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N° 162

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 septembre 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (N° 114),

PAR M. Philippe GOUJON,

Député.

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Voir les numéros :

Sénat : 371, 414 et T.A. 116 (2006-2007).

INTRODUCTION 7

I.  DE MULTIPLES ATTENTES JUSTIFIENT L’INSTAURATION D’UN CONTRÔLE EXTÉRIEUR DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 10

A. LA RÉFLEXION EN FRANCE SUR L’INSTAURATION D’UN CONTRÔLE EXTÉRIEUR EST ANCIENNE… 10

1. Une réflexion qui s’est d’abord essentiellement concentrée sur l’instauration d’un contrôle extérieur des prisons 10

a) 1999-2000 : la « Commission Canivet » 10

b) 2000 : les conclusions des commissions d’enquête parlementaires 12

c) 2006 : les États généraux de la condition pénitentiaire et les généralisation progressive des permanences des délégués du Médiateur de la République dans les prisons 13

2. Le contrôle extérieur est unanimement attendu 14

B. … ET RENCONTRE UN CONTEXTE INTERNATIONAL ET EUROPÉEN FAVORABLE À L’INSTAURATION D’UN TEL CONTRÔLE 15

1. Un principe contenu dans le protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants 15

2. Un principe contenu dans les Règles pénitentiaires européennes et dans les recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture 16

a) Les recommandations du Conseil de l’Europe sur les Règles pénitentiaires européennes 16

b) Les recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture 16

II. LE PROJET DE LOI RÉPOND AUX INSUFFISANCES DU CONTRÔLE ACTUEL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 17

A. UN CONTRÔLE DES LIEUX PRIVATIFS DE LIBERTÉ DISPERSÉ ET GLOBALEMENT INSUFFISANT 17

1. Quels sont les lieux de privation de liberté contrôlés ? 17

2. Qui exerce le contrôle ? 18

a) Les parlementaires 18

b) Les autorités judiciaires 18

c) Les autorités de contrôle spécialisées 19

d) La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) 24

e) Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitement inhumains ou dégradants 24

f) Divers observateurs extérieurs ou associations exercent également un contrôle plus diffus 25

B. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI 25

1. Les conditions de nomination et les garanties d’indépendance du Contrôleur général et des contrôleurs 26

a) Le Contrôleur général 26

b) Les contrôleurs 27

2. L’étendue et les modalités du contrôle 27

a) L’information et la saisine du Contrôleur général 27

b) L’étendue du contrôle 28

c) Les modalités du contrôle : les visites sur place 29

d) Les suites données au contrôle 29

3. Les moyens alloués au Contrôleur général 30

C. LA NÉCESSAIRE ARCHITECTURE D’ENSEMBLE DU CONTRÔLE DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 31

1. La nécessaire mise en cohérence des contrôles 31

a) Définir précisément le rôle de chaque organe détenant une parcelle de contrôle 32

b) Instaurer des procédures permettant le dialogue des instances chargées du contrôle 33

2. Vers une architecture globale du contrôle 34

a) Un contrôle-évaluation 34

b) Un contrôle-médiation 34

c) Un contrôle-sanction 34

DISCUSSION GÉNÉRALE 37

EXAMEN DES ARTICLES 43

Article 1er : Statut et champ de compétence du Contrôleur général 43

Article 2 : Conditions de nomination et garanties d’indépendance du Contrôleur général 46

Article 2 bis : Régime d’inéligibilité du Contrôleur général 50

Article 3 : Recrutement de contrôleurs 50

Article 4 : Secret professionnel 52

Article 5 : Modalités d’information et de saisine du Contrôleur général 53

Article 5 bis : Saisine de la CNDS et du Médiateur de la République par le Contrôleur général 55

Article 6 : Pouvoirs d’investigation du Contrôleur général et des contrôleurs 56

Article 7 : Suites données aux visites 65

Article 8 : Avis et recommandations 67

Article 9 : Rapport annuel public 69

Article 9 bis : Coopération avec les organismes internationaux compétents 69

Article 10 : Moyens de fonctionnement 70

Article 11 : Décret en Conseil d’État 71

Article additionnel après l’article 11 [art. L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile] : Coordination 71

Article 12 : Application des dispositions du projet de loi dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie 72

TABLEAU COMPARATIF 73

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 83

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 87

ANNEXE N° 1 : LES CONTRÔLES ACTUELS DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 93

ANNEXE N° 2 : RENCONTRE AVEC L’INSPECTEUR EN CHEF DES PRISONS D’ANGLETERRE ET DU PAYS DE GALLES 97

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 101

MESDAMES, MESSIEURS,

« On ne peut réinsérer une personne privée de liberté qu’en la traitant comme un citoyen. Le contrôle extérieur des prisons s’impose donc, pour s’assurer que sont respectés les droits des détenus et donnés à l’Administration pénitentiaire les moyens d’une telle politique ». Dès les toutes premières lignes du rapport de la commission présidée en 2000 par M. Guy Canivet (1) sont présentés les enjeux du contrôle extérieur des prisons, enjeux qui peuvent être étendus plus largement à l’ensemble des lieux où des personnes sont privées de leur liberté.

L’Assemblée nationale est aujourd’hui saisie d’un texte important, répondant à une attente forte très largement partagée, qui crée une nouvelle autorité indépendante chargée d’exercer un contrôle extérieur, indépendant et effectif de l’ensemble des lieux de privation de liberté, quels que soient les types de structures concernés : établissements pénitentiaires, locaux de garde à vue, dépôts des palais de justice, centres hospitaliers spécialisés ou centres de rétention administrative… Ce contrôle est confié à une autorité unique qui aura une vue d’ensemble des lieux de privation de liberté dans notre pays.

Le contrôle exercé par le Contrôleur général portera tant sur le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté que sur les conditions de leur prise en charge. Il s’assurera ainsi du respect de la dignité de la personne, à laquelle la privation de la liberté d’aller et venir ne doit pas porter atteinte.

Faire ainsi entrer un regard extérieur dans un lieu clos présente un double intérêt :

—  Il s’agit tout d’abord de prévenir d’éventuels abus qu’un milieu fermé pourrait favoriser : les lieux de privation de liberté sont par nature des lieux de violence : il s’y exerce une coercition légitime, institutionnelle, qui doit respecter certaines règles, dont il s’agit de vérifier qu’elles le sont effectivement. Mais il existe aussi une autre violence, non légitime celle-là, une violence entre les personnes privées de liberté. De nombreuses enquêtes ont ainsi montré qu’en prison la violence des co-détenus est particulièrement redoutée.

Lors de son audition par votre rapporteur, le docteur Roland Coutanceau, médecin psychiatre, Président de la Ligue Française pour la santé mentale, a souligné la spécificité fondamentale des lieux de privation de liberté : la contrainte qui y est exercée est source de tensions et de difficultés particulières pour les personnels. Il a pu constater la violence « explosive » d’une minorité de détenus qu’il est difficile de canaliser.

—  Il s’agit aussi de lever la suspicion sur les conditions de traitement des personnes enfermées : l’instauration de ce contrôle est d’ailleurs demandée tant par les administrations que par les personnels chargés de la surveillance. L’Administration pénitentiaire estime qu’il devrait être à même de mettre en lumière les progrès réalisés ces dernières années en matière de conditions de détention, progrès que votre rapporteur, qui a été rapporteur pour avis du budget de cette administration au nom de la commission des Lois du Sénat, tient à saluer.

Le projet de loi permet en outre à la France de respecter les stipulations du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé par la France le 16 septembre 2005(2) et qu’elle s’est engagée à ratifier avant septembre 2008. Ce protocole prévoit en effet la mise en place d’un « mécanisme national de prévention » indépendant, qui doit intervenir dans un délai maximum d’un an après la ratification du protocole.

Notre pays s’apprête donc à mettre en place ce mécanisme national avant même que les accords internationaux ne l’y obligent. La France fait même figure de « bon élève » en Europe, puisqu’à ce jour seuls cinq États européens se sont dotés d’un tel mécanisme. À ce titre, la loi qui fondera l’existence du Contrôleur général servira de modèle aux États qui auront, comme nous, choisi de créer une nouvelle autorité plutôt que de confier cette mission à une instance existante. M. Markus Jaeger, adjoint au directeur du Bureau du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a souligné devant votre rapporteur l’importance à cet égard des dispositions de la loi que nous nous apprêtons à voter.

L’inscription de ce texte à l’ordre du jour des deux sessions extraordinaires du Parlement tenues en juillet et en septembre, qui aura permis un examen tant par le Sénat que par l’Assemblée nationale dès les tout premiers jours de la législature, souligne la volonté politique forte du Gouvernement de mettre en œuvre rapidement le contrôle extérieur des lieux de privation de liberté, volonté que votre rapporteur tient à saluer.

En présentant ce texte, Madame le Garde des Sceaux respecte un des engagements contenus dans son discours prononcé à Bobigny, le vendredi 22 juin dernier, qui présentait les axes fondateurs de son action : « Une justice humaine, c'est une justice qui respecte totalement ceux qui sont condamnés. C'est pourquoi j'ai souhaité que soit créé très rapidement un contrôleur indépendant des lieux privatifs de liberté », avait-elle alors annoncé.

Le projet de loi a été adopté par le Sénat en première lecture le 31 juillet dernier, sans qu’aucune voix ne se prononce contre le texte. Votre rapporteur tient à rendre hommage à l’excellent travail réalisé par la Haute Assemblée. Le texte a été notablement amélioré, précisé et enrichi : pas moins de 26 amendements parlementaires ont été adoptés, certains émanant de l’opposition. Les garanties accompagnant le statut du Contrôleur général ont été accrues, notamment sur le fondement des recommandations du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation sur les autorités administratives indépendantes, présenté en 2006 par M. Patrice Gélard.

Votre rapporteur souhaite aussi saluer le travail réalisé par le Médiateur de la République et ses services, qui ont procédé à de nombreuses consultations sur la question des lieux de privation de liberté et réalisé un important travail de synthèse.

*

* *

I. DE MULTIPLES ATTENTES JUSTIFIENT L’INSTAURATION D’UN CONTRÔLE EXTÉRIEUR DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

A. LA RÉFLEXION EN FRANCE SUR L’INSTAURATION D’UN CONTRÔLE EXTÉRIEUR EST ANCIENNE…

1. Une réflexion qui s’est d’abord essentiellement concentrée sur l’instauration d’un contrôle extérieur des prisons

Depuis 1999, la réflexion a été lancée sur le contrôle extérieur des prisons. Si elle n’avait jusqu’ici pu aboutir à l’instauration effective d’un tel contrôle, elle a permis de préciser les attentes de chacun en la matière.

a) 1999-2000 : la « Commission Canivet »

En juillet 1999, Madame Elisabeth Guigou, alors Garde des Sceaux, a donné mission à un groupe de travail dirigé par M. Guy Canivet, Premier président de la Cour de Cassation, « d’étudier les manières d’améliorer le contrôle extérieur des prisons ». La commission sur l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires a rendu son rapport le 6 mars 2000(3).

Cette commission a au préalable estimé nécessaire d’élaborer un droit cohérent de la prison, qu’elle a jugé « encore inachevé ». Elle a notamment plaidé pour la définition d’un réel statut du détenu. La future loi pénitentiaire répondra à n’en pas douter à cette attente.

Elle a également préconisé la création d’un contrôle général des prisons, qui aurait pour compétence le contrôle des conditions générales de détention, de l’état des prisons, de l’application du statut des détenus, des rapports entre l’administration et les détenus, des pratiques professionnelles et de la déontologie des personnels pénitentiaires, de leur formation, de l’organisation et des conditions de leur travail, ainsi que de l’exécution des politiques pénitentiaires.

Elle estimait que ce contrôle extérieur devait être réparti entre trois types d’organes chargés chacun d’une fonction constitutive du contrôle.

On trouvera ci-après un extrait de ce rapport.

Rapport de la Commission présidée par M. Guy Canivet,

(Extrait)

« Les fonctions de contrôle

Tel qu’il est communément entendu, notamment par les recommandations internationales, le contrôle comprend trois fonctions que l’on peut sommairement définir comme la « vérification », la « médiation » et l’« observation » des prisons.

La fonction de « vérification » correspond à ce que l’on désigne ordinairement par le « contrôle » ; elle tend à s’assurer du respect du droit dans la prison et de la réalisation, par l’Administration, des objectifs de ses politiques nationale et locale.

La fonction de « médiation » vise à apporter une solution aux différends de toute nature entre le détenu et l’Administration, et à préciser les points de réglementation présentant des difficultés d’interprétation.

La fonction d’« observation » tend à introduire dans l’établissement pénitentiaire un « regard extérieur » qui permette un contrôle quotidien identique à celui que pratique le citoyen dans la société libre, afin d’instaurer la transparence nécessaire au bon fonctionnement de l’institution.

Chacune de ces trois fonctions fait partie intégrante du contrôle extérieur des prisons. Par son objet même, celui-ci constitue une protection pour tous ceux qui y sont quotidiennement, détenus et membres du personnel. Aux premiers, il apporte la concrétisation de leurs droits. Aux seconds, il donne la garantie d’une pratique professionnelle dégagée des tensions et l’assurance d’une référence incontestable.

Aucun contrôle véritable ne peut se concevoir sans que ces trois fonctions soient exercées. Toutefois, l’efficacité commande de les répartir entre des organes distincts, parce que chacune implique une spécialisation et exige, par rapport à l’établissement concerné, l’éloignement ou, au contraire, la proximité, impossibles à concilier dans un même organe. En effet, la « vérification » rend impératif l’éloignement par rapport à l’établissement contrôlé, tandis que la « médiation » ou l’« observation » nécessitent plutôt la proximité par rapport à celui-ci. Dès lors, il est indispensable à l’efficacité d’un contrôle indépendant et objectif de conjuguer ses qualités par une répartition des fonctions entre des organes distincts. »

Le champ du contrôle

« À raison de sa finalité, le contrôle doit recouvrir l’ensemble de la société carcérale que constitue l’établissement contrôlé, c’est-à-dire toutes les personnes qui y vivent et y travaillent, tous les services qui s’y trouvent et activités qui s’y déroulent.

Le champ du contrôle doit donc comprendre les conditions générales de détention, les rapports entre l’Administration et les détenus, les relations entre co-détenus, la mise en œuvre du statut de ceux-ci, mais aussi l’état des bâtiments et des cellules, les activités proposées. La compétence de chacune des institutions spécialisées devra être aménagée en considération de ce large domaine d’application.

En outre, il doit veiller particulièrement à la conformité des bâtiments aux normes d’hygiène et de sécurité, afin de stimuler les politiques pénitentiaires sur ce point, et d’aboutir à des programmes de remise aux normes et d’équipement des prisons ».

b) 2000 : les conclusions des commissions d’enquête parlementaires

Le 28 juin 2000, le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la situation des prisons(4), présidée par M. Louis Mermaz et dont M. Jacques Floch était rapporteur préconisait l’instauration d’un contrôle externe permanent, confié à une instance unique aux pouvoirs étendus qui serait chargée de contrôler l’ensemble des lieux d’enfermement.

Le 29 juin 2000, le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, présidée par M. Jean-Jacques Hyest et dont M. Guy-Pierre Cabanel était rapporteur(5), proposait quant à lui l’instauration d’un contrôle externe des prisons, doté de larges prérogatives et pouvant notamment effectuer des visites très complètes des établissements pénitentiaires.

À la suite de ce dernier rapport, le Sénat a adopté le 26 avril 2001 une proposition de loi déposée par MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel (6) relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons. Cette proposition de loi, qui n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et n’a donc jamais abouti, instituait un contrôleur général des prisons. Ce contrôleur, nommé pour une durée de 6 ans, non renouvelable, était assisté de contrôleurs des prisons qui auraient pu visiter à tout moment les établissements pénitentiaires. Il était prévu que toutes les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission lui soient communiquées. Le texte prévoyait enfin que le contrôleur puisse proposer au Gouvernement toute modification législative ou réglementaire dans les domaines de sa compétence.

Plusieurs textes ont par la suite été déposés qui instituaient, sous des formes variables, un contrôle extérieur des prisons : citons, outre l’avant–projet de loi sur la peine et le service public pénitentiaire de juillet 2001, les propositions de loi de M. Michel Hunault (février 2002) et de Mme Marylise Lebranchu (juin 2003 et juillet 2004).

c) 2006 : les États généraux de la condition pénitentiaire et la généralisation progressive des permanences des délégués du Médiateur de la République dans les prisons

L’année 2006 est marquée par la parution de plusieurs rapports sur les conditions de détention en France, notamment celui du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. (7)

Les États généraux de la condition pénitentiaire, organisés par l’Observatoire international des prisons, se sont clôturés le 14 novembre 2006 par une déclaration qui apporte plusieurs propositions pour réformer la prison, dont celle de la mise en place immédiate sur le territoire national d’un contrôle indépendant des établissements pénitentiaires.

Le 16 mars 2005, M. Dominique Perben, Garde des Sceaux, signait avec le Médiateur de la République une convention d’expérimentation prévoyant la mise en place de permanences de délégués du Médiateur directement accessibles dans 10 établissements pénitentiaires : l’expérimentation concernait alors 7 500 détenus.

Le 20 octobre 2006(8), M. Pascal Clément, Garde des Sceaux, annonçait la généralisation de la présence des délégués du Médiateur de la République dans les prisons. Il est ainsi prévu que 25 nouvelles permanences soient créées d’ici la fin de l’année 2007. L’ensemble des établissements pénitentiaires français devrait bénéficier de ce dispositif d’ici l’année 2010.

Le Garde des Sceaux avait alors également annoncé qu’un projet de loi serait déposé qui confierait au Médiateur de la République le contrôle extérieur des prisons, tout en précisant que cette mission de contrôle serait distincte de l’activité de médiation et supposerait la mise en place d’un corps spécifique de contrôleurs chargés de l’assister dans cette mission.

Le projet de loi annoncé n’a cependant pu être présenté avant les dernières échéances électorales, mais l’actuel Gouvernement a repris l’initiative dès le tout début de la législature et a choisi de confier à une autorité indépendante distincte cette mission de contrôle, tirant la conséquence de la nécessité de bien séparer les missions de contrôle et celles d’intermédiation dans les relations entre le détenu et l’administration.

2. Le contrôle extérieur est unanimement attendu

La nécessité d’instaurer un contrôle extérieur des lieux de privation de liberté a fait l’unanimité des personnes entendues par votre rapporteur, même si certains auraient préféré voir confier ce contrôle au Médiateur de la République.

Il apparaît de fait clairement que l’instauration d’un contrôle extérieur servira les intérêts non seulement des personnes privées de liberté que ceux des administrations en charge des lieux privatifs de liberté ou ceux des personnels de surveillance. On peut même estimer que la société dans son ensemble en sera bénéficiaire.

—  Les personnes privées de liberté ainsi que tous ceux qui sont chargés de leur protection (avocats, associations, ONG…) ne peuvent qu’être favorables à l’entrée d’un nouveau regard extérieur dans ces lieux clos, regard dont on peut attendre une amélioration des conditions matérielles de la privation de liberté.

—  Les administrations en charge des lieux de privation de liberté attendent de ce contrôle qu’il provoque un débat public sur les moyens budgétaires et humains dont elles disposent pour mener à bien leur mission difficile, mais aussi une prise de conscience plus large des progrès réalisés, notamment par l’Administration pénitentiaire, en matière de rénovation et de construction d’établissements.

—  Les personnels chargés de la surveillance attendent également la mise en œuvre de ce contrôle extérieur qui permettra de faire connaître les difficultés de leur mission et de lever la suspicion qui entoure inévitablement les lieux clos. Votre rapporteur tient à rendre hommage au professionnalisme et au dévouement de ces personnels qui exercent, au nom de la société, une mission difficile, dans des conditions de tension parfois extrême.

—  La société dans son ensemble a intérêt à l’instauration de ce contrôle. Les sociétés modernes ont tendance à rejeter l’institution pénitentiaire. Ainsi, « les agents ont pu, comme les détenus, avoir le sentiment d’être les oubliés de la Nation » écrit M. Guy Canivet dans son rapport. Dans ce cadre, le contrôle extérieur aura aussi pour fonction de combler le fossé qui sépare l’opinion publique des prisons et de montrer que ces lieux, de même que l’ensemble des lieux de privation de liberté, font partie de la société. Citons encore le rapport de M. Guy Canivet : « De l’introduction d’un regard extérieur dans les prisons peut s’ensuivre un débat permanent sur la qualité du service en fonction des moyens, comme sur le respect du droit et les atteintes à ce droit, sur la dignité et sur la sécurité en prison, au lieu de l’actuelle succession des crises secouant l’opinion publique ».

B. … ET RENCONTRE UN CONTEXTE INTERNATIONAL ET EUROPÉEN FAVORABLE À L’INSTAURATION D’UN TEL CONTRÔLE

L’instauration d’un contrôle extérieur est devenue une exigence internationale et européenne. Parallèlement, le champ de ce contrôle s’est étendu à l’ensemble des lieux d’enfermement.

1. Un principe contenu dans le protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

La France a signé le 16 septembre 2005 le protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants(9), protocole qu’elle s’est engagée à ratifier avant la fin du premier semestre 2008.

Ce protocole a pour objectif « l’établissement d’un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (article premier). Dans ce but, il prévoit la mise en place dans chaque État, dans un délai d’un an suivant la ratification du protocole (article 17), d’un « mécanisme national de prévention », indépendant, chargé d’examiner régulièrement la situation des « personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite » (article 4), de formuler des recommandations à l’intention des autorités compétentes et de présenter des propositions législatives (article 19). Le protocole ne donne aucune indication sur l’ampleur des mécanismes nationaux et se borne à préciser un certain nombre de principes qui doivent régir leur statut. Les principaux d’entre eux sont l’indépendance des membres, qui doivent posséder compétences et connaissances professionnelles (article 18) ; le libre accès, non annoncé, aux différents lieux de privation de liberté (article 20) ; l’obtention de toute information utile à leur contrôle (article 20).

Une trentaine d’États ont aujourd’hui ratifié le protocole. Certains d’entre eux ont d’ores et déjà mis en œuvre un mécanisme national de prévention, soit par l’extension des pouvoirs des organes de contrôle existants, soit par la création d’un nouvel organe chargé exclusivement de cette mission. C’est cette dernière option qu’a choisie la France, contrairement à d’autres pays européens, tels le Danemark, la République Tchèque et la Pologne qui ont confié cette mission à leur Ombudsman.

En la matière, notre pays fait l’objet d’une double attente, comme l’ont souligné tant M. Markus Jaeger du Bureau du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe que M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République :

—  La première attente concerne la qualité intrinsèque du mécanisme d’évaluation des lieux privatifs de liberté qui sera mis en place, et surtout son degré d’indépendance, principal critère d’évaluation pour les institutions onusiennes de protection des droits de l’homme. La conformité du statut de la nouvelle autorité aux stipulations du protocole sera inévitablement évaluée au moment de la ratification par la France de ce protocole.

