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N° 1481

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 février 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet,

PAR Mme Muriel MARLAND-MILITELLO,

Députée.

——

Voir les numéros :

Sénat : 405 (2007-2008), 53, 59 et T.A. 8 (2008-2009)

Assemblée nationale : 1240, 1486

INTRODUCTION 7

I.- QU’EST-CE QUE LES DROITS D’AUTEUR ? 9

A. DES DROITS MORAUX 10

B. DES DROITS PATRIMONIAUX 11

C. UN DROIT EN PLEINE MUTATION 13

II.- LA DÉFENSE DES DROITS DES AUTEURS À L’HEURE D’INTERNET : UNE PRIORITÉ POUR DYNAMISER LA CRÉATION 15

A. LE DÉVELOPPEMENT INQUIÉTANT DE COMPORTEMENTS QUI MENACENT L’AVENIR DE LA CRÉATION 15

1. Des chiffres inquiétants 15

2. De nouveaux équilibres économiques encore instables 17

3. Le développement de modalités innovantes de soutien à la création 18

B. LA LOI DADVSI : UNE PREMIÈRE TENTATIVE DE LUTTE GÉNÉRALISÉE CONTRE LE PIRATAGE 18

1. Les principales dispositions du texte relatives aux droits d’auteurs 19

2. Une mise en œuvre incomplète du système gradué initialement prévu 20

C. UN NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA DÉMARCHE PRÉVENTIVE 21

1. La mission Olivennes et les accords de l’Élysée : un consensus clair entre les créateurs, les industries culturelles et les fournisseurs d’accès à internet 22

2. La traduction législative des accords de l’Elysée 24

D. UN SOUTIEN PUBLIC INDISPENSABLE AU DÉVELOPPEMENT D’UNE OFFRE LÉGALE ATTRACTIVE 25

1. Une offre légale encore insuffisante malgré un récent essor 25

2. La suppression des obstacles au développement de cette offre 27

E. INTERNET : UNE FORMIDABLE VITRINE DE LA CRÉATION FRANÇAISE 29

III.- UNE PRISE DE CONSCIENCE EUROPÉENNE ET MONDIALE 31

A. LES NOUVELLES INITIATIVES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE PROTECTION DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 31

1. La mise en place d’une consultation sur les systèmes de rémunération pour copie privée 31

2. Une communication sur les contenus créatifs en ligne 32

3. Un Livre vert sur le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance 32

4. La proposition de directive sur la durée de protection des droits des interprètes 32

B. DES PRISES DE POSITION CONTRADICTOIRES AU PARLEMENT EUROPÉEN 33

C. L’IMPORTANCE DE LA PRISE DE CONSCIENCE OUTRE-ATLANTIQUE 35

1. L’action de l’industrie et des pouvoirs publics 35

2. La mise en œuvre d’une riposte graduée contractuelle 36

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 39

II.- EXAMEN DES ARTICLES 63

Chapitre Ier : Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle 63

Avant l’article 1er 65

Article 1er Coordinations 66

Article additionnel après l’article 1er: Régime de cession des œuvres pour une publication de presse 68

Article 1er bis : Modification par coordination de l’intitulé d’un titre du code de la propriété intellectuelle 68

Article 2 Organisation et missions de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) 69

Après l’article 2 104

Article 3 Création par coordination dans le code de la propriété intellectuelle d’une sous-section regroupant les attributions de la Haute Autorité au titre de sa mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres 104

Article 4 Abrogation par coordination de dispositions du code de la propriété intellectuelle 105

Article 4 bisModification par coordination de l’intitulé d’un chapitre du code de la propriété intellectuelle 106

Article 5 : Procédure devant le juge pour faire cesser les atteintes aux droits d’auteur et aux droits voisins sur les services de communication en ligne 107

Article 6 Obligation de surveillance de l’accès à internet et clauses exonératoires de responsabilité pour le titulaire de l’abonnement 111

Après l’article 6 118

Article 7 : Coordination 118

Article 7 bis Élaboration d’un système de référencement de l’offre légale par le Centre National de la Cinématographie 119

Après l’article 7 bis 121

Chapitre II : Dispositions modifiant la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique 123

Article 8 Obligation d’informer les abonnés sur les moyens techniques de sécurisation de l’accès à internet 123

Chapitre III : Dispositions modifiant le code des postes et des communications électroniques 126

Article 9 Mise à disposition de la HADOPI de données techniques générées par les communications électroniques 126

Chapitre III bis : Dispositions modifiant le code de l’éducation 128

Article 9 bis : Sensibilisation des élèves aux risques liés aux usages d’internet et aux dangers du piratage 128

Article additionnel après l’article 9 bis : Information des élèves au sein de l’enseignement artistique sur les dangers du téléchargement illicite d’œuvres culturelles 130

Chapitre III  ter Dispositions modifiant le code de l’industrie cinématographique 130

Article 9 ter : Modification de la chronologie des médias pour l’exploitation des œuvres cinématographiques 130

Article 9 quater : Interopérabilité des fichiers musicaux 138

Après l’article 9 quater 142

Chapitre IV : Dispositions diverses 143

Article 10 Conditions d’entrée en vigueur de la loi 143

Après l’article 10 144

Article 10 bis : Conditions d’entrée en vigueur des règles relatives à la chronologie des médias 145

Article additionnel après l’article 10 bis Crédit d’impôt au profit des entreprises de production des œuvres audiovisuelles spécifiquement destinées à une mise à disposition du public sur internet 146

Article additionnel après l’article 10 bis : Prise en charge par le Centre national de la cinématographie (CNC), le Centre national du livre (CNL) et le Centre national des variétés, de la chanson et du jazz (CNV), du soutien et de l’encouragement de l’offre légale des œuvres sur les réseaux de communication au public en ligne 146

Article additionnel après l’article 10 bis Mise en place par le Centre national de la cinématographie (CNC) de systèmes de référencement favorables au développement des offres légales d’œuvres cinématographiques françaises ou européennes 147

Article 11 Modalités d’application outre-mer 147

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 149

ANNEXES 157

ANNEXE 1 : Liste des personnes auditionnées 157

ANNEXE 2 : Glossaire des termes techniques 161

ANNEXE 3 : Qu'est-ce que l'adresse IP ? 163

ANNEXE 4 : Les différentes techniques d'échange de fichiers sur internet 165

ANNEXE 5 : Lutte contre la piraterie audiovisuelle sur les réseaux dits « peer to peer » en Grande Bretagne 171

INTRODUCTION

L’Assemblée nationale est saisie, en première lecture, du projet de loi, adopté par le Sénat, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (n° 1240). La commission des affaires culturelles a pris l’excellente initiative de se saisir pour avis de ce projet de loi, sur ce sujet essentiel pour notre culture et la démocratisation culturelle.

La défense du droit des auteurs et des titulaires de droits voisins doit constituer une priorité : l’économie de la création tout entière repose sur le droit de la propriété littéraire et artistique. Les conditions de vie et de travail des créateurs et des artistes ne sont pas des questions absolument nouvelles, mais elles se posent avec une acuité renouvelée à l’ère du numérique.

Ce projet de loi tire les leçons du passé. Il s’inscrit en rupture par rapport à la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), tant au plan de la méthode que du contenu. S’agissant de la méthode, une approche constructive et de dialogue a été adoptée, qui repose sur l’idée que les solutions mises en oeuvre nécessitent un très large consensus préalable entre les acteurs de la culture et de l’internet. Ce travail a débouché la signature d’accords historiques – les accords de l’Élysée. Pour la première fois, les fournisseurs d’accès à internet et les professionnels de la culture, tous secteurs confondus, se sont accordés sur les solutions à adopter pour lutter contre le piratage et améliorer l’offre légale.

Au plan du contenu, la rupture est tout aussi grande. La pédagogie est privilégiée : il ne s’agit pas de traquer les internautes mais de les désinciter les à télécharger illégalement, d’une part en mettant en place une riposte graduée, confiée à une autorité administrative indépendante. Et d’autre part, en améliorant l’offre légale.

Après avoir dans des délais très courts auditionné plus d’une cinquantaine de personnes représentant la quasi-totalité des acteurs concernés, la rapporteure pour avis reste persuadée que ce texte, par ailleurs largement amélioré par le Sénat, est un excellent signal à la fois pour nos concitoyens internautes, mais également pour le secteur.

I.- QU’EST-CE QUE LES DROITS D’AUTEUR ?

Conformément aux orientations posées par la directive n° 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, l’article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle français définit les droits d’auteur comme la conséquence de la création de « toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ».

Ainsi, en droit français, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Il suffit pour cela que son œuvre soit originale.

L’auteur possède sur sa création deux types de droit : des droits moraux et des droits patrimoniaux.

Les montants en jeux

En 2003, les 8 700 auteurs affiliés aux sociétés de perception de droits ont perçu des droits d’auteur pour un montant de 300 millions d’euros. La moitié des auteurs se partagent 10 % de l’ensemble des revenus tandis que 10 % touchent la moitié des droits distribués.

Livre – Les montants de droits d’auteur s’élèvent à 427 millions d’euros en 2004 (ces montants comprennent les droits versés à tous les détenteurs des droits d’exploitation qu’ils soient français ou étrangers, auteurs ou éditeurs).

Photographie – Les photographes affiliés à l’AGESSA ont touché, en 2003, 75 millions d’euros de droits, soit 25 % des 300 millions d’euros versés aux auteurs, une proportion inférieure à ce qu’ils représentent en nombre d’auteurs (32 %). Ils sont donc relativement moins bien rémunérés que les autres auteurs. Ils apparaissent néanmoins comme les principaux bénéficiaires de droits, devant les écrivains (62 millions d’euros), les auteurs compositeurs de musique (49 millions d’euros) et les auteurs d’œuvres audiovisuelles (44,5 millions d’euros).

Télévision – Trois sources sont mobilisées pour évaluer ces montants : les données DDM/INSEE permettent d’évaluer les montants de droits à 268 millions d’euros en 2002. Cette somme recouvre l’ensemble des droits d’auteur et des droits voisins versés par les chaînes hertziennes généraliste. Mais on ne sait pas distinguer entre les droits perçus pour les œuvres télévisuelles, cinématographiques ou musicales. Les données de l’AGESSA (44,5 millions d’euros de droits, 4,396 millions d’euros de salaires et 381 334 euros de revenus libéraux en 2003), qui enregistre les déclarations de revenus des auteurs affiliés, et les déclarations de versement de droits faites par les tiers (« diffuseurs »), présentent l’avantage de tenir compte des droits versés tant au titre de la gestion individuelle qu’au titre de la gestion collective. Les comptes annuels des sociétés de gestion collective font apparaître 219 millions d’euros en 2004 pour les droits appartenant au domaine de l’audiovisuel. Les droits nets répartis aux ayants droit sont estimés à 165 millions d’euros.

Musique – Les revenus de la gestion collective se sont montés à 635 millions d’euros. Pour l’année 2005, la gestion contractuelle représente 926 millions d’euros hors taxes si l’on ne tient compte que de la seule musique enregistrée. Le spectacle vivant représente un peu plus d’un quart du chiffre d’affaires total de l’industrie musicale (environ 2 milliards d’euros) et a généré 540 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2005. Ses revenus bénéficient en majorité aux artistes-interprètes. Par ailleurs, les perceptions liées à la vente de partitions de musique ont augmenté de 17 % sur la période 2002-2004. Le spectacle musical vivant correspond à environ 372 millions d’euros selon le Centre national de la chanson (CNV), de la variété et du jazz et à 550 millions d’euros selon les estimations SACEM. Pour la diffusion de films en salle, la SACEM a perçu 16 millions d’euros.

Source : Ministère de la culture et de la communication, département des études, de la prospective et des statistiques – Culture études 20078 V. Synthèse Programme politiques publiques et régulations Économies des droits d’auteur – Françoise Benhamou et Dominique Sagot-Duvauroux – décembre 2007.

À côté des droits des auteurs, sur le même modèle, ont été ajoutés des droits voisins en faveur des artistes interprètes, des éditeurs et des producteurs. La protection des droits voisins a connu une première consécration internationale avec la Convention de Rome de 1961 qui a ensuite servi de modèle pour le législateur français, dans la rédaction de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, codifiée dans le deuxième livre du code de la propriété intellectuelle. Les droits voisins sont des droits connexes aux droits d’auteur qui se composent, comme ces derniers, de deux volets : un droit moral et des droits patrimoniaux. L’article L. 211-1 du code de la propriété intellectuelle précise toutefois que la protection conférée par les droits voisins est différente de celle conférée par les droits d’auteurs et s’exerce indépendamment et sans préjudice des droits reconnus aux auteurs.

A. DES DROITS MORAUX

Selon l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit moral consiste pour l’auteur ou ses ayants droit au droit au « respect de son nom, de sa qualité, de son œuvre ». Ce droit entraîne plusieurs conséquences :

– un droit de divulgation : il permet à l’auteur de décider quand son œuvre est terminée et si elle peut être divulguée au public ;

– un droit de paternité : l’auteur a le droit de revendiquer la paternité de son œuvre (mention de l’auteur lors de l’exploitation de l’œuvre) ;

– un droit au respect de l’intégrité de l’œuvre : l’auteur peut s’opposer à toutes modifications, déformations ou mutilations de son œuvre. L’application de ce droit est cependant nuancée dans la jurisprudence récente (1;

– un droit de retrait et de repentir qui consiste au retrait par l’auteur de son œuvre déjà divulguée de la sphère du marché en contrepartie d’une compensation financière à hauteur du préjudice subi par le diffuseur.

Ces droits moraux sont incessibles, perpétuels et imprescriptibles.

B. DES DROITS PATRIMONIAUX

Les droits patrimoniaux permettent à l’auteur de retirer le bénéfice économique de son œuvre. Ils sont cessibles et portent sur l’exploitation de l’œuvre. On distingue principalement :

– un droit de reproduction : il permet à l’auteur d’autoriser la copie de tout ou d’une partie de son œuvre et d’en fixer les modalités ;

– un droit de représentation : l’auteur peut donner son autorisation à la représentation ou à l’exécution publique de son œuvre.

Cette dissociation a par exemple toute son importance sur l’internet : le fait de visualiser une page est une représentation, le fait de l’enregistrer sur son disque dur est une reproduction.

En vertu de ces droits, l’auteur peut toucher :

– une rémunération directe, versée par les consommateurs (achat de livres, de disques, de places de spectacles, etc.) ou par des intermédiaires (notamment achat de droits télévisés par les diffuseurs) ;

– une rémunération indirecte, versée par le biais de taxes ou de redevances (rémunération pour copie privée, rémunération au titre du prêt en bibliothèque, etc.).

Les droits obligatoires

Il existe quatre types de droits obligatoires :

– la rémunération pour copie privée. Les droits sur les cassettes vidéo et les DVD vierges sont prélevés par Copie France qui répartit le montant collecté en trois parts égales aux producteurs, aux auteurs et aux artistes-interprètes. La part revenant aux auteurs est versée à la SRDM (filiale de la SACEM) qui la répartit entre les différentes filières. Les droits sur les cédéroms sont prélevés par la Société pour la rémunération de la copie privée sonore (SORECOP) :

– le droit de reproduction par reprographie. Il a été institué par la loi n° 95-4 du 3 janvier 1995 complétant le code de la propriété intellectuelle et relative à la gestion collective du droit de reproduction par reprographie. Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) est la société agréée chargée de gérer en France ce droit pour la presse et l’édition ;

– le droit de prêt en bibliothèque. La loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque créée un régime de licence légale pour le prêt en bibliothèque d’œuvres éditées sous forme de livres, assortie d’une rémunération au bénéfice de leurs auteurs et éditeurs. En matière photographique, seuls sont concernés les photographes qui bénéficient d’un contrat d’édition (en général, monographies, beaux livres…) ;

– le droit de rémunération équitable. Créé par la loi de 1985 précitée, il compense la diffusion de phonogrammes du commerce par les radios, télévisions, discothèques et lieux publics sonorisés. Il est prélevé par la Société civile pour la perception de la rémunération de la communication au public de phonogrammes de commerce (SPRE).

Les droits collectifs volontaires

Les auteurs peuvent confier aux sociétés d’auteurs la gestion de certains droits comme les droits de diffusion sur les chaînes de télévision ou sur internet, et le droit de suite.

Pour gérer ces droits, les sociétés d’auteurs peuvent souscrire auprès des sociétés de télévision des « accords généraux de représentation », contrats qui permettent aux chaînes de télévision, en contrepartie d’un paiement forfaitaire unique, d’avoir accès à la totalité des œuvres du répertoire des cocontractants.

La redevance prend la forme d’un pourcentage du chiffre d’affaires, réparti ensuite entre les auteurs sur la base d’un relevé de diffusion que les diffuseurs ont l’obligation légale de fournir.

Il est à noter que, dans le cadre de la télévision par câble et par satellite, en plus des chaînes de télévision, les réseaux câblés et les bouquets satellites reversent également une part de leur chiffre d’affaires, ces sommes étant collectées par la SDRM qui a en charge de les répartir entre les différentes sociétés d’auteurs.

Cette « enveloppe globale » est répartie entre les œuvres diffusées, puis entre les auteurs.

En ce qui concerne la répartition entre les différents coauteurs, la SACD et la SCAM laissent les auteurs fixer entre eux la clé de répartition de leurs droits.

La complexité des situations

Les auteurs de télévision peuvent percevoir une rémunération forfaitaire au titre de l’exploitation de leurs œuvres par l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

L’envoi par l’INA d’une liste des œuvres exploitées (avec indication du titre et de la durée) aux différentes sociétés de gestion collective permet d’évaluer les remontées de recettes entre les différents ayants droit.

Les sommes prélevées auprès de l’INA viennent s’ajouter à celles versées par les diffuseurs.

Pour les artistes-interprètes et les comédiens qui ne figurent pas au générique des programmes, la gestion collective intervient en cas de câblodiffusion. Si les producteurs (titulaires de droits voisins) semblent le plus souvent gérer eux-mêmes leurs droits, tel n’est pas le cas lors de la retransmission par câble.

Pour les câblodistributeurs, le législateur impose la gestion collective.

Les revenus de l’exploitation des œuvres françaises à l’étranger relèvent de même de la gestion collective. La rémunération pour copie privée est enfin perçue, pour le compte des ayants droit, par une ou plusieurs sociétés de perception et de répartition des droits.

Source : Ministère de la culture et de la communication, département des études, de la prospective et des statistiques – Culture études 2007 – 8 V. Synthèse Programme politiques publiques et régulations Économies des droits d’auteur – Françoise Benhamou et Dominique Sagot-Duvauroux – décembre 2007.

Selon les termes de l’article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle, ces droits patrimoniaux courent de la création de l’œuvre jusqu’à 70 ans après le décès de l’auteur.

C. UN DROIT EN PLEINE MUTATION

Une récente étude du département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la culture et de la communication (2) confirme que le développement du numérique et d’internet a profondément affecté l’économie des droits d’auteur. Avec l’apparition de nouveaux modes de production et de diffusion, les règles juridiques relatives à la rémunération des droits d’auteur ne sont ni claires ni toujours applicables, comme le souligne d’ailleurs l’encadré ci-dessus.

Au regard de ces évolutions, l’économie et donc les droits des auteurs sont amenés à changer de paradigme, ce qui devrait avoir des conséquences considérables pour toute la chaîne des ayants droit. Il convient de mettre au point un modèle qui garantisse l’équilibre entre les nouvelles pratiques culturelles et la rémunération des auteurs et auteurs interprètes.

II.- LA DÉFENSE DES DROITS DES AUTEURS
À L’HEURE D’INTERNET : UNE PRIORITÉ
POUR DYNAMISER LA CRÉATION

La défense et la rénovation du droit des auteurs et des titulaires de droits voisins doivent donc constituer une priorité : l’économie de la création repose sur le droit de la propriété littéraire et artistique. Les conditions de vie et de travail des créateurs et des artistes ne sont pas des questions absolument nouvelles, mais elles se posent avec une acuité renouvelée à l’ère du numérique. Pour les auteurs, les artistes, les structures de spectacle vivant et les industries qui produisent et diffusent les contenus (musique, cinéma ou livre), internet est aujourd’hui à la fois un formidable atout mais, mal maîtrisé, il peut contribuer à la fragilisation d’une économie qui cherche perpétuellement son équilibre.

A. LE DÉVELOPPEMENT INQUIÉTANT DE COMPORTEMENTS QUI MENACENT L’AVENIR DE LA CRÉATION

Internet a provoqué des changements tant au niveau des technologies (stockage, reproduction et diffusion des œuvres) que des habitudes de consommation (téléchargements, échanges de fichiers, etc.). Le développement de l’internet à haut débit a permis le transfert de fichiers volumineux entre internautes, et donc l’échange facilité d’œuvres musicales ou cinématographiques (3). Ces échanges sont notamment rendus possibles par la mise à disposition de logiciels libres. Les techniques de compression et les débits internet s’étant améliorés, le cinéma, jusqu’à maintenant relativement épargné du fait de la lourdeur des fichiers vidéo, se trouve confronté aux mêmes problèmes que la filière musicale.

1. Des chiffres inquiétants

Le téléchargement illégal, comme toute pratique de l’économie souterraine, est par définition difficile à mesurer. Des évaluations récentes du phénomène ont été conduites par un certain nombre d’organismes. Ainsi, aux États-Unis, l’Institute for Policy Innovation (4), s’appuyant sur le rapport de la Fédération internationale de l’industrie phonographique de 2006, estime le nombre de téléchargements illégaux dans le monde à 20 milliards en 2005, 66 % étant des téléchargements d’enregistrements produits par les États-Unis. Cet Institut estime donc les pertes dues à la piraterie de musique de la façon suivante : 12,5 milliards de dollars pour l’économie américaine, 71 060 emplois (dont 26 860 emplois dans l’industrie musicale et 44 200 emplois dans les autres industries) et 422 millions de dollars en taxes non recouvrées pour le gouvernement fédéral américain, les gouvernements étatiques et locaux. Selon un rapport publié par la Fédération internationale de l’industrie phonographique (5), le peer to peer illégal touche environ 19 % des utilisateurs d’internet aux États-Unis et 39 % des adolescents américains utilisent régulièrement ces réseaux.

En France, en 2006, selon les informations communiquées par le ministère à la rapporteure pour avis, un milliard de fichiers piratés auraient été échangés. En cinq ans, l’industrie musicale a enregistré une chute de 50 % de son chiffre d’affaires. Il en résulte une baisse de l’emploi dans les maisons de disques ainsi qu’une diminution d’un tiers du nombre de nouveaux artistes « signés » chaque année. Le cinéma et la télévision commencent à ressentir à leur tour les effets du piratage des œuvres qu’ils produisent ou diffusent.

Selon une étude réalisée par le cabinet de conseil Equancy (6), en 2007, la copie illégale a eu un impact direct négatif de l’ordre de 1,2 milliard d’euros sur l’activité du livre, de la musique enregistrée, du cinéma et de l’audiovisuel. Cela aurait induit en un an une destruction nette de 5 000 emplois directs. S’agissant de la musique enregistrée, l’estimation de pertes de recettes est de 369 millions d’euros pour 2007 avec une perte de 1 600 emplois directs. S’agissant du cinéma, l’étude estime que le nombre de films téléchargés est actuellement aussi important que le nombre de spectateurs présents dans les salles. « Cette pratique massive de la copie illégale impacte négativement tout le cycle d’exploitation commercial des films, de l’exploitation en salle jusqu’à la diffusion sur les chaînes de télévision en clair. L’estimation de pertes de recettes atteint 605 millions d’euros pour la seule année 2007 impliquant une perte de 2 400 emplois directs ».

S’agissant de l’industrie du livre, l’impact est encore modéré en raison de l’avantage que conserve encore le livre papier sur les « readers » (matériels et logiciels de lecture de livres numérisés), peu diffusés et encore peu ergonomiques. Mais on assiste tout de même à « l’émergence d’une copie illégale dans la littérature scientifique ou scolaire, ou bien encore dans les revues ».

Face à ces bouleversements, deux types de réponses ont initialement été avancés par les acteurs du secteur, notamment ceux de la musique et du cinéma :

– Le renforcement des contrôles sur la circulation des œuvres et la mise en place de dispositifs de protection anti-copie (plus communément appelés DRM) étaient principalement proposés par les éditeurs, les producteurs et les sociétés de gestion des droits d’auteurs. Dans le courant de l’année 2008, un certain nombre d’acteurs ont abandonné le système des DRM, contre lesquels la rapporteure pour avis s’était d’ailleurs élevée pendant les débats de la loi DADVSI. Cependant, selon le rapport annuel de l’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), le phénomène ne s’étend pas à l’ensemble des industries culturelles mais concerne essentiellement le secteur de la musique. De plus, ce ne sont que certaines formes de mesures techniques particulièrement restrictives ou intrusives qui sont délaissées. Les ayants droit continuent de recourir en pratique à des mesures techniques, ne serait-ce que pour protéger l’accès à des services distants de téléchargement ou de diffusion à la demande.

– À l’opposé, certaines associations de consommateurs et d’artistes et interprètes préconisaient et préconisent d’ailleurs toujours le remplacement du système actuel par une « licence globale », c’est-à-dire d’une taxe qui serait payée par les internautes souhaitant procéder à des téléchargements ou par tous les abonnés à l’internet à haut débit. Pourtant, une déréglementation totale de l’usage des œuvres sur internet entraînerait un appauvrissement considérable de l’offre culturelle, en totale contradiction avec les thèses développées par ses partisans.

Il convient donc de trouver un équilibre entre ces deux extrémités, dans l’intérêt des créateurs mais aussi du public : les potentialités offertes par internet doivent servir la démocratisation culturelle tout en respectant les droits de la propriété intellectuelle.

2. De nouveaux équilibres économiques encore instables

Comme le souligne l’étude d’Equancy précitée, « ce non-respect des droits de propriété intellectuelle s’immisce dans la révolution technologique en cours. L’analyse économique montre que ces comportements de " passager clandestin " (7) menacent d’éteindre l’offre future, dès lors que les droits de propriétés afférents ne sont plus respectés. Dès maintenant, ces comportements menacent la transition entre business models actuels et futurs : les business models traditionnels (CD, DVD, cinéma en salle, …) subissent une perte de valeur ou un manque à gagner, tandis que les nouveaux (musique en ligne, VoD, …) peinent à décoller en raison des incertitudes que fait peser la copie illégale sur les fruits des investissements consentis ».

Le processus économique à l’œuvre n’est plus celui de la « destruction-créatrice », par lequel Schumpeter qualifiait les périodes de révolution technologique, mais une « destruction-destructrice », qui ralentit l’émergence d’un nouveau modèle économique.

Comme le conclut l’étude précitée, « inverser la croissance jusqu’alors exponentielle de la copie illégale (notamment par des moyens plus inventifs qu’une gestion des DRM réduisant l’interopérabilité) est un impératif pour éviter qu’en 2012, au terme du plan de développement de l’économie numérique, la France soit devenue une économie de " tuyaux ", sans dynamique dans la production de contenus originaux ».

S’agissant des auteurs et des créateurs, l’étude du DEPS précitée relève que, dans ce contexte économique instable, la rémunération des auteurs est devenue une variable d’ajustement. Ainsi, dans l’industrie du livre, les auteurs n’ont aucunement profité des effets des gains de productivité permis par les nouvelles technologies sur le processus de fabrication. Le même phénomène se produit dans l’industrie musicale, où la rémunération forfaitaire des auteurs se généralise. Dans tous les cas, les mutations technologiques ont abouti à d’importantes modifications de la structure des coûts de production des différentes filières, sans que ces modifications n’aient pour le moment beaucoup affecté le partage de la valeur ajoutée, notamment en faveur des auteurs.

3. Le développement de modalités innovantes de soutien à la création

L’étude du DEPS précitée estime que les principaux bouleversements des droits des auteurs et de l’économie qui en découlent viendront des nouveaux usages, notamment des pratiques interactives. En effet, dans la musique et la photographie et, dans une moindre mesure, l’édition, apparaissent de nouveaux modèles qui brouillent la frontière entre professionnels et amateurs et favorisent l’apparition de nouveaux mécanismes d’accession à la notoriété. Les plates-formes de distribution de musique libre, Jamendo ou Dogmazic.net par exemple, incitent les internautes à rémunérer les artistes sous forme de dons. Dans ces modèles, les consommateurs choisissent de faire des dons volontaires en échange de l’accès et de l’usage de répertoires libres. Ils deviennent des prescripteurs et des passeurs. De même, mymajorcompany.com est un label communautaire qui permet aux internautes de produire directement des artistes en misant sur eux. Il a déjà permis la découverte de chanteurs comme Grégoire, Thierry de Cara, Joyce Jonathan ou Tom Ge.

B. LA LOI DADVSI : UNE PREMIÈRE TENTATIVE DE LUTTE GÉNÉRALISÉE CONTRE LE PIRATAGE

Dans ce contexte d’évolution rapide des technologies et de la société, l’examen au Parlement de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) a connu de nombreux rebondissements. Il a été reporté à de nombreuses reprises et a donné lieu à des débats houleux qui ont largement transcendé les clivages partisans, notamment à l’Assemblée nationale.

Le projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale le 12 novembre 2003 et renvoyé à la commission des lois, qui l’a examiné en mai 2005. Il a commencé à être discuté en séance publique à partir du 20 décembre 2005, après déclaration d’urgence. Le débat a été interrompu par le Gouvernement le 22 décembre après l’adoption surprise d’un amendement instituant la licence globale. Le débat a repris le 7 mars 2006 à l’Assemblée nationale et le texte a été définitivement adopté le 30 juin 2006. Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 27 juillet et le texte a été publié au Journal officiel du 3 août 2006.

1. Les principales dispositions du texte relatives aux droits d’auteurs

Ce texte est largement issu de la transposition de la directive européenne n° 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.

● La légalisation des dispositifs anti-copie (DRM)

Le texte légalise les « mesures techniques de protection » (MTP) qui étaient censées empêcher le piratage mais limitent en même temps la lecture d’un contenu numérique à un support défini.

 La création d’une autorité administrative chargée de réguler l’interopérabilité des mesures techniques

La loi réaffirme parallèlement que le consommateur doit pouvoir lire une œuvre numérique sur le support et au format de son choix. Les litiges sur cette question relèvent de la compétence de l’Autorité de régulation des mesures techniques (8).

 L’exception pour copie privée

Le principe de cette exception est reconnu par la loi, ce qui signifie que le consommateur peut copier, pour son usage personnel, l’œuvre qu’il a acquis, mais dans des conditions strictes. La loi donne ainsi compétence au CSA de veiller à ce que les diffuseurs n’introduisent pas dans les programmes audiovisuels de mesures techniques interdisant la copie privée, mais tient également compte de la spécificité du DVD sur lequel, actuellement, aucun DRM efficace et conciliable avec la copie privée ne peut être mis en place. La régulation du nombre de copies privées autorisées et les conflits relatifs à cette question sont de la compétence de l’ARMT.

 Les sanctions

Des sanctions sont prévues en cas de contournement des mesures techniques de protection. Le système de sanctions initialement prévu par la loi réprime à la fois le téléchargement illicite et le contournement des mesures de protection. S’agissant du téléchargement illicite, dans la loi telle qu’adoptée par le Parlement, le système était gradué, en fonction de l’importance de l’acte au regard de la protection des droits d’auteur. L’internaute qui téléchargeait de manière illicite une œuvre protégée uniquement pour son usage personnel était passible d’une amende de 38 euros. Si, dans le même temps, le téléchargement s’accompagnait d’une mise à disposition des autres internautes, alors, l’amende encourue était d’un montant maximum de 150 euros.

S’agissant du contournement des mesures techniques de protection, les sanctions sont également graduées :

– le pourvoyeur de moyens de contournement risque six mois d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende ;

– le pirate qui décrypte la mesure technique de protection de l’œuvre est passible d’une amende d’un montant maximum de 3 750 euros ;

– le détenteur ou l’utilisateur d’un logiciel mis au point pour contourner la mesure technique de protection encourt une contravention de 750 euros.

La loi affirme par ailleurs la responsabilité pénale et civile des éditeurs de logiciels de téléchargement dans le cas où les logiciels seraient « principalement utilisés pour la mise à disposition illicite d’œuvres ou d’objets protégés par un droit de propriété littéraire et artistique ».

2. Une mise en œuvre incomplète du système gradué initialement prévu

La décision n° 2006-540 DC rendue par le Conseil constitutionnel le 27 juillet 2006 a accentué les aspects répressifs de la loi, au détriment du système gradué initialement prévu et qui semblait satisfaire une majorité des acteurs.

En premier lieu, s’agissant des logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l’échange de fichiers ou d’objets non soumis à la rémunération du droit d’auteur, le Conseil constitutionnel a censuré le dernier alinéa de l’article 21 qui exonère de toute responsabilité pénale les éditeurs de logiciels destinés au « travail collaboratif », à la recherche ou à l’échange de fichiers ou d’objets non soumis à la rémunération du droit d’auteur, en estimant que cette disposition laisse sans protection pénale les droits moraux des auteurs ayant renoncé à une rémunération, ainsi que les droits voisins du droit d’auteur.

En deuxième lieu, aux articles 22 et 23, le Conseil constitutionnel a jugé que la notion d’interopérabilité était insuffisamment définie pour permettre d’exonérer de sanctions ceux qui s’en prévaudraient pour contourner des mesures de protection (les DRM). Cette censure limite d’autant la possibilité pour le consommateur de pouvoir lire une œuvre sur le support de son choix.

En troisième lieu, à l’article 24, alors que le téléchargement et la mise à disposition de fichiers soumis au droit d’auteur étaient considérés comme des contraventions – de 38 à 150 euros – dans la loi déférée au Conseil constitutionnel, le Conseil les a requalifiés en « délits de contrefaçon », estimant que qualifier de « contraventions des actes de reproduction ou de mise à disposition d’œuvres protégées qui constitueraient des délits de contrefaçon s’ils étaient commis par tout autre moyen de communication en ligne » était contraire au principe d’égalité devant la loi pénale.

Cette requalification implique que les internautes qui téléchargent illégalement des œuvres protégées et/ou les mettent à disposition encourent de ce fait des peines de trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende…

Suite à cette décision, M. Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la culture et de la communication, a réaffirmé son attachement à des sanctions justes et proportionnées en fonction de la gravité des faits. Il a demandé au garde des sceaux que les poursuites à venir « soient orientées vers les cas les plus graves ». La circulaire de présentation et de commentaire des dispositions pénales de la loi prend en compte cette difficulté (9).

La décision du Conseil constitutionnel rend l’arsenal juridique français inadapté au téléchargement de masse. Par ailleurs, les évolutions technologiques, et la volonté présidentielle d’accentuer la démarche préventive tout en développant l’offre légale, impliquaient que le Parlement se ressaisisse rapidement de ce dossier.

C. UN NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA DÉMARCHE PRÉVENTIVE

Dès le 1er août 2007, dans sa lettre de mission adressée à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, le Président de la République avait fermement pris position en faveur d’une réflexion relative à la protection et à la promotion des industries culturelles. Il réaffirmait l’importance de la lutte contre le piratage numérique.

Extrait de la lettre de mission de Mme Christine Albanel

« L’environnement dans lequel s’inscrit la politique culturelle est (…) en pleine transformation. La révolution numérique crée une possibilité d’accès quasi infini aux œuvres de l’esprit, tout en menaçant gravement la création par les atteintes aux droits d’auteur et aux droits voisins qu’elle permet. Et les industries culturelles sont de leur côté à l’origine d’une part croissante de la richesse et de l’emploi. (…)

« Nous souhaitons conduire dans les plus brefs délais un plan de sauvetage de l’industrie musicale et, plus largement, de protection et de promotion des industries culturelles couvertes par les droits d’auteur et droits voisins. Ce plan devra être mené avec la ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi, et s’appuyer sur trois volets : la montée en puissance d’une offre numérique diversifiée, bon marché et simple d’utilisation ; la prévention et la répression de la piraterie numérique ; l’aide à l’adaptation des structures et des modèles économiques des industries concernées. À cette fin, vous favoriserez la mise à disposition du public d’offres commerciales attractives de musique, de films et de toutes les formes de création enregistrée sur les nouveaux réseaux fixes et mobiles. La chronologie des médias doit poursuivre son adaptation.

Vous inciterez les titulaires de catalogues à numériser leurs œuvres et à les distribuer sur tous les supports. Vous ferez de l’interopérabilité une priorité majeure. Parallèlement, vous rechercherez les voies et moyens pour conclure un accord interprofessionnel permettant de dissuader efficacement et de réprimer la contrefaçon de masse. Les solutions techniques existent, elles doivent être expérimentées et mises en œuvre. Vous nous proposerez les mesures d’accompagnement utiles à la sauvegarde et à la transition des industries culturelles vers de nouveaux modèles de développement et de croissance. À partir d’un bilan de la loi DADVSI, vous préparerez enfin les prochaines échéances législatives et communautaires. Notre pays doit être en position pionnière en Europe pour la défense des droits, la diffusion de contenus numériques, la promotion de l’interopérabilité et la responsabilité des acteurs de l’internet ».

1. La mission Olivennes et les accords de l’Élysée : un consensus clair entre les créateurs, les industries culturelles et les fournisseurs d’accès à internet

En conséquence, le 5 septembre 2007, la ministre de la culture et de la communication confiait à M. Denis Olivennes, alors président-directeur général de la FNAC, une mission destinée à préparer un accord entre les professionnels de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel et les fournisseurs d’accès à internet. Cette mission s’est traduite par la remise d’un rapport et, sur la base d’un large consensus, par la signature des « accords de l’Élysée », le 23 novembre 2007, entre 46 entreprises ou organisations représentatives du secteur de la culture et de l’internet. Cet accord traduit pour la première fois une entente entre les créateurs, les industries culturelles et les fournisseurs d’accès à internet pour créer un cadre juridique favorable au développement de l’offre légale d’œuvres sur les réseaux numériques.

Les recommandations de la mission sur le développement
et la protection des
œuvres culturelles sur les nouveaux réseaux
confiée à Denis Olivennes

1. Ramener la fenêtre VOD de 7 mois et demi après la sortie en salle à 4 mois. À cette occasion, les professionnels du cinéma analyseront l’impact d’une telle mesure sur chacun des acteurs économiques de la production et de la distribution et réexamineront si nécessaire les mécanismes de financement du cinéma.

2. Aussi longtemps que les mesures techniques de protection font obstacle à l’interopérabilité, abandonner ces mesures sur tous les catalogues de musique.

3. Subordonner les aides à la production du Centre national de la cinématographie à l’engagement que le film soit rendu disponible en VOD.

4. Généraliser le taux de TVA réduit à tous les produits et services culturels, cette baisse étant intégralement répercutée dans le prix public.

5. Dans le cas où cette baisse serait obtenue, élargir l’assiette des abonnements internet « triple play » soumis au taux réduit en contrepartie de l’institution d’une taxe alimentant des fonds de financement de la création et de la diversité musicales comme cela a été fait pour le cinéma.

6. Publier un indicateur de piratage tenu par les pouvoirs publics, au maximum trimestriellement, de préférence mensuellement.

7. Regrouper les ayants droit en une agence unique chargée de lutter globalement contre le piratage et de favoriser l’évaluation, le choix et la promotion de technologies, communes ou convergentes, de marquage et de reconnaissance des contenus.

8. Généraliser les techniques de filtrage des contenus pirates par accord avec les ayants droit sur les plates-formes d’hébergement et de partage des œuvres numérisées grâce au choix d’une technologie d’empreinte (ou d’un nombre réduit d’entre elles), qui trouverait sa pleine utilité si éditeurs et ayants droit fournissent les sources permettant l’établissement de larges catalogues d’empreintes de référence.

9. Expérimenter les techniques de filtrage des fichiers pirates en tête de réseaux par les fournisseurs d’accès à internet et les généraliser si elles se révèlent efficaces.

10. Simplifier et clarifier la circulaire adressée au Parquet pour l’application de la loi DADVSI pour favoriser une application plus effective de la loi.

11. Prendre le décret déterminant des juridictions spécialisées dans la lutte contre la contrefaçon numérique, ainsi que celui prévu par l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle relatif aux modalités de diffusion de messages envoyés par les fournisseurs d’accès pour sensibiliser les internautes.

12. La Commission nationale de l’informatique et des libertés doit tirer les conséquences de l’arrêt du 23 mai 2007 du Conseil d’État annulant sa décision du 18 octobre 2005 refusant à diverses sociétés d’auteur l’autorisation nécessaire à la mise en place d’un fichier permettant la recherche et la constatation des actes de contrefaçon sur internet.

13. Mettre en place soit une politique ciblée de poursuites, soit un mécanisme d’avertissement et de sanction allant jusqu’à la suspension et la résiliation du contrat d’abonnement, ce mécanisme s’appliquant à tous les fournisseurs d’accès à internet. Il peut nécessiter la mise en place d’une autorité indépendante.

La rapporteure pour avis estime que les accords de l’Élysée, fruits d’un dialogue long et abouti, constituent un excellent compromis « gagnant-gagnant » pour tous les acteurs de la filière. Même si certaines associations en doutent encore et même si les associations d’internautes ne sont pas signataires des accords, les internautes sont également gagnants, car, on ne le rappellera jamais assez, le premier volet des accords vise à améliorer l’offre légale de films et de musique sur internet. Comme le rappelle fort justement le texte de ces accords, « les fournisseurs d’accès sont aujourd’hui désireux de commercialiser légalement, à travers leurs offres tarifaires les plus récentes, des œuvres culturelles ; ils sont donc soucieux de dissuader le téléchargement illicite. Pour leur part, les consommateurs souhaitent pouvoir télécharger plus rapidement les films, alors que la « chronologie des médias » française impose un délai de sept mois et demi après la sortie en salle, et souhaitent également pouvoir lire la musique qu’ils téléchargent sur tous les appareils, ce qu’empêchent les « mesures de protection » implantées sur les œuvres. De leur côté, les artistes et les industries culturelles ont compris qu’ils doivent améliorer la richesse, la souplesse d’utilisation et le prix de l’offre légale d’œuvres sur internet ». De fait, les diverses parties prenantes des accords ont pris de réels engagements en faveur du développement de l’offre légale.

En premier lieu, les professionnels du cinéma se sont engagés à mettre les films à disposition des internautes plus rapidement : six mois après la sortie en salle au lieu de sept mois et demi, dès la mise en place du dispositif anti-piratage ; puis, dans un délai d’un an, il est prévu que l’ensemble des « fenêtres » de la chronologie des médias sera revu pour se rapprocher des durées moyennes en Europe (environ quatre mois dans le cas de la vidéo à la demande).

En second lieu, les maisons de disque se sont engagées à retirer les mesures techniques de protection « bloquantes » des productions musicales françaises. La rapporteure pour avis tient à rappeler son attachement à la suppression de ces mesures techniques qui nuisent au développement et à la diffusion de l’offre légale.

2. La traduction législative des accords de l’Elysée

Un des volets des accords de l’Élysée concerne la prévention et la lutte contre le piratage. Il nécessite l’intervention du législateur afin de garantir l’équilibre des droits de chacun : le droit de propriété et le droit moral des créateurs, d’une part, et la protection de la vie privée des internautes, d’autre part. C’est l’objet principal du présent projet de loi relatif à la diffusion et à la protection de la création sur internet, présenté le 18 juin 2008 en Conseil des ministres et examiné les 29 et 30 octobre 2008 par le Sénat. Il a été adopté à l’unanimité par la Haute Assemblée, preuve qu’il s’agit d’un texte de consensus.

Actuellement, pour les raisons exposées précédemment, l’internaute s’expose à une poursuite pénale dès le premier téléchargement illégal, ce qui est pour le moins disproportionné. Désormais, l’approche pédagogique est préférée : plusieurs avertissements précéderont toute sanction. Il ressort en effet d’une récente étude d’opinion que 90 % des personnes averties cesseraient de pirater à réception du deuxième message (10).

Créée en 2006, l’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), qui devient la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), agira exclusivement sur saisine des ayants droit dont les œuvres auront été piratées. Elle n’exercera donc aucune surveillance a priori et généralisée des réseaux.

Elle procédera comme suit à l’encontre des pirates :

− le premier avertissement sera envoyé par courriel ;

− le deuxième avertissement prendra la forme d’une lettre recommandée, pour s’assurer que l’intéressé a bien pris connaissance du manquement reproché ;

− en cas de renouvellement du manquement, la sanction prendra la forme d’une suspension de l’abonnement internet d’un mois à un an, assortie de l’interdiction de se réabonner pendant la même durée auprès de tout autre opérateur. Toutefois, pour accentuer l’aspect pédagogique, une transaction est possible entre la Haute Autorité et l’abonné : s’il s’engage à ne plus renouveler son comportement, la suspension sera réduite à une durée variant d’un à trois mois.

Ces trois étapes constituent ce que l’on appelle la « riposte graduée ».

Dans le cas des entreprises, pour lesquelles la suspension d’internet pourrait avoir des effets disproportionnés, le projet de loi prévoit une mesure alternative : la Haute Autorité pourra exiger l’installation de dispositifs de type « pare-feux », qui permettront d’empêcher le piratage par les salariés à partir de leur poste de travail.

D. UN SOUTIEN PUBLIC INDISPENSABLE AU DÉVELOPPEMENT D’UNE OFFRE LÉGALE ATTRACTIVE

Comme elle l’avait déjà indiqué lors de l’examen de la loi DADVSI précitée, la rapporteure pour avis est aujourd’hui encore persuadée que seul le développement d’une offre légale attractive constituera une alternative crédible aux téléchargements illégaux. Parallèlement au dispositif préventif et répressif, elle doit donc être massivement promue et encouragée. Le succès de l’offre légale dépend d’un ensemble complexe de conditions commerciales, économiques, juridiques et technologiques sur lesquelles les acteurs de la création et le Gouvernement doivent agir de concert. La mise en place d’un environnement favorable à la diffusion légale des œuvres sera d’autant plus efficace qu’elle associera toutes les parties prenantes : créateurs, producteurs, fournisseurs d’accès et usagers d’internet.

1. Une offre légale encore insuffisante malgré un récent essor

Depuis quelques années, l’offre légale se développe en France avec un certain dynamisme. Le site mis en place par le ministère de la culture, « jaimelesartistes.fr », dresse un panorama des principales offres existantes.

Dans le domaine musical, comme le note un récent rapport de l’Observatoire de la musique (11), l’offre numérique s’est considérablement étoffée avec plusieurs dizaines de millions de contenus, associant les répertoires de maisons de disques aux autoproductions et pratiques amateurs disponibles sur des sites comme Youtube et Myspace (voir le tableau ci-dessous). Les ventes de téléchargement de musique ont représenté un volume de 35,4 millions de titres téléchargés, en augmentation de + 47,5 % par rapport au 1er semestre 2007. Ces ventes ont totalisé un chiffre d’affaires de 30,2 millions d’euros, en progression de + 69,7 % par rapport au 1er semestre 2007.

Dorénavant, tous les genres musicaux sont représentés et l’étendue des possibilités offertes par le numérique est large : téléchargement, streaming, radio, radio personnalisée, playlist. La tarification est très variable, allant de la gratuité sur certains sites d’écoute en streaming au paiement d’un abonnement pour le téléchargement. Le grand éventail des offres légales permet ainsi une véritable personnalisation de la consommation des internautes. Les difficultés techniques telles que les mesures techniques de protection qui concouraient, en 2007, au faible décollage du marché de la musique en ligne commencent à être progressivement réglées.

Un certain nombre de facteurs freinent encore le développement de l’offre. Parmi eux, la qualité grandissante des fichiers disponibles en téléchargement illégal ou encore l’existence de mesures techniques de protection empêchant l’interopérabilité. Le rapport note cependant qu’il est fort probable que de nouvelles offres apparaîtront bientôt pour enrichir un peu plus un secteur déjà dynamique. La rapporteure pour avis s’en réjouit et appelle de ses vœux ce développement de l’offre.

Les principaux services de musique en ligne

Plateformes

Téléchargement

Streaming

Web radio

iTunes
fnacmusic
VirginMega.fr
Nokia
SFR
Starzik
Emusic
Musicetmoi
Musique Max

– titres audios

– albums

– vidéoclips

– extraits de concerts…

Écoute et visionnage instantané de contenus


Deezer
Orange
Youtube
Musicme
Dailymotion
Myspace
Classical.com
Lastfm
Jiwa

Écoute linéaire et/ou thématique de contenus


Partenaires :

AOL
Musicline
Orange
Yahoo

Dans le domaine du cinéma, l’offre légale se développe également. D’après les informations communiquées par le CNC (12) on compte entre 40 et 50 services de vidéo à la demande en France. Selon les données de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, la France est le pays européen le plus dynamique en la matière : une trentaine de services sont accessibles en Allemagne et aux Pays-Bas et une vingtaine au Royaume-Uni et en Espagne. Le chiffre d’affaires du secteur de la vidéo à la demande payante, évalué à 30 millions d’euros pour l’année 2007, a doublé en 2008. La dernière comptabilisation effectuée dans le cadre de l’Observatoire de la vidéo à la demande du CNC dénombre près de 4 000 films disponibles sur les principales plates-formes (hors doublons) en fin d’année 2008, soit une progression de 35 % par rapport à 2007. Le CNC distingue trois grands types d’offre :

– Les services de VoD proposés en marge d’un site internet d’un éditeur de DVD ou d’un détenteur de droits isolé. Leur offre de titres est réduite au catalogue de l’éditeur et comprend généralement moins de 100 titres.

