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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 1445

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 février 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 1407) de MM. Jean LEONETTI, Gaëtan GORCE, Olivier JARDÉ et Michel VAXÈS visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie,

PAR M. Bernard Perrut,

Député.

——

INTRODUCTION 5

I.- UN DEVOIR D’HUMANITÉ : L’ACCOMPAGNEMENT D’UN PROCHE EN FIN DE VIE 7

A.  L’ACCOMPAGNEMENT DE LA FIN DE VIE, L’AFFAIRE DE TOUS 7

1. La dimension humaine de l’accompagnement 8

2. La spécificité de l’accompagnement de la fin de la vie 8

B. LA PLACE DES PROCHES, ACCOMPAGNANTS ET ACCOMPAGNÉS 9

1. Les proches qui accompagnent 10

2. Les proches accompagnés 10

C. UN TEMPS NÉCESSAIRE, POUR LE MALADE COMME POUR LES PROCHES 11

1. Le temps de la mort 11

2. Le temps pour accompagner 12

II.- UNE PREMIÈRE RÉPONSE : LE CONGÉ DE SOLIDARITÉ FAMILIALE 15

A. LA RECONNAISSANCE PROGRESSIVE D’UN TEMPS ULTIME DE SOLIDARITÉ 15

1. L’émergence des soins palliatifs 15

2. La naissance du « congé d’accompagnement de la fin de vie » et sa transformation en « congé de solidarité familiale » 16

B. UNE AVANCÉE SOCIALE QUI PEUT ÊTRE APPROFONDIE 17

1. La question des contraintes matérielles des proches en suspens 17

2. Des incertitudes pour l’accompagnant comme pour la collectivité 18

III.- UNE NOUVELLE ÉTAPE : LA CRÉATION D’UNE ALLOCATION JOURNALIÈRE D’ACCOMPAGNEMENT D’UNE PERSONNE EN FIN DE VIE 19

A. DES PRÉCÉDENTS QUI MONTRENT LA VOIE 19

1. L’exemple belge 19

2. L’exemple de la ville de Paris 20

B. UNE RÉFLEXION LONGUEMENT MÛRIE 21

1. De nombreuses études préalables 21

2. Le rapport de la mission parlementaire d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 22

C. LE DISPOSITIF PROPOSÉ 22

1. La création d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie 22

2. Une étape qui en appelle d’autres 23

TRAVAUX DE LA COMMISSION 27

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 27

II.- EXAMEN DES ARTICLES 31

Article 1er : Création d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie 31

Article 2 : Champ des bénéficiaires du congé de solidarité familiale 41

Article 3 : Modification de la dénomination du congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie 43

Article additionnel après l’article 3 : Rapport annuel du gouvernement aux commissions parlementaires compétentes sur la nouvelle allocation et l’application de la politique du développement des soins palliatifs à domicile 44

Article 4 : Gage 45

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 47

INTRODUCTION

La proposition de loi visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, présentée par MM. Jean Leonetti (UMP), Gaëtan Gorce (SRC), Olivier Jardé (NC) et Michel Vaxès (GDR), marque un moment essentiel de notre vie parlementaire mais aussi et surtout de notre vie sociale.

Elle apporte en effet une réponse à une interrogation récurrente qui, avec la pertinence et le succès que l’on sait, a contribué à éclairer, jour après jour, cette délicate question de la fin de vie, à commencer par le rapport de la mission d’évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie présenté par M. Jean Leonetti.

Le travail très approfondi mené par la mission a permis la synthèse entre, d’une part, la prise en considération de « l’absolue singularité du destin de chaque individu », de « la diversité et la complexité des peurs et des souhaits de chacun » ainsi que de l’« expérience qui par essence ne se partage pas » et, d’autre part, la nécessité de proposer des analyses concrètes pour satisfaire les attentes des malades et de leur famille.

Cette proposition de loi apporte, plus fondamentalement encore, une réponse aux interrogations de chacun, tant il est vrai que l’accompagnement n’est pas une affaire de spécialistes, en tout cas pas seulement, mais constitue un acte de solidarité sociale qui procède d’un véritable devoir d’humanité et de responsabilité. L’image du visage de l’autre, chère au philosophe Emmanuel Levinas, dit bien ce devoir d’humanité : « dès lors qu’autrui me regarde, j’en suis responsable sans même avoir à prendre des responsabilités à son égard. Sa responsabilité m’incombe ».

Mais comment faire application de ce devoir d’humanité en pratique ?

« Sans les familles, rien n’est possible ». Mme Marie de Hennezel a résumé par ces mots, en 2003, la nécessité de faciliter le travail d’accompagnement des proches. Il est fondamental de donner aux familles, très concrètement, la possibilité et le temps de l’accompagnement.

Accompagner l’accompagnement, pourrait-on dire, c’est bien l’un des enjeux de la présente proposition de loi et de la création d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Par-delà la formule, cette initiative entend bien constituer une étape décisive dans l’aide à l’accompagnement des personnes en fin de vie.

Le droit français comporte déjà un certain nombre d’instruments à cet effet. La loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs a résulté de nombreuses initiatives, dont celle du rapporteur de la présente proposition de loi, et créé un congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie, aujourd’hui dénommé congé de solidarité familiale, apportant ainsi une pierre importante à l’édifice.

Dix ans ont passé et le congé de solidarité familiale, s’il a porté ses fruits, doit à l’évidence encore être enrichi. Le moment est venu de franchir un nouveau pas.

En effet, comme l’a parfaitement montré la mission précitée d’évaluation de la loi du 22 avril 2005, les situations sont encore trop inégales : certains proches ont la possibilité de s’arrêter pour accompagner un malade en fin de vie, tandis que d’autres, faute de moyens matériels suffisants, se voient « au mieux » contraints de demander un arrêt maladie, au pire complètement démunis pour cet accompagnement.

La présente proposition de loi veut contribuer à résoudre ces difficultés en créant une allocation, qui pourra compenser la perte de revenus liée à l’accompagnement d’un parent ou d’un proche à domicile, à l’image de dispositifs existant déjà à l’étranger (en Belgique notamment) ou même en France (à Paris).

Ainsi pourra être favorisé le maintien à domicile de ceux qui souhaitent mourir chez eux et reconnu, au plan symbolique, le temps de la mort, facilité le travail de deuil des proches et, en somme, diminuée la solitude des accompagnés comme des accompagnants. Essentielle, cette initiative ne peut donc qu’être saluée.

Le rapporteur souligne dans le même temps qu’elle ne constitue, à l’évidence, qu’une étape dans une entreprise plus vaste.

Si 80 % des Français déclarent vouloir mourir chez eux, encore faudra-t-il faire converger les moyens pour favoriser véritablement le retour ou le maintien à domicile : cela passe également par le développement des différentes méthodes d’hospitalisation à domicile, notamment des unités de soins palliatifs mobiles, le renforcement des moyens destinés à rendre les professions de gardes-malades plus attractives, une meilleure coordination des soins, etc. Autant de mesures qui devront accompagner la présente initiative.

En outre, comment oublier qu’aujourd’hui seules 25 % des personnes prises en charge par un dispositif de soins palliatifs sont à domicile ? Que dire des 75 % qui se trouvent à l’hôpital ou en établissement spécialisé ? Les personnes qui les accompagnent accomplissent souvent de longs trajets, chaque jour, qui engendrent des frais importants. Certaines, compte tenu des distances kilométriques les séparant de leur domicile, doivent se loger à l’hôtel. Or le dispositif proposé ne s’applique pas à ces situations.

Autant dire qu’une prochaine étape est dès aujourd’hui bien identifiée. Mais en cette matière comme dans beaucoup d’autres, la méthode des petits pas favorise les grandes avancées. Il incombe au législateur, à cet égard, de ne pas relâcher sa vigilance et de garder à l’esprit le devoir d’humanité et de solidarité.

I.- UN DEVOIR D’HUMANITÉ :
L’ACCOMPAGNEMENT D’UN PROCHE EN FIN DE VIE

« "La fin de la vie des malades n’est pas limitée au seul champ de la médecine et des soignants : d’autres, familles, proches, voisins, bénévoles, la société, ont également un devoir d’aide et d’humanité envers ceux qui meurent" (Dr Henri Delbecque). L’accompagnement de la fin de la vie implique, au delà des professionnels de santé, la population dans son ensemble.

Chacun de nous mourra un jour. Chacun de nous aura à accompagner un jour, un parent, un enfant, un ami, un voisin. L’accompagnement de la fin de vie est une tâche humaine qui nous concerne tous.

Il s’agit non seulement d’un devoir de solidarité, mais d’une expérience qui participe de la vie, une expérience, qui de l’avis de ceux qui l’ont faite, rend plus humains. (…) La société dans son ensemble doit donc s’impliquer dans ce devoir d’humanité ».

Ces quelques lignes, extraites du rapport établi par Mme Marie de Hennezel à l’attention du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées en octobre 2003, définissent l’accompagnement d’un proche en fin de vie comme un « devoir d’humanité », une expérience qui peut être celle de chacun.

C’est bien, comme le souligne la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 (1), dans cette perspective très vaste qui est celle de l’« humanisation de l’accompagnement de la fin de vie » que prend place la création de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie : humanisation de l’acte d’accompagnement ; humanisation de la relation avec ceux qui sont proches ; humanisation du temps ainsi reconnu de la mort.

A.  L’ACCOMPAGNEMENT DE LA FIN DE VIE, L’AFFAIRE DE TOUS

Les dictionnaires (2) rappellent avant tout la polysémie du verbe « accompagner » : « aller quelque part avec quelqu’un ; mettre en place des mesures visant à atténuer les effets négatifs de quelque chose ; soutenir par un accompagnement musical ; faire en même temps ; aller avec, être joint à ».

La tenue d’une conférence de consensus, en janvier 2004, consacrée à « l’accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches », a toutefois permis de mettre en évidence combien l’accompagnement est avant tout une relation : « Accompagner, c’est s’approcher d’autrui, et nouer une relation avec lui ». En effet, « si le malade y consent, il n’y a plus alors un approchant et un approché mais deux approchants, présent l’un à l’autre et conscients de leur altérité qui les rend chacun étrange et étranger l’un à l’autre » (3).

1. La dimension humaine de l’accompagnement

Cette même conférence a aussi montré combien l’accompagnement n’est pas une affaire de spécialistes, en tout cas pas seulement, chacun pouvant en faire l’expérience en différentes circonstances de la vie : « L’accompagnement de personnes en fin de vie, même s’il est profondément marqué par le tragique de la proximité de la mort et l’intensité du travail de deuil, n’en reste pas moins un accompagnement parmi d’autres ».

La dimension d’humanité de l’acte d’accompagnement a aussi été soulignée à cette occasion : « C’est un acte de solidarité humaine et sociale. Il procède d’un devoir d’humanité, de non-abandon des plus vulnérables, et de notre responsabilité à leur égard ».

Enfin, a été évoquée l’œuvre du philosophe Emmanuel Levinas, qui a souligné, rencontrant l’écho que l’on sait, le lien entre le devoir éthique, le commandement de l’amour et le visage d’autrui : « dès lors qu’autrui me regarde, j’en suis responsable sans même avoir à prendre des responsabilités à son égard. Sa responsabilité m’incombe. » Le philosophie décrit ainsi le visage qui se tourne vers moi : « Demande de mendiant, misère de mortel : mais à la fois autorité qui m’assigne à comparaître, qui m’assigne à répondre ».

2. La spécificité de l’accompagnement de la fin de la vie

Certains auteurs ont mis en valeur la spécificité de l’accompagnement de la fin de vie : « accompagner, c’est soutenir autrui, l’image de l’accompagnement musical est éclairante. La musique d’accompagnement a pour but de faire ressortir, par contraste ou par appui toute l’intensité de la mélodie. Par analogie on peut envisager la relation d’accompagnement comme un soutien qui permet de mettre en valeur la personne accompagnée, même si ses capacités sont extrêmement réduites ou de l’encourager à continuer d’apporter sa note ».

