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N° 1595

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 avril 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LA PROPOSITION DE LOI relative aux hauts revenus et à la solidarité (n° 1544),

PAR M. Pierre-Alain MUET,

Rapporteur,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1544

INTRODUCTION 5

LA CRISE A ÉTÉ PRÉCÉDÉE PAR UNE FORTE MONTÉE DES INÉGALITÉS ET PAR L’EXPLOSION DE LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS 9

I.– UN RETOURNEMENT HISTORIQUE : LA FORTE AUGMENTATION DES TRÈS HAUTS REVENUS 9

II.– LES HAUTS REVENUS CAPTENT UNE PART CROISSANTE DE LA RICHESSE NATIONALE EN FRANCE 10

III.– LES RÉMUNÉRATIONS DES DIRIGEANTS ONT TRÈS FORTEMENT AUGMENTÉ AU COURS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE 12

DISCUSSION GÉNÉRALE 17

EXAMEN DES ARTICLES 23

TABLEAU COMPARATIF 75

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION  83

ANNEXE : DÉCRET DU 30 MARS 2009 ET ARTICLE 25 DE LA DEUXIÈME LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2009 89

Mesdames, Messieurs,

Notre pays comme l’ensemble du monde traverse une crise économique sans précédent depuis la seconde guerre mondiale par son ampleur, sa violence et sa gravité. Cette crise a deux faces. Il y a certes la crise financière, née d’exigences de rentabilité incompatibles avec l’économie réelle, entretenues par la multiplication d’innovations financières qui se sont effondrées comme des châteaux de cartes lorsque les anticipations des marchés se sont retournées.

Mais il y a aussi l’autre face : la pression constante sur les salaires résultant de ces exigences de rentabilité, qui a profondément creusé les inégalités entre revenus salariaux et revenus du capital, et entraîné une concentration de la richesse au sein d’une petite minorité de la population. D’un côté, l’endettement de ménages modestes se substituait à la faiblesse des hausses des salaires pour maintenir la progression de la demande ; de l’autre, la dérive des rémunérations des dirigeants alimentait des prises de risque insensées, jusqu’à ce que tout s’effondre avec le retournement des marchés.

Comme dans les années qui précédèrent la crise de 1929, la dernière décennie a vu se développer une explosion des inégalités. Initié aux États-Unis et en Grande-Bretagne au milieu des années 1980, ce creusement des inégalités s’est généralisé à l’ensemble des pays anglo-saxons dans les années 1990. La France, comme d’autres pays d’Europe continentale, a connu ce phénomène plus tardivement. Mais la dérive des hautes rémunérations y a été accentuée ces dernières années par l’abaissement des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu et la création du bouclier fiscal, dont tout démontre qu’il bénéficie essentiellement aux très grands patrimoines.

Ce creusement des inégalités marque une rupture par rapport à la situation qui prévalu pendant près d’un demi-siècle. L’écart des rémunérations qui était de l’ordre de 1 à 20 ou de 1 à 30 dans les années 1960-70 dans la majorité des pays a explosé, retrouvant des valeurs qui n’avaient pas été observées depuis les années trente.

Aux États-Unis où le salaire médian stagne depuis plus d’une décennie, celui des dirigeants s’est envolé pour atteindre plus de 300 fois le salaire médian. Un phénomène comparable a été observé en France. Le salaire de 90 % des salariés les moins payés a stagné depuis 2002 alors que la rémunération des chefs d’entreprise du CAC 40 atteignait 4,7 millions d’euros en 2007 en moyenne, soit plus de 300 fois le montant du salaire minimum. Cette dérive des rémunérations des dirigeants des grandes sociétés résulte notamment du développement des stock options, bonus, actions gratuites… qui représentent plus des deux tiers des rémunérations les plus élevées.

Il n’existe aucune justification économique à ce niveau de rémunération. Ni la rémunération du risque, puisqu’elles reposent en grande partie sur des rémunérations variables (stock options, bonus) qui ne sont exercées que lorsqu’elles sont favorables et qu’elles s’accompagnent, par ailleurs, de parachutes dorés et de retraites « chapeau ». Ni la performance puisqu’elles reflètent en grande partie les mouvements généraux de la Bourse. Le PDG de Merril Lynch était, en 2007, le dirigeant le mieux payé de Wall Street avec 83 millions de dollars avant que son entreprise ne soit rachetée pour éviter la faillite.

Comment surtout justifier des rémunérations de près de 5 millions d’euros pour les dirigeants du CAC 40, alors que le salaire net du dirigeant d’une PME de moins de 10 salariés est égal à 3 SMIC (36 000 euros) et celui d’un dirigeant d’entreprise de moins de 500 salariés d’environ 70 000 euros en moyenne !

Cette explosion des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises est particulièrement choquante dans le cas d’entreprises qui font appel à l’argent public. Peut-on accepter que l’argent public serve à verser des rémunérations excessives à des dirigeants dont l’entreprise a été sauvée de la faillite par le contribuable ?

Ces considérations ont conduit le président Barack Obama à limiter à 500 000 dollars la rémunération des dirigeants des entreprises qui ont fait appel aux subventions publiques.

Cette proposition de loi poursuit le même objectif.

Dans son article 2, elle instaure un plafond à la rémunération des dirigeants des entreprises recapitalisées, fonction de la rémunération la plus basse dans l’entreprise (25 fois la rémunération nette). C’est à la fois comparable à la mesure prise par le président Obama et cohérent avec la situation qui prévalait avant la dérive des rémunérations patronales.

Dans son article 3, elle interdit l’attribution des stock options et d’actions gratuites aux dirigeants d’entreprises recapitalisées et, plus généralement, aux personnes rémunérées par ces sociétés. Cette disposition vise à interdire tout contournement du plafonnement mis en place à l’article 2 et à éviter que les dirigeants des sociétés recapitalisées bénéficient indirectement des résultats positifs de l’action publique.

Au-delà des entreprises recapitalisées, la limitation des dérives des hautes rémunérations suppose d’accroître la transparence de celles-ci. C’est pourquoi un amendement à cette proposition de loi propose un article additionnel qui prévoit d’instaurer un plafond aux rémunérations des dirigeants des grandes entreprises sous forme également d’un rapport à la rémunération la plus basse. Ce rapport serait proposé par le conseil d’administration et validé par l’assemblée générale des actionnaires, après consultation du comité d’entreprise.

Mais au moment où la crise économique et sociale exige un effort de toutes et de tous, il est profondément injuste que le bouclier fiscal exonère les plus fortunés de toute contribution à la solidarité nationale. C'est pourquoi l'article 1er propose sa suppression.

Les données disponibles pour 2007 et 2008 montrent clairement que le bouclier fiscal accentue fortement l’injustice de notre système fiscal :

– 8 euros sur 10 payés au titre du bouclier vont aux 10 % des ménages ayant les plus hauts revenus ;

– 2 euros sur 3 vont aux ménages disposant de plus de 15 millions d’euros de patrimoine ;

– la réforme de 2007 a accentué le caractère inéquitable du dispositif : la dépense fiscale a doublé, alors que le nombre de bénéficiaires est resté quasiment constant ;

 l’argument selon lequel le bouclier fiscal permet « d’éviter qu’un contribuable travaille plus d’un jour sur deux pour l’État » ne tient pas. Il est impossible d’atteindre la limite prévue par le bouclier par les seuls revenus du travail. Le bouclier fiscal ne joue qu’à raison de la détention d’un patrimoine important : 0,08 % des contribuables de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre de la première tranche actionnent le bouclier contre 39 % pour la dernière tranche ;

 les contribuables modestes qui ne paient pas l’ISF et actionnent le bouclier se partagent seulement 1 % du coût de la mesure. Les montants restitués à ces contribuables ont d’ailleurs diminué de moitié en 2008. Pour ces contribuables modestes, l’administration fiscale réglait elle-même ce type de problème par les demandes de remise gracieuse ;

 le bouclier fiscal instaure un double bonus car le revenu retenu pour le calcul du bouclier fiscal n’est pas le revenu « réel » du contribuable, mais un revenu diminué de l’usage de dispositifs fiscaux dérogatoires (niches fiscales) et notamment des niches d’assiette. Certaines niches d’assiette ont été encadrées par la loi de finances pour 2009. Mais cet encadrement ne joue pas dès 2009 et, surtout, plusieurs dispositifs permettront toujours de diminuer son revenu imposable dans des proportions parfois très importantes. C’est le cas du dispositif « monuments historiques » sans aucune limite, des revenus placés pour se constituer une retraite par capitalisation, des plus-values de cessions sur les valeurs mobilières inférieures à 25 000 euros et de certaines plus-values immobilières ;

 enfin, les bénéficiaires du bouclier fiscal ne sont pas concernés par le plafonnement des niches fiscales, puisqu’ils sont de toute façon exonérés de tout prélèvement supplémentaire. Le plafonnement – nécessaire – des niches fiscales, conjugué au maintien du bouclier, aboutit à ce paradoxe : seul un contribuable ne disposant pas d’un patrimoine important sera appelé à payer plus d’impôts demain au titre du plafonnement. Les plus riches y échapperont.

*

* *

LA CRISE A ÉTÉ PRÉCÉDÉE PAR UNE FORTE MONTÉE DES INÉGALITÉS ET PAR L’EXPLOSION DE LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS

La crise actuelle a été précédée par un formidable creusement des inégalités. Le mouvement s’est amorcé aux États-Unis au cours des années 1980 puis s’est généralisé à l’ensemble des pays anglo-saxons. Ce n’est que plus récemment que cette augmentation considérable des très hauts revenus s’observe en France. Dans tous les pays, cette montée des inégalités résulte largement de l’explosion des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises.

Ces évolutions marquent une rupture historique par rapport à la baisse des inégalités qu’ont connue les pays industrialisés, à la suite de la crise de 1929 et de la seconde guerre mondiale.

I.– UN RETOURNEMENT HISTORIQUE : LA FORTE AUGMENTATION DES TRÈS HAUTS REVENUS

Dans les années 1920, la fraction du revenu national détenue par les 0,1 % des ménages les plus riches représentait en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis entre 6 et 9 % du revenu national. Cette part des très hauts revenus dans la richesse nationale a diminué considérablement dans tous les pays à la suite de la crise de 1929 et ce mouvement s’est poursuivi dans l’après-guerre pour se stabiliser autour de 2 % du revenu national comme le montrent les graphiques suivants.

Source : A. B. Atkinson, T. Piketty, “Towards a unified data set on top incomes [chap. 13]”, in : Top incomes over the twentieth century : a contrast between continental European and English-speaking countries, Oxford, Oxford university press, 2007 (la dernière valeur du graphique est celle de 2000 pour le Royaume-Uni et de 2002 pour les États-Unis)

Depuis les années 1980, le mouvement s’inverse aux États-Unis et au Royaume-Uni où l’on observe à nouveau une forte augmentation des très hauts revenus. L’Europe continentale a semblé, un temps, rester à l’écart de cette montée des inégalités, mais les données disponibles jusqu’en 2005 pour la France montrent qu’un mouvement comparable s’amorce, qui pourrait conduire notre pays à emprunter le sentier des pays anglo-saxons où cette explosion des très hauts revenus perdure depuis une vingtaine d’années.

De nombreuses études confirment cette montée des inégalités. Dew-Becker et Gordon constatent que, si le salaire moyen augmente, le salaire médian, en revanche, stagne aux États-Unis entre 1966 et 2001. Les gains résultant de l’augmentation de la productivité se concentrent sur les revenus les plus élevés (1). Au cours du dernier cycle économique, entre 2001 et 2008, on constate (2) également que la très grande part de la richesse créée aux États-Unis a été captée par les très hauts revenus. Ainsi, alors que les revenus des 90 % les moins aisés ont stagné, ceux des 1 % les plus riches ont triplé (+203,7 %) et ceux des 0,01 % les plus aisés ont plus que quintuplé (+425 %). Cette forte hausse des inégalités est accompagnée par une immobilité sociale importante. Sur la décennie, 60 % des ménages du dernier quintile (les 20 % des ménages les moins aisés) font toujours partie de cette tranche de revenus à la fin de la période.

II.– LES HAUTS REVENUS CAPTENT UNE PART CROISSANTE DE LA RICHESSE NATIONALE EN FRANCE

Un mouvement comparable, quoique de moindre ampleur, s’observe dans notre pays. Entre 1998 et 2007, les très hauts revenus augmentent fortement, alors que ceux de la plus grande partie de la population stagnent depuis 2002.

Entre 1998 et 2006, les revenus réels des 350 000 ménages français les plus riches (soit 1 % des ménages ou « dernier centile ») connaissent une hausse de 19 %. Pour les 35 000 foyers fiscaux les plus aisés (soit 0,1 % des ménages), cette hausse est de 32 %. Enfin, pour les 3 500 ménages les plus fortunés (0,01 % des ménages), la hausse des revenus réels atteint 43 %. En sens contraire, le revenu des 90 % ménages les plus modestes augmente de 4,6 % puis stagne à partir de 2002. Le graphique suivant, dont les éléments chiffrés sont détaillés par le tableau ci-après, illustre cette évolution.






Source : C. Landais, Les très hauts revenus en France (1998-2006) : une explosion des inégalités ?, Paris school of economics, juin 2007

TAUX DE CROISSANCE DES REVENUS RÉELS ENTRE 1998 ET 2006 ET NIVEAU MOYEN DES REVENUS EN 2005 DES MÉNAGES FRANÇAIS

(en euros)

0,01 % des ménages les plus riches (soit 3 500 ménages)

42,6 %

1 499 654

0,1 % des ménages les plus riches (soit 35 000 ménages)

32,0 %

537 043

1 % des ménages les plus riches (soit 350 000 ménages)

19,4 %

201 423

5 % des ménages les plus riches (soit 1,75 million de ménages)

11,3 %

104 364

10 % des ménages les plus riches (soit 3,5 millions de ménages)

8,7 %

79 210

90 % des ménages les moins riches (31,5 millions de ménages)

4,6 %

18 502

Source : C. Landais, Les très hauts revenus en France (1998-2006) : une explosion des inégalités ?, Paris school of economics, juin 2007

Une conclusion en émerge : l’augmentation de la richesse au cours des dernières années est presque entièrement captée par les plus hauts revenus.

Ces éléments chiffrés ne concernent que les revenus primaires, c’est-à-dire avant impôts. La disparité est encore plus forte pour les revenus disponibles après impôts, car plusieurs mesures ont contribué à réduire la fiscalité applicable aux très hauts revenus. D’une part, entre 1998 et 2006, le taux marginal d’imposition sur la tranche la plus élevée du barème de l’impôt sur le revenu est passé de 54 % à 40 %. D’autre part, la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat prévoit une réduction importante des droits de succession sur les hauts patrimoines, ainsi que l’inclusion des prélèvements sociaux dans le calcul du bouclier fiscal étendu à 50 % des revenus. Les revenus après impôts amplifient donc le constat fait ci-dessus.

La hausse des très hauts revenus en France est due, en premier lieu, aux revenus du patrimoine. Les revenus du capital représentent en effet une part importante des revenus de ces ménages, pouvant aller jusqu’à 55 % du revenu total pour les 0,01 % ménages les plus aisés. En particulier, les revenus des capitaux mobiliers qui en représentent une part prépondérante augmentent fortement entre 1998 et 2005. Comme le note Camille Landais, « tandis que les salaires par foyer ont cru en moyenne annuelle de 0,7 % sur la période, les revenus fonciers par foyer ont cru de près de 2,2 % par an et les revenus des capitaux mobiliers par foyer de près de 3,9 % par an, soit au total une croissance de 31 % sur huit ans » (3). Cette évolution s’expliquerait par l’alignement des politiques de dividendes des grandes entreprises cotées sur les pratiques en vigueur aux États-Unis.

La hausse des très hauts revenus en France est liée, en second lieu, à l’accroissement des inégalités salariales. Celles-ci constituent une caractéristique de la dernière décennie par rapport aux périodes précédentes. Sur la dernière décennie, la croissance des salaires des 3 500 ménages les plus aisés atteint 51 %, alors que le salaire réel de la grande majorité de la population augmente seulement de 3 %.

III.– LES RÉMUNÉRATIONS DES DIRIGEANTS ONT TRÈS FORTEMENT AUGMENTÉ AU COURS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE

Il est difficile d’évaluer le niveau de rémunération des dirigeants de grandes entreprises. Ceux-ci perçoivent en effet des rémunérations sous forme monétaire mais aussi sous forme de revenus différés comme les stock options. Ils peuvent également bénéficier d’une protection sociale payée par l’entreprise, d’avantages en nature comme les véhicules ou les appartements de fonction, de rémunérations tirées d’autres activités comme le conseil ou la présence au sein d’autres conseils d’administration que celui de leur entreprise, ou de prêts accordés par leur société à un taux avantageux. Selon Bebchuk et Fried (4), cette opacité est voulue car elle permet de ne pas subir la pression des actionnaires, des salariés et de l’opinion (nommée « contrainte de l’indignation » par ces économistes). Les évaluations peuvent donc diverger selon le mode de calcul utilisé. Ainsi, les chiffres avancés dans le présent rapport doivent être précisés :

– dans l’étude de long terme sur la rémunération des dirigeants américains, Frydman et Saks prennent en compte les salaires et bonus ainsi que la valeur des stock options au moment où elles sont attribuées. Ils ne prennent en compte ni les retraites « chapeau » ni les avantages en nature ;

– Proxinvest fournit des éléments chiffrés sur les rémunérations des membres des équipes dirigeantes des sociétés du CAC 40 depuis 1998. Le calcul prend en compte les mêmes éléments de rémunérations y compris stock options et actions gratuites ;

– l’Expansion, enfin, dont les chiffres sont rappelés dans le commentaire de l’article 2, ne prend en compte que le salaire fixe, les bonus, les avantages en nature et les jetons de présence versés par la société dirigée, sans inclure les avantages découlant de l’attribution de stock options. Le montant ainsi obtenu est donc inférieur aux sommes effectivement perçues.

Selon les évaluations de Proxinvest, la rémunération moyenne des équipes dirigeantes du CAC 40 est passée d’environ 800 000 euros en 1998 à plus de deux millions d’euros en 2007, soit une hausse de 150 %. La part des stock options et actions gratuites dans cette augmentation est centrale. 2,2 milliards d’euros auraient été versés sous cette forme aux dirigeants d’entreprise en 2008, selon les calculs de l’ACOSS (5).

Un président exécutif du CAC 40 gagne en moyenne 4,7 millions d’euros en 2007, soit plus de 300 fois le SMIC. Le graphique suivant, issu également des évaluations de Proxinvest, présente la décomposition des rémunérations totales des cinq présidents exécutifs les mieux rémunérés. Il montre que ce sont essentiellement les facteurs variables de la rémunération des dirigeants – stocks options, actions gratuites… – qui expliquent ces niveaux de rémunération.

Si les rémunérations des dirigeants des grandes sociétés françaises restent inférieures à celles des dirigeants des sociétés américaines (la moyenne des PDG des 500 entreprises du Standard & Poor’s est de 10,5 millions de dollars) (6), elles tendent à s’en rapprocher par l’importance des facteurs variables et restent, comme nous le verrons plus loin, parmi les plus élevées des pays européens.








Source : Proxinvest. Le SBF 120 est un indicateur boursier regroupant les 120 entreprises cotées françaises les plus importantes.

Source : Proxinvest

Que représentent ces évolutions par rapport au passé ? Une étude sur longue période des rémunérations des dirigeants des cinquante plus grandes entreprises cotées aux États-Unis, réalisée par Frydman et Saks (7) montre qu’il s’agit d’une envolée sans précédent comme le montre le graphique ci-après.

MONTANT DES RÉMUNÉRATIONS DES TROIS DIRIGEANTS LES MIEUX PAYÉS DES CINQUANTE PLUS GRANDES ENTREPRISES AMÉRICAINES ET RAPPORT ENTRE CE MONTANT ET LA RÉMUNÉRATION MOYENNE DES SALARIÉS

(en millions de dollars)

Source : Carole Frydman, Raven E. Saks, Executive compensation : a new view from a long-term perspective, 1936-2005

Alors que, dans les années 1930, la rémunération moyenne (8) des 150 dirigeants les mieux payés des 50 plus grandes entreprises américaines représentait 82 fois le salaire moyen, ce rapport tombe à 39 dans les années 1960. À partir des années 1980, il augmente de manière exponentielle pour dépasser 300 au début des années 2000. Cette forte hausse s’explique par la généralisation de l’attribution des options sur actions. Celles-ci ne représentaient que 11 % de leur rémunération dans les années 1960 mais elles en constituaient 48 % au début des années 2000. Alors que la rémunération courante de ces dirigeants a été multipliée par 3,1 depuis les années 1960, leur rémunération totale a été multipliée par 8,5 en raison de ces nouveaux modes de gratification.

La régulation des rémunérations des dirigeants de grandes sociétés cotées passe donc par une action sur les attributions de stock options.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine, au cours de sa séance du 8 avril 2009, sur le rapport de M. Pierre-Alain Muet, la proposition de loi visant à supprimer le bouclier fiscal et limiter les rémunérations des dirigeants des sociétés aidées par l’État (n° 1544).

