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N° 2697

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er juillet 2010

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION (1)

Sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Jean-Louis Léonard,

Député.

——

La mission d’information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia est composée de : M. Maxime Bono, président ; MM. Dominique Caillaud, Didier Quentin, Philippe Plisson et Jean-Luc Préel, vice-présidents ; M. Jean-Louis Léonard, rapporteur ; MM. Jérôme Bignon, Louis Guédon, Frédéric Cuvillier et Dominique Souchet, secrétaires ; MM. Jacques Bascou, Jean-Claude Beaulieu, Mme Véronique Besse, M. Philippe Boënnec, Mmes Marie-Odile Bouillé, Françoise Branget, M. Jean-Michel Clément, Mme Claude Darciaux, MM. Jean-Pierre Decool, André Flajolet, Mme Pascale Got, MM. Michel Hunault, Christian Kert, Mme Marguerite Lamour, MM. Jean-Paul Lecoq, Jean-Marc Lefranc, Mme Jeanny Marc, MM. Jean-Marie Morisset, Christophe Priou, Jean Proriol, Mme Catherine Quéré, M. Jacques Remiller, Mme Marie-Line Reynaud et M. François de Rugy.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I.— UNE CATASTROPHE AUX CAUSES MULTIPLES 15

A.— LA CONJONCTION DE PHÉNOMÈNES PHYSIQUES EXCEPTIONNELS… 15

1. Une conjonction exceptionnelle du vent et de la marée… 18

2. …ne doit pas faire oublier les tempêtes dévastatrices du passé… 24

B.— …AGGRAVÉE PAR DES INSUFFISANCES MULTIPLES 28

1. Un système d’alerte globalement efficace, mais perfectible 28

a) les avis de Météo-France ont été largement diffusés 28

b) des secours globalement efficaces 30

2. Des dysfonctionnements auxquels il convient de remédier 31

a) les modalités de diffusion des messages d’alerte doivent être revues 32

b) le contenu des messages d’alerte doit davantage mentionner la submersion marine 33

c) le contenu des messages d’alerte doit être plus accessible aux autorités responsables des secours 34

d) la population doit être mieux mobilisée 35

e) les conditions de secours doivent être améliorées 37

3. Des documents d’urbanisme insuffisants : un empilement de documents hétéroclites, pas toujours complémentaires et parfois peu compatibles 38

4. Des plans de prévention des risques mal adaptés 40

a) un nombre trop restreint de PPR 42

b) des PPR aux formulations trop imprécises 42

c) l’aléa de référence : la pierre angulaire des PPR 43

II.— DES RÉPONSES PRÉCIPITÉES, INCOMPLÈTES ET PARFOIS ABSURDES 47

A.— UNE COMMANDE IMPOSSIBLE AU REGARD DES MOYENS MATÉRIELS ET HUMAINS ET DES DÉLAIS 47

B.— DES CRITÈRES NON PERTINENTS 48

1. Des consignes et des expressions incertaines 48

2. Les problèmes d’ajustement entre les critères retenus 51

3. Le caractère plus expéditif qu’itératif de la méthode 54

4. Des élus traités de façon méprisante et montrés du doigt par les services de l'État, des contradictions permanentes entre les discours et des pressions inadmissibles sur les propriétaires 56

5. L’incohérence dans la nature et la délimitation des zonages 57

6. Des risques juridiques majeurs et des discours contradictoires 60

III.— DES RESSOURCES INSUFFISANTES POUR LES INDEMNISATIONS 65

A.— XYNTHIA, UN COÛT ÉLEVÉ 65

B.— UNE BONNE RÉACTIVITÉ DES ASSURANCES 66

C.— DES MESURES DE RELOGEMENT D’URGENCE 67

D.— UN RÉGIME DES CATASTROPHES NATURELLES GLOBALEMENT ADAPTÉ MAIS DÉRESPONSABILISANT 67

1. Le régime des catastrophes naturelles, un régime adapté qui permet la solidarité 67

a) un système original et adapté… 68

b) … permettant aux assureurs de se réassurer avec la garantie de l’État 70

2. Un régime vulnérable et déresponsabilisant 72

E.— LES PREMIÈRES OFFRES DE FRANCE DOMAINE APPORTENT SATISFACTION MAIS RISQUENT DE CRÉER UN EFFET D’AUBAINE 73

F.— LE RÉGIME DES CATASTROPHES NATURELLES ET LE FONDS BARNIER PERMETTRONT-ILS DE FAIRE FACE AUX INDEMNISATIONS SANS DE NOUVELLES RECETTES ? 76

1. Le fonds Barnier joue un rôle fondamental 76

2. Un fonds insuffisamment doté 77

a) l’élargissement des interventions au cours des dernières années 77

b) des ressources insuffisantes 79

G.— DES INDEMNISATIONS DES PROFESSIONNELS BEAUCOUP TROP LENTES 80

1. Des aides pour tous les professionnels 80

a) la mobilisation du fonds national de garantie des calamités agricoles 81

b) la mise en œuvre du fonds d’allégement des charges (FAC) pour les agriculteurs 82

c) l’aide au redémarrage des exploitations des saliculteurs 83

d) le plan pour les aquaculteurs (conchyliculteurs et pisciculteurs) 83

e) l’indemnisation des entreprises commerciales, artisanales et de service 84

2. Des aides qui se font attendre, une situation difficile et des professionnels parfois mal informés 84

H.— DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS L’ATTENTE 87

1. Des aides ont été annoncées… 87

2. … mais les collectivités locales n’ont encore rien perçu 88

3. … et les dossiers s’enchevêtrent 87

IV.— L’EXIGENCE D’UNE AUTRE APPROCHE ET D’UNE AUTRE MÉTHODE 91

A.— RECONSTRUIRE ET ENTRETENIR LES DIGUES 91

1. Une réflexion sur l’aménagement du territoire, la question du retrait de certaines zones inondables 91

2. Pour une « gouvernance » des digues, avec une coordination nationale et une déclinaison locale 94

3. La nécessité d’un « plan digue » qui doit s’adapter aux situations locales 98

B.— AMÉLIORER L’ALERTE ET LES SECOURS 105

1. Une amélioration à prévoir au niveau local… 105

a) le développement du recours aux nouvelles technologies 105

b) la généralisation des documents sensibilisant la population aux risques 106

2. …comme au niveau national 108

3. La mise à l’abri de la population doit pouvoir être envisagée 109

C.— RENFORCER LA PRÉVENTION 110

1. Mettre fin à la multiplicité des acteurs 110

2. Inciter les assurances à jouer un rôle en matière de prévention 124

a) les dispositions actuelles n’encouragent pas suffisamment les comportements de prévention 125

b) plusieurs pistes nouvelles peuvent être explorées 127

c) le regroupement des différents acteurs doit être mis en œuvre 129

3. Prévoir des ressources supplémentaires pour le régime des catastrophes naturelles et pour le fonds Barnier 129

a) redéfinir le régime des catastrophes naturelles 129

b) consolider le fonds Barnier 130

c) faire participer les assureurs au financement du plan « digues » 131

4. Accroître le nombre des PPR 132

EXAMEN DU RAPPORT 135

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS 137

ANNEXES 141

– Documents 143

Dossier cartographique : Charente-Maritime ; Vendée 231

 Liste des personnes auditionnées et des personnes rencontrées lors des déplacements 255

– Comptes rendus des auditions 263

Audition de MM. Alain Ratier, directeur général adjoint de Météo France, et Jean-Marie Carrière, directeur de la prévision à Météo France 265

Audition de MM. Bernard Spitz, président de la Fédération française des sociétés d’assurance, Philippe Poijet, directeur des affaires juridiques et Frédéric Gudin du Pavillon, sous-directeur 271

Audition de MM. Thierry Masquelier, président directeur général de la Caisse centrale de réassurance (CCR), Pierre Michel, directeur général adjoint de la CCR, en charge du département Informatique, du département Catastrophes naturelles - Fonds publics et du département des Investissements, Laurent Montador, directeur du département Catastrophes naturelles - Fonds Publics de la CCR, et Patrick Bidan, directeur de la souscription Catastrophes naturelles en France de la CCR 278

Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Marc Sornin, président-directeur général de CRÉOCÉAN (société de services et de conseils en environnement maritime), accompagné de M. Patrice Walter, docteur en géologie maritime et de M. Georges Claverie, spécialiste d’hydrodynamique maritime et de modélisation 283

Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Ven, directeur du Centre d’études techniques maritimes et fluviales (CETMEF) 297

Audition, ouverte à la presse, audition de M. Paul Girod, président du Haut comité français pour la défense civile (HCFDC) et membre honoraire du Parlement, accompagné de M. Christian Sommade, délégué général du HCFDC 311

Audition, ouverte à la presse, de M. Yvon Bonnot, maire de Perros-Guirec, Président de l’Association nationale des élus du littoral (ANEL) 323

Audition de MM. François Gérard (Conseil général de l’environnement et du développement durable), Michel Rouzeau (Inspection générale de l’Administration) et Philippe Dumas (Inspection générale des Finances), membres de la mission interministérielle de retour d’expérience, d’évaluation et de proposition d’action à la suite de la tempête Xynthia 334

Audition ouverte à la presse, de M. Fernand Verger, géographe, professeur à l’École normale supérieure, membre du Conseil national du littoral 355

Audition, ouverte à la presse, de M. Patrice Parisé, directeur général de l’Institut géographique national (IGN), accompagné de M. Hervé Le Men, directeur de la maîtrise d’ouvrage déléguée du service public, et de M. Gilles Martinoty, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, chargé du programme Litto3D 367

Audition, ouverte à la presse, de M. Jérôme Bignon, président du conseil d’administration du Conservatoire du littoral, accompagné de M. Bruno Toison, responsable de la délégation « Centre-atlantique » 379

Audition, ouverte à la presse, de M. Gilles Bessero, directeur général du Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) 387

Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-François Rocchi, président du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), accompagné de Mme Nicole Lenôtre, MM. Rodrigo Pedreros et Manuel Garcin (département « risques naturels et sécurité du stockage du CO2 ») 398

Audition, ouverte à la presse, de M. André Bachoc, chef du service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (SCHAPI), accompagné de Mme Isabelle Leleu, chef de service adjointe et M. Bruno Janet (pôle « modélisation et hydrologie opérationnelle ») 412

Audition, ouverte à la presse, de M. Eric Doligé, sénateur, président du centre européen de prévention du risque « inondation » (CEPRI) 423

Audition, ouverte à la presse, de M. Laurent Michel, directeur général de la prévention des risques (DGPR), accompagné de Mme Anne-Marie Levraut, chef du service des risques naturels et hydrauliques 436

Audition, ouverte à la presse, de M. Raymond Léost, pilote du réseau juridique de France Nature Environnement (FNE), accompagné de Mme Morgane Piederrière, chargée des relations institutionnelles 453

Audition, ouverte à la presse, de M. Alain Ratier, directeur général adjoint de Météo France, accompagné de M. Patrick Chassagneux, responsable du département des missions institutionnelles 463

Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Louis Borloo, Ministre d’État, Ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer 471

– Liste des missions et rapports mentionnés dans le présent rapport 483

– Sigles 485

MESDAMES, MESSIEURS,

La France a été frappée les samedi 27 et dimanche 28 février 2010 par une violente tempête baptisée « Xynthia » (2) qui a plus particulièrement balayé une large bande du territoire de la Charente-Maritime aux Ardennes, provoquant au total la mort de 53 personnes (dont 29 pour le seul département de Vendée, plus particulièrement dans la commune de la Faute-sur-Mer) et des dégâts matériels très importants (3).

Cette tempête résulte d’une dépression au-dessus de l’Atlantique qui s’est intensifiée progressivement lors de son passage au niveau de l’île de Madère puis des côtes portugaises et de la concomitance d’une pleine mer de vives eaux et d’une surcote résultant de la force de la tempête.

Selon l’analyse conjointement réalisée par Météo-France et le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) après la catastrophe, cette conjonction est à l’origine d’un phénomène exceptionnel tant dans ses conséquences historiquement rarissimes que d’un strict point de vue météorologique mais toujours possible à cette période de l’année (4:

« Concomitance exceptionnelle d’une pleine mer de vives eaux et d’une surcote résultant d’une très forte tempête

D’un point de vue climatologique, la tempête Xynthia a eu lieu à une période de l’année classiquement agitée par des phénomènes de ce type. Bien qu’elle n’ait pas atteint le caractère exceptionnel des tempêtes Lothar et Martin de décembre 1999 et Klaus de janvier 2009, son impact sur l’élévation du niveau de la mer s’est trouvé amplifié par la concomitance de deux facteurs :

– d’une part, cette tempête est intervenue au moment des grandes marées des vives eaux d’équinoxe qui, sans être exceptionnelles, étaient néanmoins importantes, avec un coefficient de marée de 102 pour un maximum de 120 pour les plus hautes marées astronomiques. Ces marées de vives eaux se traduisent par des hauteurs d’eau de pleine mer importantes.

– d’autre part, la tempête, du fait de sa trajectoire et de sa chronologie a produit des surcotes maximales à l’heure de pleine mer sur le littoral de Vendée et de Charente-Maritime.

Cette concomitance a en effet conditionné en partie l’ampleur du phénomène : le paroxysme de la surcote météorologique s’est superposé au maximum de la marée prédite, conduisant à des hauteurs d’eau de niveau exceptionnel, comme le montre l’analyse a posteriori des observations des marégraphes du SHOM.

Cette concomitance est en soi un événement très peu probable. En effet, il n’existe en moyenne que 25 jours par an pour lesquels les marées ont un coefficient supérieur à 100 et, pour chacune de ces marées, la hauteur d’eau prédite n’est proche de ou égale à la pleine mer que dans un créneau de l’ordre de 1 à 2 heures, et c’est dans l’un de ces créneaux qu’une tempête doit créer une surcote importante pour créer un risque de submersion. »

Lors de sa première audition devant la mission, M. Alain Ratier, directeur général adjoint de Météo France a toutefois indiqué qu’ « … une telle manifestation se constate, en France, sur des périodes de cinq à dix ans ». Cependant, la conjonction de tels phénomènes n’implique pas automatiquement des effets aussi dévastateurs que ceux constatés après le passage de Xynthia, un événement que d’aucuns considèrent centennal.

Si la tempête Xynthia n’a d’ailleurs pas atteint l’intensité des tempêtes de la fin du mois de décembre 1999 en termes de vitesse de vent, elle a engendré des phénomènes de submersion exceptionnels sur les côtes de la Charente-Maritime et de la Vendée, les deux départements les plus durement frappés et ce que révèle le nombre de victimes.

Alors que les avis de Météo France ont été émis dans des délais acceptables (les premières prévisions de surcote au large ayant été formulées dès le vendredi 26 avril à 21 h 30), l’intensité et les probables localisations des submersions n’ont pu être suffisamment précisées. S’agissant du déclenchement de l’alerte, la mission d’information n’a pas constaté de faiblesses dans la mobilisation des acteurs, même s’il reste à améliorer sensiblement leur capacité à réceptionner et à interpréter les avis de prévision météorologique dont la rédaction reste perfectible pour adapter au mieux les dispositifs de prévention immédiate puis d’intervention.

La tempête  Xynthia a également frappé les départements de la Gironde et de la Loire-Atlantique dont une partie des communes ont également été reconnues en état de catastrophe naturelle de même que des communes de la Manche, du Calvados, des Côtes d’Armor et du Finistère, sans oublier des points hauts du massif pyrénéen qui ont subi les effets du déferlement de vents puissants.

Au cours de ses déplacements dans les deux départements les plus durement touchés où elle a rencontré les élus, les représentants des victimes, des responsables socio-économiques et les administrations concernées, la mission d’information a constaté la grande dignité des populations et le dévouement des élus qui ont pu compter sur une organisation efficace des secours. La brutalité de l’événement explique un bilan cependant très lourd, le plus élevé depuis la « tempête du siècle » de décembre 1999.

La mission a souhaité accomplir un travail de réflexion prospective. Elle a récusé toute mise en cause personnelle au sein des pouvoirs publics comme des organismes ou institutions chargés de la prévention ou de la prévision.

Ses membres ont parfaitement conscience de l’indécence dont relèverait tout esprit polémique sur un tel sujet.

Il revient néanmoins à la mission d’information de tirer des conclusions au titre d’une indispensable analyse de retour d’expérience. La politique concernant les zones littorales du territoire dont l’attractivité se traduit par une croissance démographique soutenue mais en rapport avec un dynamisme économique et touristique, appelle un point d’étape et d’évaluation sur plusieurs thèmes essentiels.

Plus de 25 ans après l’adoption de la loi « littoral » qui précisément cherchait à concilier la préservation des espaces naturels et la mise en valeur des zones côtières sans toutefois en tirer toutes les conséquences sur les impacts dans les arrière-pays, il reste à s’interroger sur des insuffisances de prise en compte de certaines orientations ou mesures qui, au regard d’événements climatiques majeurs, ne sont pas neutres quant à la sécurité des personnes et des biens. À titre d’exemple, la mission d’information a été amenée à s’interroger sur la pertinence de la gestion par les pouvoirs publics du dossier des digues. En effet, l’ensemble des ouvrages de défense contre la mer qui constitue un dispositif complexe, souvent hérité d’un lointain passé, fait l’objet d’un encadrement juridique et administratif confus qui explique sans doute des négligences ou des carences.

Il apparaît nécessaire en considérant le respect dû aux victimes et aux familles, de ne pas éluder les conséquences du passage de Xynthia sur notre territoire. Un regard rétrospectif révèle que l’oubli a trop fréquemment suivi des catastrophes comparables dans un mélange de fatalisme et d’occultation des problèmes au long des années.

Cette perte de mémoire collective avait d’ailleurs été déjà mentionnée par la Cour des comptes dans la partie de son rapport annuel de 1999 consacrée à la prévention des inondations en France.

Dix ans plus tard, dans un développement de son rapport annuel de 2009 sur la gestion par l’État des risques naturels, la Cour de comptes constatait que de réels progrès restaient à accomplir notamment dans la politique de prévention des inondations, en partie du fait d’une organisation administrative résultant d’une multiplicité de textes (généralement réglementaires) peu suivis d’effets et du grand nombres d’acteurs impliqués à des degrés divers. Même si elle a porté plus spécialement son regard sur les risques liés aux inondations fluviales et non à la submersion des zones littorales, force est de constater que la Cour des comptes a été une des rares institutions à appeler de ses vœux et dans la durée, une clarification de la doctrine de prévention et d’action de l’État. La mission tenait à souligner ce fait. Sa réflexion reprend ou croise donc, pour partie, certaines des observations de la Cour. Elle a également tenu à considérer la question essentielle des moyens budgétaires dévolus à la prévention, c'est-à-dire leur montant à programmer à long terme mais aussi leur efficacité d’emploi et plus particulièrement l’effet d’entraînement auprès des autres acteurs qu’il serait souhaitable de conférer à tout effort financier de l’État et des collectivités territoriales.

Il convient aussi de ne pas oublier que les populations victimes de « Xynthia » ont connu un véritable traumatisme. La gestion post-catastrophe par les pouvoirs publics ne semble pas avoir tenu compte de ce choc en menant « au pas de charge » et de façon discutable une opération de délimitation des zones considérées comme présentant un danger extrême, quasi immédiatement après la catastrophe alors que les populations concernées et leurs élus se relevaient difficilement de l’épreuve. Une communication confuse et parfois même brutale sur les « zones noires » présentées comme exigeant le déplacement à court terme des habitants (l’administration emploie le terme de « délocalisation »), donc des destructions massives, a suscité le désarroi, l’angoisse et souvent la colère.

Sur ce point, la mission d’information a considéré nécessaire de rectifier certains faits, en examinant la chronologie d’une telle opération, les critères d’appréciation et la méthode de travail des administrations impliquées. Ses déplacements en Charente-Maritime, les 27 et 28 mai, puis en Vendée, les 10 et 11 juin, lui permettent d’exprimer d’indispensables atténuations voire des remises en cause par rapport à des attitudes caractérisées par la précipitation et des approximations dans l’analyse de situations toutes particulières dans chacune des communes, ou plus exactement, des parties de communes concernées.

En complément de ces déplacements, la mission a procédé à l’Assemblée nationale à 19 auditions pendant une durée de 10 semaines dans le souci de rendre dans les meilleurs délais ses conclusions et ses propositions.

I.— UNE CATASTROPHE AUX CAUSES MULTIPLES (5)

Selon Météo France, la tempête Xynthia survenue les 27 et 28 février 2010 est due à une dépression aux basses latitudes au-dessus de l’Atlantique qui s’est intensifiée progressivement lors de son passage au niveau de l’île de Madère puis des côtes portugaises. Elle a atteint les côtes françaises dans la nuit du 27 au 28 février avant de poursuivre sa route en direction du nord-est. D’autres pays comme le Portugal, l’Espagne, le Luxembourg, la Belgique ou l’Allemagne ont eux aussi été touchés.

A.— LA CONJONCTION DE PHÉNOMÈNES PHYSIQUES EXCEPTIONNELS…

Source : Champs de vent (données GFS issues de la NOAA1, les données des modèles Météo-France n’étant pas disponibles) à 4 h heure locale

La principale zone de vent fort a traversé la France entre 0 h et 17 heures le 28, selon un axe orienté sud-ouest/nord-est, de la Charente-Maritime aux Ardennes. Les sommets et certaines vallées des Pyrénées ont été également affectés dès l’après midi du 27.

La zone de formation – en plein cœur de l’Atlantique, près du tropique du cancer – et la trajectoire de Xynthia sont atypiques : il est rare que des dépressions atlantiques se développent à des latitudes aussi basses et évoluent en tempête en remontant vers l’Europe de l’Ouest.

En revanche, le creusement de Xynthia est « classique » pour une dépression hivernale, et moins rapide que celui des tempêtes de décembre 1999 : Xynthia ne peut être qualifiée de « tempête explosive ».

Si les rafales de vent les plus fortes ont touché une large bande allant des quatre départements classés en vigilance rouge (Vendée, Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Vienne) aux Ardennes :

– Xynthia a traversé le pays assez rapidement et sa durée d’action a donc été moindre ;

– les valeurs maximales de vent relevées en plaine, de 160 km/h sur le littoral et 120 km/h dans l’intérieur des terres, avec localement 130 km/h, sont sensiblement inférieures à celles enregistrées lors des tempêtes de 1999 et 2009, près de 200 km/h sur le littoral à 150 à 160 km/h dans l’intérieur des terres.

Vent maximal instantané observé lors du passage de Xynthia sur le littoral de Vendée et de Charente – Maritime, à La Rochelle, au Château d’Olonne et Sainte Gemme-la-Plaine.

Source : Météo-France

1. Une conjonction exceptionnelle du vent et de la marée…

Si Xynthia n’atteint pas l’intensité des tempêtes de décembre 1999 en termes de vitesses maximales instantanées de vent, elle a pourtant été à l’origine de phénomènes de submersion et d’érosion exceptionnels sur les côtes vendéennes et en Charente-Maritime notamment. Le passage de la tempête a, en effet, coïncidé avec une marée haute de coefficient 102 et des fortes houles comprises entre 6 à 7 m. Le niveau de marée prédit par le SHOM était de 4,55 m. Le niveau maximum enregistré par le marégraphe d’Eyrac est de 5,46 m avec une surcote de 0,90 m.

Les mécanismes à l’origine de la submersion marine sont aujourd’hui bien connus. L’arrivée d’un important système dépressionnaire s’accompagne d’une élévation du niveau marin selon trois principaux processus :

– la chute de pression atmosphérique entraîne une surélévation du niveau du plan d’eau. Une diminution d’un hectopascal équivaut approximativement à une élévation d’un centimètre du plan d’eau. Dans le cas de Xynthia, la pression a chuté d’environ vingt hectopascals en l’espace de 24 h ;

– le vent exerce une contrainte à la surface de l’eau générant une modification du plan d’eau (surcote ou décote) et des courants ;

– à l’approche des côtes, les vagues créées par la tempête déferlent. Elles transfèrent alors leur énergie sur la colonne d’eau, ce qui provoque une surélévation moyenne du niveau de la mer (le « wave setup » ou surcote liée aux vagues), pouvant s’élever à plusieurs dizaines de centimètres.

On appelle « surcote atmosphérique » l’élévation du niveau d’eau causée par les deux premiers mécanismes. Le niveau moyen de la mer lors d’une tempête résulte de l’ensemble de ces contributions avec celle de la marée. Pour obtenir le niveau maximal atteint par la mer, il faut aussi tenir compte du jet de rive (« swash »), c’est-à-dire le flux et le reflux des vagues. La conjugaison de ces différents phénomènes provoque des submersions marines. L’action de la houle contribue par ailleurs à l’érosion du trait de côte, par arrachement de matériel sableux notamment aux plages et aux cordons dunaires.

Source : SHOM

Observation des hauteurs d’eau (en bleu) et estimation des surcotes (en rouge) à La Rochelle et Saint-Nazaire. Les estimations des surcotes sont déduites des observations par soustraction de la hauteur d’eau de la marée prédite (en vert). À La Rochelle, on remarque le phasage remarquable entre la pleine mer et un pic se surcote très marqué.

HAUTEURS D’EAU OBSERVÉES ET SURCOTES
LORS DU PASSAGE DE LA TEMPÊTE XYNTHIA

Source : SHOM

1 Différence entre la hauteur d'eau observée et la hauteur de marée prédite.

2 Par rapport au zéro hydrographique.

3 Pas de donnés de plus de 150 ans de mesures

Les observations, prévisions et les surcotes à La Rochelle sont présentées ci-dessus. La surcote de pleine mer (1,53 m) est particulièrement importante. Cette surcote n’a jamais été observée depuis que le marégraphe a été installé en 1997. Elle est plus importante que la plus grande surcote jamais observée à Brest, où l’on dispose de plus de 150 ans de mesures. Le niveau atteint à La Rochelle est de 8,01 m. À titre de comparaison, le niveau atteint lors de la tempête de 1999 était de 6,76 m. L’analyse des observations permet d’estimer les périodes de retour associées aux niveaux extrêmes atteints. À La Rochelle, les Sables-d’Olonne et Saint-Nazaire, ces périodes de retour sont estimées à plus de 100 ans.

Cette concomitance est en soi un événement très peu probable. En effet, il n’existe en moyenne que 25 jours par an pour lesquels les marées ont un coefficient supérieur à 100, et pour chacune de ces marées, la hauteur d’eau prédite n’est proche de ou égale à la pleine mer que dans un créneau de l’ordre de 1 à 2 heures, et c’est dans l’un de ces créneaux qu’une tempête doit créer une surcote importante pour créer un risque de submersion.

De son côté, M. Alain Ratier, directeur général adjoint de Météo France, a indiqué à la mission d’information que Xynthia ne présentait pas un caractère exceptionnel du point de vue météorologique : une telle manifestation se constate, en France, sur des périodes de cinq à dix ans. Les rafales de vent maximales étaient voisines de 160 km/h et l’impact du niveau de la mer se traduisait par des vagues de 6 à 7 mètres au large et une surcote de 1 mètre à 1,5 mètre sur le littoral.

C’est le « phasage » d’une marée d’un coefficient de 102 avec cette surcote qui a déterminé le phénomène particulier à Xynthia donc ses conséquences les plus lourdes. La hauteur d’eau relevée à La Pallice, par exemple, présentait bien un caractère centennal.

L’évolution de la tempête Xynthia était suivie grâce aux satellites et aux modèles de prévision depuis sa formation au large du Maroc, en milieu de semaine, mais les incertitudes associées à la prévision à des échéances supérieures à 3 jours ne permettaient pas de préciser avec assez de finesse et de confiance l’intensité des vents maximaux, la chronologie et la trajectoire du phénomène à l’approche du littoral et sur le territoire national.

À partir du 26 février, les prévisionnistes de Météo-France avaient toutefois acquis la certitude que la tempête allait garder une intensité remarquable en touchant le pays dans la nuit du 27 au 28 février. L’établissement émettait alors un communiqué de presse avant le week-end, le vendredi 26 février vers 14 h 30, pour attirer l’attention sur cet événement.

En cours de matinée du 27, l’incertitude sur la prévision devenait suffisamment réduite pour préciser le scénario chronologique, la trajectoire et les valeurs estimées des vents maximaux attendus. La carte ci-après montre une des prévisions sur lesquelles les prévisionnistes se sont basés le 27 pour décider de l’activation du niveau rouge de la vigilance.

Les valeurs de vent observées se sont révélées conformes aux prévisions, notamment sur les quatre départements placés en vigilance rouge où elles indiquaient des valeurs atteignant de façon généralisée 130 km/h dans l’intérieur des terres et dépassant 150 km/h sur le littoral.

Source : SHOM

Prévision du 27 février 2010 à 00 h de la direction significative des vagues au large pour le 28 février 2010 à 3 heures universal time coordinated (UTC).

On nota au large de l’estuaire de la Gironde un maximum prévu à 7,8 m. Il s’agit là de la hauteur significative des vagues, une grandeur statistique qui correspond à la hauteur moyenne du tiers des vagues les plus hautes. Dans la pratique, des vagues individuelles peuvent atteindre des hauteurs supérieures.

Dès le 26 février à la mi-journée, une liaison renforcée était mise en place au niveau régional entre les directions interrégionales de Météo-France et les Centres opérationnels de zone (COZ), appuyée par des bulletins spéciaux rédigés à leur intention et doublés de l’activation de sites extranet dédiés aux COZ (un site pour chacun des sept COZ) et contenant les informations utiles : bulletins, images radar… Le bulletin pour le COZ Sud-Ouest a été rédigé le 26 à 13 heures L’action de soutien aux préfectures de département était à partir de ce moment coordonnée par les Directions Interrégionales de Météo-France. Au niveau national, la liaison continue entre le Centre National de Prévision de Météo-France et le Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) permettait de tenir le COGIC informé en continu de l’évolution de la situation. Le bulletin COGIC du 26 février mentionnait notamment : « Dans la nuit de samedi à dimanche, les vents de sud à sud-ouest se renforceront pour devenir violents sur une grande partie du pays. Une tempête circulera du centre-ouest dimanche matin vers le quart nord-est à la mi-journée : rafales probables de 100 à 120 km/h, temporairement 120 à 140 km/h sur le littoral du centre-ouest. » Le communiqué de presse émis le vendredi 26 février vers 14 h 30 constituait le premier avertissement de portée nationale destiné aux médias et au public sur l’arrivée prévue d’un phénomène exceptionnel.

Dès la publication de ce communiqué, Météo-France activait son dispositif interne de gestion de crise avec une cellule de niveau national, au Centre National de Prévision de Toulouse et à la Direction Générale, assistée par des cellules des Directions interrégionales concernées par l’événement. Ces directions interrégionales de Météo-France prenaient toutes les dispositions pour appuyer la gestion de crise placée sous l’autorité des préfets des zones de défense et des départements.

Compte tenu des prévisions de fortes vagues fortes et surcotes importantes, et du risque de concomitance avec la pleine mer d’une marée à fort coefficient, Météo-France émettait plusieurs avis de très fortes vagues (ATFV) en direction des autorités : COGIC, cellule ministérielle de veille opérationnelle et d’alerte (CMVOA), service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévention des inondations (SCHAPI), Centres Opérationnels de zone de défense, Services de prévision des crues et préfectures, le samedi 27 en début de matinée.

La coordination nationale, avec des rendez-vous planifiés en téléconférence, était organisée avec les cellules de crise de la Sécurité Civile (COGIC) et celles des grands opérateurs nationaux : réseau transport d’électricité (RTE), électricité réseau distribution France (ERDF), le centre national d’information routière (CNIR), la direction générale de l’aviation civile (DGAC), et la SNCF, pour suivre l’évolution de la situation et permettre les prises de décision. Les téléconférences internes entre le Centre National de Météo-France et ses Directions Interrégionales permettaient également de cibler au mieux l’action des Directions Interrégionales en direction des opérateurs régionaux (délégations régionales d’ERDF, de la SNCF,…), de façon cohérente avec la coordination nationale.

Le samedi 27 février, les prévisions météorologiques alarmantes étant confirmées et vérifiées, avec des précisions sur la trajectoire de la dépression, la décision de placer 4 départements en vigilance rouge – le niveau maximal de vigilance météorologique – était prise en début d’après-midi. Le COGIC était informé de cette décision à 14 h 30, ainsi que les COZ. La carte de vigilance correspondante était publiée à 16 heures.

Les bulletins nationaux et régionaux associés à cette mise en vigilance caractérisaient la tempête et, reprenant les éléments diffusés par les Avis de Très Fortes Vagues (ATFV) en les actualisant, identifiaient l'aléa vagues et surcotes associé à la tempête, ainsi que le risque de submersion de certaines parties du littoral, lié à la conjugaison avec la pleine mer d’une marée de fort coefficient. Ces risques étaient signalés par des ajouts spécifiques aux rubriques « conséquences possibles » et « conseils de comportement » sans qu’il ait été possible d’apprécier le niveau de risque lié à la vulnérabilité des zones sinistrées de Vendée et en Charente-Maritime. Les bulletins régionaux de suivi de la vigilance précisaient que des inondations importantes étaient à craindre aux abords des estuaires en période de marée haute, confirmant ainsi les avis de fortes vagues diffusés dès le samedi 27 au matin.

Les directions interrégionales de Météo-France concernées prenaient toutes les dispositions pour appuyer la gestion de crise placée sous l’autorité des préfets des zones de défense et des départements concernés.

La sortie de vigilance rouge était décidée le 28 février à 8 h 15, en maintenant toutefois un grand nombre de départements en orange. Les levées de vigilance orange furent opérées progressivement, au fur et à mesure de la diminution du niveau des intempéries et des risques associés.

2. …ne doit pas faire oublier les tempêtes dévastatrices du passé…

Dans l’ouvrage l’Anse de l’Aiguillon (6), M. Fernand Verger, géographe, rappelle que : « Le 16 novembre 1940, lors d’une marée de coefficient 88, la mer a franchi de très nombreuses digues sur le front de mer et même à l’intérieur des terres, dans les communes de Saint-Michel-en-l’Herm, de l’Aiguillon-sur-Mer, de Champagné-les-Marais et de Triaize. Plus récemment, lors de la tempête du 27 décembre 1999, lors d’une marée de coefficient 77 seulement, la mer a franchi des digues comme celle de la rive droite de la Sève, ce qui entraîné l’inondation de la ferme de la Prée Mizottière ».

Sur son site Internet, Météo-France considère que : « Du point de vue météorologique, la tempête Xynthia, de taille et d’intensité peu communes, n’a pas atteint pour autant le caractère exceptionnel des tempêtes Lothar et Martin de décembre 1999, ni celui de Klaus de janvier 2009.

Les rafales maximales relevées, de 160 km/h sur le littoral et de 120 km/h à 130 km/h dans l’intérieur des terres, sont inférieures à celles enregistrées lors des événements de 1999 et 2009, où l’on relevait près de 200 km/h sur le littoral et 150 à 160 km/h dans l’intérieur des terres.

De même, Xynthia ne peut être qualifiée de « tempête explosive » : son creusement (une diminution de 20 hPa en plus de 24 heures) est « classique » pour une dépression hivernale. Lors des tempêtes de décembre 1999, la pression avait chuté de 32 hPa sur le même laps de temps ».

TROIS TEMPÊTES REMARQUABLES

 

Lothar
25 décembre 1999

Martin
26 décembre 1999

Klaus
23/25 janvier 2009

Zones concernées

Moitié nord de la France

Moitié sud de la France

Sud-ouest de la France partie du Languedoc-Roussillon et Poitou-Charentes

Vitesse maximale des vents

Paris : 173 k/h

Île d’Oléron : 198 km/h

Formiguères : 193 km/H

Nombre de victimes en France

24

27

12

Montant des dommages

4,4 milliards d’euros

2,4 milliards d’euros

1,4 milliard d’euros

Les tempêtes Lothar et Martin sont à l’origine de 45 millions de m3 de chablis (nom donné à la chute naturelle d’un arbre) sur un stock global d’environ 2 milliards de m3 ; 3,5 millions de foyers ont été privés d’électricité.

En ce qui concerne la tempête Klaus, elle a détruit plus de 60 % de la surface boisée de la région, soit près de 300 000 hectares (37 millions de m3 abattus) ; 1 500 km de voies ferrées ont été endommagées ; 1,7 million de foyers ont été privés d’électricité pendant la tempête, plusieurs dizaines de milliers pendant plus d’une semaine ; des milliers de foyers ont été privés d’eau potable et de téléphone pendant plusieurs jours.

