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N
° 679

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 février 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale ITER pour l’énergie de fusion relatif au siège de l’Organisation ITER et aux privilèges et immunités de l’Organisation ITER sur le territoire français,

PAR M. Claude BIRRAUX,

Député

Voir les numéros  :

Sénat : 153, 173 et T.A. 56 (2007-2008).

Assemblée nationale : 674

INTRODUCTION 5

I – LA LENTE CONCRÉTISATION D’UNE AMBITION COMMUNE 7

A –L’ÉNERGIE DES ÉTOILES 7

1 – Le principe de la fusion 7

2 – Le défi de la fusion 10

3 – L’apport du projet ITER 13

B- LA FRANCE, ACTEUR ESSENTIEL D’UN PROJET INTERNATIONAL 14

1 – De longues négociations entre les partenaires 14

2 – ITER en France 16

II – L’ACCORD DU 7 NOVEMBRE 2007 PERMET D’ACCUEILLIR DANS DE BONNES CONDITIONS UNE NOUVELLE INSTALLATION NUCLÉAIRE 19

A – UN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL CLASSIQUE 19

B – DES STIPULATIONS PLUS SPÉCIFIQUES 21

C – DES DÉCHETS PARTICULIERS 22

CONCLUSION 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

Mesdames, Messieurs,

La volonté de construire un réacteur expérimental thermonucléaire international (ITER) réunit, depuis plusieurs années, la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom), le Japon, les Etats-Unis et la Russie, rejoints ensuite par la Chine, la Corée du Sud et, depuis 2005, l’Inde. L’accord, signé par ces sept parties le 21 novembre 2006, à Paris, confie la réalisation de cette ambition à l’Organisation internationale ITER pour l’énergie de fusion.

Les implications du projet ITER sont considérables. Sur le plan scientifique, un nouveau mode de production d’électricité pourrait être développé d’ici la fin du siècle, plus propre et plus efficace que celui obtenu dans les installations nucléaires actuelles. La fusion permet en effet d’utiliser des combustibles relativement abondants, le deutérium, extrait de l’eau de mer, et le tritium, fabriqué sur site à partir du lithium, présent en grande quantité sur la croûte terrestre et dans les océans.

En plus de sa qualité de membre d’Euratom, la France occupe une place éminente au sein du projet ITER. Elle a très tôt cherché à construire le réacteur sur son territoire, et, suite à d’assez longues négociations, a obtenu qu’il soit installé sur le site de Cadarache, le siège de l’Organisation internationale ITER se trouvant à Saint-Paul-lez-Durance.

C’est donc tout naturellement que cette organisation a signé un accord de siège avec la France, comme cela était prévu par l’article 12 de l’accord du 21 novembre 2006. L’approbation de cet accord fait l’objet du projet de loi n° 674 qui vous est soumis.

I – LA LENTE CONCRÉTISATION D’UNE AMBITION COMMUNE

Le projet ITER vise, en associant les moyens des partenaires suffisamment intéressés et avancés en matière de technologie nucléaire, à conduire les recherches devant permettre de franchir les derniers obstacles sur le chemin de l’exploitation contrôlée de la production d’énergie par fusion.

A –L’énergie des étoiles

La fusion est appelée « l’énergie des étoiles » parce que la chaleur et la lumière produites par ces dernières sont le résultat des réactions de fusion qui se produisent en leur sein. En 1920, les Britanniques Francis William Aston et Arthur Eddington ont montré que le soleil brille parce que les noyaux d’atomes d’hydrogène, le principal constituant solaire, se transforment en hélium en fusionnant. La fusion est rendue possible par l’importance de la force de gravité au cœur des étoiles, conséquence de leur masse très importante.

La reproduction du phénomène suppose de mettre au point un dispositif élevant localement la température jusqu’à des niveaux proches de 100 à 150 millions de degrés, afin de provoquer les chocs entre les noyaux atomiques ayant l’intensité suffisante pour permettre leur « fusion » en noyaux plus gros.

Si la réalisation expérimentale de la fusion nucléaire est bien maîtrisée depuis une trentaine d’années, la stabilisation d’une telle réaction et son utilisation en vue de produire de l’électricité restent encore des défis pour la physique moderne, que le programme ITER se donne les moyens de relever.

1 – Le principe de la fusion

La technologie nucléaire utilisée actuellement pour produire de l’électricité repose sur le principe de la fission, à l’œuvre au cœur des centrales nucléaires actuelles. La fusion est une autre manière de produire de l’énergie nucléaire.

L’énergie nucléaire trouve son origine dans la possibilité, à des niveaux de température très élevés, d’effectuer la fameuse transmutation de matière dont ont rêvé pendant des siècles les alchimistes en quête de la pierre philosophale, pour fabriquer de l’or à partir d’autres métaux moins précieux. Dans certaines conditions, celles justement de la fission atomique et de la fusion nucléaire, cette transmutation dégage en effet une énergie beaucoup plus importante que celle qu’il a fallu concentrer pour la déclencher.

La transmutation modifie la composition interne du noyau des atomes, en réarrangeant les particules élémentaires qui les constituent, désignées sous le nom général de « nucléons ». Ceux-ci se répartissent en deux catégories, de masse assez voisine, mais aux propriétés électriques très différentes : d’une part les « protons », à charge positive, et d’autre part les « neutrons », dépourvus, comme leur nom l’indique, de polarité électrique.

La fusion nucléaire s’appuie, comme la fission atomique, sur un principe fondamental de la relativité mis en évidence par Albert Einstein en 1905 : l’équivalence entre la matière et l’énergie. Cela signifie que, lorsqu’au cours d’un processus de transmutation, le réarrangement interne des nucléons se traduit par une perte globale de masse « M », il se produit en contrepartie une quantité d’énergie « E » à hauteur de ce que prévoit la fameuse formule d’Einstein, où le paramètre « c » figure la vitesse de la lumière :

E = M * c2

L’énergie produite résulte de la différence « d’énergie de liaison » entre les noyaux atomiques initiaux et les noyaux atomiques résultant de la transmutation.

