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N° 1552

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mars 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, APRÈS DÉCLARATION D’URGENCE, SUR LES ARTICLES 12 à 14 DU PROJET DE LOI (n° 1216) relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense,

PAR M. Émile BLESSIG,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. UN DISPOSITIF JURIDIQUE QUI CHERCHE À CONCILIER PROTECTION DES INTÉRÊTS FONDAMENTAUX DE LA NATION ET RECHERCHE DE LA VÉRITÉ. 6

A. LES MODALITÉS DE PROTECTION DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE PAR LE DROIT FRANÇAIS 6

1. Le régime juridique du secret de la défense nationale 6

2. Les modalités d’accès de l’autorité judiciaire à des éléments couverts par le secret de la défense nationale 10

B. DES DISPOSITIFS APPROCHANTS DANS LES AUTRES GRANDES DÉMOCRATIES 12

1. La protection du secret défense aux États-Unis 12

2. La protection du secret défense au Royaume Uni 14

3. La protection du secret défense en Allemagne 16

4. La protection du secret défense en Italie 16

5. La protection du secret défense en Espagne 17

II. LA PRATIQUE JUDICIAIRE A RÉVÉLÉ QUE LE DISPOSITIF ACTUEL COMPORTAIT DES LACUNES 18

A. L’USAGE PROBLÉMATIQUE DE LA PERQUISITION DANS DES LIEUX ABRITANT DES SECRETS DE LA DÉFENSE NATIONALE 18

1. L’encadrement limité du droit de perquisition par les magistrats 18

2. Des perquisitions possibles dans les lieux abritant des secrets de la défense nationale 20

B. LA LÉGISLATION ACTUELLE CONDUIT À UNE INCERTITUDE JURIDIQUE ET À DES RISQUES DE COMPROMISSION DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE 22

1. L’avis rendu par le Conseil d’État souligne l’impasse juridique dans laquelle se trouvent magistrats et autorités administratives chargées de la protection du secret défense 22

2. Des améliorations dans le cadre juridique existant 24

3. Une situation qui fragilise les services de renseignement 25

III. UN PROJET DE LOI DESTINÉ À ENCADRER STRICTEMENT LES PERQUISITIONS AUX FINS DE SAISIE D’ÉLÉMENTS CLASSIFIÉS 26

A. LES DISPOSITIONS DES ARTICLES 12 À 14 DU PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 26

1. Réparer une carence de la loi de 1998 en étendant aux perquisitions l’intervention de la CCSDN 26

2. Une extension du champ du secret défense 27

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION 28

1. Mieux préciser la définition des lieux concernés par les nouveaux régimes de perquisition. 28

2. Donner un rôle central à la CCSDN 28

3. Améliorer les modalités pratiques des perquisitions dans ce cadre 29

4. Éviter le blocage d’une opération de perquisition en raison de la seule présence fortuite d’éléments classifiés 29

EXAMEN EN COMMISSION 31

Chapitre VI Dispositions relatives au secret de la défense nationale 37

Article 12 (art. 56-4 [nouveau] et 96 du code pénal) : Création d’une procédure spécifique pour les perquisitions se déroulant dans des lieux abritant des secrets de la défense nationale ou dans des lieux classifiés 37

Article 13 (art. 413-9 à 413-11 ; art. 413-9-1, 413-10-1 et 413-11-1 [nouveaux] du code pénal) : Création d’une procédure de classification des lieux — précision des éléments constitutifs de l’atteinte au secret de la défense nationale 53

art. 413-9-1 [nouveau] du code pénal : Création de lieux classifiés 56

art. 413-10-1 [nouveau] du code pénal : Sanctions pénales encourues par les gardiens d’un lieu classifié 59

art. 413-11-1 [nouveau] du code pénal : Sanctions pénales encourues par les tiers en cas de violation des règles relatives à la classification des lieux 60

Après l'article 13 63

Article 14 (art. L. 2312-1, L. 2312-4, L. 2312-5 et L. 2312-7 du code de la défense) : Coordinations liées aux nouveaux pouvoirs de la CCSDN 61

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 67

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 70

ANNEXES 73

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 87

Mesdames, Messieurs,

La Commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République s’est saisie des articles 12 à 14 de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense. Ces articles en constituent le chapitre VI, intitulé « Dispositions relatives au secret de la défense nationale ». Instituant une procédure spécifique de perquisition dans les lieux où sont abrités des secrets de la défense nationale, ces dispositions relèvent donc directement du champ de compétence de la commission des Lois. La décision de se saisir de ces articles a aussi été motivée par la nécessité de répondre aux fortes inquiétudes qu’ils ont fait naître dans les milieux judiciaires.

Votre rapporteur pour avis a ainsi mené de nombreuses auditions auprès des responsables de l’exécutif, des organisations professionnelles de magistrats, d’avocats ou de diverses personnalités qualifiées afin d’évaluer si le texte proposé par le Gouvernement offrait un équilibre satisfaisant entre deux objectifs constitutionnels d’égale valeur : le respect des intérêts fondamentaux de la Nation et la recherche des auteurs d’infractions pénales.

D’une part, le régime actuel des perquisitions dans les lieux abritant des éléments classifiés n’est incontestablement pas satisfaisant. L’absence d’encadrement de ces perquisitions engendre des risques d’atteintes au secret de la défense nationale, de la part des enquêteurs comme des responsables de ces lieux. Pour autant, les perquisitions menées dans ces lieux ne permettent pas non plus aux magistrats de saisir les éléments qui leur seraient utiles dans le cadre de leur procédure puisqu’ils n’ont pas le droit de les consulter.

Le dispositif législatif exigeait donc sans conteste une clarification, comme l’a indiqué le Conseil d’État dans son avis du 5 avril 2007. Cependant, votre rapporteur pour avis estime que les adaptations nécessaires au dispositif de protection du secret défense doivent être fortement encadrées et ne pas remettre en cause l’efficacité même des investigations judiciaires.

I. UN DISPOSITIF JURIDIQUE QUI CHERCHE À CONCILIER PROTECTION DES INTÉRÊTS FONDAMENTAUX DE LA NATION ET RECHERCHE DE LA VÉRITÉ.

A. LES MODALITÉS DE PROTECTION DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE PAR LE DROIT FRANÇAIS

1. Le régime juridique du secret de la défense nationale

Dans toutes les démocraties, des dispositifs limitent la transparence lorsque l’accès à une information serait susceptible de fragiliser les intérêts fondamentaux de la Nation.

a) Le champ d’application du secret de la défense nationale

Le champ d’application du secret de la défense nationale, aux termes de l’article 413-9 du code pénal, recouvre « les renseignements, objets, documents, procédés, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l’objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion (…) dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale ».

Il est essentiel d’indiquer que la notion de « défense nationale » ne se réduit pas à la seule défense militaire. En effet, l’article L. 1111-1 du code de la défense, reprenant les dispositions de l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation de la défense nationale, dispose que « la défense a pour objet d’assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population ». Comme le rappelle la Commission consultative du secret de la défense nationale, la défense « concerne tous les secteurs d’activité : défense militaire du pays, mais aussi défense civile, sécurité intérieure, protection des activités financières, économiques ou industrielles, protection du patrimoine scientifique et culturel de la France » (1).

Concrètement, la décision de classification est une prérogative de l’autorité administrative, se manifestant par l’apposition d’un marquage sur le support de l’information. Chaque ministre détermine, dans les conditions fixées par le Premier ministre, les informations ou supports protégés qu’il y a lieu de classifier à l’un des trois niveaux de protection :

— le niveau de classification « très secret défense » est réservé aux « informations ou supports protégés dont la divulgation est de nature à nuire très gravement à la défense nationale et qui concernent les priorités gouvernementales en matière de défense » (2) ;

— le niveau « secret défense » concerne « les informations ou supports protégés dont la divulgation est de nature à nuire gravement à la défense nationale » (3;

— le niveau « confidentiel défense » est réservé aux « informations ou supports protégés dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale classifié au niveau Très secret-défense ou secret-défense » (4).

Ainsi, le critère de définition du secret défense est purement formel. En effet si le décret-loi du 29 juillet 1939 avait tenté de donner une définition matérielle du secret de la défense nationale, cette tentative n’avait pas été couronnée de succès : la liste s’était rapidement avérée inadéquate, parfois trop restrictive, parfois au contraire trop large. Ainsi, par souci de pragmatisme, l’ordonnance du 4 juin 1960 relative aux crimes et délits contre la sûreté de l'État, en est revenue à une définition formelle du secret de la défense.

L’existence d’une mesure administrative spéciale de protection est donc le critère fondamental d’existence d’un secret défense. Elle constitue en effet l’élément constitutif objectif des délits réprimés par les articles 413-10 et 413-11 du code pénal. En application du principe de légalité des délits et des crimes, la divulgation d’un document ultra-sensible mais n’ayant pas fait l’objet d’une procédure formelle de classification, manifestée par l’apposition d’un marquage, ne pourrait pas faire l’objet de poursuites pénales.

La décision de classification est une décision discrétionnaire de l’administration. Il arrive ainsi que la classification soit utilisée de façon abusive. Dans son dernier rapport (5), la CCSDN rappelle ainsi qu’il est « hautement souhaitable que l’autorité administrative procède à la classification avec discernement, en respectant la philosophie et la nécessité de la protection ». La CCSDN estime ainsi que « trop de documents ne relèvent pas ou ne relèvent plus d’une nécessité de protection. Il en est notamment ainsi pour des dossiers anciens qui, avant tout versement aux archives, auraient dû faire l’objet d’une mise à jour de la classification au regard de l’intérêt actualisé d’une protection. Ce peut être aussi le cas de supports informatiques ou de documents photographiques dont la protection apparaît peu utile, surtout lorsque ceux-ci ont déjà été utilisés par la presse écrite ou la télévision ! ».

Déjà dans son rapport 1998-2004, la CCSDN avait relevé un certain nombre d’abus de classification, citant des commentaires d’articles de presse, des informations dont la classification est devenue caduque, des informations classifiées par excès de prudence… Toutefois, la CCSDN soulignait n’avoir jamais « constaté qu’il soit fait usage du secret-défense à des fins de confort personnel, ni pour cacher des opérations contraires aux lois ou à l’honneur. Les abus relevés résultent pour l’essentiel d’un excès de prudence et du manque de temps pour l’actualisation de dossiers anciens ». (6)

Au moment où le législateur s’apprête à renforcer le dispositif de protection légitime du secret-défense, votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité d’assurer le bien-fondé des mesures de classification. Il ne serait à cet égard pas inutile que le Premier ministre rappelle les prescriptions de l’instruction générale interministérielle 1300 qui recommandent la déclassification systématique, au bout d’un certain temps lorsque la mesure de classification n’est plus justifiée.

b) L’accès aux éléments couverts par le secret de la défense nationale

Tout élément ayant reçu un niveau de classification fait l’objet d’un régime d’accès très encadré. Seules peuvent avoir connaissance de telles informations ou supports protégés les personnes ayant fait l’objet d’une décision préalable d’habilitation (7) et ayant besoin d’en connaître. Ces conditions sont cumulatives : posséder le niveau d’habilitation adéquat n’est pas suffisant, il faut également pouvoir justifier de la nécessité de connaître les informations en question, compte tenu notamment des fonctions exercées.

L’accès à chaque niveau de classification (très secret-défense, secret-défense, confidentiel-défense) résulte donc, en partie, d’une décision d’habilitation. L’habilitation au niveau « très secret défense » est prise par le Premier ministre et, par délégation, par le secrétaire général de la défense nationale. L’habilitation au niveau « secret-défense » ou « confidentiel-défense » est accordée par chaque ministre pour son ministère et, par délégation, par le haut fonctionnaire de défense (8).

La décision d’habilitation est précédée d’une procédure préalable, instruite par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), pour les personnels civils employés dans les ministères civils ou les organismes travaillant à leur profit, ou par la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) (9), pour les personnels du ministère de la défense ou employés dans les organismes ou entreprises travaillant à son profit (10). À l’issue de l’enquête menée sur le candidat à l’habilitation, le service instructeur émet un « avis de sécurité » à l’autorité compétente, qui prend seule la décision d’habilitation. Cet avis permet au Premier ministre ou au ministre de savoir si une personne peut connaître d’informations protégées sans risque pour la défense nationale ou sa propre sécurité. Il s’agit d’évaluer sa vulnérabilité, même si celle-ci n’est que potentielle, voire indépendante de la volonté de la personne : un avis de sécurité négatif ne signifie donc nullement l’existence d’une faute qu’il conviendrait de sanctionner.

c) Le respect des règles relatives au secret défense est protégé par des dispositions pénales

Mis en place pour protéger les intérêts fondamentaux de la Nation en matière de défense, il est nécessaire de s’assurer que le dispositif de protection du secret défense est réellement appliqué. Les compromissions du secret de la défense nationale font donc l’objet de sanctions pénales :

— l’article 413-10 du code pénal prévoit des sanctions pour les personnes détenant un secret de la défense nationale et qui ne respectent pas les règles édictées dans ce domaine. Ils peuvent être condamnés à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende s’ils détruisent, détournent, soustraient, reproduisent ou portent à la connaissance du public un secret de la défense nationale (compromission active). Ils encourent les mêmes peines, s’ils ont laissé faire de tels agissements (compromission passive) (11) ;

— l’article 413-11 complète le dispositif en punissant le fait de connaître un élément couvert par le secret défense sans y être autorisé. En effet, est passible de cinq ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait, pour toute personne non autorisée à connaître un secret de la défense nationale, de s’assurer la possession, de détruire, soustraire ou reproduire, de porter à la connaissance du public ou d’une personne non qualifiée un élément couvert par le secret de la défense nationale. Cette forme de compromission est nécessairement active. (12)

Ces incriminations pénales sont par ailleurs applicables, compte tenu de l’article 417-9 du code pénal, introduit par la loi n°2007-288 du 5 mars 2007, aux informations échangées en vertu d’un accord de sécurité relatif à la protection des informations classifiées conclu avec un État étranger et une organisation internationale et à aux informations classifiés échangées dans le cadre de l’Union européenne.

2. Les modalités d’accès de l’autorité judiciaire à des éléments couverts par le secret de la défense nationale

a) L’autorité judiciaire ne peut avoir accès à des éléments couverts par le secret de la défense nationale

La protection qui entoure les éléments couverts par le secret de la défense nationale est également applicable à l’égard de l’autorité judiciaire. Lorsqu’un élément est protégé au titre du secret de la défense nationale, celui-ci ne peut bien évidemment pas être intégré à la procédure, au risque de permettre sa divulgation à des personnes non autorisées.

Par ailleurs, un magistrat n’a même pas la possibilité de le consulter afin d’évaluer si cet élément est susceptible de l’intéresser dans le cadre de ses investigations. En effet, il faut rappeler qu’un magistrat ne peut pas être habilité au secret de la défense nationale (13) et que toute consultation d’un document classifié, même fortuite, constitue une compromission du secret de la défense, passible des sanctions pénales prévues par l’article 413-11 du code pénal.

En outre, afin de respecter les droits de la défense il ne serait pas possible de permettre au seul magistrat, même s’il pouvait être habilité, d’accéder à un élément classifié sans donner un accès équivalent aux autres parties à la procédure.

Enfin, toute communication d’un élément classifié à un magistrat est impossible en raison de l’interdiction pesant sur les dépositaires d’un tel secret, qui ne peuvent le porter à la connaissance d’un tiers, même un magistrat, sans méconnaître l’article 413-10 du code pénal.

Ainsi, aucun magistrat ne peut consulter un élément couvert par le secret de la défense, et à plus forte raison l’utiliser dans une procédure, tant que l’autorité administrative qui a procédé à sa classification ne procède à la déclassification de ce document, soit de sa propre initiative, soit à la demande d’un juge.

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n°98-567 du 8 juillet 1998 instituant une Commission consultative du secret de la défense nationale, la procédure applicable était très simple. Si un magistrat ou une juridiction souhaitait avoir accès à un élément classifié, il n’avait d’autre recours que de demander à l’autorité administrative ayant procédé à sa classification de bien vouloir le déclassifier.

b) La procédure mise en place par la loi du 8 juillet 1998

Depuis 1998, la législation, aujourd’hui codifiée aux articles L. 2312-4 et suivants du code de la défense, a formalisé la procédure de demande de déclassification d’éléments couverts par le secret de la défense nationale par un magistrat. Ainsi, lorsqu’une « juridiction française » (14) veut avoir communication de tels éléments, elle « peut demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l’autorité administrative en charge de la classification. Cette demande est motivée».

Toutefois, la loi du 8 juillet 1998 innove sensiblement en intégrant à cette procédure de demande de déclassification à l’autorité administrative une intervention obligatoire d’une autorité administrative indépendante, la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) :

— en cas de demande de déclassification par un magistrat, l'autorité administrative a compétence liée et doit saisir sans délai la Commission consultative du secret de la défense nationale. Il revient au ministre concerné de rassembler l’ensemble des documents classifiés qui sont en relation avec la demande du juge et de les transmettre à la CCSDN ;

— une fois saisie, la CCSDN dispose de deux mois pour rendre son avis. L’article L. 2312-5 précise que « le président de la commission peut mener toutes investigations utiles » et que « les membres de la commission sont autorisés à connaître de toute information classifiée dans le cadre de leur mission ». La CCSDN peut ainsi s’assurer que les documents qui lui sont présentés correspondent effectivement à la demande du juge. Le président de la CCSDN, M. Jacques Belle, a indiqué à votre rapporteur pour avis qu’il n’était pas rare qu’il utilise ses pouvoirs d’investigation et réclame à l’administration des documents que celle-ci ne lui avait pas spontanément remis.

D’après l’article L. 2312-7, l’avis de la CCSDN « prend en considération les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d’innocence et les droits de la défense, le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels (15) ».

Le sens de l’avis est communiqué au ministre concerné : il peut être favorable à la déclassification, favorable à une déclassification partielle ou défavorable.

— le ministre dispose alors d’un délai de quinze jours pour faire connaître sa décision à la juridiction à l’origine de la demande. L’avis étant seulement consultatif, il est libre de refuser de déclassifier un document dont la CCSDN recommande la transmission au juge ou, au contraire, de déclassifier un document malgré un avis négatif. Le ministre peut également décider de suivre partiellement l’avis de la CCSDN, c’est-à-dire de ne déclassifier qu’une partie des documents que la Commission suggère de déclassifier.

Toutefois, le ministre suit généralement les préconisations de la CCSDN : en 2005, les ministres saisis ont suivi intégralement 12 fois sur 14 l’avis de la CCSDN et ils l’ont suivi partiellement dans les autres cas ; en 2006, ils l’ont suivi intégralement 25 fois sur 26, et partiellement dans l’autre cas ; en 2007, ils l’ont suivi 20 fois sur 22 et en 2008 16 fois sur 17.

L’avis de la CCSDN, dans tous les cas, fait l’objet d’une publication au Journal officiel.

B. DES DISPOSITIFS APPROCHANTS DANS LES AUTRES GRANDES DÉMOCRATIES

Dans toutes les grandes démocraties, notamment celles dotées de services de renseignement puissants, des dispositifs existent afin de concilier intérêts fondamentaux de la Nation et recherche de la vérité. Si ces dispositifs permettent toujours à l’exécutif d’invoquer le secret sur certaines de ces activités, des mécanismes juridictionnels existent généralement en cas de contestation.

1. La protection du secret défense aux États-Unis

Compte tenu du rôle mondial des États-Unis et de la puissance de ses organisations dans le domaine de la sécurité, de la défense et du renseignement, ce pays s’est doté d’instruments juridiques afin de préserver le secret qui doit nécessairement régir en partie ces domaines d’activité. De plus, en raison du caractère tentaculaire de la communauté américaine du renseignement, une quinzaine d’agences employant plus de 100 000 personnes, les risques de fuites et de compromissions du secret y sont élevés, ce qui nécessite des protocoles de sécurité particulièrement exigeants.

Ainsi, les grands principes de protection du secret défense aux États-Unis sont très proches de ceux qui s’appliquent en France. Dans son rapport 1998-2004, la CCSDN faisait remarquer qu’il «existe au total de fortes convergences entre les systèmes français et américain, quant au dispositif de protection du secret défense, tant en ce qui concerne les grands principes tels que la justification de la nécessité de protéger les intérêts vitaux de l’État, la responsabilité du pouvoir exécutif en matière de protection du secret et la référence à la notion de sécurité nationale ou d’intérêts fondamentaux de l’État, pour justifier le recours au secret, qu’en ce qui touche aux modalités pratiques, puisque l’on retrouve la procédure d’habilitation basée sur le besoin d’en connaître et une enquête de sécurité plus ou moins complète, des mesures de sécurité formelle (le marquage matérialisant la protection) et physique (conservation, transport, duplication...) et des sanctions pénales en cas de compromission » (16).

Le dispositif formel de protection du secret repose sur deux Executive orders, pris en 1995 et modifiés en 2003, qui définissent les règles de classification et les modalités d’accès aux informations classifiées. Contrairement à la situation française, le champ des informations pouvant faire l’objet d’une classification est limité : les seules informations qui peuvent être classifiées sont celles relatives à la sécurité nationale, concernant la défense nationale ou les relations étrangères, ainsi que les informations protégées transmises par d’autres pays. Dans ce cadre, les catégories d’informations susceptibles d’être classifiées sont elles-mêmes énumérées de façon précise (17).

Dès avant l’entrée en vigueur des Executive orders de 1995, la jurisprudence avait déjà dégagé le principe coutumier du secret d’État permettant à l’administration fédérale, en s’appuyant sur « l’intérêt de la défense nationale et de la politique étrangère », de refuser de communiquer aux requérants un document relatif à une affaire judiciaire en cours. Dans un système de procédure pénale accusatoire, en cas de conflit entre les parties, c’est logiquement au juge de contrôler l’application de la norme. Ainsi, il appartient aux tribunaux devant lesquels l’administration invoque le secret d’apprécier les justifications de cette décision : le juge va alors examiner lui-même les documents et apprécier le bien fondé de l’invocation du secret (18).

Toutefois, parallèlement à ce régime juridique qui place le juge au cœur du dispositif de conciliation des intérêts de la défense et de ceux de la recherche de la vérité, il existe un autre régime juridique, le « privilège de l’exécutif », qui permet de limiter l’accès des tribunaux (mais aussi du Congrès et du public) à l’information pour des raisons d’intérêt national.

Le privilège de l’exécutif a été dégagé en 1974 par la Cour suprême au nom de la séparation des pouvoirs afin de protéger la confidentialité des communications au sein de l’exécutif en matière de sécurité nationale et d’affaires militaires ou diplomatiques.

Ce dispositif ne se confond pas avec celui de protection des informations classifiées car le privilège de l’exécutif peut être opposé à l’égard de toute information, classifiée ou non. De plus, il ne s’agit pas du mode normal de règlement des conflits entre invocation du secret et intérêts des parties à un procès. En effet, l’invocation de ce privilège est réservée au seul président des États-Unis et il n’est utilisé que très rarement pour des sujets majeurs. En revanche, lorsqu’il est utilisé, il empêche le juge d’apprécier la validité de l’invocation du privilège et d’examiner le contenu des documents en cause.

Toutefois, l’utilisation de ce privilège est encadrée. La cour suprême exigeant qu’un intérêt de sécurité nationale soit en jeu, l’exécutif doit donc indiquer au juge les raisons pour lesquelles le privilège est invoqué. Il appréciera, sans consulter les documents en cause, si ces raisons sont justifiées au regard de l’intérêt national. Il n’est d’ailleurs pas neutre que ce principe ait été dégagé par la Cour suprême en 1974, à l’occasion du Watergate, dans une affaire où l’invocation de ce principe fut précisément refusée. Dans une telle hypothèse, les documents sont alors transmis aux parties.

2. La protection du secret défense au Royaume Uni

La protection des « informations officielles » du gouvernement est assurée par les Official Secrets Acts de 1911 et 1989. Cette loi couvre six catégories d’informations : les informations intéressant le travail des agences de sécurité et de renseignement ; les informations intéressant la défense (19; informations intéressant les relations internationales ; les informations échangées de manière confidentielle avec d’autres États ou organisations internationales ; les informations pouvant entraîner la commission d’une infraction ; les informations obtenues dans le cadre d’interceptions de correspondances ou d’écoutes téléphoniques.