—  La seconde attente a trait à la capacité qu’aura notre p ays à inspirer les mécanismes qui seront mis en place dans d’autres pays, notamment les pays francophones. Le présent projet de loi constituera un modèle pour la création d’autres mécanismes nationaux.

2. Un principe contenu dans les Règles pénitentiaires européennes et dans les recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture

a) Les recommandations du Conseil de l’Europe sur les Règles pénitentiaires européennes

Les Règles pénitentiaires européennes du Conseil de l’Europe, adoptées en 1973 puis révisées en 1987 et 2006, visent à harmoniser les politiques pénitentiaires des États membres, sans présenter toutefois de caractère contraignant.

Dès 1987, le Conseil de l’Europe a établi la nécessité d’un contrôle régulier du respect des droits individuels des détenus. Ces règles ont depuis été renforcées dans la recommandation du Conseil de l’Europe du 11 janvier 2006 qui précise notamment que « les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques » (10).

b) Les recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture

En novembre 2005, le Comité européen pour la prévention de la torture a recommandé aux États parties de prendre les mesures nécessaires pour ratifier dans les meilleurs délais le protocole facultatif onusien et d’instituer un mécanisme national chargé de conduire des visites périodiques dans les lieux de détention afin de prévenir la torture ou autre traitement cruel, inhumain ou dégradant.

II. LE PROJET DE LOI RÉPOND AUX INSUFFISANCES DU CONTRÔLE ACTUEL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

A. UN CONTRÔLE DES LIEUX PRIVATIFS DE LIBERTÉ DISPERSÉ ET GLOBALEMENT INSUFFISANT

Les lieux d'enfermement sont d'ores et déjà soumis à de nombreux contrôles qui apparaissent cependant dispersés et limités. La situation des établissements pénitentiaires est sur ce plan paradoxale : peu d’administrations sont soumises à un nombre aussi élevé de contrôles et pourtant ces contrôles apparaissent insuffisants, notamment du fait de leur éclatement, ainsi que le dénonçait le rapport de M. Guy Canivet. Selon un praticien attentif, qui a été entendu par votre rapporteur, « les modalités actuelles du contrôle extérieur [des prisons] apparaissent éclatées entre diverses autorités sans relation entre elles et cette mission est exercée de manière formelle sans être réellement investie par les organes en charge du contrôle »(11).

1. Quels sont les lieux de privation de liberté contrôlés ?

La définition apportée par le protocole facultatif de l’ONU à la privation de liberté est la suivante : « on entend par privation de liberté toute forme de détention ou d’emprisonnement, ou le placement d’une personne dans un établissement public ou privé de surveillance dont elle n’est pas autorisée à sortir à son gré, ordonné par une autorité judiciaire ou administrative ou toute autre autorité publique » (12).

On trouvera en Annexe 1 un tableau dressant la liste des lieux de privation de liberté concernés à titre principal par le contrôle extérieur mis en place par le projet de loi. Ces lieux d’enfermement, dont le nombre approche 5 600, sont d’ores et déjà soumis à de nombreux contrôles par des instances diverses.

Votre rapporteur souhaite apporter une précision importante : le Contrôleur général sera compétent pour contrôler tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté d’aller et de venir par décision d’une autorité publique ou, à la suite d’un amendement adopté en première lecture au Sénat qui sont placées en hospitalisation sur demande d’un tiers dans un hôpital privé. Le Législateur a volontairement choisi de ne pas fixer précisément la liste de ces lieux pour éviter tout risque d’oubli. Les véhicules assurant le transfèrement des personnes privées de liberté relèveront ainsi du contrôle qu’exercera le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

2. Qui exerce le contrôle ?

Au-delà des contrôles hiérarchiques directs, les différents lieux de privation de liberté font déjà l’objet de nombreux contrôles et inspections.

a) Les parlementaires

Les parlementaires ont la possibilité de contrôler une grande partie des lieux d'enfermement : en application de l'article 719 du code de procédure pénale, inséré par la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence, « les députés et les sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires ».

b) Les autorités judiciaires

L'autorité judiciaire, garante de la liberté individuelle en vertu de l'article 66 de la Constitution, constitue, en principe, la principale instance de contrôle des lieux de privation de liberté, qu’il s’agisse des établissements pénitentiaires, des locaux de garde à vue ou des lieux de rétention des étrangers.

—  Les établissements pénitentiaires

Le premier alinéa de l'article 727 du code de procédure pénale dispose que les magistrats de l'ordre judiciaire « visitent les établissements pénitentiaires ». L'article D. 230 du même code précise quant à lui que ces établissements « sont soumis à la visite et au contrôle des autorités judiciaires ».

Le code de procédure pénale précise, dans ses articles D. 176 à D. 178, la nature des contrôles qu’exercent les différents magistrats, tant du Siège que du Parquet. Ainsi, il prévoit que le juge de l'application des peines (JAP) doit visiter les établissements pénitentiaires au moins une fois par mois pour vérifier les conditions dans lesquelles les condamnés y exécutent leur peine. L’article D. 176 précise qu’« il lui appartient de faire part de ses observations éventuelles aux autorités compétentes pour y donner suite ».

L’article D. 177 du même code précise que le président de la chambre de l'instruction visite, « chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par trimestre », les maisons d'arrêt du ressort de la cour d'appel et « y vérifie la situation des personnes mises en examen en état de détention provisoire ». Le même article dispose que le juge d'instruction et, pour les mineurs, le juge des enfants, « peuvent également visiter la maison d'arrêt et y voir les prévenus aussi souvent qu'ils l'estiment utile ». Le juge des enfants doit procéder à « une visite de la maison d'arrêt au moins une fois par an pour y vérifier les conditions de la détention des mineurs ».

L’article D. 178 prévoit que le procureur de la République « doit se rendre dans chaque prison une fois par trimestre et plus souvent s'il y a lieu, notamment pour entendre les détenus qui auraient des réclamations à présenter ». Le procureur général visite quant à lui « chaque établissement pénitentiaire du ressort de la cour d'appel, au moins une fois par an ».

Pour autant, en pratique, la plupart des magistrats, compte tenu de leur charge de travail, ne visitent pas les établissements pénitentiaires aussi souvent que la loi le prévoit. C’est ce qu’avaient relevé tant le rapport de la commission présidée par M. Guy Canivet sur l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, qui précisait que « le contrôle de l'autorité judiciaire, ni effectif, ni efficace, apparaît souvent formel », que la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons qui concluait : « il apparaît clairement que les visites de magistrats dans les établissements pénitentiaires ne sont pas effectuées dans les conditions prévues par le code de procédure pénale ».

—  Locaux de garde à vue

En application de l’article 41 du code de procédure pénale, le procureur de la République « visite les locaux de garde à vue chaque fois qu’il l’estime nécessaire et au moins une fois par an ; il tient à cet effet un registre répertoriant le nombre et la fréquence des contrôles effectués dans ces différents locaux ».

—  Les centres de rétention et les zones d'attente

L’article L. 223-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que le procureur de la République ainsi que, à l'issue des quatre premiers jours du maintien en zone d'attente, le juge des libertés et de la détention (JLD) peuvent se rendre sur place pour vérifier les conditions de ce maintien. En outre, le procureur de la République visite les zones d'attente chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par an.

L’article L. 553-3 du même code prévoit quant à lui que pendant toute la durée de la rétention administrative d’un étranger, le procureur de la République ou le JLD peuvent se transporter sur les lieux et vérifier les conditions du maintien en rétention. Il prévoit également que le procureur de la République visite les lieux de rétention chaque fois qu’il l’estime nécessaire et au moins une fois par an.

c) Les autorités de contrôle spécialisées

—  Les inspections : un contrôle efficace mais soumis au principe hiérarchique

Les lieux de privation de liberté sont soumis au contrôle des corps d'inspection des différentes administrations dont ils dépendent. Votre rapporteur a tenu à entendre des représentants des différents corps d’inspection amenés à contrôler les différents lieux de privation de liberté : l’inspection des services pénitentiaires, l’Inspection générale des affaires sociales qui inspecte les structures médicales des établissements pénitentiaires, ainsi que les hôpitaux psychiatriques, l’Inspection générale de la police nationale et l’Inspection de la gendarmerie nationale, chargées notamment de l’inspection des lieux de garde à vue et des lieux de rétention administrative qui relèvent de leurs administrations respectives.

Madame Blandine Froment, magistrate, chef de l’Inspection des services pénitentiaires, a indiqué que l’inspection s’est dotée en 2002 de trois inspecteurs territoriaux chargés de la mise en œuvre d’un plan de contrôle systématique de l’ensemble des établissements pénitentiaires. Ils ont procédé en deux ans (2004-2005) à la visite de l’ensemble des établissements de métropole et d’une partie des établissements d’outre-mer et sont en train d’achever la deuxième série de visites systématiques, engagée en 2006. Ces visites de suivi sont l’occasion pour eux de suivre les préconisations qu’ils avaient pu adresser lors de leur première inspection aux directions régionales de l’administration pénitentiaire dont dépendent les établissements et de procéder à de nouvelles recommandations. Les visites s’étalent en général sur trois jours et se fondent sur une grille de critères qui a été élaborée par l’Inspection, chaque point faisant l’objet d’une évaluation. Relèvent notamment de ces critères la prise en charge des personnes placées sous main de justice (accueil des arrivants, prise en charge des handicapés, prévention des suicides, insertion…), la gestion des ressources humaines (organisation du service, service de nuit, dialogue social), la sécurité de l’établissement (armement, gestion des clés, fouilles…) ou la logistique (restauration, cantines, transports…).

L’Inspection générale des affaires sociales a elle aussi établi un programme de visites systématiques de tous les établissements pénitentiaires. En trois ans, entre 2006 et 2009, l’IGAS aura visité toutes les structures médicales relevant des établissements pénitentiaires. Ces inspections, menées en application de l’article D 348-1 du code de procédure pénale, ont un large champ (elles concernent aussi bien les conditions des soins, l’hygiène que la sécurité sanitaire), durent plusieurs jours et sont souvent menées en collaboration avec d’autres services de l’État, notamment les services vétérinaires qui inspectent en parallèle l’hygiène de la restauration.

L’Inspection générale de la police nationale regroupe quant à elle environ 200 personnes, chargées notamment de réaliser des audits sur le fonctionnement des services. Le chef de l’Inspection, M. Jacques Lamotte, a souligné devant votre rapporteur l’amélioration globale depuis 2003 des conditions de placement en garde en vue, en lien avec la circulaire du 11 mars 2003 du ministre de l’intérieur portant instructions relatives à la garantie de la dignité des personnes placées en garde à vue – les repas sont servis chauds, adaptés aux différentes religions, certains locaux ont été totalement rénovés –, le problème crucial demeurant celui des difficultés matérielles liées à la rapide dégradation des locaux. L’Inspection est également en charge des 20 centres et 85 locaux de rétention administrative qui relèvent de la police nationale. L’Inspection générale de la Gendarmerie nationale réalise des inspections similaires pour les locaux de garde à vue et les centres de rétention des étrangers relevant de la Gendarmerie.

Au total, il est apparu à votre rapporteur que ces différentes inspections mènent un travail approfondi et efficace et disposent d’une réelle liberté d'investigation. Pour autant, ces inspections n'en sont pas moins rattachées aux directeurs des administrations concernées qui, seuls, sous l'autorité du ministre responsable, peuvent les saisir. Les observations, rapports, recommandations ont pour destinataire exclusif l'autorité hiérarchique et ne font pas l’objet d’une publication. Ainsi, l’ensemble de l’activité des inspections est réservé aux seules administrations, sans que les rapports des missions d’inspection ne fassent normalement l’objet d’une communication à d’autres autorités extérieures.

—  Les commissions administratives

■  Les réunions des commissions de surveillance des établissements pénitentiaires : un exercice essentiellement formel

L'article 727 du code de procédure pénale prévoit l’institution d’une commission de surveillance au sein de chaque établissement pénitentiaire. L’article D. 180 du même code fixe la composition de ces commissions, présidées par le préfet ou le sous-préfet. Elles comprennent notamment des magistrats, des avocats et des élus locaux. Ces commissions se réunissent au moins une fois par an pour entendre le rapport du chef d'établissement sur l'organisation et le fonctionnement de la prison.

Pour autant, les pouvoirs de ces commissions sont limités : l’article D. 184 du code de procédure pénale prévoit qu’elles ne peuvent adresser au ministère de la Justice que des « observations, critiques ou suggestions », à l'exclusion de toute injonction. Au total, la réunion de la commission et la visite qui lui fait habituellement suite relèvent d'un exercice formel, d’un « rituel sans portée » comme l’avait qualifié la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons. Cette commission d’enquête avait en particulier souligné que les commissions de surveillance n'utilisaient pas la possibilité qui leur était offerte d'entendre toute personne susceptible d'apporter des informations utiles et qu'il n'existait en outre aucun suivi des observations formulées au cours de la réunion précédente.

■  La commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente : un organe administratif de contrôle

La commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente (CRAZA), instituée par l'article 54 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité(13), est chargée de veiller au respect des droits des étrangers maintenus dans les lieux de rétention administrative et les zones d’attente. Elle veille également au respect des normes relatives à l’hygiène, la salubrité, la sécurité, l’équipement et l’aménagement de ces lieux.

Il ne s’agit pas d’une autorité administrative indépendante, mais d’un organe administratif de contrôle, placé auprès du ministre de l’Intérieur.

La CRAZA effectue des visites de lieux de rétention et peut faire des recommandations au Gouvernement en vue de l’amélioration des conditions matérielles et humaines de maintien en rétention ou en zone d’attente.

L’article 3 du décret du 30 mai 2005 prévoit que la commission fixe en début d’année le calendrier des contrôles ainsi que les lieux qui en feront l’objet, calendrier qui est transmis au(x) ministre(s) concerné(s). Lorsque la commission décide de procéder à des visites hors calendrier, les ministres doivent de la même manière en être préalablement informés. Le même article dispose : « toutefois, le préfet territorialement compétent pour le centre ou pour le local de rétention administrative ou pour la zone d’attente peut faire connaître à la commission l’impossibilité de réaliser la visite au moment envisagé, pour des motifs graves d’ordre public ou de sécurité publique ».

Lors des visites, les membres de la commission ont libre accès à l’ensemble des locaux où sont maintenus ou retenus les étrangers en situation irrégulière. Ils peuvent aussi s’entretenir confidentiellement avec ces derniers. Les autorités publiques doivent communiquer à la commission à sa demande les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission. L’article 6 du décret précité dispose que « le caractère secret des informations et pièces dont la commission demande communication ne peut lui être opposé, sauf si sont en cause le secret de la défense nationale, la sûreté de l’État, le secret médical ou le secret professionnel relatif aux relations entre un avocat et son client ».

Si la commission estime que des faits dont elle a connaissance à l'occasion de l'exercice de sa mission constituent un manquement à la déontologie, elle rend compte au ministre de l'Intérieur ou au ministre de la Défense qui peuvent saisir les corps ou commissions de contrôle en vue de faire les vérifications ou enquêtes relevant de leurs attributions. La commission est informée des suites données.

À l’issue de chaque visite, la Commission établit un rapport, le cas échéant assorti de recommandations. La Commission établit par ailleurs chaque année un rapport sur les conditions matérielles et humaines de rétention et de maintien en zone d’attente.

L’institution d’un Contrôleur extérieur général des lieux de privation de liberté, dont les attributions recouvrent celles de la CRAZA en matière de lieux de rétention, devrait avoir pour conséquence la suppression à terme de cette Commission.

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Bernard Chemin, président de la CRAZA a indiqué que la Commission avait effectué en 7 mois (14)plusieurs visites, dont celles des CRA de Paris-dépôt (hommes), de Paris-dépôt (femmes), de Paris-Vincennes, de Palaiseau, de Calais Coquelles, du Mesnil-Amelot, de Lyon Saint-Exupéry, du LRA de Nanterre et des zones d’attente de Roissy et de Lyon Saint-Exupéry. Il a souligné l’importance de ces contrôles et a souhaité que, dans l’attente de l’instauration effective du contrôle extérieur général, la CRAZA ne soit pas privée de ses moyens de contrôle. Votre rapporteur partage ce souci de la continuité du contrôle et invite le pouvoir réglementaire à ne pas abroger le décret instituant la CRAZA avant l’installation effective du Contrôleur général et le recrutement d’une équipe de contrôleurs.

—  Les commissions départementales des hospitalisations psychiatriques

L’article L. 3222-5 du code de la santé publique dispose que « dans chaque département une commission départementale des hospitalisations psychiatriques est chargée d'examiner la situation des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux au regard du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes ».

Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades (15), cette commission est composée de deux psychiatres, d'un magistrat, de deux représentants d'associations agréées de personnes malades et de familles concernées ainsi que d'un médecin généraliste (article L. 3223-2 du code de la santé publique).

L’article L. 3223-1 du code de la santé publique précise les modalités du contrôle exercé par la commission. Celle-ci est « informée de toute hospitalisation sans le consentement du malade, de tout renouvellement et de toute levée d’hospitalisation ». Elle « examine, en tant que de besoin, la situation des personnes hospitalisées et, obligatoirement, celle de toutes personnes dont l’hospitalisation sur demande d’un tiers se prolonge au-delà de trois mois ». Ses membres peuvent visiter les établissements habilités, dans le département, à soigner les personnes atteintes de troubles mentaux et recevoir les réclamations des personnes hospitalisées ou de leur conseil. La commission dispose en outre de la faculté d'obtenir des personnels des établissements de santé « toutes données médicales nécessaires à l'accomplissement de ses missions ». Enfin, elle peut proposer au président du tribunal de grande instance localement compétent d'ordonner la sortie immédiate de toute personne hospitalisée sans son consentement.

d) La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS)

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été créée par la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000. Cette autorité administrative indépendante est chargée de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République.

Elle peut être saisie de deux manières :

—  soit directement, à leur initiative, par un parlementaire, le Premier ministre ou, depuis la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, le Défenseur des enfants ;

—  soit, et c'est le cas le plus fréquent en pratique, par un parlementaire à la suite d'une réclamation qui lui a été adressée. Dans ce cadre, le parlementaire dispose d'un pouvoir d'appréciation et joue en quelque sorte le rôle de « filtre ».

Au 1er septembre 2006, la commission avait enregistré 419 saisines, plus de la moitié d'entre elles concernant la police nationale. Elle a notamment relevé certains cas d’utilisation abusive de mesures de coercition, tel que le menottage serré de personnes gardées à vue ou des cas de surveillance insuffisante de détenus fragiles dans les établissements pénitentiaires.

e) Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitement inhumains ou dégradants

Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a été institué par la Convention européenne du 26 juin 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Organe statutaire du Conseil de l'Europe, il est chargé de veiller au respect de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui dispose : « Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

Il a pour mission de visiter tous les lieux de détention sous la responsabilité d'une autorité publique, judiciaire ou administrative, y compris les hôpitaux psychiatriques. Il dispose pour cela, en vertu de l’article 2 de la Convention européenne pour la prévention de la torture, d'un droit de visite sans autorisation préalable de l'État membre concerné, cette autorisation étant supposée définitivement donnée du fait de la ratification de la Convention.

Tout État partie soumis à une visite doit faciliter l'accomplissement de la mission du Comité, notamment en lui fournissant tous renseignements sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté et en lui donnant la faculté de se rendre à son gré dans tout lieu de détention et d'y circuler sans entrave (article 8-2 de la Convention). Les membres du comité qui effectuent la visite peuvent s'entretenir avec les détenus sans témoin et entrer librement en contact avec toutes les personnes susceptibles de leur procurer des informations utiles (article 8-3 de la Convention).

Les compétences du Comité s’étendent aux conditions générales de détention, au régime juridique de la détention, à l'attitude des personnels chargés de la détention ainsi qu'à leur formation dans le domaine des droits de l'homme et, enfin, aux conditions de travail de ces personnels.

À travers ses rapports, le Comité présente des recommandations dont la mise en œuvre dépend pour une large part des relations nouées avec les États visités.

Le contrôle exercé par le Comité ne revêt qu’un caractère ponctuel, épisodique et ne peut concerner qu'un nombre limité de structures sur l'ensemble du territoire national. En outre, le rapport de visite n'est publié qu'avec l'accord de l'État intéressé. Ce n'est que dans l'hypothèse de négligence ou de refus de la part de l'État « d'améliorer la situation à la lumière des recommandations », après avoir incité la partie à s'expliquer, que le Comité pourra décider, à la majorité des deux tiers de ses membres, de faire une déclaration publique à titre de sanction du défaut de coopération.

f) Divers observateurs extérieurs ou associations exercent également un contrôle plus diffus

À ces organes de contrôle s’ajoutent également un certain nombre de personnes ou d’organisations dont la présence même dans les lieux de privation de liberté apporte un autre regard extérieur et assure une sorte de contrôle diffus de ces lieux clos.

Les étrangers placés en rétention administrative disposent du droit d'être assistés par un représentant d'une association chargée de fournir une assistance juridique. Une réunion est organisée chaque année sur le fonctionnement des zones d'attente à l'initiative du ministre de l'Intérieur avec les présidents des associations habilitées, leurs représentants agréés et les services de l'État concernés. Le compte rendu de cette réunion, établi conjointement, est rendu public.

De nombreuses associations interviennent par ailleurs au sein des établissements pénitentiaires. Ces différentes associations apportent un regard et des témoignages qui sont portés à la connaissance du public, notamment par la diffusion de rapports annuels.

B. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Si l’ensemble des personnes entendues par votre rapporteur se sont déclarées favorables au principe de la création d’un contrôle extérieur des lieux de privation de liberté, certaines d’entre elles ont cependant émis quelques réserves, notamment sur l’efficacité du contrôle qui pourra être mené.

Votre rapporteur tient à nouveau à saluer l’amélioration sensible du texte à l’issue de son examen en première lecture par le Sénat. La Commission des Lois a, à son initiative, adopté un certain nombre d’amendements qui devraient faire taire certaines critiques.

Trois préoccupations majeures guident la réflexion de votre rapporteur :

—  La première a trait au statut du Contrôleur général et des contrôleurs auxquels il pourra déléguer ses pouvoirs. L’indépendance de tout organisme ou autorité tient à son statut. Le législateur doit donc veiller à doter le Contrôleur général d’un statut garantissant pleinement son indépendance. En la matière, le Sénat a apporté de très nombreuses garanties supplémentaires. Votre rapporteur est également soucieux du statut que le décret en Conseil d’État doit conférer aux contrôleurs et qui devra réaliser la difficile conciliation de leur nécessaire indépendance et de l’exigence de leurs compétences en matière de lieux de privation de liberté ;

—  La seconde préoccupation de votre rapporteur concerne le contexte international dans lequel s’insère cette nouvelle autorité : le législateur doit veiller à ce que la loi qui institue le Contrôleur général respecte au mieux les stipulations du protocole facultatif de l’ONU que la France devra prochainement ratifier, tout en respectant les spécificités de notre système juridique.