Cette « énergie de liaison », due à une force fondamentale appelée l’interaction forte, assure la cohésion du noyau atomique, en dépit notamment du fait que les protons, de polarité électrique identique, ont tendance à se repousser entre eux. Elle est à l’origine du « défaut de masse » constatée pour chaque atome, expression qui traduit le fait que la masse totale effective de chaque noyau atomique est inférieure à la somme théorique des masses des nucléons qui le composent. Le principe d’équivalence entre matière et énergie se retrouve ainsi dans l’équivalence entre « défaut de masse » et « énergie de liaison ».

L’énergie nucléaire, que ce soit sous la forme de la fission ou de la fusion, exploite le fait que l’énergie de liaison n’est pas proportionnelle au nombre de nucléons composant les atomes.

En effet, lorsqu’on considère la liste des atomes en partant du plus petit d’entre eux dans l’absolu, à savoir l’atome d’hydrogène comportant un unique proton, et en allant vers les plus gros comme l’uranium 238, ainsi nommé car il se compose de 238 nucléons (92 protons, 146 neutrons), l’énergie de liaison croît d’abord plus que proportionnellement au nombre de nucléons, puis, pour les atomes plus gros que l’atome de fer (56 neutrons), croît ensuite moins que proportionnellement au nombre de nucléons.

Ainsi, l’énergie de liaison rapportée au nombre de nucléons passe par un maximum au niveau de l’atome de fer, ce dont rend compte la « courbe d’Aston » du nom du physicien anglais Aston, précédemment cité, pionnier des mesures de masse des noyaux, prix Nobel en 1922.

Intuitivement, les forces électriques de répulsion entre les protons finissent, lorsque le nombre de protons augmente, par contrebalancer partiellement les effets de cohésion de l’interaction forte.

La courbe d’Aston (en MeV), source : NASA

Si l’on fait l’analogie avec une situation où l’on remplirait un sac avec des balles de tennis, l’élasticité du sac jouant le rôle de l’interaction forte, et la gravité celle des forces électriques de répulsion, la « cohésion » du paquet de balles augmente d’abord avec le nombre de balles, puisque l’enveloppe du sac se tend, et que les balles s’écrasent un peu les unes contre les autres ; mais si l’on continue à rajouter des balles une fois le sac plein, les nouvelles balles ne tiennent plus au dessus du paquet que par le miracle de l’équilibre, et ont tendance à tomber au moindre à-coup : la « cohésion » du paquet de balles dans son ensemble s’en trouve ainsi diminuée.

L’énergie nucléaire se dégage lorsqu’un réarrangement des nucléons conduit à ce que la masse totale des divers éléments, atomes ou particules, qui subsistent au terme du réarrangement, devient inférieure à la masse des atomes initiaux.

Dans le cas de la fission, cette perte de masse résulte de ce que la dissociation des très gros atomes, plus gros que l’atome de fer, permet de constituer des atomes moins gros, qui ont une cohésion plus forte puisqu’ils sont caractérisés par une énergie de liaison par nucléon plus grande, et donc par un défaut de masse par nucléon plus important. Le même nombre de nucléons se recombine ainsi en un ensemble atomique de masse moins grande.

Dans le cas de la fusion, la perte de masse résulte du regroupement des nucléons issus d’atomes plus petits que l’atome de fer, qui permet de constituer des atomes de cohésion plus forte, caractérisés donc par un défaut de masse par nucléon plus important.

Dans les deux cas, la perte de masse se retrouve sous la forme d’un rayonnement d’énergie, dont la récupération constitue l’enjeu même de la conception des réacteurs nucléaires.

La fusion permet un dégagement d’énergie beaucoup plus important que la fission. Ainsi la fission d’un atome d’uranium 235 dégage de l’ordre de 200 MeV d’énergie, ce qui représente approximativement 0,8 MeV par nucléon. La réaction de fusion, telle qu’elle est envisagée dans le cadre du projet ITER, produit de l’hélium à partir de deux isotopes de l’hydrogène, le deutérium (un proton, un neutron) et le tritium (un proton, deux neutrons), en recombinant ainsi cinq nucléons. Elle dégage 17,6 MeV d’énergie, soit 3,5 MeV par nucléon, c’est-à-dire au moins quatre fois plus d’énergie par nucléon que la fission.

2 – Le défi de la fusion

La mise en œuvre de la fusion nécessite que soit atteinte une température de plusieurs dizaines de millions de degrés, afin de provoquer une agitation suffisante des noyaux atomiques pour vaincre les forces électrostatiques de répulsion engendrées par leur charge positive.

A ce niveau de température, la matière prend la forme d’un plasma, c’est-à-dire qu’elle se compose d’un mélange de noyaux et d’électrons dissociés les uns des autres, les atomes perdant le nuage électronique qui leur est normalement attaché. Le plasma constitue la forme la plus répandue de la matière dans l’univers et peut avoir des niveaux de densité très variables.

Pour créer les conditions d’une fusion contrôlée, il faut surmonter deux difficultés fondamentales. D’abord, concentrer assez d’énergie pour atteindre le niveau de température nécessaire mais, également, contenir le plasma dans un espace limité alors qu’aucune paroi matérielle n’est envisageable à ce niveau de température.

Le mécanisme de la bombe thermonucléaire mis en œuvre depuis 1952 obtient l’énergie nécessaire à la fusion grâce à l’explosion préalable d’une bombe atomique à fission, mais ne fournit aucune piste pour un processus de production d’énergie continu. Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) poursuit depuis 1969 la voie d’une concentration d’énergie par focalisation de rayons laser. Ainsi, il construit depuis 2004 un laboratoire destiné à accueillir le projet « Laser Mégajoule », devant permettre de réaliser des expérimentations de fusion contrôlée par cette technique.

Cependant la voie la plus opérationnelle pour réaliser une fusion contrôlée est celle du confinement magnétique, dont le projet ITER constitue la mise en œuvre la plus aboutie.