– Les services de VoD généralistes ou thématiques proposés par des société indépendantes. Le nombre de titres peut varier de 300 à 1 500.

– Les services de VoD généralistes proposés par des filiales de groupes de communication, des opérateurs de télécommunications ou des fournisseurs d’accès à internet. Ces services proposent aujourd’hui des catalogues qui dépassent généralement les 1 500 titres.

Les plates-formes dont l’offre est la plus large sont Canal Play et Orange 24/24. Le service Universciné, qui regroupe la plupart des catalogues de producteurs et distributeurs indépendants français, offre aujourd’hui plus de 300 titres. Certains fournisseurs d’accès à internet se positionnent comme distributeurs en IPTV (vidéo à la demande et télévision de rattrapage) d’offres tierces. Free propose ainsi les offres de Canalplay, TF1 Vision, M6 Vidéo et Vodéo. Les modèles économiques sont très variables (téléchargement définitif, téléchargement temporaire, abonnement, diffusion gratuite financée par la publicité), ce qui laisse un large choix à l’internaute.

Cependant, cette offre légale, bien qu’une des plus développées en Europe, est aujourd’hui incapable de concurrencer le nombre pléthorique d’œuvres disponibles par des voies illégales et peine à combler le besoin de gratuité et d’immédiateté des jeunes internautes. Ce n’est pourtant que par le développement d’une offre légale de qualité et à un tarif abordable que l’on parviendra à modifier les modes de consommation et enrayer les pratiques illégales. Les professionnels l’ont compris et se sont engagés à lever progressivement les principaux obstacles qui freinent aujourd’hui le développement de l’offre légale.

2. La suppression des obstacles au développement de cette offre

Parmi ces principaux obstacles, on peut compter l’actuelle chronologie des médias et l’existence des mesures techniques de protection. La chronologie des médias, terme qui désigne aujourd’hui l’ordre et le délai d’exploitation des œuvres cinématographiques sur d’autres supports, notamment la vidéo à la demande, est peu propice au développement d’une offre légale attractive. Un accord professionnel signé le 22 décembre 2005 prévoyait une mise à disposition en VoD des œuvres cinématographiques dans un délai de trente-trois semaines après leur sortie en salles ainsi qu’une rémunération minimale des ayants droit. L’accord, conclu pour une période de douze mois, n’a cependant pas été prolongé faute d’entente entre les signataires. Si l’on sait à titre d’exemple qu’une copie illégale du film « L’instinct de mort », sorti en salles en octobre 2008, a été téléchargée plus de 250 000 fois dans les deux jours qui ont suivi cette sortie, on mesure l’urgence d’une modernisation de la chronologie des médias.

Dans le secteur musical, les divers dispositifs techniques de protection, initialement conçus comme des moyens de lutte contre le téléchargement illégal, constituent un obstacle majeur au développement d’une offre légale attrayante, quand ils n’encouragent pas les internautes à télécharger en P2P le même contenu sans mesure technique de protection. De fait, un grand nombre de professionnels du secteur ont abandonné le recours à ces moyens techniques de protection.

Ainsi, Universal Music France a annoncé, dès octobre 2008, la suppression progressive des mesures techniques sur les différentes plateformes de musique. Ce retrait a débuté le 19 janvier 2009. De son côté, Warner Music a annoncé le 7 janvier 2009 le retrait des mesures techniques sur son catalogue mondial distribué via les plateformes FnacMusic et VirginMega en France. Sony BMG a également annoncé le retrait de ses mesures techniques sur son catalogue de musique à titre d’expérimentation, test qui a débuté le 17 janvier 2009, à l’occasion du lancement du Marché international de la musique (MIDEM) de Cannes le même jour. Enfin, d’ici la fin du premier trimestre 2009, la Fnac a annoncé pouvoir proposer en ligne le catalogue de Sony BMG et d’Universal Music sans mesures techniques de protection. La quasi-totalité de l’offre de musique téléchargeable à l’acte sera donc disponible sans verrous pour les internautes français, avant même le vote définitif du projet de loi.

À ce titre, le projet de loi, tel que modifié par le Sénat, s’inscrit dans la lignée des accords de l’Élysée et encourage les différents acteurs à poursuivre leur effort en faveur du développement de l’offre légale :

– L’article 9 ter prévoit que des accords professionnels relatifs à la chronologie des médias doivent être signés dans un proche délai. Ces accords couvriront l’exploitation des œuvres cinématographiques sur tous les supports : vidéogramme, DVD et services de médias à la demande. Faute d’entente, un décret fixera un délai applicable de plein droit. Cette démarche privilégie donc l’entente interprofessionnelle, tout en débloquant une situation qui freine considérablement le développement d’une offre légale de qualité. Selon les informations communiquées à la rapporteure pour avis par le CNC, les discussions en cours permettraient d’aboutir à un accord avant début mars.

– L’article 9 quater, introduit par un amendement sénatorial, invite les professionnels de l’industrie musicale à s’accorder, dans un délai de six mois, sur la mise en place d’un standard de mesures techniques permettant l’interopérabilité des fichiers musicaux et toute mesure propice au développement de catalogues d’œuvres musicales en ligne. Cet article vient entériner l’engagement récent des industries musicales. Il va donc dans le bon sens. La rapporteure pour avis souhaite cependant formuler deux remarques. D’une part, l’adoption de standards de mesures techniques n’aura de sens que s’ils sont communs aux producteurs et aux plateformes de téléchargement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. D’autre part, la suppression de toute mesure technique de protection sur les œuvres musicales en ligne doit se limiter à l’acquisition de ces œuvres sur catalogue.

Ces deux dispositions ainsi que l’intérêt évident des professionnels du secteur à entrer en phase avec les nouveaux modes de consommation, laissent augurer un réel essor de l’offre d’œuvres culturelles sur internet. Au surplus, l’État doit s’engager dans une réelle politique de soutien au développement de l’offre légale mais également de la création sur internet. Pour la première fois en 2008, le CNC a mis en place une aide sélective destinée à stimuler le développement de la vidéo à la demande et à favoriser l’exposition des œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises et européennes sur les services de VoD. Cette aide accompagne les détenteurs de droits dans les travaux de numérisation de leurs catalogues et les éditeurs de services de VoD pour la numérisation des œuvres, leur mise en ligne et le développement de stratégies éditoriales innovantes. En 2008, une enveloppe totale d’un million d’euros a été consacrée à ce dispositif qui a permis de soutenir la numérisation et la mise en ligne de 1 200 œuvres de long-métrage, 360 œuvres de court-métrage, 700 heures de programmes d’animation et 900 heures de documentaires. Par ailleurs, le CNC encourage les éditeurs de vidéo à diversifier leur activité et à exploiter les droits VoD qu’ils peuvent acquérir conjointement aux droits DVD. Ce type de politique pourrait être utilement étendu à d’autres secteurs, particulièrement la musique.

E. INTERNET : UNE FORMIDABLE VITRINE DE LA CRÉATION FRANÇAISE

Outre l’offre légale, internet voit aujourd’hui se développer des modèles économiques inédits, favorables à l’émergence de nouveaux talents. Le développement de l’offre légale de programmes sur internet ne doit en effet pas être limité à la mise en ligne de programmes préexistants. Pour le dynamisme de la création, il est également indispensable que des productions originales soient créées spécifiquement pour ce mode de diffusion. L’économie actuelle d’internet ne permet pas de mobiliser, pour des productions spécifiques à ce média, des financements à la hauteur de ceux qui sont utilisés pour la production audiovisuelle « traditionnelle ». C’est toute une nouvelle économie de la production qu’il s’agit de générer, et de soutenir.

Le CNC encourage déjà la création sur internet par le biais d’aides sélectives à l’innovation. Un nouveau dispositif d’aide en faveur de la création numérique a été mis en place en 2007, sous la forme d’un appel à projets destiné à soutenir la production d’œuvres utilisant les nouveaux médias de diffusion. Il s’agit de contribuer au développement de la production spécifique de contenus pour internet et les écrans mobiles, qu’ils soient destinés à une diffusion linéaire (web-TV ou télévision mobile personnelle par exemple) ou non linéaire. Les bénéficiaires de ces aides sont les auteurs et les producteurs. En 2009, selon les informations fournies par le CNC, il est prévu d’aider une quarantaine de projets pour un montant moyen de 75 000 euros, ce qui représentera un budget de 3 millions d’euros en faveur des nouvelles formes de création audiovisuelle et cinématographique. Ce type d’initiative doit être soutenu et amplifié. La rapporteure pour avis propose à ce titre de créer un crédit d’impôt en faveur des auteurs et des producteurs de programmes destinés exclusivement à internet, qui pourrait plus particulièrement s’appliquer aux œuvres à petit budget.

La France pourrait ainsi devenir le fer de lance de la création artistique numérique.

III.- UNE PRISE DE CONSCIENCE EUROPÉENNE ET MONDIALE

La philosophie du présent projet de loi et la méthode qui a conduit à son élaboration font l’objet d’une attention soutenue en Europe et aux Etats-Unis. Le débat, organisé le 21 mai dernier lors du Conseil « Culture et Audiovisuel » de l’Union européenne, a permis de recueillir de nombreuses réactions très favorables, confirmées lors du Conseil informel des 21 et 22 juillet à Versailles.

Parallèlement, la méthode de travail française a essaimé. Le 24 juillet 2008, un accord similaire a été conclu au Royaume-Uni avec les six principaux fournisseurs d’accès à internet. Il prévoit l’envoi de messages d’avertissement personnalisés aux pirates durant une période expérimentale. D’autres pays, comme la Norvège ou les États-Unis pratiquent déjà couramment l’envoi de recommandations, avec succès. À l’inverse, en Allemagne, la solution pénale retenue débouche sur une impasse : plusieurs dizaines de milliers d’actions correctionnelles encombrent les tribunaux.

A. LES NOUVELLES INITIATIVES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE PROTECTION DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Les divergences de points de vue entre la Commission européenne et le Parlement ne sont pas aussi claires que les détracteurs du projet de loi le laissent entendre. Par ailleurs, la France fait figure de pays pionnier dans la défense de la création sur internet et l’adoption du projet de loi sera suivie avec attention par les autres États membres ainsi que les institutions européennes.

1. La mise en place d’une consultation sur les systèmes de rémunération pour copie privée

La Commission européenne a tout d’abord engagé une procédure de consultation des différents États membres concernant le système de rémunération pour copie privée et dont l’objectif est « d’apporter des solutions aux écarts engendrés par l’application inégale des redevances », selon le commissaire McCreevy responsable du marché intérieur et des services.

Une audition des parties intéressées a eu lieu le 27 mai 2008. Le Forum sur la copie privée, dont la création a été annoncée à cette occasion par la Commission, sera géré par la direction générale chargée du marché intérieur et la direction générale chargée de l’éducation et la culture. Il devra engager des réunions de travail prochainement avec la participation des consommateurs, du monde de la création et des industries des supports.

2. Une communication sur les contenus créatifs en ligne

Le 3 janvier 2008, la Commission européenne a présenté une communication sur les contenus créatifs en ligne. Ce document vise à favoriser l’émergence d’un marché unique européen de la musique, des films et des jeux en ligne et identifie les principaux axes qui légitimeraient, selon la Commission, une action communautaire :

− disponibilité des contenus créatifs ;

− développement de licences multiterritoriales ;

− interopérabilité et transparence des systèmes de gestion numérique des droits  ;

− lutte contre le piratage et le téléchargement illicite de contenus protégés par le droit d’auteur.

On note dans les thématiques retenues un très fort parallélisme avec les préoccupations françaises. Une plateforme de discussion sur l’ensemble des questions relevant des contenus créatifs en ligne a été mise en place sur la base de cette communication afin de préparer l’adoption d’une proposition de recommandation sur les contenus créatifs en ligne.

3. Un Livre vert sur le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance

Le 16 juillet 2008, la Commission a également présenté un Livre vert sur le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance. Ce document met l’accent sur la manière dont le matériel scientifique, de recherche et d’éducation est diffusé auprès du public et examine si la connaissance circule librement au sein du marché intérieur. Le document de consultation évalue également si le cadre actuel régissant le droit d’auteur est assez solide pour protéger les produits de la connaissance et si les auteurs et les éditeurs sont suffisamment encouragés à créer et diffuser des versions électroniques de ces documents.

4. La proposition de directive sur la durée de protection des droits des interprètes

Parallèlement, à la même date, la Commission européenne a annoncé son intention de présenter une proposition visant à prolonger la durée de protection des exécutions enregistrées et de l’enregistrement proprement dit de 50 à 95 ans. La proposition bénéficierait ainsi tant à l’artiste interprète ou exécutant qu’au producteur. Elle traduit également l’importance que l’Europe accorde à leur contribution créative.

La prolongation de la durée bénéficierait aux artistes interprètes ou exécutants, qui pourraient ainsi continuer à gagner de l’argent plus longtemps. Une période de quatre-vingt-quinze ans comblerait la perte de revenus à laquelle les artistes interprètes ou exécutants sont confrontés lorsqu’ils atteignent l’âge de 70 ans, moment où leurs premières exécutions enregistrées à l’âge de 20 ans tombent dans le domaine public. Ils continueront à pouvoir bénéficier de rémunérations pour la radiodiffusion et les exécutions dans des lieux publics, comme les bars et les discothèques, ainsi que d’indemnités pour la copie privée de leurs exécutions.

La prolongation de la durée profiterait également aux producteurs de disques. Elle générerait des recettes supplémentaires provenant de la vente des enregistrements dans les magasins et sur internet. Les producteurs pourraient ainsi s’adapter aux mutations du marché caractérisées par une chute rapide des ventes physiques et par l’augmentation relativement lente des recettes générées par les ventes en ligne.

B. DES PRISES DE POSITION CONTRADICTOIRES AU PARLEMENT EUROPÉEN

Le 26 janvier dernier, la commission des affaires juridiques du Parlement européen s’est clairement prononcée en faveur de la protection des droits d’auteur et de la riposte graduée, au travers d’un rapport sur le droit d’auteur dans l’Union européenne présenté le 26 janvier 2009 par M. Manuel Medina Ortega (13).

Dans sa proposition de résolution, le rapport estime que la protection du droit d’auteur, des droits voisins et de la propriété intellectuelle est un élément important de la garantie de la compétitivité économique de l’Union européenne. Il observe ainsi que les industries de la création sont un secteur en croissance, représentant 2,6 % du PIB de l’Union en 2003 et employant plus de cinq millions de personnes et considère que l’industrie créative joue un rôle essentiel pour la société de l’information. Par ailleurs, le rapport rappelle que le système du droit d’auteur est le système le plus adéquat pour une économie fondée sur la connaissance et la compétence. Si une large diffusion de la connaissance aide à la création de sociétés plus inclusives et plus solidaires, un niveau de protection élevé du droit d’auteur est essentiel à la création intellectuelle. À ce titre, un équilibre doit être trouvé afin d’assurer le maintien et le développement de la créativité dans l’intérêt de tous.

Ce rapport propose de faire adopter plusieurs mesures dans le domaine de la propriété intellectuelle, parmi lesquelles :

– le choix de la riposte graduée, sur le modèle anglais (approche contractuelle, envoie de messages mais pas de sanctions) ;

– la lutte contre la piraterie, qui doit se développer sur plusieurs volets : éducation et prévention, développement et accessibilité de l’offre légale numérique, coopération et sanctions pénales ;

– la promotion d’un environnement favorable à la distribution et à l’accès légal aux contenus créatifs en ligne, notamment par la baisse de la TVA sur les produits culturels numériques ;

– le lancement et l’utilisation de nouvelles technologies internet, gratuites et téléchargeables pour l’identification et la reconnaissance des œuvres et la distinction des contenus illicites ainsi que la possibilité pour les autorités judiciaires des États membres d’interrompre l’activité des sites qui proposent des contenus illicites ;

– la transparence et de l’interopérabilité des systèmes de gestion des droits numériques ;

– la coopération des fournisseurs d’accès à internet dans le plein respect de la directive commerce électronique.

Mais auparavant, la question avait fait l’objet de débats houleux lors de la discussion sur la révision des directives relatives aux réseaux et services de communications électroniques dites du « Paquet Télécom » de 2002. En effet, le 24 septembre 2008, le Parlement européen s’est prononcé en première lecture sur la base du rapport de Mme Catherine Trautmann.

À cette occasion, un amendement (l’amendement n° 138) présenté par le député socialiste français M. Guy Bono, avec a été adopté avec à une large majorité (573 voix pour, 74 contre). Cet amendement pose le principe selon lequel « aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable des autorités judiciaires, notamment conformément à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne concernant la liberté d’expression et d’information, sauf lorsque la sécurité publique est menacée, auquel cas la décision peut intervenir ultérieurement. »

Cet amendement remet-il en cause la riposte graduée mise en place par le projet de loi ? La réponse est négative pour deux raisons.

Tout d’abord la riposte graduée peut difficilement être considérée comme une restriction aux libertés et droits fondamentaux puisqu’elle vise justement à assurer la défense d’un autre droit fondamental, le droit de propriété des créateurs.

Ensuite, le texte adopté en première lecture par le Parlement n’est en rien définitif. L’amendement n° 138 a ainsi été retiré du texte avec l’accord de la Commission, lors de la présidence française. L’examen en seconde lecture du Parlement européen, doit avoir lieu au printemps 2009. Or la remise en cause de la position commune du Conseil requiert un vote à la majorité des deux tiers, ce qui selon M. Jacques Toubon, député européen, auditionné par la rapporteure pour avis, est peu probable.

C. L’IMPORTANCE DE LA PRISE DE CONSCIENCE OUTRE-ATLANTIQUE

1. L’action de l’industrie et des pouvoirs publics

Aux États-Unis, l’industrie du divertissement est un acteur économique majeur. Comme en Europe, ce sont d’abord les professionnels qui ont réagi en s’engageant dans trois types d’actions : auprès des pouvoirs publics (gouvernements américains et étrangers et Congrès), par l’éducation des consommateurs et par le biais de recours devant la justice.

Dès 1998, l’industrie du divertissement avait été motrice pour faire passer une disposition sur les mesures de protection technique dans le Digital Millenium Copyright Act (DMCA), dernière révision majeure du droit américain du copyright.

Plus largement, depuis six ans, les industriels se sont engagés dans une campagne auprès du Congrès et du Gouvernement sur ce thème. Parallèlement, de nombreuses campagnes de sensibilisation ont été menées par les industriels de la musique, du cinéma et des logiciels, notamment au sein des universités. En 2003, une campagne de communication a été diffusée dans les salles de cinéma. L’objectif était de faire prendre conscience au public de l’impact du piratage sur le secteur cinématographique (pertes de revenus, remise en cause des modes de financement des films, pertes d’emplois dans l’industrie du cinéma, etc.).

Dans un même temps, à partir de 2002, l’industrie de la musique a intenté des actions en justice à la fois contre les utilisateurs et contre les sites internet de peer to peer permettant l’échange de fichiers pirates. L’industrie du cinéma a suivi cette tendance un ou deux ans plus tard.

Pour autant, comme en Europe, la mobilisation des industriels de l’internet et des associations de consommateurs est également importante, et développe une argumentation différente, s’inquiétant de l’impact des restrictions à l’utilisation de nouvelles technologies qui pourraient freiner l’innovation aux États-Unis.

La réaction du gouvernement fédéral américain a été plus longue à se dessiner. L’administration Bush a lancé, en octobre 2004, une initiative globale sur la lutte contre la contrefaçon (Strategy Targetting Organized Piracy, STOP) comportant un volet sur le téléchargement illégal. De même, la Federal Trade Commission (FTC) a lancé en 2004 un certain nombre d’actions de sensibilisation du public sur les problèmes posés par le peer to peer.

Le Family Entertainment and Copyright Act, loi signée par le Président le 27 avril 2005, a permis de progresser dans la lutte contre le téléchargement illégal : elle permet notamment d’assimiler la diffusion par logiciels de peer to peer de contenus audiovisuels n’ayant pas encore été commercialisés à une action criminelle et interdit de filmer dans les salles de cinéma (camcording) – méthode la plus fréquemment utilisée aux États-Unis pour pirater les films.

2. La mise en œuvre d’une riposte graduée contractuelle

Comme souvent aux États-Unis, c’est donc moins l’approche réglementaire qui est privilégiée que les négociations entre parties concernées. Certains fournisseurs d’accès à internet (FAI) américains ont ainsi signé des accords individuels avec certains studios. Les studios américains se chargent dans ce contexte de la traque des contenus téléchargés illégalement. Ils utilisent une technologie qui permet d’identifier les contenus illégaux téléchargés et d’envoyer une lettre automatique à l’internaute. Technologiquement, les studios pourraient envoyer les lettres directement. Mais étant donné qu’ils n’ont pas accès aux adresses personnelles gérées par les FAI, ils se contentent de fournir des informations sur les titres piratés, d’identifier les adresses IP des utilisateurs téléchargeant des contenus piratés et de transmettre cette adresse au FAI qui à son tour identifie la ou les personnes correspondant à l’adresse IP. Les données personnelles ne sont à aucun moment communiquées aux studios.

La réponse graduée varie d’un FAI à l’autre, mais prend en général la forme de l’envoi d’un premier message attirant l’attention de l’utilisateur sur l’illégalité de son action – avec une lettre du studio détenteur des droits jointe au message – puis, en cas de récidive, l’envoi d’un second message indiquant que l’accès internet va être suspendu pour quelques heures, et enfin, en cas de récidive multiple, d’une suspension de l’abonnement. Selon les informations fournies par l’ambassade de France aux États-Unis, aucun FAI américain n’a jamais eu à utiliser cette dernière solution.

À l’heure actuelle, la Motion Picture Association (MPA) et la Recording Industry Association of America (RIAA) veulent transférer la responsabilité de la traque des téléchargements illégaux aux FAI. Elles négocient, depuis près de deux ans, avec les plus principaux FAI la mise en place d’une réponse graduée automatique qui consisterait à l’envoi automatique d’un message chaque fois qu’un utilisateur télécharge un contenu piraté.

*

La Commission a examiné cent neuf amendements – soixante-deux amendements du groupe SRC, trente-quatre amendements du groupe GDR, un amendement du groupe UMP et les douze amendements de la rapporteure pour avis. Elle a adopté vingt-six amendements, dont huit du groupe GDR, cinq du groupe SRC et un du groupe UMP.

Cette série d’amendements adoptés par la Commission est venue renforcer le projet de loi sur des points que la rapporteure pour avis juge primordiaux : la garantie du respect des droits fondamentaux des internautes ; le développement de l’offre légale et le développement de la création sur internet ; enfin la pédagogie auprès des jeunes générations. Il s’agit principalement des dispositions suivantes :

– Afin d’adapter le droit d’auteur des journalistes au nouveau contexte dans lequel évolue la presse, un amendement propose la création du statut d’« œuvre de presse multisupports » ;

– En vue d’améliorer le droit des internautes auquel des faits sont reprochés par la Haute autorité, l’abonné pourra d’une part demander divulgation du contenu des œuvres piratées et d’autre part envoyer ses observations par écrit, ce dès le premier mail d’avertissement. Par ailleurs, la Commission a estimé opportun qu’un membre de la CNIL fasse partie du collège de l’HADOPI et qu’un autre membre de cette Commission fasse partie de la commission de protection des droits.

– En raison des progrès constants de la technologie et des difficultés qu’elles posent au regard de la mise en œuvre effective de la riposte graduée, il est prévu de renforcer la mission d’observation du piratage de l’HADOPI afin de mieux cerner l’évolution des pratiques en la matière.

– Le développement de l’offre légale est un prérequis indispensable pour désinciter les actes de piratage. L’HADOPI devra donc rendre compte annuellement des progrès en matière d’offre légale et réévaluer périodiquement la labellisation des sites proposant ce type de service. Par ailleurs, il est prévu d’ajouter expressément aux missions du Centre national de la cinématographie (CNC), du Centre national du livre (CNL) et du Centre national des variétés, de la chanson et du jazz (CNV) le soutien et l’encouragement de l’offre légale. En outre, afin d’encourager la création sur internet, il est créé un crédit d’impôt au bénéfice des auteurs et des producteurs qui investissent sur de nouveaux formats.

– Enfin, la pédagogie devant être au cœur de la lutte contre l’usage illicite des œuvres protégées, un amendement modifie le code de l’éducation en vue de sensibiliser les enfants, dans le cadre des enseignements artistiques, aux dangers considérables que fait peser le téléchargement illégal sur la création. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des conclusions de son rapport de 2005 (14) sur l’éducation artistique et culturelle en milieu scolaire.

En conclusion, la rapporteure pour avis estime que celui qui pirate une oeuvre doit savoir qu’il méprise la création tout entière.

Ce projet de loi, par son approche équilibrée, entre pédagogie et amélioration de l’offre légale, vise à sortir d’une approche pénale absurde pour miser sur l’information et l’éducation de l’internaute, pour qui le téléchargement illégal est trop souvent un acte banal. Or le piratage représente un désastre pour la création artistique et, à terme, il se retournera contre le pirate lui-même en appauvrissant dramatiquement l’offre artistique.

Visiblement toutes les conséquences de la révolution numérique n’ont pas encore imprégné les mentalités. Dans la société de la dématérialisation, télécharger illégalement un album, c’est pourtant le même acte, voire un acte plus lâche encore, que voler un compact Disc.

Face à cette question morale, à cette question de civilisation, la pédagogie est la meilleure solution. Car même avec une offre légale diverse, accessible et de qualité, les vieux réflexes risquent de prendre le dessus : la gratuité apparaîtra toujours plus attractive. Mais c’est un leurre, un leurre désastreux.

Gardons à l’esprit que ce texte n’est pas un cataplasme pour des industries culturelles en difficulté ni une tentative pour maintenir les oripeaux du passé, il prépare au contraire l’avenir de notre création.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, commune avec la commission des lois, de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (n° 1240) au cours de sa séance du mardi 17 février 2009.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Madame la ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir pour vous entendre, dans le cadre d’une audition conjointe avec la commission des affaires culturelles, sur le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Ce texte, déposé en juin dernier et adopté par le Sénat le 30 octobre, a fait l’objet d’une étude attentive de notre rapporteur, Franck Riester, qui a procédé à plus de cinquante auditions. Il constitue l’aboutissement d’une concertation de l’ensemble des professionnels concernés, amorcée dès l’été 2007 par la mission de réflexion confiée à Denis Olivennes. Il traduit le volet préventif de l’« accord de l’Élysée », signé le 23 novembre 2007, par lequel cinquante représentants des secteurs de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel et des fournisseurs d’accès à internet se sont engagés, aux côtés des pouvoirs publics, à favoriser le développement et la protection des œuvres et programmes culturels sur les nouveaux réseaux. Il prolonge ainsi la démarche de régulation des réseaux numériques engagée par la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information du 1er août 2006 – loi DADVSI. À cet effet, il crée une nouvelle autorité administrative indépendante, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI, qui se substitue à l’Autorité de régulation des mesures techniques, l’ARMT.

Madame la ministre, je pense que vous aurez à cœur de nous présenter le dispositif de ce projet de loi, attendu par les professionnels comme par les internautes, et d’exposer tout spécialement les garanties assurant sa pertinence juridique.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Ce projet de loi a une ambition : créer le cadre juridique indispensable au développement de l’offre légale de musique, de films, voire d’œuvres littéraires sur les nouveaux réseaux de communication. Pour prévenir le piratage des œuvres, il crée un dispositif gradué, essentiellement pédagogique, qui a vocation, en pratique, à se substituer aux poursuites pénales actuellement encourues par les internautes. Plus d’un Français sur deux a aujourd’hui accès à l’internet haut débit. C’est une chance pour la diffusion de la culture, mais les conditions mêmes de création des œuvres sont gravement menacées par le piratage.

Le marché du disque est le plus atteint. Il a baissé de 50 % au cours des cinq dernières années, avec un fort impact à la fois sur l’emploi et sur la création : chute de 30 % des effectifs des maisons de production, résiliation par les maisons de production de nombreux contrats d’artistes, et diminution de 40 % du nombre de nouveaux artistes « signés » annuellement.

Le cinéma commence à son tour à ressentir les premiers effets de ce changement des usages : le nombre d’actes de piratage de films équivaut désormais au nombre d’entrées en salle – de 450 000 à 500 000 par jour – et le marché du DVD a chuté d’un tiers en quatre ans.

Les ventes numériques dématérialisées de musique et de cinéma, qui devraient prendre le relais des ventes de supports physiques, CD ou DVD, demeurent plus faibles en France que dans la plupart des grands pays aux habitudes de consommation comparables : elles représentent à peine plus de 7 % de notre marché de la musique, alors que ce taux a dépassé 25 % aux États-Unis et 20 % en moyenne dans les autres pays comparables au nôtre.

Pourtant, la richesse de l’offre légale en ligne s’est considérablement développée ces dernières années. Plusieurs millions de titres musicaux y sont désormais disponibles et le coût pour le consommateur a fortement diminué, notamment grâce aux offres forfaitaires proposées par les fournisseurs d’accès à internet, les FAI. Mais il est possible d’aller plus loin dans l’amélioration de cette offre. Le présent projet de loi vise justement à en créer les conditions. Car c’est bien la persistance d’un piratage massif qui demeure aujourd’hui le principal obstacle au décollage de la consommation légale de films ou de musique en ligne, et à la juste rémunération des créateurs et des industries culturelles. Il ne s’agit pas de sauver le support physique, dont la place ne sera plus jamais celle qu’elle a été, mais bien de permettre à de nouveaux modèles économiques d’apparaître et de se stabiliser.

Pour lutter contre le piratage, les pouvoirs publics se trouvent aujourd’hui dans une situation très paradoxale. Des sanctions existent, mais elles sont judiciaires et principalement pénales : peines d’amende, jusqu’à 300 000 euros, et de prison, jusqu’à trois ans, sur le fondement classique du délit de contrefaçon. Les ayants droit recourent à ces sanctions, mais prudemment, car celles-ci apparaissent inadaptées au piratage dit « ordinaire ». Ce piratage est commis sur une très grande échelle – un milliard de fichiers piratés en France en 2006 – par plusieurs millions d’internautes, dont nous ne pouvons plus dire qu’ils ne sont pas conscients du caractère répréhensible de leur geste. Notre pays détient d’ailleurs un triste record : l’internaute français passe deux fois plus de temps que ses homologues américains, anglais ou allemands à échanger des fichiers illégalement. Cela explique, par exemple, que le marché français de la musique, dont le volume était identique à celui de l’Allemagne en 2002, ne pèse plus que pour 70 % de ce dernier.

En revanche, les internautes n’ont pas toujours conscience de la gravité des conséquences et de la lourdeur des sanctions qu’ils encourent. Les procédures pénales sont rarement appliquées, notamment parce qu’une loi reposant sur une autre logique était en préparation. En Allemagne, au contraire, des dizaines des milliers d’actions pénales sont en cours à l’encontre d’internautes. C’est ce que nous voulons éviter, tout en protégeant les droits des créateurs et de nos industries culturelles.

En plus de ces sanctions pénales, la loi met à la charge de l’abonné à internet une obligation de surveillance de son accès, prévue à l’actuel article L. 335-12 du code de la propriété intellectuelle. L’abonné est ainsi tenu de veiller à ce que son accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation méconnaissant les droits de propriété littéraire et artistique. Le manquement à cette obligation n’est toutefois assorti d’aucune conséquence pratique. Il faut sortir de cette situation, dans l’intérêt des internautes, qui risquent des poursuites pénales, et afin de rétablir l’équilibre, rompu dans les faits, entre deux droits fondamentaux : le droit de propriété des créateurs et des entreprises, d’une part, et le droit au respect de la vie privée des internautes, d’autre part.

La méthode choisie par le Gouvernement a consisté à rechercher un large consensus préalable entre les acteurs de la culture et ceux d’internet. C’est le sens de la mission qui a été confiée en septembre 2007 à Denis Olivennes, alors président-directeur général de la FNAC. Cette mission a permis d’aboutir à un accord historique, signé au Palais de l’Élysée, le 23 novembre 2007, par quarante-six entreprises ou organisations représentatives de la culture et de l’internet. Cet accord définit un plan d’action en deux volets.

Premièrement, l’accès à l’offre légale sera rendu plus facile, plus riche, plus souple.

D’une part, les maisons de production de disques se sont engagées à retirer des productions françaises les « verrous numériques », ces fameuses mesures techniques de protection, ou DRM – digital rights management –, qui empêchent la lecture d’un même titre sur plusieurs matériels, comme l’ordinateur, le baladeur, l’autoradio, ou encore la duplication à usage privé. En vertu de l’accord, les DRM devaient disparaître un an après la mise en œuvre du présent projet de loi. Toutefois, le mouvement initié par ces travaux et par le débat au Sénat a conduit l’industrie musicale française à prendre ses responsabilités : elle a décidé, dans son ensemble, de mettre cet engagement en œuvre avant la fin du premier trimestre 2009. Conjugué à la même décision prise par la plateforme iTunes, leader du marché, le mouvement des maisons de disques aboutit à une transformation complète, en quelques semaines, du paysage de l’offre légale de musique.

D’autre part, le délai d’accès aux films en DVD et par les services de vidéo à la demande – VoD –, que l’on appelle la « chronologie des médias », devait être abaissé de façon conséquente par un accord interprofessionnel. Je souhaite évidemment que cet engagement soit mis en œuvre le plus tôt possible. J’ai lancé en décembre une consultation de la filière du cinéma, qui laisse apparaître une forte convergence des acteurs, pour ramener à quatre mois les délais applicables au DVD et à la VoD, au lieu de six mois et sept mois et demi respectivement. Il est en effet important que les consommateurs puissent percevoir sans tarder la contrepartie de l’approche plus responsable d’internet que nous voulons promouvoir.

Deuxièmement, la lutte contre le piratage de masse doit changer entièrement de logique. La nouvelle approche sera préventive, graduée, et une éventuelle sanction ne passera plus nécessairement par le juge, même si elle demeure placée sous son contrôle.

La base juridique sur laquelle repose ce dispositif existe déjà : il s’agit de l’obligation de surveillance de l’accès internet, mise à la charge de l’abonné. Le projet du Gouvernement vise en fait à préciser le contenu de cette obligation et à mettre en place un mécanisme de réponse en cas de manquement de la part de l’abonné. La forme de cette réponse sera, dans un premier temps, purement pédagogique puis, dans un second temps, transactionnelle, et elle pourra, enfin, déboucher éventuellement sur une sanction de nature administrative, prononcée par une autorité administrative indépendante.

Que se passera-t-il pour l’internaute qui aura piraté une œuvre ? La première phase, celle de la constatation des faits, ne connaîtra guère de changement par rapport à la situation actuelle. Aujourd’hui, il appartient aux ayants droit de repérer les actes de contrefaçon sur internet, par l’intermédiaire des agents assermentés des SPRD, les sociétés de perception et de répartition de droits, et de leurs organisations professionnelles. Ces structures utilisent des traitements automatisés collectant les références des ordinateurs pirates, en général leurs adresses IP. Ces traitements automatisés sont autorisés par la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, alors même que les adresses collectées ne sont pas des données personnelles.

Sur la base des constats dressés par les agents assermentés, les ayants droit pourront saisir le juge pénal ou une autorité administrative indépendante, sur le fondement du manquement à l’obligation de surveillance de l’abonné. L’objectif du Gouvernement est que l’efficacité du mécanisme pédagogique et gradué, géré par l’autorité administrative, dissuade les ayants droit de recourir à la voie pénale. Cette autorité administrative indépendante sera l’ARMT, créée à l’initiative du Sénat en 2006, actuellement compétente pour veiller à l’interopérabilité des mesures techniques de protection et au respect de l’exception pour copie privée. Elle sera rebaptisée HADOPI, de façon à mieux refléter ses compétences. Elle aura par ailleurs un rôle d’observation et d’encouragement du développement de l’offre légale. La HADOPI ne pourra agir qu’à partir des constats dressés par les représentants des ayants droit ; elle ne disposera donc d’aucune faculté d’autosaisine, ni a fortiori d’aucune compétence de surveillance généralisée des réseaux de communication électronique.

La Haute Autorité enverra d’abord au pirate des messages d’avertissement pédagogiques, dénommés « recommandations ». Le formalisme de ces messages sera gradué : après un courrier électronique, elle fera usage d’une lettre remise contre signature, de façon à s’assurer que l’abonné a bien pris connaissance du comportement qui lui est reproché. Aucune sanction ne pourra être prise sans l’envoi préalable d’un avertissement sous cette forme. Une phase préventive personnalisée précédera donc d’éventuelles sanctions, ce que le droit ne permettait pas jusqu’à présent : la condamnation pénale peut actuellement intervenir à la première infraction, l’abonné victime de l’utilisation frauduleuse de son accès par un tiers ne recevant aucun signal d’alerte.

La visée pédagogique et préventive constitue le cœur du projet du Gouvernement. Des études réalisées en Grande-Bretagne et en France au printemps 2008 font ressortir que 70 % des internautes cesseraient de pirater dès le premier avertissement. De telles mesures ont été mises en œuvre par les universités américaines à l’égard de leurs étudiants, avec un succès notable puisque le piratage a diminué de 90 %.

La HADOPI pourra ensuite, en cas de manquement répété de l’abonné, prendre à l’encontre de celui-ci une sanction administrative consistant en une suspension de l’accès internet. Le Sénat a souhaité que cette suspension puisse être partielle ou prendre la forme d’une réduction du débit, le jour où l’état de l’art permettra de mettre en œuvre de telles mesures tout en faisant complètement obstacle au piratage. La suspension de l’abonnement sera assortie de l’impossibilité de souscrire un autre contrat auprès de tout opérateur, de façon à éviter la migration des abonnés d’un FAI à un autre. Il est en effet important d’éviter que les prestataires qui joueront le jeu ne soient pénalisés au bénéfice de ceux ayant une pratique plus laxiste. La suspension de l’abonnement sera en principe d’une durée d’un mois à un an, mais la HADOPI pourra proposer une transaction à l’abonné : en s’engageant à ne pas renouveler son comportement, celui-ci pourra ramener la suspension à une durée comprise entre un mois et trois mois. Cette phase transactionnelle, qui instaure un dialogue entre la HADOPI et l’abonné, accentue encore l’aspect pédagogique du mécanisme.

Nous sommes conscients des difficultés que pourrait poser ce dispositif aux entreprises ou à d’autres collectivités, comme les universités. Le projet de loi prévoit donc des mesures alternatives à la suspension de l’accès. L’employeur sera invité par la HADOPI à installer des dispositifs de type « pare-feu » pour éviter le piratage par les salariés à partir des postes de l’entreprise. C’est d’ailleurs ce que font déjà de nombreuses universités dans le monde, notamment aux États-Unis.

Afin de garantir le respect des mesures de suspension, les FAI seront tenus de vérifier, à l’occasion de la conclusion de tout nouveau contrat, que leur cocontractant ne figure pas dans le répertoire des personnes dont l’abonnement a été suspendu. La HADOPI pourra décider de prendre des sanctions pécuniaires à l’encontre des FAI qui n’effectueraient pas de telles vérifications ou qui ne mettraient pas en œuvre les mesures de suspension, l’idée étant toujours de protéger les prestataires qui « jouent le jeu ».

Toutes les sanctions – la suspension de l’abonnement internet comme les sanctions pécuniaires contre les FAI – seront bien entendu susceptibles de recours devant le juge judiciaire.

Enfin, le projet de loi précise les conditions dans lesquelles le titulaire de l’accès à internet pourra s’exonérer de sa responsabilité. À cette occasion, il encourage les abonnés à prendre les mesures nécessaires de sécurisation de leur poste.

Le Sénat a encore renforcé la dimension pédagogique du texte en prévoyant une sensibilisation des élèves et des enseignants, notamment dans le cadre du brevet informatique

Dans ce nouveau cadre, le recours direct au juge s’inscrira en complémentarité avec le dispositif administratif pour traiter le cas des pirates les plus « endurcis ».

Un débat assez vif s’est d’ores et déjà engagé devant les médias et dans la blogosphère. Certaines revendications, de part et d’autre, sont légitimes ; nous devons les prendre en compte. Plusieurs arguments, en revanche, me semblent tout à fait infondés.

D’abord, certains affirment que la future loi serait celle des majors, accrochées à la défense de « privilèges ». Passons sur l’assimilation des droits d’auteur à un privilège. Pour le reste, cet argument dénote une profonde méconnaissance de nos industries culturelles, où les PME occupent une place considérable, eu égard à l’offre culturelle comme aux centaines de milliers d’emplois concernés. Les PME représentent en France 99 % des entreprises de la filière musicale, plus de 40 % des emplois et plus de 20 % des parts de marché, ce qui est unique au monde. Or ces PME sont évidemment les entreprises les plus fragiles et les plus menacées par le piratage.

J’entends aussi que ce texte serait « liberticide ». Le dernier avatar de cette thèse prend la forme d’une interprétation abracadabrante d’un vote intervenu en octobre dernier au Parlement européen.

Que nous dit-on ? D’abord que la suspension envisagée de l’accès internet violerait les libertés fondamentales. À supposer que disposer du web à domicile constitue un droit fondamental – ce que rien, dans le droit positif français ou européen, ne vient confirmer –, aucune liberté, pour être fondamentale, n’est pour autant absolue. Invoquer la liberté de communiquer pour violer les droits de propriété des créateurs revient à un abus de droit.

Ensuite, la HADOPI violerait la vie privée, elle serait préposée au fichage des internautes et à la surveillance des réseaux. Quel paradoxe ! Dans les pays, de plus en plus nombreux, qui pratiquent l’envoi de messages d’avertissement aux internautes – les États-Unis, la Norvège, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et bientôt l’Irlande –, cette politique se passe entièrement de l’intervention publique : elle est purement contractuelle et résulte d’accords entre les FAI et les ayants droit.

La particularité de l’approche française consiste justement à interposer entre les parties en présence – ayants droit, FAI, internautes – une autorité indépendante assurant la prévention du piratage tout en protégeant le secret de la vie privée. Seule la HADOPI pourra se procurer les données personnelles de l’abonné – nom et coordonnées – strictement nécessaires à l’envoi des messages d’avertissement. L’identité du pirate demeurera donc cachée aux ayants droit. La procédure sera ainsi plus protectrice de la vie privée que celle qui se déroule dans le prétoire du juge. J’ajoute que la commission interne à la HADOPI qui traitera les dossiers présentera toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance : elle sera exclusivement composée de magistrats et disposera d’agents publics dont l’absence de liens avec les intérêts économiques en cause aura été vérifiée par des enquêtes préalables. Quant aux données nécessaires pour mettre en œuvre le mécanisme de prévention, elles sont d’ores et déjà collectées par les créateurs et les entreprises culturelles pour mener leurs actions judiciaires ; aucune donnée nouvelle ne sera relevée pour mettre en œuvre le mécanisme de « réponse graduée ».

Ce projet de loi a reçu le soutien massif de l’ensemble du monde de la culture et de la création, des entreprises du cinéma, de la musique, mais aussi de l’internet. Les Français sont prêts à partager sa philosophie préventive et mesurée. L’agitation entretenue par quelques groupuscules ne reflète en rien la perception de nos citoyens, qui pensent qu’internet n’est pas une zone de non-droit et que les grands principes de la vie en société, à savoir la légalité et la responsabilité, y ont bien cours, comme ailleurs. Ce projet est adapté à l’évolution d’internet. Le piratage est en quelque sorte une maladie infantile de l’internet, qui doit désormais passer à l’âge adulte.

Le texte est donc équilibré à tous égards. D’abord, la prévention du piratage constitue la condition même de l’amélioration de l’offre légale, à laquelle se sont engagées les industries culturelles. Ensuite, il concilie la garantie du droit de propriété – aujourd’hui dépourvu de toute effectivité et complètement bafoué – avec la protection de la vie privée des internautes. Enfin, il prévoit des mesures préventives et pédagogiques, adaptées au comportement souvent « ludique » auquel il s’agit de mettre fin.

Le Sénat a compris la philosophie de ce texte puisqu’il l’a adopté à l’unanimité, hormis le groupe communiste, qui s’est abstenu. C’est maintenant à l’Assemblée nationale qu’il appartient de faire en sorte que les consommateurs, les créateurs et les centaines de milliers de salariés des industries culturelles puissent tirer parti des fabuleuses opportunités, culturelles aussi bien qu’économiques, d’un internet plus « civilisé ».

M. Christian Kert, vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. L’apparition sur internet d’une nouvelle presse pose le problème des droits d’auteur des journalistes. Le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet n’est-il pas le texte idéal pour traiter cette question préoccupante, par le biais d’un amendement ? Sinon, votre réflexion vous conduira-t-elle à proposer un texte spécifique ?

M. Franck Riester, rapporteur. Ce texte, madame la ministre, fait en effet suite à l’« accord de l’Élysée » signé par des acteurs de l’internet, de la culture, de l’économie numérique et des télécommunications, rassemblés pour travailler sur le développement des offres légales et la lutte contre le téléchargement illégal. Il correspond parfaitement à cet accord en améliorant nettement la réponse apportée pour lutter contre le téléchargement illégal, laquelle ne sera plus uniquement d’ordre pénal mais essentiellement fondée sur la prévention et la pédagogie. Des recommandations répétées seront adressées avant toute sanction. En outre, les sanctions ne seront pas des peines d’amende ou d’emprisonnement puisque le panel ira de la suspension de l’abonnement à la modulation du débit d’accès, en passant par l’injonction de mettre en place des mesures de sécurisation.

Vous avez commandé un rapport au Conseil général des technologies de l’information (CGTI), pour évaluer la faisabilité technique de ces sanctions. Pourriez-vous nous en livrer la teneur ?

À quelle date la HADOPI sera-t-elle en mesure de mettre en œuvre les dispositions de la loi ?

Pour 2009, elle devrait recevoir de 6 à 7 millions d’euros de crédits. À terme, quel sera son budget ?

Quel sera le volume d’e-mails et de lettres recommandées envoyés ?

L’une des contreparties majeures de l’« accord de l’Élysée » est le développement de l’offre égale. Vous avez souligné les efforts considérables accomplis par les maisons de disques et, plus largement, par la filière culturelle, pour lever les mesures anti-copies. Pourriez-vous nous en dire davantage à propos de la chronologie des médias ? Il est essentiel que celle-ci soit raccourcie pour que les internautes accèdent plus rapidement aux œuvres cinématographiques sur internet.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission des affaires culturelles s’est saisie pour avis de ce texte fondamental pour l’avenir de la culture et de la création. Il s’agit de défendre des valeurs qui nous sont chères : le respect dû aux artistes, qui nous ouvrent les portes des œuvres de l’esprit et du cœur, ainsi qu’à leurs soutiens financiers, sans lesquels ils ne seraient plus là.

La défense du droit des auteurs et des titulaires de droits voisins doit constituer une priorité pour les parlementaires. L’économie de la création repose sur le droit de la propriété littéraire et artistique. La question des conditions de vie et de travail des créateurs et des artistes n’est pas nouvelle. internet, pour les auteurs, les artistes, les structures de spectacle vivant et les industries produisant et diffusant les contenus, constitue aujourd’hui un formidable atout, par l’audience qu’il génère ; cependant, mal maîtrisé, il peut contribuer à fragiliser une économie qui cherche perpétuellement son équilibre.

Après avoir, dans des délais très courts – depuis la fin de la semaine dernière –, auditionné l’ensemble des acteurs concernés, je reste persuadée que ce texte, fruit d’un travail de concertation long et abouti ainsi que d’une réflexion concertée impliquant les organisations représentatives du monde de la culture, est un bon signal, pour nos concitoyens internautes comme pour le secteur.

Ce texte envoie un bon signal à nos concitoyens internautes car il fait œuvre de pédagogie et dissuadera probablement la très grande majorité d’entre eux de pirater les contenus protégés, s’ils veulent pouvoir à l’avenir continuer de bénéficier de contenus divers et de qualité. Il envoie également un bon signal à l’ensemble de nos concitoyens car il s’accompagnera d’un développement important, nécessairement concerté, de l’offre légale en ligne. Il envoie enfin un bon signal au secteur de la création, car la mise en place d’une autorité indépendante, dotée de la personnalité morale, permettra de répondre rapidement et graduellement aux atteintes aux droits de la propriété intellectuelle constatées par les ayants droit. La prise de conscience que vous voulez susciter, madame la ministre, est essentielle pour l’efficacité du système.

Pourriez-vous nous rappeler où en est la réflexion des instances européennes à ce sujet, afin de nous rassurer sur la compatibilité de votre projet de loi avec le droit communautaire ?

Quels moyens seront mis à la disposition de la HADOPI pour lui permettre de remplir ses missions ?

De nombreux interlocuteurs, FAI ou ingénieurs, nous ont fait part d’éventuelles difficultés techniques à la mise en œuvre des sanctions : impossibilité, en zone non dégroupée, d’interrompre l’accès à internet sans couper le téléphone et la télévision ; incertitude quant à la compatibilité du lien entre l’adresse IP et l’abonné ; absence de prise en compte de nouvelles pratiques comme le cryptage des réseaux, le nomadisme, le 3G ou la Wi-Fi. Que pouvez-vous répondre aux détracteurs du projet de loi sur ce point ?

