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N
° 1411

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 janvier 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

- LE PROJET DE LOI n° 1136, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements,

et

- LE PROJET DE LOI n° 1137, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements,

par M. Jean-Paul DUPRÉ,

Député

INTRODUCTION 5

I – SUR LES INVESTISSEMENTS EN AFRIQUE 7

A – LES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX EN AFRIQUE 7

B – LA PROTECTION ET LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS FRANÇAIS EN AFRIQUE 8

C – LES CAS DE LA GUINÉE ET DU KENYA 9

II – LA PROTECTION DES INVESTISSEURS ET LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS DANS LES ACCORDS 13

A – LA PROMOTION ET LA PROTECTION DES INVESTISSEMENTS 13

1) Des accords de facture classique 13

2) Qui pourraient être plus audacieux 14

B – LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

La commission des affaires étrangères a choisi d’examiner dans le cadre d’un rapport unique les deux projets de loi présentés par le gouvernement autorisant l’approbation des accords qu’il a signés avec les gouvernements de la République du Kenya et de la République de Guinée relatifs à l’encouragement et à la protection réciproques des investissements.

S’inscrivant dans le droit fil de quelque 92 conventions bilatérales que la France a précédemment conclues aux mêmes fins depuis le début des années 70, ces accords appelleraient peu de commentaires s’ils ne concernaient deux pays dont la situation politique intérieure a connu ces dernières années, – voire ces dernières semaines, s’agissant de la Guinée –, de vives tensions. Offrant aux investisseurs un cadre juridique stable, notamment en regard des risques de nature politique, ils apparaissent en ce sens d’autant plus opportuns que les perspectives d’investissements au Kenya et en Guinée justifient une attention particulière, même si nos échanges commerciaux sont pour le moment encore relativement modestes.

I – SUR LES INVESTISSEMENTS EN AFRIQUE

Un total de 23 conventions de promotion et protection des investissements, sur près d’une centaine que la France a signées, l’ont été avec des pays africains. Certaines ne sont toutefois pas en vigueur, faute d’avoir encore été ratifiées. C’est le cas de l’accord négocié en 2001 avec le Ghana, où la procédure d’approbation est toujours en cours ; de même la Zambie n’a-t-elle pas encore transmis son instrument d’approbation, malgré de nombreuses relances depuis 2002 (1).

Après celles concernant le Kenya et la Guinée, trois autres, qui ont été récemment négociées, devraient venir prochainement en discussion devant la représentation nationale, après leur examen par le Conseil d’Etat. Elles concernent Djibouti, le Sénégal et l’Angola. Ce dernier texte, dont le principe avait été décidé lors de la visite officielle du président de la république à Luanda au mois de mai 2008 a été conclu par Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur, en juin dernier.

Dans un premier point, après vous avoir rappelé quelques éléments de contexte, votre rapporteur formulera des commentaires d’ordre général, avant d’aborder les relations qu’entretient notre pays respectivement avec la Guinée et le Kenya.

A – Les investissements internationaux en Afrique

Il importe tout d’abord de remarquer que selon les données fournies par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et de développement (CNUCED), l’Afrique enregistre depuis plusieurs années et de manière régulière, une forte croissance de l’investissement étranger direct (IED). Selon le « World Investment Directory : Africa », qu’elle a publié en avril 2008, la CNUCED indique que les montants d’IED en 2006 ont atteint 36 Mds de US$, contre seulement 2,4 Mds 20 ans plus tôt.

Ces investissements intéressent surtout les pays producteurs de ressources naturelles et tout particulièrement l’Angola, l’Algérie, la Libye, le Mozambique, le Nigeria et l’Afrique du sud, qui sont bénéficiaires de plus des trois quarts des IED. A eux seuls, le Nigeria et la République d’Afrique du sud, en ont reçus 37 % en 2006. Dans les prochaines années, ce sont encore les industries pétrolières, gazières et minéralières qui devraient continuer de maintenir un niveau élevé d’IED.

Cette hausse, importante et rapide, s’est surtout produite pendant la période 2001-2007, notamment grâce à un climat plus favorable à l’investissement de la part des pays receveurs. La CNUCED y voit le résultat des efforts que nombre de pays africains ont déployés pour attirer les IED, et souligne les effets positifs de la modification des législations internes dans un sens plus favorable à l’entrée des capitaux étrangers, à l’activité des sociétés transnationales (STN) et au renforcement de la protection des investissements étrangers.