—  La troisième préoccupation majeure de votre rapporteur est celle de la nécessaire mise en cohérence des différents contrôles qui vont coexister : nombreuses ont été les personnes entendues par votre rapporteur qui ont soulevé cette importante question.

1. Les conditions de nomination et les garanties d’indépendance du Contrôleur général et des contrôleurs

Le projet de loi crée une nouvelle autorité administrative indépendante (article premier) et en détermine le statut dont découlent les garanties de son indépendance.

a) Le Contrôleur général

Le Contrôleur général sera nommé pour un mandat unique de 6 ans, par décret. Le Sénat a précisé que ce décret émanerait du Président de la République et surtout, qu’il serait pris après avis des commissions compétentes des assemblées, ce qui permettra d’associer le Parlement à sa désignation.

Les garanties d’indépendance du Contrôleur général ont été renforcées par le Sénat, qui a élargi le régime des incompatibilités avec tout emploi public et introduit un régime d’immunité (article 2) et d’inéligibilité (article 2 bis).

b) Les contrôleurs

Le protocole de l’ONU préconise le choix de membres indépendants, possédant des compétences et connaissances professionnelles.

—  L’exigence d’indépendance est rappelée par M. Guy Canivet dans son rapport : « L’expérience montre qu’une trop grande proximité entre le contrôleur et l’établissement contrôlé peut introduire entre les deux des liens de familiarité, de cordialité, voire d’amitié, incompatibles avec l’indispensable objectivité du contrôle et son extériorité ».

—  Pour autant, il leur faudra aussi des compétences qui se nourriront de leur expérience professionnelle et/ou d’une formation adaptée qu’ils pourraient recevoir avant leur entrée en fonction. Le Contrôleur général sera sans doute amené à recruter une équipe pluridisciplinaire de contrôleurs, certains pouvant être spécialisés dans le contrôle de certains types d’établissements : on ne contrôle en effet pas de la même manière une prison, un hôpital psychiatrique, un centre de rétention administrative ou un local de garde à vue. En la matière il s’inspirera sans doute de la situation qui prévaut à l’étranger. Ainsi, en Pologne, le service de l’Ombudsman dédié au contrôle est composé de juristes qui sont autorisés à coopter ponctuellement des spécialistes, des médecins notamment, pour participer aux visites.

Conciliant ces deux exigences, l’article 3 du projet de loi précise que les contrôleurs seront recrutés en raison de leur compétence dans les domaines se rapportant à sa mission et que les fonctions de contrôleur sont incompatibles avec l’exercice d’activités en relation avec les lieux contrôlés.

2. L’étendue et les modalités du contrôle

a) L’information et la saisine du Contrôleur général

Il est important de distinguer les conditions dans lesquelles le Contrôleur général est informé de faits ou situations relevant de sa compétence de celles dans lesquelles il peut être saisi par certaines autorités (article 5) :

—  Toute personne physique, ainsi que « toute personne morale s’étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux » peut porter de tels faits ou situations à la connaissance du Contrôleur général, qui appréciera de l’opportunité des suites à donner à cette information, étant entendu que le projet de loi lui donne la faculté de s’autosaisir ;

—  Certaines autorités politiques et certaines autorités administratives indépendantes pourront quant à elles saisir le Contrôleur général : il s’agit du Premier ministre, des membres du Gouvernement, des Parlementaires, du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, du Président de la CNDS et du Président de la HALDE.

Dans tous les cas, l’information et la saisine sont centralisées par le Contrôleur général et ses collaborateurs directs. Les contrôleurs ne pourront être saisis directement.

b) L’étendue du contrôle

—  les lieux contrôlés

Le projet de loi retient une formulation maximaliste : tous les lieux de privation de liberté sont visés par le contrôle. L’absence de liste permet d’éviter tout risque d’oubli.

Le Sénat a complété le premier alinéa de l’article 6 pour prévoir expressément la compétence du Contrôleur général en matière d’hospitalisation sous contrainte dans les hôpitaux privés.

La question de la compétence territoriale du contrôleur a été soulevée au Sénat : limitée au « territoire de la République » en vertu de l’article 6, elle ne s’étend notamment pas aux théâtres d’opérations extérieures de l’armée française.

—  Les normes de référence

La mission que l’article premier du projet de loi confère au Contrôleur général est de « contrôler les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux ».

Son contrôle constitue une évaluation d’une gestion administrative par rapport à un cadre légal de référence, qu’il convient de préciser ici : les droits des personnes placées en garde à vue sont codifiés dans le code de procédure pénale, ceux des étrangers placés en rétention ou en zones d’attente sont édictés par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d’asile, ceux des personnes faisant l’objet d’une hospitalisation sous contrainte figurent dans le code de la santé publique et ceux des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires sont précisés dans le code de procédure pénale et feront l’objet de la future loi pénitentiaire.

—  Les motifs pouvant justifier un report de la visite

L’article 6 prévoit que les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne peuvent s’opposer à la visite du Contrôleur général et proposer le report de cette visite que pour des « motifs graves » liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l’établissement où la visite doit avoir lieu.

—  critères pouvant justifier la non-communication de documents

Le même article définit les critères justifiant le refus de communiquer certaines informations au Contrôleur général : il s’agit d’informations dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l’État, au secret de l’enquête et de l’instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.

c) Les modalités du contrôle : les visites sur place

Elles sont prévues par l’article 6. Elles pourront être planifiées à l’avance ou inopinées, les deux catégories de visites ayant leur intérêt propre, comme l’avait souligné M. Guy Canivet dans son rapport :

Rapport de la Commission présidée par M. Guy Canivet,

(Extrait)

« Les visites doivent répondre à des fins différentes : vérification complète, contrôle ponctuel de la réalité d’un dysfonctionnement dénoncé, ou bien examen consécutif à une précédente visite, pour lesquels sont à prévoir des « visites programmées », des « visites inopinées » ou des « visites de suivi ».

La « visite programmée » consiste dans une vérification complète de chaque établissement que le Contrôleur général devrait effectuer selon une périodicité fixée, tous les cinq ans par exemple. Est établi à cette fin un programme pluriannuel des visites périodiques. Au début de chaque année, le Contrôleur général avise l’Administration pénitentiaire de ce programme ainsi que, dans un délai préalable de quelques semaines, chaque établissement de la date de la visite qui le concerne.

La « visite inopinée » est déclenchée pour des raisons diverses : communication d’une information, réception d’une plainte ou dénonciation d’une situation ou d’un événement particulier qui rendent nécessaire une visite immédiate, sans que l’établissement ni l’Administration pénitentiaire ne soient préalablement informés.

La « visite de suivi » est celle qui a pour objet de vérifier que le directeur de l’établissement soumis à une précédente visite, périodique ou inopinée, a pris toutes les mesures nécessaires pour régler le désordre constaté. Elle est destinée à assurer la continuité dans le contrôle ».

Le Sénat a supprimé l’information préalable des autorités responsables des lieux que le projet de loi prévoyait dans sa version initiale.

d) Les suites données au contrôle

L’article 7 prévoit qu’à l’issue de chaque visite, le Contrôleur général établira un rapport faisant état de ses observations et des réponses de l’administration. Le Sénat a rendu systématique la publication du contrepoint de l’administration.

L’article 8 précise quant à lui que le Contrôleur général, qui n’est pas doté d’un pouvoir d’injonction, peut émettre des avis et formuler des recommandations : il s’agit d’instaurer un climat de confiance avec les autorités responsables des lieux contrôlés. Le contrôle, fondé sur une approche préventive, doit se réaliser en coopération avec les autorités responsables des lieux contrôlés. Il sera facteur d’émergence de bonnes pratiques et d’apaisement des tensions. Mme Sylvie Feucher, secrétaire générale adjointe du Syndicat des commissaires de la police nationale a souligné le nécessaire travail de pédagogie qui devra être fait auprès des personnels dans le but d’éviter que ne se reproduise le mouvement de rejet dont a été l’objet la CNDS, accusée de partialité vis-à-vis de la police.

L’« arme » la plus puissante dont dispose le Contrôleur général réside sans doute dans la publicité qu’il peut donner à ses avis et recommandations (article 8) et dans son rapport annuel public (article 9). Dans une interview parue dans la revue Dedans dehors de l’Observatoire international des prisons, Mme Tassadit Imache, ancienne membre de la CNDS souligne le fait que la publicité des avis de la commission constitue un facteur essentiel de son pouvoir d'influence : « cette publicité place les responsables politiques et institutionnels sous le regard permanent des citoyens et il est évident que c'est cette pression qui les oblige à se saisir des problèmes ».

3. Les moyens alloués au Contrôleur général

Les moyens financiers alloués à une autorité conditionnent son indépendance fonctionnelle. C’est l’article 10 du projet de loi qui fixe les conditions de cette indépendance.

Rappelons ici les trois dimensions de l’indépendance budgétaire d’une autorité, précisées par le rapport de M. Patrice Gélard sur les autorités administratives indépendantes :

—  L’indépendance financière suppose que le montant des ressources est adapté à la charge incombant à l’autorité.

Lors de l’examen du projet de loi au Sénat, Madame le Garde des Sceaux a indiqué qu’une dotation financière de 2,5 millions d'euros devrait être allouée au Contrôleur général dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008. À titre de comparaison, le budget alloué à l’Inspecteur en chef des prisons britanniques s’élève à près de 5 millions d’euros. Il est cependant délicat de comparer le budget d’une instance naissante avec celui d’un organe qui existe depuis 26 ans…

—  L’indépendance de l’exécution budgétaire permet à l’autorité de décider librement de l’utilisation de son budget. L’article 10 précise que le Contrôleur général gère les crédits nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

—  L’autonomie de gestion budgétaire marque la capacité de l’autorité à effectuer ses dépenses, sans le contrôle a priori d’un contrôleur financier.

Le Sénat a adopté un amendement de sa commission des Lois qui précise que les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à la gestion des crédits alloués au Contrôleur général et que celui-ci présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.

C. LA NÉCESSAIRE ARCHITECTURE D’ENSEMBLE DU CONTRÔLE DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Parmi les sujets de préoccupation, voire d’inquiétude, qui ont émergé des auditions auxquelles votre rapporteur a pu procéder pour la préparation de l’examen de ce texte, il en est un qui a été très souvent abordé et que votre rapporteur juge crucial, c’est celui de la nécessaire mise en cohérence des différents contrôles portant sur les lieux de privation de liberté.

La situation actuelle, dénoncée quasi unanimement, est celle d’un empilement de contrôles sans cohérence entre eux. Lors de son audition par votre rapporteur, le président de la CNDS, M. Philippe Léger, s’est déclaré embarrassé par l’enchevêtrement de toutes les compétences, source de déresponsabilisation des organes de contrôle et de démobilisation des administrations en charge des lieux contrôlés. « Trop de contrôles tuent le contrôle » concluait également l’Association nationale des juges de l’application des peines dans la contribution écrite transmise à votre rapporteur.

L’institution d’un Contrôleur général indépendant, chargé du contrôle de l’ensemble de ses lieux doit être l’occasion de mieux préciser le rôle de chacune des autorités de contrôle au sein d’une architecture globale cohérente.

Sans prétendre régler entièrement cette épineuse question, votre rapporteur a souhaité livrer quelques pistes de réflexion.

Il convient de souligner en préalable que la pluralité des mécanismes de contrôle n’est pas une mauvaise chose en soi, bien au contraire : elle garantit des visites régulières des différents lieux. Pour ce qui concerne des établissements pénitentiaires, la Commission présidée par M. Guy Canivet avait d’ailleurs préconisé le maintien des différents contrôles existants. Elle avait cependant estimé que la pluralité des contrôles implique une meilleure coordination entre les différentes autorités qui en sont chargées.

1. La nécessaire mise en cohérence des contrôles

Le projet de loi crée une nouvelle instance de contrôle qui doit s’inscrire dans un ensemble cohérent. Il est donc important de définir clairement les champs de compétence des différents organes de contrôle et de médiation.

a) Définir précisément le rôle de chaque organe détenant une parcelle de contrôle

Votre rapporteur estime nécessaire de recentrer les contrôles existants sur le cœur de la mission de chaque autorité dans la mesure où le contrôle général incombe désormais au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. De la définition claire de la mission de chacun découlera un plus grand sentiment de responsabilité de tous.

—  S’agissant du contrôle exercé par les magistrats, il est utile de se reporter aux conclusions du rapport de M. Guy Canivet qui préconisait que ce contrôle soit réduit dans son objet pour le rendre cohérent avec la fonction de chaque magistrat. Aucun magistrat ne doit ainsi être chargé d’un contrôle général : le contrôle du juge d’instruction et du président de la chambre de l’instruction doit s’appliquer uniquement aux personnes mises en examen et placés en détention provisoire, celui des juges de l’application des peines se limiter aux seuls condamnés, aux fins d’individualisation des peines et non à des fins générales sur l’ensemble de l’établissement.

Seul le contrôle du procureur de la République pourra apparaître plus étendu, dans la mesure où il a pour mission de veiller au respect de l’ordre public dans les prisons de son ressort. Il reviendra sans doute à la future loi pénitentiaire de préciser les contours du pouvoir de contrôle des magistrats dans les différents types d’établissements.

—  S’agissant du contrôle exercé par les autres autorités administratives indépendantes, il se trouvera des situations dans lesquelles tant le Contrôleur général que la HALDE ou la CNDS pourront être concurremment saisis. Chacune de ces autorités devra donc limiter son contrôle au cœur de la mission qui est confiée par la loi. Un système lisible et clair suppose ainsi que la CNDS se concentre sur l’action des personnels, qu’elle évaluera au regard des exigences de déontologie, tandis que le Contrôleur général sera chargé d’évaluer les conditions dans lesquelles se déroule la rétention ou la détention au regard de la préservation des droits fondamentaux.

—  S’agissant des corps d’inspections, le rapport de M. Guy Canivet a rappelé que « le contrôle des prisons ne doit aucunement supprimer les contrôles et inspections spécialisés conduits par des services de l’État qui contribuent à introduire dans les prisons la légalité ordinaire ». Pour autant, certains ajustements pourraient être nécessaires. Ainsi, l’article D. 229 du code de procédure pénale confère à l’inspection des services pénitentiaires une mission de « contrôle général » des établissements pénitentiaires. Sans doute cette rédaction devra-t-elle être revue par le pouvoir réglementaire après l’adoption de la présente loi. De l’avis même des inspecteurs entendus pas votre rapporteur, cette inspection ne procède pas à un réel contrôle général des établissements mais bien plus à un contrôle audit qui apporte des conseils et des recommandations aux chefs d’établissements.

—  Les fonctions du Contrôleur général ne doivent pas non plus être confondues avec celles du Médiateur de la République. Le Contrôleur général est chargé du contrôle des conditions générales de la détention. Il ne s’intéressera pas en tant que tels aux cas individuels, mais se fondera sur les questions ponctuelles dont il aura été saisi pour relever, le cas échéant, des problèmes structurels. Ainsi, la multiplication de plaintes dans une même institution pourra motiver une visite inopinée. Le Médiateur et ses délégués reçoivent quant à eux les plaintes individuelles et les instruisent. Dans les établissements pénitentiaires, les délégués du Médiateur remplissent également ce rôle. D’ici la fin de cette année, 40 % de la population pénale sera « couverte » par leurs permanences. Le premier bilan de l’expérimentation lancée en 2005 est très encourageant : la présence de ces délégués apporte un réel service aux détenus et leur intervention a pu permettre de contribuer à réduire les tensions en milieu carcéral et à prévenir les conflits (16).

b) Instaurer des procédures permettant le dialogue des instances chargées du contrôle

—  Inviter les différentes autorités chargées du contrôle à organiser un dialogue permanent entre elles

Le projet de loi prévoit la possibilité pour certaines autorités d’en saisir d’autres : le Contrôleur général pourra saisir la CNDS qui pourra le saisir en retour, par un système de « saisine croisée » introduit par le Sénat. Le Contrôleur général pourra aussi être saisi par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, et le président de la HALDE. Il pourra aussi saisir l’autorité disciplinaire s’il constate des manquements et ainsi mettre en mouvement indirectement une inspection des services. Lors de son audition par votre rapporteur, M. Markus Jaeger s’est déclaré très favorable à ces différentes possibilités de saisine qui induisent une sorte de « coresponsabilité » de ces différentes autorités.

Au-delà de ces saisines officielles, il est sans doute nécessaire qu’un dialogue permanent s’instaure entre les différentes instances de contrôle. Le Médiateur de la République a suggéré la mise en place entre elles de « protocoles de relations », permettant l’organisation d’un travail efficace et cohérent.

La multiplication des contrôles ne doit en tout état de cause pas conduire à entraver la mission des administrations en charge de ces lieux, mais permettre de leur fournir des conseils utiles, d’accompagner les personnels et de faire émerger des bonnes pratiques.

—  S’inspirer de la proposition du rapport de M. Guy Canivet de créer une « conférence annuelle d’établissement »

Le rapport présidé par M. Guy Canivet avait préconisé le remplacement de l’actuelle commission de surveillance des établissements pénitentiaires par une conférence annuelle d’établissement destinée à mettre en cohérence les différents contrôles qui y sont exercés. Cette conférence, qui réunirait chaque année sous la présidence du Contrôleur général ou d’un de ses délégués les autorités locales (préfet, maires des communes intéressées), les différentes administrations chargées du contrôle (DDASS, inspections du travail), les magistrats, le bâtonnier de l’ordre des avocats, les délégués du Médiateur, le chef d’établissement et les représentants du personnel, aurait pour objet de vérifier l’effectivité des contrôles en obligeant les différentes instances à rendre compte de manière contradictoire de leurs conclusions. Elle assurerait aussi un suivi des recommandations des différentes instances de contrôle.

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, a souligné l’importance que pourrait revêtir, pour l’efficacité du contrôle mis en place, un travail en lien avec les juges de l’application des peines. Il juge utile que les contrôleurs demandent à rencontrer les JAP et sollicitent leur avis lors de leurs visites.

2. Vers une architecture globale du contrôle

Toutes les formes de contrôles ne répondent pas aux mêmes objectifs. On pourrait se risquer à classer les différentes instances selon l’objet du contrôle qu’elles ont à exercer sur les lieux de privation de liberté :

a) Un contrôle-évaluation

Il s’agit d’un contrôle des conditions de la détention, concentré sur les personnes privées de liberté, et non de la traque des manquements de l’administration. Le terme anglo-saxon qui serait employé serait celui de « monitoring ».

Cette fonction incombe au Contrôleur général et, pour des contrôles plus épisodiques, au Comité de prévention de la torture. Tous deux compétents pour l’ensemble des lieux de privation de liberté, à l’inverse de la CRAZA, limitée aux lieux de rétention et que l’instauration d’un contrôle général amènera à supprimer à terme.

b) Un contrôle-médiation

Ce contrôle, qui consiste dans la réception et l’instruction des plaintes individuelles, est assuré par le Médiateur de la République et ses délégués.

c) Un contrôle-sanction

Ce contrôle vise à traquer les dysfonctionnements des administrations et à sanctionner les éventuels manquements constatés. C’est dans ce cadre que s’inscrit le rôle de la CNDS en matière de déontologie et celui des inspections.

Les corps d’inspections des différentes administrations chargées des lieux de privation de liberté sont amenés à enquêter, à la demande de leur autorité de tutelle, sur des dysfonctionnements éventuels, leurs conclusions pouvant conduire à la prise d’une sanction disciplinaire.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 18 septembre 2007.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale a eu lieu.

M. Michel Hunault s’est félicité que l’examen de ce projet de loi ait pu être inscrit à l’ordre du jour de la seconde session extraordinaire. L’idée de mettre en place un contrôle des lieux de privation de liberté avait déjà été abordée non seulement dans le rapport de M. Guy Canivet cité par le rapporteur, mais aussi dans plusieurs propositions de loi antérieures.

Si le projet de loi s’inspire visiblement de l’expérience britannique dans ce domaine, il aurait été souhaitable de mentionner également d’autres expériences louables qui ont été conduites dans divers pays européens. Ainsi, le précédent Garde des Sceaux, M. Pascal Clément, s’était inspiré du système en vigueur en République tchèque pour envisager de confier des pouvoirs étendus au Médiateur de la République.

Le projet de loi soumis à la représentation nationale est ambitieux, mais la crédibilité de la nouvelle institution qu’il crée dépendra largement des moyens dont elle disposera pour remplir la mission qui lui est assignée. L’article 3 du projet de loi prévoit que le Contrôleur général sera assisté de contrôleurs recrutés en raison de leurs compétences ; dans le même esprit, il serait utile de préciser que le Contrôleur général pourra disposer d’un délégué dans chaque région française.

Par ailleurs, s’il est prévu que le Contrôleur général dispose du droit de visiter, à tout moment, tout lieu de privation de liberté, on peut s’interroger sur la portée réelle et la prise en compte, en particulier par l’administration pénitentiaire, du rapport et des observations qu’il formulera. À cet égard, il serait utile de faire référence aux règles pénitentiaires européennes, qui ont été adressées récemment à tous les détenus, ainsi qu’aux parlementaires.

M. Jean-Jacques Urvoas a jugé positif l’examen de ce projet de loi, en dépit des incertitudes pesant sur son contenu, et a souligné que l’opposition s’efforcerait d’enrichir ce dernier, comme elle l’a fait au Sénat.

Il est toutefois regrettable que le champ de compétences du nouveau Contrôleur général reste imprécis, ne serait-ce qu’en raison des chiffres discordants évoqués pour le nombre de lieux susceptibles d’être contrôlés.

L’idée de créer un Contrôleur général des lieux de privation de liberté n’est pas nouvelle, puisque Mme Elisabeth Guigou, alors Garde des Sceaux, avait déjà lancé des investigations à ce sujet en 1999, et que des rapports avaient été rédigés non seulement par M. Guy Canivet, mais aussi par M. Jacques Floch.

Par ailleurs, il est regrettable que, malgré l’importance des exigences internationales dans ce domaine, le Gouvernement n’ait pas saisi la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur le contenu de ce projet de loi. De même, il aurait été plus sage de reprendre d’emblée les exigences du Protocole facultatif des Nations unies à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

On peut en outre s’interroger sur le caractère effectif du futur contrôle, car les modalités de nomination du Contrôleur général sont perfectibles et l’importance des crédits qui lui seront accordés sera déterminante.

