA était plus élevé, en moyenne sur la période 2005-2008, de 19 centimes pour le supercarburant et de 11 centimes d’euro pour le gazole par rapport à une raffinerie européenne standard, la tentation a été grande de faire en sorte que l’approvisionnement en produits raffinés soit directement effectué sur le marché pétrolier européen, d’autant qu’une partie des importations de la SARA provient de ce même marché.

Une telle voie, si elle était choisie sonnerait le glas non seulement de plusieurs décennies de la politique d’indépendance voulue par le général de Gaulle, mais aussi de l’une des sources de développement économique et social de la Martinique et des DFA. Les activités de raffinage et stockage de la société de la raffinerie des Antilles constituent, en effet, un pôle fondamental de l’emploi dans la zone que ce soit par les emplois directs qu’elle génère comme pour l’ensemble des entreprises dont l’activité est plus ou moins directement liée à l’existence même de la SARA.

Certes, l’avenir de la SARA ne s’annonce pas facile, mais, l’outil industriel qu’elle représente, notamment au regard du montant des investissements qui ont été consentis récemment pour sa modernisation, ne peut être ainsi sacrifié. Il importe de ne pas oublier que, malgré sa taille réduite, son maintien est stratégiquement important, ne serait-ce que parce qu’elle constitue une source importante d’approvisionnement d’une partie non négligeable du territoire national en cas d’apparition de tensions internationales.

Qui plus est, toute décision visant à réduire brutalement le prix des carburants aurait inévitablement un effet immédiat sur l’activité de la raffinerie et, par conséquent, sur le nombre de ses salariés et des emplois indirects, dans un département où le taux de chômage s’élevait à 22 % en 2008.

Proposition n° 9 : Conforter la SARA, pour ne pas sacrifier l’emploi et l’outil industriel qu’elle représente à une baisse de prix immédiate.

b) Préparer l’avenir de la SARA

A travers les activités de raffinage, la SARA et la Martinique ont su développer un véritable savoir-faire dans le domaine du traitement des hydrocarbures. Afin de procéder aux modifications de l’outil industriel pour parvenir à produire des carburants respectant les normes environnementales européennes, les ingénieurs et techniciens de la SARA ont acquis de véritables compétences dans les adaptations technologiques indispensables à la compatibilité des carburants et la réduction des gaz à effet de serre.

Il a même été rapporté à la mission d’information que le laboratoire de la SARA était intervenu judicieusement dans l’expertise de carburéacteur non-conforme livré en Guyane et que la raffinerie avait su trouver les solutions technologiques appropriées à son retraitement pour le rendre compatible avec les normes européennes.

Par ailleurs, il convient de souligner que dans la zone géographique, au sens large, la SARA est le seul raffineur disposant d’un savoir faire technologique en matière d’adaptation de la production de carburants à la lutte contre le réchauffement climatique.

Or, la lutte contre le réchauffement climatique est vouée à prendre une place de plus en plus importante dans notre économie et notre société. D’européenne, la lutte contre le réchauffement de la planète est devenue une priorité mondiale. Récemment, le nouveau Président des États-Unis a résolument engagé son pays sur la voie de la lutte contre le réchauffement climatique, rejoignant ainsi les engagements de longue date des États européens.

Lors du dernier sommet du G8 en Italie, les États membres ont adhéré aux objectifs du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat visant à éviter que l’augmentation globale de la température terrestre dépasse la température actuelle de deux degrés d’ici la fin du siècle. Le G8 a donc proposé une réduction de moitié des gaz à effets de serre d’ici 2050.

De façon à atteindre l’objectif de réduction de moitié des émissions de gaz à effet de serre, les pays industrialisés se sont engagés à faire baisser les leurs d’environ 80 % d’ici 2010, ce qui suppose l’application, dans nombre de ces pays, de spécifications drastiques, proches, voire identiques, à celles des normes européennes prochainement applicables. Au premier rang des pays concernés figurent les États-Unis ce qui suppose que ce continent et ses fournisseurs en produits raffinés devront, dans un proche avenir, produire des carburants répondant à des spécifications équivalentes à celles des normes européennes.

Cette perspective pourrait laisser augurer un développement futur de la seule unité de raffinage se situant à proximité de cette zone. Or, les capacités de production de la SARA ne suffisent pas à alimenter le marché des Antilles et de la Guyane, contraignant la SARA à importer annuellement des carburants. Par ailleurs, compte tenu de l’implantation du site de production en zone urbaine, toutes possibilités d’extension semblent compromises.

Dans ces conditions, on ne peut que s’interroger sur la stratégie future des compagnies pétrolières qui pourraient être tentées de se fournir sur des marchés de carburants raffinés produits à proximité. Cette tentation sera d’autant plus grande que ceux-ci devraient être offerts à un coût moindre du fait de la mutualisation des coûts, notamment de transport, et d’une production dans des unités beaucoup plus importantes. Les actionnaires de la SARA, souhaiteront-ils, sans garanties sur les marges qu’ils pourront réaliser, conserver un outil de production de petite capacité ou opteront-ils alors pour une restructuration de cet outil en fonction d’objectifs différents ? Ils pourraient notamment, profitant des compétences acquises en matière d’expertise des carburants par le laboratoire de la SARA, envisager un recentrage stratégique par le développement des activités de recherche ?

Faut-il attendre que les compagnies développent leurs propres stratégies ou, en liaison avec l’Union européenne, anticiper leurs éventuelles décisions ? Ne conviendrait-il pas plutôt de rebondir en s’appuyant sur l’outil existant et de développer, autant que faire se peut, une opportunité pour la Martinique et les RUP, en facilitant, au plus vite, en liaison avec les acteurs pétroliers et les acteurs locaux un pôle de compétitivité européen notamment sur la pollution et les normes environnementales des carburants ?

Outre les impacts bénéfiques pour le développement des DFA, la création d’un pôle de compétitivité de dimension européenne, centré sur la recherche et la mise au point de carburants d’origine minérales susceptibles d’atteindre les objectifs futurs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, constituerait une véritable vitrine des engagements européens en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique pour l’ensemble du continent Nord et Sud américain.

En lançant un tel projet, la France et l’Europe démontreraient leurs engagements forts, en faveur de la réduction des gaz à effet de serre et de la lutte contre le réchauffement climatique, tout en marquant leur volonté de d’appuyer le développement futur d’un espace technologique européen innovant dans la zone Caraïbe.

Ce pôle de compétitivité de dimension européenne, voire mondiale, pourrait utilement travailler en partenariat avec des organismes existant ayant une vocation voisine, tel que le CEDRE (Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux) de Brest, le pôle AVENIA en Aquitaine, renforçant ainsi les liens et les complémentarités entre la Martinique et la métropole.

Une telle initiative, si elle était reprise, balancerait utilement la décision annoncée par Mme la secrétaire d’État chargée de l’outre-mer de saisir la Commission européenne d’une demande de dérogation à l’application à la Guyane des normes européennes en matière de composition des carburants. La Guyane constitue, certes, une enclave européenne sur un continent où les normes environnementales concernant les carburants sont nettement moins draconiennes. Toutefois, une telle demande parait peu en phase avec la politique environnementale dont la France entend être l’un des fers de lance (la révision de la directive carburants a eu lieu sous présidence française de l’Union et la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement fait l’objet d’un large consensus national).

Proposition n° 10 : Créer en Martinique, autour de la SARA et en s'appuyant sur ses structures et ses compétences, un pôle de compétitivité européen sur la recherche de normes applicables aux hydrocarbures, compatibles avec les exigences de la réduction des gaz à effets de serre.

5. Le stockage

La question du stockage se pose en des termes différents à La Réunion et dans les départements français d’Amérique. La SRPP est une entreprise exceptionnellement rentable – 28 % de rentabilité financière entre 1999 et 2008 – dont la rentabilité même révèle qu’une baisse des droits de passage est possible sans compromettre la pérennité de l’activité de l’entreprise.

La mission d’information estime donc nécessaire de calculer les droits de passage de la SRPP pour qu’ils correspondent à une rentabilité maximale sur capitaux investis de 12 %, soit le niveau moyen de rentabilité des installations de stockage en Europe, visiblement suffisant pour assurer à la fois la rentabilité de l’activité, les investissements nécessaires et le respect des normes de sécurité.

Proposition n° 11 : Abaisser les droits de passage de la SRPP pour qu’ils correspondent à une rentabilité maximale sur capitaux investis de 12 %.

Dans les départements français d’Amérique, la situation est plus complexe qu’à La Réunion. Deux problèmes différents se posent. En premier lieu, le développement des distributeurs indépendants aux Antilles est freiné par le fait que la SARA assure le stockage des produits raffinés pour le compte de ses actionnaires. Cette particularité rend particulièrement difficile l’approvisionnement en carburant des membres du Groupement pétrolier des indépendants des Antilles, ceux-ci ne disposant pas de capacités de déchargement, de stockage et de chargement indépendantes.

Cette situation, liée notamment à un volume de stockage insuffisant en Guadeloupe (les obligations relatives aux stocks stratégiques ne sont pas atteintes et l’implantation de nouvelles unités de stockage se heurte à divers obstacles, officiellement d’ordre foncier, ce, malgré les études conduites par le CPSSP faisant apparaître quelques possibilités), apparaît pour le moins contestable et conforte vos rapporteurs dans leur conviction qu’il convient de dissocier l’activité stockage de celle de la SARA en créant une société différente dont le capital serait ouvert aux nouveaux entrants.

En deuxième lieu, les obligations relatives aux stocks stratégiques ne sont pas respectées et l’accès au stockage pour les distributeurs indépendants n’est pas garanti. La situation monopolistique de la SARA dans ce domaine et l’absence de la SAGESS (société anonyme chargée de mettre en œuvre les obligations à la charge du Comité Professionnel des Stocks Stratégiques Pétroliers) en constituent les principaux motifs.

Il importe donc de remédier rapidement à une situation anormale, d’autant plus que la réglementation européenne sur les volumes des stocks stratégiques a évolué à la hausse, les dispositions de la nouvelle directive européenne devant être transposées sous peu.

Comme le recommande notamment le rapport de l’IGF/IGA/CGIET, la filialisation de l’activité stockage de la SARA constituerait la voie à suivre, sous réserve de l’ouverture du capital de la future société à de nouveaux actionnaires. En raison des investissements nécessaires à l’accroissement des capacités de stockage, il conviendrait que cette nouvelle société dispose d’un panel d’actionnaires important et diversifié, d’autant que cette activité correspond par ailleurs à une mission d’intérêt public. Ainsi, outre la SARA, l’État et les collectivités territoriales, mais aussi les distributeurs indépendants et la SAGESS pourraient en constituer les principaux actionnaires.

L’une des premières missions de cette société consisterait, en liaison avec les pouvoirs publics, de rechercher de nouvelles implantations d’unités de stockage des carburants. Peut-être, de manière à palier les difficultés liées à l’absence des réserves foncières disponibles en Guadeloupe et en Martinique, conviendrait-il d’explorer une extension des capacités de stockage en Guyane.

Proposition n° 12 : Créer une filiale dédiée au stockage avec prise de participation de l’État, distincte de l’activité raffinage de la SARA.

6. Les marges de distribution

a) Paraissant pouvoir être réduites, les marges de distribution doivent cependant garantir l’emploi et la continuité de l’approvisionnement en carburant

● Refuser l’automatisation des stations-service pour préserver l’emploi dans les départements d’outre-mer

Si un point fait consensus outre-mer s’agissant du marché des carburants, c’est bien la priorité qui doit être donnée à l’emploi. Quelle que soit la personne, l’administration ou l’institution auditionnée par la mission d’information, la question de la préservation de l’emploi était au cœur de toutes les réflexions. La mission d’information ne peut donc que prendre acte de ce consensus sans perdre de vue, cependant, ce qu’elle impose en contrepartie : la limitation des baisses possible de la marge de détail et de la marge de gros.