La CNUCED met également l’accent sur le rôle des conventions, bilatérales ou internationales, en précisant que, à la fin 2007, quelque 687 instruments bilatéraux avaient été conclus par l’ensemble des pays africains pour promouvoir les IED et améliorer les conditions d’investissement. Plus des deux tiers de ces accords ont été signés avec des pays développés, notamment européens, aux premiers rangs desquels apparaissent, sans réelle surprise, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Italie.

Pour autant, l’organisme souligne également que, s’ils restent encore modestes, les IED en provenance de pays en développement croissent de manière importante, des entreprises multinationales d’origine asiatique ou même africaine devenant des investisseurs dynamiques sur le continent. A cet égard, votre rapporteur peut préciser que la Chine a d’ores et déjà signé plus d’une trentaine d’accords bilatéraux avec les pays africains, soit avec plus de la moitié des pays du continent.

B – La protection et la promotion des investissements français en Afrique

On peut supposer que l’intérêt d’un pays est prioritairement de signer des conventions bilatérales de promotion et de protection des investissements avec les pays avec lesquels il entretient des relations économiques fortes. En ce sens, la liste des accords signés par la France en Afrique peut étonner. Ainsi, votre rapporteur ne peut tout d’abord manquer de souligner que le nombre des accords est, somme toute, encore relativement faible alors même que la France a des liens anciens avec l’Afrique, sans doute plus que la Chine. Ensuite, de remarquer que les pays concernés par ces accords ne sont pas nécessairement ceux avec lesquels la France entretient les relations les plus fortes, tant économiques que politiques, ou qui ressortent de sa « zone d’influence », comme on aurait sans doute pu s’y attendre.

En effet, les accords actuellement en vigueur ont été signés avec les quinze pays africains suivants, par ordre alphabétique : Afrique du sud (1995 ; 1997) (2) ; Algérie (1993 ; 2000) ; Egypte (1974 ; 1975) ; Ethiopie (2003 ; 2004) ; Guinée équatoriale (1982 ; 1983) ; Liberia (1979 ; 1982) ; Libye (2004 ; 2006) ; Madagascar (2003 ; 2005) ; Maroc (1996 ; 1999) ; Mozambique (2002 ; 2006) ; Namibie (1998 ; 2006) ; Nigeria (1990 ; 1991) ; Ouganda (2003 ; 2005) ; Tunisie (1997 ; 1999) ; Zaïre, aujourd’hui République démocratique du Congo (1972 ; 1975).

Si de grands partenaires économiques de la France figurent naturellement à juste titre dans cette liste, tels l’Algérie ou le Nigeria, qui seront bientôt rejoints par l’Angola dont notre pays est le troisième investisseur, on peut en revanche s’étonner de ne pas y voir apparaître certains autres pays dans lesquels les investissements français sont importants, tels que le Congo, le Gabon, la Côte d’Ivoire pour n’en citer que quelques uns où la présence des entrepreneurs et expatriés français est forte et ancienne ou bien, pour reprendre le constat fait par la CNUCED, qui sont de grands producteurs de matières premières.

A l’inverse, il apparaît que des conventions ont été conclues avec des pays avec lesquels notre pays n’entretient pas de relations économiques très développées, tels que l’Ouganda, même si certains grands projets en matière de télécommunications y sont actuellement développés, ou encore le Liberia ou la Namibie avec lesquels les échanges commerciaux et les investissements restent modestes. Sans doute d’autres considérations que strictement économiques interviennent-elles dans l’agenda de négociation de la France, d’ordre politique ou diplomatique, mais votre rapporteur se devait de mentionner le fait et de marquer sa surprise.

C – Les cas de la Guinée et du Kenya

Dans ce contexte global, les relations économiques que la France entretient avec la Guinée et le Kenya méritent d’autant plus d’être analysées que, ainsi que votre rapporteur le rappelait en introduction, ces deux pays ont récemment connu des tensions politiques intérieures vives qui ne font que rendre plus opportune la mise en place d’accords de protection des investissements de nos ressortissants.

