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N° 1994

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 octobre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2010 (n° 1976)

TOME I

RECETTES ET ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

Par M. Yves BUR,

Député.

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INTRODUCTION 7

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

I.- AUDITIONS 21

A. AUDITION DE M. PHILIPPE SÉGUIN, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES 21

B. AUDITION DE MME ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN, MINISTRE DE LA SANTÉ ET DES SPORTS, M. XAVIER DARCOS, MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES, DE LA FAMILLE, DE LA SOLIDARITÉ ET DE LA VILLE ET M. ÉRIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT 53

C. SUITE DE L’AUDITION DE MME ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN, MINISTRE DE LA SANTÉ ET DES SPORTS, ET DE MME NADINE MORANO, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉE DE LA FAMILLE ET DE LA SOLIDARITÉ 77

II.- EXAMEN DU RAPPORT 89

III.- EXAMEN DES ARTICLES 91

PREMIÈRE PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2008 91

Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2008 91

Article 2 : Approbation du rapport figurant en annexe A et décrivant les modalités de couverture du déficit constaté de l’exercice 2008 114

DEUXIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES À L’ANNÉE 2009 116

Section 1 : Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre financier de la sécurité sociale 116

Article 3 : Ratification du relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général 116

Article 4 : Rectification des prévisions de recettes et des tableaux d’équilibre pour 2009 120

Article 5 : Objectif d’amortissement rectifié de la Caisse d’amortissement de la dette sociale et prévisions de recettes rectifiées du Fonds de réserve pour les retraites 125

Après l’article 5 129

Section 2 : Dispositions relatives aux dépenses 131

Article 7 : Prévisions rectifiées des objectifs de dépenses par branche 131

TROISIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL POUR 2010 133

Article 9 : Approbation du rapport fixant un cadrage quadriannuel (annexe B) 133

Section 1 Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement 137

Article 10 : Contribution des organismes complémentaires d’assurance maladie au financement des mesures de préparation et de réponse à une pandémie de grippe A (H1N1) 137

Après l’article 10 141

Article 11 : Fixation du seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde (« taux K ») – Compétence des unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) pour recouvrer les remises dues par les fabricants et distributeurs de dispositifs médicaux 142

Après l’article 11 148

Article 12 : Contribution sur les dépenses de promotion des fabricants, importateurs et distributeurs de dispositifs médicaux 150

Article 13 : Modification de la clef de répartition des droits de consommation sur les tabacs et financement du régime complémentaire des exploitants agricoles 155

Article additionnel après l’article 13 : Augmentation du droit de consommation sur les tabacs 163

Article 14 : Réforme du dispositif des retraites « chapeau » 164

Après l’article 14 172

Article additionnel après l’article 14 : Entrée en vigueur de la contribution salariale sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions 174

Article 15 : Augmentation du forfait social 177

Article 16 : Suppression du seuil annuel de cession de valeurs mobilières et droits sociaux pour l’imposition des plus-values aux prélèvements sociaux 182

Article 17 : Aménagement du régime des contrats d’assurance vie au regard des contributions sociales en cas de décès 187

Après l’article 17 191

Article additionnel après l’article 17 : Suppression de la réduction forfaitaire de cotisations patronales sur l’avantage en nature accordé aux employeurs du secteur hôtels-cafés-restaurants dont les salariés se nourrissent sur leur lieu de travail 191

Article additionnel après l’article 17 : Assujetissement aux cotisations et contributions sociales des sommes ou avantages alloués aux salariés en lien avec leur activité principale par une personne tierce à leur employeur 192

Article additionnel après l’article 17 : Assujetissement aux cotisations et contributions sociales du bonus accordé aux salariés chargés de constituer des fonds de capital-risque 193

Article additionnel après l’article 17 : Suppression de l’exemption d’assiette instituée au profit des sportifs professionnels à hauteur des sommes correspondant à la commercialisation par leurs clubs de l’image collective de l’équipe à laquelle ils appartiennent 193

Article 18 : Exonération de cotisation vieillesse pour les centres communaux et intercommunaux d’action sociale 195

Article 19 : Non-compensation par le budget de l’État d’une mesure d’exonération de cotisations sociales 197

Article 20 : Approbation du montant de la compensation des exonérations de cotisations sociales 200

Après l’article 20 217

Avant l’article 21 223

Section 2 : Prévisions de recettes et tableaux d’équilibre 224

Article 21 : Fixation des prévisions de recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base, du régime général et des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base 224

Article 22 : Approbation du tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base 229

Article 23 : Approbation du tableau d’équilibre du régime général 231

Article 24 : Approbation du tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base 237

Article 25 : Objectif d’amortissement de la dette sociale et affectation de recettes au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) 239

Section 3 : Dispositions relatives à la trésorerie et à la comptabilité 240

Article 26 : Comptabilisation de certaines prestations servies par les organismes de sécurité sociale pour le compte de tiers 240

Article 27 : Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l’emprunt 243

QUATRIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR 2010 259

Section 5 : Dispositions relatives à la gestion du risque et à l’organisation ou à la gestion interne des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement 259

Article 48 : Renforcement du pouvoir de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole en matière de pilotage des caisses locales 259

Après l’article 48 262

Section 6 : Dispositions relatives aux organismes concourant au financement des régimes obligatoires 263

Article 49 : Fixation des prévisions des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale 263

Section 7 : Dispositions relatives au contrôle et à la lutte contre la fraude 263

Article 50 : Réforme des pénalités financières 263

Article 51 : Détection des logements physiques ouvrant droit à une aide au logement 268

Article 52 : Prorogation de l’expérimentation d’une suspension du versement des aides au logement en cas de fraude 274

Article 53 : Mesures relatives aux contrôles des arrêts de travail 277

Article 54 : Pénalités adaptées aux activités de soins de santé 288

Après l’article 54 296

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 301

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 6, 28 à 32,
34 à 37
et 42 à 45 figurent dans le rapport de M. Jean-Pierre Door, sur l’assurance maladie et les accidents du travail (n° 1994, tome II).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 38 à 41 figurent dans le rapport de M. Denis Jacquat, sur l’assurance vieillesse (n° 1994, tome III).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 46 et 47 figurent dans le rapport de Mme Marie-Françoise Clergeau, sur la famille (n° 1994, tome IV).

Les commentaires et les débats en commission sur l’article 33 figurent dans le rapport de Mme Isabelle Vasseur, sur le médico-social (n° 1994, tome V).

Le tableau comparatif et l’annexe consacrée aux amendements examinés en commission figurent dans le fascicule n° 1994, tome VI.

INTRODUCTION

Chaque année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme tout bon millésime qui se respecte, suscite une surenchère de qualificatifs : depuis 1996, nous avons ainsi connu des projets tour à tour « ambitieux », « réalistes », « réformateurs » ou « de transition ».

Comment donc qualifier le présent projet de loi ? Un projet « d’attente », sans nul doute, à la mesure d’une année 2010 placée sous le signe de l’incertitude : les effets de la crise se feront pleinement sentir en même temps qu’il faudra veiller à ne pas décourager les débuts de reprise de la croissance – et ce tout en menant à bien une réforme décisive des retraites et en réglant la question des déficits et de la dette.

Mais c’est aussi un projet de loi de financement de tous les records : le plus court (54 articles) depuis l’entrée en vigueur de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, mais surtout celui dans lequel se succèdent des chiffres que chacun s’accorde à décrire comme « vertigineux » ou « abyssaux ».

1. Les finances sociales dans la tourmente

Près de 170 milliards d’euros de déficits cumulés tous régimes à l’horizon 2013, près de 90 milliards d’euros de dette à amortir reprise par la CADES, une autorisation de découvert à court terme de l’ACOSS à hauteur de 65 milliards d’euros, un déficit du régime général de plus de 30 milliards d’euros pour 2010, le tout avec deux années consécutives de baisse de la masse salariale et un dérapage du déficit de plus de 20 milliards d’euros d’un exercice à l’autre : autant d’évolutions sans précédent dans l’histoire de la sécurité sociale dans notre pays.

Ainsi que l’observait M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, lors d’une de ses auditions par votre commission des affaires sociales, les chiffres finiraient par en perdre toute signification et suggérer ainsi paradoxalement que les déficits peuvent s’accumuler année après année sans que rien ne change fondamentalement. Et, ce faisant, il serait tout aussi dangereux que tentant de penser qu’il est nécessaire que rien ne change fondamentalement.

Il y a certes le poids de la conjoncture bien sûr : lorsqu’on sait que 1 point de masse salariale équivaut à environ 2 milliards d’euros de recettes pour le régime général, l’aggravation du déficit n’est certes pas surprenante, puisque l’évolution de la masse salariale passerait de + 4,8 % en 2007 et + 3,6 % en 2008 à – 2,0 % en 2009 et encore – 0,4 % en 2010. Autrement dit, l’impact de la crise sur le régime général entre 2008 et 2009 se mesure aisément : 11 milliards d’euros de pertes de recettes.

Le Gouvernement est donc tout à fait fondé à souligner le caractère exceptionnel de la situation économique. De même, l’ensemble des représentants des caisses nationales et des syndicats, tant de salariés que d’employeurs, que votre rapporteur a auditionnés, se sont plu à souligner le rôle d’amortisseur joué par notre système de protection sociale en ces temps de récession : pour ce qui est du champ de la sécurité sociale proprement dite, les retraites par répartition n’ont pas essuyé les revers de fortune, parfois très sensibles, que certains pays ont dû déplorer et les prestations familiales ont plus que jamais joué un rôle essentiel dans le maintien du revenu des ménages français. Autant d’atouts qui plaident donc plus que jamais pour la sauvegarde de notre modèle social.

Conservant toutefois à l’esprit que les déficits prévus dans le cadre du présent projet de loi demeurent, pour le seul régime général, très proches de 30 milliards d’euros, malgré des hypothèses économiques relativement volontaristes, pour chacun des exercices 2011 à 2013, votre rapporteur estime qu’il n’est plus possible de parler de déficit conjoncturel, mais que nous faisons face à un grave problème structurel.

Car la crise ne se limitera pas à un aller-retour rapide sur les courbes retraçant l’évolution de la richesse nationale. En effet, pour retrouver le sentier de l’équilibre après une dégradation aussi profonde des recettes, le différentiel de croissance nécessaire pour enrayer la spirale des déficits et commencer à remonter la pente est considérable : il faudrait en effet une progression annuelle du PIB de plus de 3 %, correspondant à une masse salariale augmentant de 7 %. Or, le constat qu’on peut établir à l’issue des deux dernières décennies est que les périodes de croissance forte et continue sont loin derrière nous, de telle sorte que nous ne pouvons compter que sur un rythme moyen de l’ordre de 1,5 % par an. Par conséquent, le retour au niveau de recettes antérieur à la crise sera lent, tandis que les dépenses continueront de progresser selon leur rythme propre : redoutable effet de ciseau pour les comptes sociaux dans les années à venir.

Cela signifie donc qu’il sera impossible de compter sur le seul retour à une meilleure situation économique pour stabiliser durablement nos finances sociales. Dès lors, il faudra réformer le système, à l’image du constat opéré par M. Philippe Séguin devant votre commission des affaires sociales : lorsqu’il était ministre des affaires sociales (1986-1988), les plans ponctuels, notamment dans le domaine de l’assurance maladie, suffisaient encore à rétablir la situation, mais nous sommes aujourd’hui parvenus au stade où nous ne pouvons plus nous contenter de rafistoler.

Or, votre rapporteur est convaincu qu’au lieu de mener à bien les réformes nécessaires, notre pays n’a voulu ou n’a pu jusqu’à présent mettre en œuvre que les réformes faisables. Pour sa part, il a toujours tenu ce discours de vérité, car plus l’heure des choix est retardée, plus ceux-ci sont porteurs de conséquences douloureuses. C’est tout particulièrement le cas pour ce qui est de la branche vieillesse, où l’inéluctabilité des évolutions démographiques aurait pu permettre d’anticiper les décisions : de ce point de vue, la concertation de 2010 devra être large et approfondie, car le sujet mérite à la fois réflexion et consensus.

Mais, elle devra impérativement refuser les faux-semblants pour déboucher sur de véritables solutions, tant pour résoudre les problèmes que nous rencontrerons aussi bien à moyen (2020) qu’à long (2050) termes, mais aussi pour répondre aux besoins de financement à court terme. Car, s’il n’est pas illégitime de rationaliser, loi de financement après loi de financement, les tâches confiées au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), c’est-à-dire de faire la part des choses entre ce qui relève de l’assurance et ce qui relève de la solidarité, il n’en faut pas moins additionner le solde du fonds à celui des régimes proprement dits si l’on veut disposer d’une vision globale de la situation. À cette aune, la situation se dégrade très rapidement, le solde passant de – 12,5 milliards d’euros (tous régimes) en 2009 à – 18,8 milliards d’euros en 2013, sans oublier, parallèlement, des régimes complémentaires qui sont désormais dans le rouge (– 1,5 milliard d’euros en 2010). Or, parmi les leviers dont on dispose pour agir sur l’équilibre des régimes de retraite, c’est l’âge du départ à la retraite qui est le plus rapidement efficace.

Nos principaux voisins et partenaires l’ont d’ailleurs compris de longue date. Votre rapporteur avait déposé un amendement en ce sens au précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale : il s’agit seulement de tenir compte de ce que l’espérance de vie s’allonge d’un trimestre tous les ans. Le bénéfice de ce trimestre supplémentaire ne doit bien sûr pas être intégralement absorbé par un allongement des carrières, notamment pour nos concitoyens ayant exercé des métiers réellement pénibles, mais il doit contribuer à l’équilibre du système.

La conviction de votre rapporteur demeure inchangée : s’il n’a pas déposé d’amendement sur ce sujet cette année, c’est qu’il préfère d’abord laisser la place à la concertation qui se tiendra durant le premier semestre de 2010. Chacun
– syndicats, Gouvernement, Parlement – devra alors prendre ses responsabilités et en rendre compte devant les générations futures.

Au second semestre de 2010, une autre perspective de dessine de façon encore plus inévitable : celle d’un déficit de trésorerie cumulé de l’ACOSS qui, si rien n’est fait à ce moment-là, atteindra environ 100 milliards d’euros fin 2011. D’ici là, le Gouvernement assume le choix de l’impasse : faute de visibilité sur l’évolution de l’économie et dans le but de ne pas obérer la croissance, il remet à l’automne 2010 la définition d’une stratégie de traitement des déficits et de la dette. En un sens, la démarche a le mérite de la cohérence, puisqu’à l’automne 2008, pour financer la reprise de 27 milliards d’euros de dette, un transfert de 0,2 point de CSG du FSV vers la CADES avait déjà été préféré à une majoration de la CRDS de 0,189 point.

Fin 2009, une reprise de dette aurait nécessité une majoration comparable de la CRDS, d’environ 0,2 point. Une telle progression des prélèvements obligatoires aurait-elle radicalement plombé les espoirs placés dans la reprise de l’économie ? Votre rapporteur n’en est pas convaincu, estimant même que l’inquiétude des Français face à l’ampleur des déficits pourrait les conduire à augmenter excessivement leur épargne de précaution. Cela étant, cette solution profite d’une situation caractérisée par des taux d’intérêt à court terme exceptionnellement bas. Mais il faut prendre garde au caractère nécessairement réversible de cet état de fait, car le retournement se révélera, le moment venu, d’autant plus cuisant. Au demeurant, l’aggravation des déficits publics se traduit déjà par un décrochage en termes de taux avec l’Allemagne, dont le creusement serait extrêmement dangereux.

De 100 milliards d’euros fin 2011, on passerait à 170 milliards d’euros fin 2013. À cette date, la situation ne serait plus – au sens propre – soutenable. En effet, compte tenu de ce que la reprise de dette devient nécessairement de plus en plus coûteuse au fur et à mesure qu’on se rapproche de la date d’échéance de la CADES (2021), le transfert d’une telle somme à la Caisse nécessiterait une majoration de la CRDS d’environ 2 points. Et encore faudrait-il, en outre, relever la CSG pour assurer l’équilibre face à un déficit tendanciel de 30 milliards d’euros par an.

La tentation sera alors très forte de faire sauter le « verrou » ajouté par la loi organique de 2005, conditionnant toute reprise de dette à l’affectation des ressources nécessaires à son remboursement par le biais d’une interdiction de prolonger la durée de vie de la CADES. Ce qu’une loi organique a fait, une loi organique pourra bien sûr le défaire, laissant ensuite ouvertes plusieurs variantes : prolongation de la CADES, création d’une seconde structure de cantonnement à échéance plus éloignée, fongibilité des dettes de l’État et de la sécurité sociale, … Quelle que soit la solution alors retenue, elle sera l’aveu d’un échec : celui de notre incapacité à mener à bien les réformes nécessaires pour préserver le caractère durable de notre système de protection sociale.

Certes, en 2010, le déficit du régime général atteindra « seulement » 10,6 % de ses recettes, tandis que ce ratio est de l’ordre de 35 % (hors dépenses d’investissement) pour le budget de l’État. Certes, le coût de la dette des régimes de sécurité sociale atteindra « seulement » 2 % de leurs recettes, contre 15 % pour le budget général de l’État. Certes, l’en-cours de dette de la sécurité sociale équivaudra à « seulement » du 8 % du PIB, contre 84 % pour l’État.

