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N° 1690

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mai 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 1336) ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, APRÈS DÉCLARATION D’URGENCE, relatif à la gendarmerie nationale,

PAR M. François VANNSON,

Député.

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Voir les numéros :

Sénat : 499 (2007-2008), 66, 67 et T.A. 34 (2008-2009).

INTRODUCTION 7

I. LA NÉCESSITÉ D’UN PILOTAGE MINISTÉRIEL UNIQUE DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE 8

A. L’ÉMERGENCE D’UNE POLITIQUE PUBLIQUE DE LA SÉCURITÉ DEPUIS 2002 8

1. La gendarmerie placée, pour emploi, dans les attributions du ministre de l’intérieur 8

2. Le rapprochement budgétaire entre la police et la gendarmerie nationales 8

3. Une mise en commun croissante des moyens 9

4. Le développement de la coopération opérationnelle 10

B. UN MOUVEMENT À PARACHEVER 11

II. UNE DUALITÉ DES FORCES DE SÉCURITÉ À MAINTENIR 12

A. LE RATTACHEMENT AU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR NE REMET PAS EN CAUSE SON STATUT MILITAIRE 12

B. UNE DUALITÉ NÉCESSAIRE EN TERMES D’ÉQUILIBRE DES POUVOIRS 13

1. Une dualité nécessaire en temps de paix 13

2. Une dualité indispensable en temps de crise 13

C. LE STATUT MILITAIRE : UNE NÉCESSITÉ OPÉRATIONNELLE 14

1. Certaines des missions de la gendarmerie doivent être menées par des militaires 14

2. Le mode de fonctionnement de la gendarmerie est conditionné par sa nature de force armée 15

III. PRÉSERVER L’IDENTITÉ DE LA GENDARMERIE AU SEIN DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR 16

A. UNE INTÉGRATION RÉUSSIE AU SEIN DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR EST DANS L’INTÉRÊT DE LA GENDARMERIE 16

B. LES CONDITIONS DE LA PRÉSERVATION DE L’IDENTITÉ DE LA GENDARMERIE 17

IV. UN PROJET DE LOI ÉQUILIBRÉ QUI PERMET LE RATTACHEMENT DE LA GENDARMERIE AU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR TOUT EN RÉAFFIRMANT SON STATUT DE FORCE ARMÉE 18

A. LE PARACHÈVEMENT DU RATTACHEMENT DE LA GENDARMERIE AU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR 18

1. Le rattachement organique de la DGGN au ministère de l’Intérieur 19

2. La réaffirmation de l’autorité des préfets sur les responsables départementaux de la gendarmerie 19

3. La suppression des réquisitions 19

B. LA RÉAFFIRMATION DES « FONDAMENTAUX » DE LA GENDARMERIE 20

1. La gendarmerie nationale reste une force armée 20

2. Les gendarmes restent des militaires 20

3. Le rappel de la plénitude des missions de la gendarmerie 20

DISCUSSION GÉNÉRALE 21

EXAMEN DES ARTICLES 29

Chapitre Ier –  Des missions et du rattachement de la gendarmerie nationale 29

Article 1er (art. L. 1142-1 et L. 3211-2 du code de la défense et art. L. 3211-3 et L. 3225-1 [nouveaux] du code de la défense : Définition des missions de la gendarmerie nationale — Rattachement au ministère de l’Intérieur 29

Article 1er bis (nouveau) (art. 15-4 [nouveau] du code de procédure pénale) : Principe du libre choix du service enquêteur 35

Article 2 (art. L. 1321-1 du code de la défense) : Suppression de la procédure de réquisition pour l’emploi de la gendarmerie nationale au maintien de l’ordre 37

Article 2 bis (art. 25-2 [nouveau] de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité) : Création d’une nouvelle procédure d’autorisation pour l’usage des armes à feu au maintien de l’ordre applicable tant à la gendarmerie nationale qu’à la police nationale 41

Article 3 (art. 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, art. L. 6112-2, L. 6212-3, L. 6312-3 et L. 6412-2 du code général des collectivités territoriales, art. 2 de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut de la Polynésie française et art. 120 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité Intérieure) : Autorité des préfets sur les commandants de groupement de la gendarmerie 43

Article 3 bis (nouveau) (art. 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1983 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, art. L. 6112-2, L. 6212-3, L. 6312-3 et L. 6412-2 du code général des collectivités territoriales, art. 2 de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française et art. 120 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité Intérieure) : Compétences du préfet en matière de prévention de la délinquance 48

Chapitre II – Des personnels de la gendarmerie nationale 49

Article 4 (art. L. 4139-16 du code de la défense) : Relèvement des limites d’âge des personnels du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale 49

Article 5 (art. L. 4145-1, L. 4145-2 et L. 4145-3 [nouveaux] du code de la défense) Spécificités statutaires des militaires de la gendarmerie 51

Art. L. 4145-1 [nouveau] du code de la défense : Liste des différentes catégories du personnel militaire de la gendarmerie 51

Art. L. 4145-2 [nouveau] du code de la défense : Sujétions et obligations particulières des officiers et sous-officiers de la gendarmerie 53

Art. L. 4145-3 [nouveau] du code de la défense : Reconnaissance d’un classement indiciaire spécifique 54

Article 5 bis (nouveau) (art. L. 4221-1 du code de la défense) : Transfert de compétences au ministre de l’Intérieur en matière d’engagement spécial dans la réserve pour affectation en administration 56

Article 5 ter (nouveau) (art. L. 4221-4 du code de la défense) : Mise en œuvre de la clause de réactivité à l’égard des réservistes de la gendarmerie nationale par le ministre de l’Intérieur 57

Article 5 quater (nouveau) (art. L. 4221-8 du code de la défense) : Transfert de compétences au ministre de l’Intérieur en matière d’engagement spécial dans la réserve concernant le remboursement de solde 57

Article 5 quinquies (nouveau) (art. 46 du code électoral) : Compatibilité entre l’engagement spécial à servir dans la réserve et l’exercice de mandats électoraux 58

Article 6 (art. L. 4136-3, L. 4137-4, L. 4138-8, L. 4141-1, L. 4141-4, L. 4231-5 du code de la défense) : Transfert au ministre de l’Intérieur de compétences en matière de gestion des ressources humaines 60

Article 6 bis (nouveau) (art. 16 et 706-99 du code de procédure pénale) : Coordination 61

Article 6 ter (nouveau) (art. L. 4134-2 du code de la défense) : Nomination des militaires à titre provisoire 62

Article 6 quater (nouveau) (art. 15-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité) : Coordination s’agissant de la rétribution des informateurs 63

Article 6 quinquies (nouveau) (art. 21 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité) : Exercice d’une activité privée de sécurité 63

Article 6 sexies (nouveau) : Modalités de transfert au ministère de l’Intérieur des personnels civils de la gendarmerie nationale 64

Article 6 septies (nouveau) : Modalités de transfert au ministère de l’Intérieur des agents non titulaires et des ouvriers d’État de la gendarmerie nationale 65

Chapitre III – Dispositions finales 66

Article 7 (art. L. 3531-1, L. 3551-1, L. 3561-1, L. 3571-1 et L. 4371-1 du code de la défense) : Coordination 66

Article 8 : Abrogation du décret du 20 mai 1903 66

Article 9 : Entrée en vigueur 68

Article 10 : Application sur l’ensemble du territoire 68

Article 11 (nouveau) : Rapport au Parlement sur l’évaluation de la loi 69

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 71

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 73

MESDAMES, MESSIEURS,

Le Sénat a adopté le 17 décembre 2008, en première lecture, le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale. Ce projet de loi avait été adopté par le conseil des ministres du 21 août 2008, afin de permettre le rattachement, avant le 1er janvier 2009, de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur.

En effet, à l’occasion d’une allocution présentée devant les responsables locaux de la police et de la gendarmerie nationale à la grande Arche le 29 novembre 2007, le Président de la République avait annoncé dans le même temps le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur, le maintien de l’identité militaire de la gendarmerie et la préparation d’un projet de loi spécifique sur la gendarmerie. Ainsi, après avoir indiqué que « le principe de l’existence de deux forces de sécurité dans notre pays, l’une à statut militaire, l’autre à statut civil, est et sera maintenu », il avait clairement affirmé : « Il n’y aura pas de fusion. En tout cas tant que je serai Président de la République ».

L’annonce d’un projet de loi relatif à la gendarmerie a permis de dissiper certaines des craintes légitimes que la perspective du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur a pu susciter. C’est pourquoi votre rapporteur pour avis souhaite que ce projet de loi puisse être définitivement adopté dans les meilleurs délais, afin de mettre fin à une période transitoire, entamée le 1er janvier 2009, date du rattachement budgétaire de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur. Nos gendarmes attendent en effet de la représentation nationale, au moment où ils s’apprêtent à connaître une réforme fondamentale, la reconnaissance de leurs missions, de leur statut militaire et de la pérennité de l’organisation de la gendarmerie.

Compétente dans le domaine de la sécurité, la commission des Lois a naturellement décidé de se saisir pour avis du présent projet de loi, renvoyé au fond à la commission de la défense nationale et des forces armées. Dans le cadre des travaux qu’il a menés, votre rapporteur pour avis a pu constater l’attachement des parlementaires de tous les groupes à notre gendarmerie, à la dualité des forces de sécurité et au maintien de l’identité de la gendarmerie. C’est dans cet esprit que votre rapporteur pour avis a travaillé, fidèle à la conviction que le rapprochement entre la police et la gendarmerie est une nécessité impérative et que la fusion entre ces deux forces est loin d’être inéluctable. Au contraire, le positionnement nouveau de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur peut être une chance pour elle, en s’appuyant sur son statut de force « intermédiaire » entre la police nationale, civile, et les armées.

I. LA NÉCESSITÉ D’UN PILOTAGE MINISTÉRIEL UNIQUE DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE

A. L’ÉMERGENCE D’UNE POLITIQUE PUBLIQUE DE LA SÉCURITÉ DEPUIS 2002

L’élection présidentielle de 2002 a révélé une demande de sécurité qui s’est notamment concrétisée par l’émergence d’une politique de sécurité intérieure cohérente.

Depuis cette date, la police et la gendarmerie nationales se sont rapprochées, afin que la dualité soit synonyme de complémentarité, et non de concurrence.

1. La gendarmerie placée, pour emploi, dans les attributions du ministre de l’intérieur

Au niveau national, cette exigence a trouvé une traduction concrète dès la publication du décret du 15 mai 2002 relatif aux attributions du ministre de l’Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales : il s’agit d’une véritable révolution car le ministre de l’intérieur devient l’autorité d’emploi sur les services de la gendarmerie nationale pour l’exercice des missions de sécurité intérieure.

Le décret d’attribution de Mme Michèle Alliot-Marie du 15 mai 2007 va encore plus loin. En effet, désormais, le ministre de l’Intérieur définit seul les missions de ces services et détermine les conditions d'accomplissement de ces missions et les modalités d'organisation qui en résultent. En outre, il est dorénavant chargé, conjointement avec le ministre de la défense, de définir l'utilisation des moyens budgétaires attribués à la gendarmerie nationale et d’en assurer le suivi.

Au niveau local, les compétences traditionnelles du préfet à l’égard de la gendarmerie ont été confortées par l’article 2 de la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 qui dispose que « le préfet assure la coordination de l’ensemble du dispositif de sécurité intérieure, sans préjudice des compétences de l’autorité judiciaire ». Désormais, le préfet « dirige l'action des services de la police nationale et des unités de la gendarmerie nationale en matière d'ordre public et de police administrative » (1).

2. Le rapprochement budgétaire entre la police et la gendarmerie nationales

À partir de la loi de finances pour 2006, les crédits de la police nationale et ceux de la gendarmerie nationale ont été regroupés dans une même mission interministérielle « sécurité ». En effet, la finalité de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) consistait bien à passer d’une logique de structures, où les crédits sont regroupés en fonction d’une autorité de rattachement, à une logique fondée sur les politiques publiques.

Cette réforme a permis de gagner en matière de lisibilité de l’action publique et de contrôle parlementaire. Les budgets consacrés aux forces de sécurité intérieure, police et gendarmerie, sont désormais discutés et votés au cours d’un même débat au Parlement : cela permet d’avoir une vue d’ensemble de la politique de sécurité de la France. En effet, jusque-là, les crédits de la gendarmerie étaient discutés et votés en même temps que l’ensemble de ceux du ministère de la défense. Les problématiques relatives à la gendarmerie étaient souvent « noyées » dans un débat beaucoup plus général sur la politique de défense.

3. Une mise en commun croissante des moyens

Afin de rendre l’indispensable rapprochement entre la police et la gendarmerie réellement visible sur le terrain, mais également afin d’opérer des synergies et de réaliser des économies d’échelle, de gros efforts ont été faits dans la voie d’une meilleure utilisation des moyens. En effet, la légitimité de chacune des deux forces de sécurité intérieure ne justifie en rien certains doublons totalement inutiles.

Dans le domaine de la police technique et scientifique, la coexistence d’outils et de fichiers distincts pour la police et la gendarmerie est non seulement coûteuse mais porteuse d’inefficacité.

Par exemple, la police et la gendarmerie ont développé parallèlement deux systèmes de documentation criminelle totalement indépendants (STIC pour la police, JUDEX pour la gendarmerie). Dans un premier temps, des passerelles entre les deux systèmes ont été mises en place, dans l’attente de la mise en œuvre du fichier commun ARIANE (Application de rapprochement d’identification et d’analyse pour les enquêteurs) qui succédera à partir de 2010 aux deux fichiers distincts existants.

La mise en commun des moyens logistiques est également une priorité dans un contexte budgétaire contraint. Dans de nombreux domaines, mais pas dans tous, police et gendarmerie ont des besoins identiques, ce qui justifie pleinement un effort de mutualisation.

Ainsi, dans le domaine de la logistique, le Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 a décidé la mutualisation des fonctions d’appui dans deux domaines : l’immobilier et les systèmes d’information et de communication. Cela s’est traduit par la création d’une mission de liaison de la gendarmerie au sein de la direction de l'évaluation de la performance, et des affaires financières et immobilières du ministère de l’Intérieur.

En ce qui concerne les systèmes d’information et de communication, il est envisagé de créer une Direction générale ministérielle transversale chargée de définir les grandes orientations et les normes techniques, à laquelle seraient rattachées les directions existantes de la gendarmerie nationale, de la police nationale et de l’administration territoriale.

Enfin, il faut rappeler que la police et la gendarmerie sont de plus en plus attentives à passer des marchés communs, que ce soit en matière d’armement ou de moyens de transport. Une telle pratique permet à la fois d’obtenir des prix plus intéressants, en raison du grand nombre d’équipements achetés, et de rapprocher l’équipement des deux forces de sécurité : à titre d’exemple, policiers et gendarmes disposeront désormais de la même arme de poing, le pistolet Sig sauer, et utiliseront le même modèle de motocyclette de marque Yamaha.

Par ailleurs, la police et la gendarmerie ont pris l’initiative de rapprochements dans le domaine de la formation et des ressources humaines.

Pour la formation, le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Roland Gilles, a insisté auprès de votre rapporteur sur la nécessité de cantonner ce rapprochement à la formation continue spécialisée (maîtres-chiens, plongeurs…). La formation initiale devant au contraire rester spécifique pour chacune des forces de sécurité afin de préserver leurs spécificités et, en ce qui concerne la gendarmerie, son statut militaire qui exige une formation adaptée.

En matière de ressources humaines, un accord est intervenu entre les deux forces concernant les procédures de mobilité entre les corps de gardiens de la paix et de sous-officiers de gendarmerie. Il prévoit l’ouverture des concours internes et l’harmonisation des conditions d’accès des concours externes. Pour autant, le général Gilles a expliqué que ce dispositif ne devait pas remettre en cause l’identité des deux forces de sécurité, et être donc réservé à des policiers ou gendarmes encore jeunes.

4. Le développement de la coopération opérationnelle

L’unité de la sécurité intérieure doit permettre aux policiers et aux gendarmes de travailler en commun afin de faire naître une culture commune de la sécurité, fondée sur des pratiques semblables forgées au cours d’opérations menées conjointement.

À cet égard, les groupes d’intervention régionaux (GIR), même s’ils concernent également d’autres administrations comme la douane ou les services fiscaux, ont été, depuis leur création en 2002, un lieu privilégié d’échange et de travail en commun entre policiers et gendarmes. En effet, les GIR sont composés de membres des deux forces de sécurité, notamment au niveau du commandement (mixité entre le chef et son adjoint), bénéficient de moyens matériels fournis par les deux administrations et peuvent d’ailleurs être rattachés aussi bien à une direction régionale ou interrégionale de la police judiciaire, c’est le cas de 19 d’entre eux, qu’à une section de recherches de la gendarmerie (10 GIR sont dans ce cas) (2).

Les autres structures au sein desquels policiers et gendarmes peuvent apprendre à travailler ensemble sont les offices centraux de police judiciaire. En effet, ces offices, quel que soit leur service de rattachement, ont une vocation interministérielle et sont généralement composés de policiers et de gendarmes. Trois de ces offices sont rattachés à la gendarmerie nationale : l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), l’office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) et l’office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI).

B. UN MOUVEMENT À PARACHEVER

Le chemin parcouru depuis 2002 montre qu’il était possible de rapprocher police et gendarmerie nationales, sans modifier le ministère de rattachement de la gendarmerie. Il est vrai, en effet, que la gendarmerie a toujours dépendu de trois tutelles : ministère de la Défense, ministère de l’Intérieur et autorité judiciaire. Cependant, alors que les missions de sécurité intérieure représentent 95 % des missions de la gendarmerie (dont 40 % pour les missions judiciaires), la persistance d’un rattachement, largement théorique, au ministère de la Défense ne se justifiait plus.

Le principe de responsabilité politique et le souci de bonne gestion des deniers publics doivent conduire l’autorité politique qui pilote une politique publique à décider des moyens à mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs. Dans ces conditions, la persistance d’un rattachement organique au ministère de la Défense était source d’absence de lisibilité.

Par ailleurs, si de nombreux efforts de mutualisation et de rapprochement ont été réalisés depuis 2002, votre rapporteur pour avis considère que la marge de progression est néanmoins réelle. La force des habitudes, la difficulté des négociations interministérielles nécessitant des arbitrages, le relatif désintérêt du ministère de la Défense pour l’avenir de la gendarmerie n’ont certainement pas facilité les efforts mis en œuvre depuis 2002.

D’ailleurs, le Président de la République, dans son discours du 29 novembre 2007, plaçait la nécessité d’un développement des synergies au premier rang des arguments en faveur d’une modification de la tutelle de la gendarmerie, en affirmant que « ce rattachement unique permettra de mieux identifier les axes de mutualisation et de complémentarité. Cet aspect est primordial. De même, ce rattachement unique favorisera les adaptations des zones de compétence de la police et de la gendarmerie ».

II. UNE DUALITÉ DES FORCES DE SÉCURITÉ À MAINTENIR

A. LE RATTACHEMENT AU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR NE REMET PAS EN CAUSE SON STATUT MILITAIRE

De même que son appartenance au sein du ministère de la Défense n’a pas empêché la gendarmerie de mener principalement des missions de sécurité intérieure, son rattachement au ministère de l’Intérieur est neutre vis-à-vis de son statut militaire.

Votre rapporteur pour avis a ainsi toujours considéré que les critiques récurrentes, notamment dans les pays anglo-saxons, sur l’existence d’une force armée dotée de missions de police sont injustifiées. Elles s’expliquent probablement par la nature particulière de la gendarmerie qui, tout en étant une force armée, ne fait pas partie des armées ; elle ne relève d’ailleurs pas du chef d’État-major des armées mais directement du ministre de la défense et ne constitue pas une armée, contrairement à l’armée de terre, à la marine et à l’armée de l’air, mais une arme.

Différents textes qui ont marqué l’histoire de la gendarmerie — ordonnance sur la maréchaussée du 28 avril 1778, loi du 16 février 1791, ordonnance de 1820…— confirment le statut particulier de la gendarmerie par rapport aux autres troupes : c’est ainsi que la gendarmerie prenait rang, dans l’armée, immédiatement après la garde royale et qu’il était précisé que la hiérarchie militaire ne pouvait donner d’ordres à la gendarmerie. Elle conserve d’ailleurs encore aujourd’hui symboliquement une place prééminente à l’occasion du défilé du 14 juillet.

Ainsi, il est possible de confier des missions de police à une force à statut militaire dans la mesure où celle-ci a toujours dépendu de plusieurs autorités d’emploi : ministère de la défense évidemment, mais aussi ministère de l’Intérieur et autorité judiciaire. Dès lors, le présent projet de loi ne constituerait pas une révolution, mais une simple évolution de la répartition des compétences entre ses trois autorités d’emploi.