Une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), réalisée pour l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) en juillet 2003, a montré que le terme d’« accompagnement » a une connotation positive à la fois dans le grand public et chez les professionnels : « ce terme est spontanément utilisé par les deux populations interrogées comme synonyme de soutien psychologique et de prise en charge morale ».

Dans un avis de 1999 établi par M. Donat Decisier et consacré à l’accompagnement des personnes en fin de vie, le Conseil économique et social a bien mis en évidence toutes les nuances qui entourent la notion d’accompagnement de la fin de vie :

« La souffrance ne peut se réduire à la douleur physique. La plupart du temps la phase terminale d’une maladie s’accompagne d’une souffrance totale, globale, qui est tout à la fois physique, psychologique ou psychique, voire spirituelle.  Alléger cette souffrance totale (…), aider la personne malade qui y est confrontée à la surmonter, en un mot l’accompagner, tels sont les objectifs des soins palliatifs ».

Cet avis tente d’établir les exigences que requiert l’accompagnement d’une personne en fin de vie, en une énumération qui ne saurait naturellement avoir valeur exhaustive :

– la prise en compte de la douleur, mais aussi de la perte d’autonomie et de mobilité plus ou moins importante à laquelle peut être confronté le malade et qui lui rend difficiles, douloureux, voire impossibles les actes les plus élémentaires de l’existence ;

– une disponibilité et un engagement dans une relation humaine fondée sur la confiance, le respect et l’écoute ;

– une aide tant au profit du malade que de sa famille et de ses proches pour la résolution des problèmes matériels et des troubles psychosociaux qu’ils rencontrent : solitude et isolement, sentiment d’inutilité, colère, peur, anxiété, voire dépression, chez le patient et, bien que différemment vécus, chez ses proches, dont le comportement peut par ailleurs être affecté par la fatigue, l’épuisement, l’incompréhension, l’impréparation au deuil ;

– éventuellement, des exigences rituelles ou religieuses particulières, voire des situations familiales conflictuelles.

B. LA PLACE DES PROCHES, ACCOMPAGNANTS ET ACCOMPAGNÉS

La création d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie vise plus particulièrement la situation d’accompagnement par les proches.

De fait, l’étude précitée du CREDOC a montré que pour la majorité des personnes interrogées, l’accompagnement doit se faire prioritairement par les proches : « pour certaines personnes, l’accompagnement de proches malades ou en fin de vie permet de se réapproprier la mort, et la prise en charge devrait permettre au maximum le rapprochement entre la famille et le patient (…) ».

1. Les proches qui accompagnent

Encore faut-il identifier quels sont ces proches. Cette question a également été soulevée au cours de la conférence de consensus de 2004, au sujet de la définition de la notion d’« entourage » : « De qui parlons-nous ? Reconnaissons que notre culture française peine à identifier celle ou celui qui partage l’intimité de la maladie du patient, contribue à sa prise en charge (notamment en cas de dépendance), se sent investi d’une mission auprès du malade et l’accompagne jusque dans sa fin de vie » (4).

Certaines conclusions semblent s’imposer cependant, qui confirment l’importance de l’action d’accompagnement par la famille :

– quelles que soient les pathologies et les situations, la cellule familiale constitue le premier cercle des « accompagnants » ;

– dans les maladies du grand âge, le conjoint est souvent secondé, voire remplacé par un descendant ;

– lorsque l’enfant est concerné, les parents sont les premiers présents, même si la fratrie peut être mobilisée ;

– la présence d’amis, de voisins, ou de parents plus éloignés, même si elle est statistiquement moins importante constitue aussi une réalité (près de 9 % des situations concernant les personnes dépendantes de plus de 65 ans).

En 2002, la thèse de doctorat de M. Florent Noël, consacrée à la « problématique familiale dans le maintien à domicile des malades en fin de vie », a également insisté sur le rôle de la famille dans l’accompagnement de la fin de vie, en soulignant les besoins de celle-ci ainsi que la nécessité d’un soutien en vue d’éviter l’épuisement de l’entourage. M. Noël analyse la fin de vie d’un proche comme un temps de crise dans la vie d’une famille : crise personnelle et familiale, qui a des répercussions émotionnelles, psychologiques, relationnelles, sociales et parfois aussi physiques sur la santé de ses membres.

2. Les proches accompagnés

Le rapport précité établi par Mme Marie de Hennezel en 2003 établit le même constat : « sans les familles, rien n’est possible ». Pour autant, la tâche n’est pas aisée : « Il va de soi qu’accompagner un proche mourant, chez soi, représente une tâche lourde. Les proches ont l’obligation d’assumer des fonctions qui relèvent de la compétence des professionnels de santé. Ils peuvent s’épuiser et se sentir coupables de ne pas pouvoir assumer ce rôle auquel ils n’ont pas été préparés. (…) Dans une politique qui vise à développer les réseaux de soins palliatifs à domicile, il paraît indispensable de s’interroger sur les moyens de mieux soutenir les accompagnants naturels ».

De fait, la prise en charge d’une personne peut exiger la mise en œuvre de structures spécifiques, telles celles qui existent aujourd’hui en France : les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP), structures spécifiquement dédiées aux soins palliatifs, mais non rattachées à un service ; les lits identifiés de soins palliatifs (LISP), implantés dans des services cliniques ; les unités de soins palliatifs (USP), dont la technicité est grande.

Mais il existe dans le même temps d’indéniables « carences des soins palliatifs hors établissements de santé », mises en évidence par la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005, qui constate que ni les réseaux de soins palliatifs, ni les structures d’hospitalisation à domicile ne bénéficient de moyens suffisants (5). Ces carences sont préjudiciables aux malades mais aussi aux accompagnants.

Il est intéressant de relever, dans le même rapport, le glissement insensible de la notion d’accompagnement de la personne en fin de vie à celle de l’accompagnement de la famille qui accompagne, les deux étant étroitement mêlées : « la notion d’accompagnement des familles s’appuie sur l’idée que, comme pour le malade, chaque famille est unique, ses relations au proche qui va mourir le sont également, ce qui suppose la découverte des besoins de chaque membre de cette famille et l’adaptation du soutien et des réponses proposées, avec l’évolution de chacun au fil de la fin de vie de son proche ».

C. UN TEMPS NÉCESSAIRE, POUR LE MALADE COMME POUR LES PROCHES

L’accompagnement des proches demande du temps. La question de l’accompagnement en fin de vie soulève celle du temps dans ses deux dimensions : reconnaissance du temps de la mort ; libération du temps pour accompagner.

1. Le temps de la mort

Les analyses de l’historien Philippe Ariès ont montré comment, de la mort familière, on est passé à une mort cachée : hier, une mort apprivoisée, une mort consciente, de préférence chez soi ; à partir du XXe siècle, une mort interdite et un déplacement : on ne meurt plus chez soi mais à l’hôpital et souvent seul (6).

Le Comité national de suivi du développement des soins palliatifs et de l’accompagnement a montré, dans son rapport de fin d’exercice du 12 janvier 2008, qu’aujourd’hui la société valorise le temps de la naissance en reconnaissant et en rémunérant le congé de maternité et le congé de paternité, mais ne prévoit rien – fait très révélateur sur le plan symbolique – s’agissant de la mort.

2. Le temps pour accompagner

En 2005, 47 % des personnes interrogées avaient déjà accompagné un proche en fin de vie, pour une durée inférieure à trois mois. Pourtant, trois quarts des patients mourant à l’hôpital sont seuls au moment de leur mort. Ces chiffres, rappelés par le rapport de la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005, montrent l’intensité du besoin de reconnaissance par la société de ce temps d’accompagnement d’un proche en fin de vie.

Pour les proches, la notion du temps est à la fois philosophique ou psychologique et très matérielle, ce qu’a aussi mis en évidence la conférence de consensus de 2004 précitée.

La littérature a souvent évoqué les différentes perceptions du temps, par la personne malade et par ceux qui l’entourent. Pour la personne accompagnante, la notion est cruciale : « le "temps qui reste" s’oppose au "temps parcouru" et à celui de "l’après". La présence devient souvent urgente, par la simple conscience de la précarité des moments vécus. À ce titre, les contraintes liées à l’hospitalisation deviennent moins supportables » (7).

Mais la question du temps des accompagnants est aussi très matérielle. L’entourage s’efforce de concilier les impératifs de la vie familiale qui continue (éloignement géographique, scolarité des enfants, contraintes domestiques, etc.) et la volonté d’être le plus présent possible aux côtés du mourant. Pour les proches encore impliqués dans une vie professionnelle active, il n’existe pas de « sas » spécifique leur permettant une gestion plus souple du temps.

Le Conseil économique et social avait déjà établi un constat identique dans l’avis précité de 1999, en mettant en évidence, tant pour la personne malade que pour sa famille et ses proches, la nécessité d’une présence des êtres chers et le besoin de se rendre disponible et d’entourer : « Or, force est de constater, une fois de plus, que les personnes concernées sont, pour ce faire, confrontées à de réelles difficultés. L’accompagnement de la fin de vie, en particulier lorsqu’un retour à domicile est envisagé, exige du temps ainsi que des moyens matériels et financiers pour faire face aux nécessités de la vie quotidienne. L’exercice d’une activité professionnelle, salariée ou non, pose la question du temps, son interruption, celle des moyens ».

C’est à la même conclusion qu’aboutit la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005. Se fondant notamment sur l’audition du docteur Régis Aubry, le rapport de la mission évoque « le délaissement dont sont victimes de nombreux patients qui finissent leurs jours dans une institution médicalisée. Il est essentiel de permettre aux proches d’un mourant de lui consacrer du temps, et, corrélativement, de faire en sorte qu’il puisse achever sa vie là où il l’entend, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, à son domicile ».

Le rapport rappelle à cet égard les nombreux témoignages des familles ayant accompagné un proche, démarche ayant requis du temps à lui consacrer. À titre d’exemple, celui de la femme d’un malade décédé des suites d’un cancer : « dès que mon mari est tombé malade, j’ai diminué de moitié mon temps de travail parce que j’en avais la possibilité ; (…) je ne peux pas m’empêcher de me demander comment font ceux qui n’ont aucun soutien extérieur ». Le rapport conclut : « Il est donc essentiel de permettre à chacun de moduler son temps de travail lors de la fin de vie d’un proche ».

II.- UNE PREMIÈRE RÉPONSE :
LE CONGÉ DE SOLIDARITÉ FAMILIALE

À la fin des années 1990 a été créé en France le « congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie », intégré dans la loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit d’accès aux soins palliatifs. Cette loi résultait de différentes initiatives parlementaires, dont celle du rapporteur de la présente proposition de loi (8).

Transformé en « congé de solidarité familiale » en 2003, ce temps accordé aux proches pour leur permettre d’être présents aux côtés d’une personne souffrant d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital est unanimement reconnu comme nécessaire et bénéfique, aussi bien pour le malade que pour les accompagnants. Pourtant, en l’état actuel du droit, la situation reste insatisfaisante puisque la perte de rémunération freine le recours à ce dispositif.

A. LA RECONNAISSANCE PROGRESSIVE D’UN TEMPS ULTIME DE SOLIDARITÉ

1. L’émergence des soins palliatifs

On date du début des années 1980 la prise de conscience, en France, d’un nécessaire développement des soins palliatifs. À la différence des soins curatifs qui visent à soigner, les soins palliatifs tendent à soulager la douleur physique tout en apaisant les souffrances psychologiques des malades en fin de vie ; l’anglais oppose ainsi to cure et to care. Comme l’a souligné M. Régis Aubry, président du Comité national de suivi du développement des soins palliatifs et de l’accompagnement, lors de son audition devant les membres de la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005, « si la médecine triomphante des Trente Glorieuses a permis d’allonger considérablement la durée de vie, la question n’est plus tant celle de la quantité de vie prolongée que de sa qualité ».