Par ailleurs, le choix de limiter la compétence géographique du Contrôleur général au seul territoire français est contestable, car les Nations unies préconisent d’inclure les espaces qui, à l’étranger, sont placés sous le contrôle militaire du pays concerné.

Les membres du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche proposeront une série d’amendements visant à lever les nombreuses restrictions qui, dans le projet de loi, limitent les pouvoirs du Contrôleur général à de simples constats. En effet, si le fait de dénoncer et de rendre publiques les situations les plus inacceptables est indispensable, il est également nécessaire de donner au Contrôleur général un pouvoir d’injonction pour les atteintes les plus extrêmes aux droits de l’Homme, faute de quoi il sera réduit à l’impuissance. L’effectivité du contrôle dépendra également des conditions de publicité des observations formulées par le Contrôleur général.

Plus généralement, la création de cette institution doit conduire le législateur à s’interroger sur la prolifération, depuis plusieurs années, des autorités administratives indépendantes (AAI), dont il est d’ailleurs impossible d’établir une liste précise et consensuelle. Cette situation devrait conduire à une réflexion profonde sur le rôle du Médiateur de la République, ainsi qu’à la mise en place de mécanismes de coordination de l’activité de ces différentes autorités.

M. Christophe Caresche a estimé que le Médiateur de la République aurait pu assurer les missions que le projet de loi propose de confier au Contrôleur général des lieux de privation de liberté et qu’une telle solution permettrait d’éviter de multiplier les structures administratives. Il a ainsi souligné que cinq institutions étaient déjà compétentes en matière de prisons. Outre le Contrôleur général dont la création est proposée, il s’agit de l’Inspection des services pénitentiaires, du Médiateur de la République, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ou encore du Défenseur des enfants. Il a estimé que, même si leurs missions étaient différentes, la multiplication des organismes intervenant en matière de détention constituait une difficulté pratique pour l’administration pénitentiaire. Il a également ajouté que confier les missions du Contrôleur général au Médiateur de la République permettrait une économie de moyens. En effet, celui-ci dispose d’ores et déjà de moyens importants, alors que la création d’une nouvelle autorité administrative suppose des dépenses nouvelles, ne serait-ce que pour mettre à sa disposition des locaux. Rappelant que certains objectent que les missions de médiation et de contrôle ne peuvent être confondues, il a estimé au contraire que le rapport de M. Guy Canivet admettait qu’un organisme puisse cumuler ces deux missions, ainsi d’ailleurs qu’une fonction d’inspection. Il serait parfaitement envisageable que deux services distincts soient créés au sein de la médiature de la République. Soulignant que l’actuel Médiateur de la République avait accompli un important travail d’expertise sur les compétences de ses homologues étrangers, il a précisé que dans de nombreux pays, la mission de contrôle des lieux de privation de liberté est confiée au Médiateur. Il s’est enfin demandé si le choix du Gouvernement de ne pas étendre les compétences du Médiateur de la République n’était pas lié à la personnalité même du titulaire du poste.

Répondant aux différents orateurs, le rapporteur s’est félicité de constater l’unanimité qui s’est faite sur l’intérêt d’instaurer un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il a aussi rendu hommage aux travaux et rapports rendus sur ce sujet.

Répondant à M. Michel Hunault, il a indiqué que le présent projet de loi est plus ambitieux que l’exemple britannique, dont il a pu se faire une idée précise, lorsqu’il a accompagné le Garde des Sceaux à Londres. Lors de cette visite, l’Inspectrice chef des prisons s’est montrée impressionnée par l’ambition du texte français qui permettra au Contrôleur général, contrairement à son homologue britannique, de contrôler l’ensemble des lieux de privation de liberté et non les seuls établissements pénitentiaires.

Abordant la question des moyens budgétaires, le rapporteur a rappelé qu’elle relève de la loi de finances. Le Garde des Sceaux a indiqué devant le Sénat que les crédits alloués au Contrôleur général seront appelés à croître au cours du temps avec la montée en charge progressive des contrôles. À ce sujet, le rapporteur a rappelé qu’en Grande-Bretagne, lorsque l’Inspecteur chef des prisons a commencé son activité en 1981, il n’était accompagné que de six collaborateurs.

Pour ce qui est de la proposition de créer des contrôleurs régionaux, le rapporteur a émis un avis défavorable, considérant que, si la loi doit fixer avec précision le statut et les garanties d’indépendance du Contrôleur général, elle ne doit en revanche pas enfermer dans des contraintes trop strictes les modalités pratiques d’organisation du contrôle, qui relèvent de la compétence du Contrôleur général, autorité indépendante.

Le rapporteur a rappelé également qu’en matière de pouvoirs d’investigation, le Sénat avait apporté une avancée importante en supprimant l’obligation, contenue dans le projet de loi initial, d’information préalable des autorités responsables du lieu contrôlé.

S’agissant de l’importante question du pouvoir d’injonction, évoquée tant par M. Jean-Jacques Urvoas que par M. Michel Hunault, le rapporteur a indiqué qu’il ressortait clairement des auditions qu’il avait menées qu’il n’était pas souhaitable de doter le Contrôleur général de ce pouvoir. En la matière, la persuasion doit être préférée à la contrainte et la confiance à la conflictualité, sur le modèle britannique. Il a en revanche indiqué avoir déposé un amendement qui instaure une procédure d’urgence et constitue à ses yeux un bon compromis entre cette nécessaire culture de la confiance et la nécessité de mettre un terme rapide aux situations jugées les plus inacceptables.

Le rapporteur a aussi tenu à rappeler que le Contrôleur général aura la possibilité de rendre publics ses avis et recommandations. S’il ne faut sans doute pas rendre cette publication systématique, il est en revanche souhaitable que cette publication soit la plus fréquente possible, car elle constituera un moyen de pression très fort du Contrôleur général sur l’administration.

Répondant à M. Michel Hunault, le rapporteur a rappelé que les règles pénitentiaires européennes sont contenues dans une recommandation du Conseil de l’Europe. Si elles constituent un texte de référence, très largement diffusé par l’administration pénitentiaire, elles n’ont en revanche pas de valeur contraignante en droit français. Elles ont par ailleurs un champ d’application bien moins large que le présent projet de loi.

Répondant à M. Jean-Jacques Urvoas, le rapporteur a indiqué qu’il était souhaitable que le projet de loi ne fournisse pas de liste des lieux de privation de liberté visés par la loi, dans le but de prévenir tout risque d’oubli. Tout lieu où des personnes sont privées de la liberté d’aller et de venir relève de ce cadre. Il en va ainsi des fourgons cellulaires servant aux transfèrements, comme des Centres éducatifs fermés.

S’agissant des opérations extérieures de la France, le rapporteur a indiqué s’être beaucoup interrogé sur cette question. Le projet de loi limite le champ de compétence du Contrôleur général au seul « territoire de la République ». Une telle solution se justifie pour plusieurs raisons : ces lieux sensibles posent des problèmes de sécurité évidents ; la réforme du régime disciplinaire des armées intervenue en 2005 a par ailleurs supprimé les locaux des arrêts ; enfin, la nature même des opérations militaires dans lesquelles l’armée française est engagée, qui sont essentiellement des opérations de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU, rendent ce contrôle inutile puisque dans ce cadre, les conventions prévoient un contrôle international de ces lieux.

Répondant à l’objection relative à la conformité partielle du projet de loi au protocole facultatif de l’ONU, le rapporteur a indiqué que le projet s’inspire très largement des dispositions du protocole et reprend même directement certaines formulations employées. Certains amendements seront défendus qui rapprocheront encore le texte des stipulations du protocole. Pour autant, la loi ne doit pas être la copie du protocole car elle doit tenir compte des spécificités de notre législation. Certaines traductions de termes anglais sont par ailleurs étrangères à notre culture juridique.

Répondant à la critique liée à la multiplication des autorités administratives indépendantes, le rapporteur a estimé que le législateur devrait à terme faire un choix entre une multiplicité d’autorités indépendantes, chargées de veiller au respect des droits fondamentaux dans certains secteurs, et la création d’un réel Ombudsman qui serait chargé de remplir ces différentes fonctions. Le rapporteur a jugé qu’il s’agissait d’un débat important qui ne pouvait être tranché à l’occasion de l’examen de ce texte.

Répondant à M. Christophe Caresche qui s’interrogeait sur l’opportunité de confier la mission de contrôleur au Médiateur de la République, le rapporteur a rappelé que ces deux fonctions sont distinctes, le contrôle étant une évaluation des conditions générales de la privation de liberté alors que la médiation recouvre l’instruction des plaintes individuelles. Il a aussi rappelé que le rapport de M. Guy Canivet préconisait en son temps la création de deux entités distinctes et qu’en Grande-Bretagne, les fonctions de contrôle et de médiation sont distinctes, ces dernières étant assurées par le Médiateur des prisons.

La Commission est ensuite passée à l’examen des articles du projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Statut et champ de compétence du Contrôleur général

Cet article institue le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, dont il précise la mission.

1. Une « autorité indépendante »

Le premier alinéa de cet article qualifie le Contrôleur général des lieux de privation de liberté d’« autorité indépendante ». Le Contrôleur général entre ainsi dans la catégorie générique des « autorités administratives indépendantes » (AAI), dont le rapport établi en juin 2006 par M. Patrice Gélard, Sénateur, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation (17), a rappelé qu’elle recouvrait trois appellations différentes : le législateur a en effet alternativement retenu les appellations d’« autorité administrative indépendante » (pour la majorité d’entre elles : citons, entre autres, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la Commission nationale de déontologie de la sécurité ou la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité), d’« autorité publique indépendante », (telle l’Autorité des marchés financiers, qui dispose de la personnalité juridique) et d’« autorité indépendante » (formulation retenue pour le Médiateur de la République, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et le Défenseur des enfants).

Depuis 1978, date de la création de la CNIL, le législateur a créé de nombreuses autorités administratives indépendantes, tant dans le domaine de la régulation économique que dans celui de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le rapport précité en dénombrant pas moins de trente-neuf. Leur positionnement institutionnel original – elles exercent une autorité administrative tout en échappant au contrôle hiérarchique du Gouvernement – leur confère une grande capacité d’adaptation à leur mission. Leur indépendance est également un facteur de transparence.

Votre rapporteur juge la formulation retenue ici par le projet de loi tout à fait pertinente : le statut d’AAI confère au Contrôleur général des garanties d’impartialité et de capacité de réaction rapide, indispensables en matière de protection des droits fondamentaux, et le choix de la terminologie d’« autorité indépendante » le rapproche du Médiateur de la République et du Défenseur des enfants, autres AAI non collégiales.

Le dernier alinéa de l’article précise les garanties d’indépendance du Contrôleur général qui, « dans la limité de ses attributions, (…) ne reçoit d’instruction d’aucune autorité ». La formulation retenue est identique à celle qui figure à l’article 1er de la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur(18).

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 16) : il permet de couvrir les compétences des autorités judiciaires, tant les juridictions que le ministère public placé près celles-ci, et celles des juridictions administratives, compétentes, notamment, en matière de recours à l’encontre des décisions concernant la vie intérieure en détention, telle qu’une décision de maintien en quartier disciplinaire.

2. Les missions du Contrôleur général

La mission qui est confiée au Contrôleur général est définie de manière très générale : il est chargé de « contrôler les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux ». Cette formulation appelle plusieurs remarques :

—  Ce contrôle s’applique à l’ensemble des « personnes privées de liberté », qu’elles soient détenues dans des établissements pénitentiaires, retenues dans des centres ou locaux de rétention administrative ou dans des zones d’attente, placées en garde à vue ou hospitalisées sans leur consentement.

Lors de l’examen du projet de loi en première lecture par le Sénat, Madame le Garde des Sceaux a indiqué qu’il n’était pas souhaitable de définir avec plus de précision le champ des compétences du Contrôleur général : la ministre a fait valoir qu’il était nécessaire au contraire de maintenir la rédaction la plus large possible, prenant l’exemple de la situation qui prévaut au Royaume-Uni où l’Inspecteur en chef des prisons a pu s’intéresser notamment à la question du suicide en détention, ce qui n’aurait sans doute pas été possible si la rédaction du texte fondant son contrôle avait été trop précise. Votre rapporteur se range à cette opinion, estimant que faire une liste précise tant des lieux visés que de l’objet du contrôle ferait courir le risque fâcheux d’un oubli.

—  Il porte sur les « conditions de (leur) prise en charge », qui comprend notamment les conditions matérielles de privation de liberté, qui sont susceptibles de porter atteinte à la dignité de la personne (salubrité des locaux, conditions d’hygiène, qualité de l’alimentation…), l'application aux personnes privée de liberté de leurs droits, qui varient selon leur statut (droit à la santé, maintien des liens familiaux, droit au travail ou à la formation, exercice effectif des droits de recours administratifs ou judiciaires…) et les rapports entre les personnes privées de liberté et les personnels des structures dont elles relèvent, en particulier au regard de la déontologie professionnelle et des droits de l'homme.

Le contrôle ne porte en revanche pas, ainsi qu’en attestent les débats au Sénat, sur les conditions de travail du personnel pénitentiaire, qui ne sont d’ailleurs pas mentionnées par le protocole de l’ONU.

—  L’objectif du contrôle est de « s’assurer du respect (des) droits fondamentaux » des personnes privées de liberté. Si les personnes concernées sont privées de la liberté d’aller et de venir, elles conservent néanmoins les droits fondamentaux qui sont compatibles avec leur situation de privation de liberté. Ces droits figurent dans le code de procédure pénale, pour ce qui est des détenus et des personnes placées en garde à vue, dans le code de la santé publique, pour les personnes placées en hospitalisation sans leur consentement, et dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers pour les centres et locaux de rétention administrative.

Pour ce qui est du droit des détenus dans les établissements pénitentiaires, le rapport de M. Guy Canivet avait jugé que le droit dont le contrôleur des prisons serait chargé d’assurer l’application restait « encore inachevé », plaidant pour « une nécessaire réforme du droit de la prison ». Il reviendra sans doute à la future loi pénitentiaire d’apporter des précisions sur le statut des détenus, car un contrôle efficace va de pair avec un cadre juridique de référence de qualité. Le même rapport estimait nécessaire de conférer valeur législative à un certain nombre de droits aujourd’hui garantis par des dispositions de nature réglementaire.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Michel Hunault prévoyant, afin de renforcer le rôle du Contrôleur général et de l’inscrire dans une perspective européenne, que celui-ci s’assure du respect, par l’administration pénitentiaire, des règles pénitentiaires établies par le Conseil de l’Europe (RPE). L’auteur de l’amendement a donné pour exemple la nécessité pour le Contrôleur général de s’assurer qu’un chef d’établissement n’abuse pas du « mitard », dont l’usage est désapprouvé par le Conseil de l’Europe.

Votre rapporteur ayant précisé que les règles visées n’avaient pas de force juridique contraignante et rappelé que ces recommandations avaient été largement diffusées aussi bien auprès des personnels pénitentiaires que des détenus, la Commission a rejeté l’amendement.

La Commission a été saisie de deux amendements identiques de suppression du deuxième alinéa de l’article présentés respectivement par votre rapporteur et par M. Jean-Jacques Urvoas. Cet alinéa précise que le Contrôleur général exerce « principalement » son contrôle par des visites sur place. L’article premier définit la mission du Contrôleur général, mission dont les modalités pratiques sont précisées dans les articles qui suivent, et notamment, pour ce qui est des visites sur place, à l’article 6. Il ne donc semble pas opportun d’alourdir cet article premier d’une mention générale sur les modalités du contrôle, qui plus est utilisant l’adverbe « principalement » qui est relativement malheureux dans un texte de loi.

La Commission a adopté ces deux amendements identiques (amendement n° 17). Puis, après avoir rejeté l’amendement rédactionnel n° 1 de M. Jean-Frédéric Poisson, la Commission a adopté l’article 1er ainsi modifié.

Article 2

Conditions de nomination et garanties d’indépendance du Contrôleur général

Cet article définit le mode de nomination du Contrôleur général des lieux privatifs de liberté, la durée de son mandat et le régime des incompatibilités qui lui sont applicables. Lors de son examen du texte en première lecture, le Sénat a utilement complété cet article.

1. Le mode de nomination du Contrôleur général a été modifié par le Sénat

a) Une nomination par décret du Président de la République

Le texte initial du projet de loi prévoyait que le Contrôleur général serait nommé par décret. Le Sénat, à l’initiative de sa commission des Lois, a jugé préférable de préciser que ce décret est signé par le Président de la République. En effet, en vertu de l’article 13 de la Constitution, c’est le Président de la République qui « nomme aux emplois civils et militaires de l’État »(19). Le statut de certaines AAI prévoit d’ailleurs expressément une nomination par décret du Président de la République.

b) L’avis des commissions compétentes du Parlement

Le Sénat a souhaité associer le Parlement à la procédure de nomination du Contrôleur général, conformément aux propositions exprimées pendant la campagne électorale par le président de la République, M. Nicolas Sarkozy, et en s’inspirant du régime qui prévaut pour certaines autorités administratives indépendantes : ainsi, la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, modifiant la loi du 10 février 2000, a prévu que le président de la Commission de régulation de l'énergie est nommé par décret après avis des commissions du Parlement compétentes en matière d'énergie.

Le Sénat a adopté, à l’initiative de sa commission des Lois, un amendement prévoyant un avis préalable de la commission compétente de chaque assemblée, en l'espèce la commission des lois, pour la nomination du Contrôleur général des lieux privatifs de liberté. Cet amendement a reçu un avis défavorable du Gouvernement, non que celui-ci soit en désaccord sur le fond de la proposition sénatoriale, mais au motif que la révision attendue de la Constitution pourrait y donner satisfaction.

La commission a examiné cinq amendements relatifs aux conditions de nomination du Contrôleur général, le premier présenté par M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant que la nomination du Contrôleur général par le Président de la République a lieu sur avis conforme, acquis à la majorité des trois cinquièmes de la commission compétente de chaque assemblée, le deuxième présenté par votre rapporteur disposant que le choix du Contrôleur général est subordonné à ses « compétences et connaissances professionnelles », le troisième également présenté par votre rapporteur prévoyant que cette nomination a lieu « après consultation du Parlement dans les conditions prévues par la Constitution », le quatrième présenté par M. Michel Hunault imposant un avis parlementaire à la majorité des trois cinquièmes, le cinquième présenté par le même auteur précisant les compétences requises pour être désigné Contrôleur général.

M. Jean-Jacques Urvoas a relevé que la procédure qu’il propose garantirait à la fois l’indépendance et la compétence du futur Contrôleur général par le caractère consensuel qu’implique nécessairement le choix d’une majorité qualifiée, ce qui permettrait de dépasser l’assertion de Voltaire selon laquelle « l’amitié d’un grand homme est un bienfait des dieux ».

M. Christophe Caresche s’est interrogé sur les craintes du rapporteur qui pourraient justifier d’inscrire dans le texte, comme il le propose, la subordination de la nomination du Contrôleur général à ses compétences et connaissances professionnelles. Il a ajouté que le calendrier de la révision constitutionnelle était incertain et qu’il était défavorable à la suspension, dans l’intervalle, de la nomination d’un Contrôleur général.

Votre rapporteur, tout en affirmant rejoindre les préoccupations de M. Jean-Jacques Urvoas et de M. Christophe Caresche sur l’indépendance du Contrôleur, a dit sa préférence pour les amendements qu’il propose :

—  Le premier, qu’il a qualifié d’amendement « d’attente », permet de ne pas préjuger de la très prochaine révision constitutionnelle qui pourrait prévoir une procédure d’association du Parlement à certaines nominations, assortie d’une liste d’instances dans laquelle devrait figurer le Contrôleur général − auquel cas il pourrait ne pas être totalement rationnel de définir une procédure spécifique dans cette loi pour la désignation du Contrôleur général.

Le Président de la République a mis en place en juillet dernier un Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, dont la présidence a été confiée à M. Édouard Balladur. Cette commission doit rendre ses conclusions au mois de novembre prochain, dans la perspective d’une révision constitutionnelle qui devrait être adoptée en janvier 2008. Un des axes de sa réflexion concerne le rééquilibrage de nos institutions au profit du Parlement. Dans ce cadre, elle se penche sur la procédure qui pourrait permettre d’associer le Parlement aux nominations les plus importantes effectuées par le pouvoir exécutif.

Dès lors, votre rapporteur estime que fait que le Parlement adopte dans cette loi une procédure qui pourrait ne pas être retenue par le législateur constitutionnel dans quelques mois, induirait une distorsion, facteur d’insécurité juridique, qui pourrait même être de nature à affaiblir paradoxalement le Contrôleur général, dont les conditions de nomination se trouveraient contenues dans la loi et non dans la Constitution.

Votre rapporteur estime que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté doit figurer dans la liste des autorités qui seront nommées en associant la Parlement, selon les modalités qu’il appartiendra au législateur constitutionnel de prévoir.

—  Le deuxième amendement permet de faire référence explicitement aux termes de l’article 18-2 du protocole facultatif de l’ONU, en application duquel « les États parties prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que les experts du mécanisme national de prévention possèdent les compétences et les connaissances professionnelles requises ».

Une telle rédaction est également conforme aux préconisations du rapport de M. Patrice Gélard qui jugeait indispensable que la nomination de personnalités au sein d'une autorité administrative indépendante « soit soumise à des exigences de compétence en rapport direct avec le domaine d'intervention de l'autorité » (recommandation n° 24).

M. Guy Geoffroy a craint que la réserve relative au calendrier constitutionnel n’interdise l’entrée en vigueur rapide d’une loi inscrite à l’ordre du jour de la présente session extraordinaire et fige a priori le travail d’une institution attendue par tous.

M. Dominique Raimbourg a observé que l’amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas non seulement protège et amplifie le rôle du Parlement, ce qui est unanimement souhaité, mais évite aussi tout risque de dérive médiatique au profit d’une personne qui n’aurait pas de compétences professionnelles admises par tous. Il a jugé qu’une modification de la loi serait toujours possible, si jamais la révision devait aboutir après la désignation du premier Contrôleur général.

Le président Jean-Luc Warsmann, après avoir rappelé que l’urgence n’avait pas été déclarée sur le projet de loi qui sera, dès lors, soumis une nouvelle fois aux assemblées en deuxième lecture, a précisé que l’amendement du rapporteur instituant une « consultation du Parlement dans les conditions prévues par la Constitution » présentait un caractère d’attente et qu’il sera toujours possible, si la révision de la Constitution n’est pas acquise au moment où s’achèvera la navette sur le présent projet de loi, d’en tirer les conséquences à l’occasion de la deuxième lecture ou de la réunion de la commission mixte paritaire.