De fait, il est indispensable de rappeler que l’autorité actuelle de rattachement de la gendarmerie nationale, le ministre de la défense, est une autorité civile, membre du gouvernement au même titre que le ministre de l’Intérieur. Il n’y a d’ailleurs pas de lien de causalité systématique entre existence d’un statut militaire et appartenance au ministère de la Défense : ce ministère emploie de nombreux civils, certains de ses services étant même majoritairement composé de personnels civils, comme la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). À l’inverse, le statut militaire d’un service n’entraîne pas forcément son rattachement au ministère de la Défense : le ministère de l’Intérieur emploie d’ores et déjà des personnels ayant un statut militaire, comme ceux des Unités militaires de la sécurité civile, de la brigade des sapeurs pompiers de Paris ou du bataillon des marins-pompiers de Marseille. Cette situation est ancienne et n’a jamais remis en cause l’appartenance des personnels concernés à la communauté militaire.

B. UNE DUALITÉ NÉCESSAIRE EN TERMES D’ÉQUILIBRE DES POUVOIRS

Si maintenir une force à statut militaire au sein du ministère de l’Intérieur est possible, la question se pose néanmoins de l’opportunité de conserver deux forces de sécurité. Le débat, déjà ancien, sur la dualité des forces de police en France pourrait en effet être relancé par le rattachement de la gendarmerie nationale au sein d’un même ministère que la police nationale. Pour autant, votre rapporteur pour avis considère que le maintien d’une force de sécurité à statut militaire conserve de solides arguments.

1. Une dualité nécessaire en temps de paix

Tout d’abord, la perspective de la constitution d’une force de police unique fait légitimement naître des inquiétudes et rappeler la situation de pays autoritaires. Dans un pays centralisé comme la France, où les forces de police locales ne peuvent servir de contre-pouvoir aux forces relevant de l’État central, la dualité des forces de police passe nécessairement par la coexistence d’une force de police à statut civil et d’une force de police à statut militaire.

Dans un domaine particulier, la coexistence de deux forces chargées de mission de police semble particulièrement nécessaire : celui de la police judiciaire. Le principe d’indépendance de la justice exige en effet que l’autorité judiciaire dirige réellement la police judiciaire. Or, en France, celle-ci ne lui est pas organiquement rattachée, les services de police judiciaire restant soumis à la hiérarchie de la police ou de la gendarmerie nationales. Afin que l’autorité judiciaire puisse pleinement accomplir ses attributions à l’égard de la police judiciaire, elle doit pouvoir librement choisir le service enquêteur qu’elle saisit et, si elle le juge opportun, pouvoir le dessaisir. La mise en œuvre effective de cette liberté de choix passe par la coexistence de plusieurs services chargés de la police judiciaire, militant donc, là encore, pour la dualité des forces de police. (3)

2. Une dualité indispensable en temps de crise

Le maintien d'une force de police à statut militaire se justifie par ailleurs pleinement pour faire face à une situation de crise qui aboutirait soit à la guerre soit à une situation qui ne soit ni paix ni guerre, de type « menace terroriste majeure » avec passage à l'acte ou à des actes hostiles à répétition répartis dans l'espace et dans le temps sur le territoire.

En cas de crise majeure, il est essentiel que les pouvoirs publics puissent s'appuyer sur une force immédiatement disponible et capable de se déployer sans condition sur l'ensemble du territoire. À cet égard, le statut militaire des gendarmes, notamment l’absence de représentation syndicale, prémunit le pouvoir civil contre tout risque de contestation de ses décisions. Par ailleurs, face à des situations insurrectionnelles, comme la France en a connu dans son histoire, il est essentiel de pouvoir compter à tout moment et en tout lieu sur une force de sécurité immédiatement disponible.

Il est également essentiel que cette force puisse venir éventuellement compléter ou s'intégrer dans le dispositif des forces armées, voire être mise sous l'autorité des chefs militaires qui, selon la gravité de la crise, pourraient se voir confier la responsabilité de l’action.

C. LE STATUT MILITAIRE : UNE NÉCESSITÉ OPÉRATIONNELLE

1. Certaines des missions de la gendarmerie doivent être menées par des militaires

La gendarmerie n’effectue pas seulement des missions de police, mais également des missions militaires, qui ne pourraient pas être exercées par des civils.

Ainsi, la gendarmerie est chargée d’une mission de prévôté à l’égard des armées. Les missions de police judiciaire aux armées, sur le territoire national et en opération extérieure, sont en effet confiées à la gendarmerie. Celle-ci est particulièrement bien adaptée à cette mission, compte tenu de sa nature particulière de force armée disposant de prérogatives de police, y compris de police judiciaire. L’existence d’une force de police à statut militaire apparaît donc comme particulièrement utile pour exercer un contrôle véritable sur les armées, contrôle qui risquerait d’être largement théorique si l’exercice de la police militaire était confié aux armées. Quant à la police nationale, elle ne disposerait pas de la culture militaire suffisante pour mener cette mission très spécifique dans les meilleures conditions.

La gendarmerie nationale intervient par ailleurs en opérations extérieures. Ses unités peuvent alors participer à une force interarmées pour remplir prioritairement des missions de sécurité intérieure, mais sont alors placées sous l’autorité du chef d’État-major des armées. Les escadrons de gendarmerie mobile interviennent de plus en plus souvent en accompagnement des forces lorsque celles-ci sont confrontées à des enjeux de maintien de l'ordre public (Kosovo, Côte d'Ivoire…). La gendarmerie peut également mettre sur pied des pelotons de gendarmerie de surveillance et d'investigation, à base de gendarmes départementaux et de gendarmes mobiles, comme ce fut le cas en Bosnie et au Kosovo. En outre, de nombreux gendarmes participent chaque année à des opérations extérieures sous la forme d’un détachement individuel, qui permet de maintenir leur lien avec la communauté militaire.

La gendarmerie participe également à de nombreuses missions de protection et de contrôle, notamment des infrastructures critiques. L’action des gendarmeries spécialisées (gendarmeries de l’air, des transports aériens, de l’armement, maritime, de la sécurité des armements nucléaires) s’accomplit par exemple dans ce cadre.

2. Le mode de fonctionnement de la gendarmerie est conditionné par sa nature de force armée

Actuellement, la gendarmerie nationale exerce la mission de sécurité publique générale en dehors de la zone de police d’État, c'est-à-dire sur 95 % du territoire, où habite 50 % de la population. Dans l’hypothèse d’une disparition du statut militaire, une force de sécurité civile unique pourrait-elle remplir dans les mêmes conditions les missions actuellement remplies par la gendarmerie ? Votre rapporteur pour avis estime que cela serait extrêmement difficile, notamment avec des moyens budgétaires contraints.

En effet, le « système » de la gendarmerie est particulièrement bien adapté pour assurer la sécurité des territoires dont elle a la charge. Or, ce système repose directement sur le statut militaire de la gendarmerie.

Avec des moyens humains limités, 100 000 gendarmes contre 146 000 policiers, la gendarmerie nationale parvient à offrir un service public de sécurité satisfaisant sur un territoire très vaste, qui se manifeste par exemple par un taux d’élucidation élevé de 41 % en 2007 alors que la moyenne nationale était de 36 %. Certes, les unités de gendarmerie ne constatent qu’environ un million de crimes et délits chaque année sur un total de 3,5 millions, soit 28 %, mais ces faits de délinquance sont perpétrés sur 95 % du territoire et 800 000 km de routes et d’autoroutes. Si le niveau de délinquance dans les zones surveillées par la gendarmerie reste heureusement inférieur à celui des grandes agglomérations, la mission de sécurité attribuée à la gendarmerie n’en est pas moins difficile, compte tenu de la superficie des territoires à surveiller.

Dans ces conditions, appliquer le « modèle police national » à l’ensemble du territoire semble illusoire. Ce modèle se caractérise par une concentration des moyens sur des territoires limités en taille et par une vie sociale, et donc une délinquance, continues. Si la gendarmerie devait organiser ses unités comme la police nationale, en concentrant de grands nombres de personnels, cela reviendrait à priver une partie très importante du territoire de toute présence policière permanente, ce qui serait inacceptable. L’autre solution qui consisterait à maintenir le maillage actuel de la gendarmerie en donnant un statut civil à ses personnels est également illusoire.

En effet, la disponibilité en permanence et le logement en caserne des gendarmes sont la condition de la réalisation de ses missions par la gendarmerie nationale sur l’ensemble du territoire, par un maillage de brigades territoriales implantées dans chaque chef-lieu de canton (4). C’est parce que les gendarmes habitent dans la caserne et qu’ils ont un régime de disponibilité en permanence qu’il est possible de maintenir des brigades composées de six gendarmes seulement. L’obligation de résidence sur place des gendarmes permet aussi de les intégrer pleinement dans leur environnement, ce qui constitue un atout pour la remontée du renseignement, mais aussi dans le domaine de la police judiciaire. Or, l’obligation de résidence en caserne et la disponibilité sont directement liées au statut militaire de la gendarmerie qui doit donc être préservé.

III. PRÉSERVER L’IDENTITÉ DE LA GENDARMERIE AU SEIN DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR

A. UNE INTÉGRATION RÉUSSIE AU SEIN DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR EST DANS L’INTÉRÊT DE LA GENDARMERIE

Votre rapporteur pour avis, très attaché à la pérennité de la gendarmerie nationale, ne partage pas les craintes parfois exprimées par certains gendarmes et anciens gendarmes sur les conséquences du rattachement au ministère de l’Intérieur.

Ces inquiétudes sont cependant bien légitimes, compte tenu de l’importance de la réforme en cours. D’ailleurs, elles ne concernent pas tant le principe du rattachement lui-même que ses modalités de mise en œuvre.

En effet, les gendarmes sont généralement bien conscients que leur positionnement au sein du ministère de la Défense ne leur a pas toujours été favorable. Ainsi, en 1989, et plus encore en 2001, la situation de « parent pauvre » de la gendarmerie vis-à-vis des autres forces armées a eu pour conséquences le déclenchement de profonds mouvements de mécontentement dans la gendarmerie. Très naturellement, le ministre de la Défense porte toute son attention à la mise en œuvre de la politique de défense de la France, à laquelle la gendarmerie participe, mais de façon marginale. Il en résulte que la gendarmerie a régulièrement été sacrifiée dans le cadre des arbitrages budgétaires internes au ministère de la défense.

La gendarmerie a donc peu bénéficié de son rattachement au ministère de la Défense, lequel fragilise son positionnement dans le paysage de la sécurité intérieure. En effet, ne relevant pas du ministère de l’Intérieur, la gendarmerie se trouve également marginalisée dans la mise en œuvre de la politique de sécurité intérieure. Qu’il s’agisse de la réglementation de la police judiciaire, des réflexions sur l’emploi des forces mobiles, de la préparation d’une loi d’orientation ou de programmation sur la sécurité intérieure, la police nationale est incontestablement mieux placée pour faire valoir ses points de vue que la gendarmerie nationale.

À cet égard, le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur aura une conséquence qui n’est pas qu’anecdotique, le déménagement du cabinet du directeur général de la gendarmerie nationale place Beauvau. Le directeur général de la gendarmerie nationale se trouvera donc, comme son homologue de la police nationale, à proximité immédiate du ministre de l’Intérieur et sera en mesure de mieux faire valoir le point de vue de la gendarmerie.

B. LES CONDITIONS DE LA PRÉSERVATION DE L’IDENTITÉ DE LA GENDARMERIE

Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur n’est pas le premier pas vers une fusion inéluctable entre la police et la gendarmerie. En effet, la dualité des forces de police, dont l’une dispose d’un statut militaire, possède des justifications fortes.

Pour autant, il n’est pas faux que la question de sa pérennité se poserait si la gendarmerie nationale devait, du fait d’une plus grande proximité des gendarmes avec leurs homologues policiers, aller vers la voie de la démilitarisation. C’est pourquoi le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur doit préserver le statut militaire de ses personnels, ce à quoi s’attachent de nombreuses dispositions du projet de loi.

Une inquiétude a ainsi été souvent formulée sur le risque de perte de la substance militaire de la gendarmerie qui pourrait résulter de son appartenance à un ministère où le fait syndical est très fort (5). Le contraste serait alors grand entre la police nationale, dont les syndicats sont parmi les plus influents de la fonction publique, et la gendarmerie nationale, où les syndicats sont interdits.

À l’occasion du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur, votre rapporteur estime ainsi qu’il serait opportun de réfléchir à de nouvelles modalités de concertation des personnels de la gendarmerie, sans remettre en cause l’appartenance des gendarmes à la communauté militaire. En conséquence, il est indispensable que la gendarmerie continue de relever, comme les autres forces armées, des instances de concertation propres aux militaires placées sous l'autorité du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM). Chaque force armée dispose en effet d’une instance de concertation — le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) pour la gendarmerie (6) — qui rend un avis sur un ordre du jour commun, lequel avis est ensuite transmis au CSFM présidé par le ministre de la défense. Compte tenu des attributions nouvelles du ministre de l’Intérieur en matière de ressources humaine, les dispositions réglementaires sur les instances représentatives, devront cependant évoluer afin de mettre en place un espace de dialogue entre les personnels de la gendarmerie et le ministre de l’Intérieur. Il serait donc envisagé de permettre au ministre de l’Intérieur de coprésider le CFMG, voire de le présider seul selon les sujets.

Au-delà de la présence souhaitable du ministre de l’Intérieur au sein du CFMG, se pose la question de l’évolution des modalités de désignation de ses membres. Maintenir le recours au tirage au sort permettra-t-il de faire émerger une représentation forte, à même de faire entendre la voix des gendarmes, et d’équilibrer le poids des syndicats de police ? Des réflexions sont donc actuellement en cours pour faire évoluer le CFMG, tout en maintenant l’unité de la gendarmerie. Votre rapporteur pour avis soutient l’idée consistant à maintenir le principe du tirage au sort, tout en procédant à ce tirage au sort parmi le « vivier » des présidents de catégories, eux-mêmes élus par leurs pairs.

Enfin, le succès du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur dépendra étroitement des conditions dans lequel il va s’opérer. Appartenant désormais à un même ministère que les policiers, les gendarmes seront encore plus attentifs qu’actuellement à l’équilibre de leur situation vis-à-vis de leurs collègues de la police nationale.

Dans cette optique, les ministres de l’Intérieur et de la Défense ont constitué un groupe de travail commun chargé de faire le point sur les statuts, les parcours de carrière, les régimes indiciaires et indemnitaires des deux forces de sécurité. Ce groupe de travail a débouché sur la remise d’un rapport, intitulé « Police-Gendarmerie : vers la parité globale au sein d’un même ministère », remis le 14 mars 2008. Les conclusions de ce rapport ont ensuite fait l’objet d’un avis, rendu par MM. Éric Gissler, inspecteur général des finances, et Pierre Séguin, contrôleur général des armées. Ces derniers estiment, tout en mettant en garde contre les limites d’une telle comparaison, que la parité globale entre militaires de la gendarmerie et fonctionnaires de la police deviendra une réalité dès lors qu’une nouvelle grille indiciaire aura été mise en place dans la gendarmerie et où le PAGRE (7) aura été rénové afin de proposer aux gendarmes des carrières comparables à celles rendues possibles par l’application de la réforme des corps et carrières de la police nationale.

IV. UN PROJET DE LOI ÉQUILIBRÉ QUI PERMET LE RATTACHEMENT DE LA GENDARMERIE AU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR TOUT EN RÉAFFIRMANT SON STATUT DE FORCE ARMÉE

A. LE PARACHÈVEMENT DU RATTACHEMENT DE LA GENDARMERIE AU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR

Le projet de loi vise à parachever un mouvement initié dès 2002, lorsque la gendarmerie fut placée, pour emploi, dans les attributions du ministre de l’Intérieur.

1. Le rattachement organique de la DGGN au ministère de l’Intérieur

Le projet de loi organise tout d’abord le rattachement organique de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur. Certes, la définition des attributions des ministres relève traditionnellement du pouvoir réglementaire. Toutefois, le ministre de la Défense voit une partie de ses attributions à l’égard des forces armées fixées par la loi (partie législative du code de la défense). Une intervention du législateur était donc nécessaire pour modifier le rattachement de la gendarmerie (article premier), ainsi que pour en tirer les conséquences dans de nombreuses dispositions législatives applicables.

Ainsi, l’adoption du projet de loi permettra de finaliser le rattachement de la Direction générale de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur, qui est déjà une réalité dans le domaine budgétaire, depuis le 1er janvier dernier.

2. La réaffirmation de l’autorité des préfets sur les responsables départementaux de la gendarmerie

Les relations entre les préfets et les commandants des unités territoriales de la gendarmerie nationale sont une question récurrente, qui a déjà fait l’objet de plusieurs modifications législatives, notamment en 1995 et 2003.

Le droit existant précise ainsi explicitement que le préfet dirige l’action des forces de police et de gendarmerie dans le département. Pour autant, les unités territoriales de la gendarmerie ne sont pas des services déconcentrés de l’État. L’article 3 ne modifie pas fondamentalement cet équilibre, il se contente de préciser formellement l’autorité des préfets sur les responsables départementaux de la gendarmerie.

3. La suppression des réquisitions

En tant que force armée, la gendarmerie ne peut être utilisée par l’autorité civile pour des missions de maintien de l’ordre qu’à la suite d’une procédure de réquisition. Historiquement, il s’agissait de s’assurer que les armées ne pouvaient s’immiscer dans des missions de maintien de l’ordre, sans une autorisation explicite de l’autorité civile.

La gendarmerie est certes une force à statut militaire, mais elle est spécifiquement destinée à accomplir des missions de préservation de l’ordre public. Obliger les préfets à requérir des gendarmes mobiles pour leur permettre de remplir leurs missions habituelles est donc source de lourdeur et de complexité. Au moment où la gendarmerie rejoint le ministère de l’Intérieur, le maintien de cette procédure n’avait donc plus de justification et est supprimé par l’article 2 du projet de loi.

B. LA RÉAFFIRMATION DES « FONDAMENTAUX » DE LA GENDARMERIE

1. La gendarmerie nationale reste une force armée

L’article premier rappelle solennellement que la gendarmerie demeure une force armée. Cette disposition n’a pas seulement une portée symbolique. En effet, elle indique que les unités territoriales de la gendarmerie ne sont pas des services déconcentrés de l’État et que les relations entre les autorités civiles et la gendarmerie ne peuvent pas prendre la même forme que celles qu’ils ont avec les services de police. Les préfets, par exemple, ont certes autorité sur les responsables départementaux de la gendarmerie auxquels ils donnent des instructions, mais ils ne doivent pas pour autant s’immiscer dans la chaîne de commandement de la gendarmerie nationale.

2. Les gendarmes restent des militaires

Le projet de loi conserve le statut des personnels de la gendarmerie qui demeurent des militaires soumis au statut général et qui se voient donc opposer les droits et devoirs liés à cet état. L’article 5 du projet de loi précise d’ailleurs les sujétions particulières liées à leur fonction, tel le logement en caserne et la disponibilité. Ce rappel est absolument essentiel car ces éléments, inhérents au statut militaire, conditionnent la pérennité du « système de la gendarmerie », qui ne pourrait fonctionner sans eux. En effet, l’existence d’un maillage territorial dense impose une disponibilité particulière et une capacité de mobilisation fondées sur la disponibilité des personnels et sur l’obligation d’occuper le logement concédé par nécessité absolue de service.

3. Le rappel de la plénitude des missions de la gendarmerie

La préservation de l’identité de la gendarmerie repose aussi sur la reconnaissance de la plénitude de ses missions.

Grâce au projet de loi, l’ensemble de ses missions reçoit pour la première fois une consécration législative. En effet, tel que modifié par le Sénat, l’article premier dresse une liste presque exhaustive des missions de la gendarmerie : sécurité et ordre publics, police judiciaire, renseignement, protection des populations, missions militaires… Ce caractère exhaustif permettra de lever certaines inquiétudes relatives à la poursuite de certaines de ses missions par la gendarmerie après son rattachement au ministère de l’Intérieur.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine, pour avis, au cours de sa séance du mercredi 20 mai 2009, sur le rapport de M. François Vannson, le projet de loi adopté par le Sénat, après déclaration d’urgence, relatif à la gendarmerie nationale (n° 1336).

Après l’exposé du rapporteur pour avis, une discussion générale a lieu.

M. Jérôme Lambert. Ainsi que le rapporteur pour avis l’a souligné, le présent projet de loi constitue un texte majeur. Le cadre législatif de la gendarmerie était ancien et n’avait pas été modifié depuis longtemps. Pourtant je reste dubitatif, voire plus que cela, sur certains points...