Mais la comparaison n’a guère de sens : d’abord parce que la dette de l’État est constituée pour partie d’un endettement qui peut être admis, car correspondant à des dépenses d’investissement, mais surtout parce que la nature des dépenses de sécurité sociale, quelle que puisse être leur caractère d’investissement au regard de la famille ou même de la maladie, n’est pas du tout la même. Cette différence apparaît clairement dans le fait que la CADES finira
– peut-être – de payer en 2021 des dépenses de santé engagées vingt ans plus tôt : on ne peut faire apparaître plus crûment l’intolérable problème moral que pose ce report des charges sur la génération suivante, simplement en raison de notre incapacité à trouver en temps opportun les solutions de nature à assurer l’équilibre de nos régimes. Est-ce vraiment impossible, alors même qu’en Allemagne, l’assurance maladie est désormais excédentaire ?

2. Le projet du Gouvernement

Pour autant, il serait injuste de dire que le présent projet de loi de financement baisse les bras dans ces moments difficiles.

Votre rapporteur souligne d’abord l’effort accompli par le Gouvernement pour donner, dès sa première application, toute sa portée au nouveau 10° du III de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, introduit par l’article 12 de la loi organique n° 2009-403 du 16 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. Le Parlement a en effet créé à cette occasion une dixième annexe au projet de loi de financement, correspondant, pour les seules dispositions relevant du domaine partagé des lois de financement, à l’étude d’impact prévue à l’article 8 de la loi organique du 16 avril 2009.

Conformément aux dispositions de cet article, ces documents, intitulés en l’occurrence « fiches d’évaluation », « définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l’intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation. Ils exposent avec précision : l’articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration, et son impact sur l’ordre juridique interne ; l’état d’application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par le projet de loi ; les modalités d’application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées ; les conditions d’application » outre-mer des dispositions envisagées ; « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ; l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public ; les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d’État ; la liste prévisionnelle des textes d’application nécessaires. »

Même si les annexes comparant les textes en vigueur avec les textes modifiés font très largement double emploi avec le tableau comparatif figurant au tome VI du présent rapport, il faut néanmoins saluer le soin apporté à ce travail ainsi que son caractère exhaustif, qui constituent un véritable apport à l’information du Parlement.

Par rapport à des comptes tendanciels qui auraient porté le déficit du régime général à 33,6 milliards d’euros en 2010, les mesures du projet de loi, tant en recettes qu’en dépenses, ayant une incidence financière sur cet exercice permettent de ramener le déficit à 30,6 milliards d’euros. Ces 3 milliards d’euros représentent à la fois peu et beaucoup. Peu en valeur relative, au regard de l’ampleur des déficits, sans doute, mais il aurait été choquant de tirer prétexte de cette ampleur pour considérer que rien ne devait être fait ; beaucoup, en revanche, en valeur absolue, puisque ce montant, certes en retrait par rapport à celui que prévoyait la loi de financement pour 2009, équivaut par exemple à celui qui résultait de la loi de financement pour 2008.

Les 3 milliards d’euros résultent, pour les quatre cinquièmes, de mesures de dépenses, c’est-à-dire d’économies nettes. On le doit essentiellement à un ONDAM fixé à 3 % (et même à 2,8 % pour les soins de ville et les établissements), faisant suite à un objectif de 3,3 % pour 2009, lequel serait quasiment respecté. Faut-il pour autant considérer que l’ONDAM 2010 mérite les deux qualificatifs qui lui ont été conférés, comme chaque année depuis 1997 : « ambitieux » et « réaliste » ?

Car à quelque chose malheur est bon : la crise s’accompagne d’une quasi-stabilité des prix, de telle sorte que ces 3 % de progression offrent une marge plus que raisonnable, à la hauteur de ce que coûtent chaque année le progrès médical et le vieillissement de la population. En outre, la modération des prix devrait trouver son pendant dans la modération salariale, de telle sorte que le respect de l’objectif hospitalier devrait en être facilité, au vu du poids des dépenses de personnel dans les budgets des établissements.

À cet égard, votre rapporteur se félicite que l’article 60 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté à son initiative, ait été mis en œuvre dès cette année dans le programme de qualité et d’efficience (PQE) « Maladie » annexé au présent projet de loi. Le Parlement avait en effet souhaité que ce document comporte « des éléments relatifs aux effectifs et à la masse salariale des établissements de santé, permettant notamment d’apprécier les conditions dans lesquelles » est appliqué le compte épargne-temps. Le nouvel indicateur n° 13 (« Évolution des effectifs et des dépenses de personnel des établissements de santé ») des données de cadrage propose ainsi trois sous-indicateurs : évolution des effectifs de personnel médical et non médical, évolution des dépenses de personnel, utilisation des comptes épargne-temps dans les établissements publics de santé.

Sur ce dernier point, le PQE communique les éléments d’une enquête réalisée en septembre 2008 par la direction des hôpitaux et de l’organisation des soins (DHOS) auprès de l’ensemble des établissements publics de santé. Au 31 décembre 2007, le personnel non médical n’avait été indemnisé que de 349 555 jours sur 1 791 207 jours épargnés, les chiffres étant respectivement de 562 194 jours et 1 823 499 jours pour le personnel médical, pour une dépense d’indemnisation respectivement de 42 millions d’euros et 218 millions d’euros. Pour le personnel non médical, la moyenne était de 21 jours par compte, contre 43 jours pour le personnel médical. Au 15 septembre 2008, il restait ainsi environ 1,2 million de jours pour le personnel non médical et 1,1 million de jours pour le personnel médical.

Dans le domaine des retraites, le présent projet de loi de financement donne une réponse satisfaisante au problème posé par la décision de la Cour de cassation relative à la majoration de durée d’assurance vieillesse.

Pour ce qui est des recettes nouvelles nettes, la moitié provient d’une mesure non renouvelable, qui n’exerce donc d’effet que sur l’année 2010 : il s’agit de la contribution des organismes complémentaires d’assurance maladie au financement de la lutte contre la pandémie grippale. Les autres recettes ne sont pas insignifiantes pour autant, à commencer par la principale, consistant dans le doublement du taux du forfait social de 2 % créé par la loi de financement pour 2009. Cette contribution se rapproche ainsi de la flat tax dont la mission d’information commune à nos commissions des affaires sociales et des finances avait souhaité la création en juin 2008 : une évolution qui n’est pas que purement symbolique, puisqu’elle rapportera près de 400 millions d’euros dès 2010.

Par ailleurs, votre rapporteur salue l’ouverture d’esprit dont fait preuve le Gouvernement, qui a soutenu ou repris à son compte plusieurs des mesures proposées à son initiative par la commission des affaires sociales. L’an dernier, l’Assemblée nationale avait ainsi adopté, en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un rattrapage et une indexation des droits sur les alcools, dont certains n’avaient pas été réévaluées depuis plus de vingt-cinq ans. Le Gouvernement s’était alors opposé en vain à un relèvement de la contribution sur les alcools forts – dont le Sénat avait ensuite voté la suppression – mais a finalement accueilli avec satisfaction la décision de la commission mixte paritaire de rétablir cette mesure, dont le rendement devait se monter à 80 millions d’euros par an.

De même, la commission des affaires sociales avait adopté un amendement en trois volets :

– l’assujettissement aux cotisations et contributions sociales au premier euro des indemnités de départ (« parachutes dorés »), dès lors que leur montant est supérieur à 30 fois le plafond de la sécurité sociale :

– le doublement des taux de la contribution sur les retraites « chapeau » ;

– l’application, dès 2009, de la contribution salariale sur les cessions de stock-options et attributions gratuites d’actions instituée, aux côtés de la contribution patronale, par la loi de financement pour 2008.

Le Gouvernement n’avait alors donné son accord qu’au premier volet, symboliquement important mais financièrement modique, lequel est devenu l’article 14 de la loi de financement pour 2009. Mais les deux autres volets ont été repris dès cette année à l’occasion du présent projet de loi.

D’une part, votre commission a adopté un amendement tendant à rendre immédiatement applicable la contribution salariale sur les cessions de stock-options. D’autre part, le Gouvernement, quant à lui, a repris à son compte le doublement de la contribution sur les retraites « chapeau » (article 14 du présent projet de loi), alors que l’an passé, il avait indiqué lors de l’examen de l’amendement de la commission que les « retraites chapeau ne sont rien d’autres que des retraites complémentaires destinées aux cadres, en contrepartie de cotisations supplémentaires versées à la fois par le salarié et par l’entreprise. Ce dispositif ne s’appliquant qu’aux salariés encore en poste dans l’entreprise, il permet à cette dernière de conserver le plus longtemps possible ses cadres dirigeants. Loin d’être réservé aux "super-patrons", il bénéficie à l’encadrement supérieur en général et concerne entre mille et trois mille entreprises en France. »

En outre, deux autres dispositions du présent projet de loi vont également dans le sens d’un assujettissement de revenus jusqu’alors exclus de l’assiette des cotisations et contributions : l’article 16 à l’égard des plus-values de cessions de valeurs mobilières, qui n’aura toutefois d’incidence sur les recettes qu’à compter de 2011, et l’article 17 à l’égard des produits de certains contrats d’assurance vie.

3. Les améliorations que votre commission des affaires sociales a souhaité apporter au projet de loi

Votre commission des affaires sociales propose à l’Assemblée nationale d’aller encore plus loin. Notre commission des finances, de son côté, a également adopté des modifications allant dans un sens comparable : un amendement au projet de loi de finances pour 2010, adopté sur la proposition de son rapporteur général, M. Gilles Carrez, et de la rapporteure pour avis du présent projet de loi, Mme Marie-Anne Montchamp, prévoit ainsi l’assujettissement aux prélèvements sociaux des plus-values immobilières exonérées totalement ou partiellement du fait de l’abattement pour durée de détention. Par ailleurs, dans le cadre du présent projet de loi, elle souhaite que soit instaurée une contribution sur les boissons sucrées, initiative louable qui rejoint l’une des préoccupations de votre rapporteur.

Les amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 adoptés par la commission à l’initiative de votre rapporteur, se traduisent par plus de 1 milliard d’euros de recettes nouvelles, toutes de caractère pérenne. Hormis la majoration des droits de consommation et des minima de perception sur les tabacs, ces amendements témoignent, pour la plupart, du souci de mettre fin à certaines des nombreuses anomalies constitutives de niches sociales, anomalies encore plus contestables à l’heure où les régimes sociaux ont besoin de recettes supplémentaires et où l’assiette salariale, base des cotisations sociales, a tendance à s’effriter sous l’effet de la progression de dispositifs de rémunération non soumis aux cotisations et contributions sociales.

L’idée consistant à tendre vers un prélèvement universel à faible taux (flat tax) a ainsi continué de faire son chemin cette année : le fait que les amendements votés portent sur des catégories aussi différentes que les sportifs de haut niveau, les employeurs du secteur des hôtels-cafés-restaurants ou les salariés bénéficiant de gratifications de personnes tierces montre que contrairement à ce que certains laissent accroire, la commission ne s’est pas acharnée exclusivement sur les « petits » ou sur les « gros », mais s’est efforcée de répartir la charge de l’effort.

En ce sens, votre rapporteur regrette que la commission n’ait pas approuvé sa proposition de mettre fin à l’inégalité criante dans laquelle se déroule désormais l’acquisition des chèques-vacances : assujettissement aux contributions et cotisations sociales de droit commun lorsqu’ils sont accordés dans les entreprises de moins de 50 salariés, exonération lorsqu’ils sont accordés par les seuls comités d’entreprise en tant qu’organismes sociaux. Résultant de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, cette situation paraît, en effet, à la fois inéquitable et absurde.

Cela étant, deux des niches fiscales supprimées par votre commission étant compensées par le budget de l’État, ses dépenses seront donc minorées de près de 180 millions d’euros :

– 150 millions d’euros au titre de la réduction forfaitaire de cotisations patronales sur l’avantage en nature que les employeurs du secteur des hôtels-cafés-restaurants accordent à ceux de leurs salariés se nourrissant sur leur lieu de travail sous la forme de repas ou d’indemnité compensatrice. Votre commission a en effet jugé qu’il était possible de demander à ce secteur de participer à la résorption des niches sociales, d’autant qu’il bénéficie, avec la baisse de la TVA, de 2,5 milliards d’euros par an – une somme correspondant à l’économie réalisée par l’État lorsqu’il ne remplace pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ;

– 26 millions d’euros au titre de l’exemption d’assiette instituée depuis 2005 au profit des sportifs professionnels à hauteur des sommes correspondant à la commercialisation par leurs clubs de l’image collective de l’équipe à laquelle ils appartiennent. Ici aussi, votre commission a estimé que les bénéficiaires devaient revenir à deux valeurs essentielles du sport : le sens collectif et l’effort individuel.

Hormis l’entrée en vigueur immédiate de la contribution salariale sur les stock-options et attributions gratuites d’actions, précédemment évoquée, les autres niches sociales que votre commission recommande également de réformer ne portent pas nécessairement sur des montants aussi importants, mais en la matière, le respect des principes par tous est le garant d’une bonne acceptation par tous.

C’est le cas de cette zone d’ombre que constituent les sommes ou avantages alloués aux salariés en lien avec leur activité principale par une personne tierce à leur employeur : il s’agit, pour reprendre les exemples fournis par l’annexe 5 au présent projet de loi, des cadeaux, voyages, séjours ou bons d’achat offerts par les fabricants automobiles aux concessionnaires, par les laboratoires cosmétiques aux employés de pharmacie ou bien par les sociétés de location de voitures aux portiers de grands hôtels. Il n’existe actuellement pas de statut précis pour ces rémunérations, dont on voit mal pourquoi la difficulté à les appréhender les exonérerait de toute contribution au financement de la protection sociale.

Votre commission a également souhaité s’intéresser aux carried interests, dont une partie est assimilable à une rémunération et doit donc être assujettie aux cotisations sociales. Si les plus-values supportent les contributions sociales au taux de 12,1 %, de fait, les salariés des équipes de gestion des sociétés de capital-risque bénéficient, à raison de leur activité salariée, d’un traitement plus avantageux par rapport aux investisseurs extérieurs, sous la forme de sommes prélevées sur le résultat global du fonds en contrepartie d’un moindre investissement en capital.

De même, votre commission a étendu le forfait social à l’intéressement, à la participation et aux dispositifs d’épargne salariale auxquels les dirigeants d’entreprise peuvent accéder dans certaines conditions, la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail ayant élargi aux dirigeants d’entreprise de moins de 250 salariés le bénéfice de l’intéressement, du plan d’épargne d’entreprise, du plan d’épargne pour la retraite collectif et de l’épargne salariale.

Votre commission a en revanche réservé sa position sur les allégements généraux de cotisations sociales. Les montants en jeu sont certes très élevés, mais il ne serait pas raisonnable de déstabiliser des entreprises actuellement fragilisées par la crise, en remettant en cause tout ou partie de ces exonérations. Au demeurant, la mission d’information commune sur les exonérations de cotisations sociales a dégagé au printemps dernier un consensus sur l’efficacité de la « réduction Fillon » sur les bas salaires, dont on peut considérer qu’elle a permis de créer ou sauvegarder 700 000 à 800 000 emplois.

Mais il ne fait pas de doute que dans un contexte budgétaire tendu, des économies sont envisageables : le sujet sera donc à l’ordre du jour de 2010, une piste particulièrement intéressante consistant par exemple à annualiser le montant des salaires bénéficiant de la réduction de cotisations. Par ailleurs, hormis la suppression de l’avantage en nature du secteur des hôtels-cafés-restaurants susmentionnée, la commission n’a pas modifié le régime des autres exonérations ciblées.

Indépendamment du débat que suscite la pertinence de certaines de ces exonérations, votre rapporteur souligne la complexité qu’elles occasionnent dans le recouvrement des cotisations et contributions. Le phénomène est connu et avait d’ailleurs déjà été mis en lumière dans le rapport de la mission d’information commune, mais votre rapporteur a pu en prendre toute la mesure à l’occasion d’une mission qu’il a effectuée en juillet dernier dans une URSSAF.

Le contrôle qu’elles exercent évolue de plus en plus vers une activité de régulation : sur un peu plus de 1 milliard d’euros de redressements qu’elles ont effectués en 2008, 345 millions d’euros se sont ainsi révélés favorables aux cotisants, montant au sein desquels quatre dispositifs d’exonérations atteignent à eux seuls 60 %. Selon les témoignages recueillis par votre rapporteur, certaines mesures – le cas des exonérations bénéficiant aux zones franches urbaines a été cité – sont d’une complexité telle que le taux de redressement atteint 100 %. Dans de telles conditions, les exonérations, dont le régime évolue par ailleurs trop fréquemment dans le temps, finissent par nuire à la rentabilité du recouvrement.

Elles mettent également à rude épreuve la remarquable qualité du travail qu’accomplissent les agents des URSSAF. Avant même cette période de crise qui sollicite beaucoup les URSSAF et l’ACOSS dans la prévention des difficultés des entreprises, les « banquiers de la solidarité » ont su mettre en place une organisation très efficace du recouvrement, qui s’est affirmée au fil des années non seulement comme le pendant de celle de l’État, mais comme son égale.

