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N
° 949

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juin 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le sénat, autorisant lapprobation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc,

par M. Claude BIRRAUX,

Député

Voir les numéros :

Sénat : 84, 186 et T.A. 86  (2007-2008).

Assemblée nationale : 893

INTRODUCTION 5

I – LA PRÉOCCUPATION DE LA SÉCURITÉ 7

A – LES ENSEIGNEMENTS TIRÉS DE LA CATASTROPHE 7

B – LES TRAVAUX RÉALISÉS DANS LE TUNNEL 8

C – LA NÉCESSITÉ D’UNE RÉGULATION ET D’UNE RATIONALISATION DU TRAFIC ROUTIER TRANSALPIN 9

II – L’INSTITUTIONNALISATION PAR LA CONVENTION DES ENSEIGNEMENTS TIRÉS DE LA CATASTROPHE 11

A – L’EXPLOITATION DU TUNNEL SOUS LE MONT-BLANC : LE GROUPEMENT EUROPÉEN D’INTÉRÊT ÉCONOMIQUE 11

B – LA COMMISSION INTERGOUVERNEMENTALE FRANCO-ITALIENNE 13

C – LE COMITÉ DE SÉCURITÉ 14

D – LES RÈGLES ET LA POLICE DE LA CIRCULATION 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

La catastrophe du Tunnel sous le Mont-Blanc, survenue le 24 mars 1999, a brutalement mis au premier plan la sécurité d’un ouvrage jusqu’alors considéré comme sûr, dans lequel, depuis sa mise en service en juillet 1965, aucun incident grave n’avait été à déplorer (1).

Si les quelque 15 incendies survenus en 34 ans avaient pu être maîtrisés rapidement et sans conséquence, le bilan de celui-ci sera en revanche particulièrement dramatique puisque 39 personnes périront. Il aura fallu 53 heures pour circonscrire le sinistre qui détruira 24 camions, 9 voitures, une moto ainsi que deux véhicules de secours, tout en causant des dégâts majeurs au tunnel lui-même.

Trois ans de fermeture auront été nécessaires à la réalisation des travaux de remise en état, durant lesquels une réflexion aura parallèlement été engagée pour réviser la convention de 1953 entre la France et l’Italie relative à la construction et à l’exploitation du tunnel et tirer les enseignements de la catastrophe.

Cette réflexion, engagée entre les gouvernements italien et français par un échange de lettres du 14 avril 2000, s’est essentiellement articulée autour de l’adaptation « du cadre juridique applicable au tunnel, notamment dans la perspective d’améliorer la sécurité. »

Les négociations se sont alimentées des conclusions du tribunal correctionnel de Bonneville qui ont mis l’accent sur la nécessité de clarifier les responsabilités et de rendre plus opérationnelle la gestion de l’ouvrage.

La convention aujourd’hui soumise à l’examen de l’Assemblée nationale, après avoir récemment été adoptée par le Sénat, a été signée à Lucques le 24 novembre 2006 et constitue l’aboutissement de ce processus.

I – LA PRÉOCCUPATION DE LA SÉCURITÉ

A – Les enseignements tirés de la catastrophe

Le tunnel du Mont-Blanc bénéficiait à son ouverture des conditions de sécurité les plus élevées et des meilleures techniques alors disponibles pour cette catégorie d’ouvrage, qui en faisaient un modèle. Quelque trente ans plus tard, l’analyse des circonstances de la catastrophe a mis en lumière un ensemble d’éléments convergents touchant à tous les aspects de l’exploitation, qui ont chacun contribué au drame.

Au fil des années et à mesure de l’augmentation du trafic, notamment de poids lourds, les sociétés concessionnaires avaient certes introduit des améliorations en matière d’équipements de sécurité, de confort et de capacité, (systèmes de ventilation, d’extraction de fumées, construction de refuges, installation de systèmes de détection automatique et de lutte contre l’incendie au moyen de réseaux d’eau sous pression). Au moment de la catastrophe, étaient à l’étude ou en phase de réalisation une gestion automatisée systématique et une détection automatique des incidents. Néanmoins, en comparaison avec les tunnels les plus récents, les équipements de sécurité du tunnel du Mont-Blanc étaient devenus obsolètes ; ils ne disposaient par exemple pas de galerie d’évacuation et leur capacité d’extraction des fumées était faible.