Je suis bien sûr favorable à la coopération entre nos forces de police et de gendarmerie ; or cette coopération s’exerce de longue date et s’est améliorée ces dernières années. Je suis également favorable à la mutualisation car il est intéressant que ces deux forces achètent les mêmes matériels et les mêmes équipements ; or cette politique de mutualisation est déjà conduite. Le présent texte n’était donc pas nécessaire.

Le projet de loi pose le principe du rattachement à une seule autorité ministérielle des deux grandes forces de sécurité de notre pays, la police et la gendarmerie. C’est une organisation tout à fait nouvelle, nos institutions faisant traditionnellement coexister plusieurs forces de sécurité, lesquelles ont toujours été rattachées à deux ministères différents – le caractère civil de l’une et militaire de l’autre a facilité la dissociation.

Cette différenciation n’est pas propre à la France, elle existe de manière assez générale dans l’ensemble des pays auxquels nous pouvons nous référer en matière de démocratie : la plupart d’entre eux disposent de plusieurs forces de sécurité. Toutefois, ce n’est pas forcément par le caractère civil ou militaire de leur statut qu’elles diffèrent : l’Allemagne, par exemple, dispose de forces fédérales et de forces locales. Quoi qu’il en soit, le résultat est à peu près toujours le même : les forces de sécurité ne relèvent jamais d’une seule autorité, organisation qui n’empêche pas pour autant les coopérations et les mutualisations, comme c’est le cas aujourd’hui en France.

Cette réunion de l’ensemble des forces de sécurité sous la même autorité correspond à la volonté du Président de la République, volonté qui était déjà la sienne quand il était ministre de l’intérieur – certains de ses prédécesseurs à ce poste ayant peut-être eu la même idée. Les auditions auxquelles nous avons procédé ont montré que la volonté initiale ne provenait ni de la gendarmerie, ni de la police. Et si le directeur général de la gendarmerie nationale soutient ce projet, la plupart de ses prédécesseurs font part de leurs réticences, tandis des généraux appartenant au cadre de réserve se plaignent de cette évolution dans des tribunes libres publiées dans la presse. La police non plus n’est pas favorable au projet de loi, des syndicats de police appelant même à la fusion !

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez rappelé les propos de M. Nicolas Sarkozy, selon lesquels il n’y aura pas de fusion tant qu’il sera Président de la République. Toutefois, ce projet de loi ouvre la porte à la fusion et en permettra la réalisation un jour : c’est d’ailleurs l’inquiétude du directeur général de la police nationale. Tant dans la police que dans la gendarmerie, des personnes sont inquiètes, s’interrogent sur les raisons d’être de ce texte, disent qu’il n’était pas nécessaire, rappellent qu’aucun des deux corps ne le réclamait…mais indiquent qu’ils appliqueront cette réforme aussi bien que possible.

Le texte issu du Sénat est un peu meilleur que celui du Gouvernement : il apporte des précisions utiles. Les amendements du rapporteur pour avis tendent eux aussi à améliorer les dispositions du projet de loi. Il n’en demeure pas moins que, pour moi, ce texte présente le défaut originel de vouloir un rattachement qui n’est sans doute ni nécessaire ni très utile. Il porte peut-être en lui les germes d’un système particulier que nous serons pratiquement les seuls dans le monde occidental à mettre en œuvre : la subordination de l’ensemble des forces de sécurité à une seule autorité.

M. Serge Blisko. Certaines formes de coopération et de mutualisation sont effectivement nécessaires. Plus on ira dans ce sens, plus on réduira les risques de « guerre des polices » et mieux on se portera. En revanche, il ne faudrait pas oublier que les méthodes de travail de la police et celles de la gendarmerie ne sont pas identiques. Les gendarmes réalisent notamment un travail remarquable dans des domaines parfois méconnus, tels que la santé et l’environnement, où de véritables trafics se sont développés, comme on a pu le constater en Italie. Il faut donc avancer avec prudence.

D’autre part, je trouve que certains syndicats de police font preuve d’un esprit de revanche assez désagréable : un de leurs représentants m’a récemment confié qu’il était ravi de voir la gendarmerie « rentrer dans le rang ». Ce genre d’attitude est d’autant plus regrettable que les gendarmes ne bénéficient pas des mêmes moyens d’expression que les policiers en raison des contraintes posées par leur statut militaire. Chacun sait pourtant qu’ils ont des états d’âme ; ils ne comprennent pas pourquoi tout va si vite aujourd’hui. En dépit des louables efforts du rapporteur, je crains que nous ne ravivions des difficultés qui étaient en cours d’apaisement.

Sur le fond, il me semble très utile qu’il y ait plusieurs types de forces de sécurité dans un État démocratique : quand les unes ne peuvent pas s’acquitter d’une mission, on peut en effet demander aux autres de s’en charger. Que le ministre de l’Intérieur ait autorité sur chacune d’entre elles ne semble pas une évolution préjudiciable, mais il ne faut pas en attendre des progrès significatifs en matière de sécurité.

M. Jacques Alain Bénisti. Pour avoir visité de nombreuses gendarmeries et de nombreux commissariats au cours des derniers mois, dans le cadre de la mission sur les fichiers que j’ai conduite avec Mme Delphine Batho, je peux témoigner que la coopération entre les services fonctionne à merveille dans certains cas, et beaucoup moins bien dans d’autres : tout dépend des personnes en présence. Ce texte me semble donc très utile – nous aurions d’ailleurs pu en débattre plus tôt.

C’est en effet une première étape vers la fusion des forces de sécurité qui est attendue par la majorité des gendarmes et des policiers. En attendant, la mutualisation des moyens constitue une avancée indiscutable, notamment en matière de fichiers. M. Péchenard nous a ainsi expliqué que les services de police de Paris avaient dû relâcher une personne inconnue du fichier STIC, faute d’avoir pu consulter le fichier JUDEX, tenu par la gendarmerie, qui recensait 41 faits de délinquance commis par cette personne. Un fichier commun, nommé ARIANE, devrait fort heureusement être opérationnel avant la fin de l’année.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je m’étonne du calendrier suivi : alors que le gouvernement avait déclaré l’urgence dès le 21 août 2008, le Sénat ne s’est prononcé que le 17 décembre, et nous ne devrions pas examiner ce texte en séance publique avant la mi-juin.

M. le rapporteur pour avis. C’est qu’il y a différents degrés d’urgence…

M. Jean-Jacques Urvoas. Sachant que la réorganisation prévue est effective depuis le 1er janvier, on peut également se poser quelques questions sur la pertinence de ce texte.

En revanche, je trouve heureux que le Sénat ait simplifié le titre initialement prévu – « dispositions diverses relatives à la gendarmerie » – en supprimant l’adjectif « diverses ». En effet, autant appeler les choses par leur nom : il s’agit d’une loi sur la gendarmerie, ce qui n’est pas rien, car la dernière en date été adoptée en 1798. Un décret est ensuite intervenu en 1903 pour définir les missions et l’organisation de la gendarmerie.

D’un point de vue strictement juridique, il serait d’ailleurs possible d’en rester au statu quo : la question de l’emploi des forces de gendarmerie sous l’autorité du ministère de l’intérieur a été réglée depuis le décret du 15 mai 2002, et la LOLF a permis de régler tous les problèmes budgétaires. Au demeurant, les armées se sentent si peu impliquées par ce texte que leur ministre n’a pas jugé bon d’assister aux débats devant le Sénat.

Comme d’autres orateurs l’ont indiqué avant moi, ce projet de loi est l’aboutissement d’un long processus. Je pense d’ailleurs qu’il faut remonter à 1995 : Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, avait alors décidé de militariser symboliquement la police en modifiant les grades et les uniformes, et prévu, pour la première fois, une subordination des gendarmes aux préfets. Ce texte organise aujourd’hui le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, solution à laquelle Mme Alliot-Marie s’opposait lorsqu’elle était en charge de la défense.

Cette évolution est-elle un point de non-retour ? C’est fort possible, car la mutualisation des moyens, le regroupement de certaines fonctions et l’uniformisation qui en découle me semblent irréversibles. À terme, aucune des deux institutions ne pourra plus opérer de façon autonome. Nous nous acheminons donc vers une fusion de la gendarmerie au sein de la police, et on peut légitimement se demander si les gendarmes pourront continuer à être des militaires.

Le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur fait également courir le risque d’une transformation subreptice des tâches : la gendarmerie pourrait être cantonnée à des missions de police locale, tandis que les missions les plus nobles reviendraient à la police nationale. J’observe d’ailleurs qu’aucune des sous-directions de la nouvelle Direction centrale du renseignement intérieur n’a été confiée à un gendarme, que tous les préfets délégués pour la sécurité et la défense sont des commissaires de police et que le service de protection des hautes personnalités n’est composé que de policiers.

Enfin, je rappelle que les effectifs de la gendarmerie ne devraient plus s’élever qu’à 96 926 postes budgétaires en 2013, ce qui revient à annuler toutes les créations de postes prévues par la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de 2002.

En dernier lieu, je m’interroge sur la place des préfets dans la chaîne de commandement : ce projet de loi leur confiant une autorité sur les services de gendarmerie, que deviendront les commandements régionaux ? On peut regretter que les amendements déposés par le rapporteur ne clarifient pas cette question.

M. Éric Ciotti. Ce texte constitue un point d’équilibre tout à fait satisfaisant, comme le montrent les critiques dont il a fait l’objet : l’association des retraités de la gendarmerie a en effet tenu des propos tout aussi excessifs que les tenants d’une fusion entre les deux corps, option à laquelle je suis fermement opposé.

Sur le fond, je me félicite que ce texte définisse très clairement les missions des forces de sécurité intérieure et qu’il instaure une véritable unité de commandement. Les amendements du rapporteur apportent en outre plusieurs précisions très utiles, notamment en ce qui concerne les missions judiciaires confiées à la gendarmerie : celles-ci vont naturellement au-delà des seules compétences de police judiciaire.

Je dois également rappeler que ce texte est l’aboutissement d’une volonté politique très forte du Président de la République, dans la continuité de l’action qu’il avait entreprise en tant que ministre de l’Intérieur. C’est un aspect que nous devons assumer et revendiquer.

Au total, ce texte va dans le bon sens, car il favorise la mutualisation et la réalisation de synergies entre les forces de sécurité intérieure dans le respect du statut militaire de la gendarmerie. Ce dernier ne doit pas être mis en cause : les gendarmes ont en effet une histoire qui leur est propre, et ils exercent des missions spécifiques.

M. Urvoas s’est interrogé sur les moyens disponibles, suggérant qu’ils n’étaient pas suffisants face à la montée des actes de violence. Or, on ne peut pas sans cesse les augmenter. Il faut essayer de les optimiser en supprimant les doublons.

S’agissant de la DCRI, je rappelle que le renseignement ne fait pas partie des missions des gendarmes et que tout le monde ne peut pas tout faire. Nous devons aller vers une plus grande spécialisation afin d’économiser les moyens.

En matière de logistique, de gestion des ressources humaines, de fichiers ou de véhicules, nous devons également favoriser les mutualisations en vue de réaliser des économies et d’agir plus efficacement. Le conseil général que je préside a, par exemple, financé la construction d’une base héliportée pour la sécurité civile qui pourrait être ouverte aux hélicoptères de la gendarmerie.

D’autre part, il est faux de prétendre que tout le monde, au sein de la gendarmerie et de la police, serait opposé à ce projet de loi. Le général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie, et le général Jacques Mignaux, le major général, y sont au contraire favorables, de même que M. Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale. Même s’il a fait l’objet de quelques critiques, ce texte a reçu un assentiment général. Il contient en effet des mesures efficaces et pertinentes, qui constituent une étape importante dans la réforme souhaitée par le Président de la République.

M. Daniel Vaillant. Les vraies questions qu’il faut se poser concernent notre démocratie ainsi que la sécurité de nos concitoyens partout sur le territoire. Ne raisonnons pas simplement en termes de fusion, de conservatisme, d’avantages acquis ou d’esprit de revanche.

Pour notre démocratie, il importe peu qu’il y ait deux forces de sécurité intérieure différentes, les unes sous statut civil, les autres sous statut militaire. En effet, le Président de la République fait tout et décide de tout, y compris à la place des ministres de l’intérieur et de la défense. On pourrait en revanche s’interroger davantage si le Premier ministre tirait son autorité de la majorité qui le soutient à l’Assemblée nationale.

D’autre part, il existe au plan européen une tendance à la fusion des corps. C’est d’ailleurs dans ce sens que nous allons, après l’étape – salutaire – franchie en 2002. A cet égard, il ne faut pas se cacher que ce texte est perçu comme une créature du ministère de l’intérieur.

La vraie question qui doit être posée, quel que soient les clivages politiques, c’est la sécurité des Français. Comment le commandement doit être organisé au niveau départemental et au niveau régional ? Existe-t-il une bonne coordination des forces entre les zones urbaines et les zones rurales ? La sécurité peut-elle continuer à être assurée dans ces dernières compte tenu de la baisse des moyens affectés à la gendarmerie ?

Sur le fond, ce texte n’est qu’une étape. Soit nous irons vers la fusion, comme ce texte et la pente des institutions nous y poussent, soit nous en reviendrons à une certaine forme de dualité et d’autonomie. Je pense que cette deuxième solution susciterait des difficultés, y compris au sein du ministère de la défense, où les gendarmes sont de moins en moins considérés comme des militaires.

En dernier lieu, il me semble que les questions de sécurité ne peuvent pas se régler uniquement au niveau de la chaîne pénale : il faudrait avant tout s’interroger sur la façon dont nous faisons vivre notre société. Ce texte n’améliorera pas, en tant que tel, la sécurité de nos concitoyens. C’est d’autant plus vrai que la question des moyens continue à se poser en dépit de l’évolution des statistiques, dont il faut toujours se méfier – je pense en particulier à celles que m’adressaient la gendarmerie quand j’étais ministre de l’intérieur.

M. Jacques Alain Bénisti. Comme vient de le rappeler Daniel Vaillant, ancien ministre de l’intérieur, c’est d’abord la sécurité des Français qui importe. D’autre part, le texte ne mérite aucunement les polémiques dont il a fait l’objet, surtout dans les circonstances actuelles.

À M. Urvoas, je souhaite rappeler que Mme Alliot-Marie s’est prononcée contre la fusion des corps, mais qu’elle est favorable aux évolutions prévues en matière de mutualisation et de commandement.

M. Christian Estrosi. Contrairement à ce que j’ai entendu dire, la question n’est pas de révolutionner – ou non – les services de sécurité, mais seulement de rationaliser la situation. Dois-je rappeler qu’il régnait le plus grand désordre quand M. Vaillant a quitté le ministère de l’intérieur en 2002 ? La gendarmerie et la police n’avaient pas les mêmes moyens de transmission, ce qui les empêchait de communiquer ; elles ne disposaient pas des mêmes armes, ni des mêmes moyens d’action et d’intervention ; enfin, il n’y avait pas de suivi cohérent quand on passait d’une zone à l’autre. Après avoir remédié à toutes ces difficultés, nous nous apprêtons maintenant à améliorer encore la cohérence du dispositif grâce à ce texte.

Sans remettre en cause l’appartenance de la gendarmerie à la communauté militaire, nous allons en effet mieux coordonner l’action des forces de sécurité intérieure en faisant du préfet, représentant le ministère de l’intérieur, l’unique instance décisionnelle au sein des départements. C’est pourquoi je soutiendrai ce texte, ainsi que l’ensemble des amendements du rapporteur pour avis : ce qui nous est proposé constitue un bon équilibre entre la gendarmerie et la police, laquelle joue un rôle clef dans les zones urbaines où se concentrent les principales difficultés, et doit continuer à jouer un rôle prédominant en matière de police judiciaire.

M. Philippe Goujon. Contrairement à ce que M. Vaillant a laissé entendre, ce texte ne conduit pas nécessairement à une fusion entre la police et la gendarmerie ; il n’est que l’aboutissement d’un processus engagé en 2002 et poursuivi en 2007 avec la définition en commun des moyens budgétaires. Il ne s’agit que de favoriser la complémentarité entre la police et la gendarmerie dans le respect de leur histoire, de leurs traditions, de leurs zones d’intervention respectives et de leurs modes d’action.

Je le répète : ce texte n’a pas pour objet de préparer une quelconque fusion, mais de mieux coordonner et de mutualiser les forces. Chacun sait que les pays qui se sont engagés sur la voie de la fusion, comme la Belgique, sont en train de faire machine arrière.

M. Jérôme Lambert. Si certains ont évoqué la perspective d’une fusion, c’est que ce texte ouvre la porte, même s’il ne la franchit pas encore.

Pour éviter une fusion, le directeur de la police nationale, M. Frédéric Péchenard, nous a en effet indiqué que la seule solution était d’empêcher la constitution de doublons au sein du ministère de l’intérieur. Or, cela implique de renforcer la spécialisation : M. Péchenard est ainsi d’avis que le renseignement devrait exclusivement revenir à la police.

Une fois ce texte adopté, il y aura donc deux options : soit une fusion, soit une spécialisation des forces de sécurité intérieure, laquelle ne peut se faire qu’au détriment de la gendarmerie. Celle-ci risque de passer à la moulinette.

M. le rapporteur pour avis. Comme plusieurs collègues l’ont indiqué, le statut de la gendarmerie n’a que peu évolué, le dernier texte d’ordre général remontant à 1903. L’objet de ce texte est précisément d’apporter un certain nombre de changements.

D’autre part, j’observe que nous sommes tous très attachés à la gendarmerie nationale, quelle que soit notre sensibilité politique. Je crois donc utile de rappeler deux principes : la gendarmerie gardera son statut militaire et il n’y aura pas de fusion. Nous sommes en effet pour le maintien d’une force sous statut militaire, et d’une autre sous statut civil.

Cela étant précisé, j’avoue que j’ai été surpris par certains arguments. Comment peut-on laisser entendre qu’il pourrait être préjudiciable à notre République et à notre démocratie qu’il n’y ait qu’une seule force de sécurité intérieure ? Il existe en effet une solidarité gouvernementale dans notre pays et l’on peut difficilement imaginer des cas de conflit entre le ministère de l’intérieur et celui de la défense, à moins de se placer dans la perspective d’une situation insurrectionnelle.

Je rappelle enfin que la gendarmerie est aujourd’hui placée sous une triple tutelle : celle de la justice, celle de l’intérieur et celle de la défense. Ce texte n’a pas d’autre but que de déplacer le curseur.

Cela me paraît d’ailleurs dans l’intérêt même de la gendarmerie. Chacun se souvient par exemple des événements de 2001 : la gendarmerie était alors sous la tutelle du ministère de la défense, où elle était traitée comme un véritable parent pauvre, les gendarmes n’étant pas considérés comme d’authentiques militaires au sein du ministère. Pour ma part, je préfère que le directeur de la gendarmerie nationale soit placé au même niveau que le directeur de la police nationale et à même distance du ministre de l’intérieur. Plutôt que d’être « bunkérisée » rue Saint-Didier, il vaut mieux que le directeur général de la gendarmerie nationale soit installé place Beauvau. Cela lui permettra de mieux faire entendre sa voix et d’être plus offensif.

Pour compléter les comparaisons européennes dressées par certains collègues, je rappelle que, en Italie, les quatre forces de police sont placées sous la tutelle du ministère de l’intérieur et que, en Espagne, il existe une direction unique.

S’agissant du rôle du préfet, la procédure sera semblable à la saisine des services de police et de gendarmerie par le procureur de la République : le préfet s’adressera au commandant de groupement qui se chargera de répartir les moyens nécessaires sur le terrain.

Un mot enfin sur les amendements que j’ai déposés : mon objectif a été de défendre la gendarmerie, mais aussi d’apporter les clarifications nécessaires pour éviter d’alourdir le droit et pour rendre le dispositif plus cohérent.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier

Des missions et du rattachement de la gendarmerie nationale

Article 1er

(art. L. 1142-1 et L. 3211-2 du code de la défense et art. L. 3211-3 et L. 3225-1 [nouveaux] du code de la défense


Définition des missions de la gendarmerie nationale — Rattachement au ministère de l’Intérieur

L’article premier constitue le cœur du projet de loi puisqu’il permet le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur et définit les missions de la gendarmerie.

1. Une modification de l’articulation entre les différentes autorités de tutelle de la gendarmerie

Bien qu’étant une forcé armée, la gendarmerie nationale ne fait pas partie des armées et, de fait, n’a jamais relevé des seules compétences du ministre chargé de la défense. Ainsi, l’article 4 du décret organique du 20 mai 1903 précise que « en raison de la nature de son service, la gendarmerie, tout en étant sous les ordres du ministre des armées, est placée dans les attributions des ministres chargés : de l’Intérieur, de la justice, de la marine, de l’outre-mer ».