C’est la circulaire dite « Laroque » du 26 août 1986 relative à l’organisation des soins et à l’accompagnement des malades en phase terminale qui a, pour la première fois, traduit la reconnaissance par les pouvoirs publics de la nécessité d’améliorer la prise en charge des personnes en fin de vie et de leur famille, la famille étant conçue comme un partenaire de soins. La circulaire précise à cet égard que « l’équipe soignante doit apporter un soutien à la famille afin de l’aider dans la phase difficile qu’elle traverse et de lui permettre de jouer son rôle auprès du mourant ».

La même année paraît Mourir accompagné, du docteur Renée Sebag-Lanoë, spécialiste en gériatrie, qui met également l’accent sur l’importance de cet accompagnement : « Quelle est la place de la famille dans cet accompagnement ? La plus large possible… Chaque fois que cela est possible, les soignants doivent éviter de se substituer aux proches pour leur permettre, au contraire, de jouer leur rôle et même les aider à l’accomplir » (9).

En 1993, le docteur Henri Delbecque, dans son rapport sur l’accompagnement des malades en fin de vie (10), fait état d’un retard considérable de la France en matière de développement des soins palliatifs. Parmi ses préconisations, figure notamment le renforcement de l’aide et du soutien à la famille qui, confirme-t-il, joue un rôle irremplaçable auprès des personnes en fin de vie.

Si cette présence et ce rôle des proches sont donc unanimement considérés comme primordiaux, il faut toutefois attendre la loi n° 99-477 du 9 juin 1999 pour que l’intervention des proches soit légalement facilitée.

2. La naissance du « congé d’accompagnement de la fin de vie » et sa transformation en « congé de solidarité familiale »

Visant à garantir l’accès aux soins palliatifs, la loi du 9 juin 1999 est la première loi déterminante pour le développement des soins palliatifs en France. Dans l’esprit du rapport d’information du sénateur Lucien Neuwirth (11) et de l’avis adopté à l’unanimité par le Conseil économique et social en février 1999 (12), la loi définit les soins palliatifs comme « des soins actifs et continus, pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile [qui] visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir l’entourage » et garantit le droit à l’accès à ces soins pour toute personne malade dont l’état le requiert.

L’article 11 de la loi, codifié à l’article L. 225-15 du code du travail (devenu aujourd’hui articles 3142-16 et suivants de ce code), crée un « congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie », disposant que « tout salarié dont un ascendant, descendant ou une personne partageant son domicile fait l’objet de soins palliatifs a le droit de bénéficier d’un congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie ». D’une durée maximale de trois mois, ce congé est de droit ; l’employeur ne peut s’y opposer ni le reporter. Avec l’accord de l’employeur, ce congé peut être transformé en période à temps partiel. Le congé n’est pas rémunéré, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. La durée du congé est toutefois prise en compte pour la détermination des avantages liés à l’ancienneté.

Dans le même temps, la loi du 9 juin 1999 crée un dispositif analogue de congé d’accompagnement au profit des fonctionnaires des trois fonctions publiques (fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière).

L’article 38 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, dite loi « Fillon », remplace le congé d’accompagnement d’un proche en fin de vie par le « congé de solidarité familiale ». Ce congé de solidarité familiale reprend les dispositions antérieures, y compris l’absence de rémunération. En revanche, la famille peut désormais assister ce proche à tout moment de sa maladie, dès lors qu’est mis en jeu le pronostic vital, et non simplement à son stade terminal. Ce congé reste d’une durée maximale de trois mois mais il est désormais renouvelable une fois.

La création d’un congé permettant de prendre du temps pour accompagner un être cher jusqu’au seuil de la mort constitue une avancée sociale et symbolique majeure. Comme l’exprimait le rapporteur dans l’exposé des motifs de la proposition de loi à l’origine de la création du congé d’accompagnement des personnes en fin de vie en 1999, « il est important de rappeler que l’amour et la veille attentive et patiente d’un être proche est certainement l’aide la plus précieuse et la plus réconfortante que l’on puisse offrir à une personne au terme de sa vie ».

B. UNE AVANCÉE SOCIALE QUI PEUT ÊTRE APPROFONDIE

Si la possibilité de libérer du temps pour accompagner une personne en fin de vie est largement satisfaite grâce au congé de solidarité familiale, la loi ne résout cependant pas entièrement la question des contraintes matérielles et financières qui dès lors pèsent sur les proches. Il n’existe en effet à ce jour aucun financement public national du congé de solidarité familiale (13).

1. La question des contraintes matérielles des proches en suspens

De fait, cette situation engendre des inégalités d’accès aux soins et à l’accompagnement, puisqu’elle en limite la portée pour les personnes les moins fortunées, qui renoncent par manque de moyens à exercer leur droit. Une enquête de l’Institut français d’opinion publique (IFOP) réalisée en 2005 auprès d’un échantillon d’accompagnants de proches en fin de vie a révélé que seulement 9 % d’entre eux avaient utilisé le congé d’accompagnement, alors que 31 % avaient pris ce temps sur leurs congés payés.

Certains proches sont donc parfois contraints de recourir à d’autres formes d’interruption du travail. Ce peut être notamment par le biais d’un arrêt maladie demandé à leur médecin qui, cela se comprend, accepte bien souvent de le délivrer par compassion, quand ce n’est pas par réelle nécessité en cas d’épuisement physique et psychique de l’accompagnant.

2. Des incertitudes pour l’accompagnant comme pour la collectivité

Une telle situation présente divers inconvénients, pour la personne concernée comme pour la collectivité :

– dans la mesure où elle n’est pas légale, elle peut non seulement entraîner des difficultés avec l’employeur mais elle est à l’origine d’incertitudes pour la personne concernée, qui prend le risque de ne pas toujours retrouver des conditions de travail identiques à celles qu’elle a connues avant son départ ;

– elle fait de l’accompagnant un malade et entretient donc une confusion qui peut s’avérer néfaste au travail de deuil ;

– les arrêts de travail représentent une dépense difficilement identifiable en tant que telle, au titre des prestations légales de l’assurance maladie, ce qui fausse les évaluations.

Ainsi, alors que la fin de vie d’un proche constitue déjà un temps de crise dans la vie d’une famille, l’absence de financement du congé de solidarité familiale contribue à perturber encore davantage son fonctionnement et peut achever de déstabiliser son équilibre.

Bien qu’il ait considérablement fait avancer les droits des accompagnants, le dispositif, en l’état actuel des choses, demeure trop peu attrayant. Rémunérer ce congé serait donc perçu comme un signe fort de solidarité générationnelle. Permettre un soutien financier adapté, qui compense en partie la perte de salaire, apporterait une réponse à une demande récurrente des familles et des associations. Comme le proposait M. Jean-Luc Romero, président de l’association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), lors de son audition devant la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005, « il faut aller encore plus loin », avec pour seul but de favoriser la présence des proches auprès des personnes en fin de vie.

III.- UNE NOUVELLE ÉTAPE :
LA CRÉATION D’UNE ALLOCATION JOURNALIÈRE D’ACCOMPAGNEMENT D’UNE PERSONNE EN FIN DE VIE

Après la création du congé de solidarité familiale, il convient donc d’aller plus loin encore. C’est l’objet de la présente proposition de loi qui, ce faisant, s’appuie sur un certain nombre d’exemples existants, à l’étranger ou en France.

A. DES PRÉCÉDENTS QUI MONTRENT LA VOIE

1. L’exemple belge

Il existe en Belgique (14) un congé pour l’accompagnement d’une personne en fin de vie.

Afin d’accompagner et d’assister une personne souffrant d’une maladie incurable en phase terminale, une personne peut interrompre temporairement son activité professionnelle. L’accompagnant peut soit suspendre totalement son activité pendant un mois – la suspension est reconductible un mois –, soit réduire son activité pendant un mois – cette réduction étant aussi reconductible pour un mois.

Cette interruption d’activité, qui constitue un droit, ne requiert pas nécessairement de lien familial entre l’accompagnant et le patient. Mais le médecin traitant doit attester que la personne qui demande l’indemnité est disposée à délivrer des soins palliatifs, notion qui recouvre, au sens de la loi belge, toute forme d’assistance médicale, sociale, administrative ou encore psychologique.

Ce droit prévaut tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

Le congé donne lieu au versement d’une indemnité destinée à compenser la diminution des revenus engendrée par l’interruption ou la diminution d’activité. Il s’agit d’une allocation forfaitaire mensuelle, attribuée par l’Office national de l’emploi (ONEM).

Dans le cas d’une interruption complète de travail, cette allocation s’élève à 712,6 euros bruts pour un temps plein, ce qui équivaut à 640,42 euros nets.

Dans le cas d’une interruption partielle d’activité, l’indemnité compensatoire dépend à la fois du volume de la réduction du travail, de l’âge de l’accompagnant et de la présence ou non d’enfants à charge, conformément aux tableaux présentés ci-après.

Montants mensuels bruts de l’indemnité versée
en cas d’interruption partielle d’activité

Cas d’une réduction d’activité
à hauteur de 50 %

Cas d’une réduction d’activité
à hauteur d’1/5è de temps

< 50 ans

> 50 ans

< 50 ans

> 50 ans

356,3 euros

604,36 euros

120,87 euros ou 162,55 euros*

241,74 euros

* Personne seule avec un ou plusieurs enfants à charge

Montants mensuels nets de l’indemnité versée
en cas d’interruption partielle d’activité

Cas d’une réduction d’activité
à hauteur de 50 %

Cas d’une réduction d’activité
à hauteur d’1/5è de temps

< 50 ans

> 50 ans

< 50 ans

> 50 ans

295,20 euros

500,72 euros

100,15 euros ou 134,68 euros*

200,29 euros

* Personne seule avec un ou plusieurs enfants à charge

Au total, en 2007, on a dénombré 205 bénéficiaires de cette indemnité, dont une majorité appartient à la communauté flamande (85 %). Cette proportion peut être liée au fait que la communauté flamande verse, sous certaines conditions, une prime d’encouragement venant s’ajouter à l’allocation de l’ONEM. Au total, il s’avère que plus de la moitié des bénéficiaires travaillent dans le secteur privé.

2. L’exemple de la ville de Paris

En France, il n’existe aujourd’hui aucun dispositif public national de financement du congé de solidarité familiale, même si rien n’interdit à une convention collective de prévoir le financement de ce congé par l’employeur.

À Paris, la municipalité a, depuis octobre 2000, mis en place une prestation visant, sous certaines conditions (qui ne coïncident pas exactement avec les conditions à remplir pour pouvoir bénéficier du congé de solidarité familiale), à financer le congé de solidarité familiale. Le bénéfice de l’allocation est subordonné au respect des conditions suivantes :

– la personne accompagnante doit habiter Paris depuis au moins trois ans (cette condition étant appréciée dans les cinq années précédant la date de la demande) ; en cas de mutation professionnelle imposée par l’employeur, ce délai de résidence peut être réduit à un an ;

– la personne accompagnante doit avoir cessé totalement et volontairement son activité professionnelle pour s’occuper de la personne malade ;

– la personne malade peut être, pour le demandeur : un ascendant ou un descendant, en ligne directe ; un conjoint ; un ascendant ou descendant, en ligne directe, du conjoint ; un frère ou une sœur ;

– la personne accompagnée peut être une personne en fin de vie qui fait l’objet de soins palliatifs ou bien un enfant mineur à charge qui fait l’objet de soins palliatifs ou est atteint d’une grave maladie ou hospitalisé, la présence d’un parent à ses côtés s’avérant nécessaire.

