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N° 2398

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 31 mars 2010

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE (1)

sur l’énergie éolienne,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Franck REYNIER,

Député.

——

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d’information commune sur l’énergie éolienne est composée de : M. Patrick Ollier, président ; MM. Serge Poignant et Daniel Fidelin, vice-présidents ; M. Franck Reynier, rapporteur ; MM. Alain Gest, Michel Havard, Francis Saint-Léger, Mmes Catherine Coutelle, Frédérique Massat, MM. Philippe Plisson, Philippe Tourtelier, André Chassaigne, Daniel Paul,
Jean Dionis du Séjour, Raymond Durand.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I.— UN DÉVELOPPEMENT RAPIDE ET RÉCENT 11

A.— EN FRANCE 11

1. Un secteur en développement 11

a) La puissance installée en 2009 11

b) Un développement récent 14

c) Une industrie encore peu développée 14

2. Des objectifs ambitieux 18

3. Des outils nombreux 19

B.— DANS LE MONDE 21

1. Une croissance importante en Europe… 22

2. …et dans le monde 23

a) Une croissance mondiale soutenue 23

b) Des moyens d’incitation variés 29

II.— UN DÉVELOPPEMENT DÉSORDONNÉ 31

A.— L’ÉLECTRICITÉ D’ORIGINE ÉOLIENNE, À QUEL PRIX ? 31

1. Un secteur bénéficiant légalement d’un surprix 31

2. Le contexte législatif et réglementaire des avis de la commission de régulation de l’énergie (CRE) 34

a) Une mission dévolue par la loi 34

b) La mise à jour d’importants surcoûts 35

c) Des perspectives incertaines 36

3. Un débat sur l’étendue voire l’opportunité de ce supplément à payer aux producteurs 37

4. Une rentabilité garantie du fait de l’effort exigé des consommateurs 39

a) Un phénomène d’effet d’aubaine 39

b) La difficulté de déterminer un juste prix pour les activités éoliennes off shore 41

B.— UNE ACCEPTATION CONDITIONNÉE AU RESPECT DES PAYSAGES, DES SITES ET DES ACTIVITÉS PRÉEXISTANTES 43

1. Un enjeu d’intérêt national 43

2. Un débat à ne pas méconnaître : le paysage reste indissociable de notre identité 44

3. Le « mitage » du territoire, résultat du détournement de la procédure des zones de développement de l’éolien 48

4. Une nécessaire planification : les schémas régionaux éoliens 52

C— DES PROBLÈMES TECHNIQUES À RÉSOUDRE 53

1. Le raccordement au réseau 53

a) Le renforcement des réseaux 54

b) Les délais de raccordement 55

2. L’équilibrage du système électrique 56

a) L’intermittence de la production éolienne 56

b) Le dispositif de prévision de l’énergie éolienne 59

D.— UN CHOIX DIFFÉRENT AU DANEMARK 60

1. Le choix des énergies renouvelables 60

2. Les échanges avec les pays voisins 63

3. Les objectifs à moyen et long terme 63

III.— UN DÉVELOPPEMENT À MAÎTRISER 64

A.— UNE NÉCESSAIRE RÉAFFIRMATION DES POUVOIRS PUBLICS SUR UN SUJET ESSENTIEL 64

1. La recherche d’une cohérence de l’intervention publique 64

2. Une cohérence d’ailleurs exigée du fait de nos engagements européens 66

3. Le régime de contrôle des activités éoliennes 67

a) Le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) 67

b) La mise en œuvre de modes de contrôle industriel 69

4. Une fiscalité mieux ciblée 71

a) Quelques mesures propres aux éoliennes 71

b) La taxe foncière sur les propriétés bâties 71

c) La taxe professionnelle 72

d) La contribution économique territoriale 74

5. La revente de projets à encadrer 76

B.— GAGNER L’ACCEPTATION 78

1. Obtenir la participation de la population 78

a) Les études d’impact ne suffisent pas à prendre en considération les besoins du public 78

b) Quelques pistes pour une meilleure concertation. 79

2. Deux problèmes indissociables : le bruit et la distance des lieux de vie 83

3. La délicate question du démantèlement 87

4. Une insertion paysagère à réaliser 91

IV.— QUEL AVENIR POUR L’ÉOLIEN EN MER ? 94

A.— UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE, TECHNOLOGIQUE ET PAYSAGER TOUT À FAIT SPÉCIFIQUE 94

B.— LES PROJETS TRÈS AMBITIEUX DE CERTAINS PAYS 96

C.— UN ENJEU INSCRIT AU CœUR DES POLITIQUES DE VALORISATION DES RESSOURCES MARINES 101

D— UN EFFORT FRANÇAIS À DÉFINIR ET À PLANIFIER 103

E.— UN RÉGIME JURIDIQUE SPÉCIFIQUE D’AUTORISATION ET D’EXPLOITATION 107

F.— QUELQUES PROJETS FRANÇAIS… EN ATTENTE 109

PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS DE LA MISSION D’INFORMATION 115

EXAMEN DU RAPPORT PAR LES COMMISSIONS DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE MARDI 30 MARS 2010 117

CONTRIBUTIONS DES GROUPES SRC ET GDR 127

ANNEXE 1 : QUELQUES DONNÉES TECHNIQUES 135

ANNEXE 2 : LE GISEMENT ÉOLIEN FRANÇAIS 136

ANNEXE 3 : LE PROJET BETTER PLACE AU DANEMARK 137

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 139

PERSONNALITÉS RENCONTRÉES AU DANEMARK 141

MESDAMES, MESSIEURS,

À la fin de l’année 2008, un ensemble d’objectifs regroupés sous le vocable «  paquet Energie-Climat » a été adopté par l’Union européenne, alors sous Présidence française.

À ce titre, l’Union s’est assignée une règle dite des « trois fois vingt » dont le caractère emblématique doit servir de modèle à une réorientation de la croissance mondiale. Ce mouvement, soutenu par le volontarisme des grands pays industriels de l’Europe des 27, doit déboucher sur une coordination internationale. Sur ce point, le cadre post-Kyoto reste encore à construire après la conférence de Copenhague en décembre 2009.

La règle des « trois fois vingt » a le mérite de la simplicité. À l’horizon 2020, l’Union européenne se doit ainsi :

– de réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) ;

– d’améliorer de 20 % son efficacité énergétique ;

– d’intégrer à sa consommation énergétique finale une part au moins égale à 20 % d’énergies de sources renouvelables.

Ce dernier volet est particulièrement important car l’énergie d’origine éolienne (sur terre et en mer) constitue effectivement un axe important du développement des énergies renouvelables.

Plus généralement, la France avait, à la fin des années 90, défini des orientations ambitieuses en faveur du développement durable, notamment au titre d’un plan climat 2004-2012 (actualisé en 2006) et de la loi de programme n° 2005-781 du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique (dite loi « POPE »). Un programme « Eole 2005 » avait été lancé, dès 1996, avec l’objectif de développer la ressource éolienne dans une double préoccupation de rentabilité économique et de respect des paysages.

La loi dite « Grenelle I » votée l’an passé par le Parlement, à une très large majorité, a matérialisé les engagements français. Ainsi, les émissions nationales de GES devront diminuer sur un rythme annuel d’au moins 3 % pour atteindre l’objectif d’une réduction par 4 de nos rejets dans l’atmosphère en 2050, en prenant l’année 1990 comme base.

La réalisation de ce seul objectif suppose des efforts considérables. Pour être l’économie de référence « en équivalent carbone », au sein de l’Union européenne, la France a décidé de porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de sa consommation d’énergie finale en 2020.

Il s’agit pour la mission d’information créée à l’initiative de MM. Patrick OLLIER et Christian JACOB, présidents des commissions des affaires économiques et du développement durable, d’établir un état des lieux des activités éoliennes, d’étudier leurs perspectives de développement dans le cadre d’une véritable filière qui impliquerait la recherche et l’industrie françaises et d’engager une nécessaire analyse des conditions de leur acceptation par la population pour apaiser les polémiques pouvant exister. Sur le terrain, les élus constatent, en effet, une montée des mécontentements qui aboutit à une radicalisation des positions face à certains projets. Dans ce contexte, la mission a eu le souci de ne pas perdre de vue, parmi ses objectifs, les possibilités d’établir un cadre juridique permettant à la fois de mieux consulter et informer les populations concernées et d’ouvrir à la filière les perspectives d’un développement plus harmonieux car mieux accepté.

La situation d’autres pays européens qui se trouvent, à ce jour, plus largement engagés dans cette filière a évidemment retenu l’attention de la mission en considérant d’ailleurs les spécificités propres à chaque cas. Les « mix énergétiques » des pays européens comparables diffèrent en effet sensiblement. Ainsi, la France qui ne compte que 10 % de processus carbonés pour sa production d’électricité présente, d’ores et déjà, une meilleure situation que celle de ses principaux voisins en termes de « bilan carbone ». Pour autant, ce fait ne doit pas constituer un alibi pour classer les énergies renouvelables au rang de ressources d’appoint dont l’utilité serait plus au moins temporaire.

Le déclin inéluctable des ressources en énergies fossiles et le renchérissement des coûts de production et de consommation en résultant appellent une réflexion approfondie. Tous les pays développés sont aujourd’hui confrontés à la question d’une meilleure maîtrise de l’utilisation industrielle et domestique des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) notamment dans les secteurs qui concernent très directement leur population comme les transports, l’habitat et l’agriculture.

Chaque pays doit ainsi tendre à un certain rééquilibrage de son « mix énergétique » en arrêtant des choix sur les modalités les mieux appropriées au regard d’impératifs économiques, environnementaux et sociaux.

Les objectifs que s’est assignée la France exigent des efforts. Il convient donc de s’attacher à bien considérer toutes les conséquences de chacun des choix relevant de la politique énergétique de la Nation.

Si des études approfondies sur les impacts économiques et sociaux de la politique de réduction du CO2 restent indispensables, une des préoccupations premières de la mission d’information commune est de dresser un bilan des apports de l’énergie éolienne qui, selon les dernières statistiques du Commissariat général au développement durable, représente, au terme de l’année 2009, une puissance installée de 4 574 MW qui contribue toutefois à moins de 1,5 % de la consommation électrique française.

Dans le cadre d’une politique énergétique favorable aux énergies renouvelables, l’État intervient pour solvabiliser la demande des ménages et des entreprises (crédits d’impôts, prêts à taux zéro ou aidés, subventions et prix garantis aux producteurs etc.). Il est donc nécessaire d’évaluer, à intervalles réguliers, à quels coûts et pour quels avantages sont accordées ces aides sur fonds publics ou encore supportées par le consommateur final, en posant les questions de la pérennité de leur bien-fondé et de leur efficacité afin de proscrire d’éventuels effets d’aubaine.

Les questions de planification, d’intégration sur le territoire et particulièrement la lutte contre le mitage, ainsi que la préservation des paysages feront l’objet de propositions.

I.— UN DÉVELOPPEMENT RAPIDE ET RÉCENT

A.— EN FRANCE

1. Un secteur en développement

a) La puissance installée en 2009

En 2009, la France a consommé 486 TWh d’électricité (1). Pour répondre à ces besoins, environ 80 % de notre production est d’origine nucléaire, 10 % d’origine hydraulique et un peu moins de 10 % provient des centrales au fuel, au charbon ou au gaz. Les autres énergies n’en sont encore qu’à leurs débuts (2).

Au 31 décembre 2009, la puissance raccordée du parc éolien terrestre est de 4 574 MW (3). Avec 1 036 MW raccordés au cours de l’année 2009, la croissance du parc éolien a été d’un niveau quasi identique à celui de 2008 (1 055 MW).

Les installations en attente de raccordement à la fin 2009 étaient au nombre de 471 (dont 466 en métropole), pour une puissance de 4 739 MW (dont 4 727 MW en métropole) (4).

La taille moyenne des parcs éoliens va augmentant pour atteindre plus de 15 MW pour les permis de construire accordés (contre 13 MW en 2008) (5). Ils comptent de une à plusieurs dizaines de machines ; le plus important, celui de Fruges, dans le Pas-de-Calais, compte 70 éoliennes pour une puissance installée de 140 MW et peut alimenter une population d’environ 126 000 habitants (6).

PUISSANCE ÉOLIENNE RACCORDÉE AU 31 DÉCEMBRE 2009 (EN MW)

Source : Service de l'observation et des statistiques (SOeS) du Commissariat Général au développement durable (CGDD) d'après ERDF et RTE

La répartition des éoliennes - 731 parcs (7) pour 2 620 turbines (8) au 31 décembre 2009 - est assez inégale sur le territoire français, comme le montre la carte ci-dessus. Les cinq régions les plus équipées concentrent 55 % des puissances installées : Picardie, Lorraine, Bretagne, Centre et Champagne – Ardenne.

PUISSANCE DU PARC ÉOLIEN INSTALLÉ (EN MW) AU 31 DÉCEMBRE 2009 EN FRANCE MÉTROPOLITAINE PAR RÉGION

Source : SOeS d'après ERDF et RTE

En 2009, la production totale d’électricité française a été de 518,8 TWh, en diminution de 5,5 %, la production de la plupart des énergies diminuant. Au contraire, la production éolienne a augmenté considérablement, atteignant 7,8 TWh, en hausse de 39,9 % par rapport à 2008. La production de 2008 (6 TWh) correspondait aux besoins de 2,5 millions de foyers (9).

PRODUCTION ÉLECTRIQUE EN 2009

 

2009 (TWh)

Variation 2009/2008

nucléaire

390

- 6,8 %

combustibles fossiles

54,8

+3,1 %

production hydraulique

61,8

- 9,2 %

production éolienne

7,8

+39,9 %

autres ER

4,4

+7,5 %

Production totale

518, 8

- 5,5 %

Source : RTE, bilan électrique 2009

En raison d’un environnement géographique favorable, la France dispose du deuxième gisement éolien naturel d’Europe derrière la Grande-Bretagne. En revanche, elle occupe en 2009 la 4e place en Europe en terme d’évolution annuelle et de parc installé (après l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie).

L’espace maritime ne compte actuellement aucun parc éolien ; à la suite de l’appel d’offres lancé en 2004, un projet a toutefois été retenu, celui du groupe Enertrag au large de Veulettes-sur-mer (Seine-Maritime). Il s’agit du seul qui ait fait l’objet d’autorisations. D’autres projets en sont au stade des consultations.

b) Un développement récent

Le parc éolien français a fortement progressé au cours des 4 dernières années : la puissance installée a été multipliée par 10 environ et par 20 en 6 ans, ce qui en fait un des marchés européens les plus dynamiques (10). L’accélération a connu toutefois en 2007, 2008 et 2009 une stabilisation autour de 900 à un peu plus 1 000 MW par an2.

Jusqu’en 2005, la majorité des parcs ne dépassait pas 12 MW de puissance, afin de pouvoir bénéficier de l’obligation d’achat. Avec la mise en place des zones de développement éolien, qui permettent de dépasser cette limite, des projets de parcs plus importants sont apparus.

Les caractéristiques techniques des éoliennes évoluent également rapidement : en 25 ans, leur puissance a été multipliée par 100 : alors que, dans les années 1980, la puissance moyenne des éoliennes était de 50 kW, les éoliennes produites actuellement ont une puissance de 1,5 à 3 MW. Quelques prototypes de 5 et 6 MW sont déjà installés et un programme européen a été lancé pour l’étude d’aérogénérateurs de 5,10 et 20 MW, dont le débouché principal reste l’off shore. Cette montée en puissance permet également d’optimiser la production dans les sites appropriés et d’éviter la multiplication des éoliennes plus petites.

c) Une industrie encore peu développée

La filière éolienne regroupe six activités différentes :

- le développement du projet,

- la construction de l’éolienne et de la turbine,

- la construction des fondations,

- le raccordement au réseau électrique,

- l’installation,

- l’exploitation et la maintenance.

L’industrie éolienne française est difficile à cerner : elle compte, selon les sources, de 130 entreprises pour l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) à 380 entreprises pour Observ’ER et 450 pour le Syndicat des énergies renouvelables (SER).

Même s’il existe des entités indépendantes, il s’agit le plus souvent de filiales de groupes travaillant dans le secteur de l’énergie, français ou étrangers. De nombreuses entreprises européennes – allemandes, espagnoles, anglaises – s’installent également en France.

Les fabricants français sont en nombre limité. Aucun fabricant français d’éoliennes ne figure parmi les 10 plus importants au niveau mondial. La filière s’est toutefois récemment structurée, alors que Vergnet, spécialisé dans les éoliennes de moyenne puissance, a été pendant longtemps le seul fabricant en France. Il développe aujourd’hui un aérogénérateur d’un mégawatt capable d’étendre ses parts de marché ; il est leader mondial pour la conception et l’installation des éoliennes à deux pales abattables en cas de cyclone.

Deux grands groupes ont toutefois fait leur entrée sur le marché de la fabrication et de l’assemblage des composants. Areva avec le rachat du constructeur allemand Multibrid s’est positionné sur le marché de l’off shore et sur celui des éoliennes de 5 MW. Alstom, qui a acquis l’espagnol Ecotecnica, dispose d’une gamme de puissance de 1,3 et 2 MW et travaille sur le développement d’aérogénérateurs de 3 MW.

Par ailleurs, le bureau d’ingénierie Valorem a conclu un transfert de technologie avec le canadien AEER afin de fabriquer et commercialiser des éoliennes d’au moins 2 MW, y compris la fabrication de pales. Sont également en projet un centre d’essais et de recherche développement.

Les fabricants de composants sont au nombre de 140 : la sous-traitance concerne les tours, les pales, les génératrices, les brides, roulements et couronnes d’orientation, les freins à disque, les pièces de fonderie, la mécanique, les équipements électriques, les transformateurs électriques, la construction des fondations, les raccordements réseau

De nombreux développeurs de projets, des bureaux d’études, des entreprises chargées de la maintenance des parcs et des exploitants de parcs complètent ce secteur.

La restructuration du marché de l’énergie éolienne se poursuit : le marché français, après avoir été très diffus, tend à se concentrer avec deux acteurs en position de leader : GDF-Suez et EDF Energies nouvelles. Le premier représente 13 % du marché national grâce à cinq filiales (la Compagnie du Vent, Cn’Air, Eole Génération, Erélia, Maïa Eolis). Les 602 MW installés en France correspondent au tiers des installations que le groupe a réalisées au niveau mondial. Quant à EDF Energies nouvelles la répartition des capacités en service et en construction montre que son action est beaucoup plus orientée vers l’étranger (Etats-unis, Portugal, Italie) que vers la France : seuls 60 MW sont en construction sur le sol national au 31 décembre 2009.

Malgré les progrès réalisés, force est de reconnaître que les principaux acteurs sur le marché français sont tous européens. Au 1er janvier 2009, les constructeurs les plus importants étaient Nordex, Vestas, Enercom, Repower, Gamesa, Siemens. En 2007-2008, les acteurs français n’ont représenté que 5 % des équipements installés dans l’Hexagone (11).

La filière française a pris du retard par rapport à certains pays, tels que le Danemark, l’Allemagne, les États-Unis, l’Espagne ou encore la Chine. Comme le souligne le Commissariat général au développement durable, « l’industrialisation des filières naissantes comme l’éolien ou le photovoltaïque n’a pas été réussie » (12).

M. Philippe Cochet, Vice-président d’Alstom Power Hydro and Wind, auditionné par la mission d’information, a estimé que l’industrie française avait « raté le développement de l’éolien terrestre » faute de pouvoir s’appuyer sur un marché interne. Au contraire, Alstom est le leader mondial en matière hydraulique (il a installé 25 % du parc mondial) car son marché interne est porteur, la France étant la 2e puissance hydraulique en Europe. Comme l’ensemble des industriels auditionnés par la mission d’information, il a mis l’accent sur le manque de visibilité du marché français, en matière réglementaire et financière, qui n’incite pas les industriels à prendre des initiatives, ni les banques à accorder des financements, eu égard aux coûts élevés et aux risques encourus. Il a même estimé que ce retard n’« était pas rattrapable », notamment pour la technologie des pales et des multiplicateurs.

Le Centre d’analyse stratégique du Premier ministre (13) estime que « la filière souffre d’un manque d’adéquation entre offre et demande, principalement dû à un déficit de personnes qualifiées. Pour créer des emplois, l’industrie française devra développer l’ensemble de sa chaîne de valeur, de la fabrication des aérogénérateurs à la maintenance ».

Comme l’a indiqué M. Jacques Pallas, maire de Saint-Georges-sur-Arnon, auditionné par la mission au sujet du parc éolien installé dans sa commune, les 19 éoliennes sont arrivées d’Allemagne, sans l’apport d’aucun sous- traitant français, le transporteur lui-même étant allemand !

QUELQUES FOURNISSEURS FRANÇAIS DE COMPOSANTS

– mâts et embases : CEOLE, Eiffel, SEMA SIAG, Guerton, Baudin Chateauneuf, Chaudonnerie de l’Est, Enercon, ETDE, Forclum, Lafarge…

– pales : EADS Astrium, Aerocomposite Occitane, Heliulm, Soficar, ATV, Scott Bader…

– génératrices : Leroy Sommer…

– brides, roulement, engrenages, multiplicateurs et couronnes d’orientation : Rollix, SBS Forge de Dembièremont, CDM transmission…

– freins à disque : Stromag France, Sime Industrie…

– fonderie : Ferry Capitain, BOT Fonderie…

– mécanique : Ascométal, Hytorc…

– équipements électriques : Carbone Lorraine, Omexon…

– transformateurs électriques : Alstom, Areva T&D, Schneider…

– fondations : Fondasolutions, Bottefondations, Mesnard…

– infrastructures : stx Europe…

– raccordements réseaux : Siemens, Prysmian, Nexans, Pirelli, INEO, ETDE, EDF, EDP…

– câbles sous-marins : Nexans, Silec Cable…

– développeurs : Eole-RES, Nordex, Ostwind, Compagnie du Vent, Enertrag, VBS, Volkswind…

– bureaux d’études : Airele, ETD, Biotope, Acouphen Environnement, Tauw Environnement, Exen, Véritas, OSER, Solemat, Cube Engineering…

– maintenance : Nordex, Reetec France, Eneria, Spie, Cegelec, Windtechnic, Momac…

exploitants : EDF énergies nouvelles, GDF-Suez, Théolia, Eolfi, Maia Eolis, ENEL ; Poweo, Eole RES, Mistral wind…

- transports : Altéad, Capelle, Bourbon Offshore, Agence maritime de l’Ouest ;…

- manutention : SDV, Sogebras…

Quant à l’emploi dans la filière, les chiffres varient. Selon la Direction de l’Energie et du Climat du Ministère de l’Energie, de l’Ecologie, du Développement durable et de la Mer, le nombre d’emplois s’élève à 7 400 en 2008 dont 4 400 pour les études d’installation sur le territoire, 2 500 pour la production de composants (notamment pour l’exportation) et 500 pour l’exploitation de parcs installés.

Selon le Centre d’analyse stratégique, le nombre des emplois est de 7 000, qui se décomposent de la façon suivante : « 90 % dans la distribution et l’installation, le reste se répartissant entre la fabrication (3 %) et la maintenance (7 %) ». Il conclut qu’avec cette répartition des emplois, « le développement attendu de la filière risque de profiter – sans mesures d’industrialisation adéquates – davantage aux industries étrangères, déjà bien implantées et compétitives ».

L’ADEME estime l’emploi de la filière éolienne à 9 710 personnes en 2008 et à 10 570 en 2009. (14)

A titre de comparaison, le nombre d’emplois est actuellement de 38 000 en Allemagne, 23 500 au Danemark, 20 500 en Espagne et 4 000 au Royaume-Uni.

A l’avenir, l’ADEME prévoit un chiffre de 17 430 pour 2012. L’EWEA estime que le nombre de personnes employées dans la filière éolienne en Europe en 2020 sera de 330 000 et en 2030 de 375 000.

Enfin, s’agissant du chiffre d’affaires, selon l’ADEME, le marché de l’éolien s’est élevé à 2,2 milliards d’euros en 2008 et à 2,4 milliards en 2009 (prévisions).

2. Des objectifs ambitieux

Comme le rappelle le rapport au Parlement sur la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité pour la période 2009-2020, « dans un contexte énergétique en évolution rapide, la France doit disposer d’une énergie sûre, compétitive et non émettrice de gaz à effet de serre ».

Les orientations de la politique énergétique française ne peuvent être dissociées de la lutte contre le changement climatique. A la suite du protocole de Kyoto, ratifié en 1997, l’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % entre 2008 et 2012 par rapport au niveau atteint en 1990 et la France – dont l’économie est une des plus sobres en carbone parmi les pays industrialisés - à stabiliser ses émissions par rapport à 1990.

Cet engagement a donné lieu à l’adoption en 2004 d’un ensemble de mesures regroupées dans le plan climat, révisé en 2006 et qui fait l’objet d’une communication annuelle.

La loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, rappelle les engagements de la France en matière de lutte contre le changement climatique, et les trois objectifs suivants : diminuer par 3 % en moyenne par an des émissions de gaz à effet de serre, diviser par 4 ces émissions d’ici à 2050 et atteindre en 2010 une production intérieure d’électricité totale de 21 % de la consommation intérieure.

Lors du Conseil européen de mars 2007, l’Union européenne a adopté trois objectifs :

Ÿ Réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 ;

Ÿ Améliorer de 20 % l’efficacité énergétique ;

Ÿ Porter à 20 % la part d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie de l’Union européenne.

Ces objectifs ont fait l’objet du paquet « Energie-Climat » qui a été adopté par le Conseil puis par le Parlement européen les 12 et 17 décembre 2008. Il regroupe quatre textes, dont la directive aux énergies renouvelables, qui fixe la part de celle-ci dans la consommation énergétique totale de l’Union européenne à 20 % à l’horizon 2020 (au lieu de 7 % actuellement (15)). Cet objectif étant ventilé à des niveaux différents entre les 27 Etats membres, le taux retenu pour la France est de 23 %.

Ces différents objectifs sont réaffirmés par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (Grenelle 1) qui rappelle « l’engagement pris par la France de diviser par 4 ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 ». En outre, « la France se fixe comme objectif de devenir l’économie la plus efficiente en équivalent carbone de la Communauté européenne d’ici à 2020. A cette fin, elle prendra toute sa part à la réalisation de l’objectif de réduction d’au moins 20 % des gaz à effet de serre de la Communauté à cette échéance…Elle concourra, de la même manière, à la réalisation de l’objectif d’amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique de la Communauté européenne et s’engage à porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de sa consommation d’énergie finale d’ici à 2020 ».

Plus précisément, le Grenelle de l’environnement, lancé dès le 6 juillet 2007, fixe des objectifs en matière d’énergie éolienne. Le comité opérationnel n° 10 (COMOP 10) consacré aux énergies renouvelables, propose un objectif d’augmentation de 20 Mtep d’énergies renouvelables à l’horizon 2020, dont 3,4 et 1,4 pour l’éolien terrestre et en mer.

Ce scénario correspond à un total de 19 000 MW sur terre et à 6 000 MW sur mer, soit un total de 9 000 éoliennes, alors qu’il en existe actuellement 2 500, ce qui supposerait d’installer quelque 700 éoliennes par an.

Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement (Grenelle 2) permettra de mettre en œuvre les mesures arrêtées dans le plan national pour de développement des énergies renouvelables de la France du 17 novembre 2008.

En 2005, la part des énergies renouvelables dans la consommation d’électricité s’élevait à 11 %, la majeure partie (92 %) étant assurée par l’énergie hydraulique. Pour atteindre les objectifs fixés par la directive européenne, l’énergie éolienne devrait représenter 10 % de notre production d’électricité en 2020 et c’est donc toute une filière qu’il faut continuer de développer.

3. Des outils nombreux

On peut en retracer ci-après les principales étapes.

Ÿ Afin d’encourager le démarrage de l’éolien, chaque pays a prévu des aides à l’investissement et à l’exploitation. En France, l’énergie éolienne est financée par une part de la contribution relative au service public de l’électricité (CSPE), définie par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.

En effet, il est fait obligation à EDF d’acheter aux producteurs intéressés l’électricité produite à partir des énergies renouvelables (dont l’énergie éolienne) ; en contrepartie, elle perçoit une contribution acquittée par chaque consommateur d’électricité.

Un arrêté fixe le montant de la CSPE, qui est en 2008 de 4,50 €/MWh ; l’énergie éolienne ne représente que 5,6 % de ce montant. Le tarif actuel est de 8,1 c€ sur terre (en métropole) pendant 15 ans et de 12,8 c€ sur mer pendant 20 ans.

Ÿ Une nouvelle étape est franchie avec la loi urbanisme et habitat du 2 juillet 2003 qui prévoit pour les régions la possibilité de mettre en place, après avoir recueilli l’avis des départements et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés, un schéma régional éolien définissant les secteurs géographiques a priori les plus propices à l’exploitation de l’énergie éolienne. Ce schéma a seulement une valeur indicative.

L’implantation d’éoliennes d’une hauteur supérieure ou égale à 12 mètres est subordonnée par la même loi à l’obtention d’un permis de construire.

Ÿ La loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique (POPE) introduit les zones de développement éolien (ZDE), destinées à permettre aux installations situées dans leur périmètre et satisfaisant à des critères de puissance de bénéficier du régime d’obligation d’achat définie par la loi du 10 février 2000. Proposées par la ou les communes dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre envisagé ou par un établissement public de coopération intercommunal à fiscalité propre, celles-ci doivent en préciser le périmètre et définir la puissance installée maximale et minimale des installations prévues ; elles sont accompagnées d’éléments permettant d’apprécier l’intérêt du projet au regard du potentiel éolien, des possibilités de raccordement au réseau électrique et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. La décision du préfet du département intervient dans un délai de 6 mois après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et des sites et des communes limitrophes.

La même loi impose pour les éoliennes dont la hauteur est supérieure ou égale à 50 mètres la réalisation préalable d’une étude d’impact et d’une enquête publique.

Enfin, elle dispose que l’exploitant d’une éolienne est responsable de son démantèlement et de la remise en état du site à la fin de l’exploitation.

Ÿ Des schémas régionaux des énergies renouvelables sont définis par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Chaque région élabore un schéma régional des énergies renouvelables qui définira par zones géographiques, en tenant compte des objectifs nationaux, des objectifs quantitatifs et qualitatifs de valorisation du potentiel énergétique renouvelable. Ils auront en particulier vocation à déterminer des zones dans lesquelles les parcs éoliens seront préférentiellement construits. L’État étudiera la possibilité d’étendre aux départements et aux régions le bénéfice produit à partir de sources renouvelables.

Ÿ Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, actuellement en discussion, apporte plusieurs modifications significatives.

Il crée les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) dont la mise en place sera obligatoire dans chaque région dans le délai d’un an. Ce document, stratégique, doit déterminer les enjeux de maîtrise de l’énergie, de valorisation des potentiels énergétiques régionaux et d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Il permettra de donner un cadre régional aux objectifs français du paquet énergie climat européen.

Il instaure l’obligation pour le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) d’élaborer un schéma de raccordement des énergies renouvelables prenant en compte les objectifs des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie.

Il élargit l’obligation d’achat pour les conseils généraux et régionaux, les communes étant déjà autorisées.

Il supprime le plafond de 12 MW pour les installations éoliennes en mer.

Il réforme les ZDE en élargissant notamment les critères utilisés pour leur évaluation.

Enfin, il inscrit les éoliennes dans la procédure d’autorisation des installations classées.

B.— DANS LE MONDE

La mission d’information a estimé indispensable d’effectuer un déplacement à l’étranger : son choix s’est porté sur le Danemark en raison du rôle de pionnier joué par ce pays dans ce domaine et de son rôle prépondérant au plan mondial.

C’est ainsi qu’elle a pu rencontrer les principaux acteurs de cette filière, et la confrontation des divers points de vue et des différentes expériences a permis d’enrichir sa réflexion et d’en tirer de précieux enseignements.

1. Une croissance importante en Europe…

L’Europe possédait, à la fin 2008, 53,9 % de la puissance mondiale ; parmi les dix premiers pays en terme de puissance installée, sept étaient membres de l’Union européenne.

En 2009, la puissance cumulée installée en Europe a atteint 76,1 GW, dont 74,8 GW pour l’Union européenne. En ce qui concerne cette dernière, la puissance cumulée installée a augmenté de 10 163 MW, soit une progression de 23 % par rapport à 2008. L’investissement dans les fermes éoliennes en Europe en 2009 a atteint 13 milliards d’euros.

Dans cette région où traditionnellement le marché de l’éolien s’est le plus développé, une croissance notable des capacités installées s’est poursuivie, avec l’Espagne (2,5 GW) et l’Allemagne (1,9 GW), l’Italie, la France et le Royaume-Uni ayant installé plus d’un GW chacun.

PUISSANCE INSTALLÉE CUMULEE

RÉPARTITION DE LA PUISSANCE INSTALLÉE EN 2009 ENTRE LES ÉTATS DE L’UE


Source :
EWEA – Statistiques européennes 2009

L’EWEA estime qu’en 2020 l’éolien deviendra la première source d’énergie renouvelable en Europe, devançant même l’hydroélectricité.

2. …et dans le monde

a) Une croissance mondiale soutenue

Malgré la crise, l’énergie éolienne connaît également au niveau mondial une croissance importante, à la fois en termes de capacités installées cumulées et de nouvelles capacités annuelles comme le montrent les diagrammes ci-dessous :

CAPACITÉ INSTALLÉE CUMULATIVE GLOBALE (1996–2009)

CAPACITÉ INSTALLÉE ANNUELLE GLOBALE (1996–2009)

Source : GWEC

Ø Les nouvelles capacités installées en 2009

Alors qu’en 2008, les nouvelles capacités installées dans le monde s’étaient élevées à plus de 27 GW pour un total de 120,791 GW (16), les nouvelles capacités installées en 2009 (17) ont atteint 35 GW (soit une augmentation de 31 % en un an).

La capacité installée cumulée mondiale s’élève désormais à 158 GW. Le secteur a généré un marché de 45 milliards d’euros (ou 63 milliards de dollars). Le GWEC estime que près de 500 000 personnes y sont employées. Quelque 150 000 emplois ont été créés en Europe dans le secteur éolien.

Les croissances les plus importantes concernent l’Asie, l’Amérique du nord et l’Europe, qui ont chacune installé plus de 10 GW de nouvelles capacités.

Un tiers de la croissance 2009 est dû au marché chinois, le pays ayant doublé son parc en installant 13 GW en 2009. Si l’on prend également en compte 1,27 GW installés en Inde et des capacités plus limitées au Japon, en Corée du sud et à Taiwan, l’Asie est le marché régional le plus important, avec plus de 14 GW.

L’Amérique du nord et l’Europe ont installé chacun 10 GW. Les États-Unis continuent d’avoir une confortable avance en ce qui concerne la capacité totale installée, d’un total de 35 GW, soit une croissance de 39 % en 2009, supérieure à celle attendue en début d’année, grâce au « US Recovery Act » qui a mis l’accent sur le développement de l’énergie éolienne.

LES NOUVELLES INSTALLATIONS D’ÉOLIENNES DANS LE MONDE EN 2009

(Capacité de production installée entre janvier et déc. 2009 en mégawatts)


Source : GWEC

Ø Les capacités cumulées

Au total, la puissance installée de 158 GW en place à la fin de 2009 produit 340 TWh par an, ce qui permet d’éviter chaque année des émissions de 204 millions de tonnes de CO(18).

L’Allemagne, le Danemark, les États-Unis et l’Espagne ont développé depuis longtemps l’éolien et leurs entreprises connaissent un rayonnement mondial. La Chine et l’Inde représentent les pays émergents, dont les efforts pour le développement de l’énergie éolienne sont beaucoup plus récents.

Ces pays, à l’exception de l’Espagne, ont la particularité de dépendre en grande partie du charbon, ce qui explique le choix de développer l’énergie éolienne. En Allemagne, celui-ci est à l’origine de la moitié de la production électrique ; aux États-Unis, le charbon contribue à 40 % des émissions américaines annuelles. Tous les pays comptant sur le marché éolien mondial ont pu ainsi s’appuyer sur un marché interne important.

PUISSANCES CUMULEES DES DIX PREMIERS PAYS

AU 31 DECEMBRE 2009 (GW) (19)

États-Unis 35,2

Allemagne 25,8

Chine 25,1

Espagne 19,1

Inde 10,9

Italie 4,8

France 4,5

Royaume-Uni 4

Portugal 3,5

Danemark 3,5

Quant au marché, il est structuré comme un oligopole : en 2008, les 10 premiers constructeurs mondiaux représentaient 92 % du marché et concentrent près de 64 000 emplois (20). Les 6 premiers couvraient 77 % du marché : Vestas (Danemark), CE Energy (États-Unis), Gamesa (Espagne), Enercon (Allemagne), Suzlon (Inde) et Siemens (Allemagne) (21).

Ø Les pays en pointe

Le Danemark a fait très tôt le choix, comme l’Allemagne, de l’énergie éolienne, pour des raisons qui seront évoquées ci-dessous : le développement en a été spectaculaire compte tenu de la taille du pays. Aujourd’hui, avec une puissance installée de 3,5 GW, l’énergie éolienne satisfait près de 20 % de la consommation d’électricité. La capacité terrestre a progressé de 97 MW en 2009, tandis que la capacité off shore a augmenté de 237 MW la même année. Le parc Horns Rev 2, inauguré en septembre 2009 et situé à l’ouest du Jutland, est le plus grand parc éolien construit à ce jour, d’une capacité totale de 209 MW avec 91 turbines ; il est en outre le premier dont le contrôle et la maintenance sont en partie assurés depuis une plate-forme habitable de façon à réduire les coûts d’intervention des personnels techniques.