Le rapport de la mission d’enquête rendu suite à la catastrophe (2) mettra également en évidence certains dysfonctionnements ou anomalies, en matière d’information des sociétés concessionnaires quant aux règles de sécurité à appliquer. De même les règles de circulation dans le tunnel sont-elles apparues rétrospectivement insuffisantes ou incomplètes pour limiter les risques et les conséquences d’accidents, en ce qu’elles ne prévoyaient par exemple aucune disposition relative aux distances à respecter entre véhicules à l’arrêt. Surtout, l’information des usagers dans le tunnel s’est révélée insuffisante, de même que les moyens de signalisation, inefficaces, dans la mesure où les feux rouges, peu visibles, n’ont pas permis de stopper le trafic, soit qu’ils n’aient pas été respectés, soit qu’ils n’aient pas fonctionné.

Malgré les textes qui prévoyaient la création d’une société unique d’exploitation, la gestion du tunnel était toujours le fait de deux sociétés distinctes et mal coordonnées, tant au niveau des réflexions stratégiques, des investissements - réalisés par chacune à des dates différentes et avec des contenus techniques différents - que de l’exploitation puisque coexistaient deux postes de commande et de contrôle distincts, un pour chaque moitié du tunnel. On ne s’étonnera pas qu’on ait pu parler de deux tunnels juxtaposés, l’un italien, l’autre français. D’une certaine manière, l’histoire du tunnel du Mont-Blanc est celle du manque de coordination entre partenaires, à quelque niveau que ce soit.

B – Les travaux réalisés dans le tunnel

D’importants travaux ont été conduits après la catastrophe de 1999, qui peuvent se répartir en trois groupes complémentaires.

Il s’est agi en premier lieu de mettre l’accent sur la sécurité et l’évacuation la plus rapide possible des personnes. A cet effet, 37 abris ont été construits, soit un abri tous les 300 mètres, au lieu de 15 seulement auparavant, lesquels, au demeurant, ne communiquaient pas vers l’extérieur. Reliée à ces abris, une galerie d’évacuation a été aménagée, d’une largeur et d'une hauteur adaptées aux besoins et équipée de véhicules légers spécialement conçus pour permettre l’évacuation sanitaire des personnes.

En ce qui concerne l’alerte des secours en cas d’incident et la réduction de leur délai d’intervention, les deux salles de commande du tunnel, française et italienne, ont été remplacées par une salle de commande unique franco-italienne, située à l’entrée française. Elle a été doublée par une salle de réserve apte à remplacer la première en cas de nécessité, située à la tête italienne du tunnel. Trois postes d'intervention rapide de lutte contre le feu ont été créés, soit un poste à chaque tête de tunnel et un au centre, équipés chacun des moyens de lutte contre les départs de feu. Les moyens d’action des exploitants du tunnel pour maîtriser les mouvements des véhicules en cas d’incident ont été renforcés. Dans le même ordre d’idées, une gestion technique centralisée a été mise en place, qui relie tous les équipements, installations, détecteurs, à la salle de commande et aux opérateurs.

Enfin, les dispositifs de sécurité les plus adéquats ont été installés. 110 conduits de désenfumage (carneaux) ont été creusés ou adaptés, qui ont porté à 150 m3 par seconde sur 600 mètres la capacité de désenfumage en tout point du tunnel, ce qui est supérieur à un doublement de la capacité antérieure. 76 ventilateurs ont été installés en voûte pour contrôler la vitesse de l'air dans le tunnel, ce qui constitue une disposition complémentaire exceptionnelle s’agissant d’un tunnel disposant par ailleurs de bouches latérales d’arrivée d’air frais et d’extraction d’air vicié. Des bouches d’incendie espacées de 150 mètres ont été installées sur toute la longueur du tunnel, ce qui est supérieur aux recommandations françaises en matière de tunnels nationaux (200 mètres). 120 caméras de surveillance couvrant chacune 100 mètres ont été posées pour détecter toute anomalie dans le tunnel. 232 opacimètres ont été mis en place pour détecter la présence de fumées, ainsi qu’un câble de détection thermographique équipé de 3 860 capteurs permettant de déceler toute variation anormale de température. Des appareils de détection automatique d’incident ont également été installés. Enfin, des équipements permettant la diffusion de messages de sécurité à l’attention des conducteurs engagés sous le tunnel sur plusieurs programmes de radio français et italiens ont été posés, ainsi que des systèmes d’information des usagers en cas d’infraction aux règles d’espacement entre les véhicules et aux règles de limitation de vitesse (20 panneaux à messages variables ont été installés).