Au sujet de la tempête Klaus, on peut lire sur le site de Météo-France que :

« Son intensité, exceptionnelle, était comparable à celle des deux tempêtes de décembre 1999. Les vents ont en effet atteint des niveaux comparables à ceux de la deuxième tempête de décembre 1999 qui avait frappé le sud du pays, et au cours de laquelle des rafales de 175 à 198 km/h avaient été observées à Saint-Denis d’Oléron.

Le 24 janvier 2009, les rafales ont fréquemment et largement dépassé (130 km/h dans l’intérieur des terres : 161 km/h à Bordeaux, 150 km/h à Saint-Félix du Lauragais). Elles ont approché 170 km/h sur les côtes Atlantiques et dépassé 190 km/h sur le littoral Méditerranéen de l’Aude et des Pyrénées Orientales. Localement, de nombreux records ont été battus. »

Source : Météo France

Source : Météo France

Il semble que, sur le plan de la prévision, une des leçons à tirer de la tempête Xynthia est que, même si la détermination de la périodicité des événements climatiques exceptionnels revêt des aspects aléatoires, il faut considérer que ceux-ci demeurent prévisibles. Ainsi, M. Fernand Verger a pu dire devant la mission d’information que : « De tels événements sont prévisibles ; nous devons donc nous y attendre et nous en préoccuper ». S’agissant du risque de submersion particulièrement, il n’appartient pas à la mission de porter un jugement sur une éventuelle montée du niveau des océans résultant du réchauffement climatique, il peut cependant être observé que plusieurs interlocuteurs ont considéré qu’il s’agissait là d’un paramètre devant être pris en compte à l’avenir.

B.— …AGGRAVÉE PAR DES INSUFFISANCES MULTIPLES

1. Un système d’alerte globalement efficace, mais perfectible

a) les avis de Météo-France ont été largement diffusés

Un premier avis de très fortes vagues (ATFV) a été diffusé le 27 février à 8 heures pour la zone « Charente, côte Gironde, côtes Landes, côte basque », avis de fortes vagues numéro 8, du dimanche 28 février à 0h au dimanche 28 février à 13h. Les conséquences prévues sont « la conjugaison de ces différents facteurs engendrera de fortes vagues déferlant sur le littoral et une élévation temporaire du niveau de la mer, pouvant submerger certaines parties du littoral ».

Un autre ATFV du samedi 27 février 9h, pour la zone allant de l’estuaire de la Loire à l’anse de l’Aiguillon, mentionne de très fortes vagues et une surcote de 80 cm à 1 m sur le littoral, du samedi 27 février à 19 heures au dimanche 28 à 12 heures Il indique que « la conjugaison de ces différents facteurs engendrera de fortes vagues déferlant sur le littoral, et une élévation temporaire du niveau de la mer, pouvant submerger certaines parties du littoral ».

Le Bulletin National de Suivi de Vigilance du 27 février à 16 heures annonce le passage en vigilance rouge pour la Vendée, la Vienne, les Deux Sèvres et la Charente-Maritime, prévoyant un vent violent du samedi 27 février à 19 heures au lundi 1er mars à 7 heures. Le Bulletin annonce également un début de suivi pour le Doubs et le Jura et un maintien de suivi pour 66 départements. L’événement est qualifié de « tempête d’une ampleur et d’une intensité peu communes qui nécessite une vigilance particulière, même si cette tempête devrait être moins forte que celles de décembre 1999 ». Le Bulletin comporte des informations très détaillées sur le vent prévu, précisant que pour les quatre départements en vigilance rouge, on attend des rafales de vent « jusqu’à 150 km/h sur le littoral ». Il indique également que « la conjugaison de la surcote liée à la dépression et de la marée haute en deuxième partie de nuit pourra occasionner une élévation temporaire du niveau de la mer, pouvant submerger certaines parties littorales, de fortes vagues sont attendues sur le littoral ». Le Bulletin conclut par des conseils de comportement, parmi lesquels « restez chez vous, évitez toute activité extérieure ».

Le Bulletin Régional Sud Ouest de Suivi de Vigilance du 27 février à 16 heures (pour les Deux-Sèvres, la Vienne et la Charente-Maritime) indique que des rafales pourront atteindre, voire dépasser les 150 km/h sur le littoral, que « des inondations importantes peuvent être à craindre aux abords des estuaires en période de marée haute » et que « la conjonction avec la marée haute de fort coefficient (102) et le phénomène de surcote (localement plus d’un mètre) engendré par les vents forts et les pressions basses favorisera une élévation temporaire du niveau de la mer pouvant submerger certaines parties du littoral » et recommande, en particulier, « restez chez vous ». Le Bulletin Régional Sud Ouest de Suivi de Vigilance du 27 février à 16 heures (pour la Vendée) mentionne également le phénomène de surcote de l’ordre d’un mètre le long du littoral des Pays de la Loire et formule le même conseil.

Ces bulletins sont le premier maillon d’une chaîne d’informations. Ils donnent des informations sur l’aléa et les conséquences susceptibles d’être attendues en terme d’impact sur le littoral : « un avis de tempête très violente est annoncé, susceptible de perturber, de façon très importante, les activités humaines et la vie économique pendant plusieurs jours ; des dégâts très importants sont à attendre ; les conditions de circulation routière peuvent être rendues très difficiles et des perturbations importantes peuvent affecter les transports… ». Ces documents sont destinés au COGIC, aux centres opérationnels de zone de défense qui les rediffusent vers les préfectures et services de sécurité civile ; ils sont adressés également directement aux préfectures, mais pas aux communes, celles-ci étant averties par les préfectures. Parallèlement, le site Internet de Météo-France comporte des cartes de vigilance et des conseils ; Météo-France a également des répondeurs téléphoniques qui se situent dans le champ concurrentiel.

Au-delà, Météo-France se met à la disposition des préfets en qualité de soutien aux cellules de crise dans le cadre des centres d’opération zonal (COZ) d’une zone de défense, vers lequel convergent les informations en provenance des départements. Comme le précise M. Alain Ratier, « une fois la vigilance « rouge » enclenchée, Météo-France reste responsable des avertissements produits par ses soins mais n’intervient auprès des autorités responsables qu’au titre d’une aide à la décision ». Cependant, Météo-France contacte les préfectures bien en amont par des pré-alertes. Le passage à l’alerte rouge n’est effectif que lorsqu’il est certain qu’il ne s’agit pas d’une fausse alerte.

D’après les informations fournies à la mission, les informations ont bien été relayées.

Le préfet de Charente-Maritime a indiqué avoir répercuté l’alerte orange dès le 25 février, par automates aux maires concernés ; il leur a communiqué le 26 février avant 16 heures la prévision de surcote et la carte des zones submersibles le 27 février, à 7 h 35 et 7 h 40 les services de la défense civile et la direction des territoires et de la mer ont été d’astreinte et l’ensemble des services mobilisés. À 14 h 30, les bulletins de Météo-France sont passés en vigilance rouge et les maires ont commencé d’être alertés à 17 heures : un contact par téléphone avec chacun d’entre eux a eu lieu à partir de 18 heures.

Le préfet de Vendée envoyé cinq messages d’alerte à chaque maire le 27 février par plusieurs moyens de communication (automate vocal, mails et fax) ; le même jour, il a réuni une cellule de crise à 22 heures et une cellule opérationnelle a été installée à minuit.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports et président du conseil général de Charente-Maritime a déclaré à la mission que l’ensemble des communes du littoral ainsi que le conseil général avaient reçu par fax le vendredi 26 février à 15 h 35 un bulletin d’alerte météorologique, relayé par la préfecture, avec une prévision de surcote de 50 à 70 cm pour le dimanche 2010. Le conseil général a été informé le samedi 27 qu’une réunion de crise allait être organisée à la préfecture et une cellule de crise mise en place. Deux réunions se sont en fait tenues, à 18 h 30 et à 22 h 30. En outre, le conseil général a pu mobiliser les entreprises avec lesquelles il avait un marché pour intervenir sur les digues dès le dimanche matin et des équipes d’astreinte de la direction des infrastructures ont été renforcées.

Les maires rencontrés par la mission ont confirmé avoir reçu un message. Le maire de Charron a indiqué avoir reçu le 26 février un message d’un automate mentionnant le risque de surcote, puis un message le samedi à 17 h 45 de la part du cabinet du préfet. La maire de Aytré a eu un message de la préfecture à 17 heures lui signalant une tempête supérieure à celle de 1999 avec submersion. Un maire de l’Île de Ré a jugé l’alerte satisfaisante.

b) des secours globalement efficaces

Dans son discours du 16 mars à La Roche-sur-Yon, le président de la République a tenu à rendre hommage à tous ceux qui ont pris part aux opérations de secours. Ainsi que l’a rappelé M. Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, le dispositif de sécurité civile mis en œuvre pendant la tempête a été d’une « efficacité exemplaire ». Un maire rencontré par la mission s’est félicité de la qualité des secours et a salué « la France généreuse, active, disciplinée ».

An niveau central, des mesures préparatoires ont été prises en amont : le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises a été activé dans sa configuration élargie, une conférence audio s’est tenue immédiatement avec les services de l’État et les grands opérateurs de réseaux, les préfectures et les centres d’incendie et de secours mis en alerte et les moyens de la sécurité civile au plus près des zones susceptibles d’être touchées.

Quelque 1 800 personnels de secours ont été mobilisés, 8 hélicoptères de la sécurité civile, avec des pilotes formés à l’hélitreuillage et à l’emploi d’appareils de vision nocturne, et 60 pompes d’une capacité d’épuisement de 26 000 m3/h déployés.

En Charente-Maritime, 900 pompiers ont été mobilisés, ainsi que des unités de la sécurité civile pour parer au risque d’interruption des voies de communication, une aide psychologique a été dispensée par des associations pilotées par l’hôpital de La Rochelle. Tous les renforts demandés par la préfecture ont été obtenus. Plus de 500 pompiers ont été engagés en Vendée.

Les associations de sinistrés rencontrées par la mission ont confirmé la qualité des secours.

Les maires eux-mêmes ont participé activement au sauvetage des sinistrés : ainsi que l’a indiqué M. Dominique Bussereau, ministre des transports et président du conseil général, « ils étaient physiquement et psychologiquement épuisés ».

2. Des dysfonctionnements auxquels il convient de remédier

L’amélioration de l’alerte, impérative, est le premier niveau de protection de la population. La protection individuelle dans chaque maison exposée et les protections collectives par des ouvrages de défense renforcés constituent les deux étapes suivantes de protection. Ces trois niveaux se juxtaposent et chacun d’entre eux est indispensable.

Les modalités d’alerte

Aux termes de l’article 1er de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, l’État doit évaluer en permanence l’état de préparation au risque et veiller notamment à la mise en œuvre des mesures d’alerte des populations.

A. - Information des populations

Selon l’article 2 du décret n° 2005-1269 du 12 octobre 2005 relatif au code d’alerte national, les mesures destinées à informer la population comprennent :

– la mise à disposition permanente d’informations sur l’état de vigilance qui a pour objet de prévenir ou de signaler certains risques naturels notamment ;

– l’émission sur tout ou partie du territoire soit d’un message d’alerte, soit du signal national d’alerte, soit de l’un et de l’autre ;

– la diffusion, répétée tout au long de l’événement, de consignes de comportement et de sécurité à observer par la population ;

– l’émission soit d’un message de fin d’alerte, soit du signal national de fin d’alerte, soit de l’un et de l’autre.

Cette information porte notamment, compte tenu des divers plans d’organisations des secours, sur les éléments suivants :

– les caractéristiques de l’événement (origine, étendue, évolution prévisible), dans la mesure où celles-ci sont identifiées ;

– les consignes de protection (mise à l’abri des populations, dispositions à prendre par celles-ci en cas d’évacuation, etc.) ;

– le cas échéant, les consignes spéciales pour certains groupes de population.

B. - Modalités de diffusion de l’alerte

Selon l’article 5 du décret n° 2005-1269 du 12 octobre 2005 relatif au code d’alerte national, les messages d’alerte sont notamment diffusés par :

– les services de radio et de télévision (Art. 5, 6, 7 et 8 du décret n° 2005-1269 du 12 octobre 2005 relatif au code d’alerte national) dans les conditions fixées par l’arrêté du 2 février 2007 ;

– les centres d’ingénierie et de gestion du trafic, le centre régional d’information et de coordination routière et le Centre national d’informations routières ;

– les équipements des collectivités territoriales ;

– les équipements des réseaux internes délivrant des informations au public dans les gares, les métros ou les aéroports.

Quant au signal national d’alerte, celui-ci est notamment diffusé par :

– les équipements publics d’alerte ;

– les moyens de diffusion d’alerte propres à certaines installations et ouvrages.

Les caractéristiques techniques de ce signal national d’alerte sont définies par l’arrêté du 23 mars 2007.

Source : Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM)

Force est de constater que, si l’arsenal juridique existe, les modalités pratiques de l’alerte sont loin d’être satisfaisantes.

a) les modalités de diffusion des messages d’alerte doivent être revues

Les modalités de diffusion restent encore très largement artisanales : les maires ont été joints par automates d’appel, téléphone mobile ou fixe, par fax, par SMS, chez eux ou à la mairie selon les cas, ce qui pose problème quand la mairie est fermée, par exemple le week-end, comme cela a été le cas pour Xynthia, alors que les nouvelles technologies pourraient être utilisées systématiquement.

Les petites municipalités manquent de moyens pour avertir la population et se débrouillent avec « les moyens du bord » : le maire de Charron, par exemple, n’a pas de micro pour faire des annonces en voiture et est allé prévenir les habitants, notamment les participants des deux réunions dont il avait connaissance dans sa commune ; un adjoint au maire d’Aytré a fait le tour de la ville. Les communes se sont mobilisées chacune à son échelle, en improvisant, avec une réelle implication des maires et une grande réactivité, comme l’ont souligné le président du conseil général et le préfet de Charente-Maritime.

Le réseau national d’alerte, qui date de 1930 est dépassé. Les sirènes ne peuvent être déclenchées que de Paris quelle que soit la zone du territoire concernée, et ne fonctionnent pas de manière fiable, comme l’a rappelé à la mission M. Paul Girod, Président du haut comité français pour la défense civile, et de toute façon, ne sont plus adaptées aux enjeux contemporains, puisqu’elles ne retentissent (hors test le premier mercredi de chaque mois) qu’en cas d’intrusion aérienne supposée malveillante.

b) le contenu des messages d’alerte doit davantage mentionner la submersion marine

Météo-France a prévu les rafales de vent violent, ainsi que l’élévation temporaire du niveau de la mer, le phénomène de surcote de plus d’un mètre pouvant entraîner localement des submersions des « zones maritimes inondables » (bulletin du Nord) ou « certaines parties du littoral » (bulletin du sud ouest et bulletin national). Toutefois, l’accent a davantage été mis sur le vent que sur la submersion, les références à la tempête de 1999 ont été systématiques, si bien qu’il a été conseillé aux habitants de rester chez eux. Le maire de Charron a confirmé à la mission que la consigne avait été le confinement, ce qui n’était encore jamais arrivé, car en cas d’alerte orange, on interdit la circulation en bord de mer seulement. Dans une certaine mesure, cette consigne a protégé les habitants, car la plupart des habitants décédés étaient sortis de leur maison, mais elle a empêché de se poser la question de l’évacuation préalable.

M. Alain Ratier, directeur général adjoint de Météo-France, a indiqué à la mission d’information que « la nature du danger avait effectivement été bien identifiée, mais nous n’étions pas alors en mesure de quantifier le niveau des risques de déferlement des vagues sur le littoral ». En outre, « les cartes météo…constamment améliorées depuis 1999…n’intègrent pas le risque spécifique de submersion. ».

Météo-France est confrontée à plusieurs défis. En plus de l’identification de la nature du risque, il lui faudra désormais mesurer la gravité de celui-ci ; or elle ne peut s’apprécier qu’en connaissant la vulnérabilité du littoral. Il lui faudra relier l’aléa (la hauteur d’eau) et le risque. La modélisation fournit une prévision de surcote au large, mais « la prévision ne permet pas de reproduire le comportement des vagues et surcotes à la rencontre des aménagements côtiers » : il n’est actuellement pas possible de disposer « d’une prévision directe de l’aléa local, ni a fortiori des conséquences à attendre en termes de submersion des zones littorales » (7).

C’est pourquoi depuis 2009, Météo-France a engagé, conjointement avec le Service hydrographique et océanique de la Marine (SHOM) des travaux sur ce point, afin d’aboutir à la mise en place d’un nouveau système d’alerte et d’information opérationnel avant la fin 2011, dit « vague/submersion ».

L’objectif est de mettre en place un véritable système d’avertissement destiné aux autorités et aux populations, reposant sur :

– une prévision de hauteur d’eau qui se substituera à la prévision actuelle de vagues et de surcote ;

– un avertissement explicite et lisible du niveau de risque à l’échelle du littoral d’un département, basé sur un code couleur et un pictogramme spécifique et une appréciation des conséquences possibles ;

– des conseils de comportement proportionnés au niveau du risque annoncé.

Ainsi que le conclut Météo-France « il s’agit de passer du stade actuel de la prévision quantitative de l’aléa vague et surcote et du signalement d’événements potentiellement dangereux, à une mise en vigilance des collectivités et populations concernées ».

Seule la Gironde fait actuellement l’objet d’un modèle de prévision opérationnel de surcote.

c) le contenu des messages d’alerte doit être plus accessible aux autorités responsables des secours

Le contenu des messages soulève plusieurs questions.

De nombreux maires ont indiqué à la mission que les messages d’alerte s’avèrent en général trop nombreux, si bien que trop d’alerte tue l’alerte. À force d’entendre crier au loup, ils risquent de ne plus les prendre en compte. Plusieurs membres de la mission ont également estimé que le nombre d’alertes orange était trop important : il y en avait déjà eu plusieurs dans la région depuis le début de l’année. M. Alain Ratier a indiqué que l’enjeu était d’améliorer les résultats de vigilance : au niveau national le taux de fausse alerte est de 4 % et au niveau départemental de 18 %, ce qui est conforme à la moyenne européenne (ce taux constitue la base de référence des indicateurs de performance de Météo-France au sens de la LOLF) ; l’objectif est donc de réduire le taux des fausses alertes sans aggraver le taux de non-détection.

À la question relative à la possibilité d’introduire un niveau intermédiaire entre l’alerte orange et l’alerte rouge afin de sensibiliser davantage les élus à la progression du danger, il a été répondu que le nombre de couleurs était limité, à dessein, afin de responsabiliser des personnes proposant ces alertes, qu’une alerte orange était suffisamment sérieuse pour ne pas être négligée et une alerte rouge encore moins. Il est vrai que la prévision se faisant au niveau départemental et non pas infra départemental, ce que l’état de l’art ne permet pas, il arrive que, dans un département en vigilance orange, aucune intempérie grave ne soit constatée dans certaines communes, ce qui a été le cas au cours des derniers jours dans le Var, alors que 25 morts sont à déplorer dans d’autres localités du département. Météo-France fait d’ailleurs un contrôle systématique des vigilances orange, ce qui est inédit en Europe.

Le contenu des messages est en outre difficile à décrypter pour les maires et préfets responsables des secours. La mission interministérielle de retour d’expérience, d’évaluation et de proposition d’action à la suite de la tempête Xynthia (8) propose une formulation plus accessible : au lieu de signaler la « coïncidence d’une marée de fort coefficient avec une surcote de l’ordre d’un mètre », il vaudrait mieux indiquer que « la mer va atteindre la cote de 4,50 mètres sur telle portion du littoral », la cote étant établie sur la base du nivellement général de la France (NGF) de l’IGN.

C’est le problème du référentiel qui est ainsi posé et qui suppose la définition d’un référentiel « parlant » pour les élus. Cette question n’a pas encore de réponse. Ainsi que l’a souligné M. Alain Ratier, le programme Litto 3D en cours permettra de progresser dans ce domaine(9). À court terme, Météo-France va modifier son site Internet et y faire figurer les avis de très fortes vagues (ATFV) et les conseils de sécurité.

d) la population doit être mieux mobilisée

Convaincre davantage la population est un enjeu majeur. Les témoignages recueillis par la mission d’information convergent. M. Dominique Bussereau, Président du Conseil général, et ministre des transports, a souligné qu’il avait été difficile avant la tempête de convaincre les habitants du danger potentiel. M. Henri Masse, préfet de Charente-Maritime, a estimé qu’il fallait apporter davantage de conviction aux messages d’alerte et parvenir à un dialogue avec la population afin de mieux faire comprendre l’existence d’un risque. Lorsque ses services mentionnaient avant la tempête la possibilité d’une surcote, ils n’étaient pas crus, bien que les comportements de négation du risque aillent diminuant. La mission interministérielle de retour d’expérience, d’évaluation et de proposition d’action à la suite de la tempête Xynthia a déploré que la « culture du risque [soit] très peu développée dans les zones inondables ».

M. Paul Girod estime que « nous sommes confrontés à un vrai problème de civisme », et que dans les pays confrontés au terrorisme, par exemple, la population est mieux préparée à affronter une situation dangereuse. La France est le seul pays à ne pas disposer d’un site Internet consacré au comportement à adopter en cas de crise ; en Angleterre existe depuis quatre ans un site disponible en 18 langues. Un site officiel doit être mis en place par le Service d’information du gouvernement, mais il est en chantier… depuis 4 ans.

En instituant les plans communaux de sauvegarde (PCS), la loi de modernisation de la sécurité civile du 17 août 2004 avait proposé une solution intéressante, mais qui est restée en partie lettre morte.

L’article 13 de la loi oblige les communes soumises à un plan de prévention des risques approuvé (risque naturel) ou comprises dans le champ d’application d’un plan particulier d’intervention (risque technologique) à mettre en place un plan communal de sauvegarde contribuant à l’information préventive et à la protection de la population. Il doit contenir le dossier d’information communal sur les risques majeurs (DICRIM) qui fixe l’« organisation nécessaire à la diffusion de l’alerte et des consignes de sécurité, recense les moyens disponibles et définit la mise en œuvre des mesures d’accompagnement et de soutien de la population ».

Outil utile au maire dans la gestion d’un événement de sécurité civile, ce plan devrait former avec les plans Orsec une nouvelle chaîne complète et cohérente de gestion des événements portant atteinte aux populations, aux biens à l’environnement. Il est le maillon local de l’organisation de la sécurité civile.

Or, cinq ans plus tard, moins de 20 % des communes ont élaboré le leur. En Vendée, parmi les 69 communes qui devaient être couvertes par un PCS, 49 en étaient dépourvues. En Charente-Maritime, sur les 21 communes soumises à l’obligation de réaliser un PCS, 6 en ont établi un – et ce n’ont pas été les communes les plus touchées par la tempête. Quel que soit le département, certaines d’entre elles n’en ont ni les compétences ni les moyens pour le mener à bien.

En outre, lorsqu’ils existent, ces plans sont incomplets : ainsi que le constate la mission interministérielle de retour d’expérience, d’évaluation et de proposition à la suite de la tempête Xynthia, « aucun lieu de regroupement de la population n’est prévu dans les PCS ou dans des documents faisant l’objet de campagnes de communication de la part des communes ».

Enfin, la structure des plans communaux de sauvegarde n’est pas adapté aux petites communes pour lesquelles il devrait exister une procédure simplifiée.

Selon M. Christian Sommade, délégué du HFCDC, si les communes concernées disposaient d’un PCS, le lien avec l’État serait meilleur et permettrait une gestion de la crise plus adaptée dans les toutes premières heures, celles qui comptent le plus. Le préfet reçoit l’assistance des services chargés de la protection civile, mais encore faut-il qu’un département au moins soit touché sinon le dispositif national ne fonctionne pas. Les maires ne sont pas formés à la gestion de crise, alors qu’il est nécessaire dans ce contexte de faire preuve de professionnalisme. En ce qui concerne les moyens matériels, « Nous sommes un des pays les plus pauvres en système d’information dédiés à la gestion de crise ; il n’existe qu’un système de main courante partagée appelée SYNERGI ; aux États-Unis ou à Singapour existent des systèmes intégrant une cartographie et … proposant une simulation permettant d’évaluer la situation en temps réel, voire de l’anticiper ».

La loi de modernisation de la sécurité civile du 17 août 2004 qui avait pour but de « refonder la notion de protection des populations » avait par ailleurs prévu une politique d’exercices associant la population et la généralisation au collège et au lycée de l’apprentissage des gestes élémentaires de sauvetage et de sécurité et de la formation sur l’organisation de la sécurité civile : ces dispositions « ont été très insuffisamment appliquées », selon M. Paul Girod, ce qui d’autant plus regrettable que « les enfants constituent un excellent vecteur pour apprendre de nombreuses choses aux parents ». Il conclut que «nous n’avons pas en France, une culture suffisante de l’inquiétude », au sens où « il ne faut pas avoir l’esprit en repos ».

e) les conditions de secours doivent être améliorées

Malgré la qualité unanimement reconnue des secours, des lacunes ont été constatées.

En Vendée, les secours ont été retardés : le centre de secours de l’Aiguillon était submergé et ses véhicules bloqués. Ceux-ci qui ont pu circuler ont rencontré des obstacles multiples, tels que des chutes d’arbres, les moyens de communication étaient coupés. Le préfet, M. Jean-Jacques Brot, a parlé de « cauchemar », précisant qu’un trajet parcouru habituellement en vingt minutes avait alors pris une heure trente. La structuration des secours n’a été réelle que vers 5 h 30. Le colonel Montaletang, du SDIS de Vendée a fait entendre à la mission des enregistrements des appels téléphoniques témoignant de la détresse des habitants ; certains membres du SDIS lui ont paru très affectés par les limites qu’ont rencontré leur action. Les centres de secours d’Ars en Ré et de Saint Trojan ont également été inondés. Il est évident que les centres de secours implantés dans les zones à risques devront être relocalisés.

La cohérence a parfois fait défaut pour l’engagement des moyens aériens, car les deux départements n’appartiennent pas à la même zone de défense. Seule, dans un premier temps, la Charente-Maritime a bénéficié de la présence d’hélicoptères. Le ministre de l’Intérieur a annoncé qu’une cellule de coordination aérienne à trois niveaux (zonal, national et départemental) serait systématiquement mise en œuvre : le décret du 4 mars 2010 renforce le pouvoir des préfets de zone et prévoit une simplification des procédures.

La saturation des réseaux des grands opérateurs a également posé problème. Comme l’a déploré le préfet de Vendée, les communications téléphoniques ne fonctionnaient plus. Un seul des deux départements (la Charente-Maritime) était équipé du système de transmission Antares.

3. Des documents d’urbanisme insuffisants : un empilement de documents hétéroclites, pas toujours complémentaires et parfois peu compatibles

Dans son rapport annuel pour l’année 1999, la Cour des comptes évoquait déjà la méconnaissance du risque inondation et stigmatisait la disparité des instruments juridique en considérant que : « En ce qui concerne la connaissance du risque, dont l’État est responsable, aux "plans de surfaces submersibles" (PSS) institués par un décret-loi de 1935, seule procédure spécifique au risque d’inondation, se sont superposés les "périmètres de risque" prévus depuis 1955 par l’article R. 111-3 du code de l’urbanisme et les "plans d’exposition aux risques" (PER) introduits par la loi du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes des catastrophes naturelles, avant que ces procédures ne soient fusionnées en un seul instrument, le "plan de prévention des risques naturels prévisibles" (PPR), instauré par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement.

Les divers instruments juridiques antérieurs, dont les plans de risque déjà élaborés sont maintenus en vigueur avec le nouveau statut de PPR, se différenciaient par leur champ d’application, leurs finalités et leurs procédures. Si les périmètres de risque et les PER étaient destinés à protéger l’habitat urbain des zones inondables en cas de crue, les PSS visaient au contraire à assurer le libre écoulement des eaux ainsi qu’à préserver l’existence de champs d’inondation et ne constituaient pas des documents à vocation d’urbanisme ; ils étaient d’ailleurs établis par section de cours d’eau et non par commune. À la différence des deux autres catégories de plans, les périmètres de risque ne valaient pas servitudes d’utilité publique mais avaient l’avantage de la souplesse et de la rapidité de mise en œuvre, par opposition à la lourdeur de la procédure des PER, dont l’instruction durait en moyenne cinq ans. L’instauration des PPR, plans auxquels il reste difficile d’assimiler les PSS antérieurs, a donc opéré une fusion entre des instruments très disparates.

En outre, la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 a mis en place, sous forme de schémas, directeurs ou simples, d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE et SAGE), des outils de planification à des niveaux plus globaux que l’échelle communale et plus larges que la question des inondations. Ils participent d’une rationalisation d’ensemble, mais, parce qu’ils n’ont pas été élaborés au préalable, ils peuvent contredire des plans en vigueur de conception ancienne ou trop restreinte. Enfin, les atlas de zones inondables, qui s’inspirent d’une initiative prise pour la Loire, constituent un type de document supplémentaire, considéré comme un préalable technique mais dénué toutefois de valeur juridique.

Liée aux modalités de la procédure des "plans d’occupation des sols" (POS), l’obligation générale de prendre en compte le risque d’inondation dans les documents d’urbanisme remonte à un décret de 1970. Elle n’a pourtant force de loi que depuis 1987 (articles L. 110 et L. 121-10 du Code de l’urbanisme). Depuis 1983, les préfets doivent en outre informer les maires des risques naturels affectant leur commune par la procédure du "porter à connaissance" (PAC) et peuvent aussi qualifier de "projets d’intérêt général" (PIG) les règlements d’urbanisme en préparation. Enfin, au titre du droit à l’information des citoyens sur les risques naturels, proclamé par la loi du 22 juillet 1987, les préfets doivent, depuis 1990, établir les dossiers départementaux des risques majeurs (DDRM) puis les dossiers communaux synthétiques (DCS). Il revient ensuite aux maires d’élaborer les dossiers d’information communaux des risques majeurs (DICRIM) ».

Lors de leur audition par la mission d’information, les membres de la mission interministérielle de retour d’expérience, d’évaluation et de proposition d’action à la suite de la tempête Xynthia ont exposé que, au moment de l’établissement des documents d’urbanisme – schéma de cohérence territoriale (SCOT), plan d’occupation des sols (POS) ou plan local d’urbanisme (PLU) – l’État est soumis à l’obligation de « porter à connaissance » (PAC), qui détermine son rôle et les modalités de son intervention dans l’élaboration des documents d’urbanisme. Ils ont considéré que : « le plus souvent, ces PAC sont « sans valeur ajoutée », dans la mesure où ils se contentent de rappeler la réglementation sans s’engager plus avant en matière de qualifications scientifiques et techniques du risque ; certains sont très explicites, d’autres le sont moins ».

Évoquant la situation du département de la Vendée, ils ont indiqué avoir constaté que les documents d’urbanisme étaient obsolètes et souvent dépassés, que bien de communes côtières étaient en retard dans le domaine des PLU, que certains POS n’étaient plus d’actualité, ne prenaient pas en compte les risques et que des autorisations d’occupation des sols avaient été délivrées sans grande référence à ceux-ci. Ils ont enfin estimé devant la mission que : « Ces insuffisances sont à l’origine de la gravité de la catastrophe. Elles nous ont amenés à recommander que certains éléments soient fixés au niveau réglementaire. Tel est le cas dorénavant – suite à amendement au code de l’environnement, déposé lors de la discussion de la loi Grenelle 2 – pour l’aléa de référence qui, jusqu’à présent, n’était défini que dans des circulaires et des guides et qui pouvait être appliqué de façon différente d’un endroit à l’autre ».

Ainsi, à l’occasion des travaux parlementaires sur le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle 2 », a été adopté un amendement tendant à transposer la directive 2007/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation. À cet effet, il prévoit une meilleure évaluation des risques d’inondation, une détermination des zones présentant des risques et une cartographie et l'établissement de plans de gestion des risques d'inondations. Il insère un nouveau chapitre dans le code de l’environnement consacré à l’évaluation et la gestion des risques d’inondation. Ce chapitre est composé des articles L. 566-1 à L. 566-13. Il modifie par ailleurs différents codes en conséquence de cette insertion.

On trouvera, dans le rapport fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond, par MM. Bertrand Pancher et Serge Grouard, l’analyse exhaustive du nouveau dispositif. Les présentes lignes concernent, pour leur part, l’état de la réglementation et de son application au moment de la survenue de la tempête Xynthia.

4. Des plans de prévention des risques mal adaptés

La documentation fournie par les services ministériels définit comme suit les plans de prévention des risques.

Document qui délimite les zones exposées aux risques (inondation, mouvement de terrain, avalanches...) et définit des mesures de prévention, protection et sauvegarde des personnes et des biens vis-à-vis de l’impact néfaste des événements exceptionnels. Ce plan est arrêté par le préfet après enquête publique et avis des conseils municipaux des communes concernées. Il est annexé au POS (Plan d’Occupation des Sols). Sa procédure d’élaboration est plus légère que celle des plans existants auparavant (Plan d’Exposition au Risque-PER, Plan de Surface Submersible-PSS). Des sanctions sont prévues en cas de non application des prescriptions du plan.

Le délai prévu par les textes pour l’élaboration de ces documents est de deux ans, l’expérience montre des durées plus longues pouvant s’étendre jusqu’à sept années avant acceptation. Par ailleurs, le rapport remis au ministre de l’intérieur intitulé Tempête Xynthia, retour d’expérience, évaluation et propositions d’action (10), préconise de :

– fixer les cotes des aléas de référence sur les bases des événements paroxystiques du passé et non plus seulement sur les résultats de modèles mathématiques voire de leur interpolation spatiale et temporelle ;

– prescrire des plans de prévention des risques (PPR) dans les territoires à risque important et réviser les PPR existants ;

– faire en sorte que dans les PPR, nouveaux ou révisés, l’urbanisation soit clairement interdite ou limitée en fonction de l’intensité de l’aléa (fort, moyen, faible) et non de l’urbanisation actuelle et/ou souhaitée.

Le tableau figurant page suivante décrit les étapes de l’élaboration des PPR.

Source : MEEDDM.

a) un nombre trop restreint de PPR

Plus de 21 000 communes sont exposées à des risques naturels majeurs menaçant les biens et les personnes. Au 1er août 2009, ce sont plus de 7 500 communes qui possédaient un PPR approuvé. Les objectifs ministériels de 5 000 communes couvertes par un PPR approuvé à la fin 2005 et de 7 000 communes à l’horizon 2010 ont ainsi été atteints.

Par ailleurs, au 1er août 2009 dans plus de 4 000 autres communes, un PPRN est prescrit sans être encore approuvé. Un nouvel objectif de plus de 12 500 communes couvertes par un PPR approuvé à l’horizon 2013 a été défini par le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer.

D’après les informations fournies par le MEEDDM, 85 PPRN littoraux (ou équivalents) approuvés sont identifiés dont :

– 56 concernent le phénomène de submersion marine ;

– 19 le recul du trait de côte et des falaises ;

– 10 le littoral avec côte à falaise.

Dix-huit PPRN approuvés en Gironde prennent en compte les dynamiques fluvio-maritimes (inondation/effets de marée) et 130 PPR littoraux sont prescrits dont 71 pour le phénomène de submersion marine.

Au demeurant, le rapport précité Tempête Xynthia, retour d’expérience, évaluation et propositions d’action, considère que dans les zones littorales les plus touchées par Xynthia, les PPR sont trop peu nombreux et devront être révisés.

Type de PPRN

Prescrits

A l'enquête

Approuvés

Total

Tout aléa

4 228

187

7 755

12 170

Inondation

3 395

112

6 595

10 102

Source : MEEDDM

b) des PPR aux formulations trop imprécises

Dans l’ouvrage La gestion du risque inondation (11), M. Bruno Ledoux se livre à une étude approfondie des plans de prévention des risques dans laquelle il examine les questions posées aux élus locaux par l’élaboration du document notamment.

Il relève que les études d’aléa menées en vue de l’établissement du PPR n’ont qu’une précision relative et ne peuvent atteindre le degré de précision de la parcelle alors que les élus en sont demandeurs. Cette situation est à l’origine de perte de temps et augmente le coût des PPRI ; à cet égard, l’auteur relève : « À un certain stade, la précision est une illusion dans laquelle il est néfaste de maintenir les élus et la population ».