Les juges britanniques reconnaissent à l’administration un large privilège de rétention des informations, mais ils en contrôlent l’utilisation.

Dans les procédures pénales, certains éléments de preuve peuvent être conservés secrets au cours du procès ainsi que dans la phase préalable à celui-ci, même vis-à-vis des avocats de la défense, au motif que leur diffusion serait contraire à « l’intérêt public ». Cette règle a été admise par la jurisprudence à partir de 1942, elle préexistait mais ne s’appliquait qu’aux affaires touchant directement le monarque (« privilège de la Couronne »). Un ministre peut donc signer un « certificat d’immunité au nom de l’intérêt public » (public interest immunity) pour empêcher que certaines informations ne soient rendues publiques à l’occasion d’une procédure judiciaire, si l’intérêt public l’exige.

Depuis 1968 (arrêt Convay contre Rimmer de la Chambre des Lords), la jurisprudence estime que les ministres ne sont pas les seuls juges de l’intérêt public et qu’il appartient au tribunal d’arbitrer entre l’intérêt public mis en avant par le ministre et celui de la justice, ce qui peut supposer que le tribunal inspecte les documents en question. Si la diffusion de l’information ne cause pas un « tort substantiel », l’intérêt de la justice doit l’emporter.

Dans tous les cas, l’autorité de poursuite, le Crown Prosecution Service joue un rôle déterminant dans la décision prise par l’administration de divulguer ou non un élément de preuve considéré comme « sensible ». En effet, en fonction de l’analyse du « procureur », la demande de public interest immunity au juge fera l’objet de procédures différenciées :

— en règle générale, le « procureur » doit donner à la défense notification de sa demande et indiquer au moins la nature de la preuve détenue. La défense a alors la possibilité de faire des observations au cours d’une audience publique ;

— si la notification de la nature de la preuve aurait pour conséquence de nuire à l’intérêt public, la nature de cette preuve n’est pas révélée à la défense, qui a néanmoins la possibilité de présenter au juge des observations sur la procédure utilisée. La décision est prise en l’absence du prévenu ou de son représentant ;

— dans des situations exceptionnelles, le « procureur » peut présenter au juge une demande au juge sans en aviser la défense.

Jusqu’au début des années 1990, l’invocation d’un public interest immunity faisait rarement l’objet d’une contestation par les tribunaux qui les admettaient assez facilement, sans même entreprendre l’examen attentif de l’information contestée, sans motifs précis avancés par la défense. Cependant, un certain nombre d’affaires d’exportations illégales d’armes vers l’Irak ont alimenté un débat sur une utilisation injustifiée de certificats d’immunité par l’exécutif. À la suite de l’arrêt Wiley de 1994, le Gouvernement a annoncé à la fin de l’année 1996 que les ministres ne pouvaient utiliser un tel certificat que si la révélation des informations risquait de causer un « réel tort ».

Enfin, comme en France, les seules restrictions relatives à la pratique de perquisitions concernent les documents relatifs aux relations entre un « conseiller juridique » et son client, les documents personnels (médicaux notamment) et les documents journalistiques. Une perquisition est donc envisageable dans un lieu abritant des éléments classifiés, mais la pratique de la police, qui mène seule les enquêtes, la conduirait à solliciter la remise des documents qu’elle recherche auprès de l’autorité administrative. Si la perquisition s’avérait nécessaire, les éléments « sensibles » feraient l’objet d’une mise sous scellés à part afin d’être transmis au « procureur » qui déciderait de l’opportunité de mettre en œuvre la procédure de public interest immunity.

3. La protection du secret défense en Allemagne

L’article 93 du code pénal indique que « sont secrets d’État les faits, les objets ou les renseignements qui ne sont accessibles qu’à un groupe limité de personnes et qui doivent rester secrets pour une puissance étrangère, afin de prévenir tout danger pour la sécurité extérieure de la République fédérale d’Allemagne ». Le secret d’État est donc défini relativement strictement, d’autant qu’il n’est pas opposable aux faits qui violent l’ordre fondamental démocratique ou des accords de limitation d’armement conclus secrètement avec d’autres pays.

Classiquement, l’exécutif peut refuser la production ou la remise de documents dont la prise de connaissance du contenu pourrait porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État fédéral ou des Länder. Cette décision peut être contestée devant les juridictions administratives ou, dans le cadre d’un procès pénal, devant le juge pénal. Dans un tel cas, le code de procédure pénale allemand impose au tribunal d’étendre l’instruction à tous les éléments décisifs pour la recherche de la vérité. Le tribunal va alors contrôler la décision de refus de communiquer les informations classifiées et, s’il juge ce refus infondé, va requérir communication de ces documents.

Enfin, les perquisitions dans les bâtiments et établissements militaires font l’objet de dispositions particulières. Les fouilles et saisies sont effectuées par l’armée elle-même sur demande de l’autorité judiciaire, qui peut néanmoins être présente et participer à la fouille. Toute saisie n’est pas possible dans ce cadre, le ministre pouvant estimer que la prise de connaissance du document pourrait porter atteinte aux intérêts de l’État fédéral ou des Länder : la procédure de droit commun est alors applicable.

4. La protection du secret défense en Italie

En vertu de l’article 39 de la loi 124/2007, sont couverts par le secret d’État les actes, documents, informations, activités et tout autre chose dont la diffusion est susceptible de nuire à l’intégrité de la République, aux accords internationaux, à la défense des institutions qui sont le fondement de la Constitution, à l’indépendance de l’État par rapport aux autres États et aux relations entretenues avec ceux-ci, à la préparation et à la défense militaire de l’État. Le Président du conseil des ministres est compétent pour établir les critères des documents, des actes, des activités, des choses et des lieux susceptibles d’être objets du secret d’État.

Le Président du conseil des ministres est également compétent pour déterminer si le secret défense peut être invoqué pour refuser à un juge la transmission d’une information classée secret d’État ou pour laisser un juge pénétrer dans un lieu couvert par le secret d’État (20). De même, à l’occasion d’une perquisition, l’autorité judiciaire a la faculté de saisir tout document strictement indispensable à l’enquête à partir du moment où il n’est pas classé secret d’État. Si le secret d’État est invoqué, l’examen ou la remise des documents est suspendu. Les documents sont placés sous scellés et transmis rapidement au Président du conseil des ministres qui statuera sur la levée éventuelle du secret.

Le Président du conseil dispose de trente jours pour se prononcer sur la confirmation de l’invocation du secret. En l’absence de réponse dans ce délai, l’information classifiée peut être utilisée dans la procédure. Mais, si le Président du Conseil confirme que ces documents ou témoignages sont secrets d’État, le juge doit rendre une ordonnance de non-lieu du fait de l’existence du secret d’État ou poursuivre l’enquête préliminaire si les informations ne constituaient pas l’unique et principal moyen de poursuite.

Toutefois, si le juge souhaite disposer de documents pour lesquels le secret d’État lui est opposé et s’il veut contester ce refus de transmission, s’amorce un « conflit d’attribution entre les pouvoirs de l’État ». Un tel conflit doit être tranché par la Cour constitutionnelle, qui ne peut pas se voir opposer le secret d’État en vertu de l’article 202 du code de procédure pénale.

À côté de ce contrôle juridictionnel du bien fondé de l’invocation du secret d’État, il existe une forme de contrôle politique. L’article 33 de la loi 124/2007 prévoit en effet que le Comité parlementaire pour la sécurité de la République, composé de cinq députés et de cinq sénateurs, est informé des décisions prises par le Président du conseil, qu’il peut juger infondées et le faire savoir à la Chambre des députés et au Sénat.

5. La protection du secret défense en Espagne

La loi n°9/1968 du 5 avril 1968 sur les secrets d’État, modifiée par la loi n°48/1978 du 7 octobre 1978, protège la confidentialité des données sensibles. Son article 2 énonce que « peuvent être déclarées matières classées les faits, les actes, les documents, les informations, les données et les objets dont la connaissance par des personnes non autorisées peut nuire ou mettre en péril la sécurité et la défense de l’État ».

La classification des documents civils relève du Conseil des ministres et celle des documents militaires de la réunion des chefs d’État-major. Les articles 417 et 418 du code pénal prévoient un délit de révélation des secrets officiels.

Aucune disposition législative ne règle la question de l’invocation du secret défense dans les procédures pénales. Cependant, le Tribunal suprême, dans un arrêt du 4 avril 1997, a opéré un contrôle sur le refus du Conseil des ministres de déclassifier des documents au cours d’une procédure judiciaire. Il a affirmé à cette occasion la supériorité du droit à la protection effective de la justice, accordé à tout citoyen par l’article 24 de la Constitution, sur le principe de la sécurité de l’État.

À la suite de cet arrêt, un avant-projet de loi a été élaboré, en décembre 1997, prévoyant la possibilité pour les juges et les tribunaux de demander au Conseil des ministres la déclassification de données au cours d’une procédure judiciaire. Il est resté sans suite.

II. LA PRATIQUE JUDICIAIRE A RÉVÉLÉ QUE LE DISPOSITIF ACTUEL COMPORTAIT DES LACUNES

A. L’USAGE PROBLÉMATIQUE DE LA PERQUISITION DANS DES LIEUX ABRITANT DES SECRETS DE LA DÉFENSE NATIONALE

1. L’encadrement limité du droit de perquisition par les magistrats

L’article 94 du code de procédure pénale dispose que « les perquisitions sont effectuées dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité ».

Certes, cette disposition d’ordre général doit être conciliée avec d’autres dispositions spéciales concernant certains types de perquisition :

— l’article 67 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 février 2007, énumère les actes auxquels s’applique l’immunité du Président de la République pendant son mandat : y figure notamment tout acte d’information ou d’instruction. Les perquisitions en font donc partie (21) ;

— l’article 22 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 interdit toute perquisition dans les locaux diplomatiques et consulaires ;

— l’article 56-1 du code de procédure pénale prévoit des modalités spécifiques pour les perquisitions intervenant dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ;

DISPOSITIONS PARTICULIÈRES APPLICABLES AUX PERQUISITIONS RÉALISÉES DANS LE CABINET D’UN AVOCAT OU À SON DOMICILE (22)

Les perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile (article 56-1 du code de procédure pénale, dans le cadre de l’enquête de flagrance et, par renvoi opéré par l’article 96, dans le cadre d’une instruction) sont entourées d’un grand nombre de garanties particulières :

—  Elles doivent être effectuées par un magistrat (procureur de la République ou juge d’instruction) ;

—  Elles doivent être effectuées en présence du bâtonnier ou de son délégué qui a seul droit de consulter les documents qui sont saisis (respect du secret professionnel) (23) ;

—  Elles doivent être précédées d’une décision écrite et motivée du magistrat, qui indique la nature de l’infraction sur laquelle portent les investigations ainsi que les raisons justifiant la perquisition. Le contenu de cette décision est porté, dès le début de la perquisition, à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué qui veille à ce que les documents saisis relèvent bien de l’infraction mentionnée dans la décision.

—  Ne peuvent être saisies les pièces déposées chez un avocat pour une partie qui lui a confié sa défense (tels les courriers échangés entre un client et son avocat) : les droits de la défense l’emportent sur le droit de saisie.

—  Il existe une procédure permettant au bâtonnier ou à son délégué de s'opposer à la saisie d'un document (24) à laquelle le magistrat a l'intention de procéder, s'il estime que cette saisie serait irrégulière.

Dans ce cas, le document litigieux doit être placé sous scellé fermé. Ces opérations font alors l'objet d'un procès-verbal distinct de celui mentionnant, le cas échéant, d’autres documents saisis non contestés ; ce procès-verbal n'est pas joint au dossier de la procédure et mentionne les objections du bâtonnier ou de son délégué. Le document placé sous scellé fermé et le procès-verbal sont transmis avec le dossier de la procédure au juge des libertés et de la détention (25) qui a cinq jours à compter de la réception des pièces pour statuer sur la contestation.

Le JLD statue par ordonnance motivée, non susceptible de recours. À cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition (et, le cas échéant, le procureur de la République, si ce n’est pas lui qui y a procédé), ainsi que l'avocat au cabinet ou au domicile duquel elle a été effectuée et le bâtonnier ou son délégué. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes.

À la suite de ces auditions, le JLD peut :

—  soit ordonner la restitution immédiate du document, s’il estime qu'il n'y a pas lieu à le saisir, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure ;

—  soit ordonner le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Une telle décision n'exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement (si aucune instruction n’a été ouverte) ou la chambre de l'instruction.

— d’autres professions soumises au secret connaissent des modalités particulières pour les perquisitions dans leurs locaux : les entreprises de presse (article 56-2), les médecins, notaires, avoués ou huissiers (article 56-3) ;

— l’article 698-3 du code de procédure pénale indique que les perquisitions dans les enceintes militaires doivent faire préalablement l’objet d’une réquisition à l'autorité militaire tendant à obtenir l'entrée dans cet établissement ;

— sans que l’article 26 de la Constitution n’en dispose ainsi expressément, il est admis que les perquisitions au sein des enceintes parlementaires sont conditionnées à une autorisation du président de l’assemblée intéressée  (26).

2. Des perquisitions possibles dans les lieux abritant des secrets de la défense nationale

Aucune disposition législative spécifique ne définit des modalités particulières pour les perquisitions dans des lieux abritant des secrets de la défense nationale.

En application de l’instruction interministérielle annexée à l’arrêté relatif à la protection du secret de la défense nationale du 25 août 2003, les documents classifiés doivent être entreposés dans une zone réservée, elle-même érigée en zone protégée au sens des articles 413-7, R. 413-1 et R. 413-5 du code pénal, qui interdisent tout accès à ces zones sans autorisation.

Pourtant, les magistrats peuvent entrer dans ces lieux sans autorisation aux fins de perquisition. Une circulaire du 15 novembre 2004 du garde des sceaux estime qu’aucun texte législatif n’est venu encadrer les pouvoirs de perquisition des magistrats dans ces lieux, hormis le cas des enceintes militaires où ils doivent requérir l’autorité militaire. Dans son avis du 5 avril 2007, le Conseil d’État a confirmé cette interprétation, indiquant que « le juge d’instruction n’a pas à solliciter d’autorisation pour pénétrer dans une zone protégée ».

Tout magistrat se présentant à la porte d’un lieu susceptible d’abriter des secrets de la défense nationale doit donc pouvoir y entrer pour pouvoir y effectuer une perquisition. Toutefois, les magistrats ne sont pas habilités au secret de la défense et ne peuvent donc pas consulter des documents classifiés, sous peine de violer l’article 413-10 du code pénal. En effet, l’organisation d’une perquisition ne modifie nullement le régime d’accès de l’autorité judiciaire aux éléments classifiés : même découvert dans le cadre d’une perquisition, un élément classifié ne peut être consulté et porté au dossier qu’après avoir été déclassifié par le ministre compétent sur avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Les magistrats peuvent donc saisir et mettre sous scellé des documents classifiés au cours d’une perquisition, mais ils ne peuvent en avoir connaissance qu’après avoir suivi la procédure de déclassification instituée par la loi de 1998.

Cependant, si les magistrats ont le pouvoir de saisir des documents classifiés, la question se pose de savoir quels sont les critères qui vont les conduire à saisir les documents relatifs aux faits incriminés puisqu’ils ne peuvent pas eux-mêmes consulter ces documents.

Pour résoudre cette difficulté, la circulaire du garde des sceaux du 15 novembre 2004 préconisait la solution suivante : « lorsque le magistrat enquêteur entend exercer son pouvoir de saisie de tout objet ou document utile à la manifestation de la vérité qui pourrait être classifié au titre du secret de la défense nationale, il doit, au préalable, requérir un officier de police judiciaire spécialement habilité et placer le document sous scellés fermés après un inventaire se limitant au numéro de la classification et au nombre de pages du document ».

Très concrètement, la perquisition qui s’est déroulée à la DGSE en 2006 par exemple a été menée par des magistrats accompagnés d’officiers de police judiciaire de la brigade financière, habilités au secret de la défense nationale. Ces derniers ont alors demandé à avoir accès à l’ensemble des documents, quel que soit leur niveau de classification, afin d’opérer parmi eux un tri et de pouvoir saisir les documents relatifs aux faits incriminés. De la sorte, ces fonctionnaires de police ont nécessairement consulté de nombreux documents étrangers aux faits poursuivis, sans avoir eu « besoin d’en connaître ».

En 1998, le législateur n’avait pas prévu de dispositions spécifiques concernant la saisie d’éléments classifiés au cours d’une perquisition. Prévoir de telles dispositions pouvait en effet sembler totalement inutile dans la mesure où les magistrats ne sont pas autorisés à consulter des éléments couverts par le secret défense. Dès lors, ils ne sont pas en mesure de saisir et de placer sous scellés les documents classifiés susceptibles d’intéresser effectivement leur procédure, sauf à demander à l’autorité administrative de réunir, pendant le temps de la perquisition, ces documents afin de les placer sous scellés et de les soumettre à l’avis de la CCSDN. La valeur ajoutée d’une telle procédure par rapport à la procédure de réquisition est alors nulle puisque c’est l’autorité administrative elle-même qui effectuera le « tri » des documents. Rappelons par ailleurs que le magistrat n’a pas la possibilité de saisir des éléments dont il ne sait pas s’ils ont un lien avec sa procédure : la pratique qui consisterait à saisir sans distinction l’ensemble des éléments classifiés découverts au cours d’une perquisition serait donc contraire au principe de spécialité de la perquisition, selon lequel la saisie ne peut porter que sur des objets ou documents ayant trait à l’infraction poursuivie.

En l’état actuel du droit, l’utilisation de la réquisition par laquelle le magistrat fait une demande motivée auprès d’une administration pour qu’elle rassemble les éléments qui peuvent être en lien avec une infraction, semble seule à même de permettre d’éviter toute compromission du secret de la défense nationale.

B. LA LÉGISLATION ACTUELLE CONDUIT À UNE INCERTITUDE JURIDIQUE ET À DES RISQUES DE COMPROMISSION DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE

1. L’avis rendu par le Conseil d’État souligne l’impasse juridique dans laquelle se trouvent magistrats et autorités administratives chargées de la protection du secret défense

Face à cette incertitude juridique, le Gouvernement a saisi le Conseil d’État d’une demande d’avis sur les pouvoirs des juges d’instruction et officiers de police judiciaire vis-à-vis des informations classifiées qu’ils peuvent être amenés à trouver au cours de leurs investigations.

Cet avis (27), rendu le 5 avril 2007, indique que le régime juridique applicable manque de cohérence :

— d’une part, en effet, le Conseil d’État estime que les règles de droit commun s’appliquent en matière de perquisitions dans des lieux abritant des secrets de la défense nationale. Ainsi, rappelant l’article 94 du code de procédure pénale, selon lequel « les perquisitions sont effectuées dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité », il estime que l’article 413-7 du code pénal, qui soumet à autorisation notamment l’entrée dans les zones réservées où sont entreposées les informations classifiées, n’est pas applicable. Il en résulte que « le juge d’instruction n’a donc pas à solliciter d’autorisation pour pénétrer dans une zone protégée à ce titre ».

Il rappelle en outre « que le législateur n’a édicté aucune règle particulière de procédure permettant, s’agissant de l’entrée dans les lieux où peut intervenir l’autorité judiciaire et où peuvent se trouver des informations couvertes par le secret de la défense nationale, de concilier les objectifs constitutionnels mentionnés au 1° ci-dessus. Seules font exception les enceintes militaires, l’accès à celles-ci, en vertu de l’article 698-3 du code de procédure pénale, étant subordonné à une réquisition adressée par le juge à l’autorité militaire, laquelle ne peut d’ailleurs pas s’y opposer ».

— d’autre part, le Conseil d’État rappelle un certain nombre de règles s’imposant aux magistrats et officiers de police judiciaire conduisant des perquisitions dans des lieux abritant des secrets de la défense nationale. Ainsi, « les pouvoirs des juges d’instruction pouvoirs se heurtent à de strictes limites s’agissant des informations couvertes par le secret de la défense nationale ».

Tout d’abord, il rappelle que le magistrat instructeur ne peut avoir connaissance d’éléments classifiés que dans le cadre de la loi de 1998 qui a déterminé les conditions dans lesquelles « peuvent être opérées, dans le cadre d’une procédure engagée par une juridiction, la déclassification et la communication d’informations couvertes par le secret de la défense nationale. Il en résulte notamment que le juge d’instruction, qui ne tient pas du code de procédure pénale qualité pour connaître de tels secrets, peut seulement solliciter de l’autorité administrative compétente la déclassification et la communication d’informations protégées à ce titre. »

Dans le cadre d’une perquisition, le magistrat instructeur ne peut donc en aucun cas consulter des documents classifiés. En effet « l’exercice de ces prérogatives ne saurait conduire le juge d’instruction à méconnaître l’interdiction qui lui est faite, comme à toute personne non qualifiée, de prendre connaissance « des renseignements, procédés, objets, documents, données informatiques ou fichiers » qui ont le caractère de secret de la défense nationale au sens de l’article 413-9 du Code pénal. »

Mais, le juge d’instruction ne peut pas non plus demander à un officier de police judiciaire, lui-même habilité au secret de la défense nationale, de procéder au « tri » des informations classifiées découverts au cours d’une perquisition afin de saisir celles qui intéressent la procédure. Cette pratique, préconisée par la circulaire du garde de sceaux du 15 novembre 2004, est sévèrement critiquée par le Conseil qui estimé que « le juge d’instruction qui confie à un officier de police judiciaire par Commission rogatoire, en vertu de l’article 81 du code de procédure pénale, le soin d’exécuter un acte qu’il est dans l’impossibilité d’exécuter lui-même ne peut conférer à l’intéressé plus de pouvoirs que ceux qu’il tient de ces dispositions ».

Enfin, le Conseil d’État précise que les règles relatives à la protection du secret de la défense nationale s’appliquent dans le cadre d’une perquisition. Ainsi, il incombe « au juge d’instruction lorsqu’il envisage de pénétrer dans une telle zone, de respecter la nécessité impérieuse d’éviter tout risque de compromission du secret de la défense nationale, compromission qui pourrait résulter du seul fait de sa présence dans cette zone, sous peine d’encourir les sanctions pénales qui assurent la protection de ce secret ».

La situation actuelle débouche donc sur une impasse juridique. Certes, les perquisitions dans des lieux susceptibles d’abriter des informations classifiées ne font l’objet d’aucun encadrement juridique particulier, et peuvent donc être décidées souverainement par le magistrat. Pour autant, les juges et enquêteurs sont dénués de tout pouvoir effectif au cours d’une telle perquisition puisqu’ils ne sont pas autorisés à consulter les documents classifiés. Afin de pouvoir saisir les éléments liés à l’infraction, ils devraient en effet les consulter, se rendant alors coupables de compromission du secret de la défense nationale (28), et contraignant les responsables administratifs qui les laissent consulter de tels documents à commettre eux-mêmes un délit de compromission du secret de la défense nationale (29).

Afin de résoudre une situation qui n’apparaît satisfaisante ni pour la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ni pour la manifestation de la vérité, le Conseil d’État en appelle donc à une intervention du législateur. Il estime « qu’il apparaît indispensable d’édicter des règles législatives fixant les conditions dans lesquelles sont définis les obligations et les pouvoirs respectifs du chef d’établissement, chargé de la protection des secrets de la défense nationale, et du juge d’instruction, chargé de la manifestation de la vérité ». De façon plus détaillée, il souhaite « que le législateur complète les règles de procédure applicables et fixe précisément les conditions dans lesquelles peuvent être saisis et mis sous scellés, sans risque de divulgation à des personnes non qualifiées de secrets protégés, des documents classifiés dont l’autorité judiciaire ne peut savoir s’ils sont utiles à son instruction. À cette fin, les prérogatives de la Commission consultative du secret de la défense nationale pourraient être utilement étendues afin de lui permettre d’intervenir lors de la découverte de documents classifiés, notamment en zone protégée ».

2. Des améliorations dans le cadre juridique existant

Le sens de l’avis du Conseil d’État était en contradiction avec la pratique de certains juges d’instruction qui se fondaient sur la circulaire du 15 novembre 2004 du garde des sceaux. Afin de tenir compte des risques sérieux de compromission du secret de la défense nationale encourus par les juges d’instruction et les officiers de police judiciaire prenant connaissance d’un secret de la défense nationale et par les représentants de l’administration ne s’y opposant pas, de nouvelles procédures devaient être mises en place.