Contrairement à la métropole, les stations-service outre-mer ne sont pas automatisées ; elles emploient donc de nombreux pompistes mais pas seulement. Véritables « lieux de vie », elles disposent souvent d’une boutique qui fournit aux consommateurs journaux, boulangerie et produits de première nécessité et emploient entre 5 et 10 salariés, jusqu’à 20 pour les grosses stations ; en effet, dès lors que la concurrence ne peut s’exercer par les prix et que les stations se trouvent toutes dans un périmètre réduit, la différence ne peut se faire que sur le service et la qualité de l’accueil.

Cependant, nos concitoyens outre-mer doivent être conscients que ce modèle de stations-service, aux emplois et services nombreux et de qualité, a une contrepartie : une marge de détail très élevée qui renchérit substantiellement le prix des carburants. Alors que la marge de distribution (marge de gros et marge de détail) en métropole ne dépasse pas 10 centimes par litre, la seule marge de détail en Guadeloupe et à La Réunion lui est supérieure, les coûts salariaux représentant plus de 50 % de celle-ci.

Dans ces conditions, rien ne serait plus simple, sur le papier, que de réduire cette marge de distribution : il suffirait d’automatiser les stations-service et de sacrifier des centaines d’emplois pour obtenir une baisse du prix des carburants qui pourrait atteindre, selon le rapport IGF/IGA/CGM, jusqu’à
6,4 centimes par litre en Guadeloupe.

Telle n’est pas la position de la mission d’information. Celle-ci considère que les centimes d’euros gagnés sur la marge des détaillants ne compenseraient pas le coût humain, social et économique de la suppression des emplois de pompistes dans des territoires particulièrement frappés par le chômage.

Proposition n° 13 : Maintenir autant que possible les emplois de pompistes dans les stations-service en refusant leur automatisation.

Le refus de l’automatisation des stations-service limite également la baisse possible de la marge de gros. En effet, si celle-ci devait être diminuée, il est évident que les compagnies pétrolières accapareraient une part plus importante de la marge de détail et, de fait, imposeront à leurs locataires-gérants, soucieux de maintenir leur rentabilité, de réduire leurs coûts fixes, c'est-à-dire les charges salariales, via l’automatisation des pompes. Peut-être même qu’elles reprendraient directement la gestion des stations-service afin d’appliquer un plan de rationalisation des coûts avec pour conséquence des licenciements massifs. Le directeur général de Total-Réunion, M. Philippe BODILIS, a été très clair sur les conséquences sur l’emploi qu’aurait une éventuelle diminution de la marge de gros.

● Assouplir le prix maximum de vente au détail

Le prix administré des carburants outre-mer est, en pratique et bien qu’il se présente comme un prix maximum, un prix unique. Dès lors, il n’est fait aucune différence entre les propriétaires-gérants et les locataires-gérants, entre les grosses et les petites stations, entre les stations situées en centre-ville et celles qui assurent un véritable service public dans les régions isolées.

Dans ces conditions, la marge de détail fixée par l’arrêté préfectoral n’est pas une marge moyenne mais une marge au coût marginal, celle qui est nécessaire afin d’assurer la rentabilité des stations les moins rentables.

Par conséquent, dès lors que les augmentations de la marge de détail s’appliquent à toutes les stations, les plus rentables le deviennent encore plus ! Les gérants ont ainsi beau jeu de mettre en avant la situation difficile de quelques petites stations, éloignées et peu rentables pour obtenir une revalorisation qui profitera à toutes, même aux plus rentables.

Le seul moyen d’éviter l’effet pervers de cette marge unique est de permettre au préfet d’autoriser les stations les moins rentables, qui sont souvent les plus petites et les plus isolés, à déroger au prix maximum de vente au détail. Bien sûr, ces stations devront fournir aux DRCCRF dont elles relèvent l’ensemble des éléments prouvant la nécessité pour celles-ci d’obtenir cette dérogation. Les cas devraient être peu nombreux et, in fine, le consommateur ultramarin a tout à gagner à ce que quelques stations – qui assurent souvent une mission de service public en desservant et en animant des régions isolées – puissent augmenter leur prix sans servir de prétextes à une augmentation générale de la marge de détail.

Proposition n° 14 : Permettre au préfet d’autoriser certaines stations-service limitativement énumérées à déroger au prix maximum afin d’assurer la continuité de l’approvisionnement dans certaines régions isolées.

● Calculer au plus juste la marge de gros

Il est évident que les marges de gros sont trop élevées dans les départements d’outre-mer. La rentabilité financière des compagnies pétrolières est fréquemment supérieure à 15 % alors même que la mission d’information n’est pas convaincue de la plus-value qu’elles apportent, notamment en matière de formation des gérants (voir supra).

Il n’en reste pas moins que l’approvisionnement en carburant des départements d’outre-mer repose exclusivement sur des entreprises privées soumises à une contrainte de rentabilité forte puisqu’elles sont toutes cotées en bourse. C’est un fait que l’on peut regretter, mais il est impossible de mener une réflexion sur le prix des carburants outre-mer sans le garder à l’esprit.

Dès lors, proposer une réduction de la marge de gros n’apparaît plus aussi simple. La réduire, c’est prendre en effet le risque que les compagnies pétrolières se retirent, faute de rentabilité suffisante, d’un marché qui ne représente quasiment rien pour ces multinationales. Déjà, les consommateurs ultramarins ont assisté ces dernières années à ce qu’une personne auditionnée par la mission d’information a appelé « une valse des enseignes » : Shell s’est retiré de Martinique et Guadeloupe (son réseau a été racheté par Rubis-Vito) comme Exxon-Mobil de La Réunion (son réseau a été racheté par Tamoil). Que se passera-t-il si ces groupes moins solides que les majors décident de se retirer, faute de rentabilité ? Qui assurera alors la distribution des carburants ? La baisse de la marge de gros se heurte à la contrainte de la continuité de l’approvisionnement en carburant des départements d’outre-mer.

Le directeur général de Total-Réunion, M. Philippe BODILIS, a d’ailleurs été très clair lors de son audition par la mission d’information. S’appuyant sur le rapport IGF/IGA/CGIET, qui préconise une baisse de 3 centimes de la marge de gros, il a souligné que la rentabilité de 5 % qui en résulterait, après une année 2008 déficitaire et une année 2009 qui s’annonce catastrophique, pourrait apparaître insuffisante aux actionnaires et entraîner le retrait de Total de ce marché.

Les DRCCRF devront donc calculer au plus juste la marge de gros, la réduisant autant qu’il est possible, mais en gardant à l’esprit que les consommateurs ultramarins se soucieront peu du prix des carburants s’ils venaient un jour à en manquer, faute de distributeurs.

Proposition n° 15 : Calculer la marge de gros de manière à ce qu’elle garantisse une rentabilité suffisante aux compagnies pétrolières, à même de garantir la continuité de l’approvisionnement en carburant et en gaz des départements d’outre-mer.

b) Renforcer la position des propriétaires-gérants face aux compagnies pétrolières

La mission d’information a longuement analysé les relations complexes entre les compagnies pétrolières et les gérants de stations-service, qu’ils soient propriétaires ou locataires. Elle est désormais convaincue que le moyen le plus efficace de réintroduire un peu de concurrence sur le marché contraint des carburants outre-mer repose sur le renforcement des propriétaires-gérants, les seuls à même de résister à la pression des compagnies pétrolières.

En effet, si les locataires-gérants sont dans l’étroite dépendance des compagnies pétrolières, lesquelles possèdent le fond de commerce et peuvent ne pas renouveler le contrat de location-gérance une fois celui-ci expiré, les propriétaires-gérants sont dans une position de force puisque le seul moyen pour un distributeur de se développer est d’intégrer toujours plus d’indépendants dans son réseau via des contrats d’approvisionnement exclusif. Les propriétaires-gérants sont donc en mesure de faire jouer la concurrence entre elles et, peut-être, faire bénéficier les consommateurs des remises ainsi obtenues (voir supra).

Plus ces contrats d’approvisionnement exclusif seront renouvelés fréquemment, et plus la concurrence pourra s’exercer. Il importe donc qu’ils soient d’une durée limitée, par exemple, à cinq ans au maximum.

En outre, les compagnies pétrolières sont toujours à l’affût du propriétaire gérant qui cesse son activité, qu’il se reconvertisse ou qu’il parte à la retraite. Racheter une station indépendante et l’intégrer à leur réseau de location-gérance est l’autre moyen pour elles d’agrandir leur réseau de distribution. Interdire dans les contrats d’exclusivité la clause qui donne priorité au fournisseur pour le rachat du fond de commerce en cas de retrait de son propriétaire permettrait de maintenir une des rares pressions concurrentielles sur ce marché.

Proposition n° 16 : Limiter la durée des contrats d’exclusivité entre les fournisseurs et les propriétaires de stations-service indépendantes et supprimer la clause donnant priorité au fournisseur pour le rachat du fond de commerce en cas de retrait du propriétaire.

Enfin, dans la même perspective de renforcement de la concurrence, il convient d’aider les locataires-gérants, via des prêts bonifiés, à devenir propriétaires de nouvelles stations-service, voire à les leur réserver. De même, lorsqu’une compagnie pétrolière vend son réseau, on peut envisager un droit de préemption des locataires sur la station qu’ils gèrent grâce, également, à des prêts bonifiés.

Proposition n° 17 : Faciliter l’accession à la propriété des locataires-gérants.

7. La sortie de crise

a) L’État doit régler sa dette aux compagnies pétrolières

La crise de l’automne 2008 s’est traduite, dans tous les départements d’outre-mer, par une baisse unilatérale des prix des carburants décidée par les préfets. Ceux-ci ont donc délibérément écarté l’application de la structure de prix issue des décrets précités et fixé un prix des carburants totalement déconnecté de celle-ci.

Or, la marge des détaillants n’ayant pas été diminuée, l’effort financier a intégralement pesé sur les compagnies pétrolières et, dans les départements français d’Amérique, sur la SARA qui, depuis lors, vendent en dessous de leur prix de revient tel qu’il est fixé par la structure de prix. Certes, le prix du pétrole a fortement baissé jusqu’à 35$ à l’automne 2008, allégeant d’autant leur facture, mais il est reparti à la hausse depuis le début de l’année et atteint maintenant 65$.

Si les compagnies pétrolières et la SARA ont accepté de poursuivre leur activité dans de telles conditions, c’est qu’elles ont obtenu l’assurance, au plus haut niveau de l’État, que leurs pertes seront compensées. La mission d’information voit d’ailleurs mal comment l’État pourrait s’exonérer de ses responsabilités. Si elles portaient l’affaire en justice, la responsabilité de l’État – qui n’a pas respecté ses propres décrets – serait très certainement reconnue ; plus grave, si les pertes n’étaient pas compensées, c’est l’approvisionnement même des départements d’outre-mer en carburants qui serait remis en cause ; si la SARA comme d’autres compagnies pétrolières, appartiennent à des groupes puissants, à même de supporter des pertes récurrentes, ce n’est pas le cas, notamment, de Rubis-Vito. En outre, rien ne dit que ces groupes ne choisissent pas de se retirer d’un marché où il n’y a que des coups à prendre…

L’État devra donc payer. Mais il est difficile, aujourd’hui, de savoir combien. Après avoir auditionné tant les responsables des compagnies pétrolières et de la SARA que les services préfectoraux et les chambres de commerce et d’industrie, la mission d’information est en mesure de donner au moins un ordre de grandeur de l’ardoise. A la Réunion, où les prix sont déconnectés depuis le 1er août 2008, elle s’élèverait, à 30 millions d’euros (soit 3 millions d’euros par mois). En Guyane, le coût de la baisse de 50 centimes du prix des carburants serait, pour les compagnies pétrolières, de 15 millions d’euros (14). Enfin, la SARA accumulerait, tous les mois une perte de 3,5 millions d’euros pour la Martinique et de 4,5 millions d’euros pour la Guadeloupe.