Comme l’a bien résumé le Colonel Régis Bourçois, secrétaire général du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, la gendarmerie nationale a toujours vécu sous une triple tutelle — Défense, Intérieur, Justice — dont le présent projet de loi se contente de déplacer le centre de gravité, sans constituer une révolution.

● Plusieurs dispositions de l’article premier ont ainsi pour conséquence de modifier le rattachement organique de la direction générale de la gendarmerie nationale, qui sera dorénavant un service du ministère de l’Intérieur, et non plus du ministère la Défense :

— le 1° de l’article premier modifie l’article L. 1142-1 du code de la défense qui fonde actuellement la compétence du ministre de la Défense sur la gendarmerie en précisant que celui-ci « a autorité sur l'ensemble des forces et services des armées ». La modification envisagée permet de tirer les conséquences du nouveau rattachement de la gendarmerie. Toutefois, cet article fait parallèlement l’objet d’une réécriture d’ensemble beaucoup plus substantielle dans le cadre du projet de loi de programmation militaire en cours d’examen par le Parlement. Les dispositions modifiées par le présent projet de loi auront donc une durée de vie très courte et disparaîtront dès l’entrée en vigueur de la loi de programmation militaire ;

— le 4° introduit dans le code de la défense un nouvel article L. 3225-1 qui affirme explicitement le principe du placement de la Gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’Intérieur.

Toutefois, l’article L. 3225-1 ne met pas fin à la triple tutelle de la gendarmerie nationale puisqu’il précise également que ce placement auprès du ministre de l’Intérieur s’exerce « sans préjudice des attributions de l’autorité judiciaire pour l’exercice de ses missions de police judiciaire ». Par ailleurs, il énumère les compétences conservées par le ministre de la Défense à l’égard de la gendarmerie. En effet, ce nouveau rattachement ne privera pas le ministre de la Défense de toute compétence à l’égard de la gendarmerie. Il en ira ainsi de même que dans la situation actuelle où le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de la Défense n’empêche pas d’autres ministères de disposer de compétences à l’égard de la gendarmerie, au premier rang desquels le ministère de l’Intérieur qui en dispose pour emploi.

● Vis-à-vis de la gendarmerie, le ministre de l’Intérieur sera donc dorénavant « responsable de son organisation, de sa gestion, de sa mise en condition d’emploi et de l’infrastructure militaire qui lui est nécessaire ». Au total, le ministre de l’Intérieur sera dorénavant chargé :

— comme depuis 2002, de l’emploi de la gendarmerie ;

— du budget de la gendarmerie. En effet, le programme budgétaire « gendarmerie nationale » est rattaché depuis le 1er janvier 2009 au ministère de l’Intérieur ;

— de son organisation : c'est-à-dire des décisions relatives aux structures de son administration centrale, qui deviendra concrètement une Direction générale du ministère de l’Intérieur, et à ses unités territoriales ;

— d’une partie de la gestion des ressources humaines : il sera en effet seul compétent en matière de recrutement, de nomination dans l’emploi, de formation continue, de notation, d’avancement, de mutation, de placement dans les différentes situations statutaires et de cessation d’activité.

● Quant au ministre de la Défense, il conservera les compétences suivantes à l’égard de la gendarmerie :

— l’autorité sur la gendarmerie dès lors qu’elle exécute des missions militaires, notamment dans le cadre des opérations extérieures ;

— la tutelle sur les gendarmeries spécialisées (gendarmerie de l’armement, gendarmerie de l’air, gendarmerie maritime, gendarmerie des transports aériens, gendarmerie de sécurité des armements nucléaires) ;

— la compétence en matière disciplinaire : les sujétions et obligations particulières qui caractérisent le statut général des militaires nécessitent en effet, pour en assurer le respect, un régime de sanctions disciplinaires adaptées qui ne peut être exercé que par le ministre de la Défense ;

— des compétences en matière de gestion des ressources humaines qui seront définis par décret en Conseil d’État. Le directeur général de la gendarmerie nationale a confirmé à votre rapporteur pour avis que la formation initiale des militaires de la gendarmerie resterait assurée par le ministère de la Défense : il s’agit d’un enjeu fondamental pour la militarité de la gendarmerie car la formation initiale constitue le socle de structuration de l’identité et de l’appartenance à la communauté militaire des officiers et sous-officiers de gendarmerie.

Par ailleurs, sur le fondement non pas du présent projet de loi, mais d’une délégation de gestion conclue le 28 juillet 2008 entre le ministre de la Défense et le ministre de l’Intérieur, complétée par 35 conventions, la gendarmerie continuera de bénéficier du soutien des armées dans de très nombreux domaines (soutien santé, paiement des soldes et des pensions, dépannage auto interarmées, archives, munitions, poste interarmées, convention SNCF…).

2. La définition des missions de la gendarmerie nationale

Au moment où la gendarmerie nationale s’apprête à rejoindre la police nationale au sein du ministère de l’Intérieur, il était essentiel de bien préciser quelles sont ses missions. En effet, votre rapporteur pour avis a pu constater au cours des auditions qu’il a menées que certains s’inquiètent que la gendarmerie puisse perdre certaines de ses missions actuelles à l’occasion de son rattachement au ministère de l’Intérieur.

Le 2° et le 3° de l’article 1er sont primordiaux car ils donnent une valeur législative aux différentes missions de la gendarmerie. En effet, actuellement l’article L. 3211-2 du code de la défense, qui traite des missions de l’ensemble des forces armées, consacre un seul alinéa à la gendarmerie qui précise qu’elle « a pour mission de veiller à la sûreté publique et d'assurer le maintien de l'ordre et l'exécution des lois. » Votre rapporteur pour avis considère qu’il s’agit là d’une définition particulièrement réductrice de la gendarmerie, ses autres compétences étant énumérées par le décret du 20 mai 1903.

Le projet de loi propose donc l’insertion d’un nouvel article L. 3211-3 au sein du code de la défense, entièrement consacré à une définition exhaustive des missions de la gendarmerie. Au cours des auditions qu’il a organisées, votre rapporteur pour avis a pu constater que cet effort d’énumération des compétences de la gendarmerie, complété par le Sénat, avait été apprécié par les gendarmes et anciens gendarmes, y compris de la part de ceux qui expriment par ailleurs des réserves sur le projet de loi.

Le premier alinéa de l’article L. 3211-3 précise que « la gendarmerie est une force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois ». Il s’agit là d’une définition générale de la gendarmerie : elle est essentielle car elle rappelle son statut de force armée. Ce statut ne signifie pas seulement que la gendarmerie est une institution composée majoritairement de personnels militaires, mais aussi qu’elle a une organisation particulière, caractérisé notamment par une structuration verticale et le respect de la discipline militaire. Il en résulte que ses unités sur le terrain ne peuvent pas être considérés comme des services déconcentrés de l’État.

À l’initiative des rapporteurs du Sénat, ce premier alinéa comprend également une phrase indiquant que « la police judiciaire constitue une mission essentielle » de la gendarmerie, alors que le projet de loi initial se contentait d’une référence plus imprécise aux « missions judiciaires » de la gendarmerie. Le Sénat a, en fait, repris les termes mêmes de l'actuel article 113 du décret du 20 mai 1903 sur le service de la gendarmerie, que la présente loi abroge. En effet, les missions de police judiciaire constituent 37 % des missions de la gendarmerie, il est donc justifié d’insister sur leur importance en leur donnant une consécration législative. Votre rapporteur pour avis ne méconnaît en effet pas les craintes exprimées au sein de la gendarmerie quant à un risque de mainmise des services de la police nationale sur la mission de police judiciaire. Dans ces conditions, préciser explicitement que la police judiciaire constitue l’une des missions de la gendarmerie nationale n’est pas neutre car cela signifie qu’elle est aussi légitime que la police nationale à intervenir sur l’ensemble du champ infractionnel.

Pour autant, si le rappel de cette mission est bienvenu, il devrait être placé au sein de la liste des missions de la gendarmerie et non dans le premier alinéa qui constitue la définition organique de la gendarmerie. En outre, il n’est pas justifié de faire de la seule police judiciaire une « mission essentielle » de la gendarmerie, semblant lui donner une prééminence sur ses autres missions. Enfin, le remplacement de l’expression « missions judiciaires » par celle de « police judiciaire » a l’inconvénient de supprimer de la liste des missions de la gendarmerie ses autres missions judiciaires (transfèrements et extractions) qui sont pourtant également importantes. Sans remettre en cause le rappel de la compétence de la gendarmerie en matière de police judiciaire, votre rapporteur pour avis suggère donc une rédaction faisant référence aux « missions judiciaires », tout en maintenant l'expression « police judiciaire » dans la loi.

Les alinéas suivants énumèrent les autres missions de la gendarmerie. Le deuxième alinéa consacre ainsi le cœur de la mission de police administrative de la gendarmerie nationale (sécurité publique et ordre public) qui, précise le texte tel qu’adopté par le Sénat, s’exerce « particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication ». Le Sénat a voulu, de la sorte, reprendre en l’actualisant la formulation du décret du 20 mai 1903 selon laquelle la gendarmerie « est particulièrement destinée à la sûreté des campagnes et des voies de communication ». Cette disposition a aussi pour objectif de contredire l’idée fausse selon laquelle la gendarmerie serait principalement une force de police agissant en milieu rural. Compte tenu de l’évolution de l’habitat, elle intervient de plus en plus souvent en milieu périurbain puisque 866 brigades territoriales sont implantées en milieu périurbain (8).

Cependant, il ne semble pas opportun d’inscrire dans une disposition de nature législative, même peu contraignante, un critère nouveau de répartition des zones de compétence de la police et de la gendarmerie qui risquerait de contredire les critères actuellement utilisés et de compliquer les opérations de redéploiement entre zones « police » et zones « gendarmerie ». La répartition des zones de compétence en matière de sécurité publique entre la police et la gendarmerie nationales résulte de l’article L 2214-1 du code général des collectivités territoriales, qui détermine les critères selon lesquels le régime de la police d’État peut être établi (régime qui implique la compétence de la police nationale). Parmi ces critères ne figurent pas de considérations relatives au caractère rural, urbain ou périurbain des zones de population mais seulement des critères de population des communes ou des ensembles de communes et des critères liés aux caractéristiques de la délinquance. De fait, la gendarmerie est compétente, sauf exception, dans les villes de moins de 20 000 habitants, c'est-à-dire dans des zones urbaines. Quant aux zones périurbaines, elles peuvent être soit sous responsabilité de la police, soit de la gendarmerie : c’est d’ailleurs tout l’enjeu des opérations de redéploiement police-gendarmerie.

Préciser une compétence de principe de la gendarmerie dans les zones périurbaines serait donc de nature à remettre en cause de futures opérations de redéploiement qui s’avèrent pourtant nécessaires. La gendarmerie est encore présente dans certaines franges périurbaines de grandes agglomérations où la police nationale est prépondérante. Dans une logique privilégiant les « bassins de délinquance », de telles zones périurbaines devraient être attribuées à la police nationale. En sens inverse, la gendarmerie serait légitime à reprendre certaines circonscriptions de sécurité publique. Votre rapporteur pour avis considère que le présent projet de loi ne doit pas être utilisé pour ajouter de nouveaux critères de répartition des zones de police et de gendarmerie.

La Commission examine l’amendement CL 1 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de modifier la rédaction des alinéas 7 et 8 de l’article 1er de façon à ne pas limiter la mission de sécurité et d’ordre publics confiée à la gendarmerie nationale aux zones rurales et périurbaines, ni ses missions judiciaires aux seules compétences qu’elle détient en matière de police judiciaire.

La Commission adopte cet amendement.

Le troisième alinéa de l’article L. 3211-3 dispose que la gendarmerie contribue à la mission de renseignement et d’information des autorités publiques. En ce qui concerne la mission de renseignement proprement dit, la gendarmerie joue en effet un rôle très important dans la collecte du renseignement sur le terrain afin de le faire remonter à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) qui est chargé de le traiter et de l’analyser. Dans le domaine de l’information générale, la disparition des renseignements généraux, qui avaient une compétence départementale, ne peut qu’inciter la gendarmerie à s’investir davantage dans ce domaine, pour lequel son maillage territorial constitue un atout.

Enfin, sont également rappelées les missions militaires de la gendarmerie, sa participation aux missions de protection des populations, de défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.

Par ailleurs, le Sénat a également ajouté une précision importante selon laquelle l’ensemble de ces missions s’accomplit « sur toute l’étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France, ainsi qu’aux armées ». Ce rappel de la compétence nationale de la gendarmerie, inscrit dans le décret du 20 mai 1903, est important et permet de relativiser le débat sur les zones de compétence respective de la police et de la gendarmerie. En effet, les zones de compétences concernent uniquement la sécurité publique de proximité. En revanche, les autres missions de la gendarmerie s’exercent sur tout le territoire national. Ainsi, les gendarmes mobiles sont utilisés indifféremment avec les CRS en matière d’ordre public (9). Il en va de même en police judiciaire où l’autorité judiciaire a le libre choix du service chargé de l’enquête (10).

M. Jean-Jacques Urvoas. Mon groupe n’a pas déposé d’amendement, mais j’aimerais tout de même faire une observation : l’alinéa 9 précise que la gendarmerie « contribue » à la mission de renseignement. Or, ce terme me paraît un peu faible. Afin de ne pas laisser entendre que la gendarmerie ne joue qu’un rôle supplétif dans ce domaine, ne vaudrait-il pas mieux préciser qu’elle « participe » à la mission du renseignement ?

M. le rapporteur pour avis. La gendarmerie a une mission de collecte du renseignement mais ne procède pas elle-même à l’analyse de ce renseignement. Le verbe « contribuer » semble donc adéquat.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Nous pourrons revenir sur cette question d’ici à la séance publique, si une telle solution paraissait préférable.

Elle adopte ensuite l’amendement de coordination CL 2 du rapporteur pour avis.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er ainsi modifié.

Article 1er bis (nouveau)

(art. 15-4 [nouveau] du code de procédure pénale)


Principe du libre choix du service enquêteur

Cet article, issu d’amendements identiques des commissions des Affaires étrangères et des Lois du Sénat, élève au niveau législatif la règle du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire, qui figure actuellement à l’article D. 2 du code de procédure pénale.

● Sur le fond, votre rapporteur pour avis partage pleinement la préoccupation affichée par les sénateurs de réaffirmer le principe du libre choix, par l’autorité judiciaire, du service de police judiciaire à qui il confie une enquête. Ce principe constitue en effet une garantie d’indépendance pour le procureur de la République ou le juge d’instruction qui ne peuvent pas se voir imposer la saisine d’un service en particulier.

En effet, l’article 12 du code de procédure pénale pose le principe selon lequel la police judiciaire est exercée, sous la direction du ministère public, par les officiers et agents de police judiciaires (11). A cet effet, les procureurs généraux et procureurs de la République tiennent de la loi un pouvoir de surveillance et un pouvoir de direction de la police judiciaire. Ce pouvoir de direction se manifeste notamment par la participation à la détermination des moyens d'enquête, et notamment du service de police judiciaire chargé de l’enquête. Plusieurs critères entrent alors en ligne de compte, liés à la gravité des faits, aux circonstances et à la localisation de leur commission, à la charge de travail des différents services, à la spécialisation acquise par un service…

Dans la plupart des cas, le procureur saisira le service de sécurité publique de proximité : brigade territoriale de la gendarmerie ou commissariat de police. Dans des cas plus graves ou plus complexes, il saisira plutôt un service de police judiciaire spécialisé, généralement un service relevant de la direction centrale de la police judiciaire si le crime ou le délit a été commis en zone police et une brigade ou une section de recherche si le crime ou le délit a été commis en zone gendarmerie (12).

Toutefois, cette pratique habituelle n’est nullement générale dans la mesure où il n’existe pas de « zone police » ou de « zone gendarmerie » en matière de police judiciaire. Dès lors, la coexistence de services de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales permet de donner une consistance au principe du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire. En effet, le procureur ou le juge d’instruction ont par exemple la possibilité de dessaisir un service qui aurait perdu leur confiance, en confiant l’enquête à un autre service de police judiciaire relevant d’une autre chaîne hiérarchique. Dans les rapports parfois complexes entre autorité judiciaire et services de police judiciaires, cette liberté de choix est essentielle pour asseoir son pouvoir de direction de la police judiciaire à l’égard de services qui ne dépendent pas organiquement de lui.

Pour autant, si ce principe est essentiel, il est légitime de se demander s’il était utile de lui donner une valeur législative. Votre rapporteur pour avis considère que cette consécration législative se justifie car elle conditionnera toute évolution dans ce domaine à une nouvelle intervention du législateur. En effet, au cours des auditions, des craintes se sont exprimées quant à une éventuelle mainmise progressive de la police nationale sur la mission de police judiciaire. Or, votre rapporteur pour avis estime que la mission de police judiciaire ne peut pas être séparée artificiellement du reste des missions policières. En effet, c’est notamment parce que les militaires de la gendarmerie ont une connaissance approfondie du milieu dans lequel ils évoluent qu’ils obtiennent de très bons résultats dans le domaine de la police judiciaire. Tant que la France fait le choix d’une dualité policière, votre rapporteur considère que cette dualité doit notamment s’appliquer dans le domaine de la police judiciaire.

● Sur la forme, votre rapporteur pour avis exprime quelques réserves vis-à-vis de la formulation retenue par le Sénat. En effet, la reprise des termes mêmes de l’article D. 2 du code de procédure pénale selon lesquels « le procureur de la République et le juge d’instruction ont le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire territorialement compétents » ne semble pas la solution la plus adaptée.

Tout d’abord, l’article 151 du code de procédure pénale prévoit déjà que « le juge d’instruction peut requérir par commission rogatoire (…)  tout officier de police judiciaire (…) de procéder aux actes d’information qu’il estime nécessaire dans les lieux où chacun d’eux est territorialement compétent ». Il apparaît donc inutile de rappeler le principe de libre choix du service enquêteur par le juge d’instruction alors que l’article 151 va même plus loin en prévoyant sa liberté de saisine des officiers de police judiciaire directement, et non pas seulement par l’intermédiaire des formations auxquelles ils appartiennent.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis recommande de limiter le dispositif de l’article 1er bis au procureur de la République. Dans un souci de clarté, il serait alors préférable de l’inscrire après l’article 12, qui traite du pouvoir de direction de la police judiciaire par le procureur, plutôt qu’après l’article 15-3, qui traite des modalités de mise en œuvre de la police judiciaire.

Ainsi, un article 12-1 serait dorénavant consacré au libre choix par le procureur de la République des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire (13).

La Commission examine l’amendement CL 4 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Dans sa rédaction initiale, cet article prévoit que le procureur de la République et le juge d’instruction peuvent librement choisir les services de police judiciaire chargés de l’enquête. Ce principe figurant déjà à l’article 151 du code de procédure pénale en ce qui concerne le juge d’instruction, l’amendement tend à ne plus faire référence qu’au seul procureur de la République, tout en insérant cette disposition à un autre endroit dans le code.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er bis ainsi modifié.

Article 2

(art. L. 1321-1 du code de la défense)


Suppression de la procédure de réquisition pour l’emploi de la gendarmerie nationale au maintien de l’ordre

L’article 2 supprime l’obligation de procéder à une réquisition préalable pour l’emploi de la gendarmerie au maintien de l’ordre.

1. La procédure de réquisition de la force armée

Par principe, depuis la révolution française, les missions de maintien de l’ordre ne relèvent pas des compétences des forces armées. Cela s’explique tout d’abord par des raisons historiques liées à la crainte que l’armée ne puisse se mettre en mouvement pour renverser l’autorité civile. A l’origine, cette préoccupation se manifestait d’ailleurs à l’égard de l’ensemble des forces publiques, que leur statut soit militaire ou non, puisque toutes étaient alors soumises au principe de la réquisition.

Cette situation se justifie aussi par des raisons techniques : le maintien de l’ordre est une activité spécifique, qui exige la maîtrise de techniques particulières pour disperser des attroupements, qui se distinguent des techniques militaires des troupes de ligne. De fait, l’utilisation de l’armée au maintien de l’ordre s’est souvent traduite dans l’histoire de France, ou dans les pays qui y ont encore recours aujourd’hui, par d’importantes pertes de vies humaines.

Pour autant, les forces armées, subordonnées à l’autorité civile, ne peuvent refuser de prêter leur concours à des opérations de maintien de l’ordre, notamment dans des circonstances de crise. C’est pourquoi, si les forces armées ne doivent pas, en principe, agir pour les besoins de la sécurité et de la défense civiles ou du maintien de l’ordre, elles peuvent néanmoins être conduites à exercer ces missions, sur réquisition de l’autorité civile. Ainsi, l’article L. 1321-1 du code la défense dispose que « aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ». L’article D. 1321-3 du code de la défense précise que l’obligation de la réquisition s’applique aux missions de maintien de l’ordre.

