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N
° 1427

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 février 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l’adoption d’un signe distinctif additionnel (protocole III),

par M. Christian BATAILLE,

Député

Voir les numéros :

Sénat : 177, 437 et T.A. 124  (2007-2008).

Assemblée nationale : 1036

INTRODUCTION 5

I – LES EMBLÈMES DE LA CROIX-ROUGE : UNE HISTOIRE AGITÉE 7

A – D’UN EMBLÈME UNIQUE À LA RECONNAISSANCE DE TROIS EMBLÈMES 7

B – LE STATU QUO ET LES PROBLÈMES QU’IL POSAIT 8

II – LA CRÉATION D’UN EMBLÈME ADDITIONNEL : LE CRISTAL ROUGE 11

A – L’EMBLÈME ADDITIONNEL 11

B – LES CONDITIONS D’UTILISATION DU NOUVEL EMBLÈME 12

1) A titre protecteur 12

2) A titre indicatif 13

C – UN NOUVEL EMBLÈME À RESPECTER ET FAIRE CONNAÎTRE 15

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE : les Etats signataires et les Etats parties au Protocole 23

Mesdames, Messieurs,

Les récentes opérations militaires israéliennes contre le Hamas à Gaza ont été, une nouvelle fois, l’occasion de rappeler la nécessité absolue de respecter le droit humanitaire international, et notamment de garantir aux personnels sanitaires la sécurité indispensable à l’accomplissement de leurs missions.

C’est dans les situations de conflit que l’utilisation d’un emblème signalant les personnes et les biens devant être protégés au titre des conventions de Genève est la plus vitale ; mais les emblèmes de la croix rouge ou du croissant rouge sont aussi quotidiennement utilisés par les sociétés nationales de secours.

Comme votre Rapporteur le rappellera, pendant plus d’un siècle, afin d’éviter une prolifération des emblèmes risquant de nuire à leur efficacité, le droit humanitaire international s’est efforcé de faire de la croix rouge sur fond blanc l’emblème de droit commun, le croissant rouge et le lion-et-soleil rouge n’étant en principe utilisés que dans des cas limités.

Il est néanmoins apparu que la réalité des pratiques et des besoins rendait nécessaire un assouplissement de ces règles, ce à quoi le troisième protocole additionnel aux conventions de Genève adopté le 8 décembre 2005 procède de manière adaptée et satisfaisante.

I – LES EMBLÈMES DE LA CROIX-ROUGE : UNE HISTOIRE AGITÉE

La Croix-Rouge doit sa création au Suisse Henry Dunant, qui avait été témoin, le 24 juin 1859, de la misère des 45 000 soldats abandonnés, morts ou blessés, sur le champ de bataille de Solférino, en pleine guerre pour l’unification de l’Italie. En 1862, il formule deux propositions dans un ouvrage intitulé Un souvenir de Solférino : créer, en temps de paix et dans chaque pays, des groupes de volontaires, constituant des sociétés de secours, chargés de s’occuper des victimes en temps de guerre, et obtenir des pays qu’ils acceptent de protéger les secouristes volontaires et les blessés sur le champ de bataille. La première proposition a conduit à la création des sociétés nationales, qui existent aujourd’hui dans 183 pays ; la seconde est à l’origine des conventions de Genève, auxquelles 192 Etats sont parties.

Dès 1863, le comité de cinq membres qui se réunit pour étudier les propositions d’Henry Dunant et qui se transformera bientôt en Comité internationale de la Croix-Rouge (CICR) compte parmi ses principaux objectifs celui d’adopter un symbole distinctif unique, reconnu en droit, grâce auquel on saura qu’il faut respecter les services sanitaires des armées, les volontaires des sociétés de secours et les victimes des conflits armés.