En premier lieu, il convient de rappeler que la France est le deuxième client et le troisième fournisseur de la Guinée, derrière la Chine et la Côte d’Ivoire. Les sommes concernées, en hausse forte, restent néanmoins relativement modestes puisque les ventes françaises vers la Guinée ont représenté 173 millions d’euros sur les onze premiers mois de 2008 contre 125 en 2007. La Guinée est le 102ème client de notre pays. Les achats français se contractent, en revanche, dans les mêmes proportions, et ne se sont élevées qu’à 56 millions d’euros sur les onze premiers mois de 2008. Ils sont constitués à hauteur de 70 % par des importations de produits minéraux.

Sur le plan des investissements directs étrangers, les stocks globaux d’IED en Guinée étaient de 686 millions de US$ en 2006. La part des investissements directs français est de 17 millions d’euros. Les implantations françaises, qui comptaient une trentaine de filiales au début 2008, apparaissent diversifiées, et se situent essentiellement dans le secteur bancaire et les assurances (BNP Paribas, Société Générale, entre autres), la distribution, le secteur pharmaceutique, automobile, l’hôtellerie (ACCOR), les transports et transitaires, la construction (VINCI), le secteur pétrolier et gazier (TOTAL), la gestion aéroportuaire (ADP), les télécommunications (ORANGE). Une quarantaine d’implantations locales créées par des Français, avec ou sans partenaire local, sont également à mentionner.

Il est bien sûr encore trop tôt pour estimer les possibles incidences à moyen terme du coup d’Etat militaire intervenu à la fin du mois de décembre au lendemain du décès du président Lansana Conté. Dans un premier temps, la Guinée a certes été immédiatement suspendue de l’Union africaine, mais les ponts n’ont pas été coupés. Notre pays, notamment, est en contact permanent avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et avec l’UA afin d’aider à la transition et au respect des engagements pris par la junte (CNDD), avec laquelle le dialogue reste ouvert. A la suite de la visite effectuée par M. Alain Joyandet à Conakry au début du mois de janvier, le maintien de notre coopération a notamment été décidé.

Après une décennie de marasme, l’économie guinéenne connaît une croissance de quelque 4 % par an depuis 2006, notamment portée par des ressources naturelles exceptionnelles. Le désendettement en cours du pays devrait aider au développement des IED qui pourraient tripler d’ici à 2013. A l’instar de plusieurs pays africains, c’est vers le secteur minier, avec d’importants gisements de bauxite, que de nombreux investissements devraient se porter dans les années à venir pour développer les capacités de production d’alumine. A titre d’exemple, la Banque africaine de développement a approuvé en décembre dernier le plus grand projet d’investissement jamais réalisé dans le pays, d’un montant de 6,3 milliards de US$, portant sur la construction d’une raffinerie d’alumine, qui permettra la création de milliers d’emplois directs et indirects et contribuera au développement économique de la Guinée.

Si l’effet des aléas politiques devait être mis en évidence, l’exemple du Kenya viendrait confirmer l’incidence d’une crise politique majeure : celle intervenue après les élections au début de l’année 2008 a interrompu brutalement le rythme de croissance annuelle du pays qui atteignait 7 % en 2007. Des secteurs comme ceux du tourisme, de l'agriculture et des transports ont été particulièrement touchés. Les entreprises, notamment les PME implantées dans l’ouest du pays, ont plus particulièrement souffert. La crise alimentaire et énergétique de l’an dernier a également fortement touché le Kenya et a eu d’importantes répercussions en terme d’inflation, de perspectives d'accroissement du PIB qui ont dues être revues à la baisse.

La France est l’un des principaux partenaires économiques du Kenya quant aux échanges commerciaux et son excédent commercial s’est approché des 100 millions d’euros en 2007. Ce sont les secteurs pétrolier, chimique, électronique, aéronautique et les équipements de télécommunications qui sont les principaux intéressés, tandis que la filière agro-alimentaire concentre le gros de nos importations. Cela étant, la situation économique semble être déjà retournée à la normale dans la plupart des secteurs clés de l'économie et, pour 2009, la croissance devrait être tirée par un programme d'investissement public ambitieux conforme aux objectifs budgétaires, une politique monétaire prudente et un programme de réforme visant à améliorer la compétitivité de l'économie. Si l’activité touristique a fortement pâti des troubles politiques, comme on l’a souligné, le commerce au sein de la communauté d’Afrique de l’Est a redémarré dès février 2008 et le secteur agricole, qui représente le quart du PIB, a bénéficié d’un climat favorable.