Son principe a été fixé dès 1946 par Thomson et Blackman, deux chercheurs de l’Université de Londres. Il exploite le fait que le plasma se compose essentiellement, en masse, de noyaux chargés positivement, ce qui permet d’une part, d’assurer une circulation de courant électrique au sein du plasma pour le chauffer et, d’autre part, de maintenir le plasma en apesanteur grâce à cette propriété qu’ont les particules chargées de décrire une trajectoire en hélice dans un champ magnétique.

Le dispositif mis en œuvre sur ces bases présente la forme d’un anneau torique.

En 1958, la conférence « Atomes pour la paix » de Genève a permis aux différents pays de dévoiler les configurations magnétiques sur lesquelles chacun travaillait jusque là secrètement, et de mettre en place les premières collaborations internationales, indispensables pour se doter des moyens importants à réunir pour progresser. Au niveau européen, des associations ont ainsi été créées entre l’agence atomique européenne Euratom et les organismes de recherche des pays membres, en premier lieu celle, lancée en 1959, entre Euratom et le CEA.

En 1968, les scientifiques russes de l’Institut Kurchatov ont annoncé avoir obtenu des performances largement supérieures aux autres expériences, avec une température du plasma atteignant de l’ordre de 10 millions de degré, grâce à une configuration magnétique bien particulière : le tokamak. Confirmé en 1969 par une équipe britannique qui s’est déplacée à Moscou pour vérifier les mesures, ce résultat fondateur a ouvert l’ère des tokamaks. Ceux-ci vont dès lors rapidement supplanter les autres configurations magnétiques dans la recherche sur la fusion contrôlée.

« Tokamak » est l’acronyme russe de « Toroidalnaya Kamera c Magnitnymi Katushkami », qui signifie « chambre toroïdale à confinement magnétique ». Il a été inventé au début des années 1950 par Igor Tamm et Andreï Sakharov, dont l’idée novatrice a été de faire circuler un courant très intense dans le plasma, avec une double conséquence : le courant chauffe fortement celui-ci, et il génère un autre champ magnétique qui contribue au confinement du plasma. Ce courant est créé grâce à la bobine, appelée solénoïde central, au centre de la machine. Les bobines poloïdales, qui encerclent le tore, servent à stabiliser le plasma.

Les années 1970 voient le lancement de plusieurs projets de grands tokamaks : le JT60 au Japon, le TFTR aux Etats-Unis, et le Joint european torus (JET). Le JET est issu d’une collaboration initiée en 1978 entre l’Autorité britannique de l’énergie atomique et Euratom, et reste à ce jour le plus grand tokamak existant. Construit à Culham, en Grande-Bretagne, il a généré du plasma pour la première fois en 1983. Son contrôle a été cédé par les Britanniques en 1999 aux agences des Etats membres d’Euratom associées à la Commission au sein d’une entité créée pour à l’occasion, le European fusion development agreement.

La France, après avoir fait entrer l’Europe dans l’ère des tokamaks avec la machine TFR (Tokamak de Fontenay-aux-Roses), se lance ensuite dans la construction d’un grand tokamak à aimant toroïdal supraconducteur, Tore Supra, qui entre en service en 1988.

Le but est d’atteindre la fusion nucléaire contrôlée en augmentant le bilan énergétique du plasma, mesuré par le triple produit nTt de la densité du plasma, de sa température, et du temps de confinement de l’énergie. Pour atteindre le stade de l’équilibre, appelé break even et qui correspond à une production effective d’énergie par le réacteur, il faut parvenir à satisfaire le critère de Lawson :

nTt > 1021 keV m-3 s

A ce stade, l’énergie produite par le réacteur est supérieure à celle qu’il consomme pour que se réalise la réaction de fusion. Grâce aux divers tokamaks, ce produit nTt a été multiplié par 1000 en trente ans.

Le tokamak français TFR a été la machine la plus performante au monde de 1973 à 1976 en atteignant des températures de l’ordre de 20 millions de degrés. Il a permis aussi d’obtenir des résultats importants sur le confinement et le chauffage du plasma.

A la fin des années 1990, ont été réalisés, dans les tokamaks JET et JT60, des plasmas de deutérium dont le bilan énergétique est proche de l’ignition, qui caractérise l’état obtenu lorsque l’énergie dégagée par la fusion suffit à elle seule à compenser toutes les pertes de freinage, de fuite et de refroidissement, et que la fusion parvient alors à s’auto-entretenir.

Parallèlement à cette progression de la performance, il a été possible d’allonger la durée des décharges jusqu’à deux minutes, notamment dans le tokamak français Tore Supra, ce qui a ouvert la voie vers le fonctionnement continu d’un futur réacteur. Un autre résultat majeur a été la production concrète d’une puissance de 17 mégawatts dans le tokamak européen JET, en 1997.

Ces avancées majeures sont la conséquence des progrès accomplis tant sur le plan de la maîtrise technologique que de la compréhension des phénomènes physiques. Ces progrès ont concerné en particulier les méthodes pour augmenter la température, car il est apparu que le chauffage par la circulation du courant dans le plasma ne permettait d’atteindre que des températures limitées (de l’ordre de 10 millions de degrés). Des systèmes de chauffage additionnels ont donc été mis en œuvre, principalement de deux types : le chauffage par injection de particules neutres très énergétiques, obtenues en sortie d’un accélérateur de particules, et le chauffage par ondes radiofréquences.

3 – L’apport du projet ITER

La mise en oeuvre de la fusion thermonucléaire contrôlée pour la production d’énergie requiert d’aller encore au-delà des performances atteintes dans les tokamaks actuels : un facteur de l’ordre de 10 doit encore être gagné sur le triple produit nTt, et la durée des décharges doit être allongée afin de démontrer la possibilité d’un fonctionnement continu de l’installation. Ainsi, l’entretien de décharges performantes sur des temps longs (plus de 1000 secondes), où le plasma est chauffé majoritairement par les particules issues des réactions de fusion, constitue un objectif crucial.

Le cœur du réacteur ITER (source : CEA)

Ce sont ces défis que se proposent de relever le projet de réacteur international ITER, dernière étape de recherche avant la construction d’un prototype industriel de réacteur à fusion thermonucléaire contrôlée.