La Commission a rejeté l’amendement de M. Jean-Jacques Urvoas. Puis, elle a adopté les deux amendements de votre rapporteur (amendements nos 18 et 19) et rejeté, en conséquence, les amendements de M. Michel Hunault.

c) La durée du mandat n’a pas été modifiée

La durée du mandat du Contrôleur général est fixée par le projet de loi à 6 ans. Cette durée est conforme aux préconisations du rapport de M. Patrice Gélard sur les AAI qui recommandait d’une manière générale une durée de 6 ans, suffisamment longue pour donner le temps de l’apprentissage de la fonction aux personnes qui en sont titulaires (recommandation n° 22). Tant le Médiateur de la République que le Défenseur des Enfants sont d’ailleurs nommés pour 6 ans.

Le mandat du Contrôleur général n’est pas renouvelable. Là encore, cette disposition, gage de l’indépendance du titulaire de la fonction, est conforme aux recommandations du rapport de l’OPEL et à la pratique, les mandats du Médiateur de la République et du Défenseur des Enfants n’étant pas non plus renouvelables.

Le troisième alinéa de l’article précise qu’il « ne peut être mis fin (aux) fonctions (du Contrôleur général) avant l’expiration de son mandat qu’en cas de démission ou d’empêchement » : le mandat du Contrôleur général est irrévocable, nouvelle garantie de son indépendance. Il appartiendra au décret en Conseil d’État qui sera pris en application de la présente loi de préciser la procédure d’empêchement.

2. Le régime d’incompatibilités a été renforcé

Le texte initial du projet de loi prévoyait que les fonctions de Contrôleur général sont incompatibles avec « toute autre activité professionnelle ou tout mandat électif ». Le Sénat a adopté un amendement de sa commission des Lois qui complète ce régime pour prévoir une incompatibilité « avec tout autre emploi public ». Il s’agit de permettre au Contrôleur général de pouvoir se consacrer entièrement à sa mission. Votre rapporteur ne peut que souscrire à cette proposition sénatoriale.

Il s’agit aussi d’un gage supplémentaire d’indépendance du Contrôleur général : citons l’étude réalisée par Mme Marie-Anne Frison-Roche qui figure en annexe du rapport de M. Patrice Gélard sur les AAI : « Quand bien même les membres de l’autorité auraient la force morale de se détacher d’un intérêt qui les attire d’un côté, l’impartialité et l’indépendance doivent se donner à voir, l’apparence d’un conflit d’intérêt suffisant à compromettre le crédit de l’autorité ».

3. Le Sénat a introduit un régime d’immunité, garantie indispensable de l’indépendance du Contrôleur général

Dans le but de conforter le statut du Contrôleur général, le Sénat a, là encore à l’heureuse initiative de sa commission des Lois, introduit un régime d’immunité du Contrôleur général, précisant que celui-ci « ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions qu’il émet ou des actes qu’il accomplit dans l’exercice de ses fonctions ».

Une telle protection, habituelle s’agissant des autorités indépendantes –  l’article 3 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur comprend une disposition analogue – constitue un nouveau gage d’indépendance du Contrôleur général qui ne pourra craindre les conséquences pour lui des conclusions émises dans le cadre de sa mission.

La Commission a rejeté l’amendement n° 2 rectifié de précision de M. Jean-Frédéric Poisson, puis a adopté l’article 2 ainsi modifié.

Article 2 bis

Régime d’inéligibilité du Contrôleur général

Cet article est issu d’un amendement du rapporteur de la commission des Lois du Sénat. Il complète les articles L. 194-1, L. 230-1, L. 340 du code électoral pour prévoir, comme c’est déjà le cas pour le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants, l'impossibilité pour le Contrôleur général de se porter candidat à un mandat de conseiller municipal, de conseiller général ou de conseiller régional s'il n'exerçait pas l'un de ces mandats antérieurement à sa nomination.

Il apparaît en effet souhaitable que le Contrôleur général ne puisse se prévaloir de ses fonctions à des fins électorales. Le régime d’inéligibilité introduit par le Sénat protège ainsi la fonction du Contrôleur général.

La Commission a adopté l’article 2 bis sans modification.

Article 3

Recrutement de contrôleurs

Le présent article prévoit que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté sera assisté de contrôleurs.

Le Contrôleur général est en effet en charge d’un champ de compétences extrêmement large, qui s’étend à l’ensemble des lieux de privation de liberté, soit environ 5 600 lieux à contrôler sur tout le territoire national, en métropole et outre-mer. Cette nouvelle autorité sera donc dans l’obligation de pouvoir déléguer ses compétences à des contrôleurs qui l’assisteront dans sa mission. La commission présidée par M. Guy Canivet avait d’ailleurs préconisé la mise en place d’un corps autonome de « contrôleurs des prisons », placés sous l’autorité du Contrôleur général.

Le présent article prévoit que le recrutement des contrôleurs sera placé sous la seule responsabilité du Contrôleur général, les conditions dans lesquelles les contrôleurs seront appelés à participer à la mission du Contrôleur général devant être précisées par un décret en Conseil d’État, comme le prévoit l'article 11.

Votre rapporteur tient à insister sur l’importance cruciale des garanties d’indépendance que devront présenter les contrôleurs auxquels le Contrôleur général pourra déléguer ses pouvoirs. Ils devront tout à la fois avoir des compétences dans les domaines se rapportant à la mission du Contrôleur général et présenter toutes les garanties d’indépendance pour éviter tout conflit d'intérêt. Le projet de loi prévoit ainsi que les fonctions de contrôleur sont « incompatibles avec l'exercice d'activités en relation avec les lieux contrôlés »(20). Le Sénat a par ailleurs adopté un amendement présenté par Mme Boumediene-Thiery qui précise que « les contrôleurs sont placés sous la seule autorité du Contrôleur général des lieux de prévention de liberté ».

Il serait sans doute souhaitable que le Contrôleur général s’entoure d'une équipe pluridisciplinaire de contrôleurs dotés d'une expérience professionnelle en matière de prise en charge des personnes au sein des différents types de lieux privatifs de liberté : la complémentarité de leurs compétences conférera à la nouvelle autorité des moyens d’expertise autonomes couvrant tout le champ d’intervention du Contrôleur général.

Les contrôleurs seront recrutés librement par le Contrôleur général. Il pourra s’agir notamment de fonctionnaires placés en position de détachement et de ce fait exclus de toute dépendance hiérarchique vis-à-vis de leur corps d’origine, de contractuels ou même de retraités. Ils pourront exercer leurs fonctions à temps plein ou à temps partiel, à l’image des contrôleurs assistant l’Inspecteur en chef des prisons britannique. Il est dans ces conditions difficile de fixer a priori le nombre des contrôleurs qui devront être recrutés. Lors des débats au Sénat, le Garde des Sceaux a évoqué le recrutement d’une vingtaine de contrôleurs à temps plein que devraient permettre les crédits qui seront alloués au Contrôleur général par le projet de loi de finances pour 2008. Ce nombre sera fonction du statut des contrôleurs recrutés et sera sans doute appelé à s’accroître au cours des années avec la montée en charge progressive des contrôles.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Michel Hunault tendant à instituer des contrôleurs régionaux des lieux de privation de liberté et l’amendement n° 3 de M. Jean-Frédéric Poisson autorisant le Contrôleur général à recourir à tout moment à l’assistance d’experts et d’interprètes. Elle a aussi rejeté un amendement présenté par M. Michel Hunault précisant le rôle et le statut des contrôleurs régionaux, de même que l’amendement n° 4 de M. Jean-Frédéric Poisson interdisant à un contrôleur qui exercerait un emploi public d’exercer sa mission dans la région administrative où il est affecté.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 20) qui apporte plus de souplesse pour le recrutement des contrôleurs, qui pourront être des fonctionnaires en activité dans des administrations n’ayant pas de relation directe avec les lieux contrôlés et qui pourront être recrutés à temps partiel, par exemple.

Après que votre rapporteur eut estimé nécessaire de laisser le dispositif monter en charge en fonction de l’évolution de l’institution, la Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas précisant que le statut, le nombre et les conditions de nomination sont déterminés par décret en Conseil d’État.

La Commission a adopté l’article 3 ainsi modifié.

Article 4

Secret professionnel

Le présent article prévoit que le Contrôleur général et ses « collaborateurs » sont astreints au secret professionnel.

Cette obligation constitue la contrepartie du pouvoir d'information reconnu au Contrôleur général par le projet de loi, le caractère secret des informations et pièces dont il demande communication ne pouvant lui être opposé, sauf exceptions prévues par l’article 6.

La Commission a rejeté un amendement de conséquence présenté par M. Michel Hunault relatif aux contrôleurs régionaux.

Votre rapporteur a estimé utile de préciser la notion de « collaborateurs ». Il a donc déposé un amendement qui distingue clairement les contrôleurs, chargés des visites et auxquels le Contrôleur général délègue ses pouvoirs visés à l’article 6 et les collaborateurs du Contrôleur général, qui constituent notamment son secrétariat, tout en prévoyant que l’ensemble de ces personnes sont astreintes au secret professionnel.

Le Commission a adopté cet amendement (amendement n° 21), ainsi qu’un amendement rédactionnel de votre rapporteur (amendement n° 22).

Les contours de l’obligation de secret professionnel sont précisés par cet article. Le secret professionnel vaut pour les « faits, actes ou renseignements » dont le Contrôleur général, ses collaborateurs et les contrôleurs ont connaissance en raison de leurs fonctions. Le projet de loi prévoit toutefois que le secret professionnel ne doit pour autant pas interdire au Contrôleur général de prendre en compte les « éléments nécessaires à l'établissement des rapports, recommandations et avis », qui sont des instruments majeurs de l'influence de la nouvelle autorité.

Lors de son examen du projet de loi en première lecture, le Sénat a complété ce dispositif en prévoyant que le Contrôleur général « veille à ce qu'aucune mention permettant l'identification des personnes dont le nom lui aurait été révélé ne soit faite dans les documents publiés sous son autorité ». Ce principe selon lequel les données nominatives sont effacées pour protéger l’anonymat des personnes se retrouve dans le statut d’autres autorités indépendantes (21) et figure par ailleurs à l’article 21 du protocole de l’ONU qui stipule que « les renseignements confidentiels recueillis par le mécanisme national de prévention seront protégés ».

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteur qui étend l’obligation d’anonymisation des données contenues dans les rapports annuels publics aux contrôleurs et aux collaborateurs (amendement n° 23).

La Commission a été ensuite saisie d’un amendement rédactionnel présenté par M. Jean-Jacques Urvoas. Après que votre rapporteur eut précisé que cet amendement était satisfait par la rédaction que la Commission venait d’adopter, M. Jean-Jacques Urvoas a retiré son amendement.

La Commission a ensuite rejeté l’amendement n° 5 de portée rédactionnelle de M. Jean-Frédéric Poisson, ainsi que l’amendement n° 6 du même auteur imposant l’anonymisation des cas personnels mentionnés dans les communications orales du Contrôleur, votre rapporteur ayant précisé quil serait favorable à ce dernier amendement sous réserve de sa transformation en sous-amendement à son propre amendement de rédaction globale de l’alinéa 2 de cet article.

La Commission a adopté l’article 4 ainsi modifié.

Article 5

Modalités d’information et de saisine du Contrôleur général

Le présent article définit les conditions dans lesquelles le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut être soit informé de situations relevant de sa compétence, soit directement saisi de telles situations par un nombre déterminé d'autorités.

1. Une information très largement ouverte, mais dont il appartient au Contrôleur général d’apprécier les suites à donner

Le premier alinéa de cet article prévoit la possibilité de « porter à la connaissance du Contrôleur général des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence ».

Cette faculté est ouverte à :

—  « toute personne physique », comprenant évidemment notamment les personnes privées de liberté. À ce titre, le pouvoir réglementaire sera amené à modifier par arrêté l’article A 40 du code de procédure pénale qui fixe la liste des personnes auxquelles les détenus peuvent envoyer des courriers confidentiels, échappant à tout contrôle de l’Administration pénitentiaire, pour y inclure le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ;

—  « toute personne morale s’étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux ». Cette catégorie doit être entendue largement : elle comprend notamment toutes les associations qui veillent au respect des droits des personnes et de leur dignité, les barreaux, ainsi que les syndicats, comme l’a indiqué le Garde des Sceaux lors de l’examen du texte en première lecture au Sénat.

Contrepartie de cette très grande ouverture, cette faculté ne se confond pas avec une saisine proprement dite : elle n'implique pas que l'autorité se prononce sur la situation dont elle est informée. Il appartiendra au Contrôleur général d’apprécier les suites qu’il entendra donner aux informations reçues. Cette disposition est à rapprocher de la possibilité pour le Contrôleur général de s’auto-saisir de faits ou situations portés à sa connaissance, en vertu du deuxième alinéa de l’article.

2. La saisine du Contrôleur général par certaines autorités dont la liste a été étendue par le Sénat

Dans sa rédaction initiale, le deuxième alinéa de cet article réservait le pouvoir de saisine du Contrôleur général au Premier ministre, aux membres du Gouvernement ainsi qu'aux parlementaires. Il est vraisemblable, ainsi que le notait Jean-Jacques Hyest dans le rapport établi au nom de la commission des Lois du Sénat, que les parlementaires vont être, dans les faits, conduits à jouer un rôle de filtre pour les réclamations relatives aux lieux privatifs de liberté, comme tel est aujourd'hui le cas pour la saisine du Médiateur de la République et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

À l’initiative de sa commission des Lois, le Sénat a étendu la saisine du Contrôleur général à d'autres autorités administratives indépendantes chargées de veiller au respect des droits fondamentaux : le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE). Ces autorités, qui peuvent, dans l'exercice de leur propre mission, avoir à connaître de situations concernant des personnes privées de liberté et donc susceptibles de relever à ce titre du Contrôleur général, pourront saisir directement ce dernier. Cette faculté sera de nature à favoriser une articulation efficace de l'action de chacune de ces autorités dans le respect de leur mission respective, c’est un point sur lequel votre rapporteur a été particulièrement attentif.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 24).

Puis elle a été saisie d’un amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas permettant au Contrôleur général de saisir le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Votre rapporteur ayant indiqué qu’il présenterait à l’article 5 bis un amendement permettant au Contrôleur général de saisir le Médiateur de la République, M. Jean-Jacques Urvoas a estimé que l’objectif principal de son amendement était satisfait par celui qui sera présenté par le rapporteur, et a retiré le sien en se proposant de cosigner celui du rapporteur.

La Commission a adopté l’article 5 ainsi modifié.

Article 5 bis

Saisine de la CNDS et du Médiateur de la République par le Contrôleur général

Cet article est issu d’un amendement de la commission des Lois du Sénat : tirant la conséquence de l’amendement adopté, à l’initiative de celle-ci, à l’article 5, il prévoit que, par réciproque, la CNDS pourra être saisie par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

En l’état actuel du droit, la CNDS peut être saisie par trois autorités indépendantes : le Médiateur de la République, le président de la HALDE et le Défenseur des enfants. Le Sénat a donc prévu qu’elle pourrait désormais l’être également par le Contrôleur général qui pourrait avoir à connaître, dans l’exercice de ses propres missions, de situations intéressant la déontologie des forces de sécurité.

Le Sénat a ainsi prévu un système de « saisine croisée » entre le Contrôleur général et la CNDS, répondant ainsi aux préconisations du rapport de l’OPEL (recommandation n° 11).

La Commission a adopté un amendement présenté par votre rapporteur (amendement n° 25), cosigné par M. Jean-Jacques Urvoas, ouvrant la saisine directe du Médiateur de la République au Contrôleur général. Ce dernier n’aura ainsi pas à passer par le « filtre » parlementaire. S’agissant d’une autorité indépendante, dont les contrôles sont complémentaires de ceux du Médiateur avec lequel il entretiendra nécessairement des liens étroits, il est sans doute préférable que la saisine soit directe.

La Commission a ensuite adopté l’article 5 bis ainsi modifié.

Article 6

Pouvoirs d’investigation du Contrôleur général et des contrôleurs

Cet article définit les pouvoirs d’investigation dont dispose le Contrôleur général, qui reposent sur un droit de visite des lieux de privation de liberté et sur un droit d’obtenir des informations.

Le Sénat a par ailleurs adopté un amendement de sa commission des Lois qui précise que le Contrôleur général peut déléguer aux contrôleurs les pouvoirs visés à cet article.

1. Un droit de visite très étendu

Le droit de visite du Contrôleur général est défini de manière très étendue : il peut intervenir à tout moment et concerner tout lieu de privation de liberté.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 26).

a) Un droit de visite limité au « territoire de la République »

La Commission a été saisie d’un amendement, présenté par M. Jean-Jacques Urvoas, étendant le champ de compétence du Contrôleur général à « tous les lieux placés sous la juridiction ou sous le contrôle de l’État », y compris hors du territoire de la République. Son auteur a précisé que cette disposition était conforme aux stipulations du protocole facultatif des Nations Unies contre la torture et permettrait de contrôler, par exemple, les lieux utilisés par les troupes françaises en opération extérieure.

M. Dominique Raimbourg a déclaré partager ce point de vue qui vient d’être exprimé et a fait par ailleurs observer qu’au regard de la rédaction proposée dans le projet de loi, le statut des centres éducatifs fermés (CEF) était incertain, dès lors, d’une part que les jeunes concernés pouvaient être autorisés à en sortir temporairement pour effectuer des mesures de mise à l’épreuve, d’autre part que les centres étaient souvent gérés directement par des associations.

Votre rapporteur a indiqué, en réponse à M. Dominique Raimbourg, que les CEF relèvent de la catégorie des lieux privatifs de liberté. S’agissant des opérations à l’extérieur, votre rapporteur a reconnu qu’il serait nécessaire, au cours des débats en séance publique, d’interroger le Gouvernement sur le champ exact couvert par les termes du premier alinéa de cet article.

Nombreuses ont été les personnes entendues par votre rapporteur qui ont soulevé la question de l’opportunité d’étendre le contrôle aux lieux de privation de liberté placés sous le contrôle des autorités françaises à l’étranger, notamment des bases de l’armée française à l’étranger et les opérations extérieures de la France (« OPEX »).

Votre rapporteur a pu être sensible à certains arguments invoqués devant lui. Il croit pour autant utile de maintenir la restriction du champ du contrôle au territoire de la République et ce pour plusieurs raisons :

—  Il est nécessaire de tenir compte des contraintes particulières de ces lieux, situés souvent dans des zones sensibles. Il est des cas où il pourrait être difficile d'assurer la sécurité du Contrôleur général et de ses équipes.

—  Depuis la réforme du régime disciplinaire des armées, intervenue avec la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires et ses textes d’application (22), il n’y a plus de locaux dans lesquels les militaires sont placés « aux arrêts ». Les arrêts consistent désormais en une interdiction pour le militaire puni de quitter sans autorisation la formation à laquelle il est affecté : il est, hors les heures de service normal, « consigné au quartier ». À titre exceptionnel, lorsque la punition est motivée par une faute révélant un comportement dangereux pour lui-même ou pour autrui, le militaire est placé en isolement après examen médical obligatoire(23).

—  Les opérations dans lesquelles l’armée française est aujourd’hui engagée sont des opérations de maintien de la paix placées sous commandement international sous l’égide de l’ONU, or les conventions internationales prévoient dans ce cadre des dispositifs spécifiques de contrôle des lieux de privation de liberté.

La Commission a rejeté l’amendement.

b) Un droit de visite des lieux où des personnes sont privées de liberté par « décision d'une autorité publique »

Le texte initial du projet de loi prévoyait que le Contrôleur général peut visiter les lieux « où des personnes sont privées de leur liberté par décision d’une autorité publique ».

Le Sénat a adopté un amendement visant à inclure le cas des personnes hospitalisées sur la demande d'un tiers dans des établissements hospitaliers privés en vertu de l'article L. 3222-1 du code de la santé publique. Les personnes hospitalisées sur demande d'un tiers sont effectivement privées de liberté et les lieux destinés à les accueillir doivent à ce titre relever du Contrôleur général.

La loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation fixe les deux régimes de l’hospitalisation sous contrainte : l’hospitalisation d’office, prononcée en cas de troubles à l’ordre public, et l’hospitalisation sur demande d’un tiers.

L’hospitalisation d’office est prononcée par le représentant de l’État dans le département à l’encontre de personnes « dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public ». L’hospitalisation d’office, qui fait intervenir une décision d’une autorité publique, relève donc du contrôle établi par le projet de loi en application du premier aliéna de cet article.

Il en va différemment de l’hospitalisation sur la demande d’un tiers (HDT) : dans ce cas, la demande d’admission est présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci. Une HDT peut être réalisée dans deux types d’établissements : l’article L3221-1 du code de la santé publique distingue ainsi les secteurs psychiatriques rattachés aux établissements de santé publics ou privés assurant le service public hospitalier et les établissements de santé privés. Dans ces derniers établissements, une HDT est prononcée sans qu’aucune autorité publique n’ait eu à en décider. Il était donc nécessaire de mentionner expressément ce cas dans la loi.

La phrase ajoutée par le Sénat fait donc référence à l’article L. 3222-1 du code de la santé publique qui dispose : « Dans chaque département, un ou plusieurs établissements sont seuls habilités par le représentant de l’État dans le département à soigner les personnes atteintes de troubles mentaux qui relèvent des chapitres II [hospitalisation sur demande d’un tiers] et III [hospitalisation d’office] du titre Ier du présent livre ».

Il est en effet souhaitable que la compétence du Contrôleur général soit étendue à tous les établissements de santé habilités à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement, qu’ils soient publics ou privés. Ce n’est pas la nature de l’établissement qui l’emporte, mais la violation de la liberté qui lui est faite par l’hospitalisation sous contrainte. Un tel ajout est par ailleurs conforme à l’article 4 du protocole de l’ONU qui vise les personnes privées de liberté « sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite ».

c) Des visites planifiées ou inopinées, sans information préalable systématique des autorités responsables du lieu

Le texte initial du projet de loi prévoyait une information préalable de l'autorité responsable du lieu de privation de liberté. Le projet ne fixant aucun délai particulier pour cette information, celle-ci pouvait être faite dans un temps très court précédant la visite. Il prévoyait par ailleurs que le principe d'une information préalable serait écarté lorsque des « circonstances particulières » l'exigent.

Le Sénat a supprimé ce principe de l’information préalable des autorités responsables du lieu : il s’agit de laisser au Contrôleur général toute latitude de choix entre visites planifiées et visites inopinées.

La plupart des personnes entendues par votre rapporteur s’accordent à estimer nécessaire de laisser au Contrôleur général une large palette de moyens de contrôle : les visites inopinées comme les visites préparées ont leur utilité. D’ailleurs au Royaume-Uni, l’Inspecteur en chef des prisons procède aux deux sortes de contrôle dans une proportion équivalente.

Les visites préparées permettent la communication de documents et donc une visite plus approfondie. Les visites inopinées permettront au contrôleur général, à l’instar des parlementaires, de se rendre à l’improviste dans les lieux de privation de liberté et de percevoir la réalité des conditions de détention sans suspicion de visite arrangée.