Au strict plan des IED et de la présence française, les deux dernières années ont été marquées par un flux d’investissements français particulièrement élevé, puisqu’il est passé de 5 millions d’euros en 2006 à 440 en 2007, suite à la reprise par France Telecom de l’opérateur historique public Telkom Kenya. Le Kenya est désormais classé 33ème (contre 110ème en 2006) dans les IED français (0,3 % du total des IED français en 2007). Nos investissements représentent désormais 14 % de la capitalisation à la bourse de Nairobi. La présence française est forte d’une quarantaine d’implantations dans des secteurs très diversifiés et générerait plus de 10 000 emplois directs : matériaux de construction, télécommunications, distribution d'hydrocarbures, agriculture (café, fleurs), banque, transports, automobile, chimie, pharmacie et services.

Il est important de souligner que c’est précisément le manque de législation incitative au Kenya, qui longtemps l’a confiné aux marges de l’investissement étranger : jusqu’à ces derniers temps, il recevait trois fois moins d’IED que ses voisins ougandais et tanzanien. C’est notamment l’amélioration de l’environnement des affaires, avec la création d’un guichet unique, la Kenyan Investment Authority, pour faciliter l’obtention de permis et de licences exigés des investisseurs et diverses mesures de simplification administrative, qui a permis au Kenya de recevoir 728 millions d’US$ de flux d’IED en 2007 contre 51 millions en 2006. Ces efforts récents pour attirer les IED ont été remarqués par la Banque Mondiale qui a classé le Kenya au 10ème rang des pays les plus réformateurs en la matière. La signature de la convention avec la France intervient par conséquent dans un contexte porteur qui mérite d’être salué.

II – LA PROTECTION DES INVESTISSEURS ET LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS DANS LES ACCORDS

D’une manière générale, le but des accords de protection des investissements (API) est d’établir les conditions de protection minimales dont bénéficient les investisseurs, à savoir un traitement juste et équitable, la garantie d’un libre transfert des revenus liés aux investissements, une indemnisation prompte et adéquate en cas de dépossession et le recours possible à l’arbitrage international en cas de litige. Ils ouvrent également la possibilité pour les investisseurs français de bénéficier de la garantie de la Coface.

Ceux signés par la France avec la Guinée et le Kenya ont été conclus pour une période de 10 ans, renouvelables par tacite reconduction. S’ils venaient à être dénoncés, les investissements ayant été soumis à leurs dispositions en garderaient le bénéfice pour une période complémentaire de 20 ans. La protection offerte à l'investisseur est donc particulièrement stable.

Deux axes essentiels traversent les conventions. Le premier a trait à la promotion et à la protection des investissements, le second au règlement des différends.

A – La promotion et la protection des investissements

1) Des accords de facture classique

Les deux accords signés respectivement le 10 juillet 2007 avec la Guinée et le 4 décembre 2007 avec le Kenya, sont fort classiques, tant dans la forme que dans le fond.

Les Parties contractantes marquent tout d’abord dans le préambule leur volonté d’intensifier leurs relations économiques bilatérales en améliorant les conditions favorables à l’accueil des investissements. L’article 1er, qui définit les termes utilisés dans les accords, n’appelle pas de commentaire. Les dispositifs traitant de l’encouragement et de l’admission des investissements sont présentés à l’article 2 des accords. Celui signé avec le Kenya précise que « chacune des Parties contractantes s’efforce d’encourager le recours aux ressources humaines et matérielles locales pour l’encouragement des investissements sur son territoire », question sur laquelle la convention avec la Guinée est muette.

L’article 3 des accords pose le principe du traitement juste et équitable des investissements effectués par l’autre Partie, et l’article 4 développe, en termes quasiment identiques, les clauses habituelles, aux termes desquelles les investisseurs de l’autre Partie ne sont pas traités de manière moins favorable que les investisseurs nationaux et ceux de la Nation la plus favorisée, sauf dans le cas de privilèges particuliers résultant de l’appartenance ou de l’association d’une Partie à une union économique régionale.