Lancée par Mikhaïl Gorbatchev lors de sa rencontre avec Ronald Reagan le 19 novembre 1985 à Genève, la proposition de mise au point d’un tokamak de nouvelle génération suscita l’adhésion des Etats-Unis, du Japon et de l’Europe, qui placèrent le projet sous l’égide de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA). Des scientifiques ont ainsi coopéré pendant plus de dix ans, au sein d’un réseau associant des équipes basées à Garching, en Allemagne, à San Diego aux Etats-Unis et à Naka au Japon.

Le réacteur ITER est un tokamak dimensionné pour atteindre le facteur d’amplification de 10 pouvant permettre non seulement d’atteindre l’équilibre (break even), mais encore d’explorer le stade de l’ignition.

Le réacteur n’a pas besoin d’être à l’ignition pour fonctionner, mais doit seulement atteindre un rendement global suffisant pour qu’une partie de l’énergie dégagée puisse alimenter les systèmes de chauffage additionnels servant à entretenir le plasma, car la fusion produit des particules dont les collusions avec le plasma assurent directement une partie du chauffage de ce dernier. ITER se donne pour objectif d’obtenir des réactions créant dix fois plus d’énergie que celle qui servira à chauffer le plasma.

La puissance dégagée par le plasma et les réactions de fusion est évacuée par un caloporteur, en fait une circulation d’eau sous pression, qui refroidit les composants exposés au plasma. Les choix de matériaux pour ces composants constituent un des enjeux importants du projet en vue de la construction ultérieure d’un prototype industriel de réacteur à fusion, car les contraintes imposées sont nombreuses (température, résistance aux champs magnétiques, stabilité aux radiations, importante durée de vie ...).

Le projet ITER s’impose donc comme l’étape cruciale permettant de valider le choix de la maîtrise de la fusion comme source d’énergie du futur.

B- La France, acteur essentiel d’un projet international

Associant initialement quatre parties, le projet ITER n’a été rendu possible que par la réunion de plusieurs acteurs et par l’engagement de certains Etats, notamment la France.

1 – De longues négociations entre les partenaires

Suite à la décision du Congrès américain de ne pas reconduire les fonds alloués au projet ITER, les Etats-Unis avaient décidé, en 1998, de se retirer. Malgré cela, les discussions techniques continuèrent d’être menées et permirent d’aboutir à une conception détaillée du réacteur expérimental, fixant, dès juillet 2001, ses performances et ses caractéristiques techniques. L’objectif était de construire un réacteur produisant une puissance de 500 mégawatts pendant 400 secondes.

La réintégration des Etats-Unis a finalement eu lieu concomitamment à la décision chinoise de rejoindre le projet, en janvier 2003. En juin 2003, l’adhésion de la Corée du Sud portait à six le nombre de participants. Les questions les plus délicates restaient toutefois en suspens, et notamment le choix du site d’implantation du futur réacteur expérimental. Trois propositions étaient en lice, à savoir Cadarache, en France, Vandellos, en Espagne et Rokkasho-Mura a Japon. Le Canada avait en effet rapidement retiré la candidature de Waterloo.

La France avait plaidé dès l’origine pour que le site de Cadarache soit retenu. Une telle volonté fut formellement confirmée, à la demande de l’Union européenne, en 2002. Cette dernière ayant fixé à 10 % la part du coût de construction, d’exploitation et de démantèlement d’ITER (1) revenant au pays d’accueil, une mission d’évaluation fut mandatée par le gouvernement qui conclut en faveur de l’implantation d’un tel équipement. Le 31 janvier 2003, la France officialisait donc la candidature du site de Cadarache pour accueillir ITER.

Les premières discussions eurent lieu au sein de l’Union européenne. Le Conseil européen ayant décidé de ne présenter qu’une candidature européenne, un groupe de travail fut constitué qui estima que les sites proposés par la France et l’Espagne étaient équivalents. Suite aux consultations par la France des autres Etats membres, le Conseil des ministres européens décida, le 26 novembre 2003, de soutenir le site de Cadarache. En contrepartie, l’agence européenne associée à la gestion du projet serait située en Espagne (2) et l’engagement fut pris de nommer un espagnol au poste de premier directeur général ou de directeur général adjoint.

Les gouvernements des Etats participant au projet ITER devaient donc choisir entre les propositions japonaise et européenne. Le Japon offrant de prendre en charge 50 % du coût global, l’Union européenne demanda à la France de porter à 12 % son engagement pour la construction, le Conseil n’ayant autorisé qu’une contribution maximale de l’Union de 38 %. Conséquence du partage égal des soutiens reçus par l’Europe (Russie et Chine) et le Japon (Etats-Unis et Corée du Sud), un blocage persistant s’instaura, qui ne put être levé qu’au bout de 18 mois, par l’élaboration d’une solution de compromis.

Ainsi, l’Union européenne s’engageait à participer à hauteur de 50 % à un programme de coopération bilatérale avec le Japon, « l’approche élargie » (3). De plus, 20 % de l’équipe du projet serait choisie par la partie japonaise, qui proposerait le nom du chef d’équipe et bénéficierait de 20 % des contrats industriels. En contrepartie, le réacteur ITER serait implanté sur le seul site de Cadarache.

Les dernières discussions eurent lieu largement sous l’impulsion européenne, notamment française. Des négociations menées par l’Union, en étroite collaboration avec la France, ont incité l’Inde à poser sa candidature au projet ITER. En octobre 2005, cette candidature était retenue, ouvrant la voie à la signature, le 21 novembre 2006, de l’accord sur l’établissement de l’Organisation internationale ITER pour l’énergie de fusion entre la Communauté européenne de l’énergie atomique, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les Etats-Unis. Le même jour était signé l’accord entre Euratom et le Japon concernant « l’approche élargie ».