L’aide est versée pour trois mois lorsque le parent malade est majeur, pour un an maximum lorsque le parent malade est mineur.

Le montant maximum de l’aide est fixé à 610 euros par mois ; il ne peut excéder la perte de revenus liée à l’arrêt de l’activité professionnelle.

B. UNE RÉFLEXION LONGUEMENT MÛRIE

La réflexion sur le financement du congé de solidarité familiale n’est pas nouvelle. Elle a fait l’objet de nombreuses propositions et études préalables, jusqu’à très récemment par la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005.

1. De nombreuses études préalables

En 1999, le Conseil économique et social, dans son avis consacré à l’accompagnement des personnes en fin de vie, menait déjà une réflexion en ce sens : il appelait ainsi de ses vœux la création « d’une prestation compensatrice forfaitaire qui serait allouée à toute personne bénéficiant d’un congé d’accompagnement quelle que soit sa situation (salarié du secteur privé ou public, actif non salarié) ».

En 2003, le rapport remis par Mme Marie de Hennezel au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées reprenait le même constat et estimait qu’« il conviendrait de réfléchir aux moyens de rémunérer ce congé pour les personnes qui accompagnent un proche en fin de vie à domicile. Peut-être sous forme de forfait ? L’expérience tentée à la mairie de Paris pourrait inspirer cette réflexion ».

En 2004, le rapport établi au nom de la mission d’information sur l’accompagnement de la fin de vie par M. Jean Leonetti insistait de même sur la nécessité d’« aider les familles accompagnantes ». Il relevait qu’à l’étranger, certains pays ont mis en place des compensations en cas de congé pour accompagnement d’un proche en fin de vie.

2. Le rapport de la mission parlementaire d’évaluation de la loi du 22 avril 2005

En 2008, prenant notamment appui sur les travaux du comité national de suivi du développement des soins palliatifs et de l’accompagnement, le rapport établi par M. Jean Leonetti au nom de la mission d’évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie a véritablement relancé la réflexion sur ce sujet, en se fondant sur une analyse détaillée des modalités pratiques d’un tel financement : congés payés, expérimentation, versement d’une allocation, etc(15)

En particulier, le rapport s’est fait l’écho d’une première évaluation financière présentée par Mme Roselyne Bachelot, ministre en charge de la santé, devant la mission : « Suivant la prestation de référence retenue – complément de libre choix d’activité, indemnité journalière d’assurance maladie, indemnité journalière maternité, allocation journalière de présence parentale –, le coût mensuel d’arrêt d’activité oscille entre 538 et 1 500 euros. Dans l’hypothèse d’un taux de recours de 50 %, d’un congé de quinze jours et d’une indemnisation au niveau de l’assurance maladie, un tel dispositif représenterait une charge annuelle de 5 à 64 millions d’euros, suivant la cible envisagée ».

C. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

C’est dans la continuité de l’ensemble de ces travaux qu’a été déposée, le 28 janvier 2009, la présente proposition de loi cosignée par MM. Jean Leonetti (UMP), Gaëtan Gorce (SRC), Olivier Jardé (NC) et Michel Vaxès (GDR), représentant les quatre groupes politiques de l’Assemblée nationale – ce qui est exceptionnel – , et qui ont tous les quatre pris une part active aux travaux de la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005.

1. La création d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie

La présente proposition de loi concrétise donc une longue réflexion transpartisane en créant une « allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie ».

Cette allocation sera versée aux personnes procédant à l’accompagnement à domicile d’un patient en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause.

Sont concernés les ascendants, descendants, frères, sœurs ou personnes partageant le domicile du patient qui l’accompagnent.

La personne accompagnant le malade devra avoir suspendu son activité. Pour ce qui concerne les salariés, les fonctionnaires et les militaires, la condition de suspension de l’activité est liée à la prise d’un congé de solidarité familiale.

L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie sera versée dans la limite d’une durée maximale de trois semaines. Son montant devrait être égal à celui de l’allocation journalière de présence parentale, soit un montant allant d’environ 40 à 50 euros par jour selon que la personne concernée est seule ou en couple. Le texte de la proposition de loi prévoit que l’allocation cesse d’être due à compter du jour suivant le décès de la personne accompagnée. Un seul bénéficiaire peut prétendre au versement de l’allocation au titre d’un même patient.

L’exposé des motifs de la proposition de loi contient un élément d’évaluation chiffrée : 100 000 personnes étant aujourd’hui prises en charge par le dispositif de soins palliatifs, dont 25 % à domicile, on peut estimer que, si 80 % des familles concernées ont recours à cette allocation, son coût annuel sera d’environ 20 millions d’euros appelés à financer 20 000 allocations par an. Une partie de ce coût serait compensée par la réduction du nombre d’arrêts de travail dont bénéficient les accompagnants.

Par-delà la création de la nouvelle allocation, prévue à l’article 1er, la proposition de loi procède à deux modifications complémentaires :

– L’une est relative au régime du congé de solidarité familiale : celui-ci ne prévoit pas aujourd’hui la situation de l’accompagnement par un frère ou une sœur. Dès lors que la proposition de loi envisage cette situation pour ce qui est de l’allocation, il est nécessaire d’harmoniser dans ce sens le dispositif du congé de solidarité familiale, modification effectuée par l’article 2 de la proposition de loi.

– L’autre concerne la dénomination du congé qui prévaut pour l’accompagnement par des fonctionnaires et des militaires : ce congé s’intitule aujourd’hui « congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie », alors que son dispositif est proche de celui du congé de solidarité familiale. Dans un souci de cohérence, l’article 3 de la proposition de loi substitue à cette dénomination celle de congé de solidarité familiale.

2. Une étape qui en appelle d’autres

a) La création d’une allocation, une mesure qui doit s’accompagner d’autres initiatives

L’un des objectifs de la présente proposition de loi est de favoriser l’accompagnement à domicile des personnes en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable.

Dans son rapport de fin d’exercice du 12 janvier 2008, le comité national de suivi du développement des soins palliatifs et de l’accompagnement a montré combien l’hospitalisation à domicile est insuffisamment développée en France.

Ce constat n’est certes pas nouveau. Il subsiste un véritable écart entre cette réalité et le souhait des Français, dont 80 % d’entre eux déclarent vouloir mourir chez eux, mais dont près de 72 % finissent leurs jours dans une institution.

Le rapport de Mme Marie de Hennezel insistait sur les avantages à privilégier les soins à domicile : « Lorsque le malade le souhaite, lorsque sa famille est d’accord, le retour à domicile pour y mourir favorise une fin paisible. Le plaisir de dormir chez soi, de respecter son propre rythme, de partager la table familiale, ces instants de bien-être simples et rassurants permettent de mieux supporter l’évolution de la maladie et d’approcher la mort avec moins d’angoisse ».

Or comme l’a montré le rapport de la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 (16), si, concernant les proches, la rémunération du congé prévu pour l’accompagnement constitue une mesure essentielle, d’autres initiatives doivent être prises. Le rapport évoquait ainsi :

– la nécessité de favoriser la collaboration entre tous les acteurs de la chaîne de soins, qui doivent intervenir pour permettre le maintien à domicile : les proches, les médecins, les infirmiers, les gardes-malades et les structures de soins ; de ce point de vue, il convient de saluer le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, qui vise notamment à favoriser le pilotage commun de l’offre de soins de ville et de l’offre de soins hospitaliers par les agences régionales de santé : lors de la discussion en commission des affaires culturelles, familiales et sociales de ce projet de loi, un amendement a été adopté pour rétablir l’obligation d’identifier, dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) qui doivent être conclus entre les agences régionales de santé et les établissements de santé, les services au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs ;

– la nécessité de fixer les modalités des conditions de rémunération des professionnels de santé pratiquant les soins palliatifs à domicile, le droit existant étant lacunaire sur cette question ;

– le développement des possibilités d’employer des gardes-malades à domicile et de prévoir des hospitalisations de répit pour soulager les aidants : cela passe par la mise en œuvre du programme de développement des soins palliatifs, qui s’est donné pour objectif la formation de 1500 gardes-malades par an sur cinq ans, mais aussi par la création de nouveaux centres de répit ou relais accessibles aux proches qui pourraient y trouver des soutiens.

On pourrait ajouter également la nécessité du développement des unités de soins palliatifs mobiles, encore trop rares – l’exemple des efforts entrepris à cet effet dans la région Midi-Pyrénées doit être souligné – ainsi que celle de l’établissement d’une véritable formation à l’accompagnement à domicile.

La seule mesure prévue par la proposition de loi ne saurait donc en tout état de cause suffire. Il est essentiel de la recentrer au cœur d’une politique plus globale favorisant la mise en œuvre d’un ensemble de dispositifs.

Il sera au demeurant utile de disposer d’un instrument d’évaluation de cette politique, pourquoi pas au moyen d’un état des lieux, tant quantitatif que qualitatif, effectué chaque année par le gouvernement et transmis aux commissions parlementaires compétentes.

Enfin, ces préconisations ne sauraient faire oublier les progrès indéniables réalisés ces dernières années en matière de développement des soins palliatifs, ce qu’attestent les chiffres présentés ci-après (17). Ces données montrent combien il est justifié, dans le cadre ainsi établi, d’encourager l’accompagnement.

L’offre de soins palliatifs hospitalière est en effet en constant développement depuis 2002, même s’il est vrai qu’elle reste en deçà de la demande et est caractérisée par des inégalités régionales marquées. Fin 2007, on comptait en France 4 028 lits de soins palliatifs en établissements de santé et 337 équipes mobiles. Entre 2005 et 2007, le nombre total de lits a cru de 48 %.

Les dépenses de soins palliatifs se sont élevées en 2006 à 553 millions d’euros au sein des structures de court séjour des établissements publics et privés sous dotation globale, ce qui représente une progression annuelle de 34 % par rapport à 2005. Dans les établissements privés commerciaux de court séjour, les dépenses engagées ont été de 79 millions d’euros en 2006.

S’agissant des perspectives à venir, au total, dans le cadre de la mise en œuvre du « Programme de développement des soins palliatifs 2008-2012 », le gouvernement a prévu de mobiliser près de 229 millions d’euros au titre des dépenses maladie (sanitaires et médico-sociales) pour les soins palliatifs, de manière à atteindre l’objectif d’un doublement de la prise en charge.

b) Vers une nouvelle étape ? Un congé rémunéré pour l’accompagnement par les aidants à l’hôpital

Encourager les soins palliatifs est une chose, mais prendre acte de la situation existante – 75 % des personnes en soins palliatifs sont hospitalisées – en est une autre tout aussi nécessaire. Comment « aider les aidants » à l’hôpital ?

En mentionnant comme bénéficiaires de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie les seules personnes qui accompagnent à domicile un proche en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, la présente proposition de loi exclut de fait de ce soutien les personnes qui accompagnent des malades dans les hôpitaux ou les établissements spécialisés.

Or celles-ci accomplissent souvent de longs trajets quotidiens qui entraînent des frais importants. Certaines, compte tenu des distances kilométriques les séparant de leur domicile, doivent se loger à l’hôtel, telle cette femme rencontrée au centre régional de lutte contre le cancer Léon Bérard à Lyon, venue d’un autre département pour accompagner son mari atteint d’un cancer et lutter à ses côtés avec toutes ses forces.

Aussi, il pourrait être envisagé d’étendre le bénéfice de l’allocation à toute personne dont la présence est considérée comme « une exigence » pour un digne accompagnement de l’être proche, quel qu’en soit le lieu.

L’extension de la mesure n’entraînerait qu’une faible augmentation du coût, car l’allocation se substituerait, dans nombre de cas, aux indemnités journalières d’assurance maladie liées aux arrêts maladie fréquemment établis par les médecins pour qu’un mari ou une mère soit au chevet de son conjoint ou de son fils.