M. le président Didier Migaud. Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité, présentée par les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Cette proposition fera l’objet d’un examen en séance publique le jeudi 30 avril à 9 heures 30. Trois articles sont proposés à notre discussion. Le premier a trait à l’abrogation du bouclier fiscal, les deux autres à l’encadrement des rémunérations des dirigeants d’entreprises bénéficiant d’aides publiques sous forme de recapitalisation.

M. Pierre-Alain Muet, rapporteur. Cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans les réponses à apporter à la crise actuelle, qui comporte deux faces : les exigences de rentabilité incompatibles avec l'économie réelle n'ont pu se maintenir que par les dérives d'une mondialisation financière incontrôlée ; elles ont aussi provoqué, dans tous les pays, une explosion des inégalités. La faiblesse des rémunérations salariales a nourri le recours à l'endettement et gonflé la bulle financière. L'écart entre les rémunérations dans les entreprises, qui était de l'ordre de 1 à 20 dans les années 1960-1970 dans la plupart des pays, est souvent passé de 1 à 300, ce qui nous ramène à la période qui avait précédé la crise de 1929. Le phénomène a été observé aussi bien aux États-Unis qu’en France et au Royaume-Uni.

En France, alors que 90 % des salariés les plus modestes ont vu leur revenu stagner depuis 2002, la rémunération moyenne des chefs d’entreprise du CAC 40 est passée de 550 000 euros en 1999 à 4,7 millions d'euros en 2007, soit près de dix fois plus. Il n'existe aucune justification économique à cette dérive : ni le risque pris, puisque les revenus de ces dirigeants reposent en grande partie sur des rémunérations variables, en particulier des stock-options qui ne sont exercées que lorsque les conditions sont favorables, et s'accompagnent de parachutes dorés et de retraites chapeaux ; ni la performance de l’entreprise, puisque ces revenus reflètent essentiellement les mouvements généraux de la bourse. Le PDG de Merrill Lynch était, en 2007, le dirigeant le mieux payé de Wall Street, avec 83 millions de dollars.

Comment justifier une rémunération de près de 5 millions d'euros pour les dirigeants du CAC 40 alors que le salaire net d'un dirigeant d'une entreprise de moins de 10 salariés est en moyenne de 36 000 euros, c'est-à-dire trois SMIC, et que celui d'une entreprise de moins de 500 salariés est de 70 000 euros ? On le voit, l’explosion des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises n’a que peu de rapport avec ce que les économistes appellent la « productivité marginale du travail ». Elle est particulièrement choquante dans le cas d'entreprises qui font appel à l'argent public. Peut-on accepter que cet argent serve à verser des rémunérations excessives à des dirigeants dont l'entreprise a été sauvée de la faillite par le contribuable ?

Ces considérations ont conduit le président Obama à limiter à 500 000 dollars la rémunération des dirigeants des entreprises qui ont fait appel aux subventions publiques.

Cette proposition de loi a exactement le même objectif.

L’article 3 interdit l'attribution de stock-options et d'actions gratuites – qui représentent la moitié des rémunérations des dirigeants – aux dirigeants d'entreprises recapitalisées. Il s’agit, d'une certaine façon, d’un approfondissement de la disposition prévue dans le collectif budgétaire.

L’article 2 instaure un plafond à la rémunération des dirigeants des entreprises recapitalisées, fixé à 25 fois la rémunération nette la plus basse dans l'entreprise. C'est une mesure comparable à celle qui a été prise aux États-Unis par le président Obama, cohérente avec la situation qui prévalait avant la dérive des rémunérations patronales et compatible avec le niveau des rémunérations les plus élevées dans le secteur public – celle du Président de la République, par exemple s’élevant à 295 000 euros.

Si l’on retient cette formule, un dirigeant ne pourra s'augmenter que s'il augmente les plus bas revenus. Nous proposons également un article additionnel tendant à plafonner les rémunérations des dirigeants des grandes entreprises, également par le biais d'un rapport à la rémunération la plus basse, qui serait proposé par le conseil d'administration et validé par l'assemblée générale des actionnaires.

Enfin, comment prétendre moraliser le capitalisme tout en conservant le bouclier fiscal ? Comment parler de solidarité nationale quand les bénéficiaires de ce dispositif sont en fait exonérés de toute hausse de la fiscalité ? Cette question a été soulevée lors du débat sur l'instauration de la taxe additionnelle à la CSG et la CRDS, assise sur les revenus du patrimoine, pour financer le RSA. Cet argument de justice fiscale a été repris par M. Philippe Séguin lors de son audition par notre commission à l'occasion de la présentation du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Il a été évoqué également par M. Philippe Marini dans son rapport sur la proposition de loi du groupe CRC du Sénat visant à abroger le bouclier fiscal.

L'article 1er vise donc à supprimer le bouclier fiscal. Les données disponibles pour 2007 et 2008 montrent clairement que ce dispositif concerne essentiellement les contribuables aisés : 8 euros sur 10 versés au titre du bouclier vont aux 10 % des ménages ayant les plus hauts revenus, 2 euros sur 3 vont aux ménages disposant de plus de 15 millions d'euros de patrimoine. La réforme de 2007 a encore accentué son caractère inéquitable : la dépense fiscale a doublé alors que le nombre de bénéficiaires est resté quasiment constant, passant de 13 700 à 13 900.

L'argument selon lequel le bouclier fiscal permet d' « éviter que l'on travaille un jour sur deux pour l'État » ne tient pas, car il est impossible d'atteindre par les seuls revenus du travail la limite prévue dans le dispositif. Le bouclier fiscal ne joue qu'à raison de la détention d’un patrimoine : s’il est actionné par seulement 0,08 % des contribuables se situant dans la première tranche d’imposition de l'ISF, en revanche il l’est par 39 % de ceux qui atteignent la dernière tranche.

L'argument du bénéfice qu’en tireraient les contribuables modestes ne tient pas non plus. Certes 60 % des personnes concernées par le bouclier ne paient pas l'ISF, mais elles se partagent seulement 1 % des sommes versées, et les montants qui leur sont restitués sont passés de 9,6 millions en 2007 à 4 millions en 2008. En outre, précédemment, l'administration fiscale réglait elle-même ce type de problème par les demandes de remise gracieuse.

Le bouclier fiscal instaure un double bonus car le revenu retenu pour le calcul n'est pas le revenu réel du contribuable, mais un revenu diminué de l'usage de dispositifs fiscaux dérogatoires, notamment des niches d'assiette qui, du moins jusqu’en 2010, ne sont pas plafonnées. En 2007, 27 contribuables disposant de plus de 15 millions d’euros de patrimoine ont déclaré un revenu fiscal de référence de 1 000 euros par mois seulement, soit moins que le SMIC ; 36 sont dans cette situation en 2008, grâce à l’optimisation des niches.

Le rapport sur les niches fiscales montre d’ailleurs que 1 % des foyers fiscaux ont imputé un déficit moyen de 400 000 euros. Un contribuable dont le revenu réel serait de 400 000 euros pourrait ainsi ramener son impôt sur le revenu à 0. Non seulement il aurait économisé 148 000 euros au titre de l'IR, mais le bouclier fiscal lui rembourserait toute imposition sur le patrimoine !

Certaines niches d'assiette ont certes été encadrées par la loi de finances pour 2009. Cependant, plusieurs dispositifs permettront toujours de diminuer le revenu imposable dans des proportions parfois très importantes. C’est le cas du dispositif « monuments historiques », qui n’est pas limité, des revenus placés pour se constituer une retraite par capitalisation, des plus-values de cession sur les valeurs mobilières inférieures à 25 000 euros et de certaines plus-values immobilières.

Les bénéficiaires du bouclier fiscal ne sont pas concernés par le plafonnement des niches fiscales puisqu'ils sont de toute façon exonérés de tout prélèvement supplémentaire. Chers collègues de la majorité, vous dites souvent que la morale en matière fiscale, c'est de conjuguer plafonnement des niches et maintien du bouclier fiscal. Or le résultat est que seul un contribuable ne disposant pas d'un patrimoine important sera demain appelé à payer plus d'impôts au titre du plafonnement des niches. La morale, c'est donc certes de plafonner les niches, mais surtout de supprimer le bouclier fiscal.

M. Charles de Courson. Depuis l’examen de la loi TEPA en juillet 2007, le groupe Nouveau Centre n’a cessé de formuler des interrogations et de proposer des améliorations du bouclier fiscal. La nécessité de montrer davantage de solidarité est encore plus forte depuis que la crise mondiale s’est installée. Notre divergence ne porte pas donc sur l’objectif, mais sur les moyens car une nouvelle fois, on marche sur la tête !

Je rappelle à nouveau à mes collègues de l’opposition que, lorsqu’ils ont recréé l’ISF dans la loi de finances pour 1989, ils ont institué un système de plafonnement. Un amendement cosigné par le rapporteur général Alain Richard et par le président de la commission des finances Dominique Strauss-Kahn avait même ramené à 70 % le plafonnement, au lieu des 80 % proposés par le Gouvernement ! Que l’on parle de « plafonnement » ou de « bouclier », aucune personne raisonnable ne peut soutenir que l’on peut se passer d’un tel dispositif. Le débat ne peut porter que sur deux éléments : le niveau du plafonnement et le mode de calcul du ratio, autrement dit les éléments que l’on fait figurer au numérateur et ceux que l’on retient au dénominateur. La question n’est donc pas de savoir s’il faut abroger le bouclier fiscal, mais comment on peut l’adapter.

S’agissant de l’article 2 de la proposition de loi, est-il raisonnable de plafonner la rémunération des dirigeants des entreprises bénéficiant d’une aide publique sous forme de recapitalisation à vingt-cinq fois la rémunération la plus basse – soit, si on multiplie le SMIC par 25, à 300 000 euros – au moment où Mme Merkel fixe le plafond à 500 000 euros ? Par ailleurs, qu’entend-on ici par « recapitalisation » ? Certaines augmentations de capital n’en constituent pas. L’article 2, donc, ne tient pas plus que le premier.

Quant à l’article 3, il est superfétatoire puisque nous allons examiner demain en séance publique le texte de la CMP sur le projet de loi de finances rectificative, qui donne à l’État la possibilité de négocier les contreparties à ses aides.

Ce texte est donc inutile, mal fait et en contradiction avec les positions traditionnelles de la gauche – qui n’a pas touché, entre 2002 et 2007, au plafonnement institué en 1989.

M. le président Didier Migaud. Je remercie M. de Courson d’avoir montré que la gauche n’est nullement en faveur d’un impôt confiscatoire. C’est bien pour cette raison qu’elle a adopté, en son temps, le principe du plafonnement. Mais tout dépend du contenu : à l’époque, le plafonnement concernait l’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune ; aujourd'hui, beaucoup ici conviennent que le bouclier fiscal n’est pas synonyme de justice fiscale, compte tenu de ses effets pervers particulièrement importants.

M. le rapporteur. En effet. Le plafonnement n’est cohérent que s’il s’applique à une imposition cohérente. Ce que nous reprochons au bouclier fiscal, c’est de s’appliquer à tous les prélèvements, CSG et CRDS comprises, lesquels sont rapportés non pas au revenu réel, mais au revenu fiscal. Il est scandaleux que les contribuables qui n’ont pas un patrimoine élevé soient les seuls concernés par les augmentations de la fiscalité, les plus fortunés se trouvant épargnés. Ce système est profondément incohérent et injuste.

Mme Arlette Grosskost. Autant que je sache, le code général des impôts comporte toujours un article permettant à l’administration fiscale d’intervenir en cas de rémunération exagérée. Je crois qu’il est assez souvent utilisé et que la référence retenue est en général le rapport avec la rémunération la plus basse. Pourquoi ne pas s’en tenir à ce qui existe déjà ?

M. le rapporteur. Nombreux sont les députés, y compris dans la majorité, qui pensent que ce bouclier, qui mélange toutes sortes d’impôts et qui admet toutes sortes de dérogations dans le calcul du revenu, n’est pas acceptable. Cela n’a rien à voir avec le plafonnement de tel ou tel impôt. Il est tout à fait cohérent de notre part de demander la suppression du bouclier fiscal et le retour au système antérieur.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas ce que vous proposez.

M. le rapporteur. Si, la première chose à faire, c’est de supprimer le bouclier.

Puis la Commission passe à l’examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE I : ABROGATION DU BOUCLIER FISCAL

Article premier

(Art. 1er et 1649-0 A du code général des impôts)

Abrogation du bouclier fiscal

Le présent article propose d’abroger le bouclier fiscal. En effet, alors que le Gouvernement justifie l’existence de ce dispositif en avançant qu’il bénéficie surtout à des contribuables modestes, et qu’il empêche à l’impôt d’être confiscatoire en prélevant plus de la moitié des revenus tirés du travail, il apparaît, en réalité, que ce dispositif favorise les contribuables détenant les patrimoines les plus élevés et conduit à développer des comportements d’optimisation fiscale.

I.– LE DISPOSITIF DU BOUCLIER FISCAL

A.– LE BOUCLIER RAPPORTE L’ENSEMBLE DES IMPÔTS directs payÉs par un contribuable à une partie de ses revenus

Le bouclier fiscal a été créé par l’article 74 de la loi de finances pour 2006 (9) et renforcé par l’article 11 de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (10). Ainsi, aux termes du premier alinéa de l’article 1er du code général des impôts « les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus ».

L’article 1649-0 A du code général des impôts définit, pour les contribuables domiciliés fiscalement en France, un droit à restitution de la fraction des impositions excédant le seuil de 50 % précité. La restitution du « trop d’impôt » peut être demandée par le contribuable au 1er janvier de l’année suivant le paiement des impositions dont il est redevable, et avant le 31 décembre de l’année suivant celle de ce paiement.

– Les revenus pris en compte au dénominateur

Les revenus à prendre en compte sont ceux réalisés par le contribuable au titre de l’année qui précède celle du paiement des impositions, c’est-à-dire :

– les revenus soumis à l’impôt sur le revenu nets de frais professionnels ;

– les produits soumis à un prélèvement libératoire ;

– les revenus exonérés d’impôt réalisés au cours de la même année en France ou hors de France.

Par ailleurs, peuvent être imputés, en diminution de ces revenus :

– les déficits catégoriels imputables sur le revenu global ;

– les pensions alimentaires ;

– les cotisations ou primes versées au titre de l’épargne retraite facultative qui sont déductibles du revenu global.

Enfin, parmi les revenus d’épargne soumis à l’impôt sur le revenu dont le prélèvement n’intervient qu’au terme du dénouement d’un contrat (comptes d’épargne-logement, plans d’épargne populaire et bons de capitalisation, et placements de même nature, autres que ceux en unités de comptes, c’est-à-dire en euros), le 6 de l’article 1649-0 A du code général des impôts prévoit que ces revenus sont pris en compte dans le calcul du plafonnement « à la date de leur inscription en compte ».

– Les revenus non pris en compte au dénominateur

En revanche, le 4 de l’article 1649-0 A du code général des impôts exclut les plus-values immobilières exonérées, en application des II et III de l’article 150 U du code général des impôts, des revenus à prendre en compte au dénominateur du plafonnement. Il s’agit :

– des plus-values sur la résidence principale et ses dépendances, sur l’habitation des Français domiciliés hors de France, sur les biens faisant l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique et sur les biens faisant l’objet d’une opération de remembrement ;

– des plus-values constatées sur un montant de cession inférieur à 15 000 euros ;

– des plus-values réalisées par des titulaires d’une pension vieillesse non assujettis à l’ISF et disposant de revenus leur permettant d’être exonérés ou de bénéficier d’un dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties ou de taxe d’habitation ;

– des plus-values sur les biens cédés par les particuliers au profit d’un organisme HLM, d’une société d’économie mixte gérant des logements sociaux, d’un organisme sans but lucratif ou d’une union d’économie sociale exerçant une activité dans le cadre de la mise en œuvre du droit au logement ou de lutte contre l’exclusion.

De même, un certain nombre de prestations sociales sont exclues du dénominateur du plafonnement. Il s’agit :

– des prestations familiales énumérées à l’article L. 511-1 du code de la sécurité sociale (11) ;

– de l’allocation aux adultes handicapés et de l’allocation personnalisée d’autonomie ;

– de l’allocation de logement et de l’aide personnalisée au logement ;

– des revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance et qui ne sont pas soumis, en application de l’article 15-II du code général des impôts, à l’impôt sur le revenu ;

– des plus-values qui ne bénéficient pas d’une exonération mais ne sont pas imposables à l’impôt sur le revenu.

– Les impositions prises en compte au numérateur

Sous réserve qu’elles ne soient pas déductibles d’un revenu catégoriel de l’impôt sur le revenu et qu’elles aient été payées en France, les impositions prises en compte sont les impositions directes suivantes :

– l’impôt sur le revenu ;

– l’impôt de solidarité sur la fortune ;

– les contributions sociales sur les revenus du patrimoine (CSG et CRDS sur les revenus du patrimoine, prélèvement social et contribution additionnelle) ;

– les contributions sociales sur les revenus d’activité et de remplacement et les produits de placement (CSG et CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement ; CSG, CRDS, prélèvement social et contribution additionnelle sur les revenus de placement) ;

– la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférentes à l’habitation principale du contribuable et perçues au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ;

– la taxe d’habitation afférente à l’habitation principale du contribuable et perçue au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Les impôts locaux pris en compte ne concernent pas les impôts perçus au titre des résidences secondaires. Par ailleurs, sont prises en compte les taxes additionnelles aux taxes foncières et d’habitation perçues au profit des établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes, à l’exclusion de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

B.– UNE PHILOSOPHIE DIFFÉRENTE DE CELLE DU PLAFONNEMENT DE L’ISF OU DE LA RÉFORME ALLLEMANDE

Le Gouvernement avance souvent que le dispositif du bouclier fiscal s’inspire de la même philosophie que le plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune. Comme le montre l’encadré suivant, le plafonnement de l’ISF a une philosophie différente puisqu’il ne concerne que quelques cas flagrants. En outre, cet avantage fiscal est lui-même plafonné.

Le plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune

Le plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune a été mis en place par la loi de finances pour 1989 et renforcé par la loi de finances pour 1991. Il a pour but d’éviter que le total formé par l’ISF et l’impôt sur le revenu excède 85 % des revenus de l’année précédente.

En cas, d’excédent, celui-ci vient en diminution de l’ISF à payer.

Ce plafonnement a été lui-même plafonné par la loi de finances pour 1996. Ainsi, pour les redevables dont le patrimoine dépasse la limite supérieure de la troisième tranche du barème (soit 2,52 millions d’euros en 2009), la diminution de l’ISF ne peut pas excéder :

– 50 % du montant de la cotisation due avant plafonnement ;

– ou le montant de l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème (soit 11 995 euros en 2009) si ce montant est supérieur.

De même, il est contestable de comparer la philosophie du bouclier fiscal à celle de la décision de la Cour constitutionnelle allemande dans sa décision du 22 juin 1995. Certes, celle-ci a considéré, dans cette décision, que le total de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la fortune ne peut excéder 50 % des revenus du contribuable. Mais ce dispositif ne peut être comparé au bouclier fiscal dont le calcul intègre l’ensemble des impôts directs payés par le contribuable. D’autant qu’avec la suppression de l’impôt sur la fortune en 1997, le dispositif allemand ne concerne plus que l’impôt sur le revenu.

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2007, le taux de la tranche marginale de l’impôt sur le revenu a été relevé de 3 % pour les revenus annuels nets imposables supérieurs à 250 000 euros. Depuis le 1er janvier 2008, le champ de la nature des revenus pris en compte pour cette imposition a été étendu, l’intention affichée étant les plus aisés par l’intermédiaire de l’imposition des revenus. Il est donc difficile de comparer la situation allemande avec le bouclier fiscal français.

II.– UN DISPOSITIF FAVORABLE AUX CONTRIBUABLES DISPOSANT DES PATRIMOINES LES PLUS IMPORTANTS

A.– LE BOUCLIER FISCAL CONCERNE ESSENTIELLEMENT LES CONTRIBUABLES AISÉS

Selon les informations fournies par le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, le montant des restitutions au titre du bouclier fiscal à 50 % représente, en février 2009, 458 millions d’euros et concerne 13 998 bénéficiaires, soit un montant moyen par bénéficiaire de 33 000 euros.

Le ministère indique aussi que 66 % des bénéficiaires du plafonnement à 50 % ont un revenu fiscal de référence inférieur à 12 991 euros.

Pourtant, l’analyse de ces chiffres montre que le bouclier fiscal favorise essentiellement les contribuables très aisés et que l’avantage qui leur a été octroyé a été considérablement accru par la réforme de 2007.

1.– En 2007, deux tiers de la dépense fiscale concerne les contribuables aux patrimoines les plus importants

En 2007, le bouclier fiscal a représenté un coût supérieur à 246 millions d’euros et a concerné 15 066 contribuables, soit un montant moyen de restitution de 16 380 euros. Sur le seul territoire métropolitain (12), cette restitution moyenne est supérieure à 24 951 euros.

Les restitutions offertes aux 671 ménages disposant d’un patrimoine supérieur à 15,5 millions d’euros, soit 77 fois le patrimoine moyen des Français (13), représentent 155,6 millions d’euros, soit 68 % du coût total du bouclier en 2007. La restitution moyenne qui leur est faite est ainsi de 231 900 euros.

2 euros sur 3 payés au titre du bouclier fiscal vont donc aux ménages disposant de plus de 15 millions d’euros de patrimoine.