Par ailleurs, des injustices de traitement peuvent être constatées en fonction des territoires concernés. Ces inégalités sont principalement dues à l’échelon local pris en compte par les documents qu’il s’agisse de l’échelon communal ou départemental ou d’un bassin. La situation de diverses communes bordant un même fleuve fournit un exemple. Les différences dans les niveaux de crue retenue pour estimer l’aléa induisent, elles aussi, des inégalités de traitement.

Il a fallu des nombreuses années pour que les PPRI puissent imposer des mesures sur l’existant, les réticences étant multiples et la compréhension mutuelle entre les élus, les populations et les services, difficile. Des progrès ont cependant été réalisés dans ce domaine, particulièrement depuis que l’État prend en charge 40 % du montant des coûts concernés.

La mission d’information observe que beaucoup d’élus locaux considèrent qu’il existe une difficulté à décliner la doctrine nationale face aux spécificités locales. Situation que M. Bruno Ledoux décrit en ces termes : « Les blocages des élus proviennent en général de situations particulières qu’il est reproché à l’État de ne pas prendre en compte. Ses services sont accusés d’appliquer à tous les territoires une doctrine unique, rigide, sans nuance et adaptation aux spécificités socioéconomiques ». Ainsi, la concertation pêche par faiblesse ; ce sentiment étant, par ailleurs, partagé par tous les interlocuteurs de la mission d’information consultés à ce sujet.

Une autre source de difficulté réside dans l’existence souvent constatée d’un habitat traditionnel ancien à vocation agricole, susceptible d’être disséminé sur des zones sensibles et auquel élus et populations sont attachés. Cette difficulté se trouve accrue par la crainte de subir une perte de la valeur du capital immobilier investi.

Enfin, M. Bruno Ledoux mentionne, au titre des facteurs d’incompréhension, le manque de clarté des consignes données par le pouvoir central aux préfets eux-mêmes.

c) l’aléa de référence : la pierre angulaire des PPR

Dans l’ouvrage précité La gestion du risque inondation, M. Bruno Ledoux propose la définition suivante de l’aléa : « Dans le domaine de la gestion des risques, les phénomènes naturels sont appelés des aléas. Étudier les aléas, c’est chercher à caractériser ces phénomènes selon les principaux paramètres suivants : leur fréquence de survenance, leur intensité destructrice, leur étendue. En matière d’inondation, leur intensité s’exprime principalement, pour un endroit donné, par la hauteur de submersion, la vitesse du courant, la durée de la submersion. Ces paramètres sont fournis, avec une précision plus ou moins grande, pour l’ensemble de la zone inondable par une crue de fréquence donnée ». C’est donc de la détermination de l’aléa que dépendra celle des contours du plan de prévention du risque inondation.

La mission d’information a pu constater qu’une différence d’appréciation sur la valeur qu’il convient de donner à l’aléa existait. Les services de l’État tendent à raisonner selon une logique de prévision du risque maximum parfois évalué sans bases historiques ou scientifiques certaines, alors que les élus locaux, et parfois les populations, raisonnent souvent selon une logique d’événement exceptionnel. Ces derniers viennent ainsi à considérer que l’aléa retenu pour la détermination des zones non habitables, par exemple, est excessif et, partant, le PPRI trop contraignant. M. Bruno Ledoux analyse les causes de cette situation en rappelant que l’étude des inondations et la caractérisation de l’aléa sur une zone donnée se conduit en ayant successivement recours à l’analyse hydrogéomorphologique, l’exploitation des archives, l’utilisation des données historiques et la modélisation hydraulique. Il expose ensuite que : « Pour le profane, cette pluralité des approches semble conduire à deux conséquences qu’il juge discutables, voir contestables. D’une part, la prise en compte des aléas extrêmes (approche historique et hydrogéomorphologique) est perçue comme un réflexe de protection juridique des pouvoirs publics, qui chercheraient à se protéger derrière une appréciation maximaliste de l’aléa. La référence à des événements hors de portée de la mémoire humaine est jugée comme peu crédible et/ou incompatible avec l’aménagement actuel des territoires concernés. D’autre part, les incertitudes scientifiques qui affectent ces différentes approches sont mal comprises et acceptées ».

Ainsi, nombreux sont les interlocuteurs de la mission d’information qui ont évoqué le défaut de mémoire devant les catastrophes naturelles. Le rapport précité Tempête Xynthia, retour d’expérience, évaluation et propositions d’action, considère que l’aléa de référence correspond rarement aux événements extrêmes observés. Il relève que : « Sur le littoral, l’aléa de référence est celui défini dans le guide méthodologique des plans de prévention des risques littoraux. Il se réfère à l’aléa historique le plus fort connu ou au niveau marin extrême s’il est supérieur. Ce niveau extrême est le niveau de période de retour de 100 ans tel qu’il résulte des « statistiques des niveaux marins extrêmes le long des côtes de France » produites par le SHOM. Or à l’évidence, les statistiques auxquels se réfère ce guide minorent l’aléa rare. En pratique, c’est le niveau marin extrême qui a été retenu dans les quelques rares PPR existants sur le littoral sinistré, et encore a-t-il été parfois minoré. Les études destinées à prendre en compte l’information historique pour fixer l’aléa de référence n’ont pas, à une exception près, été réalisées alors que des documents historiques existent ».

Cependant, une prise de conscience est à l’œuvre, comme l’a observé M. Fernand Verger devant la mission d’information en saluant le développement de ce que l’on appelle aujourd’hui la géohistoire. Par ailleurs, dans le contexte de la mise en application de la directive européenne suscitée, le MEEDDM travaille actuellement sur une méthode de recueil des données historiques.

À cette prise de conscience du rôle de l’histoire, viennent s’ajouter les progrès de la technologie. M. Bruno Ledoux considère que malgré la qualité des moyens techniques et technologiques mis en œuvre, la connaissance de l’alinéa n’est jamais définitive. La modélisation des milieux demeure souvent délicate et l’aléa peut évoluer dans le temps en fonction des changements d’occupation des sols à l’échelle du bassin versant imputables à l’agriculture ou l’urbanisation par exemple. Ainsi, l’aléa constitue bien la pierre angulaire qu’il ne faut pas rejeter dans la construction du PPRI, cependant, ces documents comportent nécessairement une part d’incertitude qu’il convient de prendre en considération.

Aujourd’hui, pour une large part du littoral, l’aléa de référence est la hauteur de submersion qui a caractérisé l’épisode Xynthia. Au cours des années à venir, l’imagerie rendue au fur et à mesure disponible par des programmes tels Litto 3 D devait permettre l’élaboration de documents de référence d’une très grande précision. Le programme Litto 3 D est développé conjointement par le SHOM et l’IGN qui ont indiqué à la mission d’information qu’ils considéraient que l’ensemble de notre littoral serait ainsi cartographié vers 2015. À cet égard, la mission d’information observe que la directive européenne inondation doit être transposée avant la fin de l’année 2013.

En tout état de cause, à la lumière de l’ensemble de ces éléments, de nombreux PPRI littoraux existant ou en cours d’élaboration devront être rectifiés.

II.— DES RÉPONSES PRÉCIPITÉES, INCOMPLÈTES ET PARFOIS ABSURDES

A.— UNE COMMANDE IMPOSSIBLE AU REGARD DES MOYENS MATÉRIELS ET HUMAINS ET DES DÉLAIS

Soumis à une intense pression de la part de l’administration centrale, et tout particulièrement de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), qui a surinterprété des déclarations ou directives présidentielles et plus encore de cabinets ministériels, les préfets se sont trouvés condamnés à agir dans la précipitation, chargés de responsabilités écrasantes dans des matières techniques ne relevant pas toutes de la capacité d’analyse et d’appréciation de fonctionnaires pourtant expérimentés. Ils ne pouvaient d’ailleurs être assistés localement que par un petit nombre de responsables des administrations déconcentrées, eux aussi débordés et peut-être même parfois dépassés par les événements en dépit d’une mobilisation individuelle qui ne saurait être mise en cause. La tempête Xynthia est d’ailleurs intervenue dans les semaines ayant suivi une profonde réforme de l’administration des départements avec la mise en place, le 1er janvier 2010, d’une direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) regroupant les directions traditionnellement spécialisées, à ce niveau, pour l’agriculture, l’équipement et les affaires maritimes. Ce fait mérite d’être rappelé tout en gardant à l’esprit un phénomène de perte ou de dilution des compétences d’expertise technique au sein des services de l’État, aux origines plus anciennes, et dont les conséquences plus ou moins sensibles selon les départements et les situations méritent aujourd’hui une réflexion sérieuse de la part des pouvoirs publics. Pour la mission d’information, la catastrophe qui a plus particulièrement frappé les départements de Charente-Maritime et de Vendée a mis en exergue ce phénomène dont les effets dépassent de beaucoup ce seul événement et posent la question plus générale de la pertinence ou de la qualité de l’action de l’État dans les territoires.

L’appel à l’aide du préfet de Charente-Maritime qui, au regard des documents en possession de la mission, a pris l’initiative de demander un renfort d’experts extérieurs à son département est, dans le contexte, tout à fait compréhensible et justifié (12). Dans les faits, l’apport de quatre fonctionnaires supplémentaires en provenance des deux Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) voisines et du CETMEF n’a pu être aussi performant que souhaité, dès lors qu’ils ne connaissaient pas les lieux à évaluer, répartis sur plus de trente communes présentant chacune des caractéristiques d’« après tempête » particulières (sans oublier les îles d’Oléron, de Ré et d’Aix) et disposaient pour délimiter les zones dites « d’extrême danger » ou « zones noires » du littoral charentais de moins de cinq journées (dont un samedi et un dimanche), sans compter les délais de transport. La mission était manifestement irréaliste et l’objectif tout autant illusoire !

Depuis la fin du mois de mars 2010, quelques rectifications sont certes intervenues dans les zonages. Elles n’ont pas contribué à lever les incompréhensions voire les indignations. Certaines ont d’ailleurs abouti à transférer des « zones oranges » aux « zones noires » des habitations. Mais en aucune façon, ces rectifications, au demeurant peu nombreuses car ne concernant que moins de 10 % des habitations en cause, n’ont mis un terme à des incohérences consistant à intégrer d’emblée dans des zones « d’extrême danger », des maisons n’ayant eu à subir que de faibles dégâts du fait de la tempête (avec parfois moins de 10 cm d’eau constatés !). En revanche, il aura fallu attendre plus de trois mois pour qu’une vingtaine de maisons sinistrées et réellement exposées au risque soient inscrites en zone noire dans la commune de Port-des-Barques comme le demandaient depuis le départ le maire et les propriétaires.

En fait, une perception indistincte des situations toutes différentes entre les communes sinistrées aura été la caractéristique d’une démarche choquante aux effets peu compréhensibles : certains oublis persistent dans les zonages alors que des approximations et des erreurs d’appréciation flagrantes ne sont pas corrigées du fait d’un entêtement administratif sans équivalent.

En répondant à une question de votre président sur la possibilité s’agissant de catastrophes à venir d’une « jurisprudence Xynthia », alors que l’on a appliqué une même procédure aux communes de la Charente-Maritime et de la Vendée qui se trouvent pourtant dans des situations sensiblement différentes, MJean-Louis Borloo, ministre d’État, a d’ailleurs admis ce défaut d’appréciation au cours de son audition du 29 juin dernier : « Dans cette période de traumatisme, avoir utilisé les mêmes mots, le même processus et le même calendrier pour deux situations géographiques sensiblement différentes, a probablement été une erreur. À mon avis la plupart de nos difficultés viennent de là. ».

B.— DES CRITÈRES NON PERTINENTS

1. Des consignes et des expressions incertaines

Au-delà des premières consignes probablement verbales données aux préfets dans les jours suivant la catastrophe dont la traçabilité s’avère impossible du fait de l’imprécision ou des « oublis » émaillant les témoignages des responsables administratifs rencontrés sur place ou auditionnés par la mission, il convient de s’en remettre aux textes émanant de l’administration que la mission a pu obtenir non sans quelques retards.

Le premier de ces textes est une note ou lettre-circulaire relative à la « détermination des zones sinistrées qui ne pourront plus être réoccupées à cause de leur trop forte exposition aux risques », en date du 18 mars 2010 et signée du seul directeur de cabinet du ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer en charge des technologiques vertes et des négociations sur le climat (13).

Ce texte complété par deux annexes (la première concernant la détermination et la méthode des « zones à abandonner », la seconde traitant du relogement des victimes en urgence, des projets d’urbanisme et de l’aménagement) affirme dès ses premiers paragraphes la nécessité pour l’État « … de pouvoir prendre des décisions à la fois rapides, fondées aux plans technico-économique (sic) et juridique et opérationnelles, et d’être capable de les expliquer pour les faire partager au mieux par les collectivités locales et les habitants concernés, en ayant cependant à l’esprit qu’in fine une décision de sécurité publique pourra devoir être imposée par l’État malgré les oppositions locales. »

La transmission de cette lettre circulaire résulte de la saisine du ministre d’État par une lettre conjointe du Président et du rapporteur de la mission. Cette transmission par le ministre était d’ailleurs accompagnée d’une notre blanche explicative sur les « zones d’extrême danger à délocaliser ou à protéger » reprenant d’ailleurs pour l’essentiel les dispositions de l’annexe 1 de la lettre circulaire. En tout état de cause, la note exigeait des experts un retour de leurs travaux à la date du 21 mars 2010, soit trois jours après publication de ce document leur donnant des instructions de méthode !

Le second texte est une circulaire en date du 7 avril 2010 et adressée par le ministre d’État et le ministre de l’Intérieur à tous les préfets des régions et des départements du littoral métropolitain. Cette circulaire entend accélérer un ensemble de mesures à prendre en conséquence directe de la tempête Xynthia, tout en apportant quelques éléments supplémentaires sur la détermination de zones d’extrême danger, au-delà même des seuls départements de Vendée et de Charente-Maritime. Les préfets de tous les départements littoraux se trouvent chargés d’effectuer un recensement de telles zones dans un délai d’un mois après réception de cette instruction. Ce travail demandé dans le cadre plus général du pilotage de l’élaboration d’un futur plan de « prévention des submersions marines et digues » (selon l’appellation retenue par la circulaire), exige également des préfets de fournir pour chacun de leur département « … le nombre approximatif d’habitations concernées » par d’éventuelles délocalisations qu’il conviendrait d’arrêter.

Force est de constater que les dispositions administratives écrites ne font pas état de « zones noires », formule à jamais malheureuse mais employée au lendemain même de la catastrophe. Pour autant, l’expression administrative sur le sujet n’a jamais paru stabilisée. En témoigne une évolution ou plus exactement des successions sémantiques qui n’ont hélas pas contribué à clarifier la situation, donc l’information des populations directement concernées.

On notera également que les textes ne visent les zones dites d’extrême danger qui impliqueraient la mise en œuvre du triptyque « expropriation (voire acquisition à l’amiable) – démolition et inconstructibilité définitive ». Ces textes ne font pas référence à des zones limitrophes ou périphériques (pourtant effectivement délimitées par les préfectures dans la quasi-totalité des communes sinistrées de Vendée et de Charente-Maritime et « labellisées » en rouge (où des terrains encore disponibles seraient voués à l’inconstructibilité) et encore en orange voire en jaune (zones concernant des habitations existantes et exposées à la submersion mais à des degrés divers, susceptibles d’être protégées et de faire état de règles de construction spécifiques). Tout au plus, la note du 18 mars évoque au titre du travail de préparation, la mise à jour de « zones enveloppes » à l’intérieur desquelles il revient aux services d’identifier des zones dites « d’extrême danger ».

Les « zones noires » sont au sens des textes précités et des déclarations ministérielles successives « des zones d’extrême danger » voire des « zones à abandonner » telles que maladroitement dénommées à l’annexe 1 de la lettre-circulaire du 18 mars 2010.

La circulaire interministérielle du 7 avril 2010 fait état dans sa première page de « zones à risque d’extrême danger dans lesquelles une relocalisation des bâtiments est à envisager » puis en précisant à sa deuxième page, qu’il s’agissait de zones où la vie humaine était en jeu « … sans possibilité de réduire la vulnérabilité des bâtiments ».

Pour sa part, le Premier ministre a précisé, au terme de la réunion du 13 avril rassemblant tous les ministres concernés par la gestion administrative des suites de la tempête Xynthia, que les délimitations en coups constituaient effectivement un zonage « … où va s’exercer pleinement la solidarité nationale », en soulignant d’ailleurs l’exigence d’une « … prise en charge individuelle de chaque sinistré ».

Cette notion de « zones de solidarité » éminemment positive, s’est trouvée consacrée à l’occasion du déplacement en Charente-Maritime et en Vendée, le 15 avril, du ministre d’État Jean-Louis Borloo qui a fait état « … des zones de solidarité, des zones de rachat, pas des zones de destructions massives ».

À l’occasion de ce déplacement, le ministre d’État a tenu à préciser la position gouvernementale dans une lettre adressée, ce même jour, aux maires :

« … levons d’abord un malentendu amplifié par l’émotion : il ne saurait être question de la démolition systématique et autoritaire des immeubles et habitations dans les zones décidées par l’État et très improprement appelées zones noires.

À l’intérieur de ces zones, qui sont reconnues comme zones de risque anormal et où le danger pour la vie est avéré et dont l’appellation la plus exacte serait celle de zone de solidarité, l’objectif est d’apporter immédiatement une solution pour les personnes qui décident de quitter leur habitation ; l’État leur ouvre le droit de lui vendre immédiatement leur logement en garantissant un juste prix de rachat qui se base sur la valeur du patrimoine avant la tempête (valeur des domaines). »

2. Les problèmes d’ajustement entre les critères retenus

Les critères principalement retenus pour délimiter les « zones noires » ou celles qualifiées de « zones d’aléas forts » ou « à risques majeurs » sont exprimés par la note ou lettre-circulaire du 18 mars 2010 et plus particulièrement à son annexe 1.

Il s’agit :

« – de la hauteur et de la vitesse de l’eau ;

– de la capacité de se protéger dans les bâtiments par niveau refuge ou des zones de refuge collectives (sur pilotis), accessibles par des cheminements hors d’eau ».

Il semble également nécessaire de reproduire après cette citation, un développement explicatif et tout spécialement encadré dans le corps de cette annexe 1 avec des mentions soulignées dans le texte original :

Considérant qu’on se place ici dans une optique de protection à court terme, on propose de retenir le cadrage suivant :

– dans l’aléa de référence, la tempête Xynthia, sans surélévation de changement climatique, Xynthia apparaissant de période un peu plus que centennale (à ce jour les données ne permettent pas d’identifier un événement historique plus fort même si des événements importants, voire plus élevés, sont historiquement connus),

– pour la zone d’aléa fort une hauteur de 1 m, hauteur qui crée un danger très important pour la vie humaine (voire la tenue de certains bâtiments),

– de prendre en compte la bande de précaution en pied de digue, à cause de l’effet de vague en cas de rupture. Un strict minimum serait 90 m, et de préférence 110 m, zone identifiée (cf. avis DIREN de 2004) comme zone de survitesse forte. Avec l’effet de vague pour cette zone même la notion de refuge peut être totalement inopérante, nous prônons fortement un abandon de l’urbanisation dans cette bande.

L’annexe 1 de la note ou lettre-circulaire précisait également : « la méthodologie (et les textes fondant l’intervention financière de l’État) est de considérer que ne doivent pas perdurer les zones soumises à un risque dont on ne peut se protéger physiquement et/ou à un coût raisonnable ».

Le 13 avril suivant, au cours d’une conférence presse, le Premier ministre réaffirmait que les critères mis en œuvre par l’État pour définir le zonage « … sont des critères objectifs, basés sur les observations concrètes, précises, et ils n’appellent pas de remise en cause, en tout cas pas dans la phase actuelle ».

Ce dernier point mérite d’être retenu.

L’application rationnelle de tels critères, ou plus exactement d’un ensemble « multicritères », exige un travail très fin d’expertise sur la base de relevés incontestables de géomètres, ce que manifestement les services ayant à réaliser les zonages en extrême urgence n’étaient pas en capacité de réaliser.

Les experts ont ainsi été amenés à utiliser ces critères à titre de justifications a posteriori. Ils se sont d’ailleurs souvent servis, comme l’a compris la mission au terme des réunions qu’elle a tenues, à son initiative, dans les préfectures de Charente-Maritime et de Vendée, à des travaux déjà réalisés ou en cours, notamment pour la confection de PPRI approuvés ou simplement prescrits, ce qui en soi n’est pas condamnable, mais ont, le plus souvent, considéré au jugé le critère de la vulnérabilité de telle ou telle maison, de telle ou telle rue en privilégiant le plus souvent un critère pourtant non explicitement retenu par les textes, à savoir l’état général de dégradation des bâtiments après la catastrophe. Il s’agissait sans doute d’une solution de facilité qui ne s’explique que par l’urgence.

Nombreux sont les élus et les résidents à ne pas comprendre les motifs et la méthode ayant abouti au classement des habitations en « zones noires ». Les témoignages abondent sur le passage éclair d’un expert mandaté par la préfecture. Des visites de terrain de 45 minutes à une heure pour apprécier la situation de tout un quartier n’ont pas été rares. L’absence de contre-visites, le défaut de plan à jour (souvent constaté par les employés municipaux lorsqu’ils guidaient un expert), les erreurs dans la numérotation des bâtiments d’une rue, les confusions s’agissant des traces supposées laissées sur des clôtures ou des murs après la submersion, constituent autant d’indices d’un travail impossible que d’aucuns estiment bâclés.

Au cours de son audition, M. Joël L’Her expert reconnu au plan national en sa qualité de chef du département « Environnement, littoral et cours d’eau » du CETMEF a admis l’impossibilité d’effectuer sérieusement un travail de qualité dans les conditions où il se trouvait à titre de « renfort » pour le département de Charente-Maritime :

« Notre mission consistait à apporter des éléments explicatifs aux critères définis par une note adressée le 18 mars par M. Jean-François Carenco, directeur de cabinet de M. Jean-Louis Borloo, aux deux préfets. Cette note donnait déjà des éléments méthodologiques pour la délimitation des zones à fort danger. Cependant, ces critères ne sont pas d’application simple – en particulier celui relatif à la vitesse du courant, vu qu’il n’existe pas de mesure disponible. Il a fallu travailler dans un délai incompatible avec un résultat totalement avéré.

M. le rapporteur. Qu’est-ce à dire ?

M. Joël L’Her. Pour obtenir une donnée courantologique, il convient de mettre en œuvre un modèle et de disposer des données adaptées.

M. le président Maxime Bono. Tandis que là, vous vous êtes basés sur des murs abattus, des calculs de résistance ?

M. Joël L’Her. Plus exactement, nous avons donné des éléments méthodologiques pour ce faire.

M. Dominique Caillaud. Par qui le travail a-t-il été réalisé ?

M. Joël L’Her. Par la DDTM de Charente-Maritime.

M. Dominique Caillaud. Et en Vendée ?

M. Joël L’Her. À ma connaissance, par la DDTM de Vendée.

M. Dominique Caillaud. Est-ce elle qui a fixé à un mètre d’eau le niveau du péril imminent ?

M. Joël L’Her. Cette indication figurait déjà dans la note de M. Carenco au préfet.

M. Jean-Paul Lecoq. Vous avez évoqué une relance des PPR, ce qui laisse entendre qu’il n’existe pas, actuellement, de PPR de submersion marine sur la totalité du littoral français. Pourquoi faut-il, à chaque fois, attendre une catastrophe pour que l’administration se remette à étudier les moyens de protéger nos concitoyens ?

M. Joël L’Her. En effet, le territoire français est loin d’être couvert par des PPR. Pour le moment, seules quelques zones sont concernées.

M. Jean-Paul Lecoq. Qui les a choisies ?

M. Joël L’Her. Ce sont les préfets qui fixent les priorités. Dans le cadre de l’élaboration de PPR sur l’ensemble des zones littorales, qui correspond à la mise en œuvre d’une décision du Grenelle de la mer, les préfets sont chargés de déterminer les zones les plus soumises au risque.

M. le rapporteur. Pour revenir à notre sujet, suivant quelle méthode ont été établis les critères qui vont conduire à détruire des habitations qui avaient été épargnées par la tempête ? Des personnes sont venues sur le terrain pour prendre des photos et mesurer les hauteurs présumées atteintes par l’eau. Cela vous paraît-il raisonnable, sachant le temps nécessaire à l’établissement d’un PPR ?

M. Joël L’Her. C’est un problème philosophique.

M. le rapporteur. Je vous assure que cela n’a rien de philosophique !

M. Joël L’Her. Disons que, de façon générale, la qualité d’une réponse dépend du délai imparti ; néanmoins, il est possible de répondre à toute question dans un laps de temps donné. En l’occurrence, les délais étaient particulièrement tendus, puisque la mission nous a été confiée le vendredi pour un résultat attendu le mercredi suivant.

M. le président Maxime Bono. Dans les délais fixés, il était donc possible de délimiter un périmètre, mais un travail plus approfondi était nécessaire si l’on voulait avoir une réelle connaissance des phénomènes ?

M. Joël L’Her. Dans les conseils méthodologiques, nous avons souligné qu’il fallait faire les choses tout en se conservant la possibilité d’y revenir. Nous étions conscients que les agents chargés de réaliser une délimitation en étant soumis à de telles contraintes ne pourraient parvenir à un résultat totalement satisfaisant.

M. Jean-Paul Lecoq. Il est bien évident que le directeur de cabinet du ministre n’a pas la compétence nécessaire pour déterminer le niveau de risque. Qui l’a conseillé ? Est-ce vous, monsieur le directeur ?

M. Jean-Yves Le Ven (Directeur du CETMEF). En ce qui me concerne, je n’ai pas été consulté précisément sur ce point. Toutefois, il existe d’autres personnes compétentes, notamment à la DGPR, qui ont pu l’amener à prendre une telle décision.

M. Joël L’Her. Par ailleurs, sa note ne nous était pas adressée. »

3. Le caractère plus expéditif qu’itératif de la méthode

L’expression officiellement privilégiée par les administrations afin de qualifier le travail visant à aboutir à des zonages cartographiques est celle d’une démarche « itérative ».

Tous les interlocuteurs de la mission impliqués au titre de la délimitation des zonages ont souligné que le caractère « itératif » impliquait des échanges et des allers et retours entre les acteurs concernés. Les préfets de Charente-Maritime et de Vendée lui ont fait part de cette méthode de façon insistante, mais qui est vite apparue à la mission comme un fonctionnement administratif « en circuit fermé », sans évaluation indépendante, sans concertation ni information auprès des élus et des habitants.

Chaque expert faisait converger sur la préfecture le fruit de ses « découvertes » de terrain qui étaient reportées sur des documents, parfois anciens, en possession des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM).

Puis en application d’un principe très militaire, il convenait de rendre compte, dès le 21 mars au soir, au cabinet du ministre d’État, à titre principal à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et secondairement à la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), des éléments d’analyse en possession des préfectures qui, dans la meilleure hypothèse, résultaient de travaux entamés la veille voire l’avant-veille de la réception de la note du 18 mars 2010.

Selon les termes de cette note, ces éléments devaient porter sur :

« – le recensement des zones et bâtiments sinistrés, avec la meilleure identification possible des niveaux d’inondation, de l’état des bâtiments, des possibilités de protéger ces bâtiments (par exemple construire des niveaux refuge),

– l’identification et la cartographie de zones dites « d’extrême danger », qui au-delà des critères de base, apparaissent immédiatement comme soumises à un risque très élevé et ne pourront pas être protégées efficacement.

Ces zones auront vocation à être affichées très rapidement par le gouvernement comme des zones non reconstruites, sans que ce soient les seules : pour les autres zones soumises à un fort risque, le travail se poursuivra dans un calendrier resserré. Il sera extrêmement important d’indiquer le plus fortement possible, et ce à tous les interlocuteurs, que cette première identification rapide de zones n’implique pas que seules ces zones seront abandonnées. » - mention en gras dans le texte original de la note -

Il convient de souligner que pour les travaux à réaliser en urgence, les préfets ont eu l’autorisation (disposition mentionnée dans la note du 18 mars 2010) de recourir à des cabinets d’experts extérieurs comme l’Apave ou la Sogreah. Cette disposition a été mise en œuvre, sans qu’il soit d’ailleurs possible à la mission de connaître la nature, l’étendue et le coût des missions qui leur ont été confiées, donc leur part d’implication dans la délimitation des « zones noires ».

Une réelle opacité a ainsi concerné l’ensemble du travail des experts administratifs ou externes.

L’audition de M. Laurent Michel, Directeur général de la prévention des risques, a bien confirmé que la validation purement administrative des zonages alors considérée comme définitive s’est effectuée dans un délai très court, même si M. Michel a insisté pour indiquer : « Après le 21 mars, des approfondissements ont été permis avec l’examen des systèmes de protection, en particulier pour les zones orange ».

Le sort des « zones noires » s’est, en réalité, joué en moins de dix jours pour la quasi-totalité des communes concernées, en dehors de toute véritable concertation avec les élus.

Puis des réunions d’information des populations concernées ont eu lieu dans quelques communes à partir du 8 avril, dans un contexte parfois houleux (pouvait-il en aller autrement ?). Il sera d’ailleurs assez rapidement mis un terme à cette modalité, il est vrai difficilement maîtrisable, dès lors que les préfets avaient reçu la consigne de déclarer « intangibles » des documents de zonages approuvés au niveau d’un cabinet ministériel et par quelques fonctionnaires d’administration centrale, au terme de deux à trois visioconférences, sans que la décision n’ait d’ailleurs été précédée de leur part d’une visite des lieux concernés.

Cette absence de déplacement des décideurs en dernier recours est à tout le moins regrettable. Elle a donné à beaucoup le sentiment de se heurter à une froide technocratie. Il aurait été normal que le directeur général de la prévention des risques qui, par un décret du 9 juillet 2008, est chargé de la fonction à vocation interministérielle de Délégué aux risques majeurs, se rende sur place, qu’il parle aux élus et assiste ainsi des préfets laissés parfois bien seuls, confrontés chaque jour à leurs certitudes au titre d’une mission d’autant plus délicate que peu assurée techniquement et juridiquement.

4. Des élus traités de façon méprisante et montrés du doigt par les services de l'État, des contradictions permanentes entre les discours et des pressions inadmissibles sur les propriétaires

La faiblesse des fondements juridiques des zonages a notamment eu pour conséquence l’empressement des préfets à faire « valider » par les maires l’ensemble de ces documents.

En Vendée comme en Charente-Maritime, la présentation aux maires des zones s’est déroulée au cours de réunions à huis clos, à des heures parfois tardives dans un cadre d’« examen » n’appelant aucune observation. Il s’agissait de rechercher une approbation totale auprès d’élus qui découvraient le résultat d’un travail sur lequel ils n’avaient pas été consultés. Leur refus est évidemment compréhensible dans de telles conditions.

Soumis à la pression des administrations centrales, les préfets ont donc, à leur tour, exercé une intense pression sur les maires dans un climat psychologiquement tendu. L’ensemble des élus concernés venait de vivre au cours des semaines précédentes, des journées extrêmement dures face à des populations désemparées et pendant lesquelles il a fallu rester jour et nuit à leur contact et régler une multitude de problèmes matériels.

La mission d’information restera marquée par les témoignages des maires de Charente-Maritime qu’elle a rencontrés le 28 mai dernier, au Conseil général, à l’issue d’un déjeuner à l’initiative de son Président, M. Dominique Bussereau. Les quelque trente maires concernés réunis pour un échange direct et sans protocole avec les seuls membres de la mission, ont exprimé, sans exception, leur colère et leur peine d’avoir été traités avec « mépris » (le mot a été maintes fois prononcé au cours de la réunion) par des fonctionnaires qui « vous mentent dans les yeux ». Les élus ont ainsi dénoncé « l’infaillibilité préfectorale ». Les services de l’État ont cru bon de créer une doctrine spécifique hors de toute base légale. Le défaut de cette « doctrine » repose sur un postulat contestable, dès lors que l’on n’a pas cherché à protéger les populations mais qu’il convenait d’emblée de savoir comment on allait les déplacer, au cours d’un processus paraissant à beaucoup largement manipulé.

Il est à craindre que de telles pratiques détériorent durablement les relations entre les maires et les fonctionnaires de la DDTM voire de la préfecture dont les attitudes et les agissements ont fortement marqué des élus qui pourtant les pratiquent au quotidien.

Ce revirement brutal de comportement de fonctionnaires chargés d’une « commande » faisant peser sur eux une obligation de résultat a nécessairement abouti à une défiance. Plusieurs élus ont d’ailleurs regretté devant la mission la disparition de la DDE maritime, en soulignant que les cadres de la DDTM n’avaient pas la culture des situations de crise et qu’ils ne pouvaient avoir par formation une capacité de réaction face à l’événement comparable à celle des pompiers ou des médecins.

5. L’incohérence dans la nature et la délimitation des zonages

Le principe de l’intangibilité et le caractère « non négociable » des « zones noires » ont été les maîtres mots des préfets de Vendée et de Charente-Maritime dans les jours ayant suivi les présentations aux maires puis aux populations concernées.

Concernant les communes de La Faute-sur-Mer et de l’Aiguillon-sur-Mer, le préfet de Vendée affirmait dans un entretien publié le 10 avril par le Journal du Dimanche : « cette cartographie ne bougera pas ».

Une telle position semblant juridiquement risquée car ayant pour effet de conférer à terme un caractère opposable à des documents établis sur des bases incertaines, une évolution est intervenue dans les « éléments de langage » de l’administration.

Au cours de la quinzaine suivant, dans un long entretien avec des journalistes (sur trois pages du Figaro Magazine du 24 avril 2010), le préfet de Vendée admettait la possibilité d’« ajustements », « à la marge » et « au cas par cas », en reportant la question sur le travail des commissaires enquêteurs dans le cadre des futures procédures d’expropriation, c’est-à-dire au titre d’un dispositif strictement régi par la loi (14).

La nature même des cartographies réalisées en Vendée et en Charente-Maritime en fait l’objet d’une pré-analyse par les tribunaux administratifs de Nantes puis de Poitiers dans des décisions rendues les 29 avril et 1er juin dernier sur des recours formulés par des sinistrés. Les tribunaux ont reconnu que si de tels documents ne sauraient par eux-mêmes avoir des effets juridiques de dépossession, de destruction, voire même d’évacuation et d’interdiction de construire (le tribunal administratif de Poitiers saisi d’une requête en annulation n’a pas accédé à la demande), il importait toutefois que les préfets communiquent au plus tôt aux plaignants toutes les sources administrative susceptibles d’avoir fondées les décisions de délimitation des zones (avis, études, analyses et expertises émis ou réalisés par des personnes de droit public ou de droit privé, placées, à cette occasion, sous l’autorité des préfets). La nécessité de rendre publique cette documentation administrative à laquelle les préfets s’étaient fermement opposés, a été reconnue par les tribunaux administratifs en raison de l’obligation d’éclairer les propriétaires, dès lors qu’ils doivent en toute connaissance de cause être à même de décider s’ils acceptent d’entrer dans le processus déjà lancé d’acquisition à l’amiable en fonction les propositions de France Domaine, c’est-à-dire de répondre positivement ou négativement à une offre d’achat par l’État qui ne concerne que des biens inscrits par lui dans une « zone  noire » pour des motifs unilatéralement arrêtés par ses services.

Dans une note aux parlementaires du 3 juin 2010, M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme a tenu à apporter les précisions suivantes : « La dénomination « zone noire » a été mal comprise. Elle a pu laisser croire à certains que nous allions procéder à la destruction immédiate et massive des maisons situées dans ces zones à risques. Or le Gouvernement ne procédera évidemment à aucune expropriation, ni aucune destruction contre la volonté des personnes, avant qu’il y ait eu enquête d’utilité publique. Heureusement qu’il n’est pas possible de tout raser au bulldozer du jour au lendemain. La France est un état de droit.

L’urgence ne doit pas être synonyme d’injustice, l’État n’est pas là pour accentuer la détresse des victimes mais bien pour les aider. Le plan d’action du Gouvernement comprend deux étapes :

Première étape : Procéder partout où le Gouvernement le peut, à une acquisition à l’amiable. L’État rachète au prix du marché avant tempête, les maisons des propriétaires qui le souhaitent, dans ces zones de solidarité. C’est une première phase de négociation.

Deuxième étape : Pour les cas où il n’y aurait pas eu d’acquisition. Des ingénieurs du ministère, qui sont actuellement en Vendée, et bientôt en Charente-Maritime, définissent le périmètre de l’enquête d’utilité publique à l’intérieur de chaque zone.