L’industrie éolienne danoise – qui a connu une croissance importante au cours des dix dernières années et détient environ un tiers du marché mondial – a enregistré un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros en 2008. Une grande partie de la production nationale est exportée, en particulier vers les États-Unis et la Chine. D’un montant de 5,7 milliards d’euros, ces exportations (éoliennes, composants et services) représentaient 7,2 % du total des exportations danoises. En 2008, quelque 28 400 personnes étaient employées par l’industrie éolienne, en raison de la crise, ce chiffre est toutefois passé à 25 000 en 2009.

Les fabricants danois représentaient 30 % du marché mondial en 2008. Vestas est le leader mondial, avec 20 % du marché et l’installation de 39 000 éoliennes dans 63 pays, soit le tiers des éoliennes existantes. Parmi les sous-traitants on peut citer LM Glasfiber et Skykon. Quant au grand opérateur énergétique qu’est DONG Energy (22), il a contribué pour sa part à l’installation de la moitié des parcs éoliens off shore du monde. Enfin, de grandes sociétés de consulting danoises, comme Cowi et Rambøll ont acquis une grande notoriété dans le secteur de l’éolien.

Les États-Unis, qui sont passés en tête du classement mondial en 2008, peuvent produire 2 % de leur consommation électrique et alimenter 9,7 millions de foyers avec une puissance installée de 35,2 GW (23). Parmi les entreprises à rayonnement mondial, figure GE Wind, qui représentait 14,8 % du marché mondial en 2008 pour un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros. La même année, la filière éolienne employait 85 000 personnes (24). C’est aux États-Unis que se trouve le parc le plus important du monde, avec 627 éoliennes et une puissance totale de 781,5 MW (25).

En Allemagne, la décision de ne pas développer le nucléaire a conduit à stimuler l’énergie éolienne très tôt : celle-ci correspond à la première capacité installée en Europe, avec plus de 21 000 éoliennes et 25,8 GW en 2009. Elle a pu produire 7,5 % de sa consommation d’électricité en 2008 et réduire les émissions de CO2 de 34 millions de tonnes. Quatre entreprises font partie des dix les plus importantes au plan international et génèrent un quart du chiffre d’affaires : Enercom (15,4 % du marché mondial en 2008), Siemens (7,3 %), Nordex (3,4 %) et Repower (3,2 %)2. La filière emploie 84 000 personnes et la part des équipements exportée est de 84 %2. Afin d’empêcher la multiplication des installations isolées, le code fédéral de l’urbanisme encourage la concentration des éoliennes.

En Espagne, l’énergie éolienne, qui correspond actuellement à 11,5 % de la demande d’électricité, est en plein développement : la puissance installée est passée de 15,1 GW au 1er janvier 2008 (pour 16 000 éoliennes) à 19,1 GW en 2009. La procédure des installation des éoliennes est originale : le ministère compétent lance un appel d’offres à la suite duquel les entreprises disposent de 3 mois pour présenter leurs projets.

Ø Un marché en évolution rapide

La Chine est le meilleur exemple de pays émergent où l’énergie éolienne se développe à un rythme accéléré depuis 2005, avec une capacité doublant chaque année. Cet effort est d’autant plus nécessaire que la croissance chinoise – dynamique – est fondée principalement sur le charbon.

On dénombre actuellement 70 acteurs sur le marché, dont 3 chinois (Goldwind, Sinovel et Dondfeng Electric), auxquels s’ajoutent les groupes internationaux. De nombreuses entreprises chinoises ont conclu des accords de licence avec les entreprises occidentales. L’Association chinoise des industries de l’énergie renouvelable espère atteindre un objectif d’une puissance de 150 GW en 2020. Toutefois, la Chine doit résoudre des problèmes de construction de réseaux, les zones de production éolienne et de consommation étant très éloignées.

Cette émergence rapide de la Chine sur la scène énergétique internationale commence à avoir des conséquences non négligeables pour les pays leaders.

C’est ainsi que le Danemark doit faire face à un important mouvement de délocalisations : en 2009, dans le secteur éolien, un emploi sur huit a été délocalisé, qu’il s’agisse des grands groupes ou des petits sous-traitants. L’acquisition du savoir-faire par des pays à faible coût de main d’œuvre peut laisser penser que cette tendance se poursuivra au cours des années à venir.

Les délocalisations sont également dues à des facteurs techniques : l’augmentation de la taille des éoliennes de nouvelle génération peut conduire également les entreprises à se rapprocher de leurs principaux clients (Chine et États-Unis) afin de réduire les coûts de transport. Cependant, M. Ditlev Engel, Président directeur général de Vestas Wind System, que la mission d’information a rencontré au Danemark, lui a toutefois affirmé vouloir demeurer en Europe en renforçant l’efficacité de ses transports. Mais la disponibilité d’espaces vacants dans des zones portuaires permet aussi à des entreprises comme Vestas à Dunkerque, de monter des éoliennes (non fabriquées sur place) et destinées à des parcs britanniques, car les ports du Royaume-Uni n’offrent pas de telles possibilités.

Par ailleurs, la concurrence croît entre des acteurs plus anciens : Vestas doit affronter l’agressivité de l’américain General Electric (GE), ainsi que de Siemens, qui ont gagné des parts de marché en 2009 (Siemens en proposant à sa clientèle des offres de financement).

b) Des moyens d’incitation variés

Les outils choisis par les pouvoirs publics pour aider la montée en puissance de l’énergie éolienne varient d’un pays à l’autre, comme le montrent les quelques exemples suivants – non exhaustifs (26).

L’obligation a été retenue par la Chine, en plus d’autres leviers : les acteurs chinois possédant une capacité de plus de 5 GW doivent dédier 3 % de leur puissance aux énergies renouvelables – hors hydraulique – et 8 % en 2020.

La plupart des pays cités ont choisi de fixer un tarif d’achat.

En Allemagne, après une première loi votée en faveur des énergies renouvelables, une nouvelle loi a été adoptée en 2000 et révisée régulièrement ensuite, le tarif d’achat initial fixé en 2009 est de 9,2 c€/kwh payé pendant 5 ans. Les résultats sont pris en compte : les turbines dont le rendement est trop faible ne reçoivent aucune compensation financière ; selon les conditions d’exposition au vent, ce tarif peut être prolongé pendant 15 ans, ou au contraire, être limité à un tarif de base de 5,02 c€/kwh. Un bonus de 0,5c€/kWh est prévu pour les parcs éoliens rénovés.

Le Danemark a également fait le choix de tarifs privilégiés, qui feront l’objet d’un développement ci-dessous.

Aux États-Unis, certains électriciens ont mis en place un programme de Green Pricing qui offre la possibilité au consommateur d’acheter de l’électricité provenant d’énergies renouvelables. Le consommateur paie ainsi un « premium » sur sa facture d’électricité d’environ 2 c€ par kWh. Ceux qui n’ont pas accès à ces programmes peuvent acheter des certificats verts (ou renewable energy certificates, REC), marché disponible sur l’ensemble du territoire américain. S’y ajoutent les renewable electricity standard (RES) qui permettent aux Etats d’imposer aux distributeurs d’électricité une proportion minimum d’électricité d’origine renouvelable. Une loi adoptée en juin 2009 prévoit la mise en place d’un RES au niveau national.

La Chine a fait le même choix, le tarif étant fixé soit au niveau national, soit par les provinces, afin d’alimenter un réseau collecté par le gouvernement qui le redistribue ensuite mais ces prix ne sont pas intéressants pour les entreprises étrangères.

Le développement de l’éolien passe aussi par des incitations fiscales.

C’est le cas principalement des États-Unis qui ont institué en 1992 un crédit d’impôt à la production (production tax credit ou PTC), équivalent à 2 c€ par kWh produit pendant les 10 premières années de fonctionnement ; cette mesure n’a pas toutefois été pleinement encourageante en raison de suspensions à plusieurs reprises. Les actifs des parcs d’éoliennes sont dépréciés sur 5 ans, ce qui réduit les charges fiscales. En 2009, le Congrès a voté une extension du PTC jusqu’en décembre 2012. Au lieu de ce crédit d’impôt, les développeurs de projets éoliens peuvent également choisir le crédit d’impôt à l’investissement (investment tax credit). Les actifs des parcs éoliens sont en outre dépréciés sur 5 ans, ce qui réduit les charges fiscales au cours des premières années de production.

Les aides font également partie des outils utilisés.

En Allemagne, les subventions accordées par les Länder s’ajoutent aux prêts avantageux financés par l’État. Les États-Unis ont instauré en 2005 un prêt à taux zéro pour certains projets d’énergie renouvelables. La Chine a mis en place une incitation financière destinée aux producteurs chinois d’équipement éolien et une taxe sur les turbines importées que le gouvernement a prévu de redistribuer à l’industrie éolienne.

L’aide à la recherche constitue un instrument fondamental, comme le montrent en particulier les exemples de l’Allemagne et du Danemark, qui ont misé sur une recherche solide.

Ÿ Le graphique ci-dessous illustre l’importance relative – et précoce - de la recherche en Allemagne :

FONDS ALLOUÉS À LA RECHERCHE
DANS LE DOMAINE DE L’ÉOLIEN

(en millions de dollars US 2007)

Source : IEA (27)

Ÿ Au Danemark, si la recherche et développement ne représente encore que 10 % des emplois du secteur, contre 55 % pour la production, des efforts significatifs sont entrepris afin de l’encourager. Le gouvernement a décidé de doubler les crédits destinés à la recherche dans le domaine de l’énergie et du climat sur la période 2007-2010, pour les porter à 1 milliard de couronnes (135 millions d’euros).

Deux centres de recherche vont ouvrir d’ici 2012. L’un sera spécialisé dans les très grandes éoliennes, d’une hauteur pouvant atteindre 250 mètres. Son fonctionnement sera assuré par l’Université technique du Danemark et son financement par les entreprises qui y testeront leurs technologies. L’autre sera spécialisé dans les composants, en particulier les pales et fonctionnera dans le cadre d’un partenariat public-privé regroupant l’industrie, le centre de recherche Risoe-DTU et l’État.

Un exemple pour illustrer l’importance de la recherche : jusqu’à présent, il fallait des vents de 5 à 25 mètres par seconde afin qu’une éolienne fonctionne ; Vestas a récemment travaillé sur des turbines fonctionnant avec un vent de 3 mètres par seconde, qui permettront d’équiper un nouveau segment de marché, les régions moins ventées.

Enfin, la participation de la population est également un levier efficace.

L’originalité de l’implantation de l’éolien terrestre au Danemark a résidé, dans un premier temps, dans la participation active et financière de la population à son développement. Mais il a été indiqué à la mission par la ministre du climat et de l’énergie, Mme. Lykke Friis, qu’aujourd’hui la population acceptait moins facilement les parcs terrestres et que l’off shore était donc encouragé.

En Allemagne également, les habitants ont largement participé au développement de l’éolien : près de 200 000 d’entre eux détiennent une part dans le capital d’une unité de production.

II.— UN DÉVELOPPEMENT DÉSORDONNÉ

A.— L’ÉLECTRICITÉ D’ORIGINE ÉOLIENNE, À QUEL PRIX ?

1. Un secteur bénéficiant légalement d’un surprix

La loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au fonctionnement du service public de l’électricité a fixé, dans son article 10, le principe d’un rachat obligatoire par EDF (et les distributeurs non nationalisés) de l’électricité produite par les installations utilisant les énergies renouvelables d’une puissance supérieure à 12 MW. Cette disposition a ouvert aux opérateurs éoliens le bénéfice sur le long terme d’un tarif garanti et subventionné. La prime ainsi acquittée par EDF (seul distributeur massivement concerné par l’obligation d’achat) trouve sa justification légale par la contribution de ces opérateurs à la réalisation des objectifs de la politique énergétique. (cf. ci-dessous).

Le tarif de rachat est publié par arrêté (arrêté du 12 novembre 2008 complété par l’arrêté du 23 décembre 2008).

La loi programme dite « POPE » du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique a supprimé la condition liée à la puissance produite, ne conditionnant seulement l’éligibilité au tarif de rachat à l’installation dans une zone de développement de l’éolien (ZDE). Puis, le décret n° 2009-252 du 4 mars 2009 a précisé, postérieurement au dernier avis rendu par la Commission de régulation de l’électricité (CRE) sur ce « tarif éolien », le supplément de rémunération servi aux producteurs du fait de leur contribution à la réalisation des objectifs de la politique énergétique, sans toutefois modifier substantiellement les déterminants d’un prix composite donc difficile à appréhender.

En fait, le niveau et la pertinence de ce prix n’ont jamais donné lieu à un débat politique, le Parlement n’ayant eu qu’à constater ces données économiques majeures bâties de toutes pièces par les administrations.

Il convient toutefois de souligner que le système tarifaire garanti et supérieur au prix de marché n’est pas spécifique à la France. En témoigne, le tableau suivant transmis à la mission d’information par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) :

ÉNERGIE ÉOLIENNE ET OBLIGATION D’ACHAT D’ÉLECTRICITÉ

(État des lieux 2009 en Allemagne, France, Royaume-Uni et Italie)

Pays

Type d’installation

Durée du contrat

Tarif applicable

Période du contrat

Montant

Allemagne

A terre

20 ans

5 premières années

9,7 c€/kwh
(pour les éoliennes mises en service avant 2014)

9,2 c€/kwh
(pour les éoliennes mises en service après 2014)

15 années suivantes

5,0 c€/kwh

En mer

20 ans

12 premières années ou plus (durée supérieure à 12 ans et modulée en fonction de la distance à la côte et de la profondeur)

15,0 c€/kwh
(pour les éoliennes mises en services avant 2016)

13,0 c€/kwh
(pour les éoliennes mises en service après 2014)

Autres années

3,5 c€/kwh
(ou prix du Marché)

France

A terre,
P < 12 MW

15 ans

10 premières années

8,1 c€/kwh

5 années suivantes

de 2,8 à 8,1 c€/kwh (Interpolation linéaire en fonction de la disponibilité du site)

En mer, P < 5 MW

20 ans

10 premières années

12,8 c€/kwh

10 années suivantes

de 3,0 c€/kwh à 12,8 c€/kwh (Interpolation linéaire en fonction de la disponibilité du site)

Royaume-Uni (projet d’obligation d’achat daté de juillet 2009, entrée en vigueur prévue pour 2010)

500 kW<P<5 MW

20 ans

20 années

4,5 pences/kwh  (28)

P < 500 kW

20 ans

20 années

De 16,0 à 30,5 pences/kwh (en fonction de la puissance installée) (29)

Italie

P < 200 kW

15 ans

15 ans

30,0 c€/kwh

En Italie, le niveau très élevé du prix de rachat (supérieur au triple du prix français !) a suscité bien des débordements, notamment dans le sud du pays (Campanie, Sicile et Sardaigne), c’est-à-dire dans la partie qui connaît la meilleure situation des vents. Le développement des activités éoliennes, à compter du milieu des années 1990, a permis la constitution d’un secteur rapidement devenu une « poule aux œufs d’or », selon l’expression employée par la presse italienne. Certains opérateurs peu scrupuleux ont su accaparer une manne inespérée en s’associant d’ailleurs à des partenaires étrangers, américains ou japonais, présentant des garanties techniques avérées.

Ce « boom éolien » semble, depuis la fin de l’année 2009, connaître un revirement comme le montrent deux enquêtes en cours auprès des tribunaux de Trapani (Sicile) et Avellino (Campanie) qui s’intéressent à des trafics d’influence pour l’obtention de permis de construire et à des faux en écriture visant à conforter des droits de propriété probablement incertains sur des terrains destinés à accueillir des parcs éoliens !

2. Le contexte législatif et réglementaire des avis de la commission de régulation de l’énergie (CRE)

a) Une mission dévolue par la loi

Les avis négatifs rendus en 2006 puis 2008 par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sur les projets d’arrêtés tarifaires relatifs au prix payé aux producteurs éoliens ont souvent été mal interprétés.

Par ses avis (le dernier en date ayant été rendu le 30 octobre 2008), la CRE n’a pas eu pour objectif d’évaluer la pertinence du recours à l’éolien pour atteindre des objectifs fixés tant au niveau européen que national en matière d’énergies renouvelables mais seulement d’exprimer, conformément à sa mission de régulation, une analyse sur le niveau d’un tarif envisagé par les pouvoirs publics, après qu’elle ait procédé en toute souveraineté à une étude économique.

La CRE, garante de la cohérence du système électrique français, doit chercher un équilibre acceptable entre les intérêts des producteurs et des consommateurs. En ce sens, la CRE est normalement amenée à considérer l’énergie éolienne comme un moyen, parmi d’autres, de diminuer les impacts environnementaux de la consommation française d’énergie.

L'avis rendu en 2008 par la CRE s'inscrit dans le cadre de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité qui prévoit que les conditions d'achat de l'électricité bénéficiant du tarif qui lui est soumis prennent en compte les coûts d'investissement et d'exploitation évités par les acheteurs (en l’occurrence, EDF), auxquels peut s'ajouter une prime correspondant à la contribution de la production par la filière à la réalisation des objectifs fixés par la loi : « indépendance et sécurité d'approvisionnement, qualité de l'air et lutte contre l'effet de serre, gestion optimale et développement des ressources nationales, maîtrise de la demande d'énergie, compétitivité de l'activité économique et maîtrise des choix technologiques d’avenir comme à l’utilisation rationnelle de l’énergie » (2ème alinéa de la loi modifiée du 10 février 2000).

Le décret d’application du 10 mai 2001 disposait, ainsi, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'avis, que « les tarifs d'achat de l'électricité sont égaux aux coûts de production, incluant investissement et exploitation, évités sur le long terme au système électrique, auxquels peut s'ajouter une rémunération supplémentaire [prime] correspondant à la contribution des installations à la réalisation des objectifs » fixés par la loi.

Les textes ont donc posé ainsi le principe d'une construction tarifaire favorable prenant notamment en compte les coûts socio-économiques évités par la collectivité, qualifiés de « contributions aux objectifs de la politique énergétique ». Ils ont cependant prévu un mécanisme de plafonnement, dans le cas où ce calcul conduirait à une rémunération excessivement élevée.

En effet, la loi précise que le niveau de la prime ne peut conduire à ce que la rémunération des capitaux immobilisés excède une rémunération normale, compte tenu des risques inhérents à ces activités et de la garantie d'écouler l'intégralité de la production à un tarif déterminé sur le long terme.

b) La mise à jour d’importants surcoûts

Le coût de production évité sur le long terme au système électrique est égal au coût complet de production de l'électricité à laquelle l'électricité d'origine éolienne se substitue, auquel doivent être déduits les coûts supplémentaires induits par l'éolien sur le système électrique en matière de réserves, d'ajustement et de développement de réseau (problème du raccordement).

Le calcul de ce coût complet par la CRE se fonde sur des scénarios d’évolution du parc à long terme sur la base du bilan prévisionnel à l’horizon 2015, établis par RTE dans le cadre de l’élaboration de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI).

La CRE a constaté l’existence d’un surcoût de production lié à l’introduction d’un parc de 17 GW d’éoliennes dans le système électrique français à l’horizon 2015 qu’elle a estimé entre 1,7 et 2,1 Mds €/an, en comparaison d’une situation de référence où la production d’électricité serait assurée par des moyens conventionnels.

Ce surcoût a conduit la CRE à une valorisation de la tonne de CO2 évitée entre 230 et 280 €, et jusqu’à 490 € pour les éoliennes implantées en mer. À titre de comparaison, le coût budgétaire de l’intervention publique est évalué à 2 € par tonne de CO2 économisée pour l’isolation thermique des parois opaques, à 31 € pour la mise en place de chaudières à condensation et à 97 € pour la mise en place de pompes à chaleur géothermales. Ces valeurs peuvent, selon la CRE, être rapprochées de celles indiquées par la Conférence des experts et la table ronde sur la contribution « Climat et Énergie » qui ont suggéré une valorisation croissante, évaluée entre 32 et 45 €/tCO2 en 2010 et devant atteindre 100 €/tCO2 en 2030.

Dans une note du 27 octobre 2009, la CRE a précisé à la mission d’information commune :

« Il n'a pas été possible d'évaluer précisément les surcoûts résultant des objectifs en projet dans le cadre du « Grenelle de l'environnement ». Toutefois, compte tenu des difficultés à moduler la production des centrales nucléaires, plus la pénétration de l'éolien s'accroît, plus la production éolienne se substitue à du nucléaire et plus il devient nécessaire, en contrepartie, de développer le parc de centrales thermiques à flamme, mieux adapté aux variations de charge. Il en résulte que les coûts induits par l'éolien augmenteront au-delà du rapport de proportion entre le parc de 17 GW, sur lequel se base la présente évaluation, et celui de 25 GW, qui correspond à l'objectif visé, tandis que le bilan environnemental devrait se dégrader.

La situation est différente en Corse, dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte où, du fait de la petite taille et de l'isolement des systèmes électriques, une bonne partie de la production d'électricité est assurée par des centrales au charbon et au fioul de faible puissance, relativement coûteuses et polluantes. Toutefois, les subventions en vigueur conduisent à un développement des capacités de production utilisant les énergies renouvelables dans des proportions supérieures à la demande locale. S'agissant, dans la plupart des cas, de moyens de production intermittents, la stabilité du réseau pourrait, rapidement, ne plus être assurée.

Pour cette raison, et dans la mesure où les projets actuellement en attente de raccordement suffisent amplement à atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, et ceux du Grenelle de l'environnement, pour ce qui concerne la production d'électricité dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, le ministre pourrait faire application des dispositions 12ème aliéna de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 qui prévoit la possibilité de suspendre l'obligation d'achat dans les zones et pour les filières concernées. »

c) Des perspectives incertaines

Si les coûts de production sont relativement comparables d’un projet à l’autre, la rentabilité doit s’apprécier en fonction des recettes générées, qui dépendent d’abord des conditions de vent et du niveau de production qu’il permet d’assurer.

En 2008, à l’époque du dernier avis de la CRE, sous l’effet combiné de la hausse des matières premières et d’une demande soutenue, le coût d’acquisition des équipements, qui représente environ 75 % du coût de l’investissement, avait augmenté d’environ 20 % par rapport à sa précédente évaluation, réalisée en 2006. La CRE a néanmoins estimé que la rentabilité des projets restait, dans la plupart des cas, très satisfaisante. Cette rentabilité permettait le financement de projets dès que le potentiel de production atteignait 2 000 h/an en équivalent pleine puissance (la moyenne des installations actuellement en production est comprise entre 2 100 et 2 200 h/an). Elle s’avérait excessive pour les installations fonctionnant 2 400 h/an ou plus (en équivalent pleine puissance).

À partir de l’année 2009, dans un contexte de baisse du prix des matières premières et grâce à la garantie des subventions, les projets de production d’électricité utilisant les énergies renouvelables ont été relativement épargnés de l’assèchement du crédit. En France, les investissements n’ont donc pas diminué, mais ont, au contraire, continué de progresser même si la seule filière éolienne a connu une très légère stagnation en 2009 avec 1 036 MW supplémentaires raccordés (- 0,2 % par rapport à l’année précédente).

La part du surcoût de l’éolien pris en charge par la contribution au service public de l’électricité (CSPE) dépendra du niveau des prix sur le marché de gros de l’électricité. Si les objectifs du Grenelle de l’environnement étaient atteints, elle serait comprise en 2020 entre 1,5 Md€/an pour un prix de marché de 75 €/MWh et 3,2 Mds€/an pour un prix de marché de 45 €/MWh.

Ces charges s'annuleraient totalement pour un prix de marché de l'électricité supérieur à 100 €/MWh. Ainsi, à l'extrême, la filière éolienne pourrait contribuer à une diminution des charges de service public. Cette perspective reste théorique puisqu'en cas d'anticipation de prix durablement supérieurs aux tarifs d'achat (hypothèse non exclue de hausses fortes et durables des énergies fossiles), les producteurs auront intérêt à résilier leur contrat pour vendre leur électricité sur le marché. Dans un tel contexte, il serait alors difficilement compréhensible qu'un moyen de production rentable ait toujours besoin d'aides de la puissance publique.

3. Un débat sur l’étendue voire l’opportunité de ce supplément à payer aux producteurs

Au regard, d’une part, des données disponibles et vérifiables, et d’autre part, des déclarations faites au cours des auditions, la mission d’information commune n’est pas en mesure d’établir ce que serait « le juste prix » à payer aux producteurs éoliens.

Elle n’a d’ailleurs pas vocation à mettre en œuvre les moyens techniques nécessaires à l’exécution d’un travail tarifaire qui dépasse d’ailleurs les préoccupations ayant justifié sa création.

Elle a toutefois recueilli ou rassemblé sur ce thème un grand nombre d’expressions divergentes.

Ÿ Certaines aboutissent à forger l’idée que les activités éoliennes constituent un secteur favorisé hautement spéculatif.

Ainsi, M. Marcel Boiteux, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, qui a été à la tête d’EDF pendant plus de 20 ans en qualité de Directeur général puis de Président de son conseil d’administration, écrivait, en 2007, dans une étude coordonnée par l’Académie des Beaux-Arts : « …si le Kwh éolien était payé au service rendu – remplacer des Kwh nucléaires et, de temps à autre, des Kwh pétroliers – les éoliennes appartiendraient encore au secteur des énergies futuristes. Mais le parlement et/ou le gouvernement ont décidé au nom du peuple souverain que le Kwh éolien, qui coûte à son fournisseur environ deux fois plus cher qu’il ne rapporte à EDF, serait payé au dit fournisseur trois fois plus cher (au moins pendant quelques années). D’où l’énorme pression des candidats producteurs – de plus en plus souvent à capitaux étrangers – qui brûlent de profiter de cette manne… »

Ÿ Interrogé par la mission d’information sur le niveau du tarif garanti à la filière éolienne, M. André Antolini, Président du Syndicat des énergies renouvelables a considéré que « tel qu’il est » ce tarif permet aux promoteurs d’installer des parcs vers des zones moins ventées. Dans son esprit, toute diminution tarifaire aboutirait à une concentration des parcs dans des zones de vents susceptibles d’assurer une production plus intensive (c’est-à-dire le long des côtes ou sur des crêtes) mais avec une aggravation des risques sur le paysage. De tels propos, ressort un dilemme : soit le régime tarifaire incite à une concentration de parcs de forte puissance comptant un grand nombre d’éoliennes (situation non constatée sur le terrain), soit il favorise sur une grande partie du pays l’essaimage, plus ou moins harmonieux, de petits parcs auxquels il garantit un soutien économique durable.

Ÿ M. Gilbert Ruelle, Président de la commission « Énergie et changement climatique » de l’Académie des technologies a fait paraître, en mars 2009, une étude publiée par cette institution : « L’éolien une énergie du XXIe siècle ».

Cet expert mentionne (page 11 de ce document) un coût de production du kwh d’origine nucléaire voisin de 3 centimes d’euro, chiffre qu’il a confirmé lors de son audition par la mission d’information commune. Le tarif de rachat de l’électricité d’origine éolienne, tel que pratiqué aujourd’hui en France, est donc supérieur au double de ce coût. Il serait également nettement plus élevé que les coûts de production des centrales à gaz ou à charbon évalués, pour leur part, entre 4 et 6 centimes d’euro le kwh dans ce même document.

M. Gilbert Ruelle estime en conséquence : « le kwh éolien est donc encore actuellement plus coûteux que celui des autres sources d’énergie électrique, à l’exception du photovoltaïque. C’est pourquoi il ne s’impose pas spontanément sur le marché et nécessite une aide publique. »

Au terme de son audition, M. Ruelle a remis à la mission un document qui résume une étude du RWI, l’un des principaux instituts allemands d’études économiques, qui évalue entre 65 et 74 milliards d’euros (en valeur 2007) le coût sur 20 années de la promotion des énergies solaires photovoltaïque et éoliennes, sur la base des engagements publics arrêtés au cours de la période 2000-2010.

Le « surcoût » éolien s’établirait, selon cette étude, de 12 à 21 milliards d’euros, selon que le tarif de rachat est dégressif après 5 ans ou constant pendant 20 ans.

Pour la France, les ordres de grandeurs seraient pratiquement les mêmes, avec, selon M. Ruelle, un décalage de presque dix années par rapport à l’Allemagne.

4. Une rentabilité garantie du fait de l’effort exigé des consommateurs

a) Un phénomène d’effet d’aubaine

S’agissant de l’estimation de la rentabilité des projets, la CRE vise par ses analyses économiques à s’assurer que les tarifs proposés induisent une rentabilité « cohérente » des fonds propres investis par les promoteurs ou développeurs de parcs éoliens.

En d’autres termes, la démarche revient à poser la question de l’existence ou non d’un « effet d’aubaine ».

Ÿ Les opposants aux activités éoliennes invoquent avec constance les privilèges indûment consentis, selon eux, au secteur. Des taux de rentabilité élevés voire « hors normes » ont été cités à maintes reprises devant la mission d’information commune, avec des variations sensibles mais jamais inférieures à 8 % l’an, alors que certains n’ont pas hésité à dénoncer « une poule aux œufs d’or » qui offrirait une rentabilité de 25 %, voire 40 %, sans toutefois apporter de preuves à leurs affirmations !

En toute rationalité économique, il est évident qu’une activité bénéficiant d’un prix garanti à long terme (supérieur au prix du marché et payé par EDF dans les 30 jours suivant présentation des factures) peut trouver les meilleures conditions bancaires de financement.

Dès lors qu’un promoteur bénéficie d’un permis pour construire un parc au sein d’une « ZDE » et ainsi de l’obligation faite à EDF de lui acheter l’intégralité d’une production raccordable au réseau, des prêts bancaires avantageux lui sont accessibles pour financer 70 ou 80 % voire la quasi-totalité de son investissement. Dans ces conditions, un apport limité de fonds propres offre de hautes perspectives de rentabilité.

Ÿ À titre d’exemple, le maire d’une commune rurale de 600 habitants, Saint-Georges-sur-Arnon (Indre), que la mission d’information a rencontré, a répondu favorablement en 2005 à la société Nordex (un développeur très actif, en France, filiale d’un groupe allemand ayant débuté ses activités éoliennes au Danemark en 1985) lorsqu’elle lui a proposé l’implantation de 19 éoliennes de 145 m de hauteur réparties sur 4 sites dans la commune (46 MW de puissance installée).

La démarche de ce maire, M. Jacques Pallas, est louable car il s’agissait, à l’évidence, d’une réelle opportunité économique et fiscale pour un territoire relevant d’une zone de rénovation rurale (ZRR).

En revanche, M. Pallas a décidé de susciter la création d’une société d’économie mixte (SEM) dans le but de créer un autre parc (hors de sa commune) en y consacrant une partie importante des revenus du parc installé. Pour cela, il a associé sa commune à d’autres collectivités, deux banques et une autre SEM. Ayant interrogé M. Pallas sur la rentabilité attendue de ce parc également développé par la société Nordex, la mission a constaté une espérance spontanément exprimée de « 11 à 14 % l’an ».

Ÿ La CRE a cherché à apprécier le caractère « normal » ou dérogatoire des capitaux employés pour la construction d’un parc. À cette fin, elle compare le taux de rentabilité interne (TRI) des fonds propres investis dans un projet type avec le coût financier de fonds et non pas en prenant pour base le coût global du projet comme semble le faire l’administration.

En 2008, alors qu’elle était saisie pour avis sur un nouveau tarif éolien dans un contexte qui amorçait une hausse d’environ 20 % du coût des équipements, les estimations de la CRE ont débouché sur des taux de rentabilité variant entre 9,7 et 13,5 % pour un parc éolien fonctionnant 2 200 heures/an au maximum, c’est-à-dire sur un site peu venté. Ces taux sont proportionnellement plus élevés pour les sites les plus ventés qui fonctionnent au-delà de 2 600 heures/an, probablement compris entre 16 et 20 %.

En lançant une opération avec une mise « personnelle » de fonds limitée, mais permettant d’accéder à un TRI suffisamment supérieur au taux bancaire consenti et en tenant compte d’une prise de risques propre à son projet, un promoteur pourra aisément concrétiser un investissement réellement porteur.

Ce n’est pas au niveau du développement d’un parc que pourrait se former ce que d’aucuns ont baptisé du vocable de « bulle spéculative ». Mais, le plus souvent, dès la phase de première production, le jeu des cessions ou des ventes de participations (opérations directement réalisées ou de façon dérivée par des fonds spécialisés dont une partie des parts est d’ailleurs susceptible d’être proposée aux épargnants sous le label vendeur des énergies renouvelables), des interventions en cascades peuvent, elles, traduire un activisme financier.

Pour un secteur aidé par l’existence d’un surprix, il est utile de s’interroger sur le bien fondé du phénomène, d’autant qu’« au final, c’est toujours le consommateur qui paie ! » comme l’ont déclaré certains des interlocuteurs de la mission qu’ils appartiennent au camp des professionnels de l’énergie éolienne ou à celui du monde associatif.

Instituée par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, la contribution au service public de l’énergie (CSPE) avait initialement pour vocation de participer au financement de l’équipement des zones défavorisées par leur discontinuité territoriale (îles dont la Corse) et de la majeure partie des zones ultramarines, en raison de leur absence d’interconnexion avec le réseau métropolitain.

b) La difficulté de déterminer un juste prix pour les activités éoliennes off shore

En considérant les coûts de construction et d’exploitation des parcs éoliens en mer (nettement plus élevés que ceux des projets terrestres) (30) bien que susceptibles de produire de façon plus régulière et intensive notamment en hiver, période de forte consommation d’électricité, il n’est pas possible à la mission d’information de formuler une appréciation sur le niveau d’un prix à garantir à l’exploitant d’un parc éolien off shore et sur la durée souhaitable d’exercice d’une telle garantie. En effet, le prix actuellement fixé en France par arrêté ne présente qu’un caractère virtuel aux fondements économiques d’autant plus incertains, que les coûts de transformation et de raccordement au réseau restent à évaluer précisément alors qu’en Allemagne et au Danemark cette charge incombe de façon quasi exclusive aux gestionnaires du réseau ce qui allège d’autant le « business plan » des futurs exploitants.

La problématique du prix est manifestement complexe concernant les activités éoliennes en mer pour lesquelles la mission ne dispose que d’éléments d’information résultant de la pratique des trois pays européens qui, à ce jour, se sont résolument engagés dans la filière. La France n’a toujours pas construit un seul parc de ce type, ni même un démonstrateur de production.

Au Royaume-Uni, en Allemagne et au Danemark, les modalités d’achat et les prix de l’électricité produite en mer sont établis selon des règles spécifiques à chaque pays.

Ÿ Le Royaume-Uni a privilégié la voie de l’attribution aux exploitants off shore de certificats (« green certificates ») négociables alors que l’Allemagne a opté en faveur d’un prix subventionné garanti sur 12 années au minimum (cette durée est toutefois susceptible d’être prorogée en fonction des distances de la côte et des profondeurs d’implantation) qui, selon la date d’entrée en service d’un parc, est de 15 ou 13 c€/kwh. On notera que le prix allemand est voisin du prix théorique français pour une production éolienne en mer actuellement garanti sur 10 années à un niveau de 12,8 c€/kwh, puis serait modulable sur les 10 années suivantes d’exploitation (en Allemagne, le prix prévisionnel au-delà des douze premières années ou plus bénéficiant du prix garanti serait de 3,5 c€/kwh ou égal au prix de marché).

Ÿ Pour sa part, le Danemark a fait le choix de prix spécifiques à chaque parc, arrêtés au terme d’appels d’offres ouverts (« tendering procedure ») et après examen des propositions des compétiteurs. Les deux plus récents appels d’offres des parcs off shore danois ont ainsi abouti à des prix d’achat de 6,7 et de 7 c€/kwh payés sur une première période d’exploitation voisine de 14 années ou 50 000 heures de production à pleine charge.

En tout état de cause, le prix d’achat de l’électricité produite en mer doit prendre en compte la variété des conditions d’installation des parcs et les données techniques de leur raccordement.

Les investissements des opérateurs doivent être rentables, tout en évitant des effets d’aubaine, notamment dans les zones les moins contraintes. Le prix unique à vocation nationale ne semble pas adapté. Une nécessaire flexibilité devrait régir le système afin de tenir compte de la disparité des situations. Des développeurs intéressés par la filière souhaiteraient que soit consenti aux premiers parcs, un « tarif starter » d’un montant élevé (au moins jusqu’à une limite de puissance et pour une première période de production), en contrepartie ils s’associeraient à des travaux de recherche ou d’évaluation sur les ressources énergétiques marines.

Dans le cadre de son pouvoir de planification, l’État doit lancer des appels à projet ou des appels d’offres dans des périmètres déterminés au sein des zones propices. Chaque appel d’offres comprendrait plusieurs lots assortis chacun d’une puissance minimale à installer (300 MW semble correspondre à une puissance critique).

La connexité des lots permettrait de mutualiser les raccordements entre projets et ainsi d’optimiser les coûts très élevés correspondant à des travaux d’importance.

La création des schémas de raccordement par le projet de loi dit Grenelle II permettra à RTE d’anticiper la mise en service des parcs off shore à la production desquels pourrait venir ultérieurement s’ajouter l’énergie résultant d’autres ressources marines.

B.— UNE ACCEPTATION CONDITIONNÉE AU RESPECT DES PAYSAGES, DES SITES ET DES ACTIVITÉS PRÉEXISTANTES

1. Un enjeu d’intérêt national

Le paysage est un réceptacle : il accepte ou il refuse. Le caractère subjectif de l’appréciation paysagère a certes été plusieurs fois évoqué par les personnes auditionnées. Mais peut-on délibérément méconnaître la sensibilité de millions de Français de tous âges et de toutes conditions, au motif d’un impératif énergétique ? Le paysage, qui est un bien collectif, ne saurait être considéré comme un simple décor modelable à souhaits. Il est à la base du patrimoine national. Il constitue également une ressource essentielle dans de nombreuses régions, au-delà des zones traditionnellement considérées comme touristiques. Les « exemples » étrangers de dizaines d’éoliennes rangées en râteau sur des crêtes ou plantées dans des paysages forts comme l’Algarve portugais ou le sud de l’Espagne ne militent guère pour un développement de la ressource.