En outre, les 10 % de Français les plus aisés en terme de revenus bénéficient de 83 % des remboursements liés au bouclier fiscal. Il s’agit de 2 242 Français disposant de revenus fiscaux supérieurs à 41 982 euros. Le montant total des restitutions qui leur sont faites atteint près de 190 millions d’euros. La restitution moyenne pour les 10 % de Français les plus aisés est donc de 84 700 euros.

En croisant ces deux critères, il apparaît que parmi les 10 % des ménages disposant des revenus les plus aisés, ceux dotés d’un patrimoine de plus de 15,53 millions d’euros bénéficieront d’une restitution moyenne de 233 850 euros.

MOYENNE DES MONTANTS DES RESTITUTIONS ET DES IMPÔTS PAYÉS PAR LES CONTRIBUABLES AYANT BÉNÉFICIÉ DU BOUCLIER FISCAL 2007

Situation fin juin 2008

Déciles de revenu fiscal de référence

Patrimoine < 750 000

Patrimoine

< 1 200 000

Patrimoine

< 2 380 000

Patrimoine

< 3 730 000

Patrimoine

< 7 140 000

Patrimoine

< 15 530 000

Patrimoine

> 15 530 000

Total

< 3 753 euros

Redevables concernés

9 640

131

147

60

68

29

13

10 088

Impact budgétaire

6 354 270

295 897

773 040

587 091

1 455 981

1 680 924

1 842 155

12 989 358

Moyenne remboursement

659

2 259

5 259

9 785

21 411

57 963

141 704

1 288

Moyenne de l’IR

-5

18

46

-27

458

544

47

1

Moyenne de l’ISF

0

946

3 853

10 052

23 427

68 174

162 353

691

Entre 3 753 et 7 564 euros

Redevables concernés

95

34

89

33

19

19

7

296

Impact budgétaire

121 919

154 469

364 691

317 006

423 518

1 105 199

1 175 147

3 661 949

Moyenne remboursement

1 283

4 543

4 098

9 606

22 290

58 168

167 878

12 371

Moyenne de l’IR

-7

244

85

-86

96

-139

113

42

Moyenne de l’ISF

0

1 448

4 548

11 131

25 150

65 738

181 579

12 903

Entre 7 564 et 10 410 euros

Redevables concernés

31

10

43

24

14

14

3

139

Impact budgétaire

92 373

13 689

266 587

177 976

248 922

953 486

502 325

2 255 358

Moyenne remboursement

2 980

1 369

6 200

7 416

17 780

68 106

167 442


16 226

Moyenne de l’IR

-37

-331

195

80

304

162

-828

71

Moyenne de l’ISF

0

1 489

6 651

11 760

24 497

72 282

168 213

17 573

Entre 10 410 et 12 964 euros

Redevables concernés

26

5

31

26

15

5

4

112

Impact budgétaire

132 670

107 948

162 507

152 332

275 927

328 567

787 463

1 947 414

Moyenne remboursement

5 103

21 590

5 242

5 859

18 395

65 713

196 866

17 388

Moyenne de l’IR

-6

-126

139

221

836

-460

158

180

Moyenne de l’ISF

0

1 487

7 059

11 635

24 649

70 008

225 049

19 185

Entre 12 964 et 15 439 euros

Redevables concernés

14

1

28

27

15

9

4

98

Impact budgétaire

129 664

3 720

109 456

215 874

258 374

460 032

2 002 487

3 179 607

Moyenne remboursement

9 262

3 720

3 909

7 995

17 225

51 115

500 622

32 445

Moyenne de l’IR

-27

343

264

-48

-20

1 183

1 170

215

Moyenne de l’ISF

0

681

7 615

13 548

22 880

64 664

607 517

40 152

Entre 15 439 et 18 629 euros

Redevables concernés

20

5

34

32

17

10

4

122

Impact budgétaire

75 948

7 883

132 993

249 301

269 715

534 873

948 924

2 219 637

Moyenne de remboursement

3 797

1 577

3 912

7 791

15 866

53 487

237 231

18 194

Moyenne de l’IR

-32

794

472

633

689

-85

-34

413

Moyenne de l’ISF

0

1 195

8 326

14 846

24 837

75 209

244 785

23 915

                   

Entre 18 629 et 25 539 euros

Redevables concernés

22

4

36

42

32

10

3

149

Impact budgétaire

163 304

12 323

125 815

303 757

573 050

499 627

811 783

2 489 659

Moyenne de remboursement

7 423

3 081

3 495

7 232

17 908

49 963

270 594

16 709

Moyenne de l’IR

822

-44

772

277

643

572

577

573

Moyenne de l’ISF

0

1 829

8 178

14 349

25 248

56 384

332 412

21 969

Entre 23 539 et 30 069 euros

Redevables concernés

24

5

18

48

52

17

10

174

Impact budgétaire

287 047

19 871

283 902

317 733

883 181

713 958

2 112 978

4 618 670

Moyenne de remboursement

11 960

3 974

15 772

6 619

16 984

41 998

211 298

26 544

Moyenne de l’IR

1 574

797

1 577

933

1 092

344

1 185

1 089

Moyenne de l’ISF

0

1 044

7 911

16 450

28 604

63 158

151 030

28 785

Entre 30 069 et 41 982 euros

Redevables concernés

25

2

16

82

102

45

8


280

Impact budgétaire

167 441

17 608

175 797

517 016

1 495 708

1 813 291

1 609 474

5 796 335

Moyenne de remboursement

6 698

8 804

10 987

6 305

14 664

40 295

201 184

20 701

Moyenne de l’IR

2 840

2 793

2 467

2 143

1 002

1 498

325

1 657

Moyenne de l’ISF

0

1 856

7 668

18 149

30 241

62 289

209 652

32 784

> 41 982 euros

Redevables concernés

69

11

32

91

644

780

615

2 242

Impact budgétaire

2 084 776

748 088

597 746

861 492

10 459 728

31 391 675

143 817 988

189 961 493

Moyenne de remboursement

30 214

68 008

18 680

9 467

16 242

40 246

233 850

84 729

Moyenne de l’IR

25 299

19 887

23 549

8 652

18 501

45 509

96 200

49 099

Moyenne de l’ISF

0

1 135

5 458

19 942

44 865

96 968

374 784

150 322

TOTAL

Redevables concernés

9 966

208

474

465

978

938

671

13 700

Impact budgétaire

9 609 412

1 381 496

2 992 534

3 699 578

16 344 104

39 481 632

155 610 724

229 119 479

Moyenne de remboursement

964

6 642

6 313

7 956

16 712

42 091

231 909

16 724

Moyenne de l’IR

183

1 150

1 898

2 240

12 429

37 952

88 202

8 098

Moyenne de l’ISF

0

1 110

5 710

15 250

38 673

91 682

361 956

27 498

2.– La réforme de 2007 a accentué l’injustice du bouclier fiscal

Depuis le 1er janvier 2008, à la suite de l’adoption de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, le bouclier fiscal comprend les prélèvements sociaux et son taux a été abaissé à 50 %.

Cette réforme a renforcé le caractère inéquitable du dispositif. Ainsi, entre 2007 et 2008, la dépense fiscale du bouclier fiscal a doublé passant de 229,1 millions d’euros à 458,3 millions d’euros. En revanche, le nombre de contribuables bénéficiant du bouclier est resté quasiment stable, passant de 13 700 à 13 998.

Par conséquent, les principaux bénéficiaires de la réforme de 2007 ont été les contribuables disposant des revenus et des patrimoines les plus élevés, qui ont vu le bénéfice qu’ils tirent de la mesure augmenter très fortement.

Ainsi, les 755 contribuables possédant les patrimoines les plus importants (d’une valeur de plus de 15,581 millions d’euros), et les revenus les plus élevés (supérieurs à 42 507 euros par an), ont vu le montant des restitutions qui leurs sont attribuées multiplié par deux : il passe de 143,8 millions d’euros à 288,6 millions d’euros. Ils représentent 5,4 % des bénéficiaires et quasiment deux tiers du coût du bouclier fiscal.

Au total, les contribuables aux patrimoines supérieurs à 15,5 millions d’euros, bénéficieront d’une restitution moyenne de 368 000 euros.

3.– Les contribuables modestes ne représentent qu’une faible part de la dépense fiscale résultant du bouclier fiscal

Certes, les 8 338 bénéficiaires du bouclier qui ne payent pas l’ISF représentent 60 % des personnes concernées, mais ils se partagent seulement 1 % du coût de la mesure. Par ailleurs, le bouclier fiscal représente pour ces bénéficiaires modestes un coût qui est passé de 9,6 millions à 4,84 millions d’euros entre 2007 et 2008, soit une réduction de moitié.

Par ailleurs, comme l’a reconnu le ministre du Budget (14), Éric Woerth, pour ces contribuables modestes, l’administration fiscale réglait elle-même ce type de problème par le biais des demandes de remise gracieuse, car les intéressés n’étaient, de toute façon, pas suffisamment solvables pour s’acquitter de l’impôt qui leur était réclamé.


VENTILATION DES BÉNÉFICIAIRES DU BOUCLIER FISCAL 2008 PAR DÉCILE DE REVENU FISCAL DE RÉFÉRENCE ET PAR TRANCHE
DE PATRIMOINE EN NOMBRE DE CONTRIBUABLES, MONTANT RESTITUÉ, MOYENNE DE REMBOURSEMENT
ET MOYENNE DES IMPÔTS CONCERNÉS PAR LE BOUCLIER FISCAL

Déciles de revenu fiscal de référence

Patrimoine < 760 000

Patrimoine

< 1 220 000

Patrimoine

< 2 420 000

Patrimoine

< 3 800 000

Patrimoine

< 7 270 000

Patrimoine

< 15 581 000

Patrimoine

> 15 581 000

Total

< 3 263 euros

Redevables concernés

8 124

150

150

80

70

38

20

8 633

Impact budgétaire

4 342 511

454 186

771 078

914 701

1 912 432

2 606 799

5 724 623

16 726 330

Moyenne de remboursement

595

3 028

5 141

11 434

27 320

66 841

288 231

1 937

Moyenne tous impôts

559

4 338

6 111

15 024

35 564

63 045

297 989

2 329

Entre 3 263 et 7 338 euros

Redevables concernés

83

35

108

37

25

11

7

306

Impact budgétaire

73 819

59 981

536 037

340 822

561 569

516 219

1 642 912

3 733 379

Moyenne de remboursement

669

1 714

4 983

9 211

22 464

47 111

234 702

12 201

Moyenne tous impôts

1 985

4 768

6 673

14 783

28 779

65 303

260 236

16 657

Entre 7 338 et 10 315 euros

Redevables concernés

26

13

77

16

17

6

4

161

Impact budgétaire

17 982

12 924

476 135

150 552

299 055

312 182

1 098 908

2 367 738

Moyenne de remboursement

692

994

6 164

8 364

17 591

52 030

274 727

14 706

Moyenne tous impôts

2 319

5 383

10 022

14 868

27 765

65 969

313 005

20 431

Entre 10 315 et 12 991 euros

Redevables concernés

17

4

41

24

26

5

5

122

Impact budgétaire

16 600

13 316

190 578

177 623

524 408

253 269

1 114 083

2 292 077

Moyenne de remboursement

1 094

3 329

4 648

7 408

20 170

50 654

222 617

16 788

Moyenne tous impôts

2 279

7 718

10 917

17 469

26 303

61 981

232 802

25 789

Entre 12 991 et 15 484 euros

Redevables concernés

16

2

23

26

20

3

4

96

Impact budgétaire

18 961

8 022

82 399

279 668

364 399

165 401

782 090

1 700 940

Moyenne de remboursement

1 185

4 011

3 563

9 988

18 220

56 134

195 523

17 718

Moyenne tous impôts

3 327

5 857

12 266

15 849

30 694

71 179

207 364

26 377

Entre 15 484 et 18 687 euros

Redevables concernés

14

3

42

31

22

11

3

126

Impact budgétaire

15 429

55 776

185 502

288 729

314 778

624 791

646 442

2 313 448

Moyenne de remboursement

1 102

16 592

3 941

9 314

14 306

56 799

262 814

18 361

Moyenne tous impôts

4 342

26 117

13 302

20 111

26 744

71 581

307 838

28 735

Entre 18 687 et 23 610 euros

Redevables concernés

9

5

46

44

45

10

9

168

Impact budgétaire

20 719

36 935

176 930

499 060

639 132

567 396

1 830 355

3 970 527

Moyenne de remboursement

2 302

7 387

3 646

11 342

16 647

56 740

203 373

23 634

Moyenne tous impôts


5 011

8 509

14 992

22 505

32 456

94 447

232 668

37 302

Entre 23 610 et 30 304 euros

Redevables concernés

13

1

30

54

49

25

11

183

Impact budgétaire

20 776

2 009

128 484

464 677

777 639

1 202 884

2 075 965

4 672 454

Moyenne de remboursement

1 598

2 009

4 283

8 605

15 870

46 115

188 726

25 533

Moyenne tous impôts

6 422

10 246

17 480

24 519

32 834

80 247

256 791

45 803

Entre 30 304 et 42 507 euros

Redevables concernés

11

2

24

100

110

47

15

309

Impact budgétaire

11 452

16 871

76 722

700 666

2 005 802

1 979 597

3 385 108

8 176 438

Moyenne de remboursement

1 041

8 436

3 197

7 009

18 235

42 119

225 674

26 461

Moyenne tous impôts

7 758

9 663

18 295

26 266

41 242

66 294

252 238

47 575

> 42 507 euros

Redevables concernés

25

9

44

310

466

1 284

756

3 694

Impact budgétaire

297 669

273 518

777 279

3 663 840

33 104 807

85 641 432

288 627 478

412 385 823

Moyenne de remboursement

11 907

30 391

17 665

11 819

22 582

66 699

361 762

105 903

Moyenne tous impôts

54 540

174 832

112 507

100 478

112 639

227 824

746 516

272 485

TOTAL

Redevables concernés

8 338

224

585

726

1 850

1 441

634

13 998

Impact budgétaire

4 837 918

933 538

3 381 144

7 480 758

40 703 842

93 871 970

307 129 984

458 339 153

Moyenne de remboursement

560

4 168

5 780

10 304

22 002

65 144

366 261

32 743

Moyenne tous impôts

676

11 854

18 528

54 650

96 407

211 208

701 462

80 597


Source : fichier Erica et Iliad contentieux (situation au 12/02/2009)

B.– LA QUESTION DE LA JUSTICE FISCALE DU BOUCLIER FISCAL SE POSE AVEC UNE ACUITÉ PARTICULIÈRE DANS LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE ACTUELLE

Le bouclier fiscal pose avec une acuité particulière la question de la justice fiscale car les bénéficiaires de ce dispositif sont exonérés de facto de toute hausse de la fiscalité.

Cette question a fait l’objet d’un débat nourri à l’occasion de la discussion de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion (15). En effet, le financement du dispositif s’est fait notamment au moyen de l’instauration d’une contribution additionnelle à la CSG et à la CRDS assise sur le patrimoine, dont le taux a été fixé à 1,1 % et qui a été incluse dans le calcul du bouclier. Les contribuables aisés en ont donc été exonérés.

Si, compte tenu de l’alourdissement de la dette de l’État, une hausse de la fiscalité devait être envisagée à terme, le bouclier fiscal permettrait aux plus aisés d’être exonérés de cet appel à la solidarité nationale.

Ce constat est partagé par le Rapporteur général de la commission des finances du Sénat, M. Philippe Marini, qui souligne, dans un rapport sur une proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal et moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises en matière de revenus (16) : « votre Rapporteur général reconnaît que l’application de l’actuel dispositif de « bouclier fiscal » pourrait présenter des effets pervers dans certaines situations, par exemple en cas de nécessité d’augmenter des impôts. (…) Ce sujet pourrait (…) se poser de manière plus générale si, à l’issue de l’actuelle crise économique et financière, la gestion de l’augmentation de la dette publique impliquait un alourdissement de la fiscalité. Il paraîtrait alors difficilement acceptable de ne pas faire participer les plus favorisés de nos compatriotes à l’effort national du fait de l’existence du bouclier fiscal. »

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, lors de son audition par la commission des Finances, le 4 mars dernier, à l’occasion de la remise d’un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité du patrimoine, partage cette analyse en affirmant : « Si l’on assistait à un mouvement général de hausse des prélèvements dans le monde et plus particulièrement en Europe, le conseil des prélèvements obligatoires estime qu’il n’y a aucune raison pour que les bénéficiaires du bouclier y échappent. Cela ne signifie pas forcément une remise en cause du principe du bouclier, qui a été validé au plan constitutionnel, mais cela pourrait justifier un relèvement du taux, au moins temporairement. »

III.– UN DISPOSITIF QUI FAVORISE LA DÉTENTION DE CAPITAL ET DES COMPORTEMENTS D’OPTIMISATION FISCALE

A.– L’IMPOSITION DES REVENUS DU TRAVAIL NE PEUT, À ELLE SEULE, « DÉCLENCHER » LE BOUCLIER FISCAL

Le Gouvernement justifie le bouclier fiscal en avançant que celui-ci évite au système fiscal français d’être confiscatoire en empêchant qu’un Français paye en impôt plus de « 50 % de ce qu’il gagne ».

Il apparaît, en réalité, que l’imposition des revenus du travail ne peut, à elle seule, « déclencher » le bouclier fiscal.

Ainsi, le taux moyen d’imposition sur le revenu au titre de l’impôt sur le revenu est aujourd’hui de 8 %. L’imposition au titre de la CSG et de la CRDS est d’ailleurs plus importante que celle de l’impôt sur le revenu pour 9 Français sur 10 (17). En ajoutant à ce taux moyen de 8 %, les prélèvements sociaux, à hauteur de 8 %, et la taxe d’habitation, plafonnée à 3,44 % du revenu fiscal de référence des contribuables modestes, le total de l’imposition est très inférieur à 50 % pour la grande majorité des contribuables.

Il est quasiment impossible d’atteindre la limite prévue par le bouclier fiscal au titre de ses revenus salariaux et de leur imposition. En réalité, le bouclier fiscal ne joue qu’à raison de la détention de patrimoine.

C’est ce qui explique que l’inclusion de la CSG et de la CRDS dans le bouclier fiscal n’ait conduit qu’à une très faible augmentation du nombre de bénéficiaires (13 700 en 2007 et 13 998 en 2008).

En outre, les données statistiques sur les personnes redevables de l’impôt sur la fortune et bénéficiaires du bouclier fiscal montrent qu’il faut posséder un patrimoine très important pour bénéficier à plein du bouclier fiscal.

Ainsi, seulement 0,08 % des contribuables de l’ISF au titre de la première tranche actionnent le bouclier fiscal. C’est le cas de plus de 39 % de ceux qui sont redevables au titre de la dernière tranche, soit les contribuables qui ont un patrimoine supérieur à 16 millions d’euros.

En outre, 82 % des redevables de l’ISF qui actionnent le bouclier fiscal ont un patrimoine supérieur à 2,4 millions d’euros.

NOMBRE DE REDEVABLES DE L’ISF AYANT RECOURS AU BOUCLIER FISCAL,
PAR TRANCHE

Total de la tranche

Bornes 2006

(en euros)

2007

0,55 %

De 750 000 à 1 200 000

208

0,75 %

De 1 200 000 à 2 380 000

474

1,00 %

De 2 380 000 à 3 730 000

465

1,30 %

De 3 730 000 à 7 140 000

978

1,65 %

De 7 140 000 à 15 530 000

938

1,80 %

Supérieure à 15 530 000

671

Total

 

3 734

Rappelons que selon les données de l’INSEE (18), le patrimoine moyen des Français, en 2003, est de 194 460 euros et le patrimoine médian de 112 180 euros.

B.– UN DISPOSITIF QUI FAVORISE LES COMPORTEMENTS D’OPTIMISATION FISCALE

1.– Des contribuables aisés qui bénéficient à la fois de « niches d’assiette » et du bouclier fiscal

Le bouclier fiscal conduit à des comportements d’optimisation fiscale permettant de diminuer le revenu pris en compte pour le calcul du ratio entre l’impôt payé et le revenu fiscal de référence.

Le Conseil des prélèvements obligatoires note cet effet pervers dans son rapport sur la fiscalité du patrimoine : « La mise en place du bouclier fiscal peut inciter certains ménages à réorganiser leur patrimoine et leurs revenus pour minimiser ces derniers et réduire ainsi leur plafond d’imposition directe. ». Par conséquent, « le bouclier fiscal peut aboutir, dans certaines situations, à ce que des redevables, après avoir le cas échéant réorganisé leur patrimoine et leurs revenus, se voient de facto exonérés non seulement d’ISF, mais aussi d’autres impôts directs comme les taxes foncières et d’habitation. Si de nouveaux prélèvements sur le patrimoine devaient être institués, la question du niveau du bouclier fiscal mériterait d’être posée. »

L’examen des statistiques fournies à la demande du Président de la commission des finances, Didier Migaud, a permis de relever quelques cas de contribuables disposant d’un patrimoine très important et d’un revenu déclaré très faible. En 2007, 27 contribuables disposant de plus de 15,53 millions de patrimoine ne déclarent qu’un revenu fiscal de référence inférieur à 12 964 euros annuels (soit à peine plus de 1 000 euros par mois). 36 contribuables se trouvent dans cette situation en 2008.