A – D’un emblème unique à la reconnaissance de trois emblèmes

Le 26 octobre 1863, la première conférence internationale, à laquelle quatorze gouvernements participent, adopte le signe de la croix rouge sur fond blanc comme emblème distinctif uniforme. Elle répond à l’objectif qui était de trouver un signe simple, facile à reproduire, identifiable à distance, qui serait connu de tous et identique pour les amis comme pour les ennemis. La première convention de Genève, signée le 22 août 1864, reconnaît la croix rouge sur fond blanc comme emblème distinctif unique. Elle symbolise la neutralité des services sanitaires des armées et la protection qui leur est conférée et est formée par l’inversion des couleurs du drapeau suisse, pays dont le statut de « neutralité perpétuelle » est fermement établi et patrie d’Henry Dunant.

Mais, rapidement, certains Etats critiquent ce choix, mettant en avant la prétendue connotation religieuse à cet emblème. Ainsi, dès 1876, l’Empire ottoman, en guerre contre la Russie, décide unilatéralement d’utiliser le croissant rouge sur fond blanc pour signaler les services sanitaires de ses forces armées. Une solution de compromis est trouvée : le croissant rouge n’est accepté qu’à titre provisoire, pour une durée limitée au conflit armé en cours, mais une première brèche est ouverte dans le principe d’unicité du signe distinctif.

D’autres emblèmes apparaissent ensuite, mais la plupart est rapidement abandonnée au profit de la croix rouge ; lors de la conférence de révision de la Convention de Genève de 1906, s’ajoutent à la demande du croissant rouge réitérée par l’Empire ottoman, celles de la Perse et du Siam revendiquant le droit d’usage, respectivement, du lion-et-soleil rouge (1) et de la flamme rouge. Tout en refusant de reconnaître ces emblèmes, la Conférence autorise les Etats à formuler une réserve aux stipulations de la Convention de Genève relatives à l’emblème, ce que font l’Empire ottoman et la Perse, tandis que le Siam se rallie à la croix rouge.

Finalement, la convention de Genève du 27 juillet 1929 pour l’amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne reconnaît le croissant rouge et le lion-et-soleil rouge sur fond blanc comme signes distinctifs, en plus de la croix rouge, mais, pour éviter toute prolifération des emblèmes, qui nuirait à leur efficacité, elle limite leur usage aux Etats qui les utilisent déjà, c’est-à-dire à la Turquie et l’Egypte pour le premier, à la Perse pour le second. Outre la croix rouge, les deux autres emblèmes autorisés sont donc les suivants :

B – Le statu quo et les problèmes qu’il posait

Cette solution de compromis est confirmée dans la convention de Genève du 12 août 1949 pour l’amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne, dite Première convention de Genève de 1949, mais à l’issue de longues discussions. Plusieurs propositions avaient en effet été formulées : créer un signe distinctif totalement nouveau en remplacement des trois alors reconnus, revenir au signe unique de la croix rouge, admettre un nouvel emblème, le bouclier-de-David (ou étoile-de-David) rouge. Les deux premières propositions ont été rapidement rejetées, alors que la troisième, formulée par le jeune Etat d’Israël, a été longuement discutée. Son rejet final a été justifié non seulement par la volonté d’éviter toute prolifération des emblèmes, mais également par la crainte qu’une admission de cet emblème en particulier ne décrédibilise le discours relatif à l’absence de signification religieuse des signes distinctifs reconnus. Israël réitère se demande à la conférence diplomatique de 1974-1977, mais sans plus de succès.

La formule de compromis consacrée en 1929 perdure ainsi pendant des décennies. En 1980, la République islamique d’Iran indique qu’elle renonce à son droit d’utiliser le lion-et-soleil rouge au profit du croissant rouge, tout en se réservant le droit de revenir au lion-et-soleil rouge si de nouveaux emblèmes étaient reconnus. Seuls la croix et le croissant rouges sont donc utilisés à compter de cette date.

La coexistence de ces deux signes, qui sont facilement identifiables à deux des principales religions monothéistes, a contribué à renforcer, dans certains contextes, les perceptions pourtant erronées quant à la connotation religieuse ou politique de ces emblèmes, en particulier lorsque les adversaires utilisaient un signe différent. Elle a aussi pu aboutir à mettre en doute les principes fondamentaux de neutralité et d’impartialité sur lesquels repose l’action de toutes les composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, impliquant du même coup que ces emblèmes ne jouissent pas du respect auquel ils ont droit et rendent plus incertaine la protection des personnes qui les arborent.