Un ensemble inscrit par l’UNESCO parmi les premiers sites ayant été classés au titre du patrimoine mondial, tels le Mont-Saint-Michel et sa Baie qui englobent des espaces naturels sauvegardés, peut-il, en effet, cohabiter  avec des horizons parsemés d’éoliennes ? Certes, l’arrogance de quelques promoteurs fait parfois face à l’outrance de certains opposants. Dans ce type de situation, il n’est guère possible de dialoguer.

La mission d’information commune a, bien évidemment, tenu à entendre des associations et des personnalités soucieuses de la sauvegarde des patrimoines naturels et historiques.

Elle n’a pu, dans les délais qui lui étaient impartis, rencontrer toutes les associations concernées, ni même l’ensemble de celles qui pourraient être considérées « représentatives » au plan national, tant ce domaine est étendu et regroupe les affinités les plus diverses. Par ailleurs, de nombreuses associations locales et des riverains ont adressé des lettres, des documents et des courriels aux membres de la mission ou directement à son président.

Le volume et l’intensité de telles réactions (non sollicitées par la mission) révèlent, s’il en était besoin, l’extrême sensibilité de la question des éoliennes.

Dans son approche, la mission se veut aussi objective que possible et résolument pragmatique. Elle récuse les arguments manifestement excessifs et les mises en cause personnelles mais constate que des situations abusives et regrettables ont parfois abouti à des dégradations durables dans des espaces naturels ou à proximité de sites remarquables qui ont eu pour conséquence une détérioration profonde du « climat local », donc une radicalisation des positions. Des élus locaux ont bien compris que certaines situations ne sauraient perdurer. Le président du Conseil général d’un important département n’appelle-t-il pas de ses vœux un moratoire ? Certains membres de la mission ont d’ailleurs émis des opinons en ce sens. En tout état de cause, il conviendra de clarifier le cadre juridique d’une activité qui donne souvent le sentiment de s’imposer en force sans garantir à tous l’accès à l’information.

2. Un débat à ne pas méconnaître : le paysage reste indissociable de notre identité

Existe-t-il une problématique particulière à l’acceptation des éoliennes, alors que durant des décennies les riverains n’ont pas émis une expression aussi négative lorsque les campagnes ont été jalonnées par des châteaux d’eau et hérissées de pylônes ou encore lorsqu’il était décidé de faire voisiner l’habitat et les activités les plus traditionnelles avec des usines ?

Les mentalités ont certes changé au cours des dernières années. Aujourd’hui, l’apport de ce que d’aucuns appellent un progrès technique ne peut plus tout justifier. D’autant que les éoliennes, contrairement aux châteaux d’eau ou aux pylônes, ne sont pas des objets inertes de petite ou moyenne dimension. Si la hauteur d’un château d’eau ne dépasse que rarement quelque trente mètres, celle des éoliennes dorénavant installées atteint 140 à 150 mètres. Leurs pales d’un diamètre de 80 à 100 mètres s’activent de jour et de nuit, selon des rythmes aléatoires. Cette différence n’est sans doute pas étrangère à ce qu’il convient d’appeler des phénomènes de rejet, particulièrement sensibles dans des zones de plaines ou sur des crêtes.

La mission d’information commune a également conscience de l’existence de certaines contradictions. Les promoteurs de l’éolien ont mentionné devant elle, les résultats de sondages qui tendraient à prouver qu’en réalité les riverains des parcs éoliens témoignent massivement leur satisfaction face à un tel voisinage. Mieux, il a été fait état de résultats encore plus probants après mise en service d’un parc par rapport à de précédentes enquêtes réalisées en phase de projet ou de construction. Sans qu’il soit nécessaire de mener des investigations sur les commanditaires et les méthodes d’enquête d’opinion, force est de constater que les données les plus divergentes servent à fonder l’argumentation des deux camps.

Il n’est pas non plus sans importance de reconnaître les effets d’un phénomène bien connu et non exclusif au domaine éolien. Certaines personnes relèvent d’un comportement « Nimby » ou « Not in my backyard » en s’affirmant très progressiste, à titre général, et en récusant, à titre particulier, toute idée de proche cohabitation avec une activité dont elles reconnaissent pourtant certains bienfaits au niveau « sociétal ». « Pas dans mon jardin ! » et plus précisément encore « Hors de ma vue ! », telles sont les réactions premières de nombreux résidents et, notamment, cela a été plusieurs fois souligné devant la mission, d’anciens citadins venus chercher une tranquillité sans véritable partage à la campagne ou sur nos côtes.

L’éolien est sans conteste un thème de débats passionnels. Il suscite de nombreuses contradictions qui, pour certaines, trouvent leurs origines dans des situations de conflits d’intérêts.

Les activités éoliennes rapportent à quelques-uns et coûtent directement ou indirectement à certains. Leurs promoteurs sont souvent apparus à la mission, du moins en France, comme des intervenants économiques d’une nature plus financière qu’industrielle. A quelques exceptions près, leur qualité d’énergéticien s’est révélée secondaire par rapport à celle de développeur de business plans fondés sur les perspectives de rendements élevés et assurés. L’obligation de rachat de l’électricité produite à un prix ferme et garanti dans le cadre de contrats de longue durée n’est évidemment pas sans conséquence. L’avidité de quelques-uns a pu porter préjudice à l’ensemble de la profession, tout spécialement lorsque certains comportements se sont faits jour au cours des prospections de sites, principalement auprès de maires ruraux à qui il a été beaucoup promis en termes de retombées économiques et fiscales.

Par ailleurs, le prix payé à des propriétaires de terres agricoles pour louer des aires d’implantation a suscité ou parfois même amplifié des rivalités locales.

Le but de la mission d’information commune est de sortir d’un contexte d’oppositions frontales au titre desquelles les accusations et les soupçons ont pris trop d’importance.

Au cours de sa rencontre avec la mission d’information commune, le Président Giscard d’Estaing a clairement posé la problématique du paysage comme un élément essentiel de l’identité d’une Nation :

« La première fois que j’ai vu des éoliennes fut lors d’un vol au-dessus de la Californie, dans la région de Palm Springs, l’intérêt porté à la question s’est précisé à l’occasion de deux autres voyages. Le premier reliait l’est de Berlin à la Pologne. Cette région, dévastée par une ceinture d’éoliennes, est devenue inhabitable. Le second réalisé en TGV de Vendôme à Paris offrait le spectacle d’éoliennes réparties de manière diffuse dans la Beauce agricole ruinant ainsi le paysage.

Or dans le paysage se lit l’histoire et donc l’identité de la France ! Dans le monde actuel globalisé, les particularismes tendent à être gommés. L’unique chose qui subsiste de l’identité est le paysage. C’est très différent de survoler la France que de survoler la Sibérie !

A l’époque, les écologistes avaient une crainte : voir le paysage détruit. Il n’y a qu’à se rappeler la grande émotion suscitée par la construction du l’autoroute contournant Nantes, autoroute dont la construction fut stoppée durant plusieurs années pour des raisons écologiques. Aujourd’hui, pour des raisons qualifiées d’écologiques, on prône l’implantation d’éoliennes mais elles sont loin d’être dissimulées et sont, au contraire, la plupart du temps, situées en hauteur afin d’optimiser leur prise de vent.»

M. Philippe Toussaint, également entendu par la mission en sa qualité de Président de l’association des « Vieilles Maisons françaises » a porté une appréciation du même ordre en insistant sur le fait que « l’environnement était fait de paysages naturels et de paysages façonnés par l’homme. La réputation de la France est fondée pour une bonne part sur la qualité de ses paysages et son cadre de vie. Le patrimoine et l’environnement sont deux concepts liés. Toute atteinte aux paysages est sujet de préoccupation, que la cause en soit les éoliennes, les lignes à haute tension, etc.…

Le patrimoine est en outre un outil économique important pour notre pays qui occupe 500 000 emplois non délocalisables, alors que les constructeurs d’éoliennes, basés hors de France, n’en génèrent guère. En revanche, le photovoltaïque et le bois font l’objet de recherches importantes et ont un réel potentiel d’emplois. »

Puis, s’appuyant sur son expérience locale, M. Toussaint a confirmé « des méthodes de démarchages contestables auprès de maires ruraux » alors que « l’enjeu ne s’élève qu’à quelques dizaines de milliers d’euros de retombées fiscales par commune mais que les tribunaux concluent déjà à des pertes de valeur importantes des habitations situées à proximité d’éoliennes ».

Si la plupart des interlocuteurs de la mission dans le monde associatif ont souligné « l’opacité de la filière éolienne », aucun d’eux n’a paru relever d’un passéisme ou d’un conservatisme figé.

Au contraire, la Présidente de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF), Mme Paule Albrecht, en regrettant le « massacre des paysages et du patrimoine bâti dans un contexte de gâchis des fonds publics et de rentes versées aux promoteurs » a tenu à témoigner que son association n’avait aucune hostilité de principe aux éoliennes à la condition « d’accompagner l’évolution des paysages et de se préoccuper du patrimoine non protégé – à savoir les trois quarts du territoire – afin qu’il ne se banalise pas ».

Mme Albrecht s’est d’ailleurs déclarée en faveur d’une planification véritablement contraignante, en considérant que les schémas régionaux proposés par le projet de loi du Grenelle II « … pourraient être un cadre d’analyse précise et un premier effort de planification. ». Elle a indiqué : « des éoliennes terrestres peuvent être installées dans des lieux ne présentant pas de caractéristiques particulières et à condition qu’elles soient regroupées ».

S’agissant du littoral et des espaces marins, Mme Albrecht a prôné la mise en place de zones d’exclusion de 10 km côté terrestre et de 20 km sur mer, en rappelant que la Bretagne ne saurait accueillir plus de 3 voire 4 parcs en mer (31).

Plus généralement, elle a salué l’effort de Mme Christine Albanel, qui, alors qu’elle était ministre de la Culture, avait agi, en dépit des difficultés, en faveur de la mise en place de « cercles de sensibilité » d’environ 10 km autour des monuments historiques, distances susceptibles d’être modulées en fonction de cônes de vue, comme cela a été fait pour la sauvegarde de Chartres.

Cette position rejoint celle du Président Giscard d’Estaing qui afin d’éviter les phénomènes de mitage a déclaré : « il faut privilégier les parcs importants qui n’agressent pas les paysages et qui soient sur des parcours de vent. Il appartient aux collectivités territoriales ou à la puissance publique nationale de réfléchir à leur emplacement : par exemple, les grandes friches industrielles ou en mer. »

Enfin, on ne peut également méconnaître une pente juridictionnelle qui concerne certaines implantations au regard de l’habitat préexistant.

Des décisions judiciaires récentes portées à la connaissance de la mission d’information commune semblent avoir ouvert la voie à l’indemnisation pour perte de valeur à des propriétaires d’habitations voisines d’un parc éolien.

Ÿ Par un arrêt du 20 septembre 2007, la cour d’appel de Rennes a, en effet, confirmé un jugement du T.G.I. de Quimper qui accordait à l’acquéreur d’un bien immobilier ayant donné lieu à une vente de 145 000 euros conclue en 2004, une restitution de 30 000 euros à la charge des vendeurs qui s’étaient gardés d’informer l’acheteur de la prochaine installation d’un parc éolien à proximité (la plus proche éolienne étant située à 500 mètres de l’habitation, les trois autres distantes de 720, 1 000 et 1 300 mètres).

La réticence intentionnelle des vendeurs à donner cette information au moment de la vente a été reconnue de nature à induire en erreur l’acheteur sur les qualités substantielles du bien dont il se portait acquéreur.

La cour d’appel de Rennes a non seulement fondé sa décision sur les nuisances de visibilité générées par des éoliennes d’une hauteur de 115 mètres mais aussi sur leur impact sonore même si l’opérateur considérait l’émergence (définie comme la différence entre le bruit du parc et le niveau de bruit ambiant) conforme aux normes en vigueur. On mentionnera que la cour d’appel fait état dans ses attendus d’attestations notariales et d’agents immobiliers estimant entre 28 et 46 % de sa valeur d’acquisition la dépréciation de l’habitation concernée.

• Un jugement du T.G.I. d’Angers en date du 9 avril 2009 traduit une même orientation dans une affaire comparable portant sur un compromis de vente d’une maison d’habitation sur la commune de Tigné (Maine et Loire). Le vendeur ayant caché aux acquéreurs l’existence d’un projet de construction d’un parc éolien pour lequel le promoteur disposait d’un permis de construire délivré par la commune antérieurement à la date du compromis.

Les juges ont retenu la visibilité du parc (6 éoliennes d’une hauteur de 121 mètres situées à 1 100 mètres du lieu de l’habitation concernée) mais également le caractère « vraisemblable d’une pollution sonore » pour établir une perte de valeur vénale de 20 % en s’appuyant d’ailleurs sur des attestations versées aux débats qui sans concerner spécifiquement l’habitation en cause, se rapportaient à des pertes de valeur d’autres habitations « confrontées à l’implantation proche d’un parc éolien ».

Ces décisions rendues par des magistrats spécialistes du droit civil, donc professionnellement habitués à considérer en toute indépendance les estimations foncières ou immobilières qui leur sont soumises et à fixer les évaluations aussi précises que possible d’éventuels préjudices, constituent un courant juridictionnel qui pourrait rapidement s’affirmer.

Il ne s’agit pas pour autant de décisions de principe. Ces affaires sont susceptibles de connaître leur aboutissement au niveau de la cour de cassation qui en confirmera ou infirmera le sens.

La mission d’information a toutefois estimé indispensable de faire état de cette donne judiciaire qui soulève naturellement l’inquiétude dans de nombreuses zones rurales, car une maison constitue le plus souvent l’élément essentiel d’un patrimoine acquis au terme d’une vie de travail ou transmis au fil des générations dans une famille.

3. Le « mitage » du territoire, résultat du détournement de la procédure des zones de développement de l’éolien

La loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique (dite loi « POPE ») visait notamment à mieux encadrer le développement de l’énergie éolienne sur le territoire national.

Ce texte a, en effet, introduit dans notre droit la notion de zone de développement de l’éolien ou ZDE, à l’initiative de M. Patrick Ollier, Président de la commission des affaires économiques, qui avait tenu à voir explicitement retenu l’impact paysager. Il s’agissait bien de ne pas sacrifier un impératif écologique, la protection des espaces naturels par rapport à un autre principe tout aussi écologique, celui du développement des énergies renouvelables, et de concilier ces deux éléments par le jeu d’un dispositif réglementaire.

Au cours de la discussion devant l’Assemblée nationale, les députés avaient particulièrement insisté sur un point : il convenait face aux nombreux projets d’installation de répondre à un objectif de rationalisation. Il était clair dans leur esprit qu’avec l’élaboration de ces zonages arrêtés par les préfets sur proposition des élus au niveau communal ou intercommunal, il serait mis fin à une situation de foisonnement de projets plus ou moins économiquement crédibles, d’autant que la loi précisait les trois critères essentiels qui devaient justifier cette forme de programmation :

– le potentiel éolien local,

– les possibilités de raccordement,

– la protection des paysages, des monuments historiques, des sites remarquables et protégés.

Au demeurant, la solution consistant à ne faire bénéficier, à compter du 14 juillet 2007, du tarif spécifique de rachat que les seules installations comprises dans une ZDE aurait pu s’avérer efficace.

Force est de constater qu’il n’en a rien été. Les ZDE ont été détournées de leur objectif de sauvegarde. Dans un rapport publié en novembre 2007, l’Académie des Beaux-Arts s’était d’ailleurs montrée très préoccupée par cette situation.

L’Académie concluait son travail coordonné par M. Michel Folliasson de sa section d’Architecture, par les réflexions suivantes :

« … les éoliennes, machines de 150 mètres de haut, sont en contradiction avec la tradition française qui a toujours consisté jusqu’à présent à harmoniser l’architecture, même insolite, avec le paysage en respectant son échelle.

La confrontation de telles installations, que les promoteurs envisagent d’installer aujourd’hui de manière massive, avec les sites remarquables et les paysages de qualité qui ont valu à la France le titre de première destination touristique mondiale, est difficilement acceptable. »

Elle a notamment préconisé :

« En matière de paysage :

– de veiller à l’application stricte des lois et réglementations en vigueur.

– d’en interdire l’implantation dans les zones les plus sensibles qu’elle [la puissance publique] devra déterminer en en publiant la liste,

En matière de bruit :

- de définir la méthode d’approche pour créer les indispensables zones de protection des lieux de vie (habitat et travail) in situ et en vraie grandeur, la technologie actuelle le permettant.

En matière de permis de construire :

- de maintenir la compétence du préfet.

Enfin, l’Académie des Beaux-Arts recommande à la puissance publique de faire précéder chaque démarche administrative concernant l’implantation d’éoliennes, d’une consultation démocratique des populations concernées, dont l’ampleur devra être définie, chaque fois, au cas par cas. »

L’autorité préfectorale n’a été que rarement en mesure de veiller à la cohérence départementale des ZDE, et à un regroupement rationnel des parcs comme le précisaient les textes d’application (circulaire et instruction ministérielles aux préfets du 19 juin 2006).

L’interventionnisme tous azimuts de prospecteurs et porteurs de projets prompts à faire miroiter des recettes et des emplois aura eu raison de la sagesse préfectorale.

La cartographie des ZDE révèle parfois des aspirations et des intérêts éloignés du bien commun voire du simple bon sens. Les ZDE n’ont pas enclenché une véritable dynamique territoriale reposant sur l’échange et la publicité de données vérifiables, prenant en compte l’ensemble des enjeux économiques et environnementaux. La non acceptation et, disons-le, les rejets exprimés par des populations vivant au voisinage de parcs s’expliquent en grande partie de ce fait.

Que dire, aujourd’hui, de la prise en compte par les ZDE des paysages et de la biodiversité lorsque l’on constate la pression de « porteurs de projets » qui peuvent installer des « fermes éoliennes » à proximité immédiate de parcs naturels et réclament même le droit d’opérer au cœur de parcs naturels régionaux (PNR) comme celui des Monts d’Ardèche.

L’expression de « fermes éoliennes » désormais privilégiée par les promoteurs recouvre souvent des projets qui en vérité n’ont rien de rural. Il s’agit d’un anglicisme (traduction littérale de « wind farm ») qui peut cacher bien des incompatibilités avec la vie quotidienne des campagnes.

En tout état de cause, il n’est pas certain que l’échelon départemental soit le mieux approprié pour définir une programmation particulière aux activités éoliennes. Les ZDE sont intervenues alors que chaque région disposait déjà de la faculté d’établir, depuis le mois de juillet 2003, un schéma régional éolien (article L. 553-4 du code de l’environnement) prenant en compte l’évaluation, par zone géographique, des possibilités d’implantation conformément aux dispositions du paragraphe I de l’article 6 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.

Les ZDE s’imposant à ces documents facultatifs de pré-programmation régionale, une orientation sans doute encore plus « locale » et donc plus sensible au lobbying en a résulté.

De plus, le premier des trois critères énoncés par la loi : le potentiel éolien local n’a sans doute pas été déterminant s’agissant des décisions de création des ZDE puis de l’implantation en leur sein des parcs.

Alors que la France dispose du deuxième potentiel de vent en Europe, après la Grande-Bretagne, puisque trois grandes zones sont susceptibles d’assurer un certain équilibre en termes de répartition et de force (façade Manche et Mer du Nord, front Atlantique - Bretagne et Vendée principalement - et zone méditerranéenne), les implantations ont plus rapidement et massivement concerné des régions continentales aux régimes de vents plus irréguliers.

Le département de la Meuse, certes assez étendu et peu peuplé, comptait ainsi la plus forte puissance installée au début de l’année 2009 mais serait prochainement dépassé par la Somme.

Dans le département de la Vienne, par exemple, qui semble concerné par de nombreux projets alors qu’il ne compte encore que peu de parcs installés, des associations particulièrement actives dans la région ont fait état à la mission d’une situation dans laquelle les communautés de communes non totalement urbanisées se trouveraient toutes désormais incluses dans des zones de développement de l’éolien !

En réalité, les dispositions ayant institué les ZDE ont été interprétées de telle sorte qu’elles ont contourné la volonté initiale du législateur. Celle-ci était bien, dès 2005, de lutter contre le « mitage » territorial sans renoncer à développer une filière de production complémentaire d’électricité. L’État n’a pas su disposer de critères pour distinguer la pertinence des projets à installer dans les ZDE dont les élus sollicitaient la création. L’idée d’un zonage cohérent a effectivement été méconnue, puisque sont acceptées des zones fractionnées en morceaux distants de quelques kilomètres, afin de recouvrir toutes les localisations possibles pour implanter des parcs qui parfois ne comptent chacun que deux à trois machines.

Tout autant regrettables auront été les interprétations par trop généreuses de dispositions délibérément protectrices de l’environnement.

Ÿ La loi « montagne » de 1985 qui interdit quasiment toute possibilité de construire voire de réhabiliter un simple cabanon isolé n’a toutefois pas été invoquée lorsqu’il s’agissait d’ériger des éoliennes au motif spécieux que ces machines ne constituaient pas des bâtiments.

Ÿ La loi « littoral » de 1986 qui témoigne également d’un fort volontarisme de protection des sites, renvoie, par exemple, toute construction de nouvelle route à 2 000 m du rivage. Or, des implantations éoliennes ont été autorisées à des plus faibles distances du rivage, en des lieux où des particuliers ne pourraient faire valoir un droit à construire.

Les habitants et, plus particulièrement, les usagers de la montagne ou des côtes se voient assigner des règles et des contraintes dont l’activité éolienne est dispensée. Ces errements permettent de comprendre certains phénomènes de rejet car ils ont donné le sentiment que quelques intérêts pouvaient bénéficier des effets d’une forme d’expropriation du plus grand nombre, sans indemnisation et sans véritable fondement d’utilité publique.

4. Une nécessaire planification : les schémas régionaux éoliens

Ÿ Le projet de loi dit Grenelle II portant engagement national pour l’environnement, actuellement en discussion comporte plusieurs modifications significatives au dispositif existant.

Il crée les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE). Leur mise en place sera obligatoire dans chaque région dans le délai d’un an. Ce document, stratégique, doit déterminer les enjeux de maîtrise de l’énergie, de valorisation des potentiels énergétiques régionaux et d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Il permettra de donner un cadre régional aux objectifs français du paquet énergie climat européen.

Il instaure l’obligation pour le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) d’élaborer un schéma de raccordement des énergies renouvelables prenant en compte les objectifs des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie.

Il élargit l’obligation d’achat pour les conseils généraux et régionaux, les communes étant déjà autorisées.

Il supprime le plafond de 12 MW pour les installations éoliennes en mer.

Il réforme les ZDE en élargissant notamment les critères utilisés pour leur évaluation.

Enfin, il inscrit les éoliennes dans la procédure d’autorisation des installations classées.

Ÿ En outre, des schémas régionaux des énergies renouvelables sont définis par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Chaque région élabore un schéma régional des énergies renouvelables qui définira par zones géographiques en tenant compte des objectifs nationaux, des objectifs quantitatifs et qualitatifs de valorisation du potentiel énergétique renouvelable. Ils auront en particulier vocation à déterminer des zones dans lesquelles les parcs éoliens seront préférentiellement construits. L’État étudiera la possibilité d’étendre aux départements et aux régions le bénéfice produit à partir de sources renouvelables.

Le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie et le schéma régional des énergies renouvelables sont des documents d’orientation dont l’importance ne peut être minimisée mais qui n’ont pas de valeur contraignante.

Au terme de sa réflexion, la mission d’information commune est amenée à émettre l’opinion selon laquelle les activités éoliennes appellent une programmation et une régulation qui conditionnent leur développement.

Sans pour autant bâtir un système d’empilement de planifications régionales, il convient néanmoins d’assurer une cohérence à des projections et à des orientations dans le but d’arrêter des choix clairement identifiés.

Il s’agit d’une nécessité pour l’information des populations, mais aussi pour conférer une indispensable visibilité aux opérateurs dans leurs décisions d’investissement.

Seul l’État reste à même de définir un volet de la politique énergétique de la France.

La mission d’information commune propose que des schémas régionaux éoliens arrêtés par les préfets de région, après délibération des conseils régionaux et consultation des départements, définissent, avant le 31 décembre 2011, les zones dans lesquelles une activité de production éolienne terrestre est possible, en tenant compte des limites qualificatives et quantitatives arrêtées par les régions dans leurs documents d’orientation relatifs aux énergies renouvelables dont l’éolien.

Dans ces conditions, le schéma régional éolien sera un document distinct et opposable. Aucune ZDE ne pourra être créée dans les départements hors d’une des parties du territoire délimitées par le schéma régional qui devra aussi être élaboré en pleine conformité avec l’ensemble des dispositions des codes de l’urbanisme et de l’environnement, et tout spécialement avec les règles de construction des lois « littoral » et « montagne ». La mission propose également la création de la notion d’unité de production comportant un seuil de puissance installée et un nombre minimum d’éoliennes afin d’éviter le « mitage » au sein des ZDE.

C— DES PROBLÈMES TECHNIQUES À RÉSOUDRE

1. Le raccordement au réseau

Les principaux acteurs intervenant sur les réseaux

Alors que le marché de l’électricité s’ouvre à la concurrence, les réseaux demeurent par nature des monopoles. De plus, l’électricité ne se stockant pas, l’ajustement entre production et consommation demande une coordination permanente par le gestionnaire du réseau de transport, RTE, service indépendant au sein d’EDF. Celui-ci remplit des missions de service public définies par les lois de février 2000 et août 2004, précisées dans un contrat de service public conclu avec l’État et exercées sous le contrôle de la commission de régulation de l’énergie (CRE) : RTE doit assurer « l’équilibre, à tout instant, des flux d’électricité sur le réseau public de transport d’électricité, ainsi que la sécurité, la sûreté et l’efficacité de ce réseau ».

ERDF (Electricité Réseau Distribution France) est une filiale à 100 % du groupe EDF qui exploite le réseau de distribution d’électricité le plus important en Europe. ERDF est garante de la continuité du service public de l’électricité : en effet, dans le contexte de l’ouverture du marché de l’électricité, la gestion et l’exploitation des réseaux publics de distribution d’électricité demeurent des activités de service public. Le législateur a confié ce monopole à ERDF qui exploite 1,2 million de km de réseaux, soit le réseau le plus important d’Europe. La part concernant l’activité de distribution de EDF a été transférée à ERDF.

a) Le renforcement des réseaux

Contrairement à une idée largement répandue, l’énergie éolienne n’est pas décentralisée. La production des gros aérogénérateurs ne sert pas à la consommation locale : il faut acheminer une puissance parfois équivalente à une centrale importante.

Depuis 2000, le raccordement des parcs éoliens est un défi important pour les gestionnaires de réseaux publics de distribution et de transport d’électricité, en raison de la croissance exponentielle des installations : actuellement, plus de 4 000 MW sont raccordés au réseau public d’électricité. ERDF et RTE ont recensé, au terme du premier semestre 2009, plus de 4 200 MW d’origine éolienne en attente de raccordement.

Ces raccordements devront tenir compte de l’article 16 de la directive « énergies renouvelables » du 23 avril 2009, qui prévoit d’accorder la priorité d’accès des énergies renouvelables au réseau de transport électrique, sous réserve du maintien de la fiabilité et de la sécurité du réseau. Ainsi, sous réserve des modalités de sa transposition – qui doit intervenir au plus tard en décembre 2010 - et de son application en France, les projets aujourd’hui soumis à limitation pourraient se voir accorder l’accès au réseau prioritairement aux énergies non renouvelables. Les régulateurs de l’Union européenne ont, quant à eux, rappelé que ces dispositions ne devaient pas entraîner la dégradation de la sécurité d’approvisionnement ni de nouveaux coûts pour les consommateurs.

Les investissements attendus sont de l’ordre d’un milliard d’euros cumulés pour intégrer d’ici à 2020 un parc éolien terrestre de 19 000 MW. En 2009, RTE a investi un million d’euros, ce qui correspond à la mobilisation de 4 000 emplois, dont 500 nouveaux emplois ; la prévision pour 2010 est de 1,1 million. Au Danemark, Energinet – l’équivalent de RTE dont la mission d’information a rencontré le vice-président, M. Torben Glar Nielsen et le vice-président pour le développement du système électrique, M. Peter Jørgensen – prévoit d’investir 250 millions d’euros par an pour développer le réseau.

Les renforcements du réseau liés à l’éolien sont à prévoir principalement dans le nord de la France. Les coûts apparaissent du même ordre de grandeur que ceux du parc conventionnel en cours d’installation : dans ce domaine, l’éolien n’entraîne pas de surcoût par rapport à d’autres modes de production.

En revanche, le réseau régional est dimensionné en fonction de la puissance transitée maximale : comme le facteur de charge de l’énergie éolienne est de 24 % (32) au cours des trois dernières années (33), le besoin de renforcement du réseau rapporté à l’énergie produite est supérieur à celui d’autres sources d’énergie.

b) Les délais de raccordement

Si les réseaux doivent être renforcés afin de faire face au développement de la filière éolienne. M. Pierre Bornard, vice-président de RTE, a toutefois rappelé à la mission d’information, lors de son audition, que l’infrastructure actuelle pouvait intégrer 7 000 MW supplémentaires moyennant de simples adaptations.

Au-delà, on doit s’attendre à un décalage dans les délais : un projet éolien peut être développé en 3 ans, alors que RTE a besoin de 6 ans environ pour construire un ouvrage de transport de moyenne capacité, en raison notamment de la longueur des procédures. Les délais peuvent même atteindre 9 ans, compte tenu de la complexité croissante des procédures (pour la construction d’un poste de 400 kvolts en souterrain le débat public a duré 2 ans), alors que l’Allemagne et l’Italie ont au contraire simplifié les leurs et qu’aux États-Unis, l’ensemble des recours doit être purgé dans un délai de 2 à 3 ans, le débat public durant 2 mois seulement.

Dans certaines zones, peu urbanisées et donc moins desservies par le réseau de transport, le potentiel de raccordement est nul ou faible ; or la localisation des projets est liée au potentiel éolien existant et à leur acceptabilité sociétale et environnementale.

En attendant le renforcement des réseaux, les gestionnaires ont établi un classement des projets, constituant des files d’attente : les premiers entrés bénéficient de la capacité disponible lorsque les autres font l’objet de « limitation d’injection » ou d’injection nulle. RTE publie les chiffres de potentiels de raccordement de son réseau (puissance supplémentaire maximale acceptable par le réseau) ; il est amené à prévenir le producteur du parc concerné qu’il ne pourra pas absorber toute sa production : des automates arrêtent alors les éoliennes à certains moments. RTE publie sur son site Internet, sous forme de cartes, les potentiels de raccordement du réseau public de transport.

Pour contourner ces difficultés, il est possible de raccorder les parcs à des réseaux de tension supérieure (en haute tension au lieu de moyenne tension), ce qui nécessite la réalisation d’un nouveau poste électrique, très coûteux.

La mutualisation des coûts de raccordement des projets en ZDE que la CRE avait proposé en 2007 pour pallier les files d’attente n’a pu être menée à bien en raison de difficultés juridiques. Les schémas de développement des énergies renouvelables prévus dans le projet de loi vont permettre de mettre en œuvre cette mutualisation.

Le renforcement du réseau doit être prévu par le biais du développement de la planification, l’échelon régional étant le plus pertinent : RTE intervient dans le cadre des schémas régionaux climat air énergie et des schémas de raccordement au réseau des énergies renouvelables afin que ceux-ci soient compatibles et cohérents. L’accueil de la production éolienne doit être anticipé : une vision nationale et régionale des ZDE est indispensable.

Quant à la répartition des coûts, il incombe au producteur de payer la connexion au poste le plus proche. En amont, le renforcement du réseau est à la charge de RTE, donc à celle du consommateur.

Deux projets de raccordement sont en cours sur le réseau haute tension dans la région Est. Le parc éolien de Erelia Epizon atteindra 78 MW pour 39 éoliennes et sera raccordé à la ligne électrique de 225 000 volts entre Epinal (Vosges) et Chaumont (Haute-Marne) , les premières productions étant prévues à partir de la mi 2010. Le parc de Joux-la-Ville (Yonne), en cours de réalisation, devrait atteindre une puissance installée de 123 MW pour une soixantaine d’éoliennes ; le raccordement sera réalisé sur la ligne de 225 000 volts près d’Auxerre.

En ce qui concerne l’off shore, le problème est plus complexe : il faut acheminer l’électricité de l’éolienne jusqu’au premier poste terrestre, ce qui est le plus coûteux et incombe au promoteur. En Allemagne, c’est le gestionnaire de réseau qui en assume le coût (en mer Baltique, des fermes éoliennes se trouvent à 100 km des côtes). Il faut ensuite construire des infrastructures spécifiques : en raison des dispositions de la loi littoral, il est difficile de prévoir les acheminements à travers la plage.

2. L’équilibrage du système électrique

a) L’intermittence de la production éolienne

La stabilité du réseau électrique repose sur l’équilibre entre la production et la consommation. Pour assurer cet équilibre, RTE compare la consommation prévue aux programmes de production et aux importations et exportations des acteurs du marché. Traditionnellement, la production a été pilotée en fonction des évolutions de la consommation, grâce à des installations électriques « commandables » et centralisées. Or la production éolienne est par nature variable.

Ø Une énergie « fatale »

Les aérogénérateurs ne produisent que lorsque la vitesse du vent n’est ni trop faible, ni trop forte. L’éolien est une énergie intermittente et aléatoire, dite « fatale » (dont le contrôle de la production échappe à l’homme) par opposition à l’énergie dite de base (énergie continue, dont les variations de puissance sont faibles).

En moyenne, les sites français produisent 2 300 heures par an, ce qui correspond à un coefficient de 25 % (34). Mais des sites de très bonne qualité, comme dans l’Aveyron ou le Languedoc, produisent en pleine puissance de 3 000 à 3 300 heures par an, ce qui correspond à des coefficients de production de plus de 35 % par an. Le coefficient de 100 % correspondrait au cas où la machine tournerait à plein temps à sa puissance nominale, ce qui est impossible pour une éolienne.

L’intermittence est en partie compensée par la dissémination des aérogénérateurs sur l’ensemble du territoire qui permet d’obtenir un équilibre géographique. En France, trois régimes de vent dominants décorrélés, de nord ouest sur la façade atlantique, et de nord ou de sud sur la façade méditerranéenne, permettent d’espérer un minimum de production non nul dans la quasi-totalité des circonstances météorologiques.

L’énergie éolienne est intermittente, mais prévisible à trois jours, avec une marge de 7 % d’erreurs, ce qui permet une adaptation de la production. L’intermittence est plus difficile à gérer à l’échelle d’une région (marge de 15 %) qu’à celle de la France.

En raison de cette spécificité de l’énergie éolienne, les moyens permettant de contribuer à tout moment à l’équilibrage du système ne suffisent plus à compenser les variations de la consommation et de la production. La vitesse du vent est un paramètre météorologique nouveau qui entre dans la prévision de l’équilibre entre la production et la consommation.

Ø La nécessité de recourir à des sources d’énergies complémentaires

En 2008, l’éolien installé en France a permis d’éviter le rejet de 1, 65 millions de tonnes de CO2 : en effet l’éolien se substitue à hauteur de 75 % de la production thermique à flamme qui est utilisée lors des pics de consommation (35).

Les premiers GW installés d’éoliennes se substituent chacun à approximativement 0,2 GW de moyens thermiques ; au delà, le taux de substitution décroît avec la puissance installée. Mais, sous réserve d’un développement géographiquement équilibré, on peut considérer que 20 GW d’éoliennes ou 4 GW d’équipements thermiques apparaissent équivalents en terme d’ajustement du parc de production (36).

L’intermittence impose toutefois que le relais soit éventuellement pris par d’autres sources d’énergie. Comme l’a précisé M. Pierre Bornard, vice-président de RTE, dans le cas d’un parc éolien dont le comportement peut être anticipé grâce à une bonne observabilité, en deçà d’une puissance installée de 4 000 MW, le caractère intermittent de cette énergie ne nécessite aucune réserve pour garantir l’approvisionnement : on peut substituer à tout moment une électricité provenant d’une autre source d’énergie. De 4 000 à 10 000 MW, il faut prévoir des réserves afin de faire face à des insuffisances de vent non prévues ; au delà d’une puissance de 10 000 MW, les réserves mobilisables doivent être plus importantes, de 10 %, avec une anticipation de huit heures.

Plusieurs compléments sont possibles, et les opinions divergent sur ce point. Pour M. Pierre Bornard, le recours à la production de centrales thermiques n’est pas inéluctable. L’appel à d’autres sources d’énergie est possible : la production hydraulique, qui monte également très rapidement en puissance, assure un équilibre instantané. En France toutefois, la puissance transférable par les stations de pompage est de l’ordre de 3 GW seulement (37). Mais il est possible de réaliser des échanges entre pays européens, d’autant qu’on sait stocker l’énergie provenant des barrages, comme c’est le cas en Suisse. A ces deux solutions, Observ’ER en ajoute une autre, qui « repose sur le stockage de l’énergie éolienne sous forme d’énergie hydraulique par l’intermédiaire de stations de pompage/turbinage. Composées d’un bassin en hauteur et d’un réservoir, elles permettent d’accumuler de l’énergie provenant d’autres types de production peu maniables, comme les centrales nucléaires » (38). L’Académie des technologies, dont la mission d’information a auditionné le Président de la commission « énergie et changement climatique », M. Gilbert Ruelle, précise qu’« en France, le nucléaire est capable de faire face à des variations rapides de la production éolienne à hauteur de 10 % de la puissance consommée instantanée ».(39)

Pour la commission de régulation de l’énergie (CRE), en revanche, « plus la pénétration de l’éolien s’accroît, plus la production éolienne se substitue à du nucléaire et plus il devient nécessaire, en contrepartie, de développer le parc de centrales thermiques à flamme, mieux adapté aux variations de charge »(40). Si l’on recourt à la production de centrales thermiques (comme cela est le cas lors d’une panne du nucléaire), le bilan environnemental risque en effet de se dégrader. Ce handicap augmenterait si la part de l’éolien dans le mix énergétique atteignait un niveau obligeant à investir dans de nouveaux équipements thermiques.