La question est à ce point sensible que le décret n° 2009-862 du
13 juillet 2009 a ouvert
44 millions d’euros de crédits supplémentaires afin de financer les pertes des compagnies pétrolières et de la SARA jusqu’en mai 2009. Il n’est pas sûr que cette somme suffise, dans un contexte où le prix du pétrole repart à la hausse, d’autant qu’elle ne concerne pas La Réunion ; de plus, elle ne couvre que les pertes passées et les compteurs tournent toujours…

Dans ces conditions, la mission d’information a réfléchi à un moyen de limiter le coût, pour l’État, de l’apurement de sa dette aux compagnies pétrolières et à la SARA. Elle l’a trouvé dans le prélèvement institué sur les sociétés pétrolières (raffinage et distribution) par l’article 67 de la loi de finances rectificative pour 2007 et destiné à financer « l’aide à la cuve » de 150 € en faveur des ménages modestes se chauffant au fioul domestique (15).

Or, lorsqu’elle a été décidée, le prix du pétrole atteignait 97$ le baril (le 21 novembre 2007, jour de la présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2007) et 106$ lorsqu’elle a été renforcée (le 26 septembre 2008, jour de la présentation du projet de loi de finances pour 2009). Si, d’ici la fin de l’année, le prix du baril de pétrole reste au niveau actuel, autour de 60$, une partie du produit du prélèvement – 163 millions d’euros – pourrait être utilisée afin d’apurer la dette de l’État sans que le contribuable soit mis à contribution.

Il va de soi que si les conditions ayant justifié l’instauration de ces primes à la cuve en faveur des particuliers se vérifiaient à nouveau, c’est bien cette finalité qui serait alors privilégiée, à charge pour les pouvoirs publics de trouver une autre solution pour acquitter la dette de l’État auprès des compagnies pétrolières. Cette solution pourrait être une augmentation du taux de cette même taxe prélevée auprès de ces compagnies. Ce sont elles en effet qui agrègent les bénéfices des différentes entités juridiques dont nous avons analysé le rôle et qui répercutent systématiquement et intégralement sur le consommateur les contraintes qui leur sont imposées.

Proposition n° 18 : Si le prix du pétrole le permet, utiliser une partie du produit du prélèvement finançant l’aide à la cuve pour apurer le passif de l’État vis-à-vis des compagnies pétrolières. A défaut, augmenter la taxe à due concurrence.

b) Le retour au prix « réel » des carburants est nécessaire

L’affectation d’une partie du prélèvement finançant l’aide à la cuve pour apurer la dette de l’État vis-à-vis des compagnies pétrolières n’est qu’un pis-aller qui ne règle pas le véritable problème qu’est la déconnexion entre le prix de structure et le prix de vente des carburants dans les départements d’outre-mer. Tant que ces deux prix ne coïncideront pas, la dette ne s’étendra jamais.

Il apparaît donc urgent, d’une part, de couvrir les pertes réelles des compagnies pétrolières et de la SARA, après un audit précis de leurs comptes, mais également de rapprocher progressivement le prix de vente du prix tel qu’il résulte de la formule, aménagée le cas échéant en application des propositions de la mission d’information

Cependant, un retour brutal à la réalité des prix doit être écarté pour des raisons évidentes. Il rappellerait de bien mauvais souvenirs aux consommateurs ultramarins. Lisser l’augmentation des prix sur plusieurs mois, en faisant un effort particulier de pédagogie via le Comité de suivi que propose la mission d’information, apparaît préférable. Les préfectures travaillent dès maintenant à plusieurs scenarii pour une mise en œuvre que la mission d’information espère rapide.

Proposition n° 19 : Mettre en place rapidement un dispositif progressif de retour aux prix « réels » des carburants.

C.— DÉVELOPPER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES

1. Le prix des énergies fossiles est voué à augmenter

L’augmentation régulière des prix du pétrole à compter de 2003 est allée de pair avec le développement économique rapide de la Chine, de l’Inde et des autres pays émergents, dans un contexte de forte croissance mondiale. Elle s’est accélérée en 2008 en raison d’une poussée de fièvre spéculative qui s’est rapidement éteinte avec la prise de conscience que le monde entrait en récession, à commencer par les États-Unis, avec pour corollaire une diminution de la demande pour la première fois depuis 1981.

Cependant, l’effondrement du cours du baril jusqu’à un plancher de 33,20$ le 15 janvier 2009 (à comparer aux 146,20$ atteints le 14 juillet 2008) ne doit pas faire illusion. Dès que la reprise économique fera sentir ses effets, la demande repartira à la hausse ; déjà, les divers plans de relance, notamment les
461 milliards de dollars du plan chinois, font sentir leurs effets, puisque le prix du baril est remonté autour de 65$ en juillet 2009. Lorsque la croissance mondiale sera revenue, la soif inextinguible de pétrole des grandes économies émergentes poussera les cours vers de nouveaux sommets, en raison notamment d’une offre qui ne sera pas en mesure de suivre la demande.

En effet, à court terme, l’effondrement du prix du pétrole a gelé bon nombre d’investissements des compagnies pétrolières, lesquels n’étaient alors plus rentables. Lorsqu’ils le redeviendront avec la hausse des cours, des années seront nécessaires avant qu’ils se traduisent par un accroissement de l’offre, seul à même de stabiliser les prix. Mais à plus long terme, c’est la question de la disponibilité de la ressource qui est posée. Même si la question du « pic pétrolier » est controversée dans la communauté scientifique, il n’en reste pas moins que les réserves de pétrole (et de gaz), créées il y a des centaines millions d’années, ne sont pas inépuisables et qu’un jour– dont la date reste indéterminée – arrivera où il n’y aura plus de pétrole ni de gaz sur notre planète. De nouvelles découvertes de gisements, le progrès technique dans leur exploitation, des véhicules plus économes en carburant retarderont sans doute l’échéance ; mais à terme, celle-ci est inéluctable.

En outre, la contrainte environnementale pèse de plus en plus sur le prix des énergies fossiles. Le fait que celles-ci contribuent fortement à l’effet de serre pousse les gouvernements à réfléchir à une « taxe carbone » qui renchériraient le prix de vente des carburants afin d’orienter les acteurs économiques vers des comportements plus sobres et/ou des énergies alternatives.

2. Anticiper la fin des énergies fossiles en développant des énergies renouvelables

Les départements d’outre-mer sont soumis à une double contrainte : d’une part, leur consommation d’énergie augmente régulièrement (en particulier la consommation d’électricité qui croît à un rythme bien plus rapide que celle de la métropole) et, d’autre part, ils sont obligés, en l’absence de ressources propres, d’importer la totalité de leurs produits énergétiques d’origine fossile, dont une large part (le fioul lourd) est d’ailleurs utilisée à la production d’électricité.

Or, le prix des énergies fossiles est voué à augmenter fortement ; par conséquent, l’activité économique des départements d’outre-mer ne peut, à long terme, reposer exclusivement sur celles-ci ; les collectivités territoriales ont pris conscience des enjeux et toutes se sont mobilisées, à travers les Plans énergétiques Régionaux pluriannuels de prospection et d’exploitation des Énergies Renouvelables et d’Utilisation Rationnelle de l’ÉNERGIE (PRERURE) (16), afin de mettre les atouts de leurs territoires au service d’une politique ambitieuse de développement des énergies renouvelables. L’objectif économique de cette politique – la réduction de la dépendance aux énergies fossiles afin d’assurer la croissance à long terme – se cumule en outre avec un objectif environnemental – la réduction des émissions de gaz à effet de serre dont celles-ci sont responsables.

Si des projets de géothermie et d’utilisation de la biomasse sont à l’étude (notamment à La Réunion), c’est principalement dans le domaine de l’énergie solaire qu’a porté l’essentiel des efforts.

a) L’énergie solaire : l’avenir

L’énergie solaire est probablement l’avenir dans les départements d’outre-mer. Non seulement ils bénéficient toute l’année d’un fort ensoleillement, bien plus important qu’en métropole, mais les investissements sont particulièrement rentables en raison des conditions de rachat de l’électricité photovoltaïque par EDF (0,30 €/kWh en application de l’arrêté du 13 mars 2002) et de leur éligibilité au régime de défiscalisation de l’article 199 undecies du
code général des impôts.

Dès lors, les investissements se sont multipliés ces dernières années afin d’accroître la production d’énergie d’origine photovoltaïque, avec un effet d’entraînement non négligeable sur l’économie locale, notamment en matière d’emplois.

En décembre 2007, La Réunion s’est ainsi dotée de la plus grande centrale photovoltaïque française, avec plus de 6 000 panneaux répartis sur une surface de 10 000 mètres carrés ; la centrale, installée sur les toits de la SAPRIM au Port, produira 1 350 MWh d’électricité par an. En 2008, une centrale encore plus grande (8 000 panneaux sur 13 000 mètres carrés) a été inaugurée sur les toits de la SITAR à Saint-Pierre. Enfin, début 2009, Située sur les toits des bâtiments de la CILAM et de SODICO, une nouvelle installation photovoltaïque d'une capacité de 2 MW a été livrée, ce qui lui permettra à cette centrale de produire 2 571 MWH par an, soit la consommation annuelle de 1 130 foyers réunionnais et d'éviter le rejet de 2 150 tonnes de CO2 dans l'atmosphère.

En outre, en octobre 2007, M. Jean-Yves LANGENIER, Maire du Port, et M. Paul VERGES, Président de la Région ont signé l'officialisation du projet « Le Port, Ville Solaire » (2007-2013), incluant notamment une unité de production d’énergie solaire d’une puissance de 30 MW. Au final, selon les chiffres de l’Observatoire de l’énergie de la Réunion, la puissance installée des sites raccordés au réseau sur l’île de La Réunion sera de 60 MW à fin 2009 (100 MW prévu fin 2010).

Si La Réunion a, en matière de production d’énergie photovoltaïque, une politique très ambitieuse (avec l’objectif d’une île dont 100 % de l’énergie serait renouvelable en 2025), les autres départements d’outre-mer ne sont pas moins actifs. En Guadeloupe, la centrale du Moule, première centrale photovoltaïque privée, a été inaugurée le 29 mai 2009, D’une capacité initiale de 136 MWH par an, elle sera progressivement agrandie pour atteindre 1 348 MWH/an en 2011. En Guyane, la première centrale photovoltaïque a été mise en service à Degrad-des-Cannes le 9 février 2009 permettra de produire 630 mWh d’électricité et d’éviter le rejet annuel dans l’atmosphère de près de 450 tonnes de CO2.

Enfin, l’investissement en énergie solaire des particuliers est également encouragé. Les contribuables qui s’équipent d’un chauffe-eau solaire bénéficient d’un crédit d’impôt égal à 50 % de son coût (article 200 quater du code général des impôts). L’incitation est même devenue une obligation Les chauffe-eau solaires, couvrant au moins 50 % des besoins, sont, en application du décret n° 2009-424 du 17 avril 2009, désormais obligatoires lorsqu'un système de production d'eau chaude sanitaire est installé dans un logement neuf.

b) L’énergie éolienne : la contrainte des cyclones

Autre atout des territoires d’outre-mer, la présence des alizés qui balayent les territoires d'Est en Ouest ; leur régularité est idéal pour l’implantation de parcs éoliens, investissements également encouragés comme l’énergie solaire – fiscalement et via un prix de rachat de l’électricité ainsi produite particulièrement favorable.

Cependant, si quelques projets ont été menés à bien, notamment à La Réunion (centrale éolienne de la commune de Sainte Suzanne, dont la puissance atteint 3,85 MW) et surtout en Guadeloupe, le département le plus avancé dans ce domaine (l’île de la Désirade est alimentée par une centrale éolienne depuis 1993), la Martinique n’abrite qu’une seule éolienne et la Guyane aucune.