Cette situation résulte du fait que le revenu retenu pour le calcul du bouclier fiscal n’est pas le revenu « réel » du contribuable, mais un revenu qui a été diminué du fait de l’usage de dispositifs fiscaux dérogatoires (niches fiscales), et notamment des niches d’assiettes non plafonnées.

Ces contribuables actionnent massivement des « niches fiscales » (19) leur permettant de réduire « optiquement » leur revenu servant à calculer le bouclier.

Ainsi, le rapport d’information de la commission des finances sur les niches fiscales (20) constate que 595 550 foyers ont imputé des déficits fonciers ou des déficits industriels et commerciaux sur leur revenu global 2006 pour un montant moyen de 6 932 euros :

– 90 % de ces foyers ont imputé un déficit inférieur ou égal à 10 700 euros, plafond d’imputation de droit commun des déficits fonciers, dont 88 300 (soit 15 % de la population totale) ont imputé un déficit égal à 10 700 euros ;

– près de 60 000 foyers ont imputé un déficit supérieur à 10 700 euros. La moitié d’entre eux ont imputé un déficit inférieur à 20 234 euros et 1 %, soit 595 foyers, ont imputé un déficit supérieur à 219 000 euros et dont le montant moyen a été de 406 287 euros.

Le contribuable ayant imputé le montant le plus élevé de déficit foncier ou industriel et commercial a réduit, à ce titre, son revenu global de 5 395 102 euros.

Pour prendre un exemple théorique, on peut supposer un contribuable dont le revenu « réel » serait de l'ordre de 400 000 euros sur l'année.

S'il fait partie du 1 % de foyer ayant imputé des déficits fonciers, industriels et commerciaux pour un montant moyen 406 287 euros. il aurait pu, dans ce cas, réduire ce revenu en moyenne à zéro.

Ainsi, il aurait économisé au titre de l’impôt sur le revenu 148 000 euros, et bénéficierait ensuite d'une remise intégrale de toute imposition sur le patrimoine dont il pourrait par ailleurs être redevable, puisque le bouclier fiscal lui permettrait de ne pas devoir payer plus de la moitié de son revenu égal à zéro.

2.– Le cas de l’assurance-vie

Les dispositifs de réduction d’impôt ne sont pas les seuls à permettre de réduire ses revenus pour le calcul du bouclier fiscal. Certains contrats d’assurance-vie permettent aussi de minorer les revenus pris en compte dans ce calcul :

– les contrats monosupports en euros sont, sur ce point, inopérants. Les produits qu’ils génèrent sont en effet considérés comme « réalisés, pour l’application du bouclier fiscal, à la date de leur inscription en compte » (sixième alinéa de l’article 1649-0A 6 du code général des impôts) ;

– en revanche, pour les contrats en unités de compte, les plus-values générées ne seront pas constitutives d’un quelconque revenu au sens de l’application du bouclier fiscal (21).

Par ailleurs, pour les contribuables qui retirent des revenus complémentaires et réguliers (rachats partiels) de leurs contrats, qu’ils soient monosupports en euros ou multisupports, seule une partie des retraits effectués est considérée comme une plus-value et donc à déclarer au titre des revenus pour l’application du bouclier fiscal. Conformément à la réglementation, chaque rachat comporte en effet une partie de capital et une partie d’intérêts.

À titre d’exemple, un assuré investit 100 euros sur un contrat d’assurance-vie. Au terme d’une année d’assurance, son contrat vaut 120 euros, soit une plus-value de 20 euros. S’il décide de retirer 20 euros pour les consommer (rachat partiel), il n’aura à prendre en compte que 4 euros (et non pas 20 euros) au titre des revenus à déclarer pour l’application du bouclier fiscal, alors que s’il avait fait la même chose avec un compte sur livret par exemple, il aurait dû déclarer 20 euros. 

La présente simulation, fournie par Banque Robeco (22), compare, pour la première année, le revenu net et le montant à déclarer au bouclier fiscal, de deux investissements différents : l’assurance-vie et un placement immobilier.

COMPARAISON DES PLACEMENTS « ASSURANCE-VIE » ET IMMOBILIER

 

Immobilier

Assurance-vie

Montant investi

100 000 euros

100 000 euros

Rendement théorique net de frais

7 %

4,50 %

Revenu distribué

7 000 euros

4 500 euros

Revenu imposable

7 000 euros

193,78 euros

Taux d’imposition

40 % (1)

35 % (2)

Imposition

2 800 euros

67,82 euros

Revenu net

4 200 euros

4 432,18 euros

Revenu à déclarer au bouclier

7 000 euros

193,78 euros

(1) Le taux d’imposition choisi pour les revenus fonciers tirés de l’investissement immobilier est celui de la tranche marginale d’imposition du barème progressif de l’impôt sur le revenu, à savoir 40 % actuellement.

(2) Taux d’imposition en cas de retrait dans les quatre premières années.

Le revenu imposable en assurance-vie, et à déclarer au titre du bouclier fiscal, n’est que de 193,78 euros, pour un contrat valant 104 500 euros et un rachat de 4 500 euros. Cette somme de 193,78 euros correspond au montant des intérêts rachetés, le solde étant considéré comme une fraction de capital.

2.– Le plafonnement des niches ne remet en cause que partiellement et pour l’avenir cette injustice

Plusieurs niches d’assiette, qui réduisent le revenu imposables, ont été mieux encadrées par la loi de finances pour 2009 (23) : c’est le cas notamment du dispositif « loueurs meublés professionnels ». D’autres ont été transformés en réduction d’impôt (dispositif « Scellier » remplaçant le dispositif « Robien », dispositif « Malraux »), restreignant ainsi la possibilité pour des contribuables de réduire artificiellement leur revenu pour le calcul du bouclier fiscal.

Cependant, plusieurs dispositifs permettront toujours de diminuer son revenu imposable dans des proportions parfois très importantes :

– le dispositif « monuments historiques » permet de minorer son revenu imposable sans aucune limite ;

– les revenus placés pour se constituer une retraite par capitalisation ne sont pas pris en compte pour le calcul de bouclier ;

– les plus-values de cessions sur les valeurs mobilières inférieures à 25 000 euros et certaines plus-values immobilières ne sont pas non plus prises en compte dans ce calcul ;

– enfin, le cas des contrats d’assurance-vie dont le cas a été évoqué plus haut demeure.

En outre, cette réforme ne prendra effet pour le calcul du bouclier fiscal qu’en 2010.

Dans le cadre du débat sur la loi de finances pour 2009, les amendements du Président de la commission des Finances, Didier Migaud, qui auraient permis de remettre en cause les restitutions versées en 2009 à des contribuables qui ont artificiellement minoré leur revenu en 2007 et 2008, ont été rejetés.

Ce rejet prête d’autant plus à critique qu’une mesure similaire a finalement été adoptée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009, afin d’éviter qu’un même mécanisme ne permette à des contribuables aisés ayant minoré leur revenu imposable de bénéficier de la mesure d’allégement de l’impôt sur le revenu, prévue dans le cadre du plan de relance.

Or, le gain lié à cette mesure aurait été pour ces contribuables de l’ordre de quelques centaines d’euros puisque le gain moyen est évalué à 183 euros (24). À l’inverse, les restitutions dues au titre du bouclier fiscal pour les contribuables qui minorent leurs revenus à l’aide de « niches d’assiette » sont de plusieurs centaines de milliers d’euros.

Enfin, notons que les bénéficiaires du bouclier fiscal ne sont pas concernés par le plafonnement des « niches fiscales » puisque l’augmentation de leur imposition est neutralisée par l’effet du bouclier. Les actuels bénéficiaires du bouclier fiscal sont donc exonérés de tout prélèvement supplémentaire.

On arrive à cette situation paradoxale où certains contribuables ont intérêt à laisser jouer le bouclier fiscal, sans chercher à investir (dans la construction d’un logement locatif, par exemple) pour bénéficier d’une réduction d’impôt. Le bouclier fiscal constitue donc une nouvelle catégorie de niche fiscale, qui permet de diminuer ses prélèvements fiscaux, sans contrepartie d’intérêt général, et qui exonère de tout prélèvement supplémentaire à venir.

Comme le montre l’exemple ci-après, compte tenu de l’importance de l’imposition du patrimoine dans le calcul du bouclier fiscal, le plafonnement des niches peut être neutre pour un contribuable disposant d’un patrimoine très élevé, alors qu’il conduit à une augmentation du montant de l’impôt dû pour un contribuable disposant d’un patrimoine moins élevé.

À titre d’exemple, deux contribuables disposent de revenus de l’ordre de 400 000 euros sur l’année. Le bouclier fiscal leur assure de ne pas payer plus de 200 000 euros d’impôts.

Supposons que l’un ait pour seul patrimoine sa résidence principale, dont la valeur serait inférieure à 1 million. L’autre contribuable aurait hérité pour sa part d’un patrimoine de 15 millions d’euros.

L’un comme l’autre auraient, avant la mise en œuvre du plafonnement, eu recours à des niches fiscales de manière importante, et diminué leur impôt sur le revenu (qui représenterait théoriquement un montant de l’ordre de 148 000 euros) de 75 000 euros, pour le limiter à 73 000 euros.

Le plafonnement global de leurs niches est égal à 65 000 euros, soit 25 000 euros auxquels se rajoutent 10 % du revenu imposable (25). La réduction devrait donc diminuer de 75 000 à 65 000 euros, et ces deux contribuables devraient théoriquement voir leur imposition majorée de 10 000 euros et atteindre le montant de 83 000 euros.

Celui qui a un patrimoine plus modeste paiera ce surcroît d’imposition de 10 000 euros.

En revanche, le contribuable disposant d’un patrimoine supérieur à 15 millions d’euros est redevable d’un ISF de l’ordre de 207 000 euros. Ce montant d’imposition sature à lui seul le bouclier fiscal, quel que soit par ailleurs le montant théorique de l’imposition sur le revenu ou de la CSG due par le contribuable.

Ainsi, seul le contribuable ne disposant pas d’un patrimoine important sera appelé demain à payer plus d’impôt du fait du plafonnement des niches.

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 6 du rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer cet article relatif à l’abrogation du bouclier fiscal.

Le dispositif du bouclier doit être envisagé sous deux aspects bien distincts, celui du principe et celui des modalités.

Par la loi TEPA, nous avons introduit à l’article 1er du code général des impôts un principe fondateur : l’impôt ne peut être confiscatoire. Ce faisant, nous avons rejoint la plupart des pays européens. Nous avons voté dans la loi de finances pour 2009 un autre élément fondamental : nul ne peut s’exonérer de l’impôt s’il a des revenus confortables. À cet effet, nous avons établi un plafonnement global et rigoureux des niches fiscales. A compter de l’impôt payé en 2010 sur les revenus 2009, la défiscalisation ne pourra pas dépasser un montant annuel de 25 000 euros plus 10 % du revenu imposable. Du point de vue des principes, nous avons donc un équilibre.

Pour ce qui est des modalités, nous avions souligné dès l’origine certains vices de fabrication. Ainsi, la notion de revenu imposable peut être vidée de sa substance par des défiscalisations en amont : toutes les défiscalisations d’assiette diminuent le revenu imposable et augmentent la restitution au titre du bouclier. Nous avons également corrigé ce défaut dans la loi de finances pour 2009, qui transforme toutes les mesures de réduction d’assiette en réductions d’impôt.

S’agissant de l’inclusion des cotisations sociales dans le bouclier, vous connaissez mon point de vue personnel. J’ai expliqué dès 2007 que l’augmentation rapide des dépenses sociales nous conduirait forcément à augmenter telle ou telle cotisation. Le problème s’est posé dès le mois de septembre dernier avec le financement du RSA – ce qui, par ailleurs, a eu l’effet positif d’accélérer la mise en place du plafonnement global des niches fiscales.

J’observe qu’en 1989 et 1990 la majorité de l’époque a non seulement institué un plafonnement, mais inclus dans ce « bouclier » la CSG ; en revanche, elle n’avait pas inclus les impôts locaux, ce qui est un peu curieux d’un point de vue de l’équité fiscale : sur les 200 000 contribuables potentiellement concernés par le bouclier actuel, 180 000 le sont uniquement au titre des impôts locaux.

Dans le rapport sur l’application de la loi fiscale que je vous présenterai en juin prochain, je procéderai à une analyse approfondie du bouclier, en mettant en évidence à la fois l’intérêt du principe et les correctifs qu’il est nécessaire d’apporter. Sur ces questions, j’aimerais que nous sortions des débats idéologiques stériles pour faire un travail constructif. On ne peut être opposé à l’idée que l’impôt ne doit pas être spoliateur, et c’est pourquoi je vous invite à adopter cet amendement de suppression.

M. le président Didier Migaud. Après cette intervention, Monsieur le rapporteur général, je ne doute pas que vous proposerez très prochainement d’exclure du bouclier fiscal la CSG et les autres prélèvements sociaux !

M. Jean-Pierre Gorges. À l’origine du bouclier et des incessantes discussions qu’il suscite, il y a l’ISF. Le rapporteur montre bien que ce dispositif représente des montants importants pour un petit nombre de personnes et de faibles montants pour beaucoup de personnes. Faut-il protéger plus de monde ou libérer plus d’argent ? Si l’on se mettait d’accord, sur tous les bancs de l’Assemblée, pour supprimer l’ISF, le problème du bouclier tomberait de lui-même. C’est l’ISF qui génère toutes sortes de dispositifs visant à protéger le contribuable. La gauche devrait se montrer raisonnable sur ce point et ne pas en faire un argument politique.

Contre l’avis du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CF 6. En conséquence, l’article premier est supprimé.

TITRE II : EXIGENCES APPLICABLES AUX RÉMUNÉRATIONS DES DIRIGEANTS D’ENTREPRISES BÉNÉFICIANT D’AIDES PUBLIQUES SOUS FORME DE RECAPITALISATION

Le niveau élevé des rémunérations des dirigeants des grandes sociétés cotées est devenu un sujet d’intérêt public, qui dépasse le seul cadre des conseils d’administration et des assemblées générales d’actionnaires.

La présente proposition de loi présente des mesures d’urgence, limitées aux entreprises aidées par l’État, visant à réguler la rémunération de leurs dirigeants. Elle instaure un plafond limitant ces rétributions et interdit l’attribution d’options sur actions ou d’actions gratuites. Le niveau excessif de leurs rétributions actuelles est injuste à l’heure où la crise économique entraîne une forte hausse du chômage. Les fonds apportés par l’État doivent être destinés à renforcer la structure financière des entreprises ou à les aider dans leur développement, et non à rétribuer les erreurs de gestion de leurs dirigeants.

Mais au-delà de ces circonstances, une réflexion plus approfondie doit être menée sur les voies et moyens d’une régulation des rémunérations des grandes entreprises cotées. Comme l’indique le forum de stabilité financière (FSF) (26), il faut « qu’une action publique soit mise en œuvre pour assurer de meilleures pratiques de rémunérations dans le secteur financier. Les autorités nationales peuvent envisager des mesures de court terme pour limiter les rémunérations dans les entreprises qui bénéficient de l’aide de l’État mais il est également essentiel que des mesures soient prises immédiatement pour améliorer de façon générale les politiques de rémunérations. » Le G20 a, à l’issue du sommet de Londres du 2 avril dernier, recommandé aux États de se conformer aux principes posés par le FSF.

Article 2

(Art. L. 2225-185-1 du code de commerce)

Un plafonnement des rémunérations des dirigeants des sociétés aidées par l’État

I.– L’ARTICLE 2 PLAFONNE LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS DES SOCIÉTÉS AIDÉES PAR L’ÉTAT ET LA LIE À LA RÉMUNÉRATION LA PLUS BASSE CONSTATÉE DANS L’ENTREPRISE

L’article 2 plafonne la rémunération nette des dirigeants des sociétés aidées par l’État. Elle ne pourra être supérieure à 25 fois le montant de la rémunération la plus basse constatée dans l’entreprise. Si l’on considère que celle-ci est proche du SMIC, le plafond s’élèverait à environ 25 000 euros par mois ou 300 000 euros par an. Le multiple choisi – 25 – correspond aux écarts qui prévalaient dans presque tous les pays jusqu’aux dérives des deux dernières décennies. La proportion entre la rémunération d’un dirigeant de grande société cotée et le salaire le plus bas de son entreprise est aujourd’hui supérieur à 300, ce qui, comme indiqué dans l’exposé général, constitue une rupture par rapport aux évolutions antérieures. Ce montant est également voisin de celui fixé par Barack Obama pour les entreprises aidées par l’État fédéral américain et reste supérieur à la rémunération du Président de la République (27).

Les sociétés concernées sont les sept banques aidées par la société de prise de participations de l’État (SPPE), les quatre constructeurs automobiles bénéficiant des prêts de l’État ainsi que les entreprises dont une part du capital est détenue par l’État, ce qui inclut notamment celles dans lesquelles le fonds stratégique d’investissement (FSI) intervient (28).

Ce dispositif présente l’avantage de lier la rétribution des dirigeants à celles des salariés. Il évite la reproduction du phénomène constaté au cours des dernières années qui ont vu une explosion des rémunérations des mandataires sociaux alors que le salaire moyen évoluait très faiblement, comme le montre l’exposé général.

Contrairement au décret n° 2009-348 du 30 mars 2009 et à l’article 25 de la seconde loi de finances rectificative pour 2009 (29), le présent article ne se limite pas à l’encadrement de certaines formes de rémunération. Il prévoit un encadrement direct de la rémunération en la plafonnant et interdit l’attribution d’options sur actions ou d’actions gratuites, y compris pour les directeurs commerciaux, directeurs financiers ou opérateurs de marché.

Le niveau actuel de rémunération des dirigeants de grandes entreprises cotées apparaît injustifié dans les entreprises en difficulté, et a fortiori dans celles qui sont aidées par l’État. La collectivité assume en effet le coût du redressement de plusieurs entreprises par le biais d’injections de capitaux sous forme de quasi-fonds propres ou de prêts. Son but est de renforcer la structure financière des sociétés ou de leur fournir les moyens nécessaires à leurs investissements. Dans de telles conditions, les fonds ainsi apportés par l’État ne sauraient être utilisés pour maintenir, voire accroître, le niveau de rémunération élevé dont bénéficient déjà les dirigeants de ces sociétés. Il serait profondément choquant que les dirigeants soient récompensés de la mauvaise gestion qui les a conduits à demander l’aide de l’État.

La justice réclame également qu’ils participent, à l’instar de l’ensemble des salariés, aux efforts de redressement de leur entreprise en acceptant une maîtrise de leur rémunération. L’option proposée est gage d’efficacité pour l’intervention de l’État car elle permet de concentrer les moyens mobilisés sur les objectifs fixés – le sauvetage des entreprises –, en évitant qu’ils soient détournés à d’autres fins, et notamment à l’enrichissement de leurs mandataires sociaux.

L’État profiterait donc de la double légitimité que lui confèrent ses rôles de gardien de l’intérêt général et, dans le cas présent, d’apporteur de capitaux pour définir les conditions de son intervention, et notamment les contreparties exigées en termes de rémunérations des dirigeants. Dans le cas où des conventions ont déjà été signées avec les entreprises concernées, ce qui est le cas entre la société de prise de participation de l’État (SPPE) et les sept banques qu’elle finance, elles seraient renégociées pour prendre en compte ces nouvelles conditions. Le principe de liberté contractuelle serait préservé puisque les cocontractants resteraient libres de rembourser l’aide de l’État en cas de refus des nouveaux termes des conventions.

Au-delà du cas particulier des entreprises aidées ponctuellement par l’État, le niveau très élevé des rémunérations des dirigeants de grandes entreprises ne présente pas de justification économique.

II.– LE HAUT NIVEAU DE RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS DE SOCIÉTÉS COTÉES N’EST NI JUSTIFIÉ NI OPTIMAL

A.– LES ÉLÉMENTS GÉNÉRALEMENT AVANCÉS POUR JUSTIFIER LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS SONT CONTESTABLES

La rémunération des dirigeants des grandes entreprises cotées est généralement justifiée par le risque pris. Pourtant, contrairement à un entrepreneur, un dirigeant de grande société cotée n’engage pas son patrimoine dans l’entreprise. Son échec ne sera donc pas sanctionné par une perte de richesse mais par la simple perte de son emploi. Par ailleurs, contrairement aux recommandations édictées par le Medef et l’association françaises des entreprises privées (AFEP), de nombreux dirigeants disposent d’un contrat de travail, qui leur offre une protection en cas de révocation. Le dirigeant peut également négocier l’octroi d’indemnités de départ (« parachutes dorés »). Ces indemnités sont souvent élevées car elles sont notamment fonction du niveau de rémunération. Enfin, le bénéfice de régimes de retraites supplémentaires (« retraites chapeau ») est courant et limite d’autant plus les coûts liés à la perte de l’emploi qu’elles sont calculées en fonction d’un taux de remplacement de la rémunération perçue en activité, alors qu’une grande part de cette rémunération ne constitue pas un salaire. Même s’il est vrai que l’existence de clauses de non-concurrence constitue une contrainte pour les dirigeants révoqués, il apparaît donc que le risque assumé par eux est minime par rapport à leur niveau de rémunération.