Sont ensuite posés (article 5 de l’accord avec la Guinée et article 6 de l’accord avec le Kenya) les principes de protection des investissements effectués par les investisseurs de chaque Partie sur le territoire de l’autre. L’expropriation, la nationalisation ou la dépossession sont interdites. Toute mesure de dépossession, motivée par l’utilité publique, doit être non discriminatoire, et entraîne le droit au versement d’une indemnité « prompte et intégrale ». L’accord avec le Kenya en fixe les modalités de calcul, ce en quoi l’accord avec la Guinée apparaît moins détaillé, sans que cela induise pour autant concrètement de moindres garanties. Dans un cas comme dans l’autre, conformément au droit commun, l’indemnité obtenue par l’investisseur est librement réalisable et transférable, comme le sont les divers revenus retirés des investissements, sous réserve de risques de déséquilibres graves pour la balance des paiements qui pourraient en résulter dans des circonstances exceptionnelles.

Enfin, en cas de sinistre ou de dommage provoqués par les événements politiques, il est également prévu que les investisseurs de chacune des deux Parties devront pouvoir bénéficier d’un traitement non moins favorable que celui qu’applique l’autre Partie à ses propres investisseurs ou à ceux de la Nation la plus favorisée.

2) Qui pourraient être plus audacieux

Ainsi que votre rapporteur l’a souligné plus haut, les accords signés avec la Guinée et avec le Kenya sont classiques et n’innovent en rien par rapport aux précédents conclus par la France. En ce sens, ils sont dans la teneur de la grande majorité des API, notamment en ce qui concerne leur volet promotion des investissements, en ce qu’ils ne comportent pas la moindre disposition permettant un encouragement concret des investissements étrangers, se limitant à exprimer que « chacune des Parties contractantes encourage et admet, dans le cadre de sa législation et des dispositions du présent Accord, les investissements effectués par les investisseurs de l’autre Partie sur son territoire. (3) ».

C’est précisément sur cette frilosité qu’un rapport de la CNUCED a récemment mis l’accent en regrettant que plus de 80 % des accords internationaux d’investissements ne comportaient en fait pas la moindre disposition sur la promotion des investissements. Lorsque le thème est abordé, c’est, dans la plupart des cas, sans caractère contraignant (4).

Or, selon la CNUCED, une promotion effective des IED pourrait aider les pays bénéficiaires à mieux attirer de nouveaux investissements et contribuerait à mieux stimuler la croissance économique nécessaire à leur développement. Elle recommande par conséquent le renforcement des accords sur cet aspect et propose plusieurs pistes pour cela. Le dispositif d’un accord pourrait ainsi prévoir des mesures tendant à l’amélioration de l’environnement des investissements, notamment en ce qui concerne la transparence et la levée des obstacles informels aux investissements. Les recommandations pourraient porter sur tout ou partie des secteurs économiques, envisager l’établissement d’instruments d’évaluation de la promotion concrète des investissements à entreprendre par les pays exportateur et destinataire de capitaux, ou encore aborder la question des incitations financières ou fiscales.

La CNUCED cite ainsi le fait que certains des accords les plus ambitieux prévoient l’obligation de publicité des règlementations nationales en matière d’investissement, l’échange de renseignements sur les possibilités d’investissements, voire même une aide technique et financière de la part du pays développé envers son partenaire pour la création de conditions favorables.

Votre rapporteur partage le sentiment de la CNUCED quant à l’intérêt de ces orientations. Il estime qu’il serait opportun que notre pays s’inspire de ces recommandations pour les futures API qu’il négociera. Il considère que ces nouvelles pratiques, certes encore peu diffusées, sont prometteuses et bénéficieraient tant à nos investisseurs qu’aux pays en développement qui les accueillent.

B – Le règlement des différends

Le second volet des accords porte sur le règlement des différends qui peuvent intervenir entre les Parties contractantes ou entre un investisseur et une Partie. Sur ce plan également, les accords avec la Guinée et le Kenya n’innovent pas et reprennent les dispositions du droit international qui prévoient le recours à l’arbitrage international organisé dans le cadre de la Convention de Washington de 1965.

153 pays adhèrent à la Convention de Washington qui a notamment institué le « Centre international de règlement des différends relatifs à l’investissement », CIRDI. La France, non plus que la Guinée ou le Kenya n’ont formulé de réserves relatives à leur interprétation de la Convention.