Ø La « commandabilité »

L’énergie éolienne est non seulement intermittente, mais non « commandable » : elle ne permet pas de faire face aux pointes, dont la croissance se confirme, car elle n’est pas disponible à tout moment. Les 6 et 7 janvier derniers, la consommation d’électricité a été élevée. Le 6 janvier, le facteur de charge de l’éolien était de 6 % et le 7 janvier de 35 %. En moyenne, le facteur de charge étant de 25 %, il faut tenir compte d’un coefficient d’abattement important : 20 000 MW d’origine éolienne sont équivalents à 4 000 MW classiques.

En période de pointe, lorsque l’on rencontre des problèmes d’adéquation entre l’offre et la demande, les « réseaux électriques intelligents » (ou « smarts grids ») pourraient agir sur les deux, grâce à l’application des technologies numériques de communication aux infrastructures des réseaux électriques en vue d’accroître leur fiabilité et leur rendement : les « smart meters » pourraient permettre au consommateur de suivre sa consommation en temps réel et d’en informer directement son fournisseur d’électricité. Les émissions de gaz à effet de serre liées aux périodes de pointe s’en trouveraient réduites, en limitant les pics de consommation, soit en débranchant les appareils qui ne seraient pas indispensables soit en produisant un signal-prix incitant le consommateur à ne pas utiliser l’électricité à certaines heures. Les réseaux intelligents favoriseraient l’intégration d’apports fluctuants d’électricité sur le réseau. Ce concept n’est encore qu’embryonnaire, bien que plusieurs projets aient été lancés récemment, en particulier IntelliGrid et GridWise TM aux États-Unis et SmartGrids TM en Europe.

b) Le dispositif de prévision de l’énergie éolienne

L’intermittence de l’énergie éolienne impose la mise en place d’un dispositif de prévision afin de l’insérer en toute sécurité dans le système électrique français. RTE devant à tout instant disposer d’une réserve de production disponible rapidement, cet accroissement de réserve peut être optimisé s’il peut connaître à tout instant la production éolienne injectée sur les réseaux (transport et distribution) et de prévoir son évolution pour les heures à venir.

RTE s’était déjà efforcé d’améliorer « l’observabilité » en temps réel de la production éolienne, en installant dans ses dispatchings une plate-forme pour visualiser les données de production éolienne : à la fin de 2008, les mesures de 80 % environ de la production éolienne ont été dirigées vers celle-ci. Par ailleurs, en partenariat avec Météo France, RTE a développé un modèle de prévision de la production.

Un nouveau pas vient d’être franchi avec la mise en service d’un nouvel outil permettant de disposer en temps réel des données nécessaires pour faire le point sur la production éolienne et photovoltaïque et prévoir son comportement à venir. Ce dispositif – « IPES, insertion de la production éolienne et photovoltaïque sur le système » contribuera à maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité et à gérer les flux d’énergie sur le réseau. Il est opérationnel depuis 8 dispatchings (41) et est centralisé dans les locaux du site de RTE à Toulouse.

Ce nouvel outil permet aux opérateurs de RTE de suivre en temps réel l’évolution des productions d’énergie éolienne par parcs et par zone géographique, de visualiser les prévisions pour la journée en cours et le lendemain, d’accéder aux données descriptives des parcs et machines éoliennes intégrées au système IPES, d’accroître la vigilance par la programmation d’alarmes afin d’avertir les opérateurs en cas de franchissement de certains niveaux de production (en temps réel ou prévus) et de transférer ces données vers des modèles de calcul de marges, de simulations de flux sur les réseaux et de prévision de consommation. Quatre fois par jour, la réception de nouvelles prévisions de vent fournies par Météo-France, entraîne le calcul de nouvelles prévisions de production éoliennes. Aujourd’hui, l’observabilité par transmission en temps réel des données de production ne couvre pas la totalité des parcs éoliens raccordés : les modèles de calcul d’IPES permettent à RTE de simuler et d’appréhender l’effet de la production éolienne sur le réseau à partir de données partielles. Transmettre des données réelles reste donc un enjeu pour IPES, l’objectif étant d’atteindre prochainement une observabilité de 80 % du parc éolien.

En outre, RTE étudie les possibilités de commander la production éolienne en lien avec les gestionnaires de réseau de distribution et les producteurs : il s’agirait de commander à distance et en temps réel les installations de production depuis les centres d’exploitation du réseau de transport.

D.— UN CHOIX DIFFÉRENT AU DANEMARK

1. Le choix des énergies renouvelables

Si le Danemark, comme les autres pays européens, vient de s’engager à respecter les « trois 20 », tout autre est le choix qu’il a effectué en réponse au premier choc pétrolier. Alors que la France a opté pour l’énergie nucléaire, le Danemark a mené au cours des années 1970 des politiques volontaristes d’économies d’énergie et de développement des énergies renouvelables, tout en conservant l’objectif d’une croissance économique soutenue.

Ce choix a été maintenu : ainsi que l’a souligné Mme Lykke Friis, ministre du climat et de l’énergie, qui a reçu la mission, « dans la course énergétique intense » qui se déroule actuellement, le nucléaire n’entre pas dans le cadre de réflexion danois.

La part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie est passée de 3 % en 1980 à de plus de 16 % aujourd’hui. Les premières éoliennes, qualifiées par la Ministre de « conte de fées » ont été développées et installées dans les années 1980. Aujourd’hui, l’énergie éolienne satisfait environ 20 % de la consommation d’électricité du pays – le plus haut ratio du monde – avec une capacité totale installée de 3,5 GW. Toutefois l’acceptation de la population pour les parcs éoliens terrestres ayant atteint ses limites, le gouvernement souhaite encourager le développement de l’éolien off shore, qui jouera, ainsi que l’a souligné la ministre, un rôle essentiel dans la politique énergétique future. Le Danemark étudie avec l’Allemagne et la Suède (cette dernière vient de se désister) le parc éolien le plus grand du monde : un centre d’essai permettra de mettre au point des turbines de 250 m.

Parallèlement, au cours des 20 dernières années, comme le montre le graphique suivant, la consommation brute totale d’énergie est restée pratiquement stable grâce à des normes très rigoureuses pour le bâtiment, l’étiquetage énergie des appareils électriques, les campagnes d’information auprès des ménages, les accords sur les économies d’énergie avec les industriels et les taxes sur la consommation d’énergie, afin de renforcer l’efficacité énergétique. En outre, la loi fixe la consommation maximale d’énergie par mètre carré.

Pendant la même période, les émissions de CO2 ont diminué.

DÉVELOPPEMENT DU PNB, CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE
ET ÉMISSIONS DE CO2 1980-2005


Source.
Agence danoise de l’énergie

Les émissions de CO2 restent cependant élevées, si l’on compare avec celles des certains autres pays européens.

En effet, la mutation n’est pas achevée. Comme l’ont indiqué à la mission d’information les responsables d’Energinet, la production d’énergie du Danemark, qui s’élève à 36 TWh, soit 14 fois moins que celle de la France (518TWh en 2009), se décompose de la façon suivante :

Ø 20 % d’énergie éolienne,

Ø 10 % d’énergies renouvelables,

Ø 70 % de combustibles fossiles, de petites centrales thermiques, au gaz et au charbon.

Le « mix » énergétique est donc complètement différent, la production française d’énergie se répartissant ainsi :

Ø 75,3 % de nucléaire,

Ø 10,5 % d’énergie fossile,

Ø 11,9 % d’hydraulique

Ø 1,5 % d’éolien

Ø 0,8 % d’autres énergies renouvelables (en particulier la biomasse) (42)

2. Les échanges avec les pays voisins

De plus, la politique énergétique du Danemark présente une autre particularité, la participation au marché Nordpool - réunissant la Suède, la Norvège, la Finlande et l’Allemagne – qui lui permet de vendre et d’acheter son énergie en fonction de sa production et de ses besoins. Ce cadre d’échanges lui permet de bénéficier, en cas de besoin, de ressources dont il ne dispose pas : c’est ainsi que la production nucléaire de la Suède correspond à la moitié de sa production énergétique (43) et que la Norvège est riche de ressources hydrauliques. Le Danemark entretient en outre des échanges bilatéraux importants avec l’Allemagne.

3. Les objectifs à moyen et long terme

Le Danemark s’est fixé des objectifs ambitieux pour poursuivre dans cette voie. En janvier 2007, le gouvernement danois a publié un document sur les perspectives de la politique nationale énergétique à l’horizon 2025 « a visionary Danish energy policy ». L’objectif est de satisfaire 30 % de ses besoins énergétiques grâce aux énergies renouvelables en 2025.

En 2025, l’énergie éolienne devrait correspondre à la moitié de la demande d’électricité du pays (et 30 % dès 2012, avec une capacité installée supplémentaire de 1 300 MW). L’éolien terrestre représenterait 3, 5 GW et l’éolien off shore environ 3,1 GW installés. Ces chiffres prennent en compte le remplacement de quelque 2 800 MW produits par d’anciens parcs terrestres arrivant en fin de vie ou caractérisés par de trop petites capacités. Le gouvernement prévoit la construction de 4 parcs éoliens off shore de 200 MW chacun, dont le premier a été inauguré en septembre, le parc Horns Rev 2, le plus grand parc off shore à ce jour. La réussite de cette politique reste également subordonnée à la maîtrise de la consommation finale d’électricité. Les résultats attendus de ces choix sont une réduction de 54 % des émissions de CO2 ; le Danemark n’envisagerait plus de construire que 400 MW de nouvelles ressources thermiques à flamme de 2015 à 2025.

L’intensification du commerce entre les pays du Nordpool demeure un élément essentiel de ce scénario, qui n’est concevable que dans le cadre d’une forte interconnexion régionale. Ce plan s’articule d’une part avec celui de l’Allemagne qui a pour objectif de porter sa production éolienne à 20 % de ses besoins d’électricité en 2020 et dont les principaux parcs seront implantés en mer à proximité des eaux danoises, et, d’autre part, avec celui de la Suède qui ambitionne de porter sa production éolienne à 10 TWh dès 2015.

A long terme, en 2050, le Danemark ne veut plus être dépendant des énergies fossiles ; une commission sur le climat a été mise en place par le gouvernement avec pour mandat d’étudier quand et selon quelles modalités il y parviendra.

La stratégie danoise, dénommée « Bright and Green », se définit comme visant à développer une société qui s’appuie sur les nouvelles technologies afin de concilier développement durable et prospérité économique. L’énergie éolienne contribue en effet au développement durable non seulement parce qu’elle utilise le vent, mais aussi parce qu’elle est la seule source d’énergie qui ne consomme pas d’eau : une turbine, ainsi que l’a indiqué M. Ditlev Engel, Président directeur général de Vestas, à la mission d’information, est constituée de 80 % de matériaux recyclables. Ces différents paramètres ont une incidence dans le calcul économique. Cette politique a également un impact dans les échanges extérieurs : les exportations totales de technologies énergétiques atteignent 8,5 milliards d’euros, en augmentation de 19 % depuis 2007-2008.

A titre expérimental et de manière marginale, une autre piste pourrait résider dans le chargement des batteries de voitures électriques en cas d’excès de production ; si la voiture n’est pas utilisée, l’énergie ainsi stockée peut être revendue. Ces réflexions entrent dans le cadre du projet Better Place qui a pour but d’accompagner la transition du secteur automobile vers le véhicule électrique (cf. annexe 3I). Ainsi que l’a souligné la ministre, Mme Lykke Friis, « les véhicules électriques font partie du système énergétique de l’avenir : ils sont « un champ de pétrole virtuel ».

III.— UN DÉVELOPPEMENT À MAÎTRISER

A.— UNE NÉCESSAIRE RÉAFFIRMATION DES POUVOIRS PUBLICS
SUR UN SUJET ESSENTIEL

1. La recherche d’une cohérence de l’intervention publique

La question d’un effacement de la puissance publique, souvent évoquée devant la mission d’information, a été considérée par certains de ses interlocuteurs comme l’une des causes des difficultés parfois subies mais aussi engendrées par la filière éolienne.

D’aucuns ont regretté devant la mission être amenés à s’interroger sur le ministère ayant véritablement en charge ce secteur, en l’absence d’un ministère de l’Industrie de plein exercice. Il est exact que dans les domaines concernant la politique énergétique de la France, l’État a toujours exercé son pouvoir de décision. Or, s’agissant du développement de l’éolien, force est de constater que son abstention a permis à des promoteurs libres de prospecter les territoires de présenter des projets « clés en mains » à des élus ne disposant pas de moyens d’analyse. L’une des origines du « mitage » est aussi à chercher dans ce phénomène.

Ÿ L’État n’a d’ailleurs jamais exprimé d’orientations précises s’agissant des niveaux de production éolienne par région ou par grande zone pour atteindre son objectif de 19 000 MW d’origine terrestre en 2020, c’est-à-dire l’implantation d’au moins 6 000 éoliennes par rapport au parc existant. Si l’on continuait à essaimer sur le territoire des installations comprenant chacune entre 4 et 7 éoliennes, l’impact sur les espaces aboutirait à un « lynchage territorial ». Aucun seuil de répartition territoriale n’ayant jamais été arrêté (en termes de plancher ou de plafond), la progression territoriale des activités éoliennes s’est trouvée largement laissée à l’initiative des promoteurs. Les pouvoirs publics disposaient pourtant des meilleures connaissances possibles sur le régime des vents en France.

L’ensemble des associations rencontrées par la mission d’information commune a souhaité l’intervention d’une programmation véritablement contraignante.

L’idée de schémas régionaux opposables a ainsi semblé à la mission marquer un progrès.

Ÿ Il est vrai que le Président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), instance qui regroupe les acteurs de l’éolien (industriels et promoteurs) au sein de sa branche « France énergie éolienne », s’est également déclaré favorable devant la mission à ce cadre de recensement pour de futurs projets, sans toutefois se prononcer sur la nature d’un tel document et le degré des contraintes supportables par le secteur.

L’abstention étatique constatée par la mission concernant la répartition géographique est d’autant plus paradoxale que dans le régime actuel d’autorisation d’installation puis d’exploitation, d’ailleurs contesté par nombre de détracteurs de la filière, le rôle de l’État apparaît déséquilibré.

Ÿ Les administrations impliquées à des degrés divers sont particulièrement nombreuses dans la phase préalable à l’installation, c’est-à-dire au cours des procédures aboutissant à la délivrance d’un permis de construire. Ainsi, M. Pâris Mouratoglou, Président d’EDF Energies nouvelles, a indiqué à la mission que l’aboutissement d’un projet exigeait un travail de 2 à 5 années : « 26 administrations examinent nos permis de construire avant tout accord ! »

La multiplicité des interlocuteurs administratifs saisis pour avis dont certains réexaminent au fond un dossier déposé de longue date, donne néanmoins une fâcheuse impression de confusion qui ne contribue pas à garantir l’information du public.

Si l’amont d’un projet est ainsi le lieu d’une « surcharge administrative », l’aval se caractérise, en revanche, par une quasi-absence de l’État. La phase d’exploitation n’est effectivement guère contrôlée et l’adaptation des installations en fonctionnement sur un site ne fait l’objet d’aucune évaluation, en dépit de l’existence d’une activité de production régie par un régime contractuel avec EDF et RTE.

Le Président du SER, pour sa part, a convenu devant la mission que « le temps des erreurs de jeunesse de l’activité éolienne était révolu », ajoutant d’ailleurs, qu’en France, on n’avait pas constaté de « catastrophe environnementale » résultant de cette production. Il a, en outre, admis que « la prolifération de projets – dont beaucoup ne verront pas le jour – peut légitimement inquiéter ».

Ayant considéré devant la mission que l’idée de schémas régionaux constituait « une bonne réponse à l’acceptabilité », le Président du SER a estimé que les membres de son organisation étaient prêts à les « écrire avec l’État et les élus » et qu’il convenait même d’« accélérer le mouvement car un travail de recensement des projets est indispensable : il y a trop de projets, un travail de filtrage s’impose ».

Cette position rejoint en partie l’analyse faite par les dirigeants d’EDF-Énergies nouvelles qui appellent de leurs vœux l’émergence de quelques grands acteurs dans la filière en estimant qu’il y avait sans doute trop de petits développeurs.

Prenant acte de telles dispositions en faveur d’une rationalisation de l’activité, les membres de la mission d’information commune estiment effectivement nécessaire d’assurer un cadre de programmation mieux adapté pour l’installation de parcs éoliens sur le territoire.

2. Une cohérence d’ailleurs exigée du fait de nos engagements européens

En application de la directive 2009/28/CE européenne sur les sources d’énergies renouvelables, la commission européenne a adopté un modèle de description des plans d’action nationaux (PAN) que chaque État-membre devra présenter avant le 30 juin 2010.

Ces plans fixent de façon précise et contraignante les politiques présentes et futures en matière d’énergies renouvelables.

Les informations qui seront ainsi transmises par chaque État-membre auront vocation à être publiées sur une plate-forme de transparence.

A ce titre, la France est donc tenue de répondre à très brefs délais à cette exigence communautaire, s’agissant notamment de ses objectifs de production éolienne sur terre et en mer, en décrivant les procédures administratives qu’il lui revient de définir pour atteindre de tels objectifs, y compris les modes de consultations des populations concernées, d’une part, par les installations de production et, d’autre part, à titre général sur les choix arrêtés par type d’énergies renouvelables.

Le « questionnement » européen porte également sur les modes d’évaluation des résultats privilégiés par chaque pays.

Au regard de ses engagements européens, la France ne peut faire l’économie d’une véritable programmation de sa politique de l’énergie éolienne et doit définir en conséquence des principes de régulation.

Il lui revient de décliner plus précisément encore son objectif de 25 000 MW de production éolienne à l’horizon 2020, notamment en partageant de façon chiffrée ce qu’il résultera de l’éolien terrestre et des parcs off shore.

Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement dit « Grenelle II » a donc vocation à apporter des précisions aux réponses à transmettre prochainement à la commission européenne. Il reste notamment à savoir quelle modulation concernera l’objectif de la production éolienne en mer qui pourrait, en considérant le potentiel de développement d’une filière industrielle nationale, s’inscrire au-delà des quelque 6 000 MW initialement prévus.

3. Le régime de contrôle des activités éoliennes

a) Le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)

Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement (Grenelle II) comporte plusieurs dispositions de portée générale modifiant le droit des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Ÿ Ces dispositions tendent à renforcer les contrôles périodiques de certaines installations soumises au régime de la déclaration. Elles modifient également l’article L. 514-6 du code de l’environnement qui ne fixerait ainsi plus de délais au cours desquels les décisions d’autorisation ou de déclaration peuvent être déférées à la juridiction administrative, en renvoyant ce point au pouvoir réglementaire.

Plus particulièrement pour ce qui concerne les éoliennes, l’article 34 du projet de loi en créant un article 553-1 nouveau du code de l’environnement qui prévoit la soumission des « installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent » au régime des ICPE. Mais conformément au principe régissant ce domaine, le projet de loi dispose que ces installations doivent être définies dans une nomenclature établie par décret en Conseil d’État, sur le rapport du ministre chargé des installations classées, après avis du Conseil supérieur des installations classées.

L’adoption du projet de loi en l’état aurait les conséquences suivantes :

– le classement des éoliennes en ICPE serait expressément exigé par la loi ;

– toutefois, ce classement ne pourrait intervenir que par décret. L’application de l’article L. 553-1 serait donc suspendue à la parution du décret correspondant. Ce décret préciserait également quel régime d’ICPE serait applicable à chaque type d’éoliennes (éoliennes dont la hauteur dépasse 50 mètres et les autres) ;

– le projet de loi procédant à l’abrogation de l’article L. 553-2 à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date de la publication de la loi (cette disposition soumet à étude d’impact et enquête publique préalable toute implantation d’une ou plusieurs éoliennes dont la hauteur du mât dépasse 50 m), le décret d’application devrait donc intervenir dans ce délai. A défaut, les éoliennes deviendraient des ICPE, mais en vertu de la loi, et sans que soit fixé le régime qui leur serait applicable (autorisation, déclaration ou enregistrement). Par ailleurs, l’article L. 553-2 abrogé, les différences de régime entre les éoliennes dont la hauteur dépasse 50 mètres et les autres disparaîtraient.

Une certaine complexité résulte de cette situation qui, en outre, ouvre une période transitoire concernant les projets de parcs éoliens ayant déjà obtenu un permis de construire définitif, dans le cadre du régime administratif en vigueur et ayant, à ce titre, fait l’objet d’une étude d’impact et d’une enquête publique en application de l’article 553-2 du code de l’environnement.

Ÿ Par ailleurs, le type de classement en ICPE des activités éoliennes est de la sorte laissé à la seule initiative réglementaire, sans que l’on sache si ces installations relèveraient de la simple obligation de déclaration ou de la procédure plus exigeante de l’autorisation préalable, voire du nouveau statut intermédiaire de l’enregistrement créé par une ordonnance du 21 juin 2009.

Le régime déclaratif n’impose aucune obligation particulière aux exploitants qui peuvent engager leur activité dès la transmission d’un dossier, pour autant qu’ils respectent des prescriptions générales en vue d’assurer la protection des intérêts visés à l’article 511-1 du code de l’environnement, à savoir : la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publique, l’agriculture, la protection de la nature, la conservation des sites et des monuments, le patrimoine archéologique et, depuis l’adoption de la loi sur le plan de relance de l’économie, l’environnement et les paysages.

Dans le régime de l’autorisation préalable, l’appréciation de l’administration s’effectue au cas par cas. Toute décision positive reste subordonnée à l’examen des résultats d’une enquête de dangers transmise par l’entreprise. La consultation des collectivités concernées, d’une commission spécialisée à l’échelon départemental, la CODERST ou commission départementale de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, ainsi que la mise en œuvre d’une enquête publique constituent autant d’étapes obligatoires.

b) La mise en œuvre de modes de contrôle industriel

Ÿ La mission d’information commune s’est effectivement interrogée sur l’effet d’« affichage » qui pourrait sans doute résulter de la soumission de ce secteur au régime des ICPE.

Pour le grand public, ce régime de police administrative, au sens du droit public français, évoque inévitablement des activités industrielles « lourdes » mettant en œuvre des processus de production très spécifiques ou des substances potentiellement dangereuses.

Le régime de l’autorisation préalable a, en effet, transcrit des dispositions européennes comme la directive 96/82/CE dite « SEVESO » identifiant les sites industriels présentant des risques d’accidents majeurs ou encore la directive 96/61/CE dite « IPPC » (Integrated Pollution Prevention and Control) qui vise à exiger des exploitants le respect de prescriptions techniques, notamment en ce qui concerne des valeurs limites d’émission par leurs installations.

Force est de constater que les activités éoliennes qui mettent en œuvre des principes électromécaniques, certes techniquement élaborés, sans rejets ni utilisation de matières ou de substances toxiques, ne répondent donc pas aux caractéristiques des modes de production précités.

Par ailleurs, le régime des ICPE n’a pas précisément vocation à réguler le secteur dans l’un des sens souhaités par la mission d’information commune qui vise d’abord à mettre un terme au « mitage » du territoire résultant d’un éparpillement des parcs sans véritable planification.

Ÿ Pour autant, il n’existe pas un seul mode de production industriel d’énergie qui échappe à un cadre juridique d’autorisation d’exercice précisément défini et assorti de contrôles de l’administration.

Il convient d’ailleurs de rappeler que plus de 500 000 installations sont actuellement régies par le dispositif des ICPE. Une immense majorité d’entre elles relève du régime de la simple déclaration et moins de 2 % du total des sites industriels concernés sont effectivement classés en application des directives « SEVESO » ou « IPPC » ! Il est évident qu’un régime d’autorisation intégrant les dispositions de ces deux directives ne serait pas adapté aux activités éoliennes.

En revanche, il paraît logique et raisonnable de soumettre la production éolienne d’électricité au droit européen issu de la directive 85/337/CE « études d’impact » trouvant à s’appliquer à de nombreuses activités industrielles et transposée de longue date dans notre droit.

Le régime des ICPE ayant le mérite d’exister, d’être solidement établi et de donner lieu à des contrôles correctement exercés, son application dans le cadre d’un classement approprié des activités éoliennes semble d’autant plus opportune qu’il intègre, au titre de ses procédures, des modalités d’enquête publique.

Ÿ Si la soumission des activités éoliennes au régime des ICPE a paru  inutile  au président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) qui a ajouté, devant la mission d’information, que « tout existe déjà » en matière de contrôles, les industriels et notamment les fabricants d’éoliennes n’ont pas paru fermés à cette perspective.

Lors du déplacement au Danemark, le Président de la mission a constaté au cours de la rencontre avec M. Ditlev Engel, président de Vestas, que cet industriel ne contestait pas le régime des ICPE qui clarifie même la situation, selon son observation, mais souhaite que cela ne retarde pas l’examen des projets par l’administration. Il a également insisté particulièrement sur la situation actuelle, à ses yeux, assez peu cohérente, qui laisse paraître des critères d’appréciation différents, voire divergents selon les préfectures, dans l’examen des permis de construire de parcs éoliens, appelant de ses vœux une « grille de lecture » rénovée.

Ayant estimé nécessaire, pour sa part, de préciser à son interlocuteur que le Parlement ne saurait recevoir d’instructions d’industriels français ou étrangers, le président de la mission d’information commune a toutefois soigneusement noté les remarques empreintes de bon sens de M. Engel.

Sûr de la qualité de ses fabrications, un industriel responsable ne peut effectivement craindre l’application d’un régime déjà largement mis en œuvre pour un grand nombre d’activités.

La mission d’information commune estime tout à fait normal de traiter les productions éoliennes comme le sont de très nombreuses installations industrielles. Elle considère toutefois que certaines adaptations peuvent s’avérer judicieuses, en rappelant que le régime des ICPE ne doit pas aboutir, par exemple, à une dégradation paysagère supplémentaire. En effet, selon la catégorie de classement des installations, il pourrait être exigé de clôturer les parcs au motif d’une interdiction d’accès aux personnes non autorisées. Il s’agirait alors d’une mauvaise solution donnée à un faux problème.

Il aurait peut-être été concevable de conserver aux activités éoliennes un régime juridique spécifique, bien que peu d’éléments militent en faveur du statu quo. La seule réserve pouvant concerner le régime des ICPE tient à la nature essentiellement technique et normative des contrôles exercés à ce titre, alors que l’exploitation éolienne semblerait devoir répondre également à des questions d’ordre économique, non prévues dans ce régime.

4. Une fiscalité mieux ciblée

a) Quelques mesures propres aux éoliennes

Les dispositions fiscales propres aux éoliennes sont assez limitées. Alors que l’accompagnement est important pour l’énergie photovoltaïque, en raison du nombre de petites installations, il l’est moins pour l’énergie éolienne, caractérisée par de grands parcs industriels.

– Les ménages peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale de leur logement (article 200 quater du code général des impôts) : cette mesure s’applique au coût des équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable, donc aux éoliennes.

– En ce qui concerne la sphère professionnelle, le régime d’amortissement accéléré sur 12 mois pour les équipements acquis ou fabriqués avant le 31 décembre 2011 (article 39 AB du CGI) améliore les conditions de financement des « matériels destinés à économiser l’énergie et les équipements de production d’énergies renouvelables » et donc les éoliennes, mais ne procure qu’un faible avantage en volume.

– Les agriculteurs peuvent conserver le régime des bénéfices agricoles lorsque les revenus rapportés par l’implantation d’une éolienne sont accessoires. En effet, selon l’article 75 du CGI, les produits des activités accessoires relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux peuvent être pris en compte pour la détermination du bénéfice agricole lorsque, au titre de l’année civile précédant la date d’ouverture de l’exercice, les recettes commerciales et non commerciales n’excédent ni 30 % des recettes tirées de l’activité agricole, ni 50 000 euros. Plus particulièrement, l’article 75 A permet aux exploitants agricoles de rattacher aux résultats agricoles les revenus de la production d’électricité d’origine photovoltaïque ou éolienne, dès lors que le montant de ces recettes n’excède ni 50 % des recettes agricoles, ni 100 000 euros.

Il ne s’agit que d’une facilité n’ouvrant pas droit à la dérogation pour investissement ou à la dérogation pour aléa ; les modalités du calcul ne s’en trouvent pas modifiées et il n’en résulte pas d’effet de levier important.

Les mesures spécifiques aux éoliennes sont donc peu nombreuses et limitées dans leurs effets. Toutes les autres dispositions applicables sont des dispositions de droit commun.

b) La taxe foncière sur les propriétés bâties

Les éoliennes sont soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties en tant qu’ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions (article 1381-1 du CGI).

Le socle en béton sur lequel est ancré le mât est alors imposable.

Quant au régime applicable au mât, il dépend des caractéristiques physiques de celui-ci.

S’il ne constitue pas en lui-même une construction, le mât de soutien n’est susceptible d’être taxé qu’en tant qu’élément d’ouvrage en maçonnerie (article 1381-1-1°du CGI), ce qui suppose qu’il soit fixé à perpétuelle demeure audit ouvrage, auquel il se trouve incorporé.

Cependant, il en est exonéré sur le fondement de l’article 1382-11° du CGI dès que l’éolienne constitue un moyen d’exploitation d’un établissement industriel, que son activité soit ou non la production d’électricité. Sinon, cette exonération ne s’applique pas, comme c’est le cas d’une éolienne isolée qui ne dépend pas d’un établissement industriel.

Si le mât est une structure métallique entièrement démontable et transportable, boulonné au socle en béton, il ne constitue pas un élément de l’ouvrage taxable, car seul l’ouvrage en maçonnerie est soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties.

En résumé, le socle est imposable ; le mât est, en règle générale, soit hors champ d’application, soit exonéré de la taxe sur les propriétés foncières non bâties.

Quant aux parties électriques et mécaniques (pales), elles sont situées hors du champ d’application de la taxe, car elles ne sont par nature ni des constructions ni des ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de construction.

L’assiette imposable des éoliennes est donc en général de valeur modeste.

Enfin, l’article 1518 A al 3 du CGI (applicable également pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises) prévoit un abattement de 50 % sur la valeur locative des équipements de production des énergies renouvelables éligibles à l’amortissement exceptionnel évoqué ci-dessus. Cette réduction de la valeur locative peut être portée à 100 % sur délibération des collectivités territoriales.

c) La taxe professionnelle

Les éoliennes ont été, jusqu’à la loi de finances pour 2010, soumises à la taxe professionnelle.

Ø Les modalités d’imposition

La base d’imposition est constituée par la valeur locative de l’ensemble des immobilisations corporelles dont a disposé le contribuable pour les besoins de sa profession (article 1467 du CGI).

Il en résulte que sont imposables :

– les immobilisations corporelles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou de taxe foncière sur les propriétés non bâties sont donc imposables : le socle et, éventuellement, le mât ;

– les immobilisations corporelles non passibles de ces deux taxes, c’est-à-dire les équipements et biens mobiliers : les parties électriques et mécaniques, ainsi que le mât, s’il n’est pas déjà inclus dans les bases foncières.

Si le mât est exonéré de TFPB, il sera évalué et imposé dans les mêmes conditions que les équipements et biens mobiliers (article 1469-1° du CGI).

Les éoliennes ayant une durée de vie inférieure à 30 ans, leur valeur locative est égale à 16 % de leur prix de revient (article 1469-3°du CGI).

Par ailleurs, la valeur locative des éoliennes fait l’objet d’un abattement de 50 % (pour la taxe professionnelle et la taxe foncière) comme cela est le cas pour les équipements de production d’énergie renouvelables éligibles à un amortissement exceptionnel. Les collectivités territoriales et les établissements publics intercommunaux à fiscalité propre peuvent, sur délibération, porter cet abattement à 100 %.

Ø La répartition du produit

La taxe professionnelle est perçue par la commune d’implantation des installations éoliennes. La loi du 13 juillet 2005 a précisé les modalités de répartition de la taxe professionnelle afférentes aux éoliennes afin de les adapter à la création des zones de développement de l’éolien (ZDE) : selon l’article 39 de la loi modifiant le code général des impôts (article 1609 quinquies C), les communautés de communes percevant la fiscalité additionnelle et, le cas échéant, une taxe professionnelle de zone, peuvent décider de se substituer à leurs communes membres pour percevoir la taxe professionnelle afférente aux éoliennes terrestres implantées sur leur territoire à compter du 14 juillet 2005.

Le taux de taxe professionnelle applicable aux éoliennes se substitue à la fois au taux communal et au taux communautaire additionnel.

Les EPCI faisant application du régime TPE doivent verser aux communes dont tout ou partie du territoire est situé à l’intérieur d’une zone de développement de l’éolien une attribution visant à compenser les nuisances environnementales liées à la présence d’éoliennes. Le montant de cette attribution – qui ne peut être supérieure au produit de la taxe professionnelle perçue sur ces installations – est fixé par le conseil de l’EPCI après consultation des communes concernées. Ces dispositions permettent de tenir compte des impacts issus des éoliennes qui ne se limitent pas au périmètre de la commune d’implantation : les communes concernées par la ZDE peuvent ainsi bénéficier des retombées de la fiscalité éolienne, même si celles-ci ne sont pas situées sur leur territoire.

Il en est résulté un réel effet d’aubaine pour ces communes qui ont vu principalement dans l’implantation d’un parc éolien une source de revenus, cette considération étant le facteur déclenchant la prise de décision et l’emportant parfois sur les autres éléments d’analyse. La mission, lors des auditions qu’elle a menées, a recueilli plusieurs témoignages en ce sens, les maires étant largement démarchés par des promoteurs éoliens.

En l’absence de ZDE, cette attribution doit être versée aux communes d’implantation des éoliennes, ainsi qu’aux communes limitrophes membres de l’EPCI. Cette attribution ne peut être supérieure au produit de taxe professionnelle perçue sur ces installations. En revanche, aucun montant minimum n’est fixé par la loi.

Cette disposition n’a pu qu’encourager une prolifération anarchique des éoliennes, en dehors des ZDE, même si, en cas d’installation hors de ces zones l’électricité produite ne peut être achetée au tarif prévu par la loi de 2005.

D’après l’ADEME, la taxe professionnelle rapporte pour une éolienne de 1 MW, environ 6 000 € pour la commune ou la communauté de communes, 6 000 € pour le département et 1 200 € pour la région (44).

Le maire de Saint-Georges-sur-Arnon a d’ailleurs confirmé à la mission d’information les retombées fiscales bénéficiant aux communes concernées par l’implantation du parc et au département.

d) La contribution économique territoriale

La loi de finances pour 2010 a supprimé la taxe professionnelle à compter du 1er janvier (l’année 2010 étant une période de transition), et mis en place, en contrepartie, de nouvelles ressources fiscales au profit des collectivités territoriales.

Cette suppression devrait limiter l’effet d’aubaine constaté.

La taxe professionnelle est remplacée par une contribution économique territoriale (CET) à deux composantes :

– la cotisation foncière des entreprises (CFE)

– la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

Il s’y ajoute un impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) frappant les entreprises de réseaux (énergie, transport ferroviaire, télécommunications).

Ø La contribution économique territoriale (CET)

L’assiette de la cotisation foncière des entreprises (CFE) comprend les biens passibles d’une taxe foncière dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (articles 1467 A et 1478 du CGI). Les principes applicables aux biens passibles d’une taxe foncière sont transposés.

Il en résulte que le socle en béton présentant le caractère d’une véritable construction entre dans la base d’imposition. Le mât et les parties mécaniques et électriques constituant des équipements et biens mobiliers et assimilés (qui entraient dans l’assiette de la taxe professionnelle) ne sont plus compris dans la base d’imposition depuis le 1er janvier 2010.

Le produit résultant de l’imposition à la CFE des éoliennes terrestres devrait donc être significativement plus faible que celui résultant d’une imposition à la taxe professionnelle. L’effet d’aubaine devrait par conséquent s’en trouver limité. La CFE est due à compter du raccordement au réseau (article 1478 III du CGI), d’après la valeur corrigée en fonction de la période d’activité.

Les personnes qui exploitent des éoliennes au 1er janvier de l’année d’imposition doivent acquitter la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dès que leur chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 €.

Étant donné que la CVAE d’une entreprise est répartie entre les communes où elle dispose d’un établissement au prorata de l’effectif employé, il est peu probable que l’implantation d’une éolienne sur le territoire d’une collectivité se traduise par un bénéfice en termes de CVAE, même si l’entreprise exploitante est taxée.

Ces deux cotisations devraient dégager un bénéfice moins élevé pour les collectivités locales et donc susciter un effet d’aubaine moins important.

Ø L’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER)

Cette imposition forfaitaire, également instaurée par la loi de finances pour 2010, est perçue au profit des collectivités territoriales et s’applique notamment aux éoliennes (article 1519 D du CGI).

Elle est due par l’exploitant de l’installation de production de l’électricité au 1er janvier de l’année d’imposition, quel que soit son statut.

Les installations soumises à l’imposition sont celles dont la puissance électrique installée est supérieure à 100 kW. Elles sont soumises à imposition, qu’elles soient ou non en service et quelle que soit leur durée d’utilisation. Le tarif annuel est de 2,913 € par kW de puissance installée au 1er janvier de l’année d’imposition.

Le produit de la taxe sera, à compter de 2011, réparti schématiquement à concurrence de 50 % au bloc communal et 50 % aux départements.

Au sein des 50 % affectés au bloc communal, 15 % le sont à la commune et 35 % à l’EPCI à fiscalité propre. Si la commune n’est pas membre d’un EPCI à fiscalité propre (dans le cas des communes isolées), les 35 % sont affectés aux départements, en plus de sa part propre de 50 %.

Un EPCI à fiscalité unique se substitue aux communes membres pour la perception des IFER, dont l’IFER éolienne : donc la répartition sera de 50 % pour l’EPCI et de 50 % pour le département.