La performance des dirigeants de grandes sociétés cotées est également avancée pour justifier leur haut niveau de rémunération. Or, il est particulièrement malaisé d’évaluer la performance d’un dirigeant. Comme cela sera montré plus loin, l’évolution du cours de l’action n’en constitue pas un indicateur fiable. À titre d’exemple, le dirigeant le mieux payé de Wall Street était, en 2007, John Tain, de Merril Lynch (83 millions d’euros). Cet établissement financier sera sauvé de la faillite par l’État américain quelques mois plus tard. L’évolution des résultats comptables est également difficile à mettre en relation avec la performance du dirigeant et peut introduire des biais dans ses décisions. Le président-directeur général de Vivendi Universal, Jean-Marie Messier, voyait, par exemple, ses bonus calculés sur l’évolution de l’excédent brut d’exploitation. Or, la succession des acquisitions effectuées gonflait cette ligne comptable mais conduisait l’entreprise au bord de la faillite, en fragilisant sa structure financière.

Le haut niveau de rémunération des dirigeants est parfois justifié par le « prix de rétention », c’est-à-dire le surplus qui leur est versé pour éviter qu’ils ne quittent l’entreprise pour une société concurrente. Un tel argument est également contestable. S’il peut se vérifier à court terme, il ne tient pas à long terme. Une forte hausse des rémunérations uniquement due à ce prix de rétention conduirait à la création d’une bulle spéculative qui a vocation à éclater. Cet argument permet d’expliquer l’évolution à court terme d’un marché imparfait – celui des dirigeants de grandes sociétés cotées – mais ne saurait constituer une justification du prix d’équilibre ainsi déterminé.

Un dernier argument souvent avancé pour justifier le haut niveau de rémunération des dirigeants français de grandes sociétés cotées est la nécessité de maintenir des rémunérations compétitives dans le marché mondial des dirigeants d’entreprise. Pour compenser l’attractivité des États-Unis, qui offrent le plus haut niveau de rémunération, il serait nécessaire d’effectuer un rattrapage en augmentant les rétributions offertes aux dirigeants français. Pourtant, l’affirmation selon laquelle il existerait un marché mondial des dirigeants d’entreprise est fortement contestable. Comme le montre le tableau de la page suivante, seuls quatre dirigeants de sociétés du CAC 40 en 2006 sont étrangers. Inversement, il existe très peu de cas de dirigeants français d’une entreprise française « débauchés » par un concurrent étranger.

Comme l’indique la note du 3 octobre 2008 de la fondation Terra Nova (30), « il ne semble donc pas exister de marché mondial des dirigeants ou, du moins, les dirigeants français ne paraissent pas en faire partie ». Cette situation pourrait s’expliquer par les barrières à l’entrée d’un marché des dirigeants français de grandes entreprises, qui fonctionne sous une forme oligopolistique. En France, ces barrières à l’entrée sont à mettre en relation avec le profil particulier d’un nombre important de dirigeants de grandes sociétés. La plupart est en effet issue d’un nombre restreint de grandes écoles. D’après une étude de M. Bauer et B. Bertin-Mourot de 1996, près de 60 % des dirigeants des 200 premières entreprises françaises et 66 % de ceux des sociétés composant le CAC 40 sont passés par l’École polytechnique, l’École nationale d’administration ou les Hautes études commerciales.

Le tableau suivant indique, d’une part, la nationalité des dirigeants des sociétés du CAC 40, montrant que la grande majorité sont français. Il donne, d’autre part, une évaluation d’une partie de leur rémunération. Cette estimation ne prend pas en compte les gains tirés des options sur actions et des actions attribuées gratuitement, qui représentent, en moyenne, la moitié de la rémunération totale des dirigeants de grandes sociétés cotées. Elle ne prend pas non plus en compte les revenus perçus par les dirigeants au titre de leur qualité d’actionnaires de la société – dividendes et plus-values éventuelles.

Nom

Nationalité

Société

Rémunération

Nom

Nationalité

Société

Rémunération

Nom

Nationalité

Société

Rémunération

B. Arnault

Française

LVMH

4 058 277

J.-L. Duran

Espagnole

Carrefour

2 403 500

A. Miller

Belge

Dexia

1 714 630

D. Bouton

Française

Société générale

3 550 000

M. Bouygues

Française

Bouygues

2 342 836

J.-M. Folz

Française

PSA

1 650 920

H. de Castries

Française

Axa

3 365 659

J.-B. Levy

Française

Vivendi

2 284 781

X. Huillard

Française

Vinci

1 400 000

J.-F. Dehecq

Française

Sanofi-Aventis

3 365 659

A. Lagardère

Française

Lagardère

2 262 020

D. Lombard

Française

France Télécom

1 368 120

J.-P. Agon

Française

L’Oréal

3 068 336

J.-L. Beffa

Française

Saint-Gobain

2 254 000

J.-P. Tricoire

Française

Schneider

1 211 721

M. Rollier

Française

Michelin

3 326 047

P. Kron

Française

Alstom

2 240 010

B. Lafont

Française

Lafarge

1 145 000

T. Desmarest

Française

Total

3 227 123

B. Potier

Française

Air Liquide

2 223 000

C. Bozotti

Italienne

STM

1 105 263

B. Prot

Française

BNP Paribas

3 152 177

H. Proglio

Française

Veolia

2 114 794

G. Dollé

Française

Arcelor

1 087 500

P. Ricard

Française

Pernod-Ricard

3 130 387

C. Ghosn

Française

Renault

2 034 163

F. Dangeard

Française

Thomson

987 232

G. Mestrallet

Française

Suez

2 715 792

G. Pélisson

Française

Accor

2 006 950

X. Fontanet

Française

Essilor

808 185

F. Riboud

Française

Danone

2 579 100

F.-H. Pinault

Française

PPR

1 878 959

P. Gadonneix

Française

EDF

807 155

S. Tchuruk

Française

Alcatel-Lucent

2 511 924

P. Hermelin

Belge

Cap Gemini

1 788 000

L. Gallois

Française

EADS

707 612

J.-P. Thierry

Française

AGF

2 453 560

G. Pauget

Française

Crédit Agricole

1 742 030

J.-F. Cirelli

Française

GDF

433 593

Source : L’Expansion, n°720, juin 2007, p.47. Le calcul de la rémunération inclut le salaire fixe, les bonus, les avantages en nature et les jetons de présence versés par la société dirigée. Elle n’inclut pas les avantages découlant de l’attribution de stock options ou d’actions gratuites.

B.– LES ÉLÉMENTS QUI PARAISSENT LE MIEUX EXPLIQUER LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS N’ONT DE LIEN NI AVEC LE RISQUE ENCOURU NI AVEC LA PERFORMANCE

Trois éléments apparaissent prépondérants dans la fixation du niveau de rémunération des dirigeants de grandes sociétés cotées.

D’une part, la rémunération du dirigeant est d’autant plus élevée que la taille des entreprises, et notamment leur capitalisation boursière, est importante.

La composition de l’actionnariat, d’autre part, constitue un autre élément prépondérant. La présence d’un actionnaire de référence tend à agir à la baisse sur les rétributions des dirigeants. Inversement, un actionnariat dispersé ou une grande proximité entre le dirigeant et l’actionnaire de référence facilitent la mise en place d’un conseil d’administration plus ouvert aux suggestions de son président ou du directeur général.

Le gouvernement d’entreprise doit, en troisième lieu, être appréhendé pour apprécier le niveau de rémunération des dirigeants. La rémunération des dirigeants des grandes sociétés n’est en effet pas déterminée par le marché mais par leurs pairs. On constate ainsi que les diverses instances mises en place depuis une décennie, notamment les comités de rémunération, ne fonctionnent pas correctement. La présence dans ces organes ainsi qu’au conseil d’administration de dirigeants d’autres grandes entreprises ne facilite pas la régulation des rémunérations car ils ne sont pas incités à sanctionner leurs pairs qui peuvent être administrateurs de leur propre société. Il existe donc une forte incitation, pour ces contrôleurs, à ne pas exercer pleinement leur fonction pour préserver leur rémunération dans la société qu’ils dirigent.

L’envolée récente des rémunérations des dirigeants de grandes sociétés cotées françaises ne se justifie ni par le risque qu’ils prennent, ni par leur performance mais par les imperfections de ce marché du travail très spécifique qu’est celui des dirigeants de grandes entreprises. L’imperfection est renforcée par le mode de fixation de leur rémunération, celle-ci étant déterminée par des confrères membres des comités de rémunération. Bebchuk et Fried (2005) font un constat analogue pour les États-Unis. La forte hausse des rémunérations des cinq principaux dirigeants des 1 500 plus grandes entreprises américaines apparaît deux fois plus importante que ce qu’elle aurait dû être si elle avait été déterminée par des indicateurs de performance comme le chiffre d’affaires, la rentabilité des capitaux employés ou l’appréciation de la valeur de marché de l’entreprise.

Il n’existe pas d’argument économique pour justifier que la valeur du travail d’un dirigeant d’une grande entreprise soit 100 ou 200 fois supérieure à celle d’un cadre moyen ou d’un dirigeant de PME.

Comparaison de la rémunération des dirigeants avec les revenus et patrimoines du reste de la population





















Source : Insee, chiffres 2006 (sauf mention contraire), montants en milliers d’euros

III.– LE HAUT NIVEAU DES RÉMUNÉRATIONS DES DIRIGEANTS DE GRANDES SOCIÉTÉS FRANÇAISES S’EXPLIQUE PAR L’IMPORTANCE DES GAINS TIRÉS DES STOCK OPTIONS

La rémunération d’un mandataire social d’une grande société cotée se décompose en trois grands blocs :

– les éléments fixes : ils regroupent le salaire, les avantages en nature tels que la voiture ou l’appartement de fonction ainsi que les jetons de présence au conseil d’administration ou au conseil de surveillance ;

– les éléments variables, qui peuvent être corrélés à la performance : ce type de rémunération peut être versé en espèces (« bonus »). Il peut être lié à la performance de l’entreprise, mesurée en termes comptables, par exemple la progression du résultat d’exploitation ou celle du résultat net. La partie variable de la rémunération peut également être versée en actions, soit par le biais de stock options, soit par celui de l’attribution d’actions gratuites. Dans ce cas, la rémunération est différée ;

– les éléments exceptionnels, comme les golden hello (primes d’arrivée), golden parachute (indemnités de départ) ou retraites « chapeau ».

Les éléments de rémunération d’un dirigeant de grande société cotée : lexique

Jeton de présence : indemnité versée aux membres d’un conseil d’administration ou d’un conseil de surveillance.

Bonus : part variable de la rémunération, versée en numéraire, liée à la performance mesurée selon les résultats comptables.

Stock-option ou option sur action : droit accordé d’acheter dans le futur une action à un prix convenu à l’avance. Rémunération différée, liée à la performance mesurée selon l’évolution du cours de l’action.

Actions gratuites : attribution par la société à ses dirigeants d’actions à titre gratuit. Rémunération différée, liée à la performance mesurée selon l’évolution du cours de l’action.

Golden hello : prime perçue par le dirigeant à son entrée en fonction.

Parachute doré ou golden parachute : indemnité prévue dans une convention passée entre le dirigeant et l’entreprise, versée au moment où le dirigeant quitte ses fonctions. Le versement de l’indemnité n’est pas nécessairement conditionné par l’atteinte des objectifs fixés.

Retraite « chapeau » : régime de retraite supplémentaire généralement souscrit par l’entreprise auprès d’une compagnie d’assurance pour le compte d’un dirigeant. Celui-ci bénéficiera de versements, en complément des pensions versées par les régimes obligatoires et complémentaires, sans avoir cotisé.

La France se distingue des autres pays européens par la part très importante des stock options dans la structure de rémunération des dirigeants de sociétés cotées, comme le montre le graphique suivant.

Source : Towers Perrin News, juin 2004

On constate qu’environ 50 % de la rémunération des dirigeants français provient des stock options, contre environ 30 % pour les dirigeants allemands et 40 % pour les Britanniques. Seuls les dirigeants américains dépendent davantage des actions et stock options, qui représentent 72 % de leur rémunération. Cette très grande proportion s’explique, aux États-Unis, par des raisons fiscales. De même, il est probable que la part relativement importante des options sur actions dans la rémunération des dirigeants français s’explique par le régime d’imposition favorable qui s’applique à ce mode de rémunération.

Au final, il apparaît donc que le haut niveau de rémunération des dirigeants français est principalement lié aux stock options qu’ils reçoivent. Ce mode de rémunération en fait, avec les Britanniques, les dirigeants les mieux payés de l’Union européenne, comme le montre le graphique suivant.

Source : Towers Perrin News, 2006

La régulation des rémunérations des dirigeants des grandes sociétés cotées doit donc passer par celle de l’attribution des options sur actions.

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 7 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Depuis le dépôt de cette proposition de loi, il s’est passé quelque chose d’important : Assemblée et Sénat ont souhaité introduire dans le collectif budgétaire un dispositif tendant à limiter les éléments de rémunération des dirigeants d’entreprise. L’Assemblée a voté à l’unanimité un amendement qu’avait déposé Didier Migaud pour que les conventions signées par l’État avec les banques bénéficiant de l’aide de la SFEF mentionnent les conditions d’exercice de leurs activités dans les paradis fiscaux. À la suite des informations relatives à la Société générale, j’ai proposé d’ajouter, et le sous-amendement a été adopté, que ces conventions précisent également les conditions d’attribution des stock-options et des actions gratuites. Au Sénat, Jean Arthuis a proposé un amendement tendant à prendre en compte tous les éléments de rémunération. On a pu en effet constater qu’au fur et à mesure des contrôles institués sur l’un de ces éléments, s’opérait un transfert sur un autre : du bonus vers la part variable, de la part variable vers le parachute doré, du parachute doré vers les rémunérations différées, des rémunérations différées vers les retraites chapeaux… Nous avons donc adopté en CMP la définition la plus large possible des éléments de rémunération.

Il convenait également de définir les entreprises « soutenues par l’État » – qui sont seules concernées par cette proposition de loi. Celle-ci ne vise que les « aides publiques sous forme de recapitalisation » ; la rédaction de la CMP est meilleure car elle couvre les aides apportées par la SFEF, la SPPE et le Fonds stratégique d’investissement. Elle vise également la filière automobile – qui bénéficie de prêts directs – et s’étend aux entreprises publiques. Le texte de la CMP renforce le décret du Gouvernement, qui, nous l’avons appris hier en réponse à une question de Charles de Courson, l’acceptera demain lors du vote final. Dans ces conditions, les articles 2 et 3 de cette proposition de loi sont plus que satisfaits. C’est pourquoi nous défendons des amendements visant à les supprimer.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Votre argument peut valoir pour l’article 3, mais l’article 2 est bien différent puisque nous proposons de fixer un rapport entre la plus haute rémunération et la plus basse. De l’après-guerre jusqu’au début des années 1980, dans la plupart des pays, le ratio était de un à vingt ou trente. À partir de la fin des années 1990, les plus hautes rémunérations ont progressé vers des niveaux extravagants. Pourquoi la valeur travail d’un dirigeant d’une très grande entreprise du CAC 40, payé trois cents fois le SMIC, serait-elle cent fois supérieure à celle du dirigeant d’une PME de cinquante salariés, dont la rémunération est de l’ordre de trois SMIC ? Dépourvue de justification économique, cette dérive des rémunérations est encore plus scandaleuse dans les entreprises qui font appel à l’argent public. C’est pourquoi nous voulons dans ce cas fixer un ratio, et celui que nous retenons correspond à celui qui a pu être observé dans le monde lorsque l’économie était saine. Dans les autres entreprises, nous proposons de laisser au conseil d’administration le soin de faire des propositions sur le ratio à retenir. Au-delà de la moralisation du capitalisme, il s’agit de garantir le bon fonctionnement de l’économie de marché. Le texte de la CMP est utile, mais il ne va pas aussi loin.

M. Charles de Courson. L’internationalisation des entreprises empêche de prendre ce genre de dispositions car il est toujours possible de faire rémunérer les dirigeants par les filiales.

Par ailleurs, la notion de rémunération que vous retenez dans ce texte est trop étroite : c’est l’ensemble des éléments de rémunération et avantages qui doit être pris en compte, comme dans le texte de la CMP.

La dérive des rémunérations est incontestable, mais elle est d’origine systémique : en droit français, les éléments de rémunération des mandataires sociaux sont fixés par le conseil d’administration. Nous, centristes, préférons le schéma que les Anglais viennent d’adopter, qui laisse à l’assemblée générale des actionnaires le soin de fixer l’ensemble des éléments de rémunération et avantages des mandataires sociaux. Croyez-vous que Daniel Bouton aurait osé venir devant l’assemblée générale des actionnaires, dont les actions ont perdu 65 % de leur valeur, expliquer que sa rémunération était insuffisante ?

Si les rémunérations ont subi de telles dérives, c’est parce qu’elles sont fixées par des comités de rémunérations composés toujours des mêmes personnes. Il faudrait appliquer les mêmes dispositifs dans toutes les entreprises, qu’elles soient aidées ou non. Si nous voulons faire une vraie réforme, attaquons-nous aux causes du phénomène ! En assemblée générale des actionnaires, en présence de journalistes de la presse économique, il serait malvenu pour un dirigeant de demander des avantages supplémentaires alors que l’entreprise est en mauvaise santé.

M. Jean-Marc Roubaud. Je comprends le désir de plafonner les revenus des dirigeants, mais en tant que député de la commission des affaires étrangères, je vous rappelle l’existence de la mondialisation : ce plafonnement conduirait les dirigeants à se faire rémunérer par des filiales étrangères, et la France serait perdante. Plutôt que de se donner bonne conscience, il faut faire preuve de réalisme.

M. le rapporteur. Je compte sur Charles de Courson pour voter celui de nos amendements qui tend à ce que le conseil d’administration propose à l’assemblée générale des actionnaires un ratio limitant l’écart entre les rémunérations.

Si la plupart des pays du monde ont maintenu un ratio de un à vingt pendant une cinquantaine d’années, ce n’est pas un hasard : après la crise de 1929, Roosevelt a très fortement relevé le taux d’imposition sur les hauts revenus, en le portant de 25 % à 60 %, puis à 70 %, puis à 91 % en 1941 ; en moyenne, pendant toute cette période, ce taux a été de 80 %, et le capitalisme américain ne s’en est pas mal porté. Dans le même esprit, nous demandons qu’on rétablisse un rapport cohérent entre les rémunérations au sein de l’entreprise. Le G 20 s’est lui-même préoccupé des dérives constatées ces dix dernières années, et il faut poursuivre la réflexion au niveau international. M. Obama a également pris des mesures fortes en limitant à 500 000 dollars les rémunérations des dirigeants d’entreprises recapitalisées et nationalisées.

La Commission adopte l’amendement CF 7. En conséquence, l’article 2 est supprimé.

Article 3

(Art. L. 2225-185 du code de commerce)

Interdiction de l’attribution d’options sur actions aux dirigeants des sociétés aidées par l’État

I.– LA PORTÉE DE L’ARTICLE 3 EST SUPÉRIEURE À CELLES DU DÉCRET DU 30 MARS 2009 ET DE L’ARTICLE 25 DE LA DEUXIÈME LOI DE FINANCES RECTIFICATIVES POUR 2009

L’article 3 de la présente proposition de loi interdit les attributions d’options sur actions et d’actions gratuites dans les entreprises aidées par l’État. Il concerne :

– les sociétés bénéficiant d’une recapitalisation, c’est-à-dire d’une injection de fonds de l’État. Sont donc notamment concernés les banques recourant à des titres super-subordonnés ou des actions de préférence sans droits de vote de la société de prise de participation de l’État (SPPE), les constructeurs automobiles bénéficiant des prêts de l’État et les sociétés dans lesquelles le fonds stratégique d’investissement intervient (31).

– l’ensemble des salariés des entreprises concernées, ce qui inclut les cadres supérieurs comme les directeurs financiers ou commerciaux ainsi que les opérateurs de marché.

Aucune date butoir ne limite le dispositif dans le temps. Il perdure tant que la participation de l’État existe.

Comme indiqué plus haut, environ la moitié de la rémunération des dirigeants de grandes sociétés cotées provient des gains tirés des options sur actions et actions gratuites. Il ne semble donc pas possible d’envisager une régulation de leurs rétributions sans intégrer ces modes de gratification. L’interdiction se justifie également par le niveau très bas des cours de Bourse actuels. Il existerait un effet d’aubaine important si des options sur actions ou des actions gratuites étaient distribuées aujourd’hui. De fortes plus-values pourraient en effet être réalisées à un horizon de quatre ou cinq ans, quand les marchés actions auront retrouvé leur niveau de long terme. Ce gain serait d’autant plus choquant que l’intervention de l’État aura été cruciale pour garantir le retour de l’entreprise aux bénéfices.

A.– LE CODE DE BONNE CONDUITE DU MEDEF ET DE L’AFEP EST INSUFFISANT

Le gouvernement a, dans un premier temps, renvoyé au Medef et à l’association française des entreprises privées (AFEP) le soin de rédiger les règles concernant l’encadrement de la rémunération des dirigeants. Le code de bonne conduite issu des travaux des deux associations se contente de limiter les abus les plus flagrants. Il propose ainsi de mettre fin aux contrats de travail en cas de mandat social, de mettre un terme aux indemnités de départ abusives, de renforcer l’encadrement de l’attribution de retraites « chapeau », d’options sur actions et d’actions gratuites et d’accroître la transparence sur la rémunération des dirigeants.