Il appartiendra au Contrôleur général de définir les conditions de ces visites et de missionner les différents contrôleurs. Pour autant, votre rapporteur jugerait utile l’envoi d’équipes pluridisciplinaires, ce permet de répartir entre plusieurs contrôleurs les tâches correspondant à leurs compétences respectives.

Au Danemark, les inspections planifiées font l’objet d’une longue préparation en amont, les établissements devant transmettre de nombreux documents relatifs aux locaux et aux personnes qui s’y trouvent. Les visites durent plusieurs jours et sont menées par une équipe d’au moins quatre inspecteurs, chacun d’entre eux ayant une tâche prédéfinie. Ils ont accès à tous les documents nécessaires à leur contrôle. À la fin de chaque inspection, une réunion de debriefing a lieu avec la direction de l’établissement qui offre l’occasion aux inspecteurs de donner un premier avis d’ensemble sur leur inspection, sans attendre la publication du rapport de visite quelques mois plus tard.

Au Royaume-Uni, l’inspecteur en chef des prisons procède à différentes sortes de visites : l’inspection complète et annoncée, qui dure au minimum une semaine, les inspections courtes (2-3 jours) et inopinées permettent d’évaluer le suivi des recommandations faites lors de la dernière inspection complète, mais aussi les inspections complètes non annoncées lorsque des renseignements lui sont parvenus (24).

La Commission a été saisie d’un amendement présenté par M. Michel Hunault autorisant le Contrôleur général à exercer son contrôle sans préavis, ni autorisation préalable. Votre rapporteur ayant rappelé que le Sénat avait supprimé toute procédure d’information préalable et permis, ainsi, l’organisation de visites inopinées, l’amendement a été retiré par son auteur.

d) Les motifs de report de visite

Le deuxième alinéa de l’article 6 prévoit que les autorités responsables du lieu de privation de liberté peuvent s'opposer à la visite du Contrôleur général pour des motifs qui sont précisément fixés et uniquement de manière temporaire, la visite n’étant que reportée. Les motifs qui peuvent être invoqués sont des motifs « graves ». Ils sont liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l'établissement concerné. Cette liste reprend les termes de l'article 14-2 du protocole facultatif des Nations unies applicable aux visites du sous-comité de prévention et qui précise que « l’objection à la visite d’un lieu de détention déterminé » suppose des « raisons pressantes et impérieuses liées à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles graves là où la visite doit avoir lieu ».

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas supprimant la possibilité pour les autorités responsables d’un lieu de privation de liberté de s’opposer à la visite du Contrôleur général pour des motifs graves liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l’établissement où la visite doit avoir lieu.

L’auteur de l’amendement a estimé que la notion de « troubles sérieux » figurant dans le projet de loi était suffisamment imprécise pour justifier tout refus de visite du Contrôleur général et qu’en conséquence, il était plus efficace de lever toutes les limites imposées, laissant à la libre appréciation du Contrôleur général l’opportunité d’effectuer sa visite.

M. Christophe Caresche, souhaitant éviter d’inscrire dans la loi des dispositions superfétatoires, a fait remarquer que les réticences compréhensibles de l’administration pénitentiaire à l’encontre des visites du Contrôleur général ne devaient pas se traduire par des dispositions législatives qui encadreraient par trop sa mission. En tout état de cause, ce dernier devrait disposer de suffisamment de compétences et de connaissances professionnelles pour ne pas intervenir, par exemple en cas de mutinerie.

M. Dominique Raimbourg, après avoir indiqué que le directeur de l’administration pénitentiaire, auditionné à l’occasion de l’examen du présent projet de loi, s’était déclaré tout à fait favorable à l’action du Contrôleur général, a souligné qu’il n’avait émis de réserve qu’à l’encontre des plans d’intervention d’urgence de l’administration pénitentiaire en cas d’émeute dans la prison, dont le caractère secret devait être maintenu. Il a relevé, en outre, que certains lieux de détention, comme celui situé dans une base sous-marine, doivent rester soumis au secret de la défense nationale. Il a jugé qu’en conséquence le hiatus entre la généralité du texte proposé et le peu d’hypothèses justifiant des exceptions mériterait d’être résorbé.

Votre rapporteur, après avoir relevé qu’il avait entendu les inquiétudes exprimées par M. Jean-Jacques Urvoas mais aussi par nombre de ses interlocuteurs lors des auditions préparatoires, a estimé souhaitable de préciser le texte du projet de loi en prenant appui sur les termes de l’article 14-2 du protocole facultatif des Nations Unies précité et en disposant que les motifs pouvant justifier un report d’une visite du Contrôleur général doivent être non seulement « graves », mais aussi « impérieux ». Il a ajouté que le rôle du Contrôleur général n’est, en aucun cas, de faire cesser des troubles de cet ordre en faisant office de médiateur entre détenus et administration pénitentiaire et doit s’inscrire, au contraire, dans une mission plus globale d’amélioration des conditions de détention.

Après avoir fait remarquer que le Sénat a supprimé toute restriction relative aux plans d’intervention d’urgence, votre rapporteur a jugé que l’ensemble des autres secrets devaient être maintenus dans le texte. La défense nationale sera à n’en pas douter rarement invoquée : elle pourra l’être, notamment, sur les bases militaires au moment des manœuvres de sous-marins nucléaires. Le report pour préservation de la sécurité publique trouvera à s’appliquer par exemple en cas de manifestation se déroulant aux abords immédiats d’un lieu de privation de liberté. Les cas de catastrophes naturelles, telle que l’inondation de la maison d’arrêt d’Arles en 2003 pourront aussi se produire. Les « troubles sérieux dans l’établissement concerné » recouvriront notamment, ainsi que l’a indiqué le Garde des Sceaux au Sénat les cas de mutinerie ou de refus de retour de promenade dans les établissements pénitentiaires. Dans ces cas, les personnels seront mobilisés pour régler l’incident et seront peu disponibles pour recevoir le Contrôleur général.

La Commission a rejeté l’amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas, puis elle a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 27) ainsi qu’un amendement du même auteur précisant que les troubles susceptibles d’empêcher la visite du Contrôleur général doivent être « impérieux » (amendement n° 28).

Elle a rejeté l’amendement n° 7 de M. Jean-Frédéric Poisson, puis adopté un amendement rédactionnel présenté par votre rapporteur (amendement n° 29).

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur précisant les conditions du report de visite. M. Jean-Jacques Urvoas a regretté que l’initiative du Contrôleur général puisse être bridée par les éventuelles réticences des responsables de lieu de privation de liberté. Votre rapporteur soulignant de nouveau l’avancée que représenterait de ce point de vue l’adoption de son amendement, la Commission l’a adopté (amendement n° 30). La Commission a rejeté, en conséquence, l’amendement n° 8 de M. Jean-Frédéric Poisson prévoyant que le Contrôleur général retrouve son droit de visite dès que les circonstances à l’origine des troubles graves ont cessé, ainsi que l’amendement n° 9 du même auteur organisant la transmission d’informations au Contrôleur général durant les troubles.

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 31 et 32), avant de rejeter l’amendement n° 10 de M. Jean-Frédéric Poisson.

2. Droit d’obtenir des informations

Le droit d’information du Contrôleur général comprend deux éléments : d’une part, les autorités responsables du lieu privatif de liberté doivent lui fournir les informations ou précisions utiles à l'exercice de sa mission et d’autre part, le Contrôleur général pourra s'entretenir, dans des conditions garantissant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire.

a) L’obligation faite aux autorités de transmettre au Contrôleur général toute information utile

Cet article prévoit que les autorités responsables du lieu privatif de liberté fournissent au Contrôleur général les informations ou précisions utiles à l'exercice de sa mission. Cette disposition a été précisée par le Sénat qui a adopté un amendement de M. Jean-René Lecerf substituant le terme « obtient » à celui de « reçoit », marquant bien l’obligation faite aux autorités responsables des lieux de fournir effectivement les documents demandés.

Le quatrième alinéa de cet article précise cependant que certaines informations ne pourront lui être transmises dès lors que leur divulgation serait susceptible de porter atteinte à un certain nombre de secrets, limitativement énumérés. Il s’agit du secret de la défense nationale, de la sûreté de l'État, du secret de l'enquête et de l'instruction, du secret médical et du secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client. Le texte initial du projet de loi mentionnait également la « sécurité des lieux de privation de liberté », mais le Sénat l’a supprimé, estimant à juste titre qu’il pourrait être invoqué trop largement et priverait le Contrôleur général d’informations très précieuses.

Votre rapporteur tient cependant à souligner qu’en l’espèce, si le Contrôleur général demande par exemple la communication des plans des établissements visités, documents éminemment confidentiels, ces plans ne devront pas pouvoir être reproduits, mais seulement consultés sur place pour l’exercice du contrôle. Cette disposition doit par ailleurs être rapprochée de l’obligation de secret professionnel à laquelle sont astreints le Contrôleur général, ses collaborateurs et les contrôleurs en application de l’article 4 du projet de loi.

Le secret de la défense nationale pourrait être invoqué pour justifier la non-divulgation de plans de bases militaires de la France. La sûreté de l'État pourrait l’être en matière de terrorisme. Le secret de l'enquête et de l'instruction, garanti par l’article 11 du code de procédure pénale qui dispose : « Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète », s’oppose notamment à la communication des pièces de la procédure lors d’une garde à vue, par exemple. Il ne devrait en revanche pas être opposé pour la communication du registre des gardes à vue, qui contient des informations utiles au contrôle (heure de placement en garde à vue, visite d’un médecin, heure des repas…). Le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client est lui aussi garanti par le code de procédure pénale.

La Commission a été saisie d’un amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas supprimant toute limitation à la communication des informations et pièces dont le Contrôleur général demande la transmission. Son auteur a précisé que le secret professionnel auquel est soumis le Contrôleur général suffit à garantir les droits des personnes concernées au regard, notamment, du secret médical.

Votre rapporteur, s’appuyant sur l’avis des spécialistes auditionnés par lui à l’occasion de la préparation de son rapport, s’est déclaré défavorable à cet amendement au motif qu’il paraît inopportun de porter atteinte, de quelque manière que ce soit et sans plus de précaution, au secret médical. Il a ajouté que les autres cas prévus dans le projet de loi, tels que le secret de la défense nationale ou le secret de l’instruction ou encore le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client méritent également d’être protégés.

La Commission a rejeté l’amendement de M. Jean-Jacques Urvoas ainsi qu’un amendement présenté par M. Michel Hunault imposant au Contrôleur de respecter ces différents secrets, sans que ceux-ci puissent donc lui être opposés.

Elle a adopté deux amendements rédactionnels (amendements nos 33 et 34) du rapporteur.

Elle a examiné un amendement présenté par M. Michel Hunault autorisant la levée du secret médical sous réserve du consentement libre et éclairé de la personne concernée.

Votre rapporteur estime que le secret médical est sans doute celui des secrets mentionnés à cet article qui pose le plus de difficulté, tant il pourrait limiter la portée du contrôle, notamment dans le cadre de la visite des établissements psychiatriques. S’agissant cependant d’un secret qui protège la personne privée de liberté et qui conditionne, selon les praticiens eux-mêmes, le bon exercice des soins, il convient de ne pas autoriser sa levée dans cette loi.

Certes, tant le Comité européen de prévention de la torture que le Bureau du Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe plaident pour la levée du secret médical. Comme l’a indiqué à votre rapporteur M. Xavier Ronsin, le comité européen de prévention de la torture (CPT) a souvent considéré dans ses rapports d'inspection que le secret médical ne devait pas lui être opposable, aux motifs que l'accès au dossier médical et aux données à caractère médical lui était nécessaire pour constater voire prévenir tout mauvais traitement.

En revanche, le rapport Canivet, quant à lui, ne préconisait pas la levée du secret médical, jugeant que « les contrôleurs ont le pouvoir d’obtenir communication de tous documents ou dossiers utiles à l’exécution de leur mission (…) sous la seule réserve du respect du secret professionnel médical ».

De même, le docteur Roland Coutanceau, également entendu par votre rapporteur estime que la levée du secret médical est dangereuse et de peu d’utilité pour le contrôle. Il estime que le dossier en lui-même informera peu les contrôleurs. Ce serait mettre à mal un principe fondamental pour les médecins pour peu de résultats concrets. Si le Contrôleur général suspecte de mauvais traitements, il saisira le procureur qui diligentera une expertise.

Votre rapporteur estime que l’importante question de la levée du secret médical, qui dépasse largement le cadre de ce projet de loi, ne doit pas être réglée trop hâtivement et nécessite une vaste réflexion. Il juge donc plus prudent de ne pas remettre en cause ce principe.

M. Michel Hunault a alors estimé que le rejet quasi systématique des amendements présentés risquait de ne pas donner au texte la consistance suffisante, seule susceptible de répondre à des attentes qui s’expriment depuis plus de dix ans à travers nombre de rapports et de propositions. Il a exprimé sa crainte que cette attitude limite le rôle du Contrôleur général à celui d’un simple visiteur de prison, sans pouvoir réel de sanction et d’injonction, et ne pouvant s’appuyer sur des règles internationales et européennes, au détriment in fine de la dignité des personnes enfermées, à l’encontre desquelles la privation de liberté devrait être la seule sanction admissible.

Votre rapporteur a rappelé que les missions définies par le projet de loi n’étaient pas limitées à celle décrite par l’auteur de l’amendement et que le nombre d’amendements adoptés au Sénat et proposés par lui ne permettait pas de conclure à l’absence de renforcement du rôle du Contrôleur général. De surcroît, il a remarqué que le représentant du Conseil de l’Europe qu’il avait auditionné avait fortement souligné que l’attribution aux contrôleurs des prisons d’un pouvoir d’injonction − qui n’est d’ailleurs pas prévu par les textes internationaux − conduit inéluctablement, à l’expérience, à des situations de blocages rendant impossible l’exercice de toute mission de contrôle à l’intérieur des prisons et que seule la concertation entre tous les acteurs peut se révéler efficace. Il a conclu son propos en rappelant que le présent projet de loi, par le champ couvert par le Contrôleur général, s’étendait bien au-delà de ce qui est prévu par nombre de textes en vigueur dans les pays européens.

La Commission a rejeté l’amendement de M. Michel Hunault.

b) Le droit de s’entretenir confidentiellement avec toute personne de son choix

Le Contrôleur général pourra s'entretenir, dans des conditions garantissant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire, ce qui comprend bien évidemment les personnes privées de liberté.

Cette disposition est conforme à l'article 20 du protocole facultatif des Nations unies, qui prévoit la « possibilité de s'entretenir en privé avec les personnes privées de liberté, sans témoins, soit directement, soit par le truchement d'un interprète si cela paraît nécessaire (...) ».

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Michel Hunault relatif à l’institution de contrôleurs régionaux, puis adopté l’article 6 ainsi modifié.

Article 7

Suites données aux visites

Cet article précise les suites données aux visites des lieux de privation de liberté par le Contrôleur général.

Il prévoit que le Contrôleur général fait connaître ses observations au ministre responsable du lieu visité sur « l'état, l'organisation ou le fonctionnement » de celui-ci. Le Sénat a, à l’initiative du groupe Socialiste, utilement ajouté à cette énumération « la condition des personnes privées de liberté ».

Cet article prévoit en outre que le ministre peut formuler des réponses aux observations du Contrôleur général, qui sont annexées au rapport de visite. Le Sénat a adopté un amendement de M. Jean-René Lecerf qui vise à préciser que ces réponses sont obligatoires si le Contrôleur général en fait la demande expresse.

La Commission a adopté un amendement de précision (amendement n° 35) du rapporteur ainsi qu’un amendement du même auteur (amendement n° 36) prévoyant que les observations formulées par les ministres en réponse au Contrôleur général pourront l’être soit sur demande expresse de ce dernier soit lorsqu’ils l’estimeront utile.

Votre rapporteur a présenté un amendement ayant pour objet de créer une procédure d’urgence, permettant au Contrôleur général de communiquer sans délai aux autorités compétentes ses observations en cas de constat de violations graves des droits fondamentaux de personnes privées de liberté et de fixer à ces autorités un délai de réponse. Il a expliqué que le Contrôleur général, dans le cadre de cette procédure, bénéficiera d’un droit de suite, afin de vérifier que la violation constatée a cessé et pourra également rendre publiques ses observations, ainsi que les réponses reçues. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 37).

Lors de son examen du texte en première lecture, le Sénat a complété cet article par deux alinéas prévoyant expressément l'obligation pour le Contrôleur général de dénoncer, d'une part, au procureur de la République, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, les infractions pénales constatées et, d'autre part, à l'autorité administrative, les fautes disciplinaires parvenues à sa connaissance dans l'exercice de sa mission.

M. Jean-Jacques Urvoas a présenté un amendement supprimant la disposition prévoyant que le Contrôleur général doit porter sans délai à la connaissance du procureur de la République les faits laissant présumer l’existence d’une infraction pénale dont il aurait connaissance, cette précision semblant inutile au regard de la jurisprudence constante du Conseil d’État. Après que votre rapporteur eut fait observer que cette précision figurait dans le statut des autres autorités administratives indépendantes et qu’elle reprenait par ailleurs une recommandation du rapport de la mission présidée par M. Guy Canivet  (25) et jugé par conséquent préférable de l’introduire dans le présent projet de loi, l’amendement a été retiré par son auteur.

M. Jean-Jacques Urvoas a présenté un amendement tendant à confier au Contrôleur général un pouvoir d’injonction en cas d’atteinte aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Il a rappelé que la crédibilité de la plupart des autorités administratives indépendantes dépend de leur pouvoir d’injonction et que le sénateur Patrice Gélard, dans son rapport au nom de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation sur les autorités administratives indépendantes, préconisait également de confier à ces autorités un pouvoir de prescrire.

Votre rapporteur ne croit pas qu’il faille donner au Contrôleur général un pouvoir d’injonction, rejoignant ainsi le jugement porté par M. Jean-Jacques Hyest au Sénat, qui a qualifié cette suggestion de « fausse bonne idée ». Certaines personnes entendues lors des auditions préparatoires ont certes plaidé pour que la loi confère un réel pouvoir d’injonction du Contrôleur général : l’Association nationale des juges de l’application des peines a ainsi regretté que le Contrôleur général ne puisse contraindre dans un certain délai à la résolution des dysfonctionnements qu’il aura soulignés. À l’inverse, M. Markus Jaeger du Bureau du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe s’est montré très défavorable au pouvoir d’injonction, jugeant qu’une relation de confiance avec l’administration est préférable. Doter le contrôleur général d’un pouvoir d’injonction serait même totalement contre-productif à ses yeux.

L’existence du Contrôleur général ne remplacera pas l’action normale des autorités en charge des différents lieux de privation de liberté : il contrôlera les conditions générales de prise en charge des détenus, adressera des recommandations au Gouvernement et contrôlera leur mise en œuvre, mais c’est au Gouvernement de prendre ses responsabilités. Au Royaume-Uni, les recommandations de l’Inspecteur en Chef des prisons, qui ne dispose pas du pouvoir d’injonction, sont suivies à près de 80 % dans un délai de 2 ans, celles qui ne sont pas exécutées l’étant le plus souvent par faute de moyens.

Pour reprendre la distinction opérée par M. Claude d’Harcourt, directeur de l’administration pénitentiaire, le Contrôleur général sera chargé d’un « contrôle-évaluation » et non d’un contrôle-sanction. Le contrôleur fournira des données objectives à l’administration qui en a besoin « une sorte d’étalon-or de la situation dont la société a besoin pour progresser ». L’inspiration de ce contrôle est proche à ses yeux de celle qui a présidé à l’adoption de la LOLF (26) : une évaluation de la performance par la confrontation des résultats obtenus et des moyens alloués. Mais en dernier ressort, ce sont les autorités publiques chargées des lieux de privation de liberté qui restent responsables.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite rejeté deux amendements n° 11 et n° 12 de M. Jean-Frédéric Poisson imposant de tenir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté informé des suites données à son intervention, d’une part lorsqu’il avise le procureur de la République de faits laissant présumer l’existence d’une infraction, d’autre part lorsqu’il saisit les autorités ou personnes investies du pouvoir disciplinaire de faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

La Commission a alors adopté l’article 7 ainsi modifié.

Article 8

Avis et recommandations

Cet article précise que le Contrôleur général émet des avis, formule des recommandations et peut proposer au Gouvernement des modifications de nature législative ou réglementaire.

Cet article confère au Contrôleur général la faculté, définie très largement, d'émettre des avis et de formuler des recommandations aux autorités publiques. Il précise par ailleurs qu’il peut proposer au Gouvernement des modifications des textes applicables aux lieux de privation de liberté.

Les dispositions de cet article sont conformes aux stipulations de l’article 19 du protocole facultatif des Nations unies qui prévoit que le mécanisme national de prévention, d'une part, formule des recommandations à l'intention des autorités publiques et d'autre part, présente des « propositions et des observations au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi ».

La Commission a adopté un amendement de précision (amendement n° 38) de votre rapporteur. Elle a ensuite été saisie d’un amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant que le Contrôleur général pourrait proposer des modifications des dispositions applicables aux lieux de privation de liberté non seulement au Gouvernement mais également aux parlementaires. Après que votre rapporteur eut signalé que, dans le silence de la loi, le Contrôleur général pourra s’il le souhaite tenir informé les parlementaires de toutes les modifications qu’il proposera au Gouvernement, la Commission a rejeté cet amendement.

La portée du pouvoir du Contrôleur général est considérablement renforcée par la possibilité qu’il a de rendre publics ses avis, ses recommandations ou ses propositions de modification des textes applicables, cette faculté devant cependant s’entendre sous réserve du respect du secret professionnel posé par l'article 4 du projet de loi. La publication de ces avis et recommandations devra être précédée d’une simple « information » des autorités responsables des lieux, qui ne pourront pas s'y opposer. Elles joindront simplement leurs observations au document publié par l'autorité indépendante, la simple faculté prévue par le projet de loi ayant été rendue obligatoire par le Sénat, dans l'intérêt des administrations elles-mêmes.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas tendant à rendre systématique la publicité des avis, recommandations, propositions et observations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, votre rapporteur ayant émis le souhait que toute latitude soit laissée au Contrôleur général en matière de publicité de ses travaux.

Le dernier alinéa de cet article prévoit que le Contrôleur général ne peut pas intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien fondé d'une décision juridictionnelle. Il s'agit ici d'éviter toute interférence des interventions de l'autorité indépendante dans les procédures judiciaires. Une disposition analogue est contenue à l’article 11 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur.

M. Jean-Jacques Urvoas a présenté un amendement ayant pour objet de supprimer cette précision, son auteur ayant estimé qu’elle est superflue au regard du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Votre rapporteur s’en étant remis à la sagesse de la Commission, cette dernière a adopté l’amendement (amendement n° 39).