Ø La répartition du produit

Les dispositions relatives à la taxe professionnelle sur les éoliennes ont été transposées. L’EPCI se substitue aux communes membres pour la perception de la CFE afférente à ces installations. L’EPCI est également substitué aux communes membres pour la perception de l’IFER sur les éoliennes. La transposition est de droit : les anciens EPCI à TPE font application de l’article 1609-II du 1609 quinquies C, sauf délibération contraire.

L’attribution prévue avant la réforme de la taxe professionnelle et versée par l’EPCI afin de compenser les nuisances liées à la présence d’éoliennes est prévue par l’article 1609 quinquies C III 4 applicable à compter de 2011. Elle est calée sur le montant de l’IFER. Comme cela était le cas pour la taxe professionnelle, elle est versée à la ou aux communes dont tout ou partie du territoire est situé à l’intérieur d’une ZDE et, en l’absence de ZDE, aux communes d’implantation des éoliennes et aux communes limitrophes membres de l’EPCI.

Ø La situation des éoliennes au regard du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle.

En ce qui concerne la situation des éoliennes terrestres au regard du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), chaque éolienne, en tant qu’installation produisant de l’énergie, doit être considérée comme un établissement indépendant pour les dispositions relatives à la péréquation. En général, compte tenu du montant des bases d’imposition d’une éolienne terrestre, les bases de taxe professionnelle sont rarement écrêtées, si bien que la commune d’implantation perçoit la totalité du produit de taxe professionnelle. Il ne devrait pas y avoir de changement notable par rapport au régime de la taxe professionnelle.

En résumé, la nouvelle réglementation devrait très nettement atténuer l’effet d’aubaine constaté avec la taxe professionnelle.

5. La revente de projets à encadrer

Certains des interlocuteurs de la mission d’information ont mis l’accent sur un effet d’aubaine regrettable, voire une bulle spéculative. Ils ont dénoncé des avantages qui seraient multipliés à tous les niveaux de la filière, soulignant que « les lobbies vendent des projets éoliens qu’ils revendent ensuite aux producteurs, parfois sans construire d’éoliennes » : ces mécanismes ayant des effets très attractifs pour les promoteurs, les investisseurs, et les propriétaires de terrains où sont implantées les éoliennes. Il en résulte une certaine opacité qui procure aux intéressés des avantages considérables et des rendements minimaux de 12 à 15 %, alors que la rentabilité moyenne d’une entreprise est de 3 %.

Selon M. Jacques Attali (45), le taux de rentabilité sur fonds propres, atteint 22 % en moyenne et même 40 % pour les sites les plus ventés.

La Fédération de l’environnement durable, quant à elle, cite le cas de promoteurs qui créent une PME avec peu de capital et qui, lorsque le permis de construire est obtenu et purgé de tout recours revendent le permis à un autre intermédiaire ou sont rachetées ou intégrées dans des structures financières complexes. Des financiers sortent de la bulle financière pour entrer dans la bulle énergétique.

Il est parfois difficile de faire la distinction entre la pure spéculation et la stratégie industrielle nécessitée par les contraintes économiques importantes, car il faut prendre en compte les coûts réels. M. Philippe Gouverneur, Directeur d’Enertrag, auditionné par la mission d’information, a souligné le coût du développement : les études nécessaires au dépôt du dossier de permis de construire coûtent de 200 000 à 300 000 euros pour l’éolien terrestre, et un million pour l’éolien off shore. Certaines entreprises, fragiles, et confrontées à des difficultés de trésorerie, en raison, par exemple de recours, sont amenées à revendre des projets.

Rappel des démarches et autorisations nécessaires

pour la mise en oeuvre d’éoliennes

Pour être mené à bien, un projet doit obtenir plusieurs autorisations : le permis de construire (si le mât mesure au moins 12 m), l’autorisation de raccordement électrique et l’autorisation de produire de l’électricité. La demande de permis de construire doit être déposée en mairie : dans le dossier doit figurer une notice d’impact (si le mât mesure de 12 à 50 m) ou une étude d’impact (si le mât dépasse cette dimension), ainsi que la localisation des éléments du parc et l’évaluation environnementale. Si le mât dépasse 50 m, le dossier est soumis à enquête publique. Lorsque le permis de construire est délivré, commence la phase de travaux, puis l’autorisation d’exploiter est délivrée par le ministre en charge de l’énergie. Les installations éoliennes ne peuvent bénéficier de l’obligation d’achat que si elles sont situées dans une ZDE définie par le préfet du département sur proposition des communes concernées ou d’un EPCI à fiscalité propre.

Parallèlement, certains agriculteurs sont démarchés par les opérateurs, dont ils reçoivent des conventions leur promettant 1 000 ou 1 500 euros par machine qu’ils n’ont plus qu’à signer. D’après l’ADEME (46), les propriétaires fonciers touchent de 2000 à 3 000 € par an et par éolienne implantée sur leur terrain.

La spéculation est beaucoup plus limitée que dans le secteur du photovoltaïque. Elle risque cependant de se développer si, à l’avenir, les tarifs de rachat étaient augmentés.

C’est pourquoi la mission d’information propose l’interdiction de la revente de projets par un développeur ayant obtenu les autorisations nécessaires avant la mise en exploitation du parc.

B.— GAGNER L’ACCEPTATION

1. Obtenir la participation de la population

a) Les études d’impact ne suffisent pas à prendre en considération les besoins du public

L’acceptation sociale est essentielle pour que les objectifs soient tenus.

En principe, la consultation de la population est réalisée, grâce à l’étude d’impact, pièce maîtresse du dossier de demande du permis de construire. Elle a pour objectif non seulement de tenir compte des préoccupations d’environnement et d’éclairer l’autorité administrative sur la décision à prendre, mais aussi d’informer le public et de le faire participer à la prise de décision. La participation de la population locale et de ses représentants, des services de l’État et des associations est essentielle pour la définition des alternatives au projet proposé ainsi que pour la réussite du projet. L’étude d’impact doit être un instrument et de dialogue entre les différents partenaires. Elle doit comporter une analyse de l’État initial du site et de son environnement, une analyse des effets directs, indirects, temporaires et permanents du projet sur l’environnement, les raisons du choix du projet, les mesures envisagées pour remédier aux conséquences dommageables du projet sur l’environnement. Plusieurs thèmes nécessitent des études spécifiques : les milieux naturels, les impacts paysagers et les impacts sur l’environnement humain.

Le résumé non technique qui fait partie de l’étude d’impact doit permettre à un public non averti de comprendre facilement les enjeux du site, la nature de l’aménagement et les effets du projet présenté. Certains éléments caractéristiques de l’étude d’impact peuvent y trouver place (par exemple, des cartes de co-visibilité, des simulations visuelles…)

La participation du public est également requise pendant l’enquête publique, qui intervient durant la procédure administrative d’autorisation de construire.

En revanche, le législateur n’a pas défini avec précision les modalités de la participation du public pendant les phases en amont.

S’il est vrai que certains sondages ont montré dans certains cas que les riverains étaient favorables aux éoliennes, il ressort des différentes auditions menées par la mission d’information que, dans d’autres, les riverains n’ont pas le sentiment d’avoir été entendus. M. Jean-Pierre Huguet, président de l’association « Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu » (NENY), auditionné par la mission d’information, a regretté que « nos remarques ne comptent pas », à propos de ce qu’il a appelé « un simulacre de concertation », estimant que le délai d’un mois laissé aux personnes concernées pour faire des observations était trop court. Selon M. Jean-Pierre Hirsch, vice-président de la Ligue urbaine et rurale, l’information du public dans le cadre de l’enquête publique ne garantit pas que les personnes seules ou les personnes âgées soient informées.

Il est pourtant rappelé que la convention d’Aarhus, signée au Danemark en 1998 par 39 Etats, dont la France, prévoit le développement de l’accès à l’information détenue par les autorités publiques en assurant une diffusion transparente et accessible des informations fondamentales. Il est notamment prévu d’encourager la participation du public dès le début d’une procédure d’aménagement « c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ». Le résultat de la participation doit être pris en considération dans la décision finale, qui doit également faire l’objet d’une information. En application de cette convention - qui contient des dispositions d’effet direct, pouvant être invoquées devant les tribunaux français sans qu’aucune intégration dans la législation soit nécessaire, le délai de réponse au citoyen demandeur est d’un mois, alors que la réglementation française accorde deux mois.

Il convient donc de mieux appliquer les procédures, voire de les renforcer.

La perception du paysage est forcement plurielle : les valeurs, les représentations, les impressions associées à un paysage sont multiples ; cette perception n’est pas non plus figée dans le temps : c’est pourquoi l’aménagement d’un paysage requiert la participation des citoyens au processus décisionnel.

La concertation doit donc permettre de réduire les divergences pour « forger collectivement une vision partagée du territoire et une acceptation de l’aménagement du paysage induit par les éoliennes » (47).

b) Quelques pistes pour une meilleure concertation.

Ø En France

Le tableau ci-dessous rappelle les différents moyens de participation du public.

LA PARTICIPATION DU PUBLIC

Étape du projet

Public ciblé

Exemples de moyens de participation du public

Conception du projet

– Municipalité

– Associations locales (de protection de la nature, de riverains,...)

– Communauté de Communes

– Habitants, riverains

– Acteurs économiques locaux (agriculteurs, professionnels du tourisme, chasseurs,...)

– Délibération du conseil municipal,

– Information de l'avancement du projet dans le bulletin municipal,

– Réunion publique,

– Exposition,

– Distribution de plaquettes,

– Visites d'autres parcs éoliens,

– Site web d'information,

Permis de construire –
enquête publique

– Habitants, riverains

– Enquête publique,

– Consultation du permis en mairie,

– Informations sur site (panneau d'affichage),

Construction
du parc éolien

- Habitants, riverains

- Collectivité locale

– Pose de « première pierre »,

– Information sur l'avancement du chantier,

– Visites de chantier,

– Inauguration officielle,

Exploitation
du parc éolien

– Public, riverains

– Collectivité locale

– Informations sur le fonctionnement du parc éolien,

– Présentation du suivi environnemental,

– Organisation de visites techniques,

– Panneaux d'information sur le site,

Source : Ministère de l’écologie et du développement durable ; ADEME : « guide de l’étude d’impact sur l’environnement des parcs éoliens ».

La participation du public doit être continue dès l’élaboration du projet. A chaque étape, doit être transmise au public une information qui traite des principaux sujets de préoccupation des habitants et apporte une méthodologie de concertation.

L’information doit être la plus large possible, en employant aussi bien les techniques les plus modernes (Internet) que des modalités plus traditionnelles, courrier adressé à chaque foyer, journaux locaux, afin de toucher toutes les populations. La concertation peut prendre de très nombreuses formes : réunions publiques, entretiens avec les représentants des différentes activités, enquêtes d’opinion, sondages, cartes des perceptions et représentations, présentation de photomontages, vidéo montages, croquis.

Elle peut également être réalisée par l’État : au Danemark, celui-ci fournit des informations aux citoyens et aux communes sur Internet et par des publications.

Quelques exemples montrent que les outils permettant une plus grande adhésion sont multiples : information, concertation, participation financière, aide au développement local.

Le schéma régional éolien élaboré en Auvergne a été bien accepté, comme l’a indiqué M. Valéry Giscard d’Estaing, grâce à un pilotage local approprié.

L’exemple de Saint-Georges-sur-Arnon montre que la concertation est indispensable pour mener à bien un projet : le maire a exigé du développeur un compte-rendu tous les 3 mois, ce qui a conduit à trois reprises à la modification des plans, afin de tenir compte des différentes contraintes et la population a été invitée à visiter un parc éolien.

Le COMOP 10, rappelant que l’information et la sensibilisation de la population relèvent à la fois des communes et des intercommunalités préconise la mise en place d’un service public local d’information et de conseil pour l’énergie à l’intention des différentes catégories de la population sur la base d’une moyenne d’un conseiller pour 50 000 habitants. La mission ne peut que faire sienne cette proposition en l’appliquant à l’énergie éolienne.

GDF-Suez, lors de son audition devant la mission, a fait part de l’effort réalisé pour parvenir à une meilleure acceptabilité de ses projets.

La concertation est réalisée pendant toute la vie du projet, par divers moyens : mise en place de comités de suivi, de permanences en mairie parfois plus constructives que des réunions publiques, communication dans les bulletins municipaux, panneaux d’information, organisation de visites, sensibilisation à la contribution de l’éolien au regard de la consommation. Dans le cas du parc des « Hauts Pays » en Haute-Marne, quelque 40 réunions publiques ont été tenues, dans le cadre de trois communautés de communes.

L’engagement du porteur de projet pendant toute la durée de vie du projet est également un élément d’adhésion de la population.

GDF-Suez a également estimé que l’acceptabilité passait par le recours à des outils spécifiques. Pour le même parc des « Hauts Pays » un protocole foncier a été signé avec 180 signataires. Sa filiale, Erelia, après avoir obtenu le soutien à son projet de la ou des collectivités concernées, invite les agriculteurs et les exploitants de la zone à une réunion afin de leur présenter le projet et de leur proposer de signer un protocole global mettant à sa disposition les terrains correspondants. Le protocole stipule le montant et la durée des indemnités, le type d’acte notarié qui sera signé, le partage entre propriétaire et exploitant, le partage entre le propriétaire du terrain où sera implantée la machine et ses voisins. A cette étape, la position des éoliennes n’a pas encore été arrêtée. Cette démarche a pour but de positionner les machines sur des critères uniquement techniques, d’établir un partage des indemnités sur une assiette assez large et d’établir un document qui renforce la cohésion sociale et garantit la transparence. Une fois la position des machines déterminée, le tableau des indemnités et les plans d’implantation approuvés et signés par les bénéficiaires, Erelia fait signer les promesses de bail puis dépose la demande de permis de construire. Lorsque le permis a été obtenu, les actes définitifs sont rédigés par le notaire qui prend contact avec toutes les parties concernées.

Pour trois des parcs réalisés par GDF-Suez (48), le capital a été ouvert aux acteurs locaux. Il a été créé une société actionnaire du projet ; les montants apportés par les acteurs locaux (apport en compte courant) sont rémunérés à un taux connu et déterminé à l’avance en fonction de l’économie du projet. La participation au capital de la société en projet est de 5 %, ce qui représente entre 80 à 98 % d’actionnaires selon le parc, soit en tout quelque 300 habitants. Les comptes sont présentés lors de l’assemblée annuelle des actionnaires. Cette démarche sera également mise en application sur le projet des « Hauts Pays ».

Un projet de développement économique local a également été mis en place : « pas de démarche toute faite, standard, mais une volonté d’être à l’écoute du territoire, dans la durée, afin de répondre au mieux à ses attentes », comme le précise Erelia. L’entreprise propose que 0,5 % à 1 % de l’investissement global du projet soit dédié à un projet de développement économique local. Une structure de pilotage s’appuyant sur une organisation existante est composée de représentants des collectivités, d’Erelia et d’associations locales représentatives.

Ø Au Danemark

Au Danemark, la population peut être actionnaire d’un parc éolien ou d’une partie de ce parc. Ceux des habitants de Copenhague qui ont été volontaires détiennent 10 des 20 éoliennes du parc off shore de Middelgrund que la mission d’information a visité au large du port de la ville. Ce parc, créé en 2001, était le premier parc off shore commercial du monde et fournit aujourd’hui environ 3 % de la consommation électrique de la capitale. Certaines des éoliennes implantées au large de l’île de Samsø - autosuffisante en énergie - appartiennent en copropriété à une partie de ses habitants, une autre à 100 000 personnes n’habitant pas l’île (dans le cadre d’une coopérative dans ces deux cas), d’autres ont été financées par la municipalité, ou le crédit municipal et d’autres encore par de petits investisseurs.

Une loi danoise récente vient de rendre obligatoire l’actionnariat à hauteur de 20 % de la valeur des parcs terrestres, afin de motiver la population qui n’est plus favorable à leur développement. Aucune obligation en revanche n’a été prévue pour les parcs off shore. En outre, une loi votée en 2009 permet aux voisins d’un parc éolien de percevoir une compensation, qui sera payée par l’entreprise.

2. Deux problèmes indissociables : le bruit et la distance des lieux de vie

Les nuisances sonores constituent sans aucun doute l’un des principaux griefs formulés au voisinage des parcs éoliens en fonctionnement. Cette question est indissociable du problème plus général de leur implantation dans les zones rurales qui, à l’évidence, même dans une situation d’habitat dispersé, comptent de nombreux lieux d’habitation et d’activité préexistants à la production éolienne.

La question de la distance d’implantation est donc essentielle. Elle a été clairement prise en compte par le professeur Claude-Henri Chouard lorsqu’il a animé un groupe de travail au sein de l’Académie de médecine, qui, en mars 2006, a publié une étude soulignant, d’une part, que les nuisances sonores liées au fonctionnement des éoliennes avaient été sinon négligées mais sans doute minimisées et, d’autre part, que leur impact sur les populations ne faisait l’objet d’aucune réglementation spécifique.

Sur les bases des publications à sa disposition et, sans être en mesure de lancer elle-même une étude de grande ampleur, l’Académie de médecine prônait deux recommandations conservatoires :

– la première vise à suspendre toute construction d’éolienne d’une puissance supérieure à 2,5 MW à moins de 1 500 mètres d’un lieu d’habitation ;

– la seconde tend à rattacher les éoliennes à une catégorie d’équipement industriel afin de les soumettre à une réglementation aussi précise que possible et de mieux en contrôler le fonctionnement.

Ÿ En fait, les observations du groupe de travail de l’Académie avaient pour origine une lettre d’une association (association pour la protection des Abers) adressée le 7 mars 2005 au ministère de la santé afin que soit étudiée « l’éventualité d’une action nocive des éoliennes sur la santé des hommes ». Copie de cette lettre ayant été transmise à l’Académie de médecine, son conseil d’administration a jugé nécessaire de saisir de cette question un groupe de travail spécialement constitué.

La recommandation relative à la distance minimale d’implantation de 1 500 mètres a été présentée devant la mission comme une disposition de juste équilibre d’ailleurs partiellement fondée sur un document de l’ADEME de 2001 (transmis à la mission d’information par le professeur Chouard) qui mentionnait « … pour tout projet éolien de 6 à 8 machines, on peut seulement constater qu’en deçà de 500 mètres le projet a fort peu de chance d’être conforme à la réglementation et qu’au-delà de 2 000 mètres les risques de non conformité sont très faibles. Entre ces distances une étude d’impact acoustique complète et cohérente est indispensable ».

Le professeur Chouard a fait état à la mission de son regret de constater la disparition de cette étude, certes ancienne, du site internet de l’ADEME, en précisant par ailleurs que quelques mois après la publication de l’Académie, les ministères en charge de la santé (direction générale de la santé) et de l’environnement (direction de la prévention, des pollutions et des risques) avaient demandé à l’Agence française de sécurité sanitaire, de l’environnement et du travail (AFSSET) d’analyser les observations de l’Académie (saisine n° 2006/005).

Cette phase a abouti à une première mouture puis à une publication définitive, en 2008, du travail de l’AFSSET.

Le professeur Chouard ayant précisé devant la mission la faiblesse de la bibliographie médicale sur ce thème, l’AFSSET s’est donc trouvée également confrontée au même problème.

Il est, en revanche, regrettable que l’AFSSET (son groupe de travail était présidé par M. Michel Rumeau) n’a pas été en mesure de se forger une opinion scientifique fondée sur une analyse indépendante. Dans le document synthétique de présentation de son avis(49), la méthode de travail est, en effet, décrite comme suit :

« De nombreux professionnels du secteur éolien (constructeurs, développeurs et gestionnaires de parcs) ont été interrogés afin de connaître leur position par le moyen d’une liste de questions. Toutefois, ces professionnels n’ont pas souhaité répondre individuellement et directement à l’AFSSET. Nous avons en conséquence chargé le syndicat des énergies renouvelable (SER) de demander aux professionnels de répondre à nos questions et de centraliser les réponses. Le SER a fait parvenir au groupe de travail son positionnement ainsi qu’une réponse globale aux questions posées.

Du fait de la réponse des industriels par l’intermédiaire du SER, il n’a pas été possible de comparer les analyses des différents intervenants de la filière (constructeurs, aménageurs…) au regard de la prise en compte du problème du bruit. Les quelques réponses reçues par le syndicat, ont été intégrées à ce rapport.

En outre, le SER a organisé pour le groupe de travail en mai 2007 une visite de deux parcs éoliens récemment installés dans le département d’Eure et Loir.

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a été sollicitée pour contribuer à ce rapport sous la forme d’une prestation de service, conformément aux termes de la saisine. L’ADEME a apporté au groupe de travail de nombreuses informations relatives essentiellement :

– au développement de la filière éolienne : état des lieux et perspectives ;

– aux réglementations applicables aux éoliennes en matière de niveau de bruit ;

– à l’évaluation du bruit généré par les éoliennes ;

– aux niveaux sonores mesurés chez les riverains ;

– aux résultats d’une enquête par questionnaire auprès des DDASS. »

Ÿ En interrogeant principalement une instance professionnelle et un établissement public notamment chargé de promouvoir les énergies renouvelables, l’AFSSET a naturellement choisi la solution la moins contraignante, en témoigne sa récusation de toute distance minimale d’installation vis-à-vis des habitations. En optant de la sorte pour un traitement au « cas pas cas » de la question du bruit, l’AFSSET n’a pas contribué à éclairer les élus et les riverains. En fait, la position de l’AFSSET pourrait, en son état actuel, se résumer ainsi : dès lors que la France n’a installé, à ce jour, aucune machine de plus de 2,5 MW (cette base d’analyse fait l’impasse sur l’évolution des matériels) notre pays disposerait d’une des réglementations les plus protectrices pour les particuliers (décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage) qu’il conviendrait d’adapter sans que plus de précisions soient données en ce sens.

En l’absence de conséquences néfastes sur l’appareil auditif, la gêne ou l’inconfort ressenti par les riverains aurait sans doute principalement pour origine, selon l’AFSSET, une perception individuelle négative des éoliennes dans le paysage.

Enfin, l’AFSSET ne se prononce pas en faveur d’une grande enquête nationale, sur la base d’un protocole précisément établi, mais prône le lancement d’un appel à projets de recherche visant à établir un cahier des charges mieux défini aux travaux effectués par les acousticiens dans le cadre des études d’impact préalables, travaux auxquels l’AFSSET semble aujourd’hui témoigner toute sa confiance du fait de leur validation par les directions départementales de l’action sanitaire et sociale (DDASS).

Ÿ Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que des riverains se déclarent désemparés.

Ainsi, un article du supplément hebdomadaire du quotidien « Le Monde » (50) faisait récemment état d’une situation inquiétante qui concernerait des populations vivant à la proximité de parcs éoliens, en relatant le stress, les nausées, les vertiges, les insomnies, l’irascibilité et des états dépressifs.

Cet article de dix pages qui résulte d’une enquête dans des zones rurales d’Auvergne, de Bretagne ou encore de la région Languedoc-Roussillon sera qualifié de « sensationnaliste » par certains. Il révèle cependant au grand public des situations personnelles de souffrance qui ne peuvent être méconnues, même si leurs causes, probablement multiples, ne sont sans doute pas toutes directement liées au voisinage d’un parc éolien.

Le contexte actuel d’incertitude peut effectivement s’avérer anxiogène. Des particuliers viennent ainsi de saisir les plus hautes autorités de l’État par une lettre ouverte, du projet de création d’un parc éolien industriel à moins de 500 mètres de leurs habitations situées dans des villages et hameaux compris dans la communauté de communes du Doullennais dans la Somme, un département soumis à une intense pression des développeurs. Selon cette lettre, une seule compagnie chercherait à y obtenir plusieurs permis de construire pour un total de quelque 840 éoliennes ! (51)

Dans un tel contexte, la mission demeure dubitative. Il n’en demeure pas moins que les questions relatives aux bruits émis par les parcs éoliens ne trouvent pas de réponses manifestement probantes, à l’exception notable des effets des infrasons qui, pour le groupe de travail de l’Académie de médecine, sont sans danger pour l’homme au regard des très faibles intensités produites par les éoliennes.

En revanche, le rapport de l’Académie précise « que les vrais risques du fonctionnement des éoliennes sont liés à l’éventualité d’un traumatisme sonore chronique, dont les paramètres physiopathologiques de survenue sont bien connus et dont l’impact dépend directement de la distance séparant l’éolienne des lieux de vie ou de travail des populations. »

Les bruits résultant des éoliennes présentent une caractéristique majeure : leur irrégularité dérivant des rythmes et des volumes aléatoires de la production en raison de la direction et des sauts de puissance du vent, de jour et de nuit. Il s’agit principalement de considérer la circulation du vent entre les pales et le souffle provoqué par leur passage devant le mât.

Ce type d’exposition est donc plus difficile à appréhender que dans des situations plus classiques d’activités industrielles, y compris par rapport à l’état ambiant des bruits préexistants au sein d’une aire de vie comprise aux alentours d’un parc, c’est-à-dire la recherche des émergences.

Le rapport de l’Académie de médecine se différencie d’ailleurs sensiblement de la position arrêtée par l’AFSSET dont l’approche vise à assimiler les phénomènes sonores liés aux éoliennes aux bruits de voisinage, du moins pour en mesurer la puissance et les effets.

L’Académie précise que la mesure des bruits de voisinage reste traditionnellement réalisée, en France, selon une norme (NF S 31-110) qui retiendrait des vitesses de vent moins élevées que celles habituellement nécessaires à la mise en œuvre des éoliennes ! De plus, son étude regrettait que les méthodes de mesure ne soient pas harmonisées au niveau européen, en soulignant toutefois qu’il était aujourd’hui techniquement possible de quantifier des sources identifiées de bruits en situation de plein air et de les distinguer d’éventuelles sources parasites.

La mission d’information appelle de ses vœux la mise en œuvre d’un protocole technique permettant l’enregistrement sur de longues périodes, de jour et de nuit, des bruits induits par les parcs éoliens en production.

La méthode conditionne la conduite d’une nécessaire enquête médico-sociale relative aux éventuelles conséquences sur la santé des populations riveraines afin de lever de pesantes incertitudes.

Cette enquête qui pourrait s’inscrire dans le cadre du 2ème Plan national Santé Environnement (PNSE) couvrant la période 2009–2013 devrait également considérer les phénomènes d’ombres portées sur de longues distances par ce type d’installations ainsi qu’un phénomène d’une autre nature comme d’éventuelles stimulations stroboscopiques à partir du champ visuel. Ce cadre apparaît mieux approprié que celui des appels à projets de recherche lancés par l’AFSSET.

La mission d’information considère qu’une distance minimale à respecter entre toute installation éolienne et les lieux de vie et d’activité préexistants constitue « un paramètre de bon sens ». Une distance minimale de 500 mètres doit ainsi être retenue.

3. La délicate question du démantèlement

Le démantèlement des parcs éoliens au terme de leur activité (la durée de vie d’une installation est généralement estimée entre 20 et 25 années) est une question qui a semblé importante à nombre d’interlocuteurs de la mission et, bien évidemment, aux associations de riverains.

Il ne s’agit pas d’un sujet théorique, car un parc du fait d’une mauvaise installation voire de la défaillance de son exploitant et/ou de ses propriétaires pourrait cesser brutalement son activité. La question posée par la mission d’information a toutefois paru sinon incongrue mais apparemment illusoire aux exploitants.

Ainsi les dirigeants d’EDF Energies nouvelles ont balayé d’un revers de main une telle hypothèse en estimant qu’il s’agissait d’« un faux problème ». Dans la situation de faillite d’un opérateur, ils ont témoigné devant la mission de leur certitude qu’un rachat interviendrait pour assurer la continuité de l’exploitation.

Plus étonnante encore est la position du directeur de la filiale d’Enertag en France qui, interrogé, en avril 2008, par la rédaction du magazine « l’Usine nouvelle », déclarait : « nous avons calculé très sérieusement le coût de démantèlement. Si le coût de l’acier ne prend ne serait-ce que 15 % en vingt ans, la durée de vie prévue des matériels, nous aurons un solde bénéficiaire. ». Si un tripode pèse en effet 800 tonnes auxquelles s’ajoutent 800 tonnes pour un mât s’agissant d’un parc off shore de grande puissance, force est de constater qu’il paraît hasardeux de s’en remettre à l’évolution des cours de la ferraille de récupération pour considérer réglée la question du démantèlement.

Ces affirmations peuvent inquiéter car de nombreux parcs ne sont pas constitués que de structures métalliques avec des embases tripodes (comme cela serait le cas du futur parc de la Côte d’Albâtre conçu par Enertag) mais intègrent le plus souvent des ouvrages de béton importants qu’il ne conviendrait pas de laisser vieillir comme d’anciens ouvrages militaires.

Lors de l’audition des représentants du Syndicat des énergies renouvelables (SER), un membre de la mission, M. André Chassaigne, a posé la question de l’existence d’un code éthique ou de bonnes pratiques, notamment environnementales, qui s’imposerait aux membres de ce syndicat professionnel. Au nom de la branche « France Énergie éolienne » dont il assure la présidence, M. Patrick Wolff, a ultérieurement transmis à la mission, une « Charte des professionnels de l’énergie éolienne » en indiquant dans un courrier du 8 décembre 2009 : « … nous travaillerons à nouveau en 2010 sur ce document, afin de répondre au mieux aux attentes de nos concitoyens ».

Dans la première partie de cette charte, l’engagement suivant est effectivement exprimé : « Nous nous engageons à démanteler des éoliennes au terme de leur durée de vie et à remettre en état le site d’exploitation. »

Bien que cette disposition purement indicative de bonne conduite ne se réfère qu’au terme de l’exploitation, il est important de souligner l’existence d’un tel engagement, d’autant que dans les dernières pages de ce document destiné aux adhérents du SER, un glossaire donne une définition du démantèlement que la mission tient à reproduire intégralement : « Démantèlement des éoliennes : Opération de démontage des éoliennes à la fin de l’exploitation (au moins 20 ans). Le démantèlement comprend la démolition de la partie supérieure des massifs de fondations (sur un mètre environ), l’enlèvement du revêtement de la plateforme et la remise en état du site comme il était avant travaux, en s’appuyant sur l’état initial de l’étude d’impact. Les coûts de démantèlement et de remise en état du site sont garantis par caution bancaire revalorisée mise en place au démarrage de l’exploitation. Cf. article L. 553-3 du Code de l’environnement. »

Il apparaît ainsi que le SER se limiterait au démantèlement des structures émergentes en mentionnant le « démantèlement des éoliennes », et non pas du parc dans son ensemble, qui comprendrait la totalité des autres implantations nécessaires à son fonctionnement. Pour autant, cette définition est assez largement conforme à la loi dont elle vise d’ailleurs précisément la disposition du droit applicable en ce domaine.

Dans sa rédaction en vigueur qui résulte d’une modification intervenue au titre de la loi n° 2005-741 du 13 juillet 2005, l’article L. 553-3 du code de l’environnement dispose : « L’exploitant d’une installation produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent est responsable de son démantèlement et de la remise en état du site à la fin de l’exploitation. Au cours de celle-ci, il constitue les garanties financières nécessaires. Pour les installations situées sur le domaine public maritime, ces garanties financières sont constituées dès le début de leur construction. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de constitution des garanties financières. »

On constate que ce texte s’avère plus contraignant pour les exploitants de parcs situés en mer, en exigeant d’eux des garanties financières à constituer « … dès le début de leur construction. »

Dans les faits, il relèverait du procès d’intention d’imputer aux actuels exploitants une certaine passivité dans leur approche de la question du démantèlement car le décret prévu par la loi afin de préciser les modalités de constitution des garanties n’a toujours pas été publié alors que son intervention était déjà visée dans la rédaction initiale de l’article L. 553-3 du code de l’environnement dès 2003.

Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que certaines associations de riverains parmi les plus vigilantes soulignent l’absence ou la modestie des provisions constituées pour financer le démantèlement par les quelques sociétés du secteur de l’éolien faisant l’objet d’une cotation boursière (Theolia ou EDF Energies nouvelles, par exemple) donc soumises, à ce titre, à la publication de rapports financiers et d’activités largement diffusés.

En l’absence d’un texte réglementaire d’application, on ne connaît ni le niveau, ni la nature des garanties financières prévues par la loi, ce qui laisse libre chaque exploitant et ses commissaires aux comptes d’en définir le traitement comptable !

La mission d’information commune est donc amenée à constater que le démantèlement d’un parc éolien (au terme de l’activité mais aussi pour d’autres motifs) reste insuffisamment précisé par les textes en vigueur qui, par exemple, n’ont pas considéré l’éventualité d’une cessation de son activité par anticipation.

Il reste donc nécessaire de conférer un cadre juridique précis aux obligations de démantèlement devant incomber aux exploitants et aux sociétés propriétaires des parcs éoliens, afin qu’ils présentent des garanties financières à cette fin dès qu’ils ont obtenu l’autorisation de construire un parc et que leur soient clairement indiqués les niveaux de provisions à constituer, exercice après exercice, en cours d’exploitation.

En l’état actuel du droit, les poursuites à l’encontre d’un exploitant défaillant risquent de s’avérer illusoires et, dans cette hypothèse, les coûts d’un démantèlement pèseraient sur la collectivité du lieu d’implantation et donc sur les contribuables locaux.

Cette intervention législative et réglementaire relève de l’urgence. Il s’agit de mettre un terme à une abstention des pouvoirs publics qui n’ont pas su accorder le droit et les ambitions initiales de l’administration pourtant clairement formulées, dès 2004, dans un « Guide de l’étude d’impact sur l’environnement des parcs éoliens » publié sous le double sceau du Ministère de l’Écologie et du développement durable et de l’ADEME.

Ce document consacrait, à sa page 32, un important développement sur les responsabilités incombant aux maîtres d’ouvrage pour mener à bonne fin une opération de démantèlement lorsqu’ils arrêtent l’exploitation d’un parc.

Il a semblé nécessaire à la mission d’information d’en reproduire les principaux extraits :

« La phase de démantèlement induit les mêmes types d’impact que la phase de construction avec la présence d’engins de chantier. Cependant, a priori, les impacts liés à la phase de démantèlement devraient être moindres pour plusieurs raisons :

a) le site éolien présente une sensibilité environnementale moindre qu’avant l’implantation des éoliennes ;

b) la durée du chantier de démantèlement est logiquement plus courte que celle de montage.

Le démantèlement nécessite le démontage et l’évacuation des superstructures et machines, y compris les fondations et le poste de livraison.

La remise en état consiste à rendre le site éolien apte à retrouver sa destination antérieure. La remise en état des accès et des emplacements des fondations doit faire l’objet d’une analyse détaillée en terme de revégétalisation du site.

Ces opérations de démantèlement et de remise en état doivent donc prendre en compte l’ensemble des équipements qui ont été nécessaires à la mise en place et au fonctionnement des éoliennes, notamment :

• les voies d’accès, les pistes, les aires de stationnement et de travaux ;

• les ouvrages et équipements de sécurité ;

• les fondations de l’éolienne ;

•  les lignes et câbles, enterrés ou aériens ;

• tout équipement et aménagement lié à l’exploitation de l’éolienne (installations techniques et d’accueil du public, …).

La remise en état consiste à réaliser des travaux destinés à effacer les traces de l’exploitation et à favoriser la réinsertion des terrains dans leur site, et plus généralement dans l’environnement. Le retour à la vocation initiale des terrains, dans la mesure du possible -tout particulièrement en milieu rural- est le choix de remise en état qu’il est conseillé de privilégier. »

« … Afin de définir l'état final du site, il convient de s’appuyer sur les données collectées pour l’état initial du site et de son environnement lors de l’étude d’impact, en prenant en compte l’évolution prévisible des milieux et de l’occupation des sols. »

« … Lorsque le retour des terrains à leur vocation initiale ne s’avère pas possible, ou souhaitable, l’exploitant doit justifier son choix et proposer un projet de remise en état crédible, prenant en compte, en particulier les points suivants :

• la remise en état doit proposer une nouvelle vocation des terrains qui corresponde à des besoins réels -le plus souvent locaux- que cet espace réhabilité pourra alors satisfaire ;

• l’exploitant doit indiquer clairement le nouvel utilisateur de ces terrain ;

• la crédibilité technique du projet, et son équilibre financier, doivent être démontrés, tant en investissements initiaux qu’en entretien, lorsque celui-ci est nécessaire. »

À l’exception d’une affirmation tout à fait hasardeuse tendant à considérer qu’un site d’implantation présenterait une sensibilité environnementale moindre au terme de l’exploitation (au a) du 2ème paragraphe du texte), les prescriptions énoncées constituaient néanmoins un bon cahier des charges des opérations de démantèlement qui exigent, en fait, de nombreuses interventions et des travaux importants. Leur ampleur justifie ainsi pleinement l’exigence de garanties financières mobilisables.

4. Une insertion paysagère à réaliser

C’est sur l’aspect esthétique que les clivages sont les plus importants. Certains trouvent belles les éoliennes, qualifiées poétiquement de « filles du vent » sur un site Internet pro éolien. Le Professeur Chouard auditionné par la mission, les apprécie également, car il trouve beau tout équipement destiné à lui apporter du confort. Elles deviennent d’ailleurs un élément de publicité – même pour des produits étrangers à la sphère énergétique - symbolisant l’avenir. En revanche, les détracteurs de cette nouvelle source d’énergie mettent l’accent sur la ruine des paysages qu’elles entraînent.

Mettre un terme au mitage est la première priorité, celui-ci étant un des principaux éléments à porter au passif des éoliennes. Ainsi que le faisait remarquer M. Alain Liébard, Président de Observ’ER, auditionné par la mission d’information, les éoliennes sont très disséminées le long de l’autoroute des estuaires (A84), si bien qu’on a l’impression d’en voir en permanence, alors qu’elles sont en fait peu nombreuses : c’est un exemple à ne pas suivre. Lorsque les schémas régionaux permettront de mettre un terme au mitage et de constituer des fermes avec des aérogénérateurs plus nombreux, mais moins disséminés dans les paysages, leur implantation sera moins mal vécue.