Il est à noter que sur plusieurs des points concernés, les équipements et installations du Tunnel du Mont-Blanc excèdent désormais les exigences minimales fixées dans la réglementation française (3).

Un total de 203,3 M€ ont été consacrés par la société ATMB (4) à la réfection de la partie française du tunnel. La société italienne SITMB (5) a supporté des dépenses comparables. Une subvention de la Commission européenne, pour quelque 11,25 M€ a été apportée.

L’essentiel des dépenses, 175 M€, a porté sur les travaux d’amélioration de la sécurité de l’ouvrage faisant suite à l'application de nouvelles normes relatives à la sécurité des tunnels transeuropéens (6), sur décision unilatérale des Etats concédants. Elles ont donné lieu à des mesures compensatoires : augmentation des péages et allongement de la durée des concessions, portée au 31 décembre 2050 (article 10).

Le reste, soit quelque 28 M€, a été consacré aux travaux de remise en état du tunnel suite au sinistre. Ces dépenses incombaient à la société dans la mesure où la concession est « aux risques et périls » ; elles ont en partie été assumées par l’assureur, précisément à hauteur de 9,9 M€.

C – La nécessité d’une régulation et d’une rationalisation du trafic routier transalpin

Pour importants qu’aient été les travaux engagés, les mesures de sécurisation prises et les adaptations des modes de gestion introduites, ils ne sauraient toutefois suffire et votre rapporteur souhaite attirer l’attention sur la nécessité d’une régulation et d’une rationalisation du trafic sous le Tunnel sous le Mont-Blanc dont l’économie ne pourra être faite.

Certes, avant l’accident de 1999, c’était plus de 800 000 poids lourds qui transitaient par le Tunnel sous le Mont-Blanc chaque année, contre quelque 600 000 aujourd’hui. Néanmoins si le trafic des véhicules légers semble relativement stabilisé, à environ 1,2 million par an, celui des camions est en constante augmentation comme il l’était avant la catastrophe : entre 1965 et 1999 il avait été multiplié par 17, alors que le trafic de véhicules légers ne faisait que doubler. Ainsi, on aurait pu croire temporaire la hausse de la fréquentation de l’ordre de 15% constatée en 2005 suite au report du trafic du tunnel de Fréjus fermé pendant quelques semaines suite à un accident, mais le nombre de poids lourds qui empruntent aujourd’hui le tunnel du Mont-Blanc est d’ores et déjà supérieur à ce qu’il a alors été.

Les dernières données fournies par la société ATMB montrent que sur les quatre premiers mois de 2008, une moyenne journalière de près de 1 700 camions, hors autocars, empruntent actuellement le tunnel.

Dans son rapport au nom de l’Office parlementaire, notre collègue Christian Kert avait déjà attiré l’attention sur cette question en rappelant notamment que « l’accident catastrophique implique le plus souvent à l’origine un camion », la longueur des tunnels constituant par ailleurs un facteur de risque supplémentaire en ce que la maîtrise des sinistres y est plus difficile. Il ajoutait que les choix faits en faveur du transport routier et la concurrence au sein du secteur avaient selon toute vraisemblance « aggravé sensiblement les risques » et que le respect des mesures de sécurité avait cédé au fil du temps face aux exigences de rentabilité du concessionnaire, « créant ainsi les conditions pour une catastrophe majeure. »

Il invitait alors à la réflexion autour du développement du ferroutage et notamment des exemples suisse et autrichien et plaidait pour « qu’une volonté politique forte s’exprime et soutienne le rééquilibrage entre les divers modes de transport. »

En l’espèce, il s’agit aussi de prendre en compte la vive préoccupation des populations de la vallée de Chamonix et du Val d’Aoste qui souhaitent, pour la sauvegarde de leur environnement, une réflexion globale sur l’amélioration des réseaux ferrés, au delà du percement de la liaison Lyon – Turin dont les bénéfices ne se feront pas sentir avant de longues années.