Par ailleurs, alors que les statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge exigeaient que, pour être reconnue, toute société nationale devait adopter l’un des emblèmes consacrés en 1949, le refus de certains d’Etats a empêché la reconnaissance de leur société nationale, ce qui a constitué une entrave à l’universalité du mouvement. Le problème se posait à la fois pour la société de secours israélienne du Magen David Adom, mais aussi, par exemple, pour la société érythréenne, qui souhaitait faire usage du double emblème de la croix et du croissant rouges accolés (2).

Dès 1992, le président du CICR demande publiquement la création d’un emblème additionnel dénué de toute connotation nationale, politique ou religieuse. La conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de 1999 approuve la proposition de création d’un groupe de travail sur les emblèmes, formé d’Etats et de sociétés nationales, chargé d’apporter une solution globale et durable à ces difficultés, qui soit acceptable, tant sur le fond que du point de vue de la procédure, pour toutes les parties concernées.

Dès 2000, le groupe de travail constate le profond attachement de la majorité de ses membres aux emblèmes de la croix rouge et du croissant rouge et opte pour l’adoption d’un emblème additionnel, dont le graphisme devra permettre d’y incorporer une croix et/ou un croissant ou tout autre symbole déjà en usage et communiqué par l’Etat qui souhaite l’utiliser.

II – LA CRÉATION D’UN EMBLÈME ADDITIONNEL :
LE CRISTAL ROUGE

C’est le 8 décembre 2005, à l’occasion d’une conférence diplomatique tenue à Genève, qu’est adopté le troisième protocole additionnel aux conventions de Genève, lequel crée un emblème additionnel, ensuite dénommé « cristal rouge ».

A – L’emblème additionnel

La description officielle de la forme de l’emblème figure à l’article 2 du Protocole : il est composé d’un cadre rouge, ayant la forme d’un carré posé sur la pointe, sur fond blanc. L’annexe au Protocole en fournit une représentation. Le commentaire du Protocole explique que cette forme a été choisie à l’issue d’un long processus de réflexion comprenant des tests de visibilité menés par les forces armées suisses. Il est simple, facile à reconnaître à distance, notamment depuis les airs, et dépourvu de toute connotation religieuse, ethnique, raciale, régionale ou politique. Il se présente comme suit :

En revanche, son nom n’avait pas encore été définitivement arrêté au moment de l’adoption du Protocole, qui le désigne donc seulement comme « l’emblème du troisième protocole ». Toujours selon le commentaire du Protocole, ce nom devait être dépourvu de toute signification, principalement politique ou religieuse, mais aussi être neutre sur le plan linguistique et, si possible, facile à prononcer à la fois dans les trois langues statutaires du Mouvement (anglais, espagnol, français) et dans de nombreuses autres langues, dont les autres langues officielles des Nations unies (arabe, chinois et russe). Il fallait aussi qu’il soit facile de l’accoler aux noms des emblèmes existants ; il devait enfin être court et facile à mémoriser.

Le 22 juin 2006, la XXIème conférence de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a ainsi adopté l’appellation de « cristal rouge » (« red crystal » en anglais et « cristal rojo » en espagnol), « le cristal étant signe de pureté, fréquemment associé à l’eau qui constitue un élément essentiel à toute vie humaine », toujours selon le même commentaire.

B – Les conditions d’utilisation du nouvel emblème

Tout comme les autres emblèmes officiels, le cristal rouge peut être utilisé à titre protecteur et à titre indicatif : dans le premier cas, les conditions de son utilisation sont strictement identiques à ceux applicables aux autres emblèmes ; dans le second cas, il innove en offrant une possibilité d’incorporation en son centre.

1) A titre protecteur

L’usage du signe distinctif à titre protecteur est la manifestation visible de la protection accordée par les conventions de Genève aux personnes, aux unités ou aux moyens de transport sanitaires des forces armées et autres organismes, objets et personnes dûment autorisés. Le but du signe distinctif, qui sera aussi grand que nécessaire, est de permettre son identification à distance.