Un sujet me tient particulièrement à cœur : la création artistique sur internet. Le développement massif d’une œuvre légale, attractive, lisible et plurielle est un prérequis indispensable pour éviter les actes de piratage. Le projet de loi va-t-il suffisamment loin en la matière ? Le CNC, le Centre national de la cinématographie, n’a-t-il pas, autant que la HADOPI, un rôle à jouer, à tout le moins pour les œuvres cinématographiques et audiovisuelles ?

Où en sont les accords interprofessionnels relatifs à la chronologie des médias ?

D’autre part – et le sujet avait suscité bien des polémiques en 2006 –, comment garantissez-vous l’interopérabilité, afin que les internautes puissent lire sur n’importe quel support les œuvres téléchargées légalement ?

Ne pensez-vous pas qu’il convienne de stimuler le développement de nouveaux modèles économiques pour la diffusion de la culture sur internet ? Nous sommes aujourd’hui à l’intersection de deux mondes : l’ancien, celui du papier et des CD, où les canaux de diffusion étaient limités ; le nouveau, celui du numérique et des réseaux, multicanaux par essence, où la création doit pouvoir s’épanouir, se développer, à travers de nouveaux modèles économiques, de nouveaux formats. Un crédit d’impôt en faveur des auteurs et des producteurs qui investissent ce nouveau monde et ces nouveaux formats ne stimulerait-il pas l’offre légale de culture sur internet ? Si tel était le cas, hommage serait rendu à ceux qui prennent des risques en faveur des innovateurs ?

Ne convient-il pas d’obliger les FAI à mettre à disposition, parallèlement aux offres légales qu’ils développent eux-mêmes, les offres légales des autres distributeurs, lorsqu’elles comportent majoritairement des œuvres françaises et européennes ? C’est le système du must carry.

Enfin, la HADOPI sera-t-elle équipée pour labelliser les sites d’offres légales ? Visitera-t-elle régulièrement les sites pour vérifier leurs contenus ?

Mme la ministre. Monsieur Kert, la question des droits d’auteur des journalistes a été évoquée lors des états généraux de la presse. Par ailleurs, une réflexion informelle organisée à ce sujet par le ministère a abouti à un Livre blanc dont les propositions sont assez satisfaisantes. Il s’agit de combler un vide juridique en sanctuarisant par la loi le principe de la cession des droits d’auteur, ce qui sécuriserait les éditeurs, tout en affirmant les droits des journalistes sur leur production, au-delà d’une certaine temporalité, qu’ils travaillent dans la presse papier ou dans la presse internet. L’introduction de ces mesures dans le présent projet de loi n’aurait pas été dénuée de sens car la réflexion est assez avancée, mais je crois préférable de la poursuivre avant de trancher définitivement, afin de s’assurer que les mesures proposées recueillent un accord suffisant.

Monsieur Riester, l’« accord de l’Élysée » a en effet été signé par toutes les professions concernées, ce qui est très rare. Le nombre de signataires s’est d’ailleurs accru – ils sont maintenant quarante-sept – et nous ne les perdons pas en chemin, bien au contraire. Cet accord est donc exemplaire et vivant. Pour le web 2.0, une mission d’étude a été confiée au professeur Pierre Sirinelli afin de parvenir à un accord avec les ayants droit et de mettre en place des dispositifs de reconnaissance des contenus.

Nous espérons que la future HADOPI sera installée avant l’été. Nous partons d’une hypothèse de fonctionnement de 10 000 courriels d’avertissement par jour, 3 000 lettres recommandées d’avertissement par jour et 1 000 décisions par jour. Le budget à la charge de l’État s’élève à environ 6,7 millions d’euros dans la loi de finances pour 2009. Ce budget ne comprend évidemment ni les coûts de signalement des manquements, à la charge des ayants droit, estimés entre 2,8 et 3 millions d’euros, ni les coûts d’établissement par les FAI de la correspondance entre les adresses IP et l’identité des internautes, valorisée à un montant équivalent, dont la prise en charge sera examinée dans le cadre de la rédaction des décrets d’application.

Monsieur Riester, madame Marland-Militello, les FAI ont validé le principe de la suspension de la seule connexion internet et nous ont plusieurs fois confirmé la faisabilité de la chose. D’après les experts du CGTI, les modalités techniques varieront en fonction de l’architecture de chaque réseau et les opérateurs devront s’adapter. Il n’y a donc pas de problème de faisabilité, mais un problème de délai et de coût pour effectuer ces adaptations se pose, et c’est un point sur lequel nous sommes très ouverts. S’il s’avérait difficile de suspendre un accès internet sans toucher à la télévision et au téléphone, la HADOPI pourrait enjoindre à l’abonné d’installer un logiciel de protection, ou « pare-feu », comme il en existe dans de très nombreuses entreprises.

À propos de l’offre légale, l’évolution est nette. Pendant longtemps, les débats sur la suppression des DRM et sur la chronologie des médias n’ont pas progressé. Des efforts considérables ont maintenant été accomplis puisque tous les producteurs de musique et les deux principales plates-formes françaises se sont engagés à retirer les verrous numériques. La question des DRM est donc dépassée : d’ici au mois de mars, il n’y en aura plus. S’agissant du cinéma, la concertation avec le CNC a vraiment été encourageante et nous nous dirigeons vers un accord pour ramener à quatre mois le délai de distribution des DVD et de la VoD. Le changement sera très important pour le consommateur. Les décrets d’application devront bien sûr prévoir une modulation de cette durée, en fonction du succès des films et de leur durée d’exploitation en salle.

L’amendement n° 138 au « Paquet télécom », dit « amendement Bono », a suscité un grand débat relatif aux libertés fondamentales des internautes. Une suspension temporaire de l’accès à internet ne saurait être considérée comme une atteinte aux libertés fondamentales car l’accès reste possible chez un voisin, un ami ou un cybercafé – alors que quiconque est privé de son permis de conduire ne peut plus du tout prendre le volant. Et le recours au juge reste de toute façon possible. Les FAI prennent au demeurant très souvent une telle sanction à l’encontre de leurs clients qui ne règlent pas leur abonnement, sans que cela provoque de réaction. La confusion était cependant préjudiciable et nous avons été très satisfaits que les vingt-sept États membres décident, à l’unanimité, lors du Conseil des ministres « Télécom », de retirer cet amendement n° 138.

De même, lors du Conseil des ministres « Culture et audiovisuel » de novembre dernier, les vingt-sept États membres ont approuvé la démarche française, à travers certains principes : l’importance du droit d’auteur, la méthode de la concertation et la possibilité d’expérimenter des mesures. Les internautes français piratent avec plus d’ardeur que ceux des autres pays car notre potentiel technologique est le plus avancé – l’ADSL est plus développée ici qu’ailleurs –, mais le problème touche toute l’Europe.

Le nomadisme est possible, comme la possibilité de crypter et de dissimuler son adresse IP, mais il existe aussi des contre-logiciels. Du reste, ce n’est pas parce qu’une cause à laquelle on croit – en l’espèce, la défense des droits d’auteur – est attaquée qu’il faut cesser de la défendre. Et notre objectif n’est pas d’éradiquer complètement le piratage, mais de le faire baisser très sensiblement car il suscite une inquiétude extrême dans les milieux culturels, notamment celui de la musique et celui du cinéma. Depuis un an, l’atmosphère a beaucoup changé dans nombre de PME, qui perdent leurs emplois et coulent.

La question du nomadisme rejoint celle des bornes Wi-Fi mises à disposition par certaines structures, collectivités locales, universités ou entreprises. La HADOPI pourra enjoindre à ces structures de prendre des mesures préventives pour éviter l’utilisation des bornes Wi-Fi sans aucun frein. C’est ainsi que le CGTI a préconisé la mise en place d’un portail blanc, n’ouvrant l’accès, à partir des bornes Wi-Fi, qu’à certains sites dont la liste serait établie en concertation avec toutes les parties.

Madame Marland-Militello, un crédit d’impôt pour les auteurs et les producteurs investissant dans de nouveaux formats pourrait en effet stimuler l’offre légale sur internet. Je suis tout à fait favorable au principe, mais la création de nouveaux crédits d’impôt est actuellement assez compliquée et nécessite de grandes batailles – on l’a vu récemment au sujet des films étrangers tournés en France. Par ailleurs, le CNC s’attache à étendre à la VoD les dispositifs en vigueur d’aide à l’écriture, à la production et à la diffusion.

L’accès au marché des petits labels est certes difficile mais le must carry toucherait à la liberté du commerce et de l’industrie. Ce projet de loi constitue une première étape cruciale ; une fois adopté, il faudra examiner les moyens de renforcer la place des petits labels et de favoriser la rémunération des indépendants via des systèmes forfaitaires.

M. Patrick Bloche. Nous avons l’impression de revivre le débat sur la loi DADVSI, adoptée il y a trois ans. M. Donnedieu de Vabres nous avait alors expliqué que son texte ferait émigrer massivement les internautes vers les sites de téléchargement payant. Force est de constater que son pari est perdu. L’entêtement du Gouvernement actuel montre que vous persistez dans l’erreur.

Ce projet de loi traduit un pari perdu d’avance car il présente bien des inconvénients.

Il fait planer des menaces sérieuses sur les libertés publiques et la vie privée – je vous renvoie à l’avis de la CNIL, selon laquelle il n’a pas trouvé le bon équilibre entre la protection du droit d’auteur et la protection de la vie privée.

L’article 2, consacré à la HADOPI, crée un véritable régime d’exception : il rompt le principe d’égalité devant la loi, il ignore le principe fondamental de présomption d’innocence, il néglige les droits de la défense les plus élémentaires.

Ce projet de loi a fait l’objet de beaucoup de critiques. Les avis des associations d’internautes et de consommateurs sont connus. J’ai évoqué la CNIL à l’instant, mais je pourrais tout autant citer l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui met le doigt sur les difficultés évidentes d’application. Le rapporteur a fait référence à une note du CGTI, dont il serait utile que les parlementaires aient connaissance. Pour 2,5 à 3 millions de nos concitoyens, habitant dans des zones dégroupées, il sera impossible de suspendre l’abonnement à internet sans couper la ligne téléphonique. Le Wi-Fi étant un modèle ouvert, des internautes seront incriminés par erreur et il leur incombera de prouver leur bonne foi.

Par ailleurs, ce projet de loi s’oppose au développement du haut débit et à l’entrée de la France dans l’ère numérique, pourtant réaffirmée par le Gouvernement dans son plan « France numérique 2012 ».

Au surplus, il présente l’inconvénient majeur de diviser nos concitoyens. Les socialistes sont historiquement attachés à la défense du droit d’auteur et à la juste rémunération des créateurs. Depuis deux siècles, le droit d’auteur a toujours été destiné à défendre les petits contre les gros, c’est-à-dire les auteurs et les créateurs isolés, à travers leurs sociétés de gestion et de perception, contre les producteurs et les diffuseurs de l’industrie culturelle. Le droit d’auteur, ce n’est pas la défense des créateurs contre leur public. Or votre projet de loi divise les Français en opposant systématiquement les créateurs aux internautes.

Enfin, le texte n’aide aucunement à l’émergence d’un modèle économique nouveau, rémunérateur pour la création. Vous établissez un lien étonnant entre la situation actuelle en matière de piratage et celle de l’offre légale, mais celle-ci pourrait très bien se développer aujourd’hui.

Votre réponse à propos de la chronologie des médias est un peu courte. Personne ne peut affirmer qu’elle sera prochainement ramenée à quatre mois ; on annonce toujours des accords qui ne sont finalement jamais signés.

De même, les mesures techniques de protection sont tombées timidement et progressivement ces derniers temps.

Bref, ce projet de loi est illusoire car il ne crée aucune rémunération nouvelle pour les créateurs. Nous regrettons cette occasion manquée, qui fait perdre encore beaucoup de temps. Par nos amendements, nous proposerons évidemment de réduire ses effets néfastes, mais nous émettrons aussi des propositions pour que soient justement rémunérés les créateurs, auteurs et artistes à l’ère numérique. Ce sera la contribution positive du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Martine Billard. Comme vient de l’indiquer Patrick Bloche, on a l’impression d’assister à un remake des débats sur la loi DADVSI. La question était déjà de défendre les droits d’auteur et les droits voisins sur internet, et je rappelle que nous avions bataillé contre les mesures proposées par le Gouvernement, qui consistaient essentiellement à instaurer les DRM, les mesures techniques de protection. Le Gouvernement nous avait alors expliqué qu’il s’agissait de la seule solution possible, et il avait même fait adopter un article tendant à assurer une protection pénale des DRM, en dépit du large débat qui s’était engagé sur la question des logiciels libres. Je rappelle enfin que certains députés favorables à la loi dans son ensemble s’étaient prononcés contre cette mesure en particulier.

Deux ans et demi plus tard, les DRM ne sont quasiment plus utilisés ni sur les plateformes de téléchargement, ni sur les CD, et cela pour une raison très simple : du fait de l’incompatibilité des formats, les utilisateurs qui achetaient un CD ne pouvaient pas l’écouter sur tous les types d’appareils, si bien qu’ils étaient quasiment incités au piratage. Lorsque nous avons exposé ces difficultés, le Gouvernement nous a répondu que nous n’avions rien compris. Or je constate que l’on s’achemine vers la suppression de ce dispositif.

Vous nous expliquez aujourd’hui que la solution est de suivre les œuvres, et non les internautes. Votre prédécesseur, M. Donnedieu de Vabres, défendait déjà cette idée, qui se heurte à plusieurs difficultés : quand on compresse un fichier, la signature de départ disparaît, ce qui complique singulièrement le suivi des œuvres ; d’autre part, il me semble contradictoire de pousser au développement du haut débit et de la Wi-Fi, tout en appelant au verrouillage d’internet.

La suspension des abonnements pose en outre problème. Il est en effet difficile d’établir qui a réellement utilisé une connexion pour télécharger illégalement des fichiers. Des innocents risquent d’être condamnés, car aucune disposition n’est prévue dans le texte pour permettre au titulaire d’un abonnement de prouver sa bonne foi. Les usagers dont la connexion aurait été piratée ne disposeront d’aucun moyen de faire appel, si bien que des abonnements pourraient être suspendus de façon totalement injuste.

Par ailleurs, même s’il n’existe pas aujourd’hui de droit à disposer d’une connexion, internet devient de plus en plus indispensable, notamment pour les gens qui travaillent ou qui cherchent un emploi. On pourrait même craindre que des salariés ne se retrouvent au chômage si leur connexion à internet était suspendue pendant plusieurs mois. Chacun sait en effet que la pression des employeurs en faveur du travail à domicile ne cesse de s’accroître.

Lors des débats sur la loi DADVSI, j’avais proposé, au nom des Verts, que l’on instaure un prélèvement sur les fournisseurs d’accès. Nous souhaitions que ce prélèvement soit modulable, notamment en fonction du débit, et qu’il serve à rémunérer la création. Le Gouvernement avait d’abord jugé scandaleux que l’on exige une contribution des fournisseurs d’accès à internet, mais il a ensuite instauré un tel prélèvement en vue d’assurer le financement de la loi sur l’audiovisuel, voulue par le Président de la République. Pour ma part, j’aurais préféré que cette nouvelle ressource soit employée au profit de la création et pour la rémunération des auteurs.

M. Christian Paul. Le débat n’a guère avancé depuis 2005, ce qui est tout de même très fâcheux compte tenu des évolutions notables des usages culturels. Bien que le projet de loi tire enfin un trait sur les DRM, que votre prédécesseur défendait avec une ferveur quasi religieuse, on a l’impression que vous ne voulez pas tenir compte des évolutions de notre société. Or, depuis 2005, il y a encore plus de raisons de chercher à élaborer une nouvelle conception du droit d’auteur, adaptée à l’ère numérique.

De nombreuses prédictions sur lesquelles reposait la loi DADVSI, et qui demeurent au cœur du nouveau texte, ont en effet été battues en brèche. Pour s’en convaincre, il suffit de songer au partage des fichiers musicaux à des fins non lucratives et à la place qui revient désormais à la gratuité dans les échanges culturels : on peut aujourd’hui accéder gratuitement à l’essentiel du patrimoine musical, y compris dans des conditions qui peuvent passer pour légales à vos propres yeux. Certains sites permettent, par exemple, d’écouter des catalogues entiers sous forme de flux, autrement appelé streaming. C’est grâce à cela que j’ai pu écouter gratuitement – et légalement – le dernier album de Mme Carla Bruni-Sarkozy, que je n’avais pas reçu en cadeau, n’étant pas membre du Gouvernement.

Contrairement à ce qu’affirmait M. Olivennes dans son rapport, j’ajoute que la gratuité n’est pas le vol dans la civilisation numérique. C’est plutôt le désintérêt de la puissance publique pour la rémunération des créateurs qui pourrait conduire à les spolier. En tout cas, leur rémunération n’est contradictoire ni avec l’existence d’échanges non marchands, à but non lucratif, ni avec la mise à disposition gratuite de catalogues entiers de musique. Le développement des objets nomades, tels que des smartphones permettant l’accès à des fichiers en flux continu, pourrait même rendre obsolète la notion de téléchargement.

Pour toutes ces raisons, ce texte fleure l’archaïsme, au point qu’on pourrait croire qu’il a été écrit avant le déploiement de l’internet. C’est sur ce terrain-là que nous nous battrons, alors même que nous mènerons également le combat sur celui des libertés, en vue de limiter les effets néfastes de ce texte, qui ont notamment été dénoncés par la CNIL.

Comme l’indique une note récemment publiée par le ministère des finances – vous voyez que je suis très éclectique dans mon usage des sources –, il existe à Paris des centaines de bornes Wi-Fi, qui permettront de continuer à télécharger gratuitement des fichiers musicaux. Pour cela, il suffira de se rendre chez McDonald. Ce texte repose donc sur une illusion sécuritaire.

Il a également le défaut de ne pas apporter un euro supplémentaire aux artistes et aux créateurs. Vous manquez en effet une double occasion : tout d’abord, il aurait fallu aborder enfin la question des droits des artistes et des créateurs à l’âge numérique, qu’il faut veiller à bien distinguer de ceux qui reviennent aux autres ayants droit, notamment les producteurs et les éditeurs – lesquels se rémunèrent parfois grassement sur leur dos ! C’est ce débat qu’il faudrait ouvrir, au lieu d’opposer les artistes aux internautes ! Un tel oubli ne peut que rendre votre texte furieusement ringard.

Vous faites ensuite l’impasse sur le développement de nouvelles modalités de rémunération des artistes, alors qu’elles sont tout à fait envisageables. Comme Martine Billard vient de nous l’expliquer, la filière musicale française aurait pu bénéficier des dizaines de millions d’euros qui sont allés financer la nouvelle « ORTF » que le pouvoir exécutif appelle de ses vœux.

Sur ces différents sujets, nous ferons des propositions pour que les artistes puissent vivre dignement en France.

M. Didier Mathus. Ce qui me frappe, c’est que ce projet de loi soit étrangement inféodé aux intérêts d’une industrie musicale dont l’archaïsme n’est plus à démontrer. Souvenons-nous de la loi DADVSI : vous aviez refusé d’engager le débat sur la rémunération de la création, préférant vous concentrer sur d’autres questions : comment réprimer les internautes ? Comment les pénaliser ?

Il en est résulté un fiasco monumental, et les auteurs et créateurs ont perdu trois ans. Il est vrai que c’était peut-être autant d’années gagnées pour les industries musicales, qui sont parvenues à survivre en serrant énergiquement leurs coffres-forts contre leur corps, comme si l’on pouvait se prémunir contre le mouvement du temps et contre les évolutions technologiques en s’en remettant au pouvoir de la répression.

C’était bien sûr un choix stupide, dont l’origine n’est pas étrangère au rapport commandé à M. Olivennes. Il était d’ailleurs bien curieux de confier au plus gros marchand de disques de notre pays le soin de mener une réflexion sur le numérique. Autant demander au chef des dealers d’organiser la répression contre la toxicomanie.

Il y a quelques années, votre prédécesseur nous avait expliqué que la protection des DRM et le traçage des œuvres constituaient l’alpha et l’oméga de toute solution. Un article de la loi DADVSI est allé jusqu’à réprimer pénalement le contournement des verrous numériques. Or les acteurs économiques ont eux-mêmes abandonné les DRM, car ils se sont rendus compte de la stupidité et de l’inefficacité de cette mesure, qui présente également un danger pour les libertés individuelles.

Pour ma part, je ne parviens pas m’expliquer pourquoi vous persistez dans un tel archaïsme : compte tenu des évolutions technologiques, chacun sait que votre pari est perdu d’avance. Au lieu de relever le défi qui consisterait à inventer un nouveau modèle économique pour la rémunération de la création à l’âge numérique, vous ne songez qu’à la taille du gourdin avec lequel vous voudriez frapper les internautes. Par incompréhension de notre époque, vous commettez un gigantesque contresens.

Comme l’a indiqué Patrick Bloche, les débats à venir seront pour nous l’occasion de militer en faveur d’une meilleure rémunération des auteurs et des créateurs, malheureusement oubliés par votre texte ; nous lutterons ensuite pour les libertés publiques, en nous opposant à cette loi liberticide, qui repose sur un flicage généralisé de l’internet que nous ne saurions accepter. J’ai d’ailleurs sursauté, madame la ministre, lorsque vous avez suggéré que les collectivités territoriales sélectionnent les sites accessibles par l’intermédiaire de leurs bornes Wi-Fi. Allez donc jusqu’au bout de votre démarche : pourquoi ne pas restreindre l’éventail du choix aux seuls sites du Gouvernement et de l’UMP ?

Étant la proie de tels errements, le Gouvernement en vient à proposer des mesures dépourvues de rapport avec la véritable question : comment inventer un nouveau modèle économique adapté à l’ère numérique ? Il est vrai que certains des acteurs actuels, campant sur des positions héritées de l’âge analogique, ne peuvent pas s’adapter. Mais un tel constat ne saurait justifier que le Gouvernement prenne la défense des plus forts contre les plus faibles. Ce serait un contresens !

M. Jean Dionis du Séjour. Certains d’entre nous ont vécu ces moments épiques qu’ont été les débats sur la loi DAVDSI, dont le souvenir devrait nous inciter à une plus grande modestie : sans doute ne serions-nous pas tous très fiers si l’on rappelait les propos que nous avons alors tenus. Tout change très vite, et les solutions ne s’imposent pas nécessairement avec la force de l’évidence.

C’est précisément pour cette raison qu’il faudrait commencer, madame la ministre, par procéder à une évaluation de la loi DAVDSI. Les propositions du Gouvernement étaient certes sincères, mais il faut ouvrir le questionnement sur ce qui a marché et sur ce qui a échoué. Si l’on fait l’impasse sur cette question, notre approche ne peut qu’être boiteuse.

D’autre part, je m’interroge sur la cohérence entre ce nouveau texte et la LCEN, la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui est le fondement du droit de l’internet en France. Il me semble que l’article 5 du texte qui nous est proposé est contraire à cette loi car il prévoit une irresponsabilité générale des hébergeurs et des FAI. Comment envisagez-vous de régler ce problème juridique?

J’en viens au volet répressif de la future loi, dont la présence ne nous choque pas en tant que telle. Des mesures de cette nature nous semblent en effet nécessaires, et elles ne doivent pas rester de vains mots. Cela étant, nous devrons débattre des propositions du Gouvernement, et nous efforcer de l’aider, s’il le faut, à faire les bons choix.

Dans un grand moment d’enthousiasme collectif, le groupe UMP s’était d’abord prononcé en faveur du téléchargement libre, laïque, gratuit et obligatoire, dans la nuit du 22 décembre 2005, puis nous avons appelé de nos vœux le développement de l’offre légale. Or celle-ci demeure le point faible du présent texte, qui n’y consacre qu’un court article, relatif à la chronologie des médias. Je rappelle que ce sujet n’a pas fait l’objet d’un accord à la date initialement prévue, ce qui est tout de même humiliant pour le Gouvernement.

J’ajoute que je ferais volontiers miens certains des propos tenus par nos collègues socialistes, ainsi que plusieurs questions posées par le rapporteur. Il me semble en particulier que le modèle économique actuel reste beaucoup trop onéreux : un titre coûte 0,99 euro, soit bien plus que la fourchette retenue par les spécialistes de la question – entre 0,15 et 0,18 euro. J’aimerais savoir ce que le Gouvernement compte entreprendre à ce propos.

Comme l’a rappelé Christian Paul, il faudrait également prendre en compte les évolutions qui ont eu lieu au cours des trois dernières années. Je pense en particulier à l’apparition de sites tels que deezer.com, qui permettent d’écouter toute la musique que l’on veut, sans priver les auteurs d’une rémunération. C’est une percée conceptuelle, qui nous offre un nouveau modèle économique, et pourtant certains ayants droit sont en train d’asphyxier ce site. Qu’entendez-vous faire pour qu’il puisse continuer à vivre ? Je trouve tout de même dommage que ce texte fasse l’impasse sur de tels sujets.

La question essentielle est de savoir quel modèle économique nous devons retenir pour favoriser l’essor d’une offre légale moins chère, plus facile à utiliser et plus complète. Les mesures proposées restent malheureusement d’une grande faiblesse, ce qui rend cette loi boiteuse, je le répète : en dépit des évolutions constatées au cours des trois dernières années, le Gouvernement reste concentré sur le seul volet pénal.

Au seuil du débat, qui promet d’être passionnant, j’ai deux questions à vous poser, madame la ministre : s’agissant de la chronologie des médias, que pouvez-vous faire pour parvenir à un accord – il y a urgence ? Que ferez-vous pour les sites de streaming, qui constituent un modèle économique intéressant ?

M. Pierre-Christophe Baguet. On peut effectivement avoir l’impression d’être projeté quelques années en arrière, juste avant Noël 2005.

Pour ma part, j’essaierai d’être plus modeste que nos collègues socialistes, qui passent leur temps à invoquer la nécessité de défendre les auteurs et les créateurs, sans proposer pour autant des solutions pérennes. Le Gouvernement s’efforce, au contraire, de proposer des réponses à des questions qui sont particulièrement difficiles. C’est un effort qu’il faut saluer.

Si je suis favorable à l’instauration de sanctions, c’est qu’elles me semblent indispensables. Il reste qu’elles ne doivent s’appliquer qu’en bout de course : il faut également effectuer tout un travail en amont, notamment en ce qui concerne la chronologie des médias. Tout s’accélère en effet : certains trimestriels deviennent des mensuels, des mensuels des hebdomadaires, et des hebdomadaires des quotidiens. Et pourtant, on a l’impression que la situation reste figée. Afin de proposer une solution alternative au piratage, il faut accélérer la chronologie des médias.

J’ajoute que les éditeurs de CD et de DVD devront réaliser des efforts considérables, faute de quoi l’internaute sera effectivement poussé au piratage. Les éditeurs doivent en prendre conscience. Grâce aux techniques qui se sont développées au cours des dernières années, on peut maintenant éditer des CD musicaux à des prix tout à fait raisonnables ; pourtant, les prix restent exorbitants.

Il existe tout de même un domaine dans lequel des progrès significatifs ont été réalisés depuis trois ans : nous bénéficions désormais du soutien de l’Union européenne, qui est nécessaire pour ce type de problèmes. En effet, les solutions franco-françaises ne peuvent pas fonctionner. Les problèmes de fiscalité doivent notamment être traités sur le plan européen, de même que la lutte contre le piratage. Les avancées qui ont été réalisées à cet égard me semblent donc essentielles.

Mme la ministre. Bien que je n’aie pas participé aux débats sur la loi DADSVI, je voudrais dire que ce texte a eu le mérite de poser les vraies questions, alors que nous n’en étions qu’au début du « tsunami ». La situation des industries culturelles s’est en effet considérablement dégradée. La loi DADVSI a en outre tenté d’apporter des réponses, et elle a contribué à faire évoluer les mentalités.

Toutefois, ce qui vous est aujourd’hui proposé ne s’inspire pas de la même philosophie, ne serait-ce qu’en raison du changement de point de départ : nous nous appuyons aujourd’hui sur des accords interprofessionnels. Des acteurs qui ne se parlaient pas à l’époque où la loi DADVSI a été adoptée sont en effet parvenus à s’entendre. Les accords ont ainsi été signés par quarante-sept entreprises ou organisations représentant le monde de la musique et du cinéma, les fournisseurs d’accès à internet, les diffuseurs, la télévision et les sociétés d’auteurs.

M. Patrick Bloche. Mais pas par les associations d’internautes et de consommateurs !

Mme la ministre. La démarche retenue aura un effet pédagogique. Grâce à l’instauration de ce nouveau cadre juridique, la situation devrait évoluer d’elle-même: chacun saura clairement qu’une identification est possible, et des mises en garde seront adressées en cas d’abus.

S’il est vrai que les pratiques culturelles ont évolué, il me semble que c’est dans le sens d’une consommation souvent aveugle. Des quantités de jeunes téléchargent en effet des millions de choses sans avoir vraiment l’intention de les consulter. Nous souhaitons à l’inverse promouvoir de véritables choix.

Avec l’apparition de sites tels que deezer.com, on peut aujourd’hui commencer par écouter de la musique, avant de finir par acheter le CD lui-même. C’est une évolution notable, qui est favorisée par l’action d’éditeurs misant sur l’excellence de leur offre. Ils peuvent par exemple proposer des contenus supplémentaires, notamment des makings of.

Face aux pratiques actuelles, il est vrai qu’une simple réponse pénale ne pouvait pas suffire. Toutefois, le dispositif mis en place par la loi DADVSI ne disparaîtra pas pour autant : en cas de piratage massif, le recours au juge pénal restera possible. Le présent texte tend seulement à compléter notre réponse en l’adaptant au développement du « petit piratage », quasi inconscient, mais constant, et dont les effets sont également très graves. Je le répète : ce texte ne se substitue pas à la loi DADVSI : il la complète.

Au demeurant, il serait faux de croire que le pari est perdu d’avance. On constate en effet que les téléchargements diminuent partout où un système d’avertissement ou de suspension des abonnements existe, notamment aux États-Unis ou en Nouvelle-Zélande.

M. Patrick Bloche. Quid de l’Allemagne et de l’Angleterre ?

Mme la ministre. En Allemagne, l’embouteillage des tribunaux conduit les autorités à envisager une réponse pénale quasi automatique. Il me paraît tout à fait légitime d’expérimenter l’approche pédagogique que nous vous proposons.

L’avis rendu par la CNIL a été attentivement pris en compte par le Conseil d’État, auquel ce texte a été soumis. Le fait qu’une autorité administrative prononce des sanctions ne pose pas de problème juridique tant que la procédure est encadrée par la loi. Ce type de solution régit déjà l’action de l’Autorité des marchés financiers et s’applique également en matière d’infractions au code de la route.

Sans revenir dans le détail sur la question de la suspension de l’accès à internet, je rappellerai qu’il ne s’agit pas d’une atteinte à une liberté fondamentale : on peut en effet se connecter en dehors de son domicile. D’autre part, la suspension des abonnements sera de courte durée, et elle n’interviendra qu’en dernier recours. Cette mesure est au surplus assortie de garanties relatives au respect de la vie privée, qui sont bien plus poussées que dans d’autres pays, où tout se passe directement entre les ayants droit et les fournisseurs d’accès. Les observations de la CNIL ont donc été prises en compte, et nous ferons de même quand il s’agira de rédiger les décrets d’application.

En ce qui concerne les recommandations formulées par l’ARCEP, nous veillerons naturellement à ce qu’un délai raisonnable soit respecté avant l’application des sanctions, afin que les opérateurs puissent procéder aux adaptations des réseaux qui s’imposeraient.

S’agissant de la Wi-Fi, je répète que l’on pourra enjoindre aux personnes morales, universités ou collectivités territoriales, par exemple, de sécuriser l’accès à internet, sans qu’une liste excessivement restreinte des sites autorisés soit dressée pour autant. Il est en effet possible de dresser un très large panel de sites, correspondant aux besoins des populations concernées, en veillant toutefois à interdire tout acte de piratage. Cela étant, je suis bien consciente que ce n’est pas nécessairement dans un jardin public que l’on ira s’installer pour se livrer à du piratage.

Quant à la Wi-Fi des particuliers, je rappelle qu’il est aisé de la sécuriser.

En matière économique, j’ai plutôt l’impression que cette loi favorisera l’essor d’un modèle nouveau en favorisant l’offre légale. En effet, comment les éditeurs pourraient-ils consacrer des efforts dans ce domaine si leur chiffre d’affaires s’effondre à cause du piratage ? Des investissements considérables sont nécessaires. D’autre part, on constate que l’offre légale n’a pas cessé de croître depuis deux ans, dans la perspective de l’adoption de ce texte. Le modèle économique que nous sommes en train d’adopter est tout sauf « ringard ».

Je rappelle également que les maisons de disques ont réalisé un geste d’ouverture très important en supprimant les DRM. L’interopérabilité permettra d’écouter de la musique sur différents supports, ce qui devrait rendre plus intéressante l’offre légale.

J’ai déjà répondu aux questions concernant le cryptage : on peut toujours inventer de nouveaux procédés pour contourner la loi, mais on peut également mettre au point de nouveaux contre-logiciels. De toute façon, nous ne visons pas un taux de réussite de 100 %, notre objectif étant de réduire significativement le piratage.

J’en viens aux sanctions encourues par l’abonné. Celui-ci encourt certes une responsabilité dans le cadre de son abonnement, cela va de soi, mais la sanction ne sera pas immédiate : il faudra au préalable qu’il reçoive une lettre recommandée, ce qui garantit qu’il sera conscient du problème de téléchargement. À cet égard, on n’est jamais certain qu’un mail parvienne à son destinataire, mais ce n’est pas le cas d’une lettre recommandée. L’abonné pourra donc prendre les mesures nécessaires si le téléchargement est en réalité le fait d’un tiers, par exemple de ses enfants.

Pour reprendre la comparaison avec le code de la route, il me paraît beaucoup plus grave d’être privé de son permis de conduire à la suite d’une infraction que de subir une suspension temporaire de son abonnement à internet. Je précise également que l’usager pourra dialoguer avec la Haute Autorité, puis exercer un recours devant le juge.

M. Patrick Bloche. Mais le recours ne pourra se faire qu’après la suspension !

Mme la ministre. L’usager sera en mesure d’établir sa bonne foi pendant la phase contractuelle s’il peut prouver, par exemple, qu’il n’était pas chez lui au moment des faits.

Quant à la proposition d’instaurer une licence globale, le problème n’a pas changé : il s’agit toujours d’un mécanisme d’expropriation des droits, dont on ne sait pas comment rémunérer le titulaire. J’ajoute que l’introduction d’un tel système aurait pour effet de décourager les éditeurs qui souhaiteraient développer l’offre légale.

Toutefois, je n’ai strictement rien contre les exemples de gratuité qui ont été évoqués, notamment le site deezer.com, à partir du moment où le modèle retenu permet la rémunération des ayants droit, de quelque façon que ce soit. Je peux d’ailleurs vous dire que M. Benassaya, l’un des dirigeants de deezer, est très favorable à ce texte. Je m’en suis aperçue en discutant avec lui lors du MIDEM. Le site, qui repose sur la technique du streaming, ne permet pas le téléchargement des œuvres, et une rémunération est versée aux ayants droit grâce aux recettes publicitaires. Il est de plus tout à fait possible de savoir qui est écouté.

M. Patrick Bloche. La SACEM dénonce pourtant l’injustice de la répartition entre les auteurs.

Mme la ministre. Mais la répartition existe. Comme je l’indiquais tout à l’heure à Mme la rapporteure pour avis, nous allons réfléchir, dans un second temps, à une meilleure rémunération des petits labels. Je répète toutefois que nous ne nous plaçons pas dans une logique d’expropriation des droits, laquelle est par ailleurs étrangère, dans son principe, au système des forfaits. Ceux-ci permettent en effet le téléchargement d’un certain nombre de titres en application d’accords conclus avec les sociétés d’auteurs.

M. Didier Mathus a parlé de M. Olivennes. Oserai-je lui rappeler que la FNAC réalise une plus grande part de son activité avec la vente d’ordinateurs qu’avec la vente de musique. Loin de représenter le secteur du disque, M. Olivennes était plutôt de l’autre côté du miroir.

À l’intention de M. Dionis du Séjour, je précise que ce texte ne contredit pas la LCEN. Seules seront modifiées les dispositions relatives aux responsabilités des hébergeurs, qui pourront recevoir l’injonction de mettre fin à l’hébergement de sites pirates localisés à l’étranger.

S’agissant de la chronologie des médias, je rappelle que de grands progrès ont déjà été réalisés. Le nombre des titres musicaux disponibles dans le cadre de l’offre légale s’est considérablement accru, de même que celui des films – on en compte aujourd’hui 3 200. Nous avons donc bien progressé, même si la question reste difficile : les exploitants sont en effet angoissés à l’idée que les œuvres leur échappent. En application de la loi, telle qu’elle a été adoptée par le Sénat, nous avons prévu qu’un délai minimal de quatre mois avant toute vente ou location des œuvres cinématographique pour l’usage privé serait fixé par décret avant le 31 mars prochain. Ce délai pourrait être réduit, avec l’accord de toutes les parties intéressées, si le film n’a fait qu’un passage fugitif dans les salles ; il pourrait en revanche être allongé pour les films remportant un grand succès.

En matière de prix, je reconnais qu’un problème global se pose. Toutefois, la question me semble indissociable de la TVA applicable aux biens culturels. Il y a aujourd’hui une très forte mobilisation en faveur de la réduction de son taux, car tout le monde y gagnerait.

J’ajoute, en dernier lieu, que je partage l’idée que la défense du droit d’auteur est un vrai sujet européen. Je me réjouis d’avoir pu inscrire cette question à l’ordre du jour de la présidence française de l’Union européenne, car cela a permis de faire évoluer les esprits.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Merci pour vos réponses, madame la ministre.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

La Commission examine pour avis les articles du présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 18 février 2009.

Chapitre ier

Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle

Il convient avant toute chose de rappeler la définition de termes utilisés régulièrement dans les débats ou dans le projet de loi, sur lesquels la rapporteure pour avis ne reviendra pas ensuite.

 Qu’entend-on par reproduction d’œuvres ou d’objets protégés ?

L’article 2 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information confère aux auteurs et aux titulaires de droits voisins le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire « la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie » de leurs œuvres ou objets protégés. Selon l’article L. 122-3 du code de la propriété intellectuelle, « la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. Pour les œuvres d’architecture, la reproduction consiste également dans l’exécution répétée d’un plan ou d’un projet type ».

 Qu’entend-on par communication ou représentation d’œuvres ou d’objets protégés ?

L’article 3 de la directive 2001/29/CE précitée confère aux auteurs et aux titulaires de droits voisins le droit exclusif « d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ».

Cette prérogative est reprise à l’article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle à travers la notion de « droit de représentation » : « La représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque ». Le code de la propriété intellectuelle cite, à titre d’exemple, la récitation publique, l’exécution lyrique, la représentation dramatique, la présentation publique, la projection publique et la transmission dans un lieu public de l’œuvre télédiffusée. Les titulaires de droits voisins sont, quant à eux, titulaires d’un droit de communication au public qui recouvre la prérogative consacrée à l’article 3 de la directive 2001/29/CE et le droit de représentation des auteurs.

 Qu’entend-on par mise à disposition d’œuvres ou d’objets protégés ?

L’article 3 de la directive 2001/29/CE précitée consacre le droit exclusif pour les auteurs d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. La mise à disposition vise spécifiquement la transmission interactive des œuvres sur les réseaux numériques.

Cette prérogative n’est pas expressément consacrée par le code de la propriété intellectuelle dans la mesure où elle constitue un démembrement du droit de représentation des auteurs (article L. 122-2 du code précité). Ce droit est en effet défini de manière très synthétique et couvre tous les modes de communications au public, notamment sur internet. De la même façon, les artistes-interprètes (article L. 212-2 du code précité), les producteurs de musique (article L. 213-1 du code précité) et de films (article L. 215-1 du code précité) se voient reconnaître un droit général de communication au public qui couvre la mise à disposition sur internet.

 Qu’entend-on par téléchargement d’œuvres ou d’objets protégés ?

Cette notion n’est pas définie expressément par la loi. Le téléchargement constitue un acte de reproduction au sens des articles L. 122-3, L. 212-3, L. 215-1 et L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle. Le droit de reproduction doit en effet être entendu largement comme couvrant toute fixation matérielle d’une œuvre par un procédé qui permet de la communiquer au public d’une manière indirecte.

 Qu’entend-on par hébergeur ?

L’article 6-I. 2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique définit les hébergeurs comme des « personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services ».

 Qu’entend-on par fournisseur d’accès à internet ?

L’article L. 32-3-4 du code des postes et des télécommunications le fournisseur d’accès à internet comme une « personne assurant une activité de transmission de contenus sur un réseau de télécommunications ou de fourniture d’accès à un réseau de télécommunications (…) ».

Par ailleurs, rappelons que les notions de « piratage », « piraterie » ou « atteinte aux droits d’auteur » recouvrent juridiquement une même réalité, à savoir le délit de contrefaçon défini à l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle comme « toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi ».

Soulignons également que les termes « DRM » (Digital Rights Management) et « mesures techniques de protection » ne recouvrent pas totalement la même réalité. Les DRM sont des systèmes qui permettent de gérer la distribution des contenus numériques et peuvent, à cette fin, intégrer ou non des mesures techniques de protection. Ils reposent à la fois sur une base de données qui contient les informations nécessaires à caractériser le contenu et les titulaires de droits sur une œuvre, et sur un accord d’obtention de licence qui prévoit les modalités d’utilisation de l’œuvre. Ainsi, telle que définie officiellement par la Commission générale de terminologie et de néologie (15), l’expression « gestion des droits numériques » ou GDN qui traduit Digital Rights Management ou DRM s’entend de la « mise en œuvre des différents procédés destinés à protéger les droits afférents à la diffusion de contenus sur supports numériques ». Cette définition très large permet d’inclure les mesures techniques et mais également les mesures d’identification.

Avant l’article 1er

La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau visant à instaurer un système de « licence collective étendue ».

Mme Martine Billard. La loi DADVSI a déjà permis un certain nombre d’améliorations sur cette question. Aujourd’hui, cependant, il convient d’aller plus loin en étendant le dispositif prévu notamment pour les œuvres musicales aux pratiques de téléchargement. Il s’agit en quelque sorte de l’établissement d’un mécanisme de licence globale. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit que d’une possibilité.

Mme la rapporteure pour avis. Je ne suis pas favorable à l’adoption de cet amendement. Nous avons déjà eu ce débat en 2006. Les artistes et les auteurs y sont majoritairement défavorables. Un tel dispositif de licence globale conduirait in fine à exproprier les droits des auteurs. Une déréglementation totale de l’usage des œuvres sur internet entraînerait un appauvrissement considérable de l’offre culturelle, en totale contradiction avec l’objectif de démocratisation culturelle qui doit être le nôtre.

La Commission rejette cet amendement.

Article 1er

Coordinations

Cet article opère, par coordination avec les nouvelles dispositions introduites par le présent projet de loi, notamment à l’article 2, un certain nombre de modifications formelles du code de la propriété intellectuelle. Ces coordinations sont principalement rendues nécessaires par la mise en place de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), créée par l’article 2 du présent projet de loi. Cette haute autorité remplacera l’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) actuellement opérationnelle.

Ces modifications visent principalement à :

− transférer les compétences de l’ARMT à l’HADOPI ;

− intégrer, par coordination, dans différents articles du code, les nouveaux articles créés par l’article 2 du présent projet de loi et relatifs aux nouvelles missions de l’HADOPI ;

− supprimer des dispositions devenues obsolètes du fait de la disparition de l’ARMT (notamment la composition et les modalités de fonctionnement de cette autorité).

Durant les débats au Sénat, ont été adoptés deux amendements de M. Michel Thiollière, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, avec l’avis favorable du Gouvernement :

− Le premier amendement tend à prévoir une possibilité de saisine pour avis de la Haute Autorité, dans le cadre de sa mission de régulation. En l’état actuel du droit, en application de l’article L. 331-7 du code de la propriété intellectuelle, l’ARMT peut être saisie par « tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service » en cas de différend résultant d’un refus d’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité. Elle peut également être saisie, en application de l’article L. 331-13 du même code, par « toute personne bénéficiaire des exceptions » au droit d’auteur de tout différend portant sur les restrictions que les mesures techniques de protection peuvent apporter au bénéfice de ces exceptions.

Les différentes exceptions aux mesures techniques autorisées par la loi

Rappelons qu’il existe deux grands types d’exceptions aux mesures techniques autorisées par la loi : l’exception à des fins de recherche et l’exception à des fins de sécurité informatique.

– S’agissant de l’exception à des fins de recherche, le considérant n° 48 de la directive 2001/29/CE précise que la protection juridique des mesures techniques « doit respecter le principe de proportionnalité et ne doit pas interdire les dispositifs ou activités qui ont, sur le plan commercial, un objet ou une utilisation autre que le contournement de la protection technique. Cette protection ne doit notamment pas faire obstacle à la recherche sur la cryptographie ». Dans sa décision du 27 juillet 2006, le Conseil constitutionnel a relevé que, « conformément au considérant 48 de la directive du 22 mai 2001 (…) et aux travaux préparatoires, la cause d’exonération prévue au bénéfice de la « recherche » par les nouveaux articles L. 335-3-1, L. 335-3-2, L. 335-4-1 et L. 335-4-2 du code de la propriété intellectuelle doit s’entendre de la recherche scientifique en cryptographie et à condition qu’elle ne tende pas à porter préjudice aux titulaires des droits ». L’article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle préserve par ailleurs l’exception prévue à l’article L. 122-6-1 du même code au profit des chercheurs et développeurs pratiquant la décompilation ou l’ingénierie inverse à des fins d’interopérabilité en matière de logiciels.

– S’agissant de l’exception à des fins de sécurité informatique, les systèmes de gestion électronique des droits protègent les contenus par la mise en œuvre de procédés techniques fermés, parfois indécelables, et inaccessibles à l’utilisateur. Ces dispositifs techniques peuvent également permettre de dissimuler certaines fonctions étrangères à la protection des contenus susceptibles de mettre à mal la sécurité du système informatique sur lequel le dispositif de protection est déployé : envoi furtif d’informations vers un serveur distant, dissimulation de certaines parties du programme à la vue de l’ordinateur… Les mesures techniques de protection peuvent ainsi menacer la sécurité du système de l’utilisateur et des données personnelles qu’il contient. L’exception en matière de sécurité informatique vise à préserver les activités nécessaires pour identifier, analyser et corriger les failles de sécurité existantes dans une mesure technique. Elle permet en effet de révéler la dangerosité éventuelle de telles mesures, ainsi que leurs éventuelles vulnérabilités, dont la connaissance peut utilement éclairer le choix de ceux qui choisissent de les utiliser. Cette exception est confortée par l’article 15 de la loi DADVSI du 1er août 2006 qui confie au Secrétariat général de la défense nationale l’examen des logiciels qui permettent le contrôle à distance des fonctionnalités d’un ordinateur ou qui donnent accès à des données personnelles au regard des menaces qu’ils sont susceptibles de comporter pour la sécurité des États et pour le respect de la vie privée.

Mais ces dispositions sont pour le moment restées sans effet pratique, l’ARMT n’ayant fait l’objet d’aucune saisine à ce titre. Selon M. Michel Thiollière, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat, cela s’explique par le fait que « les coûts liés à la procédure [sont] mis à la charge du demandeur en cas de rejet de sa demande [et] constituent sans doute un frein à la mise en œuvre de la régulation publique prévue par la loi ».

À l’avenir, la disposition, telle que votée par le Sénat, prévoit, en parallèle des dispositions actuelles de saisine en cas de différend, une possibilité de saisine pour avis de la Haute Autorité « par l’une des personnes visées à l’article L. 331-38 [article L. 331-7 dans la rédaction actuelle du code] de toute question relative à l’interopérabilité des mesures techniques ». Il s’agira donc comme aujourd’hui des éditeurs de logiciel, des fabricants de système technique et des exploitants de service. Elle prévoit également une possibilité de saisine pour avis « par une personne bénéficiaire de l’une des exceptions » au droit d’auteur « de toute question relative à la mise en œuvre effective des exceptions ».

Les conditions dans lesquelles la Haute Autorité sera amenée à répondre à ces saisines seront fixées par décret.

− Le second amendement supprime des dispositions superfétatoires, initialement prévues au dernier alinéa (M.) de l’article 1er, les articles en question étant implicitement abrogés, puisqu’insérés dans une nouvelle rédaction à l’article 2 du présent projet de loi.

*

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 1er sans modification.

Article additionnel après l’article 1er

Régime de cession des
œuvres pour une publication de presse

La Commission examine un amendement de M. Christian Kert visant à instituer un support juridique pour la publication dœuvres journalistiques sur internet.

M. Christian Kert, président. Il sagit de la question importante des droits dauteurs des journalistes. La réflexion gouvernementale sur cette question est aujourdhui en cours. Cest un vrai sujet que le sort des articles de la presse écrite repris sur internet. Aujourdhui règne un flou juridique. Je vous propose ici de reprendre une des propositions de mon avis budgétaire n° 1199 sur les crédits du programme « Médias » du projet de loi de finances pour 2009 que jai présenté à la Commission à lautomne. Dici la séance publique le Gouvernement pourra, le cas échéant, encore enrichir le présent dispositif.