Selon les premières remontées de terrain, le périmètre de la zone de solidarité sera certainement légèrement ajusté quand cela est justifié, le critère restant celui du danger.

Ces ajustements seront effectués après examen au cas par cas sous l’autorité des préfets. Les zones doivent rester cohérentes, par exemple en évitant de créer des îlots qui ne pourraient pas être mis en sécurité de manière satisfaisante.

Au terme de l’enquête publique, c’est au juge qu’il appartiendra, en fonction du danger qu’encourent nos concitoyens, d’autoriser ou non les expropriations.

Pour les propriétaires qui ne souhaitent pas quitter leur maison, c’est donc la décision d’un tribunal, qui déterminera les cas où le rachat suivi d’une expropriation s’impose. »

Ces affirmations, apparemment claires et qui arrivent après plusieurs semaines où se sont succédé les déclarations les plus péremptoires voire marquées d’une forme d’autoritarisme, ne sont toutefois pas de nature à atténuer les craintes des populations concernées.

•  D’une part, en raison de la façon dont sont traités certains dossiers en suspens et de l’approche dans la méthode de travail des experts nationaux.

•  D’autre part, en raison du long cheminement contentieux auquel risquent d’être confrontés de nombreux propriétaires.

Sur le premier point, la décision prise par le préfet de Charente-Maritime le 15 juin dernier est révélatrice. L’extension sensible des zones de solidarité « après arbitrage gouvernemental »(15) des communes de Fouras et du village des Boucholeurs (partagé entre les communes de Châtelaillon et d’Yves) qui concerne au total 220 constructions supplémentaires se fonde sur des expertises contestables, sur la base de considérations formulées verbalement devant les élus concernés, sans la moindre procédure contradictoire.

Le spécialiste dépêché par le ministère, M. Jean-Marc Kahan ne peut être considéré ni indépendant ni compétent, dès lors qu’il est directement rattaché à la DGPR et qu’il n’exerce sa compétence que dans les domaines des barrages, un domaine foncièrement distinct de celui des systèmes de défense contre la mer.

À ce titre, il a néanmoins considéré la nécessité d’étendre le périmètre de solidarité sur une profondeur de 50 m à partir du front de mer (1) dans le village des Boucholeurs, arguant de la nécessité d’établir sur cette profondeur une digue sans en préciser ni la nature ni la configuration générale, pas plus que l’utilité alors que le site est traditionnellement protégé par des ouvrages de défense à la mer sur le domaine public maritime qu’il convient de modifier et de renforcer selon une procédure déjà engagée ! L’utilisation du principe de précaution pour seule expertise sert à masquer l’absence de crédibilité. C’est donc sur cette unique « expertise » que s’est appuyée la décision de l’État pour les communes de Nieul-sur-Mer, Fouras et le village des Boucholeurs. Monsieur Kahan n’y a passé que quelques heures au total. Sa démonstration conclusive lors de la réunion du 15 juin à la préfecture de la Charente-Maritime a confirmé le caractère décalé et superficiel de son analyse devant les meilleurs spécialistes du Conseil général de la Charente-Maritime, maître d’ouvrage désigné des futurs systèmes de défense.

Au regard des coûts financiers en jeu, des conséquences personnelles pour les propriétaires et des impacts environnementaux de la mise en œuvre par l’État d’une doctrine manifestement arbitraire, la mission d’information en vient à considérer favorablement l’apport d’experts indépendants (français et étrangers), professionnellement reconnus pour leur compétence dans la gestion et la protection des zones littorales. Le recours à des tiers arbitres qui auraient également à charge de préciser les prescriptions constructives et d’aménagement applicables aux zones « jaunes » rétablirait une indispensable sérénité à un processus techniquement mal assuré et dont l’opacité relève de pratiques administratives d’un autre âge.

Proposition n° 1

a) Surseoir à la mise en œuvre des procédures de déclaration d’utilité publique (DUP) dans l’attente du résultat des études menées dans le cadre de la procédure du PPR.

b) Recourir à des experts indépendants (français et étrangers), professionnellement reconnus pour leur compétence dans la gestion et la protection des zones littorales et à des tiers arbitres qui ont également à charge de préciser les prescriptions constructives et d’aménagement applicables.

c) En zones de solidarité, les terrains constructibles, non encore construits, ou en cours d’équipement, sont indemnisés au prix du marché, avant la tempête.

6. Des risques juridiques majeurs et des discours contradictoires

L’ensemble des opérations de zonages (de la phase initiale jusqu’aux derniers « ajustements » d’experts) se caractérise par un foisonnement d’incohérences administratives et juridiques.

●  S’agissant de l’agglomération rochelaise, les élus s’étonnent que la communauté d’agglomération, qui a pourtant compétence en matière d’aménagement, n’ait jamais été consultée ni informée. L’administration a joué la carte de la pression directement exercée sur chaque maire, en omettant volontairement cet échelon de la communauté. Sa méthode de la division (16) aboutit d’ailleurs à des situations incompréhensibles qui, au sein d’une même entité communale ou face à des situations tout à fait comparables, établit des discriminations entre des propriétés ayant subi des dégâts d’intensité analogue en classant certaines en zones « noires » et d’autres en zone « orange », voire en les excluant de tout zonage, alors que l’application des mêmes critères supposés objectifs est constamment invoquée par les services de l’État ! Le principe de précaution appliqué sans discernement peut-il porter atteinte à ce point au principe d’égalité ?

D’autant qu’il apparaît que la pratique administrative relève en la matière du fonctionnement de la machine infernale qui même lorsqu’elle s’enraye finit par se remonter toute seule, hors de toute maîtrise cohérente. Une telle pratique augure mal de la qualité des actes devant aboutir à la définition des parcelles qui seront concernées par la procédure d’expropriation.

Les textes en vigueur que l’administration ne pourra méconnaître risquent de mettre à mal la cohérence qu’elle affirme rechercher au titre des opérations de zonage. Il est à craindre que de la procédure résulte pour longtemps un « mitage » ingérable dans la quasi-totalité des communes concernées.

●  À ce stade, il paraît utile à la mission de rappeler les règles fondamentales de la procédure d’expropriation et des recours contentieux susceptibles d’être intentés.

Dès la phase administrative, les actes préparatoires à l’expropriation sont d’ailleurs susceptibles d’être déférés devant la juridiction administrative :

– l’arrêté préfectoral d’ouverture de l’enquête publique qui peut être contesté, par voie d’exception, à l’occasion d’un recours dirigé contre la déclaration d’utilité publique ;

– l’arrêté préfectoral déclarant l’utilité publique du projet qui peut également être attaqué par voie d’action ; le requérant dispose d’un délai de deux mois pour déposer un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif ; ce délai court à compter de l’accomplissement des formalités de publicité ;

– l’arrêté d’ouverture de l’enquête parcellaire qui est un acte préparatoire et ne peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Toutefois, des vices quant à la régularité de cet acte peuvent être invoqués à l’encontre d’un recours dirigé contre l’arrêté de cessibilité ;

– l’arrêté de cessibilité qui précise les parcelles à exproprier. Il peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des formalités de publicité. Cet arrêté qui sert de base au transfert de propriété n’est valable que s’il a été transmis dans les six mois de la date où il a été pris au secrétariat de la juridiction compétente pour prononcer l’expropriation (article R. 12-1, 7° du code de l’expropriation).

Puis au cours de la phase judiciaire qui porte sur le transfert de propriété et le montant de l’indemnisation, des recours peuvent concerner :

– l’ordonnance du juge de l’expropriation portant transfert de propriété qui identifie précisément les biens expropriés, les propriétaires concernés, ainsi que la personne au profit de laquelle la procédure est poursuivie. Le pourvoi en cassation est la seule voie de recours autorisée contre cette ordonnance d’expropriation. En cas d’annulation par le juge administratif de la déclaration d’utilité publique ou de l’arrêté de cessibilité, il est toutefois possible de faire constater par le juge de l’expropriation que l’ordonnance portant transfert de propriété est entachée d’illégalité ;

– l’ordonnance fixant l’indemnisation qui faute d’accord amiable fixe l’indemnité d’expropriation. Un appel peut être interjeté devant la Cour d’appel, dans un délai d’un mois. Son arrêt peut éventuellement être déféré à la Cour de cassation, dans le délai de deux mois à compter de sa signification.

•  Ce simple rappel de la procédure au cours de ses étapes administratives puis judiciaires, permet de constater que l’on ne peut exproprier sans motifs réels et sérieux et qu’il ne suffira pas pour l’État d’invoquer la seule probabilité d’un danger éventuel, fût-il potentiellement mortel. En outre, il conviendra aux commissaires enquêteurs d’être vigilants afin d’examiner sérieusement la configuration des sites et des parcelles concernés et de recueillir fidèlement les contestations. Les préfets ne pourront pas en effet se contenter de transformer chaque « zone noire » en zone d’utilité publique, au nom d’une prétendue cohérence territoriale. Les arrêtés de cessibilité devront être précis et motivés en fonction de chaque bien concerné. À cet égard, il paraît juridiquement peu concevable de laisser penser, comme semble le croire l’administration préfectorale, que chaque zone pourrait donner lieu à une succession d’arrêtés quasi identiques pour viser à obtenir des « rangées » ininterrompues d’expropriations. L’automaticité et le systématisme ne caractérisent pas la procédure d’expropriation, contrairement aux travaux actuellement accomplis au titre des « zonages ».

• En tout état de cause, le « zonage » tel qu’effectué par les services de l’État sur la base des travaux très contestables, porte atteinte à la propriété privée, même s’il n’emporte pas directement, d’un strict point de vue juridique, une dépossession. Par le « marquage » de quartiers, voire de portions du territoire d’une commune sans véritable cohérence, la valeur des biens se trouve rabaissée par désignation. Ils sont ainsi d’emblée considérés voués à l’abandon, sans que d’autres solutions pourtant concevables dans de nombreuses situations ne paraissent devoir être retenues, ni même examinées par les administrations ayant mis en œuvre cette procédure extra légale.

Les discours officiels n’ont d’ailleurs cessé de fluctuer entre une expression se voulant apaisante et clarificatrice et l’application faite par les préfets de ces orientations. Dans sa lettre aux maires du 15 avril 2010, M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, avait pourtant tracé ce qu’il appelait « une feuille de route », en précisant que lorsqu’un propriétaire n’acceptait pas une offre d’acquisition amiable, la situation de son bien fera l’objet d’un examen « au cas par cas » et « de manière contradictoire, sous le contrôle des juges compétents » pour apprécier s’il convenait effectivement de maintenir son intégration au sein d’une zone d’extrême danger. Tel était d’ailleurs la ligne directrice exprimée par le Président de la République constatée par votre rapporteur au terme d’une rencontre.

Or, ce principe de contre-expertise « à la parcelle » a été totalement écarté par les préfets. En témoignent les lettres adressées par le préfet de la Charente-Maritime aux maires et aux habitants, le 22 juin 2010, qui éludent totalement cette voie de sortie du zonage, et ne font état que de la seule procédure d’expropriation comme suite directe et automatique à la procédure amiable d’acquisition pour l’ensemble des biens concernés ! De plus, le préfet intègre les commerces et les activités conchylicoles ou ostréicoles dans le processus, en complète contradiction avec le principe initialement posé de non-expropriation des activités diurnes que France Domaine considérait pourtant certain car hors du cadre de sa mission de proposition d’acquisition amiable, ce que les représentants de cette administration ont confirmé à votre rapporteur.

Ce nouveau revirement entre les discours officiels et leurs mises en œuvre sur le terrain ne contribue pas à établir un minimum de confiance dans la parole publique, d’autant qu’il vient d’être décidé d’un terme prochain (lettres du ministre d’État aux préfets de Vendée et de la Charente-maritime des 7 et 10 juin 2010) à la fin des mois de septembre et d’octobre à venir selon le département, aux zones de solidarité « conçues comme des périmètres où seule l’acquisition amiable préventive est proposée. Demeureront alors les procédures proposées à la déclaration d’utilité publique… ». Toute phase intermédiaire de réexamen contradictoire se trouve ainsi abandonnée.

III.— DES RESSOURCES INSUFFISANTES POUR LES
INDEMNISATIONS

Les quatre régimes qui apportent une réponse aux différents types de dommages

– les dommages considérés comme assurables (tempête, grêle, gel, poids de la neige) relèvent de garanties contractuelles, facultatives ou obligatoires ;

– les dommages non assurables subis par les exploitations agricoles récoltes non engrangées et cheptel vif hors bâtiment) sont couverts par le Fonds national de garantie des calamités agricoles ;

– les autres dommages non assurables résultant de catastrophes naturelles sont garantis par le régime institué par la loi du 13 juillet 1982 (dit « cat-nat ») ;

– les personnes expropriées par l’État lorsqu’une menace grave de survenance d’un mouvement de terrain, d’une avalanche ou de crue torrentielle sont indemnisées par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « Fonds Barnier », créé par la loi du 2 février 1995.

A.— XYNTHIA, UN COÛT ÉLEVÉ

Les coûts ont, dans un premier temps été évalués à 1,2 milliard d’euros, par la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), montant porté ensuite à 1,5 milliard.

La répartition en est la suivante : 800 millions d’euros pour les sinistres causés par le vent, au titre de la garantie tempête et 700 millions pour les sinistres dus aux inondations, au titre du régime des catastrophes naturelles. Les dégâts dus aux inondations ont été plus importants par sinistre, mais moins nombreux sur l’ensemble du territoire. En effet, 40 000 sinistres sont causés par les inondations et 350 000 sinistres sont imputables au vent, soit 90 % d’entre eux.

Le nombre de déclarations et les coûts détaillés figurent en annexe.

À titre de comparaison, le coût pour les assureurs de la tempête Klaus du 24 janvier 2009 a coûté 1,5 milliard d’euros pour les assureurs, 715 000 sinistres étant déclarés pour un coût moyen de 2 150 euros par sinistre. Les tempêtes Lothar et Martin, qui ont frappé l’Europe en décembre 1999, qui se classent parmi les cinq tempêtes les plus marquantes des trente dernières années, ont coûté 6,9 milliards d’euros.

B.— UNE BONNE RÉACTIVITÉ DES ASSURANCES

Comme l’a souligné M. Bernard Spitz, Président de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), lors de son audition par la mission d’information, la FFSA a été présente sur le terrain, dès le week-end où s’est produite la tempête. Quelque 500 experts étaient sur place ; en Vendée, 100 % des sinistrés se trouvant en zone de solidarité ont été visités une fois et la moitié deux fois (17). Au total, 92 000 dossiers ont été recensés par la Fédération à la suite de la tempête Xynthia : au 19 avril, 70 % des sinistrés avaient fait l’objet d’une visite et 37 % des dossiers ont été clôturés.

Grâce à ses correspondants locaux, des contacts ont été pris avec la préfecture afin de prendre la mesure des problèmes et d’étudier la simplification et l’accélération des procédures.

C’est ainsi qu’une convention de renonciation à recours a été élaborée et validée conjointement par la FFSA et le Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (GEMA) afin que tous les assureurs renoncent à exercer un recours pour les dommages causés à leurs assurés pour lesquels la responsabilité d’un tiers pourrait être recherchée.

Le délai de déclaration de sinistre a été prolongé jusqu’au 31 mars 2010, alors qu’il est habituellement de cinq jours – de 10 jours dans le cadre de la garantie des catastrophes naturelles pour les dommages matériels directs et de 30 jours pour les pertes d’exploitations – et les demandes hors délai continuent d’être acceptées et traitées. Les déclarations de dommages ont pu être faites par tout moyen et il n’a pas été demandé d’attestation de vitesse du vent aux sinistrés, les assureurs se procurant directement les documents correspondants auprès de Météo-France.

La profession s’est engagée à mobiliser ses moyens pour indemniser tous les dommages de moins de 2 000 euros dans les trois mois ; elle a confirmé le 2 juin que cet objectif avait été atteint. Elle s’est également engagée à faire bénéficier les assurés d’avances sur indemnisation selon les besoins et les circonstances.

En outre, le Président de la République a nommé un médiateur des assurances, M. Yann Boaretto, afin d’aider les personnes touchées par la catastrophe, à la disposition duquel la FFSA a mis son réseau de correspondants locaux. De surcroît, un médiateur délégué a été nommé en Charente-Maritime et un autre en Vendée, chargés d’interpeller en cas de besoin les deux fédérations d’assurance.

C.— DES MESURES DE RELOGEMENT D’URGENCE

Plusieurs mesures ont été arrêtées pour faciliter le relogement des sinistrés. Le gouvernement a annoncé l’accélération de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme et l’assouplissement des conditions d’attribution du prêt à taux zéro : en principe réservé aux primo accédants, il est ouvert aux sinistrés, grâce à une enveloppe exceptionnelle de 5 millions d’euros.

Dans les préfectures, a été mise en place une cellule de relogement chargée d’assurer une écoute des sinistrés, de prendre en compte les situations individuelles, d’établir un diagnostic par foyer et d’accompagner les projets. Une maîtrise d’ouvrage urbaine et sociale (MOUS) est mise en place pour assurer un traitement au cas par cas.

Une mission d’appui aux préfets a été mise en place, dirigée par Mme Claude Dorian, qui est chargée d’assurer le lien entre les différents acteurs

La FFSA et la GEMA ont déclaré travailler avec les pouvoirs publics afin d’assurer le relogement des assurés. L’État s’est engagé à rembourser en urgence et intégralement les dépenses exposées par les communes pour préfinancer le fonds d’aide au relogement d’urgence (FARU), au-delà de six mois si nécessaire pour un coût estimé à 954 millions d’euros. Le fonds, crée par la loi de finances pour 2006 prend en effet en charge la totalité du coût du relogement pendant une durée maximale de 6 mois.

Action logement (ex 1 % logement) a engagé une enveloppe de 5 millions d’euros pour des prêts aux victimes de Xynthia : ces prêts au taux de 1,5 % sont destinés à financer une partie des dépenses à engager (travaux de réhabilitation ou de construction et acquisition) non couvertes par les dispositifs d’indemnisations.

D.— UN RÉGIME DES CATASTROPHES NATURELLES GLOBALEMENT ADAPTÉ MAIS DÉRESPONSABILISANT

1. Le régime des catastrophes naturelles, un régime adapté qui permet la solidarité

Depuis la loi du 25 juin 1990, tous les contrats d’assurance comportent une garantie tempête : les dommages résultant de l’effet du vent sont donc indemnisés dans ce cadre, avec les franchises et les plafonds prévus contractuellement.

En revanche, la prise en charge par les sociétés d’assurance des dégâts matériels causés par les inondations nécessite que les communes sinistrées soient déclarées en situation de catastrophe naturelle.

a) un système original et adapté…

Avant 1982, les risques liés aux inondations et à la plupart des phénomènes naturels n’étaient pas pris en compte que par les aides publiques. Ce n’est pas le cas du régime des catastrophes naturelles qui, contrairement à une opinion répandue, n’est pas financé par l’État (qui toutefois donne sa garantie) mais par les assureurs, et donc, en fait, par les assurés.

Le système mis en place par la loi du 13 juillet 1982 fait à la fois appel à la puissance publique et aux mécanismes assuranciels.

Deux conditions préalables doivent être impérativement remplies : l’état de catastrophe naturelle doit être constaté par arrêté ministériel et les biens sinistrés doivent être couverts par un contrat d’assurances « dommages aux biens ».

C’est aux communes sinistrées qu’il appartient de faire une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Le 1er mars 2010 a été signé l’arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour quatre départements : la Charente-Maritime, la Vendée, les Deux-Sèvres et la Vienne.

Selon l’article L. 125-1 du code des assurances, le régime des catastrophes naturelles peut être déclenché lorsqu’il s’agit « de dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pas pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises ».

Faute de pouvoir fournir une définition juridique rigoureuse, le régime de catastrophe naturelle ne définit pas de façon limitative les catastrophes qu’il couvre. Cette exception française (18) peut être considérée comme un avantage, mais aussi peut laisser craindre que ce régime soit mobilisé pour des « catastrophes » d’importance moindre, « l’intensité anormale » ne pouvant être délimitée.

La loi du 25 juin 1990 a limité l’application du régime aux risques non assurables, mais n’a pas précisé la définition de la catastrophe naturelle. De fait, la subjectivité de la notion a souvent été dénoncée.

Lors des débats parlementaires relatifs à la loi de modernisation de la sécurité civile du 17 août 2004, l’accent a été mis sur l’insuffisance d’information sur les motivations de reconnaissance ou non de l’état de catastrophe naturelle des arrêtés. Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes de 1999 souligne que « dans la pratique, le dispositif ne distingue donc pas les aléas courants des véritables catastrophes naturelles, d’où la profusion des arrêtés ».

Les événements constatés dans l’arrêté du 1er mars 2010 sont les inondations, les coulées de boue et les mouvements de terrain pour les quatre départements et, de surcroît, les chocs mécaniques liés à l’action des vagues pour la Charente-Maritime et la Vendée. Ce régime n’intervient qu’en cas de dégâts matériels et directs.

Un second arrêté a été pris à la suite de la tempête Xynthia, le 11 mars 2010 concernant certaines communes des départements de Gironde et de Loire Atlantique : au total, 191 communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle.

Le régime des catastrophes naturelles est alimenté par le prélèvement de 12 % sur les primes versées sur tous les contrats d’assurance dommages aux biens : son taux – à l’origine de 5,5 % – fixé par le ministère des finances, est identique sur tout le territoire.

L’intérêt du régime des catastrophes naturelles est la prise en charge des risques naturels, comme les inondations ; en revanche, il induit des franchises élevées.

Celles sont également fixées par l’État et s’élèvent actuellement à 380 euros pour les biens à usage non professionnel (et 1 520 euros pour les sinistres de subsidence dus à la sécheresse) et à 10 % du montant des dommages matériels directs (avec un minimum général de 1 140 euros, porté à 3 050 euros pour les sinistres de subsidence dus à la sécheresse) ; les franchises sont de trois jours ouvrés pour les pertes d’exploitation pour les biens à usage professionnel.

Le régime des catastrophes naturelles prévoit la prise en charge des dommages matériels causés aux biens assurés et concerne les bâtiments à usage d’habitation ou professionnel, le mobilier, les véhicules à moteur et le matériel. En revanche, il exclut les dommages causés aux récoltes non engrangées, aux cultures, aux sols et au bétail non enfermé, ainsi que les bateaux et les marchandises transportées. Les biens non assurés en dommages ne sont pas couverts, tels que les terrains ou jardins.

Le régime des catastrophes naturelles ne s’applique pas dans les zones inconstructibles, postérieurement à la publication d’un PPR ou en violation des règles administratives en vigueur lors de leur mise en place et tendant à prévenir les dommages causés par une catastrophe naturelle.

L’assureur doit verser l’indemnité dans les trois mois qui suivent la remise par l’assuré de l’état estimatif des pertes subies.

Le montant et les conditions du règlement découlent des clauses du contrat d’assurance. Le régime des catastrophes naturelles, comme la garantie tempête, sont calés sur le périmètre assuré dans le cadre de la garantie dommages souscrits par l’assuré.

Dans le cas de la tempête Xynthia, la création des zones a créé une situation nouvelle et complexe. Selon M. Bernard Spitz, Président de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), le classement n’a aucune incidence sur les assureurs, puisque les contrats d’assurance étaient antérieurs à ces zones. Quelle que soit la zone, si la maison a été détruite par la tempête, le remboursement sera effectué sur la base de sa valeur avant la tempête ; si elle est endommagée, l’indemnisation doit permettre sa remise à neuf.

Dans les zones de solidarité, les sociétés d’assurance indemniseront les biens abîmés ou détruits comme si la remise en état devait avoir lieu. L’État indemnisera les personnes concernées selon la valeur vénale des biens antérieure à la catastrophe, en déduisant la part prise en charge par les assurances privées.

Quant au coefficient de vétusté, il sera appliqué dans les zones autres que les zones de solidarité pour permettre les reconstructions sur place ; en revanche, il n’en sera pas tenu compte dans les zones de solidarité, ni dans les autres zones pourvues de plan de prévention.

b) … permettant aux assureurs de se réassurer avec la garantie de l’État

Le marché français est celui qui couvre le plus systématiquement la notion de catastrophe naturelle. Les intervenants sont, en premier lieu, les assureurs, puis la Caisse centrale de réassurance.

Pour les risques résultant de catastrophes naturelles, la loi a habilité la Caisse centrale de réassurance (CCR) à pratiquer ses opérations de réassurance avec la garantie de l’État.

Créée en 1946 comme EPIC et transformée ensuite en société anonyme aux capitaux intégralement détenus par l’État, elle assure la réassurance des biens dans le cadre du régime des catastrophes naturelles. Depuis 1982, en effet, la majorité des assureurs a choisi de se réassurer auprès d’elle ; ce système leur permet de bénéficier de la garantie illimitée de l’État. Mais il n’est pas obligatoire – la garantie de l’État ne confère pas à la CCR le monopole de la réassurance des catastrophes naturelles –.

La Caisse prélève une part de la surprime des assureurs : sur la surprime de 12 % prélevée par les compagnies d’assurance sur les contrats dommages afin de financer le régime des catastrophes naturelles, 12 % sont versés au fonds Barnier : la CCR reçoit la moitié de 88 %, l’autre moitié étant conservée par les assureurs. Elle intervient en prenant en charge l’indemnisation de sinistres dans la même proportion (19).

Pour Xynthia, sur un coût total de 1,5 milliard d’euros, environ 500 à 550 millions d’euros devraient relever de la catastrophe naturelle. La CCR en prendra en charge la moitié et estime donc son débours à 250 ou 300 millions d’euros, comme l’a indiqué son président directeur général, M. Thierry Masquelier à la mission d’information. Ces remboursements ne sont pas dépendants de la situation des habitations au regard du zonage, effectué a posteriori. En revanche, ainsi que l’a annoncé le Président de la République, le fonds Barnier complétera l’indemnisation des dommages survenus dans les zones de solidarité.

RÉASSURANCES AVEC GARANTIE DE L’ÉTAT - RÉPARTITION DU CHIFFRE D’AFFAIRES PAR TYPES DE RISQUES

Le chiffre d’affaires réalisé par la CCR en 2009 dans les activités de réassurance s’est élevé à 756,4 millions d’euros, réparti de la façon suivante :

 

en M€

en %

Risques de catastrophes naturelles

671,1 M€

89 %

Risques exceptionnels

7,9 M€

1 %

Attentats risques de masse

28,7 M€

4 %

Risques liés à l’assurance crédit

27,9 M€

3 %

Attentats

20,8 M€

3 %

Source : CCR

La qualité du régime de catastrophe naturelle réside dans la garantie finale apportée par l’État : les assurés sont à l’abri des fluctuations du marché qui sont tributaires d’événements pouvant survenir hors de France. Cette garantie, jusqu’à présent, n’a été nécessaire qu’une fois, en 2000, pour un montant de 263 millions d’euros, à la suite d’un nombre particulièrement élevé d’événements importants en 1999 : sécheresse, inondations du sud de la France et inondations causées par les tempêtes de décembre. Comme le précise la mission interministérielle (20), pour 2010, le seuil est ainsi fixé à 2 725,6 millions d’euros.

2. Un régime vulnérable et déresponsabilisant

Le régime des catastrophes naturelles est un système très protecteur qui fonctionne bien. L’intérêt collectif du régime est bien perçu et il n’est pas envisageable de le remettre en cause.

Il est original, car il combine l’efficacité des mécanismes d’assurance avec un principe de solidarité nationale. Peu de pays ont une couverture contre les inondations aussi systématique que la France. Dans certains pays, les phénomènes naturels ne sont pas couverts par les assurances souscrites par les particuliers ; dans d’autres, les inondations sont exclues des couvertures contre les catastrophes naturelles ou le montant d’indemnisation est limité.

Il est toutefois vulnérable, ainsi que l’avait souligné le rapport de la mission d’enquête sur le régime d’indemnisation des victimes des catastrophes naturelles d’octobre 2005 (21). Le coût de la sinistralité ne cesse d’augmenter plus rapidement que les primes et le système ne comporte pas de mécanismes permettant de garantir son équilibre sur le long terme. C’est ainsi qu’un changement structurel est apparu à partir de 1992, avec un doublement du ratio sinistres/primes, en raison notamment de la prise en charge de la sécheresse et de l’aggravation des phénomènes d’inondation. En outre, la garantie apportée par l’État à la Caisse centrale de réassurance (CCR) ne conduit pas les assureurs à porter leur provisionnement à un niveau élevé. Cette situation a amené la même mission à souligner que la France était le pays « où les réserves de financement pour faire face à des catastrophes naturelles sont les plus faibles. ». Cependant, la mission interministérielle note à propos du régime catnat que « bien que la marge qu’a dégagée cette branche d’activité se soit réduite entre 1992 et 2004, sa rentabilité globale est restée favorable. Au surplus, la marge des assureurs s’est significativement redressée depuis 2004 ».

Il est également déresponsabilisant. Ainsi que l’a souligné le Président de la République le 16 mars dernier à la Roche-sur-Yon, « ce système est incompréhensible. Il est évidemment inefficace, puisqu’il n’incite absolument pas à la prévention, et il est injuste »

En France, chaque assuré finance la couverture contre les phénomènes naturels, ce qui permet une mutualisation des risques pour l’ensemble de la population et repose donc sur la solidarité nationale. La prime de 25 à 30 euros par an en moyenne par assuré qui alimente le régime des catastrophes naturelles entraîne une couverture large puisque le bénéficiaire est couvert contre tous les aléas naturels (sauf les effets du vent) pour un prix abordable. De ce fait, il n’incite pas à la prévention, d’autant que le taux de la surprime (12 %) est identique sur tout le territoire, quels que soient les risques spécifiques. Cette unicité n’encourage pas les propriétaires à moins s’exposer au risque où à effectuer des travaux de protection.

De surcroît, la réassurance auprès de la CCR, elle-même garantie par l’État, met les assureurs à l’abri de tout risque financier.

La mission interministérielle déplore que « le régime…ne comporte pas « les mécanismes de rappel » indispensables permettant de garantir son équilibre sur le long terme », « les mécanismes de rappel » étant des mécanismes d’incitations à la prévention : « les primes et les franchises ne dépendent ni du risque subi, ni des efforts consentis par l’intéressé pour adopter des mesures de prévention ou de réduction de la vulnérabilité ».

Selon M. Bernard Spitz, la Fédération a constaté que les assurés avaient pris pour la première fois conscience que le coût élevé de la tempête pouvait avoir une répercussion sur leur prime d’assurance, certains indiquant sur des blogs qu’ils n’étaient pas prêts à payer un surcoût pour ceux qui prennent des risques en s’installant dans des zones dangereuses, ce qui montre que la mutualisation est légitime tant que les risques pris ne sont pas excessifs.

E.— LES PREMIÈRES OFFRES DE FRANCE DOMAINE APPORTENT SATISFACTION MAIS RISQUENT DE CRÉER UN EFFET D’AUBAINE

Dans sa conférence de presse du 13 avril 2010, le Premier ministre a annoncé que les habitants des zones de solidarité pouvaient demander l’acquisition amiable par l’État de leur maison.

« Dans ces zones, les habitants qui le souhaitent peuvent, dès maintenant, demander l’acquisition amiable par l’État de leur maison et du terrain sur lequel cette maison est bâtie. Cette acquisition se fera, c’est un engagement que je prends, au prix du marché avant la tempête, pour la maison comme pour le terrain. C’est une situation sans précédent dans l’histoire de notre pays. Cette procédure, nous l’avons choisie parce que c’est la seule qui permet d’aller vite et c’est donc la seule qui permet d’éviter de laisser des personnes, de laisser des familles dans l’incertitude et dans l’attente. »

Un arrêté du 28 avril 2010 a porté le montant maximal des subventions accordées pour les acquisitions de bien amiables de 60 000 à 240 000 euros par maison.

Toutes les habitations classées en zones de solidarité seront indemnisées en fonction de leur valeur sur le marché de l’immobilier avant la tempête. Mais il existe deux cas de figures. Les biens sinistrés à plus de 50 % de leur valeur vénale se verront appliquer ce plafond, ce qui concerne environ 30 maisons ; les autres biens ne seront soumis à aucun plafonnement, étant précisé que les habitations n’ayant pas subi de dégâts devront faire l’objet d’une évaluation scientifique du risque naturel impliquant un danger mortel.

Quant aux méthodes d’évaluation, conformément à l’article L.561-1 du code de l’environnement, il n’est pas tenu compte de l’existence du risque pour la détermination du montant des indemnités qui doit permettre le remplacement des biens expropriés. Par ailleurs, il n’existe aucune différence de traitement entre résidences principales et résidences secondaires.

L’État s’est engagé à combler la différence entre l’indemnisation versée par les assurances et la valeur vénale des biens.

Environ 900 propriétés sont à évaluer en Vendée et près de 600 en Charente-Maritime, 30 agents évaluateurs se sont rendus sur les zones sinistrées.

France Domaine a mentionné un ordre de grandeur de 800 millions d’euros d’indemnisations pour les habitations classées en zones de solidarité. Pour sa part, la mission interministérielle de retour d’expérience, d’évaluation et de proposition d’action à la suite de la tempête Xynthia retient une « fourchette » de 300 à 700 millions.

D’après les chiffres fournis à la mission par M. Jean-Louis Borloo, Ministre d'État, ministre de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer, en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le climat, la situation était la suivante au 21 juin 2010 :

 

Vendée

Charente-Maritime

TOTAL

Nombre d’offres notifiées

483

234

717

Nombre de propositions acceptées

173

125

298

Coût des propositions acceptées (en M€)

48,3

44,3

92,6

Nombre de propositions refusées

3

0

3

Le Ministre estime qu’ « au final, suite notamment à la définition des périmètres d’enquête publique qui seront plus restreints que les zones de solidarité, seuls 600 biens pourraient être concernés par département, cela conduirait à un coût global de 160 millions d’euros en Vendée (rachat moyen actuel à 265 000 euros) et 220 millions d’euros (rachat moyen de 370 000 euros) en Charente-Maritime. Du coût global de 380 millions d’euros, peut être retirée une prise en charge par les assurances estimée de 10 à 15 %. Il faudra ajouter à ce montant le rachat de certaines activités économiques, ce qui conduit ainsi à un coût global estimé de 400 millions d’euros (22) ».

D’après M. Thierry Demaegdt, Président de l’association « Reconstruire Charron », que la mission a rencontré, France Domaine a proposé un prix d’environ 250 000 euros pour 200 maisons.

D’après les informations fournies par la presse, la préfecture de la Vendée a reçu un acompte de l’État de 10 millions d’euros et la Charente-Maritime 12 millions d’euros.

La presse s’est fait écho de propriétaires souhaitant partir, compte tenu de la violence de la tempête, et satisfaits de l’offre qui leur a été faite ; d’autres, au contraire, y voient une pression supplémentaire : Mme Marie-Olivia Rocca, présidente de 1’« Association de défense des intérêts des victimes de Xynthia » a déclaré à la mission d’information que la rapidité du travail de France Domaine avait été mal ressentie par certains des habitants concernés.

Les prix proposés font débat. Le niveau élevé des prix proposés a choqué certains maires rencontrés par la mission, dont l’un d’eux a parlé de « surestimation scandaleuse », prouvant que l’  « État [était] riche ».

Les services de l’État surcotent les maisons pour inciter leurs propriétaires à les vendre et elles vont être payées à un prix exorbitant : votre Rapporteur peut citer l’exemple d’une maison sur l’île d’Aix qui vaut 300 000 euros et pour laquelle il a été proposé 650 000 euros, dans un premier temps. Ces prix laissent craindre une gabegie d’argent public à un niveau rarement atteint : en outre, cet effet d’aubaine, ajouté au mitage, risque de déstabiliser le tissu urbain et le marché immobilier.

En revanche, le prix de 240 000 euros ne correspond en bord de mer qu’au seul prix du terrain, à condition qu’il ne soit pas très étendu : à Châtelaillon, le prix du mètre carré peut atteindre 1 000 euros dans les zones sinistrées : les habitations en front de mer des Boucholeurs sont valorisées à 5 800 euros le mètre carré.

Pour les mêmes raisons, on ne peut que s’interroger sur l’exclusion de certains secteurs des zones de solidarité ; on a sans doute craint que leur prise en compte ne coûte trop cher ou ne soulève plus de difficultés : aux Portes en Ré, aucune habitation ne figure dans une telle zone alors que nombre d’entre elles ont été très sinistrées, dans des situations de danger extrême et situées derrière une digue qui a cédé ; or le coût moyen d’une maison avoisine couramment les 2 millions d’euros.