L’article 2 du Protocole affirme l’égalité de statut de tous les signes distinctifs. Il s’agit d’une évolution du droit conventionnel. En effet, jusqu’ici, l’article 38 de la première convention de Genève établissait une forme de hiérarchie entre les emblèmes puisque le croissant rouge et le lion-et-soleil rouge n’étaient admis qu’à terme d’exception, le signe de la croix rouge étant considéré comme la règle. L’usage des deux autres emblèmes était en principe réservé aux Etats qui les utilisaient déjà. Mais la pratique a progressivement contribué à établir une égalité de fait entre ces emblèmes. L’égalité de statut entre les différents emblèmes, y compris le cristal rouge, est donc désormais consacrée par le Protocole.

De ce fait, les conditions d’utilisation et de respect de tous les emblèmes sont les mêmes. Elles sont régies par les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels de 1977, dont les principales règles sont rappelées dans l’encadré suivant.

LES CONDITIONS D’UTILISATION ET DE RESPECT DES EMBLÈMES

Le cristal rouge ne pourra être utilisé à titre protecteur en période de conflit armé que pour marquer un nombre limité de personnes et de biens. Il s’agit avant tout des services sanitaires des forces armées. Cette notion de services sanitaires n’est pas précisément définie, bien qu’elle soit utilisée à diverses reprises dans les Conventions de Genève et leur protocole additionnel I.

On considère en général qu’elle désigne un ensemble constitué par:

– le personnel sanitaire c’est-à-dire le personnel exclusivement affecté, d’une manière permanente ou temporaire, aux fins sanitaires ou à l’administration des unités sanitaires, ou encore au fonctionnement et/ou à l’administration de moyens de transport sanitaires;

– les unités sanitaires, fixes ou mobiles, permanentes ou temporaires, d’une Partie au conflit ou mises à la disposition d’une Partie au conflit;

– les moyens de transport sanitaires, permanents ou temporaires, affectés exclusivement au transport sanitaire et placés sous la direction d’une autorité compétente d’une Partie au conflit; et

–  le matériel sanitaire des unités sanitaires, des moyens de transport sanitaires, et du personnel sanitaire.

Le personnel religieux attaché aux forces armées peut également arborer l’emblème à titre protecteur. L’expression « personnel religieux » recoupe les personnes, telles que les aumôniers, qui sont exclusivement vouées à leur ministère et attachées d’une manière permanente ou temporaire aux forces armées ou aux unités sanitaires d’une Partie au conflit ou mises à la disposition d’une Partie au conflit.

L’usage protecteur de l’emblème n’est cependant pas restreint aux seuls services sanitaires et religieux des forces armées. En effet, la Convention (IV) de Genève mentionne que, sous certaines conditions strictement définies, les hôpitaux civils ainsi que le personnel régulièrement et uniquement affecté au fonctionnement ou à l’administration de ces hôpitaux, pourront également faire usage des signes distinctifs. Le protocole additionnel I va, par la suite, passablement élargir cette liste des entités civiles habilitées à arborer l’emblème en octroyant ce droit - là encore sous certaines conditions strictement définies - au personnel sanitaire et religieux, aux unités et aux moyens de transport sanitaires civils.

Les Conventions de Genève accordent aussi aux organismes internationaux du Mouvement ainsi qu’à leur personnel dûment légitimé le droit d’utiliser les emblèmes dans une finalité protectrice. Elles précisent en sus que les sociétés de secours (telles que les Sociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge) sont également autorisées – en cas d’urgence – à utiliser l’emblème de leur propre initiative lorsqu’elles sont occupées à recueillir blessés, malades et naufragés et à leur prodiguer des soins. La Convention impose toutefois que ces Sociétés soient dûment reconnues et autorisées par leur gouvernement et limite l’usage de l’emblème à titre protecteur au personnel employé aux mêmes fonctions que le personnel sanitaire des forces armées à condition qu’il soit soumis aux lois et règlements militaires. Dans cette dernière hypothèse, l’État doit continuer à veiller à la répression des abus.