Suivant lavis favorable de la rapporteure pour avis, la Commission adopte cet amendement.

Article 1er bis

Modification par coordination de l’intitulé
d’un titre du code de la propriété intellectuelle

Cet article additionnel est issu d’un amendement de M. Michel Thiollière, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement. Il complète l’intitulé du titre III du livre III du code de la propriété intellectuelle, afin de prendre en compte le caractère principalement préventif des dispositions prévues aux articles 1er à 7 du présent projet de loi. En l’état actuel du droit, ce titre s’intitule en effet « Procédures et sanctions ». Les sénateurs proposent que l’intitulé soit à l’avenir le suivant : « Prévention, procédures et sanctions ».

*

La Commission donne un avis favorable à ladoption de larticle 1er bis sans modification.

Article 2

Organisation et missions de la Haute Autorité pour la diffusion des
œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI)

L’article 2 du présent projet de loi constitue le cœur du présent projet de loi puisqu’il transcrit dans la loi une des principales recommandations du rapport Olivennes en créant et en organisant le fonctionnement de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI).

Cet article complète le chapitre Ier du titre III du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle par une section III intitulée « Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet » (HADOPI). La rapporteure pour avis se réjouit que cet intitulé reprenne très clairement les deux volets indissociables des Accords de l’Élysée du 28 novembre 2007 : le développement de l’offre légale parallèlement à une meilleure protection des droits des auteurs.

Cette section est composée de trois sous-sections, la première définissant les compétences, la composition et l’organisation de la Haute Autorité, la deuxième détaillant sa mission de protection des œuvres et objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin et la dernière précisant ses missions d’encouragement de l’offre légale et d’observation de l’utilisation illicite d’œuvres et d’objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin sur internet. Cette nouvelle section se compose des articles L. 331-12 à L. 331-36 du code de la propriété intellectuelle.

1. Compétences, composition et organisation de l’HADOPI

Ces dispositions sont très largement identiques à celles prévalant pour toutes les autorités administratives indépendantes, s’agissant notamment des modalités de nomination, de la durée des mandats, des incompatibilités, des pouvoirs des membres, etc. Selon les informations communiquées par le Gouvernement, différents modèles, dont ceux de l’Autorité des marchés financiers (AMF), du Conseil de la concurrence ou de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), ont inspiré la rédaction du projet de loi.

Composition de l’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT)
(article L. 331-20 du code de la propriété intellectuelle)

L’ARMT est composé de cinq membres :

– un conseiller d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État ;

– un conseiller à la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

– un conseiller-maître à la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes ;

– un membre désigné par le président de l’Académie des technologies ;

– un membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique désigné par le président de celui-ci.

 Composition de l’HADOPI

Selon les termes du nouvel article L. 331-14 du code de la propriété intellectuelle (alinéa 14), l’HADOPI est composée de deux instances :

− un collège, qui exerce, « sauf disposition contraire », l’ensemble des missions confiées à la Haute Autorité (alinéa 15) ;

− une commission de protection des droits, chargée, selon les termes de l’article L. 331-16 du même code (alinéa 30), « de prendre les mesures prévues aux articles L. 331-24 à L. 331-29 et à l’article L. 331-31 », c’est-à-dire d’assurer la protection des œuvres et objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin.

Comme le rappelle le sénateur Michel Thiollière dans son rapport, « le fait de scinder la Haute Autorité en deux entités distinctes et « étanches » présente l’inconvénient de la complexité mais a pour avantage de garantir l’impartialité de la commission, composée (…) exclusivement de hauts fonctionnaires ayant la qualité de magistrats ou chargés de fonctions juridictionnelles, et employant des agents habilités. Ce schéma s’inspire de celui ayant présidé à la création de l’Autorité des marchés financiers » (16). La rapporteure pour avis partage ce point de vue.

Vacance, révocation, démission ou empêchement des membres de l’HADOPI
(articles L. 331-15 et 16 – nouveau – du code de la propriété intellectuelle)

Vacance d’un poste

(alinéas 27 et 37)

Quelque en soit la cause, un nouveau membre est nommé, mais seulement pour la durée du mandat restant à courir (voir modalités de nomination ci-après).

Révocation du mandat

(alinéas 28 et 38)

Impossible, sauf empêchement.

Renouvellement du mandat

(alinéas 28 et 38)

Impossible, sauf si la durée du mandat n’a pas excédé deux ans.

Démission d’un membre

(alinéas 29 et 39)

Possible, avec application de la procédure liée à la vacance d’un poste.

Empêchement d’un membre

(alinéas 29 et 39)

En cas d’empêchement, il ne peut être mis fin aux fonctions d’un membre. Cet empêchement doit être constaté par le collège « dans les conditions qu’il définit ».

La notion d’empêchement, que l’on retrouve dans le code civil en matière contractuelle et délictuelle, est proche de la force majeure : elle vise des évènements imprévisibles et irrésistibles qui rendent impossible l’exécution d’une obligation. L’HADOPI définira les conditions de constat de l’empêchement. Par exemple, la CNIL considère comme empêché le commissaire absent sans raison à quatre séances consécutives de la Commission (17).

– Les membres du collège

Selon les termes des alinéas 17 à 23, le collège de la Haute Autorité sera composé de neuf membres, trois magistrats ou fonctionnaires chargés de fonctions juridictionnelles en activité (Conseil d’État, Cour de cassation et Cour des comptes), un membre désigné par le président de l’Académie des technologies, compétent en matière de technologies de l’information, un membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) (18) désigné par le président de ce Conseil, mais également quatre personnalités qualifiées, « désignées sur proposition conjointe des ministres chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture ». Ces membres sont nommés pour six ans par décret du Premier ministre.

L’ajout de ces personnalités qualifiées est important, car cela permettra de mieux assurer la représentation de l’ensemble des acteurs du secteur (fournisseurs d’accès à internet, association d’internautes et représentants des milieux culturels).

Suite à l’adoption d’un amendement de Mme Catherine Morin-Desailly, suivant l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, le Sénat a prévu que le président du collège devra être élu par les membres du collège parmi les magistrats, et non plus nommé comme initialement prévu par le projet de loi (alinéa 24).

Cette élection, actuellement prévue pour le président de l’ARMT, vise à renforcer l’indépendance du collège, on ne peut donc que s’en féliciter.

– Les membres de la commission de protection des droits

La commission de protection des droits est composée de trois membres, tous magistrats ou fonctionnaires chargés de fonctions juridictionnelles en activité (Conseil d’État, Cour de cassation et Cour des comptes), différents de ceux du collège, les fonctions de membre du collège et de membre de la commission de protection des droits étant incompatibles (alinéa 40).

Par ailleurs, le texte reprend, pour les membres du collège et de la commission, les incompatibilités actuellement prévues pour les membres de l’AMRT à l’article L. 331-19 du code de la propriété intellectuelle. Le tableau ci-dessous récapitule ces incompatibilités, ainsi que les sanctions prévues en cas de prise illégale d’intérêt après la fin du mandat (alinéas 41 à 44).

Incompatibilités et sanctions en cas de prise illégale d’intérêt
(article L. 331-17 du code de la propriété intellectuelle)

Pendant le mandat

(alinéa 41 et 43)

(alinéa 44)

Incompatibilités avec (19) :

− les fonctions de dirigeant, de salarié ou de conseiller d’une société de perception et de répartition de droit, d’une entreprise exerçant une activité de production de musique, de films, d’œuvres ou de programmes audiovisuels, d’une entreprise offrant des services de téléchargement ou de partage d’œuvres et d’objets protégés par le droit d’auteur ou par les droits voisins ;

− les fonctions de dirigeant, de salarié ou de conseiller d’une entreprise de communication audiovisuelle ou d’édition de logiciels (amendement de la commission des affaires culturelles du Sénat, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement) ;

− la détention directe ou indirecte d’intérêts dans une entreprise exerçant une des activités mentionnées ci-dessus.

Par ailleurs, interdiction de participer à une délibération de la Haute Autorité concernant une entreprise ou une société contrôlée par une entreprise dans laquelle il a, au cours des trois années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat.

Après le mandat
(alinéa 42)

Sanction en cas de prise illégale d’intérêts

(amendement de la commission des affaires culturelles du Sénat adopté avec l’avis favorable du Gouvernement)

Application de l’article 432-13 du code pénal :

« Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d’une administration publique, dans le cadre des fonctions qu’elle a effectivement exercées, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l’autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l’une de ces entreprises avant l’expiration d’un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions.

« Est punie des mêmes peines toute participation par travail, conseil ou capitaux dans une entreprise privée qui possède au moins 30 % de capital commun ou a conclu un contrat comportant une exclusivité de droit ou de fait avec l’une des entreprises mentionnées au premier alinéa ».

 Compétences et missions de l’HADOPI

Les compétences de l’HADOPI sont définies aux articles L. 331-13 et L. 331-13-1 du code de la propriété intellectuelle (alinéas 7 à 13).

L’HADOPI est chargée :

− d’encourager le développement de l’offre commerciale légale et d’observation de l’utilisation sur internet des œuvres et des objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin (alinéa 8) ;

− de protéger ces œuvres et ces objets contre le piratage sur internet (alinéa 9) ;

− d’assurer la régulation et la veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres et des objets protégés par le droit d’auteur ou par les droits voisins, ces missions étant déjà actuellement remplies par l’ARMT (alinéa 10).

Cette nouvelle rédaction des alinéas 8 à 10 est issue d’un amendement du rapporteur de la commission des affaires culturelles, sous-amendé par Mme Catherine Morin-Desailly, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement. Elle a pour but, d’une part, d’afficher la priorité accordée au développement de l’offre légale (en inversant l’ordre de présentation des missions) et de compléter la mission de l’HADOPI correspondant à ce volet. Il s’agit de « favoriser un changement des comportements des internautes, afin que l’usage légal de la consommation de biens culturels via internet prenne le pas sur son usage illicite, évolution elle-même liée à l’attractivité croissante de l’offre légale » (20). D’autre part, cette nouvelle rédaction vise à inclure la notion de « veille », régulation et veille étant liées.

Cette modification permet également d’élargir les missions de l’HADOPI : elle pourra recommander toute modification législative ou réglementaire nécessaire au bon fonctionnement du secteur. Elle devra par ailleurs être « consultée par le Gouvernement sur tout projet de loi ou de décret intéressant la protection des droits de propriété littéraire et artistique ». Elle pourra également être consultée par le Gouvernement ou par les commissions parlementaires sur toute question relative à ses domaines de compétence (alinéa 11).

Si le Gouvernement le lui demande, elle intervient également dans la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans le domaine de la protection des droits de propriété littéraire et artistique sur les réseaux numériques (alinéa 12).

Enfin, selon les termes de l’alinéa 13 du présent article, issu d’un amendement du rapporteur de la commission des affaires culturelles du Sénat adopté avec l’avis favorable du Gouvernement, l’HADOPI devra remettre « chaque année au Gouvernement et au Parlement un rapport rendant compte de son activité, de l’exécution de ses missions et de ses moyens, et du respect de leurs obligations et engagements par les professionnels des différents secteurs concernés. Ce rapport est rendu public ».

 Organisation et moyens humains et financiers de l’HADOPI

Le nouvel article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle (alinéa 6) dispose que l’HADOPI est une autorité administrative indépendante, dotée de la personnalité morale. De ce fait, dans l’exercice de leurs attributions, les membres de l’HADOPI ne peuvent recevoir d’instruction d’aucune autorité (alinéa 16).

Le projet de loi ne prévoyait initialement pas d’accorder la personnalité morale à l’HADOPI, l’ARMT n’en disposant actuellement pas. La commission des affaires culturelles du Sénat a défendu, contre l’avis du Gouvernement, cette solution, afin d’affirmer encore plus clairement l’indépendance de l’autorité. La rapporteure pour avis se félicite de cette initiative. Par ailleurs, comme le rapporteur du Sénat, M. Michel Thiollière, il estime que cela lui permettra « également une plus grande réactivité dans ses actes de gestion » et renforcera « la souplesse de son fonctionnement (en matière à la fois financière, patrimoniale et de gestion administrative et des ressources humaines) » (21).

Pour réaliser ses missions, l’article L. 331-18 du même code prévoit que l’HADOPI dispose de services et d’un secrétaire général, nommé par le président, chargé de leur fonctionnement et de leur coordination (alinéa 45). Les rapporteurs instruisant les dossiers, qui sont des personnes extérieures à l’HADOPI, sont nommés par le président (alinéa 47). Ces dispositions reprennent en grande partie l’actuel article L. 331-20 du code de la propriété intellectuelle, relatif à l’organisation de l’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) (22).

Par ailleurs, un amendement de la commission des affaires culturelles du Sénat, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement, prévoit que l’HADOPI est autorisée à faire appel à des experts ou à d’autres autorités administratives, organismes, associations représentatives des utilisateurs d’internet. Elle peut également être consultée pour avis par ces mêmes autorités ou organismes (alinéa 48). Rappelons que l’article 1er du projet de loi, tel qu’amendé par le Sénat, précise que la Haute Autorité peut également être saisie pour avis par l’une des personnes visées à l’article L. 331-38 du code de la propriété intellectuelle de toute question relative à l’interopérabilité des mesures techniques. Elle peut également être saisie pour avis, par une personne bénéficiaire de l’une des exceptions garanties ou par la personne morale agréée qui la représente, de toute question relative à la mise en œuvre effective des exceptions.

La possibilité de faire appel à des experts est prévue pour l’ARMT dans l’actuel article L. 331-20 du code de la propriété intellectuelle. Selon M. Michel Thiollière, « compte tenu du haut degré de technicité des questions relevant de ses domaines de compétences, le recours ponctuel à des expertises ou avis extérieurs pourrait s’avérer fort utile, dans un souci d’efficacité » (23). La possibilité de faire appel à des organismes extérieurs ou des associations représentatives des utilisateurs d’internet est issue d’un sous-amendement de M. Yves Pozzo di Borgo, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement et de la commission.

Les moyens budgétaires de l’HADOPI sont votés dans le cadre du projet de loi de finances initial, la Haute Autorité formulant une proposition sur le montant des crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions (alinéa 49).

Rappelons que ce sont 6,7 millions d’euros qui ont été votés dans le cadre de la loi de finances pour 2009, inscrits au budget de la mission « Culture » pour la mise en place et le fonctionnement de cette Haute Autorité en 2009.

Budget de l’HADOPI en 2009

Frais de personnels (permanents)

0,9

Indemnités des membres du collège et des rapporteurs

0,2

Frais de fonctionnement dont :

− dépenses informatiques

− mise sous pli et envoi des lettres recommandées

− permanence téléphonique d’information et frais de fonctionnement divers

5,6

2

3

0,6

Source : projet de loi de finances pour 2009.

Le projet de loi de finances prévoit par ailleurs la mise à disposition de 7 emplois en équivalents temps plein, créés sur le plafond d’emplois de la mission « Culture ». Selon les informations communiquées à la rapporteure pour avis, les autres emplois n’ont pas vocation à être occupés par des agents titulaires de l’État, mais plutôt par des contractuels.

Le contrôle des comptes de l’autorité est réalisé a posteriori, comme pour toute autorité indépendante, par la Cour des comptes (alinéa 50), l’HADOPI n’étant donc pas soumise à un contrôle financier a priori des dépenses engagées.

 Devoirs et pouvoirs des membres et agents publics de l’HADOPI

Le nouvel article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle (alinéa 57) prévoit, de manière relativement classique pour des sujets touchant de près les libertés individuelles, que « les membres et les agents publics de la Haute Autorité sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, dans les conditions prévues à l’article 413-10 du code pénal et, sous réserve de ce qui est nécessaire à l’établissement des avis, des recommandations et des rapports, à l’article 226-13 du même code ».

Rappelons que l’article 413-10 du code pénal dispose qu’est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait pour ces personnes soit d’utiliser un document, une donnée informatisée ou un fichier, soit de le détruire, de le détourner, de le soustraire ou de le reproduire, soit de le porter à la connaissance du public ou d’une personne non qualifiée.

L’article 226-13 du code pénal prévoit quant à lui que « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

– Cas particulier des membres et agents publics de la commission de protection des droits

Selon les termes du nouvel article L. 331-20 du code de la propriété intellectuelle (alinéa 52), la commission de protection des droits dispose « d’agents publics assermentés habilités par le président de la Haute Autorité dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État » pour exercer ses missions. Ce dispositif est proche de celui existant pour les agents de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), puisque le dernier alinéa de l’article 19 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés précise que « ceux des agents qui peuvent être appelés à participer à la mise en œuvre des missions de vérification mentionnées à l’article 44 [en matière de contrôle des traitements de données] doivent y être habilités » par la CNIL. La nécessité de l’assermentation a été ajoutée au Sénat, suite à un amendement du rapporteur de la commission des affaires culturelles, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement. Il s’agit d’accroître l’indépendance et l’efficacité des agents de la commission de protection des droits de l’HADOPI tout en apportant des garanties supplémentaires en matière de protection des libertés individuelles. Rappelons que cette formalité est prévue à l’article L. 331-22 du code de la propriété intellectuelle pour les organismes autorisés à saisir l’HADOPI et à l’article L. 5-9 du code des postes et des communications électroniques, pour les agents chargés de réaliser des enquêtes auprès de l’ARCEP.

L’alinéa 53 du présent article prévoit que les membres et les agents de la commission reçoivent les saisines adressées à la commission dans les conditions prévues à l’article L. 331-22 (24), c’est-à-dire adressées par les agents assermentés désignés par les ayants droit. Le projet de loi initial prévoyait la seule compétence des agents pour recevoir ces saisines. Les sénateurs, le Gouvernement s’en remettant à leur sagesse, ont précisé que les membres de la commission pouvaient aussi les recevoir, par parallélisme avec les dispositions prévues pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). En pratique, les saisines seront reçues et traitées par les agents assermentés de l’HADOPI et soumises à la décision des membres.

Les membres et les agents de la commission doivent ensuite procéder à l’examen des faits et constater la réalité du manquement soulevé dans la saisine. Pour ce faire, ils peuvent obtenir tous documents ou toute copie de documents, quel qu’en soit le support, y compris les données conservées par les opérateurs de communications électroniques, notamment l’identité, l’adresse postale, l’adresse électronique et les coordonnées téléphoniques de l’abonné dont l’accès à internet a permis la réalisation d’un acte de piratage d’œuvres protégées (alinéas 54 à 56). Ces données sont conservées par les opérateurs dans les conditions prévues par l’article 34-1 du code des postes et communications électroniques. Cet article dispose que, si les opérateurs, « et notamment les personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne », c’est-à-dire les fournisseurs d’accès, doivent effacer ou rendre anonyme toute donnée relative au trafic, ces opérations sont différées pour certaines catégories de données techniques et pour une durée maximale d’un an. Il s’agit notamment de permettre leur mise à disposition de l’autorité judiciaire dans le cadre de procédures pénales ou leur utilisation pour les besoins de la facturation ou des actions en recouvrement. L’article 9 du présent projet de loi modifie l’article 34-1 du code des postes et communications électroniques afin que les agents de la commission de l’HADOPI puissent se voir communiquer ces données (25).

Comme le souligne le rapporteur du Sénat, « ces informations seront nécessaires pour permettre l’envoi, par la commission de protection des droits, de messages d’avertissement par la voie électronique (les « recommandations » prévues par l’article L. 331-24), et, le cas échéant, c’est-à-dire en cas de « récidive », l’envoi d’une lettre en recommandé avec accusé de réception au domicile de l’abonné » (26). Par ailleurs, la spécificité de l’approche française est bien, on le voit ici, d’interposer une autorité publique présentant des garanties d’indépendance et d’impartialité entre les ayants droit et les opérateurs, contrairement à ce qui se passe par exemple aux États-Unis où ce sont des mécanismes contractuels qui prévalent, les ayants droit saisissant directement les fournisseurs d’accès à internet.

Néanmoins, suite aux auditions qu’il a réalisées, et comme le rapporteur du Sénat, la rapporteure pour avis s’inquiète de potentielles difficultés relatives à la collecte de ces données dans certains cas.

Les difficultés liées au nomadisme des internautes

« La question du « nomadisme » a été mise en exergue, notamment, par les membres du Conseil général des technologies de l’information (CGTI). Ces pratiques, permettant d’avoir accès à internet sans être connecté depuis une liaison fixe, à son domicile ou sur son lieu de travail, sont de plus en plus répandues. Elles reposent sur :

« – les « cartes 3 G » proposées par les opérateurs, permettant d’avoir, sur l’ensemble des zones couvertes par le réseau, un accès à internet depuis son ordinateur portable personnel ou son téléphone mobile ;

« – le développement des zones « Wi-Fi », offrant un accès sans fil aux réseaux numériques locaux ; cela permet, en un lieu donné clairement délimité, à titre gratuit ou payant, de se connecter à internet depuis son ordinateur portable, dès lors que celui-ci est doté des équipements requis. Selon les informations transmises à votre rapporteur, on compte aujourd’hui environ 400 points d’accès Wi-Fi (ou « hotspot ») à Paris, où la durée moyenne de connexion est de 45 minutes ; au total, il existerait, selon les estimations fournies, un peu moins de un million de points d’accès gratuits, dans les mairies, administrations, hôpitaux, lycées, universités et résidences universitaires, ou encore les gares, aéroports, hôtels, bars ou autres lieux de restauration…

« Dans ces situations, de même que dans les autres lieux proposant un accès collectif à internet, tels que les entreprises, administrations ou encore les « cybercafés », l’adresse IP renvoie à cet accès collectif et ne permet pas, pour le moins directement, d’établir une correspondance avec l’internaute contrevenant.

« C’est pourquoi le projet de loi devrait inciter, dans ces situations, la mise en œuvre de moyens permettant de prévenir les actes de piratage. Tel est d’ailleurs déjà le cas dans certaines entreprises ou administrations bloquant l’accès à des sites de pair-à-pair par exemple, par l’installation de logiciels « pare-feu » notamment, ou encore diffusant, en interne, une « charte des usages d’internet ».

Source : rapport n° 53 de M. Michel Thiollière au nom de la commission des affaires culturelles, 22 octobre 2008.

2. Mission de la commission de protection des droits : protection des œuvres et objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin

Cette mission est détaillée aux articles L. 331-22 à L. 331-35 du code de la propriété intellectuelle, créés par le présent article du projet de loi.

Le nouvel article L. 331-22 du code de la propriété intellectuelle dispose clairement que la commission ne peut agir que sur saisine d’agents « assermentés et agréés dans les conditions définies à l’article L. 331-2 » (alinéa 62) et pour des faits remontant à moins de six mois (alinéa 67).

Rappelons que l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « la preuve de la matérialité de toute infraction (…) peut résulter des constatations d’agents assermentés désignés selon les cas par le Centre national de la cinématographie, par les organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1 et par les sociétés mentionnées au titre II du présent livre. Ces agents sont agréés par le ministère chargé de la culture dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État ». Ces agents peuvent dans le cas présent être désignés par les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués (27), les sociétés de perception et de répartition des droits ou le Centre national de la cinématographie (alinéas 63 à 65). Rappelons qu’en vertu du  de l’article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, ces mêmes organisations sont habilitées à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dans le cadre d’une infraction aux droits de leurs membres.

Ce sont donc bien les ayants droit qui sont chargés de repérer les actes illicites, puis de transmettre à l’HADOPI les informations afférentes. Comment détectent-ils effectivement les atteintes aux droits d’auteur ? Les agents assermentés des sociétés de gestion collective et des organismes de défense professionnelle peuvent constater les infractions en utilisant les logiciels de partage de fichiers, soit de façon manuelle comme n’importe quel internaute, soit éventuellement de façon automatisée. Ces sociétés et organismes ont recours aux services de prestataires qui disposent des moyens techniques nécessaires à la mise en œuvre traitements automatisés. Les logiciels utilisés peuvent varier car il n’existe pas un seul prestataire et ils peuvent également être paramétrés différemment suivant les catégories d’ayants droit. Les ayants droit ont, à ce stade, privilégié des approches séparées compte tenu de la spécificité de chaque secteur de création, mais qui font intervenir un nombre limité d’acteurs pour le compte de tous les autres : association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) pour le cinéma, société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et société civile des producteurs phonographiques (SCPP) pour la musique.

Selon les informations communiquées à la rapporteure pour avis, en règle générale, ces dispositifs comportent, comme les logiciels de peer to peer classiques, un moteur de recherche permettant d’effectuer des requêtes sur la base du nom d’un fichier. Une fois la requête effectuée, le dispositif affiche en réponse une liste de fichiers dont les caractéristiques correspondent au fichier sur lequel porte la vérification.

C’est à cette occasion que sont collectées les informations nécessaires pour dresser le procès-verbal, à savoir, l’adresse IP de la machine connectée, le nom du fournisseur d’accès ayant affecté cette adresse IP, le pays d’origine, le cas échéant, le pseudonyme utilisé, le protocole de communication de peer to peer concerné, la date et l’heure de mise à disposition du fichier, le pourcentage de détention du fichier, le nombre de machines téléchargeant à partir de cette source, le mot-clé de désignation du fichier, la taille du fichier, la clé d’identification électronique unique du fichier, la qualité de compression et le débit potentiel de téléchargement à partir de la source mettant à disposition le fichier. La recherche des œuvres téléchargées illégalement est simplifiée dès lors que les œuvres concernées ont au préalable fait l’objet d’un « marquage ». Cette technique consiste à intégrer dans l’œuvre un identifiant associé à l’identité de la personne à laquelle elle sera remise ce qui permet lors de la surveillance des œuvres circulant sur les réseaux de détecter et d’identifier la personne à la source de la mise à disposition.

Un nombre limité d’œuvres protégées (quelques dizaines de milliers) sont surveillées, c’est-à-dire une très petite partie des différents fichiers échangés sur les réseaux peer to peer qui en comportent plusieurs dizaines de millions (28).

Les investigations effectuées par les agents assermentés sur internet ne se limitent pas aux réseaux d’échanges de fichiers peer to peer, mais peuvent également viser les sites de ventes aux enchères, les sites de petites annonces ou encore ceux proposant le téléchargement d’œuvres à titre payant ou non (forum, blog…).

Parallèlement, la commission pourra agir « sur la base d’informations qui lui sont transmises par le procureur de la République » (alinéa 66), lorsque, par exemple, le juge décidera de classer une affaire de faible gravité au plan pénal.

La procédure, clairement graduée en trois temps, est détaillée aux articles L. 331-24 et L. 331-25 du même code. Toutes les sanctions (articles L. 331-25, L. 331-29 et L. 331-31 du code de la propriété intellectuelle) peuvent faire l’objet de recours en annulation ou réformation devant les tribunaux de l’ordre judiciaires (alinéas 81, 94 et 103). Elles peuvent également faire l’objet d’un sursis à exécution selon des modalités définies par décret en Conseil d’État (alinéas 82, 95 et 104).

Par ailleurs, le nouvel article L. 331-23 du code de la propriété intellectuelle prévoit que le principe de proportionnalité entre la sanction et la gravité du manquement doit être appliqué par l’HADOPI, les mesures qu’elle prendra devant être « limitées à ce qui est nécessaire pour mettre un terme au manquement d’un abonné à l’obligation de veiller à l’usage licite de son accès à internet » (alinéa 68). Dans ce cadre, on comprend mieux que la suspension de l’accès à internet ne devra pas porter sur les services de téléphonie et de télévision, dans le cas d’un abonnement global incluant ces trois services (offres triple play).

a) L’envoi de recommandations

Selon les termes du nouvel article L. 331-24 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’elle est saisie de faits de piratage, dans un premier temps, la commission envoie à l’abonné par courrier électronique, « sous son timbre et pour son compte », par l’intermédiaire de son fournisseur d’accès à internet, une « recommandation » (alinéa 69), dont le but est le suivant :

− lui rappeler les dispositions de l’article L. 336-3 du code précité ;

Article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle
(article 6 du projet de loi dans sa rédaction issue du Sénat)

« La personne titulaire de l’accès à des services de communication au public en ligne a l’obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin sans l’autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu’elle est requise.

« Le fait, pour cette personne, de manquer à l’obligation définie au premier alinéa peut donner lieu à sanction, dans les conditions définies par l’article L. 331-25.

« La responsabilité du titulaire de l’accès ne peut être retenue dans les cas suivants :

« 1° Si le titulaire de l’accès a mis en œuvre l’un des moyens de sécurisation figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 331-30 ;

« 2° Si l’atteinte aux droits visés au premier alinéa est le fait d’une personne qui a frauduleusement utilisé l’accès au service de communication au public en ligne, à moins que cette personne ne soit placée sous l’autorité ou la surveillance du titulaire de l’accès ;

« 3° En cas de force majeure. »

− lui enjoindre de respecter cette obligation ;

− l’avertir des sanctions encourues en cas de renouvellement du manquement ;

− l’informer des « dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites pour la création artistique ».

Cette dernière disposition est issue d’un amendement sénatorial de Mme Catherine Morin-Desailly, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur. Cette précision est effectivement utile en ce qu’elle permettra de sensibiliser les abonnés et leur entourage aux dangers du piratage pour l’économie de la création artistique.

Dans un deuxième temps, en cas de renouvellement d’un acte de piratage, dans un délai de six mois à compter de l’envoi de la première « recommandation », la commission peut adresser une nouvelle recommandation par la voie électronique, dans les mêmes conditions que la première (alinéa 71).

Cette deuxième recommandation peut s’accompagner d’une lettre remise contre signature avec accusé de réception. L’exposé des motifs du projet de loi précise pourtant qu’« afin de garantir l’efficacité pédagogique du dispositif, la commission de protection des droits usera de cette faculté de façon systématique, sauf circonstances particulières ».

Ce pouvoir d’appréciation qui laisse à l’HADOPI la possibilité ou non d’en passer dès la deuxième recommandation à une lettre recommandée renforce le caractère quasi-juridictionnel de l’HADOPI et la souplesse dans la mise en œuvre – ou pas – du stade suivant de la procédure. Même si la procédure sera largement automatisée, l’HADOPI doit conserver ce pouvoir d’appréciation afin d’être notamment en mesure de traiter ou non certaines contestations et de choisir, selon la gravité des cas, entre les différentes mesures qu’elle peut prendre.

Suite à l’adoption d’un amendement de Mme Marie-Christine Blandin, avec l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, les alinéas 70 et 72 prévoient que les deux recommandations envoyées ne divulguent pas « les contenus des éléments téléchargés ou mis à disposition », afin de mieux prendre en considération la protection de la vie privée et le respect des convictions de tous. Comme l’a rappelé Mme Alima Boumediene-Thiery en séance publique, « cela relève du bon sens : lorsqu’une personne est amenée à télécharger des contenus vidéo ou audio, elle le fait dans l’intimité de son domicile ou, peut-être, sur son lieu de travail. Dans tous les cas, cette personne ne s’attend pas à ce que le contenu de ce qu’elle télécharge soit divulgué à d’autres personnes, d’autant que ce que les individus téléchargent et le contenu des vidéos qu’ils conservent dans leur ordinateur relèvent très souvent de ce qu’il y a de plus intime ».

Par ailleurs, ces recommandations constituant de simples rappels à la loi, elles ne font pas grief par elles-mêmes et ne peuvent donc faire l’objet d’un recours « qu’à l’appui d’un recours dirigé contre une décision de sanction » (alinéa 73). Pour autant, suite à l’adoption d’un amendement de M. Serge Lagauche, avec l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, cet alinéa dispose malgré tout que l’abonné qui reçoit ces recommandations pourra adresser des observations à la commission.

En effet, comme l’indiquait Mme Catherine Tasca en séance publique, « il est évident que l’HADOPI pourra être amenée à envoyer des recommandations jugées abusives par certains destinataires. Ces internautes voudront bien entendu contester une injonction leur paraissant injustifiée. Il nous semble donc opportun de prévoir la mise en place d’une hotline sur laquelle ceux-ci pourront faire valoir leurs observations auprès de l’HADOPI. Cette procédure serait de nature à garantir davantage les droits des internautes. La mise en place de cette hotline de l’HADOPI se justifie d’autant plus que le premier réflexe d’un internaute à qui aura été adressée une recommandation sera de la contester auprès de son fournisseur d’accès internet. Or le fournisseur d’accès ne peut être tenu pour responsable ».

Enfin, suite à un amendement de Mme Catherine Morin-Desailly adopté contre l’avis du Gouvernement et du rapporteur qui évoquaient des raisons de confidentialité, ces recommandations devront être motivées (alinéa 74). Mme Morin-Desailly exposait ainsi l’objet de son amendement en séance publique : « Sachant, d’une part, que ces recommandations ne sont pas contestables, qu’elles sont le préalable à une sanction éventuelle allant jusqu’à la suppression de l’abonnement, sachant, d’autre part, qu’il peut arriver dans de nombreux cas que l’abonné ne soit pas l’auteur des manquements aux obligations de l’article L. 336-3, il semble souhaitable que celui-ci sache ce qui lui est reproché et quel est l’objet de cette mise en garde. L’abonné doit être en mesure de se défendre et avoir la possibilité de contester la sanction ultérieurement (…) Il reviendra à la HADOPI de trouver les moyens de la motivation ».

On peut penser que, pour éviter toute contradiction avec les dispositions des alinéas 70 à 72, la motivation portera des éléments tels que le jour et l’heure de l’acte incriminé ou le nombre de fichiers téléchargés ou mis en ligne.

b) Les sanctions

Dans un troisième temps, selon les termes du nouvel article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle, si les actes de piratage perdurent, dans l’année qui suit la réception de la deuxième recommandation, la commission peut prononcer, « en fonction de la gravité des manquements et de l’usage de l’accès », une ou plusieurs des sanctions suivantes :

− La suspension de l’accès à internet pour une durée d’un mois à un an assortie de l’impossibilité, pour l’abonné, de souscrire pendant la même période un autre contrat d’accès à internet auprès d’un autre opérateur (alinéa 76). Cette durée minimale de suspension d’un mois – contre trois dans la rédaction initiale du Gouvernement – est issue de l’adoption de deux amendements identiques de MM. Lagauche et Renar, contre l’avis du Gouvernement, le rapporteur s’en remettant à la sagesse des sénateurs. Il s’agit, selon les auteurs, comme cela est déjà le cas pour la transaction, d’étendre la possibilité d’ordonner une suspension de très courte durée à la dernière phase de la riposte graduée.

Rappelons qu’il s’agira bien uniquement de la suspension de l’accès à internet, puisqu’en vertu du troisième alinéa du nouvel article L. 331-28 du code de la propriété intellectuelle (alinéa 91), « lorsque ce service d’accès est acheté selon des offres commerciales composites incluant d’autres types de services, tels que services de téléphonie ou de télévision, les décisions de suspension ne s’appliquent pas à ces services ».

− « En fonction de l’état de l’art », la limitation des services ou de l’accès à ces services, à condition que soit garantie la protection des œuvres et objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin (alinéa 77). Cette disposition est issue d’un amendement de la commission des affaires culturelles, afin de prévoir que « si, et seulement si, l’évolution des technologies permet d’atteindre l’objectif de protection des œuvres, et donc d’empêcher de les pirater, tout en permettant le maintien de certains services supplémentaires, notamment de messagerie ou de consultation d’internet, l’HADOPI pourra alors opter pour cette mesure » (29). Il pourra s’agir par exemple d’une réduction du débit afin d’empêcher le téléchargement de fichiers piratés ou d’une restriction de l’usage à la messagerie électronique, sous réserve que des pièces jointes ne permettent pas de communiquer des fichiers d’œuvres protégées.

Lors de l’adoption de cet amendement, le Gouvernement s’en est remis à la sagesse des sénateurs, estimant qu’en l’état de l’art actuel, une telle disposition paraît extrêmement difficile à appliquer. La ministre a exprimé ses réserves sur plusieurs points : « Le Gouvernement reconnaît que l’intention exprimée au travers de cet amendement est très intéressante [mais] il s’interroge sur l’applicabilité de cette disposition, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, son adoption pourrait soulever, sur le fond, un problème d’égalité de traitement entre la musique et le cinéma : en effet, les fichiers musicaux étant de très petite taille, il est extrêmement facile de les pirater, y compris par le biais de la messagerie électronique, ce qui n’est évidemment pas possible pour les fichiers contenant des œuvres cinématographiques. Ensuite, la prise en compte de la condition liée à l’état de l’art peut ouvrir un débat sur le terrain de l’intrusion dans les correspondances privées et sur celui du filtrage, dans la mesure où un dispositif faisant obstacle au piratage devrait alors faire le tri entre les fichiers légaux et ceux qui ne le sont pas. L’application d’une telle disposition peut également créer une incertitude dans l’esprit des internautes sur le degré de la sanction réellement encourue. Il est donc à craindre que tout cela n’affaiblisse la portée dissuasive des avertissements adressés. Enfin, les opérateurs de télécommunications nous ont avertis qu’une suspension partielle de l’accès à internet, en laissant la messagerie disponible, était en réalité plus complexe à mettre en œuvre que la suspension d’internet dans le cadre d’une offre " triple play " ».

− Une injonction de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté et à en rendre compte à la Haute Autorité, le cas échéant sous astreinte (alinéa 78). On peut imaginer que cette dernière forme de sanction est adaptée aux personnes privées ou aux organisations (entreprises ou administrations) qui ont un usage professionnel d’internet. Comme l’indiquait M. Thiollière dans son rapport, « on voit mal, en effet, comment une entreprise, une administration, une université ou un professionnel quel qu’il soit pourrait se passer de ce type de services. En revanche, il est normal – et tel est bien souvent déjà le cas – qu’il se protège contre les usages illicites au sein de son organisation ».

Le projet de loi prévoyait initialement que ces sanctions n’étaient pas cumulatives. C’est un amendement de la commission des affaires culturelles adopté avec l’avis favorable du Gouvernement qui a rendu possible ce cumul afin que, lorsque la suspension de l’accès est décidée, l’abonné puisse également être éventuellement incité à prendre des mesures préventives afin d’éviter le renouvellement du piratage.

Ces sanctions doivent être prises après une procédure contradictoire (alinéa 75).

Suite à l’adoption d’un amendement de M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, avec l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, et afin de mieux protéger et informer les internautes, l’alinéa 80 prévoit que la commission de protection des droits devra notifier à l’abonné sanctionné la nature de la sanction prise à son encontre et l’informer des voies et délais de recours. Par ailleurs, lorsque la sanction consistera en la suspension son accès à internet, la commission devra l’informer de son inscription au répertoire national des personnes qui font l’objet d’une suspension, prévu à l’article L. 331-31 du code de la propriété intellectuelle. La commission devra enfin informer l’internaute de l’impossibilité temporaire de souscrire pendant cette période un autre contrat d’accès à internet.

c) La possibilité de transaction avant sanction

En vertu du nouvel article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle, l’HADOPI peut privilégier la voie de la transaction avant d’engager une procédure de sanction (alinéa 84). Rappelons que d’autres autorités administratives indépendantes peuvent recourir à des procédures transactionnelles. Ainsi, par exemple, la HALDE s’est vu confier un pouvoir de transaction pénale.

Les mesures applicables aux transactions sont celles existant pour les sanctions (alinéas 85 à 87), à deux différences près :

− la suspension de l’abonnement prévue en cas de transaction peut varier d’un à trois mois, contre un mois à un an en cas de sanction. L’objectif est bien d’éviter toute procédure contentieuse et de recourir au maximum à la pédagogie et au dialogue ;

− l’obligation de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté ne s’effectue pas le cas échéant sous astreinte.

En cas d’échec de la transaction ou si l’abonné n’exécute pas la transaction qu’il a acceptée, l’article L. 331-27 du code précité prévoit que la commission prononce une sanction, comme prévu à l’article L. 331-25 exposé précédemment (alinéa 88).

d) Le rôle et les garanties apportées aux fournisseurs d’accès à internet

– Le nouvel article L. 331-28 du code de la propriété intellectuelle apporte plusieurs garanties aux fournisseurs d’accès à internet. Il prévoit en premier lieu que la suspension de l’accès internet n’exonère pas l’internaute de payer son abonnement au fournisseur (alinéa 89).

Il prévoit également que l’article L. 121-84 du code de la consommation n’est pas applicable au cours de la période de suspension. Cette disposition a été introduite par un amendement de M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, adopté avec l’avis favorable du rapporteur, le Gouvernement s’en remettant à la sagesse des sénateurs. En effet, l’exposé des motifs du projet de loi précise que l’abonné suspendu demeure libre de mettre fin à son abonnement, selon les modalités de résiliation prévues par son contrat. Mais, comme le rappelle M. Retailleau dans son avis, « dans le cas où la suspension de l’accès internet serait prononcée par la commission de protection des droits, [il convient d’] écarter alors l’application des dispositions générales prévues par le code de la consommation concernant les contrats de services de communications électroniques : en effet, la suspension constitue une modification contractuelle or, au titre de l’article L. 121-84 du code de la consommation, le fournisseur de services devrait normalement informer le consommateur de ce projet de modification au moins un mois avant son entrée en vigueur et lui indiquer qu’il peut, tant qu’il n’a pas expressément accepté les nouvelles conditions, résilier le contrat sans pénalité de résiliation et sans droit à dédommagement, jusque dans un délai de quatre mois après l’entrée en vigueur de la modification. Ces dispositions sont évidemment inapplicables en cas de suspension imposée par l’HADOPI à titre de sanction ».

Il prévoit enfin que les frais d’une éventuelle résiliation de l’abonnement au cours de la période de suspension sont supportés par l’abonné (alinéa 90).

– Le nouvel article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle précise les conditions de mise en œuvre de la suspension de l’abonnement par les fournisseurs d’accès. En cas de suspension, la commission doit notifier sa décision au fournisseur qui a conclu un contrat avec l’abonné dont le contrat est suspendu. Elle doit par ailleurs lui enjoindre de mettre en œuvre cette mesure de suspension dans un délai de quinze jours (alinéa 92).

Si le fournisseur ne suspend pas l’abonnement, à l’issue d’une procédure contradictoire, l’HADOPI peut lui infliger une sanction pécuniaire d’un montant maximal de 5 000 euros par manquement constaté (alinéa 93).

– Enfin, selon les termes de l’article L. 331-32 du code précité, les FAI doivent faire figurer dans leurs contrats d’abonnement « la mention claire et lisible des dispositions de l’article L. 336-3 et des mesures qui peuvent être prises par la commission de protection des droits ainsi que des voies de recours possibles » (alinéa 107).

La notion de cette « mention claire et lisible » a été introduite au Sénat par un amendement du rapporteur de la commission des affaires culturelles, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement, « dans le souci de garantir un niveau satisfaisant d’information des abonnés ». Selon le rapporteur du Sénat, devra ainsi notamment figurer dans le contrat l’adresse électronique à laquelle l’internaute souhaite que lui soient adressées les éventuelles recommandations prévues à l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle. En l’absence de cette mention, le dispositif pourrait ne pas être opérationnel, l’abonné ne consultant pas la messagerie électronique installée par son fournisseur par exemple.

Les fournisseurs doivent également informer périodiquement leurs abonnés des dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites pour la création artistique (alinéa 108). Cette disposition a été introduite par un amendement du rapporteur de la commission des affaires culturelles, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement. Rappelons que des dispositions similaires avaient été introduites dans le cadre des débats parlementaires sur la loi DADVSI précitée, sont jusqu’alors restées inappliquées. C’est pourquoi le projet de loi prévoit, dans son article 5, de les supprimer pour y substituer les messages ciblés adressés par la HADOPI aux internautes contrevenants. Mais, selon le rapporteur du Sénat, « ces deux démarches sont plutôt complémentaires ».

e) Le développement des moyens de sécurisation

Le nouvel article L. 331-30 du code de la propriété intellectuelle donne un rôle important à l’HADOPI en matière de développement des moyens de sécurisation des accès internet. Il dispose qu’après consultation des parties intéressées expertes en ces questions, la Haute Autorité peut établir la liste des « spécifications fonctionnelles pertinentes que ces moyens doivent présenter pour être considérés comme exonérant valablement le titulaire de l’accès de sa responsabilité au titre de l’article L. 336-3 » (alinéa 97).

Rappelons que les systèmes de contrôle parental sont les moyens de sécurisation actuellement les plus répandus. Ils sont d’ores et déjà disponibles gratuitement (ou presque) auprès des FAI eux-mêmes ou de sites internet spécialisés. Le projet de loi doit avoir pour effet d’inciter fortement les FAI à développer des dispositifs similaires en matière de téléchargement illicite. Le rôle confié à l’HADOPI par cet article L. 331-30 renforce cette incitation.

Cet article doit en effet se lire au regard de l’article 8 du présent projet de loi, qui prévoit que les fournisseurs d’accès internet seront chargés d’informer leurs abonnés de l’existence de tels moyens de sécurisation, mais également au regard de l’article 6 du présent projet de loi, le fait pour un abonné d’avoir sécurisé son équipement constituant une cause d’exonération de responsabilité. C’est pour cette raison qu’une telle mission est confiée à l’HADOPI.

Ce n’est qu’au terme d’une procédure d’évaluation certifiée que la Haute Autorité pourra labelliser ces moyens de sécurisation. Cette labellisation devra être périodiquement revue (alinéa 98). Cette dernière disposition a été introduite au Sénat par un amendement de M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, adopté avec l’avis favorable de la commission des affaires culturelles, afin que ces moyens de sécurisation soient clairement appréciés par des experts, tant au regard de leur efficacité, mais également du respect de la vie privée.

Le Gouvernement s’en est remis à la sagesse des sénateurs, la ministre ayant rappelé qu’il « résulte en effet des échanges avec la Commission européenne que la labellisation envisagée sera examinée avec une grande attention, sous l’angle des restrictions au bon fonctionnement du marché intérieur ».

f) Le répertoire national des personnes qui font l’objet d’une suspension

Ce répertoire est créé par le nouvel article L. 331-31 du code de la propriété intellectuelle. Il liste les personnes qui font l’objet d’une suspension de leur abonnement à internet suite à des actes de piratage (alinéa 100).

Les fournisseurs doivent toujours vérifier si une personne qui veut contracter un abonnement à internet figure sur ce fichier (alinéa 101). S’ils ne le font pas ou concluent un contrat avec une personne inscrite sur ce fichier, ils encourent une sanction pécuniaire d’un montant maximal de 5 000 euros. Cette sanction est infligée à l’issue d’une procédure contradictoire (alinéa 102).

Afin de protéger la confidentialité de ces données et de les sécuriser, l’article L. 331-31-1 du code précité dispose que les fournisseurs ne peuvent conserver les informations recueillies à l’occasion de la consultation de ce répertoire, ni les utiliser à autre chose (alinéa 106). Cette disposition a été introduite au Sénat par un amendement de M. Ivan Renar, adopté avec l’avis favorable de la commission des affaires culturelles, le Gouvernement s’en remettant à la sagesse des sénateurs.

Par ailleurs, suite à un sous-amendement de M. Retailleau, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, les fournisseurs ne peuvent procéder à cette vérification que sous la forme d’une interrogation du fichier sur le nom d’une personne et non sur l’ensemble des informations contenues (alinéa 110).

g) La conservation des données techniques et création d’un traitement automatisé des données à caractère personnel par l’HADOPI

L’article L. 331-33 du code précité prévoit que la commission de protection des droits peut conserver les données techniques mises à sa disposition pour la durée nécessaire à l’exercice des compétences qui lui sont confiées et, au plus tard, jusqu’au moment où une éventuelle suspension de l’accès a été entièrement exécutée (alinéa 109).

Par ailleurs, pour qu’elle puisse remplir ses missions (alinéa 111), l’article L. 331-34 du code précité autorise l’HADOPI à créer un « traitement automatisé de données à caractère personnel portant sur les personnes faisant l’objet d’une procédure » (alinéa 110).

Un certain d’amendements visant à un meilleur encadrement de la procédure et à une amélioration de la protection des données recueillies ont été adoptés au Sénat, avec l’avis favorable du Gouvernement.

3. Développement de l’offre commerciale légale et observation de l’évolution de l’offre illégale

Cette deuxième mission de l’HADOPI fait l’objet d’un unique article, l’article L. 331-36 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose que, pour remplir cette mission, l’HADOPI publie régulièrement des indicateurs dont la liste est fixée par décret (alinéa 119). Les indicateurs que publient actuellement l’Observatoire de la musique ou le CNC, donnent une idée de ce qu’ils pourraient être : coût unitaire d’une œuvre, nombre de titres disponibles, etc.

Par ailleurs, l’HADOPI devra, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État, attribuer aux sites proposant une offre légale de contenus culturels un label permettant aux internautes d’identifier clairement le caractère légal des offres (alinéa 120). Cette disposition est issue d’un amendement du rapporteur de la commission des affaires culturelles du Sénat, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement, qui vise à renforcer la mission de l’HADOPI en matière d’encouragement au développement de l’offre légale. Comme le rappelait le rapporteur en séance, « il s’agit par là de renforcer l’information des internautes, en leur permettant de connaître, grâce à un logo lisible et facilement identifiable, le caractère entièrement légal, ou non, de l’offre proposée sur un site ».