Enfin, outre ces mesures de recettes, votre commission s’est également attachée, à l’initiative de votre rapporteur, à améliorer l’efficacité de la dépense de santé.

Considérant que la lettre d’intention signée le 15 octobre dernier sur la mise en place d’un nouveau secteur « optionnel » ne constituait qu’un premier pas dans la bonne direction, elle propose que les médecins en secteur 2 exercent au minimum un tiers de leur activité au tarif fixé par la convention, afin de répondre aux attentes concrètes des patients, particulièrement dans certaines régions défavorisées en termes d’offre de soins.

Votre commission a également mis l’accent sur le développement des génériques : si leur progression dans les parts de marché a été remarquable ces dernières années dans notre pays, ils n’en conservent pas moins une place très inférieure à celle qu’ils tiennent désormais chez nos voisins. Afin de dynamiser cette source très importante d’économies pour l’assurance maladie, deux mesures ont plus particulièrement retenu son attention :

– inciter les médecins à prescrire dans le répertoire des génériques lorsqu’il existe plusieurs alternatives médicamenteuses, sauf si cette solution n’est pas la plus économe ou si elle n’est pas dans l’intérêt du patient. Pour y parvenir, il est proposé, dans un premier temps, d’avoir recours aux indicateurs du contrat d’amélioration des pratiques individuelles et, en cas de non-respect au-delà d’un certain nombre de prescriptions, de pouvoir mettre en œuvre la procédure d’accord préalable actuellement prévue par le code de la sécurité sociale ;

– faire en sorte que la forme, la couleur et la saveur du princeps ne fassent pas partie des éléments essentiels du brevet, car il s’agit d’autant de moyens d’identification essentiels pour certains patients, en particulier les personnes âgées.

Sur le médicament, votre commission a par ailleurs souhaité que les entreprises pharmaceutiques soient libres de fixer leurs prix lorsqu’il s’agit d’exporter des produits fabriqués en France, tout en limitant le caractère lucratif des exportations parallèles. Dans un souci de justice, mais aussi afin de veiller à ce que les collectivités publiques n’oublient pas qu’elles sont leur propre assureur en ce domaine, il est proposé que le contrôle des arrêts de travail dans les trois fonctions publiques soit contractualisé avec le service du contrôle médical de l’assurance maladie et que le système de la contre-visite y soit transposé.

Votre commission s’est également préoccupée des organismes complémentaires d’assurance maladie, qui tiennent un rôle croissant dans le financement de nos dépenses de soins. La baisse du taux de prise en charge de certains médicaments décidée dans le cadre du présent projet de loi fournit l’occasion de leur confier des responsabilités accrues, au travers de la faculté qui leur est ouverte, pour ces médicaments, d’en rembourser une part importante. Mais, ils ne seront disposés à s’engager plus avant que s’ils peuvent accéder, pour les médicaments pour lesquels la participation de l’assuré est supérieure ou égale à 85 %, au code « CIP ». L’assuré pourra alors choisir le type de contrat qu’il entend souscrire, en toute connaissance de cause, compte tenu de sa propre consommation de médicaments dont le service médical est jugé, au mieux, faible ou insuffisant.

Dans le même ordre d’idées, il convient de développer l’information sur les tarifs des consultations et des actes : au-delà de l’affichage dans les salles d’attente et des quelques données dont peuvent disposer les assurés sur le site Ameli de la CNAMTS, la publication des honoraires et tarifs des professionnels, tant sur le site Ameli que, le cas échéant, sur celui de l’établissement dans lequel ils exercent, serait de nature à améliorer l’information des assurés et, partant, à susciter d’importantes économies dans les dépenses de soins.

S’agissant des organismes complémentaires, la loi de financement pour 2009 a majoré leur contribution au financement du fonds CMU. Cette décision avait alors été contestée au motif qu’ils n’auraient pas disposé de réserves suffisantes pour faire face à cette charge nouvelle, notamment au regard des futures exigences de solvabilité prévues par la réglementation communautaire, et qu’ils auraient donc été contraints de majorer leurs primes. Votre rapporteur avait démontré qu’il n’en était rien et se sent conforté dans son analyse à la lecture du rapport annuel que le Parlement avait demandé à cette occasion, afin de disposer d’une information complète sur ces questions, lui permettant de se prononcer en connaissance de cause sur le montant de la contribution destinée au fonds CMU.

Il regrette néanmoins la présentation tardive de ce rapport, bien au-delà de la date du 15 septembre que la loi avait fixée pour sa transmission. D’après les informations qui lui ont été communiquées, ce retard tient à des difficultés dans la collecte des données, lesquelles sont d’ailleurs partielles, notamment pour les petites mutuelles et institutions de prévoyance, ce qui a conduit la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la solidarité à devoir opérer de nombreux retraitements comptables. Il semble, en effet, que les textes prévoient que les éléments comptables doivent être transmis chaque année par les assureurs à l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM) pour le 30 avril, mais que les mutuelles bénéficient d'un mois supplémentaire, c’est-à-dire jusqu’au 31 mai. Il conviendrait donc dans l’avenir que ces délais de transmission soient harmonisés.

Il n’en ressort pas moins que la croissance de l’activité « santé » des organismes complémentaires s’est poursuivie à un rythme soutenu en 2008 et au premier semestre de 2009, en particulier pour les sociétés d’assurance, de telle sorte que le secteur a été rapidement en mesure d’absorber la contribution supplémentaire qui lui a été demandée.

Enfin, votre rapporteur considère que d’autres mesures permettraient d’améliorer l’efficience de notre couverture maladie. Ainsi, le grand succès rencontré par le contrat d’amélioration des pratiques individuelles mériterait d’être consolidé à un triple titre :

– en faisant en sorte qu’il ne fasse pas l’objet de menaces de la part de l’Ordre des médecins, qui a voulu en freiner le développement ;

– en définissant son articulation avec le dispositif conventionnel ;

– en s’en servant comme outil de mise en œuvre des objectifs annuels de maîtrise médicalisée des dépenses d’assurance maladie.

Mais la responsabilisation dans l’avenir de notre système de protection sociale doit être collective. Afin d’éviter la multiplication des arrêts de travail du vendredi ou du lundi, une journée de carence d’ordre public pourrait ainsi être instituée, précédant le délai de trois jours à l’expiration duquel les indemnités journalières sont versées. Même si ce n’est pas là sa finalité principale, en reportant d’une journée le moment où sont versées des indemnités journalières, cette mesure serait nécessairement génératrice d’économies pour l’assurance maladie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITIONS

A. AUDITION DE M. PHILIPPE SÉGUIN, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

La commission des affaires sociales a entendu M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes sur le rapport de la Cour relatif à l’application des lois de financement de la sécurité sociale au cours de sa séance du 16 septembre 2009.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je suis heureux d’accueillir M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, pour la présentation du rapport annuel de la Cour sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

Ce rapport traite de trois points principaux.

D’abord, il procède à une analyse de l’ensemble des comptes des organismes pour l’année 2008 ainsi qu’à un examen de la mise en œuvre de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

La deuxième partie, qui regroupe les travaux consacrés aux dépenses hospitalières, à l’organisation de l’hôpital et à la mise en œuvre de la tarification à l’activité (T2A), met en lumière la très grande hétérogénéité des résultats, donc l’existence de marges de progrès.

Parmi les travaux sur la gestion des risques sociaux, présentés par la Cour en troisième partie, on retiendra en particulier les observations relatives à la durée d’assurance dans le calcul des droits à retraite et à la prise en compte des enfants dans la durée d’assurance pour la retraite.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. C’est toujours pour nous un honneur de présenter devant votre Commission le rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Comme à l’accoutumée, le rapport de 2009 commence par l’analyse des comptes de l’exercice clos, en l’occurrence celui de 2008, et rassemble ensuite divers travaux, relatifs aux différentes branches et régimes de base de la sécurité sociale.

Certains sujets, vous le constaterez, sont totalement dans l’actualité : ainsi en va-t-il des travaux sur les avantages familiaux de retraite, qui devraient être révisés par la prochaine loi de financement de la sécurité sociale. Certains autres sujets sont plus techniques, mais tout aussi importants à mes yeux : ainsi en va-t-il des travaux relatifs à la durée d’assurance pour le calcul des retraites ou à la mise en œuvre de la T2A.

J’ai tout à fait conscience qu’en dépit de la variété des sujets traités, nous ne répondrons pas à toutes les curiosités : nous ne dirons rien sur la grippe A, vous vous en doutez – c’est trop tôt. Rien non plus sur la crise et ses conséquences éventuelles pour notre protection sociale : notre rapport porte sur l’application de la loi de financement pour 2008, année encore peu marquée par la crise.

Notre travail pourrait apparaître, de ce fait, comme « décalé » ou même « déphasé ». Il est en effet évident que la crise et les réponses qui lui ont été apportées ont désormais, en 2009, et auront encore en 2010, un impact majeur sur les comptes sociaux. On sait déjà que les résultats de 2009 vont se dégrader très fortement, notamment sous l’effet de la baisse des recettes et de la progression, toujours dynamique, des charges. Le déficit va sans doute dépasser les 20 milliards d’euros. Mais tout cela, nous l’avions déjà évoqué devant vous en juin dernier lors de la présentation de notre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques devant votre commission et la Commission des finances. Inutile donc d’y revenir, d’autant que l’évolution de la situation n’a fait que conforter notre première analyse.

En outre, rien ne serait plus dangereux à nos yeux que de tirer prétexte de la situation conjoncturelle pour ne pas voir qu’avant même la crise, la sécurité sociale faisait face à un déficit structurel de plus de 10 milliards d’euros – dans l’hypothèse la plus favorable – et à une dette cumulée de plus de 100 milliards. C’est ce que montre ce rapport. Il est ainsi tout à fait actuel, car il traite du problème de fond, celui des causes du déficit structurel, c’est-à-dire de ce qui demeurera, voire se dégradera encore, une fois les effets de la crise dissipés.

Rien ne serait donc plus dangereux que de faire de la crise un prétexte pour différer les indispensables réformes de notre protection sociale et de son financement.

On ne peut plus, en effet, se contenter de demi-mesures. Il faut certes lutter contre la fraude, réexaminer certaines réglementations obsolètes : on peut toujours « optimiser » le système existant, mais cela ne pourra suffire ni à résorber les milliards de dette accumulée ni à répondre à l’explosion des dépenses. Il faudra des mesures de plus grande ampleur, tant pour les retraites que pour l’organisation et le fonctionnement du système de santé. Ces mesures seront douloureuses pour beaucoup et seront, à n’en pas douter, impopulaires. Mais elles sont nécessaires si l’on veut sauvegarder au profit des générations futures le bénéfice de ce que nous ont légué ceux qui nous ont précédés.

On en vient même à penser que certaines des mesures ponctuelles mises en œuvre ont eu, faute de vision d’ensemble, des effets contreproductifs, pour ne pas dire pervers. Que penser du report croissant de charges sur des mutuelles et des complémentaires, alors que l’on connaît le caractère antiredistributif d’une telle évolution ? Que penser également du réflexe consistant à faire porter sur le malade une charge croissante ? La logique de notre système était précisément d’organiser une solidarité entre les Français, entre les bien-portants et les malades, entre les actifs et les retraités.

Il n’y a pas à s’étonner de la situation que nous vivons. Nous sommes dans un contexte qui n’est plus du tout celui de la période de création du système : d’un côté, nous devons faire face à une explosion des dépenses sous l’effet du vieillissement, du progrès médical, de l’attention accrue portée à la santé ; de l’autre, la mondialisation fait du poids des charges sociales une hypothèque pour la compétitivité de notre pays. Tel est le problème structurel. Pour y répondre, il faut des réformes profondes, des réformes de fond, non des demi-mesures ou des ajustements ponctuels. Et ces réformes doivent porter autant sur les dépenses que sur les recettes. En d’autres termes, il faut rationaliser les dépenses et remettre à plat le système de financement en gardant à l’esprit deux impératifs : celui de la compétitivité de notre économie et celui de l’équité.

Le rapport que je vous présente au nom de la Cour n’a d’autre ambition, comme ceux qui l’ont précédé, que d’analyser à cette aune deux des réformes structurelles engagées, mais trop timidement à notre sens, en ce qui concerne les retraites et l’hôpital. Il passe en revue également plusieurs exemples de réformes, moins profondes mais qui seraient pourtant utiles et qui se trouvent trop souvent à peine amorcées ou renvoyées à plus tard.

Avant de revenir sur ces points, je commencerai, comme tous les ans, par rendre compte des résultats des régimes obligatoires de base et des fonds de financement. Je ne dirai rien cette année des tableaux d’équilibre, sauf pour signaler que nous continuons à contester la présentation retenue pour ces tableaux dans le projet de loi, présentation qui, par le jeu de contractions de produits et de charges – provisions et reprises de provisions, par exemple –, conduit à afficher des montants inférieurs à ceux résultant de la consolidation des comptes des régimes. Pour autant, les soldes, eux, ne sont pas modifiés.

De façon générale, des progrès très importants restent à faire en matière de tenue des comptes. Je le rappelle, la Cour a refusé de certifier cette année les comptes de deux branches du régime général : vieillesse et famille. Ce n’est pas la marque d’une sévérité particulière. En effet, les commissaires aux comptes privés n’ont pas certifié les comptes de quatre autres régimes, et non des moindres puisqu’il s’agit du régime des salariés et exploitants agricoles, du Régime social des indépendants, de la Caisse d’assurance vieillesse des professions libérales et de la Caisse nationale autonome de la sécurité sociale dans les mines. Au total, les comptes, qui ont fait l’objet d’un refus de certification, représentent 45 % de l’ensemble des produits et charges des régimes de base. Cela donne une idée de l’ampleur des progrès à réaliser pour disposer de comptes fiables ! Voilà un sujet qui, à notre sens, pourrait faire l’objet d’un examen tout particulier à l’occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de connaître les intentions du Gouvernement en la matière. Je referme la parenthèse.

Le solde 2008, pour l’ensemble des régimes de base et des fonds de financement, ressort à - 11,9 milliards d’euros, contre - 11 milliards en 2007, si l’on met à part la reprise des dettes du Fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA) par l’État. Ce résultat traduit une légère dégradation par rapport à celui de 2007, mais il reste dans la ligne de ceux constatés depuis 2003, période au cours de laquelle les déficits ont toujours été supérieurs à 10 milliards d’euros.

Preuve que la crise n’avait que tardivement produit ses effets en 2008, les cotisations ont continué à augmenter, même si le rythme s’est un peu ralenti. La croissance de la masse salariale du privé, assiette des cotisations, s’est ainsi élevée à 3,6 % en 2008, contre 4,25 % en 2007.

Du côté des dépenses, de même, le rythme de progression ne s’est que peu infléchi : 5,5 % pour les prestations de retraites du régime général au lieu de 6,1 % en 2007, et 3,7 % pour les prestations en maladie au lieu de 4,1 % en 2007. Les déficits de ces deux branches restent donc importants : 4,4 milliards pour le seul régime général en maladie, soit une légère amélioration et 5,6 milliards pour la branche vieillesse du régime général, encore en dégradation sensible, soit un total de 10 milliards pour les deux branches.

Comme on le constate, l’effet de ciseaux entre l’évolution des produits et des charges s’était déjà, pour ces deux principaux risques, un peu accentué avant même la crise. Inutile de préciser qu’il va encore fortement s’accroître au cours des prochaines années. En 2009 et 2010, les recettes devraient au mieux stagner, alors que l’évolution des dépenses devrait rester inchangée.

En 2008, les résultats ont été améliorés par le rattachement à l’exercice de recettes non récurrentes : il s’agit notamment de la prise en compte de deux années de recettes de CSG sur les placements – du fait d’une réforme des règles de prélèvement –, ce qui améliore les résultats pour environ 1,4 milliard d’euros, et de celle de cinq trimestres de cotisations sociales dues par les employeurs indépendants, pour 0,9 milliard.

Au total, avec diverses autres opérations exceptionnelles, le résultat a été amélioré de près de 3 milliards d’euros. Ce qui signifie que l’on devrait en réalité retenir un déficit structurel – j’insiste sur ce terme – de l’ordre de 15 milliards d’euros en 2008.

Comme chaque année, la Cour a ensuite examiné les conditions de financement des découverts. Les déficits accumulés ont un coût : il est désormais nécessaire de consacrer plus de 7 milliards de prélèvements sociaux et fiscaux au paiement des intérêts et à l’amortissement de la dette sociale. Or, la sécurité sociale rencontre de plus en plus de difficultés à assurer le « portage » de cette dette. En témoignent les tensions intervenues entre l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et la Caisse des dépôts et consignations, notamment pour le calcul des rémunérations liées aux avances faites au régime général. Là encore, le caractère structurel du problème semble négligé, puisque cette dette est traitée comme si elle correspondait à des découverts infra-annuels, alors qu’elle résulte de déficits accumulés, pour des montants croissants. La composante de l’endettement qui dépasse les seuls besoins infra-annuels devrait donc être isolée dans la loi de financement et sa reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) doit être prévue, sans attendre que les déficits cumulés atteignent des dizaines de milliards d’euros. En effet, la pratique actuelle revient à priver de son sens la règle, pourtant posée par la loi organique, qui prévoit que l’endettement de long terme est porté par la CADES et que celle-ci doit disposer de ressources nouvelles en cas de reprise de dette, de sorte que son horizon d’apurement demeure inchangé. J’ajoute qu’en cas de remontée des taux d’intérêt, cette pratique s’avérerait immanquablement coûteuse.