Cette décision est anxiogène ; les personnes ne voulant pas vendre leur maison se demandent quelle valeur elle aura après qu’elles aient refusé la proposition de France Domaine et redoutent la longueur des procédures.

F.— LE RÉGIME DES CATASTROPHES NATURELLES ET LE FONDS BARNIER PERMETTRONT-ILS DE FAIRE FACE AUX INDEMNISATIONS SANS DE NOUVELLES RECETTES ?

Le fonds Barnier, sollicité pour l’indemnisation des populations en situation dangereuse est un instrument adapté à la situation.

1. Le fonds Barnier joue un rôle fondamental

La loi du 2 février 1995 a créé un fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », chargé de financer les opérations d’expropriations des biens dans des zones comportant des menaces pour la vie humaine du fait d’un risque naturel, telles que les avalanches ou les inondations fluviales ainsi que les dépenses résultant de la limitation de l’accès et de la démolition éventuelle des biens exposés afin d’en empêcher toute occupation future.

Le fonds est donc adapté à l’indemnisation des victimes de Xynthia. Toutefois, la submersion ne ressortit pas actuellement à ces missions : comme l’a précisé le Président de la République dans son discours du 16 mars à La Roche-sur-Yon., une précision législative est intervenue en ce sens, par la voie d’un amendement au projet de loi Grenelle 2.

En ce qui concerne les dégâts causés par Xynthia, le fonds devra faire face à trois types de dépenses.

Il financera la différence entre la valeur de reconstruction des maisons situées dans les zones de solidarité (à la charge des assurances) et leur valeur au prix du marché, y compris le terrain.

Il devra également financer la réfection des ouvrages les plus prioritaires : selon la mission interministérielle (23), le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer a, par lettre du 10 mai 2010, évalué à 470 millions d’euros sur 6 ans le montant des ressources mobilisables sur le fonds et envisage de les affecter entièrement à leur financement. Un amendement du Gouvernement dans le cadre du Grenelle 2 a augmenté le financement par l’État du plan « digues » en faisant passer le taux d’aide aux collectivités locales dans le cadre du fonds Barnier de 25 à 40 % (pour les communes dotées d’un PPR approuvé).

Enfin, le fonds devra également contribuer la réalisation des PPR littoraux.

2. Un fonds insuffisamment doté

Le fonds, qui est géré pour le compte de l’État par la CCR, est alimenté par une fraction (12 %) de la surprime de 12 % prélevée par les assureurs sur les contrats de dommages depuis la loi de finances pour 2008. Ce taux est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la prévention et des risques et de l’économie. Le montant moyen de la police d’habitation étant en France de 200 euros, près de 20 euros sont prélevés en faveur du régime des catastrophes naturelles et quelque 2 euros en faveur du fonds. Le montant annuel de ses ressources atteint environ 150 millions d’euros.

Compte tenu des dépenses qu’il devra financer à la suite de la tempête Xynthia, la mission s’interroge sur sa capacité à y faire face.

Ces dépenses s’inscrivent dans un champ d’intervention qui s’est accru au fil des années.

a) l’élargissement des interventions au cours des dernières années

Si cet outil a été conçu pour permettre l’acquisition des habitations, ses interventions ont été élargies aux travaux et études liés aux risques.

Plusieurs lois ont contribué à étendre son rôle, en particulier, la loi de finances rectificative pour 1999, la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques naturels et à la réparation des dommages et la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques.

Il en résulte que plusieurs mesures sont finançables par le fonds :

– l’expropriation de biens exposés à un risque naturel majeur ;

– l’acquisition amiable de biens exposés à un risque naturel majeur ;

– l’acquisition amiable de biens sinistrés par une catastrophe naturelle ;

– les dépenses d’évacuation temporaire et de relogement :

– les dépenses afférentes à la préparation et à l’élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles ;

– les actions d’information préventive sur les risques majeurs ;

– les campagnes d’information sur la garantie CatNat ;

– les opérations de reconnaissance et les travaux de comblement ou de traitement des cavités souterraines et des marnières ;

– les études et travaux de réduction de la vulnérabilité imposés par un PPR ;

– les études et travaux de prévention des collectivités territoriales.

Le tableau suivant montre la ventilation des dépenses du fonds au cours des trois dernières années.

ÉVOLUTIONS ET PERSPECTIVES DES RECETTES ET DES DÉPENSES
DU FPRNM

(en millions d’euros)

Dépenses

2007

2008

2009

Expropriations

10,57

1,42

5,52

PPRN et information préventive

9,54

10,71

10,45

Évacuations et relogements

0,248

0,16

0,5

Acquisitions amiables

22,984

18,77

30,91

Traitement des cavités souterraines

0,552

1,38

4,67

Études et travaux prescrits par un PPRN

0

0,25

0,48

Études et travaux des collectivités

33,8

30,15

61,8

Mesures et travaux exceptionnels (1)

0,75

1

0,03

Prélèvement exceptionnel (2)

22

0

0

Total dépenses

100,44

63,84

114,36

Total recettes

52

68,03

130

(1) Séchilienne ;

(2) Instauré en 2006 par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques et pour la seule année 2007.

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la commission des affaires économiques, octobre 2009

Son intervention est notable dans la prévention des inondations : ainsi que le souligne le rapport de la Cour des comptes de 2009, « pour la période 2003-2008, les coûts des plans d’action et de prévention des inondations (PAPI), prévus au total pour 495 M€, sont financés par le budget de l’État (84 M€) et par le fonds (97 M€) ».

Le même rapport souligne que « depuis 2002, pratiquement tous les ans de nouvelles décisions du législateur ont élargi le champ des opérations susceptibles d’être financées par le FRNM. Ceci nuit à la cohérence et à la clarté de ses interventions. Ces inconvénients ont été amplifiés par une disponibilité aléatoire des crédits, une absence de programmation pluriannuelle et de suivi au niveau départemental, et de soumission aux objectifs de performance tels qu’institués par la LOLF pour les dépenses de l’État. »

S’il ne peut être envisagé de remettre en cause les missions du fonds, que le législateur a souhaité développer, il convient en revanche de veiller à ce que ses ressources soient suffisantes.

b) des ressources insuffisantes

L’examen de la situation du fonds au cours des dernières années révèle un équilibre fragile.

Le taux de prélèvement, qui était à l’origine de 2 %, a été fixé à 4 % en 2006 ; 8 % en 2008 et 12 % en 2009.

Les ressources du fonds s’élevaient à 25 millions d’euros en moyenne annuelle de 1999 à 2006 sur la base d’un prélèvement fixé à 2 % ; puis à 52 millions d’euros en moyenne annuelle de 2006 à 2008 sur la base d’un taux de prélèvement fixé à 4 %.

En 2005, 2006, et 2007, les dépenses ont été supérieures aux recettes, en raison de l’augmentation croissante des besoins de financement des mesures de prévention et de réduction des risques naturels et, en particulier, les besoins en études et travaux des collectivités locales et la contribution au paiement des dépenses engagées par l’État avant le 1er janvier 2007 (24). La trésorerie du fonds, fortement sollicitée, est arrivée à épuisement à la fin de l’année 2007. L’application du taux de 8 % a porté les ressources à 68,03 M€ en 2008. Grâce au passage à un taux de 12 % en 2009, les ressources seront de l’ordre de 160 millions d’euros en 2010.

Les ressources seront insuffisantes pour financer les dépenses qui lui incombent après la tempête Xynthia.

Comme l’a précisé à la mission M. Thierry Masquelier, président directeur général de la Caisse centrale de réassurance (CCR), au 31 décembre 2009, le montant de la trésorerie du fonds s’élevait à 74,3 millions d’euros et, au 15 mai dernier, à 136,8 millions d’euros. Les perspectives de recettes pour les exercices 2010 et 2011 sont de 160 millions d’euros par an. Les frais de gestion s’élèvent à 0,3 million d’euros (et correspondent au remboursement des frais exposés par la CCR pour la gestion du fonds pour le compte de l’État).

Cependant 123,1 millions d’euros de dépenses sont déjà prévus à des titres divers pour 2010 – sans prendre en compte les conséquences de Xynthia – dont l’élaboration de PPR ou encore les indemnisations liées à des expropriations sans rapport avec cette tempête.

Il resterait environ 30 millions d’euros « disponibles », ce qui conduit la mission à conclure que le fonds ne dispose pas d’une somme suffisante pour financer les dégâts résultant de Xynthia.

Selon M. Thierry Masquelier « les dépenses liées au rachat des immeubles concernés consommeront plusieurs années du produit de la taxe ». Il en conclut que « les pouvoirs publics auront des choix à faire, d’autant que le fonds finance déjà les plans de prévention des risques. Aussi les ressources du fonds risquent d’être insuffisantes pour financer, à terme, les remboursements liés à Xynthia ».

Si l’on réexamine les trois types de dépenses auxquelles le fonds doit faire face, il convient de rappeler que :

– le coût des rachats d’habitations en zone de solidarité se situe dans une fourchette allant de 300 à 800 millions d’euros ;

– le ministre d’État, ministre de l’écologie a adressé le 10 mai, une lettre au Premier ministre évaluant à 470 millions d’euros sur 6 ans le montant des ressources mobilisables sur le FPRNM pour les affecter aux ouvrages relevant de l’État et à la contribution de l’État pour ceux relevant des collectivités territoriale, comme le souligne la mission interministérielle, qui remarque « elle laisse ainsi pendante la question du financement des rachats de biens dans les zones de solidarité » ;

– jusqu’au 31 décembre 2012, le financement des PPR et des actions d’information préventive est prise en charge par le fonds, jusqu’au 31 décembre 2012, dans la limite de 16 millions d’euros par an (25) ; selon la même mission, ce financement représente 15 % des dépenses du fonds sur les quatre dernières années.

La charge sera donc très lourde. À titre de comparaison, les sinistres de l’exercice 2009 se sont élevés à 621 millions d’euros(26).

G.— DES INDEMNISATIONS DES PROFESSIONNELS BEAUCOUP TROP LENTES

1. Des aides pour tous les professionnels

Des aides spécifiques ont été mises en œuvre pour les divers métiers sinistrés par la tempête.

En outre, il a été donné instruction aux services fiscaux et aux URSSAF d’examiner avec bienveillance les demandes de délai de paiement et de remise gracieuse de majorations et de pénalités de retard sollicités par les entreprises, les commerçants, les artisans et les professions libérales.

Les aides de l’État qui vont être détaillées ci-après sont complétées par celles des départements et des régions. Le conseil général de Charente-Maritime a créé le 5 mars un fonds d’aide au redémarrage de 3 millions d’euros, complété à la même hauteur par la région Poitou-Charentes, pour les entreprises sinistrées de tous secteurs ; le comité d’attribution se réunit chaque semaine, la mise en paiement intervient dès le lendemain de la réunion du comité. Le conseil général de Vendée a voté une aide d’1,5 million d’euros afin de venir en aide aux professions sinistrées.

a) la mobilisation du fonds national de garantie des calamités agricoles

La protection de l’agriculture contre les risques climatiques relève du secteur privé pour les risques assurables (essentiellement la grêle) et de l’indemnisation publique par le fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) pour les aléas non assurables.

Le FNGCA a été institué par la loi du 10 juillet 1964 afin de compenser les dommages subis par les exploitations agricoles du fait des calamités agricoles définies comme des phénomènes exceptionnels et non assurables. Ce système consiste en l’allocation d’indemnités réparant partiellement les dommages subis, complété par l’octroi de prêts spéciaux et l’attribution de réductions d’impôts. Cette réparation est partielle et limitée aux ressources du fonds ; il ne s’agit pas d’un système d’assurance.

L’évolution de la politique agricole commune depuis 1985 et la faiblesse des indemnisations accordées par le fonds ont conduit les organisations professionnelles à souhaiter disposer de véritables contrats d’assurance pour garantir les pertes causées par les aléas atmosphériques sur récoltes.

La loi d’orientation agricole de du 5 janvier 2006 a légalisé la situation nouvelle d’assurance des récoltes et institué de nouvelles règles de fonctionnement du fonds. Il est désormais orienté vers une logique d’assurance des risques des exploitations agricoles, qui se substitue à la logique d’indemnisation des calamités agricoles : le fonds a donc pour rôle la souscription de contrats d’assurance sur récoltes, ce qui n’exclut pas l’indemnisation des risques inassurables.

Pour l’indemnisation, le fonds est financé par le produit de contributions additionnelles assises sur les primes d’assurance des exploitations agricoles couvrant les dommages aux matériels et bâtiments et les risques de responsabilité civile et par une dotation budgétaire de l’État d’un montant au moins équivalent. Ces contributions représentent une ressource annuelle d’environ 100 millions d’euros.

Pour toutes les productions et dans tous les départements concernés, des missions d’enquête ont été lancées afin de recenser et de quantifier tous les dommages subis par les exploitants agricoles, conchylicoles et piscicoles. Ces enquêtes sont destinées au comité national d’assurance en agriculture, dédié spécialement au traitement des conséquences de la tempête Xynthia. La reconnaissance du caractère de calamité agricole permet ensuite le dépôt des dossiers individuels.

Au titre du plan de soutien dédié aux agriculteurs des départements touchés par la tempête, le FNGCA est mobilisé afin de permettre l’indemnisation des pertes de fonds ainsi que des pertes de récolte non assurables. Il intervient pour les dommages qui ne peuvent pas être couverts par les produits d’assurance.

Il finance également :

– les travaux de remise en état des terres en culture, pour réduire la quantité de sel présent dans le sol par utilisation de gypse ; d’après les informations recueillies par la mission lors de son déplacement en Charente-Maritime, ce programme est mis en place en synergie avec le conseil régional et le conseil général ;

– les apports en trésorerie par les banques pour les agriculteurs, les ostréiculteurs et les conchyliculteurs les plus en difficulté au travers d’avance sur les montants d’indemnisation par le FNGCA ;

– les pertes de coquillages ou de poissons.

Le versement des indemnités pour les deux départements au titre des calamités agricoles atteint 30 millions d’euros, dont 18 pour la Charente-Maritime.

L’indemnisation est effectuée à hauteur de 35 % pour les pertes de fonds, à l’exception des achats de gypse, pour lesquels elle a été portée à 45 % par décision du ministre, auxquels se rajouteront 10 % supplémentaires de la part des collectivités territoriales.

Le taux de prise en charge de la perte de récolte est progressif selon la gravité des dégâts.

b) la mise en œuvre du fonds d’allégement des charges (FAC) pour les agriculteurs

Une enveloppe de 5 millions d’euros est prévue au titre du Fonds d’allégement des charges (FAC). Cette mesure concerne les exploitants agricoles, les groupements d’exploitation en commun (GAEC), les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) dont plus de 50 % du capital est détenu pour des exploitants agricoles à titre principal. Ils doivent être localisés dans les départements de Vendée et de Charente-Maritime et leur exploitation doit avoir été gravement affectée par les effets de la tempête.

Cette aide est versée au titre du cadre communautaire temporaire pour les aides d’État destinées à favoriser 1’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle. Le total des aides versées dans ce cadre et au titre du régime « de minimis » entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010 ne doit pas excéder un montant de 15 000 euros par exploitation bénéficiaire.

Le FAC interviendra sous forme de prise en charge d’intérêts sur les échéances des prêts bancaires professionnels hors foncier.

Cette mesure reprend les mêmes modalités d’intervention que le fonds d’allégement des charges du Plan de soutien exceptionnel à l’agriculture (PSEA) avec lequel il peut se cumuler si les critères d’éligibilité ces deux dispositifs le permettent.

Un comité de suivi installé sous l’autorité du préfet réunit des représentants des services de d’État concernés, des organismes de protection sociale, des représentants de la profession agricole ainsi que de l’ensemble des établissements de crédit impliqués dans ces dossiers.

c) l’aide au redémarrage des exploitations des saliculteurs

Le sel étant considéré comme un produit minier, la profession ne peut percevoir d’aide du fonds national des calamités agricoles. Une aide à la reconstitution des matériels et à l’indemnisation des pertes de production stockée des saliculteurs a été décidée à hauteur de 100 000 euros, afin de permettre le redémarrage des exploitations sinistrées. Elle est destinée aux exploitants salicoles à titre individuel ou au titre d’une personne morale ayant pour objet l’exploitation d’une entreprise salicole et dont plus de 50 % du capital est détenu par les exploitants salicoles à titre principal. Les coopératives ne sont pas éligibles a l’aide.

Le cumul des indemnités d’assurance et de l’aide de l’État ne doit pas dépasser 75 % des investissements éligibles hors taxes concernés. Le montant de l’aide est plafonné à 20 000 euros par exploitation. Comme pour les agriculteurs, il est prévu la prise en charge des cotisations sociales.

La réglementation communautaire impose que le plafond pour cette aide soit de 200 000 euros sur une période de trois années glissantes.

Un comité de suivi est également constitué sous l’autorité du préfet.

d) le plan pour les aquaculteurs (conchyliculteurs et pisciculteurs)

Un plan d’un montant estimé de 20 millions d’euros comporte trois mesures. Il est prévu une aide au remplacement du matériel, afin de permettre un redémarrage des exploitations en complément des indemnités versées par les assurances. L’État apporte la part non prise en charge par les assurances, dans la limite de 75 % de la valeur de réinvestissement et d’un plafond d’aide de 60 000 euros. Le fonds national de garantie des calamités agricoles sera mobilisé pour compenser les pertes de coquillages ou de poissons. Un allégement des charges financières des emprunts en cours ou nouveaux sera pris en charge par le fonds d’allégement des charges. Pour les cas particulièrement difficiles, le ministère a prévu l’ouverture de prêts-relais.

e) l’indemnisation des entreprises commerciales, artisanales et de service

Les entreprises artisanales, commerciales ou de service, y compris celles du secteur du tourisme et les professions libérales, régulièrement assurées, quelle que soit leur activité ou leur forme juridique, peuvent prétendre à l’aide du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) à condition que leur dernier chiffre d’affaires annuel soit inférieur à un million d’euros hors taxes.

Le montant de l’aide prend en compte les dépenses d’investissement liées à la restauration des locaux et de l’outil de travail dans la limite d’un plafond fixé par entreprise à 8 000 euros, ainsi que l’indemnisation des pertes d’exploitation, notamment la reconstitution de stocks, pour un montant maximum de 2 000 euros.

Pour le versement des aides, un comité départemental de demande d’aides est institué.

2. Des aides qui se font attendre, une situation difficile et des professionnels parfois mal informés

La mission d’information, qui s’est rendue en Charente-Maritime les 27 et 28 mai, et en Vendée les 10 et 11 juin, a rencontré les professionnels, qui lui ont fait part de leur inquiétude.

Concernant les agriculteurs, qui déplorent 71,5 millions d’euros de pertes dans les deux départements, M. Luc Servant, président de la chambre d’agriculture de Charente-Maritime, a rappelé que, dans ce département, 35 000 à 40 000 hectares avaient été inondés, dont 22 000 de terres agricoles, parfois jusqu’à 12 kilomètres à l’intérieur des terres en raison des canaux : certaines d’entre elles sont restées sous l’eau pendant 10 jours. Quelque 800 exploitations ont été touchées, dont 170 à plus de 50 %, voire 70 % ou même 80 %. Les pertes de récolte et les frais nécessaires pour remettre en état les terres gorgées d’eau de mer et donc incultivables sont évalués à 45 millions d’euros, auxquels s’ajoutent la perte du matériel et des fourrages, pour un montant moindre. Les services de l’État ont été réactifs, une estimation des dégâts a été établie en trois semaines Une enveloppe de 150 000 euros a été promise par le conseil général pour l’achat de gypse ; l’investissement atteindra 10 millions d’euros. Les agriculteurs de Charente-Maritime, qui n’ont pas encore acheté le gypse, vont tenter de négocier la date de règlement avec les fournisseurs.

En Vendée, où 150 exploitations ont été dévastées en totalité, et les pertes évaluées à 35 millions d’euros, l’achat de gypse, à hauteur de 1,5 million d’euros, a fait l’objet d’une avance par les agriculteurs sans aide de l’État.

Lors de la venue de la mission les 27 et 28 mai, ce plan n’avait pas encore été validé par la Commission européenne, ce qui inquiétait fortement les agriculteurs ; comme l’a souligné M. Luc Servant : « trois mois après la tempête, pas un euro ».

Au surplus, le dispositif d’aides complémentaires adopté par le conseil général et le conseil régional doit également être notifié à Bruxelles, qui n’avait donné aucune réponse, alors que le dossier était prêt et les fonds disponibles.

Le 4 juin dernier, M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, a annoncé que le volet des aides nationales, venait d’être débloqué ce qui « pour une exploitation moyenne [représenteraient] environ 5 à 6 000 euros de trésorerie ».

La validation par Bruxelles est intervenue le 23 juin. Il est prévu une participation aux dépenses relatives à l’achat de gypse et une compensation partielle de la perte de potentiel de production des sols inondés. Les premiers paiements pour les aides relatives à la perte de potentiel de production des zones inondées, d’un montant de l’ordre de 13 millions d’euros, auront lieu début juillet. Les paiements des aides relatives au gypsage d’un montant estimé à 14 millions d’euros, pourront intervenir à la fin de l’été, après la période d’épandage.

Les saliculteurs, également durement touchés, déplorent à la fois d’importants dégâts de structure et des pertes de récoltes stockées d’un montant dans le département de 420 000 euros, comme l’a précisé à la mission d’information M. Loïc Picart, président de la coopérative des sauniers de l’île de Ré. Le montant des travaux d’urgence à réaliser s’élève à 170 000 euros. Des négociations ont été entreprises avec les services de l’État pour parvenir à une gestion collective des pertes de récolte, sans laquelle les jeunes producteurs vont connaître des difficultés de trésorerie importantes. La prise en charge du matériel et des récoltes à hauteur de 35 % n’est pas suffisante.

Pour les ostréiculteurs, les difficultés avaient commencé avant la tempête, le secteur avait dû déjà faire face à la surmortalité des jeunes huîtres, comme l’a souligné M. Laurent Champeau, directeur de la section régionale ostréicole, et 50 d’entre eux ont été sinistrés à 80 %. M. Benoît Durivaud, président du groupement des mytiliculteurs ont rappelé que Xynthia était survenue alors que le contexte économique des années 2008 et 2009 était déjà difficile : la production des moules de bouchot a diminué de 15 % en 2009, la trésorerie était faible et des problèmes de pollution ont réduit la consommation. En outre, les dégâts ont plutôt concerné les sièges des exploitations ; en revanche, les installations de production à terre sont peu nombreuses, car la qualité de l’eau permet d’expédier les moules directement à partir du bateau.

L’activité des ostréiculteurs reprend peu à peu. Les services de l’État les ont accompagnés et le plan ministériel a été validé par Bruxelles à la fin avril. La concertation entre l’État et les collectivités territoriales a permis la constitution d’un guichet unique. Après un démarrage difficile, les indemnités des assurances commencent à être versées. Mais les mytiliculteurs réclament une indemnisation à hauteur de 75 % des dégâts. Faute de visibilité pour l’avenir, les « problèmes psychologiques » sont réels.

En Vendée, 100 % du cheptel a été détruit dans les territoires touchés par Xynthia, pour un montant de 1 000 à 80 000 euros selon les exploitations. Or, 49 entreprises n’ont encore rien reçu à la date du déplacement de la mission. L’aide de l’État ne sera remboursée que sur facture, avec un plafond de 60 000 euros. La moyenne serait de 30 000 euros par entreprise.

La situation des pêcheurs s’avère également difficile. En Vendée, sur 47 navires de pêche de l’Aiguillon, 6 ont été coulés ou endommagés, les dégâts atteignant 500 à 5 000 euros par bateaux. Les professionnels estiment que la pêcherie ne pourra pas redémarrer en 2010, en raison des travaux de remise en état des bâtiments, des équipements, du départ des civelles de la zone de pêche et de la pollution (les terres agricoles venaient d’être justes ensemencées, si bien que des quantités importantes d’engrais, de pesticides et de fertilisants risquent d’être emportées lors de la décrue). Cette catastrophe accroît les difficultés rencontrées depuis 2008 et qui commençaient juste à s’estomper.

C’est pourquoi le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Vendée a souligné que des reports d’échéances seraient préférables aux prêts relais qui risquaient d’amplifier la dégradation des trésoreries.

M. Jean Doignon, président de la chambre des métiers de Charente-Maritime a indiqué à la mission d’information que 241 entreprises ne fonctionnent plus ou ont des difficultés à faire face à leurs échéances. Les entreprises restent dans l’incertitude à propos des indemnisations par les assurances et des « zones de solidarité », et si cette situation perdure, elles risquent de disparaître. Les commerçants et artisans présents à la réunion ont déclaré ne pas encore avoir touché d’indemnités de la part des assurances, ce qui met leur activité en péril, ou estiment qu’un remboursement à hauteur de 35 % ne sera pas suffisant ; certains d’entre eux ne connaissent pas le médiateur des assurances. Des établissements n’ont pas réouvert depuis la tempête faute d’aides suffisantes et tous ont fait part de leur sentiment d’abandon.

La situation est critique pour les campings en « zone orange », fermés depuis la tempête et sans information sur la valeur du terrain et du fonds de commerce, ni sur leur devenir : « l’État ne s’intéresse pas à nous, or les retombées touristiques sont importantes », a déploré M. Raymond Moreau, président de la FRHPA de Charente-Maritime, « nous n’avons reçu aucun document de l’État nous précisant si la fermeture était définitive » Les assurances sont « peu réactives », aucun acompte n’a été versé et aucune perspective d’aide ne se dessine, celles du FISAC n’intervenant que dans le cas d’une réinstallation dans le département. En conclusion, a-t-il dit « pas d’argent, pas de zonage, pas de prescription », « on est dans le noir le plus total ».

Le directeur du port de plaisance de La Rochelle, M. Bertrand Moquay, est également dans l’incertitude quant à l’application de la procédure d’urgence du code des marchés publics qui devrait s’achever jusqu’à la fin juillet pour les pontons mais pour les autres types de sinistres. Il a demandé l’aide du fonds commun a été mis en place par le département et l’État pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à un million d’euros et a déposé un dossier afin de bénéficier des aides du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), mais juge « la cellule préfectorale trop restreinte » pour régler les dossiers.

En Vendée, 235 entreprises sur 995 sont été sinistrées ; 106 entreprises relèvent des aides du FISAC pour la tempête, réparties sur 17 communes. Le montant des dégâts s’est élevé à 1,7 million d’euros pour le commerce et 6,8 millions d’euros pour le tourisme.

H.— DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS L’ATTENTE

1. Des aides ont été annoncées…

La solidarité nationale s’exprime par l’attribution aux collectivités des subventions d’équipement relevant de l’action n° 01 « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales » du Programme 122 « Concours spécifiques et administration » du ministère de l’intérieur. Ces dotations ont pour but de contribuer à la réparation des dommages causés aux biens non assurables de ces collectivités.

Toutefois, certains sinistres, bien qu’importants, étaient trop localisés ou d’un montant trop limité pour être pris en charge par ce régime. C’est pourquoi il a été institué le Fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales.

Les collectivités territoriales devraient percevoir des subventions du Fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales, créé par l’article 110 de la loi de finances pour 2008 (art. L. 1613-6 du code des collectivités territoriales) afin d’accorder des subventions aux collectivités et à leurs groupements touchés par les catastrophes naturelles. Son champ d’application est strictement limité quant au montant des dégâts – entre 150 000 et 4 000 000 euros hors taxe par événement pour l’ensemble des collectivités touchées – et sont seuls visés les équipements indispensables au bon fonctionnement de la collectivité. La procédure d’attribution des subventions tient compte de la taille de la commune, les communes de moins de 1 500 habitants bénéficiant du taux de subvention le plus favorable (80 %). Ce taux est ensuite dégressif et atteint 35 % pour les communes de 10 000 habitants et plus et 30 % pour les départements.

D’après M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, les dégâts constatés par les collectivités territoriales dans les quatre départements les plus touchés atteignent 117 millions d’euros ; l’État subventionnera les réparations à hauteur de 40 % et 25 millions d’euros ont été ouverts à ce titre dans le projet de loi de finances afin de verser des subventions d’équipement aux communes sinistrées.

Le ministre de l’Intérieur a également annoncé que les dépenses exposées par les communes pour préfinancer le fonds d’aide au relogement d’urgence (FARU) seraient remboursées intégralement par l’État. À cet effet, un million d’euros a été versé à la préfecture de la Charente-Maritime et 500 000 euros à la préfecture de Vendée.

La TVA sera remboursée en année n pour les dépenses des communes ayant fait l’objet d’une déclaration de catastrophes naturelles. Pour 2010, cette dotation a été fixée à 30,2 millions d’euros à l’occasion du vote de la loi de finances rectificative.

Enfin, un dossier a été transmis par la mission interministérielle d’évaluation de dommages causés par la tempête Xynthia au Fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE), au titre d’une catastrophe régionale. Le fonds intervient dans un périmètre précisément délimité, si la majorité de la population est affectée dans ses conditions de vie de manière grave et durable (pendant plus d’un an) et si la stabilité de la zone doit être atteinte. Il se limite au financement d’interventions d’urgence entreprises pour faire face à des dommages non assurables tels que la réparation d'infrastructures vitales, le coût des opérations de sauvetage ou, encore, la mise à disposition de logements provisoires. Le taux de couverture des dégâts par le fonds est de 2,5 % du coût total de la catastrophe. Le montant déclaré étant de 1,5 milliard d’euros, l’aide pourrait atteindre environ 40 millions d’euros. Une réponse positive n’est pas assurée, l’examen du dossier par le FSUE étant très pointilleux.

2. … mais les collectivités locales n’ont encore rien perçu

Les collectivités territoriales ont d’ores et déjà engagé des travaux afin de remédier aux dégâts, de colmater les protections afin de faire face aux marées du mois de mars. Les stations touristiques ont eu le souci de sauver leur saison balnéaire. Elles n’ont pas encore perçu le remboursement de cette avance de trésorerie qui correspond à une année d’investissement ou plus et met en grand péril leurs budgets.

La ville de La Rochelle a engagé 6,7 millions d’euros de travaux pour reconstruire les digues, refaire les promenades ; le total des dommages non assurables représente 18 millions d’euros qui seront étalés sur 3 exercices. Quelque 4 millions de dégâts seront pris en charge par les assurances, mais la ville n’a encore rien reçu de l’État, si ce n’est de formulaires à remplir. Elle ignore si elle recevra 5 %, 20 % ou 50 % du montant des travaux.

En Charente-Maritime, la préfecture a indiqué à la mission qu’une commune avait demandé une avance sur douzième, une autre le remboursement anticipé de TVA.

Au président de la mission craignant que les fonds du Programme 122 ne permettent qu’une reconstruction à l’identique, qui pourrait être préjudiciable aux villes qui souhaiteraient une approche plus dynamique, le préfet de Charente-Maritime a répondu qu’il comptait mettre à la disposition des collectivités territoriales des experts de la direction des territoires et de la mer afin d’intégrer ces difficultés nouvelles.

La mission d’évaluation relative aux dommages aux biens non assurés des collectivités, qui doit remettre son rapport fin juin, déterminera à partir des dossiers reçus les taux de remboursement. Les subventions d’équipement relèveront du Programme 122.

Les communes perçoivent toutefois une aide des départements. En Vendée, au lendemain de la tempête, le conseil général a décidé l’attribution de deux subventions exceptionnelles de 100 000 euros à chacune des deux communes les plus sinistrées (L’Aiguillon-sur-Mer et La Faute-sur-Mer) afin de faire face à l’accueil des personnes sans logement. En Charente-Maritime, le département a constitué un fonds d’un million d’euros afin d’aider les communes de moins de 5 000 habitants (cette limite pouvant être exceptionnellement dépassée en cas de disproportion entre les dégâts et le budget de la collectivité) à reconstruire ou à réparer leurs biens non assurables endommagés par la tempête. 26 communes ont ainsi déposé des dossiers.

3. … et les dossiers s’enchevêtrent

Ce maigre résultat contraste avec l’abondance de formulaires et de dossiers que les maires ont dû constituer, tant sur les biens à indemniser que sur les digues à conforter et à construire ou sur tout autre sujet en rapport avec la tempête. Ceux-ci sont tout aussi nombreux qu’obscurs et « chronophages » si bien difficile d’en saisir la cohérence et d’en assurer le suivi.

Il aurait été préférable qu’un document unique soit adressé aux différents intervenants.

IV.— L’EXIGENCE D’UNE AUTRE APPROCHE
ET D’UNE AUTRE MÉTHODE

A.— RECONSTRUIRE ET ENTRETENIR LES DIGUES

1. Une réflexion sur l’aménagement du territoire, la question du retrait de certaines zones inondables

Selon le Centre européen de prévention du risque d’inondation (CEPRI), le territoire national compte au total entre 7 500 et 9 000 km de digues et ouvrages de défense. Le CEPRI fondé à l’initiative du sénateur Éric Doligé, président du Conseil général du Loiret, considère que la surveillance de ces ouvrages concerne près de 2 400 maires.

Pour leur part, les digues et ouvrages côtiers occupent 1 350 km au long des espaces littoraux, soit un peu plus de 18 % du littoral français.

En fonction des estimations, des incertitudes pèsent sur l’identification juridique des propriétaires, des gestionnaires et des maîtres d’ouvrage pour près de 30 à 40 % des digues fluviales ou côtières.

Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d’État à l’Écologie, faisait état dans les jours suivant la tempête Xynthia d’une situation inquiétante concernant les 1 350 km de digues côtières dont « … un tiers pose des problèmes de sécurité ».

Ce premier bilan global appelle sans doute certaines atténuations quant à la nature et l’étendue des travaux à entreprendre au regard des localisations, des caractéristiques de construction, de l’ancienneté d’ouvrages tous différents. Il n’en demeure pas moins que l’effort de réparation et de consolidation représente un coût financier très élevé si l’on retient l’évaluation d’experts souvent évoquée de 1 à 2 millions d’euros par km ! En Vendée, sur quelque 276 km de littoral, 103 km de digues et ouvrages protègent de vastes espaces poldérisés. En Charente-Maritime, plus de 120 km de digues et ouvrages (en comptant les levées de terre protégeant les zones agricoles) sont érigés au long des quelque 480 km de son trait de côte. La complexité du problème doit aussi s’apprécier au regard des disparités de répartition des ouvrages de défense qui représentent 5 % des côtes de la Corse ou des Landes mais dépassent 30 % du littoral du Nord, de l’Eure, du Calvados, de la Charente-Maritime ou encore des Bouches-du-Rhône, en incluant les zones portuaires.

La protection ainsi conférée aux habitations et aux activités est évidemment variable selon les sites. Au cours des siècles, des ouvrages contre la mer aussi différents que des épis, des brise-lames, des perrés et des enrochements ont profondément transformé les espaces littoraux. L’extraction des matériaux utilisés pour les édifier puis les conforter et certaines perturbations résultant directement de constructions en front de mer ont eu des effets sur les mouvements sédimentaires des cotes en déséquilibrant les flux de sédiments d’origine tellurique ou marine.

Notre pays a même connu des époques souvent oubliées ou méconnues par le public au cours desquelles la poldérisation a permis de gagner des terres « riches » essentiellement agricoles sur la mer. Ainsi, la vaste zone humide de l’Anse de l’Aiguillon a connu de nombreuses époques de dessèchement des marais au travers de prises sur les lais de mer du XVIIe siècle à 1965, date de construction de la dernière digue d’importance et marquant la conquête de deux polders supplémentaires à l’Aiguillon-sur-mer et à Saint-Michel-en-l’Herm. Il convient même de rappeler qu’inspirés par des exemples hollandais le géographe Jean-François Gravier et l’agronome René Dumont – qui deviendra une des premières figures de l’écologie politique en France – ont soutenu au début des années cinquante un projet pharaonique du Génie rural visant à fermer complètement l’anse de l’Aiguillon pour en faire un des plus grands polders européens !

La submersion liée à des ruptures de digues sous l’effet de conditions climatiques exceptionnelles peut être une des causes des plus dramatiques catastrophes. À la suite de la rupture d’ouvrages de protection lors du passage sur l’agglomération de la Nouvelle Orléans de l’ouragan Katrina, le 29 août 2005, l’inondation d’une zone certes géographiquement particulière, où les deux tiers des habitations sont situées au-dessous du niveau de la mer, a provoqué la mort de 1 300 personnes.