Par ailleurs, il pourrait être opportun de mettre en œuvre d’autres mesures, pourquoi pas s’inspirant des politiques mises en œuvre dans le cadre de « l’aide aux aidants » des personnes dépendantes ou handicapées, par exemple en développant des possibilités de relais aux aidants qui rencontrent des difficultés de disponibilité.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine, sur le rapport de M. Bernard Perrut, la proposition de loi visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (n° 1407) au cours de sa séance du mercredi 11 février 2009.

Un débat suit l’exposé du rapporteur.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je reconnais dans cette intervention la passion communicatrice de notre rapporteur !

M. Yves Bur. Je salue le fait que cette proposition de loi soit portée par l’ensemble des groupes politiques et je remercie le rapporteur pour tout le cœur qu’il a mis dans son exposé, car il s’agit d’un texte empreint d’humanisme, altruiste, auquel on ne peut donc qu’adhérer.

Il serait toutefois utile de pouvoir disposer d’un bilan du congé de solidarité familiale, afin de connaître non seulement le nombre de personnes qui en ont bénéficié mais aussi de savoir dans quelle finalité. Il serait également intéressant de disposer d’éléments d’information sur le nombre d’arrêts de travail auxquels la future allocation journalière d’accompagnement se substituera et, au-delà, sur le coût de ce nouveau dispositif.

Les hôpitaux interviennent peut-être davantage en France que dans les autres pays en cette matière des soins de fin de vie, d’autant que la médecine de ville ne paraît pas toujours prête à prendre en charge les personnes concernées à leur domicile : la proposition de loi semble ainsi traduire une volonté d’accroître le nombre de personnes prises en charge chez elles. Le besoin est de fait réel, car je sais que certaines équipes médicales se trouvent débordées au point d’être aujourd’hui contraintes de refuser de s’occuper de personnes âgées ou très âgées.

Il faut certes accompagner les aidants dans le secteur sanitaire, mais ne pas oublier qu’ils sont aussi confrontés quotidiennement à de vraies difficultés dans le secteur médico-social.

En tout état de cause, à terme, l’écart entre le nombre de personnes souhaitant être prises en charge à leur domicile et celles qui en bénéficient effectivement devra être réduit.

M. Marc Bernier. Cette proposition de loi est bienvenue. Il faudra toutefois veiller à préciser la notion de domicile et être attentif à ce que soit établie une répartition équilibrée sur l’ensemble du territoire des structures permettant d’assurer l’accompagnement des malades en fin de vie, tels que les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou les unités d’hospitalisation à domicile (HAD).

En outre, au cours de leur formation, les médecins n’acquièrent pas toujours une connaissance suffisante de ces structures et leur réflexe peut alors être d’orienter les malades en fin de vie vers l’hôpital.

Mme Michèle Delaunay. Je me réjouis que tous les groupes politiques se soient associés à cette proposition de loi. L’accompagnement à domicile soulève des questions importantes pour les personnes seules. Si celles-ci ont certes la possibilité de désigner une « personne de référence », au besoin extérieure à leur famille, pour les accompagner, cela ne change rien à ce que j’ai pu constater aussi bien à titre professionnel que personnel, à savoir la formidable difficulté, pour des raisons d’ordre technique, d’organiser l’accompagnement à domicile. En outre, il serait important que les médecins puissent se prononcer sur la capacité physique, technique et affective d’une personne à assurer un accompagnement.

La présente proposition de loi est importante en ce qu’elle favorise le choix des personnes – mourir à domicile ou non –, même s’il faut savoir que la décision qu’elles prennent lorsqu’elles sont bien portantes est susceptible d’évoluer au moment de la fin de vie.

Prescrire des arrêts de travail en faveur des accompagnants ne constitue pas une fraude et j’en ai moi-même expliqué, dans certains cas, la légitimité à mes patients, ne serait-ce que parce que les personnes assurant un vrai accompagnement peuvent être conduites à l’épuisement.

J’ajoute qu’il semble légitime que les dispositifs d’aide aux accompagnants soient différents dans les situations d’hospitalisation et dans les situations de mise en œuvre de soins à domicile, car elles renvoient à des engagements de natures différentes de la part de l’accompagnant ; par exemple, dans le cas de l’hospitalisation, il peut se révéler important de rembourser les frais de transport de l’accompagnant afin d’améliorer les conditions des visites.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue les difficultés spécifiques que rencontrent les personnes âgées en fin de vie.

S’agissant d’un sujet aussi porteur d’émotion que celui abordé par la proposition de loi, il conviendrait d’inviter nos collègues à cosigner le texte, auquel je souhaite moi-même m’associer.

Le président Pierre Méhaignerie. Il est encore possible de le cosigner.

M. Jean Bardet. Il est heureux que l’unanimité se soit faite autour de cette proposition de loi. En ce qui concerne les accompagnants, certains arrêts de travail sont effectivement motivés par l’épuisement résultant de l’accomplissement de leur mission. Cela étant, de façon générale, il me semble difficile de justifier un arrêt de travail pour des motifs autres que médicaux.

Par ailleurs, « vous ne saurez ni le jour, ni l’heure », est-il écrit : la date du décès ne peut être anticipée. Comment articuler cette incertitude avec la durée prédéterminée de versement de l’allocation prévue par la proposition de loi, à savoir trois semaines ?

Enfin, s’agissant de l’accompagnement à domicile, les moyens pouvant être déployés sont nécessairement moindres qu’à l’hôpital, notamment en matière de lutte contre la douleur.

M. Patrice Debray. Cette proposition de loi est bienvenue : trente ans d’expérience sur le terrain m’ont en effet permis de mesurer les difficultés rencontrées par nos concitoyens dans ce domaine. Il faut insister sur la formation des accompagnants car, en pratique, seul un sur deux environ parvient à mener à bien sa mission.

Afin d’éviter, comme c’est le cas actuellement, que les généralistes ne soient continûment sollicités par les questions posées par les accompagnants à domicile, il conviendrait en outre que le lien entre ces derniers et les unités de soins palliatifs soit renforcé.

M. le rapporteur. Je me réjouis que des sujets de fond aient été abordés. Sur les différents points évoqués, j’apporterais les éléments de réponse suivants :

– Alors que j’en ai fait la demande, je n’ai pas pu obtenir d’informations chiffrées permettant de dresser un bilan du congé de solidarité familiale. Même s’il est vrai qu’il est difficile de disposer de données sur ce point, puisque le congé est demandé par le salarié à son employeur et qu’aucune rémunération n’est versée, je vais interroger à nouveau les administrations concernées. En revanche, des indications m’ont été fournies sur le coût de la future allocation, qui serait de 20 millions d’euros en année pleine, puisque le nombre d’allocataires est estimé à 20 000 (qui correspondent à 80 % du total des 25 000 personnes aujourd’hui prises en charge par le dispositif des soins palliatifs à domicile).

– Il est indéniable que les soins de fin de vie sont plus faciles à administrer à l’hôpital, car il est impossible de bénéficier à domicile des mêmes moyens humains et matériels. Mais il n’en faut pas moins développer les soins palliatifs à domicile : c’est pourquoi j’ai déposé un amendement demandant au gouvernement de présenter aux commissions parlementaires compétentes un rapport sur cette question essentielle.

– La question de l’ouverture du droit au versement de la nouvelle allocation au profit d’une personne de référence autre qu’un membre de la famille ou qu’une personne partageant le domicile de la personne en fin de vie pourrait être étudiée, mais il fallait bien identifier, aux termes du dispositif proposé, un cadre juridique donné.

– En effet, la seule raison susceptible de justifier les arrêts maladie accordés dans le cadre de l’accompagnement, c’est l’état d’épuisement des accompagnants, malheureusement souvent constaté.

– Dans certains cas, le malade souhaite rester à l’hôpital. S’il veut regagner son domicile, encore faut-il, par-delà l’effet positif de la mesure proposée aujourd’hui, que des structures de soins palliatifs mobiles existent.

– La durée de versement de l’allocation a été fixée par les auteurs de la proposition de loi à trois semaines. L’expérience montrera s’il se révèle opportun ou non d’adapter cette durée.

– Il serait effectivement intéressant de réfléchir à la possibilité de prévoir des dispositions concernant la formation des accompagnants, pourquoi pas en lien avec les établissements, les professionnels de santé, les associations, etc. Des amendements peuvent encore être déposés sur ce point, dans la perspective de la réunion que la Commission tiendra en application de l’article 88 du Règlement.

– De fait, la mort du patient est généralement vécue comme un échec par le médecin. Il est nécessaire de renforcer la formation des médecins en ce qui concerne l’accompagnement de la fin de vie et les soins palliatifs même si des progrès ont déjà été faits dans ce domaine, avec l’ajout, récemment, de modules à cet effet dans leur cursus.

– Enfin, il faut souligner et saluer le grand dévouement des infirmières dans l’accompagnement des malades et de leurs familles.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

La Commission examine les articles de la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 11 février 2009.

Article 1er

Création d’une allocation journalière
d’accompagnement d’une personne en fin de vie

Cet article a pour objet la création d’une allocation dénommée « allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie ».

À cet effet, il établit un nouveau titre dans le livre VIII du code de la sécurité sociale. Ce livre VIII est consacré à diverses allocations et aides, auxquelles sont dédiés les différents titres qui le composent : allocation aux personnes âgées, allocation aux adultes handicapés, allocation de logement sociale, aides à l’emploi pour la garde des jeunes enfants, aides aux collectivités et organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées ou gérant des aires d’accueil des gens du voyage, protection complémentaire en matière de santé.

Cet article 1er modifie donc l’intitulé du livre VIII afin qu’il y soit fait référence également à la nouvelle allocation créée, à savoir l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (alinéas 1 et 2 de l’article 1er). Cette mention prend place en troisième position dans l’énumération, après l’allocation aux personnes âgées et l’allocation aux personnes handicapées. Ce choix se justifie par le caractère général de l’allocation créée, qui sera versée au bénéfice d’une personne, sans affectation à un type de dépenses particulier, comme les allocations aux personnes âgées et aux personnes handicapées, et contrairement aux allocations qui suivent consacrées à l’aide au logement ou à la prise en charge des dépenses de santé.

En conséquence, les alinéas 3 à 5 de l’article 1er créent un nouveau titre dans le livre VIII, titre inséré après les deux premiers consacrés aux deux allocations précitées. Ce nouveau titre est donc le « titre II bis » et prend pour intitulé le nom de la nouvelle allocation : « Allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie ».

Ce titre comprend six nouveaux articles, référencés L. 822-1 à L. 822-6, qui déterminent les caractéristiques de la nouvelle allocation, étant entendu que ces dispositions législatives seront complétées par des dispositions de nature réglementaire (18). Ces caractéristiques de nature législative sont de trois ordres : les bénéficiaires de l’allocation ; les conditions de son versement (durée et date d’expiration du versement, montant, type de documents à fournir pour pouvoir prétendre au versement de l’allocation et procédures de versement, etc.) ; les modalités de la gestion de l’allocation.

1. Les bénéficiaires de l’allocation

Les articles L. 822-1 à L. 822-3 du code de la sécurité sociale définissent les bénéficiaires de l’allocation (alinéas 6 à 14 de l’article 1er).

Trois catégories de bénéficiaires sont identifiées. Pour chacune des trois catégories, trois conditions sont prévues ; ces conditions sont cumulatives. Deux d’entre elles sont communes à l’ensemble des bénéficiaires potentiels. Une troisième se décline, aux termes de la rédaction proposée, de manière distincte dans les différents cas de figure tout en renvoyant à une même exigence, la suspension de l’activité professionnelle.

a) Les conditions communes

Deux conditions doivent être, dans tous les cas, réunies.