D’ailleurs, en Allemagne, un projet d’implantation sur une partie du territoire municipal est considéré comme portant atteinte à l’intérêt général lorsqu’un plan d’aménagement prévoit l’édification d’éoliennes sur d’autres parties du même territoire.

En Suisse, selon le document sur les principes et critères de sélection des sites éoliens élaboré en 2004, les éoliennes doivent être concentrées.

Au Danemark, afin de tenir compte à la fois du vieillissement des parcs éoliens et du refus de la population d’augmenter leur nombre ou leur étendue, il a été décidé de démanteler certains des plus anciens, en réinstallant des machines moins nombreuses mais plus puissantes.

Limiter le mitage ne suffit toutefois pas : une réflexion doit également être menée sur leur intégration aux paysages. Il faut, dans la quasi-totalité des cas, engager des « actions présentant un caractère prospectif particulièrement affirmé visant la mise en valeur, la restauration ou la création de paysages », comme y invite la convention européenne du paysage. Comme l’a fait remarquer M. Liébard, à propos de l’autoroute des estuaires, « il aurait fallu réfléchir à un endroit déterminé, que l’on aurait pu « paysager ». « La taille de éoliennes et les principes d’implantation rendent illusoire toute tentative de dissimulation des parcs éoliens dans les paysages (52) » les éoliennes, de toute façon, se verront ; il faut donc chercher à les harmoniser avec les formes existantes (côtes, crêtes…). Des réponses particulières peuvent être trouvées dans des espaces périphériques aux agglomérations ou en milieu industriel : les éoliennes peuvent contribuer à réhabiliter des friches, redonner vie à des ports, ou à équiper des digues en mer (53). En effet, d’après le paysagiste Bernard Lassus, « seul un substrat paysager suffisamment hétérogène permet d’accueillir des apports originaux ».

« Une étude d’impact bien conduite doit permettre l’aménagement d’un nouveau paysage de qualité » estime l’ADEME (54), ajoutant que, l’éolienne en elle-même offrant peu de possibilités de recherches esthétiques, c’est le dessin du parc éolien qui est déterminant, qu’il s’agisse du nombre, du positionnement ou de la taille des éoliennes. En fait, l’étude d’impact - qui comprend pourtant en principe un volet environnemental et un volet paysager - réalisée pour la délivrance du permis de construire des machines de plus de 50 mètres n’offre pas, à l’évidence, de protection suffisante dans de nombreux cas.

L’intégration au paysage suppose de s’interroger sur la perception visuelle d’une éolienne, notion qui a déjà fait l’objet d’études. L’ADEME détaille les trois échelles auxquelles on peut étudier la prégnance des éoliennes dans le paysage : l’aire lointaine, à la distance de visibilité possible des éoliennes (10 à 15 km autour du projet), l’aire rapprochée, celle où le projet éolien s’inscrit dans le paysage comme un ensemble (entre 1 à 10 km autour du projet) et l’aire immédiate, celle du lieu d’implantation du projet. Elle conclut à la nécessité de la participation d’un paysagiste à l’étude d’impact.

Le rapport de M. Daniel Burette, ingénieur général des Ponts et Chaussées, de 2004 (55), étudie également la notion de visibilité d’une éolienne : « la perception visuelle d’une éolienne n’est pas une notion subjective, mais est parfaitement quantifiable. En pratique, l’impact visuel croit exponentiellement avec la hauteur de l’éolienne. De nombreux calculs sur des exemples réels montrent qu’en moyenne l’impact visuel double lorsque la hauteur de l’éolienne augmente de 10 m. L’impact visuel d’une éolienne de 150 mètres est 300 fois supérieur à celui d’une éolienne de 50 m, alors qu’entre les deux, le rapport de puissance n’est même pas de 1 à 10 ». Il indique que pour estimer la visibilité d’une éolienne, on définit deux paramètres : « la surface de covisibilité représentant l’ensemble des lieux d’où l’éolienne est visible » et « l’impact visuel qui est l’intégrale de la surface apparente de l’éolienne sur la surface de covisibilité ». Ces deux paramètres peuvent être calculés par des logiciels en tenant compte du relief du terrain. L’impact visuel est renforcé par certains facteurs, tels que l’effet d’alignement, alors qu’il est moindre dans le cas de « bouquets d’éoliennes » répartis sur plusieurs plans et plusieurs niveaux. Dans le même rapport, il déplore que les études paysagères soient souvent très réduites, quand elles existent.

Dans un « appendice » au rapport de l’Académie des Beaux-Arts (56) de 2007 qui souligne « la présence dominatrice des éoliennes dans nos paysages », et leur reproche notamment leur caractère mécanique et leur dimension hors d’échelle par rapport au paysage existant, M. Claude Parent rappelle que la politique de la France lors de l’installation des centrales nucléaires à partir de 1974 avait été tout autre. Il avait en effet été associé à en tant qu’architecte au « Plan architecture du nucléaire » dont l’objectif était de traiter en amont les problèmes d’architecturaux et environnementaux liés à l’implantation de ces centrales. Un « collège du nucléaire » de neuf architectes associés à des paysagistes et des coloristes conseil avait été crée afin d’intégrer au mieux les centrales dans les paysages les plus sensibles : il a ainsi été saisi de tous les problème d’architecture, d’aménagement du site, d’implantation, de prise en compte des paysages. Les architectes intervenaient dès l’origine du projet dans le choix du site et lors de la constitution du dossier de la déclaration d’utilité publique ; ils publiaient également pour chaque cas un dossier d’impact à distribuer aux habitants de la région concernée : sur chaque site, il était montré des maquettes du projet et des photomontages réglés par visée informatique. Comme l’a souligné à une autre occasion (57) M. Parent, l’architecture « devient outil de communication pour l’industriel ».

Entre EDF et les architectes s’est établie une démarche de confiance qui perdure : pour la troisième tranche de l’EPR de Flamanville, EDF a retenu en 2009 une agence d’architecture qui a principalement réalisé une étude colorimétrique de la nature environnante et travaillé sur la lumière et la transparence afin de réduire le monolithisme des bâtiments.

Lors de l’implantation des parcs éoliens, il pourrait être créé, ainsi que le propose M. Parent, deux structures. Au plan régional une équipe composée d’un architecte indépendant, d’un paysagiste et d’un artiste interviendrait dès la conception du projet, avant la délivrance de toute autorisation. Au plan national, un collège vérifierait le travail des équipes régionales et rendrait un arbitrage en cas de conflit.

La mission d’information soutient une telle proposition de créer des structures au plan régional réunissant architectes, paysagistes et artistes pour travailler sur chaque projet éolien et un collège au plan national rendant un arbitrage en cas de conflit.

IV.— QUEL AVENIR POUR L’ÉOLIEN EN MER ?

A.— UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE, TECHNOLOGIQUE ET PAYSAGER TOUT À FAIT SPÉCIFIQUE

En zone maritime, le régime des vents plus forts et réguliers autorise, à l’évidence, des rendements très supérieurs à la production des parcs terrestres car la production par MW installé est au minimum une fois et demie supérieure à la production sur terre. Mais les contraintes constructives des parcs off shore (qui en l’état actuel de la technique ne peuvent être installés que sur des plateaux peu profonds en mer territoriale ou en zone économique exclusive), l’usure des matériels liée au milieu (corrosion), les problèmes de raccordement au réseau de transports d’électricité et les difficultés de maintenance en raison des données climatiques constituent autant de facteurs d’aggravation des coûts d’investissement et d’exploitation. Dans ces conditions, il reste assez peu concevable de prévoir une production par éolienne égale voire supérieure à 80 % du temps comme le mentionnent certains développeurs.

Les premières implantations ont été réalisées en 1993 au Danemark et aux Pays-Bas. À ce jour, la profondeur moyenne d’implantation des éoliennes off shore est de 12 m (cette profondeur moyenne est portée à environ 21 m s’agissant des chantiers d’installation en cours). Enfin, la distance moyenne de la côte des parcs off shore européens construits en 2009 atteint 14,4 km.

En Europe, les éoliennes off shore ont représenté pour l’année 2009 une capacité supplémentaire de production de 577 MW (+ 54 % par rapport à 2008) dont 230 MW pour le seul Danemark qui à la fin de cette même année comptait 305 éoliennes installées en mer, suivi de peu par le Royaume-Uni (285 machines installées).

Ces données qui portent sur des capacités et non sur des productions constatées, incitent néanmoins les promoteurs de la filière off shore à considérer que l’électricité produite en mer pourrait satisfaire 13 à 17 % des besoins de l’Europe des 27 dans une vingtaine d’années(58). Un tel objectif suppose des investissements colossaux (non évalués à ce jour, quelle que puisse être l’évolution des technologies mises en œuvre et d’éventuels gains de productivité en fabrication et installation puis au cours des cycles de production).

Le développement de vastes réseaux off shore, principalement en mer du Nord et dans la Baltique, fait l’objet d’une première étape de programmation par la Commission européenne apparemment favorable à un plan de connexion entre les réseaux des pays riverains et d’études techniques préalable de la part du réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité (REGRT-E).

Le Conseil européen « Énergie » du 7 décembre 2009 a donné lieu à un préaccord entre neuf pays dont la France sur une « initiative pour le raccordement off shore au réseau des pays de la Mer du Nord »

Cette stratégie purement technicienne devra toutefois s’articuler avec des objectifs environnementaux également promus par l’Union européenne qui a, par exemple, décidé de classer la mer Baltique au rang de projet pilote de sa stratégie de sauvegarde du milieu marin (Conseil des ministres européens de l’environnement de 22 décembre 2009). Il s’agit donc d’un défi non exempt de contradictions.

CAPACITÉ DES ÉOLIENNES OFF SHORE INSTALLÉES

(en MW – fin 2009)

Source : EWAE

B.— LES PROJETS TRÈS AMBITIEUX DE CERTAINS PAYS

Ÿ La situation du Royaume-Uni est la plus spécifique car les plans gouvernementaux en la matière s’avèrent techniquement et financièrement très ambitieux. Ils consistent à construire des parcs éoliens de pleine mer à des profondeurs dépassant parfois 70 m, jusqu’à 80 km des côtes voire au-delà (les éoliennes choisies ayant des hauteurs voisines de 200 m).

En accordant, au début de l’année 2010, neuf concessions à différents consortiums, les Britanniques ont jeté les bases d’un gigantesque programme d’investissements très partiellement pris en charge par le Trésor (« Crown Estate ») et donc principalement par les groupes auxquels des licences ont été délivrées après appels d’offres(59).

Au total, l’investissement serait pour ces opérateurs voisin de 100 milliards d’euros pour atteindre une capacité maximum de 32 gigawatts de production électrique apte à satisfaire le quart des besoins du pays ! À supposer dépassés des problèmes techniques pour lesquels aucune solution probante ne paraît exister actuellement, les premiers permis de construire seraient accordés en 2014 ou 2015 et l’objectif affiché ne pourrait être atteint avant 2025 et plus probablement 2030.

Pour autant, le Gouvernement britannique n’a pas dessiné des schémas aussi « pharaoniques » pour succomber au plaisir de la science-fiction. L’expérience acquise depuis 35 ans au titre de l’activité pétrolière et gazière en mer du Nord, dans des conditions d’exploitation parmi les plus difficiles au monde, constitue un atout non négligeable. Plus encore qu’une stratégie d’indépendance énergétique maintenue et d’ambitions environnementales affirmées, c’est une préoccupation industrielle qui anime le Gouvernement britannique. L’épuisement inexorable des ressources fossiles de la mer du Nord le conduit en effet à définir un plan de conversion des activités parapétrolières notamment vers les énergies renouvelables (70 000 emplois permanents sont programmés dans ce secteur qui, en 2020 ou 2025, assurerait ainsi 15 % des besoins énergétiques nationaux).

Le choix britannique en faveur de l’éolien off shore semble d’ailleurs prendre une place dominante par rapport aux implantations terrestres. En effet, la « Royal Academy of Engineering » vient d’émettre une appréciation négative sur le coût et l’efficacité des parcs éoliens terrestres de faible capacité, en estimant que l’investissement serait plus utile dans l’isolation thermique des habitations !

Ÿ L’Allemagne n’a pas de projets d’exception comme le Royaume-Uni. Elle dispose, en revanche, d’une authentique expérience technique et pratique dans le secteur de l’éolien off shore et compte entraîner ses principaux voisins des régions de la mer du Nord et de la Baltique (Danemark, Pays-Bas, Suède, Pologne) à constituer des réseaux éoliens partagés.

À la fin de l’année 2009, 25 permis d’installations ont déjà été accordés pour des parcs off shore en projet (22 d’entre eux concernent la mer du Nord). L’objectif gouvernemental de 40 permis a pour but d’atteindre 25 000 MW de capacité éolienne off shore à l’horizon 2030.

La géologie offrant des possibilités d’installation sur des socles assez peu profonds, un parc d’importance a déjà été construit sous le nom d’« Alpha Ventus ».

Du fait d’une implantation terrestre foisonnante des éoliennes car sans véritable plan préconçu mais aussi d’une expérience séculaire dans les industries mécaniques et électromécaniques, l’Allemagne est le pays qui a développé la plus importante filière professionnelle de l’éolien sur terre et en mer : au total, plus de 100 000 emplois sont d’ores et déjà directement concernés(60). L’activité de conception et de fabrication des matériels éoliens off shore s’est ainsi affirmée et semble avoir acquis une réelle avance technologique. Les zones portuaires de Bremerhaven et de Cuxhaven ont ainsi pleinement bénéficié du développement d’entreprises spécialisées. L’existence de groupes d’ingénierie, de production et commercialement aussi puissants que Siemens a constitué un avantage de départ tout à fait essentiel. Puis un essaimage industriel « à l’allemande » a su fonder un socle technologique à ce secteur. À cet égard, le groupe français AREVA qui a fait le choix d’une diversification dans les énergies renouvelables s’appuie sur sa filiale allemande Multibrid pour développer des machines déjà proposées au marché (80 de ses machines de 5 MW sont d’ores et déjà commandées pour équiper le parc allemand « Global Tech 1 » en mer du Nord) et a, par ailleurs, conclu il y a quelques mois un protocole d’accord avec l’entreprise PN Rotor GmbH, un fabricant de pales de haute technologie destinées aux turbines off shore.

En août 2009, AREVA a également conclu un autre partenariat, par l’intermédiaire de sa filiale Multibrid, avec la société norvégienne Sway pour développer des technologies éoliennes « flottantes » en eaux profondes.

Plus généralement, la mission constate que l’avance allemande dans le domaine des parcs de production en mer résulte d’un choix politique gouvernemental, d’une maîtrise technique indéniable et aussi d’un volontarisme très favorable aux porteurs de projets en témoigne la prise en charge par les responsables du réseau de transports de l’électricité de la quasi-totalité des coûts de raccordement, c’est-à-dire d’un élément essentiel dans le plan de financement d’une opération.

Ÿ Pour sa part, le Danemark peut être considéré comme ayant fait des choix exemplaires et spécifiques en faveur de l’éolien off shore.

Le déplacement effectué dans ce pays par le Président et les deux co-rapporteurs de la mission d’information a notamment permis de mieux percevoir les enjeux de la production éolienne off shore, du double point de vue de l’équilibre énergétique et du développement industriel, bien que ce pays de 5,5 millions d’habitants ne représente qu’un « petit » marché énergétique en comparaison des « géants » britannique, allemand et français (le rapport de la consommation nationale électrique danoise est de 1 à 12 avec la France).

Cependant, les ambitions danoises notamment exprimées dans un document gouvernemental sur les perspectives énergétiques à l’horizon 2025 (61) confèrent un rôle déterminant à l’énergie éolienne et tout spécialement à ses modes de production en mer. Deux points essentiels sont à souligner :

– l’objectif d’une totale indépendance énergétique nationale vis-à-vis des énergies fossiles fixé à 2050 ;

– la production éolienne assurant, dès 2025, près de la moitié de la demande d’électricité du pays.

A cette date, entre 500 et 1 000 éoliennes off shore en production (selon leur puissance unitaire) devraient permettre de satisfaire une consommation équivalente à celle des ménages (« residential sector »).

Ce plan danois s’articule toutefois avec les programmations énergétiques de ses voisins dans le cadre d’un système d’interconnexion déjà très développé et constamment renforcé : en premier lieu avec l’Allemagne qui ambitionne de porter sa production d’origine éolienne à 20 % de ses besoins électriques en 2020 et dont les principaux parcs seront implantés en mer à proximité des eaux danoises.

En second lieu, il convient de considérer l’effort suédois afin d’atteindre une production éolienne totale de 10 TWh dès 2025 (ce pays intègre cependant comme la Finlande une part nucléaire significative dans son « mix énergétique ») sans oublier la permanence des disponibilités hydrauliques de la Norvège qui assurent un seuil de sécurité au Danemark.

En 2025, l’énergie éolienne danoise pourrait se répartir entre environ 3 300 MW de production en mer (près de 2 250 MW off shore sont déjà prévus pour compléter l’existant qui s’élève à 825 MW en incluant les parcs pour lesquels un permis a été attribué) et 2 600 à 2 800 MW d’origine terrestre.

Le gouvernement danois a publié, en avril 2007, le travail d’un comité d’experts qui a proposé 7 grandes zones marines permettant l’implantation de plus de 20 parcs off shore d’une capacité unitaire moyenne de 200 MW.

– L’objectif gouvernemental est d’augmenter de 1 300 MW la capacité éolienne installée d’ici 2012, hissant ainsi la part de l’éolien à plus de 30 % de l’électricité consommée.

Pour atteindre un tel objectif, il est prévu :

– de construire 4 parcs éoliens off shore de capacités comparables : le premier a été inauguré en septembre 2009, à l’ouest du Jutland (le parc Horns Rev 2 situé à 30 km de la côte est le plus important jamais construit, à ce jour, avec 91 éoliennes d’une puissance totale de 209 MW) ;

– d’augmenter la capacité sur terre de 150 MW d’ici 2011 ;

– de remplacer progressivement les éoliennes terrestres en fin de vie ou de trop petites capacités (ces parcs de première génération représentent une puissance installée de 2 800 MW.)

En considérant l’effort de remplacement des éoliennes terrestres obsolètes qui, pour certaines, comptent déjà près de 20 années d’exploitation, par des turbines plus puissantes mais de plus grandes dimensions donc moins nombreuses, les suppléments de capacités véritablement nouvelles concerneront très majoritairement des implantations en mer.

Les interlocuteurs danois de la mission ont d’ailleurs souligné, au niveau gouvernemental, que l’intensité de la production (très supérieure en mer) constituait un facteur décisif mais qu’il convenait également de retenir une relative saturation des espaces occupés par les parcs terrestres et donc une meilleure acceptation des implantations en mer par la population.

– Cette politique confère une réelle visibilité de long terme aux industriels danois de l’énergie à qui le gouvernement a fixé une « feuille de route » précise et chiffrée en inscrivant l’éolien off shore à un niveau élevé dans son « mix énergétique » futur aux côtés d’autres sources d’énergies renouvelables et notamment la biomasse.

Le plus grand producteur d’électricité danois, le groupe DONG energy, a ainsi pu arrêter une programmation ambitieuse de ses investissements dans la production éolienne off shore, qui sur le marché danois constituera son principal levier d’action pour diminuer de façon spectaculaire la production de ses centrales au charbon(62). En 2009, Dong energy a été le principal développeur en participant à l’installation de plus de la moitié des capacités marines supplémentaires en Europe, soit 313,4 MW pour cette seule année.

DONG energy a d’ailleurs conclu, en 2009, la plus importante commande d’éoliennes off shore de l’histoire, avec le constructeur Siemens Wind Power, qui porte sur 500 turbines de type SWT d’une puissance unitaire de 3,6 MW.

La mission d’information a pu voir deux de ces machines installées à titre de démonstrateurs sur la zone portuaire d’Avedøre Holme à proximité de Copenhague, qui sont équipées, pour ce test, de pales nouvelles d’une longueur de 58,5 m permettant une production dès 4 m/seconde (une force de 13 m/se correspondant à une pleine production, alors que toute production est stoppée au-delà de 25 m/s.)

La mission a également visité le site éolien off shore de Middelgrund au large du port de Copenhague. Cette installation de 20 turbines de 2 MW qui est le premier parc off shore lancé en production commerciale en 2001. Cette production couvre environ 3 % de la consommation électrique de l’agglomération de Copenhague.

DONG energy a une stratégie clairement affirmée dans les activités off shore. Le groupe a ainsi récemment acquis la société « A2 SEA » qui dispose de bateaux spécialisés pour l’installation de parcs en mer, afin de se prémunir d’une pénurie au regard des moyens nécessaires à la construction des nombreux parcs, d’ores et déjà, programmée dans les prochaines années, tout particulièrement par les pays riverains de la mer du Nord.

En effet, DONG energy n’entend pas se limiter au rôle de principal producteur d’électricité sur son marché national mais s’est résolument engagé dans la construction d’autres grands parcs off shore, notamment au Royaume-Uni : Gunfleet Sands off shore wind farm à l’embouchure de la Tamise et Walney off shore wind farm en mer d’Irlande. En partenariat avec d’autres exploitants, DONG energy est également présent dans le projet London Array off shore wind farm qui disposera de la plus importante capacité de production en mer (une première étape de mise en exploitation débutera en 2012).

– La filière éolienne danoise (turbines, composants et services liés à l’activité) assure, d’ores et déjà, plus de 7 % des exportations du pays soit quelque 5,7 milliards d’euros de recettes en 2008.

Vestas a acquis une position de n° 1 mondial dans la production d’éoliennes, alors que son principal concurrent, Siemens Wind Power, très actif sur le marché de l’éolien en mer, établissait également le siège de sa fabrication au Danemark, à Brande.

Enfin, le savoir faire danois trouve à s’employer dans de grands projets à l’international pour lesquels l’expérience de consultants et de spécialistes de l’ingénierie est appréciée, notamment au cours de la conception de parcs off shore.

PARTS DE MARCHÉ OFFSHORE DES CONSTRUCTEURS

(Europe en MW – fin 2009)

Source : EWAE

C.— UN ENJEU INSCRIT AU CœUR DES POLITIQUES DE VALORISATION DES RESSOURCES MARINES

Quelle que puisse être la détermination des pouvoirs publics allemands, britanniques et danois et, semble-t-il, de leur opinion publique, pour non seulement poursuivre mais accélérer les implantations éoliennes et, plus particulièrement, au large de leurs côtes, les enjeux techniques et financiers posent encore de nombreuses questions auxquelles il n’est pas apporté de réponses assurées.

Pour ces raisons, la Suède s’est largement désengagée en 2009 d’un projet de constitution du premier maillon d’un futur réseau électrique partagé avec l’Allemagne et le Danemark en mer du Nord. Ce projet « Kriegers Flak » qui prévoit de connecter trois centrales éoliennes en mer frontalières à ces pays devait initialement présenter un avantage de gestion mais aussi de coûts par rapport à la solution consistant à relier chaque centrale au réseau de son pays d’appartenance. Les premières études de faisabilité ne semblent toutefois pas confirmer cet espoir.

Il est difficile, par exemple, de choisir aujourd’hui entre une technique de liaison par courant alternatif ou par courant continu (solution souhaitée par la partie danoise). La technique d’une liaison continue en mer sans perte de voltage n’a jamais été testée à une échelle réaliste. Peut-on, par exemple, faire durablement fonctionner en haute mer des transformateurs de nouvelle génération ? Par ailleurs, la question de l’impact environnemental de câbles électriques sous-marins constitue encore un point d’accrochage entre experts. En réalité, la problématique de raccordement d’une production off shore intensive exige des clarifications d’ordre financier et technique. Sur ce dernier point, un difficile travail de coordination des normes reste d’ailleurs à définir entre les pays concernés.

Enfin, qu’en est-il des éoliennes « flottantes » qui apporteraient une solution à l’installation sur des zones profondes ou à fonds plus ou moins stables ? Cette voie fait l’objet d’explorations notamment par le groupe norvégien Statoil qui a d’ailleurs choisi pour partenaire l’entreprise parapétrolière française Technip, mais de véritables expérimentations en production sur des sites n’ont pas encore été menées à bien.

Cette hypothèse de travail appartient encore aux domaines de la recherche et du développement, comme d’autres sujets d’études sur l’énergie tirée des courants, de la houle ou encore des différences de températures entre la surface et le fond des mers. Dans le cadre d’un programme de recherche-développement ambitieux, le Gouvernement français a d’ailleurs décidé l’installation à Brest d’une plate-forme ayant compétence à conduire de telles recherches, qui doivent bénéficier d’un effort budgétaire afin de promouvoir des filières. Le pôle de compétitivité « Mer Bretagne » constitue l’un des atouts français. Il y a presque cinquante ans, des ingénieurs français avaient su aller dans cette direction avant les autres en concevant l’usine marémotrice de la Rance inaugurée en 1966 par le général de Gaulle. D’autres voies doivent aujourd’hui être sérieusement évaluées, comme celle de l’énergie osmotique, connue depuis les années 1970, qui consiste à produire de l’électricité par la conjonction « eau douce-eau salée » dans les estuaires, au moyen d’un phénomène inverse à celui largement mis en œuvre dans les unités de désalinisation. Un premier prototype fonctionnel vient d’être conçu en Norvège. Cette piste ne mérite-t-elle pas une attention ?

Au niveau européen comme national, des initiatives doivent être confortées pour orienter plus massivement la recherche sur toutes les ressources énergétiques de la mer. L’éolien off shore ne sera pas la seule « énergie bleue » pour l’éternité. La démarche spécifique du « Grenelle de la mer » lancé en février 2009 et qui a ouvert divers « chantiers opérationnels » d’études mérite d’être conduite dans la persévérance. À cette condition, l’apport de fonds publics sur le moyen terme s’avérera pleinement justifié.

À cet égard, il est important de souligner que l’appel à projets confié à l’ADEME afin de financer des démonstrateurs d’énergie marine doit s’avérer fédérateur pour accélérer les efforts dans des domaines où la France dispose déjà de compétences reconnues dans les universités et au sein d’organismes publics ou privés de recherche.

D— UN EFFORT FRANÇAIS À DÉFINIR ET À PLANIFIER

Au total, près de quarante parcs off shore d’importance inégale sont actuellement en activité ou en cours de construction dans dix pays d’Europe. Leur puissance cumulée dépasse désormais 2 000 MW (la puissance moyenne par parc installé est de 72 MW).

Parmi les pays ayant des projets en cours de réalisation, on citera également l’Irlande (à proximité d’Arklow) et la Belgique (au large de Zeebrugge).

L’association européenne de l’énergie éolienne (EWEA) affirme, pour sa part, que 100 000 MW sont en projet, à des stades plus ou moins avancés.

La France qui dispose du deuxième espace maritime au monde, peut-elle bénéficier d’un utile retour d’expérience d’implantations éparses, de génération et de capacité différentes ? Il n’est pas absolument certain que les constatations et les analyses susceptibles d’être faites à partir de quelques sites étrangers ayant une production significative permettent de se lancer sur cette voie de façon assurée. En considérant le chemin qu’il reste à parcourir, l’objectif 2020 des quelque 6 000 MW d’électricité d’origine éolienne off shore a semblé peu réaliste à plusieurs interlocuteurs de la mission d’information commune.

Néanmoins, il paraît essentiel à la mission d’information d’affirmer en ce domaine une ambition française et de conforter les orientations du comité interministériel de la mer telles que définies le 8 décembre 2009, afin de viser l’émergence au niveau national d’un tissu scientifique et industriel leader et exportateur.

Cette ambition doit toutefois dépasser la simple création temporaire d’activités et d’emplois qui correspondraient à l’équipement de quelques parcs off shore à proximité immédiate de certaines zones côtières.

Dans l’optique d’une dynamisation des industries maritimes pour le XXIe siècle, l’éolien off shore doit être conçu comme une étape importante mais certainement pas unique d’un programme portant sur l’ensemble des énergies marines. Il n’en reste pas moins que la France ne peut être absente de l’éolien off shore. Sur ce point, la mission s’étonne que le projet de loi du Grenelle II tel qu’adopté par le Sénat ne comporte qu’un objectif global de production d’électricité d’origine éolienne, certes confirmé à 25 000 MW à l’horizon 2020(63). La part de l’éolien en mer initialement fixé à 6 000 MW ne fait l’objet d’aucune distinction dans les quatre paliers relatifs à la production restant à installer (article 34 bis [nouveau] du projet de loi) :

Période

2009 - 2011

2012 - 2014

2015 – 2017

2018 - 2020

Production installée (en MW)

4 500

5 000

5 500

6 000

Il convient de rattraper, dans toute la mesure du possible, un indéniable retard, tant dans le domaine de l’identification de nos zones maritimes les plus propices que dans la mise en œuvre d’un programme national de recherche-développement.

La première étape a toutefois été engagée par les pouvoirs publics avec le travail de recensement de zones considérées favorables et, ainsi, de ne plus laisser la prospection aux seuls porteurs de projets plus ou moins définis à proximité immédiate des côtes. Au terme de ce travail qui devra être validé au niveau gouvernemental, au cours de l’année 2010, quelques périmètres des espaces maritimes (y compris Outre-mer) seront clairement délimités dans un document national opposable.

Cet indispensable travail servira à l’élaboration de schémas éoliens par les régions disposant d’une façade maritime puis à RTE, qui en tant que gestionnaire du réseau public du transport se voit chargé en application de l’article 25 du projet de loi sur l’engagement national pour l’environnement  dit « Grenelle II » d’établir un schéma prospectif de mutualisation des postes de transformation ainsi que des liaisons de raccordements.

Plusieurs des interlocuteurs de la mission d’information commune ont souligné la nécessité pour la France d’investir dans la filière de l’éolien off shore dont les perspectives sont constitutives d’un enjeu énergétique et industriel majeur.

M. Alain Liebard, président d’« Observ’Er », a clairement exposé devant la mission sa foi dans le devenir de la filière à l’échelon international :

« Concernant l’éolien offshore, l’enjeu principal concerne ce qui est sous l’éolienne. Dans l’avenir, ces installations de 5 et peut-être 20 MW, seront flottantes, avec une technologie sophistiquée calquée sur celle des bateaux, et ancrées en très grande profondeur (70 m). L’ensemble sera raccordé aux réseaux avec un point d’entrée à terre. Rien n’est encore joué : qui aura les brevets ? Qui vendra les produits ? Il y a, à ce jour, deux groupes dans le monde qui travaillent principalement en Norvège sur la recherche relative aux éoliennes offshore. Ce concept est très différent de l’éolienne classique car ce n’est pas une machine terrestre adaptée à la mer en faible profondeur comme on en connaît aujourd’hui. C’est un sujet de recherche développement très prometteur pour l’avenir. La France ne doit pas rater sa politique industrielle concernant l’off shore comme elle l’a fait pour l’éolien terrestre. Le volume d’activité sera plus important que celui de l’industrie automobile. Saint-Nazaire est un grand pôle de technologie maritime sur lequel on pourrait s’appuyer.

Dans dix ans, le très gros marché de l’éolien sera offshore et sera peut-être encore plus puissant que celui du nucléaire ! L’idée est de réaliser des secteurs maritimes de 2 000 à 3 000 éoliennes de 15 MW »

La relative modestie de l’ambition officielle concernant l’éolien en mer est confirmée par le propos consacré à la filière dans le rapport au Parlement (2009) sur la Programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de production d’électricité pour la période 2009-2020.

Un seul projet est nommément désigné dans ce texte prudent (page 72) qui met d’ailleurs l’accent sur la difficulté d’accès technique (et donc d’installation) dans les zones maritimes françaises.

« En plus des installations éoliennes terrestres, l’éolien peut se développer en mer. En Allemagne et au Danemark, la filière éolienne maritime est répandue. En France, la profondeur des fonds marins augmente très vite en s’éloignant du rivage, ce qui réduit l’étendue des zones techniquement accessibles à l’éolien. Ainsi, du point de vue des fonds marins, une superficie de l’ordre de deux départements est disponible pour l’éolien en mer. Malgré cela, l’éolien en mer est en mesure d’apporter une contribution significative à l’horizon 2020. Un dispositif de soutien financier a été mis en place, et à l’issue d’un appel d’offres lancé par le ministère chargé de l’énergie, un projet de 105 MW au large de Veulettes-sur-Mer (Seine-Maritime) a été sélectionné et un permis de construire lui a été délivré. »

Ce rapport est, en revanche, plus positivement prospectif (pages 77 et 78) concernant les énergies maritimes dont le potentiel de développement est souligné, sous réserve d’efforts de recherche-développement.

« Les technologies marines (houlomotrices, hydroliennes, énergies thermiques des mers) semblent prometteuses mais ne sont pas encore arrivées à maturité. Une étude réalisée en 2007-2008 sous le pilotage de l’IFREMER propose un scénario, dit normatif, qui explore la part que pourraient prendre les énergies marines renouvelables dans l’objectif d’augmenter de 20 Mtep la production d’énergie renouvelable à l’horizon 2020. Outre l’éolien marin décrit dans un chapitre précédent, les principaux éléments sont les suivants

– énergie thermique des mers : le potentiel de développement est surtout situé dans les DOM et pourrait s’élever, pour la production électrique, à 200 MW pour 7 000 h de fonctionnement annuel ;

– hydrolien : la technologie a d’importants atouts en France en raison de la puissance des courants de marée sur la côte nord-ouest, néanmoins les sites éligibles seront peu nombreux. Le potentiel pourrait s’élever à 400 MW pour 3 500 h de fonctionnement annuel ;

– marémoteur : son développement nécessiterait la construction d’un lagon artificiel avec une usine de 500 MW fonctionnant 2 500 h / an ;

– vagues : le potentiel est élevé et diffus mais les technologies ne sont pas encore matures. On pourrait envisager un potentiel de 200 MW pour 4 000 h de fonctionnement annuel ;

– pression osmotique : les contraintes technologiques et environnementales ne permettront pas l’émergence de prototypes à l’échelle industrielle.

À l’horizon 2020, il est néanmoins difficile d’estimer quelle pourrait être l’énergie produite par ces filières. Dans l’analyse de l’équilibre offre-demande à l’horizon 2020, la PPI ne prend donc pas en compte ce type de technologie. La PPI souligne toutefois la nécessité d’encourager la recherche et le développement de ces technologies et de financer de nouveaux démonstrateurs pour attester de la faisabilité technique de ce type de moyen de production. »

Pour sa part, la mission d’information ne souhaite pas totalement dissocier l’éolien off shore des autres potentiels de ressources marines. Elle considère nécessaire d’engager le monde de la recherche et les entreprises sur l’étude des ressources énergétiques de la mer, en soulignant que les efforts consentis pour développer des technologies de nouvelle génération et notamment dans l’éolien off shore contribueront à fédérer ce qui devrait constituer, à terme, une filière française compétitive car d’un poids significatif dans le secteur des énergies renouvelables et donc créatrice d’emplois.

Il importe également d’associer au niveau même du développement et de l’installation d’éventuels démonstrateurs en mer (c’est-à-dire avant toute production) l’ensemble des activités maritimes : la circulation et le transport en mer, la pêche et l’aquaculture, les pratiques de loisirs ou sportives et l’impact sur les activités touristiques en zone côtière (problématique de la visibilité des installations à partir du littoral).

En outre, la question de l’installation de sites éoliens off shore concerne, bien entendu, le ministère de la Défense auquel incombe la responsabilité d’assurer en permanence la sécurité des approches maritimes de la France.

E.— UN RÉGIME JURIDIQUE SPÉCIFIQUE D’AUTORISATION ET D’EXPLOITATION

Il est apparu clairement à la mission d’information commune que les activités éoliennes en mer (comme d’ailleurs les autres activités de production en milieu marin) présentent de telles spécificités qu’elles doivent être réglementées dans un cadre particulier.

La France a manifestement tardé pour reconnaître ce fait. À quelques détails près, les conditions réglementaires d’exploitation sont quasiment les mêmes entre l’éolien terrestre et l’éolien off shore, du point de vue des autorisations d’implantations.

Le dispositif des zones de développement de l’éolien (ZDE) n’est pas adapté aux activités en mer. Les collectivités locales riveraines, confrontées aux sollicitations de quelques porteurs de projets et de « prospecteurs », sont effectivement concernées par ce type d’installations. Elles ne peuvent pour autant décider en toute liberté en cette matière alors que l’État gère les territoires maritimes au titre de ses pouvoirs et de ses missions de souveraineté.

S’il paraît évident que des procédures d’information et de consultation préalables (au niveau des projets) doivent impliquer les collectivités locales (sensiblement démunies de moyens propres d’expertise sur un tel sujet) et les populations, il revient à l’État d’arbitrer en dernier lieu.

La délimitation des « zones propices » relève donc bien de la compétence étatique. Ce travail en cours doit être accompli avec la plus grande rigueur sous l’autorité des préfets maritimes. Il ne saurait être question de se contenter de croiser ou de superposer des éléments cartographiques existants dans une certaine précipitation. C’est pourquoi, l’objectif de mars 2010 qui a été arrêté pour publier les données essentielles que sont les zones propices ne pourra constituer un butoir. Il importe notamment que des scientifiques spécialistes des espaces marins valident par leurs observations les délimitations des zones où seront susceptibles d’être autorisées de futures exploitations. Cette phase reste à inclure dans la première étape d’une planification des activités éoliennes off shore, ce qui pourrait ainsi reporter son terme à la fin de l’année 2010.

Comme l’a souligné un membre de la mission, M. Daniel Paul, la recherche des zones propices s’avèrera en fait, difficile notamment dans des espaces maritimes étroits (Manche et Mer du Nord). Comment concilier les impératifs de navigation dans les zones très fréquentées (rail de navigation et dispositif de séparation du trafic), les zones de coordination des radars, les sites où d’anciennes mines restent susceptibles de présenter des dangers, et les espaces maritimes protégés au titre de Natura 2000 voire sanctuarisés dans le cas d’un parc naturel marin ?