Étant une force armée, la gendarmerie est soumise à la procédure de réquisition, contrairement à la police nationale qui peut être mise en mouvement sur ordre simple de l’autorité administrative. Toutefois, et cette précision est importante, l’usage de la réquisition ne concerne pas l’ensemble des missions de la gendarmerie puisqu’il ne concerne pas la gendarmerie départementale, sauf le cas particulier où elle intervient dans le cadre des « regroupements de brigades ». Dans les faits, la réquisition concerne la gendarmerie mobile et la garde républicaine.

Il existe aujourd’hui quatre catégories de réquisitions pour le recours aux forces armées dans le cadre du maintien de l’ordre :

— la réquisition générale qui a pour objet d’obtenir des autorités militaires un ensemble de moyens en vue de leur utilisation pour le maintien de l’ordre ;

— la réquisition particulière qui a pour objet de confier à une unité une mission précise et délimitée ;

— la réquisition particulière avec emploi de la force, qui n’autorise pas l’usage des armes en dehors des cas d’application prévues par l’article 431-3 du code pénal (violences ou voies de fait contre les représentants de la force publique) ;

— la réquisition complémentaire spéciale qui a pour objet d’autoriser l’usage des armes, hors les cas d’emploi de la force sans formalité préalable prévus par l’article 431-3 du code pénal.

Dans tous les cas, la réquisition doit être écrite et respecter un formalisme, parfois qualifié de désuet.

2. Une procédure qui n’est plus adaptée à l’utilisation de la gendarmerie au maintien de l’ordre

Alors que la procédure de réquisition est pleinement justifiée lorsqu’il s’agit d’utiliser au maintien de l’ordre des unités dont ce n’est pas la mission habituelle, cette procédure semble beaucoup moins adaptée pour l’utilisation d’unités, celles de la gendarmerie mobile, dont la raison d’être est précisément de remplir des missions de maintien de l’ordre. La réquisition n’a donc plus rien d’exceptionnel dans la gendarmerie : c’est ainsi qu’en 2007, 1500 réquisitions générales ont été délivrées à la gendarmerie nationale, dans le seul but d’obtenir la mise à disposition des moyens de la gendarmerie mobile.

Or, l’obligation de la réquisition entraîne un important formalisme, source de lourdeur et donc susceptible de nuire à la réactivité de ces forces. Certes, pour contourner cette difficulté, les autorités civiles et militaires savent faire preuve de souplesse : à Paris, tous les jours, une réquisition générale est établie pour l’ensemble des forces de gendarmerie mobile intervenant en Île-de-France. En outre, votre rapporteur pour avis a appris qu’il n’était pas rare qu’un préfet obtienne le recours immédiat des forces de la gendarmerie mobile pour faire face à une crise, en régularisant ensuite la situation par une réquisition a posteriori.

Dans la mesure où la gendarmerie mobile obéit à une déontologie et est reconnue pour son professionnalisme dans le domaine du maintien de l’ordre, l’exigence d’une réquisition préalable à son utilisation semble aujourd’hui obsolète. Ainsi, la logique veut que cette force destinée à assurer des missions de maintien de l’ordre réponde directement aux ordres verbaux de l’autorité civile compétente en matière de maintien de l’ordre, à savoir le préfet. Au quotidien, c'est-à-dire en dehors de situations insurrectionnelles et du cas particulier de l’outre-mer (14), le choix de recourir à des escadrons de gendarmerie mobile ou à des compagnies républicaines de sécurité dépend avant tout de la disponibilité respective de ces forces. Ainsi, rien ne justifie que le recours à la gendarmerie mobile entraîne un formalisme particulier alors qu’elle exerce strictement les mêmes missions que les CRS.

Pour autant, jusqu’à l’adoption du projet de loi relatif à la gendarmerie, gendarmes mobiles et CRS se distinguent par leur autorité de rattachement. Les escadrons de gendarmerie mobile dépendant du ministère de la Défense, leur utilisation par l’autorité préfectorale justifie donc l’existence d’une réquisition préalable. En effet, la réquisition consiste dans l’émission d’un ordre écrit, exclusif de toute relation hiérarchique, qui fixe seulement le but à atteindre tout en laissant aux exécutants le choix des moyens à mettre en œuvre. A partir du moment où le ministre de l’Intérieur disposera directement des moyens de la gendarmerie, il lui appartiendra, ainsi qu’au préfet au niveau local, d’utiliser au mieux les forces dont il est responsable, dont la gendarmerie mobile.

Le nouveau contexte induit par le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur rendait donc inévitable la suppression de la réquisition, même s’il est vrai qu’il n’empêcherait pas d’imposer un formalisme particulier lorsqu’il est fait usage de moyens exorbitants du droit commun. En effet, l’existence d’un certain formalisme peut constituer une garantie, en permettant notamment d’assurer la traçabilité des ordres et des décisions. Toute la question est alors de savoir à partir de quel niveau l’on considère que les moyens utilisés sont exorbitants du droit commun. Certains interlocuteurs de votre rapporteur estiment que tout recours à une force mobile, gendarmes mobiles ou CRS, constitue, par nature, une utilisation de la force exceptionnelle et devrait faire l’objet d’un minimum de formalisme. Le risque serait alors grand de ressusciter la réquisition que l’on avait cru abandonner, tout en l’étendant aux CRS.

Le Sénat, quant à lui, a estimé qu’une procédure formalisée devait être maintenue dans deux cas :

— lorsque des moyens militaires spécifiques, comme les véhicules blindés à roue de la gendarmerie mobile, sont utilisés. Le recours à ceux-ci serait alors conditionné à une autorisation, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Votre rapporteur pour avis estime qu’il est tout à fait justifié de maintenir un certain formalisme dans une telle situation où le recours à la gendarmerie mobile s’explique par son appartenance aux forces armées puisque les CRS ne disposent pas de tels moyens. En effet, si la gendarmerie mobile effectue au quotidien des missions civiles de maintien de l’ordre, il ne faut pas oublier qu’elle demeure une force armée qui peut être conduite à agir dans des contextes de crise particulièrement dégradés ;

La Commission examine l’amendement CL 5 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Un décret simple – au lieu d’un décret en Conseil d’État – me paraît suffisant pour autoriser l’utilisation de moyens militaires en vue d’assurer le maintien de l’ordre. Tel est l’objet de cet amendement.

La Commission adopte cet amendement.

— lorsque des armes à feu sont utilisées, dans des conditions définies dans un nouvel article 25-2 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, introduit par l’article 2 bis du projet de loi. Dans cette hypothèse, votre rapporteur pour avis estime que la création d’une formalité préalable n’est pas utile. (15)

La Commission adopte en conséquence l’amendement CL 6 du rapporteur pour avis, tendant à supprimer, dans l’alinéa 3 de l’article, une phrase concernant un renforcement de l’encadrement de l’utilisation des armes à feu.

Enfin, la suppression de la réquisition aura une autre conséquence : celle de replacer la hiérarchie de la gendarmerie au centre de la mise en œuvre des moyens de la gendarmerie mobile. Le commandant de groupement de gendarmerie départementale sera désormais dans la même situation que le directeur départemental de la sécurité publique (16) : il recevra les ordres du préfet, conduira la manœuvre avec les moyens qui lui seront dédiés et, en tant que représentant de l'autorité civile, sera responsable du déroulement de l'opération. La suppression de la réquisition permettra aux autorités territoriales de la gendarmerie d'exercer, sous la responsabilité du préfet, en zone de compétence de la gendarmerie, les responsabilités prévues par les articles 431-3 du Code pénal et D. 1321-5 du Code de la défense (dispersion des attroupements), dont ils sont jusqu'à maintenant exclus.

Puis la Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 ainsi modifié.

Article 2 bis

(art. 25-2 [nouveau] de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité)


Création d’une nouvelle procédure d’autorisation pour l’usage des armes à feu au maintien de l’ordre applicable tant à la gendarmerie nationale qu’à la police nationale

L’article 2 bis, introduit par deux amendements identiques de la commission des Affaires étrangères et de la défense, et de la commission des Lois du Sénat, institue une nouvelle procédure d’autorisation de l’emploi des armes à feu au maintien de l’ordre par les gendarmes comme par les policiers.

● Actuellement, la loi ne distingue pas entre l'emploi de la force et celui des armes. L’article 431-3 du code pénal met en œuvre une procédure précise pour la dissipation d’un attroupement par la force publique :

— la décision de dispersion par la force est prise, selon l’article D. 1321-5 du code de la défense par « le préfet ou le sous-préfet, le maire ou l'un de ses adjoints, le commissaire de police ou, mandaté par l'autorité préfectorale, un commissaire de police ou l'inspecteur divisionnaire chef de circonscription, doivent être présents sur les lieux en vue, le cas échéant, de décider de l'emploi de la force après sommation » ;

 l’emploi de la force proprement dit doit être précédé, selon le deuxième alinéa de l’article 431-3 du code pénal, de deux sommations de se disperser restées sans effet. Ces sommations sont adressées « par le préfet, le sous-préfet, le maire ou l'un des adjoints, tout officier de police judiciaire responsable de la sécurité publique ou tout autre officier de police judiciaire, porteurs des insignes de leur fonction ». Des officiers ou sous-officiers de gendarmerie peuvent donc adresser ces sommations, alors qu’ils ne peuvent pas décider eux-mêmes de l’emploi de la force.

● Concernant l’emploi des armes au maintien de l’ordre, celui-ci ne fait donc l’objet d’aucune disposition législative. Cet emploi est considéré comme une modalité de l’emploi de la force et est donc soumis également aux règles fixées par l’article 431-3 du code pénal. Toutefois, il fait également l’objet de dispositions réglementaires et d’instructions spécifiques.

La circulaire du 4 mars 1987 relative aux attroupements précise que l'emploi de la force n'implique pas nécessairement l'usage des armes qui doit être évité « jusqu'à l'extrême limite du possible ». De même, l'article 44 de l'instruction interministérielle du 9 mai 1995 relative à la participation des forces armées au maintien de l'ordre dispose que : « l'emploi de la force n'implique pas l'usage des armes. Les forces armées, et particulièrement les cadres, doivent s'employer à éviter tout usage des armes en faisant preuve jusqu'aux dernières limites de calme et de sang froid. ».

Au cas où l’utilisation des armes (17), et pas seulement des armes à feu, serait néanmoins nécessaire, l'article R. 431-1 du Code pénal met en place une procédure particulière, disposant que « si pour disperser l'attroupement par la force, il doit être fait usage des armes, la dernière sommation ou, le cas échéant, le lancement de fusée qui la remplace ou la complète doivent être réitérés ». Bien évidemment, le recours à cette procédure de sommation ne peut intervenir, s’agissant des gendarmes mobiles, que si l’autorité administrative a préalablement adressé une réquisition complémentaire spéciale.

● L’article 2 bis a pour but d’instituer une nouvelle gradation dans l’emploi de la force, s’ajoutant aux procédures existant pour l’emploi de la force et pour l’emploi des armes en général. Cette procédure, instituée à l’article 25-2 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, prévoit que l’utilisation des armes à feu par les gendarmes mobiles ou les CRS devrait faire l’objet d’une autorisation préalable, dont les modalités seraient définies par décret en Conseil d’État (18).

Toutefois, cette autorisation ne serait pas requise dans les cas prévus au quatrième alinéa de l’article 431-3 du code pénal : c'est-à-dire en cas de violences ou de voie de fait, ou pour défendre le terrain occupé par les forces mobiles. L’objectif des auteurs de cet article est de conserver un certain formalisme avant l’utilisation des armes à feu au maintien de l’ordre. En effet, pour que les escadrons de gendarmerie mobile puissent utiliser les armes à feu dont ils disposent (19), en dehors des exceptions prévues à l’article 431-3 du code pénal, ils doivent préalablement avoir fait l’objet d’une réquisition complémentaire spéciale de la part de l’autorité civile. Dans la mesure où le présent projet de loi supprime la procédure de réquisition, le Sénat a considéré qu’il était nécessaire de créer une procédure nouvelle d’autorisation des armes à feu, qui s’appliquerait tant aux gendarmes mobiles qu’aux CRS.

Votre rapporteur pour avis s’interroge sur la nécessité de prévoir une telle disposition dans la loi, alors même que les règles entourant l’usage des armes en général relèvent du pouvoir réglementaire et des instructions des autorités d’emploi. En outre, l’utilisation des armes à feu doit conserver un caractère exceptionnel en maintien de l’ordre. De fait, leurs cas d’utilisation dépendent des circonstances, leur recours éventuel ne saurait être prévu à l’avance, et doit être laissé à l’appréciation des autorités présentes sur place représentant l’autorité civile. Votre rapporteur pour avis ne voit pas dans quel cas un préfet pourrait demander à l’avance l’autorisation de disperser un attroupement par l’utilisation d’armes à feu : une telle annonce préalable pourrait, au contraire, entraîner de violentes réactions de rejet. L’utilisation des armes à feu peut être légitime, mais il s’agit d’une décision qui relève de la tactique du maintien de l’ordre.

Le directeur général de la police national, M. Frédéric Péchenard, a d’ailleurs indiqué que la police nationale ne connaissait aucun autre cas d’usage des armes en maintien de l’ordre que ces deux cas cités par l’article 431-3. Il a ainsi craint qu’instaurer une procédure d’autorisation d’usage des armes dans d’autres hypothèses soit au mieux inutile ou, au pire, risque, implicitement, d’accorder à la police des possibilités nouvelles d’usage des armes à feu.

Les procédures entourant le recours à la force, et notamment aux armes, semblent suffisamment élaborées pour éviter tout risque d’utilisation arbitraire des armes à feu par les forces mobiles. Toutefois, les modalités de recours aux armes relevant du pouvoir réglementaire et des instructions ministérielles, il serait parfaitement possible au Gouvernement de prendre un décret en Conseil d’État pour définir plus précisément les conditions d’emploi des armes à feu au maintien de l’ordre, et notamment la traçabilité de leur usage.

La Commission adopte l’amendement de suppression CL 7 du rapporteur pour avis et, en conséquence, émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 2 bis.

Article 3

(art. 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, art. L. 6112-2, L. 6212-3, L. 6312-3 et L. 6412-2 du code général des collectivités territoriales, art. 2 de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut de la Polynésie française et art. 120 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité Intérieure)


Autorité des préfets sur les commandants de groupement de la gendarmerie

L’article 3 a pour objet de placer formellement les commandants de groupement de gendarmerie sous l’autorité des préfets.

1. Le préfet dirige et coordonne d’ores et déjà l’ensemble des forces de sécurité intérieure dans le département

La loi n°92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République et le décret n°92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration ont renforcé l’autorité des préfets sur les chefs des services déconcentrés de l’État. Cependant, ces textes ne s’appliquent pas au ministère de la Défense ni, par voie de conséquence, aux formations de la gendarmerie nationale. Pour autant, l’article 72 de la Constitution disposant que « le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois », le préfet dispose d’ores et déjà de moyens pour s’assurer du concours de la gendarmerie nationale.

● Les préfets ont toujours pu recourir à la gendarmerie pour mettre en œuvre leurs prérogatives en matière de sécurité Intérieure.

Ainsi, le décret du 20 mai 1903 portant règlement sur l’organisation et le service de la gendarmerie, prévoit, en son article 59 les dispositions suivantes : « La police administrative a pour objet la tranquillité du pays, le maintien de l'ordre et l'exécution des lois et règlements d'administration publique ; les mesures prescrites pour l'assurer émanent du ministre de l'Intérieur.

Il appartient au ministre de l'Intérieur de donner des ordres pour la police générale, pour la sûreté de l'État, et en en donnant avis au ministre des armées, pour le rassemblement des brigades en cas de service extraordinaire ».

La gendarmerie nationale doit également, en vertu des articles 53 et 78 du même texte, informer les autorités administratives, et notamment l'autorité préfectorale, des événements qui troublent l’ordre public. Enfin, le préfet peut aussi réquisitionner les forces de gendarmerie en cas de besoin, dans les conditions prévues par les articles 67 et suivants.

● La loi n°95-73 d’orientation et de programmation pour la sécurité du 21 janvier 1995 avait déjà offert le cadre d’un important débat sur les prérogatives du préfet à l’égard de la gendarmerie. Elle avait en effet déjà modifié l’article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 afin de disposer que « sans préjudice des textes relatifs à la gendarmerie nationale, [le préfet] fixe les missions et veille à la coordination des actions, en matière de sécurité publique, des différents services et forces dont dispose l'État. Les responsables locaux de ces services et forces lui rendent compte de l'exécution des missions qui leur sont ainsi fixées ».

La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité a donc conforté le rôle du préfet en matière de sécurité en étendant formellement un pouvoir de fixation des objectifs à la gendarmerie, qui existait déjà dans les faits. Dans un article de la revue Administration, un préfet écrivait ainsi que « quant aux relations entre le préfet et la gendarmerie, la loi d’orientation a renforcé les pouvoirs du préfet rejoignant une pratique établie à mesure du développement des politiques de sécurité ». (20)

● La dernière grande évolution des relations entre les préfets et la gendarmerie résulte de la nouvelle architecture de la sécurité intérieure mise en œuvre à partir de 2002.

La formation du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, en mai 2002, a constitué une authentique révolution dans le domaine de la sécurité intérieure. En effet, le pilotage de la politique de sécurité intérieure était confié au ministre de l’Intérieur. Ainsi, pour la première fois, le décret n° 2002-889 du 15 mai 2002 relatif aux attributions du ministre de l’Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales dispose que « pour l’exercice de ses missions de sécurité intérieure, le ministre de l’Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales est responsable de l’emploi des services de la gendarmerie nationale ».

Le décret n°2007-997 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales renforce encore les prérogatives du ministre de l’Intérieur car il précise également que ce ministre « définit les missions de ces services et détermine les conditions d'accomplissement de ces missions et les modalités d'organisation qui en résultent. Conjointement avec le ministre de la Défense, il définit l'utilisation des moyens budgétaires attribués à la gendarmerie nationale et en assure le suivi ».

Le rattachement, pour emploi, de la gendarmerie au ministre de l’Intérieur s’est bien évidement traduit par une évolution au niveau local, même si le pouvoir de coordination du préfet sur l’ensemble des forces de sécurité dans le département était déjà une réalité. Ainsi, conformément aux orientations de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (21), le rôle de direction du préfet à l’égard de l’ensemble des forces de sécurité intérieure a été réaffirmé par la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure. Celle-ci modifie une nouvelle fois l’article 34 de la loi du 2 mars 1982 en précisant explicitement que le préfet « dirige l'action des services de la police nationale et des unités de la gendarmerie nationale en matière d'ordre public et de police administrative ».

Dans la même logique, l’article 17 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements a constitué une innovation importante, en attribuant aux préfets une compétence en matière d’évaluation annuelle des commandants de groupement de gendarmerie départementale Cette « évaluation sous forme d'appréciation littérale » est adressée à l'autorité hiérarchique immédiatement supérieure et se distingue donc de la procédure de notation telle que la pratique le préfet à l’égard des chefs de services déconcentrés des administrations civiles de l’État.

2. Le projet de loi : une affirmation avant tout symbolique de l’autorité des préfets sur les responsables locaux de la gendarmerie

Le présent article ne constitue nullement une révolution dans les relations entre la gendarmerie et les préfets ; pourtant il a fait naître des craintes d’une ingérence de l’autorité administrative dans l’organisation militaire, susceptible de remettre en cause le principe d’obéissance hiérarchique.

Cet article modifie une nouvelle fois l’article 34 de la loi du 2 mars 1982 (22) qui précise déjà depuis 2003, comme votre rapporteur pour avis l’a montré, que les préfets dirigent l’action des services et unités de la police et de la gendarmerie nationales. Dorénavant, il disposera également que les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son « autorité », alors que l’article 34 se contente actuellement d’indiquer que les responsables locaux de la police et de la gendarmerie doivent « rendre compte de l'exécution des missions » au préfet.

Pour les responsables des services de la police nationale, services déconcentrés de l’État, l’affirmation de l’autorité des préfets à leur égard est donc redondante par rapport au droit positif. Mais qu’en est-il pour les responsables locaux de la gendarmerie nationale ?

Dans les faits, comme l’a confié un responsable départemental de la gendarmerie à votre rapporteur pour avis, « le préfet est le chef pour garantir la sécurité publique dans le département ». Cette situation ne pose d’ailleurs aucun problème aux responsables locaux de la gendarmerie. De même, les préfets rencontrés par votre rapporteur considèrent qu’il ne fait aucun doute que les commandants de groupements de gendarmerie départementale sont déjà sous leur autorité, et que la modification terminologique apportée par l’article 3 du projet de loi ne devrait pas avoir de conséquences sur le terrain.