Entré en vigueur le 25 octobre 2007, l’accord sur l’Organisation ITER s’efforce de coordonner les efforts des agences de chaque partenaire, rôle tenu, pour l’Union européenne, par l’entreprise commune Fusion for energy. Pour ce faire, il crée une organisation internationale dont le siège est fixé à Saint-Paul-lez-Durance. Son conseil d’administration est composé de représentants des sept parties. Le poste de directeur général, également représentant légal de l’Organisation, est actuellement occupé par un japonais, Kaname Ikeda.

2 – ITER en France

Des contreparties ont été accordées par l’Europe afin d’obtenir qu’ITER soit implanté sur son territoire. Toutefois, l’augmentation du nombre de parties permet de faire baisser la part du financement revenant à l’Europe, et à la France. L’Union européenne versera donc environ 45 % des 5,5 milliards d’euros nécessaires à la construction d’ITER, dont 496 millions d’euros proviennent directement de la France au titre de sa contribution supplémentaire. Les autres parties verseront chacune la même somme de 496 millions d’euros. S’agissant de l’exploitation, de la mise à l’arrêt définitif et du démantèlement d’ITER, l’Europe assumera 34 % du financement de chacune de ces opérations, dont 7 % versés par la France en tant que quote-part individuelle. Une telle proportion représente 365 millions d’euros pour l’exploitation, 21 millions pour la mise à l’arrêt et 40 millions pour le démantèlement. Pour ces trois postes budgétaires, les autres parties s’engagent à verser 13 % (Etats-Unis, Japon) ou seulement 10 % du budget global.

Par ailleurs, la France assumera les coûts liés à l’aménagement du site d’installation, estimés à 206 millions d’euros. Son implication financière dans le projet ITER est donc importante, puisque, une fois additionnés ses quotes-parts, sa prise en charge du financement de « l’approche élargie » et le coût de l’aménagement du terrain, l’implantation du réacteur expérimental représente un investissement de 871,5 millions d’euros.

D’autres coûts, plus indirects, sont assumés par la France pour faciliter l’implantation d’ITER à Cadarache. Deux investissements majeurs seront en effet réalisés pour assurer l’adaptation d’un tel projet à son environnement local. D’abord, une école internationale publique sera créée à Manosque, à proximité des installations d’ITER, afin d’accueillir les enfants des personnels travaillant pour ce projet, mais également d’autres élèves. En second lieu, au vu des caractéristiques exceptionnelles des convois de transport de certains composants d’ITER, certains atteignant 900 tonnes ou onze mètres de haut, un itinéraire routier particulier a dû être créé, qui permet une prise en charge de ces éléments depuis le port le plus proche jusqu’au réacteur (voir la carte ci-dessous).

Source : Direction Régionale de l’Equipement, PACA.

Pour un coût total, comprenant les investissements « annexes », de plus d’un milliard d’euros, les retombées attendues de l’implantation d’ITER à Cadarache, en termes d’emplois notamment, ne sont pas négligeables. L’Organisation internationale ITER emploiera environ 500 personnes, aussi bien pendant la phase de construction, prévue pour durer une dizaine d’années, que pendant la phase d’exploitation, devant normalement commencer en 2016. Les emplois induits, pour la France, sont évalués à environ 3 000 lors de la construction du réacteur et 3 200 une fois achevée la phase de construction. Par ailleurs, les chantiers annexes (école internationale, itinéraire ITER) et la sous-traitance, rendue nécessaire par l’engagement pris par la France de contribuer au projet en fournissant des éléments en nature, pourraient encore accroître l’impact économique d’une telle installation.

Mais, au-delà des avancées qu’il permet, tant localement que nationalement et internationalement, l’implantation d’ITER sur le territoire français devait donner lieu à la définition de règles juridiques, d’autant plus importantes que les spécificités d’un tel projet sont nombreuses. Prévu par l’article 12 de l’accord du 21 novembre 2006, l’accord de siège signé entre l’Organisation internationale ITER et la France le 7 novembre 2007 s’efforce de faciliter l’installation du réacteur expérimental tout en garantissant le respect des règles du droit français, notamment en matière de sécurité et de sûreté nucléaires.

II – L’ACCORD DU 7 NOVEMBRE 2007 PERMET D’ACCUEILLIR DANS DE BONNES CONDITIONS UNE NOUVELLE INSTALLATION NUCLÉAIRE

A – Un équilibre général classique

Les sept partenaires du projet ITER ont fixé d’un commun accord le cadre général des conditions jugées nécessaires à l’accomplissement du projet. L’article 11 de l’accord du 20 novembre 2006 prévoit ainsi que l’Etat hôte doit offrir la jouissance du terrain que requiert l’installation du réacteur expérimental. L’article 12 indique que l’Organisation ITER doit bénéficier des privilèges et immunités nécessaires à l’accomplissement de ses tâches.

L’accord du 7 novembre 2007 relatif au siège de l’Organisation internationale ITER contient des stipulations proches de celles couramment inscrites dans les conventions signées par la France dans le même but. Conclu pour une durée égale à celle de l’accord ITER de novembre 2006, 35 ans, il vise à faciliter la poursuite de son activité par l’organisation internationale tout en garantissant le respect de la législation française dans les domaines les plus importants.

Bénéficiant, au titre de l’article 2 de l’accord, de la personnalité juridique, l’Organisation ITER peut ainsi contracter, ester en justice et disposer de biens qui bénéficient, suite aux stipulations du premier paragraphe de l’article 3, du privilège d’inviolabilité.

Comme toutes les organisations internationales domiciliées sur le sol français, elle fait également l’objet de plusieurs types de privilèges et immunités. L’article 4 indique que l’Organisation ITER, ainsi que ses biens et avoirs, jouissent de l’immunité de juridiction, d’exécution et de toute forme de contrainte administrative ou judiciaire provisoires. Cette règle générale souffre néanmoins d’exceptions expressément désignées au même article. D’abord, l’organisation peut renoncer à cette immunité dans des cas particuliers. En outre, l’immunité ne peut pas être invoquée dans le cadre d’une action civile intentée par un tiers en cas d’accident causé par un véhicule appartenant à l’Organisation ITER, ni lorsqu’il s’agit d’exécuter une sanction arbitrale ou une saisie pour salaire visant à rembourser une dette contractée par un membre du personnel de l’organisation.