Dès 2006, la CCSDN, comme l’indique son rapport 2005-2007, a expérimenté, en accord avec le SGDN, un système plus respectueux du secret : la documentation saisie est placée directement sous scellés, conservée par le service responsable du secret, brisés ensuite par un OPJ devant un représentant de la CCSDN, qui a pu ensuite procéder au tri des documents saisis en vue d’une éventuelle recommandation de déclassification.

Par ailleurs, le garde des sceaux a publié le 3 janvier 2008 (30) une nouvelle circulaire abrogeant celle du 15 novembre 2004. Celle-ci rappelle les principaux apports de l’avis du Conseil d’État, et notamment l’impossibilité pour un juge d’instruction qui n’a pas qualité pour connaître des secrets de la défense nationale de déléguer à un officier de police judiciaire des pouvoirs dont il ne dispose pas lui-même.

La circulaire indique donc que « L’officier de police judiciaire ne saurait, ainsi, selon le Conseil d’État, se prévaloir d’une habilitation qui aurait pu lui être conférée par ailleurs par l’autorité administrative, pour connaître de certaines informations classifiées ». La circulaire rappelle également que « l’opération de perquisition elle-même est susceptible d’engager la responsabilité pénale des personnes qui y participent du chef de délit de compromission d’un secret de la défense nationale ». Dans ces conditions, la circulaire estime que « les opérations de perquisition devront en conséquence se dérouler en étroite concertation avec le représentant de l’autorité administrative dûment habilité ».

Si la pratique de la CCSDN et la mise en œuvre de cette circulaire ont pu permettre l’organisation de perquisitions dans des lieux abritant des secrets de la défense nationale en réduisant le risque de compromission, cette situation n’est nullement satisfaisante.

Tout d’abord, une simple circulaire ne saurait résoudre l’ensemble des questions qui se posent et dont le Conseil d’État a estimé qu’elles devaient recevoir une réponse législative. En outre, la circulaire de la chancellerie s’impose aux représentants du parquet mais pas aux juges d’instruction, à qui elle n’est transmise qu’à titre d’information.

3. Une situation qui fragilise les services de renseignement

Par-delà les questions d’ordre juridique, il convient de bien mesurer la nature très particulière des éléments couverts par le secret de la défense nationale. Les compromissions de ce dernier constituent une des formes possibles d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, tels qu’ils sont définis par l’article 410-1 du code pénal.

À cet égard, la protection du secret est indissociable de l’efficacité de nos services de renseignement, dans un contexte marqué par la nécessité croissante de l’échange d’informations avec des services étrangers. La dimension transnationale des menaces, tout particulièrement en matière de terrorisme, est plus qu’avérée et fait qu’aucun État ne peut envisager d’y faire face de manière isolée. Or, la confiance est un élément déterminant de la qualité et de l’intensité des échanges en la matière. Il n’est un secret pour personne que les services de renseignement français disposent d’une expertise reconnue en matière de lutte antiterroriste, laquelle leur permet de transmettre des informations très appréciées par nos principaux partenaires et, en retour, d’en obtenir de fort précieuses pour la défense de nos intérêts et de nos concitoyens.

Si une telle confiance réciproque ne se décrète pas et résulte parfois d’une construction patiente, elle peut très facilement et rapidement être mise à mal si nos partenaires ont des raisons de soupçonner que les données qu’ils transmettent ne bénéficient pas du niveau de protection adéquat. C’est dans cet esprit que la loi précitée du 5 mars 2007 modifiant les articles 414-8 et 414-9 du code pénal a notamment étendu la protection du secret de la défense nationale aux informations fournies ou détenues par l’OTAN en tant que personne morale, ainsi qu’aux informations échangées en vertu d’accord de sécurité ou dans le cadre de l’Union européenne. Le présent projet vise à compléter utilement ces garanties.

III. UN PROJET DE LOI DESTINÉ À ENCADRER STRICTEMENT LES PERQUISITIONS AUX FINS DE SAISIE D’ÉLÉMENTS CLASSIFIÉS

A. LES DISPOSITIONS DES ARTICLES 12 À 14 DU PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

1. Réparer une carence de la loi de 1998 en étendant aux perquisitions l’intervention de la CCSDN

Le présent projet de loi répond aux préconisations du Conseil d’État en instituant une procédure particulière de perquisition dans les lieux susceptibles d’abriter des éléments classifiés. En effet, dans ces lieux, rien ne s’oppose au pouvoir de perquisition des enquêteurs, alors que l’utilité de ce pouvoir est pourtant singulièrement réduite par l’impossibilité, pour les magistrats et PJ, de consulter d’éventuels documents classifiés.

Le I. de l’article 56-4 du code de procédure pénale, créé par l’article 12 du projet de loi, permet donc d’organiser l’accès des magistrats à des documents classifiés dans le cadre d’une perquisition. Cette disposition constitue en quelque sorte un complément de la loi du 8 juillet 1998 qui n’avait pas envisagé l’hypothèse de la perquisition. Comme dans le mécanisme de la réquisition de documents instituée par cette loi, un tiers — la Commission consultative du secret de la défense nationale — est chargé d’assurer un équilibre satisfaisant entre deux principes constitutionnels d’égale valeur, celui de protection des intérêts fondamentaux de la Nation et celui de recherche des auteurs d’infraction pénale. Dans la logique du mécanisme de droit d’accès indirect applicable en matière de consultation de fichiers de souveraineté, c’est une autorité administrative indépendante qui joue un rôle central dans la procédure.

En effet, la perquisition dans les lieux de stockage des éléments classifiés, dont la liste aura préalablement été élaborée par le secrétariat général de la défense nationale, ne pourra être décidée que par un magistrat, en présence d’un membre de la CCSDN. Cette présence sera essentielle, car le représentant de la CCSDN pourra seul consulter les documents classifiés découverts au cours de la perquisition. Dans la mesure où le magistrat lui aura remis une décision écrite et motivée indiquant la nature des infractions poursuivies, les raisons et l’objet de la perquisition, le représentant de la CCSDN sera en mesure de faire un tri entre les documents qui intéressent la procédure, qui seront saisis, et ceux qui lui sont étrangers. Les documents saisis pourront ensuite faire l’objet d’une demande de déclassification à l’autorité administrative.

Ce dispositif permet à la fois de protéger le secret, puisque seuls les membres de la CCSDN ont accès aux documents classifiés, et de rendre possible la saisie d’éléments classifiés en rapport avec la procédure. Dans ces lieux, la décision du magistrat de conduire une perquisition ne pourra pas être remise en cause. La perquisition devra seulement obéir à un certain formalisme, avec la présence obligatoire du représentant de la CCSDN, de même que les perquisitions dans un cabinet d’avocat par exemple doivent se dérouler en présence du bâtonnier.

Le projet de loi prévoit par ailleurs que cette procédure sera applicable en cas de découverte fortuite d’éléments classifiés dans un lieu où ils ne devraient pas être abrités.

Votre rapporteur pour avis partage globalement la philosophie de ces dispositions, sous réserve que les modalités concrètes de perquisition dans les lieux où se trouvent des éléments classifiés ne remettent pas en cause l’efficacité des investigations.

2. Une extension du champ du secret défense

Les articles 12 à 14 du projet de loi ne réparent pas seulement l’oubli de la loi du 8 juillet 1998 mais innovent en étendant aux lieux la notion de secret défense, jusque-là réservée à des informations.

L’article 13 du projet de loi insère ainsi un article 413-9-1 dans le code pénal qui institue une classification des lieux. Ces lieux sont définis comme ceux dont le seul accès permet de prendre connaissance d’un secret de la défense nationale. Il serait dès lors impossible d’y pénétrer sans bénéficier d’une habilitation adéquate. Cette interdiction d’accès serait absolue, et s’appliquerait systématiquement aux magistrats puisqu’ils ne sont pas habilités au secret de la défense nationale.

Une procédure de perquisition spécifique, prévue par le III. de l’article 56-4 du code de procédure pénale, s’appliquerait dans ces lieux. En effet, la perquisition y serait impossible, sauf décision de déclassement temporaire du lieu pris par l’autorité administrative, après avis du président de la CCSDN.

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Compte tenu de l’incertitude juridique entourant le régime juridique des perquisitions donnant lieu à la découverte d’éléments classifiés, la commission des Lois considère qu’une clarification législative était nécessaire. Plus globalement, il est légitime de compléter le dispositif de protection du secret de la défense nationale afin d’assurer un juste équilibre entre préservation des intérêts fondamentaux de la Nation et recherche de la vérité dans les enquêtes pénales.

Manifestement, le texte initial du projet de loi s’était trop écarté de cet objectif et a suscité de légitimes interrogations auxquelles la commission des Lois a tenté de remédier.

1. Mieux préciser la définition des lieux concernés par les nouveaux régimes de perquisition.

La commission des Lois a tout d’abord estimé que les modalités de constitution de la liste des « lieux susceptibles d’abriter des éléments classifiés » devaient être beaucoup mieux précisées. Cette liste devra être élaborée par arrêté du premier ministre, en appliquant des critères de délimitation fixés par décret en Conseil d’État. Une simple déclaration de l’autorité administrative chargée de la classification n’est en effet pas suffisante. En outre, étant fixée par arrêté, cette liste sera librement accessible à tous les magistrats.

S’agissant de la liste des lieux classifiés par nature, où aucune perquisition ne sera possible sans une décision préalable de déclassification par l’autorité administrative, la commission des Lois a jugé indispensable de proposer une nouvelle procédure d’élaboration. La classification d’un lieu serait donc décidée par le Premier ministre, mais après avis conforme de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Cette procédure est la seule qui permette d’éviter un abus de classification des lieux, puisque la liste des lieux classifiée sera elle-même classifiée et donc secrète.

2. Donner un rôle central à la CCSDN

La CCSDN a été créée afin d’assurer un juste équilibre entre des principes fondamentaux d’égale valeur, mais parfois antagonistes. Il est donc parfaitement justifié d’accroître le rôle de cette autorité administrative indépendante, en l’étendant aux perquisitions. C’est notamment en poursuivant dans cette logique que la commission des Lois a donné à la CCSDN un rôle central dans la procédure de classification des lieux.

Par ailleurs, il lui a semblé important d’accroître ses prérogatives, en donnant à ses membres une autorisation d’accès dans les futurs lieux classifiés, inspirée de l’habilitation dont ils disposent déjà à l’égard des éléments classifiés.

Enfin, compte tenu des nouvelles prérogatives conférées à la CCSDN, il semble indispensable d’adapter son format en conséquence. En effet, la CCSDN pourra être sollicitée à tout moment, dans des délais très courts, pour participer à des perquisitions partout sur le territoire métropolitain ou en outre-mer. Dans ces conditions, il a semblé important à la commission des Lois de faire passer de trois à cinq le nombre de membres non parlementaires de la CCSDN.

3. Améliorer les modalités pratiques des perquisitions dans ce cadre

La commission des Lois a considéré qu’il était important de rapprocher les modalités pratiques de la perquisition de celles en vigueur s’agissant d’autres procédures spécifiques de perquisition. Il lui a notamment semblé injustifié que le magistrat adresse au président de la CCSDN la décision écrite et motivée indiquant les raisons de la perquisition en amont de celle-ci. Le président de la CCSDN doit être avisé du projet de perquisition, mais il n’a pas besoin de connaître le contenu précis de la décision du magistrat avant le début de la perquisition.

S’agissant des perquisitions dans les lieux classifiés, où l’effet de surprise sera nécessairement amoindri par la nécessité d’obtenir une décision préalable de déclassification des lieux, la commission des Lois a estimé impératif d’encadrer cette dernière procédure dans des délais stricts. En effet, si le projet de loi prévoit que le président de la CCSDN doit rendre un avis sans délai à l’autorité administrative, celle-ci n’est contrainte à aucun délai pour rendre sa décision. La commission des Lois a donc souhaité que cette décision soit également rendue « sans délai ».

4. Éviter le blocage d’une opération de perquisition en raison de la seule présence fortuite d’éléments classifiés

Le projet de loi prévoit que, lorsque des éléments classifiés sont découverts fortuitement à l’occasion d’une perquisition, celle-ci doit être interrompue afin de permettre au président de la CCSDN ou à son représentant de se rendre sur place afin de consulter ces éléments et d’indiquer s’ils peuvent être saisis par le magistrat.

S’il est compréhensible d’interrompre la perquisition dans une telle hypothèse à l’égard des seuls éléments classifiés découverts, la commission des Lois a estimé qu’il était disproportionné d’interrompre entièrement la perquisition. Elle a donc retenu un dispositif imposant la mise sous scellés fermés provisoires d’éléments classifiés découverts fortuitement, la perquisition pouvant alors se poursuivre normalement.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine, pour avis, au cours de sa séance du mercredi 25 mars 2009, sur le rapport de M. Émile Blessig, les articles 12 à 14 du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (n° 1216).

M. le président Jean-Luc Warsmann. Le chapitre VI de ce projet, qui regroupe des dispositions relatives au secret de la défense nationale, répond à une demande des fonctionnaires du renseignement – auxquels je souhaite rendre hommage en raison leur excellent travail. Ils aspirent en effet à ce que le cadre juridique de leur activité soit sécurisé. C’est également une nécessité si nous voulons favoriser la coopération avec les services étrangers.

Il s’agit toutefois d’une question qui touche aux libertés publiques, et c’est pourquoi j’ai souhaité que la commission des lois se saisisse de cette partie du projet de loi. La démocratie est le respect des équilibres ; or le texte initial du Gouvernement ne me paraît pas assurer l’équilibre entre la protection du secret-défense et la nécessité de garantir les moyens d’intervention de la justice.

Ainsi nous est-il proposé de créer sur notre territoire des zones où l’application du droit sera limitée. Mais ces limitations ne devraient intervenir que pour le strict intérêt du pays ; on ne saurait en abuser afin d’entraver l’action d’éventuels contre-pouvoirs. Nous avons donc tenu à dresser la liste très limitative des lieux susceptibles d’abriter des documents couverts par le secret de la défense nationale. En outre, des bâtiments entiers ne sauraient être protégés : il convient de mentionner des pièces, voire des coffres-forts bien déterminés.

Je constate, au vu des amendements présentés par le groupe SRC, que ses membres ont, sur ce sujet, une vision très proche de la nôtre.

M. Émile Blessig, rapporteur pour avis. Ce chapitre vise en effet à concilier deux intérêts constitutionnels majeurs : la recherche des auteurs d’infractions et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation.

La loi du 8 juillet 1998 avait posé trois grands principes: le juge ne tient pas du code de procédure pénale qualité pour connaître d’un secret de la défense nationale ; il peut seulement solliciter la déclassification d’un document par l’autorité administrative compétente ; enfin, cette dernière ne peut se prononcer qu’après avoir pris connaissance de l’avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale, saisie à cet effet. L’autorité administrative compétente est le ministre en charge du secteur concerné, sachant que le secret de la défense nationale peut porter non seulement sur des informations à caractère militaire, mais aussi économique ou financier, diplomatique, intéressant la sécurité intérieure….

L’article 94 du code de procédure pénale prévoit qu’une perquisition est possible dans tous les lieux où peuvent se trouver des éléments « dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité ». Mais en pratique, cela peut aller à l’encontre de l’interdiction faite à toute personne de prendre connaissance d’informations classifiées. Un magistrat qui irait à l’encontre de ce principe se rendrait coupable du délit de compromission.

Toutefois, étant de portée générale, l’article 94 prend le pas sur les dispositions de l’article 413-7 du code pénal, relatives à la pénétration sans autorisation dans des zones protégées au titre de la défense. Autrement dit, le juge peut entrer dans de tels lieux, mais il n’a pas le droit de prendre connaissance des informations classifiées qui s’y trouvent ! Et aucune règle de procédure ne permet de concilier les deux principes constitutionnels que je mentionnais à l’instant.

Notre droit prévoit pourtant, dans le cadre de la procédure de perquisition, la protection de certains intérêts légitimes, comme le secret médical, le secret professionnel ou les droits de la défense, s’agissant de perquisition dans un cabinet d’avocat. Mais en 1998, le législateur avait jugé inutile de prévoir des dispositions spécifiques concernant la saisie d’éléments classifiés dans la mesure où les magistrats n’étaient pas habilités à les connaître. Or, en 2006, lors de leur perquisition des locaux de la DGSE, les OPJ habilités qui accompagnaient les magistrats ont demandé l’accès à tous les documents afin de pouvoir opérer un tri. Ils ont donc pu consulter des documents étrangers aux faits poursuivis. Notons que les OPJ avaient ainsi un pouvoir supérieur au magistrat qui leur déléguait ses pouvoirs.

En l’état actuel du droit, le magistrat doit faire une demande à l’administration, qui procède au tri nécessaire avant de lancer la procédure de déclassification. Il est clair que ni l’une, ni l’autre de ces procédures ne sont satisfaisantes, une situation que dénonce d’ailleurs le Conseil d’État dans son avis du 5 avril 2007.

Ajoutons que la situation actuelle fragilise nos services spécialisés dans le renseignement et la protection des intérêts fondamentaux de la nation. La lutte contre le terrorisme international, en particulier, exige un travail en réseau et des échanges d’informations entre États, basés sur confiance, et qu’il convient donc de protéger.

La principale nouveauté du projet de loi est l’extension du domaine du secret de la défense nationale à des lieux. Il convient à cet égard de distinguer trois catégories. D’abord, les lieux dans lesquels le seul accès permet de prendre connaissance d’un secret de la défense nationale – c’est le cas, par exemple, de la base de sous-marins de l’Île Longue, ou d’un lieu d’écoutes ultrasensible. Il y a donc interdiction d’y pénétrer sans habilitation, et toute perquisition ne peut se faire qu’après déclassification préalable temporaire.

Ensuite, les lieux susceptibles de contenir des éléments classifiés. Comme l’a rappelé le président de la commission, l’endroit où se trouvent ces documents doit être déterminé précisément. On n’entre pas en de tels lieux sans une certaine procédure, qui permet notamment la traçabilité des consultations. Mais la grande crainte est qu’ils soient détournés de leur objet et que l’on y conserve des documents n’ayant rien à y faire. C’est pourquoi les documents sensibles et classifiés devront faire l’objet d’un traitement diversifié.

Il peut enfin se produire qu’au cours d’une perquisition un magistrat découvre fortuitement un document classifié. Je proposerai à ce sujet un amendement permettant que, contrairement à ce que prévoit le projet, la perquisition ne soit pas interrompue mais que les éléments couverts par le secret de la défense nationale soient mis sous scellés provisoires.

M. le président Jean-Luc Warsmann. L’important est que la perquisition puisse se poursuivre.

M. le rapporteur pour avis. Dans le cadre de l’élargissement du champ du secret de la défense nationale à des « lieux classifiés », le projet donne l’occasion de renforcer le rôle et de préciser la mission de la Commission consultative du secret de la défense

Dans les lieux susceptibles d’abriter des documents classifiés, je proposerai une procédure de perquisition inspirée des textes relatifs au respect du secret professionnel ou médical : le président de la commission consultative recevrait communication de la décision de perquisition au moment où celle-ci commence.

M. le président Jean-Luc Warsmann.  Le rapporteur pour avis vous présentera également un amendement tendant à ce que la liste des « lieux classifiés », qui devra être très brève, soit établie par arrêté du premier ministre, après avis conforme de la commission consultative.

Les magistrats, chacun en conviendra, doivent avoir accès à la liste des lieux susceptibles d’abriter des documents classifiés. Tout juge d’instruction qui entendrait mener une perquisition en de tels lieux devra être accompagné d’un membre de la commission consultative. À cette fin, le rapporteur pour avis vous proposera de porter de trois à cinq le nombre des membres non parlementaires de la CCSDN. Même ainsi précisée, la procédure risque d’être source de problèmes matériels, car un juge d’instruction parisien peut devoir procéder à une perquisition à Papeete, ou décider que des perquisitions doivent se tenir de manière concomitante en trois lieux. Nous nous sommes efforcés de faciliter la procédure au mieux, en conciliant la recherche de la manifestation de la vérité et la protection du secret de la défense nationale.

M. Dominique Raimbourg. Nous approuvons la grande prudence de l’approche du rapporteur. L’équilibre est en effet très difficile à trouver quand on veut concilier protection du secret défense et recherche de la vérité. Cela étant, le projet, en l’état, comporte des lacunes. La procédure retenue est calquée, lit-on dans l’exposé des motifs, sur celle qui s’applique dans le cas d’une perquisition dans le cabinet d’un avocat. En réalité, on n’est pas allé au bout de la démarche.

S’agissant de la liste des lieux susceptibles de contenir des documents classifiés, on ne voit pas comment elle pourrait être tenue secrète : le magistrat, alors, ne saurait pas que son transport dans le bâtiment dans lequel il compte se rendre serait sans effet.

Par ailleurs, une perquisition, pour être utile, doit être faite par surprise ; il semble donc inopportun d’avertir le président de la commission consultative avant que la procédure ne commence.

Enfin, il conviendra de prévoir un recours. Quand il est question de perquisitionner le cabinet d’un avocat, le secret est défendu par le bâtonnier. Celui-ci est averti qu’il devra être disponible pour assister à la perquisition du cabinet d’un confrère –sans qu’on lui dise d’avance lequel-, et si un désaccord se manifeste lors de la perquisition entre le bâtonnier et le juge d’instruction, c’est le juge des libertés qui arbitre. De même devrait-on prévoir ici la possibilité d’un arbitrage si le président de la commission consultative et le juge d’instruction sont en désaccord. Nous proposerons que l’arbitrage soit rendu par la commission consultative réunie en formation plénière ; cette solution répondrait en partie à l’objection selon laquelle il ne serait pas constitutionnel de soumettre un magistrat du siège à la décision d’une autorité administrative.

Nous sommes par ailleurs favorables au maintien de l’effet de surprise d’une perquisition. Nous approuvons également le fait de porter de trois à cinq le nombre des membres non parlementaires de la commission consultative, dont le champ de compétence est l’ensemble du territoire français.

Enfin, on pourrait envisager, pour ménager toutes les susceptibilités, de compléter la composition de la commission consultative par un représentant du Conseil supérieur de la magistrature et par un représentant du ministère de la défense.

Tel est le sens des amendements que nous défendrons. Ils rejoignent du reste, vous l’aurez compris, les préoccupations exprimées par le président et le rapporteur de notre Commission. La seule nuance porte sur la question du recours en cas de désaccord entre le président de la commission consultative et le juge d’instruction. Pour le reste, il convient en effet de concilier la préservation du secret défense et la recherche de la manifestation de la vérité.

M. Jean-Jacques Urvoas. Le sujet est sensible - les nombreux courriers que nous avons reçus de magistrats en donnent une nouvelle preuve - et je regrette que notre commission n’ait été saisie que pour avis au lieu de l’être au fond. Par ailleurs, l’exposé des motifs du Gouvernement s’appuie sur l’avis rendu le 5 avril 2007 par le Conseil d’État ; il serait bon que l’on en connaisse la teneur intégrale.

M. le rapporteur pour avis. Le texte de l’avis figurera dans le rapport.

M. Jean-Jacques Urvoas. Enfin, je regrette que nous n’ayons pas été saisis de l’article 5 du projet de loi, qui tire les conséquences des orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et l’organisation des pouvoirs publics en matière de défense et de la sécurité nationale, alors même que la nouvelle rédaction de la Constitution n’a pas dessaisi le Premier ministre de sa responsabilité en matière de défense nationale.

M. Charles de La Verpillière. Je m’interroge sur le bien-fondé de la diffusion publique d’une liste recensant les lieux susceptibles d’abriter des documents classifiés. Certes, si la liste est elle-même secrète, le magistrat ne saura pas, au moment où il entreprend une perquisition, qu’il pénètre dans un lieu de ce type, mais si elle ne l’est pas, elle sera diffusée à tous les magistrats de France. Or, l’expérience montre qu’il n’est rien de plus public que le cabinet d’un juge d’instruction, nombre des actes qui y sont dressés se trouvant publiés dans la presse. Il paraît donc inquiétant d’imaginer la diffusion à des centaines d’exemplaires d’une liste recensant des lieux qui devraient rester secrets, liste qui sera portée à la connaissance des services secrets étrangers en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.