Toutefois, affirmer solennellement l’autorité du préfet sur les responsables locaux de la gendarmerie nationale relève d’une vraie logique au moment où la gendarmerie nationale est rattachée au ministère de l’Intérieur. Pour autant, comme l’indique par exemple le rapporteur pour avis de la commission des Lois du Sénat, « il n’est d’ailleurs pas interdit de s’interroger sur sa réelle plus-value juridique » (23).

La portée juridique de cette disposition étant incertaine, il est compréhensible qu’elle ait suscité des inquiétudes sur sa signification véritable. Le terme « d’autorité » a pu donner l’impression que le préfet allait pouvoir s’insérer dans la chaîne hiérarchique de la gendarmerie, au risque de remettre en cause la nature militaire de la gendarmerie, fondée sur le principe d’obéissance hiérarchique et de l’unité de commandement.

La réaffirmation de l’autorité des préfets sur la gendarmerie a ainsi pu faire craindre une remise en cause de l’échelon régional, clé de voûte de l’organisation territoriale de la gendarmerie depuis la réforme de 2005. En effet, si les commandants de groupements départementaux sont sous l’autorité du préfet, cela ne pourrait-il pas affaiblir leur lien hiérarchique avec leur commandant de région ?

Tout d’abord, il est indispensable de rappeler que l’article 1er du projet de loi a réaffirmé le statut de force armée de la gendarmerie. Il en résulte que ses unités territoriales ne sont pas des services déconcentrés de l’État et que l’autorité du préfet ne peut s’exercer à leur égard dans les mêmes conditions qu’à l’égard des services de la police nationale, notamment en matière de gestion des ressources humaines ou budgétaire. L’autorité du préfet à l’égard de la gendarmerie est donc uniquement opérationnelle, elle n’est ni organique, ni fonctionnelle. D’ailleurs, elle se limite aux missions d’ordre public et de police administrative. Dans le domaine de la police judiciaire, votre rapporteur pour avis rappelle que l’action de la gendarmerie a toujours été dirigée par l’autorité judiciaire, sans que cette situation ne remette d’ailleurs en cause la chaîne hiérarchique de la gendarmerie.

Le maintien de la gendarmerie hors du régime juridique de la déconcentration est essentiel à son statut de force armée. En effet, ses missions militaires et les conditions d’organisation et de préparation qu’elles supposent sont incompatibles avec le principe de l’administration déconcentrée. Dans l’hypothèse, toujours possible, d’une situation de crise, il est indispensable que la gendarmerie reste une entité unique, organisée verticalement et dont les commandants disposent de la plénitude des attributions nécessaires à la conduite de la crise.

Le présent projet de loi ne modifie donc pas le positionnement particulier de la gendarmerie puisque celle-ci reste une force armée. Néanmoins, au-delà du projet de loi, certaines modifications réglementaires ou budgétaires sont susceptibles de modifier bien davantage les modalités d’organisation de la gendarmerie. Ainsi, l’attribution aux préfets de zone de la qualité d’ordonnateur secondaire du budget de la gendarmerie, comme pour la police, en lieu et place du commandant de région déposséderait ces derniers d’une de leurs compétences majeures.

Les craintes suscitées par cet article doivent par ailleurs être relativisées, compte tenu des modifications utiles apportées par le Sénat. En effet, celui-ci a souhaité que le principe de l’autorité du préfet ne soit affirmé qu’à l’égard des responsables départementaux de la police et de la gendarmerie nationales, alors que le projet de loi initial le prévoyait à l’égard de l’ensemble des responsables locaux de ces services. Il aurait pu en résulter des relations directes entre le préfet, voire les services de la préfecture, et les commandants de brigade ou de compagnie, court-circuitant ainsi le commandant de groupement départemental. Or, s’il est parfaitement légitime que le préfet fixe les objectifs et les missions de la police et de la gendarmerie, il doit laisser les responsables de ces services en charge de la conduite des opérations sur le terrain. Comme l’écrivait M. Claude Guéant, alors directeur général de la police nationale « si de nouvelles responsabilités sont confiées au préfet, il ne devient pas pour autant le « premier flic du département ». En effet, il n’a pas à se substituer aux chefs de service concernés, directeur départemental ou commandant de groupement. S’il lui appartient de fixer les missions, de veiller à la bonne coordination des actions, il ne doit pas se substituer aux services concernés et à leur responsables dans la conduite opérationnelle ». (24)

Le projet de loi, tel que modifié par le Sénat, indique clairement que l’interlocuteur du préfet est le commandant de groupement départemental(25), lequel est ensuite chargé de mettre en œuvre les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs fixés par le préfet.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

Article 3 bis (nouveau)

(art. 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1983 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, art. L. 6112-2, L. 6212-3, L. 6312-3 et L. 6412-2 du code général des collectivités territoriales, art. 2 de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française et art. 120 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité Intérieure)


Compétences du préfet en matière de prévention de la délinquance

Cet article, comme l’article 3, modifie l’article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1983 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Inséré par le Sénat, à l’initiative de sa commission des Lois, saisie pour avis, il a pour objet de coordonner la définition des pouvoirs du préfet avec la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

En effet le III. de l’article 34 de la loi du 2 mars 1983 énumère les prérogatives du préfet dans le domaine de la sécurité. Son second alinéa précise notamment que « sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le représentant de l'État dans le département, et, à Paris, le préfet de police, anime et coordonne la prévention de la délinquance et l'ensemble du dispositif de sécurité intérieure ».

Or, la loi du 5 mars 2007 a fait du maire le pivot du dispositif de prévention de la délinquance, l’article L. 2211-4 du code général des collectivités territoriales disposant désormais que « le maire anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en œuvre ». Cette loi n’a certes pas retiré au préfet toute prérogative dans le domaine de la prévention de la délinquance (26), mais elle a modifié la répartition des compétences dans ce domaine. La formulation actuelle de l’article 34 de la loi du 2 mars 1983, faisant du préfet l’animateur et le coordonnateur de la prévention de la délinquance, n’est plus exacte. L’article 3 bis permet de résoudre cette difficulté en modifiant la rédaction de l’article 34 : désormais, le préfet, ou le préfet de police à Paris sera uniquement chargé d’animer et de coordonner « l’ensemble du dispositif de sécurité intérieure ». De plus, afin de tenir compte du rôle du maire dans la prévention de la délinquance, laquelle fait partie du dispositif de sécurité intérieure, l’amendement adopté par le Sénat précise que la mission du préfet s’exercera sous réserve « des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la prévention de la délinquance ».

Par cohérence, le paragraphe II de l’article apporte également les coordinations nécessaires au sein des articles du code général des collectivités territoriales qui assurent l’adaptation de ces dispositions à Mayotte (article L. 6112-2), à Saint-Barthélemy (article L. 6212-3), à Saint-Martin (article L. 6312-3), à Saint-Pierre-et-Miquelon.

De même, les paragraphes III et IV apportent des coordinations similaires aux textes régissant les pouvoirs du représentant de l’État dans le domaine de la sécurité respectivement en Polynésie française (article 2 de la loi n°2004-193 du 27 février 2004) et en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte (article 120 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003).

La Commission adopte l’amendement de coordination CL 8 du rapporteur pour avis.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 bis ainsi modifié.

Chapitre II

Des personnels de la gendarmerie nationale

Article 4

(art. L. 4139-16 du code de la défense)


Relèvement des limites d’âge des personnels du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale

Cet article vise à reculer les limites d’âge de départ en retraite pour les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale.

Ce corps de soutien a été créé en 2000 (27) afin de libérer officiers et sous-officiers de gendarmerie des tâches administratives qu’ils accomplissaient fréquemment au détriment des missions de police. Ces militaires interviennent dans les domaines suivants : administration, affaires immobilières, restauration collective, mécanique, armurerie, imprimerie et médical.

Le corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale a vocation à monter en puissance dans le cadre de la politique de recentrage des sous-officiers de gendarmerie sur leur cœur de métier. L’insuffisance de personnels spécialisés conduit trop souvent à l’affectation de sous-officiers de la gendarmerie sur des postes fonctionnellement administratifs, alors même que le coût budgétaire relativement élevé de ces emplois s’explique par un régime indemnitaire spécifique lié aux sujétions et aux dangers des métiers de police.

La gendarmerie nationale a donc pour objectif de faire passer l’effectif des sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de 4000 à 5000 d’ici 2012. Le projet de loi de finances pour 2009 prévoit ainsi la transformation de 600 postes de sous-officiers de gendarmerie en 300 postes d’officiers du corps de soutien technique et administratif et 300 postes de personnels civils.

Cependant, la montée en puissance de ce corps est contrariée par la limite d’âge très basse qui s’impose aux sous-officiers qui le composent. En effet, si les officiers du corps technique et administratif de la gendarmerie se voient opposer des limites d’âge plus élevées que les officiers de gendarmerie (28), la situation est inversée pour les sous-officiers.

Alors que les sous-officiers de gendarmerie doivent prendre leur retraite au plus tard à 56 ans (57 ans pour les majors), les sous-officiers du CSTAGN partent en retraite beaucoup plus tôt (45 ans jusqu’au grade de maréchal des logis-chef ; 50 ans pour les adjudants; 56 ans pour les adjudants-chefs ; 57 ans pour les majors).

Cette situation est paradoxale. D’une part, les sous-officiers de gendarmerie peuvent servir dans des unités opérationnelles, c'est-à-dire avec des contraintes particulières liées à la nature de ces missions jusqu’à la l’âge de 56 ans. D’autre part, les sous-officiers du CSTAGN sont contraints à des carrières beaucoup plus courtes alors qu’ils ne sont pas exposés aux mêmes contraintes, notamment physiques, que leurs collègues.

L’explication de cette limite d’âge inférieure résulte dans l’origine de ce corps, issu de l’armée de terre et donc soumis aux limites d’âge de droit commun des armées. Cependant, il n’est pas justifié d’appliquer une même limite d’âge à des personnels de soutien qu’à des sous-mariniers de la marine nationale, des commandos de l’armée de l’air ou des chuteurs opérationnels de l’armée de l’air.

D’après la direction générale de la gendarmerie nationale, le tableau des effectifs autorisés ne permet pas de promouvoir au grade supérieur un nombre suffisant de militaires, y compris parmi les plus qualifiés, ce qui permettrait pourtant de reculer les limites d’âge qui leur sont opposées. Il en résulte que, chaque année, plusieurs dizaines de sous-officiers doivent quitter l’institution militaire, entraînant une regrettable déperdition d’expertise. La gendarmerie doit en effet se priver de personnels encore jeunes mais expérimentés, ayant souvent bénéficiés de nombreuses formations. De fait, les taux de départs à la retraite des CSTAGN qui avaient diminué de 2002 à 2004, connaissent depuis 2005 une hausse pour atteindre, en 2007, la même valeur que celle de 2001, soit environ 2 % des personnels en poste.

Le projet de loi propose donc d’augmenter les limites d’âge de ce corps pour les aligner sur celles des sous-officiers de gendarmerie.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Article 5

(art. L. 4145-1, L. 4145-2 et L. 4145-3 [nouveaux] du code de la défense)


Spécificités statutaires des militaires de la gendarmerie

L’article 5 du projet de loi insère dans le titre IV du livre premier de la quatrième partie du code de la défense un chapitre V, spécifiquement consacré aux militaires de la gendarmerie nationale. Ce chapitre comprend les articles L. 4145-1, L. 4145-2 et L. 4145-3.

(art. L. 4145-1 [nouveau] du code de la défense)

Liste des différentes catégories du personnel militaire de la gendarmerie

L’article L. 4145-1 du code de la défense énumère la liste des différentes catégories de militaires de la gendarmerie qui sont au nombre de 99 206 (29) :

— les 6 450 officiers et 74 000 sous-officiers de gendarmerie ;

— les officiers du corps technique et administratif de la gendarmerie (au nombre de 250) et les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (environ 4 000) ;

— les volontaires des armées, en service au sein de la gendarmerie nationale, c'est-à-dire les gendarmes adjoints volontaires au nombre 14 391 au 30 juin 2008 ;

— les officiers (1 650), sous-officiers (9 557) et militaires du rang réservistes (14 305), soit un total de 25 512 personnes ayant conclu au 30 juin 2008 un engagement à servir dans la réserve. Leur durée moyenne d’activité était de 21,88 jours en 2007.

L’article L. 4145-1 constitue donc une véritable consécration législative du rôle des réservistes de la gendarmerie, d’autant qu’il définit leurs missions en précisant qu’ils sont prioritairement employés dans des unités d’active, mais qu’ils peuvent également participer à des fonctions de soutien.

Concrètement, les réservistes de la gendarmerie sont employés pour assurer des missions très diverses : le renfort au quotidien des unités territoriales de la gendarmerie départementale (notamment pendant la période estivale) ; la sécurisation de zones sensibles lors d'événements divers ; l'augmentation des capacités de renseignement et d'intervention des unités d'active, notamment au titre de l’intelligence économique territoriale ; le renforcement de la protection des personnes lors d'événements sportifs de grande ampleur ; la prise en charge de gardes statiques en substitution d'escadrons de gendarmerie mobile d'active en vue de les libérer pour d'autres missions…

Les réservistes de la gendarmerie jouent donc un rôle essentiel dans son fonctionnement quotidien, notamment pour lui permettre de faire face dans de bonnes conditions à des pics d’activité. La direction générale de la gendarmerie nationale consacre d’ailleurs d’importants efforts à la formation initiale et continue de ses réservistes opérationnels, notamment dans le domaine de la police judiciaire puisque la loi leur permet, depuis 2006, de recevoir la qualité d’agent de police judiciaire adjoint.

En revanche, ne sont pas concernés par cet article les réservistes citoyens au nombre de 337 au 30 juin 2008. La réserve citoyenne, à laquelle votre rapporteur pour avis est particulièrement attaché, est la deuxième composante des réserves après la réserve opérationnelle. Elle est composée d'anciens militaires d'active ou de réserve ainsi que de volontaires recrutés dans la société civile. Les réservistes citoyens sont des bénévoles agrées par l'autorité qui mènent des actions visant à faire connaître la gendarmerie. Ces réservistes favorisent le recrutement ou la reconversion du personnel d’active, peuvent participer au devoir de mémoire et contribuer à l'action de la gendarmerie, dans le cadre d'activités définies par l'autorité militaire.

(art. L. 4145-2 [nouveau] du code de la défense)

Sujétions et obligations particulières des officiers et sous-officiers de la gendarmerie

L’article L. 4145-2 du code de la défense précise les sujétions et obligations particulières qui s’imposent aux officiers et sous-officiers de la gendarmerie, « en matière d’emploi et de logement en caserne ».

Ces sujétions particulières résultent du statut militaire du gendarme, condition de sa proximité et de sa disponibilité. En effet, la gendarmerie ne pourrait accomplir la plénitude de ses missions de sécurité publique, d’ordre public, de renseignement et de police judiciaire sans une organisation particulière, qui la distingue nettement de la police nationale. Cette dernière agit sur des territoires denses à la population concentrée et où l'activité sociale est continue entraînant une présence quasi permanente sur le terrain, une concentration des effectifs et une spécialisation fonctionnelle des emplois. A l’inverse, le modèle de la gendarmerie est bien différent : il repose sur un maillage de l’ensemble du territoire, composé de brigades territoriales implantés au chef-lieu de canton et dont les effectifs sont peu élevés. La continuité du service exige donc une disponibilité constante des effectifs qui doivent pouvoir être rappelés à tout moment, d’où la nécessité du logement en caserne. Sans le statut militaire, le modèle de la gendarmerie ne pourrait donc pas fonctionner.

Tout d’abord, les gendarmes sont soumis au statut général des militaires, notamment pour ce qui concerne la disponibilité. Ainsi, en vertu de l'article L 4111-1 du code de la défense, « l'état militaire exige en toutes circonstances esprit de sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité ». Il en résulte, par exemple, que la notion d’horaires normaux de service n’existe pas dans la gendarmerie. Certes, un régime complexe organise les temps de repos de gendarmes (permissions, quartiers libres, repos hebdomadaire, astreintes), mais il doit s’adapter prioritairement aux besoins du service et tenir compte des contraintes liées à la dispersion des effectifs et au morcellement des unités. Comme le souligne le rapport « Police – Gendarmerie : vers la parité globale au sein d’un même ministère » (30), « c’est la précarité et la réversibilité qui caractérisent le temps d’indisponibilité accordé aux militaires de la gendarmerie ».

Les sujétions des militaires de la gendarmerie en matière de disponibilité sont étroitement liées à celles relatives au logement en caserne. L’occupation par le gendarme du logement qui lui est concédé par nécessité absolue de service (CNAS) répond à un impératif opérationnel. En effet, il permet une montée en puissance immédiate des moyens humains de la gendarmerie face à une urgence, ou la nuit alors que les brigades sont fermées, contrairement aux commissariats de police qui sont ouverts 24 heures sur 24, grâce à un système de roulement impossible à organiser dans une brigade à six gendarmes. De plus, comme le souligne le rapport précité, le logement en caserne « permet d’ancrer le militaire et sa famille dans son bassin d’emploi, favorisant naturellement la création de liens avec la population et aboutissant au tissage d’un réseau de contacts essentiels à l’efficacité opérationnelle. Il facilite enfin la disponibilité globale en réduisant à sa plus simple expression le temps de trajet domicile/travail. » C’est grâce à ce système de logement que la gendarmerie peut offrir un service équivalent et de qualité sur les 95 % du territoire dont elle a la charge.

Le parc immobilier de la gendarmerie est composé d’environ 80 000 logements : 78% des personnels sont logés en caserne, les autres l’étant dans le parc locatif, mais à proximité immédiate de la caserne.

Votre rapporteur pour avis souhaite souligner les contraintes liées à ce qui pourrait apparaître à tort comme un avantage en nature (31) : difficulté d’emploi du conjoint dans des zones parfois défavorisées économiquement, conditions de casernement très variables (77% des logements domaniaux ont plus de 25 ans), intrusion du service dans leur vie privée…

Le droit existant fixe déjà le cadre de l’obligation de logement en caserne. En tant que militaires, les gendarmes sont tout d’abord soumis à L’article L 4121-5 du code de la défense qui dispose que « les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. La liberté de résidence des militaires peut être limitée dans l’intérêt du service. Lorsque les circonstances l’exigent, la liberté de circulation des militaires peut être restreinte ».

Les statuts particuliers des officiers et des sous-officiers de gendarmerie, respectivement fixés par les décrets n°75-1209 et 75-1214 du 22 décembre 1975, précisent l’obligation d’occuper le logement concédé par nécessité absolue de service.

Toutefois, alors que le présent projet de loi organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur, le Gouvernement a jugé utile de rappeler les obligations spécifiques s’imposant aux gendarmes en matière d’emploi et de logement en caserne. Ce rappel est bienvenu dans une loi qui doit constituer dorénavant la « charte » de la gendarmerie, compte tenu de l’importance du principe de disponibilité et d’emploi en caserne dans le fonctionnement opérationnel de la gendarmerie.

(art. L. 4145-3 [nouveau] du code de la défense)

Reconnaissance d’un classement indiciaire spécifique

Votre rapporteur pour avis a le sentiment que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur sera d’autant mieux accepté par les gendarmes qu’il s’accompagnera d’une parité entre policiers et gendarmes en ce qui concerne les éléments statutaires, indiciaires et indemnitaires.

C’est ainsi que dès son discours du 29 novembre 2007, le président de la République avait annoncé qu'« il s'agit désormais d'envisager pour préserver la pérennité du statut militaire des gendarmes de faire en sorte que la parité globale de traitement et de perspectives de carrière des personnels des deux forces soit assurée et maintenue. Le statut particulier des officiers et sous-officiers de gendarmerie sera donc rénové pour tenir compte de ce nouveau positionnement institutionnel. Ils bénéficieront d'une grille spécifique ».

L’intégration de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur rend en effet nécessaire la mise en place d’une grille indiciaire spécifique des gendarmes par rapport aux autres militaires, par cohérence avec la situation des fonctionnaires de police, qui bénéficient d’un régime indemnitaire dérogatoire par rapport au reste de la fonction publique de l’État depuis la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 relative au statut spécial des personnels de police. L'article 19 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité prévoit aujourd’hui qu’« en raison du caractère particulier de leurs missions et des responsabilités exceptionnelles qu'ils assument, les personnels actifs de la police nationale constituent dans la fonction publique une catégorie spéciale.

(…) En contrepartie des sujétions et obligations qui leur sont applicables, les personnels actifs de la police nationale sont classés hors catégories pour la fixation de leurs indices de traitement.