Je suis bien conscient que le retour à l’équilibre, dont l’horizon n’avait d’ailleurs cessé de s’éloigner d’une loi de financement à l’autre, est maintenant hors d’atteinte tant que la croissance ne sera pas revenue. Il faut donc, en attendant, refinancer la dette en fonction de ses composantes et ne pas exclure de prévoir les recettes fiscales nécessaires à son amortissement.

Nous savons, par ailleurs, que les mesures d’économies ont rarement un rendement immédiat important. Cela ne dispense pas d’en prévoir, à condition qu’elles soient chiffrées de manière réaliste et effectivement mises en œuvre. Or, nous notons également, dans notre analyse de l’ONDAM, le rendement finalement amoindri, par rapport aux prévisions, des différentes actions d’économies ciblées. Toutes ces questions seront débattues, j’en suis sûr, lors de l’examen du prochain projet de loi de financement. Elles devraient inciter à relancer la recherche de redéploiements et d’économies partout où cela est possible sans fragiliser notre cohésion sociale.

Comme les années précédentes, une part importante de notre rapport porte sur les différentes politiques sociales et sur la gestion des organismes sociaux pour identifier des sources d’efficacité et d’efficience.

Je ne voudrais cependant pas que les membres de votre commission, et nos lecteurs en général, en retirent le sentiment que, pour la Cour, tout est négatif et contestable. Nous relevons, au contraire, nombre de progrès dans la gestion des organismes du régime général, dans la mise en œuvre du contrôle interne ou dans les performances des différentes branches. Le mouvement de regroupement des organismes, qui permet de leur donner la masse critique nécessaire, est désormais bien engagé. Dans le cadre des missions permanentes qui sont confiées à la Cour par la loi, nous rendons compte, en effet, du plus ou moins bon fonctionnement des organismes que nous contrôlons par l’intermédiaire du réseau d’alerte. Nous avons dans ce cadre spécifiquement examiné la situation des caisses générales de sécurité sociale dans les départements d’outre-mer, qui, elles, ne vont pas très bien. Il faut dire que leur mission à vocation multibranches et multirégimes est objectivement difficile. Nous appelons les caisses nationales à les soutenir davantage.

Nous montrons également, dans notre analyse des versements de cotisations sociales par l’État employeur, que celui-ci respecte généralement ses obligations, le ministère de la défense faisant cependant l’objet de nombreuses observations. Nous avons également analysé certains aspects des politiques de gestion du personnel des caisses du régime général, en relevant les progrès, encore hétérogènes il est vrai, vers une plus grande prise en compte des mérites individuels des personnels.

Ces diverses missions de contrôle, essentielles dans un État de droit et pour des services publics de cette importance, ont également pour mérite de nous aider à mettre en évidence les points sensibles. Elles nous permettent de relever les faiblesses dans la mise en œuvre des réformes en cours ou d’identifier diverses mesures susceptibles d’améliorer l’efficacité ou l’efficience des politiques sociales.

Sur le plan non plus de la gestion courante, mais de la mise en œuvre des réformes souhaitables, le constat est en effet beaucoup plus critique. Nombre de réformes qui pouvaient apparaître courageuses semblent ainsi se perdre dans les sables ou souffrir d’une application insuffisante ou trop partielle. J’en prendrai pour illustration deux réformes d’ampleur que nous avons examinées cette année : le plan Hôpital 2007, lancé en 2003, et la réforme des retraites de 2003. Je donnerai ensuite d’autres exemples de moindre portée, mais qui témoignent également, je crois, de cette difficulté et souvent de cette lenteur que nous constatons dans les évolutions indispensables des politiques sociales, difficulté et lenteur qui résultent souvent de l’insuffisante préparation des réformes, de la précipitation de leur mise en place ou des modifications de dernière minute dont la faisabilité est mal expertisée.

Premier exemple, la réforme hospitalière, initiée en 2003. Nous examinons successivement ses trois volets : la réforme de la gouvernance, avec notamment la création des pôles d’activité et, plus généralement, la question de l’organisation de l’hôpital public ; le volet immobilier du plan d’investissement « Hôpital 2007 » ; enfin la mise en œuvre de la tarification à l’activité.

Ces trois réformes auraient pu, auraient même dû sans doute, dessiner un cercle vertueux, au service d’un projet de restructuration de la carte hospitalière. Des tarifs fondés sur l’activité devaient pousser à rechercher une meilleure efficacité dans les différents services et à regrouper les établissements dont l’activité est insuffisante. Les aides à l’investissement devaient en priorité aider ces opérations de restructuration. Enfin, les outils nouveaux, dans les pôles et les services, devaient être désormais mis au service d’une approche intégrant le souci d’efficacité et d’efficience des soins, favorisant les regroupements de moyens et les synergies.

Or que constatons-nous ? L’enquête sur l’organisation de l’hôpital a confirmé l’étonnante disparité des performances, même pour des hôpitaux de taille comparable : les résultats économiques, la productivité des personnels, le coût des urgences, la part des examens dans ces urgences, le coût de la permanence des soins… Je pourrais multiplier les constats, détaillés dans le rapport, qui montrent des écarts souvent surprenants. Un seul exemple cependant : en chirurgie orthopédique, secteur où les comparaisons sont les plus aisées à établir, l’encadrement en personnel médical par lit varie de 1 à 10 selon les établissements considérés. Pour les personnels non médicaux, l’écart reste important, variant de 1 à 3. Et tout le reste à l’avenant… Aucun établissement n’obtenait d’ailleurs en 2006 des résultats satisfaisants dans les trois filières examinées – chirurgie orthopédique, obstétrique et pneumologie – ce qui laisse à penser que des progrès sont possibles dans tous les établissements. Autrement dit, que ces progrès restent à faire.

L’enquête a également permis de montrer que les recommandations de la Mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers (MEAH) – qui sera fusionnée dans la nouvelle Agence nationale d’appui à la performance –, restaient, par exemple en matière d’utilisation des blocs opératoires ou d’organisation des urgences, souvent ignorées ou non appliquées. On peut mettre ces constats en lien avec la mise en œuvre encore limitée des pôles, qui ne disposent qu’exceptionnellement des outils, des données et des délégations de compétence qui leur permettraient de contribuer à l’amélioration de la gestion des soins.

Deuxième constat, cohérent avec le premier, la tarification à l’activité a été introduite avec une rigueur insuffisante, ce qui a conduit tout d’abord à une succession de mesures correctives, le plus souvent prises en cours d’année, peu expliquées aux établissements, qui ont du coup davantage subi que compris les tarifs qui leur étaient notifiés. À mi-parcours – puisque, comme vous le savez, une période de transition est ouverte jusqu’à fin 2012 –, plusieurs questions de fond, posées depuis l’origine, n’ont toujours pas été véritablement traitées : quels coûts les tarifs doivent-ils couvrir ? Que peut signifier l’objectif de convergence entre les deux secteurs public et privé ? Quelle part donner aux dotations affectées au financement des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation (MIGAC) ? L’absence d’une stratégie d’ensemble se traduit également par une absence de cohérence dans l’évolution des différentes sources de recettes, qu’il s’agisse des arbitrages entre tarifs et dotations, du calcul des tickets modérateurs fondés sur des prix différents des tarifs T2A, ou de la tendance des hôpitaux publics à facturer des suppléments. Il en résulte une réduction insidieuse de la part des soins hospitaliers pris en charge par l’assurance maladie, même si cette part reste encore nettement plus élevée dans le secteur public que dans l’hospitalisation privée. Bref, le profit attendu de la mise en œuvre d’une tarification à l’activité, à savoir la mobilisation et la dynamisation des ressources dans les établissements, s’en est trouvé sensiblement amoindri.

Notre dernier constat concerne le volet immobilier du plan « Hôpital 2007 ». Certes, il fallait aider les établissements à se moderniser. C’était même indispensable. Mais, les moyens disponibles auraient dû être concentrés sur les projets réellement structurants, en complément des efforts d’adaptation imposés par le nouveau dispositif tarifaire. C’est bien ce qui était prévu, à l’origine, avec une enveloppe significative de 6 milliards d’euros. Mais, très vite, on a laissé dériver le montant des travaux aidés, porté dès le démarrage du plan à 10,6 milliards, puis encore accru au fil des mois jusqu’à plus de 16 milliards. Si quelques aides supplémentaires ont été mobilisées, à partir de la réserve ministérielle ou des réserves régionales des agences régionales de l’hospitalisation (ARH), le solde, soit près de 10 milliards, a été financé par les emprunts que les établissements ont dû contracter, dans des conditions parfois contestables, alors même que leur situation financière devenait plus fragile.

Quant à l’appréciation des effets qualitatifs du plan, elle est encore plus difficile en l’absence de recueil de l’information utile et de méthode adaptée. Des cas d’investissement peu efficaces ont été notés : ainsi en est-il du pôle mère-enfant, au Havre, analysé par la chambre régionale des comptes de Haute-Normandie, et de bien d’autres, non détaillés dans le rapport, qui ont mis en lumière des cas de suréquipement manifeste. Avant même la fin des travaux, une agence régionale a ainsi annoncé que certaines salles d’opérations neuves ne seraient pas ouvertes ! Les exemples donnés dans le rapport sont d’ailleurs équitablement répartis sur le territoire. À Tarbes, ce sont dix nouveaux blocs opératoires qui ont été construits – hors plan « Hôpital 2007 », faut-il préciser ? – alors que l’activité chirurgicale baisse dans cette ville depuis 2004.

Au total, aucune de ces réformes n’est critiquable sur le fond. C’est leur liaison défaillante et le manque de rigueur dans leur application qui a, au moins en partie, conduit à des résultats jusqu’à présent décevants. Je ne sous-estime évidemment pas la difficulté du chantier de la réforme hospitalière, dont témoigne d’ailleurs la récente loi Hôpital, patients, santé, territoires (dite « HPST »). Notre ambition est que les recommandations de la Cour soient utiles aux futures prises de décisions.

Deuxième sujet d’importance traité par la Cour cette année : les retraites. Nos travaux abordent en partie les effets de la réforme importante de 2003. Nous les avons concentrés cette année sur la durée d’assurance, l’un des paramètres du calcul des retraites réformé en 1993, puis en 2003. Je ne vous surprendrai guère en concluant que de nouvelles évolutions paraissent indispensables. Comme chacun sait, un nouveau rendez-vous concernant les retraites est prévu en 2010. Les temps ont en effet changé : la générosité des régimes de retraite, découlant de réformes mises en place dans les années 1970 et 1980, n’est aujourd’hui plus soutenable, en raison de la dégradation des rapports démographiques et leur corollaire, l’accroissement des déficits des régimes de retraite, et cela indépendamment de la crise économique actuelle.

La loi de 2003, en rendant encore plus complexe un corpus de règles déjà particulièrement dense et peu lisible, a rendu très difficile la prévisibilité des évolutions affectant les retraites. Néanmoins, il apparaît d’ores et déjà que le coût des départs en retraite anticipée pour carrières longues – 8,3 milliards d’euros pour le seul régime général depuis 2003 – a été très largement supérieur aux prévisions, en raison du recours massif à des systèmes de validation de trimestres mal calibrés et mal encadrés, faute d’avoir été réformés en temps utile. Le nombre de bénéficiaires a ainsi été supérieur de 80 000 au nombre initialement prévu. Au total, l’âge moyen de départ à la retraite a diminué entre 2001 et 2007, passant de 62 à 61 ans. On constate donc un effet exactement inverse du résultat espéré !

En matière de retraites, l’heure n’est plus à la multiplication des avantages catégoriels. Cette idée simple mérite encore d’être rappelée. Sans entrer dans le détail des mesures dont ont bénéficié les assurés du régime des travailleurs indépendants en 2009, je me contenterai de souligner que, pour gratifier les quelque 6 000 volontaires ayant participé à l’organisation de la Coupe du monde de rugby en 2007, on aurait quand même pu trouver un autre moyen que l’octroi de trimestres pour la retraite, partiellement financé par l’État !

La Cour recommande donc que l’équilibre des règles d’acquisition de trimestres pour la durée d’assurance soit modifié, dans le sens d’une contributivité renforcée, pour toutes les catégories d’assurés et pour toutes les générations.

Dans cette perspective, les pistes de réformes proposées dans le rapport sont nombreuses – je vous invite à vous y reporter. Parmi elles, certaines concernent plus spécifiquement la prise en compte des enfants dans la durée d’assurance pour les retraites. Les constats relatifs à la complexité du dispositif de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) ou à la nécessité de réformer la majoration de durée d’assurance (MDA) pour éviter son extension aux pères, apparaissent largement partagés. Ces dispositifs sont aujourd’hui inadaptés et peu compatibles avec l’objectif d’une augmentation du taux d’activité des femmes fixé par la stratégie de Lisbonne. Chacun convient qu’une réforme est indispensable.

Encore faut-il en dessiner les contours, clarifier les enjeux et les contraintes. En premier lieu, il n’appartient pas, selon nous, aux régimes de retraite de compenser l’effet sur le niveau des pensions des différences de salaires entre hommes et femmes, mais uniquement les interruptions de carrière dues aux jeunes enfants. Les prestations minimales sous condition de ressources sont précisément destinées à compléter les revenus trop faibles de certains retraités : c’est là leur objet même.

En second lieu, le contexte démographique et financier de la branche vieillesse nous paraît disqualifier toute solution qui consisterait seulement à partager des droits existants entre les parents ou à les étendre sans conditions aux pères, ce qui coûterait au moins 3 milliards d’euros.

La perspective sur laquelle nos travaux débouchent est donc celle d’une réforme des deux dispositifs, pour mieux cibler leurs effets et pour améliorer leur articulation. Ainsi, une assurance vieillesse des parents au foyer simplifiée compenserait les interruptions de carrières des parents motivées par l’éducation des jeunes enfants et une majoration de durée d’assurance réduite serait attribuée aux seules femmes en raison de l’accouchement ou de l’adoption.

Au-delà des deux chantiers d’ampleur que constitue la réforme hospitalière et des retraites, d’autres études confirment également le caractère trop partiel ou trop lent des réformes conduites jusqu’à présent.

Premier exemple développé dans le rapport, celui des centres d’examens de santé qui offrent aux assurés du régime général, tous les cinq ans, un examen de prévention. Nous mettons en évidence que le contenu de cet examen est très variable et que les liens avec les médecins traitants sont peu rigoureux – ce « peu rigoureux » étant une nouvelle illustration de ces litotes qu’affectionne la Cour ! Nous rappelons que, depuis des années, les spécialistes de santé publique interrogés par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAMTS) doutent de l’utilité même de ces examens et que les efforts pour les recentrer vers les publics précaires sont restés largement lettre morte. Dans ces conditions, comment justifier encore que près de la moitié des crédits de prévention de la caisse nationale, soit environ 150 millions d’euros par an, aille vers ces structures où travaillent plus de 2 000 personnes, personnel médical et surtout administratif ? Nous préconisons de les reconvertir, partout où c’est utile et possible, en centres de santé et de les supprimer dans les autres cas. Le diagnostic de lenteur des évolutions est ici d’autant plus évident que la Cour avait déjà formulé cette remarque en 1999.

De même, notre constat sur le contrôle médical de la caisse nationale reprend celui fait il y a près de dix ans, même si depuis lors une réforme structurelle importante – ou ressentie comme telle – a été réalisée. Depuis 2004, les services liquidant les prestations et les services du contrôle médical travaillent ensemble. Pour autant, le basculement de l’activité du service du contrôle médical vers des missions de contrôle a posteriori à partir d’une analyse préalable des risques, que nous appelons de nos vœux, n’a pas encore été accompli. Les quelque 9 000 médecins et personnels administratifs de ce service restent encore, pour l’essentiel, accaparés par des tâches d’instruction des autorisations préalables à certains soins, d’autant moins utiles que les taux de rejet sont le plus souvent très faibles. Par ailleurs, le contrôle des admissions en affection de longue durée (ALD) serait plus efficace, selon nous, s’il était exercé a posteriori, au moins pour les affections où les taux de rejet sont très faibles. En contrepartie, les moyens rendus disponibles par un allégement des contrôles a priori devraient être affectés au contrôle de la facturation des soins à l’hôpital, encore trop peu développé.

Toujours en ce qui concerne la gestion de l’assurance maladie, nous revenons également, cinq ans après de premières observations, sur les politiques de maîtrise, très insuffisantes, des dépenses de radiologie et de biologie, respectivement de 5,6 milliards et de 6,1 milliards d’euros. Dans ces deux secteurs, les évolutions technologiques permettraient des baisses de tarifs très supérieures à celles qui ont été jusqu’ici pratiquées. Les données disponibles sur le coût comparé des analyses biologiques montrent ainsi que les prix en France sont deux à trois fois supérieurs à ceux de pays voisins. Un seul exemple, l’analyse microbiologique d’urine, qui coûtait en 2004 2,74 euros en Suède et 6,93 euros en Italie, s’élevait à 18,90 euros en France, selon les données rassemblées par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Nous préconisons donc à la fois de poursuivre les baisses tarifaires et de supprimer les entraves actuelles au regroupement des laboratoires. Le potentiel d’économies est très élevé dans ces deux domaines.