Pour finir, les Conventions de Genève achèvent cette liste des personnes et entités habilitées à utiliser l’emblème à titre protecteur en y intégrant les zones et localités sanitaires créées sur le territoire d’une Partie au conflit pour mettre à l’abri des effets de la guerre les blessés et les malades.

Le dernier alinéa de l’article 2 vient combler une lacune du droit conventionnel. En effet, celui-ci ne précisait pas si les services sanitaires et le personnel religieux des forces armées pouvaient utiliser un signe distinctif autre que celui qu’ils utilisent habituellement : principalement la croix rouge à la place du croissant rouge, ou l’inverse. Cette possibilité est désormais affirmée, dès lors que l’utilisation, à titre temporaire, d’un autre emblème que celui qu’ils utilisent habituellement est susceptible de renforcer leur protection. Cette souplesse, conséquence logique de l’égalité de statuts des signes distinctifs, concerne aussi le cristal rouge.

L’article 5 autorise par ailleurs les services sanitaires et les personnels religieux participant à des opérations placées sous les auspices des Nations unies – opérations de maintien de la paix, mais aussi de rétablissement ou d’imposition de la paix, recouvrant des opérations militaires et/ou civiles – à utiliser l’un des quatre emblèmes officiels, avec l’accord des Etats prenant part à l’opération. Chaque contingent peut continuer à arborer l’emblème choisi par son pays, mais un emblème unique pourra aussi, désormais, être choisi. Il pourrait par exemple s’agir de l’emblème traditionnel du pays où l’opération se déroule, lequel est le mieux connu de sa population, ou de celui utilisé par la majorité des contingents constituant la force multinationale.

2) A titre indicatif

L’usage indicatif d’un emblème montre qu’une personne ou un bien présente un lien avec le Mouvement ; il est alors de petite dimension et les conditions de son emploi doivent exclure tout risque de confusion avec le signe utilisé à titre protecteur. Jusqu’ici, les sociétés nationales n’avaient le choix qu’entre les trois – deux, en pratique – emblèmes officiels : 32 d’entre elles ont choisi celui du croissant rouge, 151 utilisant la croix rouge.

Elles disposeront désormais d’un plus grand nombre de possibilités : non seulement, elles pourront opter pour le cristal rouge, mais aussi, sous certaines conditions, pour l’incorporation d’un symbole en son centre.

L’article 3 du Protocole permet en effet à une société nationale d’incorporer dans le cristal rouge, à titre indicatif :

– l’un des emblèmes traditionnels (la croix rouge ou le croissant rouge, en fait) ou une combinaison de ces emblèmes ; la société érythréenne – qui n’est encore qu’observateur au sein de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge – pourrait ainsi incorporer au sein du cristal rouge une croix rouge et un croissant rouge, et utiliser ainsi les deux emblèmes, comme elle souhaitait le faire ; les trois options suivantes sont par exemple envisageables :

– un autre emblème, à condition qu’il respecte deux conditions cumulatives, l’une de fond, l’autre de forme : il faut d’abord que cet emblème ait été effectivement utilisé par un Etat partie au Protocole de manière régulière pendant une période suffisamment longue ; il faut ensuite qu’il ait fait l’objet, avant l’adoption du Protocole, d’une communication aux autres Etats parties et au CICR. Il s’avère qu’un seul emblème est susceptible de répondre en pratique à ces deux conditions : il s’agit du bouclier rouge de David, que la société nationale israélienne utilise depuis le début des années trente et qui a fait l’objet de la communication requise. La Magen David Adom pourra ainsi utiliser l’emblème suivant :

Dans tous les cas, l’emblème ainsi composé devra être utilisé conformément à la législation nationale.

Le Protocole est sans ambiguïté sur le fait que les possibles incorporations sont restreintes au seul usage indicatif. Dans l’hypothèse d’un usage protecteur, le cristal rouge devra être utilisé sans incorporation, car c’est lui seul qui est reconnu comme emblème additionnel et pour des raisons pratiques de visibilité, et donc d’efficacité de la protection.