M. le rapporteur pour avis. La liste des lieux susceptible d’abriter des documents classifiés sera fixée par un arrêté du Premier ministre. Actuellement, ces documents sont abrités dans des zones réservées, d’accès restreint, mais qui sont créés par arrêté publiée au Journal officiel. Le texte n’apportera donc aucune modification de fond. Je proposerai des amendements tenant à renforcer la sécurité de la prise de connaissance de ces documents par le magistrat instructeur et à préciser les modalités de transmission des informations qui lui seront données. La liste des lieux classifiés sera secrète, mais non celle des lieux susceptibles de contenir des documents classifiés, laquelle sera accessible aux magistrats.

M. Charles de La Verpillière. Et donc au public. Je continue de ne pas comprendre que l’on s’apprête à indiquer aux services des renseignements étrangers des lieux auxquels ils n’auraient pas pensé tout seuls et où sont conservés des documents couverts par le secret défense.

M. le rapporteur pour avis. La pratique est déjà celle-là, mais l’on peut imaginer que cette liste fasse l’objet d’un arrêté de diffusion restreinte.

M. Jean-Jacques Urvoas. Est-ce à dire que, actuellement, la liste des lieux classifiés n’est pas un document classifié ?

M. le rapporteur pour avis. La liste des lieux classifiés « secret défense nationale » est une liste secrète, mais ce n’est pas le cas de la liste des lieux susceptibles de contenir des documents classifiés. À l’avenir, nous souhaitons que tout magistrat puisse y avoir accès, et nous proposerons qu’elle fasse l’objet d’une diffusion restreinte.

M. Jean-Paul Garraud. C’est la détermination du lieu qui importe. Ainsi, c’est le fait d’être dans le cabinet d’un avocat qui détermine une certaine procédure de perquisition. Dans le cas qui nous occupe, la liste des lieux susceptibles de contenir des documents classifiés sera-t-elle précise au point d’indiquer la pièce dans laquelle ils sont entreposés ou se limitera-t-on par exemple à indiquer qu’il s’agit d’une certaine base militaire ?

M. le rapporteur pour avis. La liste devra être très précise. Il ne s’agit pas de mentionner une caserne dans son ensemble, car une infraction de droit commun peut y être commise et une perquisition doit pouvoir s’y dérouler normalement. À ce jour, les documents classifiés sont conservés dans des lieux spécifiques, connus et fortement protégés.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Les indications qui figureront sur la liste devront être extrêmement précises et désigner non pas un bâtiment dans son entier mais l’étage, la pièce, et si nécessaire les caractéristiques du coffre-fort où les documents en question sont conservés.

M. Dominique Raimbourg. Une plaque apposée à l’entrée du ministère de la défense indique que quiconque s’y introduirait sans autorisation s’exposerait aux sanctions prévues à l’article 413-7 du code pénal. Qu’adviendrait-il si un juge souhaitait perquisitionner ?

M. le rapporteur pour avis. Cet article ne s’oppose pas à l’article 94 du code de procédure pénale : le juge pourrait pénétrer en ces lieux mais il n’aurait pas le droit de prendre connaissance des informations classifiées qui s’y trouvent. La portée de l’article 413-7 est un peu trop large.

M. Guy Geoffroy. Un mot de méthode. Notre débat montre combien il serait souhaitable à l’avenir de créer plus souvent des commissions spéciales.

M. Sébastion Huyghe. L’extrême précision des indications qui figureront sur la liste ne laisse pas d’inquiéter. Publier l’adresse des lieux où sont entreposés des documents classifiés et jusqu’aux tiroirs où ils sont rangés : cela réjouira tous les services de renseignement étrangers mais semble contraire aux intérêts de la France. Il faut trouver un équilibre entre les besoins de la justice et la protection du secret défense.

M. le président Jean-Luc Warsmann. La pratique est déjà celle-là.

M. le rapporteur pour avis. On ne peut introduire un régime dérogatoire aux procédures de perquisition sans l’encadrer. Actuellement, les zones réservées sont connues, et elles font l’objet d’une protection spécifique pour empêcher toute intrusion. Ce qui est proposé n’est pas une innovation mais une précision.

M. Sébastion Huyghe. Je demeure sceptique.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre VI

Dispositions relatives au secret de la défense nationale

Article 12

(art. 56-4 [nouveau] et 96 du code pénal)


Création d’une procédure spécifique pour les perquisitions se déroulant dans des lieux abritant des secrets de la défense nationale ou dans des lieux classifiés

L’article 12 du projet de loi constitue le cœur du nouveau dispositif envisagé pour les perquisitions organisées dans les lieux contenant des éléments couverts par le secret de la défense nationale.

À cet effet, un article 56-4 est introduit dans le code de procédure pénale. Il vient s’insérer après les articles 56-1 à 56-3 qui prévoient des procédures de perquisition spécifiques lorsqu’elles peuvent remettre en cause certains secrets protégés par la loi : secret de la relation entre l’avocat et son client (article 56-1), secret des sources des journalistes (article 56-2), secret médical et secret des relations entre les notaires, avoués et huissiers et leurs clients (article 56-3).

Ce nouveau régime sera applicable aux différents types de perquisition : à celles décidées par le procureur de la République dans le cadre d’une enquête de flagrance (c’est précisément l’objet de l’article 56-4) ou dans le cadre d’une enquête préliminaire (31), ainsi qu’à celles décidées par un juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire (32).

Le projet de loi prévoit trois régimes de perquisition variant en fonction des lieux : le premier régime s’appliquera dans les lieux « susceptibles d’abriter » des éléments classifiés (§ I. de l’article 56-4), le deuxième s’appliquera en cas de découverte fortuite d’éléments classifiés (§ II.) et le troisième s’appliquera dans une nouvelle catégorie de lieux, eux-mêmes classifiés par nature (§ III.).

1. Les perquisitions dans les lieux « susceptibles d’abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale »

Le I. de l’article 56-4 institue une procédure spécifique de perquisition. Elle rend obligatoire la présence du magistrat et du président de la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN)). Cette procédure s’applique dans tous les lieux préalablement déclarés abritant des éléments classifiés.

a) La définition des lieux « susceptibles d’abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale »

La procédure envisagée au I.  s’appliquera aux perquisitions envisagées « dans un lieu précisément identifié, déclaré à la commission consultative du secret de la défense nationale comme susceptible d’abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale ».

La mise en œuvre de cette procédure est donc soumise à deux conditions de fond et à une condition de forme.

Les deux conditions de fond sont les critères permettant à un lieu de bénéficier de la procédure spécifique de perquisition. La condition de forme est liée à la nécessité d’une déclaration préalable.

● Tout d’abord, le lieu doit être « susceptible d’abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale ». Rappelons que ces éléments sont, d’après l’article 413-9 du code pénal, les « renseignements, objets, documents, procédés, données informatisées ou fichiers » ayant fait l’objet d’une mesure de classification, que celle-ci soit du niveau « confidentiel défense », « secret défense » ou « très secret défense ».

Ainsi, les lieux susceptibles d’abriter des éléments classifiés sont logiquement constitués par les locaux où sont conservés ces éléments dans les administrations centrales, les services déconcentrés de l’État, les établissements publics nationaux et les entreprises publiques ou privées dépositaires de secrets de la défense nationale, notamment parce qu’elles sont titulaires de marchés classés de défense nationale ou à clause de sécurité (33). En effet, l’instruction générale interministérielle n°1300 sur la protection du secret de la défense nationale du 25 août 2003 définit précisément les règles applicables en matière de gestion des éléments classifiés :

— les éléments classifiés « très secret défense » font l’objet de règles de protection draconiennes qui diffèrent selon les « classifications spéciales dont ils font l’objet et qui correspondent aux différentes priorités gouvernementales (34) ». Aucun service ou organisme ne peut gérer de tels éléments sans y avoir été préalablement autorisé par le Premier ministre. Pour chaque classification spéciale, il faut prévoir une « antenne d’utilisation » où sont conservés et traités les éléments classifiés « très secret défense ». Ces antennes d’utilisation font l’objet de mesure de contrôle et de protection renforcées et adaptées ;

— les éléments classifiés « secret défense » sont, en dehors des périodes d’utilisation, conservés dans des coffres-forts ou des armoires fortes à combinaisons multiples, si possible équipées d’un système d’alarme ou d’un compteur d’ouverture. Par ailleurs, l’article 77 de l’Instruction générale interministérielle n°1300 précise que chaque ministre veille à ce que des « zones réservées » (35) soient créées dans tous les services et organismes qui, de manière habituelle, élaborent, traitent reçoivent ou détiennent des éléments classifiés au niveau secret-défense. Ces « zones réservées » ne peuvent pas être créées en dehors des « zones protégées », fixées par arrêté du ministre, dont l’accès est interdit aux personnes non autorisées (article 413-7 du code pénal) ;

— les éléments classifiés « confidentiel défense »doivent être conservés dans des armoires fortes. L’article 77 de l’IGI n°1300 précise en outre : « Pour les informations ou supports protégés classifiés Confidentiel-Défense, ne pouvant pas être rangés dans un coffre-fort ou une armoire forte, une zone réservée peut être créée. Les autres informations ou supports protégés classifiés Confidentiel-Défense font l’objet de mesures appropriées dans un « local sécurisé » ou une « zone sécurisée » ».

Les règles posées par l’IGI n°1300 sont donc strictes et permettent déjà de limiter le nombre de lieux potentiellement concernés par la nouvelle procédure de perquisition.

● Le lieu doit par ailleurs être « précisément identifié ». Il ne suffit donc pas qu’une administration ou une entreprise dispose en son sein d’une zone réservée ou d’une zone sécurisée pour que l’ensemble de ses locaux relève des dispositions de l’article 56-4 du code de procédure pénale.

Ainsi, dans chaque administration ou entreprise dépositaire d’un secret de la défense nationale, seuls les locaux où sont effectivement entreposés les éléments classifiés, en application des dispositions réglementaires, sont concernés. À titre d’exemple, le secrétaire général de la défense nationale a indiqué que dans une préfecture, peu d’éléments classifiés sont détenus, le plan Vigipirate par exemple, et qu’ils sont généralement entreposés dans une ou deux pièces au maximum.

Certes, de par leur nature, certains services font, dans leur ensemble, l’objet de mesures de protection particulières et devraient donc relever entièrement de l’article 56-4. Tel est probablement le cas de l’administration centrale du ministère de la défense à Paris ou du secrétariat général de la défense nationale.

● L’application du dispositif est également conditionnée à l’existence d’une déclaration préalable à la CCSDN. En effet, le seul fait qu’un lieu abrite des éléments classifiés, une zone réservée dans un ministère par exemple, n’est pas suffisant. Encore faut-il que ces lieux aient fait l’objet d’une identification et d’une déclaration préalable à la CCSDN.

Le projet de loi ne précise pas les modalités de déclaration des lieux susceptibles d’abriter des éléments classifiés. La formulation retenue pourrait même laisser penser que le simple fait, pour le dépositaire d’un secret de la défense nationale, de déclarer à la CCSDN qu’un lieu est susceptible d’abriter des éléments classifiés entraînerait l’application du I. de l’article 56-4. Cette forme « d’auto déclaration » n’est bien entendue pas acceptable et ne correspond d’ailleurs pas à la volonté du Gouvernement. Le secrétaire général de la défense nationale a en effet indiqué à votre rapporteur qu’un décret en Conseil d’État devait venir préciser ces modalités de déclaration. Il est envisagé que le SGDN adresse une circulaire aux administrations concernées afin qu’elles recensent précisément les lieux qui pourraient relever de ce régime de perquisition dans les services relevant de leur compétence ou dans les entreprises dépositaires d’éléments classifiés en relation avec elles. Après avoir vérifié le bien fondé des lieux sélectionnés par les administrations, le SGDN, qui est un service du Premier ministre, établira alors la liste des lieux susceptibles d’abriter des éléments couverts par le secret défense.

Une fois la liste établie, celle-ci serait confiée à la CCSDN qui serait chargée d’informer les magistrats de la présence, ou non, sur cette liste d’un lieu où est envisagée une perquisition. Dans la mesure où le contenu de cette liste ne sera pas classifié, il sera possible d’organiser des modalités d’échanges entre CCSDN et magistrats relativement souples, par voie informatique par exemple. Néanmoins, votre rapporteur pour avis estime qu’il est indispensable de préciser dans la loi les conditions de détermination de cette liste afin de dissiper certaines inquiétudes légitimes. Ainsi, prévoir, comme le souhaite votre rapporteur pour avis, que la liste soit définie par arrêté du premier ministre comporte deux avantages :

— cela fait dépendre l’application de la nouvelle procédure de perquisition d’un acte juridique clairement identifiable et communicable aux magistrats ;

— cela impose au premier ministre de s’assurer du bien fondé des demandes d’inscription sur cette liste faites par les administrations.

La Commission est saisie de l’amendement CL 13 présenté par le rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement tend à préciser que la liste des lieux pouvant bénéficier de la procédure de perquisition prévue par le nouvel article 56-4 du code de procédure pénale est fixée par arrêté du premier ministre.

M. Dominique Raimbourg. Pourquoi ne pas prévoir que la liste soit dressée après avis conforme de la CCSDN ?

M. le rapporteur pour avis. Ce serait irréaliste, compte tenu du nombre de lieux que la CCSDN devrait visiter.

La Commission adopte l’amendement CL 13 et l’amendement CL 1 de M. Dominique Raimbourg est en conséquence déclaré sans objet.

La Commission adopte successivement les amendements CL 14 et CL 15 présentés par le rapporteur pour avis.

b) La procédure spécifique de perquisition applicable

● Des conditions à respecter

En cas de perquisition dans un tel lieu, la procédure sera très encadrée et devra impérativement respecter certaines conditions, dont la méconnaissance pourra entraîner la nullité de la procédure, comme le précise le IV de l’article    56-4 :

— la perquisition devra être réalisée par le magistrat lui-même, c'est-à-dire par un magistrat du parquet s’agissant d’une enquête de flagrance ou d’une enquête préliminaire, et par le juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire. La perquisition ne pourra donc pas être réalisée par un officier de police judiciaire, comme c’est la règle en matière de flagrance (article 56 du code de procédure pénale) et comme c’est la pratique habituelle dans le cas d’une information judiciaire, par la voie de la commission rogatoire (article 81 du code de procédure pénale). Pour autant, les magistrats qui procéderont à des perquisitions dans ces lieux pourront se faire assister d’officiers de police judiciaire. L’intervention obligatoire du magistrat constitue déjà la règle pour les perquisitions dans les lieux bénéficiant d’une procédure particulière en raison de la nécessité de protéger un secret (secret professionnel de l’avocat, du journaliste, du médecin…) ;

— la perquisition ne pourra être réalisée qu’en présence du président de la commission consultative du secret de la défense nationale ou de son représentant, membre de la CCSDN.

LA CCSDN

La Commission consultative du secret de la défense nationale est une autorité administrative indépendante, créée par la loi du 17 juillet 1998.

Elle comprend cinq membres :

— trois sont nommés pour six ans, dont le président et le vice-président, par le Président de la République sur une liste de six membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, établie conjointement par le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes ;

— un député et un sénateur. Depuis la création de la CCSDN, les choix des présidents des deux assemblées ont toujours permis la désignation d’un membre de la majorité et d’un membre de l’opposition.

La présence obligatoire du représentant de la CCSDN s’explique par le rôle particulier qui incombe à cette autorité administrative indépendante : permettre la meilleure conciliation possible entre les intérêts fondamentaux de la Nation et la recherche de la vérité dans les procédures judiciaires. Ainsi, la loi du 8 juillet 1998 a créé la CCSDN pour qu’elle donne un avis à l’autorité administrative sur la déclassification d’un document demandé par un magistrat dans le cadre d’une procédure de réquisition. Or, le législateur n’avait alors pas envisagé la possibilité de perquisitions susceptibles d’entraîner la saisie de documents classifiés. Dans la mesure où ceux-ci ne peuvent pas être consultés par le magistrat ou l’OPJ, une telle hypothèse semblait exclue. Pourtant, la pratique judiciaire a montré que certains magistrats procédaient à de telles perquisitions, susceptibles d’entraîner des compromissions du secret de la défense, que ce soit par les magistrats, ou par les gardiens de ces documents. Pour résoudre cette difficulté, il a donc semblé indispensable de faire intervenir la CCSDN le plus en amont possible de la perquisition. En effet, c’est ensuite cette instance qui sera chargée de donner au ministre un avis sur la déclassification éventuelle d’un document classifié saisi dans le cadre d’une perquisition.

Concrètement, avant de décider une perquisition, le magistrat devra prendre contact avec le président de la CCSDN afin d’établir la date et l’heure de la perquisition. En cas d’impossibilité, le projet de loi prévoit que le président peut se faire suppléer par un membre de la CCSDN (36). En effet, il est nécessaire que le déroulement d’une perquisition ne soit pas conditionné par les disponibilités du président de la CCSDN. Cette dernière devra donc probablement adapter ses modalités de fonctionnement, en mettant en place une permanence entre ses membres afin de ne pas retarder une éventuelle perquisition. À cet égard, le faible effectif de la CCSDN, dont deux membres sont par ailleurs parlementaires et donc peu facilement mobilisables sans préavis (37), pourrait être source de difficultés. Votre rapporteur pour avis estime (38) que cet effectif devrait être porté de cinq à sept, ce qui ne créerait aucune charge publique dans la mesure où, en dehors de son président et éventuellement de son vice-président, les membres de la CCSDN ne reçoivent pas d’indemnités (39) ;

— la perquisition ne pourra être effectuée qu’en vertu d’une décision écrite et motivée prise par le magistrat. Comme pour les perquisitions au cabinet ou au domicile d’un avocat, et comme cela est envisagé par le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes, la décision devra indiquer « la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons et l’objet de la perquisition ».

Actuellement, les perquisitions dans des lieux abritant des éléments classifiés ne font pas l’objet d’une motivation particulière, contrairement aux demandes de réquisition de documents qui doivent être motivées en application de l’article L. 2312-4 du code de la défense. Dans la mesure où les magistrats et leurs OPJ ne peuvent pas eux-mêmes consulter d’éventuels éléments classifiés découverts, il est essentiel que la perquisition soit motivée afin que l’autorité administrative soit à même de réunir les éléments susceptibles d’avoir un lien avec l’enquête. La nature secrète des éléments classifiés rend de toute façon largement inopérante, en l’absence de motivation, une perquisition dans un lieu abritant principalement des éléments classifiés puisque les enquêteurs ne peuvent pas procéder à une fouille approfondie de ces lieux. Cette motivation permettra par ailleurs surtout au président de la CCSDN ou à son représentant de jouer le rôle de filtre que lui assigne le projet de loi.

Votre rapporteur pour avis estime donc que la nécessité d’une décision motivée est justifiée, même s’il s’interroge sur les modalités de transmission de cette décision au président de la CCSDN. Le projet de loi précise que le magistrat adresse, préalablement à la perquisition, au président de la CCSDN cette décision écrite et motivée. Cette procédure se distingue donc de celle applicable en matière de perquisition au domicile ou au cabinet d’un avocat, dans laquelle le bâtonnier ne reçoit communication de la décision écrite et motivée qu’au début de la perquisition, et non en amont de celle-ci.

Cette distinction de régime ne semble pas justifiée, même si votre rapporteur pour avis ne partage pas les craintes exprimées au cours des auditions par certains magistrats, selon lesquelles cette information préalable du président de la CCSDN pourrait nuire à l’effet de surprise inhérent à la perquisition. En effet, soupçonner cette autorité administrative indépendante de partialité reviendrait à remettre en cause l’ensemble du dispositif de conciliation entre la préservation du secret de la défense nationale et les nécessités de la justice, mis en place par la loi du 17 juillet 1998. En tout état de cause, la transmission de l’information que constitue la décision de perquisition constituerait une violation du secret de l’instruction, tel que défini par l’article 11 du code procédure pénal, et dont le non-respect est puni par l’article 226-13 du code pénal d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Pour autant, si le président de la CCSDN a besoin de connaître la décision motivée du magistrat au cours de la perquisition afin de réaliser sa mission dans les meilleures conditions, il n’a pas besoin de connaître le contenu de cette décision avant le début de la perquisition. Dans la mesure où cette décision contient les motifs justifiant la perquisition, sa transmission préalable à une autorité administrative, même indépendante, pourrait donner à celle-ci un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité même de la perquisition, ce qui serait contraire au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Aussi, votre rapporteur pour avis considère que le président de la CCSDN ne devrait avoir communication du contenu de la décision écrite et motivée du magistrat qu’au début de la perquisition.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CL 16 présenté par le rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Je vous propose de rapprocher la procédure de perquisition sur celle qui est applicable en cas de perquisition au domicile ou au cabinet d’un avocat, en prévoyant que le président de la commission consultative reçoit communication de la décision écrite et motivée du magistrat au commencement de la perquisition, et non en amont de celle-ci.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Il n’est pas utile, en effet, que le président de la CCSDN connaisse le contenu de cette décision plus tôt. Il aura seulement besoin de connaître le jour et l’heure de la perquisition.

M. le rapporteur pour avis.  Il s’agit, je tiens à le souligner, d’aligner la procédure sur celle qui s’applique dans d’autres cas où le secret doit être préservé, et nullement de sembler tenir la CCSDN en suspicion. Si nous n’avions pas confiance dans nos autorités administratives indépendantes, nos institutions ne fonctionneraient pas.

La Commission adopte l’amendement CL 16 et l’amendement CL 2 de M. Dominique Raimbourg est en conséquence déclaré sans objet.

● Le déroulement de la perquisition

Le régime de la perquisition opérée dans un lieu susceptible d’abriter des éléments classifiés différera selon que la perquisition concerne ou non ces éléments classifiés. Dans tous les cas cependant, il est impératif de rappeler que le magistrat dirige seul les opérations de perquisition, rôle qui n’appartient donc pas au président de la CCSDN, dont le rôle est très précisément limité.

Pour tous les actes de perquisition ne concernant pas les éléments classifiés présents dans un lieu qui en abrite par ailleurs, la procédure de droit commun s’applique, à la seule différence que la perquisition est conduite par le magistrat lui-même, qui ne peut alors déléguer cette tâche à un officier de police judiciaire. En effet, la décision de recourir à la perquisition dans de tels lieux ne sera pas toujours motivée par la volonté de saisir des éléments classifiés présents dans ces lieux et en lien avec une infraction. La perquisition peut aussi s’expliquer par la nécessité de rechercher des éléments de preuve totalement étrangers au secret de la défense nationale, par exemple si une infraction de droit commun est commise dans ces lieux. Dans une telle hypothèse, le président de la CCSDN, ou son représentant, aura un rôle purement passif, assistant aux opérations de perquisition, sans y participer en aucune manière.

En revanche, dès que le magistrat s’intéressera à un élément classifié présent en ce lieu, le rôle du président de la CCSDN ou de son représentant deviendra central. La procédure se déroulera alors de la façon suivante :

— les documents classifiés seront consultés par le président de la CCSDN ou son représentant, qui disposent, contrairement aux magistrats, d’une habilitation au secret défense (40) et du besoin de connaître ces éléments. Le projet de loi prévoit que le président de la CCSDN pourra se faire assister de personnes habilitées à cet effet, qui pourront également consulter les documents classifiés, s’ils disposent du niveau d’habilitation suffisant. Ces personnes pourront être soit des collaborateurs de la CCSDN, comme le secrétaire général, ou des experts dans différents domaines, notamment informatiques ;

— au regard de la décision écrite et motivée que lui aura remis le magistrat, le président de la CCSDN triera les documents classifiés afin d’indiquer au magistrat les documents qui ont un lien avec les infractions sur lesquelles portent les investigations. À ce stade, il se prononcera uniquement sur l’existence d’un lien, sans s’interroger sur la justification de la classification ;

— avisé qu’un document classifié a un lien avec son enquête, le magistrat pourra le saisir (41), sans pouvoir toutefois le consulter. Pour autant, le président ne se substitue pas au magistrat qui garde seul le pouvoir de saisir un document ;

— les éléments saisis sont placés sous scellés et remis au président de la CCSDN qui en devient gardien ;

— la procédure de déclassification peut alors commencer dans les conditions de droit commun prévues par la loi du 17 juillet 1998. Pour avoir connaissance des documents et pouvoir les utiliser dans la procédure, le magistrat devra demander à l’autorité administrative la déclassification des éléments saisis pendant la perquisition. L’autorité administrative saisira alors sans délai la CCSDN pour qu’elle donne un avis. La seule différence avec la procédure de réquisition est qu’il ne reviendra pas à l’autorité administrative de réunir elle-même les documents demandés par le juge, puisque ceux-ci auront déjà été saisis et seront déjà sous la garde du président de la CCSDN. Une modification de l’article L. 2312-4 du code de la défense opéré par l’article 14 du projet de loi autorisera la commission ou le président de la CCSDN à procéder elle-même à l’ouverture des scellés (42). La commission pourra alors se prononcer, dans les deux mois, sur l’opportunité de la déclassification du document. Elle transmettra ensuite cet avis à l’autorité administrative qui disposera de quinze jours pour prendre sa décision.