 La condition relative à l’accompagnement à domicile d’un patient en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause.

Cette condition est centrale puisqu’elle correspond à la motivation première de la création de la nouvelle allocation, conforme à sa dénomination : favoriser l’accompagnement d’une personne en fin de vie. Elle appelle les observations suivantes :

– La notion d’accompagnement ne pose pas de difficulté particulière de définition (voir sur cette notion la partie générale du rapport). Certes, le congé de solidarité familiale tel qu’il est défini aujourd’hui par le code du travail (articles L. 3142-16 et suivants), sur lequel se fonde, en partie, la nouvelle allocation, ne comprend pas expressément de condition relative à l’« accompagnement ». Le seul critère lié au « partage » du domicile d’une personne en fin de vie suffit à l’intéressé pour pouvoir bénéficier de ce congé, une forme de présomption de l’accompagnement étant établie. Il reste que le congé de solidarité familiale était initialement dénommé « congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie » et qu’il n’existe aucune ambiguïté sur le fait qu’il concerne bien l’accompagnement.

– La notion de domicile est essentielle également : c’est bien le partage du domicile qui constitue l’élément objectif déterminant, dans le sens d’une habitation usuelle commune. La référence à la notion d’« accompagnement à domicile » laisse ouverte la question : de quel domicile s’agit-il, de celui de l’accompagnant ou de l’accompagné ? Sans doute les deux cas de figure doivent-ils pouvoir être envisagés même si dans la très grande majorité des situations, à l’évidence, le domicile sera commun.

On peut relever que, dans le cas particulier de la prise d’un congé de solidarité familiale, la définition de celui-ci recouvre le cas des personnes membres de la famille qui sont accompagnées (sans que la question du lieu soit abordée) mais aussi celui de personnes accompagnées qui partagent le domicile de l’accompagnant (par exemple, le concubin) : la question des personnes accompagnées à leur propre domicile n’est pas traitée et l’on peut penser qu’un accompagnant au domicile de la personne accompagnée ne peut bénéficier du congé de solidarité familiale. Il serait donc opportun de modifier la rédaction du dispositif de congé de solidarité familiale sur ce point.

– La personne faisant l’objet de l’accompagnement est qualifiée de « patient ». On comprend aisément l’intention, à savoir désigner une personne qui va faire l’objet de soins. Le dictionnaire Robert rappelle cependant la définition de ce terme, « personne qui subit ou va subir une opération chirurgicale ; malade qui est l’objet d’un traitement, d’un examen médical » : peut-être le recours à la seule notion de « personne » suffit-il et permet-il une prise en compte plus large de l’ensemble des situations, y compris celles où aucun traitement médical entendu au sens strict n’est effectué ? Au reste, c’est la notion de « personne » qui est retenue par la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

– La loi du 22 avril 2005 évoque la situation des « personne[s], en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause » pour désigner la situation des malades en fin de vie. C’est cette formulation que reprend – à l’exception, on vient de le voir, du terme : « personnes » – la présente proposition de loi. Le rapport préparatoire à la discussion législative explique pourquoi cette formulation avait été retenue (19) :

« Ce critère s’inspire des recommandations de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) qui, dans son document "Les modalités de prise en charge de l’adulte nécessitant des soins palliatifs" (2002), définit ce dernier comme étant "atteint d’une maladie grave évolutive ou mettant en jeu le pronostic vital ou en phase avancée ou terminale".

« La rédaction retenue (…) est toutefois plus restrictive, parce qu’elle ne fait pas référence à des personnes auxquelles des soins palliatifs peuvent être prodigués mais à des personnes en fin de vie. Dès lors, les deux critères cumulatifs de "phase avancée ou terminale" et d’"affection grave ou incurable quelle qu’en soit la cause", englobent les personnes pour lesquelles, à la suite d’une maladie, d’un accident de la vie ou d’une extrême vieillesse, le pronostic vital est engagé et qui se trouvent, soit au terme plus ou moins proche de leur vie, soit dans la phase avancée mais encore consciente de leur affection grave ou incurable ».

On peut noter que ce critère n’est pas exactement identique à celui qui prévaut s’agissant des bénéficiaires du congé de solidarité familiale, qui se réfère à la situation des personnes qui « souffre[nt] d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ».

C’est que ce congé, créé par la loi du 9 juin 1999 sous le nom de « congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie », au profit de l’accompagnement de personnes faisant « l’objet de soins palliatifs », a été modifié par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : à cette occasion, il a été dénommé plus largement « congé de solidarité familiale » et a été introduite, lors de la lecture au Sénat, la référence plus globale aux personnes souffrant « d’une pathologie mettant en jeu [leur] pronostic vital ».

Comme l’expliquait le rapport préparatoire à la discussion, il s’agissait de permettre aux salariés d’assister un proche « à un moment ou à un autre de son combat contre la maladie, et non simplement à son stade terminal ». Comme le précisait aussi le rapporteur : « Cette faculté participe des efforts menés par la collectivité pour améliorer l’accompagnement psychologique et social des malades devant des pathologies telles que le cancer (…) » et à promouvoir « l’impératif de solidarité entre les générations » (20).

La présente proposition de loi ne visant que la question de l’accompagnement en fin de vie, il est légitime que ne soit pas prise en compte la situation des personnes accompagnées à tout moment de leur maladie. De ce point de vue, le champ d’application des bénéficiaires du congé de solidarité familiale est plus large que celui des bénéficiaires de la nouvelle allocation.

La question pourrait néanmoins se poser de l’adéquation entre les deux régimes d’un autre point de vue, à savoir celui non du moment mais de la gravité de la situation de l’intéressé. Si en effet se présentent des cas où la personne souffre d’une « affection grave et incurable » sans que le pronostic vital, entendu au sens strict, soit engagé, alors la personne accompagnante ne pourrait bénéficier du congé de solidarité familiale et pas davantage de la nouvelle allocation. C’est pourquoi il pourrait, dans un souci de cohérence, être opportun de faire référence à la situation où l’accompagné souffre d’une « affection grave et incurable » dans le dispositif relatif au congé de solidarité familiale également.

● La condition relative au fait que l’accompagné doit être un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le domicile du patient.

Cette condition est double : soit familiale, soit géographique.

S’agissant tout d’abord de la situation de famille, sont visés :

– les ascendants, définis juridiquement comme les « auteurs directs d’une personne, soit au premier degré (père, mère), soit à un degré plus éloigné dans la ligne paternelle (grands-parents paternels, etc.), ou maternelle (grands-parents maternels) » (21;

– les descendants, soit les « personnes issues directement d’une autre soit au premier degré (enfant) soit à un degré plus éloigné (petits-enfants, arrière-petits-enfants) » ;

– les frères et sœurs : ceux-ci ne sont pas mentionnés aujourd’hui dans le régime du congé de solidarité familiale, sans véritable raison. C’est pourquoi il convient également de modifier ce dispositif sur ce point précis, modification à laquelle procède l’article 2 de la présente proposition de loi (voir le commentaire de l’article 2).

Dans l’ensemble de ces cas, le lien de famille suffit pour prétendre au bénéfice de l’allocation, sans condition relative au lieu d’habitation.

Dans d’autres cas prévaut le critère du lieu d’habitation : sont en effet aussi visées les « personne[s] partageant le domicile du patient ». Il peut bien sûr s’agir des conjoints, partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité (PACS) ou concubins. Mais peut aussi être concernée très généralement toute personne partageant le domicile du patient en raison de l’état de celui-ci.

Outre la référence au « patient », qui peut paraître, comme on l’a vu plus haut, quelque peu restrictive, le fait de désigner toute personne qui partage le domicile de la personne accompagnée obéit à une logique susceptible de soulever une question de cohérence avec le régime du congé de solidarité familiale, identique à celle signalée s’agissant de la condition d’accompagnement : aux termes de l’article L. 3142-16 du code du travail sont en effet visées les personnes partageant le domicile du salarié accompagnant. Peut-être serait-il souhaitable, dans un souci de coordination, de prévoir tant pour le congé que pour l’allocation les deux cas de figure : celui où l’accompagnant habite au domicile de l’accompagné, et la situation inverse.

Dans tous les cas, la notion de domicile s’entend, au sens de l’article 102 du code civil, comme le lieu où la personne a son principal établissement.

b) Une troisième condition déclinée de trois manières différentes

La troisième condition est, conformément à l’expression de l’exposé des motifs de la proposition de loi, une condition générale de « suspension d’activité ». Celle-ci se décline de manière différente selon les catégories professionnelles concernées : salariés et fonctionnaires ; personnes non salariés et non fonctionnaires ; catégories professionnelles spécifiques.

● Le cas des salariés et des fonctionnaires (nouvel article L. 822-1 du code de la sécurité sociale)

Le principe retenu par la présente proposition de loi est de fonder, lorsque cela est possible, la nouvelle allocation sur le congé de solidarité familiale (voir pour une présentation détaillée de ce dispositif la partie générale), de façon à pallier l’un de ses principaux inconvénients, à savoir l’absence de rémunération. C’est ainsi que l’exposé des motifs de la proposition de loi dispose : « une allocation ne donne pas droit, en elle-même, à un arrêt de travail. C’est pourquoi l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie s’appuiera, pour les salariés, sur le congé de solidarité familiale, qui constitue la procédure la plus sûre pour suspendre rapidement le contrat de travail ». Il en va de même pour les fonctionnaires.

En effet, ceux-ci bénéficient d’un dispositif analogue à celui du congé de solidarité familiale, dénommé « congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie », du nom d’origine du congé de solidarité familiale (tel qu’il a été créé par la loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs), et qui revêt la caractéristique originelle du congé de solidarité familiale, à savoir concerner le seul accompagnement des personnes faisant l’objet de soins palliatifs. La loi du 9 juin 1999 a prévu ce même congé pour les trois fonctions publiques, respectivement à l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’État, à l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et à l’article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

De même, le statut général des militaires de 1972 prévoit un congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie, disposition reprise dans le nouveau statut que constitue la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, à l’article 50 (devenu, depuis la codification opérée par l’ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007, l’article L. 4138-6 du code de la défense).

C’est pourquoi peuvent seuls bénéficier de la nouvelle allocation les salariés et les fonctionnaires « bénéficiaires du congé de solidarité familiale prévu aux articles L. 3142-16 à L. 3142-21 du code du travail ou du congé prévu au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ou à l’article L. 4138-6 du code de la défense ».

● Le cas des non salariés et non fonctionnaires (nouvel article L. 822-2 du code de la sécurité sociale)

En l’absence de régime particulier de congé pour l’accompagnement des personnes en fin de vie, les personnes qui ne sont ni salariés ni fonctionnaires peuvent bénéficier – sous la réserve qu’elles satisfont aux deux conditions communes exposées plus haut – de la nouvelle allocation si elles ont « suspendu leur activité professionnelle ».

Ce dispositif vise notamment les travailleurs que l’on dit indépendants, autrement dit les quelque 2,3 millions de travailleurs qui constituent une population hétérogène mais au sein de laquelle on peut définir quatre groupes principaux : les exploitants agricoles, les employeurs de la construction, de l’industrie et des transports, ceux du commerce et des services de proximité et enfin les professions libérales et assimilées (22). Leurs statuts sont divers : entrepreneurs individuels, gérants majoritaires ou minoritaires de sociétés à responsabilité limitée (SARL), présidents-directeurs généraux (PDG) de société anonymes, etc.

Mais ce régime est aussi applicable aux non salariés qui se distinguent des indépendants, comme un certain nombre de travailleurs à domicile, et très généralement à tout travailleur qui n’est ni salarié ni fonctionnaire.