Outre le caractère limité de ses propositions, le code de bonne conduite du Medef et de l’AFEP se distingue par son caractère non contraignant. La présidente du Medef, Laurence Parisot, a ainsi affirmé, le 19 mars dernier, que le Medef n’a « ni les moyens, ni même le désir d’imposer quelque chose qui dépende de la relation contractuelle entre le mandataire social et son entreprise, via les décisions du conseil d’administration ». Le code de bonne conduite apparaît aujourd’hui d’autant plus décrédibilisé que son concepteur, le président de l’AFEP, Jean-Martin Folz, est également président du comité de rémunération de la Société générale et a, à ce titre, validé un programme d’options sur actions non conforme aux recommandations du code. Les stock options devant être attribuées alors que le marché était très bas, il existait en effet un effet d’aubaine que le code de bonne conduite recommande de prohiber.

Le forum de stabilité financière (FSF) recommande d’utiliser la voie législative ou réglementaire, et non l’engagement volontaire des acteurs, pour assurer la régulation des rémunérations. Le FSF (32) affirme que « si l’engagement volontaire des banques est souhaitable, il est peu probable qu’il permettra des changements effectifs et durables, compte tenu des pressions concurrentielles et du désavantage qui frapperait la première banque à les mettre effectivement en œuvre ». Le G20, à l’issue du sommet de Londres du 2 avril dernier, a conseillé de suivre ces principes.

B.– LA PORTÉE DE L’ARTICLE 3 EST SUPÉRIEURE À CELLE DU DÉCRET DU 30 MARS 2009

Le dispositif proposé est caractérisé par une portée normative supérieure à celle du décret n° 2009-348 du 30 mars 2009 relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des entreprises aidées par l’État. Celui-ci prévoit des dispositions régulant les rémunérations des dirigeants des entreprises aidées par l’État, de ceux des entreprises publiques et de ceux des entreprises dans lequel le fonds stratégique d’investissement prend des participations.

Or, ce texte réglementaire pâtit de plusieurs failles qui réduisent tant son champ que sa portée.

Le décret ne concerne que les présidents de conseil d’administration, directeur général, directeurs généraux délégués, membres de directoire, président de conseil de surveillance ou gérants. Il ne mentionne pas les autres salariés, et notamment, dans le cas des banques, les opérateurs de marché, dont la rémunération peut être supérieure à celle des dirigeants.

Les dispositions du décret s’appliquent seulement jusqu’au 31 décembre 2010. Or, il est possible que le soutien de l’État aux banques se poursuive au-delà de cette date et il est certain que les prêts aux constructeurs automobiles ne seront pas remboursés à cette date. Au 1er janvier 2011, les entreprises concernées pourraient toujours bénéficier de l’aide de l’État, sans qu’aucune disposition ne permette de réguler la rémunération de leurs dirigeants.

Plusieurs mesures semblent avoir une portée normative limitée. Ainsi, il est prévu que les dirigeants des sociétés aidées par l’État ne peuvent percevoir les éléments variables de leur rémunération si l’entreprise procède à des « licenciements massifs », sans que ces derniers termes ne soient définis précisément. Le « haut niveau d’exigence éthique » requis pour les dirigeants des entreprises publiques est également à portée normative limitée car insuffisamment précis. La même remarque peut être faite pour la détermination des éléments variables de la rémunération de ces dirigeants, qui doivent récompenser « la performance de l’entreprise d’une part et son progrès dans le moyen terme d’autre part ». Ces critères sont trop vagues pour encadrer correctement les choix réalisés par les conseils d’administration.

Il semble, par ailleurs, que les mesures concernant le fonds stratégique d’investissement (FSI) soient, là encore, trop vagues pour être opérantes. L’article 6 dispose que le ministre chargé de l’économie veille à ce que le FSI prenne en compte l’impératif d’un « haut niveau d’exigence éthique » dans la fixation des rémunérations des dirigeants des sociétés cotées dans lesquelles il prend une participation. Ce nouveau critère s’ajoute à une multitude d’autres déterminants, comme le caractère stratégique de l’investissement, la rentabilité anticipée ou la préservation de l’emploi. Il est peu probable que ce nouvel impératif pèse d’un poids important dans les choix d’investissement.

Enfin, les mesures concernant les entreprises publiques pouvaient être mises en œuvre sans texte réglementaire. L’État détenant la majorité absolue de leur capital, il contrôle leurs conseils d’administration qui ont la charge de fixer la rémunération des dirigeants.

Votre Rapporteur constate que ces mesures de régulation de la rémunération des entreprises aidées par l’État viennent tardivement. Les conventions passées avec les banques auraient dû prévoir les conditions d’encadrement de la rémunération des dirigeants, qui sont partiellement posées par le décret. Leur absence, ainsi que celle de l’interdiction de relations entre les établissements financiers signataires et les paradis fiscaux, avaient motivé l’abstention du groupe socialiste, radical et citoyen lors du vote de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour 2008 pour le financement de l’économie.

C.– LA PORTÉE DE L’ARTICLE 3 EST SUPÉRIEURE À CELLE DE L’ARTICLE 25 DE LA DEUXIÈME LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2009

L’article 25 de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009 est l’aboutissement d’un travail mené en commun par les deux chambres du Parlement. Dans un premier temps, à l’initiative du Rapporteur général de la commission des Finances, Gilles Carrez, l’Assemblée nationale a adopté une disposition destinée à encadrer l’attribution d’options sur actions ou d’actions gratuites. Les conventions passées entre les banques qui détiennent la société de financement de l’économie française (SFEF) et l’État, actionnaire minoritaire mais garant des prêts réalisés par cette société, doivent prévoir les modalités d’attribution de ces deux formes de rémunération. Dans un second temps, à l’initiative du Président de la commission des Finances du Sénat, Jean Arthuis, les dispositions de l’article 25 sont complétées par le Sénat puis précisées en commission mixte paritaire.

Il existe toutefois trois limites qui différencient cette disposition législative de l’article 3 de la présente proposition de loi :

– seuls les dirigeants sont concernés par l’article 25 du collectif budgétaire. Les opérateurs de marché ou les cadres les plus importants, comme les directeurs financiers ou commerciaux, peuvent continuer à bénéficier de programmes de stock options ;

– les dispositions concernant les banques aidées par la SPPE et les constructeurs automobiles sont valables jusqu’au 31 décembre 2010, et non sur l’ensemble de la durée de l’opération ;

– le champ de l’article 25 de la seconde loi de finances rectificative est plus restreint que celui de la présente proposition de loi. Les dispositions concernant les entreprises publiques ainsi que celle aidées par le fonds stratégique d’investissement n’apparaissent pas contraignantes. Leurs dirigeants pourront donc continuer à bénéficier d’options sur actions ou gratuites. Or, ce type de rémunération constitue l’élément déterminant dans l’explosion des revenus des dirigeants de grandes sociétés cotées. L’article 3 de la présente proposition de loi propose leur interdiction, y compris dans ces sociétés.

En dépit de l’avancée constituée par l’article 25 du second collectif budgétaire pour 2009, il semble donc nécessaire de la compléter par la présente proposition de loi.

II.– LES STOCK OPTIONS GÉNÈRENT DES GAINS QUAND LE MARCHÉ EST HAUSSIER ET N’ENTRAÎNENT PAS DE PERTES QUAND IL EST BAISSIER

Les options sur actions, ou stock options, constituent un complément de rémunération des dirigeants et des cadres supérieurs. L’option leur donne le droit d’acheter, à un prix convenu d’avance, dans un délai déterminé, une action de la société. Une plus-value peut donc être réalisée si le cours de l’action, au moment où l’option est exercée, est supérieur au prix, convenu à l’avance, auquel le salarié l’achète. Si le cours baisse, le bénéficiaire n’essuie aucune perte puisque l’exercice de l’option est libre et que celle-ci lui a été attribuée gratuitement.

 L’attribution de l’option sur action

La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques encadre les conditions d’attribution de l’option. Le prix d’attribution, qui est le prix auquel le dirigeant pourra acheter l’action, est réglementé. Il ne peut être inférieur de plus de 20 % à la moyenne des cours constatés lors des vingt séances précédant le jour de l’attribution. Un tel encadrement a pour but de préserver le caractère incitatif de l’option, qui ne doit pas se réduire à un simple complément de rémunération. Un prix d’attribution démesurément bas offrirait en effet une plus-value latente immédiate et importante au bénéficiaire. Au contraire, pour que l’incitation à la performance soit plus importante, il convient de rapprocher le prix d’attribution du cours de l’action. Ainsi, le bénéficiaire ne pourra profiter d’une plus-value que si l’action gagne en valeur.

Les actions ainsi octroyées peuvent l’être de deux manières différentes, laissées au choix de l’entreprise :

– soit par augmentation de capital réservée aux bénéficiaires des options sur actions. On parle alors d’option de souscription d’actions ;

– soit par vente d’actions rachetées par l’entreprise. On parle alors d’option d’achat d’actions.

Les termes stock options ou options sur actions recoupent ces deux déclinaisons.

 L’exercice de l’option sur actions

L’exercice de l’option sur actions est également encadré. Le plan de distribution de stock options peut prévoir un délai minimum avant que le bénéficiaire puisse exercer l’option. Ce délai a notamment un impact sur la fiscalité, celle-ci étant allégée après un délai de quatre ans. Il peut également être prévu que le bénéficiaire doive encore appartenir à l’entreprise pour exercer son option.

Si le cours a augmenté, le bénéficiaire peut réaliser une plus-value. L’exemple suivant illustre cet enchaînement. Une société propose un plan de stock options pour son directeur général. Celui-ci reçoit, au 31 décembre de l’année N, 150 000 options, dont le prix d’exercice est fixé à 12 euros. Le cours à cette date se situe aux environs de 15 euros. À cet instant, le dirigeant dispose déjà d’une plus-value latente de 3 euros par option, soit un gain potentiel de 450 000 euros.

Le dirigeant attend le 1er juin de l’année N+2 pour exercer ses options. À cette date, le cours de l’action s’est fortement valorisé : il s’établit à 50 euros. Le dirigeant peut donc acheter pour 12 euros ce qui vaut 50 euros. Il réalise une plus-value de 38 euros par option, soit un gain total de 5,7 millions d’euros. Par ailleurs, s’il conserve les actions ainsi achetées pendant au moins deux ans, il bénéficiera d’une réduction d’imposition et, éventuellement, d’une plus-value si le cours de l’action s’est encore apprécié.

Le graphique ci-dessous illustre le mécanisme décrit.















Si le cours de l’action a baissé, le dirigeant ne perd pas d’argent. Il n’a en effet pas l’obligation d’exercer son option. Il est même possible qu’il puisse réaliser un gain s’il a souscrit des instruments de couverture. Contre rémunération, un établissement financier peut en effet lui garantir un prix de rachat de ses actions. Reprenant l’exemple ci-dessus, on suppose que le dirigeant a convenu avec une banque de la possibilité de lui revendre ses actions à 15 euros au 1er juin de l’année N+2. Si, contrairement à l’illustration précédente, le cours a baissé jusqu’à 10 euros, le dirigeant est couvert : il vendra pour 15 euros des actions qu’il a achetées 12 euros.

Si les attributions d’options sur actions n’exposent le dirigeant à aucun risque de perte, celui-ci ne peut pas en espérer un gain assuré. L’attribution d’actions gratuites, au contraire, garantit au dirigeant une plus-value. Ce nouveau mode de rémunération est en plein développement en France depuis son introduction par l’article 83 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

Les principales évolutions de la législation encadrant l’attribution des options sur actions

 Options sur actions

Loi n° 2001-420 du 16 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (art. 132) : obligation d’un rapport à l’assemblée générale des actionnaires indiquant notamment le nombre et le prix d’exercice des options accordées aux dirigeants et aux dix salariés qui en reçoivent le plus.

Loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 de finances pour 2007 (art. 22) : le conseil d’administration ou de surveillance prévoit l’interdiction de la levée des options par les mandataires sociaux jusqu’à la cessation de fonction ou la quantité d’actions issues d’options à conserver jusqu’à la cessation de fonction.

Loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 relative aux revenus du travail (art. 62) : attribution d’options sur action conditionnée à leur octroi à, au moins, 90 % des salariés ou à l’existence d’un accord d’intéressement ou de participation.

 Actions gratuites

Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 (art. 83) : la loi prévoit la possibilité d’attribution d’actions gratuites à l’ensemble des salariés.

Loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 de finances pour 2007 (art. 39 et 62) : obligation de conservation d’une partie des actions par les mandataires sociaux et fixation d’un délai minimum de portage (mêmes dispositions que celles appliquées aux options).

Loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 relative aux revenus du travail (art. 22) : attribution d’actions gratuites conditionnée à leur octroi à, au moins, 90 % des salariés ou à l’existence d’un accord d’intéressement ou de participation.

III.– L’EFFICACITÉ D’UNE RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS PAR L’ATTRIBUTION DE STOCK OPTIONS EST CONTESTABLE

Une branche de la théorie économique justifie la rémunération des dirigeants d’entreprise en stock options par la théorie de l’agence, qui renvoie à la dissociation entre propriété et direction de l’entreprise et à l’asymétrie d’information qui en découle. Les actionnaires – le « principal » – cherchent à s’assurer que les dirigeants de la société – « l’agent » – agissent pour servir leur intérêt, à savoir la maximisation de la valeur de marché de l’entreprise. En fondant la rémunération des dirigeants sur le cours de l’action, les actionnaires n’ont plus besoin de contrôler les dirigeants puisqu’ils partagent désormais les mêmes intérêts. Le problème d’agence est donc résolu par la création d’un intérêt financier commun entre dirigeants et actionnaires.

La réalité des stock options ou des attributions d’actions gratuites est souvent très éloignée de cette description théorique.

A.– UNE RÉMUNÉRATION QUI DÉPEND DAVANTAGE DES CYCLES BOURSIERS QUE DE LA QUALITÉ DE GESTION DES DIRIGEANTS

Les premières critiques portent sur l’efficacité du mécanisme. Il est en effet contestable d’affirmer que l’évolution du cours de l’action est liée à l’action des dirigeants de l’entreprise.

Les variations de la valeur d’un titre sont fortement corrélées à celles de l’ensemble du marché. Or, celui-ci voit son évolution déterminée par de nombreux éléments, largement extérieurs à la gestion des dirigeants. Ainsi l’anticipation d’une baisse des taux d’intérêts réels tend à l’appréciation des marchés actions car la rentabilité des actifs sans risque devient moins attrayante, au profit des actifs risqués que sont les actions. L’aversion au risque des investisseurs est un autre déterminant. Quand le marché est haussier, elle diminue, ce qui conduit à une baisse des primes de risque demandées et donc une hausse du cours des actions, la rentabilité offerte étant très attractive au regard du risque perçu. Enfin, le fonctionnement des marchés financiers mondiaux a un impact sur leur évolution. Ainsi, en période de crise, les investisseurs, qui ont besoin de liquidité, tendent à solder les positions prises dans les marchés étrangers pour rapatrier des fonds. De tels mouvements tendent à faire chuter les cours, sans que les résultats futurs des entreprises ne soient en cause. Du fait de ces multiples déterminants de l’évolution des marchés actions, la variation du cours de l’action reflète peu la bonne gestion des dirigeants.

Les marchés actions se caractérisent par des bulles spéculatives. Là encore, l’appréciation ou la chute du cours des actions n’est pas liée à la qualité de la gestion des dirigeants d’une entreprise. Les cours peuvent en effet s’éloigner fortement de leur valeur fondamentale pour deux raisons. D’une part, les investisseurs les moins bien informés considèrent le prix de l’action comme un signal. S’il augmente, ils considèrent que les investisseurs bien informés achètent ce titre et suivent ce mouvement qu’ils amplifient démesurément. D’autre part, les gestionnaires d’actifs sont évalués en fonction de leurs concurrents. Il leur est donc très difficile de ne pas suivre le mouvement ascendant d’une bulle spéculative car ils pâtiraient pendant plusieurs mois d’une performance inférieure à celle de leurs concurrents.

Une mesure plus pertinente de la performance reposerait sur la performance relative, en la comparant à celle d’entreprises du même secteur, mais ce n’est pas celle qui est pratiquée. Mais surtout, la critique la plus forte concerne le caractère profondément asymétrique des stock options.

B.– UNE RÉMUNÉRATION QUI N’ENREGISTRE QUE LES HAUSSES

Si les dirigeants sont intéressés à la hausse de l’action, ils sont protégés d’une baisse de son cours. En effet, ils restent libres de ne pas exercer l’option quand le cours chute et peuvent même rester bénéficiaires en cas d’achat d’instruments de couverture. Le mécanisme des stock options est donc asymétrique. Il intéresse à la hausse de l’action mais pas à la baisse.

Or, une telle asymétrie peut introduire un double biais dans les décisions prises par les dirigeants. Elle génère, d’une part, une incitation à prendre des risques trop importants puisque le dirigeant gagnera s’ils s’avèrent payants mais ne perdra rien s’ils se révèlent néfastes pour l’entreprise. D’autre part, l’asymétrie crée une incitation à privilégier les choix qui maximiseront la valeur de l’entreprise à un horizon relativement peu éloigné, de l’ordre de quelques années, correspondant à la durée pendant laquelle le dirigeant restera en place et pourra exercer ses options. Or, de tels choix peuvent aller en contradiction avec l’intérêt de long terme de la société.

L’intéressement des dirigeants à l’évolution du cours de Bourse de l’entreprise devrait jouer à la hausse comme à la baisse. On pourrait envisager que les options ne soient plus attribuées gratuitement. Elles pourraient être achetées par les dirigeants. Les options sur actions font en effet l’objet d’échanges sur les marchés de produits dérivés et sont aisément valorisables (33). Leur achat par les dirigeants permettrait d’installer un « intéressement à la baisse » ainsi qu’un élément de risque.

D’autre part, le coût de l’attribution de stock options n’apparaît pas clairement lorsqu’il est réalisé par le biais d’une augmentation de capital. Il consiste en effet en une faible dilution des actionnaires. L’entreprise peut, quant à elle, déduire les frais occasionnés par cette attribution. Les actionnaires paient donc indirectement pour ce mode de rémunération, ce qui est normal puisqu’il est conçu pour servir leurs intérêts. Toutefois, les stock options sont indolores puisque leur coût est lié à une très légère érosion de la valeur de l’action et du dividende qui lui est associé, due à l’augmentation du nombre de titres émis. Ce mode d’imputation indirect du coût de ces rémunérations ne joue donc pas en faveur d’une utilisation efficace puisque le montant de l’investissement ainsi réalisé par les actionnaires n’apparaît pas clairement.

La situation actuelle de forte chute des marchés financiers révèle une troisième faille. On constate en effet que les dirigeants de grandes sociétés peuvent se voir offerts des plans de stock options dont le prix d’exercice est proche des cours actuels. Or, ceux-ci étant aujourd’hui très bas, une remontée des cours vers leur valeur de long terme permettrait la réalisation de fortes plus-values, sans que soit en cause la qualité du management. L’appréciation de la valeur de la société ne résulterait pas de son action mais d’un simple retour des cours à un niveau plus normal. Cela est particulièrement choquant pour des entreprises aidées par l’État, dont la remontée à terme des cours résulte en partie de l’investissement public.

Enfin, il convient de noter qu’en dépit des améliorations apportées par l’article 132 de la loi n° 2001-420 du 16 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, l’attribution d’options sur actions ou d’actions gratuites laisse demeurer une certaine opacité sur la rémunération des dirigeants. Du fait notamment de leur caractère différé, ces modes de rétribution ne permettent pas de disposer d’une vision claire et immédiate des sommes perçues par les dirigeants. Cette opacité ne joue pas en faveur d’une auto-régulation car, en raison de ce manque d’informations, la pression des salariés ou de l’opinion publique ne peut s’exercer.

C.– L’IMPORTANCE DE LA RÉMUNÉRATION PAR STOCK OPTIONS POUR LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES EN CROISSANCE

La critique de l’utilisation des options sur actions comme mode de rémunération des dirigeants doit toutefois être nuancée. Celles-ci peuvent ne pas disposer d’une structure financière permettant une rémunération élevée des dirigeants, alors qu’il est important, pour assurer leur développement, d’attirer les compétences. Dans une telle situation, il apparaît adéquat de compléter le salaire des dirigeants par des stock options. En effet, celles-ci jouent non seulement le rôle d’incitation mais elles constituent également le seul moyen d’assurer une rémunération en ligne avec le marché pour ces dirigeants.

Il existe toutefois un dispositif spécifique pour ce type de situations. Les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE) sont prévus à l’article 76 de la loi n° 97-1269 de finances pour 1998 du 31 décembre 1997. Ils s’adressent aux sociétés créées depuis moins de quinze ans, qui sont soit non cotées, soit cotées et à capitalisation inférieure à 150 millions d’euros. Le gain net tiré des BSPCE est imposé à 18 % au titre de l’impôt sur le revenu ou à 30 % quand le bénéficiaire exerce au sein de la société depuis moins de trois ans à la date de cession des titres, auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux.

IV.– LA FISCALITÉ DES STOCK OPTIONS ET ACTIONS GRATUITES SE DISTINGUE PAR UNE QUASI-ABSENCE DE COTISATIONS SOCIALES

A.– LA FISCALITÉ DES OPTIONS SUR ACTIONS

1.– La fiscalité supportée par l’entreprise sur l’octroi de stock options

Pour l’entreprise, la distribution de stock options comporte, par rapport au versement de salaires, un double avantage.