Autres stipulations offrant un régime juridique simplifié pour l’activité de l’Organisation ITER sur le territoire français, les articles 5, 6 et 7 de l’accord exemptent d’impôts et de taxes les biens, avoirs, revenus, acquisitions de biens meubles ou immeubles, importations de véhicules et de tout autre bien utilisés par l’organisation dans le cadre de ses activités officielles. Celles-ci sont définies par l’article 8 comme l’ensemble des activités menées par l’Organisation ITER pour atteindre son objectif tel qu’il résulte de l’accord du 21 novembre 2006, y compris les tâches administratives.

Toutefois, les exemptions ne portent pas sur les taxes et droits perçus en contrepartie de prestations de services publics, sauf pour les véhicules. Autre limite au régime favorable ainsi prévu, les biens qui bénéficient d’exemption fiscale ne peuvent être vendus ou donnés à un tiers qu’une fois acquittés les taxes et impôts auxquels ils ont été soustraits, sauf accord particulier conclu entre l’Organisation ITER et les autorités françaises.

Au-delà des stipulations fiscales, l’accord du 7 novembre 2007 permet à l’Organisation ITER, en vertu des articles 7 et 10, d’importer et d’exporter des biens et des informations sans autre restriction que celles imposées par les textes internationaux en matière de santé publique, d’environnement, de sûreté nucléaire, de brevet et de non prolifération.

Complétant ces dispositions, l’accord de siège passé entre l’Organisation ITER et la France attribue aux représentants des délégations, aux experts et aux fonctionnaires de l’organisation un ensemble de privilèges et d’immunités, prévus par les articles 12 à 15. Les membres de l’une de ces trois catégories bénéficient de l’immunité de juridiction, sauf en cas de non respect du code de la route. Leurs papiers et documents officiels sont inviolables.

Des facilités supplémentaires visent à rapprocher le régime des représentants des membres de l’organisation de celui applicable aux agents diplomatiques, notamment en matière d’obligations douanières, de formalités d’immigration, de secret de la correspondance et d’immunité d’arrestation, de détention et de saisie.

Les fonctionnaires de l’Organisation internationale ITER jouissent quant à eux des droits traditionnellement accordés aux fonctionnaires internationaux concernant l’exemption des obligations de service militaire, l’exemption de certaines mesures restrictives d’immigration (4) et d’enregistrement, les facilités de rapatriement et le droit d’importer et d’exporter, en franchise, leur mobilier lors de leur installation, puis de leur départ. Leurs traitements et salaires sont exemptés de l’impôt sur le revenu français, et donnent lieu au versement d’un impôt à l’organisation internationale, en vertu de l’article 14 de l’accord. Ils sont toutefois pris en compte dans le calcul sur l’impôt dû au titre de la perception de revenus provenant d’autres sources. Par ailleurs, l’article 18 prévoit que ces personnels soient exonérés de cotisations obligatoires au système de sécurité sociale français, et bénéficie du régime mis en place par l’organisation. Enfin, les directeurs général et général adjoint de l’organisation jouissent des privilèges et immunités accordés aux chefs de missions diplomatiques.

Comme pour tout accord relatif au siège d’une organisation internationale sur le sol français, des privilèges et immunités ne sont accordés à l’Organisation ITER qu’en contrepartie d’obligations strictes. Les articles 16 et 17 rappellent que l’organisation ainsi que les membres de son personnel sont tenus de respecter les dispositions du droit français, et de coopérer avec les autorités françaises, en matière de santé publique, d’hygiène et de sécurité du travail, de sûreté nucléaire, de protection de l’environnement et de sécurité.

De plus, l’article 3, tout en affirmant le principe d’inviolabilité des locaux et bâtiments mis à la disposition de l’organisation internationale, prévoit des inspections et des contrôles réguliers afin de vérifier la réalité de l’application du droit français dans ces domaines. Au vu de la particularité du projet ITER, à la fois expérience scientifique et réacteur nucléaire, le nombre minimal d’inspections en matière de sûreté nucléaire est fixé à cinq par an. D’autres questions de sécurité et de sûreté ont amené les deux parties à rédiger une annexe à l’accord du 7 novembre 2007.

B – Des stipulations plus spécifiques

Des programmes-cadres périodiques d’inspection, prévus par l’article 3 de l’accord, permettront aux autorités françaises de s’assurer du respect par l’Organisation ITER des principales dispositions du droit français auxquelles cette dernière est soumise. Afin de préciser davantage ces obligations, une annexe a été ajoutée à l’accord, qui précise les responsabilités de chacune des parties en matière de protection des personnes et de l’environnement, de protection et de contrôle des matières utilisées par le réacteur et de droit du travail.

L’Organisation internationale ITER est ainsi rendue responsable de la déclaration de tout transport de substances radioactives. Elle se doit également d’appliquer la législation française en matière de protection, de comptabilité et de contrôle des matières nucléaires, ainsi que de protection contre les actes de malveillance. Tout incident, nucléaire ou non, qui pourrait avoir des conséquences sur les personnes ou l’environnement, du fait d’une exposition aux rayonnements ionisants, doit être signalé. Enfin, la protection des personnels contre les mêmes rayonnements doit être assurée selon les dispositions du droit en vigueur en France, à savoir le décret n°2003-296 du 31 mars 2003, qui transpose deux directives communautaires intervenues dans ce domaine.

De plus, le démantèlement du réacteur expérimental, prévu au terme de la période de validité de l’accord du 7 novembre 2007, doit être réalisé, dans le respect de la législation française, aux frais de l’organisation, qui doit provisionner des fonds dans ce sens, au titre de l’article 6 de l’annexe.

Le démantèlement ne peut être décidé que par un comité composé à parts égales de représentants des autorités françaises et de l’Organisation ITER. Les installations doivent être ensuite remises aux autorités françaises pour qu’il soit procédé à leur démantèlement. Le financement de ces opérations peut être imposé en partie aux autorités françaises, si une décision qu’elles ont adoptée a entraîné un surcoût par rapport à la somme initialement provisionnée.