II – L’INSTITUTIONNALISATION PAR LA CONVENTION DES ENSEIGNEMENTS TIRÉS DE LA CATASTROPHE

Les dispositions de la convention signée à Lucques le 24 novembre 2006 permettent tout d’abord d’unifier dans un seul traité l’ensemble des textes qui jusqu’alors régissaient l’exploitation du Tunnel sous le Mont-Blanc.

Elles se substituent à la convention franco-italienne initiale, signée en 1953 et à son avenant du 25 mars 1965 ainsi qu’à l’échange de lettres du 1er mars 1966 entre les deux gouvernements concernant la constitution d’une commission mixte de contrôle.

Les dispositions de la convention institutionnalisent également le Groupement européen d’intérêt économique (GEIE), comme structure de gestion unique du tunnel et précisent les pouvoirs de la Commission intergouvernementale franco-italienne (CIG). Enfin, elles renforcent les règles de circulation sous le tunnel et de répression des infractions et renforcent les contrôles de police.

A – L’exploitation du Tunnel sous le Mont-Blanc : le Groupement européen d’intérêt économique

Il convient tout d’abord de remarquer que l’avenant à la convention signé à Rome le 25 mars 1965, soit dès la mise en exploitation du tunnel, avait en quelque sorte entériné le bicéphalisme de la gestion du tunnel, prenant acte dans ses considérants du fait que la société anonyme prévue par la convention de 1953 n’avait « pas encore été constituée » et qu’il était « ainsi apparu nécessaire d’établir provisoirement un régime d’exploitation sous le Mont Blanc ». Il faut souligner à ce propos que ce sont des raisons juridiques qui ont empêché la constitution de la société unique prévue par la convention de 1953. Les statuts différents et les objectifs sociaux différents ont conduit à une impasse.

L’avenant de 1965 posait alors, dans son article 1er, que « l’exploitation du tunnel sera provisoirement assurée en commun par les deux sociétés concessionnaires ». Toutefois, son article 3 stipulait que les deux sociétés devraient soumettre à l’approbation de leur gouvernement respectif un « accord de collaboration », qui sera signé fin avril 1966, lequel devrait prévoir « la constitution d’un comité commun d’administration » (article 6).

Ce comité, organe de coordination entre les deux sociétés, chargé d’assurer « les liaisons entre les deux sociétés ainsi que l’exploitation, l’entretien et la conservation de l’ouvrage et des installations… », devait se voir confier par les deux sociétés concessionnaires « les pouvoirs nécessaires pour l’exécution des accords et décisions des deux gouvernements qui leur seront signifiés » à cet égard.

Malheureusement, ces dispositions se sont finalement révélées être contreproductives : le rapport d’expertise (7) rendu après le drame de 1999 a pu ainsi souligner, malgré le fait que cet accord solidarisait les deux sociétés quant à de l’administration, de l’entretien et de la conservation de l’ouvrage, que « ce compromis (…) a été à l’origine, depuis 1965, de difficultés dans la coordination des travaux de modernisation du tunnel ».

Il aura donc fallu attendre la catastrophe de 1999 pour que les décisions soient enfin prises qui remédient au manque de coordination entre les entités française et italienne dont la commission d’enquête a souligné l’importance dans l’enchaînement des faits et sur lequel notre collègue Christian Kert a fortement insisté dans son rapport n° 2388 déposé en 2000 au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en considérant que la constitution d’un GEIE était « plus que nécessaire ».