Par ailleurs, le même article 3 du Protocole, ouvre, sous certaines conditions, la possibilité à une société nationale qui aurait décidé l’incorporation d’un ou plusieurs emblèmes à l’intérieur du cristal rouge de faire usage du seul nom et de la représentation de cet ou de ces emblèmes sans les incorporer dans un cristal rouge. L’usage de la dénomination est autorisé sans restriction, tandis que celui de cet ou de ces emblèmes non intégrés au cristal rouge est permis exclusivement sur le territoire national de la société concernée. Ainsi, lorsque la société mènera des activités hors de ses frontières nationales, elle devra incorporer l’emblème ou les emblèmes dans le cristal rouge, à moins que l’emblème en question soit la croix rouge, le croissant rouge ou le lion-et-soleil rouge, dont l’utilisation seule est évidemment toujours possible.

Enfin, le troisième alinéa de l’article 3 fixe les conditions dans lesquelles une société nationale pourrait utiliser, à titre indicatif, de manière temporaire, à la place de son emblème habituel, le cristal rouge. Ces stipulations sont plus strictes que celles de l’article 2 portant sur l’usage protecteur des emblèmes. D’abord, il ne lui serait pas possible d’utiliser n’importe lequel des emblèmes, mais exclusivement le cristal rouge. Ensuite, trois conditions cumulatives sont exigées : que cette possibilité soit conforme à la législation nationale, que les circonstances soient exceptionnelles et que cela permette de faciliter son travail.

Cette possibilité d’utiliser le cristal rouge est aussi offerte par l’article 4 au CICR, à la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et à leurs personnels.

C – Un nouvel emblème à respecter et faire connaître

Les stipulations de protocoles relatives à la prévention et à la répression des usages abusifs du nouvel emblème, qui figurent à l’article 6, transposent les règles prévues dans ce domaine par les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels de 1977.

Tout usage qui n’est pas expressément autorisé par le droit international humanitaire est considéré comme abusif. L’article 6 cite, à titre d’exemple, la perfidie et l’imitation. La première consiste à utiliser un signe distinctif dans le but de profiter de la bonne foi de l’adversaire pour le tuer, le blesser ou le capturer. La seconde est l’utilisation d’un signe risquant de créer, par sa forme et/ou sa couleur, une confusion avec un signe distinctif. L’usurpation, autre forme classique d’abus d’un emblème, n’est pas mentionnée mais n’en est pas moins visée : elle se définit soit comme l’usage d’un signe distinctif par des entités ou des personnes qui n’y ont pas droit, soit comme le fait pour des personnes normalement autorisées à utiliser cet emblème, de le faire sans respecter les règles.

A titre d’illustration, on rappellera la polémique qui avait suivi, en Colombie, la libération d’Ingrid Bétencourt et de quatorze autres otages des FARC : un des agents colombiens portait un gilet portant le logo du CICR. Accusées de perfidie par certains, les autorités colombiennes avaient présenté leurs excuses pour ce qui était présenté comme une « erreur humaine ». Le procureur général avait d’ailleurs estimé qu’il ne pouvait s’agir d’un cas de perfidie, l’objectif de l’opération militaire étant de libérer des otages et non d’attaquer ou de nuire à l’adversaire.

Les Etats parties doivent prendre les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer, en tout temps, tous les abus. En France, la protection de l’emblème de la croix rouge est assurée par la loi du 24 juillet 1913 modifiée par la loi du 4 juillet 1939 en vue d’assurer la protection de l’emblème de la Croix-rouge et des armoiries de la Confédération suisse conformément aux dispositions de la convention de Genève du 27 juillet 1929 pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les armées en campagne. L’utilisation sans droit des emblèmes de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge ou de leurs appellations est susceptible de constituer l’infraction prévue au 2° de l’article 433-14 du code pénal, qui est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Le second paragraphe de l’article 6 vise à régler la délicate question de la portée dans le temps de l’interdiction des abus du nouvel emblème, c’est-à-dire à décider du sort des usages antérieurs du cristal rouge ou de tout signe qui en constitue une imitation.