En effet, l’un des obstacles au développement de l’éolien est la récurrence des cyclones en région tropicale et subtropicale. Certes, il existe des modèles adaptés (mats haubanés basculants permettant de rabattre l’éolienne) mais ce ne sont pas les plus performants. Actuellement, ne sont ainsi installées à La Réunion que des éoliennes de moyenne puissance (275 KW), bien que le PRERURE de la Réunion repose sur un objectif de 100 MW éoliens en 2025.

c) Les biocarburants : la contrainte foncière

Les centrales photovoltaïques et éoliennes produisent de l’électricité ; or l’essentiel des importations – et des consommations d’énergie fossiles – est absorbé par le transport routier. L’alternative à celles-ci pourrait être, comme en métropole où leur incorporation dans les carburants est désormais obligatoire, le développement des biocarburants.

Cependant, ceux-ci n’ont pas, outre-mer, le même potentiel que l’énergie solaire ou éolienne en raison de l’exiguïté des territoires martiniquais, guadeloupéen et réunionnais (et, dans ce dernier cas, également de son relief). En revanche, la Guyane dispose des réserves foncières suffisantes pour produire, comme son voisin brésilien, de l’éthanol à partir de la canne à sucre, à condition toutefois que soient assouplies les restrictions au défrichage dans ce département.

Proposition n° 20.  Développer l’énergie solaire outre-mer et expertiser les autres énergies renouvelables (biocarburants, géothermie, éolien).

C’est d’ailleurs pour ces raisons, doublées de l’absence, outre-mer, d’installations de production de biocarburants, que ces départements ont été exonérés de la TGAP sur les carburants, applicable en métropole depuis le
1er avril 2006, jusqu’au 1er janvier 2010
(article 19 de la loi de finances pour 2006). Les distributeurs de carburants outre-mer ne sont donc pas sanctionnés par une TGAP dissuasive s’ils n’incorporent pas, dans les carburants qu’ils mettent à la consommation, le volume de biocarburants exigés par l’article 266 quindecies du code des douanes.

Presque quatre ans plus tard, la production de biocarburants n’est pas plus développée et l’échéance du 1er janvier 2010 approche. L’application automatique de la TGAP qui se profile aurait pour conséquence de renchérir encore le prix des carburants outre-mer ; dans ces conditions, la mission d’information estime nécessaire de rendre cette taxe définitivement inapplicable dans les départements d’outre-mer.

Proposition n° 21 : Supprimer l’application dans les départements d’outre-mer, prévues à compter du 1er janvier 2010, de la TGAP relative aux carburants.

V.— EXAMEN EN RÉUNION COMMUNE

Lors de sa réunion du 23 juillet 2009, la commission des affaires économiques a examiné, conjointement avec la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, le rapport d’information de la mission d’information commune sur le prix des carburants dans les départements d’outre-mer (DOM) (MM. Jérôme Cahuzac et Jacques Le Guen, rapporteurs).

M. le président Patrick Ollier. La commission des finances et la commission des affaires économiques ont décidé conjointement de se réunir aujourd’hui pour se prononcer sur la publication du rapport de leur mission d’information commune sur le prix des carburants dans les DOM. Le choix de cette date vise à respecter l’engagement pris au début des travaux de cette mission, que soient formulées avant la fin de la session, des propositions susceptibles de remédier à un problème dont les conséquences économiques et sociales ont été particulièrement graves dans l’ensemble des départements d’outre-mer. Ces propositions sont attendues par le Gouvernement qui doit prendre plusieurs décisions d’ici la fin de l’été.

C’est à La Réunion que ce problème a donné lieu aux premiers mouvements revendicatifs, en septembre 2008 ; ils se sont ensuite étendus à l’ensemble des DOM à la fin de 2008 et au début de 2009. Ces mouvements ont trouvé leur origine dans les répercussions très tardives sur les prix des carburants à la pompe de l’effondrement des cours mondiaux du pétrole après la flambée du début de l’année 2008.

Au début de cette année, j’ai décidé de répondre favorablement aux demandes de Mme Christiane Taubira et de M. Alfred Almont tendant à créer une mission d’information de la commission des affaires économiques sur cette question. C’est bien volontiers que j’ai accepté la demande de Mme Taubira que cette mission d’information soit commune avec la commission des finances.

Dans des délais relativement brefs, cette mission a accompli un travail important comportant en particulier une soixantaine d’auditions dont la majorité a eu lieu dans les départements concernés. Ce travail débouche sur des propositions qui vont être présentées par les deux co-rapporteurs et qui revêtent un caractère définitif. Nos deux commissions se prononceront aujourd’hui sur l’autorisation de publier le rapport d’information qui présentera ces propositions de manière détaillée. Je précise toutefois que cette publication, si elle est autorisée, n’interviendra qu’au cours de la première quinzaine du mois de septembre. Pour répondre à une préoccupation exprimée par Mme Christiane Taubira dans un courrier qu’elle vient de m’adresser, j’indique enfin que si des membres de la mission d’information souhaitent présenter des contributions, celles-ci seront bien entendu annexées à ce rapport.

M.  Michel Diefenbacher, président. Comme vient de le rappeler le président Patrick Ollier, les récents mouvements sociaux liés au problème du prix des carburants dans les DOM trouvent leur origine dans une flambée du cours du pétrole sur le Brent puis dans le retard de la répercussion de l’effondrement de ce cours sur le prix de l’essence à la pompe.

Le problème du prix des carburants revêt une particulière acuité dans ces départements même si les mouvements sociaux auxquels on vient d’assister n’ont pas tous eu la même ampleur qu’en Guadeloupe. Cette sensibilité spécifique tient à l’infériorité du niveau de vie des habitants de ces départements par rapport à ceux de la métropole, avec pour conséquence des dépenses de carburant y représentant une part plus importante du budget des ménages.

Le système qui prévaut pour la fixation du prix des carburants est celui du contrôle administratif qui devrait théoriquement permettre une maîtrise de la situation. Or ce n’est pas le cas comme le montre en particulier le récent rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’administration et du Conseil général des Mines. Ce rapport fait notamment ressortir, sur une longue période, un coût plus élevé des carburants dans les départements d’outre-mer qu’en métropole alors que la fiscalité qui les frappe y est moins lourde. Tout en indiquant que cette situation s’explique en partie par des contraintes structurelles telles que l’étroitesse des marchés, le même rapport met en évidence d’autres motifs notamment liés à l’organisation défectueuse du système de distribution.

Sur le plan des principes, on peut y voir la preuve des défaillances de la réglementation administrative par rapport au jeu de la libre concurrence. Pour autant, il paraît difficilement envisageable que celle-ci soit mise en œuvre du jour au lendemain et il paraît préférable, au moins dans l’immédiat, de maintenir le système actuel de réglementation en lui apportant de sensibles améliorations.

J’indique enfin que je donne mon assentiment à la procédure de publication du rapport d’information proposée par le président Patrick Ollier.

M. le président Patrick Ollier. Je donne maintenant la parole à MM. Le Guen et Cahuzac, leur laissant le soin d’organiser la présentation de leurs propositions.

M. Jacques Le Guen, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques. Je rappelle qu’à la suite des événements survenus à l’automne et en hiver derniers, vous avez, Monsieur le Président Ollier, en réponse à la demande de plusieurs députés ultramarins, pris l’initiative de la création de la mission d’information sur les prix des carburants dans les départements d’outre-mer en y associant les deux commissions des affaires économiques et des finances.

Il paraissait indispensable que le Parlement tente de cerner non seulement les mécanismes de formation des prix, mais aussi les causes plus profondes qui font l’originalité de la chaîne du pétrole dans les DOM, en raison notamment des particularismes locaux.

Alors que le Gouvernement chargeait en décembre un groupe de hauts fonctionnaires appartenant à l’inspection des finances, à l’inspection générale de l’administration et au conseil général des Mines d’une mission d’expertise et commandait à l’Autorité de la concurrence un avis sur les pratiques concurrentielles dans ce secteur particulier, il nous appartenait de jeter sur cette délicate question un regard moins administratif, mais tout à la fois plus prospectif et plus politique.

Malgré l’urgence de la situation, il est apparu judicieux aux rapporteurs, en accord avec le président Patrick Ollier, de prendre le temps de la réflexion, de travailler sur le long terme et de tenter de faire coïncider la publication des propositions en cohérence avec l’avancement des travaux des états généraux sur l’outre-mer, de façon à compléter leur information et à éclairer les décisions politiques à venir.

Notre rapport s’articule autour de quatre parties principales :

– la première décrivant les spécificités des marchés des carburants dans les DOM,

– la deuxième, plus analytique, s’efforçant de mettre à jour les dysfonctionnements des marchés des carburants,

– la troisième traitant les particularités propres à chaque département ; partie dans laquelle sont abordés les cas de la Société réunionnaise des produits pétroliers (SRPP) à La Réunion et de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA) en Martinique,

– enfin une quatrième partie qui recense et argumente les propositions de la mission.

Il nous est apparu nécessaire de rappeler en tout premier lieu que les marchés ultramarins sont des marchés de petite taille, mais où depuis peu, notamment pour la Guyane, s’appliquent les spécifications réglementaires prévues par les normes européennes en matière de carburants ; normes particulièrement contraignantes visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à lutter ainsi contre le réchauffement climatique de la planète.

Autre caractéristique commune aux quatre départements : l’absence de concurrence réelle conférant au système de distribution de détail un rôle social particulier ; il n’est pas rare que les stations-service, qui assurent un véritable service à la pompe, emploient, de ce fait, une dizaine de salariés, voire plus.

L’éloignement, les normes à respecter pour les carburants et le mode d’approvisionnement par voie maritime expliquent notamment que les prix des carburants soient fixés administrativement. Ce sont en effet des arrêtés préfectoraux qui fixent un prix maximum des carburants sur lequel s’alignent immanquablement les distributeurs de détail.

Les variations brutales des prix du baril, notamment la baisse enregistrée l’année dernière, ont révélé les dysfonctionnements des marchés pétroliers ultramarins. En effet, le système de fixation des prix lié aux approvisionnements ne répercute qu’avec retard les fluctuations des cours du brut.

Face à une crise sociale dont le prix des carburants a été le catalyseur et qui s’est propagée d’un département à un autre (La Réunion dès septembre 2008, puis la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique) les préfets ont procédé à une baisse unilatérale des prix des carburants, retenant d’ailleurs un prix proche de celui du prix moyen en métropole, sans que celui-ci réponde à la moindre logique économique.

Une étude approfondie des deux entreprises ultramarines, la SRPP pour La Réunion et la SARA pour les départements français d’Amérique (DFA), fait apparaître une organisation complexe de structures d’entreprises intégrées, dans lesquelles les compagnies pétrolières occupent une position dominante, dans une certaine opacité. La décomposition de la chaîne pétrolière met en évidence des relations complexes où les filiales des compagnies pétrolières se cèdent les unes aux autres les produits exploités, puis transportés, puis raffinés pour enfin qu’une nouvelle filiale veille à sa distribution dans un réseau de stations-service à son enseigne données en location gérance selon des contrats aux clauses parfois sibyllines.

À la suite des déplacements réalisés par la mission d’information, il est apparu que chaque département avait ses spécificités propres.

À La Réunion, la SRPP importe de Singapour des produits raffinés qu’elle stocke pour le compte de ses actionnaires, qui sont également les grossistes distributeurs. Un examen des comptes de la société fait clairement apparaître que les bénéfices tirés de cette activité de stockage sont très élevés ; les marges des grossistes et des distributeurs de détail apparaissant elles aussi confortables. Enfin, il faut souligner que le coût du transport, du fait de la taille réduite des navires, dimensionnés aux accès du port, est relativement élevé. Toutefois, des travaux d’aménagement du quai ont été entrepris afin d’accroître le tonnage des approvisionnements sans que la SRPP ait réalisé les travaux nécessaires à sa mise en service.

Les trois départements français d’Amérique partagent un même problème, celui de ne pas respecter les obligations découlant de la réglementation européenne sur les volumes des stocks stratégiques pétroliers, les capacités de stockage étant insuffisantes. Cette situation est d’autant plus préoccupante que cette réglementation va être prochainement rendue plus rigoureuse.