La solution juridique finalement retenue a effectivement été celle de la constitution d’un Groupement européen d’intérêt économique, (GEIE), sur lequel les gouvernements français et italien se sont accordés par échange de lettres le 14 avril 2000. Cette formule était déjà évoquée par le rapport d’expertise parmi les possibilités à envisager, qui mettait en avant dans ses recommandations la nécessité de constituer une société de gestion unique si les conditions juridiques la rendaient possible ; elle reprend celles en vigueur dans le cas d’autres ouvrages comparables, tel le Tunnel de Fréjus. Aux termes de l’échange de lettres, le GEIE devenait « la structure qui assure l’entretien, l’exploitation et la sécurité du Tunnel sous le Mont-Blanc, ainsi qu’à compter de sa réouverture, la maîtrise d’ouvrage de tous les travaux d’entretien, de grosses réparations et d’amélioration du tunnel. »

Le texte de la convention reprend globalement ces dispositions dans son article 2-d) sans toutefois que la responsabilité en matière de sécurité apparaisse aussi clairement et votre rapporteur a tenu à interroger le ministère sur ce point. En effet, ne sont désormais explicitement mentionnés comme « fins exclusives » du GEIE mis en place par les sociétés concessionnaires que le fait « d’exploiter, d’entretenir, de renouveler et de moderniser le tunnel et ses annexes » et les équipements nécessaires à son exploitation. Cette rédaction est considérée comme étant sans incidence, dans la mesure où l’accord de 2000, visé par la convention, demeure dans l’ordonnancement juridique. La sécurité du tunnel est une compétence partagée entre plusieurs acteurs : elle relève tout à la fois de l’exploitant en tant qu’elle est nécessairement comprise dans l’exploitation et l’entretien et, au premier chef, de la commission intergouvernementale franco-italienne et des pouvoirs publics.

Pour le reste, l’article 3 du texte pose comme principe l’unité fonctionnelle de l’ensemble des activités – exploitation, entretien, renouvellement et modernisation de l’ouvrage – confiées en commun aux sociétés gestionnaires, responsables devant leur gouvernement respectif, et exercées par l’exploitant pour leur compte. Il est également précisé à l’article 5 que le GEIE ne peut s’exonérer d’aucune des responsabilités qui lui incombent à raison des compétences qui lui sont confiées.

Pour pallier les incertitudes dues aux ambiguïtés juridiques antérieures, l’article 5 précise également que les sociétés concessionnaires sont les deux seuls membres statutaires et sociaux de l’exploitant et qu’elles « assument solidairement et paritairement les droits, obligations, risques et périls découlant de ses missions. »

Le GEIE emploie actuellement 171 collaborateurs, répartis en quatre unités : un département « Technique Informatique » assure le fonctionnement de l’infrastructure technique, informatique et de télécommunication du Tunnel, 24h/24 et 7j/7 ; un département « Sécurité Trafic » met en œuvre les moyens nécessaires à la qualité du service routier et de la sécurité préventive du trafic routier du tunnel. Il met en œuvre le Plan Interne d’Intervention et de Sécurité (PIIS), et, si nécessaire, apporte son concours au Plan de Secours Binational (PSB) ; un département « Clientèle Péage » assure les relations avec les clients du Tunnel ; un département « Administratif Financier » garantit la gestion administrative du GEIE dans le respect des accords entre les concessionnaires, des accords binationaux et des lois de chaque pays. 40 personnes du service de police binational pour le respect du règlement de circulation complètent l’effectif.

Comme il a été indiqué plus haut, la durée des concessions a été étendue jusqu’au 31 décembre 2050, ce qui représente une prorogation de quinze ans. Au delà, ou avant si les concessions venaient à prendre fin pour une cause quelconque, l’article 13 de la convention prévoit que le Tunnel sera exploité en commun par les Etats français et italien à égalité de droit et de charge, après accord préalable entre les deux gouvernements.

B – La Commission intergouvernementale franco-italienne

Pour pallier les difficultés de fonctionnement rencontrées de la commission mixte franco-italienne de contrôle instituée par la convention de 1953, et surtout de l’échange de lettres du 1er mars 1966, que votre rapporteur a rappelées plus haut, la mission d’expertise de juillet 1999 suggérait que l’on s’inspire de la solution adoptée dans le cadre du tunnel sous la Manche, qui a prouvé son efficacité en matière de contrôle des conditions d’exploitation de l’ouvrage.

Le rapport d’enquête soulignait la nécessité de revoir l’organisation et le fonctionnement de la commission et d’apporter des compléments au dispositif juridique originel sur un certain nombre de points, pour tenir compte des recommandations qu’il formulait. En ce sens, l’articulation de la commission de contrôle avec le comité technique de sécurité était considérée comme spécialement importante et, dans cet esprit, la répartition des rôles et la coordination entre les deux instances devaient faire l’objet d’un soin particulier.