Le travail à accomplir par les pouvoirs publics est d’autant plus déterminant qu’une certaine confusion semble actuellement présider à cette élaboration. Un membre de la mission d’information a été amené à constater qu’un promoteur-développeur faisait localement état, avant même toute publication par les pouvoirs publics, d’une cartographie apparemment précise et présentée comme quasi officielle, sans que les élus concernés n’en aient connaissance.

Les sources les plus diverses qui émanent le plus souvent d’institutions ou de sites cartographiques étrangers circulent ainsi entre les mains des acteurs de l’éolien off shore.

On ne peut néanmoins suspendre durablement les procédures. Dès la publication des zones propices, l’examen des quelques projets sérieusement élaborés pourrait reprendre, sous réserve de cette validation par les experts.

L’application du droit de l’urbanisme terrestre s’avérant illusoire en mer, il paraît légitime de substituer à la procédure du permis de construire, celle de l’occupation du domaine public maritime (ODPM) en exigeant l’intervention d’une étude d’impact à forte dimension environnementale et d’une enquête publique comme préalable à la décision. Les professionnels de la pêche et des élevages marins devraient être associés dès la phase d’élaboration des cahiers des charges de futurs appels d’offres ou à projets. (La durée d’une concession d’utilisation du domaine maritime, régie par un décret du 24 mars 2004, ne peut excéder 30 ans).

Par ailleurs, des interrogations peuvent subsister quant à l’opportunité de soumettre les installations off shore au régime des ICPE, s’agissant d’une activité véritablement nouvelle sans direct voisinage de proximité, contrairement à la situation des parcs éoliens terrestres. Une soumission a priori à cette réglementation est elle bien réaliste si l’éolien off shore attend toujours la détermination de normes spécifiques qui, pour certaines, n’interviendront que postérieurement aux premières mises de production ?

En revanche, au terme de la première année de production puis chaque année ou tous les deux ans, un bilan d’exploitation et de sauvegarde de l’environnement et de la biodiversité serait opportun. Il est possible de confier cette tâche aux préfets maritimes, garants de la coordination de l’action des services de l’État en mer, qui disposeraient du pouvoir d’exiger de l’opérateur toute information utile et, le cas échéant, de faire effectuer des mesures ou des relevés en associant à ces tâches les services des Affaires maritimes et les comités régionaux des pêches et des élevages marins, mais également les centres opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), les directions régionales de l’environnement (DIREN), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) ainsi que les délégations régionales de l’administration du tourisme et les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS) susceptibles de formuler des observations relatives à l’impact de l’activité éolienne sur les pratiques relevant de leurs compétences.

Enfin, en matière de fiscalité, l’éolien off shore est concerné par deux types de taxation.

Outre la redevance pour l’occupation du domaine public maritime, les opérateurs auront à acquitter une taxe annuelle sur les parcs éoliens en mer se substituant à la taxe professionnelle (article 76 de la loi n° 2005-1720 de finances rectificatives du 30 décembre 2005).

Le produit de la taxe (fixé par l’article 1519 B du code général des impôts à 12 879 € par MW installé) est affecté à un fonds national de compensation de l’énergie éolienne en mer dont les ressources reviennent pour moitié aux communes littorales, d’où les éoliennes sont visibles, l’autre moitié étant gérée par le département dans lequel est installé le point de raccordement au réseau. Cette part départementale est destinée aux activités marines, de pêche et de plaisance.

Dans un éventuel contexte de montée en charge de la production off shore, les pouvoirs publics disposeront au moyen de la taxe annuelle d’un puissant levier de correction. Cette taxe reste en effet susceptible d’être réévaluée, s’il s’avère que la rente de production dont bénéficieraient les opérateurs dépasse par son ampleur les normes de rentabilité des autres secteurs de l’énergie.

F.— QUELQUES PROJETS FRANÇAIS… EN ATTENTE

En fait, un seul dossier semble en état, à ce jour. Il s’agit du projet de construction d’un parc d’une puissance de 105 MW au large de Veulettes-sur-Mer (Seine-Maritime). Ce projet dit « de la Côte d’Albâtre » est conduit par la filiale française du groupe allemand Enertrag spécialiste des énergies renouvelables qui, en Europe et principalement dans son pays d’origine, gère près de 400 installations éoliennes représentant, au total, la consommation électrique d’une population de plus d’un million de personnes.

L’attribution du projet à Enertrag en 2005 résulte d’un appel d’offres lancé l’année précédente par l’État. Il s’agit d’un programme ambitieux correspondant à la consommation annuelle de 175 000 personnes.

Pour atteindre une production annuelle de 330 millions de kW/h, le projet prévoit l’installation de 21 éoliennes de 5 MW, espacées d’environ 800 m dans chaque ligne et comprises dans un parc d’environ 15 km² situé à l’intérieur de la zone des 12 miles. (Ces éoliennes déjà testées en mer du Nord sont fabriquées par Multibrid, filiale allemande d’AREVA).

Après avoir recueilli l’ensemble des autorisations, Enertrag a obtenu un permis de construire au mois de septembre 2008.

La mise en chantier reste toutefois suspendue à l’aboutissement de plusieurs recours émanant d’habitants de la côte (la plus proche éolienne sera implantée à 7 km du rivage).

La mission d’information commune a tenu à rencontrer M. Philippe Gouverneur, directeur d’Enertrag France : il a précisé que certains des opposants ont formulé un recours au motif d’un préjudice de visibilité sur la mer alors que leur lieu de résidence se trouve situé à proximité plus immédiate encore de la centrale nucléaire de Paluel !

S’il n’appartient pas à la mission de se prononcer sur le bien-fondé de tels recours, force est de constater que le groupe Enertrag subit véritablement les effets d’un long « parcours du combattant » en sa qualité de pionnier.

M. Philippe Gouverneur semble être un homme ouvert au dialogue, soucieux d’informer les élus et les populations concernés. Il a déclaré à la mission avoir déjà investi près de 70 millions d’euros dans ce projet, en frais d’études ou d’information et de commandes de câbles spéciaux qu’il convenait d’anticiper.

Plus généralement, M. Philippe Gouverneur a confirmé à la mission que la procédure du permis de construire lui avait paru totalement inadaptée à un site de production en mer, et que l’orientation des pouvoirs publics – soutenue en ce sens par la mission d’information – de désormais faire application à de futurs projets du régime de la concession d’exploitation semble plus judicieuse.

D’autres projets sont également conçus par des développeurs. Aucun d’eux n’est toutefois à un stade aussi avancé que le parc de la Côte d’Albâtre.

On citera à titre d’exemple :

– Le projet de parc des Deux-îles, soutenu par l’entreprise WPD off shore-France, également filiale d’un groupe allemand, qui prévoit l’installation de 120 éoliennes de 5 MW (implantées à 14 km au nord de l’île d’Yeu, et à 17 km de Noirmoutier, soit à quelque 20 km du continent). L’objectif serait ainsi de produire l’équivalent de 70 % de la consommation électrique du département de Vendée (80 emplois permanents suffiraient à assurer cette production après la construction du parc).

Le développeur souligne l’intérêt de cette réalisation pour la place portuaire de Nantes-Saint-Nazaire et les chantiers navals STX qui y sont implantés.

Ce projet fait toutefois l’objet d’une forte contestation locale.

La mission a auditionné M. Jean-Pierre Huguet, président de l’association NENY (« Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu ») qui a d’ailleurs également tenu à s’exprimer devant elle en tant que membre de la Fédération de l’environnement durable (FED).

M. Huguet a estimé que le parc des Deux îles pourrait avoir le même effet sur les courants, l’ensablement, l’érosion ou d’éventuelles déviations de côtes que la construction en pleine mer d’une « digue de 700 m de long et de 100 m de hauteur ». Il s’est, par ailleurs, montré critique sur les études d’impact « maîtrisées par les promoteurs » et a estimé que le travail actuellement conduit par l’État sur la recherche de zones propices lui paraissait « de faible qualité ».

Au cours de son audition, M. Huguet a fait état d’une visibilité excessive des éoliennes, en considérant qu’elles ne pourraient disparaître de l’horizon qu’à la condition d’être implantées à au moins 45 km de lieux habités, sans préciser toutefois les conditions météorologiques ou climatiques susceptibles de justifier son affirmation !

L’entreprise WPD mentionne également sur son site internet deux autres projets : le parc des Hautes falaises (Seine-Maritime) et le parc du Calvados (au large des côtes du Bessin).

– La Compagnie du Vent (société rachetée à la fin de l’année 2007 par le groupe GDF-Suez) qui possède et exploite déjà 15 parcs terrestres en France d’une puissance cumulée de 175 MW et a construit pour des tiers plus de 60 MW au Maroc, projette d’installer 141 éoliennes de 5 MW (d’une hauteur de 150 m chacune) au large des littoraux picard et haut normand. Ce parc dit des Deux-Côtes pourrait satisfaire la consommation électrique de plus d’un million de personnes grâce à une puissance installée de 705 MW.

De façon peut-être optimiste, le développeur, qui a rencontré une opposition de la part de pêcheurs des régions du Tréport et de la Baie de Somme, vise un objectif de mise en service en 2014. Le chantier situé à environ 14 km des côtes, à des profondeurs comprises entre 10 et 25 m, occuperait entre 700 et 900 ouvriers sur une période de trois ans. Au-delà, environ 80 emplois permanents sont prévus dont une trentaine relevant directement de l’exploitant.

La construction de ce parc dont la production serait acheminée vers le réseau existant au niveau du poste de transformation RTE de la centrale nucléaire de Penly, exigerait un investissement d’1,8 milliard d’euros(64).

On notera que le Président de la Compagnie du Vent a saisi la Commission nationale du débat public (CNDP) de ce projet. En considérant son intérêt national, les éventuels impacts sur l’environnement et les enjeux socio-économiques, la CNDP a désigné un de ses vice-présidents pour conduire un débat public relatif à la création du parc des Deux-Côtes dans le cadre d’une commission particulière.

Ce débat devrait se dérouler en juillet 2010 et sera précédé d’une consultation ouverte sur internet afin de prendre en compte les opinions émises au cours de cette première phase d’écoute des citoyens.

– Enfin, la Baie de Saint-Brieuc fait l’objet de deux projets distincts impliquant, d’une part, la société morbihannaise Nass et Wind et, d’autre part, le fournisseur alternatif d’électricité Poweo, dernier compétiteur en date.

Ces projets comparables par la puissance à installer (200 MW environ) et le nombre des éoliennes (35 ou 40) visent toutefois des implantations différentes au large de la Baie. Les parcs seraient situés de 9 à 20 km de la côte. La concertation avec les professionnels de la pêche s’avère essentielle pour que de tels projets puissent espérer être menés à terme.

S’agissant de la société Nass et Wind qui a fait part de son intention de développer un autre projet au large du Croisic (Loire-Atlantique), on mentionnera qu’elle a engagé, au titre de son activité de bureau d’études, des travaux sur de futures éoliennes flottantes en coopération avec les groupes français DCNS et Sapiem. Sur cette zone de Loire-Atlantique, EDF Energies nouvelles étudie également une autre implantation de parc.

Il convient donc de prendre conscience des enjeux commerciaux des activités éoliennes off shore. En premier lieu, des brevets restent à déposer sur certaines données particulières à cette technologie. La France dispose sans doute d’atouts pour définir des processus à intégrer aux éoliennes de nouvelle génération dont le coût représente près de 60 % du financement d’un parc off shore. La technologie de l’avenir ne sera plus celle de l’adaptation des éoliennes terrestres qui caractérise toujours la quasi-totalité des parcs installés en mer.

En second lieu, il est important de rappeler les soutiens étatiques dont bénéficient déjà les grands constructeurs étrangers à l’exportation.

L’Eksport Kredit Fonden (organisme danois de crédit à l’exportation) accorde ses garanties aux industriels locaux du secteur, de même que Kfw Bankengruppe, société allemande (contrôlée par l’État fédéral et les länder) qui a orienté ses interventions sur les activités éoliennes off shore. Pour sa part, le gouvernement américain a exprimé sa volonté d’accorder des garanties et des prêts au secteur de l’éolien off shore qui actuellement développe 10 projets de 2 000 MW au total.

En Chine, c’est une entreprise pétrolière publique (la China National Off shore Oil Corp.) qui finance un premier parc au large de Shanghaï.

On rappellera également que l’Union européenne par l’intermédiaire de la Banque européenne d’investissement (BEI) a accordé un crédit très important de 240 millions d’euros à l’énergéticien danois DONG energy pour financer l’extension du parc éolien Horns Rev. De même, la BEI a consenti un prêt comparable (250 millions d’euros) à l’entreprise Vestas pour mener à bien ses activités de R & D dans la conception, la fabrication et l’exploitation de nouvelles générations d’éoliennes.

Par ailleurs, le groupe japonais Mitsubishi a récemment signé un protocole d’accord avec le gouvernement britannique pour mener à bien, au Royaume-Uni, des recherches sur de nouveaux prototypes d’éoliennes marines. Mitsubishi Power Systems Europe affirme que ce projet permettrait de créer 200 emplois hautement qualifiés afin de développer des prototypes de deuxième génération (6 MW) puis ceux de la troisième génération. Dans un premier temps, le conglomérat japonais investirait jusqu’à 100 millions de livres dans ce projet auquel le gouvernement britannique consacrerait également 30 millions de livres de subventions au titre d’un fonds public d’investissement stratégique. Cette orientation témoigne de l’attention portée par Mitsubishi à l’industrie éolienne off shore, activité qui offre une perspective de diversification à sa division de construction navale, une de ses filiales, également confrontée aux difficultés du secteur à l’échelon mondial.

Enfin, il est important d’insister sur le rôle des zones portuaires et de leurs sites de construction navale susceptibles de participer au développement de la filière off shore. Ainsi, au Danemark, le chantier naval de Lindø en Fionnie qui avait été fermé par son propriétaire, est sur le point d’être converti en centre de recherche et développement pour les énergies renouvelables off shore (principalement l’éolien en mer et l’énergie houlomotrice). Ce centre devrait également se spécialiser dans les fondations d’éoliennes off shore qui représentent environ un tiers de l’investissement d’un parc mais dont la technologie n’est pas encore mature. Sur ce point, des entreprises françaises disposent d’un savoir faire qui pourrait utilement trouver à s’employer sur un marché mondial.

PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION

1. Mise en place de schémas régionaux de l’éolien, arrêtés par le préfet de région, après délibération des conseils régionaux et consultation des départements. Ces documents, opposables, devront être arrêtés, en cohérence avec les voies de valorisation des énergies renouvelables dont l’éolien, telles que définies par chaque région en conséquence des lois « Grenelle I et II »  Aucune ZDE ne pourra être créée dans un département hors des parties du territoire délimitées par ce schéma.

2. Création de la notion d’unité de production au sein des ZDE avec un seuil de puissance installée pour chacune (entre 15 et 20 MW) et un nombre de 5 mâts minimum afin d’éviter tout « mitage » au sein d’une même ZDE.

3. Instauration d’une distance minimale de 500 mètres entre les parcs de production éolienne et les lieux d’habitation ou les locaux d’activités préexistants.

4. Possibilité d’appliquer le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) aux activités éoliennes terrestres au titre d’un classement approprié.

5. Obligation de constituer des provisions par les exploitants ou propriétaires de parcs dès le début de l’exploitation, afin de procéder au démantèlement des installations en fin de vie ou dont il a été mis un terme à l’activité pour tout autre motif.

RECOMMANDATIONS

1. En outre, la mission souhaite une forte présence de la recherche et de l’industrie dans le domaine des ressources marines et notamment l’éolien off shore afin de fédérer ce qui devra constituer, à terme, une filière française compétitive.

2. La mission souhaite également que les activités éoliennes trouvent toute leur place au sein des énergies renouvelables et confortent durablement la création de nouveaux emplois.

EXAMEN DU RAPPORT PAR LES COMMISSIONS
DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE MARDI 30 MARS 2010

Les commissions des affaires économiques et du développement durable et de l’aménagement du territoire ont conjointement examiné au cours de leur réunion du 30 mars 2010, le rapport d’information de la mission d’information commune sur l’énergie éolienne (M. Franck Reynier, rapporteur).

M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. La commission des affaires économiques et la commission du développement durable sont réunies aujourd’hui pour examiner les conclusions de la mission d’information commune sur l’énergie éolienne. Cette mission, créée par les deux commissions, a été lancée le 7 octobre dernier. Elle a effectué un important travail et je tiens à remercier tous ceux qui y ont contribué. Elle a rencontré 40 personnes au cours de 21 auditions et il en est résulté des propositions de bon sens et équilibrées.

Deux rapporteurs avaient été nommés, l’un appartenant à la commission des affaires économiques, l’autre à la commission du développement durable. M. Philippe Plisson a démissionné, ce que j’ai regretté, car il aurait été préférable qu’il apporte sa contribution en participant au rapport. De ce fait, M. Franck Reynier est désormais le seul rapporteur.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La mission d’information que j’ai présidée a formulé cinq propositions et deux recommandations. Je remercie les membres de la mission qui ont participé régulièrement aux auditions et à ceux d’entre eux qui ont effectué le déplacement au Danemark.

Je tiens à m’inscrire en faux contre des informations diffusées dans la presse, désagréables pour moi, car je n’ai jamais voulu que le rapport porte la marque d’un parti pris ; je suis favorable au développement de l’énergie éolienne, ainsi qu’à la protection des paysages et j’estime qu’il convient de concilier ces deux impératifs. J’ai créé les ZDE et exigé le permis de construire et les enquêtes publiques pour l’installation de parcs de production, mais ces différents dispositifs ont été contournés : il en a résulté un développement anarchique donc des problèmes d’acceptation par la population que nous avons tous constaté.

Il m’est donc apparu qu’il fallait faire un état des lieux et proposer une réglementation afin de favoriser le développement de l’énergie éolienne, sans a priori. Le fait que je sois également favorable à l’énergie nucléaire ne doit pas être considéré comme un obstacle : je constate simplement que 10 % de notre énergie électrique est carbonée, alors qu’au Danemark, la situation est tout autre, puisque la proportion est de 70 %.

J’avais imaginé que nous pourrions trouver un consensus. Dès la réunion de la mission du 17 mars, j’ai accepté de supprimer des passages du rapport jugés excessifs par certains de ses membres. Je me suis félicité qu’un consensus ait pu être dégagé sur quatre des propositions ; en revanche, il n’a pu l’être sur une autre et je regrette que, de ce fait, cet accord ait été remis en cause. Je remercie tous ceux qui ont souscrit à nos propositions.

M. Franck Reynier, rapporteur. Je remercie les Présidents Christian Jacob et Patrick Ollier, qui ont pris la décision de créer cette mission sur un sujet qui suscite les passions, ainsi que tous ceux qui y ont participé. Je tiens à souligner les travaux se sont déroulés dans un climat de respect mutuel.

Je ferai deux constats. Le premier est que ce sujet est clivant : les pro comme les anti éolien sont très déterminés, si bien qu’il ne s’avère pas possible de parvenir à un consensus. Le deuxième est que cette mission a été créée car ce sujet pose effectivement problème.

Je rappellerai le contexte européen et national. En décembre 2008, l’Union européenne a adopté le paquet « énergie-climat », et, en particulier, la règle des « Trois fois vingt » : réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, améliorer de 20 % l’efficacité énergétique, porter à 20 % la part d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie de l’Union européenne. La loi du 3 août 2009 relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (Grenelle 1) précise en outre que la France s’engage à porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de sa consommation d’énergie finale d’ici à 2020. Pour satisfaire de tels objectifs, il convient d’atteindre une puissance éolienne installée de 25 000 MW, dont 19 000 sur terre et 6 000 en mer. Actuellement, 4 700 MW ont été installés, ce qui correspond à 2 600 éoliennes terrestres ; en mer, un seul projet est en cours, celui de Veulettes, résultant d’un appel d’offres lancé en 2004.

Il est important de définir un cadre afin d’éviter le mitage du territoire et d’obtenir une meilleure acceptation par la population, ce qui est difficile, comme l’ont montré les auditions. Il convient donc de planifier le développement de l’énergie éolienne et de renforcer l’intervention de l’État : celui-ci est toujours présent dans le secteur de l’énergie, sauf pour l’éolien, où la situation est floue : il lui revient de réaffirmer ses objectifs et les planifier. Il faut également répondre aux inquiétudes des riverains en instaurant une distance minimale entre les parcs éoliens et les habitations et en prévoyant le démantèlement des installations à la fin de leur vie.

La mission a adopté cinq propositions.

La première vise à mettre en place des schémas régionaux permettant de décliner des objectifs nationaux au sein des territoires. Ces documents ne seront pas un vœu pieux, car ils seront opposables. Cette planification donnera plus de lisibilité à l’éolien : les engagements pris par l’État seront relayés par les conseils régionaux, les conseils généraux et les différents acteurs des territoires.

La deuxième consiste à éviter le mitage en créant la notion d’unité de production au sein des ZDE avec un seuil de puissance installée que la mission souhaite fixer à 15 ou 20 MW. Afin de tenir compte de l’évolution technologique qui conduira à la création de machines de plus en plus puissantes, il a également été prévu que un nombre minimal de 5 mâts par unité de production.

La troisième prévoit l’instauration d’une distance minimale de 500 m entre les parcs éoliens et les habitations ou les locaux d’activité préexistants.

La quatrième proposition a fait débat au sein de la mission. Actuellement, il n’existe plus aucun contrôle après que le permis de construire et les différentes autorisations aient été accordées : il est nécessaire qu’un suivi soit réalisé tout au long de la vie d’un parc, et même au-delà, jusqu’à son démantèlement. La mission a choisi le dispositif qui lui paraissait le plus adapté et a proposé d’appliquer le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), au niveau le plus bas de l’autorisation. Ce régime a été retenu par la mission car il est connu, robuste, a fait ses preuves. Il faut souligner toutefois que, sur les quelque 500 000 installations actuellement régies par ce dispositif, moins de 2 % relèvent de la directive « Seveso » : il est évident qu’un régime d’autorisation intégrant les dispositions de cette directive ne serait pas adapté aux équipements éoliens.

La cinquième proposition porte sur l’obligation pour les opérateurs de constituer des provisions dès le début de l’exploitation afin de procéder au démantèlement des installations en fin de vie.

La mission a également formulé deux recommandations. Elle a souhaité une forte présence de la recherche et de l’industrie dans le domaine des ressources marines et notamment l’éolien off shore : au Danemark, le développement de l’éolien en mer est important, car la population n’accepte plus vraiment la croissance ou la multiplication de parcs éoliens terrestres ; en France, les profondeurs marines étant plus importantes qu’au large du Danemark, il faudra étudier de nouvelles technologies et, notamment, les éoliennes flottantes par des systèmes de ballastes. La France doit donc investir dans la recherche, ainsi que l’ont souligné les industriels auditionnés par la mission. Cette voie est d’autant plus importante à explorer que les éoliennes terrestres sont en général produites par des constructeurs étrangers.

La deuxième recommandation porte sur la nécessité de constituer une filière française compétitive, d’un poids significatif dans le secteur des énergies renouvelables et créatrice d’emplois.

M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. Je remercie le rapporteur de ce travail de qualité qu’il a de surcroît su exprimer en une remarquable synthèse. Avant que les députés qui ont demandé la parole ne s’expriment, M. François Brottes souhaite faire un rappel au règlement.

M. François Brottes. Je laisserai mon collègue Philippe Plisson analyser les limites d’une mission d‘information vouée à la recherche d’un consensus introuvable. Mon rappel au règlement porte sur la modification de l’ordre du jour de la commission des affaires économiques dont nous avons été informés cet après-midi pour ce soir. Ce n’est guère commode pour l’opposition. J’aurais souhaité que nous auditionnions, comme prévu, le président de La Poste avant le renouvellement de son mandat qui devrait intervenir, paraît-il, au cours du conseil des ministres de demain. Pourquoi sommes-nous ainsi privés de sa venue ? Anticipe-t-on sur une privatisation à venir ? Le président de La Poste n’a-t-il aucun bilan à présenter à la représentation nationale ? Est-ce dans la droite succession de la loi portant modification du statut de La Poste ? Quelle que soit la raison avancée, je m’insurge de voir l’Assemblée nationale ainsi bafouer le devoir de contrôle des députés sur une grande entreprise publique.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J’assume cette décision de report qui est de mon fait. Je l’ai prise pour que nous puissions achever notre examen du projet de loi Grenelle II dans des conditions satisfaisantes, car nous ne disposerons que d’une heure dans la journée de demain. Or notre calendrier est contraint par celui de la commission du développement durable, qui est saisie au fond. J’ai fait le choix de donner la priorité à l’examen de ce projet de loi par rapport à l’audition de M. Jean-Paul Bailly dans la mesure où cette audition ne devait pas être suivie d’un vote. Dans le cas contraire, ma position aurait été différente.

M. François Brottes. Quand appliquerons-nous finalement la Constitution qui nous ordonne de voter sur les nominations à la présidence des entreprises publiques ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous attendons que le Sénat ait procédé à l’adoption des textes d’application de la disposition en question.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est faire peu de cas des parlementaires que de les informer si tardivement d’un changement d’ordre du jour. Nous ne pouvons pas travailler correctement en commission et nous nous trouvons de surcroît amenés à modifier dans l’urgence nos propres agendas tout aussi légitimes.

M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. Chacun a bien compris le sens du rappel au règlement et la réponse qui lui a été apportée. Nous pouvons passer à la discussion des conclusions de la mission d’information commune.

M. Philippe Plisson. Notre participation à cette mission d'information sur l'énergie éolienne s'inscrivait dans le cadre de l'examen du Grenelle II. Nous sommes entrés dans cette mission avec la volonté de participer à la définition consensuelle d’un cadre législatif et réglementaire précis, durable et conforme au respect des engagements européens de la France. Les objectifs de la mission définis au cours de sa première réunion visaient à établir un état des lieux des activités éoliennes, étudier leurs perspectives de développement et engager une analyse des conditions de leur acceptation par la population.

Six mois de travail et les auditions auxquelles nous avons procédé nous avaient laissé espérer la possibilité de trouver une synthèse pour considérer que le vent comme le soleil était une véritable énergie renouvelable ayant sa place dans notre bouquet énergétique. Malheureusement, nous constatons que tous les objectifs de la mission ne sont pas remplis. Si l'état des lieux est réalisé, les perspectives de développement de la filière n'apparaissent nulle part. En outre, la mission analyse les conditions de leur acceptation par la population en se limitant aux citations des opposants à l'éolien auditionnés.

Il en résulte un rapport déséquilibré et lacunaire, rédigé à charge, qui ne répond pas aux objectifs initiaux et qui prône l’addition de contraintes : on signe ainsi l’arrêt de mort de l’éolien en France.

M. Serge Poignant. Je peux attester du souci constant de la mission d’information d’écouter toutes les opinions. Ses préconisations ne visent pas à tuer l’éolien mais à l’encadrer. Il est capital d’informer les citoyens des implantations futures, de les assortir de règles précises afin précisément de permettre un développement harmonieux et sans blocage.

J’apporte un soutien plein et entier à ce rapport. Je suggérerai d’ailleurs que nous convertissions en un amendement au Grenelle II, la proposition relative à des schémas régionaux opposables. Certaines de nos auditions ont fait apparaître des positions restrictives, d’autres des positions permissives, entre les deux nous avons choisi la pondération.

M. Daniel Paul. Les représentants du groupe GDR au sein de la mission se sont abstenus après avoir hésité à voter contre ses conclusions. On ne peut livrer un rapport d’information sur l’énergie éolienne sans lier cette réflexion à la politique énergétique nationale et à sa libéralisation récente. On ne peut expliquer autrement le déferlement de projets d’implantations, plus ou moins sérieux, plus ou moins sauvages, par des sociétés ou groupes plus ou moins connus, ce que nous ne pouvons accepter.

Le développement des énergies renouvelable doit veiller à demeurer acceptable par les populations des territoires concernés. Les urbains ne peuvent prendre seuls une décision dont ils ne supporteront guère les conséquences.

Enfin, je suis attaché à la production d’une énergie à un coût abordable autant qu’au respect des droits et libertés des gens de mer car les espaces maritimes doivent, avant tout, être quotidiennement à la disposition des travailleurs des transports et de la pêche. Le nombre impressionnant de parcs maritimes actuellement en projet confine à l’aberration.

M. Jean Dionis du Séjour. Je tiens à dire que je trouve le rapport excellent, d’une lecture tout à fait passionnante. Le groupe Nouveau Centre, qui est attaché à la poursuite d’un vrai débat sur le Grenelle de l’environnement, a particulièrement à cœur de sauvegarder l’objectif, à savoir sortir le plus vite possible d’une économie carbonée. Pour cela, il faudra faire preuve de détermination, si l’on souhaite que la France respecte son engagement d’intégrer 23 % d’énergies renouvelables à sa consommation d’énergie finale. En considérant le « mix électrique » français qui se compose de plus de 75 % d’énergie d’origine nucléaire, de 12 % de ressources hydrauliques et de 11 % de ressources carbonées, on s’aperçoit que l’éolien ne représente aujourd’hui que 1,5 %, soit 7 TwH sur 518. J’ajoute qu’au regard des contraintes rencontrées par le développement de l’énergie solaire et de l’hydraulique, il est très important de ne pas freiner l’éolien. C’est pourquoi en dépit d’une appréciation favorable aux quatre premières propositions de la mission d’information commune, je reste sceptique concernant l’assujettissement des activités éoliennes au régime des ICPE qui pourrait entraver leur développement ; ce qui amène le groupe Nouveau Centre à s’abstenir.

M. Philippe Tourtelier. Il apparaît important de rappeler le contexte au regard des engagements de la France de porter à 23 % de sa consommation énergétique finale, la part des énergies renouvelables. Or, la France pourra-t-elle tenir sa parole ? On constate que pour respecter l’objectif qu’elle s’est assigné, il faudrait augmenter la puissance éolienne de 1 300 MW par an au minimum, alors, qu’en 2009, 1 000 MW seulement on été installés.

Toutes les propositions de la mission aboutiront à freiner le développement de l’éolien. De plus, les évolutions du rapport à partir d’une première version très orientée n’apportent pas d’avancées significatives, d’autant qu’il reprend sans esprit critique les positions de la Commission de régulation de l’énergie qui devait donner son avis sur des tarifs et a, en fait, exprimé une opinion sur l’opportunité de l’énergie éolienne. Ce document maintient, par ailleurs, l’idée fausse que toute production éolienne doit être adossée à des capacités de production thermiques complémentaires du fait de son intermittence, alors qu’en 2006, par exemple, l’éolien s’est même partiellement substitué à de la production d’origine nucléaire, ce dont le rapport se garde de parler.

De même, ne sont pas repris les propos de la directrice de la législation fiscale qui, au cours de son audition, a bien indiqué qu’il n’y avait pas d’effet d’aubaine, ce que confirme d’ailleurs un récent article de la Revue de l’Énergie qui souligne que la rentabilité moyenne des investissements est de 12 %. À mon avis, la France perdra en crédibilité si elle ne peut pas tenir ses engagements, ce que laisse augurer un rapport bien trop peu prospectif qui, par exemple, ne s’est pas intéressé à des efforts de recherche actuellement conduits pour mettre au point des éoliennes de plus petite dimension et pourtant capables de gagner en puissance.

M. Christophe Priou. Je considère, pour ma part, que la mission a accompli un travail de fond dont il convient de souligner l’esprit consensuel, notamment parce qu’il aboutit à des propositions concrètes. J’approuve son pragmatisme, en rappelant que s’agissant de l’éolien off shore que je préfère appeler éolien en mer, il me paraît important que l’on ne tourne pas le dos à d’autres ressources marines et notamment la force houlomotrice qui fait actuellement l’objet d’études intéressantes. Les activités liées aux énergies marines constituent une opportunité pour les chantiers navals et les autres activités marines comme celles des bateaux qui seront nécessaires à la pose d’éoliennes en mer. Je m’interroge, par ailleurs, sur l’éolien des particuliers qui concerne des machines de moins de 12 m et dont on nous dit qu’il ne serait plus soumis à un régime d’autorisation d’urbanisme.

Mme Frédérique Massat. Le travail de la mission auquel j’ai participé a été intéressant, notamment par les auditions, qui toutefois n’ont pas été toutes reprises dans le rapport. Nous ne nions pas qu’il existe parfois des difficultés d’acceptation des éoliennes par la population, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous n’étions pas hostiles à l’idée d’un schéma sous réserve qu’il soit élaboré avec les élus. Nous constatons, en revanche, que les propositions de la mission aboutissent à un empilement de contraintes et à la soumission à la procédure des ICPE qui n’est pas acceptable. Le rapport fait l’impasse sur les conditions dans lesquelles l’énergie éolienne peut se substituer à d’autres sources d’énergie, il est partial sur la question du tarif de rachat, voire même sur le démantèlement. En fait, ce rapport se focalise sur les nuisances supposées et s’est ainsi détourné des objectifs initiaux de la mission qui étaient de faire un bilan sans a priori.

M. Daniel Fidelin. Après six mois de travail, la mission a rendu un rapport équilibré et objectif. Il s’agit d’un bon diagnostic qui traite effectivement des questions relatives à l’énergie éolienne, et non des avantages comparatifs avec l’énergie nucléaire ou thermique. Il s’avérait effectivement urgent de mettre en place un cadre de programmation au moyen des schémas éoliens et les propositions de la mission ne constituent pas « un mauvais coup porté aux éoliennes » comme je l’ai entendu dire, ce matin, sur une radio. J’ajoute que la procédure des ICPE présente l’avantage de prévoir une enquête publique puis des contrôles au cours de l’exploitation.

S’agissant des projets de production éolienne en mer, les procédures qui devront être mises en œuvre pour aboutir à l’autorisation de certains projets requièrent de la souplesse, ce que ne permet pas la réglementation des ICPE qui correspond mieux aux projets terrestres, pas plus que le régime des permis de construire totalement inadapté concernant des installations en mer. On doit, en revanche, se féliciter que le Gouvernement envoie un message fort en délimitant des zones propices aux activités éoliennes off shore, ce que soutient le rapport. Enfin, il est important de souligner les perspectives ouvertes aux zones portuaires par le développement de l’éolien en mer qui devrait permettre de créer des emplois.

Mme Catherine Coutelle. D’abord, je tiens à dire qu’il est difficile de travailler en commission, si l’agenda change de thème de travail, le jour même d’une réunion. Pour revenir à la mission d’information, j’ai tenu à aborder la question de l’éolien sans a priori. La production d’électricité d’origine éolienne est une nécessité dans notre « mix énergétique » au regard des engagements de la France. Je constate n’avoir pas rencontré au cours de nos travaux de pro-éoliens ayant affirmé devant la mission que l’on ne pourrait vivre qu’avec la seule production des éoliennes. En revanche, en instituant des barrières supplémentaires et des freins à la création de sites de production, la mission d’information n’envoie pas un signal positif, même s’il existe parfois des problèmes d’acceptation des éoliennes dans certaines régions. En prenant l’exemple de l’autoroute A83 entre Niort et Nantes, on peut toutefois considérer que des éoliennes dont l’installation a été bien réalisée participent à l’embellissement de parties du paysage qui par elles-mêmes ne présentent pas un caractère exceptionnel. Enfin, il est nécessaire d’insister plus fortement que ne le fait le rapport sur le développement d’une filière qui serait partie prenante d’une nouvelle « économie verte ».

M. Daniel Fasquelle. L’opinion a beaucoup évolué sur l’éolien et ce rapport en tient compte, ce qui est louable. Comme mes collègues, je tiens à féliciter les rapporteurs pour la qualité de leur travail.

Oui à l’éolien, évidemment, mais à un éolien maîtrisé. L’institution de schémas régionaux, que préconise le rapport, va dans le bon sens ; j’avais d’ailleurs déposé des amendements à ce sujet lors de l’examen du projet de loi Grenelle I avec mon collège Alain Gest. Le rapport tient aussi compte de la question du démantèlement des éoliennes, jusqu’ici trop souvent oublié.

J’ai noté quelques manques dans les recommandations. Le rapport relève, par exemple, l’existence d’effets d’aubaine mais n’en tire pas de conséquences.

Concernant la protection du paysage, ensuite, son importance n’a peut-être pas été suffisamment prise en compte s’agissant notamment d’éventuels effets sur le tourisme qui représente 6 % de notre PIB et la France est la première destination : attention à ne pas abîmer le paysage !

J’attire votre attention aussi sur l’éolien offshore. Je ne crois pas que les touristes souhaiteront fréquenter des plages au large desquelles sont installées des éoliennes. Les activités de pêche ne doivent pas non plus être pénalisées par ce type d’installations ; j’en ai discuté récemment avec le président du comité national des pêches et je regrette qu’il n’ait pas été auditionné.

Je souhaite aussi signaler, pour conclure, que l’installation d’éoliennes peut modifier les voies de passages des oiseaux migrateurs et perturber les activités de chasse.

M. Jean-Yves Besselat. Je tiens moi aussi à féliciter les rapporteurs. Je salue particulièrement le fait que le rapport souligne la nécessité d’une organisation du territoire par l’État sur terre comme en mer. Le développement des activités éoliennes a, à mon sens, été fortement pénalisé par l’absence de pilotage préfectoral, surtout au niveau régional qui est, à mon avis, le bon échelon. Je veux dire en outre au Président Ollier que je partage entièrement la philosophie qu’il a exprimé dans son propos liminaire : en matière d’éolienne, il faut raison garder.

Je me contenterai de deux remarques. Premièrement, je suis stupéfait par l’installation de 7 éoliennes sur un site aussi exceptionnel que celui de l'aber Benoît, en Bretagne, et je vous ferai parvenir un courrier, monsieur le président, à ce sujet. Il me semble également que l’installation d’éoliennes en mer présente de vrais risques pour la sécurité maritime : l’État doit avoir une vision globale des activités en mer pour gérer correctement le trafic.