Au total, la présence du président de la CCSDN ou de son représentant est de nature à combler la difficulté actuelle en matière de saisie d’éléments classifiés au cours d’une perquisition. En effet, n’étant pas autorisés à consulter de tels documents, les enquêteurs se trouvent face à une impasse juridique. S’ils consultent les documents afin de s’assurer qu’ils ont lien avec leur procédure, ils sont susceptibles d’être poursuivis pour compromission du secret de la défense nationale. Par ailleurs, ils mettent les responsables des lieux perquisitionnées dans une situation délicate, puisqu’eux-mêmes se mettent en position de compromission en permettant aux juges d’accéder à des documents classifiés.

Au contraire, si les enquêteurs respectent scrupuleusement le secret de la défense nationale, ils pourraient être conduits à saisir sans distinction un nombre élevé de documents classifiés, en espérant que celui qui les intéresse figurera parmi eux. Or, en agissant de la sorte, ils méconnaissent le principe de spécialité de la perquisition selon lequel les éléments saisis doivent être en lien avec l’infraction. Enfin, la dernière possibilité qui s’offre à eux, la seule juridiquement correcte, consiste pour les enquêteurs à demander aux responsables des lieux perquisitionnés de réunir les éléments liés à leur enquête puis de lancer la procédure de réquisition de ces documents : la valeur ajoutée de la perquisition par rapport à la réquisition est alors inexistante puisque c’est l’autorité administrative qui procède discrétionnairement au « tri ». Au contraire, avec la procédure envisagée par le projet de loi, ce tri, décisif, sera opéré par le membre d’une autorité administrative, lui-même membre de l’une des trois hautes juridictions françaises.

La Commission examine l’amendement CL 4 de M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Cet amendement permettra au magistrat de décider lui-même l’étendue de la saisie à laquelle il procède.

M. le rapporteur. Le projet de loi le prévoit déjà. Cet amendement présentant une difficulté grammaticale qui peut prêter à confusion, je préférerais qu’on en reste là.

M. Dominique Raimbourg retire alors l’amendement CL 4 ainsi que l’amendement CL 5.

2. Les perquisitions en cas de découverte fortuite d’éléments couverts par le secret de la défense nationale

L’objectif du projet de loi est de permettre aux perquisitions de se dérouler dans tous les cas sans provoquer de compromission du secret de la défense nationale. La présence obligatoire du président de la CCSDN lorsque la perquisition doit avoir lieu dans un lieu inscrit sur la liste des lieux abritant des éléments classifiés permettra d’atteindre cet objectif dans la quasi-totalité des cas. En effet, compte tenu des règles de conservation des éléments classifiés, un enquêteur ne devrait normalement pas rencontrer de tels documents si la perquisition se déroule dans un lieu se trouvant en dehors de la liste.

Néanmoins, cette hypothèse ne peut pas être exclue et le projet de loi devait en tenir compte, tel est l’objet du II. du nouvel article 56-4 du code pénal qui s’appliquera :

— lorsqu’une information classifiée se trouve, régulièrement, dans un lieu non prévu par la liste. Cette liste a pour vocation de réunir l’ensemble des lieux de stockage des éléments classifiés, mais il est possible qu’elle ne soit pas entièrement exhaustive, s’agissant notamment des informations « confidentiel défense » dont les conditions de conservation sont moins strictes. En outre, des documents classifiés peuvent, tout à fait régulièrement, être déplacés en dehors de leur lieu de stockage, au cours d’une réunion par exemple ;

— lorsqu’une information classifiée se trouve irrégulièrement en dehors de son lieu de conservation réglementaire. Une telle soustraction constitue une compromission du secret de la défense nationale, mais des affaires récentes montrent qu’elles ne sont pas exceptionnelles : des documents classifiés ont par exemple été retrouvés dans les archives privées d’agents publics, de responsables politiques ou de salariés d’entreprise sous contrat avec l’État ;

— lorsqu’un élément découvert par le juge a l’apparence d’une information classifiée. En effet, le strict respect de la loi exige qu’un enquêteur s’abstienne de consulter un document du seul fait que celui-ci contient un marquage indiquant qu’il est classifié. Si ce marquage constitue un faux, il n’aura aucun moyen de le savoir.

En cas de découverte fortuite d’éléments classifiés, ou supposés tels, le projet de loi prévoit que la perquisition est immédiatement interrompue. Si la perquisition est conduite par un officier de police judiciaire, ce qui est le cas dans l’immense majorité des cas, il doit en informer le magistrat, lequel doit ensuite prévenir le président de la CCSDN. La perquisition ne peut ensuite reprendre qu’à l’arrivée du magistrat — procureur ou juge d’instruction selon les cas — et du président de la CCSDN ou de son représentant. La perquisition est alors conduite par le magistrat, le représentant de la CCSDN étant chargé de consulter les éléments classifiés découverts afin d’indiquer au magistrat s’ils ont lien avec l’enquête. Dans cette hypothèse, le magistrat peut les saisir et entamer une procédure de déclassification.

Les auditions conduites par votre rapporteur, notamment auprès des praticiens des perquisitions (magistrats, avocats, policiers) lui ont fait prendre conscience que la procédure envisagée entraînerait une entrave au bon fonctionnement de la justice, disproportionnée par rapport aux avantages qu’elle procure en termes de protection du secret de la défense nationale. Cette procédure ne permet pas d’atteindre le nécessaire équilibre entre défense des intérêts fondamentaux de la Nation et recherche des auteurs d’infraction pénale. En effet, il n’est pas acceptable que le fait de s’être rendu coupable d’une compromission du secret de la défense nationale, voire d’avoir élaboré un faux document classifié, entraîne l’interruption de l’ensemble des opérations de perquisition. Bien évidemment, celle-ci doit cesser à l’égard des éléments classifiés découverts puisque ceux-ci ne doivent être consultés ni par le magistrat ni par les OPJ. En revanche, interrompre entièrement la perquisition entraînerait des conséquences très graves sur la suite de la procédure. Dans une telle hypothèse, l’interruption pourrait être relativement longue puisqu’il faudrait pouvoir joindre et faire venir non seulement le magistrat en charge du dossier mais aussi le président de la CCSDN ou son représentant. À titre d’exemple, l’un des cas récents de découverte fortuite d’un élément classifié a eu lieu à Fort de France.

L’interruption, pendant une durée qui peut être assez longue de la perquisition, a pour conséquence de faire perdre tout effet de surprise à la perquisition. D’éventuels complices peuvent alors en profiter pour faire disparaître des preuves auxquelles les enquêteurs auraient été conduits à s’intéresser compte tenu des résultats de la perquisition. En outre, dans le cas d’une perquisition décidée dans le cadre de la garde à vue, l’interruption de la perquisition pourra empêcher de découvrir des éléments qu’il peut être décisif de confronter à la personne gardée à vue pendant le temps de la garde à vue. La préservation légitime du secret défense ne doit pas conduire à entraver des enquêtes criminelles, à l’origine tout à fait étrangères au secret défense.

Votre rapporteur pour avis estime donc que l’interruption de la perquisition, en cas de découverte fortuite d’éléments classifiés, ne doit être prescrite qu’à l’égard de ces seuls éléments classifiés. Les enquêteurs devraient ainsi les placer sous scellés fermés provisoires, qui seront ouverts par le représentant de la CCSDN à son arrivée. Si le document s’avère avoir un lien avec l’infraction, le juge pourra le saisir et demander sa déclassification. Si tel n’est pas le cas, le document pourra être rendu à son gardien si sa présence en ces lieux est régulière. En cas de compromission, il appartiendra au magistrat d’informer le procureur de la République territorialement compétent qui pourra ouvrir une procédure incidente pour violation des dispositions pénales relatives au secret de la défense nationale.

M. Dominique Raimbourg retire l’amendement CL 6 au profit de l’amendement CL 18 du rapporteur pour avis.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL 17 du rapporteur pour avis.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 18 du même auteur.

M. le rapporteur pour avis. En cas de découverte fortuite d’éléments classifiés, le projet de loi prévoit que la perquisition doit être interrompue. Comme je l’ai déjà indiqué, cette solution me paraît tout à fait disproportionnée. Mon amendement vise à n’interrompre les actes liés à la perquisition qu’à l’égard des seuls éléments classifiés qui auraient été découverts.

La Commission adopte cet amendement.

3. Des perquisitions très encadrées dans les nouveaux « lieux classifiés »

Le III. du nouvel article 56-4 du code de procédure pénale innove en prévoyant une procédure de perquisition spécifique dans les futurs lieux classifiés, créés par l’article 13 du présent projet de loi par l’insertion d’un article 413-9-1 dans le code pénal (43).

Actuellement, les enquêteurs ne peuvent se voir refuser l’accès à un lieu que dans des cas exceptionnels (44). En effet, l’article 94 du code de procédure pénale dispose que « les perquisitions sont effectuées dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité ». Certes, lorsque les perquisitions ont lieu dans une enceinte militaire (45), l’article 698-3 du code de procédure pénale prévoit que celles-ci doivent être précédées de réquisitions adressées par le magistrat à l’autorité militaire, qui est tenue de s’y soumettre.

● Ainsi, l’accès des magistrats ne peut être limité dans aucune enceinte, quelle que soit la sensibilité des activités et installations qu’elle abrite. Pour autant, il ressort des auditions menées par votre rapporteur pour avis qu’aucune perquisition ne semble jamais avoir été décidée dans un lieu correspondant aux critères de définition des futurs lieux classifiés. Les représentants des organisations professionnelles de magistrats ont par exemple reconnu que l’organisation d’une perquisition dans de tels lieux pourrait poser de véritables difficultés. Ils seraient ainsi prêts à admettre que des sites particulièrement sensibles puissent faire l’objet de mesures destinées à en restreindre l’accès, même s’ils contestent vigoureusement la procédure de classification des lieux prévue par le projet de loi ainsi que les modalités de perquisition dans ces lieux.

● Les perquisitions dans les lieux classifiés ne seront cependant pas impossibles, même si elles pourront, dans certaines circonstances, être empêchées. Un magistrat souhaitant effectuer une perquisition dans un lieu classifié devra donc suivre la procédure suivante :

— le magistrat (46) devra d’abord s’assurer auprès du président de la CCSDN qu’un lieu où il envisage de perquisitionner figure sur la liste, secrète, des lieux classifiés (47). Une telle précaution ne sera nécessaire que si ce lieu est utilisé pour mener des activités très sensibles, comme des activités de renseignement ou liées aux armements nucléaires. Si un magistrat omet de prendre cette précaution, il pourra alors se voir interdire l’accès au lieu classifié. Il lui appartiendra alors de faire appel au président de la CCSDN : la procédure se poursuivra alors selon le schéma décrit ci-dessous, mais son effet de surprise en sera considérablement amoindri ;

— si le lieu s’avère effectivement classifié, le magistrat adressera au président de la CCSDN une décision écrite et motivée indiquant la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci. Dans cette hypothèse, votre rapporteur pour avis considère qu’il est légitime de transmettre au président de la CCSDN le contenu de la décision écrite et motivée en amont de la perquisition. En effet, contrairement à la procédure envisagée pour les lieux susceptibles d’abriter des éléments classifiés, la connaissance de cette décision sera nécessaire au président de la CCSDN avant même le début de la perquisition, dans le cadre de la procédure de déclassification du lieu ;

— parallèlement aux formalités préalables à la perquisition, le magistrat doit demander la déclassification temporaire des lieux aux fins de perquisition à l’autorité administrative chargée de la classification. Le projet de loi ne précise pas quelle sera cette autorité, mais votre rapporteur pour avis estime que ce devrait être le Premier ministre (48). Les services du Premier ministre devront veiller au respect du secret de l’instruction, ce qui signifie ne pas prévenir les responsables des lieux concernés qu’une perquisition y est envisagée, afin de conserver l’effet de surprise si le lieu est finalement déclassifié ;

— presque simultanément à la saisine du magistrat, l’autorité administrative recevra l’avis du président de la CCSDN sur l’opportunité de la déclassification (49). En effet, afin d’accélérer la procédure, le projet de loi déroge à la règle instaurée par la loi du 17 juillet 1998 selon laquelle la CCSDN est saisie par l’autorité administrative, et non directement par l’autorité judiciaire. Ainsi, la décision de perquisition du magistrat vaudra saisine du président de la CCSDN. Dans la mesure où le projet de loi précise également que celui-ci doit rendre son avis « sans délai », cela signifie en pratique qu’une éventuelle décision de déclassification pourra être prise dans de très brefs délais, sans retarder excessivement les opérations de perquisition et anéantir tout effet de surprise.

Néanmoins, pour atteindre cet objectif essentiel, il est indispensable d’encadrer les délais dans lesquels l’autorité administrative rendra sa décision, à la suite de l’avis qui lui aura été remis. En effet, le président de la CCSDN, interrogé par votre rapporteur, a souligné l’absence d’obligations pesant sur l’autorité administrative quant à son délai de réponse. Votre rapporteur pour avis estime que ces délais doivent être fortement encadrés. Si la pratique observée dans le domaine de la déclassification des documents est suivie en matière de déclassification des lieux, l’avis de la CCSDN devrait pratiquement toujours être suivi, il importe donc que le délai séparant cet avis de la décision de déclassification soit la plus courte possible ;

— dans le cas d’une décision de déclassification (50) prise par l’autorité administrative, la perquisition pourra avoir lieu dans les conditions prévues pour les lieux susceptibles d’abriter des éléments classifiés. La perquisition se déroulera donc en présence du président de la CCSDN ou de son représentant, qui pourra seul consulter d’éventuels éléments classifiés afin de permettre au magistrat de les saisir et d’en demander la déclassification. Cependant, dans la pratique, il est probable qu’une perquisition dans un tel lieu aura plutôt pour objet de rassembler des preuves concernant des infractions de droit commun qui y auraient eu lieu. Le président de la CCSDN ou son représentant aura alors un rôle passif. En effet, compte tenu du caractère très complexe de la procédure de perquisition dans ces lieux, un magistrat dont l’objectif serait prioritairement de saisir des éléments classifiés qui s’y trouvent aurait probablement intérêt à privilégier la procédure de réquisition. D’ailleurs, votre rapporteur pour avis note que ces deux procédures ne sont pas exclusives : un magistrat qui n’obtient pas la déclassification des lieux où il entend perquisitionner pourra ainsi demander la communication de documents s’y trouvant, par la voie de la réquisition.

La Commission adopte l’amendement CL 19 de précision du rapporteur pour avis.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 20 du même auteur.

M. le rapporteur pour avis. Dans les lieux classifiés, la perquisition ne peut avoir lieu qu’à l’issue d’une déclassification prononcée par l’autorité administrative. Or, la loi ne fait mention d’aucun délai. Mon amendement précise que l’administration devra faire connaître « sans délai » sa décision, tandis que l’amendement CL 7 de M. Dominique Raimbourg fait référence à un « délai raisonnable »…

M. Dominique Raimbourg. Assorti d’une sanction : une fois ce délai dépassé, la déclassification sera réputée acquise.

M. le rapporteur pour avis. C’est aller un peu loin. Les décisions de classifier et de déclassifier sont des pouvoirs propres de l’autorité administrative. Un mécanisme de substitution automatique me semble donc inapproprié. D’ailleurs, on ne peut pas imaginer que le ministre ne se prononcera pas.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je rappelle que nous devons concilier deux objectifs : la manifestation de la vérité, mais aussi la préservation des secrets les plus importants du pays. J’ajoute que la déclassification doit faire l’objet d’une décision formelle.

En revanche, je suis d’accord pour préciser que la décision doit être prise « sans délai » - c’est d’ailleurs, au plan juridique, la formulation la plus contraignante qui soit.

La Commission adopte l’amendement CL 20 du rapporteur pour avis.

M. Dominique Raimbourg retire l’amendement CL 7.

La Commission adopte ensuite l’amendement CL 21, de coordination, présenté par le rapporteur pour avis.

Le IV du texte proposé pour l’article 56-4 du code de procédure pénale indique que la méconnaissance des prescriptions posées par cet article est une cause de nullité de l’ensemble de la procédure.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 ainsi modifié.

Article 13

(art. 413-9 à 413-11 ; art. 413-9-1, 413-10-1 et 413-11-1 [nouveaux] du code pénal)


Création d’une procédure de classification des lieux — précision des éléments constitutifs de l’atteinte au secret de la défense nationale

L’article 13 opère les modifications au code pénal rendues nécessaires par les évolutions du cadre juridique du secret-défense introduites par le présent projet de loi.

Le I. de l’article 13 apporte des coordinations nécessaires, mais également des modifications plus substantielles, aux articles 413-9 à 413-11 qui constituent la section II (Des atteintes au secret de la défense nationale) du chapitre III du titre Ier du Livre IV du code pénal :

le 1° apporte une modification terminologique à la liste des éléments constitutifs de l’atteinte au secret de la défense nationale. Le champ d’application du secret de la défense nationale recouvre « les renseignements, objets, documents, procédés, données informatisées ou fichiers ».

Le projet de loi supprime tout d’abord, dans les articles 413-9 à 413-11, le mot « renseignement » afin de le remplacer par celui d’« information » (51). D’après le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale : « Le renseignement a pour objet de permettre aux plus hautes autorités de l’État, à notre diplomatie, comme aux armées et au dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile, d’anticiper et, à cette fin, de disposer d’une autonomie d’appréciation, de décision et d’action ». Il précise également que « L’acquisition du renseignement résulte de plusieurs ensembles qui seront étroitement associés : le recueil de l’information sur le terrain, au moyen de sources humaines ou de « capteurs techniques » ; l’action des services de renseignement, civils et militaires ; l’action des unités militaires spécialisées. Dans tous les cas, l’information est exploitée, c’est-à-dire croisée, synthétisée et analysée, puis transmise en fonction de son intérêt aux décideurs » (52).

Il résulte de cette définition qu’un renseignement est un « produit » élaboré, ayant fait l’objet d’un traitement afin notamment d’évaluer la crédibilité d’une information donnée par une source humaine ou acquise par des moyens techniques. La référence aux seuls renseignements est donc assez restrictive, ne permettant pas de protéger, en les classifiant, des informations brutes récoltées par les services de renseignement. Pourtant, la protection de ces informations est absolument essentielle car elle conditionne la crédibilité d’un service : la règle du « tiers exclu », fondement des échanges dans le domaine du renseignement interdit ainsi à un service de transmettre à un tiers une information qui lui a été donnée par un autre service sans l’autorisation de ce dernier. Quant à la survie même des sources d’un service de renseignement, elle résulte directement de leur anonymat. Pourtant, les sources ne produisent pas directement du « renseignement », mais seulement des « informations » qu’il faudra ensuite traiter. Il en est parfois de même des informations données par d’autres services. Ainsi, compte tenu de la définition retenue par le livre blanc, la modification terminologique induite par le projet de loi est justifiée. En outre, le terme « information » est celui utilisé par la loi du 17 juillet 1998, aujourd’hui codifiée à l’article 2312-4 du code de la défense, pour décrire la procédure de déclassification et de communication des « informations protégées au titre du secret de la défense nationale ». Enfin, ce terme est également utilisé dans le domaine de la coopération internationale en matière de renseignement (53).

Le 1° de l’article 13 a aussi pour effet d’ajouter les « réseaux informatiques » à la liste des éléments pouvant faire l’objet d’une classification. Certes, le code pénal permet déjà la classification de « données informatisées » et de « fichiers ». Mais, l’adaptation de notre dispositif de protection du secret-défense aux nouvelles technologies rend nécessaire la classification de réseaux informatiques dans leur ensemble, ceux-ci n’étant pas seulement constitués de données informatisées et de fichiers ;

le 2° remplace, à l’article 413-9 du code pénal, la référence à des « mesures de protection » des éléments qui peuvent être classifiées par celle de « mesures de classification ». La référence actuelle est en effet source de confusion avec les termes de l’article 413-7 du code pénal qui punit les intrusions sans autorisation « à l'intérieur des locaux et terrains clos dans lesquels la libre circulation est interdite et qui sont délimités pour assurer la protection des installations, du matériel ou du secret des recherches, études ou fabrications ». De plus, l’article R. 413-1 qualifie ces lieux de « zones protégés ». Pourtant, ces zones ne concernent pas seulement la protection de lieux abritant des secrets de la défense nationale, mais aussi toute sorte d’installations, notamment militaires, dont l’accès doit être réglementé pour d’autres raisons que la protection du secret (un aérodrome militaire par exemple). Le terme de « classification » est d’ailleurs celui utilisé par le décret n°98-608 du 17 juillet 1998 relatif à la protection des secrets de la défense nationale pour décrire les différents types de protection des informations ou supports protégés. Il décrit, mieux que le terme de protection, le critère permettant de reconnaître un élément couvert par le secret de la défense nationale, à savoir l’apposition d’un marquage sur le support de l’information.

Par ailleurs, le 2° complète le premier alinéa de l’article 413-9, en précisant que les mesures de classification peuvent être prises non seulement pour restreindre la diffusion d’un élément sensible, mais également son accès. Cette précision était nécessaire, en raison de l’inclusion des réseaux informatiques dans la liste des éléments qui peuvent être classifiés. Afin d’assurer le respect du secret, il est nécessaire d’interdire tout accès à ces réseaux. Pour les mêmes raisons, le de l’article 13 du projet de loi modifie le deuxième alinéa de l’article 413-9, les et modifient l’article 413-10 et le modifie l’article 413-11, afin d’ajouter une référence à l’interdiction « d’accéder à des éléments classifiés » ;

— Le 6° apporte une autre modification à l’article 413-11 qui incrimine les atteintes au secret défense nationale par les personnes qui n’en sont pas dépositaires. Ainsi, sera dorénavant punie la simple « prise de connaissance » d’un secret de la défense nationale, alors que sont seulement aujourd’hui réprimés le fait de s’en assurer la possession, leur destruction, soustraction ou reproduction ou le fait de les porter à la connaissance du public. Cette modification répond à une incertitude soulevée par le Conseil d’État dans son avis du 5 avril 2007, lorsqu’il indiquait qu’il « n’existe aucune certitude juridique sur le régime juridique applicable en cas de prise de connaissance de ces documents par l’autorité judiciaire et, notamment, sur l’application des dispositions de l’article 413-11 du Code pénal, qui punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende « le fait, par toute personne non visée à l’article 413-10, de s’assurer la possession d’un renseignement, procédé, objet, document, donnée informatisée ou fichier qui présente le caractère d’un secret de la défense nationale... ».

De la sorte, il sera clairement établi que les magistrats ou OPJ découvrant un élément classifié ne sauraient prendre connaissance de son contenu. Toutefois, afin de protéger les enquêteurs contre d’éventuelles poursuites abusives en cas de prise de connaissance partielle et accidentelle d’un élément classifié, le projet de loi précise que l’incrimination ne concerne qu’une prise de connaissance faite « sciemment ». L’utilité de cette précision n’est cependant pas évidente car il ne semble pas que cette incrimination relève des exceptions prévues par l’article  121-3 du code pénal au principe selon lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».

La Commission examine l’amendement CL 22 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Afin de protéger les enquêteurs contre des poursuites abusives en cas de prise de connaissance partielle et accidentelle d’un élément classifié, le projet de loi précise que l’infraction doit avoir été « sciemment » commise.

L’article L. 413-10 ne faisant pas exception au principe posé par l’article L. 121-3 du Code pénal, aux termes duquel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre », cette précision est non seulement inutile, mais également source de confusion. L’amendement tend donc à la supprimer.

La Commission adopte cet amendement.