Sur ce point, la convention apporte les précisions requises et clarifie les compétences de la commission antérieure, qui sont désormais distinctes de celles du comité de sécurité, lesquelles font l’objet d’un autre article. La convention ne reprend toutefois pas l’intégralité des recommandations du rapport. Ainsi, la suggestion faite quant à l’opportunité que la commission intergouvernementale soit compétente pour l’ensemble des tunnels franco-italiens n’a pas été retenue par la convention, qui est également muette sur la durée du mandat des membres, que le rapport proposait de porter à 3 ans pour garantir la cohérence et stabilité de ses travaux. Sur ces points, il a été répondu à votre rapporteur que dans la pratique, l’esprit de ces recommandations était mis en œuvre, surtout pour la partie française, dont les délégations sont identiques pour les trois tunnels, tant pour les commissions que pour les comités techniques. Cela est moins vrai pour la partie italienne, dont les délégations varient assez nettement d’un tunnel à l’autre.

Finalement, seule la question de la présidence alternée a été explicitement traitée par l’article 7-2) de la convention et il a été précisé qu’aucune modification de la composition de la commission n’intervenait. La commission intergouvernementale franco-italienne est chargée, aux termes de l’article 7 de la convention de suivre « au nom des Parties et par délégation de celles-ci, l’ensemble des questions liées à la sécurité, l’exploitation, l’entretien, le renouvellement et la modernisation de l’ouvrage. » A ce titre, elle fixe en particulier les règles applicables au tunnel en ce qui concerne la conception technique de l’ouvrage, ses équipements et installations, la signalisation, la qualité de l’air, etc. Elle approuve l’ensemble des documents définissant les règles d’exploitation et de sécurité, les programmes et projets de travaux et d’équipements, et veille au respect par l’exploitant et les sociétés concessionnaires du respect et de ses décisions et des dispositions de la convention.

C – Le Comité de sécurité

Le rapport final des missions d’enquête française et italienne recommandait la création urgente - pour qu’il soit opérationnel dès les premières phases d’approbation du projet de réouverture du tunnel - d’un comité technique de sécurité, mixte et permanent, placé auprès de la commission intergouvernementale pour assurer le suivi des questions de sécurité.

Afin d’harmoniser les conditions de sécurité, le rapport suggérait une compétence du comité de sécurité sur l’ensemble des trois tunnels franco-italiens qui bénéficieraient ainsi d’une expertise croisée. Cette suggestion n’a pas non plus été explicitement retenue par les rédacteurs de la convention. Comme on l’a dit plus haut, le comité de sécurité, tout comme la commission intergouvernementale, n’a compétence que sur le seul tunnel du Mont Blanc ; néanmoins, la composition identique des différents comités garantit l’harmonisation et la cohérence des solutions adoptées.

La convention énumère dans son article 8 les compétences du comité de sécurité en reprenant, dans une formulation succincte, les propositions du rapport d’enquête. Elles se résument à la possibilité d’émettre, sur saisine de la CIG ou de sa propre initiative des avis ou des propositions à la CIG sur toute question relative à la sécurité du tunnel ainsi qu’à un rôle de consultation par la commission dans le cadre des décisions qu’elle prend en matière d’exploitation, de travaux et d’équipements et n’appellent pas de commentaire particulier.

D – Les règles et la police de la circulation

Les règles et la police de la circulation dans le tunnel sont parmi les questions qui ont bénéficié d’une révision de fond importante.

Selon les rapports d’enquête et les conclusions auxquelles était arrivé notre collègue Christian Kert, comme on l’a rappelé, c’est certes pour partie l’insuffisance des règles de circulation sur quelques points et de la signalisation dans le tunnel qui était à déplorer, mais surtout leur non respect par les usagers ou leur mauvais fonctionnement ou positionnement, s’agissant des feux de signalisation. L’accent devait donc être porté sur cet aspect spécifique et la convention renforce par conséquent la police de la circulation sous le tunnel.