D’une part, elle ne paie pas de cotisations sociales sur ce versement. En application de l’article 13 de la loi n° 2007-1786 de financement de la sécurité sociale du 19 décembre 2007, la société verse toutefois une contribution spécifique sur les options attribuées à compter du 16 octobre 2007. L’assiette de cette imposition est égale, selon le choix de l’employeur, soit à la « juste valeur » de l’option calculée conformément aux normes IAS-IFRS, soit à 25 % de la valeur de l’action sur laquelle porte l’option à la date de décision d’attribution de l’option. Le taux s’élève à 10 %. La seconde option conduit donc à un taux d’imposition de 2,5 %. La contribution est payée à l’attribution des options.

D’autre part, certaines charges, liées à la distribution de stock options, peuvent être déduites du résultat imposable de l’entreprise : les frais de rachat des titres destinés à être remis au personnel ou d’augmentation du capital, les frais de gestion des actions rachetées ou émises jusqu’à la levée de l’option et les charges exposées du fait de la levée des options par les salariés, notamment les frais liés à l’acquisition effective des actions par les salariés. Par ailleurs, les moins-values résultant, lors de la levée, de la différence entre le prix d’achat des actions par le bénéficiaire et leur valeur d’origine (valeur de rachat des titres par la société) sont soumises au régime des moins-values de droit commun.

2.– La fiscalité supportée par le bénéficiaire de l’option sur actions

Les gains tirés de la levée d’options sur actions sont soumis à trois régimes différents selon le produit généré :

– le régime du « rabais excédentaire » : quand le rabais, c’est-à-dire la différence entre la valeur de l’action au moment où l’option est attribuée (34) et le prix d’exercice, auquel le bénéficiaire pourra acheter l’action, est supérieur à 5 %, il est considéré comme un salaire. Il est donc taxé à l’impôt progressif sur le revenu et soumis aux cotisations sociales et aux prélèvements sociaux ;

– le régime spécifique de l’avantage tiré de la levée de l’option : ce régime constitue la particularité du dispositif fiscal appliqué aux options sur actions. Quand l’option est exercée, le bénéficiaire réalise une plus-value. Celle-ci correspond à la différence entre la valeur de l’action à la date de la levée et le prix auquel le bénéficiaire exerce l’option. Le cas échéant, on déduit le rabais excédentaire du montant ainsi obtenu. L’imposition de cet avantage tiré de la levée de l’option, est allégée si les conditions de forme nominative (35) et de durée d’indisponibilité fiscale (quatre ans pour le cas général) sont réunies. En ce cas, l’avantage est imposé à 30 % pour la fraction n’excédant pas 152 500 euros et 40 % au-delà, ces deux taux étant abaissés respectivement à 18 % et 30 % si le bénéficiaire conserve ses actions au moins deux ans après la levée de l’option.

Si les conditions de forme nominative et de durée de détention ne sont pas respectées, l’avantage tiré de la levée de l’option est imposé comme un salaire ;

– le régime de la plus-value, qui correspond à la différence entre le prix de revente de l’action et le prix auquel elle a été achetée au moment de la levée de l’option : ce cas n’est pas spécifique aux stock options. C’est le droit commun des plus-values mobilières qui s’applique, soit un taux de 18 % si le seuil de cession de l’ensemble du portefeuille du contribuable fixé à 25 000 euros est dépassé, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux.

Les prélèvements sociaux s’appliquant à l’avantage tiré de l’option et à la plus-value ont un taux de 12,1 % (8,2 % pour la contribution sociale généralisée, 0,5 % pour la contribution au remboursement de la dette sociale, et 2,3 % pour le prélèvement social sur les revenus du capital et sa contribution additionnelle, auxquels s’ajoute 1,1 % dû au titre du financement du revenu de solidarité active). Par ailleurs, dans le cas de l’avantage tiré de l’option, l’article 13 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit une contribution sociale de 2,5 %, payée par le bénéficiaire sur les options attribuées à compter du 16 octobre 2007. L’assiette de cette imposition est l’avantage tiré de l’option. En raison du délai d’indisponibilité de quatre ans, cette taxe n’aura un effet qu’à partir de fin 2011.

Le tableau suivant récapitule l’ensemble des prélèvements supportés par le bénéficiaire de stock options. Par mesure de simplification, il ne prend en compte que le cas général des actions attribuées depuis le 27 avril 2000. La contribution sociale de 2,5 % n’est applicable qu’aux options attribuées à compter du 16 octobre 2007.

2% social, contribution additionnelle de 0,3 % et 1,1 % RSA

Non assujetti

Non assujetti

Assujetti

Assujettie

CSG et CRDS

Assujetti comme salaire à la levée de l’option

Assujetti comme salaire à la cession des actions

Assujetti comme revenu du patrimoine au titre de l’année de cession

Assujettie comme revenu du patrimoine au titre de l’année de cession

Cotisations de sécurité sociale

Assujetti comme salaire à la levée de l’option

Assujetti comme salaire à la cession des actions

Contribution salariale de 2,5 % à la cession des actions

Non assujettie

Impôt sur le revenu

Imposable au barème à la levée de l’option

Imposable au barème

Cas 1 (36) : 30% puis 40 % après 152 kE

Cas 2 (37) : 18% puis 30 % après 152 kE

Imposition comme plus-value au taux de droit commun (18 %)

 

1.Rabais excédentaire

2. a) Avantage tiré de l’option : pas de forme nominative ou non respect de la période indisponibilité

2. b) Avantage tiré de l’option : forme nominative et respect de la condition de détention

3. Plus-value

Au final, on constate que :

– le rabais excédentaire est imposé comme un salaire ;

– la plus-value est imposée dans les conditions de droit commun ;

– l’avantage tiré de la levée de l’option, qui constitue le cœur de ce mode de rémunération, bénéficie en revanche d’un régime fiscal et social avantageux par rapport aux salaires, quand les conditions de forme nominative et de respect de la période d’indisponibilité sont remplies. D’une part, le taux d’imposition sur le revenu varie entre 18 % et 40 % alors qu’il s’établirait probablement aux taux de la dernière tranche du barème de l’impôt sur le revenu, soit 40 %, en l’absence de dispositif dérogatoire. D’autre part, et surtout, les contributions sociales payées par le bénéficiaire et par l’entreprise s’établissent à 5 %, soit un niveau largement inférieur aux taux de cotisations sociales payées sur les salaires (38).

B.– LA FISCALITÉ DES ACTIONS GRATUITES

Le régime fiscal des actions gratuites est proche de celui des stock options.

L’entreprise peut déduire de son résultat imposable les charges subies du fait de l’attribution gratuite des actions. Elle peut également déduire les moins-values résultant du rachat de ses actions ou, en cas d’augmentation de capital, de la différence entre la valeur des titres et leur prix de souscription par les salariés.

Pour le bénéficiaire, en cas de respect de la période d’indisponibilité de deux ans, le régime est proche de celui des stock options. L’avantage tiré de l’attribution gratuite de l’action, égale à la valeur des titres à la date d’attribution, est imposé à 30 % (contre 18 % pour la fraction inférieure à 152 500 euros puis 30 % au-delà, pour le cas général des options sur actions). A ce taux, s’ajoutent les prélèvements sociaux, soit 12,1 %. La plus-value de cession, égale à la différence entre le prix de cession et la valeur, est imposée à 18 % si le seuil de cession de l’ensemble du portefeuille fixé à 25 000 euros est dépassé et est assujettie aux prélèvements sociaux.

Les contributions sociales de 2,5 %, dues par l’entreprise et par le bénéficiaire, sont également dues. Leur assiette est la valeur des actions à la date d’attribution.

Le régime d’imposition de l’avantage tiré de la perception d’actions gratuites est donc, comme celui évoqué plus haut pour les stock options, particulièrement favorable puisque les cotisations sociales ne sont pas non plus prélevées sur les bénéfices qui en sont retirés, à l’exception des contributions de 2,5 % versées par l’entreprise et par le bénéficiaire de l’option. Le taux d’imposition de ce revenu s’élève, en outre, à 30 %, contre 40 % pour la dernière tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

À noter enfin que les avantages tirés des options sur actions ou des actions gratuites ne sont pas soumis au « forfait social », ou contribution de 2 % concernant notamment l’intéressement et la participation, prévu à l’article 13 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009. Un amendement du Rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, notre collègue Yves Bur, prévoyant l’assujettissement de ces avantages à cette nouvelle taxe, a été rejeté en séance.

C.– L’AMBIGUÏTÉ DU RÉGIME FISCAL DES OPTIONS SUR ACTIONS ET DES ATTRIBUTIONS D’ACTIONS GRATUITES

La principale caractéristique des prélèvements appliqués aux gains tirés des options sur actions et des actions gratuites tient à l’absence de cotisations sociales. Or, comme cela a été montré ci-dessus, ces formes de rémunération ne viennent pas récompenser une prise de risque, propre à un investissement financier, mais correspondent à un complément de salaire puisqu’aucune perte ne sera assumée par le dirigeant. Dans ces conditions, une hausse de la contribution sociale pourrait être envisagée pour rapprocher les prélèvements effectués sur ces revenus de ceux effectués sur les salaires.

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 8 du rapporteur général.

Contre l’avis du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CF 8. En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Après l’article 3 :

La Commission examine l’amendement CF 1 de M. Pierre-Alain Muet.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à instaurer au sein du conseil d’administration un comité des rémunérations indépendant, qui devra remettre un rapport à l’assemblée générale des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants et la politique de rémunération, passée et à venir, de la société.

M. le rapporteur général. Les comités de rémunération se sont généralisés dans les grandes entreprises, et il n’y a pas lieu de rigidifier le dispositif en lui donnant une base légale.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 2 de M. Pierre-Alain Muet.

M. le rapporteur. Cet amendement, qui devrait satisfaire M. de Courson, vise à assurer la transparence des rémunérations des dirigeants. Le plafond, fixé sous la forme d’un ratio entre rémunérations la plus haute et la plus basse, serait proposé par le conseil d’administration, soumis à l’avis du comité d’entreprise et validé par l’assemblée générale des actionnaires.

M. Charles de Courson. Cet amendement ne va pas assez loin ! Pourquoi ne pas adopter le système anglais, qui charge l’assemblée générale des actionnaires de fixer, en toute transparence, l’ensemble des éléments de rémunération et avantages ?

M. le rapporteur général. Nous avons déjà fait progresser la transparence puisque, depuis 2006, les rémunérations différées et les parachutes font l’objet de conventions réglementées. Mais il faut en effet aller plus loin, et comme M. de Courson, je souhaite que tous les éléments de rémunération des dirigeants soient validés par l’assemblée générale des actionnaires.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 3 de M. Pierre-Alain Muet.

M. le rapporteur. Nous proposons de limiter les indemnités de départ, dites « parachutes dorés », en plafonnant l’indemnité totale de départ à deux fois la plus haute indemnité de départ prévue en cas de licenciement d’un salarié.

M. le rapporteur général. Ce plafonnement fait partie des recommandations AFEP-MEDEF. Les protocoles signés par la plupart des grandes entreprises énumèrent en outre les situations pouvant donner lieu à une telle indemnité, excluant les départs liés à un échec de l’entreprise. Les conventions passées entre l’État et les banques, en octobre dernier, prévoient que celles-ci signent un protocole avant le 31 décembre 2008 ; mais faute de mention des stock-options, il est advenu ce qu’on sait à la Société générale. Néanmoins ces protocoles sont efficaces.

Mme Arlette Grosskost. Parmi les recommandations AFEP-MEDEF, il y a aussi celle de mettre fin au cumul d’un contrat de travail et d’un mandat social.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 4 de M. Pierre-Alain Muet.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à limiter les retraites chapeaux des dirigeants à 30 % de la rémunération de la dernière année d’exercice de leur fonction.

M. le rapporteur général. Là aussi, laissons l’assemblée générale des actionnaires décider.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 5 de M. Pierre-Alain Muet.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet d’interdire les stock-options dans les sociétés de plus de cinq ans. La formule est pertinente pour aider les sociétés qui viennent de se créer, mais au-delà elle conduit à des abus.

M. le rapporteur général. Je vous renvoie au débat sur la loi sur les nouvelles régulations économiques : la majorité de l’époque était la première à reconnaître les vertus de cette forme de rémunération que constituent les stock-options, qui permet à des entreprises de réinvestir davantage dans l’entreprise. Il n’y a pas lieu d’en restreindre l’utilisation aux entreprises de moins de cinq ans.

La Commission rejette l’amendement.

M. le président Didier Migaud. La suppression des articles et le rejet des articles additionnels valent rejet du texte. En conséquence, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de la proposition de loi.

*

* *

Aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion de la proposition de loi porte, en séance, à défaut de texte adopté par la Commission, sur le texte dont l’assemblée a été saisie.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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TITRE IER

 
 

ABROGATION DU
« BOUCLIER FISCAL »

 
 

Article 1er

 

Code général des impôts

   

Article 1er

Les articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.

 

Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus.

   

Les conditions d'application de ce droit sont définies à l'article 1649-0 A.

   

Article 1649-0 A

   

1. Le droit à restitution de la fraction des impositions qui excède le seuil mentionné à l'article 1er est acquis par le contribuable au 1er janvier de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4.

   

Le contribuable s'entend du foyer fiscal défini à l'article 6, fiscalement domicilié en France au sens de l'article 4 B, au 1er janvier de l'année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4.

   

2. Sous réserve qu'elles aient été payées en France et, d'une part, pour les impositions autres que celles mentionnées aux e et f, qu'elles ne soient pas déductibles d'un revenu catégoriel de l'impôt sur le revenu, d'autre part, pour les impositions mentionnées aux a, b et e, qu'elles aient été régulièrement déclarées, les impositions à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution sont :

   

a) l'impôt sur le revenu dû au titre des revenus mentionnés au 4 ;

   

b) l'impôt de solidarité sur la fortune établi au titre de l'année qui suit celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4 ;

   

c) la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties, établies au titre de l'année qui suit celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4, afférentes à l'habitation principale du contribuable et perçues au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale ainsi que les taxes additionnelles à ces taxes perçues au profit de la région d'Ile-de-France et d'autres établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes additionnelles à l'exception de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ;

   

d) la taxe d'habitation, établie au titre de l'année qui suit celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4, perçue au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, afférente à l'habitation principale du contribuable ainsi que les taxes additionnelles à cette taxe perçues au profit d'autres établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes ;

   

e) Les contributions et prélèvements, prévus aux articles L. 136-6 et L. 245-14 du code de la sécurité sociale et à l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, ainsi que la contribution additionnelle à ces prélèvements, prévue au 2° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, sur les revenus du patrimoine compris dans les revenus mentionnés au 4 ;

   

f) Les contributions et prélèvements, prévus aux articles L. 136-1 à L. 136-5, L. 136-7 et L. 45-15 du code de la sécurité sociale et aux articles 14 et 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 précitée, ainsi que la contribution additionnelle à ces prélèvements, prévue au 2° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, sur les revenus d'activité et de remplacement et les produits de placement compris dans les revenus mentionnés au 4.

   

3. Les impositions mentionnées au 2 sont diminuées des restitutions de l'impôt sur le revenu perçues ou des dégrèvements obtenus au cours de l'année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4.

   

Lorsque les impositions mentionnées au c du 2 sont établies au nom des sociétés et groupements non soumis à l'impôt sur les sociétés dont le contribuable est membre, il est tenu compte de la fraction de ces impositions à proportion des droits du contribuable dans les bénéfices comptables de ces sociétés et groupements. En cas d'indivision, il est tenu compte de la fraction de ces impositions à proportion des droits du contribuable dans l'indivision.

   

Lorsque les impositions sont établies au nom de plusieurs contribuables, le montant des impositions à retenir pour la détermination du droit à restitution est égal, pour les impositions mentionnées au d du 2, au montant de ces impositions divisé par le nombre de contribuables redevables et, pour les impositions mentionnées aux a et b du 2, au montant des impositions correspondant à la fraction de la base d'imposition du contribuable qui demande la restitution.

   

4. Le revenu à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution s'entend de celui réalisé par le contribuable, à l'exception des revenus en nature non soumis à l'impôt sur le revenu en application du II de l'article 15. Il est constitué :

   

a) Des revenus nets soumis à l'impôt sur le revenu majorés, le cas échéant, du montant de l'abattement mentionné à l'article 150-0 D bis. Les plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UC sont retenues dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VE. Les revenus imposés dans les conditions prévues à l'article 151-0 sont pris en compte pour leur montant diminué, selon le cas, de l'abattement prévu au 1 de l'article 50-0 ou de la réfaction forfaitaire prévue au 1 de l'article 102 ter. Par dérogation au premier alinéa du présent 4, les revenus soumis à l'impôt sur le revenu, sur option du contribuable, selon une base moyenne, notamment en application des articles 75-0 B, 84 A ou 100 bis, ou fractionnée, notamment en application des articles 75-0 A, 163 A ou 163 bis, sont pris en compte, pendant la période d'application de ces dispositions, pour le montant ayant effectivement supporté l'impôt au titre de chaque année ;

   

b) Des produits soumis à un prélèvement libératoire ;

   

c) Des revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France, à l'exception des plus-values mentionnées aux II et III de l'article 150 U et des prestations mentionnées aux 2°, 2° bis, 9°, 9° ter et 33° bis de l'article 81. Lorsqu'un contribuable précédemment domicilié à l'étranger transfère son domicile en France, les revenus réalisés hors de France et exonérés d'impôt sur le revenu ne sont pris en compte pour la détermination du droit à restitution que du jour de ce transfert.

   

5. Le revenu mentionné au 4 est diminué :

   

a) Des déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par le I de l'article 156 ;

   

b) Du montant des pensions alimentaires déduit en application du 2° du II de l'article 156 ;

   

c) Des cotisations ou primes déduites en application de l'article 163 quatervicies ;

   

c bis) Du montant des moins-values non imputables en application du I bis de l'article 150-0 A, dans la limite du montant des plus-values mentionnées au même article ainsi que des gains et profits de même nature pris en compte en application du 4.

   

d) Des impositions équivalentes à celles mentionnées aux a, e et f du 2 lorsque celles-ci ont été payées à l'étranger.

   

6. Les revenus des comptes d'épargne-logement mentionnés aux articles L. 315-1 à L. 315-6 du code de la construction et de l'habitation, des plans d'épargne populaire mentionnés au 22° de l'article 157 ainsi que des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, autres que ceux en unités de compte, sont réalisés, pour l'application du 4, à la date de leur inscription en compte.

   

7. Les gains retirés des cessions de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés qui n'excèdent pas le seuil fixé par le 1 du I de l'article 150-0 A ne sont pas pris en compte pour la détermination du droit à restitution.

   

8. Les demandes de restitution doivent être déposées avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4. Les dispositions de l'article 1965 L sont applicables.

   

Le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu même lorsque les revenus pris en compte pour la détermination du droit à restitution sont issus d'une période prescrite. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôt sur le revenu.

   

9. Par dérogation aux dispositions du 8, le contribuable peut, sous sa responsabilité, utiliser la créance qu'il détient sur l'Etat à raison du droit à restitution acquis au titre d'une année, pour le paiement des impositions mentionnées aux b à e du 2 exigibles au cours de cette même année.

   

Cette créance, acquise à la même date que le droit à restitution mentionné au 1, est égale au montant de ce droit.

   

La possibilité d'imputer cette créance est subordonnée au dépôt d'une déclaration faisant état du montant total des revenus mentionnés au 4, de celui des impositions mentionnées au 2 et de celui de la créance mentionnée au premier alinéa, ainsi que de l'imposition ou de l'acompte provisionnel sur lequel la créance est imputée.

   

Le dépôt de la déclaration s'effectue auprès du service chargé du recouvrement de l'imposition qui fait l'objet de cette imputation.

   

Lorsque le contribuable procède à l'imputation de la créance mentionnée au premier alinéa sur des impositions ou acomptes provisionnels distincts, la déclaration doit également comporter le montant des imputations déjà pratiquées au cours de l'année, ainsi que les références aux impositions ou aux acomptes provisionnels qui ont déjà donné lieu à une imputation.

   

Ces déclarations sont contrôlées selon les mêmes règles, garanties et sanctions que celles prévues en matière d'impôt sur le revenu, même lorsque les revenus pris en compte pour la détermination du plafonnement sont issus d'une période prescrite. L'article 1783 sexies est applicable.

   

Lorsque le contribuable pratique une ou plusieurs imputations en application du présent 9, il conserve la possibilité de déposer une demande de restitution, dans les conditions mentionnées au 8, pour la part non imputée de la créance mentionnée au premier alinéa.A compter de cette demande, il ne peut plus imputer cette créance dans les conditions prévues au présent 9.