En Martinique, la SARA, créée à l’initiative du général de Gaulle en 1969 afin de garantir l’approvisionnement des Antilles, constitue le pivot de la chaîne du pétrole. Comme pour la SRPP, ses actionnaires sont également les compagnies pétrolières qui organisent la distribution de gros et de détail dans leurs réseaux de stations-service. Rien d’étonnant donc que cette société ait focalisé les critiques et les accusations de « profitation » lors des événements qui ont paralysé les départements français d’Amérique. Il faut bien reconnaître que, s’agissant de ses activités, notamment l’importation de produits raffinés, la SARA n’a pas été d’une transparence totale, alimentant ainsi les rumeurs à son encontre.

La Guadeloupe, comme la Guyane, est approvisionnée en produits raffinés par la SARA. Contrairement à la Martinique, des distributeurs indépendants tentent de s’implanter sans pour autant disposer de capacités de stockage, l’ensemble des réservoirs implantés en Guadeloupe appartenant à la SARA, et le développement de nouvelles capacités se heurte à des difficultés liées à l’insularité. Comme pour la Martinique, le réseau de stations-service présente une forte densité, à tel point que le secrétaire d’État à l’outre-mer a signé un protocole d’accord avec les gérants visant à geler temporairement l’ouverture de toute nouvelle station-service. Par ailleurs, les salariés des stations-service bénéficient d’une convention collective départementale particulièrement favorable. Enfin, il convient de souligner qu’en application du protocole d’accord signé le 4 mars dernier entre le préfet, les élus territoriaux et les associations de consommateurs dont le LKP, l’État s’engage à mettre en place un nouveau dispositif de gestion des carburants assurant plus de transparence et tenant compte de la problématique des emplois dans les stations-service. De même, il entend suspendre dans la structure des prix des carburants la taxe sur les huiles usagées et « dans l’hypothèse où la mission d’inspection aura mis à jour la perception de sommes indues par l’un ou l’autre des acteurs de la filière pétrolière, ces sommes, susceptibles in fine d’être reversées par ce ou ces acteurs, serviront à alimenter un fonds de formation professionnelle par la Région ».

Ce n’est que récemment, en 2007, à la suite d’une action en justice des concessionnaires automobiles, que les distributeurs guyanais qui s’approvisionnaient précédemment à Trinidad et Tobago sont tenus de livrer des carburants aux normes européennes de ce fait plus onéreux et donc de s’approvisionner auprès de la SARA. Un autre élément intervenant dans la cherté des prix des carburants est le poids d’une fiscalité (la taxe spéciale sur les carburants) au taux maximum. Il faut toutefois convenir que les besoins en investissements publics sont considérables, en particulier en matière d’infrastructures routières. La SARA n’assure en Guyane qu’une prestation de stockage dont elle a le monopole et qui est largement bénéficiaire.

La mission d’information a pu constater combien l’incompréhension d’un système de fixation des prix, au demeurant complexe, était à l’origine du malaise exprimé tant par les élus et les acteurs économiques que par les consommateurs. Il lui est alors apparu que les mesures prioritaires à mettre en œuvre consistaient à établir les conditions d’une transparence totale sur le régime des prix administrés afin de lever à l’avenir toute forme d’ambiguïté. C’est dans cet esprit que la mission propose 21 mesures que mon collègue Jérôme Cahuzac et moi-même allons détailler.

La première proposition tend à créer un « comité de suivi » des prix des carburants permettant de consulter l’ensemble des parties prenantes, préalablement à la publication de l’arrêté de fixation des prix des carburants. En effet, il importe de mettre en place, dans chaque département une structure, associant toutes les parties prenantes : représentants des consommateurs, représentants de l’État et des collectivités territoriales (régions et départements), et représentants des acteurs de la chaîne du carburant (compagnies pétrolières, gérants de stations-service, transporteurs). Il convient en effet de disposer d’une instance multipartite, indépendante du préfet (contrairement aux observatoires des prix), dédiée spécialement à la question cruciale des prix des carburants, dont les membres auront pour mission de lever l’opacité actuelle et de créer les conditions d’une transparence totale sur l’ensemble des procédures de fixation des prix. Ce « comité de suivi » donnera son avis préalablement à toute décision (nationale ou locale) touchant à la formation des prix des carburants, excepté la fiscalité qui restera de la responsabilité des collectivités territoriales. Ses avis seront rendus publics et annexés aux arrêtés préfectoraux de fixation des prix. Sa présidence sera confiée à une personne dont l’indépendance ne saurait être mise en doute, par exemple un membre de l’Autorité de la concurrence, appelé à présider les quatre « comités de suivi ».

La deuxième proposition a pour objet d’imposer aux stations-service l’affichage visible des prix administrés, avec la précision du «prix maximum ». Le prix des carburants n’est pas affiché dans les DOM. Le consommateur ignore donc qu’il acquitte systématiquement le prix maximum autorisé. Rendre cet affichage obligatoire ainsi que celui du prix maximum autorisé pourrait se révéler susceptible de faire jouer un minimum de concurrence. Des différences de quelques centimes entre distributeurs concurrents ne devraient pas mettre en péril le modèle social protecteur que constitue le mode de commercialisation des carburants.

La troisième proposition vise à recenser les cuves privées et à soumettre leur installation, à partir d’une certaine capacité, à une autorisation administrative. Le stockage de produits pétroliers dans ces cuves privées constitue actuellement dans les DOM une solution adoptée par les particuliers et les entreprises, largement facilitée non seulement par les grossistes indépendants, mais également par les compagnies pétrolières. Le développement rapide de cette forme de stockage est mal perçu par les distributeurs de détail qui y voient une forme de concurrence déloyale. Cette forme de stockage est d’ores et déjà réglementée et le stockage dans des cuves particulières doit répondre à des spécifications précises. Si les citernes particulières d’un volume inférieur à 1 500 litres ne font pas l’objet de règles précises, tout stockage supérieur à ce volume doit obligatoirement répondre, en raison de sa dangerosité, à des normes de sécurité particulières et faire l’objet d’une déclaration en préfecture. Or, d’après les informations recueillies, il semblerait qu’il n’existe, dans les DOM, aucun recensement officiel du nombre et de l’emplacement de ce type de stockage. Compte tenu des risques élevés, il apparaît souhaitable que toute installation de cuve supérieure à 1 500 litres soit à l’avenir soumise à une autorisation préalable délivrée après vérification de la prise en compte dans ses conditions d’installation, des risques sismiques et climatiques.

La quatrième proposition tend à obliger les compagnies pétrolières à transmettre aux directions régionales de la concurrence et de la répression des fraudes, les contrats signés avec les détaillants, permettant ainsi à l’administration de vérifier qu’ils ne comportent pas de clauses abusives. La mission a pu avoir accès à plusieurs contrats de location-gérance liant les gérants de stations-service aux compagnies pétrolières propriétaires. Ceux-ci présentent un diverses clauses dont la portée est particulièrement contraignante pour les locataires-gérants. Les compagnies ont, en effet, une forte propension à transférer aux gérants, une part importante des charges de maintenance des installations. Par ailleurs, les rédactions juridiquement sibyllines de certaines clauses pourraient laisser entendre que le montant du loyer réclamé tiendrait compte d’activités annexes (boutique notamment) non liées directement à la distribution de carburants. Il apparaît donc important que les contrats et leurs éventuels avenants, soient transmis aux directions régionales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes afin de s’assurer qu’ils ne comportent pas de clauses exorbitantes.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Les travaux de la mission d’information se sont déroulés dans un laps de temps très réduit et ont été fort denses. De fait, sa création remonte au 18 février dernier, après les mouvements sociaux qui ont agité les DOM. Je rappelle que notre collègue Christiane Taubira avait demandé cette création dès le 5 décembre 2008. Si elle avait été entendue à l’époque, nous n’aurions pas été conduits à travailler dans des conditions aussi difficiles.

Sur le fond, on constate que les responsabilités sont diluées entre tous les acteurs : tous se déclarent irresponsables, ce qui n’empêche pas la concentration des profits.

La cinquième proposition consiste à maintenir dans les DOM, un système d’administration des prix des carburants et du gaz par le préfet. Il s’agit, je le reconnais, d’un système de prix administré et, sur ce point, mon avis diverge de celui du président Michel Diefenbacher. Cependant, je rappelle qu’une amende de quarante millions d’euros a été infligée par la justice à des compagnies qui s’étaient livrées à des ententes sur les tarifs, cela démontre à l’envi la nécessité d’une maîtrise du système.

La sixième proposition vise à simplifier la formule de prix afin d’en éliminer les composants contestables, obsolètes ou redondants, par exemple la prise en compte du « coulage » lors du transport en mer. Ce critère est d’autant moins pertinent que ce coulage survient, en fait, lors du transbordement au port.

La septième proposition consiste à lier le prix à la pompe des carburants à l’évolution (à la hausse et à la baisse) du brut. À cet égard, je rappelle que le facteur déclenchant des mouvements de mécontentement a été le fait que les prix ont continué d’augmenter à la pompe au moment même où celui du brut était à la baisse. Ce retard à la baisse a pour corollaire un retard à la hausse notamment dû à une instruction du ministre de l’intérieur de l’époque. Il faut donc vérifier le tarif à chaque livraison, il s’agit là d’un indispensable élément de transparence.

M. Jacques Le Guen, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques. La huitième proposition consiste à engager une réflexion sur une éventuelle mutualisation des coûts du fret entre Antilles et Guyane. Le transport entre les deux départements antillais, très proches, fait déjà l’objet d’une mutualisation. Les consommateurs, la chambre de commerce et d’industrie et les élus guyanais, partant du principe que l’approvisionnement en carburants auprès de la SARA leur a été imposé et que l’essentiel de l’activité de raffinage profite principalement au développement économique de la Martinique, considèrent qu’il y a lieu de mutualiser sur l’ensemble des trois DFA le surcoût lié au transport, au titre de la solidarité entre les trois départements. Les populations antillaises voient dans cette solution une augmentation plus que probable du coût des carburants. En raisonnant par homothétie avec la situation en métropole, où les prix varient en fonction du coût du transport, il n’y aurait pas lieu de donner suite aux demandes formulées par la Guyane. Par ailleurs, toute modification de la structure des prix des carburants ne manquera pas d’avoir un impact réel sur les ressources financières des collectivités territoriales, leurs recettes fiscales étant étroitement liée aux prix de gros des produits pétroliers. Or certaines de ces collectivités doivent faire face à de lourds investissements liés à la réalisation d’infrastructures éducatives, sociales et économiques. Une telle mutualisation entraînerait un surcoût de l’ordre de centimes d’euro dans les départements antillais, sans que cette estimation n’ait fait l’objet d’une étude sérieuse. Avant de s’engager éventuellement sur cette voie, il convient que le Gouvernement procède à une étude approfondie et objective des effets réels qu’entraînerait une mutualisation des coûts de transports vers la Guyane et engage une concertation dépassionnée avec et entre les collectivités territoriales concernées.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cette mutualisation est légitime car une partie du surcoût résulte de l’existence de la SARA, notamment à cause de la rémunération des quelques centaines d’emplois qui y sont rattachés et qu’il serait, au demeurant, bon de préserver. Demander aux Guyanais de payer pour la Martinique semble pour le moins délicat. En revanche, une mutualisation impliquerait un effort de la part des Antilles en faveur de la Guyane : il s’agirait d’une hausse de 17 centimes pour les Antilles et d’une baisse de 40 centimes pour la Guyane. En tout état de cause, il est souhaitable de recourir à une politique volontariste afin de palier les difficultés rencontrées. À titre personnel, j’y serais donc favorable.

M. le président Patrick Ollier. Les préoccupations exposées par M. Cahuzac sont parfaitement légitimes, cependant, je rappelle que le choix de la mission d’information commune a été de ne pas supprimer la SARA, pour des raisons de maintien des emplois notamment. En revanche, et si cela peut vous agréer, le terme « éventuelle » pourrait être retiré de la proposition dans la mesure où, la semaine dernière, nous avons recueilli l’assentiment de nos collègues ultramarins à ce sujet.