Le règlement de circulation a ainsi été renforcé par un échange de lettres entre les gouvernements en janvier 2002  (8). Il traite de l’ensemble des règles relatives à l’accès au tunnel (classification de véhicules et des marchandises), aux modalités de circulation (vitesse, distance entre les véhicules, arrêts, etc.) et au comportement des usagers en cas de pannes et d’incidents.

Dans son article 9, la convention s’attache à renforcer les contrôles de police, afin de mieux sanctionner les infractions constatées. Pour ce faire, le dispositif qui avait été prévu dans l’avenant de 1965 est assoupli puisque, aux patrouilles bi-nationales, composées d’agents des forces de l’ordre des deux pays, s’ajoutent désormais des patrouilles exclusivement nationales, dotées de la possibilités d’intervenir, sous conditions clairement précisées, sur le territoire de l’autre pays, en cas d’infraction constatée sur leur territoire national.

Depuis 1965, des patrouilles mixtes, composées soit de policiers, soit en tout ou partie d’agents assermentés des sociétés concessionnaires, assuraient la police de la circulation dans le tunnel, qui agissaient dans le respect de la législation de l’Etat sur le territoire duquel l’infraction était commise.

L’innovation de la convention consiste à permettre, moyennant information préalable de l’autre partie, à des agents étrangers d’assurer la continuité du contrôle dans la zone de contrôle et partant, de verbaliser et d’interpeller, sur le territoire de l’autre Etat, pour des infractions commises dans la partie du tunnel située sur leur territoire. Le Conseil d’Etat a validé cette possibilité, dans son avis rendu en Assemblée générale (CE, 28 septembre 2006).

L’usage des armes est également encadré par la convention.

CONCLUSION

Le Tunnel sous le Mont-Blanc aujourd’hui est redevenu un ouvrage très fréquenté.

La tragédie de 1999 aura permis d’harmoniser les règles de gestion et d’améliorer, de manière importante, la sécurité de cet ouvrage, mais aussi celle d’autres tunnels, dont le percement prévu ou en cours, aura bénéficié de ces nouvelles exigences.

Cela étant, pour essentiel qu’il soit aux échanges commerciaux entre les deux pays, le tunnel du Mont-Blanc ne peut rester l’axe privilégié qu’il a été sauf à risquer la saturation et à voir le système de transports transalpins fragilisé. Le projet de liaison Lyon – Turin enfin lancé y contribuera mais ne constitue pas la solution unique.

Au bénéfice de ces remarques, votre rapporteur vous invite à approuver la convention qui vous soumise.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 10 juin 2008.

Après l’exposé du rapporteur, M. François Loncle a regretté qu’il ait fallu 9 ans depuis l’accident pour que la convention soit enfin ratifiée et le rapporteur a confirmé à M. Jean-Claude Guibal que la GEIE était bien la seule structure de gestion, agissant au nom des deux sociétés du tunnel. En réponse à une question de M. Philippe Cochet, il a détaillé les mesures de régulation du trafic désormais en vigueur, afin d’éviter l’engorgement du tunnel.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (no 893).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 893).

© Assemblée nationale

1 () Trois accidents mortels sur un trafic total de 46 millions de véhicules. (Source : rapport d’information présenté à la suite de la mission effectuée en Italie du 3 au 7 avril 2000 par une délégation du groupe d’amitié France-Italie).

2 () Rapport commun des missions administratives d’enquête technique française et italienne relatif a la catastrophe survenue le 24 mars 1999 dans le tunnel du Mont Blanc, 6 juillet 1999.

3 () Circulaire interministerielle n° 2000-63 du 25 août 2000 relative à la sécurité dans les tunnels du réseau routier national.

4 () Autoroute et tunnel du Mont Blanc.

5 () Societa italiana per il traforo del Monte Bianco.

6 () Directive 2004/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant les exigences de sécurité minimales applicables aux tunnels du réseau routier transeuropéen.

7 () Rapport commun des missions administratives d’enquête technique française et italienne relatif a la catastrophe survenue le 24 mars 1999 dans le tunnel du Mont Blanc, 6 juillet 1999.

8 () Décret n° 2002-199 du 14 février 2002 portant publication de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne portant approbation du règlement de la circulation dans le tunnel sous le Mont-Blanc, signées à Paris et Rome les 17 et 23 janvier 2002.