La première convention de Genève consacre des régimes différents pour la croix rouge d’une part, les deux autres emblèmes, reconnus comme signe d’exception, d’autre part. Les emplois de l’emblème et/ou de la dénomination de la croix rouge par des particuliers (autres que ceux qui y ont droit en vertu de la convention) sont interdits en tout temps, quel que soit le but de cet emploi et quelle qu’ait pu être la date antérieure d’adoption. La protection juridique du croissant rouge et du lion-et-soleil rouge est beaucoup plus souple : l’interdiction d’utiliser ces emblèmes ne s’applique qu’aux personnes prétendant en user après l’entrée en vigueur de la convention, à l’exclusion des usagers considérés comme jouissant de droits acquis en la matière.

Après avoir hésité, les négociateurs du Protocole ont finalement choisi d’adopter au profit du cristal rouge le régime de protection accordé au croissant rouge et au lion-et-soleil rouge, eu égard, en particulier, aux problèmes qu’une interdiction absolue, même appliquée à l’issue d’un délai de grâce, pouvait poser vis-à-vis des régimes nationaux, régionaux ou internationaux de protection de la propriété intellectuelle. Les Etats parties pourront donc autoriser la poursuite de l’usage de signes identiques ou proches du cristal rouge, à condition que cet usage ne puisse pas apparaître comme conférant, en période de conflit armé, une protection en vertu du droit international humanitaire, c’est-à-dire qu’il ne prête pas à confusion.

L’efficacité d’un emblème dépend de la connaissance que les forces armées et les populations civiles en ont. C’est pourquoi l’article 7, reprend les stipulations de l’article du premier protocole additionnel de 1977 relatif à l’obligation de diffusion du Protocole. Elle incombe aux Etats parties, en temps de paix comme en temps de guerre. Ceux doivent en inclure l’étude dans les programmes d’instruction militaire et « encourager » celle-ci par la population civile.

CONCLUSION

En application de l’article 11 du Protocole, il devait entrer en vigueur six mois après le dépôt de deux instruments de ratification ou d’adhésion. La Norvège l’ayant ratifié le 6 juin 2006 et la Suisse, le 14 juillet suivant, il est entré en vigueur le 14 janvier 2007.

Comme le détaille le tableau en annexe, trente-huit Etats y sont aujourd’hui parties et cinquante l’ont signé sans l’avoir encore ratifié.

Le Protocole introduit une plus grande flexibilité dans l’usage des emblèmes, qui permet de résoudre les différentes difficultés que le statu quo de 1949 avait entraînées sans ouvrir pour autant la voie à une prolifération incontrôlée des signes indicatifs. Ainsi, depuis l’adoption du Protocole et la modification des statuts du Mouvement, approuvée en juin 2006, la société nationale d’Israël, le Bouclier-de-David rouge, et le Croissant-Rouge palestinien ont pu devenir membres à part entière du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

La conclusion du commentaire du Protocole formule en outre deux espoirs : celui que, dans les pays où cohabitent des communautés religieuses différentes, la possibilité d’utiliser la croix et le croissant rouges incorporés dans le cristal rouge ou le cristal rouge seul renforcera l’image de neutralité de l’emblème, alors que l’obligation d’effectuer un choix entre eux pouvait créer des difficultés en terme de recrutement des volontaires, de financement par les dons privés et surtout de crédibilité de l’action ; celui aussi que de nombreuses sociétés nationales opteront pour le cristal rouge, éventuellement en y incorporant leur emblème traditionnel, de manière à ce que, sans revenir à un emblème unique, le Protocole permette, à terme, un retour à une certaine uniformité au sein du Mouvement.

Votre Rapporteur est donc favorable à l’adoption du présent projet de loi, que la Sénat a adopté le 8 juillet dernier.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 3 février 2009.

Après l’exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission adopte le projet de loi (no 1036).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du protocole additionnel figure en annexe au projet de loi (n° 1036).