Au cours de son audition devant la mission d’information, M. Michel Laurent, directeur général de la prévention des risques, a tenu à parler de « systèmes de défense contre la mer » plutôt que des seules digues, car les effets de tels ouvrages peuvent s’avérer plus diffus et complexes qu’il ne paraît. Sa vision est d’ailleurs inscrite dans la ligne des appréciations formulées dans le bilan d’application de la loi « littoral » qui a fait l’objet d’une communication en conseil des ministres le 11 octobre 2007 : « Les ouvrages perpendiculaires aux côtes piègent les flux transversaux de sédiments. En résolvant localement le problème d’érosion, ils peuvent nuire aux plages en aval des courants en les privant de ces matériaux et repoussent parfois le problème plus loin sur la côte. Les enrochements favorisent le renforcement de l’agitation de la mer à leur pied et un abaissement des plages au droit des secteurs protégés ».

Il est à souligner que ce bilan intervenu plus de 20 ans après l’adoption de la loi consacrait de larges développements à la lutte contre l’érosion mais faisait peu de place à la prévention du risque de submersion.

Pour autant, la mission d’information a tout à fait conscience que les digues et ouvrages de défense ne sauraient, à eux seuls, assurer une protection absolue. Ils constituent néanmoins un mode de protection efficace, à la condition d’être correctement conçus et entretenus.

À cet égard, le système de défense contre la mer est le fruit d’un héritage qu’il convient d’évaluer pour précisément lui garantir une efficacité en rapport des risques.

Les moyens techniques qu’il est aujourd’hui possible de mettre à disposition des décideurs, et notamment les capacités de modélisation prenant en compte une multiplicité d’événements, devraient permettre d’analyser les avantages et les inconvénients voire les faiblesses de tels dispositifs, alors que dans le passé, leurs bâtisseurs ne pouvaient retenir que la connaissance souvent judicieuse des phénomènes maritimes mais dans un contexte d’urbanisation côtière évidemment différent dont il leur était impossible de prévoir l’évolution. Nombre de digues sont le résultat d’un volontarisme et d’un empirisme dont les anciens avaient su témoigner. Il ne peut être question de récuser en bloc cet effort collectif (27).

La mission ne peut faire sienne la doctrine généralisée d’un « repli stratégique » que prônent certains, au motif que la mer devrait retrouver ses « droits historiques », en restituant à la nature la quasi-totalité des espaces humides autrefois inondés à périodes régulières. Cette perception ne semble en effet pouvoir se concilier qu’avec quelques activités agricoles (au demeurant peu nombreuses sur des terres salées) ou de tradition pastorale. La doctrine « du repli stratégique » s’est trouvée confortée par les débats souvent polémiques sur l’élévation du niveau des océans, phénomène certes avéré mais pour lequel les experts restent incapables de formuler des prévisions crédibles entre des estimations toujours millimétriques à l’horizon de la fin du siècle et une voie moyenne d’environ 30 à 40 cm à l’horizon 2050 qui, pour autant, ne fait pas consensus !

En tout état de cause, la violence et la soudaineté d’une submersion du type de celle de la tempête Xynthia créent des phénomènes pour lesquels quelques centimètres en plus ou en moins n’ont pas d’incidences sensibles.

L’audition par la mission des représentants de France Nature Environnement (FNE) illustre néanmoins qu’une partie de l’opinion, sans demander un démantèlement massif des ouvrages de défense contre la mer, évoque toutefois fréquemment des exemples étrangers de « dépoldérisation », au demeurant très peu nombreux.

S’agissant de l’entretien des digues existantes, la réticence est rarement exprimée par principe mais souvent au travers de son coût, certes élevé, au regard des protections qu’il justifierait pour un nombre limité d’habitants et d’activités !

En revanche, la mission a pleinement conscience des éventuelles conséquences d’un défaut de maîtrise de l’urbanisation face à des protections existantes. Il est également exact que les digues et les systèmes de défense peuvent parfois donner un sentiment de fausse sécurité aux populations. En la matière, les pouvoirs publics et, en premier lieu, les élus locaux, ont une responsabilité d’appréciation à long terme qu’ils ne peuvent exercer que sur la base de travaux d’experts incontestables.

La difficulté de la tâche a d’ailleurs été justement exposée par M. Bruno Ledoux, spécialiste de la prévention du risque d’inondation (28: « La décision politique est donc conditionnée par un objectif technique : ne plus être inondé pour un événement pluvieux ou marin similaire à la dernière catastrophe. Mais, au fil des ans, cet objectif est toujours revu à la baisse pour d’inévitables raisons de coût, quand les projets ne sont pas abandonnés. Et, pendant ce temps, la réflexion sur la prévention – c’est-à-dire la prise en compte du risque par l’urbanisme, par l’aménagement du territoire, par la politique de l’habitat – reste le parent pauvre de nos démarches, alors qu’elle devrait en constituer le socle. »

Les digues ne sauraient constituer une parade sans défaut face aux risques côtiers mais leur rôle peut s’inscrire dans un ensemble de mesures cohérentes et notamment urbanistiques, car tout ne peut être protégé par des systèmes de défense.

L’architecture est d’ailleurs à même d’apporter des réponses dans certaines zones susceptibles d’être inondées à des niveaux bas ou moyens. D’abord par la conception d’accès à des refuges internes à l’habitation. Il est souvent fait état par les architectes d’exemples étrangers de constructions modernes sur pilotis, un système assez peu mis en œuvre à ce jour, en France. Des critiques parfois acerbes ont dénoncé la répétition excessive de maisons basses et de plain-pied au nom d’un pittoresque régional voire rural.

Pour autant, ces débats et ces opinions révèlent qu’il convient de poursuivre la réflexion sur de nouveaux axes d’aménagement en zones littorales ; ce que la mission d’information n’a pu faire au regard des délais impartis à son travail. Un tel thème dépasse de beaucoup les seules conséquences de la tempête Xynthia, qui ont néanmoins rappelé la nécessité d’interrogations plus larges inspirées d’expériences étrangères.

2. Pour une « gouvernance » des digues, avec une coordination nationale et une déclinaison locale

Le texte encore aujourd’hui en vigueur concernant la gestion et plus particulièrement l’entretien des digues est une loi napoléonienne. En effet, l’article 33 de la loi du 16 septembre 1807 sur l’assèchement des marais dispose : « Lorsqu’il s’agira de construire des digues à la mer ou contre les fleuves, rivières ou torrents navigables ou non navigables, la nécessité en sera constatée par le Gouvernement et la dépense supportée par les propriétés protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux, sauf dans le cas où le Gouvernement croirait utile et juste d’accorder des secours sur les fonds publics. »

Ce texte qui n’exclut d’ailleurs pas toute implication de l’État, y compris financière, fait peser la responsabilité de la construction et de l’entretien des digues sur les propriétaires et plus généralement les riverains bénéficiant de la protection de l’ouvrage.

Bien que relevant toujours du droit positif, force est de constater que cette disposition législative est très largement tombée en désuétude, son interprétation et donc sa mise en œuvre pratique s’avèrent de nos jours quasiment impossibles. Il s’avère malaisé de distinguer aujourd’hui qui est protégé de façon directe ou indirecte par un ouvrage de défense et souvent de connaître avec précision les propriétaires ou maîtres d'ouvrage de digues « privées ».

L’urbanisation des zones côtières aboutit à présent, à conférer aux digues non seulement une protection à des terrains ou bâtiments jouxtant le littoral (historiquement, les biens visés par le texte relevaient quasiment tous d’une vocation agricole), mais à tout l’« hinterland » avoisinant, lequel a été fortement transformé, et comporte aujourd’hui un habitat résidentiel, des infrastructures complexes (routières et ferroviaires) et notamment des zones d’activités économiques, commerciales et touristiques.

Ce fait largement reconnu et constaté n’a pourtant pas justifié d’interventions législatives plus précises. Le problème de la gestion des digues et plus généralement des ouvrages de défense reste entier.

Les pouvoirs publics ont, au fil du temps, contourné la question. En premier lieu, l’État s’est progressivement absous de certaines de ses responsabilités, notamment financières, y compris pour des digues qui relevaient pourtant de sa compétence et de son patrimoine.

L’exemple du département de Charente-Maritime est révélateur, à cet égard :

– jusqu’en 1945, les digues dites « d’État » sont entretenues et, le cas échéant, réparées par l’État à ses frais exclusifs ;

– à compter de 1947, un arrêté préfectoral stipule que le département prendra la maîtrise d’ouvrage des travaux sur les digues intérieures, en raison des défauts d’entretien constatés ;

– par une délibération du 9 décembre 1988, le conseil général décide d’assurer la maîtrise d’ouvrage de la majorité des travaux de défense contre la mer, la clé de financement retenue pour les programmes entrepris par le département étant généralement de 70 % pour le département et 30 % pour les communes ou les EPCI ;

– à partir de 1997, des programmes complémentaires portant sur l’entretien ont été décidés pour augmenter l’importance des travaux de défense avec une clé de financement de 50 % pour le conseil général et 50 % pour les communautés de communes ;

– suite à la tempête de 1999, des programmes exceptionnels de travaux ont été lancés sous maîtrise d’ouvrage départementale : programme Tempête et avenant « Tempête » au Contrat de Plan État-Région 2000-2006, l’État y intervenant, à titre exceptionnel, à hauteur de 50 % ;

– lors de sa séance lors de sa séance du 21 juin 2004 (délibération n° 413/44), le conseil général a exprimé sa volonté de confier à d’autres maîtres d'ouvrage l’entretien des digues après leur confortement, notamment pour celles relevant d’un Plan de prévention des risques naturels (PPRN).

L’État ne peut toutefois être totalement absent de telles interventions :

– sur le plan réglementaire, il doit autoriser les travaux de défense contre la mer aussi bien lorsqu’il s’agit d’une réalisation d’un propriétaire riverain que d’une collectivité territoriale qui en assure la maîtrise d’ouvrage.

Dans ce dernier cas, c’est la procédure de Déclaration d’Intérêt Général (DIG) prise par l’État qui permet, après enquête publique, d’autoriser ces travaux.

L’État doit s’assurer de la mise en place d’une structure pérenne d’entretien des travaux ou ouvrages et du rôle efficace de cette structure.

Au regard du droit en vigueur, les personnes privées encourent toujours une mise en œuvre de leurs responsabilités conformément aux articles 1382 à 1384 et 1386 du code civil pour d’éventuelles défaillances dans l’entretien des digues et ouvrages relevant d’une propriété individuelle ou indivise, directe ou indirecte, au travers de syndicats, des associations syndicales autorisées (ASA) d’associations syndicales constituées d’office (ASCO) – anciennement appelées associations syndicales forcées –, qui constituent autant de structures de regroupement des propriétaires (29).

Dans les faits, il s’avère difficile de concilier la responsabilité générale de l’État de protection des populations et la charge lui revenant de veiller à la sécurité des ouvrages de protection contre l’inondation – au titre de la police de l’eau pour les cours d’eau ou la submersion – et une situation désormais fréquente de digues sans propriétaire ni gestionnaire actif par défaut de moyens financiers ou encore d’ouvrages que l’on peut qualifier d’« abandonnés » car sans gestionnaire ni propriétaire juridiquement identifiables avec certitude.

Depuis plusieurs décennies, un mode de gestion hasardeux et circonstanciel s’est installé dans de nombreuses régions.

Une prise de conscience (toute relative car assez peu suivie d’effets réglementaires précis) est néanmoins intervenue à la suite des crues du Rhône de 1994, d’inondations importantes dans l’Aude en 1999 suivies d’événements aussi dévastateurs dans le sud-est de la France en 2002 puis 2003.

En 1997, une commission spécialisée du Conseil général du Génie rural, des Eaux et des Forêts a pris acte de la fragilité de très nombreux ouvrages, en engageant une réflexion sur les responsabilités respectives des maîtrises d’ouvrages de surveillance et de contrôle.

Une circulaire du 28 mai 1999 a imposé un recensement général des digues, y compris maritimes. Ce texte traite de l’organisation de ce processus au travers des missions interservices de l’eau (MISE), des structures chargées de la police de l’eau et des services maritimes. À ce jour, ce travail semble inachevé.

Deux circulaires en date des 24 juillet 2002 et 6 août 2003 ont ensuite traité des rôles respectifs des services chargés de la police de l’eau face aux propriétaires ou gestionnaires d’ouvrages fluviaux ainsi que des prescriptions de sécurité et des visites régulières.

La relative faiblesse réglementaire de ces dispositions n’a au mieux servi qu’à réactiver certaines vigilances dans des zones exposées à des risques d’inondation fluviale, sans avoir véritablement une portée nationale.

En matière maritime, les conséquences de la tempête de 1999 avaient pourtant conduit l’État à coordonner certaines interventions :

C’est le cas de la procédure de déclaration d’intérêt général (article L. 211-7 du Code de l’environnement) qui, après enquête publique, permet à une collectivité de se substituer aux riverains pour réaliser des travaux de défense contre la mer :

– DIG « travaux de mise à niveau » pour les opérations « lourdes », menées directement par les Conseils Généraux sur le Domaine Public Maritime ;

– DIG « entretien », pour les travaux de maintenance courants, réalisés par les collectivités locales concernées, en tant que gestionnaires des ouvrages par superposition de gestion avec l’État.

L’État doit en effet veiller à la régularisation domaniale de chaque ouvrage de défense pour lequel des travaux sont entrepris par une collectivité par l’identification d’un gestionnaire, afin de garantir la sécurité des personnes et des biens et faire bon usage des fonds publics.

En dehors de cas d’urgence, il lui revient d’appliquer les dispositions de l’article L. 211-7 du code de l’environnement impliquant la mise en place d’une structure de surveillance et d’entretien pérenne.

Dans ce but, l’État, propriétaire du domaine public maritime (DPM), privilégie la procédure dite de superposition de gestion pour désigner le gestionnaire d’un ouvrage situé sur ce domaine, garantissant ainsi la pérennité des actions entreprises.

Cette procédure, associée à la DIG, aboutit à la rédaction d’une convention de superposition de gestion entre la collectivité gestionnaire de l’ouvrage et l’État, qui reste gestionnaire du DPM.

Le choix du gestionnaire doit :

– tenir compte des capacités de la collectivité à assurer la surveillance et l’entretien de l’ouvrage ;

– garantir une politique cohérente de défense contre la mer.

En Charente-Maritime, la Communauté de Communes de l’Île de Ré a délibéré, en 2002, sur le principe de prendre en charge la gestion de tous les ouvrages de défense contre la mer de l’Île.

Cette démarche a été complétée par l’extension de ses compétences à la prise en charge de l’entretien des ouvrages (délibération du 30 mars 2006, statuts approuvés le 20 juin 2006 par le préfet).

La Communauté de Communes de l’Île d’Oléron effectue actuellement une démarche similaire.

Ceci étant, force est de rappeler l’extrême lourdeur et la lenteur des procédures décrites ci-dessus : pour peu que le dossier nécessite, en outre, un passage en Commission des sites, (cas fréquent sur le rivage), ce qui est manifestement incompatible avec des travaux urgents et s’avère être le cas de la réfection des ouvrages à réaliser après la tempête Xynthia et avant les prochaines marées d’équinoxe.

En réalité, la gestion des digues et des ouvrages de défense contre la mer souffre du défaut durable d’une politique coordonnée et nationale. La modicité des moyens consacrés par l’État n’a pas l’effet d’entraînement éminemment souhaitable sur les autres acteurs impliqués.

3. La nécessité d’un « plan digues » qui doit s’adapter aux situations locales

Le « plan digues » ou plus précisément « de prévention des submersions marines et des digues » a été annoncé dès le 1er mars 2010 par le Président de la République puis de façon plus précise dans son discours (prononcé le 16 mars suivant), à la Roche-sur-Yon, devant les acteurs de la chaîne de secours et de solidarité :

« Son objectif est de renforcer les digues pour améliorer la protection des populations. Je veux dire tout de suite qu'il n'est bien évidemment plus question de créer des digues nouvelles, ces digues spéculatives, immobilières, dont le seul objet est d'ouvrir à l'urbanisation des zones exposées à un risque important de submersion.

La tempête Xynthia a fortement endommagé les digues littorales. Au moins 150 kilomètres doivent être rénovés de toute urgence. Pour y parvenir dans les délais les plus brefs, je souhaite que l'État prenne à sa charge, de manière tout à fait exceptionnelle, 50 % du coût de ces travaux. Mais la tempête a mis en lumière l'état déplorable de l'ensemble du réseau national des digues, des 1 000 kilomètres de digues littorales et des 7 000 kilomètres de digues fluviales que compte notre pays, car il ne servirait à rien d'ignorer une partie de la réalité. Et la réalité, c'est qu'au moins la moitié de ces ouvrages aurait aujourd'hui besoin d'être consolidée. Sur la base d'un coût moyen d'un million d'euro par kilomètre, notre retard d'investissement se situerait entre 3 et 4 milliards d'euros.

Il faut dire que nous payons, dans ce domaine, les conséquences d'un système totalement confus et obsolète. Les maîtres d'ouvrage sont innombrables. Le principe d'un financement exclusif par les propriétaires et les personnes directement protégées – principe posé par une loi de 1807 – n'est manifestement plus opérant. Et, dans ce domaine aussi, les investissements publics ont été notoirement sous dimensionnés depuis des décennies. Je souhaite donc que me soient présentées rapidement des propositions pour un plan national pluriannuel en faveur des digues. L'État prendra toutes ses responsabilités en mobilisant durablement le fonds Barnier, sur la base d'un taux d'intervention de 40 %.

Enfin, compte tenu de l'effet des digues sur le reflux des eaux, une précaution élémentaire aurait dû être prise depuis longtemps : dans les zones à risque élevé de submersion, il ne doit plus être possible de construire des logements derrière les digues. Car tôt ou tard, quelle que soit leur hauteur, quelle que soit leur solidité, celles-ci sont un jour submergées. Un peu de bon sens ne nuit jamais, surtout en matière d'urbanisme. »

Le discours présidentiel marque une étape importante en affirmant une implication financière directe pour les réparations immédiates des digues endommagées en Charente-Maritime et en Vendée à hauteur de 50 % quel qu’en soit le propriétaire ou la collectivité gestionnaire, puis un engagement de long terme, au moyen du fonds Barnier, en affirmant un taux d’intervention de 40 % au bénéfice des travaux planifiés dans le cadre du plan digues à vocation nationale et pluriannuelle.

Dans une communication en Conseil des ministres du 3 mars 2010, le ministre d’État en charge de l’environnement avait d’ailleurs trouvé un cadre à ce plan en demandant à une mission interministérielle de faire des propositions, dans un pré rapport, sur :

• le recensement des digues et lieux menacés et un travail de détermination des maîtres d’ouvrages et des exploitants « fins et localisés » de toutes les digues dans les zones à risques ;

• la maîtrise d’ouvrage des digues, à titre plus général ;

• la pertinence de la construction de digues en dehors de zones urbanisées ;

• la prise en compte du risque dans les règles de constructibilité derrière les digues.

Ces grandes lignes étaient présentées dans cette communication du ministre comme des éléments décisifs ou essentiels d’une stratégie clarifiée de gestion du trait de côte.

Le premier de ces axes démontre que le recensement national des ouvrages initié par la circulaire de 1999 est inachevé, donc probablement incomplet.

Une inquiétude est née dès la publication de la circulaire précitée du 7 avril 2010 par laquelle les ministres en charge de l’environnement et de l’intérieur donnent des premières instructions à tous les préfets des zones littorales. Ce texte pose, en effet, un principe d’une restriction de l’intervention financière de l’État aux seuls ouvrages de protection des zones habitées.

Se trouvent ainsi posées des interrogations sur les digues à vocation portuaire mais plus complexes encore sur la prise en charge des travaux de réparation sur les digues agricoles, conchylicoles, voire salicoles qui, pour certaines, ne concourent pas directement à la protection du bâti, même si leur rupture peut avoir de lourdes conséquences dans des zones résidentielles situées parfois à plus d’un km. Telle est la situation de la commune de Charron ou du quartier de la Providence à Rochefort, en Charente-Maritime. Or, ni les propriétaires, ni les collectivités concernées car le plus directement exposées, ne sont en mesure de supporter une telle charge.

Au cours de son déplacement en Vendée, la mission d’information a constaté lors de sa rencontre avec les organismes gestionnaires des digues de la vaste zone de l’Anse de l’Aiguillon dont les propriétaires sont bien identifiés, et de la région de Bouin et de Noirmoutier (qui a connu une submersion de grande ampleur en 1999) que les seuls travaux programmés dans l’immédiat dépassaient un montant de 20 millions d’euros, largement supérieur aux capacités locales.

S’agissant du territoire de la commune de La Faute-sur-Mer, le maire a fait état devant la mission de projets de renforcement du dispositif des ouvrages et digues existants qui auraient été préparés et évalués dans les années précédant la tempête Xynthia, sans qu’il eut été possible de boucler leur financement.

Le risque était pourtant connu, notamment des services de l’État. Un fonctionnaire, alors en poste à la direction départementale de l’équipement (DDE), M. Stéphane Raison, avait dans une étude publiée au mois d’octobre 2008, tout particulièrement souligné les possibilités d’aggravation des risques sous l’effet d’une crue du Lay (rivière séparant les communes de l’Aiguillon-sur-mer et de la Faute-sur-mer) d’autant que ce cours d’eau subissait, dans la zone de son estuaire un ensablement important, situation sur laquelle les deux maires avaient appelé l’attention de la Préfecture (lettre cosignée du 19 janvier 2009).

Sans prétendre à des investigations qui ne relèvent pas de ses pouvoirs, la mission d’information mentionne que les différents projets de plan de prévention des risques (PPR) en préparation et discussion pendant plusieurs années pour la commune de La Faute-sur-mer ne classaient pas la zone communément dénommée « de la cuvette », qui a connu le plus grand nombre de victimes, en zone « rouge » assortie d’une inconstructibilité mais faisait, en la matière, l’objet de prescriptions spécifiques. Il est difficile à la mission d’avoir des certitudes sur le respect de telles prescriptions pourtant connues par anticipation.

Son déplacement lui a cependant permis de constater l’existence de constructions récentes en contrebas immédiat d’une digue d’ailleurs élargie à son pied et sensiblement rehaussée depuis la catastrophe. Ce point révèle s’il en était besoin, le caractère crucial de la question des digues.

En pratique, les digues et ouvrages protégeant des zones urbanisées doivent être soumis à un double questionnement : en premier lieu, il s’agit de considérer la réalité de la protection qu’ils confèrent. Dans le cas où cette protection est avérée, il convient d’apprécier avec sérieux le coût par habitant de cette protection, ce que l’État ne semble pas disposé à faire pour ses opérations de classement en « zone noire ».

Enfin, pour l’avenir, la construction et le renforcement des digues ne doivent se concevoir qu’au sein de plans d’occupation des sols répondant aux besoins de logement de la population et délimitant le plus clairement possible les aires d’habitation ou d’activité ainsi protégées.

La réalité de la protection conférée par une digue ou un ouvrage doit être mise à jour au terme de travaux d’experts indépendants et responsables. À cet égard, la réglementation prévoit au titre du décret n° 2007-1735 du 11 septembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques un classement des digues et des règles relatives à des visites de sécurité. Ce texte définit un classement en quatre catégories des digues (A, B, C, D) dès lors qu’elles s’élèvent à plus d’un mètre de haut et protègent plus de 10 habitants. Le dispositif, qui concerne également les barrages, a été clairement mentionné dans un rapport récent de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) (30). Dans le cadre de son travail de rapporteur, notre collègue Christian Kert a fait état de la fragilité de certains ouvrages du fait de la trop faible implication de leur gestionnaire souvent financièrement démuni et d’une insuffisance de méthode et de régularité des actes visant à s’assurer de leur sécurité, une mission de vigilance générale dont l’État est pourtant le garant.

Les dispositions de ce texte qui représentent un progrès, n’ont pas, à ce jour, trouvé leur pleine effectivité, en dépit d’un arrêté du 12 juin 2008 précisant la nature et les caractères des risques et aléas à prendre en compte dans les études de danger à réaliser au titre de nouvelles prescriptions, qui réaffirment une responsabilité d’entretien et de surveillance à la charge des propriétaires et exploitants.

Dans les faits, les principes prônés par le décret de 2007, certes positifs, ne règlent pas la question de la « solvabilité » des gestionnaires d’ouvrages tout en leur imposant d’ailleurs des charges supplémentaires.

Il en est ainsi de l’obligation de produire un diagnostic de sûreté de l’ouvrage (pour toute digue classée en classe A, B ou C) avant le 31 décembre 2009 (article 16 du décret du 11 septembre 2007). Il est évident que pour des raisons matérielles, le respect d’une telle échéance était impossible pour les propriétaires de digues.

La lenteur de publication des textes d’application mérite encore d’être soulignée lorsque l’on constate que les dispositions relatives à l’agrément des organismes et des experts autorisés à effectuer les études de dangers, les visites d’auscultation, les études et suivis de travaux, les revues et diagnostics de sûreté ne sont intervenues qu’au titre d’un arrêté du 18 février 2010, publié au Journal Officiel du 16 mars 2010, soit plus de quinze jours après le passage de Xynthia.

• La phase I du « plan digues » a été menée à bien : elle a consisté à répertorier et à intervenir dans l’extrême urgence sur l’ensemble des dégâts constatés et notamment les brèches ouvertes dans les digues les plus fragiles ou les plus exposées à la tempête Xynthia.

La totalité des submersions n’est d’ailleurs pas liée aux seules ruptures d’ouvrages. Le débordement de zones portuaires dont les quais ne pouvaient faire face à des surcotes aussi exceptionnelles (inondation du centre de La Flotte ou d’un quartier de La Rochelle). À Aytré, des saignées pratiquées dans le cordon dunaire (accès à la plage) et l’existence d’un point bas à la sortie d’un marais sont des causes avérées.

Au total, les travaux indispensables ont été réalisés dans les 3 semaines suivant la tempête. L’engagement des collectivités locales, notamment du double point de vue budgétaire et humain, a été déterminant.

• La phase II poursuit l’objectif de poursuivre et de consolider les travaux effectués en première urgence, tout en complétant le dispositif, là où certaines opérations considérées moins « stratégiques » ou « vitales » n’ont pas été entreprises en phase I (certains travaux n’ayant pu bénéficier d’apports de matériaux suffisants).

Sur ce point, l’attente des collectivités et des gestionnaires privés reste forte à l’égard des déblocages financiers de l’État, d’autant que l’objectif est de terminer les travaux de la phase II avant les marées d’automne qui atteignent des coefficients supérieurs à 110 (certaines régions bénéficieront sans doute de subventions européennes au titre du FEDER sous réserve que les confortements réalisés soient suffisamment probants pour être considérés définitifs, du moins dans leur conception).

• La phase III devrait constituer le cadre d’exécution pluriannuel du plan gouvernemental de prévention des submersions marines et des digues, esquissé sur les bases de la circulaire aux préfets des zones littorales en date du 7 avril 2010.

À ce jour, l’orientation générale, la nature des actions et l’engagement financier de l’État ne sont pas connus. Il semble toutefois que la voie de la contractualisation avec les collectivités concernées ait fait d’emblée l’objet d’une récusation.

La nécessité d’un plan « digues » est largement admise. Son élaboration puis sa mise en œuvre devront toutefois véritablement marquer une rupture avec plusieurs décennies d’effacement de l’État sur le sujet.

Un tel dispositif s’il est programmé et financé devra aussi s’accompagner d’une profonde refonte des textes législatifs et réglementaires traitant de la « gouvernance » des systèmes de défense contre la mer. À l’évidence, les responsabilités de gestion, de surveillance et d’entretien des ouvrages appellent une clarification. L’État et les collectivités ont à assumer un rôle majeur.

Pour leur part, les digues privées doivent pouvoir être régulièrement entretenues, quitte à résoudre la question des ouvrages abandonnés (sans propriétaire probants ou solvables) au travers d’un transfert aux collectivités locales. La voie de la fiscalité locale semble toutefois offrir de trop faibles marges pour satisfaire d’un point de vue financier cette question cruciale.

Il reste également important d’encourager et de soutenir les structures de regroupement existantes, dès lors qu’elles ont une taille critique. Elles constituent des solutions non négligeables. La défaillance de certaines associations syndicales de propriétaires tient plus à leur manque de moyens financiers qu’à leur mode de fonctionnement.

Les syndicats actuellement créés dans les vastes espaces des marais poitevins et breton ont déjà joué un rôle important et disposent de projets crédibles comme a pu le constater la mission au cours de ses déplacements.

Le SYMADREN (Syndicat mixte interrégional d’aménagement des digues du Delta du Rhône et de la mer) qui fédère des capacités d’intervention dans le cadre de deux régions, reste un exemple intéressant mais unique à ce niveau. Créé après les inondations et débordements de la Camargue en 2003, le SYMADREN gère 210 km de digues fluviales et 30 km de digues maritimes, certaines datant du XIIe siècle et une majorité ayant été conçues au XIXe siècle. En 2008, les perspectives de travaux de confortement restant à réaliser représentaient plus de 300 millions d’euros alors que le SYMADREN ne pouvait compter que sur quelque 180 millions d’euros contractualisés.

En tout état de cause, la mission d’information estime que les nouvelles modalités de gestion des digues reposeront nécessairement sur des formules « mixtes ». L’idée d’un opérateur unique à vocation nationale ne paraît guère réaliste.

En revanche, la mission appelle de ses vœux l’émergence d’une structure qui pourrait prendre la forme d’une agence chargée d’être dépositaire de la doctrine de gestion sans assumer directement les interventions de construction et de surveillance. Cette structure serait également chargée de la détermination des normes et de la délivrance d’agréments aux opérateurs publics ou privés.

Son rattachement à une administration centrale ne semble pas opportune, tant il apparaît flagrant que ce niveau ne dispose pas ou plus d’une expertise suffisante dans une matière qui, de longue date, relève de préoccupations secondaires des services ou bureaux ayant pourtant compétence sur la conception et la prévention intéressant les ouvrages de défense contre la mer. L’insuffisance qualitative et quantitative de l’expertise en ces matières est d’ailleurs d’ores et déjà perceptible au sein des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM).

La lenteur du recensement national des ouvrages, pourtant lancé depuis 1999, témoigne de ce défaut de préoccupation suivie. C’est pourquoi la gestion d’une banque de données régulièrement actualisée devra relever d’une structure nouvelle.

Mais, le nœud du problème reste le financement du « plan digues » auquel il convient de réserver des ressources pérennes, affectées et abritées des arbitrages. Le recours au fonds Barnier, certes judicieux, appelle néanmoins un sensible relèvement de ses ressources annuelles pour être en mesure de répondre à une programmation crédible et de long terme.

Proposition n° 2

Faire reposer la gestion des digues sur des formules « mixtes », chaque ouvrage devant avoir un opérateur de gestion déclaré et agréé.

Proposition n° 3

Créer une agence indépendante de l’administration centrale, dépositaire de la doctrine de gestion des digues sans assumer directement les interventions de construction et de surveillance. Elle sera également chargée de la détermination des normes et de la délivrance d’agréments aux opérateurs publics et privés.

B.— AMÉLIORER L’ALERTE ET LES SECOURS

1. Une amélioration à prévoir au niveau local…

a) le développement du recours aux nouvelles technologies

Celles-ci offrent toute une gamme de possibilités en matière d’alerte qui pourraient d’ores et déjà être mises en œuvre.

Le cell broadcast par exemple, devrait être répandu : ce système permet de lancer un message d’alerte par allumage automatique des postes de télévision, associé à un message sur tous les portables d’une zone déterminée. L’enjeu est de toucher rapidement un maximum de populations en activant simultanément plusieurs moyens d’alerte.

Dans le Gard, un abonnement souscrit auprès France Télécom permet d’avertir toute la population par SMS.

Les communes se sont parfois impliquées dans la mise en œuvre de systèmes d’alerte locaux spécifiques, ainsi que l’a rappelé M. Jean-Paul Lecoq, membre de la mission d’information. La ville de Gonfreville-l’Orcher, dont il est maire, a financé un dispositif spécifique l’« Alert box » et perçoit une redevance pour chaque boîtier vendu. Il existe également un système d’alerte particulier à Vaison-la-Romaine. Par ailleurs, plusieurs dispositifs, coûteux pour certains, permettent de relayer le GALA, le gestionnaire d’alerte locale automatisé.

Mais la situation est très inégale d’un endroit à l’autre. Le plus souvent, les moyens d’alerte sont mis en place dans des sites soumis à un plan particulier d’intervention afin de répondre à des risques technologiques bien identifiés, mais beaucoup moins à des risques naturels.

Les secours seront facilités par le développement d’Antares (adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours). Ce réseau de radiocommunications numériques terrestres, sécurisé, mis en œuvre par la loi de modernisation de la sécurité civile du 17 août 2004 est coûteux mais exceptionnel. Son homogénéité permet d’exploiter des services de communications utilisables sur l’ensemble du territoire (31) et de renforcer la solidarité entre les services d’urgence. Il permettra de disposer de toutes les informations médicales nécessaires aux opérations de sauvetage et de retransmettre immédiatement images et données dans les opérations de secours. Le territoire national sera couvert par ce réseau en 2014. La mission souhaite vivement qu’il soit achevé avec la plus grande diligence.

Proposition n° 4

Généraliser le plus rapidement possible l’utilisation des nouvelles technologies afin que les préfectures puissent donner l’alerte aux mairies à tout instant avec la plus grande efficacité.

Proposition n° 5

Achever le développement du réseau « adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours » (ANTARES) avec la plus grande célérité.

b) la généralisation des documents sensibilisant la population aux risques

En ce qui concerne l’alerte, les maires sont tenus réglementairement de responsabiliser les citoyens exposés aux risques majeurs. Les communes concernées (32) doivent élaborer un dossier d’information communal sur les risques majeurs (DICRIM). Ce dossier, institué par le décret n° 90-918 du 11 octobre 1990, a pour but d’informer la population sur les risques naturels et technologiques qui les concerne, sur les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde mise en œuvre, ainsi que sur les moyens d’alerte en cas de survenance d’un risque, ainsi que les consignes de sécurité individuelles à respecter. Une circulaire du 21 avril 1994 mettait l’accent sur la nécessité d’une campagne d’information, recommandation qui n’a pas été reprise dans la circulaire du 20 juin 2005, ce qui peut paraître regrettable, l’affichage à la mairie et la possibilité de consultation de ses locaux ne paraissant pas suffisants. Une enquête nationale lancée en septembre 2009 par le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM) a permis de rassembler 850 DICRIM sur les 15 000 communes concernées par l’obligation d’en réaliser un (33). Cette base de données pourra être source d’informations enrichissantes.

Les plans communaux de sauvegarde (PCS) doivent être développés. Les PCS ont l’avantage de ne pas être très coûteux, de motiver les pompiers et les services de secours et de permettre une vraie sensibilisation de la population (34) : il est nécessaire de faire connaître ces plans à la population, et d’encourager la mobilisation sur le terrain, en prévoyant notamment un exercice annuel, comme l’avait prévu la loi de modernisation de 2004. Ils permettront d’améliorer, en outre, le dialogue entre les différents acteurs de l’alerte, municipalités et préfecture. La préfecture de la Charente-Maritime propose d’ailleurs de privilégier l’organisation par bassin de risque, avec la mise en place d’une programmation pluriannuelle. Des cartes de zones potentiellement submersibles ont déjà pu être diffusées aux maires. Pour une réelle efficacité, la mission souhaite que dans les zones touristiques, les locations de meublés doivent être subordonnées à la connaissance par les locataires des consignes du PCS.

L’État devrait être maître d’ouvrage : la mission demande instamment qu’il ait les moyens d’en assurer le pilotage dans un délai raisonnable.

L’établissement d’un PCS ne devrait pas être lié à l’établissement d’un plan de prévention des risques ; la mission recommande d’imposer les PCS dès l’existence du porter à connaissance.

Proposition n° 6

Imposer l’établissement d’un plan communal de sauvegarde (PCS) dès l’existence du porter à connaissance. Soutenir financièrement la mise en place d’un système d’alerte des populations adapté aux risques.

Proposition n° 7

Prévoir la possibilité que les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre puissent lui confier l’élaboration et la gestion de leurs plans communaux de sauvegarde.