Enfin, la Haute Autorité devra évaluer les expérimentations conduites par les professionnels concernés dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage. Elle rendra compte des principales évolutions constatées dans ce domaine dans son rapport d’activité annuel (alinéa 121) et pourra donc faire, le cas échéant, des propositions d’évolution. Cette disposition, issue du même amendement sénatorial, fait suite à l’une des conclusions des accords de l’Élysée qui dispose que, « dans un délai qui ne pourra excéder 24 mois à compter de la signature du présent accord », les fournisseurs d’accès à internet se sont engagés « à collaborer avec les ayants droit sur les modalités d’expérimentation des technologies de filtrage des réseaux disponibles mais qui méritent des approfondissements préalables, et à les déployer si les résultats s’avèrent probants et la généralisation techniquement et financièrement réaliste ». En parallèle, les plates-formes d’hébergement et de partage de contenus se sont engagées à collaborer avec les ayants droit afin de « généraliser à court terme les techniques efficaces de reconnaissance de contenus et de filtrage, en déterminant notamment avec eux les technologies d’empreinte recevables, en parallèle aux catalogues de sources d’empreinte que les ayants droit doivent aider à constituer » et de « définir les conditions dans lesquelles ces techniques seront systématiquement mises en œuvre ».

C’est l’expérimentation qui a été envisagée par les accords car le rapport de M. Olivennes précisait que « certaines méthodes envisageables, comme le filtrage, recourent à des outils technologiques de conception encore récente et connaissant une évolution très rapide. Ces solutions sont dignes d’intérêt si elles atteignent leur pleine maturité, grâce à un meilleur étalonnage de leurs performances et à une appréciation plus fine des conditions de leur déploiement à large échelle, notamment en termes de coût, d’architecture, de choix de technologies adaptées et de compréhension des conséquences induites sur les comportements des internautes. On ne peut pas exclure non plus que d’autres technologies soient disponibles à l’avenir et soient alors préférées. La politique à mener doit donc être incitative et favoriser les expérimentations, de sorte à accélérer l’adaptation des outils du contrôle aux évolutions de la technologie et des pratiques de piratage ».

*

La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau tendant à prévoir la présence d’un représentant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) au sein du collège de l’HADOPI.

Mme Martine Billard. Une telle disposition est essentielle car cest la CNIL qui est garante de la légalité des conditions dinstitution de fichiers.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis favorable à cet amendement qui permettra de calmer les inquiétudes de certains et de mieux encadrer laction de lHADOPI sagissant de questions touchant aux libertés individuelles.

La Commission adopte cet amendement.

Suivant lavis favorable de la rapporteure pour avis, la Commission adopte un amendement de conséquence de M. Roland Muzeau défendu par Mme Martine Billard.

Suivant lavis favorable de la rapporteure pour avis, la Commission adopte un amendement de M. Roland Muzeau, défendu par Mme Martine Billard, tendant à prévoir que le mandat des membres de lHADOPI nest « ni révocable, ni renouvelable ».

Suivant lavis favorable de la rapporteure pour avis, la Commission adopte un amendement de M. Roland Muzeau, défendu par Mme Martine Billard, relatif à la présence dun membre de la CNIL au sein de la commission de protection des droits de lHADOPI.

La Commission examine ensuite un amendement de M. Roland Muzeau, défendu par Mme Martine Billard, tendant à préciser le régime des incompatibilités entre les fonctions de membres de lHADOPI et la détention, par le passé, dun mandat dans une entreprise.

Mme la rapporteure pour avis. Ce dispositif est très largement satisfait par la rédaction proposée par les alinéas 43 et 44 de larticle 2 du projet de loi.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette cet amendement.

La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau, défendu par Mme Martine Billard, tendant à préciser que les fonctions des membres de lHADOPI sont incompatibles avec le fait davoir exercé au cours des six dernières années – et non des seules trois dernières années – certaines fonctions dans une entreprise.

Mme la rapporteure pour avis. La durée de trois ans est celle qui est usuellement retenue pour de tels dispositifs sagissant des autorités administratives indépendantes, notamment, aux termes de la loi du 6 janvier 1978, sagissant de la CNIL. Édicter une autre règle conduirait tout au plus à poser une certaine suspicion sur lindépendance des membres de lHADOPI.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette cet amendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de M. Roland Muzeau, défendu par Mme Martine Billard, tendant à prévoir quaucun membre de lHADOPI ne peut participer à une délibération concernant une entreprise dans laquelle il a, par le passé, sans condition de délai, exercé des fonctions.

La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau, défendu par Mme Martine Billard, tendant à établir les modalités de saisine de la commission de protection des droits par voie électronique.

Mme la rapporteure pour avis. La rédaction proposée serait moins protectrice pour les internautes que celle qui figure déjà dans le projet de loi.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette cet amendement.

La Commission examine deux amendements identiques de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, et de M. Roland Muzeau, tendant à prévoir quen labsence dune offre légale, aucune sanction ne peut être prise contre un internaute qui télécharge une œuvre phonographique protégée par un droit dauteur ou un droit voisin.

Mme la rapporteure pour avis. Je comprends votre intention mais je crains que cette procédure ne vienne encombrer lHADOPI de manière importante si cette dernière doit vérifier, à chaque demande, si lœuvre est disponible sous la forme numérique. Par ailleurs, il me semble que votre demande est satisfaite car il est hautement improbable quune œuvre piratée nexiste ni sur des supports immatériels ni sur des supports physiques.

Le problème est plus celui de laccessibilité de loffre légale. Cest pour cette raison quil me semble important de développer ce volet et que jai proposé des amendements en ce sens.

Mme Martine Billard. Cette dernière question est essentielle : sagissant par exemple de certaines musiques étrangères, celles-ci ne sont disponibles que de manière illégale puisquil nexiste aucune plate-forme légale de téléchargement de ces musiques.

Mme la rapporteure pour avis. Il faut à tout prix éviter toute situation dillégalité, qui se ferait au détriment des droits dauteurs. Il est important dêtre très clair sur cette question et de privilégier le développement de loffre légale.

Mme Martine Billard. Peut-être alors faudrait-il améliorer la rédaction proposée, de manière à favoriser la diffusion des œuvres que jévoquais en toute légalité ?

M. Marcel Rogemont. Le débat que nous avons rejoint celui que tiennent actuellement les membres de la commission présidée par M. Hervé Gaymard au sein du Conseil du livre sur lévaluation de la loi sur le prix unique du livre. Je sors en effet dune réunion de cette commission où ont été évoqués la loi DADVSI et le problème du cadre légal pour la diffusion de livres numérisés par les bibliothèques. Cest une question cruciale, en particulier pour les éditeurs de bandes dessinées, qui sont souvent piratés.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette ces deux amendements.

La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau visant à prévoir que la Haute Autorité met à disposition des abonnés un service d’accueil téléphonique gratuit leur permettant notamment, lorsqu’ils ont reçu une recommandation, de s’assurer qu’elle a bien été envoyée par cette autorité.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à prendre en compte le phénomène du piratage des messageries des abonnés. La loi prévoit que la commission de protection des droits adresse des recommandations à destination des abonnés dont l’accès à internet a été utilisé pour procéder à des téléchargements illégaux. Or ces mêmes envois peuvent être exploités par des organisations criminelles qui les utilisent pour escroquer les internautes, en se faisant passer pour des organismes officiels. L’amendement propose donc que les internautes puissent vérifier que le message vient bien de la Haute Autorité, en recourant à un service d’accueil téléphonique gratuit.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis favorable au principe de cet amendement. Mais je crois qu’une telle disposition à un coût. L’amendement pourrait donc être déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau visant à supprimer les alinéas 69 à 96 de cet article relatif au mécanisme de la riposte graduée.

Mme Martine Billard. Je ne partage pas cette espèce de confiance absolue que le Gouvernement semble avoir pour les dispositifs techniques de prévention du téléchargement illégal. Aucun système n’est sûr, comme on le voit avec les problèmes constatés avec les adresses IP.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à supprimer tout le dispositif de la riposte graduée, je ne puis qu’y être défavorable ! En effet, je vous rappelle que ce projet de loi vise à restaurer un équilibre entre deux séries de droit : d’une part, le droit de propriété intellectuelle et le droit moral des auteurs et, d’autre part, le respect du droit à la vie privée des internautes.

Par ailleurs, l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 dispose très clairement que la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui et l’exercice des droits naturels est borné par les règles qui assurent la jouissance de ces droits par tous les hommes. Le dispositif du projet de loi entre clairement dans ce cadre. D’ailleurs, ce nécessaire équilibre a été récemment souligné dans un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes de janvier 2008, Promusicae. Toutes ces raisons conduisent à penser que le dispositif de la riposte graduée n’est ni inconstitutionnel ni contraire aux droits de l’Homme.

La Commission rejette cet amendement.

Suite à l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la Commission adopte un amendement de coordination de M. Roland Muzeau relatif au numéro d’appel gratuit de l’HADOPI.

La Commission examine ensuite un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à prévoir que la recommandation envoyée par la commission de protection des droits est accompagnée d’une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date d’envoi de cette recommandation et celle de sa réception par l’abonné.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement qui n’est pas opportun. En effet, à ce stade de la procédure, aucune sanction n’est mise en œuvre. Il est seulement procédé à un simple rappel de la loi, peu intrusif. Pour autant, vous développez un argument qui m’a interpellé : que faire effectivement pour éviter l’envoi de recommandation sur une adresse mail dont l’abonné ne se sert pas ? Cette interrogation est satisfaite par la rédaction actuelle du projet de loi puisque l’article L. 331-32 prévoit que les FAI devront faire figurer, dans les contrats qu’ils signent avec leurs abonnés, l’adresse mail à laquelle ces derniers veulent qu’on leur envoie les recommandations.

La Commission rejette cet amendement.

La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau visant à prévoir que la recommandation mentionne la personne morale ayant signalé le manquement à l’obligation défini à l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle.

Mme Martine Billard. Il s’agit de permettre à l’abonné, accusé à tort, de pouvoir se retourner contre la personne qui l’a dénoncée.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement. La commission de protection des droits ne peut agir que sur la saisine d’agents agréés et assermentés, et non pas à la suite d’une dénonciation de n’importe quel internaute ou association ! Par ailleurs, l’abonné qui s’estime injustement signalé peut émettre dès la première recommandation, des observations auprès de l’HADOPI.

La Commission rejette cet amendement.

La Commission examine ensuite un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, visant à supprimer les alinéas 70 et 72 de l’article relatifs au contenu et aux modalités d’envoi des recommandations.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement. En effet, sur ce sujet, Pour des raisons de confidentialité et de respect de la vie privée des internautes, je préfère conserver la disposition votée au Sénat qui prévoit que les recommandations ne divulguent pas les contenus téléchargés ou mis à disposition. Mon amendement ajoute « sauf si l’abonné le demande par écrit ».

La Commission rejette cet amendement.

La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau prévoyant que la recommandation précise le contenu des éléments téléchargés.

Mme Martine Billard. Je pense que l’argumentation avancée précédemment par la rapporteure pour avis, tout comme l’amendement qu’elle propose, n’offre qu’une réponse partielle au problème posé. C’est pourquoi je considère qu’il est préférable d’être plus directif, et ce dès le départ. En effet, vous pouvez avoir des conflits dans les familles si tout d’un coup des parents découvrent que leurs enfants ont téléchargé massivement.

Mme la rapporteure pour avis. Je pense qu’il y a un vrai problème de confidentialité, s’agissant de choix qui relèvent souvent de l’intime. Je rappelle par ailleurs que le projet de loi vise à assurer l’indépendance de la future autorité administrative indépendante tout comme il se soucie de garantir l’indépendance des internautes.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette cet amendement.

La Commission examine un amendement de la rapporteure pour avis qui prévoit que les recommandations ne divulguent pas les contenus téléchargés ou mis à disposition sauf si l’abonné le demande par écrit.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à prévoir que l’abonné peut se voir communiquer le contenu des éléments piratés à sa demande expresse, dès la première recommandation de la Haute Autorité. Il s’agit de permettre à la personne à laquelle des faits sont reprochés de savoir de quels faits il s’agit.

M. Marcel Rogemont. Nous considérons que cet amendement est un amendement de repli. Par conséquent, nous le voterons mais nous ne le cosignerons pas.

M. Michel Herbillon. C’est un amendement d’équilibre qui permet de concilier le droit à l’information et le droit à la vie privée.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission examine deux amendements soumis à une discussion commune de Mme Martine Billard et M. Christian Paul préjugeant du fait que les actes incriminés par les ayant droits et transmis à l’HADOPI constituent un manquement.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis défavorable à ces deux amendements. Ils remettent en cause la présomption d’innocence, car au stade de la saisine de la HADOPI par les ayant droits, il ne s’agit que d’une présomption de manquement.

Seule l’HADOPI peut juger que les faits dont elle est saisie constituent effectivement un manquement. L’HADOPI doit être le seul juge en la matière et elle ne se prononcera sur le manquement qu’après examen du cas.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la Commission rejette ces deux amendements.

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, visant à prévoir l’envoi automatique d’une lettre recommandée dès la deuxième recommandation.

Mme la rapporteure pour avis. Je comprends votre intention mais cela risque d’alourdir la procédure. Il convient de laisser la possibilité à l’HADOPI d’envoyer plusieurs recommandations par mail, avant de passer à la deuxième phase de la « riposte graduée » qui est celle de l’envoi du recommandé.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la Commission rejette cet amendement.

Suite à l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission rejette un amendement de coordination de M. Roland Muzeau défendu par Mme Martine Billard.

Par coordination, la Commission adopte un amendement de coordination de la rapporteure pour avis.

Puis elle adopte un amendement de la rapporteure pour avis modifiant la dernière phrase de l’alinéa 73 de l’article afin de prévoir que l’abonné destinataire peut, dès l’envoi de la première recommandation, adresser des observations par écrit à la commission de protection des droits.

La Commission examine ensuite un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, visant à permettre à l’abonné qui estime qu’une recommandation lui a été signifiée à tort de contester par courrier son bien-fondé auprès de la Haute Autorité, cette dernière devant justifier sous trente jours l’envoi de cette recommandation, sous peine de nullité.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement. Les recommandations visées ne font pas grief aux internautes. En outre, ceux-ci peuvent formuler par écrit des observations. Enfin, il ne peut y avoir de contestations que devant le juge, lorsqu’un recours contre la sanction est introduit.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette également un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à prévoir qu’en cas de contestation d’une recommandation de la part de l’abonné, la Haute Autorité est tenu de préciser l’ensemble des œuvres ou objets dont l’utilisation illicite a été constatée ainsi que la date et l’heure de cet usage illicite.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, visant à supprimer l’ensemble de la procédure de sanction.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette successivement deux amendements de M. Christian Paul défendus par M. Marcel Rogemont : le premier précise qu’au moins trois recommandations, au lieu d’une seule, avec accusé de réception sont nécessaires avant le déclenchement de la procédure de sanction ; le second prévoit que la commission peut saisir les juridictions judiciaires compétentes qui, après une procédure contradictoire, pourront prononcer la ou les sanctions prévues par le projet de loi.

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, prévoyant que les sanctions ne sont pas cumulatives.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis favorable à cet amendement, car il ne faut pas pénaliser outre mesure les abonnés. En faisant référence à l’une ou l’autre des sanctions, l’amendement proposé permet d’éviter le cumul des sanctions.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la Commission adopte cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement présenté par M. Marcel Rogemont tendant à prévoir que la limitation des services ne peut durer plus de quinze jours.

La Commission adopte ensuite un amendement de la rapporteure pour avis prévoyant que, par parallélisme des formes entre la suspension et la limitation de l’accès à internet, la durée de la limitation est fixée entre un et trois mois et se trouve assortie de l’impossibilité de souscrire pendant la même période un autre contrat.

La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau prévoyant que l’injonction prévue à l’alinéa 78 prend la forme d’une injonction de mettre en œuvre un moyen de sécurisation figurant à la liste définie à l’article L. 331-30 du code de la propriété intellectuelle.

Mme Martine Billard. Cet amendement tend à préciser les mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté en faisant référence aux moyens de sécurisation labellisés, la rédaction actuelle nous semblant trop floue.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis favorable à cet amendement car il apporte une précision utile.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la Commission adopte cet amendement.

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, visant à supprimant la possibilité pour l’HADOPI de coupler l’injonction faite à un abonné à une insertion à ses frais de la décision dans les publications, journaux ou supports que l’autorité désigne.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis favorable à cet amendement, car il supprime, de façon opportune, une disposition aux effets disproportionnés pour des abonnés.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la Commission adopte cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, supprimant l’alinéa 80 de l’article 2 relatif aux modalités de notification de la sanction à l’abonné et aux modalités de son information sur les voies de recours.

La Commission examine ensuite deux amendements soumis à une discussion commune de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, et de M. Roland Muzeau prévoyant que le recours de l’abonné contre la décision de l’HADOPI est suspensif.

Mme Martine Billard. Il convient d’introduire dans le dispositif un mécanisme de recours suspensif, notamment afin de protéger les internautes accusés à tort d’avoir téléchargé illégalement des œuvres alors que ce téléchargement résulte du piratage de leur abonnement.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis défavorable à ces deux amendements, qui me semblent satisfaits par la rédaction actuelle du projet de loi.

En premier lieu, l’alinéa 82 du présent article du projet de loi dispose d’ores et déjà qu’un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles les sanctions prononcées par l’HADOPI peuvent faire l’objet d’un sursis à exécution. En second lieu, si le recours devant un juge de l’abonné devient systématiquement suspensif, la procédure prévue par le texte risque de se gripper et ne sera pas aussi pédagogique. Si l’on introduit un tel dispositif dans la loi, on peut parier que les recours suspensifs se multiplieront et engorgeront les tribunaux.

Mme Martine Billard. Cet amendement tient simplement compte du fait que des internautes de bonne foi vont voir leur ligne suspendue alors qu’ils ne sont pas responsables et que leur abonnement a été détourné par de véritables pirates. On ne peut pas négliger ce problème, car tout le monde sait qu’il est – hélas – extrêmement facile de pirater sur internet.

Mme la rapporteure pour avis. Ce point devra être précisée dans le décret en Conseil d’État.

Mme Martine Billard. Pourrait-on avoir des éclaircissements sur le contenu de ce décret d’ici le débat en séance ?

Mme la rapporteure pour avis. C’est une excellente suggestion que je vais relayer.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la Commission rejette ces amendements.

La Commission examine deux amendements identiques de M. Christian Paul et Mme Martine Billard, tendant à préciser que, lorsqu’une juridiction judiciaire annule ou réforme les sanctions prises par la Haute Autorité, elle peut allouer à l’internaute des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Mme Martine Billard. Il est certain que l’HADOPI commettra des erreurs. Lorsque l’accès internet d’abonnés sera suspendu et qu’un recours prouvera leur innocence, il convient de prévoir la possibilité d’une indemnisation du préjudice subi du fait de cette coupure injustifiée.

Mme la rapporteure pour avis. Je ne suis pas favorable à cet amendement. Cette disposition risque d’entraîner le développement et de multiplication des contentieux. L’objectif du projet de loi n’est pas d’engorger les tribunaux mais au contraire d’éviter le développement de procédures contentieuses. Dans ces cas de piratage que vous évoquez, l’abonné émettant des observations dès la première recommandation, il est fort peu probable que l’on en arrive à la troisième étape qui est la sanction, puisque l’abonné sera capable de montrer sa bonne foi et aura fait le nécessaire pour sécuriser son accès à internet.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la Commission rejette les deux amendements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à supprimer les alinéas précisant les modalités de la procédure de transaction.

La Commission examine ensuite un amendement de M. Christian Paul tendant à préciser que lorsque la commission de protection des droits propose à l’abonné une transaction, il est informé de son droit d’être assisté d’un conseil.

M. Marcel Rogemont. Il s’agit d’une précision utile.

Mme la rapporteure pour avis. Même si je comprends l’intention, je ne suis pas sûre qu’il faille inscrire ce type de disposition dans loi, l’abonné ayant toujours cette possibilité. Mais c’est un bon signal en faveur de la protection des internautes.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la Commission adopte ensuite un amendement de coordination de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à revenir à la rédaction du projet de loi initial qui ne permettait pas le cumul des sanctions en cas de transaction.

La Commission adopte un amendement de la rapporteure pour avis tendant à préciser que la limitation de l’accès à internet intervenant dans le cadre de la transaction, comme c’est le cas pour la suspension, est fixée entre un et trois mois et se trouve assortie de l’impossibilité de souscrire pendant la même période un autre contrat.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la Commission adopte un amendement de M. Roland Muzeau, défendu par Mme Martine Billard, tendant à préciser les mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté en mentionnant les moyens de sécurisation labellisés selon la procédure définie à l’article L. 331-30 du code de la propriété intellectuelle.

La Commission examine ensuite un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à préciser qu’un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL fixe les critères et modalités selon lesquels la commission de protection des droits sera amenée à proposer une transaction.

Mme la rapporteure pour avis. Du fait de l’adoption de plusieurs de vos amendements, la CNIL fera partie des membres de l’HADOPI. Par ailleurs, le décret en Conseil d’État sur le répertoire national sera pris après avis de la CNIL. Mais cette autorité indépendante n’a pas à intervenir sur les questions de transaction avec les internautes, qui relèvent très clairement uniquement de la commission de protection des droits.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission rejette cet amendement.

La Commission examine en discussion commune deux amendements de Mme Martine Billard et M. Christian Paul tendant à ce que l’abonné dont l’accès internet est suspendu ne soit pas tenu au versement du prix de l’abonnement et ne supporte pas les frais d’une éventuelle résiliation de l’abonnement au cours de la période de suspension.

Mme Martine Billard. La suspension de l’accès internet est déjà une sanction lourde dans une société où un nombre croissant d’activités dépend de l’utilisation et de la maîtrise des nouvelles technologies. Le fait d’obliger le consommateur à continuer de verser le prix de l’abonnement entraîne une double peine abusive. À tout le moins devrait-on envisager que cet argent, qui bénéficiera aux fournisseurs d’accès, soit affecté à un fonds de soutien à la création.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement. Je tiens tout d’abord à rappeler que les actes de piratage sont actuellement punis d’amendes qui atteignent plusieurs milliers d’euros, sans parler des peines d’emprisonnement. Par ailleurs, la sanction ne me paraît pas abusive dans la mesure où elle intervient après deux avertissements. En revanche, je suis séduite par l’idée d’affecter le montant de l’abonnement que l’internaute sanctionné continue de verser à la création.

M. Marcel Rogemont. Je suis favorable à la suppression de l’alinéa 89 car je ne pense pas qu’il soit justifié de faire payer l’abonnement à l’internaute suspendu. En revanche, je serais favorable au maintien de l’alinéa 90 qui prévoit que les frais d’une éventuelle résiliation de l’abonnement au cours de la période de suspension soient supportés par l’abonné. Mais je suis opposé à l’affectation de telles sommes à la création. Quelles modalités prendraient en effet cette affectation ?

Mme Françoise de Panafieu. Si l’on souhaite accroître l’offre légale, il est indispensable de lutter contre le piratage afin de développer parallèlement une demande d’offre légale. Je suis favorable au principe d’un financement de cette offre et des créateurs par le biais de ces sanctions, qui viendrait en réparation du préjudice généré par le piratage.

M. Marcel Rogemont. Il faut dans ce cas aller au bout de la logique : les fournisseurs d’accès à internet doivent effectivement participer au financement la création, au même titre que d’autres diffuseurs de contenus, notamment audiovisuels, mais je réfléchirai à d’autres amendements allant dans ce sens.

Mme Martine Billard. Nous devons garder à l’esprit que l’objectif est d’endiguer les téléchargements illégaux et pas d’apporter des ressources financières aux fournisseurs d’accès à internet. En tant qu’outil de diffusion des œuvres culturelles dont ils tirent un bénéfice important, les FAI doivent participer au financement de la création culturelle. Malheureusement aujourd’hui, c’est pour financer la télévision. J’avais déjà eu l’occasion de défendre cette position dans le cadre de l’examen de la loi nº 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

M. Michel Herbillon. Je pense que nous sommes tous d’accord sur le principe que la création doit être financée. S’agissant du dispositif proposé, il me paraît illogique et contraire aux libertés individuelles de faire payer à l’internaute sanctionné l’abonnement qui fait l’objet d’une suspension. Cependant, si cette disposition devait être maintenue, je suis favorable à ce que l’argent correspondant soit destiné au financement de la création.

Mme Françoise Guégot. J’approuve totalement le principe d’un financement de la création par les FAI mais, en l’espèce, l’objectif est de sanctionner le piratage dont le fournisseur n’est pas responsable. Il ne m’apparaît donc pas légitime de lui faire supporter financièrement la sanction.

M. Marcel Rogemont. Même si la suspension de l’abonnement ne touche qu’un nombre limité d’abonnés en bout de processus, il n’est pas acceptable de faire payer à l’internaute un service dont il ne bénéficie plus. En faisant intervenir un fonds de financement de la création, on cherche à moraliser un dispositif qui demeure bancal sur le plan des principes.

Mme la rapporteure pour avis. Pour répondre à la critique de la double peine, je tiens à souligner qu’il existe dans notre droit des sanctions comparables. Par exemple, les infractions au code la route peuvent être punies d’un retrait du permis de conduire assorti d’une amende, la personne sanctionnée étant obligée de continuer à payer l’assurance du véhicule.

M. Marcel Rogemont. Cependant, en l’occurrence, le véhicule peut continuer de circuler.

Mme la rapporteure pour avis. S’agissant du financement de la création par les FAI, je rappelle qu’ils participent désormais au financement du Compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels (COSIP), géré par le Centre national de la cinématographie (CNC). Par ailleurs, je tiens à souligner que dans le cadre des offres triple play, l’abonné continue à bénéficier des services de télévision et de téléphonie, il est donc bien indispensable de maintenir le versement du prix de l’abonnement. La mise en place d’un mécanisme de financement de la création par le biais des sanctions prononcées à l’encontre des pirates mérite une expertise supplémentaire, mais je suis tout à fait d’accord avec le raisonnement tenu par Françoise de Panafieu : il s’agit d’une modalité pertinente de réparation du préjudice causé aux auteurs par le piratage.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette ces amendements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission rejette ensuite un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à ce que les montants correspondant à l’abonnement payé par un abonné dont la connexion est suspendue ne soient pas versés aux FAI mais servent au financement de la création.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à préciser que si la commission de protection des droits constate que, pour des raisons techniques, la suspension de l’accès internet devait également entraîner la suspension des autres types de services inclus dans l’offre commerciale composite, la suspension ne sera pas appliquée.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, supprimant le dispositif de sanction à l’égard des FAI qui ne mettent pas en œuvre l’injonction de la commission de protection des droits de suspendre l’accès d’un abonné dans un délai de quinze jours.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette enfin un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, prévoyant que seule l’autorité judiciaire est compétente pour ordonner aux FAI la suspension d’un abonnement internet.

La Commission est saisie de deux amendements identiques de M. Christian Paul et Mme Martine Billard tendant à préciser que les moyens de sécurisation sont mis gratuitement à la disposition des consommateurs et sont interopérables.

Mme Martine Billard. L’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle, tel que rédigé par le présent projet de loi, oblige les consommateurs à acquérir des moyens de sécurisation de leur ligne internet. Cette obligation nouvelle ne doit pas être supportée financièrement par le consommateur. Par ailleurs, les moyens de sécurisation labellisés par l’HADOPI devront être interopérables afin que tous les consommateurs, quel que soit leur logiciel d’exploitation, puissent les installer.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement est, me semble-t-il, difficilement praticable et pose un problème au regard du droit de la concurrence : quel dispositif sera gratuitement mis à la disposition des internautes ? Par ailleurs, ces dispositifs doivent être développés et constamment perfectionnés, ce qui a un coût. Enfin, de tels logiciels sont déjà fournis gratuitement et le seront de plus en plus à l’image des logiciels de contrôle parental. En ce qui concerne la question de l’interopérabilité des logiciels de sécurisation, l’HADOPI devra assurer un suivi de cette question.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette également deux amendements pouvant être soumis à discussion commune de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, et de Mme Martine Billard tendant à supprimer les dispositions prévoyant l’établissement d’un répertoire national et un traitement automatisé de données à caractère personnel, portant sur des personnes faisant l’objet d’une procédure de sanction.

La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau prévoyant que le répertoire national des personnes qui font l’objet d’une suspension est déclaré auprès de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL).

Mme Martine Billard. L’amendement vise à offrir au citoyen la garantie du respect de la loi « informatique et libertés » à l’occasion de la création de ce nouveau répertoire dont les données ont été considérées par la CNIL comme étant des données « à caractère personnel ».

Mme la rapporteure pour avis. Votre intention est louable mais votre demande est satisfaite car les garanties que visent à apporter votre amendement existent déjà dans le projet de loi. L’article L. 331-34 du code de la propriété intellectuelle (alinéas 112 et suivants du présent article du projet de loi) prévoit qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL, précisera notamment les modalités de mise en œuvre de ce répertoire, ce qui reviendra à vérifier les principes que vous invoquez.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la Commission rejette cet amendement.

Après avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de Mme Martine Billard, tendant à supprimer une disposition interdisant la conservation et la communication des informations recueillies à l’occasion de la consultation du répertoire par les FAI.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la Commission adopte ensuite un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à préciser que les FAI font figurer, dans les contrats conclus avec leurs abonnés, les sanctions pénales et civiles encourues en cas de violation des droits d’auteurs et droits voisins.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de Mme Martine Billard supprimant une disposition précisant les conditions dans lesquelles la commission de protection des droits peut conserver les données techniques mises à sa disposition.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette également un amendement de Mme Martine Billard supprimant les dispositions autorisant la création d’un traitement automatisé des données à caractère personnel.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de Mme Martine Billard  supprimant un décret en Conseil d’État fixant les règles applicables à la procédure et à l’instruction des dossiers.

La Commission adopte ensuite trois amendements de la rapporteure pour avis : le premier renforce la mission de l’HADOPI en matière d’observation du piratage ; le deuxième précise que l’HADOPI rend compte du développement de l’offre commerciale légale dans son rapport annuel ; le troisième prévoit que l’HADOPI revoit périodiquement la labellisation qu’elle accorde aux sites d’offres légales.

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul précisant que l’HADOPI met à la disposition des personnes faisant l’objet de sanctions un numéro d’appel gratuit permettant d’obtenir toute information nécessaire.

Mme la rapporteure pour avis. Un amendement ayant le même objet de Mme Martine Billard a déjà été adopté, votre demande est donc satisfaite.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 2 ainsi modifié.

Après l’article 2

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à ce qu’aucune poursuite pénale pour contrefaçon ne puisse être engagée pour des faits pour lesquels la commission de protection des droits a été saisie.

Article 3

Création par coordination dans le code de la propriété intellectuelle
d’une sous-section regroupant les attributions de la Haute Autorité au titre de sa mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d’identification des
œuvres

Cet article de coordination vise à compléter la section III du chapitre Ier du titre III du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction résultant de l’article 2 du présent projet de loi, par une sous-section 4 intitulée : « Mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres et des objets protégés ». Cette nouvelle sous-section comprendra les articles L. 331-37 à L. 331-43.

Compte tenu des changements de numérotation introduits par l’article 1er du présent projet de loi, les articles L. 331-37 à L. 331-43 du code de la propriété intellectuelle correspondent, en l’état actuel du droit, aux articles L. 331.6 à L. 331.8 et L. 331-13 à L. 331-17 du code de la propriété intellectuelle. Ces articles sont actuellement relatifs à la mission de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres exercées par l’ARMT. Cette mission permet à l’ARMT de tirer « les conclusions utiles quant aux besoins de régulation du marché et à la nécessité d’adapter le cadre législatif existant. Cette fonction (…) a pour objet d’orienter les acteurs et de favoriser le développement de solutions concertées ».

Il s’agit notamment pour l’ARMT de :

− veiller à ce que les mesures techniques n’aient pas pour conséquence d’entraîner des limitations dans l’utilisation de l’œuvre qui dépasseraient celles simplement liées à sa protection ;

− garantir l’interopérabilité des systèmes et des services existants, dans le respect des droits des parties, et obtenir du titulaire des droits sur la mesure technique les informations essentielles à cette interopérabilité ;

− fixer le nombre minimal de copies autorisées dans le cadre de l’exception pour copie privée, en fonction du type d’œuvre ou d’objet protégé.

L’article 3 du présent projet de loi confie cette mission à l’HADOPI sans apporter de modification de fond aux articles.

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

*

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

Article 4

Abrogation par coordination de dispositions
du code de la propriété intellectuelle

Cet article de coordination vise à abroger le 4° de l’article L. 332-1 et l’article L. 335-12 du code de la propriété intellectuelle.

 Le 4° de l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle

En l’état actuel du droit, le 4° de l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle est issu de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Il transpose en droit français la directive n° 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.

Cet alinéa dispose notamment que le président du tribunal de grande instance peut ordonner la suspension, par tout moyen, du contenu d’un site internet portant atteinte à un droit d’auteur, y compris en ordonnant de cesser de stocker ce contenu ou, à défaut, de cesser d’en permettre l’accès. Cette disposition est abrogée puisque s’y substituent les mesures prévues à l’article 5 du présent projet de loi.

 L’article L. 335-12 du code de la propriété intellectuelle

En l’état actuel du droit, l’article L. 335-12 du code de la propriété intellectuelle est issu d’un amendement sénatorial à la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information. Cet article dispose que le titulaire d’un abonnement à internet doit veiller à ce que son accès à internet ne soit pas utilisé à des fins de piratage, notamment en mettant en œuvre les moyens de sécurisation qui lui sont proposés par son fournisseur d’accès à internet.

Ces dispositions sont remplacées par celles de l’article 6 du présent projet de loi relatif à l’obligation de surveillance de l’accès à internet par le titulaire de l’abonnement. L’article 6 du présent projet de loi crée un article L. 336-3 au sein du code de la propriété intellectuelle qui se substitue donc aux dispositions actuellement applicables à l’article L. 335-12. Ce nouvel article L. 336-3 est fondamental, la rapporteure pour avis l’a déjà évoqué et elle y reviendra ultérieurement, puisqu’il sert de fondement à la mise en place du système d’avertissement et de sanction géré par l’HADOPI.

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

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La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Article 4 bis

Modification par coordination de l’intitulé d’un chapitre
du code de la propriété intellectuelle

Cet article additionnel est issu d’un amendement de M. Michel Thiollière, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement. Il modifie l’intitulé du chapitre IV du titre III du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle. En l’état actuel du droit, ce chapitre est intitulé « Prévention du téléchargement illicite ». L’amendement élargit la prévention à la « mise à disposition illicite » et précise le périmètre de ce chapitre qui concerne les « œuvres et objets protégés ». Il s’agit, selon le rapporteur du Sénat, de prendre en compte le développement de différentes technologies permettant le piratage des œuvres. Le téléchargement, ou download, est certes un moyen de piratage, mais doivent également être couverts les actes de mise à disposition de fichiers ou upload (30).

*

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 4 bis sans modification.

Article 5

Procédure devant le juge pour faire cesser
les atteintes aux droits d’auteur et aux droits voisins
sur les services de communication en ligne

L’article 5 du présent projet de loi est destiné à améliorer le dispositif existant relatif à la prévention du téléchargement et à la mise à disposition illicites d’œuvres et d’objets protégés. Ce dispositif est actuellement prévu au de l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle, qui est abrogé par l’article 4 du présent projet de loi.

En l’état actuel du droit, le 4° de l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que le président du tribunal de grande instance peut ordonner la suspension, par tout moyen, du contenu d’un site internet portant atteinte à un droit d’auteur, y compris en ordonnant de cesser de stocker ce contenu ou, à défaut, de cesser d’en permettre l’accès.

Le 4° de l’article L. 332-1 étant abrogé, les nouvelles dispositions sont insérées à l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, dont l’article 5 du présent projet de loi propose une nouvelle rédaction. En l’état actuel du droit, cet article, créé par la loi DADVSI précitée, oblige les fournisseurs d’accès à internet à adresser aux internautes, à leurs frais, des messages de sensibilisation aux dangers que représente le piratage pour la création artistique. Il prévoit un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les modalités de diffusion de ces messages. Ces dispositions, aujourd’hui non appliquées du fait de l’absence de parution du décret, deviennent obsolètes du fait de la création de l’HADOPI.

Dans sa rédaction initiale, l’article 5 du présent projet de loi proposait donc une nouvelle rédaction de l’article L. 336-2 afin que le tribunal de grande instance, le cas échéant en référé, puisse ordonner « toute mesure de suspension ou de filtrage » de ces contenus, ainsi que « toute mesure de restriction de l’accès à ces contenus, à l’encontre de toute personne en situation de contribuer à y remédier ou de contribuer à éviter son renouvellement ».

Il s’agit clairement de renforcer la rapidité – par le biais du référé – mais également le caractère contradictoire de la procédure, la procédure actuelle, insérée dans l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle consacré à la saisie-contrefaçon, étant insatisfaisante, comme l’explique le Gouvernement dans l’exposé des motifs du projet de loi : « En premier lieu, le caractère non contradictoire de la procédure est apparu rapidement inapproprié à la matière en cause. Une large partie de la doctrine a d’ailleurs très tôt considéré que la voie du référé devait être ouverte. En second lieu, l’insertion de cette procédure au sein de l’article L. 332-1 [oblige] le demandeur [à] saisir la juridiction au fond dans les conditions prévues par l’article L. 332-3 : " Faute par le saisissant de saisir la juridiction compétente dans un délai fixé par voie réglementaire, mainlevée de cette saisie pourra être ordonnée à la demande du saisi ou du tiers saisi par le président du tribunal, statuant en référé ". [Cela] induit des complications inutiles au regard de la finalité réelle de cette action. La transposition dans de nombreux autres pays a d’ailleurs pris la forme d’une action en référé ou d’une action contradictoire à bref délai ».

En séance, les sénateurs ont adopté un amendement de M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques du Sénat, sous-amendé par M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles, et avec l’avis favorable du Gouvernement. Cet amendement « vise à assurer l’orthodoxie juridique et sémantique de cet article relatif aux pouvoirs du juge, notamment vis-à-vis des directives européennes » (31).

Cet amendement poursuit principalement deux objectifs :

− Tout d’abord il supprime les notions de « filtrage des contenus » et de « restriction de l’accès à ces contenus », ces deux expressions offrant en effet au juge la possibilité d’imposer aux fournisseurs d’accès la mise en œuvre de mesure de filtrage portant à la fois sur les contenus mais aussi sur les réseaux, alors même que ce terme n’est pas défini en droit et que son périmètre technologique est flou. Par ailleurs, en droit européen, on vise habituellement plutôt « toutes mesures de nature à prévenir ou faire cesser le dommage »  (32). Les États membres ne sont pas autorisés à imposer aux hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou qu’ils stockent. C’est d’ailleurs également cette formule qui figure à l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Enfin, comme l’a rappelé M. Retailleau, « les conclusions de la mission Olivennes reposent sur un équilibre d’obligations entre les ayants droit et les fournisseurs d’accès, qui ne prévoit pas d’évoquer le sujet du filtrage dans la loi " création et internet ". Au contraire, les parties prenantes ont conclu sur la nécessité d’expérimentations empiriques avant tout. En effet, la mise en œuvre de mesures de filtrage des réseaux supposerait que soient établies leur efficacité et leur viabilité technico-économique, alors même qu’elles présentent des risques de dommages collatéraux (risque de suppression de contenus légaux), peuvent facilement être contournées par des mesures de cryptage et mettent en péril le secret des correspondances (risquant d’atteindre, selon la CNIL, aux libertés individuelles, au rang desquelles figure la liberté d’expression) ainsi que la qualité de services en ralentissant les flux sur les réseaux » (33).

− En outre, cet amendement vise à rappeler que le juge doit d’abord agir en direction des hébergeurs des sites internet puis, à défaut, si l’hébergeur est hors d’atteinte, en direction des fournisseurs d’accès à internet. La rédaction initiale du projet de loi élargissait l’action du juge en direction de « toute personne en situation de contribuer à remédier » à l’atteinte aux droits d’auteur, et même « de contribuer à éviter son renouvellement », ce qui apparaît excessivement vague.

Rappelons qu’un arrêt récent de la Cour de cassation (19 juin 2008, affaire Aargh) a accru l’efficacité de cette procédure en disant clairement une bonne fois pour toute qu’il n’est pas nécessaire d’épuiser les voies de droit contre des hébergeurs inatteignables, notamment parce qu’ils sont établis à l’étranger, avant d’enjoindre aux fournisseurs d’accès de « couper le cordon » entre les sites incriminés et leurs abonnés. Le juge a ainsi affirmé que la responsabilité des fournisseurs d’accès n’est pas « subsidiaire » par rapport à celle des hébergeurs. Le projet de loi ne remet pas en cause cette jurisprudence.

Dans sa rédaction issue du Sénat, l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit donc qu’en cas d’atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un site internet, le tribunal de grande instance, qui peut statuer en référé, peut, à la demande des titulaires de droits, de leurs ayants droit, des sociétés de perception et de répartition des droits ou des organismes de défense professionnelle du secteur, ordonner « toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».

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La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau visant à supprimer l’article 5.

Mme Martine Billard. Cette question a été soulevée hier par notre collègue Jean Dionis du Séjour. Il s’agit de mettre en conformité le présent projet de loi avec les dispositions de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

En effet, cette loi a prévu qu’il n’existait pas de responsabilité a priori des hébergeurs et des fournisseurs, par exemple en cas de téléchargement illégal. Ces derniers ont l’obligation de couper l’accès, seulement lorsque des faits incriminés leur sont signalés. Ils n’ont pas d’obligation de surveillance des réseaux. Il me semble que l’article 5 est en contradiction avec ces principes.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement car, en l’état actuel du droit comme dans le présent article du projet de loi, la responsabilité n’est jamais établie a priori. Par ailleurs, l’article 5 a été clarifié lors de sa discussion au Sénat par l’adoption d’un amendement de M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques.

Il n’existe pas de responsabilité a priori des hébergeurs et des fournisseurs, mais uniquement une responsabilité qui doit être établie a posteriori par le juge judiciaire. Dans ce cadre, le juge agit effectivement en direction des hébergeurs mais également des fournisseurs d’accès à internet (FAI), si les hébergeurs sont hors d’atteinte. La Cour de cassation, dans un arrêt du 19 juin 2008 (affaire Aargh), au sujet d’un site néo-nazi, a affirmé qu’il n’était pas nécessaire d’épuiser les voies de droit contre des hébergeurs inatteignables, notamment parce qu’ils sont établis à l’étranger, avant d’enjoindre au fournisseur d’accès de couper l’accès au site internet lorsqu’il est hébergé à l’étranger.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite deux amendements soumis à discussion commune de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, et de Mme Martine Billard, visant à préciser que les dispositions du présent article du présent projet de loi respectent les dispositions prévues à l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Mme Martine Billard. Je suis d’accord pour que l’accès aux sites puisse être coupé lorsque des délits sont constatés. Le problème des hébergeurs situés à l’étranger demeure et il est difficile d’agir contre eux. J’ai eu connaissance de ce cas précis dans ma circonscription, où plusieurs personnes subissaient le harcèlement d’un site internet néonazi.

Mais les fournisseurs d’accès à internet ne peuvent pas surveiller constamment les réseaux. Les modalités de la coupure doivent être mieux encadrées, les hébergeurs et les fournisseurs d’accès à internet ne pouvant voir leur responsabilité mise en cause que lorsqu’ils ne réagissent pas aux injonctions du juge.

Cet encadrement doit être conforme à la loi pour la confiance dans l’économie numérique. La rédaction actuelle de l’article 5 n’est pas assez claire.

Mme la rapporteure pour avis. Il me semble au contraire que la rédaction de l’article 5 a été très utilement clarifiée au Sénat.

Ce que vous proposez va de soi : les dispositions prévues par le présent article du présent projet de loi sont conformes à celles prévues à l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance pour l’économie numérique.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette ces deux amendements.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 5 sans modification.

Article 6

Obligation de surveillance de l’accès à internet et clauses exonératoires de responsabilité pour le titulaire de l’abonnement

Cet article introduit au chapitre IV du titre III du livre III du code la propriété intellectuelle deux nouveaux articles L. 336-3 et L. 336-4. Le premier pose l’obligation, pour la personne titulaire d’un accès à internet de veiller à la licéité de son usage au regard du respect des droits d’auteurs et droits voisins. Le second, introduit par la voie d’un amendement sénatorial, précise que le titulaire des droits doit assurer l’information des consommateurs sur la légalité d’une œuvre qui circule sur internet.

1. Obligation de surveillance de l’accès à internet par le titulaire de l’abonnement

L’alinéa 2 insère un nouvel article L. 336-3 dans le code de la propriété intellectuelle en vue de poser le principe de la surveillance de l’accès à internet par le titulaire de l’abonnement. Cet article constitue donc le socle du dispositif de riposte graduée mis en place à l’article 2 du projet de loi.

En l’état actuel du droit, l’article L. 335-12 du code de la propriété intellectuelle, introduit par l’article 25 de la loi « DADVSI » du 1er août 2006, pose le même type d’obligation. Cet article dispose en effet que « le titulaire d’un accès à des services de communication au public en ligne doit veiller à ce que cet accès ne soit pas utilisé à des fins de reproduction ou de représentation d’œuvres de l’esprit sans l’autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II, lorsqu’elle est requise, en mettant en œuvre les moyens de sécurisation qui lui sont proposés par le fournisseur de cet accès en application du premier alinéa du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. »

Le nouvel article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle, se substitue à ces dispositions, abrogées en conséquence par l’article 4 du projet de loi, tout en leur donnant leur pleine portée.

En premier lieu, l’alinéa élargit le champ des utilisations potentiellement illicites d’œuvres protégées par des droits d’auteurs ou droits voisins. Ainsi la reproduction, la représentation, la mise à disposition ou la communication au public d’œuvres ou d’objets protégés sont expressément visées :

– La mise à disposition vise spécifiquement la transmission interactive des œuvres sur les réseaux numériques. L’article 3 de la directive 2001/29/CE consacre le droit exclusif pour les auteurs d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. Cette prérogative n’est pas expressément consacrée par le code de la propriété intellectuelle dans la mesure où elle constitue un démembrement du droit de représentation des auteurs (article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle). Ce droit est en effet défini de manière très synthétique et couvre tous les modes de communications au public, notamment sur internet. De la même façon, les artistes-interprètes (article L. 212-2 du code de la propriété intellectuelle), les producteurs de phonogrammes (article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle) et de vidéogrammes (article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle) se voient reconnaître un droit général de communication au public qui couvre la mise à disposition sur internet.

– La reproduction, selon l’article L. 122-3 du code de la propriété intellectuelle « consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique ». L’article 2 de la directive 2001/29/CE confère aux auteurs et aux titulaires de droits voisins le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire « la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie » de leurs œuvres ou objets protégés.

– La représentation, selon l’article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle, « consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque ». Le code de la propriété intellectuelle cite, à titre d’exemple, la récitation publique, l’exécution lyrique, la représentation dramatique, la présentation publique, la projection publique et la transmission dans un lieu public de l’œuvre télédiffusée. L’article 3 de la directive 2001/29/CE confère aux auteurs et aux titulaires de droits voisins le droit exclusif « d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ». Les titulaires de droits voisins sont, quant à eux, titulaires d’un droit de communication au public qui recouvre la prérogative consacrée à l’article 3 de la directive 2001/29/CE et le droit de représentation des auteurs.

En deuxième lieu, l’alinéa crée une sanction en cas de manquement à cette obligation, ce qui n’était auparavant pas le cas. Ainsi, l’alinéa 4 dispose que le fait pour la personne titulaire de l’accès à internet de manquer à l’obligation de surveillance peut donner lieu à sanction dans les conditions prévues par l’article L. 331-25, exposée à l’article 2 du projet de loi.

2. Clauses d’exonérations de la responsabilité du titulaire d’un accès à internet

Les alinéas 4 à 7 instaurent les conditions dans lesquelles la responsabilité d’un titulaire d’accès à internet ne peut être retenue.

Une clause exonératoire avait également été prévue par l’article 21 de la loi du 1er août 2006 en cas de contournement des moyens techniques de protection des œuvres en vue d’en améliorer l’interopérabilité (c’est-à-dire la lecture sur différents supports). Cependant, par sa décision n° 2006-540 DC, le Conseil constitutionnel a censuré le dernier alinéa de l’article 21 de la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, au motif que celui-ci instituait une cause d’exonération dans des conditions « imprécises et discriminatoires ».

L’alinéa 5 pose un principe d’exonération de responsabilité du titulaire de l’accès si celui-ci a mis en œuvre l’un des moyens de sécurisation figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 331-30. Cet alinéa apporte donc une réelle garantie aux abonnés et vient préciser l’alinéa 2 en faisant entrer la mise en œuvre de ces moyens techniques dans les modalités de surveillance de l’accès à internet. Il faut rappeler en outre que l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle qui figure à l’article 2 du projet de loi prévoit une autre sanction que la suspension de l’accès internet pour les chefs d’entreprise, car il est bien évident que les conséquences de celle-ci seraient disproportionnées pour une entreprise : il s’agit de l’injonction délivrée au chef d’entreprise de mettre en place des dispositifs type firewall antipiratage.