Enfin, deux protocoles additionnels sont prévus par l’annexe afin de préciser le régime de protection des informations classifiées et les modalités d’intervention de l’inspection du travail sur le site d’ITER.

En revanche, au titre de l’article 5 de l’annexe à l’accord du 7 novembre 2007, la France est responsable de la gestion des déchets, en contrepartie de quoi l’organisation internationale lui fournit les indications nécessaires à l’élaboration du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.

C – Des déchets particuliers

Des contacts ont déjà été pris entre l’Autorité de sûreté nucléaire française, l’ASN, et l’Organisation internationale ITER. En effet, les déchets produits par un réacteur fonctionnant grâce à la fusion thermonucléaire offrent plusieurs spécificités.

Comme toute activité industrielle, l’industrie nucléaire génère en effet, en contrepartie de sa production d’énergie, des matières résiduelles, la plupart radioactives. Il convient pourtant de distinguer, à cet égard, entre les procédés de fusion et de fission.

La fission repose sur l’exploitation de l’énergie dégagée par la radioactivité. Celle-ci consiste en une fission « spontanée », correspondant à la transmutation naturelle d’un noyau atomique vers un état plus stable, grâce à une diminution du nombre de nucléons, avec en contrepartie un rayonnement d’énergie sous forme de diverses radiations. Le réacteur de fission entretient le processus de transmutation en faisant en sorte que les neutrons émis par la fission « spontanée » des atomes de plutonium ou d’uranium 235 provoquent la fission « induite » d’autres gros atomes moins radioactifs d’uranium 238 qui constituent l’essentiel du combustible.

Les matières radioactives résiduelles proviennent ainsi, dans le cas de la fission, de deux sources. D’une part, au sein du combustible usé, des atomes moins gros subsistent, qui résultent des fissions successives et qui demeurent néanmoins eux-mêmes très radioactifs (césium, palladium, sélénium), ou des atomes plus gros résultant de la capture des neutrons émis (neptunium, américium, curium). Ces résidus de la transmutation constituent la forme la plus dangereuse des déchets radioactifs de la fission, ceux faisant l’objet d’une vitrification, et pour lesquels il est prévu à l’horizon 2025, en vertu de la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, un stockage en couche géologique profonde.

D’autre part, certains matériaux entrent en contact plus ou moins direct avec des matières radioactives au cours du cycle d’exploitation. Il s’agit, par exemple, des tubes métalliques contenant les combustibles (coques et embouts), des outils de manipulation, des divers instruments de nettoyage. Ces déchets de moyenne et faible activité sont compressés, conditionnés, puis stockés dans des usines de traitement.

ITER, comme tous les réacteurs reposant sur la fusion, ne produit pas de résidus de la transmutation puisque le seul composant radioactif en jeu, le tritium, disparaît au cours du processus. Celui-ci est d’ailleurs produit directement sur place dans une usine à partir du lithium, ce qui évite tout transport de matière dangereuse. La fusion en elle-même ne produit donc aucune matière radioactive, puisqu’elle aboutit à la constitution d’un atome d’hélium, gaz neutre.

La seconde source de déchets radioactifs existe néanmoins, sous la forme de déchets de procédé, générés par l’exposition des matériaux d’exploitation au tritium et aux émissions de neutrons. Cela concerne principalement les pièces du réacteur, les revêtements de protection, les outils, les huiles, les résines. Dans aucun cas, il ne s’agira de déchets à haut niveau de radioactivité. En outre, la radioactivité du tritium n’est pas à vie longue, puisqu’elle diminue de moitié tous les douze ans.

Il est prévu de traiter les déchets de manière à récupérer autant que possible, jusqu’à un taux d’au moins 95%, le tritium qu’ils ont incorporé. La loi du 28 juin 2006 précitée prévoit la mise au point, d’ici la fin 2008, de solutions d’entreposage des déchets contenant du tritium, permettant la réduction de leur radioactivité avant leur stockage en surface ou à faible profondeur.

L’Autorité de sûreté nucléaire a rendu, sur demande du Commissariat à l’énergie atomique, un premier avis par lettre en date du 27 novembre 2002. Elle a ensuite demandé des précisions à l’Organisation ITER sur les dispositions prises en matière de définition et de stockage des déchets. A l’heure actuelle, l’ASN estime que « l’installation ITER produira des déchets en quantité relativement limité et ne présentant pas une radiotoxicité élevée ». Elle indique toutefois qu’elle restera vigilante sur l’adaptation des structures destinées à accueillir les déchets particuliers (matériaux tritiés, éléments contenant du béryllium vraisemblablement remplacés dans un futur proche).

CONCLUSION

ITER est une aventure scientifique. Il offre une voie prometteuse pour le développement d’une énergie plus propre, plus sûre et plus saine que les centrales nucléaires actuelles.

La France a très tôt manifesté son intérêt pour la maîtrise de la fusion. Elle y a acquis une position éminente au niveau mondial, et le choix du site de Cadarache pour l’implantation du réacteur doit autant à l’implication de sa diplomatie qu’à la qualité de ses équipes de recherche.

Localement, l’implantation d’un tel programme représente un investissement majeur, pour lequel tous les acteurs, locaux et nationaux, ont manifesté leur accord. La coopération entre les différents services, de l’Etat et des collectivités, a permis d’accueillir les personnels et les infrastructures mobilisés par ce projet dans les meilleures conditions possibles.

Afin d’aider à la réalisation de cette ambition, l’accord du 7 novembre 2007, dont le projet de loi n° 674 demande la ratification, offre à l’Organisation internationale ITER toutes les facilités nécessaires à l’accomplissement de ces missions.

Parce qu’il comporte également des stipulations précises afin que soient assurées la protection des personnes et de l’environnement, mais également la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, votre Rapporteur conclut en faveur de l’approbation de l’accord relatif au siège de l’Organisation ITER et de ses privilèges sur le territoire français.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 5 février 2008.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a eu lieu.