Une trop grande lenteur caractérise aussi la réforme du régime des mines, qui a été tardive et qui reste inaboutie. Son système de soins – cabinets médicaux ou dentaires – ne s’ouvre qu’à grand-peine aux assurés des autres régimes et sa gestion assurantielle devrait être totalement déléguée. Ce n’est pas encore le cas pour l’assurance maladie, les projets en ce sens ayant pris du retard, alors que la gestion des retraites et le recouvrement des cotisations ont été délégués à la Caisse des dépôts. Je citerai un chiffre à valeur de symbole : les actifs assurés par ce régime étaient 400 000 en 1950, ils ne sont plus que 10 000 aujourd’hui, dont 30 % sont des agents administratifs des caisses minières ! Ce régime devrait donc être mis en extinction.

Et que dire des quelque 4 000 travailleurs sociaux des caisses d’allocations familiales – leur nombre n’est connu que de manière approximative – dont l’activité est très peu encadrée au niveau national, alors même qu’elle ne l’est que très inégalement sur le plan local ? Seules 35 caisses sur 123 disposaient d’un projet de travail social formalisé, et seules 38 avaient un volet correspondant dans leur contrat pluriannuel de gestion. Plus grave, seules 40 avaient signé une convention d’action sociale départementale avec les conseils généraux en 2008, alors que ce sont les départements qui ont la responsabilité de droit commun de l’action sociale. Pour les différentes aides financières individuelles, examinées en particulier par la Cour, seules quatre caisses avaient coordonné leur versement avec les différents partenaires. L’enjeu, à savoir le traitement de la précarité et de l’insertion, devrait cependant mobiliser toutes les énergies, au-delà du principe du « chacun chez soi » ou même de celui du « pour vivre heureux, vivons cachés ».

Ces quelques exemples montrent que les réformes sont, non pas inexistantes, mais lentes, et qu’elles ne sont pas à la hauteur de l’évolution du contexte et des besoins – quand elles ne produisent pas des effets contraires à ceux initialement recherchés, comme on l’a vu pour les retraites.

Certes, vous lirez dans le rapport que nombre de nos recommandations sont suivies d’effet, complètement ou partiellement. Pour autant, plusieurs sujets examinés cette année, que j’ai brièvement résumés, révèlent souvent une forme de résistance, au fond assez naturelle contre les adaptations. Résistance des organismes, quitte à s’inventer, comme pour les centres d’examens de santé, d’étonnantes missions dans le cadre d’enquêtes de santé publique, résistance des régimes qui défendent la spécificité de leurs missions même quand la réalité sociologique qui les fondait a disparu – comme aux mines – routine des procédures du contrôle médical qui empêchent, sous la masse des autorisations préalables, un ciblage qui pourrait être plus rentable… Ce qui est moins naturel, en revanche, c’est la trop grande passivité des tutelles et des décideurs, seuls porteurs de l’intérêt général, devant ces pesanteurs dont les coûts, additionnés, finissent par compter.

La crise économique et ses conséquences sur les finances publiques et sur les déficits ne font que renforcer notre conviction de la nécessité de réformes structurelles fondées sur des principes clairs et sur des priorités, tenant compte des équilibres démographiques et des capacités de financement. Il faut avoir le courage de repenser certaines prestations, fruit d’une sédimentation de réformes et qui ne correspondent plus au contexte social et économique du XXIe siècle. De même, la recherche d’une plus grande efficacité et d’une plus grande efficience plaide pour que soient remis en cause les particularismes catégoriels non justifiés. Économie et équité doivent guider des réformes qui, je le sais, sont très difficiles dans le domaine social où le concept de droits acquis reçoit une définition extensive, pour ne pas dire excessive.

Dès lors, il peut paraître provoquant, dans le contexte médiatique actuel, d’insister sur la nécessité de restructurer les hôpitaux pour améliorer la sécurité sanitaire et pour accroître la productivité, ou encore d’affirmer que la remise en cause partielle des avantages familiaux de retraite est nécessaire. Il nous arrive parfois de nous sentir un peu isolés.

Mais, comment justifier le report sur les générations suivantes du coût des inadaptations structurelles entre les dépenses, que nous n’arrivons pas à maîtriser, et les recettes, que ne voulons pas augmenter ?

La Cour n’est pas seule à penser que la recherche d’économies ne suffira pas à équilibrer notre protection sociale obligatoire et qu’il faudra chercher des ressources nouvelles, en commençant par réduire les « niches sociales », comme votre commission s’est déjà employée à le faire. À défaut, cela reviendrait à faire financer le coût de ces exonérations, dont la Cour a démontré la justification souvent contestable, par des économies supplémentaires sur les dépenses au moyen, par exemple, de moindres remboursements de soins. Cela ne paraît pas très juste !

Nous ne revenons pas directement cette année sur le sujet des recettes, même si une insertion du rapport traite de la question sensible des contrôles réalisés par les URSSAF, de leur ciblage, des suites qui leur sont données, de leur organisation qui peut être améliorée selon nous par un regroupement des moyens au plan régional.

Si nous avons privilégié le volet dépenses, il doit être cependant clair que la Cour juge éminemment dangereux de laisser filer des déficits sociaux, qui pourraient bientôt constituer de l’ordre de 10 % des flux annuels. Ces déficits mettent en danger le socle même de notre protection sociale obligatoire. Dès lors, on ne peut plus exclure une augmentation des prélèvements sociaux. Ce serait une capitulation et l’explosion assurée du système. Je sais que cette idée reste taboue. Mais, si on ne la traite pas frontalement, on n’aboutira jamais qu’à de fausses solutions. Mieux vaut mettre la question du financement sur la table pour trouver les solutions les plus satisfaisantes, notamment en termes de compétitivité et d’équité.

Je souhaite pour finir que ce rapport contribue à éclairer votre commission, et au-delà, toute l’Assemblée nationale, au moment où des décisions pas forcément populaires doivent être envisagées. Votre commission a déjà montré les années passées tout l’intérêt qu’elle porte à nos travaux en reprenant dans ses propres réflexions certaines propositions de la Cour.

Ce treizième rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale fait partie de la mission qui incombe à la Cour, aux termes de la Constitution, d’« assister le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de la sécurité sociale ». Mais bien évidemment, par l’intermédiaire du Parlement, c’est aussi à l’opinion que ce rapport rendu public s’adresse. C’est une exigence démocratique de transparence, mais c’est aussi et en même temps une exigence d’efficacité, tant il est vrai qu’aucune réforme ne peut progresser sans que les débats publics utiles aient pu au préalable avoir lieu. C’est particulièrement vrai dans le domaine de la sécurité sociale.

L’ouverture de cette séance de votre commission à la presse, que vous avez décidée cette année, monsieur le président, est une initiative particulièrement symbolique de ce double souci, de transparence et d’efficacité.

M. le président. La situation que vous nous avez présentée est grave, M. le Premier président. Derrière les exemples que vous avez cités, nous avons tous notre part de responsabilité : élus, organisations syndicales, médias…

M. Maxime Gremetz. Sans oublier les patrons et le MEDEF !

M. le président. Pour 2010-2011, nous devons tous nous engager pour une meilleure maîtrise de la dépense publique – les marges de productivité sont énormes – et pour la mise à plat de notre système fiscal.

Il faut poursuivre le débat sur les niches. Tant que nous ne sommes pas sortis de la crise, tant que le problème essentiel est le chômage, donnons-nous un peu de temps pour mettre à plat notre système fiscal et pour adapter notre modèle social. C’est ce que je souhaite profondément, et je veux que notre commission et la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) y travaillent en 2010. Le poids des déficits est tel, qu’il peut remettre en cause beaucoup de nos convictions, y compris européennes. Chacun doit prendre sa part à cet effort.

M. Yves Bur, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour les recettes et l’équilibre général. C’est un rapport éloquent de justesse et de réalisme. La Cour souligne tous les travers de l’organisation institutionnelle française, ces travers qui retardent des réformes que nous savons pourtant indispensables. Trop souvent peut-être, nous considérons qu’aller plus loin n’est pas possible et nous faisons la réforme possible au lieu d’engager la réforme nécessaire. Dans le domaine social, le pays arrive à la limite de ce qu’il peut supporter financièrement. La pratique consistant à implorer « encore une minute, monsieur le bourreau » ne sera plus longtemps possible.

Le rapport met en évidence la difficulté de mise en œuvre des réformes engagées, souvent incomplètes, insuffisantes et déployées selon un rythme trop lent. Quelles recommandations générales la Cour pourrait-elle formuler pour accélérer ce rythme ?

La Cour analyse également une situation financière dont on voit bien qu’elle va se dégrader rapidement. L’ACOSS se retrouvera bientôt dans une situation inédite, celle de devoir porter un déficit de plus de 22 milliards d’euros pour 2009 et un déficit prévisionnel approchant les 30 milliards pour 2010. Envisager un retour à l’équilibre les années suivantes sans réforme profonde n’est pas réaliste. Avec un besoin de trésorerie de plus de 60 milliards pour 2009-2010, l’ACOSS ne devra-t-elle pas compter sur la CADES pour l’accompagner dans la gestion de son déficit ?

S’agissant du contrôle exercé par les URSSAF, les missions des inspecteurs deviennent de plus en plus complexes, à cause non du nombre de contrôles mais de la superposition de dispositifs ajoutés chaque année – et à chaque fois dans des intentions louables. Il me semble que c’est la complexité législative et réglementaire qui est d’abord en cause. Ainsi, il est reversé annuellement près de 300 millions d’euros aux entreprises à la suite d’erreurs qu’elles ont commises en leur défaveur.

Quelle appréciation la Cour porte-t-elle sur la réforme, pour le moins calamiteuse, visant à mettre en place un interlocuteur social unique ? Il semble bien qu’il restera une incompatibilité entre les systèmes informatiques du Régime social des indépendants et des URSSAF.

Par ailleurs, comment le dispositif de la T2A pourra-t-il jouer pleinement son rôle et catalyser les restructurations nécessaires ? Comment clarifier le débat sur la convergence intrasectoriellle puis intersectorielle – ce dernier objectif étant du reste reporté à 2018 ? La stabilisation que la Cour appelle de ses vœux semble souhaitable. Les contrats de retour à l’équilibre financier passés pour la période 2004-2008 ont été peu probants. Qu’en est-il des contrats engagés depuis ?

Enfin, si la France était retenue comme pays organisateur du championnat d’Europe de football en 2016 – et je sais, monsieur le Premier président, que vous vous y intéressez vivement –, pourrait-on veiller à ce que cela ne pèse pas davantage sur les régimes de retraite ?

M. le Premier président. Le préalable à la mise en œuvre des réformes nécessaires est que tous ceux qui interviennent dans le processus, de la phase législative à la phase d’application, sachent prendre leur temps. Ensuite, il faut tirer tout le parti possible des modifications récemment apportées à la Constitution. Le Parlement doit notamment se montrer féroce en matière d’études d’impact. Il faut que l’on comprenne que vous n’êtes pas prêts à vous satisfaire d’études réalisées à la va-vite. Beaucoup de projets présentés ne seraient pas les mêmes si l’on avait passé le temps nécessaire à cet exercice. Je vous invite à vous montrer extrêmement exigeants lorsque les premières études réalisées en application des nouvelles dispositions constitutionnelles vous seront transmises.

L’évaluation pose également des problèmes juridiques et méthodologiques complexes. Ce n’est pas une démarche à laquelle on est habitué en France, ce qui explique d’ailleurs nombre de nos déboires. Il faudra veiller à ce qu’il y ait complémentarité entre les dispositions de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale en la matière et les dispositions issues de la modification du Règlement de l’Assemblée. Il faudra aussi y mettre l’argent nécessaire. S’il y a des investissements productifs, c’est bien ceux que l’on consacre à l’évaluation des politiques menées !

Comme vous, monsieur Bur, la Cour pense que l’ACOSS ne peut supporter son déficit. La seule solution est le transfert à la CADES, assorti des ressources nécessaires à l’amortissement. Sinon, je le répète, la situation sera insoutenable.

Concernant les URSSAF, la complexité des règles explique en effet les situations que nous avons constatées. Notre propos porte principalement sur les insuffisances de gestion des programmes. L’exemple de l’interlocuteur social unique et des difficultés de dialogue entre le RSI et les URSSAF est révélateur. Nous avons abordé le sujet dans le cadre de la certification et nous nous appuyons également sur des travaux plus anciens de l’IGAS. La principale difficulté provient des écarts importants entre les fichiers de cotisants gérés par les URSSAF et ceux qui sont gérés par le RSI. On trouve des cotisations qui sont connues dans un réseau mais pas connues dans un autre ; pis, on trouve des cotisants identifiés de façon différente selon le réseau ! Le Gouvernement a annoncé une remise en ordre avant la fin de l’année. Je lui laisse ce pronostic… Cela dit, le dysfonctionnement a eu aussi, de façon perverse, des effets heureux pour certains dans la mesure où de nombreuses cotisations n’ont pas été recouvrées. Si le nombre des satisfaits et celui des mécontents s’équilibrent sans doute, nous sommes, nous, très mécontents de la façon dont les choses se passent.

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. La Cour a en effet souhaité une pause dans la mise en œuvre de la T2A. Elle n’a jamais contesté la pertinence et l’utilité de cette réforme importante, mais celle-ci intervient au moment où un plan de maîtrise des dépenses d’assurance maladie – tout à fait justifié lui aussi – est également lancé. Sa logique s’en est trouvée quelque peu perturbée.

Ainsi, on ne sait toujours pas dans quelle mesure les tarifs correspondent aux coûts. Ceux-ci sont éminemment variables : dans une clinique qui se spécialise dans un certain type d’acte, le coût de l’acte et du séjour est forcément plus faible que lorsque l’acte est exécuté marginalement dans un hôpital public. On le sait, la panoplie des groupes homogènes de malades (GHM) est bien plus large dans les établissements publics.

Pour autant, nous ne contestons pas l’idée d’une convergence intersectorielle. Il faut seulement se donner le temps, comme vous l’avez choisi en votant le report à 2018. Il y a trois ans déjà, la Cour avait souligné que cette affaire nécessitait de nombreux prérequis.

À l’intérieur de chaque secteur, la logique de la T2A s’est trouvée perturbée par la montée en charge des missions d’intérêt général et des aides à la contractualisation (MIGAC). Nous ne disons surtout pas qu’il y aura un financement exclusif par tarif : il y aura toujours des dotations forfaitaires, à condition toutefois qu’elles correspondent à des dépenses bien identifiées et chiffrées. Or, autant les missions d’enseignement, recherche, référence, innovation (MERRI) et certaines missions d’intérêt général (MIG) sont bien identifiées, autant la partie « aide à la contractualisation » (AC) constitue un point noir. Son accroissement de 43 % en quelques années ne correspond à rien d’autre qu’à la nécessité de combler les difficultés des établissements, en leur apportant des ressources au-delà des tarifs. Cette aide, destinée à financer l’amortissement des investissements, sert en fait à financer les contrats de retour à l’équilibre. Voilà pourquoi la Cour prépare pour l’année prochaine une étude sur la situation financière des hôpitaux. Au-delà des questions qu’elle a déjà soulevées au sujet des emprunts dangereux, elle souhaite expertiser le problème des déficits – dont on soutient qu’ils diminuent cette année.

En l’état actuel, la T2A ne peut répondre à toutes les difficultés. Il faut stabiliser le système, car les hôpitaux pâtissent de l’évolution constante de la réglementation. Le passage de 950 à 2 500 groupements homogènes de séjour (GHS) est en soi une bonne chose, puisqu’elle permet de distinguer les établissements selon la difficulté des cas qu’ils accueillent. On remarque d’ailleurs que les CHU n’en tireront pas forcément bénéfice, puisque 90 % de leur activité s’apparente à celle de centres hospitaliers qui traitent de cas tout aussi difficiles.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale au nom de la Commission des finances. La Cour relève qu’il faut désormais consacrer 7 milliards d’euros au paiement des intérêts et à l’amortissement de la dette sociale. N’y a-t-il pas là un « risque dans le risque » ? Comment assurer de façon performante et consolidée le financement de la protection sociale ? Dans le cadre d’une saisine conjointe, la Commission des affaires sociales et la Commission des finances ont interrogé la Cour sur cette question d’autant plus aiguë que l’effet de levier de la crise risque d’être considérable.

Au-delà des recommandations présentées dans le rapport, quelle est votre analyse des risques couverts par la protection sociale ? Les risques pris en compte au moment de la mise en œuvre de notre système n’ont-ils pas profondément changé ? Ne faut-il pas les repenser et distinguer les risques importants – comme les affections de longue durée – et les « petits » risques ? Notre système de prise en charge peut-il continuer à traiter les risques de façon aussi homogène ?