M. Jacques Le Guen, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques. Je tiens à préciser qu’il s’agit de mutualiser les coûts du fret et non pas de la SARA. Nous avons toute latitude de conserver ou de retirer le terme « éventuelle ».

En ce qui concerne la neuvième proposition, il s’agit de ne pas sacrifier l’emploi et l’outil industriel que représente la SARA à une baisse de prix immédiate. De fait, le rapport montre que le prix « sortie SARA » des carburants dans les DFA est plus élevé que celui d’une raffinerie européenne standard. Cependant, supprimer cette structure reviendrait à rompre avec la politique d’indépendance énergétique de ces parties du territoire national voulue par la France depuis le général de Gaulle. Il est vrai que le maintien de la SARA n’est pas sans problème mais il constitue un élément stratégique en termes d’emploi comme d’indépendance.

La dixième proposition vise à créer en Martinique, en s'appuyant sur les structures et les compétences acquises par la SARA, un pôle de compétitivité européen sur la recherche de normes applicables aux hydrocarbures, compatibles avec les exigences de la réduction des gaz à effets de serre. La SARA et la Martinique ont su développer un véritable savoir-faire dans le domaine du traitement des hydrocarbures, notamment pour parvenir à produire des carburants répondant aux spécifications des normes environnementales européennes. Les ingénieurs et techniciens de la SARA ont acquis de véritables compétences dans les adaptations technologiques indispensables à la compatibilité des carburants et la réduction des gaz à effet de serre. Le laboratoire de la SARA est intervenu dans l’expertise de carburéacteur « non-conforme » livré en Guyane et la raffinerie a su trouver les solutions appropriées à son retraitement. Dans la zone géographique, au sens large, la SARA est le seul raffineur disposant d’un savoir faire technologique en matière d’adaptation de la production de carburants à la lutte contre le réchauffement climatique. Il importe donc de valoriser cette expérience et ce savoir. La création d’un pôle de compétitivité de dimension européenne, centré sur la recherche et la mise au point de carburants d’origine minérale susceptibles d’atteindre les objectifs futurs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, constituerait une véritable vitrine des engagements européens en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique pour l’ensemble du continent Nord et Sud américain.

La onzième proposition tend à abaisser les droits de passage de la SRPP pour qu’ils correspondent à une rentabilité maximale sur capitaux investis de 12 %. La mission s’est fait communiquer les comptes de la SRPP. Ceux-ci font apparaître que cette société a dégagé une rentabilité financière de l’ordre de 28 %, largement supérieure à celle pratiquée en Europe qui avoisine les 12 %.

La douzième proposition consiste à créer une filiale dédiée au stockage avec prise de participation de l’État, distincte de l’activité raffinage de la SARA. Dans les DFA, les obligations relatives aux stocks stratégiques ne sont pas respectées et l’accès au stockage pour les distributeurs indépendants n’est pas garanti. La situation monopolistique de la SARA et l’absence de la SAGESS (société anonyme chargée de mettre en œuvre les obligations à la charge du Comité Professionnel des Stocks Stratégiques Pétroliers) en constituent les principaux motifs. Il importe donc de remédier à cette situation, d’autant que la réglementation européenne sur les stocks stratégiques a évolué à la hausse. Le rapport des Inspections recommande la filialisation de l’activité stockage de la SARA. Celle-ci peut être envisagée sous réserve de l’ouverture du capital de la future société à de nouveaux actionnaires. Il conviendrait que cette nouvelle société dispose d’un panel d’actionnaires important et diversifié, d’autant que cette activité correspond par ailleurs à une mission d’intérêt public. Ainsi, outre la SARA, l’État et les collectivités territoriales, mais aussi les distributeurs indépendants et la SAGESS pourraient en constituer les principaux actionnaires.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La treizième proposition envisage le maintien, autant que possible, des emplois dans les stations-service en refusant l’automatisation complète des pompes. Il existe, en effet, un modèle social qui fait des stations-service des lieux de vie au sein desquels la population a pris l’habitude de se retrouver. Les élus sont attachés à ce modèle social qui mobilise un personnel important. Dans ces conditions, l’automatisation des pompes n’est envisageable seulement que dans les points de vente excentrés ou la nuit.

La quatorzième proposition devrait permettre aux préfets d’autoriser certaines stations-service limitativement énumérées à déroger au prix maximum afin d’assurer la continuité de l’approvisionnement dans certaines régions isolées. Les conditions économiques de certaines stations justifient une marge pour le détaillant plus élevée qu’ailleurs, en raison de frais de fonctionnement plus importants. Mais objectivement, cela n’est pas valable pour toutes les stations et il devrait appartenir aux préfets de distinguer les points de vente autorisés à pratiquer des prix plus élevés et ceux ressortissant au droit commun.

La quinzième proposition consiste à calculer la marge de gros de manière à ce qu’elle garantisse une juste rentabilité aux compagnies pétrolières, à même de garantir la continuité de l’approvisionnement des DOM. Cette marge est celle de l’agent économique chargé d’approvisionner les stations-service. Nous avons constaté des marges trop élevées, parfois supérieures à 20 %. Il s’agit alors d’une véritable rente et il n’est pas normal qu’elle soit prise en charge par le consommateur.

La seizième proposition entend limiter la durée des contrats d’exclusivité entre les fournisseurs et les propriétaires de stations-service indépendantes et supprimer la clause donnant priorité au fournisseur pour le rachat du fond de commerce en cas de retrait du propriétaire. Il s’agit d’établir les conditions d’un dialogue plus équitable.

La dix-septième proposition vise à faciliter l’accession à la propriété des locataires-gérants. Cette proposition est cohérente avec celle qui précède : elle est destinée à équilibrer le dialogue entre les détaillants et les grossistes, ces derniers possédant 80 % des stations.

La dix-huitième proposition tend, si le prix le permet, à utiliser une partie des ressources finançant l’aide à la cuve pour apurer le passif de l’État vis-à-vis des compagnies pétrolières. Il y a une quinzaine de jours, la commission des finances a examiné un décret d’avance qui avait notamment pour objet de verser 44 millions d’euros aux compagnies pétrolières – Total pour l’essentiel. Si chacun s’accorde sur la dilution des responsabilités, nous constatons en revanche une concentration des revenus. Il serait pour le moins curieux que ce système continue de fonctionner, d’autant plus qu’il contribue à creuser l’endettement de notre pays. Nous proposons donc que la prime à la cuve soit destinée à apurer le passif de l’État à l’égard des compagnies pétrolières dont les revendications sont légitimes dans la mesure où la baisse des prix décidée autoritairement par les préfets n’a pas respecté la loi. Au lieu de supprimer ce prélèvement, nous proposons donc de le maintenir au profit de l’apurement des dettes publiques à l’égard des compagnies pétrolières. Toutefois, si le prix du baril de brut devait augmenter, il appartiendrait à l’État de trouver un autre système.

La dix-neuvième proposition insiste sur la nécessité de mettre en place rapidement un dispositif progressif de retour aux prix réels des carburants. Tant que la formule de fixation des prix des carburants n’est pas rénovée, l’État est dans son tort à l’égard des compagnies pétrolières et sa dette envers elles continue à gonfler. Il importe donc de revenir à plus transparence.

M. Jacques Le Guen, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques. Enfin, soucieuse de préserver l’environnement tout en explorant les voies énergétiques du futur susceptibles d’assurer un développement économique harmonieux des DOM, la mission d’information fait des sources d’énergie renouvelables un axe important de la politique énergétique à mettre en œuvre à partir des potentialités existantes. Le président de la région de La Réunion, rencontré il y a peu, est très volontariste sur ce point d’où une vingtième proposition encourageant le développement de l’énergie solaire outre-mer et visant à expertiser les autres énergies renouvelables (biocarburants, géothermie, éolien). Face au développement de la demande énergétique, notamment en électricité, l’énergie solaire représente sans conteste une voie d’avenir dans les départements d’outre-mer. Il convient de faciliter la production d’énergie d’origine photovoltaïque qui aura un effet d’entraînement non négligeable sur l’économie locale, notamment en matière d’emplois. Autre atout des DOM, la présence des alizés qui balayent les territoires d'Est en Ouest. Leur régularité est idéale pour l’implantation de parcs éoliens. Si l’exiguïté des territoires martiniquais, guadeloupéen et réunionnais ne permet pas d’envisager la production de biocarburants, en revanche, la Guyane dispose des réserves foncières suffisantes pour produire, comme son voisin brésilien, de l’éthanol à partir de la canne à sucre, à condition toutefois que soient assouplies les restrictions au défrichage dans ce département.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La vingt et unième et dernière proposition tend à supprimer l’application dans les départements d’outre-mer, prévue à compter du 1er janvier 2010, de la TGAP relative aux carburants. Cette taxe qui doit inciter à produire des biocarburants, fait l’objet d’une exemption jusqu’à la fin de l’année pour les DOM, dans la mesure où ces collectivités n’en produisent pas. Or, au 1er janvier 2010, elles n’en produiront pas davantage. Nous proposons donc de créer une 487ème niche fiscale qui viendra s’ajouter aux 486 autres.

M. le président Patrick Ollier. Je vous remercie du travail réalisé. Contrairement à ce qui a pu être dit, nous n’avons pas travaillé dans la précipitation. Bien au contraire, nous pourrions même soutenir que nous n’avons pas travaillé assez vite. La demande de création de cette mission est intervenue le 5 décembre 2008. Entre cette date et le mois de février 2009, la suspension des travaux de l’Assemblée nationale n’a pas permis à la mission de se mettre plus tôt à la tâche. Je vous rappelle que le président Jean-Marc Ayrault a fourni sa réponse à la fin du mois de janvier seulement.

Au terme de cette mission, j’ai la conviction que s’il y avait eu plus de transparence – ce que nous demandons pour l’avenir – il n’y aurait pas eu les incidents auxquels nous avons assisté.

Si nous proposons la création de comités de suivi, c’est parce que les observatoires des prix ont échoué dans leur mission. Il faut donc les supprimer pour les remplacer par d’autres instances. Les comités de suivi auront notamment pour objet de justifier auprès de la population les hausses ou les baisses des prix.

Par ailleurs, je vous rappelle que l’ensemble des pays d’Amérique du nord et des Caraïbes ont annoncé leur volonté de se rapprocher étroitement des normes européennes, plus contraignantes sur le plan environnemental, d’ici trois ans. Cette décision pose la question du devenir de la raffinerie de la SARA à la Martinique qui est la plus petite du monde. Demander une dérogation pour la Guyane soulève un problème pour notre pays qui est en pointe en matière de lutte contre la pollution et qui a contribué à l’adoption de ces normes. Je suis convaincu que nous ne devons pas demander de dérogation.

M. Jacques Le Guen, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques. Il convient, en effet, de souligner les interrogations qui pèsent sur le devenir de la SARA qui sera bientôt concurrencée notamment par une raffinerie moderne en projet au Suriname. C’est la raison pour laquelle nous demandons que la SARA soit placée au cœur d’un pôle de compétitivité lié au traitement des carburants qui pourrait être créé à la Martinique.

M. Jean-Claude Lenoir. Je ferai plusieurs observations. Tout d’abord, les propositions me semblent en adéquation avec la situation actuelle, notamment avec les prix à la pompe dans les DOM. Mais ce qui m’a frappé, c’est que le problème est avant tout guyanais car en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion, les prix ne m’ont pas semblé exorbitants. D’autre part, personne ne contrôle vraiment la formule des prix réglementés ; or celle-ci comprend des éléments obsolètes. Par ailleurs, le prix est le résultat d’une agrégation de calculs émanant de diverses administrations qui ne se coordonnent pas.

S’agissant des dérogations, je suis frappé par le décalage avec ce que nous ont dit nos interlocuteurs. Sur la mutualisation, il faut absolument la demander car les profits de certains ne doivent pas être payés par ceux qui payent plus cher en Guyane. Sur le fret, en Guyane, il existe un seul bateau dédié à ce transport, j’estime qu’il en faudrait davantage. Enfin, les prix de l’électricité dans les DOM sont les mêmes qu’en Métropole. La compensation est assurée par la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Le prix de l’électricité augmentant avec le prix du fioul à la sortie de la raffinerie, il y a un risque que le coût de la baisse du carburant dans les DOM soit supporté par les consommateurs d’électricité en métropole.