En l’état actuel du droit, l’article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle définit ces mesures de sécurisation comme les « mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin du droit d’auteur d’une œuvre, autre qu’un logiciel, d’une interprétation, d’un phonogramme, d’un vidéogramme ou d’un programme sont protégées dans les conditions prévues au présent titre ».

Le code précise que l’« on entend par mesure technique (…) toute technologie, dispositif, composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, accomplit la fonction prévue par cet alinéa. Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu’une utilisation visée au même alinéa est contrôlée par les titulaires de droits grâce à l’application d’un code d’accès, d’un procédé de protection tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’objet de la protection ou d’un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection. Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article. »

Désormais, l’article 2 du projet de loi prévoit qu’il revient à l’HADOPI, après consultation des parties intéressées ayant une expertise spécifique dans le développement et l’utilisation de ces moyens de sécurisation, d’établir la liste des spécifications fonctionnelles pertinentes que ces moyens doivent présenter pour être considérés comme exonérant valablement le titulaire de l’accès de sa responsabilité. En outre, la Haute Autorité peut labelliser ces moyens de sécurisation (alinéa 98 de l’article 2). Cette labellisation est de plus périodiquement revue, ce qui permettra de s’adapter aux rapides évolutions technologiques qui permettent de contourner les systèmes de protection existants.

Le rapporteur de la commission des affaires culturelles du Sénat a noté que dans un souci d’efficacité, il conviendrait que l’HADOPI puisse vérifier a posteriori si le logiciel était effectivement activé au moment du manquement constaté. Concrètement, l’abonné mis en demeure par l’HADOPI pourra apporter la preuve qu’il avait utilisé ces moyens techniques. De même que pour logiciels de contrôle parental ou les anti-virus, non seulement le fournisseur pourra attester que l’abonné a bien fait l’acquisition de ce service, mais il pourra savoir et indiquer à l’HADOPI que le logiciel qu’il vous avait fourni était activé ou non au moment où le manquement a été constaté.

L’alinéa 6 prévoit que la responsabilité du titulaire d’accès à internet n’est pas en cause si l’atteinte aux droits visés au premier alinéa est le fait d’une personne qui a frauduleusement utilisé l’accès au service de communication au public en ligne, à moins que cette personne ne soit placée sous l’autorité ou la surveillance du titulaire de l’accès ;

Cet alinéa pose en premier lieu l’irresponsabilité de l’abonné si celui-ci est victime d’une intrusion frauduleuse sur son serveur. Il prend ainsi en compte tenu le risque de piratage de la connexion par une personne tierce. On peut d’ailleurs rappeler qu’il existe une sanction pénale spécifique à l’égard des « hackers ». En effet, selon l’article 323-1 du code pénal, « le fait d’accéder ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »

En deuxième lieu, la dernière phrase de l’alinéa précise que la responsabilité de l’abonné est engagée si la personne qui a frauduleusement utilisé internet est placée sous son autorité ou sa surveillance est conforme au principe de responsabilité pour fait d’autrui, prévu par l’article 1384 du code civil qui dispose que l’« on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».

L’alinéa 7 dispose que la responsabilité de l’abonné ne peut être mise en cause en cas de force majeure.

Enfin, il faut noter que ces dispositions s’articulent avec celles de l’article 8 du projet de loi, qui tend à obliger les fournisseurs d’accès à internet à informer leurs abonnés de l’existence de « moyens techniques » permettant de prévenir l’utilisation de leur accès à des fins de « piratage ».

2. Obligation pour le titulaire de droits d’informer les internautes sur l’usage autorisé des œuvres protégées par le titulaire de droits

L’alinéa 8 est issu d’un amendement présenté par M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques du Sénat, adopté avec avis favorable de la commission saisie au fond et du gouvernement. Il introduit dans le code de la propriété intellectuelle un nouvel article L. 336-4 qui prévoit l’information des consommateurs, par les ayants droit, de l’usage autorisé des œuvres protégées sur internet.

Cet article constitue le nécessaire complément du principe de responsabilité du titulaire d’un accès à internet posé à l’article précédent. En effet, il est fréquent que les internautes ne soient pas avertis des modes d’utilisation licites et illicites des œuvres mises en ligne sur les réseaux de communication électronique ou soient trompés par certaines offres commerciales qui prétendent être légales. L’information préalable des internautes étant un des fondements de leur responsabilité, il convenait de combler cette lacune.

Ainsi, l’alinéa 8 prévoit que « le titulaire de droits visés aux livres Ier et II du présent code met à la disposition des consommateurs souhaitant accéder à une œuvre protégée dont il autorise l’utilisation sur les réseaux de communications électroniques les caractéristiques essentielles de l’utilisation de cette œuvre conformément aux articles L. 111-1 et L. 121-1 du code de la consommation, par un moyen immédiatement accessible et associé à cette œuvre ».

Cette obligation d’information s’imposera désormais aux titulaires de droits d’auteur et droits voisins qui autorisent l’utilisation sur internet d’œuvres protégées. L’expression « titulaires de droits » renvoie principalement aux auteurs, artistes-interprètes et producteurs. On peut s’étonner de cette référence dans la mesure où la logique voudrait qu’il incombe d’avantage aux éditeurs de services de communication au public en ligne et aux responsables de plateformes de mise à disposition des œuvres d’informer l’internaute sur les règles relatives à leur utilisation.

Les « caractéristiques essentielles de l’utilisation de cette œuvre » renvoient par exemple au nombre de copies autorisées de l’œuvre, aux supports sur lesquels les fichiers sont lisibles, aux éventuels dispositifs techniques de protection dont l’œuvre fait l’objet. Comme le note le rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat, cette transparence, notamment en matière de mesures techniques de protection, pourrait permettre, « par le biais du jeu concurrentiel, d’améliorer la diffusion des œuvres et l’interopérabilité ». La question demeure cependant complexe dans la mesure où les caractéristiques d’utilisation de l’œuvre ne sont pas les mêmes selon le type de service proposé (téléchargement définitif ou temporaire, téléchargement ou streaming, etc.) et les types d’utilisation (copie ou lecture).

La référence au code de la consommation vise explicitement l’obligation générale d’information qui s’applique d’ores et déjà à tous les prestataires de biens et services. L’article L. 111-1 du code de la consommation créé par la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 dispose en effet que « tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ». Le principe de cette information étant posé, c’est en toute connaissance de cause que l’internaute utilisera l’œuvre protégée à des fins de reproduction ou de communication.

L’alinéa prévoit également que cette obligation d’information doit s’exercer dans les conditions fixées par l’article L. 121-1 du code de la consommation, tel que modifié par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui qualifie les pratiques commerciales trompeuses (voir l’encadré ci-dessous). La référence à l’article L. 121-1 implique une réelle responsabilité des ayants droit, qui suppose de définir avec précision ce que seront les règles d’utilisation des œuvres mises en réseau. On peut se demander en outre si le renvoi aux pratiques commerciales trompeuses répond adéquatement au besoin, certes réel, d’information des internautes.

Il est enfin précisé que l’information doit être lisible et associée à l’œuvre. L’intention est louable, cependant sa mise en œuvre pourrait poser quelques problèmes techniques et engendrer des coûts supplémentaires pour les titulaires de droits. Il serait peut-être plus opportun de prévoir un système d’information générale relatif à l’utilisation des œuvres protégées placé sur les sites proposant une offre légale.

Les pratiques commerciales trompeuses
extraits de l’article L. 121-1 du code de la consommation

I.- Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;

c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;

d) Le service après-vente, la nécessité d’un service, d’une pièce détachée, d’un remplacement ou d’une réparation ;

e) La portée des engagements de l’annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;

f) L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;

g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;

3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable.

II.- Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l’entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu’elle n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.

L’alinéa 9 précise qu’un décret détermine les caractéristiques essentielles de l’utilisation de l’œuvre.

*

La Commission examine deux amendements soumis à discussion commune, le premier de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, visant à supprimer l’article 6, le second présenté par Mme Martine Billard visant à supprimer les alinéas 2 à 7 de l’article 6.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis défavorable à ces amendements car l’article 6, qui pose le principe d’obligation de surveillance par l’abonné de l’usage qui est fait de son accès à internet au regard du respect des œuvres protégées, constitue le socle du dispositif de la riposte graduée.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette les amendements.

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, visant à insérer dans le deuxième alinéa de l’article 6 après les mots « la personne », le mot « physique ».

Mme la rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement qui vise à exclure les personnes morales du champ du dispositif en raison du risque d’inconstitutionnalité qu’il présente. En effet, il engendre une rupture d’égalité entre personnes physiques et personnes morales qui ne se justifie pas par l’objet du projet de loi.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau, défendu par Mme Martine Billard, visant à insérer un nouvel alinéa après l’alinéa 5 afin de prévoir le cas où aucun moyen de sécurisation figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 331-30 du code de la propriété intellectuelle n’est disponible pour le matériel de l’abonné.

Mme Martine Billard. On ne peut pas obliger un internaute à installer un moyen de sécurisation sur son matériel si celui-ci n’est pas en état de supporter ledit moyen.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec l’esprit de cet amendement mais j’y suis défavorable car ce cas de figure est implicitement prévu par le projet de loi. En effet, l’HADOPI procèdera à une révision régulière de la labellisation des moyens de sécurisation et pourra à ce titre prendre en compte cette difficulté.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 6 sans modification.

Après l’article 6

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, visant à créer un article additionnel après l’article 6 ayant pour objet la disparition progressive des mesures techniques de protection des fichiers.

M. Marcel Rogemont. Cet ajout est intéressant car il enverrait un message positif aux internautes.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec l’idée de cet amendement. Cependant, il est impossible de poser aujourd’hui la fin de toutes les mesures de techniques de protection des œuvres. Tout d’abord parce que ces mesures techniques sont protégées aux termes des traités de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et de la directive européenne du 22 mai 2001 relative à l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. La loi française ne peut, par sa seule initiative, en décider la suppression. Cette décision unilatérale de suppression engendrerait une réaction négative de l’Union européenne. Par ailleurs, l’interopérabilité est prévue dans l’article 9 ter du présent projet de loi, qui prévoit l’abandon des mesures techniques de protection sur les catalogues de musique. Je tiens à signaler enfin que ces moyens techniques permettent des usages différenciés des œuvres. Ainsi, la location d’un film en VoD requiert des moyens techniques de protection spécifiques. Je suis donc, pour ces raisons, défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette cet amendement.

Article 7

Coordination

Par coordination avec les dispositions prévues aux articles 1 et 2 du projet de loi, cet article modifie l’article L. 342-3-1 du code de la propriété intellectuelle issu de l’article 29 de la loi « DADVSI » du 1er août 2006, qui a pour objet d’assurer une protection juridique aux mesures techniques propres à empêcher ou à limiter les utilisations d’une base de données que le producteur n’a pas autorisées.

L’alinéa 2 procède à une modification des renvois auxquels l’article L. 342-3-1 fait référence, par coordination avec la renumérotation d’articles du code de la propriété intellectuelle prévue par l’article 1er de ce projet de loi.

L’alinéa 3 remplace les mots : « Autorité de régulation des mesures techniques prévue à l’article L. 331-17 » par ceux de : « Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet prévue à l’article L. 331-12 », en coordination avec l’article 2 du projet de loi qui crée cette nouvelle autorité administrative indépendante. Ce faisant, l’HADOPI succède à l’ARMT dans son rôle de règlement des différends relatifs aux exceptions à la protection des droits des auteurs de bases de données.

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La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification.

Article 7 bis

Élaboration d’un système de référencement de l’offre légale
par le Centre National de la Cinématographie

Cet article, introduit par un amendement de M. Serge Lagauche et adopté après avis favorable de la commission des affaires culturelles du Sénat et du gouvernement, confie au Centre national de la cinématographie (CNC) le soin d’élaborer un système de référencement des œuvres favorable au développement d’une offre légale d’œuvres culturelles sur internet.

En effet, les moteurs de recherche ne distinguent actuellement pas les œuvres légalement et illégalement mises à disposition sur des sites internet. Cet article vise par conséquent à combler cette lacune en invitant le CNC à conclure des accords avec les entreprises de moteur de recherche afin que leur système de référencement valorise l’offre légale ou à créer un système de recherche ad hoc.

Aux États-Unis, les grandes majors ont compris qu’elles ne pouvaient pas lutter contre le sens de l’histoire, celle de la gratuité des contenus sur le net, et proposent déjà de nouveaux modèles économiques. Le site HULU prochainement disponible en Europe est un site légal et gratuit de diffusion de vidéos et films des grands studios de production et chaînes de TV (Warner, Viacom, Sony….). Lancé en mars 2008, sa croissance est exponentielle : 6,3 millions de visiteurs en septembre 2008, 12 millions en octobre et 70 millions de dollars de chiffre d’affaires avec un résultat net positif. Il est financé par la publicité de spots intégrés aux vidéos.

Le passage d’accords avec les entreprises de moteur de recherche pose un certain nombre de problèmes techniques et juridiques. En revanche il est possible de créer un service spécifiquement dédié à la promotion de l’offre légale d’œuvres cinématographiques.

Ce type d’initiative se rencontre également dans des pays européens. On peut citer à titre d’exemple le site « findanyfim.com », dont le concept consiste à informer l’internaute de la disponibilité des films en Grande Bretagne, tous formats (salles, DVD, VoD). Il serait envisageable de charger le CNC du lancement d’un appel d’offre afin de créer un produit similaire en France. Ce moteur de recherche pourrait valoriser plus particulièrement les plates-formes qui proposent des œuvres européennes.

Le CNC ayant vocation à soutenir la recherche et de l’innovation dans le cinéma, l’audiovisuel et le multimédia, la valorisation de l’offre légale entre logiquement dans son champ d’action. Les responsables du CNC ont d’ailleurs fait part à la rapporteure pour avis de l’intérêt qu’ils portent à cette mission.

Cependant, il conviendrait de préciser la rédaction de cet article sur deux points. Au regard des initiatives privées existant déjà en France en la matière, il pourrait être envisagé que la mission soit exercée directement ou indirectement par le CNC. Par ailleurs, dans son actuelle rédaction, l’article 7 bis semble couvrir l’offre légale dans tous les domaines. Il serait plus opératoire de la limiter au secteur cinématographique et plus précisément aux œuvres cinématographiques françaises et européennes et non à l’ensemble des œuvres protégées par un droit d’auteur. La rapporteure pour avis déposera un amendement en ce sens.

Enfin, au-delà de la promotion, la rapporteure pous avis souhaite insister sur le nécessaire le développement de l’offre légale et la création cinématographique sur internet. À ce titre, deux mesures, outre le problème de la chronologie des médias, à laquelle l’article 9 ter du projet de loi apporte une réponse, pourraient être mises en place :

– la création d’un crédit d’impôt, sur le modèle du crédit d’impôt cinéma mis en place par l’article 88 de la loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 (article 220 sexies du code des impôts), au bénéfice des auteurs et producteurs de programmes destinés à être diffusés en premier lieu sur internet ;

– la mise en place d’un « must carry » pour les fournisseurs d’accès qui proposent des œuvres cinématographiques sur des plateformes de VoD. En effet, certaines plateformes composées d’œuvres cinématographiques indépendantes, comme Univerciné, peinent à être diffusées à un large public. Comme le note un rapport de mars 2008 du CNC sur l’économie de la VoD, les modèles économiques de la VoD sont particulièrement fragiles pour les éditeurs VoD de petite et moyenne taille. Or, pour un meilleur équilibre du marché, il paraît essentiel que des éditeurs de VoD « alternatifs » existent et proposent au public des offres spécifiques, à coté d’offres généralistes, naturellement plus focalisées sur les nouveautés les plus commerciales.

Les fournisseurs d’accès à l’ADSL qui ont eux-mêmes développé une plateforme de VoD pourraient avoir l’obligation de reprendre l’offre des petits éditeurs de VoD qui font la promotion des œuvres européennes. Cette mesure serait de plus en totale cohérence avec les dispositions de la directive SMA de 2007 qui étend le principe de la valorisation des œuvres européennes aux nouveaux services de médias à la demande. Comme l’a en effet noté le rapporteur du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, qui procède à la transposition de cette directive, l’introduction de « quotas catalogue » et une présentation attrayante des œuvres européennes sur les SMAd doivent être une priorité pour les acteurs du cinéma.

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La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 7 bis sans modification.

Après l’article 7 bis

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, portant création d’un article additionnel après l’article 7 bis afin de prévoir une rémunération des artistes interprètes proportionnelle aux recettes publicitaires générées sur les sites de téléchargement légaux.

M. Marcel Rogemont. Il s’agit de mieux répartir les revenus générés par la création, d’en prévoir l’assiette et la destination, en récupérant de l’argent créé par l’économie numérique et les contenus, et de marquer ainsi notre intérêt pour la création culturelle et sa promotion.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis d’accord pour rémunérer justement les artistes interprètes. Cependant la solution de rémunération proportionnelle aux recettes publicitaires est trop complexe à mettre en place et comporte le risque de générer un contentieux important. L’idée est intéressante mais impraticable.

M. Marcel Rogemont. Il existe des taxes sur la publicité, notamment dans l’audiovisuel, et il n’est pas choquant de proposer un dispositif comparable.

Mme la rapporteure pour avis. La difficulté posée par cet amendement réside non pas dans le principe d’une taxe sur la publicité mais dans celui de la proportionnalité aux recettes publicitaires qui rend le dispositif impossible à mettre en œuvre. De plus il serait contre-productif d’affaiblir ainsi des modèles économiques naissants. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Marcel Rogemont. Je supprimerai la condition de proportionnalité.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, portant création d’un article additionnel après l’article 7 bis visant à fonder le montant des rémunérations des ayants droit sur la base d’une information précise quant à la vente ou l’usage des œuvres.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit de fournir aux ayants droit une information extrêmement détaillée sur les conditions de diffusion sur internet de leurs œuvres. Je suis défavorable à cet amendement qui pose un problème réel de secret industriel.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, portant création d’un article additionnel après l’article 7 bis visant à fixer un principe général de soutien des pouvoirs publics à la création musicale et à prévoir qu’un décret fixera les modalités du financement de ce soutien.

M. Marcel Rogemont. Il s’agit de soutenir la création musicale et de prévoir qu’un décret fixe les modalités d’aide, comme cela se pratique dans le secteur du cinéma.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis d’accord sur le principe de cet amendement mais cette disposition n’est pas normative.

M. Marcel Rogemont. Il s’agit d’inciter le Gouvernement et le Conseil d’État à mettre en place un dispositif d’aide à la création musicale. C’est un amendement d’appel.

Mme la rapporteure pour avis. L’intention est évidemment louable, mais l’amendement est bavard. De plus ce soutien existe déjà. Ainsi, le Centre national des variétés, de la chanson et du jazz, placé sous la tutelle du ministère de la culture, a pour mission principale de soutenir le secteur musical.

M. Christian Kert, président. Cet amendement est redondant.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, portant création d’un article additionnel après l’article 7 bis visant à instaurer un système de « licence globale ».

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, portant création d’une division additionnelle intitulée « Chapitre 1er bis : Dispositions pour la mise en place d’une juste rémunération des ayants droits et le financement de la création ».

M. Marcel Rogemont. Il s’agit de créer un nouveau chapitre au sein du code la propriété intellectuelle consacré exclusivement à la mise en œuvre de nouveaux mécanismes de rémunération des ayants droits adaptés à l’ère numérique.

Mme la rapporteure pour avis. Ce n’est pas à la loi de régler dans la précipitation ce qui doit faire l’objet d’une véritable concertation entre professionnels. Ces derniers doivent d’abord s’entendre sur un nouveau modèle économique viable et conforme aux intérêts de tous. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement.

Chapitre ii

Dispositions modifiant la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004
pour la confiance dans l’économie numérique

Article 8

Obligation d’informer les abonnés
sur les moyens techniques de sécurisation de l’accès à internet

Cet article complète l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, en instaurant l’obligation pour les fournisseurs d’accès d’informer leurs abonnés des moyens techniques permettant de prévenir une utilisation frauduleuse de leur accès à internet au regard des droits d’auteur et droits voisins.

En l’état actuel du droit, l’alinéa 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dispose d’ores et déjà que « les personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne informent leurs abonnés de l’existence de moyens techniques permettant de restreindre l’accès à certains services ou de les sélectionner et leur proposent au moins un de ces moyens ». Ce devoir d’information vise notamment les logiciels de contrôle parental, qui permettent aux parents de filtrer certains contenus sur internet ou d’en bloquer l’accès afin de protéger leurs enfants des contenus violents ou à caractère pornographique, pouvant nuire à leur santé physique ou morale. En la matière, les fournisseurs d’accès ont non seulement l’obligation d’informer leurs abonnés de l’existence d’outils de protection, mais doivent leur en proposer au moins un.

L’alinéa 2 introduit donc une nouvelle obligation d’information pour les fournisseurs d’accès à l’égard de leurs abonnés, qui vise spécifiquement les moyens de protection des œuvres sous droits d’auteur sur internet. L’alinéa dispose ainsi que « les personnes visées à l’alinéa précédent les informent également de l’existence de moyens de sécurisation permettant de prévenir les manquements à l’obligation définie à l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle et leur proposent au moins un de ces moyens figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 331-30 du même code ».

Ce sont tous les fournisseurs daccès à internet, cest-à-dire, selon larticle L. 32-3-4 du code des postes et des télécommunications « toute personne assurant une activité de transmission de contenus sur un réseau de télécommunications ou de fourniture daccès à un réseau de télécommunications (…) », qui devront désormais garantir cette information aux internautes.

Cette nouvelle disposition est essentielle à plusieurs titres. Tout d’abord elle peut se concevoir comme la contrepartie logique de l’obligation pour l’abonné, instaurée par le nouvel article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle (article 6 du projet de loi), de surveiller son accès à internet. Elle s’inscrit ensuite dans la démarche pédagogique que souhaite promouvoir le gouvernement. Enfin, comme le rappelait lors de la discussion du texte le rapporteur pour la commission des affaires culturelles du Sénat, cette information est importante au sein du dispositif global de prévention du piratage dans la mesure où la preuve de l’installation – et de l’activation – de tels moyens techniques permettra à l’internaute de faire valoir, en cas de décision de sanction, l’une des clauses d’exonération de responsabilité définies à l’article 6 du projet de loi.

En outre, le Sénat a complété la rédaction initiale de cet article par une disposition qui prévoit que les fournisseurs d’accès « proposent au moins un de ces moyens figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 331-30 du même code ». Cette nouvelle rédaction apporte une double précision que la rapporteure pour avis juge utile.

D’une part, elle permet d’établir que l’information délivrée par les fournisseurs d’accès portera sur les moyens de sécurisation figurant sur la liste établie par l’HADOPI dans les conditions fixées par l’article L. 331-30 nouveau du code de la propriété intellectuelle (article 2 du projet de loi). Ainsi les abonnés auront-ils la garantie que les moyens techniques utilisés sont reconnus par la Haute Autorité.

D’autre part, elle permet de s’aligner sur le dispositif prévu par le premier alinéa relatif aux dispositifs de « contrôle parental », qui a fait la preuve de son efficacité, en prévoyant que les fournisseurs d’accès à internet devront proposer à leurs abonnés au moins l’un de ces moyens de sécurisation dans le cadre de leur offre commerciale. Ces outils sont aujourd’hui en plein développement (voir l’encadré ci-dessous). Comme le note le rapport Olivennes, ils s’appuient sur un certain nombre de technologies innovantes prometteuses, qui n’ont pas encore atteint le stade de leur pleine maturité. Il est difficile d’évaluer leur efficacité réelle dans le cadre d’un déploiement « grandeur nature ». Dans ce contexte, les accords de l’Élysée prévoient une expérimentation préalable de deux ans et une évaluation de ces outils par les acteurs de la culture et de l’internet avant d’envisager leur déploiement à large échelle.

Les outils de filtrage par les fournisseurs d’accès à internet

– le filtrage d’URL ou d’adresse IP : il impose de repérer préalablement les adresses à bloquer, ce qui nécessite une analyse des flux en temps réel et une grande réactivité de traitement. De tels systèmes sont déjà mis en œuvre pour bloquer sur demande judiciaire l’accès à des sites interdits (apologie de crimes contre l’humanité, pédophilie).

– le filtrage de ports : les services P2P utilisent des ports clairement identifiés qu’il est possible de bloquer ; le filtrage de ports est possible sur tous les routeurs utilisés par les opérateurs (Cisco, Juniper, Extreme, Etwork, Foundry).

– le filtrage de protocoles : ces outils permettent de bloquer certains types d’échanges à partir du repérage des règles qui les régissent, voire de leur comportement ; des outils existent sur le marché comme Netenforcer d’Allot, PacketShaper de Packeteer, P-Cube ou NBAR de Cisco.

– le filtrage de contenus : il s’agit de déceler et de pouvoir bloquer, lorsqu’elles transitent sur les réseaux et si elles sont utilisées de façon illicite, des données préalablement marquées. Le filtrage de contenus peut s’appuyer, d’une part, sur des techniques de tatouage numérique, qui consistent à vérifier une marque inscrite préalablement à l’intérieur d’un document et contenant des informations de copyright ou d’autres messages de vérification, ou, d’autre part, sur des techniques d’empreintes numériques, qui consistent à calculer un condensat numérique d’un document et à le comparer à une base de données d’empreintes numériques de référence.

Source : rapport de M. Denis Olivennes sur le développement et la protection des œuvres culturelles sur les nouveaux réseaux, 2007.

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La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau, défendu par Mme Martine Billard, visant à insérer à l’alinéa 2 de l’article 8, après les termes « moyens de sécurisation », le terme « gratuit ».

Mme la rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement qui porte atteinte au droit de la concurrence. De plus, il faut prendre en compte le fait que ces nouvelles technologies, qui doivent sans cesse être améliorées, ont un coût.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

Chapitre iii

Dispositions modifiant le code des postes et des communications électroniques

Article 9

Mise à disposition de la HADOPI de données techniques générées par les communications électroniques

Cet article vise à modifier le II de larticle L. 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques, afin de permettre à lHADOPI de disposer des données techniques nécessaires à lexercice de ses missions.

En létat actuel du droit, larticle L. 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques prévoit que « les opérateurs de communications électroniques, et notamment les personnes dont lactivité est doffrir un accès à des services de communication au public en ligne, effacent ou rendent anonyme toute donnée relative au trafic ». Par dérogation, cet effacement peut être différé, dans un délai maximal dun an, « pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de lautorité judiciaire dinformations ».

Le II de larticle L. 34-1 précise quun « décret en Conseil dÉtat, pris après avis de la Commission nationale de linformatique et des libertés, détermine, dans les limites fixées par le V, ces catégories de données et la durée de leur conservation, selon lactivité des opérateurs et la nature des communications ainsi que les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de lÉtat, par les opérateurs ».

Enfin, le V de larticle L. 34-1 dispose que les données conservées et traitées « portent exclusivement sur lidentification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs, sur les caractéristiques techniques des communications assurées par ces derniers et sur la localisation des équipements terminaux ». Les informations ne peuvent en aucun cas porter sur la nature et le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées.

Larticle 9 du projet de loi apporte une double modification au II de larticle 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques. En premier lieu il étend la possibilité de conserver, pour une durée maximale dun an, des données relatives au trafic sur internet, en cas de manquement à lobligation de sécurisation de laccès à internet prévu à larticle L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle. En deuxième lieu, il prévoit la mise à disposition de ces informations, en sus de lautorité judiciaire, à lautorité administrative indépendante créée par le projet de loi, lHADOPI.

La modification de larticle 34-1 est indispensable à la mise en œuvre effective du mécanisme davertissement et de sanction prévu à larticle 2 du projet de loi, et doit être examinée au regard de cette disposition.

En effet, sans possibilité daccès aux données traitées par les fournisseurs daccès à internet, la riposte graduée resterait lettre morte. Cest pourquoi le nouvel article L. 331-20 du code de la propriété intellectuelle, au même article 2 du projet de loi, pose que dans lexercice de leurs fonctions, les agents de lHADOPI peuvent, « pour les nécessités de la procédure, obtenir tous documents, quel quen soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques et les fournisseurs daccès à internet ». Le même article précise quils « peuvent, notamment, obtenir des opérateurs de communications électroniques lidentité, ladresse postale, ladresse électronique et les coordonnées téléphoniques de labonné ».

Or les données traitées par les opérateurs de communication électroniques, plus spécifiquement les adresses IP, sont considérées comme des données nominatives par la CNIL (communication du 2 août 2007) ou encore par le groupe de travail sur la protection des données et de la vie privée instauré par larticle 29 de la directive 95/46/CE. Ainsi les fichiers les traitant doivent faire lobjet dune autorisation, aux termes de larticle 25 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à linformatique, aux fichiers et aux libertés.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004 concernant la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à légard des traitements de données à caractère personnel, a validé la disposition autorisant les sociétés dauteurs à constituer des traitements de données à caractère personnel, tout en rappelant que « les données ainsi recueillies ne pourront, en vertu de larticle L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, acquérir un caractère nominatif que dans le cadre dune procédure judiciaire ». De plus, dans sa décision SACEM et autres du 23 mai 2007, le Conseil dÉtat, bien quil ait annulé la décision de la CNIL de refuser lautorisation aux sociétés dayants droit de mettre en œuvre un traitement de données à caractère personnel afin denvoyer des messages aux internautes contrefacteurs, a souligné que la CNIL avait « relevé à bon droit que les traitements envisagés ayant pour finalité lenvoi de messages pédagogiques étaient contraires aux dispositions (...) de larticle L. 34-1 du code des postes et communications électroniques, telles quinterprétées par la décision 2004-499 DC du 29 juillet 2004 », dans la mesure où ces messages navaient pas pour but la mise à disposition dinformations à lautorité judiciaire pour le besoin de la poursuite des infractions pénales.

Il était donc nécessaire à la fois dautoriser et dencadrer laccès aux données définies par larticle L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques. La rapporteure pour avis rappelle quil nest pas question dinstaurer une surveillance généralisée mais de mettre ponctuellement à disposition des membres de la commission de protection des droits de lHADOPI des informations indispensables à leur mission, dans la seule hypothèse où labonné aurait fait un usage illicite sur internet dœuvres protégées. De plus, larticle 2 du projet de loi encadre lusage de ces données en prévoyant quun décret en Conseil dÉtat, pris après avis de la Commission nationale de linformatique et des libertés précise :

– les catégories de données enregistrées et leur durée de conservation ;

– les destinataires habilités à recevoir communication de ces données, notamment les personnes dont lactivité est doffrir un accès à des services de communication au public en ligne ;

– les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer, auprès de la Haute Autorité, leur droit daccès aux données les concernant conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à linformatique, aux fichiers et aux libertés.

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Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de M. Christian Paul visant à supprimer l’article 9.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 9 sans modification.

Chapitre iii bis

Dispositions modifiant le code de l’éducation

Article 9 bis

Sensibilisation des élèves aux risques liés
aux usages d’internet et aux dangers du piratage

Cet article, introduit à linitiative de la commission des affaires culturelles du Sénat, complète larticle L. 312-9 du code de léducation en vue de prévoir que les élèves reçoivent une formation afin de les sensibiliser aux risques que représente pour la création lusage illicite dœuvres culturelles.

En létat actuel du droit, larticle L. 312-9 du code de léducation, dispose que « tous les élèves sont initiés à la technologie et à lusage de linformatique ». Il sapplique à tous les élèves de lenseignement scolaire, du primaire au lycée.

Lalinéa 2 complète ce dispositif en prévoyant que « dans ce cadre, ils reçoivent une information, notamment dans le cadre du brevet informatique et internet des collégiens, sur les risques liés aux usages des services de communication au public en ligne, sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites dœuvres culturelles pour la création artistique, ainsi que sur les sanctions encourues en cas de manquement à lobligation définie à larticle L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle et de délit de contrefaçon ».

Selon le rapporteur de la commission des affaires culturelles du Sénat, lobjectif est de renforcer la dimension pédagogique du projet de loi en prévoyant que, dans le cadre de cette initiation, les élèves seront sensibilisés aux dangers que représentent pour la création artistique le téléchargement et la mise à disposition illicites dœuvres culturelles, et recevront une information sur les sanctions encourues en application du présent projet de loi et du délit de contrefaçon.

Plus largement, cette information portera sur les risques liés aux usages dinternet, dans la mesure où les risques dexposition des enfants à des images choquantes sont élevés, notamment sur les plates-formes qui proposent par ailleurs de la musique ou des films piratés.

Deux sous-amendements, respectivement présentés par les sénateurs Mme Catherine Morin-Desailly et M. Christian Cointat, et adoptés avec lavis favorable de la commission et du gouvernement, sont venus compléter cet article.

Le premier prévoit que la sensibilisation des collégiens aux dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites dœuvres culturelles peut avoir lieu au cours de la formation qui leur est dispensée pour la préparation du brevet informatique et internet des collégiens, le B2i. Celui-ci comprend en effet un apprentissage des fonctionnalités dinternet et de la messagerie électronique et sadresse aux élèves préadolescents et adolescents, cest-à-dire qui ont lâge où, selon les statistiques, ils commencent à télécharger de la musique, des films et des jeux.

Le deuxième dispose que les enseignants sont également sensibilisés à ces questions.

La notion de gratuité de la musique est devenue une évidence pour une génération, celle des 18-25 ans. Il est donc urgent de défaire ces mauvais réflexes, ce qui passe par une sensibilisation des élèves au respect des œuvres, à la connaissance des métiers, à la compréhension des enjeux économiques des industries culturelles et par conséquent aux effets dangereux de la piraterie massive. La rapporteure pour avis estime que les mesures prévues par ce nouvel article vont dans le bon sens.

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La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 9 bis sans modification.

Article additionnel après l’article 9 bis

Information des élèves au sein de l’enseignement artistique sur les dangers du téléchargement illicite d’
œuvres culturelles

La Commission examine un amendement de la rapporteure pour avis tendant à prévoir une information des élèves sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres culturelles pour la création artistique.

Mme la rapporteure pour avis. Il est très important d’insister sur la prévention, davantage que sur la sanction. Cet amendement vise donc à sensibiliser les élèves aux dangers pour la création que représente l’utilisation illicite d’œuvres protégées par les droits d’auteurs. Il est à ce titre essentiel de bien faire le lien entre la création artistique et le téléchargement, ce dont les jeunes générations n’ont pas conscience. C’est pourquoi il est prévu d’organiser une information spécifique au sein de l’enseignement artistique.

M. Christian Kert, président. Nous ne pouvons tous qu’approuver une telle initiative !

La Commission adopte cet amendement.

Chapitre iii ter

Dispositions modifiant le code de l’industrie cinématographique

Article 9 ter

Modification de la chronologie des médias
pour l’exploitation des
œuvres cinématographiques

Cet article, introduit par la commission des affaires culturelles du Sénat, insère un nouveau chapitre IV au sein du titre II du code de lindustrie cinématographique afin de fixer un cadre aux engagements pris par les professionnels dans le domaine de la révision de la « chronologie des médias ».

Il sagit dinsérer quatre nouveaux articles au sein du code de lindustrie cinématographique : larticle 30-4 porte sur la chronologie des médias en matière de vidéo ; larticle 30-5 concerne les délais applicables aux services de médias audiovisuels ; larticle 30-6 prévoit certaines modalités dapplication communes aux deux articles précédents ; larticle 30-7 met en place certaines sanctions administratives. Selon le rapporteur de la commission des affaires culturelles du Sénat, lobjectif général de cette mesure est de « donner une base juridique solide au dispositif de chronologie des médias, afin de préserver le principe de fenêtres dexploitation successives des œuvres et dassurer la priorité de la salle comme lieu privilégié de rencontre des œuvres cinématographiques et du public ».

En létat actuel du droit, la chronologie des médias, expression qui désigne le délai et les modalités dexploitation dune œuvre cinématographique après sa sortie en salles, est régie par des dispositions contractuelles ou législatives. Initialement mise en place afin de préserver les exploitants de salle de cinéma face à la concurrence de la télévision et des vidéocassettes, la chronologie des médias fait désormais partie intégrante de la stratégie commerciale des ayants droit. Toutefois, elle est aujourdhui considérée comme obsolète et constitue un réel frein au développement dune offre légale attractive en matière cinématographique.

Lalinéa 4 introduit un article 30-4 dans le code de lindustrie cinématographique afin détablir de nouvelles règles relatives aux délais dexploitation des œuvres audiovisuelles sur vidéogramme (vidéocassettes et DVD).

En létat actuel du droit le régime de la vidéo physique est fixé par larticle 89 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle qui prévoit qu« aucune œuvre cinématographique exploitée dans les salles de spectacles cinématographiques ne peut faire lobjet dune exploitation simultanée sous forme de supports destinés à la vente ou à la location pour lusage privé du public, et notamment sous forme de vidéocassettes ou de vidéodisques, avant lexpiration dun délai qui sera fixé par décret et qui courra à compter de la délivrance du visa dexploitation. Ce délai, qui sera compris entre six et dix-huit mois, pourra faire lobjet de dérogations qui seront accordées dans des conditions fixées par décret ».

Le décret n° 83-4 du 4 janvier 1983 a fixé le délai de principe à un an à compter de la délivrance du visa dexploitation et organisé le régime des dérogations. Celles-ci sont accordées par le ministre de la culture, sur demande de lentreprise titulaire des droits dexploitation vidéo accompagnée dune lettre daccord du distributeur de lœuvre en salles et adressée au CNC. Elles peuvent être accordées pour une exploitation pouvant intervenir à lissue dun délai de six mois à compter de la date de sortie en salles. En outre, larticle 79 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que toute personne méconnaissant ces dispositions encourt une peine damende de 75 000 euros.

La fixation de la limite minimale du délai vidéo, qui prévoit quun film ne peut sortir en vidéo quentre six et dix-huit mois après la délivrance du visa dexploitation, ne pouvait tenir compte ni du rythme élevé de rotation des films en salles ni de laugmentation du nombre de copies de films disponibles et permettant des sorties simultanées très nombreuses sur lensemble du territoire ni de lexistence des téléchargements illicites qui concurrencent directement les activités de vidéo et de vidéo à la demande.

Le nouvel article 30-4 prévoit tout dabord que le délai dexploitation dune œuvre cinématographique sur vidéogramme est fixé par voie daccord interprofessionnel. Par ailleurs, larticle retient la date de sortie en salles de lœuvre cinématographique, alors que dans le dispositif existant, le point de départ de principe est la date du visa dexploitation, celle de la sortie en salles sappliquant en cas de dérogation. La date de sortie en salles a paru plus pertinente car, dune part, elle correspond à la pratique dans le cadre du régime actuel et, dautre part, elle représente par définition le début de lexploitation effective de lœuvre.

Lalinéa 5 encadre les futures négociations professionnelles, en prévoyant lapplication de plein droit dun délai réglementaire à défaut daccord professionnel rendu obligatoire. Ainsi, comme le rappelle le rapporteur de la commission des affaires culturelles du Sénat, « tout en mettant en avant la négociation professionnelle comme premier mode de fixation du délai, le nouveau dispositif permet dassurer la mise en place dun délai homogène, que ce soit par le biais dun accord professionnel étendu ou, lorsque la négociation na pu aboutir à un accord suffisamment large, par lapplication du délai réglementaire ». La date limite du 31 mars 2009 est issue dun amendement présenté par Mme Catherine Morin-Dessailly, ce afin de « poser une date limite et déviter que la concertation ne dure éternellement ». Il a été adopté avec avis défavorable du rapporteur de la commission des affaires culturelles et du gouvernement. Pour sa part, la rapporteure pour avis estimait que ce délai était trop court et devrait être décalé au 30 juin 2009 pour permettre aux parties prenantes de trouver un accord satisfaisant. En outre, il lui paraissait pertinent dencadrer la discussion de ces accords en posant un délai minimum dexploitation des œuvres sur vidéogramme, fixé entre trois et six mois.

Les alinéas 6 et 7 introduisent un nouvel article 30-5 dans le code de lindustrie cinématographique afin de fixer les règles relatives à lexploitation dœuvres cinématographiques sur les services de médias audiovisuels à la demande.

En létat actuel du droit, le régime dexploitation des œuvres sur service de vidéo à la demande nest fixé par aucun dispositif législatif ni réglementaire. Il dépend entièrement daccords interprofessionnels. Cependant, la directive « Services de médias audiovisuels » (SMA) du 11 décembre 2007, modifiant la directive dite « Télévision sans frontières » (TVSF) a rappelé le principe de règles minimales en matière de délais de transmission des œuvres cinématographiques. En effet, son article 3 quinquies dispose que « les États membres veillent à ce que les fournisseurs de services de médias qui relèvent de leur compétence ne transmettent pas dœuvres cinématographiques en dehors des délais convenus avec les ayants droit. » Sa transposition, devrait permettre de combler ce vide juridique existant, mais surtout de régler une question urgente.

En effet comme le rappellent les accords de lÉlysée, la chronologie des médias « a été conçue à la base pour encourager le public à découvrir les films en salles. Mais elle nest plus adaptée à la réalité de linternet : un pirate peut se procurer un film dans les jours qui suivent sa sortie en salles. Voire même avant pour les films étrangers. » À ce titre, il nest pas inutile de rappeler que, selon une étude récente du CNC, 93,6 % des films piratés et déjà sortis en salles seraient disponibles sur les réseaux P2P avant leur sortie en DVD sur le territoire français. Létude de 2005 et celle de 2004 présentaient des résultats légèrement moins élevés (respectivement 91,8 % et 91,0 %). Plus précisément, 40,5 % des films sortis en salles en France entre le 1er janvier et le 31 décembre 2006 sont disponibles en version française pirate sur les réseaux P2P sur cette même période alors quils étaient 37,9 % en 2005 et 36,4 % en 2004.

Pour tenter de répondre à ce phénomène, lensemble des professionnels concernés (acteurs de la filière cinématographique, fournisseurs daccès à internet, Canal +, France Télévision) ont signé en décembre 2005 un accord sur le cinéma à la demande sur internet (voir encadré ci-dessous). Cependant cet accord, qui devait faire lobjet dune renégociation dans un délai de vingt-et-un mois et na pu être reconduit, faute daccord entre les professionnels.

Protocole d’accord interprofessionnel de 2005 sur le cinéma à la demande

Champ d’application de l’accord

– L’accord porte sur l’exploitation des œuvres cinématographiques sur les services de communication au public en ligne sous forme de vidéo à la demande. Cette modalité d’exploitation est ci-après dénommée cinéma à la demande.

– L’accord couvre l’exploitation de ces œuvres sous forme de location dématérialisée (streaming ou téléchargement non définitif) et de vente (téléchargement définitif). Les parties s’interdisent toute offre gratuite d’offre cinématographique.

Chronologie applicable au cinéma à la demande

– Les parties s’accordent à ce qu’aucune œuvre cinématographique exploitée dans les salles de spectacles cinématographiques en France ne fasse l’objet d’une mise à disposition sur un service de cinéma à la demande à l’acte, ou dans le cadre d’une offre groupée, avant un délai de trente-trois semaines révolues à compter de la sortie nationale de l’œuvre en salles de spectacles cinématographiques en France.

– Les ayants droit se réservent la possibilité, par voie contractuelle, de suspendre la fenêtre de mise à disposition en cinéma à la demande d’une œuvre cinématographique préfinancée par un éditeur de service de télévision.

– Les parties s’accordent à ce que les œuvres cinématographiques commercialisées sous forme d’abonnement par un service de cinéma à la demande ne concernent que les œuvres de catalogue.

Rémunération minimale des ayants droit

Dans le cadre des services de cinéma à la demande à l’acte et sous forme d’offres groupées, le produit de chaque location dématérialisée et de chaque vente dématérialisée donnera lieu à une rémunération minimale des titulaires des droits d’exploitation des œuvres en cinéma à la demande, proportionnelle au prix public de la transaction. La question de l’inclusion des recettes accessoires sera appréciée par le comité de suivi pour être traitée, le cas échéant, dans l’accord détaillé. Le produit de chaque location ou vente dématérialisée donnera lieu à une rémunération des ayants droit qui ne saurait être inférieure à :

– pour les œuvres cinématographiques de nouveauté : 50 % du produit de la location ou de la vente dématérialisée ;

– pour les œuvres cinématographiques de catalogue : 30 % du produit de la location ou de la vente dématérialisée.

Lalinéa 6 prévoit que « le contrat conclu par un éditeur de services de médias audiovisuels à la demande ou de services de télévision pour lacquisition de droits relatifs à la mise à disposition du public ou à la diffusion dune œuvre cinématographique prévoit le délai au terme duquel cette mise à disposition ou cette diffusion peut intervenir ». Ce dispositif est transposé de celui qui est aujourdhui applicable aux services de télévision (voir le commentaire des alinéas 9 et 10). Il faut noter cependant que la question du point de départ du délai na pas été fixée dans le projet de loi. Pourtant elle constitue un véritable problème. En effet, si la chronologie des médias prend principalement pour point de départ la sortie en salles des films, on a pu constater récemment quelques cas dœuvres, pourtant destinées à la salle, qui ont dabord été proposées en VoD ou diffusées sur un service de télévision. Juridiquement, le respect des délais dexploitation des films ne sapprécie quà compter de leur sortie en salles et la période antérieure nest pas couverte par les dispositifs existants. Ces pratiques, exploitant un vide juridique, sont toutefois en contradiction avec lesprit et les principes de la chronologie des médias. Les accords interprofessionnels devront les régler.

Lalinéa 7 précise dans quelles circonstances le délai fixé par accord professionnel, simpose aux éditeurs de services.

Il prévoit tout d’abord que « lorsqu’il existe un accord professionnel portant sur le délai applicable aux modes d’exploitation précités, le délai prévu par cet accord s’impose aux éditeurs de services et aux membres des organisations professionnelles signataires ». Ainsi, les délais de diffusion sont fixés soit par contrat individuel soit par accord collectif, le dispositif instaurant un lien hiérarchique entre ces deux instruments juridiques. Si un accord collectif auquel est partie l’éditeur en cause existe, le délai prévu par cet accord s’impose à cet éditeur pour tout contrat individuel conclu avec un ayant droit, que ce dernier soit ou non membre d’une organisation professionnelle signataire. Ce régime est le même que pour les services de télévision.

L’alinéa précise en outre que « cet accord peut porter sur une ou plusieurs catégories de services ». En effet, comme ce fut le cas dans l’accord signé en 2005, les accords peuvent prévoir des conditions d’exploitation différentes selon qu’il s’agit la vente ou de la location d’œuvres par VoD.

Enfin,  « il peut être rendu obligatoire pour l’ensemble des intéressés des secteurs d’activité et des éditeurs de services concernés dans les conditions prévues à l’article 30-7 », c’est-à-dire par arrêté du ministre, et à condition que les organisations signataires soient représentatives selon les critères définis à l’alinéa 15 de l’article 9 ter.

L’alinéa 8, comme pour l’exploitation des œuvres sur vidéogrammes, encadre les futures négociations professionnelles, en prévoyant l’application de plein droit d’un délai réglementaire à défaut d’accord professionnel rendu obligatoire. Il ne prévoit en revanche aucune date limite. Selon les informations communiquées au rapporteur par le gouvernement, la possibilité de prendre un décret ne remet pas en cause l’article 7 de la directive « Télévision sans frontière » telle que modifiée par la directive 97/36/ du 30 juin 1997, qui prévoit que « les États membres veillent à ce que les radiodiffuseurs qui relèvent de leur compétence ne diffusent pas d’œuvres cinématographiques en dehors des délais convenus avec les ayants droit ». En effet le décret n’intervient que comme une solution de replis en cas d’échec des négociations.

L’état actuel des discussions laisse penser qu’un accord sera trouvé dans rapidement. Les accords de l’Élysée signés le 23 novembre 2007 prévoient d’aboutir à des délais plus courts, en deux temps. D’abord, dès que le mécanisme de lutte contre le piratage est mis en place, le délai de la VoD doit être ramené au même niveau que celui du DVD, c’est-à-dire six mois. Ensuite, des discussions s’engageront pour aboutir dans un délai d’un an à un raccourcissement de l’ensemble des « fenêtres ». Un certain nombre d’études préalables ont été produites par le CNC dans la perspective de ces négociations, touchant le régime juridique de la chronologie, la durée d’exploitation des films en salles et les délais de diffusion des films à la télévision. Selon les informations communiquées à la rapporteure pour avis par le gouvernement, des accords pourraient être signés avant début mars 2009. La dernière question en suspens concerne la possibilité de « fermer » la fenêtre VoD à partir du moment où une œuvre cinématographique est exploitée sur un service de télévision.

Les alinéas 9 et 10 créent un nouvel article 30-6 du code de l’industrie cinématographique, qui fixe les règles relatives à l’exploitation par un service de télévision d’une œuvre cinématographique.

En l’état actuel du droit, les délais de diffusion des œuvres cinématographiques sur les services de télévision reposent sur un dispositif contractuel. L’article 70-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que « les contrats conclus par un éditeur de services de télévision en vue de l’acquisition de droits de diffusion d’une œuvre cinématographique prévoient le délai au terme duquel la diffusion de celle-ci peut intervenir. Lorsqu’il existe un accord entre une ou plusieurs organisations professionnelles de l’industrie cinématographique et un éditeur de services portant sur les délais applicables à un ou plusieurs types d’exploitation télévisuelle des œuvres cinématographiques, les délais de diffusion prévus par cet accord s’imposent à l’éditeur de services ».