La Commission a alors rejeté deux amendements de M. Jean-Frédéric Poisson n° 13 et n° 14 ainsi qu’un amendement du rapporteur devenus sans objet en raison de l’adoption du précédent amendement.

La Commission a adopté l’article 8 ainsi modifié.

Article 9

Rapport annuel public

Le présent article prévoit que le Contrôleur général remettra chaque année un rapport d’activité au Président de la République et au Parlement et que ce rapport sera rendu public. Il n’a pas été modifié par le Sénat lors de son examen du texte en première lecture.

Il s’agit d’une disposition habituelle pour les autorités administratives indépendantes(27) et qui répond aux exigences internationales (28).

Pour reprendre la terminologie employée par le rapport établi par M. Patrice Gélard, le Contrôleur général dispose d’un « pouvoir juridique de savoir », qui lui permet d’obtenir des informations des administrations et des professionnels concernés, doublé d’un « pouvoir de faire savoir » au moyen de son rapport annuel qui sera rendu public et de toutes interventions qu’il souhaitera voir relayées dans les médias.

La Commission a rejeté l’amendement n° 15 de M. Jean-Frédéric Poisson prévoyant une présentation du rapport d’activité annuel du Contrôleur général des lieux de privation de liberté aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant une communication de ce rapport au Parlement suivie d’un débat et permettant au Contrôleur général d’être entendu à sa demande par les commissions compétentes des deux assemblées, votre rapporteur ayant fait valoir que, dans le silence de la loi, la commission des Lois pourra, si elle le décide, entendre le Contrôleur général.

La Commission a adopté l’article 9 sans modification.

Article 9 bis

Coopération avec les organismes internationaux compétents

Cet article est issu d’un amendement de la commission des Lois du Sénat. Il prend acte du fait que la mise en place du Contrôleur général s'inscrit dans le cadre des engagements internationaux de la France et prévoit expressément que le Contrôleur général coopère avec les organismes internationaux compétents, à savoir le sous-comité de la prévention prévu par le protocole facultatif des Nations unies contre la torture et le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants (CPT).

La Commission a adopté l’article 9 bis sans modification.

Article 10

Moyens de fonctionnement

Le présent article précise les conditions de l’indépendance financière du Contrôleur général, prévoyant qu’il gère les crédits nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

1. Une autonomie financière renforcée

Le Sénat a adopté un amendement de sa commission des Lois qui conforte l'autonomie financière du Contrôleur général, gage de son indépendance.

Cet amendement :

—  précise que les crédits du Contrôleur général seront rattachés au programme « coordination du travail gouvernemental » de la mission « direction de l'action du Gouvernement », à l’instar du dispositif prévu pour d'autres AAI comme le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le CSA ou la CNDS. Un tel rattachement, s’il permet de souligner la vocation interministérielle de la mission du Contrôleur général, n’est pas totalement satisfaisant. Il serait sans doute meilleur de regrouper les différentes AAI au sein d’une mission spécifique, pour réaffirmer leur indépendance et éviter qu’elles ne subissent des restrictions de crédits en cours d’exercice, du fait de la fongibilité des crédits au sein d’un même programme.

—  précise que les comptes du Contrôleur général ne font pas l’objet de l’application des dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées, consacrant l’indépendance de gestion de ses crédits sur le modèle des dispositions retenues pour les autres AAI. Le Contrôleur général sera l’ordonnateur principal de ses dépenses et utilisera son budget globalisé en fonction de ses besoins. Pour autant, si ses comptes ne seront pas soumis au contrôle a priori d'un contrôleur financier du ministère chargé des finances, ils doivent être contrôlés a posteriori par la Cour des comptes.

2. La question des moyens budgétaires qui seront alloués au Contrôleur général, gages de son indépendance fonctionnelle

Une autorité n’est totalement indépendante que si elle dispose de moyens suffisants pour exercer ses missions. Ainsi, les moyens budgétaires et humains dont elle dispose déterminent son indépendance fonctionnelle, c'est-à-dire la mise en œuvre rapide et efficace des prérogatives qu’elle tient de son statut.

Lors de l’examen du projet de loi au Sénat, Madame le Garde des Sceaux a indiqué qu’une dotation financière de 2,5 millions d'euros devrait être prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008. Cette enveloppe devrait permettre au Contrôleur général de recruter, dans un premier temps, une vingtaine de contrôleurs et de bénéficier de locaux propres à les accueillir. Votre rapporteur ne peut que souhaiter un accroissement de ces crédits propre à accompagner la montée en puissance des contrôles qu’effectueront le Contrôleur général et les contrôleurs qui l’assisteront.

La Commission a rejeté un amendement de M. Michel Hunault ayant pour objet d’allouer 5 millions d’euros au Contrôleur général des lieux de privation de liberté en raison des difficultés que pose cet amendement au regard de l’article 40 de la Constitution.

La Commission a adopté l’article 10 sans modification.

Article 11

Décret en Conseil d’État

Cet article précise que les conditions d’application de la loi seront précisées par décret en Conseil d’État.

Ce décret devra tout particulièrement préciser les conditions dans lesquelles les contrôleurs seront appelés à participer à la mission du Contrôleur général.

La Commission a adopté l’article 11 sans modification.

Article additionnel après l’article 11

[art. L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile]



Coordination

Votre rapporteur a présenté un amendement supprimant la mention de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente (CRAZA) de la liste des instances qui, en vertu de l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, doivent joindre leurs observations au rapport du Gouvernement au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration.

Il a précisé que cette commission a été instituée par l'article 54 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, mais que, lors de l'adoption du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en 2006, cette disposition de nature réglementaire a été déclassée, l’existence de la Commission étant désormais fondée sur le décret n° 2005-616 du 30 mai 2005.

Votre rapporteur a indiqué que la CRAZA devrait être supprimée dès lors que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté sera en mesure d’exercer effectivement ses missions de contrôle dans les centres et locaux de rétention administrative et dans les zones d’attente et qu’il était donc cohérent de supprimer la disposition législative faisant référence aux observations formulées par cette commission. Il a indiqué que l’amendement avait recueilli un avis favorable du président de cette commission.

La Commission a adopté cet amendement portant article additionnel (amendement n° 40).

Article 12

Application des dispositions du projet de loi dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie

Conformément au principe de spécialité législative auquel sont soumises certaines collectivités ultramarines, cet article précise que les dispositions du projet de loi sont applicables à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Ces dispositions s’appliqueront également, et sans qu’il soit besoin de le préciser dans la loi, dans les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin pour lesquelles, depuis l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, la matière pénale relève – parmi d’autres –du principe de l’assimilation législative.

La Commission a adopté l’article 12 sans modification.

La Commission a enfin adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi, adopté par le Sénat, instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (n° 114), modifié par les amendements figurant au tableau comparatif.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de référence

___

Texte du projet de loi

___

Texte adopté
par le Sénat
en première lecture

___

Propositions
de la Commission

___

 

Article 1er

Article 1er

Article 1er

 

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, est chargé, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect des droits fondamentaux dont elles demeurent titulaires.

... respect de leurs droits fondamentaux.

... autorités judiciaires ou juridictionnelles ...

(amendement n° 16)

 

Il exerce principalement ce contrôle par des visites sur place.

(Alinéa sans modification)

Alinéa supprimé

(amendement n° 17)

 

Dans la limite de ses attributions, il ne reçoit d’instruction d’aucune autorité.

(Alinéa sans modification)

(Alinéa sans modification)

 

Article 2

Article 2

Article 2

 

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est nommé par décret pour une durée de six ans. Son mandat n’est pas renouvelable.

... décret du Président de la République, après avis de la commission compétente de chaque assemblée, pour ...

... nommé en raison de ses compétences et connaissances professionnelles par décret du Président de la République, après consultation du Parlement dans les conditions prévues par la Constitution, pour ...

(amendements nos 18 et 19)

   

Il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions qu’il émet ou des actes qu’il accomplit dans l’exercice de ses fonctions.

(Alinéa sans modification)

 

Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l’expiration de son mandat qu’en cas de démission ou d’empêchement.

(Alinéa sans modification)

(Alinéa sans modification)

 

Les fonctions de contrôleur général des lieux de privation de liberté sont incompatibles avec toute autre activité professionnelle ou tout mandat électif.

... avec tout autre emploi public, toute activité professionnelle et tout ...

(Alinéa sans modification)

Code électoral

 

Article 2 bis (nouveau)

Article 2 bis

Art. L. 194-1. —  Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller général s’ils n’exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination.

 

Dans les articles L. 194-1 et L. 230-1 et dans le cinquième alinéa de l’article L. 340 du code électoral, les mots : « et le Défenseur des enfants » sont remplacés par les mots : « , le Défenseur des enfants et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ».

(Sans modification)

Art. L. 230-1. —  Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller municipal s’ils n’exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination.

     

Art. L. 340. —  . . . . .

     

Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller régional s’ils n’exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination.

     

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

     
 

Article 3

Article 3

Article 3

 

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est assisté de contrôleurs qu’il recrute en raison de leur compétence dans les domaines se rapportant à sa mission.

(Alinéa sans modification)

(Alinéa sans modification)

 

Les fonctions de contrôleur sont incompatibles avec l’exercice d’activités en relation avec les lieux contrôlés.

(Alinéa sans modification)

(Alinéa sans modification)

   

Les contrôleurs sont placés sous la seule autorité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Dans l’exercice de leurs missions, les contrôleurs ...

(amendement n° 20)

 

Article 4

Article 4

Article 4

 

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses collaborateurs sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l’établissement des rapports, recommandations et avis prévus aux articles 8 et 9.

(Alinéa sans modification)

... liberté, ses collaborateurs et les contrôleurs qui l’assistent sont ...

... ils ont connaissance ...

(amendements nos 21 et 22)

   

En vue d’assurer le respect des dispositions relatives au secret professionnel, il veille à ce qu’aucune mention permettant l’identification des personnes dont le nom lui aurait été révélé ne soit faite dans les documents publiés sous son autorité.

Ils veillent à ce ...

... personnes concernées par le contrôle ne soit ...

... sous l’autorité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

(amendement n° 23)

 

Article 5

Article 5

Article 5

 

Toute personne physique ainsi que toute personne morale s’étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux peut porter à la connaissance du contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence.

(Alinéa sans modification)

(Alinéa sans modification)

 

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut être saisi par le Premier ministre et les membres du Gouvernement et du Parlement. Il peut aussi se saisir de sa propre initiative.

... initiative. Il peut en outre être saisi par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

... liberté est saisi par le Premier ministre, les membres du Gouvernement, les membres du Parlement, le Médiateur ...

... l’égalité. Il peut aussi se saisir de sa propre initiative.

(amendement n° 24)

Loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d’une Commission nationale de déontologie de la sécurité

     

Art. 4. —  Toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu’ils constituent un manquement aux règles de la déontologie, commis par une ou plusieurs des personnes mentionnées à l’article 1er, peut, par réclamation individuelle, demander que ces faits soient portés à la connaissance de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Ce droit appartient également aux ayants droit des victimes. Pour être recevable, la réclamation doit être transmise à la commission dans l’année qui suit les faits.

     

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

 

Article 5 bis (nouveau)

Article 5 bis

Le Premier ministre, le Médiateur de la République, le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité et les membres du Parlement peuvent, en outre, saisir de leur propre chef la commission de faits mentionnés au premier alinéa. La commission peut également être saisie directement par le Défenseur des enfants.

 

Dans la première phrase du quatrième alinéa de l’article 4 de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d’une Commission nationale de déontologie de la sécurité, après les mots : « président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité », sont insérés les mots : « , le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ».

I. —  Dans...

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

     

Loi n°73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur

     

Art. 6. —  Toute personne physique ou morale qui estime, à l’occasion d’une affaire la concernant, qu’un organisme visé à l’article premier n’a pas fonctionné conformément à la mission de service public qu’il doit assurer, peut, par une réclamation individuelle, demander que l’affaire soit portée à la connaissance du Médiateur de la République.

   

II. —  Après le deuxième alinéa de l’article 6 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

La réclamation est adressée à un député ou à un sénateur. Ceux-ci la transmettent au Médiateur de la République si elle leur paraît entrer dans sa compétence et mériter son intervention.

     
     

« Le Médiateur de la République peut être saisi par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. »

(amendement n° 25)

Le Médiateur européen ou un homologue étranger du Médiateur de la République, saisi d’une réclamation qui lui paraît entrer dans la compétence et mériter l’intervention de ce dernier, peut lui transmettre cette réclamation.

     

Les membres du Parlement peuvent, en outre, de leur propre chef, saisir le Médiateur de la République d’une question de sa compétence qui leur paraît mériter son intervention.

     

Sur la demande d’une des six commissions permanentes de son assemblée, le président du Sénat ou le président de l’Assemblée nationale peut également transmettre au Médiateur de la République toute pétition dont son assemblée a été saisie.

     
 

Article 6

Article 6

Article 6

Code de la santé publique

Art. L. 3222-1. —  Cf. annexe.

Le contrôleur général peut visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d’une autorité publique.

... publique. Il peut aussi visiter, dans les mêmes conditions, tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement visé à l’article L. 3222-1 du code de la santé publique.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut ...

... publique, ainsi que tout établissement ...

(amendement n° 26)

 

Avant toute visite, le contrôleur général informe les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Toutefois, il peut décider de procéder à une visite sans préavis lorsque des circonstances particulières l’exigent.

Alinéa supprimé

Maintien de la suppression

 

Ces autorités ne peuvent s’opposer à la visite du contrôleur général que pour des motifs graves liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l’établissement où la visite doit avoir lieu. El-les proposent alors son report.

Les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne peuvent ...

... général des lieux de privation de liberté que pour des motifs graves et impérieux liés ...

... dans le lieu visité. Elles ...

... report. Dès que les circonstances exceptionnelles ayant motivé le report ont cessé, elles en informent le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

(amendements nos 27,
28, 29 et 30)

 

Le contrôleur général reçoit des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l’exercice de sa mission. Lors des visites, il peut s’entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire.

... général obtient des autorités ...

... général des lieux de privation de liberté obtient ...

(amendement n° 31)

... confidentialité de leurs échanges, avec ...

(amendement n° 32)

 

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l’État, à la sécurité des lieux de privation de liberté, au secret de l’enquête et de l’instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.

... l’État, au secret de l’enquête ...

... général des lieux de privation de liberté demande ...

(amendement n° 33)

   

Le Contrôleur général peut déléguer les pouvoirs visés à cet article aux contrôleurs.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut déléguer aux contrôleurs les pouvoirs visés au présent article.

(amendement n° 34)

 

Article 7

Article 7

Article 7

 

À l’issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître au ministre intéressé ses observations, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur l’état, l’organisation ou le fonctionnement du lieu visité. Le ministre peut formuler des observations en réponse qui sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

... observations concernant en particulier l’état, ...

... visité ainsi que la condition des personnes privées de liberté. Le ministre formule des observations en réponse chaque fois qu’il le juge utile et lorsque le Contrôleur général l’a expressément demandé. Ces observations en réponse sont alors ...

... général des lieux de privation de liberté fait connaître aux ministres intéressés ses ...

(amendement n° 35)

... liberté. Les ministres formulent des observations en réponse chaque fois qu’ils le jugent utile ou lorsque le Contrôleur général des lieux de privation de liberté l’a ...

(amendement n° 36)

     

S’il constate une violation grave des droits fondamentaux d’une personne privée de liberté, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté communique sans délai aux autorités compétentes ses observations, leur impartit un délai pour y répondre et, à l’issue de ce délai, constate s’il a été mis fin à la violation constatée. S’il l’estime nécessaire, il rend alors immédiatement public le contenu de ses observations et des réponses reçues.

(amendement n° 37)

Code de procédure pénale

Art. 40. —  Cf. annexe.

 

Si le Contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l’existence d’une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale.

(Alinéa sans modification)

   

Le Contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

(Alinéa sans modification)

 

Article 8

Article 8

Article 8

 

Dans le cadre de ses compétences, le contrôleur général des lieux de privation de liberté émet des avis et formule des recommandations aux autorités publiques. Il propose également au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables.

(Alinéa sans modification)

Dans son domaine de compétences, ...

... avis, formule ...

... publiques et propose au Gouvernement ...

(amendement n° 38)

 

Après en avoir informé les autorités responsables, il peut rendre publics ces avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités si elles en font la demande.

... autorités.

(Alinéa sans modification)

 

Il ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d’une décision juridictionnelle.

(Alinéa sans modification)

Alinéa supprimé

(amendement n° 39)

 

Article 9

Article 9

Article 9

 

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté remet chaque année un rapport d’activité au Président de la République et au Parlement. Ce rapport est rendu public.

(Sans modification)

(Sans modification)

   

Article 9 bis (nouveau)

Article 9 bis

   

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté coopère avec les organismes internationaux compétents.

(Sans modification)

 

Article 10

Article 10

Article 10

Loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées

Cf. annexe.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté gère les crédits nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

... mission. Ces crédits sont inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental ». Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à leur gestion.

(Sans modification)

   

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.

 
 

Article 11

Article 11

Article 11

 

Les conditions d’application de la présente loi, notamment celles dans lesquelles les contrôleurs mentionnés à l’article 3 sont appelés à participer à la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté, sont précisées par décret en Conseil d’État.

(Sans modification)

(Sans modification)

Code de l’entrée et du
séjour des étrangers et du droit d’asile

     

Art. L. 111-10. —  Chaque année, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Article additionnel

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides, le Haut Conseil à l’intégration, l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations et la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente joignent leurs observations au rapport.

   

Dans le dernier alinéa de l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations et la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente » sont remplacés par les mots : « et l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ».

(amendement n° 40)

 

Article 12

Article 12

Article 12

 

La présente loi est applicable à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

(Sans modification)

(Sans modification)

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code de procédure pénale 84

Art. 40.

Code de la santé publique 84

Art. L. 3222-1.

Loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées 84

Code de procédure pénale

Art. 40. —  Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1.

Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

Code de la santé publique

Art. L. 3222-1. —  Dans chaque département, un ou plusieurs établissements sont seuls habilités par le représentant de l’État dans le département à soigner les personnes atteintes de troubles mentaux qui relèvent des chapitres II et III du titre Ier du présent livre.

Loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du
contrôle des dépenses engagées

Art. 3. —  Les résultats de cette comptabilité sont fournis chaque mois au ministre de l’économie et des finances et aux ministres intéressés ainsi qu’aux commissions financières des deux Chambres.

Cette communication est accompagnée d’un relevé explicatif appuyé de tous renseignements utiles, des suppléments et des annulations de crédits que l’état des engagements pourrait motiver au cours de l’exercice.

Il est distribué aux Chambres le 30 avril de chaque année, une situation des dépenses engagées au 31 décembre de l’année expirée.

Art. 5. —  Il ne peut être passé outre au refus du visa du contrôleur que sur avis conforme du ministre de l’économie et des finances. Les ministres et administrateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l’encontre de cette disposition.

Art. 6. —  En aucun cas, il ne pourra être procédé au paiement des ordonnances visées avec observations qu’après autorisation du ministre de l’économie et des finances.

Les ministres ordonnateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l’encontre des prescriptions du présent article.

Art. 7. —  Chaque année, les contrôleurs des dépenses engagées établissent un rapport d’ensemble relatif au budget du dernier exercice écoulé, exposant les résultats de leurs opérations et les propositions qu’ils ont à présenter. Ces rapports sont dressés par chapitre budgétaire et par ligne de recettes. Ils sont, ainsi que les suites données aux observations et propositions qui y sont formulées, communiqués par les contrôleurs des dépenses engagées au ministre de l’économie et des finances et aux ministres intéressés et, par l’intermédiaire du ministre de l’économie et des finances, à la Cour des comptes et aux commissions financières des deux Chambres.

Art. 9. —  Il est interdit, à peine de forfaiture, aux ministres et secrétaires d’État et à tous autres fonctionnaires publics, de prendre sciemment et en violation des formalités prescrites par les articles 5 et 6 de la présente loi, des mesures ayant pour objet d’engager des dépenses dépassant les crédits ouverts ou qui ne résulteraient pas de l’application des lois.

Les ministres et secrétaires d’État et tous autres fonctionnaires publics seront civilement responsables des décisions prises sciemment à l’encontre des dispositions ci-dessus.

Néanmoins si, en cours d’exercice, le Gouvernement juge indispensable et urgent, pour des nécessités extérieures ou pour des nécessités de défense nationale ou de sécurité intérieure, d’engager des dépenses au-delà et en dehors des crédits ouverts, il le pourra par délibération spéciale du conseil des ministres, mais sous réserve de présenter immédiatement une demande d’ouverture de crédit devant les chambres appelées à régulariser l’initiative du Gouvernement ou à refuser l’autorisation.

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article premier

Amendement présenté par M. Michel Hunault :

Compléter l’alinéa 1 de cet article par la phrase suivante :

« Il s’assure en outre du respect, par les établissements pénitentiaires, des recommandations et des règles pénitentiaires établies par le Conseil de l’Europe. »

Amendement n° 1 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson :

Dans l’alinéa 3 de cet article, après le mot : « reçoit », supprimer le mot : « d’ ».

Article 2

Amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Rédiger ainsi l’alinéa 1 de cet article :

« Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est nommé par décret du Président de la République sur avis conforme de la commission compétente de chaque assemblée pris à la majorité des trois cinquièmes dans chacune d’entre elles. »

Amendements présentés par M. Michel Hunault :

•  Dans la première phrase de l’alinéa 1 de cet article, après le mot : « assemblée », insérer les mots : « pris à la majorité des trois cinquièmes de leurs membres ».

•  Après l’alinéa 1 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Il est choisi parmi des personnalités ayant une expérience professionnelle reconnue dans le domaine de l’administration de la justice et ayant un engagement au sein des institutions de défense des droits de l’homme, en particulier en matière de droit pénal et d’administration pénitentiaire ou policière, ou dans les divers domaines ayant un rapport avec le traitement des personnes privées de liberté. »

Amendement n° 2 rectifié présenté par M. Jean-Frédéric Poisson :

Dans l’alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « à l’occasion », les mots : « en raison ».