Proposition n° 8

Tout propriétaire doit porter à la connaissance de son locataire les consignes du dossier d’information communal sur les risques majeurs (DICRIM).

2. …comme au niveau national

Un nouveau Système national d’alerte et d’information aux populations, le SAIP, d’un coût de 80 millions d’euros, sera mis en service dans environ 5 ans.

Ce système est déclenché par satellite ; il sera possible de diffuser des messages d’alerte par tous moyens (télévisions – qui pourront être allumées à distance – radio, Internet, réseaux mobiles) sur la conduite à tenir.

Une expérimentation de cet outil a eu lieu le 18 juin 2009, sur quatre bassins de risques implantés dans trois départements de la zone de défense sud-est : l’Ain, l’Allier et le Rhône. Le choix a été fait de simuler un accident industriel. Les sirènes implantées sur ces bassins ont émis le signal d’alerte, les panneaux à messages variables ont diffusé des messages d’information et les automates d’appel alertent les autorités ainsi que les populations d’une commune ; deux écoles des communes concernées ont simulé une mise à l’abri des enfants. L’exercice a été piloté depuis l’état-major de zone, en lien avec les préfectures et les sapeurs pompiers des trois départements concernés. Les communes et les exploitants industriels concernés y ont également été associés, ainsi que la population, les réservistes de l’armée de l’air, des associations locales, le réseau régional de France Télécom, Radio France, et les radios locales.

Mais la mise en œuvre d’un système d’alerte moderne et sophistiqué n’a d’intérêt que si les messages sont clairs et précis : le problème de la force de conviction des messages est essentiel, et celle-ci résultera du développement du dialogue. De surcroît, il est impératif de veiller à dispenser à la population une culture lui donnant les bons réflexes.

Les apprentissages prévus par la loi de modernisation de la sécurité civile du 17 août 2004 doivent être dispensés sans retard et les messages doivent être facilement compréhensibles.

Comme le précise M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile, dans une interview (35), il convient d’« éduquer le citoyen de demain et lui apprendre à se protéger face aux risques ».

Proposition n° 9

Accélérer la mise en œuvre du système national d’alerte et d’information aux populations (SAIP).

3. La mise à l’abri de la population doit pouvoir être envisagée

« On a la culture du confinement, pas de l’évacuation », a confié à la presse le Président de la mission, M. Maxime Bono. L’accent ayant davantage été mis sur la violence du vent, il n’a pas été envisagé d’évacuation. Celle-ci pourrait cependant être possible, dans la mesure où l’alerte a eu lieu douze heures avant, – elle avait même été de 14 heures pour la tempête Klaus et où, en général, les préfectures sont contactées bien avant par des pré-alertes : évidemment, il est exclu d’évacuer pendant la tempête, comme l’ont souligné plusieurs interlocuteurs de la mission d’information. M. Alain Ratier a reconnu que « les conseils sur les comportements à adopter en cas de submersion restent à écrire ». Ils le seront dans le nouveau système d’alerte « vague/submersion ».

L’envoi du message d’évacuation est déjà prévu dans les plans communaux de sauvegarde, mais leur faible diffusion fait obstacle à cette opération.

Les avis entendus sur ce point par la mission peuvent diverger. Comme l’a indiqué M. Jean-Marc Sornin, président directeur général de CREOCEAN, compte tenu de la rareté d’un événement comme Xynthia, une évacuation « éviterait bien des dépenses liées aux destructions et aux délocalisations ». En effet, « dans la zone de La Rochelle, il n’y aurait eu qu’une centaine de familles à prévenir douze heures avant et donc à évacuer tranquillement. Or, je crois qu’il est tout à fait réalisable de prévenir dans un tel délai et dans des zones assez précises ».

En revanche, M. Fernand Verger, géographe, professeur à l’École normale supérieure, conseiller scientifique du Conseil national du littoral, également auditionné par la mission d’information, a estimé l’évacuation difficile, en raison d’un grand nombre de personnes concernées et parce que « nous ne savions pas que l’eau passerait dans la cuvette de La Faute-sur-Mer ». Les autorités ne pouvaient pas lancer tardivement un ordre d’évacuation, mais auraient dû donner « un ordre de vigilance » : « si j’avais habité la région, je serais resté éveillé, tout habillé, avec des bottes, et j’aurais cherché un endroit où me réfugier en cas de problème »

Ce terme d’évacuation est d’ailleurs inapproprié, dans la mesure où il ne s’agirait pas d’exode de grande ampleur comme celui des habitants fuyant les cyclones aux États-Unis, mais plutôt d’une mise à l’abri, dans un endroit relativement proche, mais sûr, et pour quelques heures seulement. Certaines municipalités disposent d’un centre d’accueil qui aurait pu être utilisé. Des lieux de regroupement dans des zones sûres doivent être prévus dans chaque commune.

Proposition n° 10

Prévoir pour chaque commune soumise à des risques d’inondation des lieux de regroupement situés dans des zones sûres.

C.— RENFORCER LA PRÉVENTION

1. Mettre fin à la multiplicité des acteurs

a) la juxtaposition d’opérateurs publics aux compétences reconnues

Au long de sa réflexion, la mission d’information a été amenée à considérer une situation de relative confusion concernant à la fois les différents acteurs ou opérateurs publics en charge de l’observation et de la prévision des risques d’origine marine et la définition des missions qui leur sont dévolues à titre collectif.

●  Ce constat relève du paradoxe dès lors qu’il est couramment admis que la France a acquis de longue date une compétence reconnue en matière d’océanographie opérationnelle. Cette compétence ne semble toutefois pas toujours mise à profit dans l’action publique, y compris pour des missions d’intérêt national évident.

M. Yvon Bonnot, président de l’Association nationale des élus du littoral (ANEL), a clairement indiqué à la mission son constat d’un désintérêt vis-à-vis du risque de submersion :

« … il faut prendre davantage en considération le littoral, notamment les risques de submersion marine. J’ai participé à plusieurs commissions ministérielles où toutes les questions sur les zones inondables ou la fonte des glaces étaient évoquées, mais jamais celles portant sur le littoral. … De plus la presse, à la suite de ces réunions, ne posait aucune question sur le littoral alors que c’est lui qui présente les plus grands risques pour les années à venir. »

« Nous avions d’ailleurs évoqué la question qui nous préoccupe aujourd’hui en 2006, à Torreilles, lors de Journées d’études de l’ANEL consacrées à la montée du niveau de la mer et à la protection, à l’aménagement et au développement du littoral. Dans la conclusion de ces journées, j’avais souligné les difficultés, notamment financières, auxquelles on se heurtait en la matière ; protéger, c’est bien, encore faut-il avoir les moyens de le faire ! »

Les pouvoirs publics ont une responsabilité certaine dans le défaut de prise en compte d’un risque majeur depuis des décennies, d’autant moins excusable que notre pays capitalise des compétences indéniables mais probablement mal vu ou insuffisamment fédérées.

●  Le nombre et la réputation des organismes impressionnent : outre Météo France qui a « une mission nationale de sécurité météorologique des personnes et des biens (36) », le SHOM, l’IGN, l’IFREMER, le CNRS, l’IRD, le BRGM, le CETMEF et le SCHAPI occupent chacun une place au regard des questions intéressant la mission. Cette liste n’est d’ailleurs pas limitative. D’autres institutions publiques ou mixtes souvent liées aux universités et certains pôles de compétitivité disposent de compétences de haut niveau sur l’interface entre le milieu marin et les espaces littoraux. Sans omettre le CEA désigné en 2006 au titre d’un leadership qui a abouti, notamment après concertation intergouvernementale, à la création du Centre national d’alerte aux tsunamis pour l’Atlantique Nord-Est et la Méditerranée (CRATANEM), à vocation régionale pour la Méditerranée occidentale. Son caractère opérationnel devrait intervenir à compter de 2012. Ce projet conduit par un opérateur disposant de moyens conséquents, s’il relève d’une problématique distincte du risque de la submersion côtière, semble néanmoins être développé en dehors de considérations de partage de l’effort et des capacités.

À l’exception du directeur général du SHOM, les autres interlocuteurs de la mission n’ont pas fait état de telles possibilités et des travaux en cours, pas même le directeur général de la prévention des risques qui justifie la multiplicité des acteurs concernés par l’aléa de submersion, en raison de « la nature multidisciplinaire du sujet » tout en ajoutant : « Nous travaillons en gestion de projets ».

●  La mission d’information s’interroge sur les défauts qui résulteraient du développement en parallèle de plusieurs projets. Chacun de ses projets n’est-il pas la chasse gardée d’un organisme qui se considérerait comme un légitime propriétaire ?

Le sentiment de la mission se fonde sur les auditions qui ont laissé transparaître une situation dans laquelle chaque organisme privilégie un axe de développement : il en va ainsi de Météo France qui insiste particulièrement sur le groupement d’intérêt public (GIP) MERCATOR OCÉAN, du SHOM qui met en avant le rôle de PREVIMER dans la prévision des états de mer au large (travail coordonné par l’IFREMER), de l’IGN pour qui le programme cartographique LITTO 3D devrait constituer, à terme plus ou moins certain, un outil essentiel, alors que pour sa part, le BRGM cherche à s’extirper d’un cadre d’action strictement lié à la géologie des sous-sols et historiquement minier où semble vouloir le cantonner de très hypothétiques partenaires peu empressés d’engager des collaborations avec cet organisme faisant pourtant lui aussi partie de la sphère publique !

Il est probable ainsi que l’a indiqué à la mission, M. Gilles Bessero, directeur général du SHOM, en présentant son organisme comme « … une des briques de l’ensemble » capable de répondre aux questions posées par Xynthia, que la multiplicité des acteurs ne génère pas automatiquement des « doublons ». Mais, l’impératif de coordination des efforts sur des objectifs clairement définis à des échéances précises n’a pas été constaté par la mission d’information.

L’absence de réelle coordination face à un risque auquel les pouvoirs publics viennent seulement d’être réellement sensibilisés, a même abouti à l’auto saisine du BRGM qui a conduit une mission de terrain post Xynthia, dans de très brefs délais après la catastrophe.

La mission d’information ne saurait en aucune façon condamner cette initiative ayant débouché sur des constatations pertinentes telles qu’exposées devant elle par M. Manuel Garcin, ingénieur au BRGM :

« La mission de terrain a été réalisée du 8 au 12 mars 2010 dans le cadre d’un projet de recherche BRGM sur la submersion marine, dénommé RISCOTE, dont les objectifs sont multiples : développement, validation, application d’outils de modélisation numérique des vagues, des courants, des niveaux d’eau, évolution morphodynamique liée à la submersion marine. Ce projet nous amène à travailler sur les développements méthodologiques et instrumentaux (acquisition et traitement de données), sur l’établissement de courbes et indicateurs de vulnérabilité des différents environnements côtiers, notamment des plages, et sur les fonctions d’endommagement structurel dû au processus de submersion.

L’objectif de cette mission, menée en collaboration avec l’Office national des forêts – ONF – qui gère les dunes domaniales côtières, et avec l’Observatoire de la côte aquitaine (OCA), a été de recueillir, avant que les traces ne soient effacées, des informations sur les évolutions morphologiques du littoral, notamment les processus d’érosion, les niveaux d’inondation maximum, les dégâts induits, et les processus s’étant produits durant cette tempête. À moyen terme, ces données nous permettront de valider nos approches par modélisation.

Notre mission a effectué environ 300 observations géolocalisées dans une zone correspondant à 240 kilomètres de linéaire côtier à dominante sableuse, avec des formations dunaires plus ou moins développées qui isolent très fréquemment des zones de marais étendues, des secteurs à dominante vaseuse dans quelques baies et une artificialisation assez importante du littoral, avec des levées, des digues, des ouvrages portuaires.

Nos principales constatations portent sur l’érosion, la submersion et les dommages.

Nous avons noté, avec l’ONF, l’érosion de l’ensemble du cordon dunaire. Le recul est en moyenne de 3 à 5 mètres, avec des valeurs atteignant 22 mètres à l’Île de Ré et Olonne-sur-Mer. D’une façon générale, les dunes ont bien joué leur rôle de protection, car il n’y a pas eu de brèche ni de surverse, sauf une brèche dans le secteur de la Belle Henriette à la Faute-sur-Mer. D’où l’importance de suivre l’évolution des dunes, protections naturelles contre les submersions marines.

Nous avons constaté une submersion marine très importante. La cote absolue dépasse 4,5 mètres NGF aux Moutiers-en-Retz, à Charron, La Faute-sur-Mer, l’Aiguillon-sur-Mer – à comparer au niveau extrême de référence centennal, inférieur à 4 mètres NGF–.

Les cartographies que nous avons réalisées dans certains secteurs pour établir des limites précises des inondations nous permettront de valider nos modélisations numériques. »

●  Les travaux faisant actuellement l’objet de recherche-développement doivent se concentrer sur 3 objectifs :

1. une meilleure connaissance de l’aléa submersion ;

2. une délimitation aussi précise que possible des zones littorales les plus exposées aux impacts du phénomène ;

3. une amélioration sensible de la prévision météorologique du risque « vague submersion » et l’étude des facteurs de probabilité des événements majeurs.

Ce troisième volet de l’effort incombe, à l’évidence, à Météo-France, en considérant toutefois l’absolue nécessité de progresser de façon concertée et harmonisée (à des rythmes compatibles) pour atteindre ces 3 objectifs.

La mission d’information qui constate les progrès réalisés au fil des années dans la qualité des prévisions de Météo-France, opérateur à la réputation internationale confirmée, regrette toutefois une mobilisation insuffisante s’agissant de la prévision d’un risque aux effets potentiellement dévastateurs.

Météo-France ne semble pas avoir été à la recherche de moyens mais aussi des connaissances (notamment de sources étrangères) pour mieux appréhender les origines météorologiques et climatiques des phénomènes de submersion, quand bien même la littérature et les travaux scientifiques internationaux s’avèrent sans doute plus nombreux et suivis de longue date sur les risques cycloniques ou d’ouragans.

L’opérateur en reste à l’annonce de phénomènes de surcotes au large et à leurs conséquences en approche côtière, sans être véritablement en mesure de formuler des prévisions d’impact côtier localisées de façon suffisamment précises. En témoigne une lecture attentive de ses avis et bulletins incluant des recommandations de comportement ou demeurant très normalisées.

En leur qualité de tutelle de l’opérateur, les pouvoirs publics ne lui ont d’ailleurs que très récemment assigné des orientations en ce domaine. La convention-cadre entre l’opérateur et le ministère en charge de l’environnement, de l’écologie et du développement durable, conclue pour la période 2009-2012, ne consacre que des dispositions très générales à la submersion marine d’origine météorologique (page 21 de ce document) en ouvrant toutefois des partenariats de travail à Météo-France tout en indiquant qu’ils s’inscrivent encore au stade des expérimentations :

« Dans le cadre de sa mission de sécurité météorologique des personnes et des biens, Météo-France assure une production dans ce domaine, qui prend la forme d’un « avis de très fortes vagues à la côte » (ATFV), et travaille, avec ses partenaires, notamment le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM), à l’introduction dans la procédure vigilance météorologique de l’aléa submersion marine d’origine météorologique, conformément au vœu du Conseil Supérieur de la Météorologie (CSM).

Un champ commun de travail existe donc entre Météo-France, ses partenaires, la DGPR et la DGALN dans le domaine des risques côtiers. Compte tenu du contexte et des responsabilités respectives des Parties dans ce domaine, et dans la mesure des besoins et du possible, la DGPR, en lien avec la DGALN, et Météo-France :

– travailleront à l’amélioration de la connaissance de cet aléa ;

– étudieront la faisabilité d’une surveillance et d’une anticipation des submersions marines d’origine météorologique et de leurs conséquences, en complément de ce qui est fait ou planifié dans le domaine.

Ces activités seront menées avec l’implication des autres opérateurs pertinents.

Des expérimentations pourront être décidées et menées en commun. Elles feront l’objet de protocoles de partenariat adaptés, et seront traitées en termes administratifs et financiers selon les dispositions générales des articles JH.4 et H.6 (37) »

Dans son discours de la Roche-sur-Yon du 16 mars 2010, le Président de la République a clairement indiqué :

« Je demande à Météo-France d’intégrer sans délai un dispositif de vigilance vague-submersion dans ses procédures de vigilance météorologique ».

Au cours de sa seconde audition, M. Alain Ratier, directeur général adjoint de l’opérateur, a indiqué à la mission d’information que Météo-France avait révisé son plan de travail en ce sens.

Une note de synthèse commune à Météo-France et au SHOM, sur les conséquences de Xynthia, en date du 8 mars dernier, fait d’ailleurs état dans son exposé introductif d’une démarche tendant à la création d’un service national d’océanographie côtière opérationnelle (SNOCO) aux contours toujours incertains et, vis-à-vis duquel, la direction de Météo-France n’a pas témoigné devant la mission d’un enthousiasme marquant.

b) un éparpillement des expertises conduisant à une insuffisance des échanges et des moyens financiers

La mission d’information n’a pas vocation à construire de nouveaux schémas d’organisation reposant sur des fusions voire la création inopportune de nouvelles institutions.

Elle ne dispose d’ailleurs pas des moyens nécessaires à un audit « organisationnel ». Ses constatations l’amènent néanmoins à s’interroger sur l’efficacité pratique des moyens de recherche-développement dans un domaine à forte composante scientifique.

●  À l’exception du CNRS, du CNES et du CEA qui ne sont d’ailleurs que marginalement impliqués dans les processus relevant de son sujet d’études, seul Météo-France semble disposer aux yeux de la mission de moyens matériels et humains suffisamment importants pour conduire des développements à titre de maître d’œuvre. Force est de constater que les autres acteurs souffrent de certaines faiblesses, d’autant que les questions de prévention et de prévision de l’aléa ne représentent le plus souvent qu’une partie annexe à leurs activités statutaires.

Dans ces conditions, il n’a pas été surprenant de relever certaines insuffisances dans la définition puis la gouvernance de projets lancés depuis plusieurs années, voire quelques dérives ou simples hésitations par rapport aux objectifs initiaux.

Pour sa part, Météo-France a besoin des travaux d’autres organismes pour mener à bien des développements utiles à l’amélioration de ses prévisions à destination des zones littorales. La nature juridique de ses partenaires (établissements publics à caractère industriel et commercial ou administratif, voire services d’administration de l’État) n’est pas déterminante. En revanche, la faiblesse des moyens dont ils disposent reste un problème.

●  Le CETMEF, par exemple, est un service d’État à vocation nationale d’expertise et d’assistance aux maîtres d’ouvrage, en priorité publics, qui dispose de 240 agents répartis sur 5 sites.

Il ne peut compter (hors dépenses de personnels), selon son directeur, que sur un budget annuel de 2 millions d’euros pour conduire des études auxquels s’ajoute 1 million d’euros en apport de son ministère de rattachement, alors qu’il lui revient, parmi de nombreuses autres missions, de définir ou de valider des principes d’aménagement et l’état de l’art sur les ouvrages et travaux de protection des risques en zone fluviales et maritimes, des domaines pour lesquels quelques ingénieurs et techniciens travaillent à temps plein au sein de ses effectifs.

Plus graves encore, semblent être la diffusion et les débouchés de ses travaux d’études dont la qualité n’est pas en cause. En outre, le CETMEF gère le réseau CANDHIS de relevé de la houle alors que le SHOM a traditionnellement la responsabilité du réseau des marégraphes au large de nos côtes (réseau RONIN). La disponibilité et la maintenance de l’un et l’autre de ces réseaux méritent l’attention. L’utilisation de leurs relevés par Météo-France est essentielle, à la condition de disposer de séries statistiques crédibles, sur de longue durée. Or, la mission a constaté que nombre de ses interlocuteurs mentionnaient, par exemple,la fréquence des pannes des marégraphes du SHOM (situation du marégraphe de La Pallice-La Rochelle) et la durée des périodes d’inexploitation qui en résulte. Les représentants du BRGM lui ont ainsi indiqué que ce marégraphe installé depuis 1941 (soit 69,5 années de fonctionnement) avait été si souvent en panne qu’on ne dispose en fait de 25,5 années de mesures en nombre total d’années complètes : ce fait met en cause la validité de la méthode statistique pour caractériser les phénomènes majeurs de submersion dans un processus d’extrapolation par modélisation.

Il semble ainsi nécessaire d’expertiser en toute indépendance les réseaux CANDHIS et RONIN afin de connaître la qualité des mesures ainsi réalisées, leurs modalités de transmission au titre d’une automatisation indispensable et la pertinence de leurs différents traitements par les utilisateurs de ces données.

●  Le SHOM est l’héritier d’une tradition maritime française qui remonte à 1720 avec le Dépôt des cartes. Il représente sans conteste un centre d’expertise exceptionnel. Confronté aux réalités du XXIe siècle, le SHOM éprouve néanmoins certaines difficultés à développer ses activités vers des besoins civils plus généraux qui relèvent pourtant de l’intérêt national. Son évolution statutaire de 2007 (38) l’ayant transformé de pur service de la Marine nationale en un établissement public administratif également chargé de missions d’appui aux politiques publiques concernant la mer et le littoral, n’a pas encore été accompagnée d’une réorientation significative de ses moyens. Il en résulte inévitablement certaines faiblesses et quelques retards dans la programmation que l’établissement est à même d’arrêter pour ses travaux et la maintenance de ses dispositifs techniques.

●  Concernant le SCHAPI, un service rattaché à la DGPR, qui assure la mission de prévision des crues des cours d’eau surveillés par l’État, son fonctionnement en réseau avec Météo-France appelle une réflexion sur une éventuelle intégration à l’opérateur météorologique national.

Au-delà de ce problème d’organisation, la mission d’information déplore que la surveillance des fleuves côtiers par l’État reste insuffisamment développée comme le prouve la situation du Lay dans la baie de l’Aiguillon. Ses crues ne sont pas prises en compte au titre d’une surveillance institutionnelle, alors que l’effet de tels phénomènes conjugué à une tempête pourrait amplifier sensiblement les conséquences dévastatrices d’une submersion. Dans l’hypothèse d’une crue concomitante du Lay, le bilan de la tempête Xynthia aurait été sans conteste encore plus dramatique. Les récentes inondations dans le département du Var ont par ailleurs confirmé les défauts de surveillance de cours d’eau pourtant susceptibles de connaître de brutales évolutions de leur débit.

En zone littorale, il subsiste des rivières et des fleuves côtiers qui n’ayant pas le « statut » de cours d’eau classés ne font pas l’objet d’une surveillance.

Le double critère retenu par l’État pour « instrumenter » un cours d’eau porte sur l’ « intensité des enjeux » et « la faisabilité technique de la prévision de crues », selon la terminologie officielle.

La prévision de submersions marines dans le cadre actuel de la surveillance des crues fluviales appelle de sérieux efforts, car les quelques réalisations actuellement conduites, directement ou en partenariat par le SCHAPI, demeurent encore au stade de l’expérimentation (certains fleuves côtiers bretons, aval de la Seine, de l’Adour, de l’Aude…).

Concernant les grands estuaires comme celui de la Gironde, le SCHAPI dont les moyens financiers paraissent très contraints, pourrait même disperser ses ressources en développement ses modélisations alors que les collectivités concernées (au premier rang desquelles le Conseil général et la Communauté urbaine de Bordeaux) ont bâti à leurs frais et dans de meilleurs délais, un « référentiel inondation de la Gironde » géré par le Syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire de la Gironde (SMIDDEST) dans le but de définir un schéma de gestion des zones inondables de l’estuaire.

Un tel instrument de veille permanente permettra dans le cadre d’un modèle hydraulique d’ensemble de mieux définir les priorités notamment pour le suivi des digues (modifications et réparations).

c) la nécessité d’une structure opérationnelle fondée sur une capacité de décision et d’action des pouvoirs publics

Au long de ses travaux, la mission d’information a acquis la conviction que les pouvoirs publics n’avaient pas véritablement engagé une politique portant à la fois sur la connaissance et la prévention du risque de submersion.

Il en va différemment s’agissant des phénomènes d’érosion côtière pour lesquels de nombreuses études ont été entreprises depuis l’entrée en vigueur de la loi « littoral » de 1986 suivies d’actions parfois importantes dans certaines régions. Cette abstention durable concernant la submersion explique sans doute pour partie l’activisme teinté de précipitation voire de brutalité qui a présidé aux opérations purement administratives de délimitation des « zones noires » après la tempête Xynthia.

●  La majorité des acteurs ayant, à ce jour, consacré un effort d’implication sur les phénomènes d’érosion ou encore les principes techniques d’aménagement des espaces littoraux, dispose de compétences susceptibles d’être orientées sur l’étude des phénomènes de submersion. Cette aptitude rencontre toutefois un obstacle lorsqu’elle est détenue par des organismes ou des institutions qui supportent de lourdes charges statutaires et de structure mais ne dégagent souvent en conséquence que de faibles moyens financiers pour conduire des programmes de développement à fort potentiel scientifique et technique.

À budgets constants, la réunion des différents acteurs au sein d’un « grand tout » aux contours nécessairement bureaucratiques ne constitue certainement pas une solution. D’autant que la matière ne peut être véritablement appréhendée dans toutes ses dimensions par des bureaux d’administration centrale.

Il incombe cependant aux pouvoirs publics de définir un plan d’action coordonné, d’arrêter des priorités au terme d’un échéancier précis et, évidemment, de dégager les moyens indispensables dans le cadre d’une programmation pluriannuelle.

●  Ce plan d’action devrait susciter des effets fédérateurs entre des acteurs qui individuellement souffrent d’un défaut de taille critique. Chacun aurait ainsi une mission déterminée dont la conduite donnerait lieu à une évaluation régulière.

En tout état de cause, les auditions ont révélé une carence dans l’établissement d’une cartographie des zones exposées. L’existence de ce support sur l’ensemble du littoral français conditionne toute avancée sur la prévision du risque quant à ses possibles impacts et, dans une large mesure, à l’adaptation des moyens physiques de prévention c’est-à-dire principalement des ouvrages de défense.

M. Patrick Walter, docteur en géologie marine, qui travaille au sein de la société d’expertise et de services Créocéan, a clairement indiqué à la mission d’information que tout progrès sur les modélisations relatives à l’aléa suppose que l’on dépasse « la très grosse difficulté [qui] tient à la connaissance du terrain ». Car pour aboutir jusqu’au détail de la parcelle « … il est indispensable de disposer d’autres informations, en particulier topographiques ».

M. François Gérard du Conseil général de l’Environnement et du développement durable a clairement confirmé ce point en sa qualité de coordonnateur de la mission interministérielle de retour d’expérience.

« L’annonce de Météo-France s’entend « près des côtes », mais pas « à la côte ». Quand on parle de La Rochelle, on vise en fait une zone située à une dizaine de kilomètres au large. Des travaux, qui relèvent encore de la recherche-développement, sont en cours sur les moyens de faire en sorte qu’il s’agisse d’une surcote à la côte. Un système de vigilance de submersion marine efficace doit en effet permettre de caractériser l’aléa à la côte, par rapport à ce qui se passe au large. Cela nécessite tout un travail, à la fois de modélisation du système et d’accumulation de données. En particulier, pour que les simulations soient exactes, il faut disposer d’une bonne topographie des fonds, ce qui relève du travail de l’Institut géographique national et des services océanographiques de la marine et de leur programme Litto3D. Dans la région qui vous concerne, il y a encore des blancs dans la topographie fine des fonds marins auprès de la côte. »

Ce constat impose à l’État d’assigner aux deux opérateurs nationaux d’informations géographiques (IGN et SHOM) un plan de travail prioritaire pour mener à bien cette cartographie, selon une progression rationnelle et méthodique, sur la base d’un produit connu car défini depuis plusieurs années : il s’agit de LITTO 3D.

En prenant conscience des distorsions des cartographies terrestres et maritimes du littoral, les comités interministériels de la mer (avril 2003) et de l’aménagement du territoire (septembre 2004) ont alors décidé d’établir un référentiel commun dont la réalisation a été confiée à l’IGN et au SHOM, à savoir LITTO 3D. Ce produit est à la fois fondé sur des levés par des lasers topographiques au moyen du dispositif aéronautique de l’IGN et des levés par laser bathymétriques notamment pour les eaux de faible profondeur où les moyens nautiques ne peuvent pénétrer (d’ailleurs traditionnellement peu investies par le SHOM porté par sa vocation militaire à se consacrer aux eaux navigables), le tout complété par d’autres levés par sondeurs multifaisceaux pour la partie maritime.

Au regard de la date des décisions de lancement de ce programme, tout observateur peut légitimement s’interroger sur son état d’avancement, sept ans plus tard. La réponse appelle plusieurs remarques : le défaut de moyens financiers qui pourtant ne paraissent pas inaccessibles par les montants en cause (cf. infra), la différence de culture entre deux « partenaires » sans doute plus forcés que volontaires pour conduire un projet commun et la perte de vigilance des tutelles ministérielles respectives apparemment peu sollicitées par leurs administrations pour établir un suivi régulier du projet Litto 3D.

●  M. Patrick Parisé, directeur général de l’IGN, a d’ailleurs présenté les enjeux devant la mission de façon précise :

« J’aborderai la question de la tempête Xynthia sous l’angle des compétences de l’IGN. La problématique qu’elle pose est celle de l’évaluation de l’impact sur le littoral d’une prévision météorologique ou d’une hypothèse de hauteur d’eau posée ab initio dans un objectif soit d’alerte, soit de mise en place de « défenses » – construction de digues, de protections physiques –, soit encore d’édiction de règles d’utilisation du sol. Une telle évaluation nécessite des données altimétriques suffisamment précises et formant un continuum entre la terre et la mer pour permettre de procéder à des modélisations. Or, c’est là que le bât blesse : les données concernant la partie terrestre et celles concernant la partie maritime d’une zone ne se raccordent pas toutes dans de bonnes conditions. Par ailleurs, les données manquent de précision en raison d’une densité de points de mesure en altimétrie insuffisante et relativement peu homogène et d’un manque de précision des points de mesure. »

Son collaborateur, M. Gilles Martinoty n’a pas caché un retard français par rapport à deux pays européens également confrontés aux risques liés à la submersion :

« En Grande Bretagne, le programme d’acquisition de données fines est plus avancé qu’en France pour la partie terre. Le programme, qui s’appelle Landform plus, utilise une technologie relativement récente, le laser aéroporté, et couvre les zones littorales et les zones inondables avec une précision de l’ordre de 15 ou 25 centimètres et une résolution de l’ordre de deux mètres. Le programme est, en revanche, un peu moins avancé sur la partie maritime et l’intégration des données mer et terre, assez peu poussée.  

[…]

Les Pays-Bas sont indiscutablement à la pointe pour la modélisation des altitudes. Avec 26 % de leur territoire situé en dessous du niveau de la mer et 55 % concernés par un risque d’inondation, ils ont, dès 1997, mis en place un programme, appelé AHN – Actueel Hoogtebestand Nederland – pour réaliser un modèle complet de leur territoire – environ 34 000 kilomètres carrés – avec les mêmes techniques qu’en Angleterre, le laser aéroporté, et avec une précision de 15 centimètres et une résolution d’un point tous les mètres à un point tous les 4 mètres, selon l’ancienneté des données.

En 2007, ils ont lancé une deuxième version de ce programme – AHN2 – en gagnant encore en précision – 5 centimètres – et en résolution : un point tous les 50 centimètres. »

Or, à ce jour, l’IGN et le SHOM ont conjointement effectué un rapprochement par superposition entre les cartes existantes de l’IGN (scan 25 à l’échelle 1/25 000) et celles du SHOM (au 1/50 000) pour aboutir à un référentiel hybride et insuffisamment précis, sur échantillonné au 1/25 000, dit « Scan littoral » et à un produit dit « histolitt » sur le trait de cote avec une résolution insuffisante car voisine ou supérieure à 30 mètres.

M. Bessero, directeur général du SHOM, conçoit d’ailleurs « Scan littoral » comme un simple plan de situation, « … un outil d’aide à l’analyse des zones touchées. Il est donc très utile pour organiser les secours ». « Scan littoral » est donc dans son esprit, un instrument post catastrophe et non de prévention.

De tels assemblages de données n’atteignent pas un degré de crédibilité scientifique permettant de fournir un modèle numérique utilisable par les logiciels servant à établir des PPRI, en simulant des situations de montée des eaux tout en ajoutant des « objets » (digues, terre-pleins, etc.) et à observer de la sorte les changements constatés en fonction de leur emplacement, voire de leur effacement.

Selon M. Martinoty, les données de Litto 3D constituées sur l’ensemble du littoral et dédiées à la modélisation des risques apporteraient de réels progrès :

« Les données Litto 3D fournissent une représentation des altitudes terre-mer précise et continue, avec un gain de l’ordre d’un facteur 10 en résolution et en précision par rapport aux données existantes.

• Côté terre, les données sont fournies avec une précision altimétrique meilleure que 20 centimètres – contre environ deux mètres auparavant — et une résolution métrique – contre 50 mètres auparavant.

• Côté mer, bien qu’un peu moins bons pour des raisons techniques, les résultats sont quand même excellents : les données sont fournies avec une précision altimétrique meilleure que 50 centimètres et une résolution de 5 mètres. »

• Alors que la nécessité de l’outil Litto 3D fait manifestement l’objet d’un consensus d’experts, la mission regrette que les responsables du CETMEF n’aient nullement fait mention de cette voie au cours de leur audition, en privilégiant une action commune CETMEF/SHOM consistant à élaborer un CD Rom (d’ailleurs remis à la mission) se limitant à des cartes de niveaux extrêmes de la mer obtenues par cumul des effets de marée et des surcotes météorologiques, suivant une méthode mise au point par M. Bernard Simon du SHOM. Ce document qui sert à déterminer les données d’entrée pour l’élaboration des PPRI ne tient manifestement pas suffisamment compte des données topographiques fines sur le littoral terrestre. L’utilisation généralisée d’un tel instrument paraît hasardeuse.

En l’état actuel, Litto 3D a été « prototypé », selon l’expression des interlocuteurs de la mission, jusqu’aux années 2007 à 2008 et ne semble véritablement faire l’objet de travaux de réalisation que depuis peu. La cartographie du littoral français (métropole et outre-mer) paraît aléatoire, dès lors que l’IGN et le SHOM ne disposent pas des moyens financiers nécessaires, sans d’ailleurs manifester une préoccupation flagrante de coordination de leurs efforts. Au terme de l’année 2010, les espaces littoraux cartographiés selon la technique Litto 3D concerneront essentiellement l’outre-mer, quelques fractions du littoral méditerranéen et du golfe du Morbihan, au gré des capacités des collectivités financièrement sollicitées pour ces travaux.

Le coût total d’une cartographie nationale Litto 3D est évalué à 50 millions d’euros (40 millions pour la partie maritime et 10 millions pour la partie terrestre) par le directeur général de l’IGN qui a indiqué qu’au jour de son audition : 12 millions d’euros étaient au mieux mobilisables pour ce projet (près d’un quart de ce montant provenant de fonds européens).

Même dans l’hypothèse d’un déblocage rapide de 50 millions d’euros, le directeur général de l’IGN a estimé qu’une cartographie complète ne pourrait être réalisée avant quatre ou cinq années.

Selon M. Hervé Le Men, directeur de la maîtrise d’ouvrage déléguée du service public de l’IGN, « la partie maritime est effectivement le chemin critique. Si on voulait accélérer les choses, il faudrait acheter un Lidar – light detection and ranging – bathymétrique aéroporté. Il existe très peu de ces instruments au monde : un au Canada, un en Australie, douze aux États-Unis, un seul en Europe : aux Pays-Bas ».

En effet, pour poursuivre un programme de levés bathymétriques des espaces maritimes peu profonds à proximité des côtes (volet indispensable à toute cartographie Litto 3D), le SHOM est contraint de recourir à des sous-traitants. Bien que M. Bessero, directeur général du SHOM, ait tenu à préciser que les appels d’offres de son établissement avaient toujours obtenu des réponses, on peut s’interroger sur les délais et les surcoûts générés par cette dépendance, d’autant plus pénalisante pour une institution à vocation toujours principalement militaire que les Lidars bathymétriques aéroportés disponibles sont peu nombreux et relèvent d’une catégorie de moyens technologiques susceptibles d’être placés à tout moment sous embargo spécial du Gouvernement des États-Unis.

Le coût d’acquisition d’un Lidar bathymétrique aéroporté est estimé à environ 3 millions d’euros.