M. le Premier président. Vous soulevez là des problèmes politiques.

Je crois comme vous que, d’une certaine manière, c’est la pertinence même des choix effectués en 1945 qui doit être vérifiée et que leurs modalités doivent être, le cas échéant, adaptées. Le magnifique pari lancé à cette époque, et qui a longtemps été gagné, correspondait à un certain état de la société, à un certain contexte international, à un certain état de la médecine, à une certaine situation démographique, etc., toutes choses qui ont évolué. Le progrès médical a pris un caractère exponentiel, par exemple. Surtout, il est devenu impossible de prendre des décisions autarciques.

Un travail de refondation est donc nécessaire pour rétablir une cohérence, tant interne qu’extérieure. Nous avons dépassé les limites de la cohérence du système actuel avec son environnement. Pendant vingt ou trente ans, on a pu s’en tenir à des mesures ponctuelles – ce qu’on a appelé « maîtrise comptable » des dépenses, puis rebaptisé « maîtrise médicalisée » pour faire moins peur, bien que cela revienne à peu près au même ! Désormais, une remise à plat est nécessaire, quelles que soient les réponses que l’on donnera.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’assurance maladie et les accidents du travail. L’analyse de la Cour est claire et incontestable. Il faut engager des réformes structurelles le plus vite possible.

S’agissant de la T2A, rappelons que les Français sont très attachés au double système public/privé. Une polémique a été soulevée récemment concernant les tarifs respectifs des deux secteurs. La Cour a certes rappelé que les charges couvertes ne sont pas les mêmes, mais dans quelle mesure pourrait-elle mettre son expertise au service d’une analyse de cette question qui soit plus objective que celle que les médias et les fédérations hospitalières ont relayée ?

Madame Ruellan a souligné à juste titre le problème des MIGAC, qui sont différentes dans les deux secteurs. À quoi correspondent réellement ces missions, et comment les définir ?

Près de 10 millions de Français relèvent du régime des affections de longue durée. Ce dispositif représente 65 % des remboursements de l’assurance maladie, soit plus de 80 milliards d’euros par an. J’ai trouvé la Cour un peu timide au sujet de la réforme de ce régime, alors même qu’il faut engager un chantier structurel.

Quant à la maîtrise médicalisée des dépenses, elle ne marche pas si mal. Il lui manque cependant un outil très important, le dossier médical personnel (DMP), que l’on tarde à mettre en place. Comme ministre des affaires sociales et de l’emploi, monsieur le Premier président, vous avez été un des précurseurs de la maîtrise médicalisée. Plus de vingt ans après, quelle est votre analyse ? A-t-on évolué ? A-t-on perdu du temps ?

M. le Premier président. En 1986 et 1987, nous étions encore à une époque où la maîtrise médicalisée pouvait donner des résultats. Et en effet, grâce à des mesures dont la popularité fut toute relative, nous sommes parvenus à trois ou quatre années d’équilibre. Ce n’est plus possible aujourd’hui. Beaucoup de responsables de tous bords estimaient que l’on pouvait attendre ; aujourd’hui, on ne le peut plus.

Quant à la polémique que vous évoquez, elle est née de la publication, sur le site Internet de la Fédération de l’hospitalisation privée, de certaines comparaisons de coûts. Or, je crois qu’il est très difficile, même en se donnant beaucoup de temps, de réaliser des comparaisons équitables tant les systèmes sont différents. La Cour des comptes pourrait apporter son expertise si elle avait le moyen d’entrer dans les cliniques privées. Mais elle n’a pas compétence pour cela ! C’est un thème de réflexion que je vous livre…

Mme Jacqueline Fraysse. C’est pourtant la sécurité sociale qui paye !

M. le Premier président. Notre « timidité » à propos des affections de longue durée tient simplement au fait que nous n’avons abordé le sujet cette année que sous l’angle du contrôle. Nous ne pouvons pas tout couvrir. Lorsque nous y reviendrons, nous n’encourrons pas le reproche que vous avez formulé, croyez-moi !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure du projet de loi de financemenet de la sécurité sociale pour la famille. Monsieur le premier président, la Cour pourrait-elle préciser la réforme de l’assurance vieillesse des parents au foyer qu’elle préconise et les économies qu’elle en attend le cas échéant ?

Les bénéficiaires de cette assurance sont, pour une part importante, des personnes isolées et à faible revenu. Quelles seront les conséquences de la réforme en termes de baisse de leur pension et de la durée d’assurance validée ? En outre, avez-vous mesuré les conséquences d’une diminution des droits familiaux sur les dépenses au titre du minimum contributif ou du minimum vieillesse ? La compensation qui en résulterait ne risque-t-elle pas d’annuler l’effet financier escompté ?

Par ailleurs, en 2000, la Cour avait étudié les conditions d’accueil des usagers dans les caisses d’allocations familiales. Elle relève aujourd’hui des améliorations, notamment en matière d’aide aux familles en difficulté, mais aussi un fort recoupement des champs d’intervention et une insuffisante coopération entre les collectivités, les caisses et les services de l’État. Pensez-vous que la généralisation des conventions d’action sociale permettrait de remédier à ces problèmes ? Faut-il préciser le champ d’intervention des caisses et définir des priorités en matière d’action sociale ?

M. le Premier président. La réforme suggérée par la Cour porte à la fois sur l’assurance vieillesse des parents au foyer et sur la majoration de durée d’assurance. Ces deux prestations, qui ont les mêmes finalités, se superposent en partie. Il convient donc de mieux les articuler pour éviter les incohérences.

S’agissant de la première, la réforme proposée par la Cour comporte deux aspects.

D’abord une série d’ajustements techniques qui pourraient simplifier le dispositif, par exemple en généralisant la condition d’une activité professionnelle, en améliorant l’information des bénéficiaires ou en harmonisant les conditions de ressources. Ces mesures ne dégageraient pas d’économies, mais donneraient un minimum de lisibilité au dispositif.

Ensuite, une réforme plus profonde qui ferait de cette assurance le dispositif unique de compensation des interruptions de carrière en raison de l’éducation des enfants pour les bénéficiaires de prestations familiales. Le chiffrage des économies attendues ne peut se faire qu’en prenant en compte les effets d’une réforme simultanée de la majoration de durée d’assurance, laquelle compenserait les seules interruptions liées à la maternité. D’après le schéma réalisé par la Caisse nationale d’assurance vieillesse et examiné par le Conseil d’orientation des retraites, l’économie annuelle pourrait s’élever à 1 milliard d’euros.

Vous avez raison de souligner qu’une part importante des bénéficiaires de l’assurance vieillesse des parents au foyer est constituée de personnes isolées et à faible revenu.

Pour ce qui est des personnes isolées, nous n’avons pas analysé les conséquences de la réforme faute d’études disponibles. Aujourd’hui, ces personnes peuvent bénéficier de l’assurance même si elles exercent une activité professionnelle. Avec la réforme préconisée, ce ne serait plus le cas. Cela dit, est-il pertinent de passer par un avantage de retraite pour inciter les personnes isolées à travailler ? Pour notre part, nous en doutons. Si l’on considère – comme nous le pensons – que le maintien dans l’emploi des personnes isolées est une priorité, d’autres solutions pourraient être trouvées, par exemple dans le cadre de mesures relevant de la politique familiale ou de la politique de l’emploi.

En matière d’articulation entre droits sociaux et prestations familiales, le rapport reprend une orientation générale de la Cour : qu’il s’agisse ou non de personnes isolées, la Cour considère que la compensation des faibles revenus d’activité ne relève pas principalement du système de retraite. Si des personnes ou des ménages ne disposent pas d’autres revenus, le minimum vieillesse a précisément pour objet de compenser l’insuffisance des ressources. Il met en jeu la solidarité nationale à l’égard des plus démunis, et non la solidarité professionnelle.

J’ajoute que les retraites doivent aller vers une contributivité renforcée.

Votre dernière question concerne les caisses d’allocation familiale. La Cour s’est efforcée d’actualiser les observations qu’elle avait formulées en 2000 au sujet des conditions d’accueil des usagers. L’objectif d’amélioration a été pris en compte. Il est incontestable que la qualité de l’accueil téléphonique a progressé. Mais, s’agissant de la qualité du service rendu – et compte tenu, rappelons-le, d’une charge de travail accrue pour les caisses –, on ne peut dire que les résultats soient aussi significatifs concernant l’accueil aux guichets et le traitement des dossiers. Nous avons constaté des insuffisances en ce qui concerne l’accueil des personnes en difficulté, notamment celles qui maîtrisent mal le français.

La coordination entre la branche famille et les collectivités territoriales reste notoirement insuffisante. Une caisse sur trois seulement a signé une convention d’action sociale départementale, et ces conventions se limitent généralement au champ de la petite enfance. Seules quatre caisses en France ont coordonné leur financement avec celui des départements. En matière d’aide sociale, la coopération est vraiment marginale, alors que l’on sait depuis des années que des améliorations sont absolument nécessaires.

M. Denis Jacquat, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’assurance vieillesse. La récente jurisprudence de la Cour de cassation va nous obliger à réformer à très court terme la majoration de durée d’assurance dans le régime général. Le rapport de la Cour des comptes préconise une réduction de cette majoration, dans un souci de cohérence et d’harmonisation et en s’inspirant de ce que l’on a réalisé pour la fonction publique en 2003. Cela vous semble-t-il encore possible, compte tenu des vives critiques émises par la Commission européenne au sujet de ce dispositif ? Si vous étiez ministre des affaires sociales aujourd’hui – comme vous l’avez été dans une vie antérieure –, quelles solutions recommanderiez-vous ?

Les déséquilibres de l’assurance vieillesse se confirment encore cette année. Quelles sont, selon vous, les priorités pour revenir à l’équilibre ?

M. le Premier président. Je ne puis, vous le savez bien, me placer dans l’hypothèse que vous évoquez : je ne suis ici que le porte-parole de la Cour et je vous rends compte de ses délibérations.

Vous avez mentionné les motifs qui rendent la réforme de la majoration de durée d’assurance inéluctable : après la jurisprudence de la Cour de cassation, l’avis motivé de la Commission européenne, dont nous avons eu connaissance cet été, conclut au non-respect par la France du principe d’égalité hommes-femmes dans le cas d’espèce, c’est-à-dire pour les enfants nés avant la réforme de 2003.

Nous craignons cependant que le diagnostic préalable à cette réforme ne repose sur une base quelque peu biaisée. La majoration concerne la durée d’assurance validée pour les femmes. Si des inégalités de pensions entre hommes et femmes demeurent, elles ne tiennent pas à titre principal à une moindre durée d’assurance validée – puisque celle des femmes s’est beaucoup rapprochée de celle des hommes –, mais à des inégalités de salaire. Or, nous le répétons, il ne nous semble pas que les régimes de retraite contributifs aient pour vocation de compenser l’effet sur les pensions de ces inégalités de rémunération.

La Cour propose donc une solution globale et cohérente qui permet d’éviter le cumul entre les deux dispositifs, la majoration n’étant pas attribuée dès lors que deux trimestres ou plus d’assurance vieillesse des parents au foyer sont validés dans l’année.

M. Jean-Luc Préel. Faut-il comprendre, à partir de votre intervention liminaire, que vous n’êtes pas très favorable au report des charges vers les assurances complémentaires ?

Le fait que les comptes des branches famille et vieillesse n’aient pas été certifiés en 2008 a-t-il conduit à la prise en compte des remarques de la Cour, ce qui pourrait augurer une certification en 2009 ?

Pour ce qui est du déficit, deux mesures avaient été prévues cette année, dont une ponction sur le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Mais aujourd’hui que ce dernier est à son tour en déficit, comment va-t-on pallier la difficulté, alors que la baisse de 0,3 % des cotisations chômage et l’augmentation à due concurrence des cotisations retraite a été décidée en octobre 2008, bien que la crise fût déjà en cours, et n’a pas été finalement supprimée ? Si nous sommes tous d’accord pour dire que l’on ne peut reporter sur nos enfants nos propres dépenses, j’ai cru comprendre, en réponse à ma question au Gouvernement hier, que le ministre du budget, M. Éric Woerth, souhaitait cantonner les déficits dans les différentes branches plutôt que les transférer à la CADES. Un tel transfert me semblerait au contraire logique, ce qui impliquerait bien entendu des recettes supplémentaires telles que l’augmentation de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). À cet égard, l’élargissement de la base de cette contribution vous semble-t-il possible, éventuellement par la suppression de niches fiscales ? Les plafonds de trésorerie accordés atteignent aujourd’hui des niveaux insupportables qui ne permettent pas d’aller plus loin.

S’agissant du contrôle médical, la loi dite « HPST » a créé les agences régionales de santé. Si l’on veut que ces dernières soient efficaces, ne faut-il pas qu’elles disposent du contrôle aussi bien en ville qu’à l’hôpital et qu’elles bénéficient à ce titre de données statistiques ?

Enfin, seule l’Assistance publique-hôpitaux de Paris – qu’un amendement, adopté à mon initiative, a fait entrer dans le droit commun – peut présenter un état prévisionnel des recettes et des dépenses en déséquilibre. Estimez-vous judicieux d’étendre cette possibilité à l’ensemble des établissements, ce qui n’améliorerait certes pas les comptes de la sécurité sociale ?

M. Roland Muzeau. L’adoption de la loi « HPST » souligne l’absence complète de contrôle sur les tarifications et sur l’usage des codifications par les cliniques privées, alors que la largesse de ces pratiques coûte cher à l’assuré social.

M. Woerth attribue à la crise le déficit exceptionnel de plus de 20 milliards d’euros envisagé pour 2009, oubliant que le déficit, comme la Cour l’a souligné, est aussi structurel. En 2007, la Cour a ainsi eu l’audace de souligner le poids des niches sociales – dont le coût est aujourd’hui estimé à 30 milliards d’euros pour les exonérations de cotisations sociales liées à la politique de l’emploi et à 46 milliards pour les exemptions d’assiette –, proposant une évaluation de l’impact en termes d’emplois des nombreuses exonérations et une remise en cause de certains dispositifs. Aucune des recettes potentielles – taxation des retraites chapeaux, cotisations sociales des plus-values des stock-options et des indemnités de départ des dirigeants d’entreprise, etc. – qui pourraient se chiffrer à plusieurs dizaines de milliards d’euros n’a été mise en œuvre, mis à part le forfait social de 2 % sur les formes particulières de rémunération, qui n’a rapporté que la somme dérisoire de 400 millions d’euros. Pendant ce temps, le reste à charge des assurés est passé de 8,4 % en 2005 à 9,4 % en 2008, sans parler de la situation dramatique de la population aujourd’hui dépourvue de complémentaire santé.

Que penser dans ces conditions des deux solutions ayant la faveur gouvernementale, à savoir un bouclier sanitaire – avec franchise proportionnelle aux revenus et taux de reste à charge unique – ou un nouveau déplacement vers les mutuelles et assureurs de la prise en charge des dépenses de santé ?

Enfin, que préconisez-vous en matière de recettes ainsi que de pistes visant à élargir l’assiette des cotisations ?

M. Dominique Dord. Si, selon votre constat, les nombreuses réformes en profondeur du système de santé n’ont pas donné les effets escomptés, en tout cas sur le plan financier, elles n’en démontrent pas moins que notre pays ne manque pas de volonté de réformes ambitieuses. Quant à dénoncer certains dysfonctionnements, par exemple ceux d’organismes agissant dans le secteur de la prévention, ne pourrait-on pas plutôt se demander si l’absence de mesures dans un tel domaine n’aurait pas conduit à un coût encore plus important ? Je suis par ailleurs réservé, pour des raisons plus politiques peut-être, quant à l’idée de recettes nouvelles, même si vous les jugez quasi inéluctables.

En revanche, certains dysfonctionnements me scandalisent, qu’ils concernent une mauvaise application des réformes votées par le Parlement ou des disparités dans la manière dont elles sont appliquées, à l’exemple de la différence pouvant aller de 1 à 10 en matière de personnels encadrant le même acte hospitalier.

À cet égard, ne conviendrait-il pas de recommander, d’abord, d’assurer une gouvernance efficace et transparence, ensuite de dégager d’autres pistes de réforme, enfin et seulement de trouver des recettes supplémentaires ? Dans ce contexte, la loi dite « HPST » vous semble-t-elle suffisante en matière de réforme de la gouvernance ? Mieux vaut taxer davantage un système plus juste et plus efficace qu’un système qui ne marche pas.

M. Bernard Perrut. Si je partage l’analyse que vous portez sur les hôpitaux au niveau national, elle peut cependant donner l’impression d’être en léger décalage avec la réalité du terrain.

M. le Premier président. Pardonnez-moi, monsieur Perrut, mais pour avoir été moi-même vingt-cinq ans député de terrain et vingt ans président d’hôpital, soyez persuadé que mon décalage avec la réalité est loin d’être stratosphérique !

M. Bernard Perrut. Je faisais simplement allusion aux difficultés que nous-mêmes pouvons parfois rencontrer pour faire avancer des projets sur le terrain – par exemple pour lutter contre la vétusté de certaines installations – du fait d’exigences avancées par la tutelle. En tout cas, les propos que vous avez tenus concernant le pilotage imparfait des dépenses, notamment en termes d’investissement, me semblent justes – même si l’établissement hospitalier dont je préside le conseil d’administration figure parmi les 123 qui ont fait l’objet d’investissements au cours de cette année.