La question de l’appréciation juridique de cette condition de suspension de l’activité professionnelle se posera nécessairement. À cet égard, on peut rappeler que, s’agissant de l’allocation journalière de présence parentale, la condition de suspension de l’activité est appréciée au regard d’une déclaration faite sur l’honneur par l’intéressé.

● Le cas de certaines autres professions (nouvel article L. 822-3 du code de la sécurité sociale)

S’inspirant du régime juridique de l’allocation de présence parentale, et notamment de l’énumération qui figure à l’article L. 544-8 du code de la sécurité sociale, le texte de la proposition de loi dispose expressément que peuvent être bénéficiaires de la nouvelle allocation un certain nombre de catégories professionnelles. Sont ainsi citées les personnes mentionnées aux articles suivants :

– les articles L. 5421-1 à L. 5422-8 du code du travail, relatif au régime juridique de l’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi ainsi qu’au régime d’assurance chômage : il s’agit donc de viser les demandeurs d’emploi ;

– l’article L. 7221-1 du code du travail, qui définit comme employé de maison « le salarié employé par des particuliers à des travaux domestiques » ;

– l’article L.7313-1 du code du travail, relatif à la définition du contrat de travail des voyageurs, représentants et placiers (VRP) (23) ;

– les 1°, 4° et 5° de l’article L. 613-1 du code de la sécurité sociale, relatifs au régime juridique des non salariés relevant des professions artisanales, industrielles et commerciales, libérales, ceux relevant de la caisse nationale des barreaux français ainsi que les conjoints associés participant à l’activité de l’entreprise artisanale ou commerciale et les associés uniques des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée ;

– l’article L. 722-1 du code de la sécurité sociale, relatif au régime juridique des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux non salariés ainsi que des étudiants en médecine ;

– l’article L. 722-9 du code rural, relatif au régime juridique des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole ainsi que des artisans ruraux n’employant pas plus de deux salariés de façon permanente.

L’ensemble de ces catégories juridiques peuvent bénéficier de la nouvelle allocation sous réserve que les travailleurs satisfont aux deux conditions communes d’une part, et que, naturellement – le texte pourra être utilement précisé sur ce point – leur activité professionnelle est suspendue.

Il faut noter cependant que la mention expresse de l’ensemble de ces professions n’était pas absolument nécessaire dans la mesure où elles sont de fait couvertes par le régime en quelque sorte supplétif des non salariés et non fonctionnaires.

2. Les caractéristiques de l’allocation

Le nouvel article L. 822-4 du code de la sécurité sociale décrit les conditions de versement de la nouvelle allocation (alinéas 15 à 18 de l’article 1er).

a) La durée du versement

L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée dans la limite d’une durée maximale de trois semaines.

L’article L. 822-4 renvoie à un décret le soin d’établir les conditions de versement de l’allocation.

Il précise que l’allocation cesse d’être due à compter du jour suivant le décès de la personne accompagnée : a contrario, le bénéfice de l’allocation est garanti jusqu’au jour du décès seulement.

On peut cependant relever que le congé de solidarité familiale prend fin, au plus tard, le troisième jour après le décès du proche (article L. 3142-17 du code du travail). N’y aurait-t-il pas lieu, par cohérence, de prévoir une possibilité d’indemnisation jusqu’à ce jour ? Il est vrai que l’allocation a pour objet précisément l’accompagnement du malade et qu’en tout état de cause, en cas de décès d’un proche, un salarié bénéficie déjà d’un congé rémunéré d’une ou deux journées (articles L. 3142-1 et suivants du code du travail).

b) Le montant de l’allocation

L’article L. 822-4 renvoie aussi à un décret le soin de fixer le montant de la nouvelle allocation. L’exposé des motifs de la proposition de loi indique que le montant de l’allocation serait forfaitaire et identique à celui de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP).

Aux termes de l’article D. 544-6 du code de la sécurité sociale, le montant de l’allocation journalière de présence parentale est fixé à 10,63 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (taux porté à 12,63 % lorsque la charge de l’enfant au titre duquel le droit a été ouvert est assumée par une personne seule).

La base mensuelle de calcul des allocations familiales étant fixée à 389,20 euros au 1er janvier 2009, le montant de l’AJPP est de 41,37 euros par jour, 49,16 euros dans le cas d’une personne seule.

En outre, lorsque la maladie, le handicap ou l’accident de l’enfant occasionnent directement des dépenses mensuelles supérieures ou égales à un montant fixé à 27,19 % de la base mensuelle précitée, soit 105,82 euros, un complément forfaitaire mensuel pour frais du même montant est attribué. Le tableau présenté ci-après synthétise ces résultats.

Montant de l’allocation journalière de présence parentale

Situation

Pourcentage de la base mensuelle de calcul des allocations familiales

Montant en euros

Couples

10,63

41,37

Personnes seules

12,63

49,16

Complément forfaitaire pour frais

27,19

105,82

c) Le bénéficiaire du versement

Le dernier alinéa de l’article L. 822-4 dispose qu’un seul bénéficiaire peut prétendre au versement de l’allocation au titre d’un même patient.

d) La détermination des pièces à fournir et les procédures de versement de l’allocation

Le nouvel article L. 822-5 (alinéa 19 de l’article 1er) renvoie également à un décret le soin de définir :

– d’une part, les documents et attestations requis pour prétendre au bénéfice de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie ;

– d’autre part, les procédures de versement de l’allocation.

3. Les modalités de gestion de l’allocation

Le nouvel article L. 822-6 du code de la sécurité sociale (alinéas 20 et 21 de l’article 1er) fixe les modalités de gestion de la nouvelle allocation selon un double régime :

– dans le cas où la personne qui accompagne un proche en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable relève du régime général d’assurance maladie, les organismes du régime général chargés du versement des prestations d’assurance maladie prennent en charge la gestion de l’allocation ;

– dans le cas où cette personne relève d’un autre régime d’assurance maladie, c’est l’organisme gestionnaire de ce régime qui assurera le versement de l’allocation.

*

La Commission examine un amendement du rapporteur tendant à remplacer la notion de « patient » par celle de « personne » pour désigner celui qui fait l’objet de l’accompagnement donnant lieu à l’attribution de la nouvelle allocation.

M. le rapporteur. Cette modification vise à prendre en compte le fait que certaines personnes en fin de vie ne font pas l’objet, au sens strict, de traitement « médical ». La notion de « personne », plus générale, paraît donc préférable.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il s’agit donc d’un amendement dont la valeur est en quelque sorte philosophique.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission examine un amendement du rapporteur tendant à préciser que l’accompagnant doit partager « le même domicile » que la personne accompagnée.

M. le rapporteur. Il s’agit d’éviter toute ambiguïté liée à une formulation qui mentionnerait le domicile du seul accompagnant ou du seul accompagné.

M. Jean Bardet. Le bénéfice de l’allocation devrait aussi pouvoir être ouvert à des voisins de confiance et non pas seulement à des personnes qui partagent le domicile de la personne accompagnée.

M. le rapporteur. Cette question est légitime mais le champ fixé par la proposition de loi a fait l’objet d’un consensus des quatre auteurs représentant les groupes politiques de l’Assemblée nationale. Il pourrait en outre ne pas être aisé de caractériser le voisin non membre de la famille.

Mme Michèle Delaunay. L’allocation devrait pouvoir être étendue à toute personne de confiance désignée par la personne en fin de vie et mentionnée comme telle dans le dossier médical du patient.

M. le rapporteur. Cette question mériterait il est vrai d’être approfondie.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission adopte un amendement du rapporteur précisant que la condition relative à la suspension de l’activité professionnelle doit être respectée quelle que soit la profession exercée par la personne accompagnante.

La Commission examine un amendement du rapporteur prévoyant que la période de versement de l’allocation inclut, le cas échéant, les journées d’hospitalisation, dans la limite de trois semaines.

M. le rapporteur. Il s’agit de couvrir les cas où la personne en fin de vie ne reste pas à domicile mais se voit contrainte de retourner à l’hôpital. Dans ce cas, il est normal que le versement de l’allocation soit maintenu au cours de la période d’hospitalisation.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission adopte l’article 1er ainsi modifié.

Article 2

Champ des bénéficiaires du congé de solidarité familiale

Cet article a pour objet de modifier le champ des bénéficiaires du congé de solidarité familiale, afin d’y inclure les frères et sœurs. Cette modification est proposée tant pour le congé de solidarité familiale dont le régime figure aujourd’hui aux articles L. 3142-16 et suivants du code du travail que pour son équivalent dans la fonction publique et pour les militaires.

1. Le congé de solidarité familiale au profit des salariés

Le congé de solidarité familiale, pas plus que le congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie, auquel il a succédé, ne vise le cas de l’accompagnement par un frère ou une sœur. Aux termes de l’article L. 3142-16 du code du travail en effet, le bénéfice du congé de solidarité familiale revient à « tout salarié dont un ascendant, descendant ou une personne partageant son domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ».

Or aux termes de l’article 1er de la proposition de loi (voir le commentaire de cet article), le bénéfice de l’allocation est ouvert plus largement aux ascendants, descendants, personnes partageant le domicile et frères et sœurs.

Il est vrai que le dispositif qui existe déjà aujourd’hui à la ville de Paris – une allocation d’accompagnement au profit des personnes décidant de cesser leur activité professionnelle pour s’occuper d’un parent malade – est ouvert aux ascendants, descendants, conjoints ainsi que frères et sœurs. L’expérience atteste aussi que le frère ou la sœur peut être celui qui va accompagner le malade.

Dès lors, il est assez naturel de prévoir que le congé de solidarité familiale pourra bénéficier également à « un frère » ou « une sœur » de la personne malade et c’est pourquoi l’alinéa 1 de l’article 2 procède à l’insertion de ces deux termes dans le premier alinéa de l’article L. 3142-16 du code du travail.

2. Le congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie au profit des fonctionnaires et militaires

La loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs n’a pas seulement institué, au profit des salariés, un congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie qui allait devenir, avec la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, congé de solidarité familiale.

Il a parallèlement ouvert la même possibilité au profit des fonctionnaires de chacune des trois fonctions publiques :

– en complétant l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, relatif aux différents congés, d’un nouvel alinéa 9° décrivant, à l’image du régime institué dans le code du travail, le régime d’un congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie partageant son domicile faisant l’objet de soins palliatifs. Ce congé est accordé pour une durée maximale de trois mois, sur demande écrite du fonctionnaire. Il prend fin soit à l’expiration de la période de trois mois, soit dans les trois jours qui suivent le décès de la personne accompagnée, soit à une date ultérieure. La durée de ce congé est assimilée à une période de service effectif. Elle ne peut être imputée sur la durée du congé annuel ;

– en complétant de même l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale d’un nouvel alinéa 10°, et l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière d’un nouvel aliéna 9°, ces deux alinéas décrivant, dans les articles relatifs aux congés, au profit des fonctionnaires de ces deux fonctions publiques, un régime analogue de congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie.

Par ailleurs, a été prévu au profit des militaires un congé également similaire d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Le régime de ce congé figure aujourd’hui à l’article L. 4138-6 du code de la défense.

Pour répondre à la même préoccupation que celle prise en compte par l’alinéa 1 à l’article L. 3142-16 du code du travail, les alinéas 2 à 5 de l’article 2 visent à faire figurer, outre la référence aux ascendant, descendant et personne partageant le domicile du salarié, la référence au frère et à la sœur dans ces différents dispositifs :

– au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 s’agissant de la fonction publique d’État (alinéa 2) ;

– au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 s’agissant de la fonction publique territoriale (alinéa 3) ;

– au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 s’agissant de la fonction publique hospitalière (alinéa 4) ;

– à l’article L. 4138-6 du code de la défense s’agissant des militaires (alinéa 5).