M.  Michel Diefenbacher, président. Je souhaiterais réagir aux propos de M. Lenoir. Tout d’abord, le problème n’est pas uniquement guyanais, car aux Antilles la fiscalité est de 40 à 50 % inférieure à celle de métropole, ce qui devrait avoir pour effet des prix largement inférieurs. Or, il y a des coûts structurels : rentabilité, éloignement, mais surtout marges indues qu’il faudrait combattre. Il faut être en état de mesurer tous les coûts entre la livraison du bateau et la livraison au consommateur.

Je voudrais dire un mot de la mutualisation particulièrement en Guadeloupe et en Martinique. Le consommateur martiniquais paie une part du coût du fret vers la Guadeloupe. Il serait souhaitable d’étendre cette mutualisation vers la Guyane dans le cadre d’un accord sur la mutualisation du fret entre Guadeloupe, Martinique et Guyane mais les élus guyanais freinent, soucieux de protéger leur département contre les importations antillaises. Il faudrait leur lancer un appel à la cohérence.

M. le président Patrick Ollier. La taxe spéciale sur les carburants en Guyane est plus élevée qu’aux Antilles. Il s’agit d’un choix des autorités locales pour dégager des marges de manœuvre, afin d’accorder des subventions aux communes et pallier les insuffisances d’une DGF défavorable.

Le rapport doit être publié d’ici le mois de septembre, si la commission donne son autorisation, je vous suggère d’ici là de vous rapprocher des rapporteurs afin d’approfondir cette question avec eux.

M. Louis-Joseph Manscour. Je félicite les membres de la mission pour la qualité du travail accompli. Je suis aujourd’hui le seul représentant des DOM présent en commission ; toute mission d’information qui contribue à informer mes collègues de l’hexagone des problématiques ultramarines me paraît positive.

Les rapporteurs de la mission ont rappelé d’importants éléments de chronologie : leurs travaux ont débuté au début du mois de février, tandis qu’une mission d’inspection diligentée par le Gouvernement avait commencé à travailler dès la fin du mois de décembre. La grève avait quant à elle commencé au début du mois de février. Dans le cadre du pré-rapport des inspections, le secrétaire d’État alors chargé de l’outre-mer avait évoqué « l’enrichissement sans cause des compagnies pétrolières », n’excluant pas « des actions judiciaires de l’État contre elles ».

La nouvelle secrétaire d’État à l’outre-mer, Mme Marie-Luce Penchard, a déclaré fort imprudemment, de mon point de vue, envisager une hausse des prix de l’essence, hausse qui pourrait avoisiner les vingt centimes d’euros par litre en Guyane. Pourtant le rapport de la mission des inspections soulignait que « les services de l’État sont incapables de justifier la base de calcul sur laquelle repose l’évaluation des prix ». Cinq mois après, ce constat est toujours valable, et on nous annonce une nouvelle hausse des prix ! La Secrétaire d’État nous informe du lancement d’une campagne d’explication qui suivra cette augmentation des prix. C’est dans l’ordre inverse qu’il faudrait procéder ! Je crains que cela ne nous expose à de nouvelles manifestations de mécontentement.

Pour rétablir la confiance, il est indispensable d’établir la transparence des prix, tout le reste n’est que balivernes.

L’État prévoit d’affecter quarante-quatre millions d’euros pour combler le manque à gagner de la SARA, et ce alors même que règne l’opacité sur le mode de formation des prix. Cette contradiction, nos populations ne la comprennent pas.

M. le président Patrick Ollier. J’ai récemment rencontré Mme Penchard et je lui ai proposé la création d’un comité expérimental de suivi. À l'issue des travaux de ce comité, une décision pourrait être prise. Je désapprouve les déclarations qui ont été faites.

M. Hervé Mariton. Je remercie la mission pour son travail, et m’associe à la question posée par Louis-Joseph Manscour, qui est essentielle.

Sur le sujet de la fixation du prix, nous avons bien compris les écueils du mode de calcul actuel, mais quelle serait selon vous la bonne formule ? S’agissant de la transparence dans la formation des prix, le débat sur le lissage à la hausse et le lissage à la baisse est un débat qui n’est pas propre à l’outre-mer. La question de la transparence des prix et celle de la juste définition du prix ne se confondent d’ailleurs pas.

Les deux rapporteurs ont tenu des propos qui n’étaient pas exactement identiques : M. Le Guen a estimé que le prix affiché doit être le prix maximum, M. Cahuzac a moins insisté sur ce point. Quelle est la position de la mission sur ce sujet ? Estime-t-elle qu’il existe un espace de concurrence à faire prospérer ? Est-il possible d’encourager la concurrence à la baisse, même modeste, ou cela lui paraît-il impossible ?

S’agissant de la question du stockage en cuve privée, il existe un petit espace de concurrence qui a fini par s’introduire. Est-ce cette forme de stockage que le rapport propose de supprimer ? Si oui, une plus grande réglementation du stockage, ne va-t-elle pas réduire cet espace de concurrence ?

Vous employez par ailleurs le terme de « mutualisation », qui ne me paraît pas dépourvu d’ambiguïté, ambiguïté qui concerne le fret et la question des coûts industriels de la SARA. Nous subissons en la matière les conséquences de l’emploi du pluriel « les outre-mer », car si l’on calcule l’impact positif ou négatif dans chaque département, on entretient une méfiance généralisée qui me paraît redoutable pour l’avenir. En fait de mutualisation, c’est davantage de répartition des coûts qu’il s’agit, et je ne suis pas certain que l’on mesure bien ce que cela signifie. Si la République demande à chaque collectivité ultra-marine de s’appliquer un tarif en fonction de ces coûts, où va-t-on ? Cela ne veut toutefois pas dire que je sous-estime le problème spécifique de la Guyane, qui exige une solution appropriée.

M. François Goulard. Je dois vous faire part de ma perplexité. Le sujet que nous traitons constitue une démonstration du lien entre économie administrée et rentes scandaleuses. Quand on évoque une rentabilité de l’ordre de 28 %, que l’on se propose de ramener aux alentours de 12 %, tout cela sans risque, on est confronté à un exemple particulièrement éloquent de l’inefficacité de l’économie administrée et de la protection qu’elle confère à la rente. Je me demande si l’outre-mer ne tirerait pas un grand bénéfice d’une libéralisation que nous avons pratiquée avec un certain succès dans l’hexagone, même si celle-ci comporterait sans doute des inconvénients pour un petit nombre de personnes intéressées.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. En réponse à M. Lenoir, je tiens à préciser que le problème du coût du carburant n’est pas seulement guyanais : il est principalement guyanais et réunionnais, ces deux départements ayant été les plus affectés par la forte hausse des prix enregistrée l’année dernière.

EDF est en position de force car il s’agit du seul client susceptible d’acheter le produit de résidu de raffinage qu’il utilise pour faire fonctionner ses centrales électriques. Par ailleurs, je fais confiance au sens de la stratégie bien connu de son président pour négocier les tarifs à son avantage.

On a pu s’étonner de l’éventualité de suites judiciaires qui pourraient être engagées par des compagnies pétrolières. Mais les acteurs économiques ne font que demander l’application des formules édictées par l’État, même si les services préfectoraux, principalement pour des raisons d’effectifs, sont dans l’incapacité de procéder à une analyse économique des éléments de fixation des prix. Dans certains départements, un seul fonctionnaire (pas toujours à temps plein) gère cette question.

Nous avons constaté que les préfets signent les arrêtés de fixation des prix en appliquant mécaniquement la formule sans aucune analyse, ni esprit critique. La mission propose notamment de simplifier et d’actualiser la formule de prix en supprimant les éléments contestables, obsolètes ou redondants. À titre d’exemple, il s’agit des éléments relatifs au coulage, ou les références au brut acheté à Trinidad et au Surinam. Elle propose également de revoir les modalités de calcul du premium perçu par les acheteurs de brut.

Nous nous sommes posé la question d’une libéralisation des prix qui conduirait incontestablement à une baisse par le jeu de la concurrence. Mais une telle évolution aboutirait à la remise en cause d’un modèle social auquel nos compatriotes d’outre-mer sont profondément attachés. Elle se heurterait à une totale hostilité des élus locaux, tous favorables au maintien de prix administrés. Nous ne parviendrons pas à obtenir de concurrence en matière de stockage en raison de la lourdeur du coût des investissements.

Enfin le système administré n’est certes pas satisfaisant mais, par analogie à ce que disait Winston Churchill, c’est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres.

M. Jacques Le Guen, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques. En réponse à M. Jean-Claude Lenoir, je dirais, s’agissant du fret, que nous avons obtenu du président de la SOCATRA, avec qui nous nous en sommes longuement entretenus, des garanties quant au respect de la procédure des appels d’offre pour la passation des marchés. De même, il paraît sérieusement envisageable que le coût du fret soit appelé à diminuer dans un avenir proche tout en laissant subsister des marges significatives pour les armateurs.

J’approuve, sur le plan des principes, le propos de notre collègue concernant les marges « scandaleuses » des compagnies pétrolières. Pour autant, il convient de mesurer les conséquences catastrophiques d’une cessation d’activité de ces compagnies dans les DOM qui serait motivée par l’absence de rentabilité des marchés en cause.

Le régime d’autorisation que nous proposons d’instaurer pour l’installation des cuves privées d’une capacité supérieure à 1 500 litres répond à des exigences de sécurité indispensables compte tenu des risques cycloniques et sismiques élevés dans les territoires concernés. Notre proposition relative à la filialisation de l’activité de stockage correspond, quant à elle, à la nécessité d’accorder à l’État un nécessaire droit de regard.

L’annonce d’une hausse brutale des prix des carburants, de 20 centimes par exemple, serait à mes yeux tout à fait inadéquate et la progression vers des prix économiquement « réalistes » ne peut être que progressive comme le préconise la mission d’information.

J’évoquerai enfin une exigence d’ordre social en ce qui concerne la question des personnels des stations-service. L’emploi d’un personnel relativement nombreux par certaines d’entre elles évite à une partie de ces salariés de connaître le chômage auquel les condamnerait presque inévitablement le passage à un système de « self-service », compte tenu notamment du contexte économique.

M. le président Patrick Ollier. Je souhaiterais conclure nos travaux en insistant sur le fait que les exigences liées à l’aménagement du territoire ont été un élément essentiel de notre démarche et qu’il ne peut, à mon sens, en aller autrement dans des territoires aussi « contraints » sur les plans démographique et géographique que le sont les DOM. Le rôle de l’État est déterminant pour répondre à ces exigences et il l’a par exemple exercé, notamment à mon initiative, pour d’autres territoires « contraints » tels les zones de revitalisations rurales. On ne peut s’en remettre en l’occurrence au jeu de la libre concurrence.

Je vous invite maintenant à autoriser la publication du rapport d’information sur le prix des carburants dans les départements d’outre-mer en vous précisant à nouveau que ce rapport ne sera publié qu’au début du mois de septembre mais que les propositions qu’il contient, et qui vous ont été présentées aujourd’hui, revêtent un caractère définitif.

La commission des affaires économiques et la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ont ensuite autorisé la publication du rapport d’information sur le prix des carburants dans les départements d’outre-mer.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS
DE LA MISSION

Proposition n° 1 : Créer un comité de suivi des prix des carburants permettant de consulter préalablement l’ensemble des parties prenantes, préalablement à la publication de l’arrêté de fixation des prix des carburants.

Proposition n° 2 : Imposer aux stations services l’affichage visible des prix administrés, avec la précision du « prix maximum ».

Proposition n° 3 : Recenser les cuves privées et soumettre leur installation, à partir d’une certaine capacité, à une autorisation administrative.