À cet égard, la meilleure performance des outils de pilotage passe-t-elle par les restructurations hospitalières, c’est-à-dire par des réorganisations internes et par un meilleur fonctionnement des pôles – je fais là allusion à l’insuffisante association des médecins à la gestion de l’hôpital ?

La mise en place de communautés hospitalières de territoire peut-elle être l’une des réponses à la recherche de l’efficience que vous exprimez dans votre rapport et que nous partageons ?

M. Jean Mallot. Si votre description de la situation financière de la sécurité sociale ne nous surprend guère, il serait surtout intéressant de savoir comment on en est arrivé là.

Vous avez chanté à juste titre les louanges des études d’impact, mais les projets de loi de financement de la sécurité sociale n’y sont pas soumis, contrairement à ce qu’avait demandé l’opposition. À cet égard, une évaluation ne pourrait-elle être à tout le moins envisagée ? Pour prendre l’exemple des franchises médicales – auxquelles la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), que je copréside avec Pierre Morange, s’intéresse plus particulièrement –, si une étude d’impact aurait effectivement été utile, une évaluation pourrait d’ores et déjà se pencher sur les conséquences du dispositif, notamment quant à l’accès aux soins.

Pour revenir sur les déficits que vous avez soulignés, – il est vrai qu’il ne fallait pas être grand clerc en novembre dernier pour deviner que les hypothèses d’évolution de la masse salariale sur lesquelles était fondé le projet de loi de financement pour 2009 ne tiendraient pas longtemps – nous regrettons également tant le transfert de charges du régime général vers les mutuelles, et son caractère antiredistributif, que la croissance de la charge sur les malades – et ce n’est pas à cet égard la hausse considérable du forfait hospitalier qui la réduira. Pour contenir l’effet ciseaux qui va ainsi s’accentuer, vous avez évoqué la nécessité de prendre des mesures drastiques, revenant sur le sujet des niches sociales. Après les petits pas effectués l’an dernier à ce sujet par l’Assemblée nationale, quels grands pas nous suggéreriez-vous d’effectuer ?

Quant à la disparité assez surprenante des performances entre les hôpitaux que vous avez évoquée, quels remèdes efficaces peut-on envisager – même si le contexte local peut en justifier certaines ?

S’agissant des retraites, si la situation n’est pas simple puisque l’hypothèse de transfert de cotisations de l’UNEDIC s’est volatilisée avec la crise, les mesures envisagées, telles que l’allongement de la durée de cotisation, sont extrêmement fragiles dans la mesure où l’emploi des seniors reste très faible dans notre pays. Le dispositif voté dans la loi de financement de l’an dernier, pour essayer d’encourager l’emploi des seniors, n’ayant pas été appliqué pour des raisons que l’on peut comprendre, auriez-vous des suggestions pour traiter cette question ?

Enfin, que pensez-vous de la situation faite au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) qui, n’étant pas abondé comme prévu, fera défaut le moment venu en 2020 ?

Mme la présidente de la sixième chambre. Les disparités entre hôpitaux résultent de problèmes d’organisation et de fonctionnement qui plongent leurs racines dans l’histoire des établissements. Leur analyse, délicate dans le passé, est aujourd’hui possible grâce par exemple aux travaux de la Mission nationale d’expertise et d’audit hospitalier. C’est ainsi que des comparaisons en termes de productivité ont fait apparaître, à l’intérieur d’un même hôpital, là où existe bien entendu une comptabilité analytique, la coexistence de services les uns en équilibre, les autres en déficit. Chaque service se vivant comme une petite entreprise, le directeur n’arrive pas à répartir correctement les moyens, ici excédentaires, là insuffisants. Le problème est avant tout organisationnel. Peut-être les futures agences régionales de santé auront-elles plus de pouvoir en ce domaine ? En tout état de cause, la mission nationale d’expertise donne de bonnes recettes qu’il appartient aux hôpitaux d’adopter pour se réformer.

M. le Premier président. Pour ce qui est des niches, monsieur Mallot, notre rôle, hors de toute position politique, est de permettre aux parlementaires de prendre leur décision : nous n’avons pas de doctrine. En revanche, nous nous autorisons à considérer comme un consensus préétabli, l’attachement de tous à un système de sécurité sociale financièrement équilibré et efficace pour la prévention de différents risques. Il nous appartient d’étudier les moyens de parvenir à un équilibre financier garant de la pérennité de ce système et, compte tenu de la situation financière, de faire en sorte qu’il soit d’une efficacité optimale.

Bien sûr, la schizophrénie nous guette, puisque l’analyse que nous faisons sur le plan national pourrait paraître en contradiction avec celle que nous ferions spontanément sur le plan local – n’est-ce pas, monsieur Perrut ? Cela étant, c’est au politique d’arbitrer.

Pour ce qui concerne les recettes, nous estimons, après avoir fait l’inventaire de ce qui était possible, qu’il vous faudra activer ce levier si vous voulez rééquilibrer les comptes sociaux, compte tenu de tout ce qu’il y a à rattraper. Mais qu’il s’agisse d’augmenter les prélèvements obligatoires ou de faire donner à plein les règles qui ont pu souffrir, pour des raisons qui peuvent être tout à fait honorables, des dérogations – les niches –, c’est au politique de décider. Nous nous inscrivons, nous, dans le contexte de la loi, quitte, si celle-ci devait changer, à nous inscrire dans une autre perspective. Cela étant, je crois me souvenir, à propos des niches, qu’en matière de stock-options des mesures sont imminentes. Un quotidien ne titrait-il pas ce matin sur une super-taxation sur elles ?

M. le Président. Pour avoir été mis en cause avec Gilles Carrez sur le sujet des niches fiscales et sociales, je me permets d’apporter une précision. Si le projet de loi de financement permettra d’aborder le problème de trois ou quatre d’entre elles, cela ne sera pas, nous l’avons dit l’un et l’autre, à la mesure de nos déficits. De plus, il convient, dans le même temps, de tenir compte du calendrier afin de ne pas entraver la politique en faveur de l’emploi et la confiance. Pour autant, j’ai bien souligné qu’une mise à plat de notre système fiscal et des niches devait être faite au premier semestre de l’année 2010, ce qui suppose des études d’impact. Le sort de l’allègement de 30 milliards de charges sociales sur les bas salaires ne peut se décider en quatre ou cinq semaines. Un débat public préalable est essentiel.

M. Roland Muzeau. La TVA à 5,5 % a bien coûté d’un seul coup 3 milliards !

M. le Président. Quelques niches, en tout cas, seront, n’ayez aucune crainte, remises en cause dans le projet de loi de financement.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est plus de niches dont il faut parler, mais de vol !

M. le Président. N’oublions tout de même pas que le plafonnement, qui a été décidé, n’a pas été sans conséquences. Quant à parler de recul des acquis sociaux, si je compare les mesures sociales – et pas seulement la prise en charge du chômage partiel – adoptées par la France, je ne peux que constater qu’elles ont été plus nombreuses que chez nos voisins européens.

En tout cas, le problème des niches nécessitera une mise à plat en sortie de crise.

Mme Jacqueline Fraysse. Il faudra des mesures concrètes !

M. le Premier président. Pour répondre à la question du report de charges des assurances de base vers les assurances complémentaires, je répète que tout déplacement du remboursement en tout ou partie d’une dépense depuis la sécurité sociale vers la mutuelle a un effet antiredistributif. Il ne s’agit pas là d’un jugement, mais d’une simple constatation.

Quant à la prévention, monsieur Dord, qui peut tout de même avoir des effets heureux sur la santé des gens, mais également sur les résultats financiers de la sécurité sociale, ce que nous reprochons au système actuel est justement de ne pas faire de réelle prévention. C’est un problème de ciblage. Quitte à faire de la prévention, autant se tourner vers les publics particulièrement exposés, plutôt que se contenter de mettre en œuvre un droit théorique de chacun à pouvoir effectuer un examen tous les cinq ans, sans même que cela donne lieu à une ordonnance.

S’agissant des dysfonctionnements que vous avez évoqués, les réformes n’ont certes pas d’effet magique. Mais que se serait-il passé sans les réformes intervenues depuis trente ans ?

Enfin, la priorité est incontestablement la gouvernance, car elle est la condition du reste. Je parle d’une gouvernance éclairée, qui se fonde à la fois sur des études d’impact – sous les réserves rappelées par monsieur le Président – et sur une évaluation, de manière que l’on sache et que, dès lors que l’on sait, on se donne les moyens de faire.

En ce qui concerne les deux solutions de financement auxquelles vous avez fait allusion, monsieur Muzeau, celle du bouclier sanitaire semble avoir été écartée. Quant au report vers les mutuelles, je vous renvoie à mes précédentes réponses.

Pour ce qui est des laboratoires, je confirme mon propos antérieur, sachant qu’un certain consensus existe, y compris dans les milieux professionnels, sur la nécessité de fournir un effort répercutable en termes d’économies sur l’assurance maladie.

S’agissant, monsieur Préel, de votre question portant sur la certification, laissez au moins aux comptes 2009 le temps de s’établir ! Une période d’ajustement est incontestablement nécessaire pour parvenir à établir la fiabilité des comptes des organismes de sécurité sociale. Une fois cette priorité dépassée, il sera temps ensuite de s’attaquer, dans des conditions à débattre, au chantier des hôpitaux s’agissant des modalités de la certification, des répartitions entre les uns et les autres, des critères d’éligibilité à la certification hospitalière et du rythme et des modalités de l’intervention. Il ne faudrait pas que l’opération se traduise simplement par un surcroît de charges dans la colonne « fonctionnement » des établissements hospitaliers, sans véritable profit en regard.

Quant à l’avenir du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), la seule solution est de lui apporter des recettes. Il n’y a pas de miracle. De même que pour le Fonds de réserve des retraites, il y a un moment où, comme au bonneteau, il faut lever le bon cornet !

Pour ce qui est de l’élargissement de la base de la CRDS, l’assiette est déjà très large. C’est une réalité qu’il faudra avoir à l’esprit quand la réflexion sera menée sur ce point.

Enfin nous verrons s’il convient que le contrôle médical s’orient vers les agences régionales de santé. Nous ne pouvons nous déterminer avant de savoir comment le système fonctionne.

M. le Président. C’est une question qui a trait à la gouvernance globale.

M. le Premier président. Tout à fait.

M. Maxime Gremetz. Que pensez-vous d’un monde où un homme doit dans son pays se battre contre les conservateurs pour mettre en œuvre une sécurité sociale pour tous, alors que dans le nôtre on assiste, d’année en année, à la remise en cause des principes mêmes de notre sécurité sociale, qui a pourtant une valeur universelle ? Pour ma part, je vois dans le combat de cet homme une source d’espoir pour le futur.

Où serions-nous d’ailleurs si l’on avait retenu ce que la Cour des comptes préconisait à l’époque, après avoir montré, en particulier, que les exonérations considérables de cotisations patronales – soit des dizaines de milliards d’euros – n’avaient pour l’essentiel qu’un effet d’aubaine ? Tous ces groupes, comme Goodyear et Continental, qui partent pour permettre à leurs actionnaires de gagner plus, et auxquels on a donné beaucoup d’argent, vont finalement représenter moins de richesses produites et moins de cotisations pour la sécurité sociale, qui devra néanmoins payer pour les mises en retraite anticipées.

Voilà d’ailleurs la vraie grosse niche à laquelle il faut s’attaquer, et c’est bien pour cela que nous préconisons une modification de l’assiette des cotisations – en prenant en compte ceux qui créent de l’emploi pour les différencier de ceux qui en détruisent –, ainsi qu’une taxation des revenus financiers. Sinon, ceux qui auront les moyens pourront se soigner, comme aux États-Unis aujourd’hui, tandis que ceux qui ne les auront plus – comme on commence à le voir – ne pourront plus se soigner. Vraiment, où serions-nous si, avec raison, l’on vous avait écouté ?

M. le Premier président. Vous ne vous étonnerez pas, monsieur Gremetz, que je ne puisse que vous donner acte des rapprochements que vous avez effectués entre notre propre situation et celle d’un pays d’un autre continent en matière de couverture maladie. Je ne peux faire davantage, sinon suivre avec intérêt l’évolution des choses. Sachant que l’un des prédécesseurs de M. Obama avait chargé sa propre femme de mettre en place le même système, c’est dire – si je puis me permettre une opinion personnelle – combien son successeur aura beaucoup à faire !

Quant à savoir où l’on en serait si certaines de nos observations avaient été prises en compte, je constate à tout le moins que les exonérations de charge profitent plus au secteur tertiaire qu’au secteur industriel, ce qui peut être considéré comme une contradiction dans la mesure où normalement le secteur tertiaire est moins aisément délocalisable que le secteur industriel.

Pour le reste, nous pouvons poser la question de l’utilité des dispositifs d’aide décentralisée à l’emploi, soit 6 milliards, tout en soulignant qu’une grande diversité régnait d’une région à l’autre. Faute d’évaluation autre que quelques études des chambres de commerce et d’industrie, nous n’avons pu que constater que si telle ou telle décision d’investissement avait été dictée par l’avantage proposé, il apparaissait en revanche que c’était bien souvent un moyen pour une entreprise d’arbitrer son implantation soit entre les régions, soit, à l’intérieur d’une région, entre les départements, soit, dans un département, entre les communes. Autrement dit : « Montre-moi ta taxe professionnelle, et je te dirai si je viens » !

Nous ne disposons pas d’éléments concernant les autres types d’aides qui permettraient d’établir avec certitude que celles-ci servent vraiment à quelque chose. On discerne bien certains avantages de-ci de-là, mais le fait est que, pour l’instant, on ne peut pas dire à quoi sert tel ou tel dispositif. J’espère que les dispositions constitutionnelles permettront d’ouvrir ce type d’investigation, mais il faudra y mettre des moyens. Pour l’instant, nos estimations relèvent davantage du doigt mouillé que de méthodes d’investigation sérieuses !

M. Jacques Domergue. Si, comme vous l’avez fait remarquer, nous sommes arrivés au bout de la méthode – comprenons au bout du système –, nous ne pouvons que constater que les parlementaires et les gouvernements ont beaucoup de mal, en raison des aléas de la vie politique et du seuil de tolérance de la population, à mettre en pratique les recommandations de la Cour. En tout cas, sachant que l’année prochaine, s’ajouteront aux causes structurelles de nos déficits des causes conjoncturelles – puisque ce qui nous manque aujourd’hui, ce sont des rentrées financières –, il n’est pas faux de dire que le système est à bout de souffle. Dans ces conditions, existe-t-il une autre voie ou est-ce qu’il faut carrément changer de paradigme ?

En attendant, ne serait-il pas utile que la Cour des comptes puisse contrôler également les établissements privés, ce qu’elle n’a pas le droit de faire bien que ceux-ci gèrent de l’argent public ?

Enfin, estimez-vous que la loi dite « HPST » est de nature à améliorer les équilibres ?

M. le Premier président. S’agissant du système – vous avez en effet bien fait de corriger mon expression –, nous arrivons, je le répète, à son terme. Il faut maintenant se remettre à réfléchir, comme ce fut le cas en 1945. Nous n’avons en effet connu aucun moment semblable depuis, car même les ordonnances de 1967 n’ont pas constitué une totale remise à plat. Ce qu’il faut donc, c’est réfléchir à ce qui est couvert ou pas, à ce qui relève de la responsabilité individuelle ou collective, bref tout repenser.

Pour ce qui est des difficultés rencontrées dans la traduction des recommandations de la Cour, il convient de les relativiser puisque, même si leur portée est diverse, deux tiers des recommandations sont prises en considération, un tiers totalement et un tiers partiellement – étant précisé que celles qui auraient le plus d’impact dans le domaine financier relèvent plutôt de ce dernier tiers voire ne sont pas prises en compte du tout !

Quant à savoir s’il faut contrôler les établissements privés, il faut d’abord se souvenir que le principe même du contrôle de la sécurité sociale par la Cour ne date pas de 1945, mais de 1949, certains ayant défendu à l’époque le caractère privé et non public de l’argent en question. Tout cela pour souligner qu’un contrôle des établissements privés n’est pas aussi évident que dans le cas d’une subvention d’État ou d’un conseil général en faveur d’une entreprise ou d’une association. De plus, le caractère commercial de ces établissements doit être pris en compte, dans la mesure où nos observations étant par définition publiques, elles ne doivent pas devenir un élément perturbateur dans leur fonctionnement. J’en veux pour preuve le luxe de précaution que nous prenons vis-à-vis des banques en veillant au caractère le plus anonyme possible de nos observations, de manière à éviter certaines réactions des épargnants craignant pour leur établissement financier sous prétexte que l’on aurait dit ou prévu des choses désagréables à leur encontre.

Quant à la loi dite « HPST », nous verrons plus tard, faute pour l’instant de pouvoir formuler un pronostic à son sujet.

Mme Edwige Antier. Pour avoir été pédiatre à l’Assistance publique – mais également dans le privé –, je puis témoigner que la mise en place de la gouvernance y a changé les mœurs et coordonné les pratiques, et que si elle rencontre des résistances, il ne faut rien lâcher. Quant au secteur privé, l’accréditation permet tout de même à l’État d’y mener un contrôle des bonnes pratiques qui, certes, peut paraître lourd à certains établissements, mais qui représente déjà un premier effort de coordination important.