• La nécessité d’un recours aux levés laser de type Lidar fait l’objet de validations au sein de la communauté scientifique. Un travail récent de chercheurs de l’Université de Caen-UMR CNRS 6143 sur « la détermination des aléas littoraux : outils et méthodes pour la délimitation des zonages », publié dans la revue de la Société française d’hydrologie, est ainsi présenté :

« À propos de l’aléa submersion, l’état topographique des plages intervient fortement pour moduler l’impact des vagues sur le trait de côte. L’exemple traité, qui considère des submersions par paquets de mer au-dessus d’un ouvrage de protection, montre que la topographie de la plage devant l’ouvrage est un fort facteur de modulation des débits. L’extension de la zone d’aléa située en arrière de l’ouvrage s’en trouve modulée d’autant. Il apparaît au regard des résultats obtenus qu’il est plus important de soigner le calage altimétrique des levés dans les zones côtières basses que de privilégier une densité de points qui pour des niveaux d’eau élevés sera superflue. La technique de levé aéroporté de type Lidar apparaît comme une solution intéressante permettant à la fois d’obtenir des données de précision adéquate et sur un linéaire côtier important. » (39)

En considérant l’ensemble des informations recueillies, la mission souligne le caractère impératif d’une programmation volontariste et financée en rapport des besoins afin d’élaborer, dans les meilleurs délais, une cartographie Litto 3D continue terre-mer, soit une bande, à cheval sur le trait de côte, de 10 km vers la terre et de 6 miles vers le large.

Proposition n° 11

Établir une cartographie complète de type Litto 3 D du littoral français dans un délai conforme aux dispositions de la directive européenne « inondation » du 23 octobre 2007.

La mission déplore les retards constatés dans la conduite du projet Litto 3D depuis les comités interministériels de 2003 et 2004 ayant arrêté la décision de son lancement qui faisait d’ailleurs suite à une recommandation européenne du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d’une gestion intégrée des zones côtières (GIZC).

Le temps des atermoiements est d’autant plus dépassé que la directive européenne « inondation » 2007/60/CE du 23 octobre 2007 (40) fait notamment obligation aux États membres d’établir une cartographie des zones inondables et des dommages susceptibles d’être causés, y compris dans les hypothèses extrêmes comme c’est le cas des submersions (scénario 3 au sens de la directive). L’effort à consentir dès à présent est ainsi décisif, même si les interlocuteurs de la mission doutent de la possibilité d’aboutir à une cartographie complète au terme du 22 décembre 2013 tel que fixé par la directive.

La mission d’information appelle de ses vœux la création d’une structure nouvelle ayant la compétence d’un comité de pilotage d’un plan d’action sur la prévision et la prévention du risque « inondation-submersion ». Cette structure fait défaut. D’abord parce que la direction générale de la prévention des risques n’a pas su coordonner un programme cohérent sur l’amélioration de la connaissance de l’aléa et donc en tirer des conséquences pratiques. En outre, une telle structure semble à même d’associer dans le cadre d’une participation active les représentants des collectivités territoriales directement intéressées par des actions dont elles assurent d’ailleurs une partie importante du financement. Il convient ainsi, dans toute la mesure du possible, de combler d’indéniables retards pour instaurer des dispositifs mieux aboutis et inscrits dans un triptyque « prévision-prévention-alerte ».

Un plan d’action faisant l’objet d’une mise en œuvre programmée sur plusieurs années devra également comprendre une extension du réseau de surveillance des fleuves et cours d’eau dont les crues (débit des bassins versants à la mer) peuvent avoir des effets aggravants à tout phénomène de submersion lié à une tempête. Le rythme de progression des réalisations est à inscrire dans l’échéancier de la directive européenne « inondation » qui assigne aux États membres l’année 2015 pour disposer de plans complets de gestion des risques.

Proposition n° 12

Assurer une meilleure coordination entre les différents acteurs chargés de la prévision des crues et de la submersion, voire les réorganiser sur la base des orientations données par une structure opérationnelle qui contrôlera l’exécution d’un plan d’actions programmées.

2. Inciter les assurances à jouer un rôle en matière de prévention

La prévention est fondamentale et les assureurs en ont conscience, comme en témoigne une étude réalisée par la FFSA selon laquelle le coût des catastrophes naturelles depuis 20 ans a atteint 34 milliards d’euros. En l’absence de toute mesure nouvelle, à l’horizon 2030, l’indemnisation des dommages matériels devrait doubler pour atteindre 60 milliards d’euros. Cette évolution tient à la prise en compte des prévisions socio-économiques qui montrent un accroissement des richesses et de la population dans les zones identifiées à risque (41) – ce qui induit la progression du coût par sinistre – et de l’augmentation de la fréquence de certains événements climatiques.

À titre d’exemple, on évalue le coût des dommages directs d’une inondation centennale en région parisienne à 11 milliards d’euros, et celui d’un séisme sur la côte d’azur à 15 milliards d’euros.

À l’échelle mondiale, le coût des indemnisations payées par les assureurs au titre des catastrophes naturelles est demeuré relativement faible jusque dans les années 1990 (moins de 10 milliards de dollars par an) et atteint peu à peu des montants considérables (50 milliards de dollars en 2004) (42).

Une mission des sociétés d’assurances pour la connaissance et la prévention des risques naturels a été créée début 2000 entre la FFSA et la GEMA, afin de contribuer à une meilleure connaissance des risques naturels et d’apporter une contribution technique aux politiques de prévention.

Cependant, peu de progrès ont été réalisés jusqu’à présent.

a) les dispositions actuelles n’encouragent pas suffisamment les comportements de prévention

L’article 125-5 du code des assurances limite l’indemnisation au cas où « les mesures habituelles à prendre pour prévenir (les) dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises ».

En fait, les dispositions existantes qui ont pour objectif d’encourager ces comportements sont insuffisantes ou peu appliquées.

La franchise est plus élevée dans le cadre du régime de catastrophe naturelle que lorsque le sinistre est pris en charge dans le cadre des contrats d’assurance. En outre, en cas de sinistres répétitifs, si la commune n’est pas dotée d’un plan de prévention, la franchise est modulée en fonction du nombre de constatations de l’état de catastrophe naturelle intervenu pour le même risque au cours des cinq années précédant la date de la nouvelle constatation : elle est doublée au troisième arrêté suivant la catastrophe, triplée au quatrième, et quadruplée pour les arrêtés suivants…

Cette modulation est suspendue dès la prescription d’un PPR pour le péril concerné mais elle est réactivée en cas d’absence d’approbation de ce PPR à l’issue d’un délai de 4 ans.

LES MODULATIONS DE FRANCHISES POUR LES ÉVÉNEMENTS
AYANT DÉBUTÉ EN 2006 (FICHIER ARRÊTÉ FIN SEPTEMBRE 2007)

Application de la règle

 

Nombre de communes concernées (sur un total de 36 679 communes)

 

Inondation

Sécheresse

Pas de PPRN et 3 arrêtés cat' nat' au titre respectivement des inondations/ de la sécheresse

Franchise doublée

516

79

Pas de PPRN et 4 arrêtés cat' nat' au titre respectivement des inondations/ de la sécheresse

Franchise triplée

173

32

Pas de PPRN et 5 arrêtés cat' nat' au titre respectivement des inondations/ de la sécheresse

Franchise quadruplée

45

8

Source : FFSA (Fédération française des sociétés d’assurance) (43)

La mission d’enquête sur le régime d’indemnisation des victimes des catastrophes naturelles (44) s’est déclarée favorable à ce dispositif, car «un mécanisme comme la multiplication des franchises en cas de reproduction d’un sinistre dans une même commune en l’absence de plan de prévention des risques (PPR) prescrit fait en réalité peser une obligation de résultat sur l’État beaucoup plus que sur les assurés ».

Au cours des débats relatifs à la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, le gouvernement a soutenu cette modulation, estimant que son objet était d’« inciter chacun, en particulier les assurés et les collectivités locales, à prévenir les dommages consécutifs à une catastrophe naturelle » (45).

Le Commissariat général au développement durable a eu une approche plus nuancée, en prenant pour exemple le cas des habitants de 516 communes qui avaient vu à la fin de septembre 2007 leur franchise doubler à la suite de trois arrêtés de catastrophe naturelle au titre des inondations ayant eu lieu depuis le début de 2006. Le CGDD a souligné que cette règle avait incité à la prescription de plans, c'est-à-dire au lancement de la procédure afin d’éviter une augmentation de franchises – car cette prescription neutralise la hausse de franchises pendant une durée pouvant aller jusqu’à 5 ans – mais elle n’a pas incité à l’approbation du plan rendant effectives les mesures de sécurité.

La mission d’information a estimé que cette disposition – faite pour encourager les plans de prévention – était discutable, puisqu’elle fait porter sur l’assuré la sanction, alors qu’il n’est pas partie prenante dans la conclusion du PPR.

En revanche, l’article L. 125-6 du code des assurances prévoit que 5 ans après l’adoption du PPR, les assureurs peuvent saisir le Bureau central de tarification pour les assurés qui ne seraient pas conformés aux prescriptions du PPR : le Bureau peut alors augmenter les franchises, ou exclure un bien figurant au contrat, ce qui, en pratique, n’est jamais réalisé.

La mission recommande l’application effective de l’article L. 125-6 du code des assurances.

Proposition n° 13

Appliquer effectivement l’article L. 125-6 du code des assurances qui prévoit que le Bureau central de tarification peut augmenter les franchises des assurés qui ne respecteraient pas les dispositions du PPR ou exclure un bien de leur contrat.

b) plusieurs pistes nouvelles peuvent être explorées

● Actuellement, les biens nouveaux construits en infraction avec une disposition d’un PPR peuvent être exclus de la couverture des catastrophes naturelles ; mais cette exclusion doit être décidée a priori, lors de la conclusion ou du renouvellement d’un contrat et elle est peu appliquée. II faudrait qu’une déclaration de conformité aux prescriptions de prévention soit demandée par l’assureur à son client.

● On pourrait également édicter des normes de construction, comme cela est le cas pour les séismes, afin d’optimiser les choix zone par zone, de la même façon que, par exemple, l’existence d’une porte blindée est prise en compte dans un contrat d’assurance. Interrogé sur ce point par la mission, M. Bernard Spitz, président de la Fédération française des assurances, a confirmé que les assureurs prendraient en compte les travaux de protection dans les habitations, mais que cela aurait une portée plus grande dans les assurances souscrites par les entreprises, en raison des montants plus élevés des primes.

Le Commissariat général au développement durable (CGDD) a suggéré récemment que le lien entre assurance et prévention soit établi grâce à la réassurance dans le cadre de la garantie de l’État, en modulant la prime de réassurance acquittée par les assureurs en fonction de la répartition de la population assurée. Cette piste n’a pas semblé devoir être retenue par la mission.

Quant à la modulation des primes, le rapport de la mission interministérielle a déploré les faibles interactions entre le régime des catastrophes naturelles et les politiques de prévention, ainsi que la faible implication des citoyens dans les démarches de prévention, par manque de connaissance des risques auxquels ils sont exposés. Il a suggéré qu’une certaine modulation soit mise en place, en fonction des éléments dont dispose la profession de l’assurance – exposition au risque et comportements adoptés par l’assuré – et qu’une information claire soit facilement mise à la disposition du public, notamment par Internet et par l’insertion « sur leurs avis d’appel de primes une mention bien apparente informant les assurés soumis à un taux majoré de la prime catnat du niveau de ce taux et de sa raison » Il souligne qu’ « une telle modulation aurait certainement un effet pédagogique qu’il ne faut pas négliger ».

La modulation des primes semble difficile à appliquer pour les particuliers, mais envisageable pour les entreprises. Au Royaume-Uni, les cotisations varient en fonction des risques naturels de la zone considérée. En Allemagne, les assureurs ont quantifié le risque d’inondation, ce qui permet une tarification basée sur un zonage du risque. M. Bernard Spitz a estimé qu’un tel dispositif semblait peu applicable en France pour les ménages, en raison de la faiblesse des primes d’assurances. En effet, la prime moyenne s’élevant à 200 euros par an, une augmentation de 50 à 100 % – qui serait inacceptable – n’aurait que peu de sens dans la mesure où le remboursement moyen par sinistre est de 200 000 euros.

En outre, la modulation des primes est limitée par la nécessité de préserver la solidarité nationale.

On pourrait en revanche fixer des montants « responsabilisants » pour les assurances souscrites par les entreprises. Lorsque les risques naturels ne menacent pas les vies humaines, il serait intéressant de comparer l’intérêt économique de l’utilisation d’une zone soumise à risque avec le coût total d’un éventuel sinistre : il faudrait que les acteurs qui bénéficient de l’avantage économique de l’utilisation de la zone soient ceux qui supportent le coût du sinistre, ce qui n’est pas le cas actuellement, en raison de la mutualisation qui caractérise le régime des catastrophes naturelles, ainsi que le souligne la mission interministérielle.

● En revanche, la mission n’a pas souhaité moduler la prime de réassurance acquittée par les assureurs en fonction de la répartition de la population assurée au regard du risque, mesure proposée notamment par le Commissariat général au développement durable.

Proposition n° 14

Moduler dans une plus grande proportion les primes des entreprises en fonction du risque et de sa prise en compte par celles-ci.

c) le regroupement des différents acteurs doit être mis en œuvre

Les acteurs intervenant en matière de risques naturels sont au nombre de trois, qui se complètent, mais interviennent séparément : l’État, les assureurs et la CCR, qui dispose d’un instrument perfectionné. Celle-ci a en effet une vision centrale établie à partir de modèles et de cartographies, alimentées par les données des assureurs qui lui signalent les sinistres en les localisant. Il serait plus judicieux que les compétences soient fédérées au sein d’un observatoire de la prévention, afin de renforcer le dialogue entre les structures disposant d’informations sur les risques naturels.

L’association intitulée « mission des sociétés d’assurance pour la connaissance et la prévention des risques naturels » notamment (MRN), créée par la FFSA et la GEMA en 2000 après une année particulièrement touchée par les risques naturels, produit des études pour la profession. Ses travaux portent sur l’analyse et la modélisation des risques, les retours d’expérience après des catastrophes et l’évaluation des dispositifs publics de prévention. Pour utile que soit son travail, une structure plus ambitieuse serait nécessaire.

Une base de données solide ne peut que contribuer à l’élaboration d’une politique de prévention.

Proposition n° 15

Fédérer au sein d’un observatoire de la prévention les outils d’évaluation du risque, notamment statistiques, de l’État, des compagnies d’assurance et de la caisse centrale de réassurance (CCR).

3. Prévoir des ressources supplémentaires pour le régime des catastrophes naturelles et pour le fonds Barnier

a) redéfinir le régime des catastrophes naturelles

Les catastrophes naturelles ne sont pas délimitées ; il n’existe ni de liste, ni de critères précis : le régime gagnerait à ce que les risques soient mieux déterminés, afin de ne pas être amené à couvrir des risques mal définis.

La mission interministérielle de retour d’expérience a suggéré que  la définition des risques couverts intervienne sur décision ou après avis d’un organe collégial doté d’une autorité scientifique incontestable. La mission fait sienne cette suggestion qui permettrait de mieux appréhender les véritables risques. Ainsi que l’indique la mission interministérielle, la notion d’aléa de référence pourrait être une aide dans l’appréhension de phénomènes « d’intensité anormale ».

Proposition n° 16

Définir les risques couverts par le régime « catastrophe naturelle » sur décision ou après avis d’un organe collégial doté d’une autorité scientifique incontestable.

b) consolider le fonds Barnier

En cas de dépassement du produit de la surtaxe, l’État peut faire une avance, ce qui ne s’est encore jamais produit.

Comme l’a indiqué M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, le fonds Barnier pourra être abondé en fonction de l’engagement effectif de ces différentes actions.

La mission interministérielle de retour d’expérience, d’évaluation et de proposition d’action à la suite de la tempête Xynthia propose plusieurs autres pistes.

La première serait d’augmenter la prime additionnelle de 12 % prélevée sur les contrats d’assurance dommages ; l’inconvénient en serait la croissance du coût des primes d’assurance.

Une autre piste serait celle d’un prélèvement exceptionnel sur les réserves de la CCR, dont la mission ne chiffre pas le montant et qu’elle propose « à condition que cela n’affecte pas gravement les réserves de la CCR ». La mission interministérielle a en effet constaté qu’à partir de 2005, la solidité financière de la CCR s’était fortement renforcée, en raison de l’augmentation limitée, mais régulière des primes acquises en catnat et d’une sinistralité revenue à un niveau plus modéré après la sécheresse de 2003, si bien que ses réserves (46) atteignent désormais un niveau de plus de 4 années de primes acquises brutes catnat.

Une dernière piste ne semble pas devoir être retenue, celle de la modulation des primes : en effet, cette modulation en fonction de l’exposition des biens aux risques ne serait qu’un signal – certes intéressant pour encourager la prévention – mais sans réelle portée financière, comme en convient la mission elle-même.

Toutefois, en plus de cette question fondamentale, des arbitrages devront porter sur divers points : le montant des travaux prioritaires de réfection sur les ouvrages de protection, le montant des dépenses (hors Xynthia) du fonds Barnier susceptibles d’être différées au cours des prochaines années, le mode d’alimentation à terme rapproché de la trésorerie du fonds.

Proposition n° 17

Prévoir un prélèvement exceptionnel sur les réserves de la CCR pour alimenter le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) (dit fonds Barnier).

c) faire participer les assureurs au financement du plan « digues »

Par ailleurs, la mission d’information estime qu’il serait judicieux que les assureurs participent aux travaux de protection collective qui permettraient de limiter les risques. Sur la surprime de 12 % alimentant le régime des catastrophes naturelles, 12 % sont versés au fonds Barnier, la CCR prélève la moitié des 88 % restants, l’autre moitié étant provisionnée au sein des compagnies d’assurance.

La mission souhaite plus de transparence sur la constitution et le montant de cette part conservée par les compagnies d’assurance. En outre, une piste serait de prélever sur les revenus de celle-ci une cotisation destinée à contribuer au financement du plan « digues ».

Ce financement supplémentaire n’interdirait pas, bien au contraire, de se livrer, comme le recommande la mission interministérielle à une « prévision raisonnée » du montant des travaux à réaliser, « sur la base d’un programme chiffré assorti d’objectifs précis ».

Proposition n° 18

Assurer la transparence de la gestion de la part conservée par les compagnies d’assurance au titre de la prime additionnelle « catastrophe naturelle » prélevée sur les contrats d’assurance.

Proposition n° 19

Prélever sur les revenus de la part de la surprime de 12 % restant provisionnée chez les assureurs une contribution destinée au financement du plan « digues ».

4. Accroître le nombre des PPR

Les travaux de la mission d’information ont conduit celle-ci à proposer des améliorations dans le domaine de l’élaboration des PPRN.

En premier lieu, l’État doit rester maître d’ouvrage de ces documents ; ce qui doit être amélioré, c’est l’articulation avec les élus locaux tout au long du travail. Dans l’ouvrage précité La gestion du risque inondation, M. Bruno Ledoux caractérise la situation actuelle : « L’intérêt général étant en cause, l’État ne peut pas se désintéresser des risques naturels et le législateur a jugé utile de le confier l’élaboration des plans d’exposition aux risques (PER) par la loi de 1982 en contrepartie des moyens propres à assurer la garantie des particuliers face aux risques naturels. Mais pour certains observateurs, l’échec principal des PER tient justement au fait que la prévention par la réglementation du droit des sols est le plus souvent porté par l’État seul sans réelle coopération des élus, au premier rang desquels se situent les maires ».

Dans le cadre de l’adaptation de la directive européenne précitée de 2007, le Parlement a revisité la procédure en modifiant le code de l’environnement notamment.

Le schéma retenu assigne à l’État la tâche d’établir la cartographie des bassins concernés puis une concertation avec les autorités locales afin d’harmoniser les documents.

Il est ainsi prévu que l’autorité administrative réalise une évaluation préliminaire des risques d’inondation pour chaque bassin ou groupement de bassins avant le 22 décembre 2011 selon les règles d’évaluation fixées au plan national. Une évaluation préliminaire des risques d’inondation est effectuée nationalement à partir des évaluations produites par chaque bassin ou groupement de bassins avec consultation du conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs désignant en particulier des événements d’un impact national voire européen.

Ensuite, sur la base de l’évaluation préliminaire des risques d’inondation nationale et de la stratégie nationale, l’autorité administrative, associant le conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs, identifie des territoires dans lesquels il existe un risque d’inondation important ayant des conséquences de portée nationale.

À l’échelon du bassin ou groupement de bassins, sur la base de l’évaluation préliminaire des risques d’inondation et de la stratégie nationale, l’autorité administrative, associant les parties prenantes au premier rang desquelles les collectivités territoriales et leurs groupements chargés de l’aménagement du territoire, décline les critères nationaux pour sélectionner les territoires dans lesquels il existe un risque d’inondation important.

Enfin, il est encore prévu que lorsqu’un plan de gestion des risques d’inondation est approuvé, les schémas de cohérence territoriale doivent être compatibles avec les objectifs de gestion des risques d’inondation et les orientations fondamentales définis par ce plan. Les schémas de cohérence territoriale doivent également être compatibles avec les dispositions des plans de gestion des risques d’inondation. Lorsqu’un plan de gestion des risques d’inondation est approuvé après l’approbation d’un plan local d’urbanisme, ce dernier doit, si nécessaire, être rendu compatible dans un délai de trois ans avec les éléments mentionnés dans ledit plan de gestion des risques d’inondation.

Cette mise en compatibilité implique plus avant les élus locaux. Cette modification est d’autant plus prometteuse que la stratégie est définie sur le plan national à partir d’évaluations fournies par les bassins concernés, avec consultation du conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs pour, en dernier lieu évaluer les risques d’inondation en concertation avec les collectivités territoriales.

Proposition n° 20

Garantir la cohérence et la transparence des procédures d’élaboration des PPRI. L’État apporte son concours aux petites communes dans l’élaboration de ces plans.

Proposition n° 21

Modifier la procédure d’élaboration des PPRI pour leur permettre d’être conclus dans le délai de 3 ans fixé par la loi.

Proposition n° 22

Prévoir un débat en séance publique à la rentrée parlementaire, dans le cadre des séances prévues à l’article 48, alinéa 4, de la Constitution, sur la mise en œuvre de ces propositions et sur un bilan de la procédure des zones de solidarité.

EXAMEN DU RAPPORT

Au cours de sa réunion du 30 juin 2010, la mission a examiné et adopté le présent rapport, qui sera imprimé et distribué, conformément aux dispositions de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1

a) Surseoir à la mise en œuvre des procédures de déclaration d’utilité publique (DUP) dans l’attente du résultat des études menées dans le cadre de la procédure du PPR.

b) Recourir à des experts indépendants (français et étrangers), professionnellement reconnus pour leur compétence dans la gestion et la protection des zones littorales et à des tiers arbitres qui ont également à charge de préciser les prescriptions constructives et d’aménagement applicables.

c) En zones de solidarité, les terrains constructibles, non encore construits, ou en cours d’équipement, sont indemnisés au prix du marché, avant la tempête.

Proposition n° 2

Faire reposer la gestion des digues sur des formules « mixtes », chaque ouvrage devant avoir un opérateur de gestion déclaré et agréé.

Proposition n° 3

Créer une agence indépendante de l’administration centrale, dépositaire de la doctrine de gestion des digues sans assumer directement les interventions de construction et de surveillance. Elle sera également chargée de la détermination des normes et de la délivrance d’agréments aux opérateurs publics et privés.

Proposition n° 4

Généraliser le plus rapidement possible l’utilisation des nouvelles technologies afin que les préfectures puissent donner l’alerte aux mairies à tout instant avec la plus grande efficacité.

Proposition n° 5

Achever le développement du réseau « adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours » (ANTARES) avec la plus grande célérité.

Proposition n° 6

Imposer l’établissement d’un plan communal de sauvegarde (PCS) dès l’existence du porter à connaissance. Soutenir financièrement la mise en place d’un système d’alerte des populations adapté aux risques.

Proposition n° 7

Prévoir la possibilité que les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre puissent lui confier l’élaboration et la gestion de leurs plans communaux de sauvegarde.

Proposition n° 8

Tout propriétaire doit porter à la connaissance de son locataire les consignes du dossier d’information communal sur les risques majeurs (DICRIM).

Proposition n° 9

Accélérer la mise en œuvre du système national d’alerte et d’information aux populations (SAIP).

Proposition n° 10

Prévoir pour chaque commune soumise à des risques d’inondation des lieux de regroupement situés dans des zones sûres.

Proposition n° 11

Établir une cartographie complète de type Litto 3 D du littoral français dans un délai conforme aux dispositions de la directive européenne « inondation » du 23 octobre 2007.

Proposition n° 12

Assurer une meilleure coordination entre les différents acteurs chargés de la prévision des crues et de la submersion, voire les réorganiser sur la base des orientations données par une structure opérationnelle qui contrôlera l’exécution d’un plan d’actions programmées.

Proposition n° 13

Appliquer effectivement l’article L. 125-6 du code des assurances qui prévoit que le Bureau central de tarification peut augmenter les franchises des assurés qui ne respecteraient pas les dispositions du PPR ou exclure un bien de leur contrat.

Proposition n° 14

Moduler dans une plus grande proportion les primes des entreprises en fonction du risque et de sa prise en compte par celles-ci.

Proposition n° 15

Fédérer au sein d’un observatoire de la prévention les outils d’évaluation du risque, notamment statistiques, de l’État, des compagnies d’assurance et de la caisse centrale de réassurance (CCR).

Proposition n° 16

Définir les risques couverts par le régime « catastrophe naturelle » sur décision ou après avis d’un organe collégial doté d’une autorité scientifique incontestable.

Proposition n° 17

Prévoir un prélèvement exceptionnel sur les réserves de la CCR pour alimenter le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) (dit fonds Barnier).

Proposition n° 18

Assurer la transparence de la gestion de la part conservée par les compagnies d’assurance au titre de la prime additionnelle « catastrophe naturelle » prélevée sur les contrats d’assurance.

Proposition n° 19

Prélever sur les revenus de la part de la surprime de 12 % restant provisionnée chez les assureurs une contribution destinée au financement du plan « digues ».

Proposition n° 20

Garantir la cohérence et la transparence des procédures d’élaboration des PPRI. L’État apporte son concours aux petites communes dans l’élaboration de ces plans.

Proposition n° 21

Modifier la procédure d’élaboration des PPRI pour leur permettre d’être conclus dans le délai de 3 ans fixé par la loi.

Proposition n° 22

Prévoir un débat en séance publique à la rentrée parlementaire, dans le cadre des séances prévues à l’article 48, alinéa 4, de la Constitution, sur la mise en œuvre de ces propositions et sur un bilan de la procédure des zones de solidarité.

ANNEXES

– DOCUMENTS

– DOSSIER CARTOGRAPHIQUE : CHARENTE-MARITIME ; VENDÉE

– LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET DES PERSONNES RENCONTRÉES LORS DES DÉPLACEMENTS

– COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

– LISTE DES MISSIONS ET RAPPORTS MENTIONNÉS DANS LE PRÉSENT RAPPORT

– SIGLES

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () L’idée de donner un nom aux ouragans, cyclones, tornades et tempêtes majeures est ancienne. Aux Antilles, cela fait des siècles que l’on donne des noms à ces événements climatiques. À la fin du XIXème siècle, un météorologiste australien eut l’idée de leur attribuer des noms féminins. Puis, l’Air Force, la NAVY et le National Hurricane Center américain adoptèrent, à leur tour, cette idée. En Europe, l’Université libre de Berlin s’est emparée de la question en 1954 en donnant aux cyclones (« low pressure system ») des noms féminins et aux anticyclones (« high pressure system ») des noms masculins. À compter des années soixante-dix, des voix ont fustigé le machisme visant à réserver au genre féminin les catastrophes climatiques. Le système a évolué vers un équilibre acceptable. Ainsi, en Europe, l’Université libre de Berlin qui nomme à la fois les cyclones (et autres tempêtes) et les anticyclones a opté, en années paires, pour des dénominations féminines aux cyclones, avec des dénominations masculines aux anticyclones et, à l’inverse, pour les années impaires.

3 () Selon une dépêche AFP du 25 juin 2010, ce bilan serait à rectifier : « Quatre mois après la tempête Xynthia qui a ravagé l’ouest de la France le 28 février dernier, il apparaît que le bilan humain s’élève à 47 morts et non 53 – le chiffre retenu officiellement –, selon un décompte détaillé effectué par l’AFP auprès des préfectures concernées. Jusqu’à présent, ni la sécurité civile ni le ministère de l’Intérieur n’ont publié de chiffres détaillés département par département, faisant seulement état d’un « bilan définitif de 53 morts, dont 29 en Vendée et 12 en Charente-Maritime ». Cependant, une vérification auprès des préfectures concernées, avec une liste obtenue par l’AFP auprès du ministère de l’Intérieur, ne permet de dénombrer que 47 décès officiellement liés à la tempête : 29 en Vendée, 12 en Charente-Maritime, un en Haute-Garonne, deux en Loire-Atlantique, deux en Pyrénées-Atlantiques et un dans l’Yonne. Lors de cette vérification, la préfecture de Loire-Atlantique a indiqué ne pas tenir compte dans son bilan de deux pêcheurs à pied emportés par une vague sur une plage la veille de la tempête. La préfecture du Cher ne tient pas non plus compte du décès d’un homme mort d’un malaise cardiaque en vérifiant son toit. Manquent donc six noms. Interrogés par l’AFP via son service de presse, le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité commenter ce différentiel de bilan. »

4 () Note de synthèse « METEO-France et SHOM » du 8 mars 2010 (page 3).

5 () Les éléments d’information de ce chapitre trouvent leur source dans les documents fournis par Météo France, le BRGM et le SHOM.

6 () L’Anse de L’Aiguillon, Actes Sud éditeur, (février 2008).

7 () Note de synthèse Météo-France /SHOM du 8 mars 2010.

8 () Composée de membres de l’inspection générale des finances, de l’inspection générale de l’administration, du conseil général de l’environnement et du développement durable.

9 () Le projet Litto3D a pour objectif la création d’une cartographie liant de façon continue et cohérente les parties immergées et émergées qui composent le littoral. L’IGN et le SHOM doivent travailler en association sur ce projet afin de produire le référentiel géographique du littoral (RGL).

10 () Tempête Xynthia, retour d’expérience, évaluation et propositions d’action, juin 2010.

11 () La gestion du risque inondation, par Bruno Ledoux, éditions Lavoisier, janvier 2006.

12 () Lettre de mission du 16 mars 2010 du directeur général de la prévention des risques à M. Joël L’her (CETMEF) et lettre circulaire D100005892 du directeur de cabinet du ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer du 18 mars 2010 (documents reproduits en annexe).

13 () Lettre-circulaire adressée aux préfets de Vendée et de Charente-Maritime avec copie aux préfets des Régions Pays de la Loire et Poitou-Charente et aux préfets des bassins « Loire-Bretagne » et « Adour-Garonne » (Cf. annexe).

14 () On regrettera la charge sévère, sans doute trop sévère, du préfet dans cet article à l’égard des élus car elle pouvait donner à penser qu’elle se voulait indistincte dans ses visées.

15 () Communiqué de presse du préfet de Charente-Maritime du 15 juin 2010.

16 () Le principe de la division est encore utilisé pour inciter les propriétaires à opter pour la procédure de cession amiable à l’État. Il s’agit d’instiller l’idée selon laquelle ceux qui refusent s’exposent à une perte de valeur de leur bien, devenu probablement invendable, car automatiquement expropriable à terme certain.

17 () Audition du 28 avril 2010.

18 () Rapport de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes des catastrophes naturelles d'octobre 2005.

19 () Cette formule, dénommée « quote-part », permet un véritable partage de sort entre l’assureur et le réassureur ; la partie cédée au réassureur par l’assureur s’appelle  «  cession », alors que la partie de la prime conservée par l’assureur est appelée « conservation » ou « rétention ». Il existe une seconde formule, appelée garantie en excédent de perte annuelle qui porte sur la « conservation » : il s’agit d’une formule dite « non proportionnelle » car le réassureur intervient seulement quand la sinistralité totale annuelle dépasse une franchise fixée contractuellement et exprimée généralement en pourcentage des primes conservées. Ce type de réassurance permet à l’assureur de se prémunir contre le risque de fréquence, c’est-à-dire la survenance d’une multiplicité de sinistres. (CCR : les catastrophes naturelles en France ; mai 2010).

20 () « la garantie de l’État est automatiquement mise en jeu dès lors que le montant des indemnités pour sinistres restant à la charge de la CCR, après déduction des indemnités effectivement prises en charge par les réassureurs et les rétrocessionnaires, versées ou à verser par la CCR au titre de l’une des quatre catégories visées par la convention, dépasse 90 % de la réserve spéciale et des provisions techniques nettes (non compris les provisions pour risques en cours et sinistres à payer) affectées à cette même catégorie de risques à la clôture de l’exercice précédent ».

21 () Rapport de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes des catastrophes naturelles (inspection générale des finances, conseil général des ponts et chaussées ; inspection générale de l'environnement, inspection générale de l'administration ; octobre 2005).

22 () Lettre du 28 juin 2010 au Président de la mission.

23 () Regroupant le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), l’ Inspection générale des finances (IGF), l’ Inspection générale de l’administration (IGA) et l’ Inspection de la défense et de la sécurité civiles (IDSC).

24 () Réponse au questionnaire budgétaire ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer pour le projet de loi de finances pour 2010, à la commission du développement durable de l’Assemblée nationale.

25 () Article 136 de la loi de finances pour 2006.

26 () Site Internet de la Caisse centrale de réassurance.

27 () L’ingénieur hollandais Bradley « maître des digues » est venu édifier les premiers ouvrages en marais poitevin en 1599, à la demande d’Henri IV.

28 () « Inondations : une politique de prévention qui n’a pas fixé les risques "supportables" ». Journal Le Monde du 10 mars 2010.

29 () Le préfet peut susciter la création d’une ASA. En cas d’échec et sur la base d’obligations légales justifiant ses missions, il peut créer d’office une ASCO.

30 () Rapport sur l’amélioration de la sécurité des barrages et des ouvrages hydrauliques (n° 1045/454) – Juillet 2008.

31 () Appels individuels, groupes de communication, conférences et liaisons tactiques, terminaux standardisés, localisation, appel, d’urgence, transmission de donnée, accès aux bases de données, définition d’itinéraire, interfaces standardisées pour l’intégration aux centres opérationnels.

32 () Communes où il existe un plan particulier d’intervention, un plan de prévention des risques naturels prévisibles, un plan de prévention des risques miniers, situées dans des zones de sismicité, particulièrement exposées à un risque d’éruption volcanique et figurant sur une liste établie par décret.

33 () Circulaire du ministère en charge de l’environnement du 20 juin 2005.

34 () Cette idée a été reprise dans la proposition adoptée par le Parlement des enfants le 5 juin 2010.

35 () « Risques et savoirs », 20 août 2009 : « Éduquer le citoyen et lui apprendre à se protéger ».

36 () Convention-cadre « Météo France – MEEDDM » (DGPR-DGALN) pour la période 2009 – 2012.

37 () Les articles H.4 et H.6 visent les programmes du travail dit « collaboratif » et les dispositions financières conjointes entre Météo-France et le ministère, sans toutefois que les tableaux de financement programmés pour les années d’exécution de la convention ne visent expressément la submersion marine.

38 () Décret n° 2007-800 du 11 mai 2007.

39 () Travaux de MM. Franck Levoy et Olivier Monfort publiés par la revue « La Houille Blanche » n° 1/mars 2009.

40 () Directive dont les dispositions ont été récemment transposées par la loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 ».

41 () Commissariat général au développement durable : le point sur : « croissance du nombre de logements en zones inondables » (février 2009).

42 () Rapport de la mission d’enquête sur le régime d’indemnisation des victimes des catastrophes naturelles (inspection générale des finances, conseil général des ponts et chaussées ; inspection générale de l’environnement, inspection générale de l’administration ; octobre 2005).

43 () Commissariat général au développement durable : « le point sur » : « le rôle de l’assurance dans la prévention des catastrophes naturelles » ; n°9, mars 2009.

44 () Rapport de l’Inspection générale des finances, conseil général des ponts et chaussées, inspection générale de l’environnement, inspection générale de l’administration ; octobre 2005.

45 () Intervention de M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur (séance du 4 février 2003).

46 () Total de la provision d’égalisation et de la réserve spéciale.


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