Cette disposition a été adoptée dans le cadre de la transposition de l’article 7 de la directive « Télévision sans frontière », modifiée par la directive 97/36/ du 30 juin 1997, qui prévoit que « les États membres veillent à ce que les radiodiffuseurs qui relèvent de leur compétence ne diffusent pas d’œuvres cinématographiques en dehors des délais convenus avec les ayants droit ». Aucun décret n’est prévu en matière de télévision car depuis 1999, le régime des délais de diffusion sur les services de télévision repose sur un dispositif conventionnel, dans l’esprit de la directive « Télévisions sans frontières » de 1989, telle que révisée en 2007, dont le considérant 51 énonce qu’il « importe de faire en sorte que les œuvres cinématographiques soient diffusées dans des délais convenus entre les ayants droit et les fournisseurs de services de médias ».

Comme pour les services de médias à la demande, les délais de diffusion sont fixés soit par contrat individuel soit par accord collectif, le dispositif instaurant un lien hiérarchique entre ces deux instruments juridiques. Si un accord collectif auquel est partie l’éditeur en cause existe, le délai prévu par cet accord s’impose à cet éditeur pour tout contrat individuel conclu avec un ayant droit, que ce dernier soit ou non membre d’une organisation professionnelle signataire.

Entre 1999 et 2001, des accords professionnels ont été passés afin d’établir les délais de diffusion des œuvres cinématographiques de long-métrage sur les différents types de services de télévision. Ils prévoient en substance :

– pour les chaînes hertziennes en clair (ainsi que leurs filiales non payantes diffusées par voie hertzienne analogique ou numérique et celles incluses dans le bouquet de base d’un distributeur) : le délai de principe est fixé à trois ans à compter de la sortie en salles, et ramené à deux ans pour les œuvres coproduites, avec une possibilité de dérogation après avis d’une commission interprofessionnelle pour une diffusion à dix-huit mois ;

– pour les chaînes cinéma : le paiement à la séance obéit à un délai de neuf mois après la sortie en salles, la première fenêtre (Canal Plus, TPS Star) à un délai de douze mois et la deuxième fenêtre (Cinécinéma) à un délai de vingt-quatre mois.

Le nouvel article 30-6 du code de l’industrie cinématographique reprend par conséquent, et codifie, un régime similaire au régime existant en matière d’exploitation télévisée, et renvoie au contrat d’acquisition de droits et aux accords professionnels le soin de fixer les délais. Par coordination, l’article 70-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est abrogé à l’article 10 bis du projet de loi. La signature de nouveaux accords professionnels a tout son intérêt. En effet le périmètre de ces accords, déjà limité à l’époque de leur conclusion, l’est d’autant plus aujourd’hui au regard de l’ensemble des chaînes existantes sur les différents réseaux de diffusion. Ainsi, nombre de chaînes ne sont liées par aucun accord professionnel et les délais de diffusion peuvent donc être déterminés dans le cadre des contrats individuels d’acquisition des droits de diffusion, conclus au titre de chaque œuvre cinématographique.

La nouvelle rédaction est en outre précisée par deux dispositions :

– La première, prévoit que l’accord professionnel portant sur les délais d’exploitation d’une œuvre par un éditeur de services de télévision « peut porter sur une ou plusieurs catégories de services ». Cette précision renvoie aux différents délais qui s’appliquent aujourd’hui par exemple à l’exploitation des œuvres sur la télévision payante et sur les chaînes hertziennes gratuites.

– La seconde précise que l’accord « peut être rendu obligatoire pour l’ensemble des intéressés des secteurs d’activité et des éditeurs de services concernés dans les conditions prévues à l’article 30-7 », c’est-à-dire par la voie d’un arrêté ministériel, à la condition qu’il ait été signé par des organisations représentatives.

Les alinéas 11 à 15 créent un nouvel article 30-7 du code de l’industrie cinématographique en vue de prévoir dans quelles conditions les accords professionnels relatifs à l’exploitation d’une œuvre cinématographique sous forme de vidéogramme ou sur des services de médias à la demande peuvent être rendus obligatoires par arrêté du ministre.

L’alinéa 11 pose le principe général selon laquelle les accords professionnels peuvent être rendus obligatoires s’ils ont été signés par des organisations professionnelles représentatives des secteurs concernés. Les critères de représentativité sont explicités à alinéa 15.

Les alinéas 12 à 14, détaillent les différents cas de figure possibles. En effet, si les secteurs du cinéma et de la vidéo sont aujourd’hui structurés, l’organisation collective est beaucoup plus limitée dans le secteur de la télévision et embryonnaire dans le secteur des services à la demande. Les accords professionnels pourront donc être conclus dans ce cas par les organisations professionnelles du cinéma avec non pas d’autres organisations mais un ensemble d’éditeurs pris individuellement, ou encore un ensemble de professionnels composé d’organisations et d’éditeurs de services. C’est pourquoi l’article cherche à appréhender les trois cas de figure contractuels pouvant se présenter au regard de la spécificité des secteurs concernés :

– une ou plusieurs organisations professionnelles représentatives du ou des secteurs concernés (alinéa 12), par exemple le Syndicat national de la vidéo locative (SNVL) ;

– une ou plusieurs organisations professionnelles représentatives du ou des secteurs concernés et un ensemble d’éditeurs de services représentatifs d’une ou plusieurs catégories de services (alinéa 13) ;

– un ensemble d’éditeurs de services représentatifs d’une ou plusieurs catégories de services (alinéa 14), par exemple Canal + et TPS Star pour la télévision payante.

L’alinéa 15 précise les critères de représentativité d’une organisation professionnelle ou d’un ensemble de services.

Selon les principes appliqués en droit du travail, l’extension d’un accord professionnel n’est possible que si ses signataires sont suffisamment représentatifs des secteurs d’activité (articles 2261-15 et suivants du code du travail). L’alinéa 15 s’est donc inspiré de ce modèle en l’adaptant aux secteurs concernés. Les critères spécifiques prévus par le droit du travail ne peuvent être transposés à l’identique, l’alinéa 15 prévoit donc que « la représentativité d’une organisation professionnelle ou d’un ensemble d’éditeurs de services s’apprécie notamment au regard du nombre d’opérateurs concernés ou de leur importance sur le marché considéré ».

En outre, il est prévu, sur le modèle du droit du travail (article L. 2121-2 du code du travail), qu’une organisation ou un ensemble éditeurs fournissent au ministre, le cas échéant, tout élément d’appréciation dont ils disposent afin de déterminer leur représentativité. Le critère du nombre d’opérateurs peut se rapprocher de celui des « effectifs » en droit social. Il s’agit d’une représentativité en termes quantitatifs, permettant d’apprécier si le nombre de signataires (directs ou par le biais d’une organisation) est suffisant par rapport au nombre total d’opérateurs dans le secteur considéré. Le critère de l’importance sur le marché peut quant à lui s’apprécier au regard de la part de marché des opérateurs signataires ou membres des organisations signataires mais aussi, en s’inspirant du droit du travail, de leur influence, expérience ou ancienneté.

Les alinéas 16 à 18 créent un nouvel article 30-8 du code de l’industrie cinématographique, fixant les sanctions dont est passible le non6respect des délais d’exploitation fixés par décret ou par un accord professionnel rendu obligatoire.

En l’état actuel du droit, l’article 79 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit une peine de 75 000 euros pour « quiconque aura méconnu les dispositions de l’article 89 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 précitée. Dès la constatation de l’infraction à l’article 89 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 précitée, les officiers de police judiciaire peuvent procéder à la saisie des supports mis illicitement à la disposition du public. Les formes prévues aux articles 56 et 57 du code de procédure pénale sont applicables à cette saisie ».

Le nouvel article 30-8 du code de l’industrie cinématographique y substitue la référence au 2° de l’article 13 du même code qui prévoit une « amende au profit du centre national de la cinématographie (…) pouvant aller jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires ». En conséquence, l’article 79 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est abrogé à l’article 10 bis du projet de loi.

*

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 9 ter sans modification.

Article 9 quater

Interopérabilité des fichiers musicaux

Cet article, issu d’un amendement présenté par Mme Morin-Desailly, adopté avec l’avis favorable de la commission et contre l’avis du gouvernement, prévoit, dans un délai de six mois, la signature par les organisations du secteur musical d’un accord relatif à l’interopérabilité des fichiers musicaux et à la promotion d’une offre légale d’œuvres sans protection.

Selon Mme Morin-Desailly, l’intention est de « revenir à l’esprit des accords de l’Élysée, qui prévoient un équilibre entre, d’une part, la mise en place de mécanismes permettant de lutter contre le piratage et, d’autre part, l’amélioration et l’élargissement de l’offre légale en ligne ». Selon ces accords, eux-mêmes issus des préconisations du rapport Olivennes, les maisons de disque s’engagent à retirer les « mesures de protections » des productions françaises de leurs catalogues. Cela signifie qu’une musique achetée légalement pourra être lue plus facilement sur tous les types d’appareils. Il s’agit donc d’une traduction formelle des intentions affichées par les professionnels du secteur.

L’article 9 quater de ce projet de loi prévoit ainsi que « dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, les organisations professionnelles du secteur du phonogramme s’accordent par voie d’accord professionnel sur la mise en place d’un standard de mesures techniques assurant l’interopérabilité des fichiers musicaux et sur la mise à disposition de catalogues d’œuvres musicales en ligne sans mesures techniques de protection ».

1. L’interopérabilité: un nécessaire équilibre entre la protection des œuvres et l’intérêt des consommateurs

En France, la proportion des internautes pratiquant le téléchargement illégal est sans commune mesure avec celle recourant à un téléchargement de fichiers légaux, part au demeurant plus faible que celle constatée dans la plupart des autres pays, surtout dans le domaine de la musique. Ainsi le livre blanc du syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) du 25 octobre 2007 fait état d’un milliard de fichiers téléchargés, soit environ l’équivalent des ventes physiques de titres, dont seulement 20 millions sur des plates-formes de téléchargement légal. Au contraire l’offre légale peine à se développer. Si le marché de l’offre musicale légale dématérialisée commence à croître – pour la musique, par exemple, on passerait de 43,5 millions d’euros pour la France en 2006 à 100 à 120 millions en 2010 – cette progression est loin de compenser la perte de revenus liée à l’effondrement du support physique. Par comparaison, aux États-Unis, les ventes de morceaux numériques en téléchargement légal aux États-Unis ont connu une forte hausse (+ 45 %), passant de 582 millions en 2006 à 844 millions en 2007, et ce alors que les ventes physiques continuaient de chuter. Aujourd’hui aux États-Unis, on estime que le téléchargement légal représente environ 30 % des ventes de musique, et de nombreux experts pensent que le numérique représentera environ 40 % des ventes de musique à l’horizon 2012.

Comme le note le rapport Olivennes, il est « évident (…) que le manque d’attractivité de l’achat en ligne d’œuvres musicales est très lié aux contraintes d’utilisation que les mesures techniques de protection imposent ». Par mesures techniques de protection, également appelés DRM pour « Digital Rights Management », bien que le terme ne recouvre par exactement la même réalité, on entend « les différents procédés destinés à protéger les droits afférents à la diffusion de contenus sur supports numériques ». Les DRM sont des systèmes qui permettent de gérer la distribution des contenus numériques et peuvent, à cette fin, intégrer ou non des mesures techniques de protection. Concrètement, ils permettent de contrôler les utilisations et de limiter les copies et les possibilités de transmission d’un fichier. En dotant un fichier numérique d’un système DRM, il est possible de contrôler son accès par un consommateur mais également le nombre de fois où il peut le lire, l’écouter ou le regarder, le nombre de copies qu’il peut effectuer, le nombre de transferts vers d’autres appareils ou encore le temps pendant lequel il en a la jouissance.

Les DRM ont été initialement conçus comme une solution au téléchargement illégal. Les traités de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) de 1996 portant respectivement « sur le droit d’auteur » et « sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes » ont ainsi institué une « protection juridique appropriée » de ces mesures techniques, reprise par la directive du 22 mai 2001. En France, l’article 13 de la loi du 1er août 2006 a consacré la protection légale des mesures techniques de protection (MTP) et condamné leur contournement.

Or, de façon paradoxale, cette construction destinée à assurer l’effectivité du droit a pu avoir pour conséquence un moindre respect des intérêts des auteurs. La mise en œuvre de mesures techniques a abouti à une segmentation de l’offre musicale ou audiovisuelle, où certains lecteurs ne peuvent télécharger des œuvres qu’à partir de la plate-forme détenue par la même société, ou, à défaut, sur les seuls réseaux de « peer to peer » où les œuvres sont dépourvues de toute protection. Compatibilité des fichiers, difficultés de transfert d’un PC vers un IPOD, disponibilité des œuvres sur le net, impossibilité de lire un fichier musical sur tous les supports, sont vécues par le consommateur comme une perte de droit et l’incitent à se tourner vers l’offre illégale.

C’est pour cette raison que l’article 13 de la loi du 1er août 2006 a tenté d’établir un compromis entre les mesures techniques de protection et ce qui a été nommé l’interopérabilité. Ainsi, le nouvel article L. 331-5 du code la propriété intellectuelle prévoit que « les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d’empêcher la mise en œuvre effective de l’interopérabilité, dans le respect du droit d’auteur ». La notion d’interopérabilité n’est pas en tant que telle définie par la directive 2001/29/CE ni par le code de la propriété intellectuelle. Néanmoins, dans le contexte de la diffusion numérique des œuvres dans lequel s’inscrit la loi du 1er août 2006, l’interopérabilité des mesures techniques s’entend, très naturellement, comme la capacité de plusieurs lecteurs différents de lire les œuvres acquises auprès de distributeurs différents. En outre, l’article L. 331-7 du CPI donne une définition indirecte de l’interopérabilité en précisant la notion d’informations essentielles à l’interopérabilité. « On entend par informations essentielles à l’interopérabilité la documentation technique et les interfaces de programmation nécessaires pour permettre à un dispositif technique d’accéder […] à une œuvre ou à un objet protégé par une mesure technique et aux informations sous forme électronique jointes, dans le respect des conditions d’utilisation de l’œuvre ou de l’objet protégé qui ont été définies à l’origine ». L’article L. 331-6 confie à l’ARMT la responsabilité générale de veiller à l’interopérabilité des mesures techniques.

Enfin, l’article 22 de la loi du 1er août 2006 prévoyait au sein du nouvel l’article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle, que les sanctions relatives au contournement des MTP ne s’appliquent pas aux actes réalisés à des fins d’interopérabilité. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel par sa décision n° 2006-540 DC. Le Conseil a en effet estimé que la définition de la notion d’interopérabilité était trop imprécise pour justifier une exonération de responsabilité pénale.

2. Le projet de loi s’inscrit dans la lignée des accords de l’Élysée : mise au point d’un standard unique et abandon progressif des mesures techniques de protection

Le rapport Olivennes estime que « tant que ne sera pas mis en place un standard de mesure technique assurant l’interopérabilité des fichiers musicaux, il faut permettre l’offre au détail de tous les fichiers musicaux en ligne sans mesures techniques ». Il préconise de mettre, dans un délai maximal d’un an à compter de la mise en œuvre de la politique ciblée ou du mécanisme d’avertissement et de sanction, tous les catalogues d’œuvres françaises en ligne sans mesures techniques de protection et de négocier des augmentations substantielles du nombre d’œuvres étrangères disponibles sans verrous numériques.

Les conclusions de la conférence sur les « Contenus créatifs en ligne » organisée sous la Présidence française de l’Union européenne en septembre 2008 vont dans le même sens puisqu’elles recommandent une standardisation des métadonnées relatives aux fichiers musicaux afin de faciliter l’échange d’informations sur les titulaires des droits pour les offres de contenu en ligne. Quant aux professionnels français, ils se sont engagés, par la signature des accords de l’Élysée en novembre 2008, à retirer toutes les mesures de protection des œuvres musicales françaises de leur catalogue.

De fait, à partir de 2008, de nombreux acteurs de l’industrie musicale ont mis fin aux mesures techniques de protection des œuvres. Selon les informations communiquées à la rapporteure pour avis par le gouvernement, Universal Music France a annoncé, dès octobre 2008 la suppression progressive des mesures techniques sur les différentes plateformes de musique. Ce retrait a débuté le 19 janvier 2009. De son côté, Warner Music a annoncé le 7 janvier 2009 le retrait des mesures techniques sur son catalogue mondial distribué via les plateformes FnacMusic et VirginMega en France. Sony BMG a également annoncé le retrait de ses mesures techniques sur son catalogue de musique à titre d’expérimentation, test qui a débuté le 17 janvier 2009, à l’occasion du lancement du Midem de Cannes le même jour. Enfin, d’ici la fin du premier trimestre 2009, la Fnac a annoncé pouvoir proposer le catalogue de Sony BMG et d’Universal Music sans mesures techniques de protection. La quasi-totalité de l’offre de musique téléchargeable à l’acte sera donc bientôt disponible sans verrous pour les internautes français, bien que la plupart de ces mesures soient encore expérimentales.

L’article 9 quater entérine donc et formalise une tendance amorcée par les professionnels du secteur musical, tout en leur laissant le soin de mettre au point des standards qui ne portent pas atteinte aux prérogatives des auteurs et titulaires de droit. Pour répondre aux inquiétudes soulevées par les représentants d’autres secteurs comme le livre ou encore le cinéma, la rapporteure pour avis rappelle qu’il ne s’agit pas d’imposer un abandon global des mesures de protection. La tendance qui se confirme est celle d’une protection technique à géométrie variable, forte pour certains contenus ou services, légère ou absente pour d’autres.

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La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 9 quater sans modification.

Après l’article 9 quater

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul tendant à prévoir que l’aide publique à la production d’œuvres cinématographiques accordée par le Centre national de la cinématographie (CNC) est conditionnée à sa diffusion en vidéo à la demande.

M. Marcel Rogemont. Cet amendement reprend l’un des engagements des accords de l’Élysée de novembre 2007.

Mme la rapporteure pour avis. Un tel dispositif est difficilement applicable en pratique. Les modalités de diffusion d’une œuvre ne sont en effet pas nécessairement connues au moment où se décide son financement. Au stade où sont délivrées les aides les plus importantes comme l’écriture, la production ou la diffusion en salles, il est matériellement impossible de préjuger de ces exploitations ultérieures. Tout au plus un tel amendement risquerait-il d’avoir un effet contre-productif en contraignant certains créateurs à devoir prouver l’existence d’une diffusion sur internet avant de prétendre à tout financement.

J’ajoute que le CNC attribue d’ores et déjà des aides substantielles au profit du développement de la diffusion des œuvres cinématographiques sur internet.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette cet amendement.

Chapitre iv

Dispositions diverses

Article 10

Conditions d’entrée en vigueur de la loi

Cet article détermine les modalités d’entrée en vigueur de la loi.

L’alinéa 1 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application des nouvelles obligations des fournisseurs d’accès à internet, notamment au regard des contrats en cours. Il vise plus précisément les trois dispositions créées par l’article 2 du projet de loi :

– article L. 331-29 : obligation de répondre à l’injonction adressée par l’HADOPI de suspendre la connexion d’un abonné. S’il ne se conforme pas à cette obligation le fournisseur peut se voir infliger une sanction pécuniaire ;

– article L. 331-31 : obligation, à l’occasion de la conclusion de tout nouveau contrat portant sur la fourniture d’un tel service, de vérifier si le cocontractant figure sur le répertoire des personnes qui ont fait l’objet d’une suspension d’abonnement ;

– article L. 331-32 : obligation de faire figurer dans les contrats le principe de surveillance de l’accès à internet pour l’abonné (article 6 du projet de loi) et des mesures prises en cas de non respect de ces dispositions (article 2 du projet de loi).

Un certain nombre de fournisseurs d’accès à internet ont alerté la rapporteure pour avis sur les délais relatifs à la mise en œuvre de ces obligations. En effet, les coûts induits par ces nouvelles dispositions, ainsi que le temps nécessaire à la mise en œuvre de moyens techniques adaptés justifieraient selon ces derniers un délai supplémentaire de six mois à compter de la parution des décrets d’application. Cependant, selon les informations recueillies par la rapporteure pour avis, les premières suspensions d’abonnement n’interviendront pas avant l’été 2009. Par conséquent, les fournisseurs d’accès disposeront du temps nécessaire pour s’adapter à la nouvelle législation.

L’alinéa 2 assure la transition entre l’ARMT et l’HADOPI. Il prévoit ainsi que « l’Autorité de régulation des mesures techniques exerce les attributions qui lui sont confiées par le code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente loi jusqu’à la première réunion de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet ».

L’alinéa 3 prévoit enfin la transmission des affaires en cours devant l’ARMT à l’HADOPI. A la date de la première réunion de l’HADOPI, les procédures en cours devant l’ARMT « sont poursuivies de plein droit devant le collège de la Haute autorité ».

*

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 10 sans modification.

Après l’article 10

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul tendant à prévoir que tout vendeur de phonogramme, vidéogramme, ou de fichier de film ou de musique, doit informer le consommateur de la part revenant à la création sur le prix de vente.

M. Marcel Rogemont. Il est essentiel de pouvoir faire de la pédagogie s’agissant de la part du prix de vente qui revient à la création.

Mme la rapporteure pour avis. L’intention est louable. Cependant un tel dispositif est difficile à mettre en œuvre en pratique pour chaque ayant droit ou pour chaque œuvre dont la vente unitaire sur internet.

M. Marcel Rogemont. Tel n’est pas le dispositif de l’amendement proposé. Il existe aujourd’hui un véritable risque pour la création et c’est pourquoi il est essentiel de la soutenir par tous moyens. Pratiquement, quand un titre est en vente au prix de 0,99 euro, comment savoir quelle part revient à la création ?

Mme la rapporteure pour avis. Je comprends bien le symbole qui est en jeu. Mais imposer une information au consommateur s’agissant des fichiers de film ou de musique disponibles sur internet me paraît assez impraticable. Tout au plus serait-il souhaitable de poser le principe d’une information générale sur les conditions de rémunération des ayants droit sur les sites proposant une offre légale.

M. Marcel Rogemont. Pourtant, force est de constater que la question de la rémunération des artistes se pose en des termes analogues qu’il s’agisse de fichiers informatiques ou de vidéogrammes.

Mme la rapporteure pour avis. Je crois vraiment qu’il est important de revoir la rédaction qui est proposée aujourd’hui. Je vous propose d’y travailler et de redéposer en commun une nouvelle version qui sera examinée en séance publique.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette cet amendement.

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à autoriser, outre la reproduction, la représentation d’une œuvre pour permettre sa conservation ou préserver les conditions de sa consultation sur place, par des bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d’archives.

Mme la rapporteure pour avis. Un tel amendement revient à créer une exception au régime des droits d’auteur qui n’est pas prévue par la directive du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette cet amendement.

La Commission examine un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à établir un régime de « contrat de collaboration à une entreprise de presse autre qu’audiovisuelle ».

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement est satisfait par l’amendement de M. Christian Kert que la Commission a adopté au début de la présente séance.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette un amendement de M. Christian Paul, défendu par M. Marcel Rogemont, tendant à reconnaître un régime de « droits voisins » au profit des producteurs de spectacles vivants.

Article 10 bis

Conditions d’entrée en vigueur des règles relatives
à la chronologie des médias

Par coordination avec les dispositions relatives à la chronologie des médias prévues à l’article 9 ter, cet article procède à l’abrogation de l’article 89 du 29 juillet 1982 et des articles 70-1 et 79 de la loi du 30 septembre 1986 et fixe les conditions d’application des nouvelles règles relatives à l’exploitation des œuvres sur vidéocassette.

Le paragraphe I abroge :

– l’article 89 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui fixe aujourd’hui le délai à partir duquel une œuvre cinématographique peut être exploitée sur vidéocassette. Ce délai, précisé par un décret, doit se situer entre six et huit mois. Seul le régime d’exploitation sur vidéocassette est aujourd’hui fixé par voir législative. Au terme de l’article 9 ter du projet de loi, il sera désormais déterminé par voie contractuelle tout comme l’exploitation en DVD et VoD. Cette harmonisation permettra aux professionnels d’adopter une démarche globale dans la signature des nouveaux accords ;

– l’article 70-1 ainsi que les troisième et quatrième alinéas de l’article 79 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. L’article 70-1 prévoit aujourd’hui que « les contrats conclus par un éditeur de services de télévision en vue de l’acquisition de droits de diffusion d’une œuvre cinématographique prévoient le délai au terme duquel la diffusion de celle-ci peut intervenir ». Cette disposition sera désormais codifiée au nouvel article 30-6 du code de l’industrie cinématographique. L’article 79 vise la peine encourue (75 000 euros) en cas de non-respect des délais fixés à l’article 89 de la loi du 29 juillet 1982. Y sera substituée la sanction prévue au 2° de l’article 13 du code de l’industrie cinématographique (une amende au profit du centre national de la cinématographie à l’encontre d’une entreprise pouvant aller jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires).

Le paragraphe II prévoit que jusqu’à l’entrée en vigueur de l’arrêté du ministre ou du décret prévus à l’article 7 bis du projet de loi, les dispositions de l’article 89 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle restent applicables. Il s’agit ainsi d’assurer la transition entre l’actuel délai applicable à l’exploitation d’œuvres cinématographiques sur vidéocassette (six mois) et le délai qui sera issu de l’accord interprofessionnel et transcrit dans un arrêté du ministre en charge de la culture, ou, à défaut d’accord, par un décret.

*

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 10 bis sans modification.

Article additionnel après l’article 10 bis

Crédit d’impôt au profit des entreprises de production
des
œuvres audiovisuelles spécifiquement destinées
à une mise à disposition du public sur internet

La Commission adopte un amendement de la rapporteure pour avis tendant à instituer un crédit d’impôt au profit des entreprises de production des œuvres audiovisuelles spécifiquement destinées à une mise à disposition du public sur internet.

Article additionnel après l’article 10 bis

Prise en charge par le Centre national de la cinématographie (CNC),
le Centre national du livre (CNL) et le Centre national des variétés, de la chanson et du jazz (CNV), du soutien et de l’encouragement de l’offre légale des
œuvres sur les réseaux de communication au public en ligne

La Commission adopte un amendement de la rapporteure pour avis tendant à ajouter aux missions du CNC, du CNL et du CNV celle de soutenir et d’encourager l’offre légale des œuvres sur les réseaux de communication au public en ligne.

Article additionnel après l’article 10 bis

Mise en place par le Centre national de la cinématographie (CNC) de systèmes de référencement favorables au développement des offres légales d’
œuvres cinématographiques françaises ou européennes

La Commission adopte un amendement de la rapporteure pour avis confiant au CNC le soin d’initier ou d’élaborer avant le 1er janvier 2010 la mise en place de systèmes de référencement, par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communication électronique, favorables au développement des offres légales d’œuvres cinématographiques françaises ou européennes.

Article 11

Modalités d’application outre-mer

Cet article fixe les modalités d’application du projet de loi aux territoires d’outre-mer.

L’alinéa 1 pose le principe de la non-applicabilité des dispositions du texte à la Polynésie française. Le projet de loi s’applique ainsi dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie ainsi que, de plein droit et donc sans qu’il soit nécessaire que la loi le précise, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Les alinéas 2 à 6 modifient l’article L. 811-1 du code de la propriété intellectuelle, qui définit les modalités d’application de ce code à Mayotte, dans les Terres australes et antarctiques françaises, aux îles Wallis et Futuna et en Nouvelle Calédonie, en vue de tenir compte de la loi organique n° 2007-223 et de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.

L’alinéa 3 prévoit que, conformément à la loi organique n° 2007-223 et de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, les dispositions relevant du code civil relatives à la propriété intellectuelle s’appliquent de plein droit à Mayotte et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

L’alinéa 5 précise que la rémunération au titre du prêt en bibliothèque (articles L. 133-1 à L. 133-4 et quatrième alinéa de l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle) ne s’applique pas à Mayotte.

L’alinéa 6 prévoit enfin que s’agissant des TAAF, plusieurs dispositions relatives à la qualification en propriété industrielle (l’inscription sur la liste des personnes qualifiées en matière de propriété industrielle – articles L. 421-1 et L. 421-2 – , les conditions d’exercice de la profession de conseil en propriété industrielle - articles L. 422-1 à L. 422-13) ne s’appliquent pas.

*

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 11 sans modification.

La Commission donne un avis favorable à l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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* *

En conséquence, et sous réserve des amendements qu’elle propose, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi n° 1240.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Après l’article 1er

Amendement présenté par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis, et M. Christian Kert :

Insérer l’article suivant :

« I. – L’alinéa 2 de l’article L. 121-8 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :

« Pour toutes les œuvres publiées dans un journal ou écrit périodique, l’auteur conserve, sauf stipulations contraires, le droit de faire reproduire et d’exploiter ses œuvres sous quelque forme que ce soit, et sous réserve de respecter les dispositions de l’article L. 132-35. Cette reproduction ou cette exploitation ne doit pas être de nature à faire concurrence à ce journal ou écrit périodique.

« II. – Au chapitre II du titre III du Livre Ier du code de la propriété intellectuelle, il est créé une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Cession des œuvres pour une publication de presse

« Art. L. 132-35. – Par publication de presse on entend, au sens du présent article, la publication sur tout support, opérée sous la responsabilité d’une entreprise de presse, d’un journal, d’écrits périodiques, de services de communication au public en ligne et d’exploitations éditoriales complémentaires ainsi que leurs utilisations à des fins promotionnelles. Sont exclus les services de communication audiovisuelle au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication modifiée.

« Toute convention liant une personne qui contribue à la création d’une publication de presse et son employeur emporte cession à titre exclusif des droits d’exploitation des contributions au profit de ce dernier.

« La rémunération perçue dans le cadre de cette convention est réputée couvrir, pendant une période dont la durée est déterminée par voie d’accord collectif, toute publication, quel qu’en soit le support, des contributions par l’entreprise de presse pour l’ensemble de ses marques appartenant à une même famille cohérente d’information.

« La durée visée à l’alinéa 3 court à compter de la première mise à disposition du public de la publication de presse. Elle est déterminée en prenant, notamment en considération la périodicité et la nature de la publication.

« Au-delà de cette période, la publication de la contribution par l’entreprise de presse fait l’objet d’une rémunération complémentaire, déterminée par accord collectif ou par accord individuel.

« La possibilité pour l’entreprise de presse de céder les droits d’exploitation des contributions à des tiers est soumise à accord collectif ou individuel. Cette cession donne lieu à versement d’une rémunération complémentaire, dont le montant est déterminé par ce même accord.

« Les rémunérations complémentaires visées aux alinéas 5 et 6 ci-dessus n’ont pas le caractère de salaire et sont déterminées conformément aux articles L. 131-4 et L. 132-6 du présent code et peuvent avoir un caractère forfaitaire.

« Art. L. 132-36. – Il est créé une commission de conciliation, présidée par un représentant de l’État, comprenant à parité des représentants des organisations professionnelles de presse et de représentants des organisations syndicales de journalistes professionnels.

« La commission a compétence pour proposer, à défaut d’accord et à l’issue d’une période de six mois de négociations infructueuses, la période et les rémunérations visées respectivement aux alinéas 3, 4, 5 et 6 de l’article L. 132-35.

« À cette fin, elle prend en compte les accords existants dans la forme de publication considérée. La commission se détermine à la majorité de ses membres présents. En cas de partage des voix, le président a voix prépondérante.

« Si, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la proposition, une des parties a notifié son refus de l’accepter, la partie la plus diligente peut saisir le juge afin de faire fixer la période et les rémunérations visées respectivement aux alinéas 3, 4, 5 et 6 de l’article L. 132-35. La proposition de la commission de conciliation sera communiquée au juge.

« La composition, les modalités de saisine et de fonctionnement de la commission sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

« III. – Le deuxième alinéa de l’article L. 7113-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Lorsqu’elle est effectuée dans le cadre d’un contrat de travail, la collaboration d’un journaliste professionnel s’entend pour tous les supports de la publication à laquelle il est rattaché. Les conditions d’exploitation de ces contributions sont définies à l’article L. 132-35 du code de la propriété intellectuelle. »

Article 2

Amendements présentés par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis, et M. Roland Muzeau :

•  Après l’alinéa 22, insérer l’alinéa suivant : « 5°bis Un membre de la CNIL ; ».

• À l’alinéa 23, substituer au nombre : « quatre », le nombre : « trois ».

•  I.– Rédiger ainsi l’alinéa 28 : « Le mandat des membres n’est ni révocable, ni renouvelable. »

II.– En conséquence, rédiger ainsi l’alinéa 38 : « Le mandat des membres n’est ni révocable, ni renouvelable. »

•  I.– Après l’alinéa 34, insérer l’alinéa suivant :

« 4° Un membre en activité de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, désigné par le Président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

II. – En conséquence, à l’alinéa 31, substituer au nombre : « trois », le nombre : « quatre ».

•  Après l’alinéa 68, insérer l’alinéa suivant :

« Art. L. 331-23-1. – La Haute Autorité met à la disposition des abonnés un service d’accueil téléphonique gratuit. Il permet aux abonnés ayant reçu une recommandation de s’assurer qu’elle a été envoyée par la Haute Autorité. Il concourt à l’information sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites pour la création artistique. »

•  À la dernière phrase de l’alinéa 69, après le mot : « contenir », insérer les mots : « le numéro d’appel du service mentionné à l’article L. 331-23-1, ainsi que ».

Amendements présentés par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis :

•  Compléter l’alinéa 70 par les mots : « sauf si l’abonné le demande par écrit. »

•  Compléter l’alinéa 72 par les mots : « sauf si l’abonné le demande par écrit. »

•  À l’alinéa 73, rédiger ainsi la dernière phrase :

« Dès la première recommandation, l’abonné destinataire peut adresser des observations par écrit à la commission de protection des droits. »

Amendement présenté par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis, et M. Christian Paul :

À l’alinéa 75, substituer aux mots : « la ou les sanctions suivantes », les mots : « l’une des sanctions suivantes ».

Amendement présenté par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis :

Compléter l’alinéa 77 par la phrase suivante :

« Cette limitation intervient pendant une durée d’un mois à trois mois et est assortie de l’impossibilité de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur l’accès à un service de communication au public en ligne auprès de tout opérateur. »

Amendement présenté par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis, et M. Roland Muzeau :

Rédiger ainsi l’alinéa 78 :

« 2° Une injonction de mettre en œuvre un moyen de sécurisation figurant sur la liste définie à l’article L. 331-30, adapté à la configuration de son installation, le cas échéant sous astreinte et à en rendre compte à la Haute Autorité. »

Amendements présentés par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis, et M. Christian Paul :

•  Supprimer l’alinéa 79.

•  Après la première phrase de l’alinéa 84, insérer la phrase suivante : « Dans ce cas, l’abonné sera informé de son droit d’être assisté d’un conseil ».

•  À la dernière phrase de l’alinéa 84, substituer aux mots : « la ou les mesures suivantes », les mots : « l’une des sanctions suivantes ».

Amendement présenté par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis :

Compléter l’alinéa 86 par la phrase suivante :

« Cette limitation intervient pendant une durée d’un mois à trois mois et est assortie de l’impossibilité de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur l’accès à un service de communication au public en ligne auprès de tout opérateur. »

Amendement présenté par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis, et M. Roland Muzeau :

Rédiger ainsi l’alinéa 87 :

« 2° Une obligation de mettre en œuvre un moyen de sécurisation figurant sur la liste définie à l’article L. 331-30, adapté à la configuration de son installation, le cas échéant sous astreinte et à en rendre compte à la Haute Autorité. »

Amendement présenté par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis, et M. Christian Paul :

Compléter l’alinéa 107 par la phrase suivante : « Elles font également figurer, dans les contrats conclus avec leurs abonnés, les sanctions pénales et civiles encourues en cas de violation des droits d’auteurs et droits voisins. »

Amendements présentés par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis :

•  Après l’alinéa 119, insérer l’alinéa suivant :

« La Haute Autorité identifie et étudie les pratiques permettant l’utilisation illicite des œuvres et des objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin sur les réseaux de communications électroniques. Dans le cadre du rapport prévu à l’article L. 331-13-1, elle propose, le cas échéant, des solutions visant à remédier à ces pratiques. »

•  Après l’alinéa 119, insérer l’alinéa suivant :

« Dans le rapport prévu à l’article L. 331-13-1, La Haute Autorité rend compte du développement de l’offre commerciale légale. »

Amendement présenté par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis :

Compléter l’alinéa 120 par la phrase suivante : « Cette labellisation est revue périodiquement. »

Après l’article 9 bis

Amendement présenté par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis :

Insérer l’article suivant :

« L’article L. 312-6 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de ces enseignements, les élèves reçoivent une information sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres culturelles pour la création artistique. »

Après l’article 10 bis

Amendements présentés par Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis :

•  Insérer l’article suivant :

« I. – Après l’article 220 quaterdecies du code général des impôts, il est inséré un article 220 quindecies ainsi rédigé :

« Art. 220 quindecies. – I. – 1. Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies et 44 duodecies, qui produisent des œuvres audiovisuelles spécifiquement destinées à une mise à disposition du public sur internet, peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses mentionnées au III, lorsque ces œuvres sont agréées dans les conditions prévues au IV.

« Le bénéfice du crédit d’impôt est subordonné au respect, par les entreprises, de la législation sociale en vigueur.

« 2. Les œuvres audiovisuelles mentionnées au 1 sont des œuvres spécifiquement produites pour une mise à disposition du public sur internet effectuée par des services de télévision ou par des services offrant un accès à une ou plusieurs œuvres au moment choisi par l’utilisateur et sur sa demande.

« II. – 1. Les œuvres audiovisuelles ouvrant droit au bénéfice du crédit d’impôt doivent répondre aux conditions suivantes :

« 1° Appartenir aux genres de la fiction, du documentaire de création, de l’animation ou de la captation ou recréation de spectacles vivants ;

« 2° Être réalisées intégralement ou principalement en langue française ou dans une langue régionale en usage en France ;

« 3° Être réalisées principalement sur le territoire français. Un décret détermine les modalités selon lesquelles le respect de cette condition est vérifié, en fonction du genre auquel elles appartiennent ;

« 4° Avoir un coût de production supérieur ou égal à un montant minimum par minute produite fixé par décret en fonction du genre auquel elles appartiennent ;

« 5° Être financées par un apport d’un ou plusieurs éditeurs de services mentionnés au 2 du I ou donner lieu à la conclusion d’un accord financier avec le producteur se rapportant à leur exploitation sur le ou les services concernés.

« 2. – N’ouvrent pas droit au crédit d’impôt :

« 1° Les œuvres audiovisuelles à caractère pornographique ou d’incitation à la violence ;

« 2° Les œuvres audiovisuelles utilisables à des fins de publicité ;

« 3° Les programmes d’information, les débats d’actualité et les émissions sportives, de variétés ou de jeux ;

« 4° Tout document ou programme audiovisuel ne comportant qu’accessoirement des éléments de création originale.

« III. – 1. Le crédit d’impôt, calculé au titre de chaque exercice, est égal à 20 % du montant total des dépenses suivantes effectuées en France :

« 1° Les rémunérations versées aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle sous forme d’avances à valoir sur les recettes d’exploitation des œuvres, ainsi que les charges sociales afférentes ;

« 2° Les rémunérations versées aux artistes-interprètes visés à l’article L. 212-4 du même code, par référence pour chacun d’eux, à la rémunération minimale prévue par les conventions et accords collectifs conclue entre les organisations de salariés et d’employeurs de la profession, ainsi que les charges sociales afférentes ;

« 3° Les salaires versés aux personnels de la réalisation et de la production, ainsi que les charges sociales afférentes ;

« 4° Les dépenses liées au recours aux industries techniques et autres prestataires de la création audiovisuelle ;

« 5° Les dépenses liées à la conception graphique et à la production technique spécifiques à la création et au visionnage de l’œuvre sur internet, à l’exception de celles relatives à la diffusion et au stockage.

« 2. Les auteurs, artistes-interprètes et personnels de la réalisation et de la production mentionnés au 1 doivent être, soit de nationalité française, soit ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, d’un État partie à la convention européenne sur la coproduction cinématographique du Conseil de l’Europe ou d’un État tiers européen avec lequel la Communauté européenne a conclu des accords ayant trait au secteur audiovisuel. Les étrangers, autres que les ressortissants européens précités, ayant la qualité de résidents français sont assimilés aux citoyens français.

« 3. Pour le calcul du crédit d’impôt, l’assiette des dépenses éligibles est plafonnée à 80 % du budget de production de l’œuvre.

« IV. – Les dépenses mentionnées au III ouvrent droit au crédit d’impôt à compter de la date de réception, par le directeur général du Centre national de la cinématographie, d’une demande d’agrément provisoire.

« L’agrément provisoire est délivré par le directeur général du Centre national de la cinématographie après sélection des œuvres audiovisuelles par un comité d’experts. Cet agrément atteste que les œuvres audiovisuelles remplissent les conditions prévues au II.

« V. – Les subventions publiques non remboursables reçues par les entreprises et directement affectées aux dépenses mentionnées au III sont déduites des bases de calcul du crédit d’impôt.

« VI. – 1. La somme des crédits d’impôt calculés au titre d’une même œuvre audiovisuelle ne peut excéder :

« 1°500 € par minute produite et livrée pour une œuvre de fiction ;

« 2°500 € par minute produite et livrée pour une œuvre documentaire ;

« 3°600 € par minute produite et livrée pour une œuvre d’animation ;

« 4°500 € par minute produite et livrée pour une œuvre appartenant au genre de la captation ou recréation de spectacles vivants.

« 2. Les mêmes dépenses ne peuvent entrer à la fois dans la base de calcul du crédit d’impôt mentionné au I et dans celle d’un autre crédit d’impôt.

« VII. – Les crédits d’impôt obtenus pour la production d’une même œuvre audiovisuelle ne peuvent avoir pour effet de porter à plus de 50 % du budget de production le montant total des aides publiques accordées.

« VIII. – Un décret fixe les conditions d’application du présent article. »

« II. – Après le z de l’article 223 O du même code, il est inséré un z bis ainsi rédigé :

« z bis) Des crédits d’impôt dégagés par chaque société du groupe en application de l’article 220 quindecies, les dispositions de l’article 220 Z ter s’appliquent à la somme des crédits d’impôt. »

« III.  Après l’article 220 Z bis du même code, il est inséré un article 220 Z ter ainsi rédigé :

« Art. 220 Z ter. – Le crédit d’impôt défini à l’article 220 quindecies est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise au titre de l’exercice au cours duquel les dépenses définies au III de cet article ont été exposées. Si le montant du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre dudit exercice, l’excédent est restitué.

« L’excédent de crédit d’impôt constitue au profit de l’entreprise une créance sur l’État d’un montant égal. Cette créance est inaliénable et incessible, sauf dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier.

« La part du crédit d’impôt obtenu au titre des dépenses mentionnées au III de l’article 220 quindecies fait l’objet d’un reversement en cas de non délivrance de l’agrément définitif dans un délai de X mois à compter de l’agrément provisoire.

« Les conditions d’application du présent article, notamment celles relatives à la délivrance de l’agrément définitif, sont fixées par décret. »

« IV. – Le I s’applique aux crédits d’impôt calculés au titre des dépenses engagées entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012.

« V. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2010.

« VI. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

•  Insérer l’article suivant :

« I. – Le premier alinéa de l’article 30 de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il est chargé de soutenir et d’encourager l’offre légale de musique sur les réseaux de communication au public en ligne ».

« II. – L’article 2 de la loi n° 46-2196 du 11 octobre 1946 créant un centre national du livre est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est chargé d’encourager et de soutenir l’offre des œuvres sur les réseaux de communication au public en ligne. »

« III. – L’article 2 du code de l’industrie cinématographique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il encourage et soutient l’offre légale d’œuvres cinématographiques sur les réseaux de communication au public en ligne et les réseaux de communication audiovisuelle. »

« IV. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

•  Insérer l’article suivant :

« Le Centre national de la cinématographie est chargé d’initier ou d’élaborer avant le 1er janvier 2010 la mise en place de systèmes de référencement, par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communication électronique, favorables au développement des offres légales d’œuvres cinématographiques françaises ou européennes. »

ANNEXES

ANNEXE 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø M. Jacques Toubon, député européen, ancien ministre de la culture

Ø M. Nicolas Brault et Mme Florence Watrin, avocats au barreau de Paris

Ø Centre national de la cinématographie (CNC) – Mme Véronique Cayla, directrice, et Mme Anne Durupty, directrice générale adjointe

Ø Cabinet de la ministre de la culture et de la communication – M. Olivier Henrard, conseiller juridique

Ø  Table ronde réunissant des sociétés civiles de perception de droits :

–  Société civile pour l’administration des droits des artistes et interprètes musiciens (ADAMI) – Mme Isabelle Feldman, directrice des affaires juridiques et internationales, M. Gaël Marteau, directeur de la communication, et M. Alain Charriras, administrateur

–  Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) – M. Jacques Fansten, président, et M. Guillaume Prieur, directeur des relations institutionnelles

–  Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) M. Bernard Miyet, président du directoire, et Mme Frédérique Bilbaut-Faillant, déléguée aux relations institutionnelles

–  Société civile des auteurs multimédias (SCAM) – Mme Marie-Christine Leclerc-Senova, directrice des affaires juridiques

–  Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) – M. Pascal Nègre, président, et M. Marc Guez, directeur général-gérant

–  Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes musique et danse (SPEDIDAM) – M. François Nowak, directeur administratif et financier

Ø Mme Karine Riahi, avocate au barreau de Paris

Ø Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) – M. Jean Musitelli, président du collège, et M. Jean Berbinau, secrétaire général

Ø Table ronde réunissant des syndicats professionnels et des entreprises culturelles :

–  Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) – M. Nicolas Seydoux, président, et M. Frédéric Delacroix, délégué général

–  Bureau de liaison des industries cinématographiques (BLIC) – M. Victor Hadida, président de la Fédération nationale des distributeurs de films (FNDF), Mme Julie Lorimy, déléguée générale de la FNDF, Mme Hortense de Labriffe, déléguée générale de l’Association des producteurs indépendants (API), M. Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), et M. Jean-Pierre Decrette, membre du bureau de la FNCF, M. Philippe Bastard de Crisnay, président du Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), et M. Jean-Yves Mirski, délégué général du SEVN

–  Bureau de liaison des organisations cinématographiques (BLOC) –M. Frédéric Goldsmith, délégué général de l’Association des producteurs du cinéma (APC), Mme Juliette Prissard, déléguée générale du SPI (Syndicat des producteurs indépendants), et Mme Amélie Chatellier, déléguée adjointe de la Société des réalisateurs de films (SRF)

–  Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) – M. Hervé Rony, directeur général, et M. David El Sayegh, directeur juridique

–  Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) – M. Jérôme Roger, directeur général

–  Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) – M. Jacques Peskine, délégué général

Ø Table ronde réunissant des syndicats professionnels du secteur de l’internet :

–  Association des services internet communautaires (ASIC) – M. Guiseppe de Martino, co-président, directeur juridique et réglementaire monde chez Dailymotion, et M. Olivier Esper, trésorier, responsable des relations institutionnelles chez Google

–  Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (GESTE) – M. Xavier Filliol, président de la commission musique, et Mme Marine Pouyat, chargée des affaires réglementaires

Ø Table ronde autour des fournisseurs d’accès à internet :

–  Association pour la promotion et la recherche en informatique libre (APRIL) – M. Benjamin Bayart, conseiller technique, président de French data network, président de l’Association des opérateurs locaux, et Mme Alix Cazenave, responsable des affaires publiques

–  Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) –M. Édouard Bridoux, membre du collège, et M. Renaud Chapelle, adjoint au chef de service haut débit et collectivités et chef de l’unité collectivités territoriales

–  Fédération française des télécoms (FFT) – M. Yves Le Mouël, directeur général, et Mme Églantine Vial, juriste chez Bouygues Telecom

–  Iliad – M. Olivier de Baillenx, directeur des relations institutionnelles

Ø Table ronde réunissant des associations de consommateurs :

–  Confédération pour la consommation, le logement et le cadre de vie (CLCV) – Mme Frédérique Pfrunder, chargée de mission

–  UFC-Que Choisir – M. Édouard Barreiro, chargé de mission sur les nouvelles technologies, et Mme Catalina Chatellier, juriste

Ø M. Christophe Caron, avocat au barreau de Paris, professeur de droit à la faculté de Paris XII, directeur du Master 2 professionnel « Droit de la propriété intellectuelle appliquée »

Ø Marché international de la musique (MIDEM) – Mme Dominique Leguern, directrice

Ø M. Pierre Sirinelli, professeur de droit à l’Université Paris I, chargé par la ministre de la culture et de la communication d’une mission pour favoriser la diffusion des œuvres culturelles sur le web communautaire

Ø École polytechnique – M. Thomas Clausen, maître de conférences, et M. Fabrice Le Fessant, chargé d’enseignement

Ø Fonds pour la création musicale (FCM) – M. Bruno Lion, président, et Mlle Aurélie Heux, chargée de mission

Ø M. François Garçon, maître de conférences à l’université de Paris I, responsable du Master professionnel « TV, cinéma et nouveaux médias »

ANNEXE 2

GLOSSAIRE DES TERMES TECHNIQUES

Adresse IP Abréviation de l’anglais Internet Protocol (cf. Annexe n° 3)

ADSL Acronyme de l’anglais Asymmetric Digital Subscriber Line, liaison numérique à débit asymétrique sur ligne d’abonné, en français. Mode d’exploitation des lignes téléphoniques (paires cuivrées) pour envoyer et recevoir des signaux numériques à des débits élevés, de manière indépendante du service téléphonique proprement dit (contrairement aux modems analogiques). En France, le lancement commercial de l’ADSL a été effectué en 1999.