« Ces personnels peuvent bénéficier d'indemnités exceptionnelles et de conditions particulières en matière de régime indemnitaire et de retraite en raison de la nature spécifique de leurs fonctions et des missions qui leur sont confiées. »

Reprenant ce modèle, l’article L. 4145-3 du code de la défense constitue donc le socle juridique qui permettra la prise en compte de la situation particulière des officiers et sous-officiers de gendarmerie (32) par rapport aux autres militaires par l’octroi d’un classement indiciaire spécifique et de conditions particulières en matière de régime indemnitaire (33). En effet, la mise en cohérence des plages indiciaires applicables à la gendarmerie par rapport à celles de la police nationale s’avère impossible dans la mesure où les plages indiciaires des personnels de la gendarmerie sont immergés dans le cadre général posé par le décret n°48-1108 du 10 juillet 1948 portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels civils et militaires de l’État.

La loi de finances pour 2009 a d’ores et déjà prévu une première dotation de 11,4 millions d’euros visant à financer la nouvelle grille indiciaire.

La Commission examine l’amendement CL 10 de M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Il s’agit d’étendre explicitement aux personnels de la gendarmerie nationale les dispositions de l’article 11 du statut général de la fonction publique. Sans modifier le droit en vigueur, cet amendement enverra un signal à ces personnels qui exercent souvent leurs missions dans des conditions très difficiles.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le code de la défense qui prévoit une protection juridique pour tous les militaires, y compris les gendarmes.

L’amendement est retiré par son auteur.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 sans modification.

Article 5 bis (nouveau)

(art. L. 4221-1 du code de la défense)


Transfert de compétences au ministre de l’Intérieur en matière d’engagement spécial dans la réserve pour affectation en administration

L’article 5 bis, de même que les articles 5 ter et 5 quater, résultent d’amendements du rapporteur de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. Ils visent à adapter le régime de la réserve opérationnelle de la gendarmerie au rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur.

Ainsi, l’article 5 bis modifie l’article L. 4221-1 du code de la défense qui autorise les réservistes à servir au sein d'une administration de l'État, d'un établissement public administratif, d'un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel ou d'une organisation internationale. Cette mise à disposition ne peut actuellement intervenir que par arrêté du ministre de la Défense. Le ministre de l’Intérieur devenant l’autorité hiérarchique des réservistes qui servent dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie, l’amendement adopté par le Sénat transfère à cette autorité la compétence d’affectation en administration pour cette catégorie de réservistes.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 bis sans modification.

Article 5 ter (nouveau)

(art. L. 4221-4 du code de la défense)


Mise en
œuvre de la clause de réactivité à l’égard des réservistes de la gendarmerie nationale par le ministre de l’Intérieur

L’article 5 ter constitue également une conséquence du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur dans le domaine des réserves.

En effet, l’article L. 4221-4 du code de la défense prévoit que « le réserviste qui accomplit son engagement à servir dans la réserve opérationnelle pendant son temps de travail doit prévenir l'employeur de son absence un mois au moins avant le début de celle-ci ».

Toutefois, ce délai peut être réduit à quinze jours « lorsque les circonstances l’exigent », et à condition de le réserviste ait conclu la « clause de réactivité » au moment de la signature de son engagement à servir dans la réserve. Actuellement, cette clause ne peut être mise en œuvre que par arrêté du ministre de la Défense. S’agissant des réservistes de la gendarmerie nationale, l’article 5 ter transfère cette compétence au ministre de l’Intérieur.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 ter sans modification.

Article 5 quater (nouveau)

(art. L. 4221-8 du code de la défense)


Transfert de compétences au ministre de l’Intérieur en matière d’engagement spécial dans la réserve concernant le remboursement de solde

L’article L. 4221-7 du code de la défense prévoit qu’un réserviste peut servir « dans l'intérêt de la défense, auprès d'une entreprise qui participe au soutien des forces armées ou accompagne des opérations d'exportation relevant du domaine de la défense ».

Dans cette hypothèse, l’article L. 4221-8 précise qu’une convention prévoit les conditions de cette mise à disposition, et notamment les modalités selon lesquelles la solde versée aux réservistes est remboursée au ministère de la Défense.

S’agissant de réservistes servant, dans l’intérêt de la défense, dans des entreprises directement liées au secteur de la défense, il aurait pu être considéré comme logique de maintenir le dispositif actuel, même pour des réservistes de la gendarmerie.

Cependant, les soldes des réservistes de la gendarmerie nationale sont financées par le programme « gendarmerie nationale » qui relève de la mission budgétaire « sécurité ». Or, depuis le 1er janvier 2009, cette mission budgétaire relève du seul ministère de l’Intérieur, y compris pour les dépenses destinées à financer les missions militaires de la gendarmerie. Dans ces conditions, l’article 5 quater prévoit à juste titre que le remboursement des soldes des réservistes de la gendarmerie bénéficiera au budget du ministère de l’Intérieur.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 quater sans modification.

Article 5 quinquies (nouveau)

(art. 46 du code électoral)


Compatibilité entre l’engagement spécial à servir dans la réserve et l’exercice de mandats électoraux

Cet article a pour objet de clarifier la question de la compatibilité entre un mandat électoral et un engagement spécial à servir dans la réserve de la gendarmerie.

L’article 46 du code électoral dispose en effet que « les fonctions de militaire de carrière ou assimilé, en activité de service ou servant au-delà de la durée légale, sont incompatibles avec les mandats qui font l'objet du livre I », c'est-à-dire ceux de député, conseiller général ou conseiller régional. Ces dispositions s’appliquent également aux mandats de sénateur(34), de conseiller régional ou à l’assemblée de Corse (35), de membre d’une assemblée d’une collectivité située outre-mer (36), de membre du Parlement européen (37).

Le rapporteur du Sénat souligne que l’article 46 du code électoral « reste très obscur quant à la compatibilité entre l'exercice d'un tel mandat et une activité au sein de la réserve opérationnelle (38) ». La réorganisation des armées, lié à la suppression du service national, a entraîné des difficultés d’interprétation pour les personnes ayant le statut d’engagé spécial volontaire dans la réserve, dont l’engagement résulte d’un contrat. En effet, en réponse à une question écrite de notre collègue Marie-Jo Zimmermann, le ministre de l’Intérieur a estimé qu’il « faut considérer que le terme « assimilé » concerne notamment « les militaires qui servent en vertu d'un contrat ». L'engagé spécial volontaire dans la réserve relève donc des dispositions de l'article L. 46 et, comme tel, doit opter soit pour l'exercice de son mandat, soit pour son engagement spécial dans la réserve. En dehors de la situation particulière des personnes ayant le statut d'engagé spécial volontaire dans la réserve, assimilable à celui de militaire de carrière, les réservistes ne sont pas concernés par les incompatibilités électorales »(39).

Selon cette réponse ministérielle, ne seraient donc pas concernés par les incompatibilités les anciens militaires soumis à l’obligation de disponibilité (40), ni les membres de la réserve citoyenne. En revanche, seraient soumis à cette incompatibilité les engagés spéciaux volontaires de la réserve. Or, cette catégorie constitue le cœur de la réserve opérationnelle puisque les ESR étaient 53 279 fin 2006, contre 51 222 pour les anciens personnels d’active, rappelables uniquement en cas de crise grave.

Ainsi, une application rigoureuse de l’article L. 46 du code électoral aurait pour conséquence de fermer la réserve opérationnelle à l’ensemble des élus, ce qui serait regrettable. L’incertitude juridique entourant cette question a donc conduit le rapporteur du Sénat à déposer un amendement n°15 précisant que l’article L. 46 n’est pas applicable « au réserviste exerçant une activité en vertu d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité dès lors que cette activité est exercée hors de la circonscription dans laquelle il exerce un des mandats faisant l'objet du Livre I ».

Le Gouvernement a cependant déposé un sous-amendement, adopté par le Sénat, qui restreint cette exception aux seuls réservistes de la gendarmerie. Une lecture littérale de l’article L. 46 ainsi rédigé implique nécessairement que seuls les réservistes de la gendarmerie peuvent cumuler cet engagement avec une fonction élective, à condition qu’il ne soit pas exercé dans la circonscription d’élection du réserviste. Les débats montrent cependant que l’objectif de ce sous-amendement était différent, visant seulement à encadrer la possibilité pour un élu d’exercer une activité dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie, et non à empêcher l’exercice d’un mandat électoral par un réserviste de l’armée de terre, de l’armée de l’air ou de la marine.

Sur le fond, votre rapporteur pour avis partage la position du Gouvernement. Un engagement dans la réserve opérationnel est parfaitement compatible avec un mandat électoral ; toutefois, la situation est différente dans la gendarmerie nationale où l’exercice de fonctions dans la réserve opérationnelle confère des prérogatives de puissance publique et la qualité d’agent de police judiciaire. Dès lors, il n’est pas souhaitable qu’un élu accomplisse de telles missions dans le ressort de sa circonscription d’élection.

Sur la forme, la rédaction proposée par le Gouvernement et adoptée par le Sénat pose un problème. En effet, en prévoyant explicitement que les dispositions de l’article L. 46 ne sont pas applicables aux réservistes de la gendarmerie nationale, elle sous-entend, a contrario, qu’elles sont applicables aux autres réservistes.

Certes, la ministre a indiqué en séance que « aujourd'hui, rien n’interdit aux élus de souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle, ce que font effectivement bon nombre d’entre eux ». Cependant, outre que cette interprétation est contradictoire avec celle de la réponse ministérielle précitée, elle est donc fragilisée par la nouvelle rédaction proposée de l’article L. 46 du code électoral qui affirme le principe de la compatibilité, pour les seuls réservistes de la gendarmerie.

Votre rapporteur partage donc la volonté initiale du rapporteur du Sénat de préciser explicitement la compatibilité entre une activité dans la réserve opérationnelle et un mandat électoral. Il partage également le souci du Gouvernement d’encadrer plus strictement cette compatibilité s’agissant de la gendarmerie.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL 9 du rapporteur pour avis.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 quinquies ainsi modifié.

Article 6

(art. L. 4136-3, L. 4137-4, L. 4138-8, L. 4141-1, L. 4141-4, L. 4231-5 du code de la défense)


Transfert au ministre de l’Intérieur de compétences en matière de gestion des ressources humaines

L’article 6 compète les dispositions de l’article premier relatives au transfert au ministre de l’Intérieur de compétences en matière de gestion des ressources humaines de la gendarmerie.

La partie 4 du code de la défense relative au statut des militaires est donc modifiée pour assurer la répartition des compétences dévolues par la loi au ministre de la Défense.

● Les compétences suivantes seront transférées au ministre de l’Intérieur :

— la désignation des membres des commissions d’avancement, par le 1° de l’article qui modifie en ce sens l’article L. 4136-3 ;

— les décisions relatives au détachement d’office, par le 3° qui modifie l’article L. 4136-8.

● En revanche, certaines compétences seront confiées alternativement au ministre de l’Intérieur et au ministre de la Défense, en fonction de la nature des missions confiées aux militaires de la gendarmerie. Il s’agit :

— des décisions de replacement en 1ère section des officiers généraux de la 2ème section, soit par le ministre de la Défense, soit par le ministre de l’Intérieur, en fonction de la mission confiée à l’officier général, militaire ou de sécurité intérieure (art. L. 4141-1 modifié par le 4°) ;

— des décisions relatives à la situation de l’officier général de la 2ème section, selon qu’il a été replacé en 1ère section par le ministre de la Défense, pour une mission militaire, ou par le ministre de l’Intérieur, pour une mission de sécurité intérieure (art. L. 4141-4 modifié par le 5°) ;

— du rappel de réservistes en cas de troubles graves ou de menaces de troubles graves à l’ordre public, par le ministre de l’Intérieur pour les missions de sécurité Intérieure ou par le ministre de la Défense pour les missions militaires (art. L. 4231-5 modifié par le 6°).

● Enfin, la compétence de radiation des cadres des sous-officiers de carrière par mesure disciplinaire restera une compétence exclusive du ministre de la Défense. Ainsi, l’article L. 4137-4 est modifié par le 2° de l’article 6 afin de supprimer la règle selon laquelle la radiation est prononcée par l’autorité de nomination. Votre rapporteur pour avis rappelle en effet que le projet de loi fait le choix de maintenir le pouvoir disciplinaire dans les compétences du ministre de la Défense.

Au-delà de ces quelques modifications législatives, l’essentiel des transferts de compétence en matière de ressources humaines relève du pouvoir réglementaire. Les services de la DGGN travaillent d’ores et déjà sur la préparation de deux décrets en conseil des ministres et six décrets en Conseil d’État, qui pourront être rapidement adoptés après l’entrée en vigueur de la loi.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 sans modification.

Article 6 bis (nouveau)

(art. 16 et 706-99 du code de procédure pénale)


Coordination

L’article 6 bis résulte d’un amendement du rapporteur pour avis de la commission des Lois du Sénat. Il opère les coordinations nécessaires entre le présent projet de loi et le code de procédure pénale :

— l’article 16 du CPP fixe la liste des personnes ayant la qualité d’officier de police judiciaire (OPJ). Son 2° énumère la liste des militaires de la gendarmerie disposant de cette qualité : il s’agit non seulement des officiers et gradés de la gendarmerie, mais également des gendarmes comptant au moins trois ans de service dans la gendarmerie, nominativement désignés par arrêté des ministres de la Justice et de la Défense, après avis conforme d'une commission. S’agissant de cette dernière catégorie, le rattachement de la direction générale de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur justifie que la désignation comme OPJ résulte désormais d’un arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre de l’Intérieur. Tel est l’objet du 1° de l’article 6 bis ;

— l’article 706-99 du même code précise les modalités de désignation des agents auxquels l’autorité judiciaire peut demander de procéder à l’installation de dispositifs de sonorisation. Sont concernés l’ensemble des agents qualifiés « d'un service, d'une unité ou d'un organisme placé sous l'autorité ou la tutelle du ministre de l'Intérieur ou du ministre de la Défense et dont la liste est fixée par décret ». L’article D. 15-1-5 fixe la liste de ces services : ceux relevant de l’autorité ou de la tutelle du ministère de la Défense (41) sont tous des services de gendarmerie et passeront donc sous la tutelle et l’autorité du ministère de l’Intérieur dès la publication de la présente loi. Dans ces conditions, la référence à des services relevant du ministère de la Défense au sein de l’article 706-99 du CPP deviendra inutile et est donc supprimé par le 2° du présent article.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 bis sans modification.

Article 6 ter (nouveau)

(art. L. 4134-2 du code de la défense)


Nomination des militaires à titre provisoire

Cet article de coordination a été introduit à l’initiative du rapporteur du Sénat.

L’article L. 4134-2 du code de la défense concerne la nomination des militaires à titre temporaire, soit pour remplir des fonctions pendant une durée limitée, soit en temps de guerre. Le rapport de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat indique que « cette disposition législative a été étendue, à travers les décrets portant statuts particuliers, à la nomination à titre temporaire des élèves dans les écoles militaires, afin de permettre, en cas d’échec dans le cadre d’une formation, aux militaires de carrière de réintégrer leurs corps et grade d’origine » (42).

Dans tous les cas, cette nomination à titre provisoire est effectuée par le ministre de la Défense. Or, compte tenu des nouvelles attributions du ministre de l’Intérieur dans le domaine de la politique des ressources humaines de la gendarmerie, il est logique que l’octroi ou le retrait d’un grade dans la gendarmerie relève désormais du ministre de l’Intérieur, « à l’exclusion de ceux conférés dans le cadre d’une mission militaire ».

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 ter sans modification.

Article 6 quater (nouveau)

(art. 15-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité)


Coordination s’agissant de la rétribution des informateurs

Cet article opère également une coordination rendue nécessaire par le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur. Il a été introduit à l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des Lois du Sénat.

L’article 3 de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a créé, au sein de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité du 21 janvier 1995 un article 15-1. Ce dernier permet aux services de police et de gendarmerie de « rétribuer toute personne étrangère aux administrations publiques qui leur a fourni des renseignements ayant amené directement soit la découverte de crimes ou de délits, soit l’identification des auteurs de crimes ou de délits ».

Les modalités concrètes de la rétribution des informateurs sont précisées par arrêté conjoint du ministre de la Justice, du ministre de l’Intérieur, du ministre de la Défense et du ministre des Finances. Le présent article a pour effet de supprimer la référence au ministre de la Défense, devenue inutile. Il faut d’ailleurs préciser que le nombre important de cosignataires exigé par la loi explique en grande partie le retard mis pour la publication de cet arrêté, intervenue le 20 janvier 2006. (43)

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 quater sans modification.

Article 6 quinquies (nouveau)

(art. 21 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité)


Exercice d’une activité privée de sécurité

L’article 6 quinquies, issu d’un amendement du rapporteur pour avis de la commission des Lois du Sénat, concerne l’autorité chargée de donner son autorisation lorsqu’un ancien policier ou gendarme désire exercer une activité privée de sécurité.

L’article 21 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité dispose en effet que les anciens policiers ou gendarmes ne peuvent exercer des activités de sécurité privée « durant les cinq années suivant la date à laquelle ils ont cessé définitivement ou temporairement leurs fonctions que sous réserve d'avoir obtenu au préalable l'autorisation écrite, selon le cas, du ministre de l'Intérieur ou du ministre de la Défense ».

Le ministre de l’Intérieur devenant compétent en matière de ressources humaines de la gendarmerie, le présent article vise à en faire la seule autorité chargée de donner son autorisation écrite dans une telle hypothèse.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 quinquies sans modification.

Article 6 sexies (nouveau)

Modalités de transfert au ministère de l’Intérieur des personnels civils de la gendarmerie nationale

L’article 6 sexies, issu d’un amendement gouvernemental adopté par le Sénat, permet de prendre en compte les conséquences du transfert au ministère de l’Intérieur des fonctionnaires civils qui servent dans les services d'administration centrale et dans les structures territoriales de la gendarmerie nationale. Au total, la gendarmerie employait, au 30 juin 2008, 1 183 civils (contractuels compris).

Le I. prévoit que, dès l’entrée en vigueur de la loi, les agents titulaires servant dans les services de la gendarmerie nationale seront détachés d'office dans un corps homologue du ministère de l'Intérieur sans limitation de durée. Ces dispositions constituent une exception aux règles du détachement, telles qu’elles sont prévues par l’article 45 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, justifiant donc une intervention du législateur.

Les fonctionnaires concernés par ces dispositions auront un droit d’option, puisque l’article 6 sexies prévoit qu’ils pourront demander à réintégrer le ministère de la Défense.

Le II. permet aux fonctionnaires de la gendarmerie nationale ainsi détachés dans un corps du ministère de l’Intérieur de demander leur intégration dans ce corps. Afin que cette intégration soit neutre pour la situation individuelle de ces agents, le III. précise que les services accomplis antérieurement au ministère de la Défense sont assimilés à des services accomplis dans leur nouveau corps. Pour les mêmes raisons, le IV. prévoit le maintien, à titre individuel, du plafond indemnitaire des agents transférés, au besoin par le versement d’une indemnité compensatrice.

Le V. précise que ce dispositif ne s’applique toutefois pas aux corps dont l’indice terminal est égal à l’indice brut 638, ce qui concerne uniquement le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la Défense.

Enfin, le VI. renvoie à un décret en Conseil d’État les modalités d’application de l’article.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 sexies sans modification.

Article 6 septies (nouveau)

 
Modalités de transfert au ministère de l’Intérieur des agents non titulaires et des ouvriers d’État de la gendarmerie nationale

L’article 6 septies, issu d’un amendement gouvernemental comme l’article 6 sexies, organise les modalités du transfert des agents contractuels et des ouvriers d’État de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur.

Le I. concerne les agents non titulaires de droit commun en poste dans les services de la gendarmerie nationale qui seront transférés au ministère de l’Intérieur à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Ils conserveront à titre individuel les stipulations de leur contrat. Parmi ces personnels figurent les agents contractuels recrutés lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes (article 4 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984), les agents à temps incomplet (article 6 de la même loi), les titulaires du PACTE (article 22 bis(44), les travailleurs handicapés (article 27 de la même loi) et, et les agents « berkaniens » titulaires d'un contrat de droit privé (45).

Le II. règle la situation des ouvriers d’État exerçant dans la gendarmerie, au nombre de 745 au 30 juin 2008, des agents « berkaniens » titulaires d'un contrat de droit public et les agents contractuels relevant du décret n°49-1378 du 3 octobre 1949 fixant le statut des agents sur contrat du ministère de la Défense nationale (46).Ces agents exerceront leur activité sous l'autorité du ministre de l'Intérieur mais continueront d'être régis par les règles qui leur sont applicables et gérés par le ministère de la Défense, seul le versement de leur rémunération sera assuré par le ministère de l'Intérieur.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 septies sans modification.