ANNEXE

PROTOCOLE ADDITIONNEL AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DU 12 AOÛT 1949 RELATIF À L’ADOPTION D’UN SIGNE DISTINCTIF ADDITIONNEL (PROTOCOLE III) :
LES ETATS SIGNATAIRES ET LES ETATS PARTIES

(au 1er février 2009)

Participant

Signature

Ratification ou adhésion

Albanie

 

06.02.2008

Allemagne

13.03.2006

 

Angola

14.03.2006

 

Argentine

13.03.2006

 

Australie

08.03.2006

 

Autriche

08.12.2005

 

Belgique

08.12.2005

 

Belize

 

03.04.2007

Bolivie

08.12.2005

 

Bosnie-Herzégovine

14.03.2006

 

Brésil

14.03.2006

 

Bulgarie

14.03.2006

13.09.2006

Burkina Faso

07.12.2006

 

Burundi

08.12.2005

 

Canada

19.06.2006

26.11.2007

Cap Vert

10.01.2006

 

Chili

08.12.2005

 

Chypre

19.06.2006

27.11.2007

Colombie

08.12.2005

 

Congo

08.12.2005

 

Corée (République de)

02.08.2006

 

Costa Rica

08.12.2005

30.06.2008

Croatie

29.05.2006

13.06.2007

Danemark

08.12.2005

25.05.2007

El Salvador

08.03.2006

12.09.2007

Equateur

08.12.2005

 

Espagne

23.12.2005

 

Estonie

14.03.2006

28.02.2008

États-Unis d’Amérique

08.12.2005

08.03.2007

Ethiopie

13.03.2006

 

Ex-République yougoslave de Macédoine

18.05.2006

14.10.2008

Fidji

 

30.07.2008

Finlande

14.03.2006

14.01.2009

France

08.12.2005

 

Géorgie

28.09.2006

19.03.2007

Ghana

14.06.2006

 

Grèce

08.12.2005

 

Guatemala

08.12.2005

14.03.2008

Haïti

06.12.2006

 

Honduras

13.03.2006

08.12.2006

Hongrie

19.06.2006

15.11.2006

Irlande

20.06.2006

 

Islande

17.05.2006

04.08.2006

Israël

08.12.2005

22.11.2007

Italie

08.12.2005

29.01.2009

Jamaïque

05.12.2006

 

Kenya

30.03.2006

 

Lettonie

20.06.2006

02.04.2007

Liechtenstein

08.12.2005

24.08.2006

Lituanie

06.12.2006

28.11.2007

Luxembourg

08.12.2005

 

Madagascar

08.12.2005

 

Malte

08.12.2005

 

Mexique

16.11.2006

07.07.2008

Moldavie (République de)

13.09.2006

19.08.2008

Monaco

15.03.2006

12.03.2007

Nauru

27.06.2006

 

Népal

14.03.2006

 

Nicaragua

08.03.2006

 

Norvège

08.12.2005

13.06.2006

Nouvelle-Zélande

19.06.2006

 

Ouganda

 

21.05.2008

Panama

19.06.2006

 

Paraguay

14.03.2006

13.10.2008

Pays-Bas

14.03.2006

13.12.2006

Pérou

08.12.2005

 

Philippines

13.03.2006

22.08.2006

Pologne

20.06.2006

 

Portugal

08.12.2005

 

République dominicaine

26.07.2006

 

Roumanie

20.06.2006

 

Royaume-Uni

08.12.2005

 

Russie (Fédération de)

07.12.2006

 

Saint-Martin

19.01.2006

22.06.2007

Serbie (République de)

31.03.2006

 

Sierra Leone

20.06.2006

 

Singapour

02.08.2006

07.07.2008

Slovaquie

25.04.2006

30.05.2007

Slovénie

19.05.2006

10.03.2008

Suède

30.03.2006

 

Suisse

08.12.2005

14.07.2006

Tanzanie (République Unie)

08.12.2005

 

Tchèque (République)

12.04.2006

23.05.2007

Timor-Leste

08.12.2005

 

Togo

26.06.2006

 

Turquie

07.12.2006

 

Ukraine

23.06.2006

 

Uruguay

13.03.2006

 

Source : site du Comité international de la Croix-Rouge.

© Assemblée nationale

1 () Un soleil levant et un lion tenant une épée constituaient l’emblème national perse (puis iranien) avant la révolution islamique de 1979.

2 () La société nationale du Kazakhstan avait aussi initialement opté pour le double emblème, avant d’y renoncer en 2001 au profit du seul croissant rouge.