   
 

TITRE II

 
 

EXIGENCES APPLICABLES AUX RÉMUNÉRATIONS DES DIRIGEANTS D’ENTREPRISES BÉNÉFICIANT D’AIDES PUBLIQUES SOUS FORME DE RECAPITALISATION

 
 

Article 2

 

Code de commerce

   
 

I. – Après l’article L. 225-185 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-185-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 225-185-1. – Il ne peut être consenti au président du conseil d’administration et au directeur général d’une société visée par les articles L. 225-17 à L. 225-56, ou au président du directoire et aux membres du conseil de surveillance d’une société visée par les articles L. 225-57 à L. 225-93, et qui bénéficie d’une aide publique sous forme de recapitalisation, sous quelle que forme que ce soit, une rémunération totale après cotisations sociales supérieure à vingt-cinq fois la plus basse rémunération à temps plein après cotisations sociales dans l’entreprise. »

 
 

II. – Le I s’applique notamment au dispositif visé à l’article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie.

 
 

Article 3

 

Article L. 225-185

Le dernier alinéa de l’article L. 225-185 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :

 

Des options donnant droit à la souscription d'actions peuvent être consenties pendant une durée de deux ans à compter de l'immatriculation de la société, aux mandataires sociaux personnes physiques qui participent avec des salariés à la constitution d'une société.

   

De telles options peuvent également être consenties, pendant une durée de deux ans à compter du rachat, aux mandataires sociaux personnes physiques d'une société qui acquièrent avec des salariés la majorité des droits de vote en vue d'assurer la continuation de la société.

   

En cas d'attribution d'options, dans un délai de deux ans après la création d'une société ou le rachat de la majorité du capital d'une société par ses salariés ou ses mandataires sociaux, le maximum prévu au dernier alinéa de l'article L. 225-182 est porté au tiers du capital.

   

Le président du conseil d'administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, les membres du directoire ou le gérant d'une société par actions peuvent se voir attribuer par cette société des options donnant droit à la souscription ou à l'achat d'actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-184 et L. 225-186-1. Toutefois, par dérogation à ces dispositions, le conseil d'administration ou, selon le cas, le conseil de surveillance soit décide que les options ne peuvent être levées par les intéressés avant la cessation de leurs fonctions, soit fixe la quantité des actions issues de levées d'options qu'ils sont tenus de conserver au nominatif jusqu'à la cessation de leurs fonctions. L'information correspondante est publiée dans le rapport mentionné à l'article L. 225-102-1.

   

Ils peuvent également se voir attribuer, dans les mêmes conditions, des options donnant droit à la souscription ou à l'achat d'actions d'une société qui est liée dans les conditions prévues à l'article L. 225-180, sous réserve que les actions de cette dernière soient admises aux négociations sur un marché réglementé.

   
 

« Aucune option donnant droit à souscription ou à achat d’actions, ni attribution gratuite d’action d’une société qui bénéficie d’une aide publique sous forme de recapitalisation, quelle qu’en soit la forme, ne peut être consentie à une personne rémunérée par cette même société. ».

 

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (39)

AMENDEMENT N° CF 1

présenté par

MM. Pierre-Alain Muet, Jean-Marc Ayrault, Jérôme Cahuzac, Didier Migaud, Michel Sapin, Henri Emmanuelli, Jean-Pierre Balligand, Michel Menard, Marc Goua, Alain Néri, Jean-Louis Gagnaire, Mme Geneviève Fioraso et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

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Article additionnel

Après l’article 3

Rendre la rémunération des dirigeants de société plus transparente

Après l’article L. 225-35 du code de commerce, insérer un article L. 225-35-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-35-1.–  I.– Il est créé, au sein du conseil d’administration d’une société visée par les articles L. 225-17 à L. 225-56, ou du conseil de surveillance d’une société visée par les articles L. 225-57 à L. 225-93, un comité dit « comité des rémunérations ».

« Ce comité est constitué de six membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, et d’un commissaire aux comptes, dans des conditions prévues par décret.

« Ce comité est chargé :

« – d’examiner toute question relative à la détermination de la part variable de la rémunération des mandataires sociaux,

« – de définir les règles de fixation de la part variable des rémunérations des mandataires sociaux et de rendre compte dans un rapport annuel à l’assemblée générale joint au rapport prévu à l’article L. 225-100 de l’application de ces règles,

« – d’apprécier l’ensemble des rémunérations et avantages perçus par les mandataires au sein d’autres sociétés,

« – d’évaluer les conséquences pour l’entreprise et les actionnaires, au regard de la dispersion du capital, du rapport annuel des titres émis, des plans d’options donnant droit à la souscription d’actions envisagés ou mis en œuvre,

« – d’établir un rapport annuel en début d’exercice, à l’attention de l’assemblée générale des actionnaires, sur les rémunérations des dirigeants de l’entreprise, sur la politique de rémunération de l’entreprise, les objectifs et les modes de rémunérations qu’elle met en œuvre.

« Les institutions représentatives du personnel ont la possibilité d’interroger les dirigeants sur le contenu dudit rapport. Les questions et les réponses apportées sont annexées au rapport. Le rapport est validé par l’assemblée générale des actionnaires. »

II.– Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

AMENDEMENT N° CF 2

présenté par

MM. Pierre-Alain Muet, Jean-Marc Ayrault, Jérôme Cahuzac, Didier Migaud, Michel Sapin, Henri Emmanuelli, Jean-Pierre Balligand, Michel Menard, Marc Goua, Alain Néri, Jean-Louis Gagnaire, Mme Geneviève Fioraso et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

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Article additionnel

Après l’article 3

Après l’article L. 225-35 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-35-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-35-2. – La rémunération des président du conseil d’administration, du directeur général et des cadres dirigeants d’une société visée par les articles L. 225-17 à L. 225-56, ou du président du directoire, des membres du conseil de surveillance et des cadres dirigeants d’une société visée par les articles L. 225-57 à L. 225-93, ne peut excéder un montant égal à la plus faible rémunération en équivalent temps plein versée au sein de l’entreprise multipliée par un coefficient proposé par le conseil d’administration et validé par l’assemblée générale des actionnaires, après avis du comité d’entreprise.

« La présente disposition est réputée d’ordre public. »

AMENDEMENT N° CF 3

présenté par

MM. Pierre-Alain Muet, Jean-Marc Ayrault, Jérôme Cahuzac, Didier Migaud, Michel Sapin, Henri Emmanuelli, Jean-Pierre Balligand, Michel Menard, Marc Goua, Alain Néri, Jean-Louis Gagnaire, Mme Geneviève Fioraso et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

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Article additionnel

Après l’article 3

Après l’article L. 225-185 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-185-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-185-2. – Il ne peut être consenti au président du conseil d’administration et au directeur général d’une société visée par les articles L. 225-17 à L. 225-56, ou au président du directoire et aux membres du conseil de surveillance d’une société visée par les articles L. 225-57 à L. 225-93, une indemnité totale de départ supérieure à deux fois la plus haute indemnité de départ en cas de licenciement d’un salarié prévue par les accords d’entreprises, ou à défaut les accords conventionnels de branche, ou à défaut la loi. 

« La présente disposition est réputée d’ordre public. »

AMENDEMENT N° CF 4

présenté par

MM. Pierre-Alain Muet, Jean-Marc Ayrault, Jérôme Cahuzac, Didier Migaud, Michel Sapin, Henri Emmanuelli, Jean-Pierre Balligand, Michel Menard, Marc Goua, Alain Néri, Jean-Louis Gagnaire, Mme Geneviève Fioraso et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

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Article additionnel

Après l’article 3

Après l’article L. 225-185 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-185-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-185-3. – Il ne peut être consenti au président du conseil d’administration et au directeur général d’une société visée par les articles L. 225-17 à L. 225-56, ou au président du directoire et aux membres du conseil de surveillance d’une société visée par les articles L. 225-57 à L. 225-93, un régime différentiel de retraite, ou « retraite chapeau », supérieure à trente pourcents de sa rémunération la dernière année de l’exercice de sa fonction. 

« La présente disposition est réputée d’ordre public. »

AMENDEMENT N° CF 5

présenté par

MM. Pierre-Alain Muet, Jean-Marc Ayrault, Jérôme Cahuzac, Didier Migaud, Michel Sapin, Henri Emmanuelli, Jean-Pierre Balligand, Michel Menard, Marc Goua, Alain Néri, Jean-Louis Gagnaire, Mme Geneviève Fioraso et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

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Article additionnel

Après l’article 3

Après l’article L. 225-185 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-185-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-185-4. – Aucune option visée à l’article L. 225-185 du code de commerce ne peut être attribuée lorsque la société constituée sous la forme de sociétés de capitaux prévues par les articles L. 225-1 à L. 229-15, a une durée d’exercice de plus de cinq années.

« La présente disposition est réputée d’ordre public. »

AMENDEMENT N° CF 6

présenté par

MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP.

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Article 1er

Supprimer cet article

AMENDEMENT N° CF 7

présenté par

MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP.

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Article 2

Supprimer cet article

AMENDEMENT N° CF 8

présenté par

MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP.

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Article 3

Supprimer cet article

ANNEXE : DÉCRET DU 30 MARS 2009 ET ARTICLE 25 DE LA DEUXIÈME LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2009

 Décret n° 2009-348 du 30 mars 2009 relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des entreprises aidées par l'État ou bénéficiant du soutien de l'État du fait de la crise économique et des responsables des entreprises publiques

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi,

Vu la Constitution, notamment son article 37 ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie,

Décrète :

CHAPITRE Ier : DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONVENTIONS PASSÉES AVEC CERTAINES ENTREPRISES BÉNÉFICIANT DU SOUTIEN EXCEPTIONNEL DE L'ÉTAT

Article 1

Le recours aux émissions d'actions, d'actions de préférence ou de titres super-subordonnés souscrits par la Société de prise de participation de l'État, ainsi que le bénéfice des prêts accordés par l'État aux constructeurs automobiles sont subordonnés à la conclusion d'une convention avec l'entreprise bénéficiaire.
Les conventions conclues avant l'entrée en vigueur du présent décret sont modifiées par avenant afin d'assurer leur conformité au présent décret.

Article 2

1. Les conventions mentionnées à l'article 1er précisent que l'entreprise bénéficiant du soutien exceptionnel de l'État s'interdit d'accorder à ses président du conseil d'administration, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du conseil de surveillance ou gérants :

― des options de souscription ou d'achat d'actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 du code de commerce ;

― des actions gratuites dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce.

2. Les conventions précisent en outre que les éléments variables de la rémunération, autres que ceux mentionnés au 1, sont autorisés par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance pour une période déterminée qui ne peut excéder une année, en fonction de critères de performance quantitatifs et qualitatifs, préétablis et qui ne sont pas liés au cours de bourse. Cette autorisation est rendue publique.

Les conventions prévoient que les éléments variables de la rémunération mentionnés au 2 ne sont pas attribués ou versés si la situation de l'entreprise la conduit à procéder à des licenciements de forte ampleur.

Article 3

L'entreprise signataire de la convention adresse au ministre chargé de l'économie, au plus tard à l'issue de la première assemblée générale qui suit l'entrée en vigueur du présent décret, les informations nécessaires attestant du respect des dispositions du présent décret. Cette obligation est mentionnée dans la convention.

CHAPITRE 2 : DISPOSITIONS RELATIVES AUX ENTREPRISES PUBLIQUES

Article 4

Le ministre chargé de l'économie veille à ce que les entreprises publiques dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé respectent des règles et principes de gouvernance d'un haut niveau d'exigence éthique. Le président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance saisit les organes sociaux de l'entreprise des propositions requises pour répondre à cette exigence.

Article 5

Les règles et principes mentionnés au précédent article incluent en particulier les éléments suivants :

1. Le directeur général ou le président du directoire qui détiendrait le statut de salarié y renonce au plus tard lors du renouvellement de son mandat.

2. Les éléments variables de la rémunération sont autorisés par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance. Cette autorisation est rendue publique. Ces éléments ne sont pas liés au cours de bourse. Récompensant la performance de l'entreprise d'une part et son progrès dans le moyen terme d'autre part, ils sont déterminés en fonction de critères précis et préétablis.

3. S'il est prévu une indemnité de départ, celle-ci est fixée à un montant inférieur à deux années de rémunération. Elle n'est versée qu'en cas de départ contraint, à la condition que le bénéficiaire remplisse des critères de performance suffisamment exigeants. Elle n'est pas versée si l'entreprise connaît des difficultés économiques graves.

CHAPITRE 3 : DISPOSITIONS FINALES

Article 6

Le ministre chargé de l'économie veille à ce que le fonds stratégique d'investissement prenne en compte, dans sa politique d'investissement et dans le cadre de sa participation à la gouvernance des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé dans lesquelles il investit, le respect des règles et principes visés aux articles 4 et 5 du présent décret.

Article 7

Les dispositions du présent décret s'appliquent jusqu'au 31 décembre 2010.

Avant cette date, le ministre chargé de l'économie présente au Premier ministre un rapport sur les conditions d'application du présent décret.

Ce rapport fait notamment apparaître :

― le bilan d'exécution des conventions régies par le chapitre 1er ;

― l'évolution qu'a connue la politique de rémunération des dirigeants des entreprises publiques, ainsi que de celles dans lesquelles le fonds stratégique d'investissement détient une participation.

Il est rendu public.

Article 8

La ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi est chargée de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

 Article 25 de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009

I. – Le deuxième alinéa du A du II de l’article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Elle porte en outre sur les conditions dans lesquelles les établissements exercent des activités dans des États ou territoires qui ne prêtent pas assistance aux autorités administratives françaises en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et entretiennent des relations commerciales avec des personnes ou entités qui y sont établies. Par ailleurs, elle présente les conditions dans lesquelles le conseil d’administration, le conseil de surveillance ou le directoire autorise l’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions ou d’actions gratuites aux président du conseil d’administration, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du conseil de surveillance ou gérants dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 et L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce, ainsi que l’octroi des autres types de rémunération variable, des indemnités et des avantages indexés sur la performance, et des rémunérations différées. »

II. – Un décret prévoit les conditions dans lesquelles, jusqu’au 31 décembre 2010, le conseil d’administration ou le directoire d’une société à l’égard de laquelle l’État s’est financièrement engagé dans les conditions prévues au troisième alinéa du présent II ne peut pas décider l’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions ou d’actions gratuites aux président du conseil d’administration, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du conseil de surveillance ou gérants de cette société dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 et L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce.

Il prévoit également les conditions dans lesquelles des éléments de rémunération variable, des indemnités et des avantages indexés sur la performance, ainsi que des rémunérations différées ne peuvent pas être attribués ou versés aux président du conseil d’administration, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du conseil de surveillance ou gérants de cette même société.

Les sociétés mentionnées aux deux alinéas précédents sont celles dont les émissions de titres ont été souscrites par la Société de prise de participation de l’État ou qui bénéficient des prêts accordés sur les crédits ouverts par la présente loi de finances rectificative sur le compte spécial « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Le décret prévoit en outre les conditions dans lesquelles les conseils d’administration, les conseils de surveillance ou les directoires des entreprises publiques et des entreprises qui bénéficient des interventions du Fonds stratégique d’investissement, dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé, autorisent l’attribution et le versement des éléments de rémunération variable, des indemnités et des avantages indexés sur la performance, ainsi que des rémunérations différées aux président du conseil d’administration, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du conseil de surveillance ou gérants de ces entreprises.

III. – Les conventions visées au deuxième alinéa du A du II de l’article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 précitée déjà conclues à la date de publication de la présente loi sont révisées en conséquence du I.

IV. – Le comité de suivi du dispositif de financement de l’économie française créé en application de l’article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 précitée examine la mise en œuvre des dispositions du présent article.

© Assemblée nationale

1 () Pour plus d’information, voir : Ian L. Dew-Becker, Robert J. Gordon, Where did the productivity growth go ? Inflation dynamics and the distribution of income, présenté au Brookings panel on economic activity, 7 septembre 2005

2 () L. Mishel, J. Bernstein, H. Shierholz, The state of working America 2008-2009, Economic policy institute, août 2008

3 () Camille Landais, Les hauts revenus en France (1998-2006) : une explosion des inégalités ?, Paris school of economics, juin 2007

4 () L. Bebchuk, J. Fried, Pay without performance : the unfulfilled promise of executive compensation, Harvard University press, 2005

5 () Cette évaluation se fonde sur l’utilisation de la méthode de valorisation des options sur actions dite de Black and Scholes.

6 () Voir l’article de Guillaume Duval “la grande divergence” dans Alternatives économiques, n° 276 janvier 2009.

7 () Carole Frydman, Massachusetts Institute of Technology, et Raven E. Saks, Federal Reserve, Executive compensation : a new view from a long-term perspective, 1936-2005

8 () Le calcul de la rémunération de l’année N par Frydman et Saks se fonde sur les salaires et bonus perçus en année N et sur l’évaluation des options sur actions attribuées en année N. Le calcul n’inclut ni les retraites « chapeau » ni les avantages en nature.

9 ()  Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

10 ()  Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA).

11 () Prestation d’accueil du jeune enfant, allocations familiales, complément familial, allocation de logement, allocation d’éducation de l’enfant handicapé, allocation de soutien familial, allocation de rentrée scolaire, allocation de parent isolé et allocation de présence parentale

12 ()  Hors Corse.

13 () Ce patrimoine moyen s’élève à 195 000 euros par ménage.

14 () Lors de la première séance du jeudi 19 mars 2009, consacrée à l’examen de la seconde loi de finances rectificative pour 2009, le ministre l’a reconnu implicitement en déclarant : « Il me paraît préférable que les situations de ce type soient réglées par la loi, au moyen d’une règle claire et transparente, plutôt que par l’administration fiscale, au cas par cas ».

15 () Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

16 () Rapport de M. Philippe Marini sur la proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal et moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises en matière de revenus (n° 295).

17 () Pour plus d’informations, se référer au rapport de M. Didier Migaud, n°3779, mars 2007, Vers l’impôt citoyen, Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et le rapprochement et la fusion de l’IR et de la CSG : http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i3779.asp

18 () « France, Portrait social », INSEE, 2007.

19 ()  Notamment : déficits constatés par les loueurs meublés professionnels, monuments historiques, dispositifs « Malraux » et « Robien ».

20 ()  « Les niches fiscales », rapport d’information déposé le 5 juin 2008 par MM. Didier Migaud, Gilles Carrez, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Charles de Courson et Gaël Yanno (n° 946) : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i0946.asp

21 ()  L'assurance-vie en unités de compte est celle investie sur des supports à risque (actions, etc.) ou sur des supports sans garantie sur le capital investi. Du fait de la volatilité de ces produits risqués, les plus-values générées par le contrat et non retirées, ne sont pas à prendre en compte pour le calcul des revenus à déclarer au titre du bouclier fiscal.

22 () « Assurance-vie et bouclier fiscal font bon ménage », Les Échos, 31 décembre 2007.

23 () Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

24 ()  Le Rapporteur général du budget, Gilles Carrez, a pu évoquer dans les cas les plus favorables des restitutions pouvant aller jusqu’à 2 594 euros pour un couple avec 5 enfants déclarant un revenu de 74 850 euros.

25 () Plafonnement global des niches fiscales à l'impôt sur le revenu, article 200-0A du CGI, introduit par la loi de finances pour 2009

26 () FSF principles for sound compensation pratices, 2 avril 2009

27 () Fixée à 295 000 euros selon le projet annuel de performance de la mission Pouvoirs publics

28 () Au 1er avril 2009, les entreprises suivantes seraient donc concernées : Dexia, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société générale, Crédit mutuel, Caisses d’épargne et Banques populaires ; Renault, PSA, Iveco, Renault Trucks ; Valeo, Daher, Farinia, Led to Lite ainsi que les entreprises publiques.

29 () Loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009

30 () « Des règles pour la rémunération des dirigeants des grandes entreprises »

31 () Au 1er avril 2009, seraient notamment concernés : Dexia, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société générale, Crédit mutuel, Caisses d’épargne et Banques populaires ; Renault, PSA, Iveco, Renault Trucks ; Valeo, Daher, Farinia, Led to Lite.

32 () FSF principles for sound compensation principles, 2 avril 2009

33 () La valorisation des options sur actions peut se faire en utilisant la formule dite de Black and Scholes. Cette formule permet de calculer les options à leur juste valeur. Elle est donc notamment utilisée dans la comptabilisation aux normes IAS-IFRS.

34 () C’est-à-dire le prix moyen de l’action au cours des vingt séances de Bourse précédant le jour de l’attribution.

35 () La condition de forme nominative oblige le détenteur des actions issues de la levée des options à détenir ces titres en son nom propre. Ces titres ne peuvent pas être « au porteur », c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être gérés dans un cadre collectif par un établissement financier ou un gestionnaire d’actifs.

36 () Cession dès la fin de période d’indisponibilité : soit taux de 30 % pour la fraction de l’avantage n’excédant pas 152 500 euros puis 40 % au-delà, soit comme salaire sans application du système de quotient. Payé à la cession des actions.

37 () Cession après un délai supplémentaire de portage de deux ans : soit taux de 18 % pour la fraction de l’avantage n’excédant pas 152 500 euros puis 30 % au-delà, soit comme salaire sans application du système de quotient. Payé à la cession des actions.

38 () Hors cotisation « accident du travail » dont le taux est variable selon l’entreprise, les taux cumulés des cotisations sociales patronales et salariales s’établissent à 20,95 % sur la totalité des salaires, indemnités et prestations sociales complémentaires et à 15,05 % sur les montants inférieurs à un plafond fixé à 2 859 euros par mois en 2009.

39 () La présente rubrique ne comporte pas les amendements déclarés irrecevables ni les amendements non soutenus en commission. De ce fait, la numérotation des amendements examinés par la commission peut être discontinue.