Le II. de l’article 13 insère dans le code pénal trois nouveaux articles, 413-9-1, 413-10-1 et 413-11-1 constituant le fondement législatif de la classification des lieux.

art. 413-9-1 [nouveau] du code pénal

Création de lieux classifiés

Les critères actuels de classification sont essentiellement formels. Sont classifiés les éléments ayant fait l’objet d’une mesure de marquage appropriée. Ainsi, quelle que soit la nature réellement sensible d’un document, le seul fait d’avoir reçu un marquage en fait un document classifié, protégé par les articles 413-9 à 413-11 du code pénal. À l’inverse, un élément ultrasensible n’ayant fait l’objet d’aucun marquage indiquant sa qualité d’élément classifié ne sera pas protégé contre d’éventuelles compromissions.

Cette situation préoccupe notamment les services de renseignement qui considèrent que, par nature, certaines de leurs activités doivent être entourées d’une confidentialité totale. Cette analyse rejoint en partie celle de l’avis du Conseil d’État du 5 avril 2007 lorsqu’il indique qu’il incombe au juge d’instruction « de respecter la nécessité impérieuse d’éviter tout risque de compromission du secret de la défense nationale, compromission qui pourrait résulter du seul fait de sa présence dans cette zone [protégée au titre de l’article 413-7 du code pénal] ». La possibilité de connaître un secret de la défense nationale par la seule présence dans certains lieux a donc conduit le Gouvernement à proposer de pouvoir classifier certains lieux.

Le nouvel article 413-9-1 du code pénal permet donc au Gouvernement de classifier certains lieux, dont l’accès sera dès lors conditionné à la possession d’une autorisation accordée par l’autorité de classification, équivalente à l’habilitation pour l’accès aux documents, et du besoin d’accéder en ces lieux.

● Les critères de classification des lieux

Cependant, contrairement à la règle applicable en matière de classification des documents, la classification des lieux ne relèvera pas de la seule appréciation souveraine et subjective de l’autorité administrative, mais devra résulter de l’existence de critères objectifs répondant à une définition matérielle fixée par la loi.

Les lieux pouvant être classifiés sont ceux « auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu’ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d’un secret de la défense nationale ». Cette définition signifie que certaines installations ou activités doivent par nature rester secrètes car le fait même de pénétrer dans les locaux où elles sont abritées permet d’avoir connaissance d’informations très sensibles dont la divulgation serait de nature à nuire aux intérêts fondamentaux de la Nation.

D’après les informations données à votre rapporteur pour avis, il s’agit des lieux où s’exercent certaines activités opérationnelles secrètes dans le domaine du renseignement ou de la dissuasion nucléaire par exemple. Il s’agit également de lieux où sont stockés des équipements, où sont menés des programmes de recherche dont l’existence même, ou du moins les caractéristiques techniques, ne doivent pas être divulguées : le fait même de pénétrer dans les installations de décryptage d’un service de renseignement permet de connaître les capacités de ce service dans ce domaine. Les responsables gouvernementaux rencontrés par votre rapporteur pour avis ont estimé, sans avoir fait une analyse approfondie, que cette liste pourrait compter entre dix et quinze sites. L’autorité administrative n’aurait d’ailleurs pas intérêt à retenir une conception trop extensive des lieux classifiés, compte tenu des mesures de protection particulières auxquelles ces lieux seront soumis : il sera notamment impossible d’y pénétrer sans bénéficier de l’autorisation adéquate, accordée au terme d’une procédure lourde comprenant une enquête de sécurité. De simples bureaux, y compris ministériels, ne pourraient donc pas être classifiés sans que cela n’entraîne des contraintes pratiques difficilement supportables.

● L’élaboration de la liste des lieux classifiés

Le président de la CCSDN, M. Jacques Belle, considère la définition retenue comme relativement restrictive et adaptée, dès lors que la liste des lieux classifiés répondrait effectivement aux critères posés par cette définition. Or, en l’état, le projet de loi renvoie la question des conditions de classification des lieux à un décret en Conseil d’État. D’après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, il serait envisagé que cette liste soit établie par le Premier ministre, après avis de la CCSDN. Cette procédure semble insuffisante pour assurer le respect effectif des critères de classification établis par l’article 413-9-1 du code pénal. En effet, la décision de classification d’un lieu par le Premier ministre sera elle-même une information classifiée puisque la connaissance même de l’existence et de la localisation précise de ces lieux doit rester secrète. Dès lors, la décision du Premier ministre ne pourra faire l’objet d’aucun recours juridictionnel. Elle ne pourra pas non plus être contestée politiquement dans le cadre du débat démocratique (54).

Dans ces conditions, afin de s’assurer du respect des critères de classification définis par la loi et de limiter le nombre de lieux classifiés, un simple avis de la CCSDN n’est pas suffisant puisqu’un éventuel avis négatif ne pourrait même pas être rendu public. La classification d’un lieu devrait donc pouvoir être approuvée par la CCSDN, qui dispose de l’expertise juridique et des habilitations nécessaires pour réaliser cette tâche. Dans ces conditions, il serait nécessaire de soumettre la décision du premier ministre à un avis conforme de la CCSDN. Soumettre le pouvoir réglementaire à l’avis conforme d’une commission administrative est une pratique extrêmement fréquente en droit administratif français, dans les domaines les plus divers. Conférer un tel pouvoir à une autorité administrative indépendante n’est pas non plus exceptionnel : l’autorité des marchés financiers ou le conseil supérieur de l’audiovisuel disposent par exemple d’un tel pouvoir (55).

Votre rapporteur pour avis ne considère pas non plus qu’une telle procédure d’avis conforme remettrait en cause les règles traditionnelles de la classification. En effet, la procédure de classification des lieux présente de fortes différences avec celle des documents qui relève de la seule appréciation subjective de l’autorité administrative et doit donc rester de sa seule responsabilité. Pour classifier un lieu, à l’inverse, certaines conditions objectives établies par la loi doivent être réunies, il est donc normal d’encadrer le pouvoir d’appréciation de l’autorité administrative.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, elle adopte ensuite l’amendement CL 8, rédactionnel, de M. Dominique Raimbourg.

Puis, elle examine l’amendement CL 23 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Étant secrète, la liste des lieux classifiés ne ferait l’objet d’aucun contrôle en l’état actuel du texte. À la différence de la classification d’un document, qui relève d’une appréciation subjective, la classification d’un lieu correspond pourtant à certains critères objectifs, qui doivent être réunis. Cet amendement tend à ce que la liste des lieux classifiés soit soumise à un avis conforme de la Commission consultative du secret de la défense nationale.

La Commission adopte cet amendement.

● Les conditions de l’information des magistrats concernant l’inscription d’un lieu sur la liste des lieux classifiés

Au cours des auditions, l’attention de votre rapporteur pour avis a été appelée, tant organisations professionnelles de magistrats que par le président de la CCSDN, sur les modalités de transmission aux magistrats de l’information classifiée que constitue l’inscription d’un lieu sur la liste des lieux classifiés. Cette question est renvoyée par le projet de loi à un décret en Conseil d’État. Il préciserait notamment que la CCSDN sera dépositaire de la liste des lieux classifiés et sera chargée de répondre aux interrogations des magistrats envisageant une perquisition dans un lieu qu’ils pensent pouvoir figurer sur la liste.

Le président de la CCSDN a insisté sur la nécessité d’un dispositif lui permettant de vérifier la qualité d’un magistrat lui faisant une telle demande. Le directeur des affaires criminelles et des grâces, M. Jean-Marie Huet, a indiqué à votre rapporteur pour avis que sa direction serait probablement chargée de donner cette information à la CCSDN. Une circulaire pourra venir préciser les modalités concrètes du dispositif.

En revanche, il est nécessaire qu’une disposition de nature législative autorise le président de la CCSDN à transmettre, et inversement les magistrats à recevoir, l’information classifiée que constitue la présence d’un lieu sur liste des lieux classifiés. En l’absence d’une telle disposition, la transmission de cette information à une personne non qualifiée constituerait une compromission du secret de la défense nationale. L’article 413-9-1 du code pénal doit donc prévoir expressément que les magistrats seront informés par le président de la commission consultative du secret de la défense nationale qu’un lieu fait l’objet d’une mesure de classification.

La Commission est saisie d’un amendement CL 24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. La liste des lieux classifiés sera elle-même un document classifié. Porter à la connaissance d’une personne non habilitée un élément de cette liste constituera donc une compromission du secret de la défense nationale.

Toutefois, les magistrats auront besoin de savoir si certains lieux font l’objet d’une classification. Afin d’éviter tout risque de poursuite, cet amendement précise que le président de la CCSDN, saisi par un magistrat envisageant une perquisition, pourra informer ce dernier qu’un lieu est classifié.

La Commission adopte cet amendement.

art. 413-10-1 [nouveau] du code pénal

Sanctions pénales encourues par les gardiens d’un lieu classifié

L’article 413-10-1 nouveau du code pénal s’inspire de l’article 413-10 qui punit les violations aux règles du secret défense commises par les dépositaires d’un tel secret. De la même façon, l’article 413-10-1 prévoit que le gardien d’un lieu classifié peut encourir des sanctions pénales.

Le premier alinéa de l’article 413-10-1 punit ainsi de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait pour le gardien d’un lieu classifié d’en permettre l’accès à une personne non qualifiée. Les peines encourues sont les mêmes que celles applicables en cas d’atteintes volontaires au secret défense par le dépositaire d’un tel secret.

Par ailleurs, comme le fait l’article 413-10, l’accès à une personne non autorisée est constitutif d’un délit non intentionnel rendu possible par imprudence ou par négligence de la part du gardien de ce lieu. Le respect des règles de sécurité par le gardien d’un tel lieu est un impératif qui justifie en effet que soit sanctionné un comportement non intentionnel. Cependant, dans une telle hypothèse, les sanctions sont moins lourdes (trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende) et sont, là aussi, calquées sur les règles applicables en cas d’atteinte au secret défense par un dépositaire.

art. 413-11-1 [nouveau] du code pénal

Sanctions pénales encourues par les tiers en cas de violation des règles relatives à la classification des lieux

L’article 413-11-1 définit les sanctions pénales applicables aux atteintes aux lieux classifiées perpétrées par les personnes « non qualifiées », c'est-à-dire par les personnes qui ne sont pas autorisées à accéder à ces lieux.

Une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, identique à celles prévues par l’article 413-11, est donc encourue dans les cas suivants :

— lorsqu’une personne qui n’y est pas autorisée pénètre dans un tel lieu. Cette sanction ne sera cependant applicable que si l’action a été commise intentionnellement. Compte tenu des mesures spécifiques de sécurité applicables dans ces lieux, l’hypothèse d’une pénétration non intentionnelle dans un lieu classifié semble cependant peu probable.

Par ailleurs, aucun délit ne pourra être constaté si des personnes, par exemple appartenant à des services de secours, doivent accéder à ces lieux en état de nécessité. En effet, l’article 122-7 du code pénal prévoit que « n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien » ;

— lorsqu’une personne non qualifiée porte à la connaissance du public ou d’une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu’un tel lieu abrite. Il s’agit d’assurer la protection des secrets abrités dans ces lieux, au-delà des seuls éléments (documents, fichiers informatiques…) classifiés qui s’y trouvent. Par exemple, révéler le nombre de sous-marins nucléaires lanceurs d’engin subissant des opérations de maintenance constituera une compromission du secret de la défense nationale. Cette disposition s’appliquera notamment aux personnes ayant participé à une perquisition dans ces lieux, à la suite d’une décision de déclassification temporaire. En revanche, cette sanction ne semble paradoxalement pas applicable, en l’état actuel du texte, aux personnes qualifiées, c'est-à-dire celles qui sont autorisées à pénétrer dans ces lieux, et donc les plus à même d’avoir une connaissance précise des installations ou activités qui y sont abritées ;

La Commission examine l’amendement CL 25 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi ne réprime pas le fait, pour une personne qualifiée, de porter à la connaissance du public un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu’un lieu classifié abrite. Cet amendement tend à réparer cet oubli.

La Commission adopte cet amendement.

— lorsqu’une personne non qualifiée détruit tout ou partie d’un tel lieu. Le projet de loi ne prévoit pas de sanctions analogues en cas de destruction par une personne qualifiée. En fait, prévoir une incrimination particulière en cas de destruction d’un lieu classifiée n’est pas forcément utile, compte tenu des sanctions déjà applicables en cas de destruction d’un bien. L’article L. 322-2 du code pénal punit de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende la destruction de bien public ou appartenant à une personne chargée d’une mission de service public. Si la destruction d’un bien est provoquée par une substance explosive, un incendie ou tout autre moyen dangereux pour les personnes, les peines encourues sont de dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende (56).

En conséquence, la Commission adopte l’amendement CL 26, de cohérence, du rapporteur pour avis.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 ainsi modifié.

Après l’article 13

M. Dominique Raimbourg retire l’amendement CL 12, satisfait par l’amendement CL 23 du rapporteur pour avis.

Article 14

(art. L. 2312-1, L. 2312-4, L. 2312-5 et L. 2312-7 du code de la défense)


Coordinations liées aux nouveaux pouvoirs de la CCSDN

La loi n°98-567 du 8 juillet 1998 instituant une Commission consultative du secret de la défense nationale a été codifiée aux articles L. 2312-1 à L. 2312-8 du code la défense. Le présent projet de loi complétant le dispositif mis en place en 1998 en ce qui concerne les perquisitions, il est nécessaire de modifier les pouvoirs de la CCSDN, tels qu’ils sont établis par le code de la défense.

Le de l’article 14 insère un alinéa supplémentaire à l’article L. 2312-1 du code de la défense. Cet article institue la CCSDN comme autorité administrative indépendante et définit sa mission. Actuellement, celle-ci consiste uniquement à donner à l’autorité administrative un avis dans le cadre d’une demande de déclassification de documents dont une juridiction demande communication par la voie de la réquisition.

Dans le cadre du nouvel article 56-4 du code de procédure pénale, introduit par l’article 12 du projet de loi, la CCSDN se voit attribuer une nouvelle prérogative : celle de donner, par l’intermédiaire de son président ou de son représentant, un avis sur la déclassification temporaire aux fins de perquisition d’un lieu classifié. Dans un souci d’accélération de la procédure, le président de la CCSDN sera saisi par la demande formulée par un magistrat français, précision d’ailleurs inutile (57). Au contraire, dans la procédure de communication de documents sur réquisition, la procédure est plus complexe puisque le magistrat s’adresse à l’autorité administrative, qui saisit ensuite la CCSDN.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL 27 du rapporteur pour avis.

Elle examine ensuite l’amendement CL 9 de M. Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Cet amendement tend à accorder au magistrat un droit de recours en cas d’avis négatif du président de la CCSDN sur la déclassification temporaire d’un lieu : il pourra demander à l’ensemble de la commission de se prononcer.

Je rappelle qu’une procédure parallèle s’applique en cas de saisie chez un avocat : en cas de divergence entre l’avocat et le bâtonnier, c’est au juge des libertés de trancher.

M. le rapporteur pour avis. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous avons besoin de confiance. D’autre part, votre proposition ne ferait qu’alourdir le dispositif, alors que la prise de décision doit être rapide. Enfin, je ne vois pas quelle pourrait être l’origine d’une divergence d’interprétation entre le président de la commission et le juge, puisque ce dernier n’a pas d’informations. Avis défavorable.

M. Dominique Raimbourg. Je le répète : il s’agit d’une procédure similaire à celle qui s’applique en cas de saisie chez un avocat. Les documents contestés sont placés sous scellés fermés, cette opération faisant l’objet d’un procès-verbal distinct. En aucun cas, la procédure n’est ralentie.

La nature étant ainsi faite qu’un désaccord pourrait avoir lieu entre un magistrat et le président de la CCSDN, il est utile de prévoir un arbitrage.

M. le rapporteur pour avis. Réunir la commission ralentirait sensiblement la procédure.

M. Dominique Raimbourg. Soit, mais nous y réfléchirons à nouveau.

L’amendement CL 9 est retiré par son auteur.

La Commission examine ensuite l’amendement CL 28 du rapporteur pour avis.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Il s’agit de porter de 5 à 7 le nombre des membres de la CCSDN. Au lieu de choisir trois membres parmi les six personnes qui lui sont proposées, le Président de la République choisira désormais cinq membres sur une liste de neuf personnes (58).

La Commission adopte cet amendement.

Le insère un alinéa supplémentaire à l’article L. 2312-4 du code de la défense qui fixe les conditions dans lesquelles une juridiction peut demander la déclassification d’un document. Dans la mesure où le projet de loi institue une procédure de classification des lieux, et organise les modalités d’une perquisition dans ces lieux après déclassification, il était nécessaire que le code de la défense fixe la procédure de déclassification des lieux aux fins de perquisition. L’article 2312-4 précisera donc qu’un magistrat qui a décidé de mener une perquisition dans un lieu classifié pourra effectuer une demande de déclassification à l’autorité administrative.

Comme votre rapporteur l’a déjà expliqué, l’autorité administrative, en l’occurrence probablement le Premier ministre, rendra sa décision à la suite d’un avis du président de la CCSDN sur l’opportunité de déclassifier temporairement les lieux. Le président de la CCSDN, quant à lui, aura été directement saisi par la décision de perquisition prise par le magistrat.

L’amendement CL 10 de M. Dominique Raimbourg est retiré par son auteur.

La Commission examine ensuite l’amendement CL 29 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de donner à la CCSDN la possibilité d’accéder physiquement aux lieux classifiés au sujet desquels elle doit se prononcer.

La Commission adopte cet amendement.

Le insère un alinéa supplémentaire à l’article L. 2312-5 du code de la défense qui porte sur les modalités d’exercice de sa mission par la CCSDN. Contrairement au 1° et au 2°, il ne constitue pas une simple coordination avec le reste du projet de loi, mais constitue le complément nécessaire de l’article 56-4 du code de procédure pénale.

En effet, si un magistrat, éclairé par le président de la CCSDN ou son représentant, saisit un élément classifié lié à l’infraction sur laquelle il enquête (59), la procédure envisagée prévoit que cet élément est placé sous scellé et remis au président de la CCSDN qui en devient gardien. Le magistrat devra ensuite demander la déclassification de ces documents auprès du ministre compétent qui requerra l’avis de la CCSDN. Afin de pouvoir rendre son avis sur l’opportunité de déclassifier l’élément mis sous scellé, ce dernier doit être préalablement ouvert pour que le document puisse être porté à la connaissance de l’ensemble des membres de la CCSDN.

Le 3° de l’article 14 institue une procédure spécifique d’ouverture des scellés dans le cadre d’une demande de déclassification d’un document saisi au cours d’une perquisition. Lorsque des documents sont placés sous scellés fermés à la suite d’une perquisition, leur ouverture intervient généralement en présence de l’ensemble des personnes qui ont assisté à la perquisition dans le cadre d’une enquête de flagrance (article 56 du code de procédure pénale), et en présence de la personne mise en examen et de son avocat dans le cas d’une information judiciaire (article 97 du code de procédure pénale). Dans le cadre d’une perquisition dans un cabinet d’avocat, l’ouverture des scellés intervient en présence du magistrat, de l’avocat et du bâtonnier. Une solution différente a été retenue pour l’ouverture des scellés dans le cadre de la nouvelle procédure de l’article 56-4 du code de procédure pénale : en effet, il reviendra à la commission, éventuellement sur délégation de son président, de procéder à l’ouverture des scellés, hors la présence du magistrat et du responsable des lieux. Cette solution s’inspire de la disposition régissant l’ouverture des scellés par un expert : l’article 163 du code de procédure pénale dispose en effet que les experts sont habilités à procéder à l’ouverture des scellés.

Permettre à la CCSDN d’ouvrir elle-même les scellés se justifie pour des raisons pratiques et des raisons juridiques. D’une part, cela permet d’éviter de ralentir la procédure, en étant obligé de réunir, nécessairement au siège de la CCSDN, l’ensemble des acteurs de la perquisition, y compris si celle-ci a été conduite dans un lieu lointain. D’autre part, les documents saisis et placés sous scellés étant couverts par le secret de la défense nationale, l’ouverture de ces scellés en présence de personnes non habilitées entraînerait des risques de compromission.

L’amendement CL 11 de M. Dominique Raimbourg est retiré par son auteur.

Le insère dans le code de la défense un nouvel article L. 2312-7-1 qui définit les modalités d’élaboration de l’avis du président de la CCSDN sur la déclassification d’un lieu. Cet article s’inspire de l’économie générale de l’article L. 2312-7 qui traite des modalités d’élaboration des avis de la CCSDN sur la déclassification d’une information classifiée.

Ainsi, comme en matière de déclassification des informations, l’avis du président de la CCSDN, ou du vice-président en cas d’absence ou d’empêchement, sur la déclassification d’un lieu peut être « favorable », « favorable à la déclassification partielle » ou « défavorable ». Cela signifie que le président pourra recommander, notamment au regard des éléments figurant dans la demande écrite et motivée du magistrat, la déclassification d’une partie seulement d’un lieu classifié. Par exemple, dans l’hypothèse d’un meurtre commis dans un tel lieu, la déclassification de la seule partie du lieu où a été trouvé le corps pourra être suffisante.

L’article L. 2312-7-1 précise également les critères qui doivent guider le président dans l’élaboration de son avis, en renvoyant explicitement aux critères fixés par l’article L. 2312-7 pour la déclassification des informations. Parmi les éléments à prendre en considération, trois relèvent de finalités juridictionnelles — les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d'innocence et les droits de la défense — et trois relèvent des intérêts fondamentaux de la Nation : le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels.

En revanche, alors que le sens des avis de la CCSDN portant sur déclassification des informations est publié au Journal officiel, en application de l’article L. 2312-8 du code de la défense, tel ne sera pas le cas du sens des avis rendus par le président de la CCSDN sur la déclassification d’un lieu. En effet, cette seule information permettrait de savoir qu’un lieu figure sur la liste des lieux classifiés alors que cette information est couverte par le secret de la défense nationale.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 modifié.

La Commission émet un avis favorable à l’ensemble des articles dont elle s’est saisie pour avis, modifiés par les amendements qu’elle a adoptés.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 12

Amendement CL13 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Après les mots : « précisément identifié », rédiger ainsi la fin de la première phrase de l’alinéa 2 : « susceptible d’abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale, fixé par arrêté du Premier ministre, la perquisition ne peut… (le reste sans changement). »

Amendement CL14 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Après l’alinéa 2, insérer l’alinéa suivant :

« Les conditions de délimitation des lieux mentionnés à l’alinéa précédent sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

Amendement CL15 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

À la première phrase de l’alinéa 3, après les mots : « écrite et motivée », insérer les mots : « du magistrat ».

Amendement CL16 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Substituer aux deux dernières phrases de l’alinéa 3 la phrase suivante :

« Le contenu de cette décision est portée dès le début de la perquisition à la connaissance du président de la commission consultative du secret de la défense nationale ou de son représentant et à celle du chef d’établissement ou de son délégué. »

Amendement CL17 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

À la première phrase de l’alinéa 7, substituer aux mots : « des secrets », les mots : « des éléments couverts par le secret ».

Amendement CL18 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Substituer à la dernière phrase de l’alinéa 7 les deux phrases et deux alinéas suivants :

« Les éléments couverts par le secret de la défense nationale, dont le magistrat et l’officier de police judiciaire ne peuvent prendre connaissance, sont placés sous scellés fermés provisoires et conservés sur place jusqu’à l’arrivée du président de la commission consultative du secret de la défense nationale ou de son représentant. Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal qui n’est pas joint au dossier de la procédure et qui est remis au président de la commission consultative du secret de la défense nationale ou à son représentant.

« Seul le président de la commission consultative du secret de la défense nationale, son représentant et, s’il y a lieu, les personnes qui l’assistent peuvent ouvrir les scellés fermés provisoires et prendre connaissance des éléments classifiés. Le magistrat ne peut saisir, parmi les éléments classifiés mis sous scellés fermés provisoires, que ceux relatifs aux infractions sur lesquelles portent les investigations. Si les nécessités de l’enquête justifient que les éléments classifiés soient saisis en original, des copies peuvent être laissées à leur détenteur.