Chapitre III

Dispositions finales

Article 7

(art. L. 3531-1, L. 3551-1, L. 3561-1, L. 3571-1 et L. 4371-1 du code de la défense)


Coordination

Cet article permet d’effectuer les coordinations rendues nécessaires par le présent projet de loi dans les articles du code de la défense concernant l’outre-mer.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification.

Article 8

Abrogation du décret du 20 mai 1903

Le décret du 20 mai 1903 relatif au règlement sur l’organisation et le service de la gendarmerie est parfois présenté comme la « charte » l’Arme. Ce décret traite en effet des sujets très divers : devoirs de la gendarmerie envers les ministres, rapports avec les autorités constituées, police judiciaire, droits et devoirs de la gendarmerie dans l’exécution de son service…

Depuis 1903, beaucoup des articles de ce décret ont été soit repris, soit modifiés dans d’autres textes de portée législative ou réglementaire, notamment au sein du code de la défense, du code justice militaire, du code de procédure pénale…

Avec l’adoption de la présente loi, la gendarmerie disposera d’un nouveau texte de référence, de valeur législative, incompatible sur de nombreux points avec le décret de 1903. Dans la mesure où ce décret contient de nombreuses dispositions de nature législative en application de l’article 34 de la Constitution, son abrogation doit cependant intervenir par le biais d’une disposition législative.

La direction générale de la gendarmerie nationale estime que cette abrogation n’entraînera pas de vide juridique, concernant notamment deux domaines importants traités par le décret de 1903 : l’usage des armes et les dispositions à caractère déontologique.

En ce qui concerne les conditions d’usage des armes, votre rapporteur pour avis rappelle qu’elles sont différentes dans la gendarmerie et la police nationales. Les policiers ne peuvent en effet faire usage de leur arme qu’en cas de légitime défense ou d’état de nécessité. L’usage des armes par les gendarmes est régi par l’article 174 du décret de 1903 qui permet l’usage de ces armes :

— lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ;

— lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu'elle ne puisse être vaincue autrement que par la force des armes ;

— lorsque les personnes invitées à s'arrêter par des appels répétés de : « Halte gendarmerie », faits à haute voix, cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s'arrêter que par l'usage des armes ;

— lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt.

Or, ces dispositions ont été reprises, presque à l’identique, par le 3° de l’article L. 2338-3 du code de la défense. L’abrogation de l’article 174 du décret de 1903 sera donc sans conséquence.

Cependant, l’article 174 du décret de 1903 n’est pas le seul article du décret de 1903 à traiter du droit d’usage des armes par les gendarmes. En effet, son article 280, relatif à l'évasion de prisonnier en cours d'escorte, permet également l’usage des armes dans ce cas particulier. La direction générale de la gendarmerie nationale, en accord avec les services de la chancellerie, estime toutefois que cet article spécifique à l’évasion n’est pas nécessaire puisque le cas d’utilisation des armes qu’il décrit est couvert par l'article L. 2338-3 3 du code de la défense, lequel permet en effet l’usage des armes par les gendarmes à l’encontre des personnes qui cherchent à échapper à leur garde.

Ainsi, aucune modification des règles spécifiques d’usage des armes par les gendarmes n’a été envisagée à l’occasion du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur. Le directeur des affaires criminelles et des grâces a indiqué à votre rapporteur pour avis qu’une réflexion sur une harmonisation des règles d’usage des armes par l’ensemble des forces de l’ordre (policiers, gendarmes, douaniers et personnels pénitentiaire), notamment pour tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (47), avait été entreprise par un groupe de travail interministériel, mais qu’elle n’avait pas abouti.

En ce qui concerne les dispositions à caractère déontologique des articles 302 et suivants du décret de 1903, leur pérennité ne semble pas non plus indispensable. En effet, nombre de ces dispositions font double emploi avec les dispositions de caractère général, qui s’imposent à tous les militaires, du statut général des militaires et du décret n°2005-796 du 15 juillet 2005. Beaucoup d’autres de ces dispositions concernent l’exercice de ses activités de police judiciaire par la gendarmerie nationale, aujourd’hui régies par le code de procédure pénale.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

Article 9

Entrée en vigueur

Cet article a été supprimé par le Sénat. Il prévoyait que la loi relative à la gendarmerie nationale interviendrait le 1er janvier 2009, c'est-à-dire au même moment que le rattachement budgétaire du programme budgétaire « gendarmerie nationale » à la mission « sécurité », qui relève du seul ministre de l’Intérieur depuis cette date.

Le présent projet de loi, adopté par le conseil des ministres du 21 août 2008, devait en effet initialement être examiné par le Parlement au cours de l’automne. Compte tenu de l’encadrement du calendrier parlementaire, le projet de loi n’a cependant pu être examiné par le Sénat que les 16 et 17 décembre 2008, avant d’être renvoyé à l’Assemblée nationale. Le Sénat ayant donc décidé de supprimer l’article 9, la loi entrera en vigueur au lendemain de sa publication au Journal officiel.

La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l’article 9.

Article 10

Application sur l’ensemble du territoire

L’article 10 dispose que la loi relative à la gendarmerie nationale sera applicable sur l’ensemble du territoire de la République. Cela signifie qu’elle s’appliquera dans l’ensemble des collectivités soumises au principe de la spécialité législative : Collectivités d’outre-mer, Nouvelle-Calédonie, Mayotte.

Cette application sur l’ensemble du territoire de la République est parfaitement justifiée dans la mesure où la gendarmerie a compétence sur l’ensemble du territoire et où ses unités sont effectivement présentes dans l’ensemble des collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 sans modification.

Article 11 (nouveau)

Rapport au Parlement sur l’évaluation de la loi

Cet article est issu d’un amendement du sénateur Jean-Pierre Leleux, adopté à l’unanimité, avec avis favorable de la commission et du Gouvernement. Il prévoit la remise, par le Gouvernement au Parlement, d’un rapport d’évaluation de la présente loi tous les deux ans.

D’une façon générale, notre commission des Lois met en garde contre la tendance observée ces dernières années d’une multiplication des rapports demandés par le Parlement au Gouvernement(48). C’est ainsi que, notamment à l’initiative du président Jean-Luc Warsmann, l’article 80 de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures a supprimé 98 rapports devenus inutiles.

La création, dans le présent projet de loi, d’un nouveau rapport du Gouvernement au Parlement pourrait donc sembler aller à l’encontre du mouvement initié par la loi de simplification et de clarification du droit. Toutefois, en l’espèce, votre rapporteur pour avis considère que ce nouveau rapport se justifie.

En effet, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur constitue une réforme très importante, laquelle suscite incontestablement des inquiétudes au sujet de l’avenir de la gendarmerie, et notamment de la pérennité de son statut de force armée. Au cours de ses auditions et déplacements, votre rapporteur pour avis a pu ressentir ces craintes, qui ne traduisent pas un rejet par principe du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur. Dans ces conditions, l’obligation d’un rapport d’évaluation de la loi tous les deux ans est une disposition qui a été très appréciée de la part de certains interlocuteurs de votre rapporteur. En effet, ce rapport devrait évaluer les modalités concrètes du rattachement, notamment sur le maillage territorial de la gendarmerie et sur l’efficacité de l’action répressive.

En outre, à la demande de la ministre de l’Intérieur elle-même, ce rapport serait remis tous les deux ans, alors que l’amendement initial prévoyait un rapport unique. Pour les gendarmes, ce rendez-vous bisannuel est la garantie que la réussite du nouveau rattachement devra être évalué au regard des finalités et des conditions qui lui ont été assignés : parité de traitement, maintien du caractère militaire, préservation du maillage territorial…

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 sans modification.

La Commission émet un avis favorable à l’ensemble du projet de loi, modifié par les amendements qu’elle a adoptés.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL 1 présenté par M. François Vannson, rapporteur pour avis :

Article 1er

Rédiger ainsi les alinéas 7 et 8 :

« Art. L. 3211-3. —  La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois.

« Elle est destinée à assurer la sécurité publique et l’ordre public. Elle est investie de missions judiciaires, notamment dans le domaine de la police judiciaire. »

Amendement CL 2 présenté par M. François Vannson, rapporteur pour avis :

Article 1er

À la première phrase de l’alinéa 13, substituer aux mots : « missions de police judiciaire » les mots : « missions judiciaires ».

Amendement CL 4 présenté par M. François Vannson, rapporteur pour avis :

Article 1er bis

Rédiger ainsi cet article :

« Après l’article 12 du code de procédure pénale, il est inséré un article 12-1 ainsi rédigé :

« Art. 12-1. —  Le procureur de la République a le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire. »

Amendement CL 5 présenté par M. François Vannson, rapporteur pour avis :

Article 2

À la deuxième phrase de l’alinéa 3 de cet article, supprimer les mots : « en Conseil d’État ».

Amendement CL 6 présenté par M. François Vannson, rapporteur pour avis :

Article 2

Supprimer la dernière phrase de l’alinéa 3 de cet article.

Amendement CL 7 présenté par M. François Vannson, rapporteur pour avis :

Article 2 bis

Supprimer cet article.

Amendement CL 8 présenté par M. François Vannson, rapporteur pour avis :

Article 3 bis

À l’alinéa 4, après les mots : « sécurité intérieure, », insérer les mots : « les mots : « , dans les îles Wallis et Futuna et à Mayotte » sont remplacés par les mots : « et dans les îles Wallis et Futuna », ».

Amendement CL 9 présenté par M. François Vannson, rapporteur pour avis :

Article 5 quinquies

Rédiger ainsi l’alinéa 2 :

« Ces dispositions ne sont pas applicables au réserviste exerçant une activité en vertu d’un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité. Elles demeurent toutefois applicables au réserviste de la gendarmerie nationale dont l’activité en vertu d’un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité est exercée au sein de la circonscription dans laquelle il exerce un des mandats faisant l’objet du livre Ier ».

Amendement CL 10 présenté par M. Guénhaël Huet :

Article 5

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« En contrepartie des sujétions et obligations qui leurs sont applicables, les personnels de la gendarmerie nationale bénéficient de plein droit d’une protection juridique en cas de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions. »

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Administrations centrales et juridiction :

• Direction générale de la gendarmerie nationale

—  M. le général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale

—  M. Jean-Pierre Bonthoux, magistrat délégué auprès du directeur général de la gendarmerie nationale

—  Lieutenant-colonel Armando de Oliveira, chef du bureau de la réglementation et de la fonction militaire

• Direction générale de la police nationale

—  M. Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale

—  M. Jean Mafart, conseiller juridique

• Direction des affaires criminelles et des grâces (Ministère de la justice)

—  M. Jean-Marie Huet, directeur des affaires criminelles et des grâces

—  Mme Aude Marland, chef du bureau de la police judiciaire

—  Lieutenant Colonel Mathieu Frustie, officier de liaison gendarmerie

• Conseil supérieur de la fonction militaire

—  Colonel Régis Bourcois, secrétaire général du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie nationale

• Cour de cassation

—  M. Yves Charpenel, avocat général à la chambre criminelle

Associations :

• Comité d’entente des associations de gendarmerie (CEAG) et société d’entraide des élèves et anciens élèves de l’école des officiers de la gendarmerie nationale (le Trèfle)

—  M. le général Jean-Marc Denizot, président

• Société nationale des anciens et des amis de la gendarmerie (SNAAG)

—  M. le général Jean-Pierre Bedou, président, président

• Union nationale des personnels en retraite de la gendarmerie (UNPRG)

—  M. Jean-Pierre Virolet, vice-président

•  Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG)

—  M. Pierre Verdier, président

—  M. André Dosset, vice-président

Déplacements

• Orléans

—  M. Bernard Fragneau, préfet du département du Loiret, préfet de la région Centre

—  Colonel Pierre-Yves Cormier, commandant de la région de gendarmerie du Centre

—  Colonel Patrick Aubert, commandant du groupement de gendarmerie départementale du Loiret

—  Lieutenant-colonel Didier Jam, commandant de la section de recherches d'Orléans

—  Chef d'escadron René Dautil, adjoint au commandant du groupement de gendarmerie mobile IV/3 d'Orléans

• Vosges

—  Lieutenant-colonel Marc Hamel, commandant de groupement départemental

—  Chef d’escadron Fabrice Allegri, commandant de la compagnie de Remiremont

—  Capitaine Emmanuel Locatelli, commandant de l’escadron de gendarmerie mobile 25/7 de Remiremont

© Assemblée nationale

1 () Voir le commentaire de l’article 3.

2 () Sur le bilan des GIR, voir l’avis sur les crédits de la sécurité pour 2009 (n°1203, tome VIII) par M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des Lois.

3 () Voir commentaire de l’article 1er bis.

4 () Voir commentaire de l’article 5.

5 () Le taux de syndicalisation dans la police nationale atteindrait 70 %.

6 () Le CFMG est composé de 79 membres, tirés au sort parmi les volontaires et désignés pour 4 ans.

7 () Plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées.

8 () Au sens d’une étude de 1998 faisant intervenir plusieurs facteurs pour la définition de la « périurbanité ».

9 () Sauf en outre-mer où ne sont envoyés que des escadrons de gendarmes mobiles.

10 () Voir commentaire de l’article 1er bis.

11 () Il en va de même pour les juges d’instruction dès lors qu’une information judiciaire est ouverte.

12 () A noter que dans la gendarmerie, la saisine de la section de recherches n’entraîne généralement pas le déssaisisemment des OPJ de la brigade territoriale ou de la brigade de recherches qui continuent de participer à l’enquête, voire peuvent la diriger.

13 () Il n’est pas nécessaire de préciser que ces OPJ sont « territorialement compétents ». En effet, l’article 18 du CPP dispose déjà que les OPJ ont compétence dans les limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles.

14 () Depuis 1994, seuls les gendarmes mobiles interviennent pour le maintien de l’ordre outre-mer.

15 () Voir commentaire de l’article 2 bis.

16 () L’article D. 1321-2 du code de la défense prévoit en effet que « dans les cas d’attroupements prévus à l’article 431-3 du code pénal, le maintien de l’ordre relève exclusivement du ministère de l’Intérieur ».

17 () Les matraques, tonfas et grenades lacrymogènes ne sont pas considérées comme des armes. En revanche, en font partie les armes non létales (flash-ball, taser), les lanceurs de grenade…

18 () L'ensemble des grenades, à l'exclusion des grenades uniquement lacrymogènes, sont considérés comme des armes à feu de première catégorie (matériels de guerre) par le décret n° 95-589 du 6 mai 1995.

19 () Ou de toute arme, qu’il s’agisse d’une arme à feu ou non.

20 () François Leblond, Le préfet et les forces de police : relations hiérarchiques et autonomie Administration, n°173, octobre-décembre 1996.

21 () L’annexe I à cette loi précise que « le préfet assure la coordination de l'ensemble du dispositif de sécurité Intérieure, sans préjudice des compétences de l'autorité judiciaire. »

22 () Par coordination, les II, III et IV de cet article opèrent la même modification au sein des dispositions analogues applicables à Mayotte (art. L. 6112-1 du CGCT), à Saint-Barthélemy (art. L. 6212-3 du CGCT), à Saint-Martin (art. L. 6312-3 du CGCT), à Saint-Pierre et Miquelon (art. L. 6412-2 du CGCT), en Polynésie française (art. 2 de la loi 2004-193 du 27 février 2004), en Nouvelle-Calédonie et dans les Îles Wallis-et-Futuna (art. 120 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003). Les dispositions du I. de l’article 120 de la loi du 18 mars 2003 sont d’ailleurs également applicables à Mayotte, disposition devenue superflue depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2007-224 du 21 février 2007 qui a introduit des dispositions identiques dans le CGCT s’agissant de Mayotte.

23 () Avis n°67 (2008-2009) par M. Jean-Patrick Courtois au nom de la commission des Lois du Sénat.

24 () Le préfet et la sécurité : les conséquences de la loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, Administration n°173, octobre-décembre 1996.

25 () Ainsi que le directeur départemental de la sécurité publique pour la police.

26 () L’article L. 2215-2 du CGCT précise ainsi que « Les actions de prévention de la délinquance conduites par les collectivités territoriales et leurs établissements publics ne doivent pas être incompatibles avec le plan de prévention de la délinquance arrêté par le représentant de l'État dans le département dans des conditions fixées par décret ».

27 () Le corps a été formellement créé par le décret n° 2000-383 du 26 avril 2000 portant statuts particuliers des sous-officiers de carrière des corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale. Auparavant, la gendarmerie bénéficiait du soutien technique et administratif des sous-officiers de l’armée de terre. En 1997, a été créé, au sein de ce corps, la spécialité EASG (emplois administratifs et de soutien de la gendarmerie)qui a servi de socle au nouveau corps.

28 () Pour les officiers de gendarmerie, la limite d’âge est fixée à 57 ans jusqu’au grade de lieutenant-colonel, à 58 ans pour les colonels et à 61 ans pour les officiers généraux. Pour les officiers du corps de soutien, elle est fixée à 60 ans jusqu’au grade de colonel et à 62 ans pour les officiers généraux.

29 () Nombre d’ETPT au 30 juin 2008. La gendarmerie employait, par ailleurs, 1 928 civils.

30 () Rapport du groupe de travail commun Direction générale de la police nationale/Direction générale de la gendarmerie nationale, remis le 14 mars 2008.

31 () D’après l’article 82 du code général des impôts, « les logements mis à la disposition des personnels de la gendarmerie, dans les conditions prévues par l'article D. 14 du code du domaine de l'État, ne sont pas considérés comme un avantage en nature. »

32 () Ces catégories sont celles qui correspondent aux « fonctionnaires actifs » de la police nationale. Les personnels militaires des corps de soutien de la gendarmerie ainsi que les personnels civils de la gendarmerie ne seront donc pas concernés par ces dispositions.

33 () Toutefois, le statut général des militaires permet déjà d'adapter les grilles indiciaires et d'attribuer des indemnités spécifiques en fonction des sujétions et obligations de chaque corps, grade ou emploi. Les officiers et sous-officiers de gendarmerie perçoivent par exemple une indemnité de sujétions spéciales de police ou une prime d'officier de police judiciaire.

34 () Art. LO. 297 du code électoral.

35 () Art. L. 342 et L. 368 du code électoral.

36 () Art. L. 388 du code électoral.

37 () Art. 2 de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977.

38 () La réserve opérationnelle rassemble, d’une part, des volontaires ayant signé un engagement à servir dans la réserve et, d’autre part, les anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité qui, n'ayant pas souscrit d'engagement à servir dans la réserve opérationnelle, sont rappelables uniquement par décret. Elle s’oppose à la réserve citoyenne composée de civils volontaires agréés par l'autorité militaire pour participer à des activités au profit de la défense.

39 () JOAN (Q), 28 août 2000, p.5057.

40 () Quoique le préfet de Haute-Savoie ait, en 2003, considéré qu’un ancien sapeur-pompier de Paris ne pouvait être en même temps réserviste et conseiller municipal.

41 () La sous-direction de la police judiciaire de la gendarmerie nationale ; les sections de recherche de la gendarmerie nationale ; le groupement de sécurité et d'intervention de la gendarmerie nationale.

42 () Rapport n°66 (2008-2009) de M. Jean Faure au nom de la commission des affaires étrangères, p. 86.

43 () Cet arrêté précise que le montant de la rétribution est fixé par le directeur général de la police ou de la gendarmerie nationales, sur proposition du chef de service ou de l'unité de l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête.

44 () Ce dispositif s’adresse aux jeunes gens de seize à vingt-cinq ans révolus qui sont sortis du système éducatif sans diplôme ou sans qualification professionnelle reconnue et ceux dont le niveau de qualification est inférieur à celui attesté par un diplôme de fin de second cycle long de l'enseignement général, technologique ou professionnel, qui peuvent, à l'issue d'une procédure de sélection, être recrutés dans des emplois du niveau de la catégorie C.

45 () Un arrêt du Tribunal des conflits du 25 mars 1996 (M. Berkani c/ Centre régional des œuvres universitaires et scolaires de Lyon) affirme que tout contractuel employé par un service public à caractère administratif est un agent administratif. Par l’article 34 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations), ces agents ont pu choisir de continuer à relever du droit privé (II. de l’article 34) ou bénéficier d’un contrat à durée indéterminée de droit public (I. de l’article 34).

46 () Il s’agit des contractuels recrutés avant l’entrée en vigueur de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984.

47 () L’article 2 de la CEDH autorise le recours à la force lorsqu'il est rendu « absolument nécessaire (…) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue ». Depuis un arrêt rendu le 18 février 2003, la Cour de cassation veille strictement à l’application de ces stipulations, exigeant que les gendarmes ne recourent à leur arme qu’en cas « d’absolue nécessité ».

48 () Voir par exemple le rapport de Étienne Blanc (n° 1145, XIIIème législature) au nom de la commission des Lois sur la proposition de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, page 74.