Proposition n° 4 : Obliger les compagnies pétrolières à transmettre aux directions régionales de la concurrence et de la répression des fraudes les contrats signés avec les détaillants afin qu’elles vérifient qu’ils ne comportent pas de clauses abusives.

Proposition n° 5 : Maintenir dans les départements d’outre-mer un système d’administration des prix des carburants par le préfet.

Proposition n° 6 : Simplifier la formule de prix afin d’en éliminer les composants contestables, obsolètes ou redondants.

Proposition n° 7 : Lier le prix à la pompe des carburants à l’évolution (à la hausse comme à la baisse) du cours du pétrole sur les marchés internationaux.

Proposition n° 8 : Engager une réflexion sur une éventuelle mutualisation des coûts du fret entre Antilles et Guyane.

Proposition n° 9 : Conforter la SARA, pour ne pas sacrifier l’emploi et l’outil industriel qu’elle représente à une baisse de prix immédiate.

Proposition n° 10 : Créer en Martinique, autour de la SARA et en s'appuyant sur ses structures et ses compétences, un pôle de compétitivité européen sur la recherche de normes applicables aux hydrocarbures, compatibles avec les exigences de la réduction des gaz à effets de serre.

Proposition n° 11 : Abaisser les droits de passage de la SRPP pour qu’ils correspondent à une rentabilité maximale sur capitaux investis de 12 %.

Proposition n° 12 : Créer une filiale dédiée au stockage avec prise de participation de l’État, distincte de l’activité raffinage de la SARA.

Proposition n° 13 : Maintenir autant que possible les emplois de pompistes dans les stations-service en refusant leur automatisation.

Proposition n° 14 : Permettre au préfet d’autoriser certaines stations-service limitativement énumérées à déroger au prix maximum afin d’assurer la continuité de l’approvisionnement dans certaines régions isolées.

Proposition n° 15 : Calculer la marge de gros de manière à ce qu’elle garantisse une rentabilité suffisante aux compagnies pétrolières, à même de garantir la continuité de l’approvisionnement en carburant et en gaz des départements d’outre-mer.

Proposition n° 16 : Limiter la durée des contrats d’exclusivité entre les fournisseurs et les propriétaires de stations-service indépendantes et supprimer la clause donnant priorité au fournisseur pour le rachat du fond de commerce en cas de retrait du propriétaire.

Proposition n° 17 : Faciliter l’accession à la propriété des locataires-gérants.

Proposition n° 18 : Si le prix du pétrole le permet, utiliser une partie du produit du prélèvement finançant l’aide à la cuve pour apurer le passif de l’État vis-à-vis des compagnies pétrolières. A défaut, augmenter la taxe à due concurrence.

Proposition n° 19 : Mettre en place rapidement un dispositif progressif de retour aux prix « réels » des carburants.

Proposition n° 20 : Développer l’énergie solaire outre-mer et expertiser les autres énergies renouvelables (biocarburants, géothermie, éolien).

Proposition n° 21 : Supprimer l’application dans les départements d’outre-mer, prévues à compter du 1er janvier 2010, de la TGAP relative aux carburants.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA MISSION

I.— Lors de réunions à Paris

– Mme Anne Bolliet, inspecteur général des finances, chef de la mission interministérielle sur les prix des carburants outre-mer

– M. Jean-Guy de Chalvron, inspecteur général de l’Administration

– M. Bruno Parent, directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), au ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi

– M. Laurent Prévost, directeur de cabinet de M. Yves Jégo, secrétaire d’État à l’outre-mer

– Mme Christine Buhl, secrétaire général adjointe du secrétariat général des affaires européennes

– M. Richard Samuel, coordonnateur national pour les États généraux de l’outre-mer

– M. Jérôme Fournel, directeur général des douanes et droits indirects

– Mme Virginie Beaumeunier, rapporteur général de l’Autorité de la concurrence et M. Thierry Dahan, rapporteur de l’enquête menée par l’Autorité sur les prix des carburants dans les DOM

– M. Francis Jan, directeur spécialités et marketing, et M. Jacques de Naurois, directeur des relations institutionnelles du groupe Total

– Mme Joëlle Prévôt-Madère, présidente de la CGPME Guyane

– M. Fernand Bozzoni, président de la Socatra

– M. Jean-Marc Tenneson, directeur général du Comité Professionnel des Stocks Stratégiques Pétroliers (CPSSP).

Par ailleurs, une réunion de la Mission avec l’ensemble des députés des départements d’outre-mer a eu lieu le mercredi 15 juillet 2009.

II.— Au cours des déplacements de la mission

LA RÉUNION (4-5 mai)

– M. Theuil, secrétaire général de la préfecture

– M. Paul Vergès, président du Conseil régional, hôtel de Région, le Moufia

– Mme Nassimah Dindar, présidente du Conseil général, Palais de la Source

– M. Cherrier, directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

– M. Bonhomme, directeur général des douanes

– M. Mondon, président du Conseil économique et social régional

– M. Magamootoo, président de la Chambre de commerce et d’industrie

– M. Minatchy, président de la Chambre d’agriculture

– M. Coupu, directeur régional des affaires maritimes

– Mme Musard, vice-présidente de la Chambre des métiers et de l’artisanat

– M. Ardin, directeur régional de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, hôtel de la préfecture

– M. Enilorac, président du comité des pêches

– M. Briand, syndicat des armements réunionnais de pêche palangrière pélagique et M. Lauri, syndicat des armements réunionnais des palangriers

– M. Abzizi, directeur général de la SRPP et visite de la SRPP

– M. Bodilis, directeur général de Total Réunion

– Mme Venis, responsable de Petradec

– M. d’Abadie, président de Tamoil pour deux membres de la délégation

– M. Maziaux, président de Caltex pour deux membres de la délégation

– MM. les représentants des organisations de transports routiers

– MM. les rapporteurs de l’atelier formation des prix des états généraux.

GUYANE (24-26 mai)

– M. Daniel Ferey, préfet, ainsi que MM. les directeurs des services régionaux (DRIRE, DRCCRF)

– M. Antoine Karam, président du Conseil régional

– M. Tien Liong, président du Conseil général

– M. Adrien Aubin, président du MEDEF Guyane

– M. Ringuet, Association de consommateurs « Contre la vie chère »

– M. Liabaste, Association des « Consommateurs en colère »

– M. Madeleine, maire de Sinamary, représentant M. le Président de l’Association des maires

– M. Peru Dumesnil, directeur de Texaco Guyane

– Mme Desert, M. Ho a Chuck, Syndicat des Gérants de stations-service CGPME à la préfecture

– MM. Mangal et Sianï, présidents syndicats de transporteurs

– M. Le Pelletier, président de la CCI de Guyane

– MM. les membres de l’atelier formation des prix des états généraux et M. Budoc, préfet coordinateur des états généraux.

MARTINIQUE (26-28 mai)

– M. Ange Mancini, préfet de Martinique

– M. Alfred Marie-Jeanne, président du Conseil régional, député de la Martinique

– M. Claude Lise, président du Conseil général

– M. Serge Letchimy, député de la Martinique

– M. Jean-René Vacher, secrétaire général de la préfecture

– M. Maurice Tubul, secrétaire général aux affaires régionales

– M. Thierry Leconte, DRIRE

– M. Roland Aymerich, DRCCRF, M. Jean Tibilan, DDCCRF, et M. Thierry Zennaro, inspecteur expert en charge du dossier carburants à la DRCCRF

– M. Michel Sennelier, directeur interrégional des douanes et droits indirects Antilles-Guyane

– M. Philippe Troniou, chef du Service des politiques interministérielles et de la solidarité

– M. Claude Pompière, président de la CCIM

– M. Michel Charton, directeur général de la SARA, M. David Marion, futur directeur, M. André Armougon, secrétaire général de la SARA, M. André Deelstra, directeur financier de la SARA

– M. Jean-Claude Ouka, Collectif des carburants

– M. Philippe Bourgeois, PDG de Total Caraïbes, président du syndicat des pétroliers

– Mme Monrose, président du syndicat des distributeurs (stations-service)

– M. Raphaël Bordelais, représentants des activités de transport d’hydrocarbure

– M. André Kiener, directeur de EDF Martinique

– Mme Marie, association de consommateurs

GUADELOUPE (28-29 mai)

– M. Nicolas Desforges, préfet de Guadeloupe

– M. Victorin Lurel, président du Conseil régional, député de la Guadeloupe

– MM. les représentants de la DRIRE et de la DDCCRF

– M. le président du CESR

– MM. les représentants des syndicats patronaux UDE-MEDEF, CGPME

– MM. les présidents des chambres consulaires (CCI, CA)

– MM. les représentants des distributeurs indépendants CAP, WIPCO, GPC

– MM. les représentants du syndicat des gérants de stations-service OPGSS

– M. Elie Domota et une délégation du LKP

– MM. les représentants des associations de consommateurs UDCLCV, UDAF

– MM. les représentants des organisations de transporteurs.

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Le pétrole lampant est utilisé comme combustible pour les installations de chauffage et d’éclairage.

3 () Le fioul lourd est un produit final du processus de raffinage, généralement utilisé comme combustible dans des centrales électriques.

4 ( Le connaissement est émis en exécution d'un contrat de transport. Sur présentation d’un des originaux à l’agent de la ligne au port de destination, il donne droit à la délivrance et donc à la remise des marchandises à destination.  Il constitue le support matériel du contrat de transport.

5 () On peut également relever que les trois majors présentes dans les départements français d’Amérique se sont réparties géographiquement les sièges de leur direction régionale. Le siège de Texaco-Chevron est en Guyane, celui de Total en Martinique et celui d’Exxon-Mobil en Guadeloupe.

6 () C’est ainsi que le Conseil de la concurrence a condamné, par sa décision n° 09-D-30 du 4 décembre 2008, les filiales locales de Total, Shell, Exxon-Mobil et Chevron-Texaco à une amende globale de 41,2 millions d’euros pour une entente sur le marché des carburéacteurs.

7 () La société WIPCO est une filiale du groupe Loret, qui est un groupe guadeloupéen diversifié, notamment dans le secteur automobile, la location de voitures et les nouvelles technologies. Le secteur pétrolier, qui est un secteur nouveau dans ses activités, représente, en 2007, un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros sur 650 millions d’euros total.

8 () La Compagnie Antillaise des Pétroles est une filiale du groupe Barboteau, présent aux Antilles
depuis 1907.

9 () GPC appartient au groupe de BTP Gaddarkan. Il est entré sur le marché en 2008.

10 () En revanche, ce sont les compagnies pétrolières qui gèrent, via un GIE, le dépôt de carburéacteur de l’aéroport de Saint-Denis.

11 () Les compensations de l’Etat n’ont été versées qu’en 2009 et seront donc imputables sur l’exercice afférent.

12 () Il convient d’ailleurs de noter qu’une nouvelle directive européenne devrait sensiblement élever les volumes des stocks stratégiques, ces dispositions devant entrer en vigueur avant le 31 décembre 2012.

13 () Les chiffres de l’année 2008 sont encore provisoires.

14 () En outre, il ne faut pas oublier qu’en Guyane, la hausse du prix des carbur ants résultant du changement d’approvisionnement en 2007 a été lissée. Or, pour financer ce lissage dont le coût pèse sur les distributeurs de carburants, l’AFD a consenti à ceux-ci une avance de trésorerie d’un montant de
19,5 millions d’euros
, remboursable à compter du 1er janvier 2009 par une taxe additionnelle à la TSC. En raison de la crise de l’automne 2008, son entrée en vigueur, qui se serait traduite par une augmentation du prix de vente des carburants de 4 à 8 centimes par litre, a été repoussée au 1er janvier 2010 par l’article 28 de la loi de finances rectificative pour 2009.

15 () Cette aide a été portée à 200 euros par l’article 18 de la loi de finances pour 2009.

16 () L’article 50 de la loi d’orientation pour l’Outre-mer (loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000) prévoit l’élaboration, l’adoption et la mise en œuvre d’un PRERURE par chacune des régions d’outre-mer.


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