« Les dispositions des quatrième et cinquième alinéas du I s’appliquent aux éléments classifiés saisis en application de l’alinéa précédent. »

Amendement CL19 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

À la première phrase de l’alinéa 8, après les mots : « au titre du secret de la défense nationale », insérer les mots : « dans les conditions définies à l’article 413-9-1 du code pénal ».

Amendement CL20 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Après la deuxième phrase de l’alinéa 10, insérer la phrase suivante :

« L’autorité administrative fait connaître sa décision sans délai. »

Amendement CL21 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Après l’alinéa 12, insérer l’alinéa suivant :

« I bis. —  Au premier alinéa de l’article 57 du code de procédure pénale, la référence : "l’article précédent" est remplacée par la référence : "l’article 56". »

Article 13

Amendement CL22 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

À l’alinéa 7, supprimer le mot : « sciemment ».

Amendement CL8 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après le mot : « classification », insérer les mots : « au titre du secret défense ».

Amendement CL23 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Rédiger ainsi l’alinéa 10 :

« La décision de classification est prise par le Premier ministre, après avis conforme de la commission consultative du secret de la défense nationale. »

Amendement CL24 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Après l’alinéa 10, insérer les deux alinéas suivants :

« Le président de la commission consultative du secret de la défense nationale, saisi par un magistrat qui envisage une perquisition, informe ce magistrat qu’un lieu fait l’objet d’une mesure de classification.

« Les conditions d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

Amendement CL25 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Après l’alinéa 11 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Est puni des mêmes peines le fait, par toute personne qualifiée, de porter à la connaissance du public ou d’une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu’un tel lieu abrite. »

Amendement CL26 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Substituer à l’alinéa 16 les deux alinéas suivants :

« III. —  Après le 5° de l’article 322-3 du code pénal, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« "6° Lorsqu’elle est commise à l’encontre d’un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale." »

Article 14

Amendement CL27 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Aux alinéas 3 et 5 de cet article, supprimer le mot : « français ».

Amendement CL28 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :

« 1° bis Au premier alinéa de l’article L. 2312-2 du code de la défense, le nombre : « cinq » est remplacé par le nombre : "sept" et, au deuxième alinéa du même article, les mots : "un membre " sont remplacés par les mots : "trois membres" et les mots : "six membres" par les mots : "neuf membres" ; ».

Amendement CL29 présenté par M. Émile Blessig, rapporteur pour avis :

Après l’alinéa 5, insérer l’alinéa suivant :

« 2° bis Au deuxième alinéa de l’article L. 2312-5 du code de la défense, après les mots : "information classifiée", sont insérés les mots : "et d’accéder à tout lieu classifié" ; ».

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 12

Amendement CL1 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Dans la deuxième phrase de l’alinéa 2, substituer aux mots : « susceptibles d’abriter », le mot : « abritant ».

Amendement CL2 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Substituer aux deuxième et troisième phrases de l’alinéa 3 l’alinéa suivant :

« Le magistrat transmet cette décision au président de la commission consultative du secret de la défense nationale ou de son représentant ainsi qu’au chef d’établissement ou de son délégué, au commencement de la perquisition. »

Amendement CL3 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Compléter la première phrase de l’alinéa 4 par les mots : « sur les lieux ».

Amendement CL4 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche [retiré] :

Rédiger ainsi la seconde phrase de l’alinéa 4 :

« Il détermine, parmi les éléments classifiés, ceux qui sont relatifs à l’objet des investigations ; le magistrat décide de procéder à la saisie de tout ou partie d’entre eux. »

Amendement CL5 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche [retiré] :

Après la première phrase de l’alinéa 5, insérer la phrase suivante :

« Le magistrat peut demander en outre la mise sous scellés de documents classifiés identifiables au vu de leur présentation, dès lors qu’ils apparaissent comme pouvant éclairer l’enquête dont ils ont la charge. »

Amendement CL6 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche [retiré] :

Supprimer l’alinéa 7.

Amendement CL7 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche [retiré] :

Après la deuxième phrase de l’alinéa 10, insérer les deux phrases suivantes :

« La décision de l’autorité administrative est prise dans un délai raisonnable fixé par décret en Conseil d’État. À défaut de réponse dans les délais impartis, la déclassification est réputée acquise. »

Après l’article 13

Amendement CL12 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche [retiré] :

Insérer l’article suivant :

« Après l’article L. 2311-1 du code de la défense, il est inséré un article L. 2311-1-1 ainsi rédigé :

« "Art. L. 2311-1-1. —  Les lieux précisément identifiés comme couverts par le secret de la défense nationale au sens de l’article 56-4 du code de procédure pénale sont déterminés par le ministre de la défense par décret pris après avis conforme de la Commission consultative du secret de la défense nationale ". »

Article 14

Amendement CL9 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche [retiré] :

Compléter l’alinéa 3 par les deux phrases suivantes :

« L’avis négatif est porté à la connaissance du magistrat. Ce dernier peut exiger du Président l’examen de sa demande par la commission consultative du secret de la défense nationale, réunie en urgence. »

Amendement CL10 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche [retiré] :

Supprimer la dernière phrase de l’alinéa 5.

Amendement CL11 présenté par M. Dominique Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche [retiré] :

Supprimer les alinéas 6 et 7.

ANNEXES

- Circulaire de la Direction des Affaires criminelles et des grâces du 3 janvier 2008 74

- Avis du Conseil d’État du 5 avril 2007 83

Circulaire de la DACG n° CRIM 08-01/G1 du 3 janvier 2008 relative au secret de la défense nationale

NOR : JUSD0800121C

Textes source :

Articles 413-5, 413-7, 413-9 à 413-12, R. 413-3 et R. 644-1 du code pénal ;

Articles 56, alinéa 4, 81, 94, 97, alinéa 3, et 698-3 du code de procédure pénale ;

Loi n° 98-568 du 8 juillet 1998 portant création de la CCSDN ;

Articles L. 2311-1 et suivants du code de la défense ;

Instruction générale interministérielle 1300 du 25 août 2003 relative à la protection du secret de la défense nationale

Texte abrogé : circulaire CRIM 2004-18 G1, NOR : JUSD0430227C, du 15 novembre 2004 relative au secret de la défense nationale.

Annexes :

Avis du Conseil d’État du 5 avril 2007 (non publié) ;

Instruction générale interministérielle 1300 du 25 août 2003 (non publiée).

La garde des Sceaux, ministre de la Justice, à Mesdames et Messieurs les procureurs généraux près les cours d’appel ; Mesdames et Messieurs les procureurs de la République près les tribunaux de grande instance (pour attribution) et à Mesdames et Messieurs les premiers présidents des cours d’appel ; Mesdames et Messieurs les présidents des tribunaux de grande instance ; Monsieur le représentant national auprès d’Eurojust (pour information)

La protection du secret de la défense nationale a pour objectif d’assurer la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation dans les domaines de la défense, de la sécurité intérieure et de la protection des activités économiques et du patrimoine de la France.

Afin d’encadrer les conditions dans lesquelles un ministre peut autoriser ou refuser la déclassification d’un secret de la défense nationale demandée par une juridiction française, la loi du 8 juillet 1998 a créé un organisme consultatif indépendant, la commission consultative du secret de la défense nationale. Les dispositions de cette loi ont été codifiées dans les articles L. 2311-1 à L. 2312-8 du code de la défense.

Dans ses rapports d’activité, cette commission a rappelé les règles qui régissent le secret de la défense nationale et souligné les principales difficultés rencontrées dans l’exercice de sa mission.

La présente circulaire a pour objet de rappeler les règles générales applicables au secret de la défense nationale (I), le rôle et le fonctionnement de la commission consultative du secret de la défense nationale (II), les règles de présentation des demandes de déclassification (III) et enfin les modalités devant être mises en œuvre afin de sélectionner les éléments classifiés devant être transmis à la CCSDN (IV).

I. – RÈGLES RELATIVES AU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE

L’article 413-9 du code pénal dispose que présentent un caractère de secret de la défense nationale les « renseignements, procédés, objets, documents, données informatiques ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l’objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion », qui sont, dans la présente circulaire, dénommés « éléments classifiés ». Le Premier ministre est l’autorité compétente pour définir les critères et les modalités des éléments classifiés « Très secret défense » qui concernent les priorités gouvernementales majeures de défense. La classification des autres éléments est de la seule responsabilité de chaque ministre, à l’intérieur de son département ministériel.

La décision de classification est matérialisée par l’apposition de tampons ou de marquages destinés à traduire un niveau de classification « Très secret défense » « Secret défense » ou « Confidentiel défense ».

Les éléments classifiés peuvent être émis par d’autres autorités que des autorités administratives françaises. Il existe en effet des accords de sécurité liant la France à des États étrangers et des réglementations internationales qui permettent de classifier des éléments émis par des organisations internationales. Il s’agit, notamment, de l’accord de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour la sécurité de l’information du 6 mars 1997, signé le 13 octobre 1997 par la France et en vigueur depuis le 25 avril 2001, du manuel « Politique de sécurité » C-M (2002)49 du 17 juin 2002, et de l’instruction 2100 d’application du règlement de sécurité du 19 mars 2001 du Conseil de l’Union européenne et du règlement de sécurité du 29 novembre 2001 de la Commission de l’Union européenne.

L’accès à ces éléments est limité aux seules personnes habilitées qui justifient du « besoin d’en connaître ». Ce besoin, « lié aux fonctions exercées », est apprécié par « l’autorité hiérarchique compétente » (art. 10 de l’instruction générale interministérielle 1300 annexée à l’arrêté du 25 août 2003) 60.

Une personne habilitée ne peut être déliée de ses obligations contractées au titre de son habilitation. Elle ne peut donc déposer devant un magistrat ou un tribunal en révélant des éléments classifiés. Il est inutile de demander à une autorité administrative d’autoriser l’un de ses agents à venir déposer au sujet d’un élément resté classifié. Il est nécessaire d’en demander, au préalable, la déclassification, afin que l’agent puisse s’exprimer dans le cadre d’une procédure judiciaire sur le contenu de cet élément déclassifié et versé au dossier de la procédure.

II. – RÔLE ET FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE

Saisie à la demande de l’autorité judiciaire par le ministre en charge de la classification, la commission consultative du secret de la défense nationale est une autorité administrative indépendante « chargée de donner un avis sur la déclassification et la communication d’informations ayant fait l’objet d’une classification en application des dispositions de l’article 413-9 du code pénal, à l’exclusion des informations dont les règles de classification ne relèvent pas des seules autorités françaises » (art. L. 2312-1 du code de la défense).

Elle est composée, d’une part, d’un membre du Conseil d’État, d’un magistrat de la Cour de cassation et d’un magistrat de la Cour des comptes, nommés par le Président de la République à partir d’une liste de six noms établie conjointement par les trois chefs de Cour et, d’autre part, d’un député et d’un sénateur.

Le mandat des premiers est de six ans, non renouvelable, celui des seconds suit le sort des assemblées et de leur renouvellement.

Le législateur a souhaité ce panachage afin de garantir la compétence, l’indépendance et l’impartialité de la Commission.

Les pouvoirs de la commission sont doublement limités :

– d’une part, l’article L. 2312-1 du code de la défense dispose que l’avis de la commission consultative du secret de la défense nationale est rendu à la suite de la demande d’une juridiction française. Il en résulte que la commission ne peut être saisie de demandes émanant d’une juridiction étrangère ou d’un juge français agissant en exécution d’une commission rogatoire internationale ;

– d’autre part, le ministre ne peut déclassifier que des éléments classifiés par ses propres services. Il ne peut donc saisir la commission d’éléments classifiés par des autorités étrangères ou des organismes internationaux comme l’OTAN ou l’Union européenne. Il appartient donc au tribunal ou au magistrat de s’adresser à l’instance exécutive de ces organismes. Dans la pratique, le ministre concerné peut solliciter cette autorisation à la demande du magistrat.

La commission a accès à l’ensemble des éléments classifiés. Son président peut, en outre, mener toutes investigations utiles. Les ministres, les autorités publiques, les agents publics ne peuvent par conséquent s’opposer à l’action de la commission pour quelque motif que ce soit et doivent prendre toutes mesures utiles pour la faciliter.

À ce titre, le président de la CCSDN peut demander un inventaire des pièces dont la déclassification est sollicitée afin de vérifier que tous les éléments nécessaires lui ont été communiqués.

Par conséquent, un exemplaire du procès-verbal d’inventaire, sur lequel le nom des personnes mises en examen aura été ôté, doit être communiqué par le magistrat au ministère en charge de la classification qui la communiquera au président de la commission. Il sera également communiqué au gardien des scellés en cas de saisies.

La commission se fonde sur plusieurs critères pour motiver son avis. L’article L. 2312-7 du code de la défense indique que l’avis prend en considération les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d’innocence et les droits de la défense, le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels. L’avis doit être donné dans un délai de deux mois à compter de la saisine de la commission.

Le sens de l’avis peut être favorable à la déclassification demandée, favorable à une déclassification partielle ou défavorable. Dans le délai de quinze jours francs à compter de la réception de l’avis de la commission, « l’autorité administrative notifie sa décision, assortie du sens de l’avis, à la juridiction ayant demandé la déclassification et la communication d’informations classifiées » (art. L. 2312-8 du code de la défense). Le sens de cet avis est publié au Journal officiel de la République française.

L’avis de la commission est consultatif. Le ministre a donc toute latitude pour ordonner une déclassification malgré un avis défavorable de la commission ou pour refuser la déclassification malgré l’avis favorable de la commission. Il n’a pas à motiver sa décision.

Chaque élément déclassifié est revêtu d’une mention expresse de déclassification précisant la date de la décision du ministre. L’élément déclassifié portant cette mention peut alors être versé au dossier de la procédure et être examiné par le magistrat et les parties.

Il est, par conséquent, important que l’autorité judiciaire vérifie que chaque élément qui lui est transmis comporte la mention de déclassification. Les éléments sont parfois nombreux et il est recommandé que le magistrat ou les officiers de police judiciaire fassent cette vérification et établissent un inventaire des éléments déclassifiés.

La compromission d’un secret protégé non déclassifié expose son auteur à des poursuites sur le fondement des articles 413-10 et 413-11 du code pénal. La compromission est sanctionnable lorsqu’elle est commise par négligence. Le versement au dossier par erreur d’une pièce classifiée peut donc avoir des conséquences pénales.

III. – LA REQUÊTE EN DÉCLASSIFICATION

La requête en vue d’obtenir la déclassification doit être adressée par la juridiction ou par le magistrat qui sollicite la déclassification au ministre qui a procédé à la classification. Elle ne peut être demandée directement à la Commission consultative du secret de la défense nationale. Il appartient alors au ministre de procéder à des investigations auprès de ses services, afin d’identifier les éléments visés par la demande, puis de les transmettre pour avis à la Commission consultative du secret de la défense nationale.

L’article L. 2312-4 du code de la défense prévoit que le ministre doit saisir sans délai la commission. Cependant le délai de saisine dépend du temps nécessaire à l’identification des éléments demandés. Il a été néanmoins constaté que certaines requêtes visaient imprécisément un ensemble de documents dont la recherche pouvait s’avérer délicate. Il apparaît donc souhaitable que leur identification soit aussi précise que possible.

Le même article exige que la demande du magistrat soit motivée. La commission, dans ses rapports, a regretté que, dans certains cas, les magistrats n’aient pas précisé davantage et mieux la motivation de leur demande.

Cette motivation a, d’abord, pour but de permettre à la commission de contrôler la validité de sa saisine. Elle doit vérifier que les éléments dont la déclassification est sollicitée intéressent effectivement la procédure. Par ailleurs, afin que toutes les pièces classifiées de nature à éclairer la justice soient soumises à l’examen collégial de la commission, la motivation permet de guider les investigations de celle-ci.

La commission a souligné qu’elle avait toujours proposé une déclassification plus large, lorsque les motifs de la demande présentée par le magistrat étaient explicites. Si la demande de saisine de la commission n’a pas à décrire le contexte de la procédure ni à dévoiler des éléments couverts par le secret de l’instruction qui ne sont pas directement utiles à la mission de la commission, il apparaît en revanche important de lui permettre d’apprécier ce qui, dans les documents qui lui seront soumis, relève ou non de la procédure judiciaire, en mettant notamment en évidence les liens entre la procédure judiciaire et la requête présentée.

Certains magistrats ont invoqué le secret de l’instruction pour refuser de motiver explicitement leurs requêtes. Un tel argument n’est pas recevable dès lors que le secret de l’instruction et le secret défense sont deux obligations de nature légale et que la CCSDN a besoin de partager le secret de l’instruction pour la partie strictement en rapport avec sa saisine.

IV. – LES MODALITÉS D’OBTENTION PAR LES MAGISTRATS DES ÉLÉMENTS COUVERTS PAR LE SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE

1. L’usage de la réquisition

Afin d’obtenir les éléments classifiés intéressant la procédure, la réquisition judiciaire, adressée à l’autorité administrative dont relève la classification, aux fins de transmission des éléments utiles à la manifestation de la vérité, est la solution la plus compatible avec le respect des règles concernant le secret de la défense nationale. Elle protège les magistrats et les OPJ, même habilités, de tout risque de compromission. Elle est, d’ailleurs, en pratique fréquemment utilisée par les juges d’instruction 61.

Il existe ainsi deux possibilités :

– soit le magistrat a identifié le ou les éléments classifiés qu’il souhaite se voir communiquer : dans ce cas, il peut adresser directement une demande de déclassification à l’autorité administrative compétente ;

– soit le magistrat souhaite se voir communiquer un certain nombre d’éléments qu’il ne peut identifier avec précision : il a alors la possibilité de faire une réquisition à l’administration concernée, afin que celle-ci procède à la recherche de ces éléments, en fasse le tri et communique au magistrat les éléments qui ne sont pas classifiés. Les éléments classifiés feront ultérieurement l’objet d’une demande de déclassification du magistrat qui entraînera la saisine de la CCSDN.

2. La perquisition

Lorsque le magistrat souhaite procéder à une perquisition aux fins de saisie d’éléments classifiés, il doit au préalable pénétrer dans les zones où sont conservés ces éléments.

2.1. Le cas des enceintes militaires

L’enceinte militaire est définie par les articles 413-5 et R. 644-1 du code pénal, comme étant tout terrain, construction, engin ou appareil affecté à l’autorité militaire ou placé sous son contrôle.

Il n’est possible de pénétrer dans une enceinte militaire que dans le cadre de la procédure prévue par l’article 698-3 du code de procédure pénale. Ainsi, lorsque le procureur de la République, le juge d’instruction et les officiers de police judiciaire sont amenés soit à constater des infractions dans les établissements militaires, soit à rechercher, en ces mêmes lieux, des personnes ou des objets relatifs à ces infractions, ils doivent adresser à l’autorité militaire des réquisitions tendant à obtenir l’entrée dans ces établissements.

Les réquisitions doivent, sauf nécessité, préciser la nature et les motifs des investigations jugées nécessaires. L’autorité militaire est tenue de s’y soumettre et se fait représenter aux opérations.

Néanmoins, le seul respect des prescriptions énoncées par l’article 698-3 du code de procédure pénale ne permet en aucun cas de s’affranchir des exigences légales destinées à assurer le secret de la défense nationale.

2.2. Le risque de compromission résultant de la seule pénétration dans les zones protégeant des secrets de la défense nationale

Les règles de conservation et d’accès à des renseignements classifiés sont réglementées par l’instruction interministérielle du 25 août 2003. Cette instruction prévoit notamment que les supports classifiés sont entreposés dans une zone protégée, érigée en « zone réservée » pour les éléments classifiés secret défense ou très secret défense.

Les zones protégées sont, aux termes de l’article R. 413-3 du code pénal, créées par arrêté du ministre ayant déterminé le besoin de protection.

Aux termes de l’article 413-7 du code pénal, le fait, dans les services, établissements ou entreprises, publics ou privés, intéressant la défense nationale, de s’introduire, sans autorisation, à l’intérieur des locaux ou terrains clos dans lesquels la circulation est interdite et qui sont délimités pour assurer la protection des installations, du matériel ou du secret des recherches, études ou fabrications, est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende.

Dans son avis rendu le 5 avril 2007 (cf. annexe 1), le Conseil d’État a souligné que « la perquisition décidée sur le fondement des dispositions de l’article 94 du code de procédure pénale ne peut toutefois être regardée comme entrant dans le champ d’application de l’incrimination prévue à l’article 413-7 du code pénal » ajoutant que « le juge d’instruction n’a donc pas à solliciter d’autorisation pour pénétrer dans une zone protégée à ce titre. Il lui incombe cependant, lorsqu’il envisage de pénétrer dans une telle zone, de respecter la nécessité impérieuse d’éviter tout risque de compromission du secret de la défense nationale, compromission qui pourrait résulter du seul fait de sa présence dans cette zone, sous peine d’encourir des sanctions pénales qui assurent la protection de ce secret ».

2.3. Le risque de compromission résultant d’opérations de perquisitions

L’opération de perquisition elle-même est susceptible d’engager la responsabilité pénale des personnes qui y participent du chef de délit de compromission d’un secret de la défense nationale. En effet, ainsi que l’a rappelé l’avis précité du Conseil d’État du 5 avril 2007, non seulement les magistrats n’ont pas qualité pour connaître des secrets de la défense nationale, mais, de plus, la délégation que l’officier de police judiciaire reçoit du juge d’instruction, en vertu des dispositions de l’article 81 du code de procédure pénale, ne saurait lui conférer plus de pouvoirs que ceux que le juge tient de ces dispositions. L’officier de police judiciaire ne saurait, ainsi, selon le Conseil d’État, se prévaloir d’une habilitation qui aurait pu lui être conférée par ailleurs par l’autorité administrative, pour connaître de certaines informations classifiées.

Le Conseil d’État a souligné qu’il n’existe aucune certitude sur le régime juridique applicable en cas de prise de connaissance de ces documents par l’autorité judiciaire et, notamment, sur l’application des dispositions de l’article 413-11 du code pénal, qui punit de cinq ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende « le fait, par toute personne non visée à l’article 413-10, de s’assurer la possession d’un renseignement, procédé, objet, document, donnée informatisée ou fi chier qui présente le caractère d’un secret de la défense nationale... ».

Au cas où le magistrat procède à une perquisition en vue de saisir et de placer sous scellés des documents classifiés, le risque d’éventuelle compromission, résultant de la prise de connaissance de secrets protégés, ne saurait donc être écarté.

De surcroît, toute personne dépositaire d’éléments couverts par le secret de la défense nationale en est responsable. Elle a le devoir de s’opposer à la communication de ces éléments à une personne non habilitée et ne justifiant pas du besoin d’en connaître sous peine d’être poursuivie du délit de compromission passive prévu à l’article 413-10 du code pénal.

Les opérations de perquisition devront en conséquence se dérouler en étroite concertation avec le représentant de l’autorité administrative dûment habilité.

2.4. Les règles relatives au placement sous scellé d’éléments classifiés

Lors de la perquisition, il sera veillé au respect du principe de continuité du service public, notamment de la continuité des activités en matière de défense nationale, essentielle en matière de protection des intérêts fondamentaux de l’État.

Ainsi, il pourra utilement être recouru, en cas de saisie de données sur un support informatique, à la procédure visée aux articles 56, alinéa 4 et 97, alinéa 3 du code de procédure pénale, en plaçant sous main de justice une copie du support plutôt que l’original. À défaut, et quel que soit le support de l’élément classifié, une copie de travail devra être effectuée et laissée à la disposition de l’autorité administrative.

Les scellés, qui mentionnent le niveau de classification des éléments qu’ils concernent, seront conservés « sur place » dans les locaux sécurisés appropriés de l’autorité détentrice, sous la responsabilité d’un agent chargé de la sécurité.

Les copies informatiques et les éditions sur support papier de données protégées devront être effectuées dans le respect des dispositions de l’instruction interministérielle 1300, en présence du représentant de l’autorité administrative.

Si les éléments classifiés sont établis sur support numérique, il devra être veillé particulièrement aux modalités de consultation des données qui peuvent être intégrées à un réseau entièrement classifié. Il en va de même pour la copie du support informatique ou pour l’impression papier des données qui devront être réalisées sur les lieux et selon les modalités de traitement spécifiques à la protection des éléments classifiés.

Les dispositions de la présente circulaire sont de nature à préserver au mieux les exigences à la fois de la manifestation de la vérité et de la préservation du secret attaché à des informations extrêmement sensibles.