Article 3

Amendement présenté par M. Michel Hunault :

I. —  Dans l’alinéa 1 de cet article, après le mot : « contrôleurs », insérer le mot : « régionaux ».

II. —  En conséquence, procéder à la même insertion dans l’alinéa 3 de cet article.

III. —  Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Les pertes de recettes résultant pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Amendement n° 3 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson :

Compléter l’alinéa 1 de cet article par la phrase suivante :

« Il peut à tout moment recourir à l’assistance d’experts et d’interprètes, qu’il recrute et dont il fixe les modalités d’intervention. »

Amendement présenté par M. Michel Hunault :

Rédiger ainsi l’alinéa 2 de cet article :

« Les contrôleurs régionaux exercent leur activité de contrôle des lieux de privation de liberté de leur région administrative dans les mêmes conditions que le Contrôleur général. Leurs fonctions sont incompatibles avec l’exercice d’activités en relation avec les lieux contrôlés ainsi qu’avec tout autre emploi public, toute autre activité professionnelle et tout mandat électif. »

Amendement n° 4 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson :

Au début de l’alinéa 2 de cet article, insérer la phrase suivante :

« Les contrôleurs qui exercent un emploi public ne peuvent exercer leur mission de contrôle dans la région administrative où ils sont affectés. »

Amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Dans l’alinéa 3 de cet article, après le mot : « contrôleurs », insérer les mots : « , dont le statut, le nombre et les conditions de nomination sont déterminés par décret en Conseil d’État, ».

Article 4

Amendement présenté par M. Michel Hunault :

Dans l’alinéa 1 de cet article, après le mot : « liberté », insérer les mots : « , les contrôleurs régionaux ».

Amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche [retiré] :

Rédiger ainsi l’alinéa 2 de cet article :

« Aucune mention permettant l’identification des personnes concernées directement ou indirectement par le contrôle prévu à l’article premier ne figure dans les documents publiés sous son autorité. »

Amendements nos 5 et 6 présentés par M. Jean-Frédéric Poisson :

•  Dans l’alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « lui aurait été révélé », les mots : « serait venu à sa connaissance ».

•  Dans l’alinéa 2 de cet article, après le mot : « faite », insérer les mots : « ni dans ses propres interventions, ni ».

Article 5

Amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche [retiré] :

Dans la dernière phrase de l’alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « en outre », les mots : « saisir ou ».

Article 6

Amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Dans la première phrase de l’alinéa 1 de cet article, substituer aux mots : « sur le territoire de la République », les mots : « dans tout lieu placé sous la juridiction ou sous le contrôle de l’État ».

Amendement présenté par M. Michel Hunault [retiré] :

Compléter l’alinéa 1 de cet article par la phrase suivante :

« Cette faculté s’exerce sans préavis, ni autorisation préalable des autorités responsables du lieu de privation de liberté. »

Amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Supprimer l’alinéa 2 de cet article.

Amendements nos 7, 8, 9 et 10 présentés par M. Jean-Frédéric Poisson :

•  Dans la première phrase de l’alinéa 2 de cet article, après le mot : « graves », insérer les mots : « laissés à l’appréciation du Préfet et ».

•  Compléter l’alinéa 2 de cet article par la phrase suivante :

« Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté retrouve son plein droit de visite dès que les circonstances exceptionnelles qui ont causé le report n’existent plus. »

•  Après l’alinéa 2 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« En attendant que la visite puisse avoir lieu dans les meilleurs délais possibles, l’autorité visée fournit au Contrôleur général toutes informations que ce dernier juge utiles. »

•  Après l’alinéa 3 de cet article, ajouter l’alinéa suivant :

« Toute personne privée de liberté peut à tout moment adresser des lettres au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Ces lettres sont remises sous pli fermé et échappent alors à tout contrôle. Aucun retard ne doit être apporté à leur envoi. »

Amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Supprimer l’alinéa 4 de cet article.

Amendements présentés par M. Michel Hunault :

•  Rédiger ainsi l’alinéa 4 de cet article :

« Le caractère secret des informations et pièces dont le Contrôleur général demande communication ne peut pas lui être opposé. Le Contrôleur général est tenu de respecter le secret de la défense nationale, la sûreté de l’État, le secret de l’enquête et de l’instruction, le secret médical et le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et un client. »

•  Compléter l’alinéa 4 de cet article par la phrase suivante :

« Le secret médical peut être levé avec le consentement libre et éclairé de la personne privée de liberté. »

•  Compléter l’alinéa 5 de cet article par le mot : « régionaux ».

Article 7

Amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche [retiré] :

Supprimer l’alinéa 2 de cet article.

Amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Rédiger ainsi l’alinéa 2 de cet article :

« En cas d’atteinte flagrante aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, le contrôleur général a le pouvoir d’enjoindre aux autorités responsables de prendre toute mesure qui paraît nécessaire au respect de ces droits. »

Amendements nos 11 et 12 présentés par M. Jean-Frédéric Poisson :

•  Compléter l’alinéa 2 de cet article par la phrase suivante :

« Le procureur informe le Contrôleur général des lieux de privation de liberté des suites qu’il a données à sa saisine. »

•  Compléter l’alinéa 3 de cet article par la phrase suivante :

« Les personnes ainsi prévenues informent le Contrôleur général des lieux de privation de liberté des suites données à son intervention. »

Article 8

Amendements présentés par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

•  Dans la seconde phrase de l’alinéa 1 de cet article, après le mot : « Gouvernement », insérer les mots : « ainsi qu’aux députés et aux sénateurs ».

•  Dans l’alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « peut rendre », le mot : « rend ».

Amendements nos 13 et 14 présentés par M. Jean-Frédéric Poisson :

•  Au début de l’alinéa 3 de cet article, insérer les mots : « Dans le cadre de ses attributions, ».

•  Dans l’alinéa 3 de cet article, après le mot : « intervenir », insérer le mot : « volontairement ».

Amendement présenté par M. Philippe Goujon, rapporteur :

Compléter l’alinéa 3 de cet article par les mots : « ou judiciaire ».

Article 9

Amendement n° 15 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson :

Après la première phrase de cet article, insérer la phrase suivante :

« Il présente son rapport d’activité aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. »

Amendement présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Compléter cet article par les deux phrases suivantes :

« Il fait l’objet d’une communication suivie d’un débat devant chacune des assemblées. Le contrôleur général est entendu à sa demande par les commissions parlementaires de son choix. »

Article 10

Amendement présenté par M. Michel Hunault :

I. —  Avant l’alinéa 1 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Les crédits alloués au Contrôleur général des lieux de privation de liberté s’élèvent à 5 millions d’euros. »

II. —  Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Les pertes de recettes résultant pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

ANNEXE N° 1 :
LES CONTRÔLES ACTUELS
DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Lieux privatifs de liberté

Nombre

Définition

Contrôles existants

Établissements pénitentiaires (61 810 détenus au 1er juillet 2007) dont :

188

 

- Inspection générale des services judiciaires

- Inspection des services pénitentiaires

- Inspection générale des affaires sociales

- Inspection générale de l’éducation nationale

- Inspection du travail

- Commissions de surveillance

- Magistrats

- Parlementaires

- Commission nationale de déontologie de la sécurité

- Comité européen pour la prévention de la torture

• maison d’arrêt

115

Prévenus et condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an

• maisons centrales

5

Condamnés les plus difficiles dans le cadre d’un régime de détention strict.

• centres de détention

24

Condamnés présentant les meilleures perspectives de réinsertion

• centres pénitentiaires

31

Établissements mixtes com–portant au moins deux quartiers à régime de détention différents

• centres de semi-liberté et pour peines aménagées

13

Condamnés bénéficiant d’un régime de semi-liberté ou d’un placement extérieur et condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an.

Établissements pour mineurs (EPM)

7

(2 ouverts

5 en

projet)

Prisons éducatives pour mineurs de 13 à 18 ans condamnés

Les futurs EPM feront l’objet des mêmes contrôles que ceux exercés sur les établissements pénitentiaires et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse.

Centres éducatifs fermés (CEF)

(241 mineurs
au 11 juillet 2007 pour 306 places)

28

Établissements publics ou privés habilités, où les mineurs de 13 à 18 ans, peuvent être placés dans certaines conditions en application d’un contrôle judiciaire, d’un sursis avec mise à l’épreuve ou d’une libération conditionnelle.

Les mesures de surveillance et de contrôles sont conju–guées à un suivi éducatif et pédagogique renforcé.

- Inspection générale des services judiciaires

- Inspection des services de la protection judiciaire de la jeunesse

- Inspection générale de l’éducation nationale

- Juge des enfants

- Parlementaires

- Comité européen pour la prévention de la torture

Zones d’attente

Une centaine

Délimitées par arrêté préfectoral, elles s’étendent des points d’embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes.

Elles peuvent inclure, à proximité de la gare, du port ou de l’aéroport concernés, un ou plusieurs lieux d’hébergement devant assurer les prestations de type hôtelier. Peuvent être retenus, les étrangers non admis à entrer sur le territoire, les demandeurs d’asile et les étrangers en transit interrompu auxquels le pays de destination finale refuse l’accès.

- Juge des libertés et de la détention

- Parlementaires

- Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente (CRAZA)

- 13 associations habilitées

- Commission nationale de déontologie de la sécurité

- Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe

- Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

Locaux de rétention administrative

Une centaine

Créées à titre provisoire ou permanent par arrêté préfectoral. Y sont retenus les étrangers en attente de transfert dans un centre de rétention.

- Inspection générale de la police nationale

- Inspection de la gendar-merie nationale

- Magistrats

- Parlementaires

- Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente (CRAZA)

- Médecins inspecteurs de santé publique du département et les pharmaciens inspecteurs régionaux

- Commission nationale de déontologie de la sécurité

- Comité de prévention de la torture du conseil de l’Europe.

Centres de rétention administrative

25

(20 gérés par la Police nationale et 5 par la Gendarmerie

nationale).

Y sont retenus les étrangers qui font l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire jusqu’à leur départ effectif.

Locaux de garde à vue (498 555 placements en garde à vue en 2005)

Plus de 4 000 (plus de 3 600 relèvent de la Gendarmerie nationale et 419 de la Police nationale)

Accueillent, pendant 24 h, renouvelables jusqu’à 14 h pour les infractions de terrorisme sur décision du procureur, les personnes suspectées d’avoir commis une infraction.

- Inspection générale de la police nationale

- Inspection de la gendarmerie nationale

- Procureur de la République

- Parlementaires

- Commission nationale de déontologie de la sécurité

- Comité de prévention de la torture du conseil de l’Europe.

Locaux d’arrêt des armées de terre, de l’air et de la marine nationale

138

Locaux où sont placés en isolement les militaires condamnés aux arrêts.

- Inspection générale de l’Armée de Terre

- Inspection générale de l’Armée de l’Air

- Inspection générale de la Marine nationale

- Inspection générale du service de santé des Armées

- Comité de prévention de la torture du conseil de l’Europe

Secteurs psychia–triques des centres hospitaliers

(10 974 hospitalisa–tions d’office, 65 840 hospitalisations sur demande d’un tiers en 2003)

Plus d’un millier

Accueillent des personnes hospitalisées sous contrainte soit d’office (HO), soit sur la demande d’un tiers (HDT).

- Inspection générale des affaires sociales

- Magistrats

- Préfets et maires

- Commissions départementales de l’hospitalisation psychiatrique

ANNEXE N° 2 :
RENCONTRE AVEC L’INSPECTEUR EN CHEF
DES PRISONS D’ANGLETERRE ET DU PAYS DE GALLES

Votre rapporteur a pu, de même que M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur du projet de loi au Sénat, accompagner Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, au cours du déplacement qu’elle a fait à Londres le vendredi 27 juillet 2007 pour rencontrer Mme Anne OWERS, inspecteur en chef des prisons d’Angleterre et du Pays de Galles.

●  L’Inspecteur en chef des prisons (« Her Majesty’Chief Inspector of prisons ») est chargé, tout comme ses homologues écossais et irlandais, de veiller au respect de la dignité des personnes détenues en prison, dans les institutions pour jeunes délinquants et les centres de rétention pour les étrangers. S’il est nommé par le Gouvernement, sur proposition du ministre de l’intérieur, pour 5 ans, il travaille en totale indépendance vis-à-vis du Service des prisons, l'équivalent de notre Administration pénitentiaire. Mme OWERS a été nommée en août 2001. Elle est le cinquième titulaire de ce poste créé en 1981.

L’inspecteur en chef des prisons ne traite que des principales questions concernant le traitement des prisonniers et n’est pas autorisé à enquêter sur des plaintes individuelles, qui doivent être adressées au Médiateur des prisons (« National prison ombudsman »)

Pour mener à bien sa mission, l’Inspecteur en chef dispose d’un corps d’inspecteurs indépendants du pouvoir politique et du service ministériel des prisons qui établissent des rapports sur les conditions de vie et le traitement des personnes détenues. Ces inspecteurs sont aujourd’hui au nombre de 41 (29) –  dont 4 à temps partiel – assistés par un secrétariat de 5 personnes. Ils comprennent de nombreux fonctionnaires en détachement, des universitaires, des médecins et des professionnels de la jeunesse. Le corps des inspecteurs de divise en 5 équipes, spécialisées par type d’établissements contrôlés.

Le projet de budget pour l’année 2007-2008 prévoit le paiement de 42 977 heures d’inspection, soit un budget d’environ 5 millions d’euros.

●  Les inspecteurs mènent quatre types d’inspections :

—  L’inspection complète et annoncée de l’ensemble des établissements pénitentiaires pour adultes et jeunes adultes : elle a lieu tous les 5 ans et dure au minimum une semaine (30;

—  Les inspections courtes (2-3 jours) et inopinées permettent d’évaluer le suivi des recommandations faites lors de la dernière inspection complète ;

—  Les inspections complètes non annoncées, décidée à la suite de la réception de renseignements laissant penser que des abus sont constatés.

Lors des visites, les inspecteurs ont un accès illimité à l’ensemble des établissements et peuvent entrer en contact librement et confidentiellement avec toute personne qu’ils jugent utile d’entendre.

À la suite de chaque inspection, les inspecteurs établissent dans un délai de 4 mois un rapport, les établissements disposant alors d’un délai de 2 mois pour établir un plan d’action sur la base des recommandations qui leur ont été faites.

L’inspecteur chef publie par ailleurs un rapport annuel, qui reprend notamment les conclusions des rapports de visite et des rapports thématiques qui ont pu être établis par les inspecteurs au cours de l’année. Ce rapport est présenté au Parlement. Largement diffusé dans les médias (31), il est souvent critique et comporte des mesures d’amélioration très concrètes.

●  La mission de l’inspecteur en chef des prisons s’inscrit dans un ensemble cohérent de contrôles des lieux de privation de liberté en Grande-Bretagne :

—  Interviennent également dans les établissements pénitentiaires l’Ombudsman des prisons qui reçoit les plaintes individuelles des détenus et transmet des recommandations au ministre de l’Intérieur et au directeur de l’administration pénitentiaire et les « Comités de surveillance » qui regroupent des volontaires chargés de s’assurer, dans chaque établissement, de l’état des locaux et du traitement des détenus.

Un protocole d’accord a été par ailleurs signé entre l’inspecteur en chef des prisons et le médiateur des prisons, aux termes duquel ils s’engagent à partager toute information utile, à se rencontrer au moins une fois par an et à échanger leurs rapports. L’Inspecteur en chef des prisons veille à l’application des mesures préconisées par le Médiateur.

—  Les autres lieux de privation de liberté font également l’objet d’un contrôle : une « Commission de l’amélioration des normes de soin » contrôle les lieux de détention des mineurs tandis que la commission de la loi sur la santé mentale contrôle les hôpitaux psychiatriques. Les zones d’attente et centres de rétention administrative sont contrôlés par des « comités indépendants de surveillance » tandis que les locaux de police sont contrôlés par la commission indépendante des réclamations policières et judiciaires et par les inspecteurs de la sécurité de la détention préventive.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

• Cour de cassation

—  M. Vincent LAMANDA, Premier président de la Cour de cassation

• Conseil de l’Europe

—  M. Markus JAEGER, adjoint au directeur du Bureau du Commissaire aux droits de l’Homme

• Comité européen pour la prévention de la torture

—  M. Xavier RONSIN, Avocat général près la Cour d’appel de Rennes, membre français du Comité

• Ministère de la Justice, Direction de l’Administration pénitentiaire

—  M. Claude d’HARCOURT, directeur

• Ministère de l’Intérieur, Direction des libertés publiques et des affaires juridiques

—  M. Jacques QUASTANA, sous-directeur du Conseil Juridique et du Contentieux

—  M. Jean-Pierre GUARDIOLA, sous-directeur des Étrangers et de la Circulation transfrontalière

• Inspection des services pénitentiaires

—  Mme Blandine FROMENT, Chef de l’inspection

—  M. Jean-Marc CHAUVET, chef adjoint

• Inspection générale de la police nationale

—  M. Jacques LAMOTTE, Chef de l’inspection

—  M. Christophe FICHOT, chef du cabinet des études

• Inspection de la gendarmerie nationale

—  Général de corps d’armée Edmond BUCHHEIT, inspecteur de la gendarmerie nationale

• Inspection générale des affaires sociales

—  M. André NUTTE, chef de l’inspection générale

—  M. Sylvain PICARD, inspecteur général

• Médiateur de la République

—  M. Jean-Paul DELEVOYE, Médiateur de la République

—  M. Christian LE ROUX, Directeur de cabinet

• Commission nationale consultative des droits de l’homme

—  M. Joël THORAVAL, Président

—  M. Michel FORST, secrétaire général

—  M. Emmanuel DECAUX, président de la sous-commission aux questions internationales

• Commission nationale de déontologie de la sécurité

—  M. Philippe LÉGER, Président

• Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente

—  M. Bernard CHEMIN, Président

• Avocats

Conseil national des barreaux :

— M. Didier LIGER, avocat au barreau de Versailles

Ordre des avocats de Paris :

— M. Jean-Marc DELAS, avocat au barreau de Paris

Conférence des Bâtonniers :

— Mme Nadine DUVAL, avocat, ancien bâtonnier du barreau de Compiègne

• Personnalités qualifiées

—  Docteur Roland COUTANCEAU, médecin psychiatre, Président de la Ligue Française pour la santé mentale

—  Docteur Odile DORMOY, psychiatre, chef du Service médico-psychologique régional de la Maison d’arrêt de la Santé

—  M. Éric SENNA, conseiller à la Cour d’appel de Montpellier, chargé d’enseignement à la faculté de droit de Montpellier

• Amnesty International

—  M. Patrick DELOUVIN, responsable du pôle Action sur la France

—  Mme Gaelle DUPLANTIER, membre de la commission juridique

• Observatoire international des prisons

—  M. Patrick MAREST, délégué général

• Syndicats de l’administration pénitentiaire

Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP) :

—  M. Olivier BOUDIER, secrétaire général

Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière - Direction (SNP-FO) :

—  M. Pascal VION

Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière - Personnels techniques (SNP-FO) :

—  M. Adhérald HOURNON, secrétaire général-adjoint

• Syndicats de Police

UNSA Police :

—  M. Pierre WILLEME, secrétaire national UNSA

—  M. Franck FIEVEZ

SNOP :

—  M. Jean-Marc BAILLEUL, secrétaire national

Synergie Officiers :

—  M. Fabrice JACQUET, conseiller technique

Alliance Police Nationale :

—  M. Jean-Claude DELAGE, secrétaire général

—  M. Denis JACOB

Syndicat des commissaires de la police nationale :

—  Mme Sylvie FEUCHER, secrétaire générale adjointe

Contribution écrite

—  Association nationale des juges d’application des peines (ANJAP)

© Assemblée nationale

1 () Amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, Commission présidée par M. Guy Canivet, La Documentation française, mars 2000, page 2.

2 () Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 2002

3 () Rapport précité.

4 () La France face à ses prisons, Louis Mermaz, Président, Jacques Floch, rapporteur, commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises, Assemblée nationale, rapport n° 2521.

5 () Prisons : une humiliation pour la République, Jean-Jacques Hyest, président, Guy-Pierre Cabanel, rapporteur, commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, Sénat, rapport n° 449 (1999-2000).

6 () Proposition de loi de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons, annexe au procès-verbal de la séance du 30 novembre 2000.

7 () Rapport de M. Alvaro Gil-Roblès sur le respect effectif des droits de l’homme en France à la suite de sa visite du 5 au 21 septembre 2005, Bureau du Commissaire aux Droits de l’Homme.

8 () Discours du Garde des Sceaux du 20 octobre 2006 lors de l’inauguration du centre détention de Bapaume dans l’Oise.

9 () Souvent dénommé « OPCAT » pour sa traduction anglaise « Optional Protocol to the Convention against Torture ».

10 () Règle 93.1

11 () Eric Senna, « La question controversée du contrôle des prisons », Actualité Juridique – Pénal, avril 2007.

12 () Article4.2

13 () Lors de l'adoption du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (parties législative et réglementaire) en 2006, ces dispositions de nature réglementaire ont été déclassées. L’existence de la Commission est désormais fondée sur le décret n° 2005-616 du 30 mai 2005 relatif à la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente pris en application de l'article 35 nonies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée.

14 () La CRAZA a été effectivement installée le 22 mars 2006.

15 () Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

16 () Même si la pratique a montré que seulement 30 % des réclamations enregistrées concernent l’Administration pénitentiaire : le reste concerne la vie des proches des détenus à l’extérieur de la prison (caisses de retraite, aides au logement…).

17 () « Les autorités administratives indépendantes », M. Patrice Gélard, Sénateur, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation, Assemblée nationale n° 3166, Sénat n° 404 (2005-2006), 15 juin 2006.

18 () Loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur.

19 () À noter qu’en application de l’article 17 de la Constitution, le décret sera contresigné par le Premier ministre et les ministres responsables, en l’espèce les ministres de la justice, de l’intérieur, de la défense, de l’immigration et de la santé.

20 () À titre de comparaison, l'article 2 de la loi n° 2002-494 du 6 juin 2000 portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité dispose que la qualité de membre de cette commission est incompatible avec l'exercice, à titre principal, d'activités dans le domaine de la sécurité.

21 () Cf. notamment article 13 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur.

22 () Décret n° 2005-794 du 15 juillet 2005 relatif aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions applicables aux militaires et circulaire n° 6650/DEF/EMAT/CAB/DISCIP du 12 septembre 2006.

23 () En 2006, 17 jours d’isolement ont été prononcés sur un total de plus de 35 000 jours d’arrêts.

24 () Cf. Annexe 2.

25 () Ce même rapport excluait en revanche de confier au Contrôleur général des prisons le pouvoir de déclencher des poursuites pénales ou de s’associer aux poursuites engagées par le ministère public afin d’éviter toute immixtion dans les pouvoirs des parquets et une confusion dans les autorités de poursuite.

26 () Loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

27 () Cf. article 14 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur.

28 () Cf. article 23 du protocole facultatif à la convention contre la torture des Nations Unies, règle 93-1 des règles pénitentiaires européennes.

29 () Ils étaient 6 en 1981.

30 () Les établissements pour mineurs font l’objet d’inspections annuelles, assorties d’inspections courtes et d’inspections de suivi.

31 () Les rapports sont aussi publiés sur Internet : http://inspectorates.homeoffice.gov.uk/hmiprisons.