*

La Commission examine un amendement du rapporteur visant à inclure dans les dispositions relatives au congé de solidarité familiale la définition d’une personne en fin de vie telle qu’elle figure dans la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

M. le rapporteur. Il s’agit d’harmoniser les textes : dans la mesure où le régime de l’allocation se fonde sur la définition du malade en fin de vie qui figure dans la loi du 22 avril 2005, il est important de faire figurer cette même définition dans le dispositif relatif au congé de solidarité familiale.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission adopte un amendement de conséquence du rapporteur, relatif au partage par l’accompagnant et l’accompagné d’un « même domicile ».

La Commission adopte l’article 2 ainsi modifié.

Article 3

Modification de la dénomination du congé
d’accompagnement d’une personne en fin de vie

Cet article a pour objet de procéder à une modification de la dénomination du « congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie » qui prévaut dans la fonction publique et pour les militaires.

Cette dénomination remonte en effet à la loi du 9 juin 1999 (voir le commentaire de l’article 2) et était alors identique à celle du congé applicable aux salariés. Or la dénomination du congé applicable aux salariés a été modifiée par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites sans que la coordination ne soit faite pour ce qui concerne les fonctionnaires et les militaires.

Dès lors, aujourd’hui, un dispositif voisin est désigné sous deux noms différents selon qu’il s’applique aux salariés du secteur privé (congé de solidarité familiale) ou du secteur public (congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie).

Dans un souci de cohérence, cet article procède donc, dans les différentes références des lois où il apparaît, à la modification de cet intitulé, en substituant aux mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » les mots : « de solidarité familiale ». Ces références sont :

– le 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 s’agissant de la fonction publique d’État (alinéa 1) ; la substitution réalisée à cet alinéa est incomplète car le congé « d’accompagnement » existant est visé, alors qu’il s’agit formellement du congé « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » ;

– le 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 s’agissant de la fonction publique territoriale (alinéa 2) ;

– le 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 s’agissant de la fonction publique hospitalière (alinéa 3) ;

– l’article L. 4138-6 du code de la défense s’agissant des militaires (alinéa 5) ;

– en outre, l’alinéa 4 procède à la même modification dans l’article L. 4138-2 du code de la défense, au 1° (qui énumère l’ensemble des congés dont bénéficient les militaires) comme au 2° (qui précise, notamment, que le militaire ne conserve pas sa rémunération lorsqu’il bénéficie du congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie).

*

La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur.

La Commission adopte l’article 3 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 3

Rapport annuel du Gouvernement aux commissions parlementaires compétentes sur la nouvelle allocation et l’application de la politique du développement des soins palliatifs à domicile

La Commission examine un amendement du rapporteur prévoyant la remise par le Gouvernement aux commissions parlementaires compétentes d’un rapport annuel sur la mise en œuvre de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie et l’application de la politique de développement des soins palliatifs à domicile.

M. le rapporteur. Cet amendement traduit la nécessité d’assurer le suivi de l’application du dispositif proposé ainsi que des politiques gouvernementales favorisant le développement des soins palliatifs à domicile. Il répond en cela à la préoccupation dont M. Yves Bur s’est fait l’écho.

La Commission adopte cet amendement.

Article 4

Gage

Cet article a pour objet de procéder à l’ajout d’un « gage » comme il est d’usage afin de respecter les dispositions relatives à la recevabilité financière des initiatives parlementaires.

La création de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie correspond à l’évidence à une nouvelle charge pour les régimes sociaux. C’est pourquoi l’alinéa 1 de l’article prévoit un gage destiné à compenser les charges pour les organismes de sécurité sociale, à savoir, conformément à une pratique courante, une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts (taxe dite « sur les tabacs »).

Mais cette charge incombera aussi à l’État s’agissant des fonctionnaires et des militaires. C’est pourquoi l’alinéa 2 prévoit de même un gage destiné à compenser les charges pour l’État (la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts précités).

*

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Elle adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

En conséquence, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de loi dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI VISANT À CRÉER UNE ALLOCATION JOURNALIÈRE D’ACCOMPAGNEMENT D’UNE PERSONNE EN FIN DE VIE

Article 1er


Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :


1° Dans l’intitulé du livre VIII, après les mots : « Allocation aux adultes handicapés – », sont insérés les mots : « Allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie – » ;


2° Après le titre II du livre VIII, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :



« 
TITRE II BIS

« ALLOCATION JOURNALIÈRE D’ACCOMPAGNEMENT D’UNE PERSONNE EN FIN DE VIE


« Art. L. 822-1. – Une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée aux personnes qui remplissent les conditions suivantes :


« 1° Être bénéficiaire du congé de solidarité familiale prévu aux articles L. 3142-16 à L. 3142-21 du code du travail ou du congé prévu au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ou à l’article L. 4138-6 du code de la défense ;


« 2° Accompagner à domicile une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ;


« 3° Être un ascendant, un descendant, un frère, une s
œur ou partager le même domicile que la personne accompagnée.


« Art. L. 822-2. – Une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée aux personnes non visées à l’article L. 822-1 et qui remplissent les conditions suivantes :


« 1° Avoir suspendu leur activité professionnelle ;


« 2° Accompagner à domicile une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ;


« 3° Être un ascendant, un descendant, un frère, une s
œur ou partager le même domicile que la personne accompagnée.


« Art. L. 822-3. – Les personnes mentionnées aux articles L. 5421-1 à L. 5422-8, L. 7221-1 et L. 7313-1 du code du travail, aux 1°, 4° et 5° de l’article L. 613-1, à l’article L. 722-1 du présent code ou à l’article L. 722-9 du code rural peuvent bénéficier de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie sous réserve du respect des conditions prévues à l’article L. 822-2 du présent code.


« Art. L. 822-4. – L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée dans la limite d’une durée maximale de trois semaines dans des conditions prévues par décret. Si la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, la période de versement de l’allocation inclut, le cas échéant, les journées d’hospitalisation, sans dépasser la durée maximale de trois semaines.


« Le montant de cette allocation est fixé par décret.


« L’allocation cesse d’être due à compter du jour suivant le décès de la personne accompagnée.


« Un seul bénéficiaire peut prétendre au versement de l’allocation au titre d’un même patient.


« Art. L. 822-5. – Les documents et les attestations requis pour prétendre au bénéfice de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, ainsi que les procédures de versement de cette allocation, sont définis par décret.


« Art. L. 822-6. – La gestion de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est confiée aux organismes du régime général chargés du versement des prestations d’assurance maladie.


« Lorsque la personne qui accompagne un proche en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable relève d’un autre régime d’assurance maladie, l’organisme gestionnaire assure le versement de l'allocation. »

Article 2


I. – 
Au premier alinéa de l’article L. 3142-16 du code du travail, les mots : « ou une personne partageant son domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital » sont remplacés par les mots : « , un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ».


II. – Au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, les mots : « un ascendant ou un descendant ou une personne partageant son domicile » sont remplacés par les mots : « un ascendant, un descendant, un frère, une s
œur ou une personne partageant le même domicile ».


III. – Au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les mots : « un ascendant ou un descendant ou une personne partageant son domicile » sont remplacés par les mots : « un ascendant, un descendant, un frère, une s
œur ou une personne partageant le même domicile ».


IV. – Au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, les mots : « un ascendant ou un descendant ou une personne partageant son domicile » sont remplacés par les mots : « un ascendant, un descendant, un frère, une s
œur ou une personne partageant le même domicile ».


V. – À l’article L. 4138-6 du code de la défense, les mots : « un ascendant, un descendant ou une personne partageant son domicile » sont remplacés par les mots : « un ascendant, un descendant, un frère, une s
œur ou une personne partageant le même domicile ».

Article 3


I. – Au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale ».



II. – Au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale ».

III. – Au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale ».


IV. – Au d du 1° et au onzième alinéa de l’article L. 4138-2 du code de la défense, les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par les mots : « de solidarité familiale ».


V. – À l’article L. 4138-6 du code de la défense, les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par les mots : « de solidarité familiale ».

Article 4


Le Gouvernement remet chaque année, avant le 31 décembre, un rapport aux commissions parlementaires compétentes faisant état de la mise en
œuvre du versement de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie.


Ce rapport établit aussi un état des lieux de l’application de la politique de développement des soins palliatifs à domicile.

Article 5


I. – Les charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


II. – Les charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information (n° 1287) fait au nom de la mission d’évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie par M. Jean Leonetti.

2 () Par exemple le dictionnaire Larousse.

3 () Marie-Sylvie Richard, « Qu’est-ce qu’accompagner une personne en fin de vie ? », Conférence de consensus sur l’accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches, Textes des experts, janvier 2004. Les citations qui suivent sont extraites de cette même intervention.

4 () Hugues Joublin, directeur exécutif, Novartis pharma, « La famille accompagnante : besoins, modalités de soutien – Une approche de proximologie ».

5 () Voir sur cette question le rapport de la mission, pp 70-72.

6 () Philippe Ariès, « Essais sur l’histoire de la mort en occident du Moyen-Âge à nos jours », 1977.

7 () Hugues Joublin, intervention précitée.

8 () La loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit d’accès aux soins palliatifs a résulté d’une synthèse entre les propositions de loi suivantes :

– proposition de loi (n° 1353) de M. Bernard Perrut tendant à créer un congé d’accompagnement des personnes en fin de vie ;

– proposition de loi (n° 1503 rectifié) de M. Jean-Jacques Denis tendant à favoriser le développement des soins palliatifs ;

– proposition de loi (n° 1514) de M. Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs ;

– proposition de loi (n° 1515) de Mme Gilberte Marin-Moskovitz tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et l’accompagnement des malades en fin de vie ;

– proposition de loi (n° 1560) de M. Jean-Louis Debré tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et de l’accompagnement.

9 () Mourir accompagné, Renée Sebag-Lanoë, Desclée de Brouwer, Paris, 1986.

10 () Rapport sur les soins palliatifs et l’accompagnement des personnes en fin de vie, remis par M. Henri Delbecque au ministre de la santé, janvier 1993.

11 () Rapport d’information du sénateur Lucien Neuwirth sur les soins palliatifs et l’accompagnement, février 1999.

12 () Avis du Conseil économique et social sur l’accompagnement des personnes en fin de vie, février 1999.

13 () À l’échelle locale, la Ville de Paris propose depuis le 1er octobre 2000 une allocation d’accompagnement destinée à aider financièrement les personnes qui cessent leur activité professionnelle pour s’occuper d’un proche en fin de vie. Cf. infra.

14 () Eléments transmis par les services de l’Ambassade de France en Belgique (service de coopération et d’action culturelle), août 2008.

15 () Voir le rapport d’information (n° 1287) fait au nom de la mission d’évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie par M. Jean Leonetti, pp 191 à 197.

16 () Les éléments qui suivent sont extraits du rapport de la mission.

17 () Ces éléments sont extraits du document de présentation du « Programme de développement des soins palliatifs 2008-2012 » (juin 2008).

18 () Sur certains points, les dispositions de la proposition de loi font expressément référence à ce renvoi aux dispositions réglementaires (voir infra).

19 () Rapport fait par M. Jean Leonetti au nom de la commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner la proposition de loi (n° 1882) relative aux droits des malades et à la fin de vie, novembre 2004.

20 () Rapport (n° 382, 2002-2003) de M. Dominique Leclerc au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme des retraites.

21 () Cette définition ainsi que celles qui suivent sont extraites du Vocabulaire juridique présenté sous la direction de M. Gérard Cornu, Presses Universitaires de France, 2007.

22 () Données extraites de « Les indépendants », Franck Evain et Michel Amar, INSEE Première, n° 1084, juin 2006.

23 () « Toute convention dont l’objet est la représentation, conclue entre un voyageur, représentant ou placier et un employeur est, nonobstant toute stipulation expresse du contrat ou en son silence, un contrat de travail ».