Vous voudrez bien me rendre compte des difficultés que vous pourriez rencontrer dans la mise en œuvre des présentes instructions sous le timbre du bureau de la lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme et le blanchiment.

Pour la garde des Sceaux, ministre de la Justice :
Le directeur des affaires criminelles et des grâces,

Jean-Marie Huet

Avis rendu par le Conseil d’État en Assemblée générale le 5 avril 2007 en réponse aux questions posées par le ministre de la Défense et le Garde des sceaux, ministre de la Justice

CONSEIL D’ÉTAT

Section de l’intérieur et Section des finances réunies

No 374 120

Mme IMBERT – QUARETTA, M. FORTERRE, Rapporteurs

AVIS

Le Conseil d’État, saisi par la ministre de la Défense et le Garde des sceaux, ministre de la Justice, d’une demande d’avis portant sur les questions suivantes :

1° Les magistrats ou les officiers de police judiciaire agissant sur leur délégation, souhaitant pénétrer en zone protégée pour effectuer une perquisition en application de l’article 94 du Code de procédure pénale, doivent-ils solliciter l’autorisation mentionnée par les dispositions de l’article 413–7 du Code pénal qui incrimine le fait, dans les services, établissements ou entreprises, publics ou privés, intéressant la défense nationale, de s’introduire sans autorisation à l’intérieur des locaux et terrains clos dans lesquels la libre circulation est interdite et qui sont délimités pour assurer la protection des installations, du matériel ou du secret des recherches, études ou fabrications ? Dans l’hypothèse où une autorisation serait nécessaire, quels peuvent être les motifs d’un refus éventuel de l’administration ? Cette autorisation peut-elle être refusée pour des motifs tirés de la sécurité ou de la protection du secret de la défense nationale ?

2° Les officiers de police judiciaire commis par le juge peuvent-ils, lors de perquisitions, accéder à des informations classifiées et en prendre connaissance aux fins de recherche, de tri, de saisie et d’inventaire, sans encourir les sanctions prévues par les dispositions de l’article 413-11 du Code pénal ?

Vu le Code pénal ;

Vu le Code de procédure pénale ;

Vu le Code de la défense ;

EST D’AVIS DE RÉPONDRE AUX QUESTIONS POSÉES, SOUS RÉSERVE DE L’APPRÉCIATION DES JURIDICTIONS COMPÉTENTES, DANS LE SENS DES OBSERVATIONS CI-APRÈS :

Sur la première question :

1° Aux termes de l’article 81 du Code de procédure pénale : « Le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité ». Toutefois, ces pouvoirs se heurtent à de strictes limites s’agissant des informations couvertes par le secret de la défense nationale.

Ainsi que l’ont rappelé les avis du Conseil d’État du 19 juillet et du 29 août 1974, l’accès à ces informations est en effet réservé aux seules personnes habilitées pour l’accomplissement de leur fonction ou de leur mission par décision du Premier ministre ou du ministre concerné. Quiconque est détenteur d’un secret de la défense nationale ne peut le divulguer.

Afin de concilier les objectifs constitutionnels de recherche des auteurs d’infractions pénales et de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, la loi no 98-567 du 8 juillet 1998, codifiée aux articles L. 2312-1 à L. 2312-8 du Code de la défense, a déterminé les conditions dans lesquelles peuvent être opérées, dans le cadre d’une procédure engagée par une juridiction, la déclassification et la communication d’informations couvertes par le secret de la défense nationale. Il en résulte notamment que le juge d’instruction, qui ne tient pas du Code de procédure pénale qualité pour connaître de tels secrets, peut seulement solliciter de l’autorité administrative compétente la déclassification et la communication d’informations protégées à ce titre. Cette autorité ne peut se prononcer qu’après avoir saisi pour avis la Commission consultative du secret de la défense nationale créée par la loi susmentionnée et pris connaissance de son avis.

2° Le juge d’instruction qui confie à un officier de police judiciaire par Commission rogatoire, en vertu de l’article 81 du Code de procédure pénale, le soin d’exécuter un acte qu’il est dans l’impossibilité d’exécuter lui-même ne peut conférer à l’intéressé plus de pouvoirs que ceux qu’il tient de ces dispositions. Dans le cadre de la délégation ainsi reçue du juge d’instruction, l’officier de police judiciaire ne saurait ainsi se prévaloir d’une habilitation qui aurait pu lui être conférée, par ailleurs, par l’autorité administrative.

3° Si, aux termes de l’article 94 du Code de procédure pénale : « les perquisitions sont effectuées dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité », l’exercice de ces prérogatives ne saurait conduire le juge d’instruction à méconnaître l’interdiction qui lui est faite, comme à toute personne non qualifiée, de prendre connaissance « des renseignements, procédés, objets, documents, données informatiques ou fichiers » qui ont le caractère de secret de la défense nationale au sens de l’article 413-9 du Code pénal.

La perquisition décidée sur le fondement des dispositions de l’article 94 du Code de procédure pénale ne peut toutefois être regardée comme entrant dans le champ d’application de l’incrimination prévue à l’article 413-7 du Code pénal, qui punit de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait, dans les services, établissements ou entreprises publics ou privés, intéressant la défense nationale, de s’introduire, sans autorisation, à l’intérieur des locaux et terrains clos dans lesquels la libre circulation est interdite et qui sont délimités pour assurer la protection des installations, du matériel ou du secret des recherches, études ou fabrications. Le juge d’instruction n’a donc pas à solliciter d’autorisation pour pénétrer dans une zone protégée à ce titre.

Il lui incombe cependant, lorsqu’il envisage de pénétrer dans une telle zone, de respecter la nécessité impérieuse d’éviter tout risque de compromission du secret de la défense nationale, compromission qui pourrait résulter du seul fait de sa présence dans cette zone, sous peine d’encourir les sanctions pénales qui assurent la protection de ce secret.

Or le législateur n’a édicté aucune règle particulière de procédure permettant, s’agissant de l’entrée dans les lieux où peut intervenir l’autorité judiciaire et où peuvent se trouver des informations couvertes par le secret de la défense nationale, de concilier les objectifs constitutionnels mentionnés au 1° ci-dessus. Seules font exception les enceintes militaires, l’accès à celles-ci, en vertu de l’article 698-3 du Code de procédure pénale, étant subordonné à une réquisition adressée par le juge à l’autorité militaire, laquelle ne peut d’ailleurs pas s’y opposer.

À l’instar des dispositions de procédure pénale qui énoncent, à peine de nullité de la procédure, les conditions dans lesquelles le pouvoir de perquisition du juge d’instruction se concilie avec la protection d’intérêts légitimes tels que le secret médical, le secret professionnel ou les droits de la défense s’agissant de la correspondance entre l’avocat et son client, il apparaît donc indispensable d’édicter des règles législatives fixant les conditions dans lesquelles sont définis les obligations et les pouvoirs respectifs du chef d’établissement, chargé de la protection des secrets de la défense nationale, et du juge d’instruction, chargé de la manifestation de la vérité

Sur la seconde question :

La procédure mise en œuvre par la loi du 8 juillet 1998 répond pleinement au cas où les documents dont le juge souhaite la déclassification sont suffisamment identifiés ou identifiables.

En revanche, aucune disposition particulière ne fixe la procédure à suivre lorsque le juge ou les officiers de police judiciaire délégués par lui découvrent des documents classifiés dont ils ne peuvent savoir, avant d’en avoir obtenu la déclassification après avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale, s’ils sont utiles à l’instruction. Dans cette hypothèse, il n’existe aucune certitude sur le régime juridique applicable en cas de prise de connaissance de ces documents par l’autorité judiciaire et, notamment, sur l’application des dispositions de l’article 413-11 du Code pénal, qui punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende « le fait, par toute personne non visée à l’article 413-10, de s’assurer la possession d’un renseignement, procédé, objet, document, donnée informatisée ou fichier qui présente le caractère d’un secret de la défense nationale... ».

Il est par conséquent nécessaire que l’autorité judiciaire veille, à l’occasion de la découverte de documents classifiés dont elle ne sait s’ils sont utiles à la manifestation de la vérité, à ce que soit écarté tout risque de prise de connaissance de secrets protégés.

La protection de ces secrets impose notamment que les pièces saisies, qui ne peuvent être versées au dossier de l’enquête avant une éventuelle déclassification, soient maintenues sur place et que le chef de service ou d’établissement soit désigné en tant que gardien des scellés. Ces mesures sont de nature à réduire tout risque de compromission.

Afin de concilier plus sûrement, dans cette hypothèse, les objectifs constitutionnels de recherche des auteurs d’infractions pénales et de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, il apparaît indispensable que le législateur complète les règles de procédure applicables et fixe précisément les conditions dans lesquelles peuvent être saisis et mis sous scellés, sans risque de divulgation à des personnes non qualifiées de secrets protégés, des documents classifiés dont l’autorité judiciaire ne peut savoir s’ils sont utiles à son instruction. À cette fin, les prérogatives de la Commission consultative du secret de la défense nationale pourraient être utilement étendues afin de lui permettre d’intervenir lors de la découverte de documents classifiés, notamment en zone protégée.

Cet avis a été délibéré et adopté par le Conseil d’État dans sa séance du jeudi 5 avril 2007.

Le vice-président du Conseil d’État, Signé : J.-M. SAUVÉ

Les Conseillers d’État, Rapporteurs,

Signé : M. IMBERT-QUARETTA P. FORTERRE

Le Secrétaire général du Conseil d’État, Signé : P. FRYDMAN

CERTIFIÉ CONFORME : Le Secrétaire de Section

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

Administrations :

• Présidence de la République

—  M. Bernard BAJOLET, coordinateur national du renseignement

• Secrétariat général de la défense nationale

—  M. Francis DELON, secrétaire général de la défense nationale

—  Mme Agnès DELÉTANG, magistrate, conseiller pour les affaires juridiques

• Ministère de la défense

—  M. Érard CORBIN DE MANGOUX, directeur général de la sécurité extérieure

—  M. Pascal FOURRÉ, magistrat, conseiller juridique du directeur général de la sécurité extérieure

• Ministère de la justice

—  M. Jean-Marie HUET, directeur des affaires criminelles et des grâces

—  M. Régis PIERRE, magistrat, Bureau de lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme et le blanchiment

• Ministère de l’Intérieur de l’Outre-Mer et des Collectivités territoriales

—  M. Christian LOTHION, directeur central de la police judiciaire

Autorité administrative indépendante :

• Commission consultative du secret de la défense nationale

—  M. Jacques BELLE, président

—  M. Joël TIXIER, secrétaire général

Organisations professionnelles de magistrats

• Union syndicale des magistrats

—  Christophe Regnard, président

—  M. Laurent BEDOUET, secrétaire général

• Syndicat de la magistrature

—  Mme Emmanuelle Perreux, présidente

—  M. Matthieu Bonduelle, secrétaire général

• Syndicat national des magistrats FO

—  M. Emmanuel POINAS, membre du Bureau National

—  M. Marc MESLIN, membre du Bureau National

• Association française des magistrats instructeurs

—  Mme Catherine GIUDICELLI, présidente

—  Mme Marie-Antoinette HOUYVET, membre du bureau

Avocats

• GIE Conseil national des Barreaux – Ordre des avocats de Paris – Conférence des Bâtonniers

—  M. le Bâtonnier Olivier FOUCHÉ pour le Conseil National des Barreaux et la Conférence des Bâtonniers

—  Maître Stéphane LATASTE pour le Barreau de Paris

• Cabinet August & Debouzy

— Maître Olivier DEBOUZY, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles

© Assemblée nationale

1 () Rapport de la CCSDN 1998-2004, La documentation française, 2005, page 101.

2 () Article 35 de l’instruction générale interministérielle sur la protection du secret de la défense nationale du 25 août 2003.

3 () id.

4 () id

5 () Rapport de la CCSDN 2005-2007, La documentation française, 2007, page 25.

6 () Rapport de la CCSDN 1998-2004, La documentation française, 2005, page 104.

7 () Par exception à ce principe, certains textes législatifs ont prévu que certaines personnes pouvaient disposer d’une habilitation ès qualités : il s’agit des membres de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), de la Commission consultative du secret de la défense nationale, et de la délégation parlementaire au renseignement. S’agissant notamment des parlementaires, la séparation des pouvoirs empêche en effet de prévoir une procédure d’habilitation par l’exécutif.

8 () Il n’y a pas de Haut fonctionnaire de défense au ministère de la défense qui connaît une organisation spécifique dans ce domaine.

9 () Le dossier d’habilitation des personnels de la DGSE est instruit par ce service.

10 () S’agissant du niveau « très secret défense », le dossier est instruit par le SGDN qui fait déclencher l’enquête par la DPSD ou la DCRI.

11 () Toutefois, si l’infraction résulte d’une imprudence ou d’une négligence, les peines encourues sont de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

12 () L’incrimination de l’article 413-10 est parfois considérée comme punissant la compromission passive par opposition à l’article 413-11 qui punirait la compromission passive. Cette interprétation est donc erronée.

13 () Toutefois, au cours de ses auditions, votre rapporteur pour avis a appris que les magistrats du pôle anti-terroriste bénéficiaient d’habilitation au secret de la défense nationale, à des niveaux variables (confidentiel défense ou secret défense). Cette exception au principe de non habilitation des magistrats s’explique par la nécessité pour ces magistrats de pouvoir disposer d’informations générales sur la menace terroriste, notamment produite par la Direction centrale du renseignement intérieur, qui est à la fois service de renseignement et service de police judiciaire. Cette habilitation ne saurait cependant pas être utilisée par les magistrats dans le cadre d’une procédure pénale.

14 () Il peut s’agir d’une juridiction judiciaire comme d’une juridiction administrative. Sont par ailleurs considérés comme des « juridictions » au sens de cet article le juge d’instruction et le procureur de la République.

15 () Le président de la CCSDN a indiqué que la Commission avait étendu la notion de « personnels » aux sources des services de renseignement, qui ne font pas partie de leurs personnels permanents, mais donc la protection de la confidentialité est une règle impérative en matière de renseignement.

16 () Rapport de la Commission consultative de la défense nationale 1998-2004, La documentation française, 2005, p. 142.

17 () Le rapport précité de la CCDN 1999-2004, les énumère :

– les plans militaires, les systèmes d’armes ou les opérations ;

– les informations fournies par des pays étrangers ;

– les activités de renseignement, les sources d’information et la cryptologie ;

– les relations et les activités diplomatiques y compris les sources confidentielles ;

– les domaines scientifique, technologique, économique en relation avec la sécurité nationale ;

– les programmes du gouvernement américain de sauvegarde des matières nucléaires ;

– les capacités et vulnérabilité des systèmes, installations, projets ou plans en matière de sécurité nationale.

18 () Toutefois, lorsque des informations classifiées sont produites en justice, elles doivent être utilisées dans un cadre sécurisé, en application du « Classification information procedures Act » de 1980.

19 () Ces informations sont précisément énumérées : Taille, forme, organisation, logistique, ordre de bataille, déploiement, opérations, état de préparation et d’entraînement des forces armées de la couronne ; Armes, stocks et autres équipements des forces ainsi qu’inventions, stade de développement, production et recherche concernant ces équipements ; politique et stratégie de défense, organisation militaire et renseignement ; Plans et mesures pour l’entretien des équipements essentiels et services qui seraient utiles en temps de guerre.

20 () En 2004 le procureur du tribunal de Tempio Pausania, a pénétré dans la villa « La Certosa », propriété de Silvio BERLUSCONI, Président du conseil des ministres de l’époque, pour vérifier s’il n’avait pas fait des constructions sans autorisation dans une zone protégée. Il a été indiqué au procureur, que par décret du ministre de l’intérieur, la villa était couverte par le secret d’Etat. Le procureur de Tempio Pausania a soulevé le conflit d’attribution entre les pouvoirs devant la Cour constitutionnelle qui a déclaré le recours inadmissible.

21 () Le 2 mai 2007, l’accès de la présidence de la République a été refusé à deux magistrats qui souhaitaient y opérer une perquisition dans le cadre de l’affaire Borrel. Néanmoins, la question de savoir si l’article 67 entraîne l’interdiction de toute perquisition au sein des locaux de la présidence de la République, y compris pour des enquêtes ne portant pas sur le chef de l’Etat, fait l’objet d’appréciations divergentes de la part de la doctrine. Voir notamment la position du professeur Frédéric Rollin contre cette interprétation (http://frederic-rolin.blogspirit.com).

22 () Tableau tiré du Rapport n°771 (XIIIème Législature), fait par M. Étienne Blanc au nom de la commission des Lois sur le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes.

23 () Il est à noter que d’autres professions bénéficient de règles dérogatoires au droit commun : en application de l’article 56-3 du code de procédure pénale, les perquisitions dans le cabinet d’un médecin, d’un notaire, d’un avoué ou d’un huissier doivent être effectuées par un magistrat, en présence de la personne responsable de l’ordre ou de l’organisation professionnelle à laquelle appartient l’intéressé.

24 () Depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000.

25 () Dans le cas de perquisitions effectuées dans les locaux de l'ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats, ou au cabinet ou au domicile du bâtonnier, les attributions confiées au JLD sont exercées par le président du tribunal de grande instance.

26 () (Circ. 11 août 1958, art. 2, al. 2) 

27 () Le texte complet de l’avis du Conseil d’Etat figure en annexe au présent rapport.

28 () Art. 413-11 du code pénal.

29 () Art. 413-10 du code pénal.

30 () Circulaire de la DACG n°CRIM 08-01/G1 du 3 janvier 2008 relative au secret de la défense nationale

31 () La circulaire CRIM 04-16 E8 du 21 septembre 2004 précise que l’article 76 du code de procédure pénale, qui autorise les perquisitions en enquête préliminaire avec l’assentiment de l’intéressé, ou sur autorisation du juge des libertés et de la détention, peut trouver application dans les lieux relevant des dispositions des articles 56-1 à 56-3. Les règles prévues par ces articles doivent alors être respectées. Cette solution devrait donc être applicable dans les lieux relevant de l’article 56-4.

32 () Le II de l’article 12 modifie à cet effet l’article 96 du code de procédure pénale, relatif aux pouvoirs de perquisition du juge d’instruction.

33 () La classification des informations détenues par des entreprises relève bien évidemment de l’autorité administrative, et non de l’entreprise elle-même. Ces entreprises dépositaires de secrets de la défense nationale doivent désigner, avec l’agrément de l’autorité administrative compétente, un agent de sécurité chargé d’assurer le contrôle permanent des informations ou supports protégés.

34 () Article 5 du décret n° 98-608 du 17 juillet 2008 relatif à la protection des secrets de la défense nationale.

35 () L’article 78 de l’IGI n° 1300 précise les normes des zones réservées : ouvertures en nombre restreint, fenêtres protégées, portes renforcées avec serrure de sécurité, coffre-fort de type approuvé, contrôle permanent de la zone…

36 () Des solutions comparables ont d’ailleurs été retenues s’agissant des perquisitions au cabinet ou au domicile d’un avocat pour lesquelles le bâtonnier peut être représenté par un délégué, ainsi que pour les perquisitions au cabinet d’un médecin, d’un notaire, d’un avoué ou d’un huissier pour lesquels le responsable de l’ordre peut être représenté.

37 () Sur le fond, il ne serait pas forcément souhaitable que des parlementaires soient conduits à participer à une opération de perquisition.

38 () Voir amendement CL 28, p. 63.

39 () Voir le décret n°2001-648 du 19 juillet 2001 relatif à l'attribution d'une indemnité au président et aux collaborateurs de la Commission consultative du secret de la défense nationale, et l’arrêté du 24 mars 2003 modifiant l'arrêté du 19 juillet 2001 fixant le montant des indemnités susceptibles d'être allouées au président et aux collaborateurs de la Commission consultative du secret de la défense nationale.

40 () L’article L. 2312-5 du code de la défense dispose que les membres de la CCSDN sont autorisas à connaître de toute information classifiée dans le cadre de leurs fonctions.

41 () En précisant que « si les nécessités de l’enquête justifient que les éléments classifiés soient saisis en original, des copies sont laissés à leur détenteur », le projet de loi reprend la pratique suggérée par la circulaire du garde des sceaux du 3 janvier 2008. Cette dernière insiste sur la nécessité de veiller au cours de la perquisition au respect du principe de continuité du service public, notamment en matière de défense, qui est essentielle en matière de protection des intérêts fondamentaux de l’État. À cet égard, elle suggère de placer sous main de justice des copies des données sur support informatique plutôt que l’original et recommande, dans tous les cas, de laisser à la disposition de l’autorité administrative une copie de travail du document saisi.

42 () Cf. commentaire de l’article 14.

43 () Voir le commentaire de l’article 13.

44 () Principalement dans les locaux diplomatiques et consulaires (cf. II. A. 1. de l’exposé général).

45 () Les articles 413-5 et R. 644-1 du code pénal les définissent comme tout terrain, construction, engin ou appareil affecté à l’autorité militaire ou placé sous son contrôle.

46 () Comme pour la procédure applicable dans les lieux susceptibles d’abriter des éléments classifiés, le magistrat ne pourra pas non plus déléguer ses pouvoirs à un officier de police judiciaire.

47 () Sur les modalités de cette information, voir le commentaire de l’article 13.

48 () Un amendement à l’article 13, modifiant l’article 413-9-1 du code pénal, pourrait en effet préciser que la décision de classification est une décision du premier ministre.

49 () Le projet de loi ne prévoit pas, dans cette circonstance, que le président de la CCSDN puisse faire représenter par un de ses membres. Toutefois, en cas d’absence ou d’empêchement, l’article L. 2312-2 du code de la défense dispose qu’il peut se faire suppléer par le vice-président.

50 () Le projet de loi précise qu’il s’agit d’une décision « temporaire », elle ne vaut donc que pour le seul temps de la perquisition, « aux fins de perquisition », elle autorise donc uniquement à accéder aux lieux les seules personnes dont la présence est indispensable à la perquisition, et « dans les limites de la déclassification ainsi décidée », elle ne permet donc un accès que dans les seules zones ayant fait l’objet d’une déclassification (celle-ci pouvant être totale ou partielle).

51 () L’exposé des motifs du projet de loi, page 16, indique par erreur l’inverse.

52 () Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, La documentation française, 2008, p. 133-134.

53 () L’article 414-9 du code pénal protège ainsi les « informations échangées en vertu d’un accord de sécurité relatif à la protection des informations classifiées ».

54 () Cette liste pourrait éventuellement être communiquée à la délégation parlementaire au renseignement, dont les membres sont habilités au secret défense. Elle pourrait alors adresser confidentiellement ses remarques aux responsables de l’exécutif. Toutefois, l’article 6 nonies de l’ordonnance 58-110 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ne permet pas la communication à la délégation d’informations portant sur « l’activité opérationnelle des services ».

55 () Cf. Article L 322-3 et L. 322-9 du code monétaire et financier ou l’article 47-4 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

56 () La création d’une incrimination spécifique de destruction de lieu classifié aurait donc pour conséquence de ne pas permettre l’application de ces sanctions alourdies lorsque la destruction d’un lieu classifié résulte d’un engin explosif, d’un incendie ou d’un moyen dangereux pour les personnes.

57 () Dans le cadre de la procédure de communication de documents par réquisition, l’article L. 2312-1 du code de la défense précise que la demande doit être faite par une « juridiction française ». Cette précision permet d’interdire à un ministre qui serait saisi par une juridiction étrangère ou internationale de requérir l’avis de la CCSDN. Cette précaution n’est pas nécessaire dans le cadre des perquisitions dans les lieux classifiés qui ne peuvent, en tout état de cause, être décidé que par des magistrats français.

58 () Voir le développement sur cette question, p. 43.

59 () Au cours de la perquisition, le représentant de la CCSDN se contente d’apprécier si les éléments découverts ont un lien avec l’infraction poursuivie, il ne doit pas s’interroger, à ce stade, sur l’opportunité d’une déclassification ultérieure.

60 () Instruction 1300 annexée à l’arrêté relatif à la protection du secret de la défense nationale du 25 août 2003, publié au Journal officiel du 2 septembre 2003, jointe en annexe 2 à la présente circulaire.

61 () À titre d’exemple, sur 24 demandes de déclassification traitées par le ministère de la défense au cours des années 2005 et 2006 concernant 1 600 documents, seulement trois demandes concernant 100 documents avaient fait l’objet d’une perquisition préalable.