M. Alain Gest. Je voudrais d’abord remercier notre rapporteur, M. Franck Reynier, pour la qualité de son rapport, qui a le grand mérite de ne pas nous faire croire que nous vivons en matière d’éolienne au milieu des « bisounours ». Nous avons raté le lancement de l’éolien en France.

La proposition de la mission relative à l’ICPE mérite une mention spéciale. Contrairement à ce que pensent certains, il vaut mieux une procédure connue, même si elle a quelques lenteurs, plutôt qu’une procédure qui, de fait, empêche la prise en compte de tous les éléments au titre des permis de construire.

Par ailleurs, je ne peux que souscrire à la proposition de créer des schémas régionaux. J’avais d’ailleurs déposé une proposition allant dans ce sens lors de l’examen du projet de loi du Grenelle 1. La date limite du 31 décembre 2011 pour établir ces schémas m’apparaît toutefois trop éloignée et c’est la raison pour laquelle il me semble souhaitable d’instaurer un moratoire jusqu’à ce que les schémas puissent jouer leur rôle.

M. Francis Saint-Léger. Ce rapport va dans le bon sens et les propositions me paraissent tout à fait équilibrées et pragmatiques. Je reste dubitatif sur la distance prescrite des 500 mètres. Cette distance ne tient ni compte de la puissance et des nuisances sonores qui en résultent ni des spécificités tenant localement à l’habitat. Comme je l’ai déjà dit dans le cadre de la mission, inscrire cette distance dans la loi risquerait de conduire à accepter tous les projets respectant ce critère alors que dans bien des cas, 500 mètres ne sont pas suffisants pour atténuer les nuisances sonores et l’impact visuel. La distance doit donc, à mon sens, rester indicative. À cette réserve près, je suis évidemment favorable au rapport.

M. Jérôme Bignon. Je salue moi aussi les auteurs du rapport. Je regrette toutefois que rien ne soit dit sur l’implantation d’éoliennes offshore alors qu’un certain nombre de dispositions auraient pu les concerner.

Il faut d’abord souligner un besoin de transparence dans les décisions d’implantation des parcs éoliens, condition nécessaire pour que la population s’approprie les projets. Lorsque le préfet maritime prend ces décisions dans le secret de son cabinet, cela ne me paraît pas très bon. L’exigence figurant dans le rapport d’une expertise scientifique afin de valider la décision de créer des zones maritimes propices, sous un certain délai, m’apparaît constituer une excellente idée.

Autre point : les risques que font encourir l’installation d’éoliennes à 3 miles d’un rail de trafic. Ce type d’installation est une aberration qui aboutira à un accident majeur lorsqu’en situation de tempête, un superpétrolier ira percuter de telles implantations. Je remarque, par ailleurs, que nous manquons de données sur la rentabilité des éoliennes offshore, notamment en fonction de leur distance du littoral et de la profondeur des fonds. Il faudrait, là aussi, plus de transparence sur ce sujet.

S’agissant de la fiscalité, il aurait été intéressant d’imaginer qu’une partie du produit de la fiscalité de l’éolien en mer soit transférée aux activités de pêche.

M. Claude Gatignol. Le rapport me paraît manquer de précisions, notamment sur le fait que le marché de l’énergie éolienne n’est pas encore mature. Il aurait fallu ensuite ajouter aux coûts bruts de production différents surcoûts, spécialement dus au caractère aléatoire de la production, ce qui est noté par RTE. Il faut aussi distinguer la puissance installée mesurable en MW de la puissance produite annuellement, mesurable en MWh, afin d’éviter des confusions regrettables : il faudrait connaître les coûts réels du MWh. Deux points pour conclure : d’abord, la course à la redevance est réelle ; à ce titre, je mentionnerais les aides attribuées de 20 000 euros par an et par éolienne et pour les propriétaires fonciers les quelque 8 000 euros perçus par éolienne. Ensuite, la façon dont est traité par le rapport l’éolien en mer m’apparaît insuffisante ; avec 200 éoliennes en projet au large de ma circonscription, certaines sont évoquées dans le parc du Calvados et sur les plages du débarquement, face aux plus belles côtes du Cotentin, je trouve très exagéré de citer le Danemark en exemple. D’ailleurs, des voisins comme les Norvégiens ou les Suédois apprécient peu le traitement que fait subir ce pays à leurs paysages.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vais passer la parole à M. Franck Reynier, rapporteur, avant que nous passions à un vote commun des membres de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable.

M. Franck Reynier. Monsieur le président, nous entrerons plus dans le détail à l’occasion de l’examen des amendements traduisant les propositions de la mission.

M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. L’autorisation de publier le rapport est mise aux voix.

Les commissions des affaires économiques et du développement durable et de l’aménagement du territoire ont ensuite autorisé la publication du rapport de la mission d’information commune sur l’énergie éolienne, les groupes UMP et GDR votant en faveur de cette publication.

CONTRIBUTIONS DES GROUPES SRC ET GDR

***

Contribution des membres SRC de la mission

Mmes et MM. Philippe Plisson, Philippe Tourtelier, Frédérique Massat

et Catherine Coutelle

Notre participation à cette mission d'information sur l'énergie éolienne s'inscrivait dans le cadre de l'examen du Grenelle II. Nous sommes entrés dans cette mission avec la volonté de participer à la définition consensuelle d’un cadre, législatif et réglementaire précis, durable et conforme au respect des engagements européens de la France.

Les objectifs de la mission définis collectivement lors de la 1ère réunion et rappelés dans le rapport visaient à :

– établir un état des lieux des activités éoliennes,

– étudier les perspectives de développement dans le cadre d'une véritable filière qui impliquerait la recherche et l'industrie française,

– engager une nécessaire analyse des conditions d'acceptation par la population pour apaiser les polémiques pouvant exister.

Six mois d’auditions et de travail nous avaient laissé espérer la possibilité de trouver une synthèse pour considérer que le vent comme le soleil ou l’eau était une véritable énergie renouvelable ayant toute sa place dans notre bouquet énergétique. Malheureusement, à la lecture du rapport nous constatons que tous les objectifs de la mission ne sont pas remplis :

Ÿ Si l'état des lieux est réalisé,

Ÿ Les perspectives de développement de la filière n'apparaissent pas alors  que l’audition de Madame Pappalardo, du Commissariat général au développement durable (qui ne figure pas dans le rapport), a été l’occasion d’apporter un éclairage complet sur cette question complété par le rapport « filières industrielles stratégiques de l’économie verte » de mars 2010.

Ÿ La mission analyse les conditions de leur acceptabilité en se limitant aux citations des opposants à l'éolien auditionnés.

Ce qui contribue à donner un rapport déséquilibré.

Un parti pris sur une idée trop bien reçue : l’éolien est trop cher et dégradant pour les paysages.

Le rapport est à charge se contentant de reprendre les critiques traditionnelles à l’égard de l’énergie éolienne. Pourtant les auditions ont démontré la relativité de certaines critiques récurrentes, comme l’intermittence de l’énergie éolienne, par la précision toujours grandissante des prévisions météorologiques, l’interconnexion des réseaux et le stockage hydraulique.

Même remarque concernant le « surcoût » de l’éolien toujours comparé à celui de la production de l’électricité sous-estimé par la CRE à 75 € MWh en 2020. Ce surcoût serait toujours supporté par les consommateurs au travers de la CSPE (aujourd’hui 5% de la CSPE) tout en ignorant la probabilité d’avoir à moyen terme un coût du Mwh éolien inférieur à celui l’électricité de référence. De plus, c’est oublier qu’en période de pointe EDF achète de l’électricité à nos partenaires européens plus chers que le kWh éolien.

Le rapport fait aussi un panégyrique des paysages français, comme élément essentiel de l’identité d’une nation.

Si on doit effectivement prendre en compte le respect des sites et des paysages avant l’implantation d’éoliennes, comme d’ailleurs avant la construction de toute infrastructure, il revient à la puissance publique de conjuguer différentes priorités et notamment la protection de l’environnement, la fourniture d’un bien de première nécessité comme l’énergie et la diversification du bouquet énergétique.

Le rapport enterre notre engagement européen et l’article 2 du Grenelle 1 que nous avons voté.

Il faut rappeler ici le cadre fixé par le Grenelle 1 : la France concourra à la réalisation de l'objectif d'amélioration de 20 % de l'efficacité énergétique de l’Union européenne et s'engage à porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de sa consommation d'énergie finale d'ici à 2020.

Comme l’indique le rapport, pour atteindre ces objectifs l’énergie éolienne devrait représenter 10 % de notre production électricité en 2020. Nous sommes déjà en retard (l’énergie éolienne contribuait en 2009 à moins de 1,5 % de la consommation électrique française) et ce rapport au lieu d’être un élan constitue un nouveau frein.

La seule ouverture du rapport est l’éolien offshore, tout en soulevant la difficulté de déterminer un juste prix.

Le rapport n’aborde l’énergie éolienne que sous le prisme de la réduction des gaz à effet de serre pour ainsi remettre en évidence l’apport de l’énergie nucléaire.

Mais l’éolien a d’autres spécificités qui ne peuvent être ignorées dans la recherche d’un bouquet énergétique durable et équilibré : sa production locale permet d’échapper à la géopolitique de l’approvisionnement ; sa production ne pèse pas sur les générations futures. Il se substitue au thermique : le postulat de la CRE sur le développement de l’éolien nécessitant parallèlement le développement du thermique a été démenti lors de deux auditions et contredit par la situation de 2006 où l’éolien s’est substitué au trois quarts au thermique en période de pointe. Curieusement cette démonstration contredisant la thèse du rapport a disparu de celui-ci.

Un rapport sélectif et lacunaire

Le rapport dénonce les effets d’aubaine pour les opérateurs, les promoteurs ainsi que pour les propriétaires et les collectivités locales. Pourtant l’audition d’un haut fonctionnaire du Ministère de l’Economie et des Finances a nié cet effet. Mais ces propos n’ont pas été repris dans le rapport…

Le rapporteur se félicite également de la réforme de la taxe professionnelle qui réduit l’intérêt pour les élus locaux pour l’implantation d’éoliennes sur leur territoire. Et d’illustrer cette position en prêtant des propos au maire de Saint Georges sur Arnon, auditionné par la mission, d’accepter l’implantation d’éoliennes sur son territoire « car il s’agissait sans doute d’une réelle opportunité économique et fiscale ». Pourtant, le compte rendu de cette audition ne mentionne nulle part cette motivation de l’édile.

On peut également regretter que le rapport n’ait pas suffisamment expertisé la question du développement de la filière industrielle française éolienne terrestre et maritime. Si le rapport souligne que 150 000 emplois ont été créés en Europe dans le secteur éolien, il est à préciser que, en France, cela représente 10 600 emplois directs et 60 000 sont en perspective d’ici 2020, selon l’ADEME, sans préjuger de la mise en place d’unités de construction ou d’assemblage sur le territoire. Alors que d’autres secteurs industriels comme l’automobile sont en perte chronique d’emplois, l’implantation de l’éolien peut permettre d’éviter le démantèlement de lignes de production et les pertes d’emplois associées.

Une solution avancée par le rapport : freiner et durcir les règles d’implantation des éoliennes.

La loi du 2 juillet 2003 a prévu la mise en place par les régions de schémas régionaux éoliens facultatifs.

La loi du 13 juillet 2005 a mis en place les ZDE pour bénéficier de l’obligation d’achat, et prescrit une étude d’impact et une enquête publique pour les éoliennes de plus de 50 mètres.

La loi du 3 août 2009 crée les schémas régionaux des énergies renouvelables par les régions.

Le rapport préconise l’opposabilité de schémas éoliens régionaux élaborés par les préfets, donc soumis à enquête publique complétée de l’application du régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) aux éoliennes.

Nous aurions pu accepter le principe d'un schéma régional éolien réalisé par les élus en liaison avec l'Etat, sous réserve d'une remise à plat des procédures actuelles (et non pas d'un empilement de dispositifs) et sous réserve du retrait de la procédure ICPE pour les éoliennes. L'obligation de la procédure ICPE présentée dans le rapport adossée au schéma éolien régional fait peser des contraintes administratives trop lourdes qui condamnent le développement de l'énergie éolienne. Il n'est pas raisonnable d'assimiler une éolienne à une usine à risques industriels en lui appliquant le régime des installations classées pour la protection de l’environnement.

Nous ne nions pas les problèmes d’acceptabilité sociale de ces projets éoliens. Les procédures de concertation et la transparence des décisions doivent très certainement être améliorées. Il faut pouvoir concilier l’augmentation de la production de l’énergie éolienne au regard de nos engagements et l’acceptabilité sociale des projets.

Le rapport aurait pu être l’occasion :

1/ d’approfondir les conditions d’optimisation voire les limites de la substitution du thermique par l’éolien en période de pointe ;

2/ d’analyser les bilans d’exploitation des sites existants afin d’objectiver les données permettant de fixer un juste tarif de rachat ;

3/ d’accélérer la publication des décrets d’application des lois votées et notamment pour la constitution de provisions pour démantèlement des éoliennes (la loi du 2 juillet 2003).

En conclusion :

Eu égard aux objectifs de la France en matière d'énergie renouvelable en en particulier d'énergie éolienne ;

Eu égard à la définition d'énergie renouvelable incluant l'éolien ;

Eu égard à cette énergie propre, renouvelable, réversible et « locale » ;

Nous estimons que ce rapport ne remplit pas tous les objectifs initiaux de la mission.

Il se focalise essentiellement sur les nuisances de l'éolien, sans apporter des propositions visant à développer la production d'énergie éolienne dans le respect des territoires et des populations, ainsi nous ne pouvons l'approuver.

Contribution des membres GDR de la mission

MM. Daniel Paul et André Chassaigne

Un rappel…

En 1945, la France prenait la décision politique de maîtriser tous les termes de sa politique énergétique. Cette maîtrise publique, s’appuyant sur une entreprise publique intégrée, allait permettre à notre pays de disposer de l’électricité la moins chère et la moins productrice de C02 d’Europe et de développer des filières industrielles de haut niveau, riches en emplois qualifiés.

La libéralisation a bouleversé le secteur énergétique

La libéralisation du secteur, la privatisation de GDF et l’ouverture du capital d’EDF ont bouleversé le paysage énergétique, offrant de nouveaux terrains de profits à des capitaux avides d’une rentabilité maximale et rapide.

L’objectif – que nous partageons – d’atteindre, en 2020, 23 % d’énergies renouvelables, a suscité, dans ce contexte, l’afflux de nouveaux « entrants », filiales des grands groupes énergétiques ou entreprises nouvelles attirées par un secteur en croissance assurée.

Il fallait rapidement « occuper » le terrain, repérer les territoires les plus intéressants, en particulier pour l’éolien, convaincre les élus et les propriétaires concernés, obtenir de leur part les engagements nécessaires… Les menaces pesant sur les ressources des collectivités locales, mais aussi sur la rentabilité des activités agricoles ont facilité les contrats.

Et pour permettre au « marché » de se développer, il fallait réduire la tutelle de l’Etat, faire oublier que la chaîne énergétique (production, aménagement du territoire, sécurité des installations, coûts,…) est un élément essentiel d’une politique nationale de l’énergie, qu’elle touche à la sécurité même du pays et constitue une responsabilité « régalienne » au plein sens du terme.

Les processus de libéralisation, communautaires et nationaux, ont réduit la place de l’Etat, tandis que la production de l’électricité ne répond plus aux besoins de notre pays, mais à la recherche de rentabilité financière.

Une situation dégradée

On voit aujourd’hui les résultats de cette politique : là où ce mix énergétique, y compris avec l’éolien, aurait pu et dû se développer dans le cadre d’une maîtrise publique, de façon concertée, apaisée, dans une démarche d’aménagement du territoire, les projets éoliens – mais le même constat peut être fait pour d’autres énergies renouvelables – suscitent des interrogations et des oppositions irréductibles, dans une part de plus en plus importante de la population. Avec le « laisser-faire » libéral, la passivité de l’Etat nourrit les inquiétudes devant la primauté des intérêts financiers, le poids des « lobbyings », les retards dans la parution de décrets attendus depuis 2003, (concernant les constitutions de garanties pour le démantèlement), l’absence d’étude précise quant aux effets du bruit, en particulier  avec l’arrivée de machines de 3, 4, 5 MW et plus, l’insuffisante prise en compte des paysages…

Dans ces conditions, comment ne pas comprendre les colères et soutenir les demandes de moratoire pour des projets éoliens, terrestres comme off shore qui ne respectent pas les populations et les territoires ? Les Zones de Développement Eolien doivent être définies et s’intégrer dans des schémas régionaux éoliens rendus opposables. Face au mitage, il convient de favoriser la constitution de « parcs éoliens » de taille minimale, à l’écart des zones d’habitat ou de paysages et sites remarquables.

Réformer le financement

L’arrêté ministériel du 10 juillet 2006 impose à EDF un tarif de rachat de l’électricité produite par les éoliennes, qui assure aux promoteurs un taux de rentabilité sur fonds propres à 2 chiffres et pouvant même atteindre 40 % dans les zones favorables, tout cela étant payé par les consommateurs, au travers de la Contribution au Service Public de l’Energie (CSPE) ! Ce sont aussi des surcoûts induits pour le renforcement des réseaux de transport et de distribution. Même les zones les moins favorables, en matière de vent, deviennent profitables.

Et que penser du paradoxe qui verrait EDF acheter au prix fort la production d’éoliennes appartenant à des entreprises, filiales de groupes privés et, en même temps, de céder, à ces mêmes groupes jusqu’à un tiers de la production de ces centrales nucléaires, au-dessous du prix coûtant !

Sans oublier que l’objectif des « marchands » d’électricité est l’augmentation du prix du Kw/h pour atteindre, progressivement, le prix du Kw/h éolien payé par EDF…

Une réforme du financement s’impose donc, qui réduirait soit le montant du tarif de rachat, soit sa durée, soit les deux à la fois, chaque opérateur devant intégrer dans son mix un pourcentage minimum d’énergie renouvelable.

***

Compte tenu des aléas du vent, les aérogénérateurs ne « tournent » que 25 à 30 % du temps ; il faut donc diviser par 3 ou 4 la puissance installée pour connaître la production annuelle réelle. Une compensation est nécessaire pour faire face, à tout moment, aux besoins. Elle peut, pour certains, consister à multiplier par 3 ou 4 la puissance installée, en la répartissant sur l’ensemble du territoire, ce qui revient à augmenter le nombre d’aérogénérateurs, leur puissance, leur taille, la production éolienne réduisant dès lors l’électricité d’origine nucléaire… Aujourd’hui, les aléas du vent obligent à compenser avec des moyens de production thermique. D’ailleurs, un constat s’impose : les pays les plus « éoliens » ont aussi le plus de centrales thermiques, comme le Danemark et l’Allemagne.

Quant à l’éolien offshore, si son potentiel est à l’évidence important, son développement doit donc respecter la sécurité des trafics maritimes, les zones nourricières et de reproduction des espèces, les zones de pêche, autant de priorités qui relèvent, strictement et exclusivement, de l’autorité de l’État… L’existence, dans ces conditions, d’une dizaine de projets de parcs éoliens entre le Cotentin et le Pas-de-Calais, dont un de 141 aérogénérateurs de 5 MW sur un banc nourricier (!!!), laisse pantois. Faut-il rappeler que la Manche est la mer la plus fréquentée du monde ? D’urgence, l’Etat doit reprendre la main et faire clairement savoir que si l’éolien off shore est prometteur, du fait des régimes de vent plus favorables, il devra se plier à des règles strictes, en particulier de distance des côtes (un minimum de 15 milles semble pertinent).

Dans ces conditions, les éoliennes, réunies dans des parcs terrestres ou off shore, doivent être soumises au régime des « Installations Classées pour la Protection de l’Environnement ».

En conclusion, les députés communistes, membres de la Mission :

– Confirment leur opposition à la libéralisation du secteur de l’énergie et leur volonté d’agir pour une « maîtrise publique de l’énergie », en France comme en Europe, favorisant la coopération entre les pays, la réduction des gaz à effet de serre, la recherche, le droit à l’énergie et la réduction des inégalités, dans le respect des spécificités et de l’indépendance de chaque pays,

– proposent que les opérateurs incorporent un pourcentage minimum de renouvelables dans leur production,

– partagent l’objectif d’une production d’électricité moins carbonée et rappellent que notre pays est déjà celui qui génère, en ce domaine, le moins de C02 en Europe,

– soulignent l’importance de cette caractéristique qui nous permet d’avoir un haut niveau d’exigences dans le développement des énergies renouvelables, de privilégier celles qui sont les moins productrices de C02, qui assurent la fourniture d’électricité la plus constante et la moins onéreuse, qui respectent le plus nos paysages et nos territoires et qui sont les plus porteuses de filières industrielles sur notre territoire,

– se prononcent pour une révision des tarifs de rachat, afin de lutter contre les reventes spéculatives et les effets d’aubaine,

– demandent que les Zones de Développement Eolien s’intègrent dans des schémas régionaux éoliens opposables, arrêtés par le Préfet,

– s’élèvent contre le mitage de notre territoire et demandent que les parcs éoliens terrestres soient à distance suffisante des habitations – de 500 à 1 000 m selon les configurations du terrain – et comprennent, chacun, un minimum de 5 éoliennes,

– refusent la prolifération de projets offshore, minimisant la priorité qui s’attache à la sécurité des trafics maritimes, à la pêche et aux activités nautiques, au respect des zones nourricières nécessaires à la préservation des espèces halieutiques au large de nos côtes et rappellent que tous ces éléments relèvent de la stricte responsabilité de l’Etat,

– considèrent que ces parcs éoliens, terrestres et off shore, doivent être soumis au régime des ICPE,

– apprécient la proposition d’une date « butoir », fixée au 31 décembre 2011, pour que le cadre juridique soit arrêté. Dans l’attente, ils comprennent et approuvent les demandes de moratoires sur les projets éoliens, terrestres et off shore, provoquées par l’absence actuelle de cadre juridique suffisant.

Au terme des travaux, les députés communistes, membres de la mission, ont approuvé plusieurs des dispositions retenues. Ils se félicitent que plusieurs de leurs propositions ont été prises en compte. Ils regrettent néanmoins que le rapport ne conteste nullement le cadre libéral qui a bouleversé le secteur énergétique français ; en conséquence, ils s’abstiennent sur le rapport.

ANNEXE 1 : QUELQUES DONNÉES TECHNIQUES

– Investissement pour un parc éolien terrestre : entre 1,2 et 1,5 M€ par MW installé ;

– Puissance moyenne d’une éolienne en France en 2009 : 2 MW par turbine ;

– Production annuelle de 2 GWh par MW installé, soit la consommation électrique moyenne de 1 000 personnes.

– Puissance moyenne des premières éoliennes des années 1980 : 50 kW, puissance maximale aujourd’hui : 5 MW (turbines testées, mais sans encore de production sur une grande échelle), soit une multiplication par 100. Essais chinois à 10 MW.

– Nombre de composants d’une éolienne : 8 000.

– Dimensions : exemple d’une éolienne de 3 MW : (alimente environ 3 000 habitants en électricité pendant un an)

Ø diamètre du rotor : 90 m

Ø longueur des pales : 44 m

Ø poids d’une pale : 6 700 kg

Ø taille du mât : 105 m

Ø poids du mât : 205 t

Ø poids du moyeu : 8 850 kg

Ø poids de la boite de vitesse : 22 800 kg

Ø poids de la génératrice : 8 600 kg.

ANNEXE 2 : LE GISEMENT ÉOLIEN FRANÇAIS

Source : ADEME

ANNEXE 3 : LE PROJET BETTER PLACE AU DANEMARK

Créée en octobre 2007 par l’entrepreneur israélien Shai Agassi, Better Place est une société californienne qui se propose d’accompagner la transition du secteur automobile vers le véhicule électrique.

Il s’agit d’un pari ambitieux : Better Place prévoit une infrastructure comprenant des bornes de rechargement à installer dans les lieux de stationnement et des stations d’échange de batterie où les utilisateurs pourront remplacer leurs batteries en moins de temps qu’il n’en faut actuellement pour un plein d’essence. Elle proposera à ces clients un abonnement couvrant un nombre de kilomètre correspondant à leurs besoins, sur le modèle des abonnements aux téléphones mobiles.

Le Danemark a été sélectionné comme pays pilote en raison de sa petite taille, de l’importance de sa production éolienne, ainsi que de sa fiscalité en faveur des voitures électriques. Une « joint-venture » a été constituée en janvier 2009 entre Better Place et Dong Energy.

Les premiers véhicules seront fournis par Renault, en partenariat avec Nissan ; cependant, Better Place est en négociations avec d’autres fournisseurs potentiels. Les batteries seront fournies par le japonais AESC et seront la propriété de Better Place Danemark.

Ce projet permettra de valoriser l’électricité éolienne produite en surplus la nuit et actuellement vendue à prix très bas aux pays voisins. Le projet prévoit également le développement d’un réseau intelligent (smart grid) dans lequel les batteries se rechargeraient lors de creux de consommation, permettant ainsi de lisser la consommation d’électricité et de mieux intégrer dans le réseau électrique danois la source d’énergie intermittente qu’est l’énergie éolienne.

En raison de l’utilisation de l’énergie éolienne, ces voitures seront réellement « propres », le bilan carbone réel d’un véhicule électrique dépendant de l’origine de l’électricité qu’il utilise.

La réalisation de l’infrastructure relèvera de la responsabilité de Better Place Danemark, mais sera en partie réalisée par DONG Energy qui fournit l’assistance technique pour la mise ne place des bornes de rechargement. Afin de faciliter la mise en place des bornes de rechargement et des stations d’échange de batteries, Better Place Danemark a établi des partenariats avec une quinzaine de municipalités réparties sur le territoire danois. L’entreprise veille à s’assurer le soutien des pouvoirs publics, indispensable pour le développement d’un projet novateur.

L’objectif est de commencer à mettre des véhicules en circulation dès la mi-2011 et d’atteindre le chiffre de 500 000 véhicules électriques alimentés par 50 000 stations de rechargement en 2020. Le potentiel environnemental et économique de ce projet est significatif tant pour les énergies renouvelables que pour les nouvelles technologies, tels les réseaux intelligents.

Toutefois, ses détracteurs estiment que le financement de l’infrastructure de rechargement par une seule entreprise fera peser une lourde charge sur celle-ci, qui ne serait rentable qu’en cas de quasi monopole ou de normalisation des batteries sur le modèle de celles qu’elle propose. En outre, l’exemption de taxe à l’immatriculation sur les véhicules électriques expire en 2012 : le fait que la prolongation de cette mesure n’ait pas été annoncée apporte un élément d’incertitude à ce projet.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

– Mme Michèle Pappalardo, commissaire générale au développement durable (CGDD) ;

– M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), M. Julien Janès, chef du département dispositif de soutien aux énergies renouvelables et aux consommateurs (direction du développement des marchés) et M. Didier Lafaille, chef du département technique (direction de l’accès aux réseaux électriques) ;

– M. Philippe Van de Maele, président de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), et M. Jean-Louis Bal, directeur des énergies renouvelables, des réseaux et des marchés énergétiques ;

– M. Pierre-Marie Abadie, directeur de l’énergie, direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) ;

– M. André Antolini, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), M. Jean-Philippe Roudil, délégué général, M. Nicolas Wolff, administrateur du SER et président de France Énergie Éolienne, M. Jean-Pierre Cassin, vice-président, et M. Alexandre de Montesquiou, consultant ;

– M. Pâris Mouratoglou, président du conseil d’administration d’EDF-Énergies nouvelles, et M. David Corchia, directeur général ;

– M. Gilbert Ruelle, président de la commission « Énergie et changement climatique » de l’Académie des technologies ;

– M. Valéry Giscard d’Estaing ;

– M. Alain Liébard, président d’Observ’ER ;

– M. Jacques Pallas, maire de Saint-Georges-sur-Arnon et M. Raphaël Claustre, directeur du Comité de liaison énergies renouvelables (CLER) et administrateur du Réseau d’action climat (RAC) ;

– M. Pierre Bornard, vice-président et M. Stéphane Cossé, directeur adjoint chargé de la communication et des affaires publiques, Réseau de transport d’électricité (RTE) ;

– M. Jean-Pierre Huguet, président de l’association « Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu » (NENY) ;

– M. Kléber Rossillon, président de Patrimoine - Environnement - Fédération nationale des associations de sauvegarde des sites et ensembles monumentaux (FNASSEM), M. Jean-Pierre Hirsch, vice-président de la Ligue urbaine et rurale, et M. Philippe Toussaint, président des Vieilles maisons françaises (VMF) ;

– Mme Paule Albrecht, présidente de la société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF), M. François Bach, délégué SPPEF pour le Loir-et-Cher et membre du groupe de travail de la SPPEF sur les éoliennes "Paysages en péril", et M. Joël Retière-Lehideux, responsable du groupe de travail "Paysages en péril", membre du Conseil national du littoral ;

– M. Philippe Gouverneur, directeur de Enertrag ;

– Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale, ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État ;

– M. le professeur Claude-Henri Chouard, membre de l’Académie nationale de médecine ;

– M. Philippe Cochet, président de Alstom Wind et M. Jacques Beltran, directeur des affaires publiques d’Alstom ;

– M. Félix Debierre, general manager, et M. Sébastien Hita-Perona, senior business development manager, Areva Multibrid ;

– M. Frédéric Lanoë, président directeur général et M. Pierre Peysson, chef de projet, WPD offshore France ;

– M. Jean-Baptiste Séjourné, directeur délégué de la branche énergie France, directeur de la production d’électricité et président d’Erélia (filiale éolien), M. Pierre Parvex, directeur du pôle éolien à la branche énergie France, M. Alain Le Tirant, directeur en charge de l’éolien à la direction de la stratégie, et Mme Valérie Alain, directeur des relations institutionnelles, GDF Suez.

PERSONNALITÉS RENCONTRÉES AU DANEMARK

10 et 11 mars 2010

Ministre du climat et de l’énergie : Mme Lykke Friis.

Energinet (gestionnaire national du système de transport d’énergie du Danemark) :

– M. Torben Glar Nielsen, vice-président ;

– M. Peter Jørgensen, vice-président (développement du système électrique).

Vestas :

– M. Ditlev Engel, président directeur général ;

– M. Peter C. Brun, vice-président, chargé des relations gouvernementales ;

– Mme Emmanuelle Raoult, directrice des affaires publiques pour la Méditerranée ;

– M. Julien Bluteau, chargé d’affaires, Vestas France.

Ile de Samsø :

– M. Søren Hermansen, directeur de Samsø Energi Akademi.

Dong Energy (un des groupes énergétiques leader d’Europe du nord) :

– M. Thomas Dalsgaard, vice-président, analyse et stratégie ;

– M. Knud Pedersen, vice président, recherche et le développement ;

– M. Mads Rosenberg Pedersen;

– M. Jacques Feer.

Agence danoise de l’énergie :

– M. Anders Hasselager, senior policy advisor.

Autorités aéroportuaires danoises :

– M. Jeppesen.

Association danoise de l’industrie éolienne :

– Mme Hanne Jersild.

Rambøll Wind Energy :

– M. Søren Juel Petersen, directeur.

DHI group :

– M. Jørgen Erik Larsen, directeur de projet.

Ambassade du Danemark en France :

– Mme Ann Bouisset, chef de la section commerciale.

***

La mission a été reçue par Madame l’Ambassadrice de France, S.E. Bérengère Quincy.

***

1 () RTE : le bilan électrique français 2009

2 () Rapport Coe-Rexecode : « évaluation socio-économique du programme de production d’électricité éolienne et photovoltaïque »

3 () Commissariat général au développement durable, chiffres et statistiques, février 2010

4 () SOeS d’après ERDF et RTE

5 () RTE : bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France, édition 2009.

6 () Guide pratique de l’ADEME, les éoliennes

7 () Commissariat général au développement durable : chiffres et statistiques, tableau de bord éolien photovoltaïque, 4e trimestre 2009.

8 () France énergie éolienne.

9 () Observ’ER : « éoliennes » en 52 questions/réponses, 5e édition.

10 () RTE : bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande de l’électricité en France ; le bilan électrique français 2009

11 () Commissariat général du développement durable : Etude « filières vertes » : les filières industrielles stratégiques de la croissance verte ; la filière éolienne.

12 () Commissariat général du développement durable : Etude « filières vertes » : les filières industrielles stratégiques de la croissance verte : synthèse et axes stratégiques.

13 () Centre d’analyse stratégique : « le pari de l’éolien », novembre 2009

14 () ADEME et Vous ; Stratégies et études, n°22 du 1er décembre 2009 : « maîtrise de l’énergie et développement des énergies renouvelables : un marché en croissance continue malgré la crise économique ».

15 () Eurostat

16 () Global energy wind council (GWEC)

17 () GWEC

18 () GWEC

19 () GWEC

20 () EurObserv’ER 2009

21 () Commissariat général du développement durable : Etude « filières vertes » : les filières industrielles stratégiques de la croissance verte ; la filière éolienne.

22 () dont l’activité est basée sur l’achat, la production, la distribution, les échanges et la vente d’énergie et de produits lies à l’énergie en Europe du nord et dont le chiffres d’affaires s’élève à 5 milliards d’euros.

23 () GWEC

24 () Centre d’analyse stratégique : « le pari de l’éolien » - novembre 2009

25 () Observ’ER: « éoliennes » en 52 questions/réponses, 5e édition.

26 () Centre d’analyse stratégique : le pari éolien, novembre 2009.

27 () des différences méthodologiques de comptabilisation peuvent exister selon les pays.

28 Soit environ :

() 5c€ 

29 () 18 c€ à 34 c€

30 () Le représentant de la société d’ingénierie danoise Rambøll qui est intervenue sur plus de la moitié des parcs off shore actuellement en production dans le monde a précisé à la mission d’information que les coûts de construction, d’exploitation incluant la maintenance et un éventuel démantèlement étaient de 60 à 100 % plus lourds que pour les parcs terrestres, sans compter les coûts de transformation et de raccordement au réseau.

31 () M. Kléber Rossillon, également auditionné par la mission au titre de la « Fédération Patrimoine-Environnement » s’est prononcé en faveur d’une distance au moins égale à 30 km des côtes pour les implantations off shore.

32 () Facteur de charge = puissance produite/puissance installée

33 () RTE : bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France

34 () soit 2 300 / 8 760 (nombre d’heures dans une année) ; de ce fait,sous réserve d’un développement géographiquement équilibré, on estime que 20 000 MW d’éoliennes sont équivalents à 4 000 MW de moyens de production thermique.

35 () ADEME, « regard sur le Grenelle 2 »

36 () RTE : bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France, édition 2009

37 () Académie des technologies : dix questions à Gilbert Ruelle, l’éolien, une énergie du XXIe siècle ; janvier 2009.

38 () Observ’ER : « éoliennes » en 52 questions/réponses, 5e édition.

39 () Académie des technologies : dix questions à Gilbert Ruelle, l’éolien, une énergie du XXIe siècle ; janvier 2009.

40 () CRE : note relative au tarif d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent ; octobre 2009.

41 () Le dispatching est un lieu d’où l’on surveille et d’où l’on pilote le réseau électrique, à l’échelle régionale, (sept dispatchings) ou nationale (un seul). Sur un synoptique mural figurent les lignes et les postes de transformation de la zone à surveiller ; les dispatchers peuvent commander des automates et des appareils à haute tension dans des postes parfois situés à plusieurs dizaines de kilomètres.

42 () Pourcentages d’après les chiffres du bilan électrique 2009 de RTE.

43 () Agence pour l’énergie nucléaire (OCDE).

44 () ADEME : « dans l’air du temps, l’énergie éolienne », novembre 2009.

45 () Jacques Attali : « et si l’éolien n’était que du vent ? », l’Express, 8 décembre 2009

46 () ADEME, « dans l’air du temps, l’énergie éolienne », novembre 2009.

47 () ADEME : « guide de l’étude d’impact sur l’environnement des parcs éoliens ».

48 () Hauts des Ailes, Hauts des Ailes (extension) et Mont de Bézard

49 () page 2/7 du document de présentation de l’avis de l’AFSSET, en date du 27 mars 2008.

50 () « Éoliennes, un vent de révolte se lève », Le Monde Magazine du 28 novembre 2009.

51 () lettre ouverte de l’association « Haute-Visée-le-Beau-Doullens » du 11 février 2010..

52 () DIREN Picardie

53 () Observ’ER : « éoliennes en 52 questions/réponses ; 5e édition revue et actualisée.

54 () ADEME : «  Guide de l’étude d’impact sur l’environnement des parcs éoliens »

55 () « Évaluation des questions soulevées par les demandes de construction de fermes éoliennes », Daniel Burette, ingénieur général des Ponts et Chaussées, décembre 2004.

56 () « Les éoliennes », rapport du groupe de travail de l’Académie des Beaux-Arts.

57 () Institut Claude-Nicolas Ledoux : Colloque « y a-t-il une architecture industrielle contemporaine ? », les 6 et 7 mai 1999.

58 () Source : Association européenne de l’énergie éolienne (EWEA), conférence annuelle sur l’éolien off shore (Stockholm- septembre 2009)

59 () À ce jour, aucun groupe français n’a été retenu au titre des appels d’offres.

60 () La capacité des quelque 21 000 éoliennes terrestres actuellement en fonctionnement en Allemagne atteint déjà 25 800 MW.

61 () « A Visionary Danish Energy Policy » - janvier 2007

62 () Les certitudes du gouvernement danois sur la pertinence de son futur « mix énergétique » l’autorisent d’ailleurs à ne construire que 400 MW de nouvelles ressources thermiques à flamme sur la période 2015-2025.

63 () En tenant compte des quelque 4 500 MW raccordés au réseau au terme de l’année 2009.

64 () Source : Quotidien « Les Echos » du 16 février 2010.


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