ARMT Autorité de régulation des mesures techniques

Download Téléchargement de données d’un ordinateur ou d’un serveur vers son ordinateur.

DRM Acronyme de l’anglais Digitals Rights Management, (Gestion des droits numériques, en français). Mesure technique permettant de contrôler la diffusion des contenus numériques (par exemple sonores, textuels ou vidéo) par chiffrage. Cette mesure permet un contrôle étroit et paramétrable de la diffusion des contenus : nombre de copies ou de lectures autorisées, matériel de lecture autorisé, temps d’accessibilité du média, etc.

FAI Fournisseur d’Accès internet, organisme (généralement une entreprise) fournissant une connexion au réseau informatique internet.

Internet Réseau informatique mondial utilisant le protocole de communication IP (Internet Protocol).

Interopérabilité Dans le contexte de la diffusion numérique des œuvres dans lequel s’inscrit la loi du 1er août 2006, l’interopérabilité des mesures techniques s’entend, très naturellement, comme la capacité de plusieurs lecteurs différents de lire les œuvres acquises auprès de distributeurs différents.

Upload Envoi de données de l’ordinateur vers une autre machine.

Modem Contraction de modulateur-démodulateur. Boîtier ou équipement de connexion d’un ordinateur avec le réseau téléphonique pour assurer la conversion du signal adéquate pour les flux entrants et sortants. Les modems se différencient par les protocoles supportés, les modes de compression du signal, leur vitesse de transmission, etc.

MP3 Algorithme de compression audio qui est capable de réduire significativement (4 à 12 fois environ) la quantité de données nécessaire pour restituer de l’audio (et ainsi d’avoir des fichiers audio plus légers). Par extension on utilise l’acronyme MP3 pour désigner les fichiers audio compressés par cet algorithme.

P2P De l’anglais peer to peer (en français, pair à pair) (cf. Annexe n° 4).

Streaming En français, lecture en continu. Principe utilisé principalement pour l’envoi de contenu en « direct » (ou en léger différé) qui permet la lecture d’un flux audio ou vidéo, en temps réel à mesure qu’il est diffusé par le serveur.

Cette technique s’oppose ainsi au téléchargement qui nécessite de récupérer l’ensemble des données d’un morceau ou d’un extrait vidéo avant de pouvoir l’écouter ou le regarder.

Triple Play Offre commerciale combinée dans laquelle un opérateur propose à ses abonnés un ensemble de trois services dans le cadre d’un contrat unique (accès à l’internet à haut voire très haut débit, téléphonie fixe, la télévision avec parfois des services de vidéo à la demande). Ce service est fourni par les FAI au moyen de set-top box spécifiques, les « box ».

3G Pour « troisième génération ». Génération technologique de téléphonie mobile s’appuyant sur la norme Universal Mobile Telecommunications System (UMTS), permettant des débits bien plus rapides (2Mbps prévus à maturité du réseau) qu’avec la génération précédente (la 2G : le GSM). Ces débits accrus permettent des applications de visiophonie et de télévision.

VoD De l’anglais Video On Demand (en français vidéo à la demande).

VoIP De l’anglais Voice over IP, est une technique qui permet de communiquer par la voix via l’internet ou tout autre réseau acceptant le protocole TCP/IP. Cette technologie est notamment utilisée pour assurer des services de téléphonie. Les offres commerciales VoIP permettent d’appeler des téléphones fixes dans de nombreux pays du monde, gratuitement.

Web Abréviation de World Wide Web (littéralement la « toile d’araignée mondiale »), parfois appelé « la Toile ». Système s’appuyant sur le réseau internet et qui permet de consulter, avec un navigateur, des pages mises en ligne dans des sites. Le Web n’est qu’une des applications d’internet. D’autres applications d’internet sont le courrier électronique, la messagerie instantanée, Usenet, etc.

Wi-Fi De l’acronyme anglais WiFi (Wireless Fidelity). Technologie de transmission sans fil pour les réseaux d’accès (norme 802.11x) où x prend des valeurs a, b, g selon les niveaux de débit. Les bornes WiFi sont connectées au réseau de desserte et l’utilisateur dispose d’un équipement pour accéder ainsi à l’internet (carte Wifi). Le rayon de couverture est de l’ordre de la centaine de mètres. Un Hotspot WiFi est un lieu public où les usagers d’internet peuvent venir se connecter, en général gratuitement, à internet.

ANNEXE 3

QU’EST-CE QUE L’ADRESSE IP ?

Pour que deux machines puissent communiquer à travers le réseau internet, il est nécessaire :

– d’identifier de manière univoque chaque machine ;

– de déterminer le chemin à utiliser pour acheminer les messages à travers le réseau.

L’adresse IP (Internet Protocol, le protocole de réseau utilisé sur internet) remplit ces deux fonctions, de manière très similaire à un numéro de téléphone pour le réseau téléphonique. Ainsi quand un utilisateur veut se connecter à un serveur web ou à un serveur de courrier électronique, son ordinateur envoie à ce serveur un « paquet ». Ce paquet contient l’adresse IP de l’utilisateur pour que le serveur puisse lui faire parvenir la réponse.

La version classique d’IP, dite IPv4, utilise des adresses formées de 4 octets, et habituellement exprimées sous la forme de 4 nombres compris entre 0 et 255, comme par exemple 62.23.8.157.

Bien que le nombre théorique d’adresses IPv4 disponibles dépasse le milliard, la très forte croissance d’internet depuis ces dix dernières années a entraîné une pénurie d’adresses et conduit au développement de plusieurs solutions pour faire face à cette pénurie.

Une première solution est d’augmenter la longueur des adresses, comme cela a été fait il y a quelques années en France avec les numéros de téléphone en passant de huit à dix chiffres. La même opération a été faite sur internet avec la mise au point d’une nouvelle version du protocole IP, dite IPv6, qui utilise des adresses sur 16 octets (4 fois plus longues que les adresses IPv4). Malheureusement, il n’est pas envisageable contrairement à ce qu’a pu faire France Télécom le 18 octobre 1996 pour son réseau téléphonique, de basculer d’un coup internet vers ces nouvelles adresses. C’est pourquoi l’IPv6 peine à s’imposer, en particulier dans les pays ayant déjà une infrastructure internet importante.

Une autre solution pour faire face à la pénurie d’adresses est d’utiliser des adresses dites privées. Ces adresses privées sont similaires aux numéros internes dans un hôtel : il est possible de communiquer directement d’une chambre à l’autre, il est également possible d’une chambre d’appeler un numéro extérieur directement, en revanche, il n’est pas possible pour quelqu’un de l’extérieur de joindre directement une chambre sans passer par la réception. Ainsi l’hôtel n’a besoin que d’un seul numéro de téléphone quel que soit son nombre de chambres.

De la même manière les fournisseurs d’accès n’attribuent une adresse IP publique (numéro de téléphone du standard) qu’à l’équipement connecté directement à internet (la « box ») ; le ou les ordinateurs connectés sur cette box reçoivent des adresses privées (numéros internes des chambres).

Le schéma ci-après illustre cela : plusieurs ordinateurs (A, B, C) sont connectés sur un même accès internet, chaque poste a sa propre adresse (adresse IP A, adresse IP B, adresse IP C) sur le réseau interne mais tous les postes sont reliés à la même adresse IP sur le réseau internet.

Pour économiser encore les adresses IP, certains FAI n’attribuent une adresse qu’au moment où une machine se connecte à internet parmi une série (pool) d’adresses disponibles.

L’adresse IP d’un même accès internet n’est pas donc fixe dans le temps. Pour attribuer les adresses IP à leurs clients, les FAI utilisent des systèmes d’attribution dynamique d’adresses IP généralement basés sur le protocole DHCP (Dynamic Host Configuration Protocol). Ces systèmes conservent dans des journaux d’activité (logs) la trace des adresses IP qu’ils ont distribuées.

Il est ainsi possible, pour un FAI, d’identifier l’abonné auquel était attribué une adresse IP à un instant donné. En fait, seules les machines qui ont besoin d’être appelées par n’importe qui, c’est-à-dire les serveurs, ont besoin d’adresses IP fixes. Ainsi, par exemple le site de l’Assemblée nationale à l’adresse 62.23.8.157. Cette adresse ne change pas afin de permettre à tous les internautes de consulter ce site et d’accéder par exemple au présent rapport.

Un organisme, l’ICANN (internet Corporation for Assigned Names and Numbers) est chargé, entre autres, de répartir les adresses IP. À ce titre il gère l’IANA (Internet Assigned Numbers Authority) qui est sa division opérationnelle pour l’attribution des adresses IP. L’IANA a divisé le monde en cinq zones et délégué ses attributions à un organisme par zone :

– AfriNIC (African Network Information Center) pour l’Afrique ;

– RIPE NCC (Réseaux IP Européens Network Coordination Centre) pour l’Europe, la Russie, le proche et moyen Orient ;

– APNIC (Asia Pacific Network Information Centre) pour le reste de l’Asie et le Pacifique ;

– ARIN (American Registry for internet Numbers) pour l’Amérique du Nord ;

– LACNIC (Latin America and Caribbean internet Addresses Registry) pour l’Amérique centrale, l’Amérique du sud et les Caraïbes.

Chaque FAI s’adresse donc à l’organisme dont il dépend géographiquement pour obtenir des séries d’adresses IP publiques qui lui seront réservées et qu’il pourra ensuite distribuer à ses clients.

ANNEXE 4

LES DIFFÉRENTES TECHNIQUES
D’ÉCHANGE DE FICHIERS SUR INTERNET

1. Le pair à pair

Le pair à pair (poste à poste ou peer to peer, P2P) est un modèle de communication qui permet à deux ordinateurs quelconques, reliés à internet, d’échanger directement des fichiers sans passer par un tiers (un serveur par exemple) :

Ce modèle est appelé « pair à pair » car les deux machines jouent un rôle équivalent et sont capables à la fois de recevoir et d’envoyer des fichiers. Il s’oppose à l’architecture client/serveur dans laquelle une machine particulière (le serveur) possède les informations et les envoie aux machines qui le lui demandent (les clients).

En pair à pair, chaque ordinateur agit donc à la fois comme serveur et comme client. Ce principe présente un grand intérêt pour d’autres applications que le partage de fichiers, par exemple la téléphonie par internet ou le calcul intensif réparti. En effet, le pair à pair s’est développé parce qu’un internaute utilise rarement son ordinateur à 100 %. Il existe ainsi, à un instant donné, une grande quantité de ressources inutilisées : bande passante internet, puissance de calcul, espace disque. Ces ressources peuvent donc être employées à des tâches d’arrière-plan (transfert de fichier, calcul, etc.) sans nuire à l’usage principal de l’ordinateur.

L’usage du pair à pair le plus connu du grand public reste l’échange de fichiers entre internautes. Cet échange peut se réaliser de manière simple grâce à des logiciels que l’on peut télécharger gratuitement sur internet. Ces logiciels ne sont pas illégaux en eux-mêmes. L’usage qui en est fait peut en revanche l’être.

La mise à disposition d’un fichier à partager sur un réseau P2P (le « file sharing ») est appelée « uploading ».

Le téléchargement est appelé « downloading ». Le fichier téléchargé est stocké sur le disque dur de l’internaute. Il devient alors immédiatement disponible pour les autres membres du réseau si l’internaute a accepté de le partager ou choisi de ne pas le retirer de son espace de partage. Accepter le partage en upload procure des avantages techniques en terme de vitesse de téléchargement, ce qui incite les internautes à valider cette option.

Deux systèmes sont possibles pour permettre la recherche des fichiers :

– La méthode centralisée (exemple de Napster) : une machine centrale maintient un index de tous les fichiers disponibles sur les différents pairs et oriente les internautes vers le poste possédant le fichier recherché. Les fichiers transférés ne transitent cependant pas par ce serveur central – sinon il n’y aurait pas de différence avec une topologie client/serveur :

– Dans la méthode décentralisée, il n’y a pas d’index centralisé. L’ordinateur qui cherche un fichier interroge les différents pairs jusqu’à ce qu’il en trouve un qui connaisse le fichier qu’il recherche :

Schéma de principe d’un réseau P2P décentralisé

S’agissant du degré de décentralisation des logiciels de pair à pair, il existe une variété de situations : si les ressources sont toujours décentralisées (puisque sur le poste des internautes et non sur un serveur central), la recherche des sources et la recherche des pairs peuvent se faire de manière plus ou moins centralisée (centralisation, semi-centralisation ou décentralisation). La tendance semble aller vers une décentralisation totale. La tendance est aussi au « multisource » (plusieurs postes en upload) afin d’accélérer le téléchargement des fichiers.

2. Usenet et les forums de discussions (newsgroups)

Usenet est un système en réseau de forums de discussions, inventé en 1979 et basé sur le protocole NNTP. Par rapport aux forums Web, il permet une lecture plus rapide, car davantage axé sur le contenu. Le principe d’Usenet repose sur la réplication des articles sur les serveurs du monde entier. Lorsqu’un utilisateur poste un article dans un forum Usenet, cet article est déposé sur le serveur de news auquel le poste client est relié. Les serveurs Usenet respectant le protocole, répliquent leurs données et les renvoient aux serveurs Usenet voisins qui, à leur tour, les répliquent et les renvoient à leurs voisins et ainsi de suite. Ainsi, de proche en proche, un message posté à Nice peut rapidement se retrouver sur un serveur de news en Australie.

Les connexions entre les serveurs forment le réseau. Chaque serveur contient en théorie les mêmes données. En pratique, les administrateurs de serveurs Usenet choisissent ce qu’ils veulent mettre dans leur serveur : ils contrôlent les connexions sur leur serveur, mais pas l’ensemble Usenet. Habituellement, l’usage (lecture ou écriture) a lieu via un logiciel dit lecteur de nouvelles ou newsreader en anglais.

Usenet est organisé hiérarchiquement autour huit grandes catégories originelles de newsgroups (les « Big8 ») : informatique, loisirs, sciences, société, débats, relatif à Usenet, arts et lettres, discussions diverses. Des hiérarchies secondaires ont vu le jour, parmi lesquelles la hiérarchie « alternative » qui regroupe de nombreux newsgroups « binaires ».

Ces groupes binaires sont consacrés à la publication de fichiers, diffusés sous la forme de messages avec fichiers attachés. En s’y connectant, l’internaute peut télécharger, de manière très rapide, différents fichiers d’un film, d’un album de musique ou d’un jeu vidéo. Pour faciliter ce travail, des logiciels spécialisés dans le rapatriement de fichiers binaires (comme Newsleecher) ont vu le jour et sont disponibles gratuitement.

Les newsgroups dont l’objet est de diffuser des fichiers de manière illégale sont extrêmement réactifs. Les fichiers sont disponibles quasiment immédiatement après la sortie officielle de l’œuvre. D’ailleurs, les fichiers qui circulent sur les réseaux pair à pair sont très souvent issus des newsgroups.

3. Les discussions relayées par internet (les chats)

L’IRC (internet relay chat : discussion relayée par internet) est un protocole de messagerie instantanée. Il permet à un groupe d’internautes de dialoguer, par écrit, en temps réel et de manière simple (comme de nombreux 3615 de l’époque du Minitel). Les serveurs IRC fournissent des services permettant d’héberger ou/et de créer des canaux de communication. Les canaux portent des noms différents et permettent de réunir des utilisateurs autour d’un thème. Pour accéder à ces canaux, il suffit d’utiliser un logiciel (la plupart sont gratuits). Les canaux de discussion sont théoriquement administrés par une personne chargée de faire respecter certaines règles.

Par les réseaux IRC, il est également possible de s’échanger des données autres que des messages textuels (chat), par exemple des films et de la musique. On observe l’existence de nombreux canaux de communication dédiés à l’échange de fichiers contrefaits. En général, les administrateurs imposent que l’utilisateur ait à sa disposition plusieurs fichiers (divx, mp3, …) avant de pouvoir télécharger à son tour.

Cette pratique d’échange de fichiers contrefaits est assez marginale mais non négligeable, elle donne la sensation d’appartenance à un clan car il y a interaction possible avec les quelques autres utilisateurs privilégiés.

4. Un protocole de transfert de fichiers : le FTP

Le protocole FTP (pour File transfer protocol) permet le partage de données entre des machines géographiquement distantes (de type client/serveur).

Deux cas d’utilisation :

– soit le serveur FTP contient des données, l’utilisateur télécharge (download) les données de son choix par le biais d’un logiciel (client) ;

– soit l’utilisateur va déposer (uploader) des données sur le serveur FTP.

La qualité de service (vitesse de transfert, intégrité des données) dépend de la bande passante du serveur, de son taux d’occupation et du type d’abonnement de l’utilisateur. Le FTP est utilisé pour télécharger tout type de données (logiciel, films, sons, archives …). Il peut par exemple être utilisé pour mettre en place un site internet sur sept serveurs. Aujourd’hui certains fournisseurs d’accès proposent gratuitement des espaces personnels de 10 Go. L’utilisation du FTP pour accéder à ces espaces (attribution d’une partie d’un disque dur d’un serveur web) permet d’avoir un espace disque « virtuel » accessible partout sur la planète et à toute heure et notamment de mutualiser cet espace (partage de l’accès et des dépôts de fichiers). Le serveur FTP peut être un serveur professionnel aussi bien qu’un ordinateur de particulier.

Dans le cas de la contrefaçon de fichiers, il arrive que les serveurs FTP soient des espaces disque attribués illégalement par piratage informatique provenant de parcs informatiques d’entreprises, d’universités… L’intérêt est de bénéficier de ressources machines et bande passante professionnelles, ce qui est important lorsque l’enjeu est la rapidité de mise à disposition d’un film « piraté ». Parfois l’accès à ces serveurs FTP est payant, en effet les personnes ayant les droits d’accès revendent la possibilité de télécharger en rendant leur offre attractive grâce à des fichiers récents. Les logiciels client et serveur sont disponibles dans des versions gratuites ou payantes.

5. Utilisation d’un site Web

Tout serveur Web peut proposer des fichiers au téléchargement. De nombreux fournisseurs d’accès mettent à la disposition de leurs clients un site Web personnel généralement avec des capacités conséquentes. D’autre part, de nombreux sites Web proposent désormais aux internautes de déposer leurs fichiers (upload) et de les mettre ainsi à disposition du monde entier. Par exemple, des sites comme Dailymotion, YouTube, Google video, Flickr, etc. permettent à n’importe quel internaute de partager les fichiers de son choix.

ANNEXE 5

LUTTE CONTRE LA PIRATERIE AUDIOVISUELLE
SUR LES RÉSEAUX DITS « PEER-TO-PEER »
EN GRANDE-BRETAGNE

(Étude réalisée par Narval Media – Londres – 9 février 2009)

Ce document a pour objet l’examen des mesures envisagées par le gouvernement britannique pour tenter de minimiser la piraterie des contenus – notamment musicaux et audiovisuels – protégés par le droit d’auteur en Grande-Bretagne (34). Le caractère épidémique de la pratique de l’échange de fichiers à travers les réseaux informels dits peer-to-peer, a grandement facilité la circulation illégale de contenus et a pour résultat des pertes financières croissantes pour les industries créatives du pays, aujourd’hui considérées comme stratégiques.

Comme en France, la question politique posée par le défi du phénomène peer-to-peer en Grande-Bretagne est celle de la nature et de l’étendue de la participation des fournisseurs d’accès à internet (FAI) britanniques à l’effort de dissuasion et de répression de la piraterie en ligne. Le rapport analyse les antécédents politiques ayant amené tout récemment (29 janvier) le gouvernement britannique à annoncer son intention d’intervenir dans les relations entre ayants droit et FAI par voie de législation. Il évalue également les réactions des milieux professionnels aux dispositions légales proposées. Enfin, il offre un pronostic – certes un peu précoce – sur l’aboutissement possible d’un projet de loi prévu en principe pour la fin de l’année 2009.

A. L’internet à haut débit en Grande-Bretagne – Quelques ordres de grandeur

L’internet à haut débit représente en Angleterre un enjeu majeur pour l’avenir de l’économie politique du pays et sa cohésion sociale.

Avec prés de 17 millions de foyer connectés et des projections récentes (35) de 21 millions de foyers d’ici 2012, (sur les 26 millions qu’en compte le pays), le Royaume-Uni est un des pays au monde ou cette technologie est la plus répandue, en dépit des limites actuelles de la bande passante.

La Grande-Bretagne est également le pays avec le pourcentage le plus élevé de couverture haut débit, avec une capacité ADSL de 99,6 %. En termes de compétitivité du prix des abonnements, elle occupe le cinquième rang du classement des pays de l’OCDE. Elle occupe également le onzième rang dans le classement mondial pour le taux d’équipement informatique à domicile. A la fin de l’année 2008, 87 % des foyers étaient équipés de télévisions numériques et 50 % étaient abonnés à au moins un bouquet de télévision à péage. 21 millions de consommateurs gèrent leurs comptes bancaires par internet. En 2007, le montant total des achats par internet s’élevait à 46,6 milliards de livres, le plus gros volume en Europe, représentant déjà 15% de l’ensemble des ventes au détail. En moyenne, le consommateur britannique passe 34,4 heures par semaine en ligne, contre 24 heures en moyenne européenne et 31,4 heures aux États-Unis.

B. FAI, ayants droit et protection des contenus – Antécédents politiques

Selon les informations présentées au gouvernement britannique par les organisations représentant les industries créatives concernées, les pertes financières dues aux téléchargements illégaux se seraient chiffrées à quelque 250 millions de livres pour l’année 2007 (180 millions de livres attribuables à la musique, 55 millions de livres au cinéma et 22 millions de livres à la télévision). Il y aurait aujourd’hui environ 6,5 millions de téléchargeurs actifs au Royaume-Uni dont un très grand nombre pratique le téléchargement illicite régulièrement. Selon une étude récente de British Music Rights sur l’usage de la musique par les jeunes, 63 % d’entre eux seraient utilisateurs de réseaux peer-to-peer, téléchargeant en moyenne 53 morceaux de musique par mois. Ces pratiques sont par ailleurs en pleine croissance et s’étendent aujourd’hui au-delà des contenus audiovisuels classiques, affectant également les secteurs non moins stratégiques des logiciels et les jeux numériques.

Le gouvernement est conscient de l’enjeu économique et fait état dans des documents de consultations et rapports divers du poids des industries créatives au Royaume-Uni, lesquelles représenteraient 6,4 % de la valeur ajoutée des activités économiques du pays. Il s’inquiète donc de la croissance débridée du peer-to-peer et de l’impact des pratiques de téléchargements sauvages. Ainsi, le secteur le plus affecté, celui de la musique, aurait vu ses revenus chuter de près de 13 % en 2007, pour un chiffre d’affaire de 1,02 milliard de livres. Bien que les ventes par réseaux numériques aient connu une croissance de 28 % sur la même année, pour atteindre 132,2 millions de livres, ce développement n’aura pas suffit – et de très loin – à compenser la chute abrupte des ventes de CD, qui auront représenté une perte de 166 millions de livres par rapport à l’année précédente. S’il est vrai que l’amplitude de ces pertes n’est pas entièrement attribuables à la piraterie en ligne, celle-ci est néanmoins reconnue comme un facteur important dans la crise de ce secteur pilote de l’économie anglaise.

Les origines d’une recherche de solutions de co-régulation ou de régulation à l’enjeu de l’échange illicite de fichiers sur l’internet, sont à rechercher dans le Rapport Gowers. Cet exercice, confié en décembre 2005 par le Chancelier de l’Échiquier (ministre des Finances) à Lord Gowers, un pair du Royaume, aura permis de consulter les organisations professionnelles d’ayants droit et les groupements d’intérêts sur une vaste palette d’enjeux concernant l’avenir du cadre légal pour la protection de la propriété intellectuelle à l’ère du numérique. Publié un an plus tard, en décembre 2006, le rapport contenait des recommandations spécifiques concernant les échanges illicites de contenus sur l’internet. Dans sa recommandation n° 39, l’auteur du rapport se faisait l’apologue d’une solution négociée entre les industries concernées, tout en encourageant le gouvernement à intervenir directement en cas de non-accord : « [Le gouvernement devrait] observer les accords de protocole pour partager les informations entre FAI et ayants droit afin de radier et bannir les usagers pratiquant la piraterie (36). Au cas ou cette approche ne s’avèrerait pas un succès d’ici à la fin de l’année 2007, le gouvernement devrait considérer un recours à la législation ».

Une fois acceptée par le gouvernement, la recommandation n° 39 engageait celui-ci à une approche exigeant deux processus parallèles : d’une part, il s’agissait de donner une impulsion et un cadre formel aux négociations entre FAI et ayants droit ; d’autre part, il fallait entreprendre une consultation ouverte aussi bien aux secteurs concernés qu’au grand public, afin de sonder les réactions à diverses options législatives possibles, lesquelles ne rentreraient en ligne de compte qu’en cas d’un échec dans la négociation entre les deux secteurs.

Sous l’impulsion du Department for Business, Enterprise & Regulatory Reform (BERR) en la personne de la ministre Baronness Vadera, une première consultation informelle mena en le 24 juillet 2008 au lancement d’un document officiel de consultation sur les options législatives. Ce document s’accompagnait d’un « Memorandum of Understanding » (M.O.U.) auxquels adhéraient alors officiellement les principales FAI ou « Big Six »(37) du pays ainsi que les leaders du marché de la musique et du film et leurs chambre syndicales professionnelles. Le BERR et deux autres départements d’État rattachés au ministère chargé des affaires commerciales et industrielles, aujourd’hui sous la direction de M. Peter Mandelson, étaient également signataires.

1. Le processus du Memorandum of Understanding (M.O.U.)

Dés le lancement de la consultation du BERR sur les options législatives, la presse technique saluait ce qu’elle appelait une victoire pour les FAI et utilisateurs, à savoir l’abandon par le gouvernement d’une formule de riposte graduée connue sous un terme emprunté au jeu de baseball : « Three strikes and you’re out »(38). Cette option, dont l’organisation professionnelle des producteurs de musique, le British Phonographic Industries (BPI) s’était fait le champion dés le début de la consultation Gowers, avait non seulement rencontré l’hostilité affichée des FAI et organisations de consommateurs mais avait également déclenché une controverse au sein des milieux professionnels de la musique. Ainsi, l’influente organisation British Music Rights (BMR) s’était opposée au recours à la résiliation automatique de service internet, arguant que cette approche risquait d’aliéner le consommateur et d’invalider les efforts du secteur pour introduire des services licites sur les réseaux d’échange.

Contemporaine de la signature du M.O.U., le lancement de la consultation du BERR devait avoir pour effet de galvaniser les secteurs concernés afin qu’ils consolident, par leur efforts de concertation, une solution contractuelle qui n’obligerait plus le gouvernement qu’à consacrer par une loi « soft » des principes déjà érigés par des accords de droit privé. Le document M.O.U. engageait les parties à reconnaître la nécessité d’une solution alliant les deux industries dans un effort conjoint. Il engageait les parties à un effort conjoint d’éducation du consommateur et reconnaissait l’importance du déploiement de services licites afin d’encourager les téléchargeurs à abandonner l’échange illégal de fichiers. Cependant, la véritable substance politique du M.O.U. consistait en un engagement des FAI à tenter une expérience de trois mois consistant à envoyer des lettres d’avertissement aux consommateurs coupables d’infraction au copyright et d’effectuer un monitoring des effets sur le comportement de ceux-ci.

Bien que tous les FAI n’aient pas fait preuve du même niveau de diligence dans la mise en œuvre de cette expérience (Virgin Media s’est avéré plus motivé que ses collègues, à cause notamment de ses intérêts stratégiques dans la production musicale), il n’en reste pas moins qu’une masse critique de 49 000 lettres aura été générée par les FAI et organisations d’ayants droit au cours de ces trois mois. Les résultats de ces efforts sont en cours de dépouillement et d’analyse par le régulateur – l’Ofcom. Les organisations de consommateurs disent qu’elles étudieront le rapport Ofcom avec une vigilance particulière, notamment en ce qui concerne le taux de « false positives », c’est-à-dire les lettres d’avertissement ciblées par erreur vers des consommateurs qui s’avèrent ne pas s’être livrés à des échanges illicites.

En réalité, l’exécution des points de l’accord M.O.U. aura été une source de tension dés sa signature. Les leaders du marché des FAI avaient fait valoir dés la mise en route du processus que - n’étant pas signataires du document - les petites FAI bénéficieraient d’un avantage compétitif nouveau par rapport aux gros opérateurs, facilitant une migration de la clientèle vers des services moins contraignants à l’égard du téléchargement illicite. Les sorties simultanées de la réponse officielle du gouvernement à la consultation BERR sur les options législatives et du rapport « Digital Britain » de Lord Carter, auront donné aux FAI de bonnes raisons politiques pour en revenir à un attentisme temporaire quant à l’exécution des engagements M.O.U.

2. La consultation BERR sur les options législatives

Lancée le 24 juillet 2008, le jour même de la signature du M.O.U., la consultation BERR sur les options législatives possibles s’est effectivement achevée le 29 janvier 2009 avec la communication de la réaction officielle du gouvernement aux résultats de la consultation.

La consultation BERR présentait deux approches possibles. L’une, basée sur la co-régulation, envisageait une législation de minimis qui officialiserait les principes d’une collaboration formelle entre FAI et ayants droit dans laquelle le rôle du régulateur serait confiné à un arbitrage entre les parties, en vue d’assurer la bonne exécution de « codes of practice » et le déploiement de solutions négociées telles que des mesures spécifiques contre les abonnés récidivistes échangeant de gros volumes de contenus illicites, ou la mise à l’étude de mesures de protection techniques.

L’autre approche, basée sur la régulation, envisageait quatre options différentes :

– Exiger que les FAI fournissent des informations personnelles (adresses IP, etc.) à la demande des ayants droit, sans qu’il soit nécessaire pour ces derniers de passer par un tribunal [Option A1] ;

– Exiger que les FAI intentent une action directe contre tout abonné identifié par les ayants droit comme échangeurs de fichiers sur une base illicite [Option A2] ;

– Mettre en place une agence spécialisée dont le rôle consisterait à rassembler des preuves d’infraction fournies par les ayants droit et soit de faire pression sur les FAI pour qu’elles interviennent auprès des abonnés concernés, soit d’intervenir directement [Option A3] ;

– Exiger que les FAI permettent l’installation de mesures techniques de filtrage et de protection qui permettraient de bloquer la circulation illicite de contenus ou encore d’exiger que les FAI elles mêmes installent de tels dispositifs [Option A4].

Le document BERR indiquait clairement la préférence du gouvernement pour les options de co-régulation. Cela correspondait à l’optimisme relatif de juillet 2008 et l’espoir placé dans l’impulsion que représentait alors le M.O.U. vers des solutions négociées.

Six mois plus tard, cet optimisme n’était plus de mise. La réponse du gouvernement à la consultation BERR (29 janvier) analyse les réponses antérieures de tous les secteurs concernés ainsi que du grand public et conclue que – à l’exception du seul secteur des ayants droit – il n’y a aucun enthousiasme des parties envers l’option de co-régulation. Le gouvernement conclue également que l’approche de co-régulation pourrait présenter des inconvénients en termes d’atteinte possible à la vie privée, et d’ « incertitude dans la régulation » à cause du risque que les FAI aient à gérer de fortes ambiguïtés dans l’interprétation de leurs obligations.

« En conséquence, le gouvernement a décidé de mettre en œuvre une approche basée sur l’option A2, mais avec une obligation spécifique aux FAI d’avertir (« notify ») ceux qui commettent des infractions aux droits (sous réserves d’un niveau raisonnable de preuves soumises par les ayants droit), que leur conduite est illégale »

Le gouvernement envisage (« we hope ») que la mesure à elle seule suffirait à réduire de 70% le nombre d’abonnés pratiquant l’échange illicite de fichiers. Toutefois, le gouvernement reconnaît aussi que certains abonnés ne seront pas si facilement découragés et que dans les cas ou ceux-ci pratiqueraient l’infraction sur des volumes importants, le recours à l’action individuelle en justice devrait être légitimisé :

« Nous avons l’intention d’exiger des FAI qu’ils recueillent des informations sur une base anonyme sur les abonnées récidivistes commettant des infractions sérieuses (ces informations seront le résultat des procédures d’avertissement et non pas d’une surveillance généralisée de tous leurs abonnés) et de mettre cette information à la disposition des ayants droit, ainsi que des informations personnelles (« personal details ») sur présentation d’une autorisation d’un tribunal »

Enfin, le document insiste sur le fait qu’une procédure parallèle de négociation entre les secteurs concernés devrait être maintenue afin de permettre le règlement du détail de l’application de la future loi et de garantir ainsi son efficacité. Le gouvernement entend donc inviter les FAI et ayants droit au cours des prochains mois à se concerter en vue de la mise en place d’un « Code of Practice » sur l’échange illicite en réseau peer-to-peer, le régulateur Ofcom devant jouer à cet égard un rôle d’arbitrage. Il est suggéré que le Code règle des détails importants tels que le standard de preuve devant être soumis par les ayants droit afin d’obtenir des informations des FAI et la question délicate du partage des coûts.

C. L’impact du rapport intermédiaire Digital Britain de Lord Carter

Sorti le même jour (29 janvier) que la réponse gouvernementale à la consultation BERR, le rapport Digital Britain de Lord Carter, ministre de la Technologie exerçant sous la tutelle de Peter Mandelson, offre un étayage supplémentaire des mesures envisagées et décrit également les autres mesures à inscrire au projet de loi.

Lord Carter situe également ces mesures dans le vaste contexte stratégique du déploiement de l’infrastructure et des services de l’internet haut débit au Royaume-Uni, c’est pourquoi la présentation des mesures législatives envisagées est précédée d’une description des enjeux économiques pour les industries culturelles qui affirme l’importance de celles-ci et, conséquemment, l’importance d’assurer la protection des contenus musicaux et audiovisuels sur les réseaux.

Dans sa proposition n° 13, le rapport Carter reprend et enrichit la formulation contenue dans la réponse gouvernementale au BERR – obligation aux FAI d’envoyer des lettres d’avertissement, collecte et mise à disposition d’information sur les abonnés en infraction – et annonce notamment une consultation future sur le détail de cette approche.

Les organisations professionnelles des ayants droit ont fait aux propositions du gouvernement un accueil généralement favorable. Le principe général d’une loi qui contraindrait les FAI à devenir des participants actifs dans la lutte contre la piraterie en ligne est considéré comme un progrès politique important dés lors qu’il consacre le principe de co-responsabilité.

Cependant, au-delà du principe général, les réactions sont plus mitigées. Selon UK Music (39) et ses parties constituantes, la proposition n° 13 est un peu en porte à faux avec l’évolution stratégique de l’industrie face à l’utilisation illicite de leurs contenus sur les réseaux. UK Music a laissé entendre que ses membres n’ont aucun désir de traîner les consommateurs en justice et que leur donner les moyens de le faire ne les convaincra guère de reconsidérer une telle approche. Au début janvier, la puissante Recording Industry Association of America (RIAA) avait déjà publié une déclaration selon laquelle le secteur de la musique aux États-Unis entendait lui aussi renoncer à ce type d’approche, notamment à cause de ses effets délétères sur l’image de marque de l’industrie auprès des consommateurs et d’une partie de la classe politique.

Dans cette optique, relativement nouvelle, nombreux sont ceux qui jugent que la Proposition n° 13 de Lord Carter (étayant celle de la réponse officielle au BERR), a tendance à renvoyer l’industrie vers un palier d’évolution qu’elle souhaiterait dépasser plutôt que de lui concéder ses demandes d’enrôler les FAI dans l’effort de répression à travers une formule contraignante de riposte graduée. Au mieux, disent les représentants des industries du contenu, la proposition n° 13 n’est qu’une forme de législation descriptive plutôt que prescriptive, car elle ne fait qu’endosser une pratique existante ; au pire, elle enferme ces industries dans une stratégie litigieuse dont la faible efficacité et le caractère onéreux ont déjà été démontrés.

L’autre proposition saillante du rapport Carter sur cet aspect de la problématique internet est celle de la création d’une Rights Agency (Agence des Droits) dont la vocation serait d’étudier sur une base pérenne des mesures pluridisciplinaires pour assurer la protection des contenus sur les réseaux, d’encourager le recours aux offres légales et de développer des dispositifs technologiques consensuels. L’idée de la Rights Agency a reçu un accueil très mitigé au sein des industries du contenu, à cause notamment de la suggestion que les frais de fonctionnement de l’agence pourraient être couverts par les divers secteurs et leurs organisations représentatives. Certains néanmoins ont accueilli l’idée avec un certain optimisme car ils y voient l’opportunité de pérenniser à travers une institution stable le processus de concertation et de négociation entre les parties que le cycle M.O.U. aura lancé sans le conclure pour le moment de façon satisfaisante.

UK Music est l’une des organisations qui – en dépit de ses réserves quant à la volonté des FAI de voir aboutir le processus – semble croire à la vertu d’un cadre qui assurerait la continuité d’une négociation en profondeur entre les secteurs concernés.

La cause de cet optimisme modéré est à chercher à la fois dans l’analyse que fait UK Music de l’évolution du marché de l’internet haut débit et dans le réchauffement progressif des relations entre eux et les FAI au cours des derniers mois, en dépit de déclarations occasionnellement incendiaires dans la presse. En effet, le marché des services de base offerts par les FAI anglaises, avec 17 millions de foyers déjà connectés, approche de la saturation. De manière croissante, les FAI se cannibalisent sur leur marché en pratiquant des guerres de prix si drastiques que – pour certains d’entre eux – le service est offert pratiquement à titre gratuit. Ceci ne les empêche pas d’avoir à payer des charges lourdes à BT Wholesale, la filiale de British Telecom qui met la bande passante à la disposition des FAI.

Ces conditions économiques, dans une conjoncture de concurrence à couteaux tirés, oblige les FAI à se préoccuper plus urgemment qu’auparavant du rôle que pourraient jouer des services à haute valeur ajoutée pour rendre leur offre haut débit plus attrayante et créer des sources de revenus palliatifs à l’effritement des prix dans l’offre de base. D’autre part, le devis estimatif pour le projet national de déploiement de la fibre optique dans la majorité des foyers britanniques est actuellement autour des 25 milliards de livres et l’expérience sur d’autres grands projets d’infrastructure en Angleterre a démontré à quel point de tels devis ont tendance à gonfler considérablement au cours de leur réalisation (Cf. la cité olympique de Londres). Les investissements à consentir par BT Wholesale et sa clientèle sont donc à une échelle sans précédent et le retour sur l’investissement à partir des seuls services de base ne suffirait pas à couvrir un tel risque. Les FAI et leur organisation représentative, la Internet Service Providers’ Association (ISPA), reconnaissent également que le volume de trafic attribuable à des facilitateurs d’échanges illicites de fichiers du type BitTorrent, affecte la performance d’ensemble de l’infrastructure haut-débit anglaise, ralentissant l’accès par le consommateur et diminuant la compétitivité de l’offre haut débit.

Bien qu’ils maintiennent donc dans les médias et les forums de consultation officiels un discours de condamnation sans réserves de toute formule de riposte graduée, en privé, les leaders du marché FAI sont parfois un peu plus nuancés. Aussi insuffisante qu’elle paraisse aux ayants droit, la perspective d’un projet de loi aura au moins eu l’avantage de donner une nouvelle impulsion au processus de consultation amorcé avec le M.O.U., et ce d’autant que le Gouvernement a indiqué qu’il gardait ses options ouvertes quant à la possibilité de mesures autres que celles décrites dans le rapport Carter et la réponse officielle à la consultation du BERR.

D. Calendrier législatif et horizons politiques

La perspective d’un recours à la législation dans ce domaine se pose à relativement court terme : le gouvernement entend clore le processus de consultation avant l’automne, afin de pouvoir rédiger un projet de Loi (bill) qui puisse être annoncé par la Reine lors de son allocution annuelle à la législature en novembre 2009. Des élections étant prévue pour l’année 2010, la perspective de voir ce gouvernement passer la nouvelle loi reste incertaine, surtout si – comme il est permis de le penser – le projet venait à générer des débats conséquents lors de son passage au Parlement. Il semble néanmoins, à en juger notamment par les réactions du shadow ministre de la culture du parti conservateur, Jeremy Hunt, que les conservateurs – s’ils étaient amenés à revenir au pouvoir l’année prochaine - ne seraient pas opposés à une approche législative et pourraient même être tentés par une orientation plus prescriptive que celle envisagée à cette date par le gouvernement actuel.

Dans l’optique où une loi prévue par une administration travailliste serait menée à bien avant un changement possible de majorité, quelle marge de manœuvre existe-t-il entre la version intermédiaire du rapport Carter, sa version définitive, annoncée pour le mois de juin, et la négociation autour du projet de loi ?

Dans un premier temps, et au moins jusqu’en juin, Lord Carter reste le pivot intellectuel et politique du processus. Or, ce n’est pas un politicien typique : issu du secteur privé, c’est un pragmatique qui n’hésite pas à dire que le propre des gouvernements est de se tromper fréquemment. Cette vision prosaïque l’encourage à vouloir pratiquer une politique souple et à tenir compte des évolutions du marché et du degré d’efficacité de mesures antérieures, qu’elles fussent statutaires ou conventionnelles. Il n’est donc pas surprenant que la version intermédiaire du rapport Digital Britain contienne des formules dans lesquelles les ayants droit voient des ouvertures possibles vers des mesures plus astreignantes que celles envisagées dans la version de janvier 2009 du rapport. Ainsi, le ministre de la Technologie fait référence à la nécessité d’adopter des mesures qui soient « efficaces et proportionnelles ». En référence à la Proposition n° 13, le rapport concède également « qu’il s’agit d’un domaine nouveau et difficile, et nous voulons trouver les bonnes solutions. Par conséquent, nous évaluerons l’impact de toute mesure nouvelle et n’hésiterons pas à étudier d’autres options au cas ou celles-ci n’auraient pas fait leur preuve ».

Enfin, s’il est vrai que les intentions du gouvernement de légiférer sur la question ne vont pas aussi loin dans la logique de riposte graduée que l’espéraient certaines organisations d’ayants droit, elles responsabilisent déjà les FAI, les obligeant à abandonner l’ancienne rhétorique selon laquelle ils ne seraient que des convoyeurs neutres (on sait déjà que ce n’est pas le cas puisque beaucoup gèrent les flux de bande passante de telle manière à réduire le volume occupé par des systèmes d’échange peer-to-peer du type BitTorrent). Le projet de loi envisagé a également l’avantage très clair de pérenniser un processus de négociation entre les secteurs. S’il s’avère – comme l’affirment notamment les représentants de UK Music –que les FAI sont officieusement plus disposées à sécuriser l’espace nécessaire pour le déploiement de services licites dont le rendement économique leur bénéficierait, il est possible d’imaginer que – à la fois encouragés et (légèrement) contraints – par une loi incitative, ils consentent progressivement à mettre en place des mécanismes négociés qui se rapprocheraient plus de l’idéal fonctionnel de la riposte graduée.

© Assemblée nationale

1 () Voir notamment l’arrêt du 20 juin 2007 de la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris dans l’affaire Koltès-Comédie Française.

2 () Source : Ministère de la culture et de la communication, département des études, de la prospective et des statistiques – Culture études 2007–8 V. Synthèse – Programme politiques publiques et régulations – Économies des droits d’auteur – Françoise Benhamou et Dominique Sagot-Duvauroux – décembre 2007.

3 () Voir en annexe pour une présentation des différentes techniques d’échange de fichiers sur internet.

4 () The True Cost of Sound Recording Piracy in the US Economy, août 2007.

5 () The Recording Industry in 2007, IFPI, 2008.

6 () « Impact économique de la copie illégale des biens numérisés en France : Quand le chaos économique s’immisce dans la révolution technologique », Tera Consultants, novembre 2008.

7 () Concept économique qui signifie que l’individu en question consomme un bien culturel numérisé sans contribuer à la couverture des coûts requis pour le produire.

8 () L’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) a été installée le 6 avril 2007. Elle est notamment chargée de fixer le nombre de copies privées autorisées et de trancher les litiges entre les consommateurs et les ayants droit.

9 () Circulaire CRIM n° 2007-1/G3-010307 du 3 janvier 2007 de présentation et de commentaire des dispositions pénales de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information et d’action publique dans le domaine de la lutte contre les atteintes à la propriété intellectuelle au moyen des nouvelles technologies informatiques.

10 () Sondage IPSOS réalisé en France en mai 2008.

11 () « État des lieux de l’offre de musique numérique au premier semestre 2008 » établi par l’Observatoire de la musique, disponible à l’adresse suivante ; http://observatoire.citemusique.fr/observatoire/.

12 () « L’économie de la VoD en France », étude du CNC, mars 2008.

13 () Rapport sur le droit d’auteur dans l’Union européenne, Commission des affaires juridiques, n° 2008/2121 (INI), M. Manuel Medina Ortega.

14 () Rapport d’information n° 2424 sur la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l’éducation et de la formation artistiques, présenté par Mme Muriel Marland Militello au nom de la Commission des affaires culturelles, 29 juin 2005.

15 () Journal Officiel du 26 Octobre 2006.

16 () Rapport n° 53 de M. Michel Thiollière au nom de la commission des affaires culturelles, 22 octobre 2008.

17 () CNIL, délibération n° 87-25 du 10 février 1987 fixant le règlement intérieur (article 13).

18 () Le CSPLA est une instance consultative indépendante, chargée de conseiller le ministre de la culture et de la communication en matière de propriété littéraire et artistique. Il remplit également une fonction d’observatoire de l’exercice et du respect des droits d’auteurs et des droits voisins.

19 () Exercice de ces fonctions au cours des trois dernières années avant le début du mandat.

20 () Rapport n° 53 de M. Michel Thiollière au nom de la commission des affaires culturelles, 22 octobre 2008.

21 () Rapport n° 53 de M. Michel Thiollière au nom de la commission des affaires culturelles, 22 octobre 2008.

22 () Voir par exemple l’arrêté du 27 janvier 2009 portant nomination d’un rapporteur auprès de l’Autorité de régulation des mesures techniques.

23 () Rapport précité.

24 () Voir 2. du commentaire de l’article 2.

25 () Voir le commentaire de cet article.

26 () Rapport n° 53 de M. Michel Thiollière au nom de la commission des affaires culturelles, 22 octobre 2008.

27 () En application de l’article L.331-1 du code de la propriété intellectuelle, les organismes de défense professionnelle peuvent défendre devant la justice les intérêts dont ils ont statutairement la charge.

28 () Pour une présentation de ces dispositifs, voir notamment les délibérations de la CNIL n° 2005-050 du 24 mars 2005 (affaire « SELL ») et n° 2006-294 du 21 décembre 2006 (affaire « ALPA »), ainsi que la décision du Conseil d’État du 23 mai 2007 (« SACEM »).

29 () Rapport n° 53 de M. Michel Thiollière au nom de la commission des affaires culturelles, 22 octobre 2008.

30 () Voir la première partie du rapport pour un exposé plus précis des différentes techniques de piratage d’œuvres protégées.

31 () Avis n° 59 de M. Bruno Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques, 28 octobre 2008.

32 () Voir notamment la directive communautaire « commerce électronique » (n° 2000/31 du 8 juin 2000).

33 () Avis n° 59 de M. Bruno Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques, 28 octobre 2008.

34 () Le régime britannique est celui du Copyright, lequel est basé sur une philosophie de la propriété intellectuelle et artistique qui met l’accent moins sur l’auteur en tant qu’individu que sur le producteur ou éditeur de l’œuvre, en tant qu’entité responsable de son financement et sa commercialisation [cf. Statue of An, 1557]

35 () The Next Phase of Broadband UK: Action now for long Term Competitiveness, Rapport de Francesco Caio, Septembre 2008

36 () L’emploi des guillemets est dans le texte original du rapport Gowers

37 () British Telecom, BSkyB, Virgin Media, Orange, Tiscali, Carphone Warehouse.

38 () Littéralement: « Trois essais et vous êtes éliminé ». Dans le contexte, la traduction signifie que l’on déconnecte l’usager de son service internet haut débit après qu’il/elle ait été invité(e) à trois reprises et sans succès à cesser ses activités d’infraction.

39 () UK Music est une organisation nationale unitaire représentant les intérêts conjoints de toutes les organisations de l’industrie de la musique. Formée en 2008 en réponse aux demandes répétées du Gouvernement pour une représentation cohérente des intérêts de cette industrie, UK Music reste politiquement difficile à opérer puisque ses organisations constituantes ne sont pas toujours d’accord sur les positions à adopter.