Il semble utile à votre rapporteur de rappeler que si l’arbitrage est défini comme mode de résolution des différends, il convient que les parties en cause aient préalablement donné leur consentement à la compétence du tribunal arbitral pour qu’il puisse en connaître, que ce soit un arbitrage institutionnel tel que l’arbitrage du CIRDI, ou un arbitrage ad hoc (5). En d’autres termes, le seul fait pour un Etat d’avoir adhéré à la convention de Washington ne donne pas, de fait, compétence au CIRDI pour connaître des différends qui naîtraient entre cet Etat et un investisseur d’un autre Etat membre.

Cette compétence préalable doit par conséquent être exprimée dans un autre instrument, que ce soit une clause compromissoire insérée dans un contrat ou une clause de règlement des différends, insérée dans un accord international. C’est le rôle notamment des API bilatéraux, à l’instar des accords avec la Guinée et le Kenya. En leur absence, le règlement des différends ne pourrait être du ressort du CIRDI.

En l’espèce, les articles 8 de l’accord avec le Kenya et 9 de l’accord avec la Guinée, prévoient que, faute de règlement à l’amiable dans les trois mois, un différend est renvoyé, à la demande de l’investisseur, soit à l’arbitrage international du CIRDI, soit à l’arbitrage d’un tribunal arbitral ad hoc, constitué selon les règles d’arbitrage de la CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le droit commercial international).

Pour le règlement des différends qui interviendraient entre les Parties contractantes relativement à l’interprétation ou à l’application des accords, de façon également classique, la voie diplomatique est privilégiée. En cas d’échec dans un délai de six mois, le recours à un arbitrage international ad hoc est également prévu. Ce sont les articles 10 de la convention avec la Guinée et 11 de celle avec le Kenya qui les envisagent.

CONCLUSION

Ces deux accords arrivent au bon moment, compte tenu des besoins en investissements que le Kenya et surtout la Guinée rencontreront dans les prochaines années. Il était important que les investisseurs de notre pays bénéficient de toutes les garanties et assurances dans leurs démarches et opérations qui leur permettent de participer aux opportunités qui s’offriront et ainsi de se développer à l’international.

Au-delà des regrets exprimés quant au fait qu’ils pourraient être plus ambitieux, votre rapporteur recommande l’adoption des deux projets de loi présentés par le gouvernement.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine les présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 28 janvier 2009.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Lecoq. Ces accords posent problème. En effet, ils stipulent, à l’article 6, que les nationalisations ou expropriations par des personnes publiques sont interdites. Si l’obligation d’assortir une nationalisation d’une juste indemnisation n’est pas condamnable, le principe d’une interdiction absolue est une ingérence inacceptable dans les affaires d’un Etat souverain.

M. Jean-Paul Dupré, rapporteur. L’objectif de ces accords est de protéger les investisseurs français, comme les quatre-vingt douze autres accords de ce type déjà en vigueur. Au reste, les accords avec le Kenya et la Guinée offrent malgré tout la possibilité pour les Etats d’intervenir, moyennant une juste indemnisation des propriétaires expropriés.

M. François Loncle. Au vu de la situation régnant en Guinée, le débat mériterait de plus amples approfondissements : la mort du président après des années d’immobilisme et de chaos, un coup d’état militaire presque unanimement condamné, l’exigence internationale d’élections dans un délai rapproché et pas d’ici deux ans, la reconnaissance du régime guinéen par le président sénégalais, tous ces éléments doivent être discutés. Par ailleurs, la position française souffre d’une grande ambiguïté, et il est aujourd’hui difficile de savoir qui est décisionnaire dans ce dossier, et quelle position la France va adopter quant à la proposition du chef de la junte militaire en place d’avancer les élections en mai.

M. Axel Poniatowski, président de la commission. Ces points sont d’une grande importance, mais la ratification de ces deux traités a seulement pour but de protéger les intérêts économiques français en Guinée et au Kenya.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte les projets de loi (nos 1136 et 1137).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Le texte des accords figure en annexe aux projets de loi (nos 1136 et 1137).

© Assemblée nationale

1 () Enfin, il faut signaler que la procédure concernant l’accord signé avec le Zimbabwe en 2001 a également été suspendue par la France, pour des motifs politiques.

2 () Entre parenthèses, l’année de signature de l’accord et celle d’entrée en vigueur.

3 () Article 2.

4 () « Investment Promotion Provisions in IIAs », juillet 2008.

5 () Article 25 de la Convention de Washington.