Le Président Axel Poniatowski a demandé quel était le rapport entre la quantité de déchets radioactifs produits et la quantité d’énergie produite dans le processus de fusion en comparaison du procédé de fission. Il s’est également interrogé sur le nombre d’emplois – en France et à l’étranger– créés par ITER.

M. Claude Birraux, rapporteur, a indiqué que l’opération de fusion à partir du tritium et du deutérium produisait de l’hélium, un gaz rare inerte, présent dans l’air et qui ne comporte pas de radioactivité. S’agissant des retombées économiques du projet ITER, environ 3 500 emplois directs et induits sont attendus.

La volonté politique française en faveur de ce projet a été remarquable. Relayée par une volonté politique européenne, elle est soutenue par les élus locaux, quelle que soit leur appartenance politique. Un groupement d’élus a ainsi été constitué, qui vise à faciliter la création d’infrastructures rendues nécessaires par le projet ITER, telles que l’élargissement des routes ou la construction de logements.

M. Jean-Paul Lecoq s’est interrogé, à la lecture du projet de loi autorisant la ratification de la convention, sur les privilèges et immunités dont bénéficie l’organisation internationale ITER, implantée sur le sol français mais néanmoins soustraite aux obligations que comporte les droits français et communautaire.

M. Claude Birraux, rapporteur a rappelé que les organisations internationales, comme les représentations diplomatiques, bénéficient d’un régime d’immunité qui les soustrait au droit de l’État où elles sont implantées. L’accord de siège de l’organisation ITER reprend les dispositions générales liées aux accords que la France a déjà pu signer avec les organisations internationales implantées sur notre territoire telles que l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, les sciences et la culture, l’Agence spatiale européenne ou l’Organisation pour la coopération et le développement économique.

Toutefois, ces privilèges et immunités ne sont accordés à l’Organisation ITER qu’en contrepartie d’obligations strictes. Les articles 16 et 17 de l’accord du 7 novembre 2007 rappellent que l’organisation ainsi que les membres de son personnel sont tenus de respecter les dispositions du droit français, et de coopérer avec les autorités françaises, en matière de santé publique, d’hygiène et de sécurité du travail, de sûreté nucléaire, de protection de l’environnement et de sécurité.

Deux points particuliers, liés à la mise en œuvre d’une collaboration internationale en recherche expérimentale et impliquant des dispositions relatives à la sécurité et à la sûreté nucléaire ont d’ailleurs été développés afin de se conformer à la législation et la réglementation françaises dans ces domaines.

D’abord, l’article 3 fixe les restrictions de privilèges et d’immunité du site pour permettre les inspections que l’Autorité de sûreté nucléaire française sera amenée à diligenter sur le site de l’Organisation ITER dans les périodes de construction, d’exploitation, de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement.

De plus, l’article 16 définit les exceptions aux privilèges et immunités de l’Organisation et de son personnel ainsi que les conditions de leur levée, notamment dans le cas où leur maintien est de nature à entraver le cours de la justice.

Par ailleurs, en regard de l’article 3 susmentionné, l’annexe à l’accord de siège fixe les responsabilités de l’Organisation ITER et les modalités de coopération entre l’Organisation et les autorités françaises, notamment dans le domaine de la protection des personnes et de l’environnement, de la protection et du contrôle des matières, de la gestion des déchets radioactifs et des mesures pour le démantèlement de ses installations. L’annexe mentionne également deux protocoles additionnels entre l’Organisation ITER et les autorités françaises relatifs à la protection des informations classifiées, qui devrait être signé pour l’entrée en vigueur de l’accord de novembre 2007, et un second relatif au rôle de l’inspection du travail sur le site de l’Organisation internationale ITER en cours de rédaction.

M. Christian Bataille a salué le courage politique dont les autorités françaises font preuve en s’engageant, avec le projet ITER, sur un horizon de très long terme. En effet, la mise au point de structures permettant un usage industriel du processus de fusion nucléaire n’est pas envisagée avant la seconde moitié du 21e siècle. Mais c’est l’un des moyens les plus sûrs de production d’énergie de masse. On ne peut que se féliciter des perspectives ouvertes par ce traité.

M. Jean-Marc Roubaud a souhaité savoir si d’autres projets du même type que celui d’ITER à Cadarache étaient actuellement à l’étude, sur le territoire français, s’agissant de réacteurs de nouvelle génération.

M. Claude Birraux, rapporteur, a indiqué que la construction d’ITER devrait durer jusqu’en 2013-2014. Parmi les autres projets à l’étude existe notamment celui du CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), localisé en Suisse mais également en grande partie sur le sol français.

Par ailleurs, des recherches sont en cours sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération. Les Etats-Unis se sont fixés l’objectif de réaliser un réacteur pilote de quatrième génération à l’horizon 2020, et la France participe à cette ambition au sein du Forum international « Génération IV ».

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 674).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 674).

© Assemblée nationale

1 () En 2002, une expertise indépendante confirma les premières évaluations qui estimaient ce dernier à dix milliards d’euros (valeur 2001) sur quarante ans.

2 () Il s’agit de l’entreprise commune Fusion for energy, créée par décision du Conseil en date du 27 mars 2007, dont le siège est à Barcelone.

3 () Représentant un investissement de 678 millions d’euros, la contribution de la France étant plafonnée à 169,5 millions d’euros, l’approche élargie vise, d’abord, à rénover partiellement l’installation expérimentale japonaise JT60, ensuite, à concevoir et construire au Japon les prototypes de la future installation Internal fusion materials irradiation facility dont l’objet est de contribuer à la recherche sur les matériaux utilisés dans le cadre de la fusion, enfin, à implanter, au Japon également, le centre de calcul international permettant de traiter les données scientifiques fournies par ITER.

4 () L’alinéa 2 de l’article 13 précise ainsi que les fonctionnaires d’ITER sont dispensés d’autorisation de travail et de titre de séjour, de même que les membres de leurs familles. En revanche, ils doivent détenir une carte d’identité spéciale, délivrée par les autorités françaises.