Pour ce qui est des retraites, je me félicite des efforts accomplis en faveur des mères. Pour autant, justifier les majorations de durée d’assurance en raison de l’acte d’accouchement me paraît un peu réducteur – même s’il représente un séisme pour le corps humain. Ne tend-on pas ainsi à mépriser les efforts accomplis par les femmes pour l’éducation de leur enfant, parfois jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, tous ces efforts qui pénalisent leur carrière, donc leur salaire et leur retraite ? Les indicateurs dont dispose la sécurité sociale le montrent, le soutien des mères – qu’il s’agisse ne serait-ce que du nombre de congés parentaux et de congés pour enfant malade pris par les femmes – dans le développement des enfants représente un apport énorme pour notre société, un vrai travail qui va à l’encontre de l’avancement de leur carrière. Dans ces conditions, vouloir faire sur le dos des femmes une économie de 1 milliard sur la majoration de durée d’assurance accordée aux mères qui s’occupent à 90 % des enfants, reviendrait à ne pas valoriser leur travail et donc à ne pas encourager les hommes à y participer.

M. le Premier président. Je ne peux que regretter que vous n’ayez pu vous rendre à Bruxelles pour convaincre la Commission qui a jugé pour sa part ce dispositif comme discriminatoire, car bénéficiant de fait essentiellement aux femmes – alors que vous avez souligné vous-même la participation relativement modeste des hommes en la matière ! Il est vrai que Bruxelles pourra toujours prétendre que l’évolution en ce domaine, à savoir un partage des tâches, est inéluctable.

Mme Michèle Delaunay. La tarification à l’activité a été mal codifiée, au point que des services, comme celui d’hématologie à Bordeaux, sont déficitaires, du fait en l’occurrence d’une sous-évaluation de la prise en charge des leucémies. À ce propos, la Cour a-t-elle eu l’occasion d’évaluer la version 11 des groupes homogènes de malades dans le cadre de la T2A, et la prise en compte correctrice du caractère social de certaines prises en charge et de la complexité de certains actes ?

À un moment où les hôpitaux sont quelque peu mis sur la sellette en raison de leurs dépenses, je me fais l’écho de la volonté, que je crois générale ici, de voir la Cour contrôler les comptes des cliniques privées, non seulement parce que celles-ci sont financées par des fonds publics et que leur fonctionnement impacte, par un effet de dumping, celui des hôpitaux publics, mais aussi parce que la Cour doit pouvoir évaluer la fongibilité asymétrique que la loi dite « HPST » a instituée.

S’agissant de la prévention, la Cour a-t-elle pour mission d’évaluer les retombées financières des actions entreprises en la matière, sachant que la différence de coût entre un cancer traité par un simple acte chirurgical après avoir été décelé très tôt et un cancer non immédiatement traité, peut aller de 1 à 100 ? Dans le même ordre d’idée, les effets de la politique de lutte contre le tabac ont-ils été évalués ?

Quant aux études d’impact et aux évaluations, vous nous demandez, avec raison, d’y être extrêmement vigilants. Je ne prendrai à cet égard que l’exemple de la loi relative aux jeux en ligne, dont le caractère addictogène explique, du fait notamment de toutes ses conséquences médicales, que nous soyons en droit de demander une étude d’impact et une évaluation.

M. le Premier président. Pour revenir, de façon générale, sur la question de l’évaluation, tout dépend de ce que l’on entend par là. S’il s’agit de s’en tenir au domaine organisationnel et financier, c’est un travail auquel procède souvent la Cour. En revanche, si l’on entend par évaluation un exercice pluridisciplinaire permettant de prendre en considération toutes les dimensions d’un sujet, c’est-à-dire aussi bien ses avantages ou ses inconvénients en matière économique et financière que son impact en termes de santé publique, etc, il faut bien avouer que tant l’administration que nous-mêmes ne pratiquons que modestement l’interdisciplinarité, à savoir mettre autour de la table, pour user d’une image, des gens de différentes disciplines.

C’est la raison pour laquelle, prenant appui sur la disposition constitutionnelle qui charge la Cour d’assister le Parlement dans sa mission d’évaluation, nous cherchons à nous réformer en ce sens, afin d’avoir demain la possibilité soit de le faire nous-mêmes, soit de collaborer avec des gens qui nous permettront d’apporter une réponse, par exemple sur la dimension médicale d’un système. Nous avons commencé à le faire de façon très empirique, en particulier sur les effets du tabagisme en menant des travaux communs notamment avec l’Institut national du cancer. Mais il s’agit d’une démarche radicalement nouvelle qui améliorera les conditions d’éclairage de la gouvernance.

Cela dit, il restera toujours un moment où le responsable de la gouvernance devra prendre ses responsabilités, car on n’apportera jamais de solution clé en main. C’est à lui qu’il reviendra de franchir le Rubicon, lequel sera plus ou moins large selon la situation.

Mme Catherine Génisson. Je tiens à mon tour à souligner la légitimité pour la Cour des comptes de s’intéresser au secteur hospitalier privé, dans la mesure où, au-delà des questions budgétaires, la loi dite « HPST » a prévu, outre la fongibilité de l’activité, un transfert de missions de service public de l’hôpital public vers l’hôpital privé.

Pour revenir sur l’importance des études d’impact et de l’évaluation, l’expérimentation ne vous parait-elle pas également une possibilité de mieux légiférer ?

Par ailleurs, si vous avez eu raison, à propos de la gouvernance interne, de souligner la juste place que doit prendre la gouvernance médicale dans la gouvernance globale des établissements hospitaliers – sujet qui nous a beaucoup occupés lors du débat sur la loi dite « HPST » –, ne pensez-vous pas, s’agissant de la gouvernance externe, qu’il a manqué avec la mise en place des agences régionales de santé, qui vont traiter non seulement de l’hospitalisation, mais de toute l’organisation du système de santé et encore plus du médico-social, une courroie de transmission entre les anciennes agences régionales de l’hospitalisation et le ministère de la santé, c’est-à-dire entre la politique définie nationalement et celle déclinée régionalement ?

Concernant nos dépenses, que vous avez estimées somptuaires en matière de radiologie et de biologie, ne serait-il pas possible de dissocier l’achat de la machine de l’acte médical, afin d’éviter l’augmentation continue du coût de l’acte médical du fait du coût de l’amortissement de la machine, alors même que l’acte médical n’est pas devenu plus sophistiqué ?

M. le Premier président. S’agissant du contrôle des structures privées, je précise à l’attention également de madame Antier que le contrôle de l’État est une chose et que celui de la Cour des comptes en est une autre, puisqu’il s’agit d’un contrôle externe indépendant. Nous n’avons pas par exemple à rechercher tel ou tel accord.

Pour ce qui est de l’expérimentation, elle est une nécessité, et ce n’est pas au sein de la Commission présidée par M. Pierre Méhaignerie, qui en a été longtemps le chantre, que je me hasarderai à dire le contraire – je ne parle pas bien sûr de l’expérimentation des traitements ! C’est une formule à laquelle il faudra recourir de plus en plus, pas seulement d’ailleurs pour apporter la preuve du bien-fondé d’une mesure à ceux que l’on veut convaincre, mais aussi pour éclairer ceux qui voudraient la mettre à leur tour en pratique.

Concernant la gouvernance externe, les disparités que nous avons rapportées justifient votre observation selon laquelle des problèmes d’inégalité ont pu apparaître dans la qualité de la transmission entre le ministère et chaque agence régionale de l’hospitalisation. La situation, nous dit-on, s’est améliorée. Cela étant, il est arrivé, à propos de problèmes de responsabilité qui n’étaient pas si simples à régler, que l’on soit parfois désavoué par le ministère – ce qui n’était pas la meilleure façon de procéder. Toujours est-il que le système a paru perfectible puisque l’on y substitue une autre formule. Nous verrons ce que celle-ci donnera.

Quant à dissocier la cotation de l’acte du coût de l’amortissement de la machine, c’est une question à laquelle nous allons réfléchir.

M. Jean-Luc Préel, président. Je vous remercie de vos réponses.

B. AUDITION DE MME ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN, MINISTRE DE LA SANTÉ ET DES SPORTS, M. XAVIER DARCOS, MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES, DE LA FAMILLE, DE LA SOLIDARITÉ ET DE LA VILLE ET M. ÉRIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT

La commission des affaires sociales a entendu Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 au cours de sa séance du 14 octobre 2009.

M. le président Pierre Méhaignerie. Mes chers collègues, nous accueillons mesdames et messieurs les ministres et secrétaires d’État – je souhaite en particulier la bienvenue à Mme Nora Berra pour sa première intervention devant notre commission – pour cette présentation traditionnelle du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Malgré la crise et la baisse de 2 % des recettes, le Gouvernement a voulu conserver un haut niveau de protection sociale. Nous partageons ce choix. Il a même fait plus puisque, avec le revenu de solidarité active, la réduction de l’impôt sur le revenu pour les premières tranches, les 7 milliards supplémentaires de prestations et le financement du chômage partiel, on peut dire que les politiques sociales ont été actives.

L’envers du décor est l’aggravation du déficit. Cette politique de protection sociale – la plus forte en Europe – présente de nombreux avantages et elle a été un amortisseur de la crise. Néanmoins, les déficits inquiètent, et nous devrons nous y intéresser de près l’an prochain, car il y a des marges d’efficience. Nos dépenses sociales sont parmi les plus élevées, mais nous n’avons pas, nous dit le président des Semaines sociales de France, des ratios de résultats à leur mesure.

En outre, il nous faudra rechercher des recettes supplémentaires…

M. Maxime Gremetz. Nous vous donnerons des pistes, en particulier du côté des niches…

M. le président Pierre Méhaignerie. … ou remettre en question des pertes de recettes fiscales qui se sont accumulées ces dix dernières années, si nous voulons réduire substantiellement le déficit sans attendre 2013.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Conséquence immédiate de la crise : les comptes de la sécurité sociale sont préoccupants. Ainsi, le déficit du régime général, qui est déjà passé de 10,2 milliards d’euros en 2008 à 23,5 milliards en 2009, devrait atteindre 30,6 milliards en 2010.

Autre conséquence de la crise,…

M. Maxime Gremetz. Elle a bon dos !

M. le ministre du budget. … pour la première fois depuis bien longtemps, la masse salariale recule pendant deux années successives : de 2 % en 2009 et de 0,4 % en 2010. Au total, pour les années 2009 et 2010, la sécurité sociale perdra 21 milliards d’euros de recettes par rapport aux recettes qu’aurait générées une évolution de la masse salariale égale à la croissance moyenne constatée au cours des années 1998-2007. Cette situation est inédite depuis très longtemps. Le déficit dû à la crise – au manque de recettes et de cotisations – représente 65 % du déficit en 2009 et 75 % en 2010.

Notre stratégie vise à faire face à cette situation exceptionnelle, d’une part en gérant la sortie de crise, qui seule permettra de répondre à l’augmentation ponctuelle du déficit, d’autre part en continuant à réformer la sécurité sociale et en adaptant cette réforme au temps de crise que nous vivons.

Comme en 2009, nous refusons les hausses de prélèvements. En effet, compenser de la sorte la chute des recettes serait une erreur, car cela tuerait les recettes elles-mêmes. Par ailleurs, la reprise de la dette de la sécurité sociale par la CADES ne doit pas passer par une augmentation des prélèvements ; un transfert de dettes nécessiterait une hausse de la CRDS, qui pèserait sur le pouvoir d’achat, donc sur la croissance.

En 2010, l’ACOSS continuera donc à porter le déficit de la sécurité sociale. Elle recourra, en complément de ses instruments classiques de financement – émissions de billets de trésorerie et avances de la Caisse des dépôts – à des émissions complémentaires sur les marchés. D’un point de vue technique, ces émissions seront intégralement assurées par l’Agence France Trésor, qui agira en tant que prestataire de service pour l’ACOSS. Ainsi, cette dernière couvrira l’intégralité de son besoin de trésorerie, qui variera, selon les mois de l’année, entre 30 et 60 milliards d’euros.

Nous réformons par ailleurs notre système social, mais dans le respect de ses principes. Ainsi, plutôt que de supprimer des prestations pour compenser la baisse des recettes, nous avons laissé notre système de protection sociale jouer le rôle d’amortisseur de crise, que vient de souligner le président Méhaignerie. En outre, grâce aux revalorisations des prestations et aux mesures exceptionnelles - comme la prime de solidarité active ou la prime pour les familles modestes - 7,2 milliards d’euros supplémentaires ont été distribués aux Français en 2009 pour soutenir leur pouvoir d’achat. Nous en sommes fiers : ainsi, la crise a moins touché les Français que d’autres.

En ce qui concerne les recettes, nous avons accepté les conséquences du recul de la masse salariale et adapté notre politique de recouvrement, en autorisant fréquemment les entreprises et les URSSAF à échelonner les paiements.

Nous avons donc pris nos responsabilités pour atténuer les effets de la crise.

Parallèlement, nous continuons à réformer la sécurité sociale pour pouvoir redresser la situation dès que la croissance sera de retour.

Nous orientons notre action autour de quatre priorités.

La première consiste à continuer à maîtriser la progression des dépenses d’assurance maladie. Pour la première fois depuis 1997, l’ONDAM sera respecté cette année puisqu’il s’établira, selon nos dernières prévisions, à 3,4 %, alors que vous aviez voté un taux de 3,3 %. Voilà qui crédibilise nos prévisions.

Respecter cet objectif nécessite 2,2 milliards d’économies par rapport à la progression tendancielle des dépenses de 7 milliards d’euros par an. Mme Bachelot détaillera les mesures qui, pour la plupart, ont obtenu l’accord de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM). Elles traduisent notre vision de l’avenir de l’assurance maladie : protéger les principes qui fondent notre système de soins et le faire évoluer vers plus d’efficacité.

Deuxième priorité : continuer à élargir le financement de la protection sociale, afin qu’il pèse moins sur le travail. Aujourd’hui, 70 % du financement de la sécurité sociale se fait par les salaires. Nous cherchons – souvent sous l’impulsion du Parlement, et je salue l’action de M. Bur à cet égard – à réduire un certain nombre de niches sociales.

Nous ne touchons pas aux dispositifs qui sont utiles pour l’emploi, par exemple les allégements Fillon ou les exonérations ciblées sur des publics prioritaires, mais nous réduisons les dispositifs qui sont en contradiction avec la volonté du Gouvernement de valoriser le travail.

Toutes les catégories de revenus doivent être soumises à la CSG, au même titre que les salaires. Cela concerne en particulier les revenus du capital. Ainsi, les plus-values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières seront soumises aux prélèvements sociaux dès le premier euro. Cela nous semble juste. Nous en attendons un rendement de 110 millions d’euros.

L’exonération de prélèvements sociaux pour les contrats d’assurance vie multisupport en cas de dénouement par succession sera supprimée. C’est également une mesure juste, dont le rendement devrait atteindre 270 millions d’euros.

Nous voulons aussi renforcer la contribution des revenus complémentaires au financement de la protection sociale ; le taux du forfait social passera ainsi de 2 % à 4 %, pour un rendement attendu de 380 millions d’euros.

Enfin, pour poursuivre la moralisation du capitalisme financier, la taxation de certaines rémunérations à caractère exceptionnel continuera d’augmenter, et je propose de doubler le taux de la contribution employeur pour les retraites « chapeau ».

Troisième priorité : continuer à rendre le système plus juste, en intensifiant la lutte contre la fraude. Entre 2006 et 2008, les résultats des contrôles ont augmenté de 65 %, passant de 227 à 365 millions d’euros. Je félicite tous ceux qui s’y consacrent au sein des caisses.

Les contrôles des arrêts maladie ont également beaucoup progressé, passant de 700 000 en 2006 à 1,6 million fin 2008. La contre-visite de l’employeur, expérimentée en 2008, sera généralisée.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Le volet maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale – projet qui, fait exceptionnel, a reçu l’avis favorable de 1’UNCAM – est cette année moins volumineux que par le passé : une quinzaine d’articles, auxquels s’ajouteront, comme chaque année, d’autres mesures, non législatives, permettant d’assurer le respect de l’ONDAM.

De nombreux outils ont été créés dans les dernières lois de financement : référentiels médico-économiques de la Haute autorité de santé, nouveaux cas de mise sous accord préalable, dispositif de régulation des dépenses de médicaments onéreux à l’hôpital, contrats d’amélioration des pratiques individuelles – on en compte déjà près de 11 000 !

Ces nouveaux instruments, il faut continuer à les faire vivre en les améliorant si nécessaire, comme je le propose pour la mise sous accord préalable. Il faut continuer à les faire vivre, pour la bonne raison qu’ils fonctionnent, la croissance des dépenses d’assurance maladie ayant ralenti pour devenir plus supportable. Elle est en effet passée de 4 % en 2007, à 3,5 % en 2008 et à 3,4 % en 2009, soit un taux très proche de l’ONDAM voté.

Ainsi, malgré la grippe, malgré la crise, malgré l’ampleur de nos déficits publics et sociaux, nous devons poursuivre la politique initiée depuis 2007 et continuer à relever le défi de tenir les dépenses sans dégrader la qualité des soins et en préservant nos principes fondamentaux ainsi qu’un taux de remboursement d’autant plus élevé que les pathologies sont graves, lourdes et coûteuses, et que les thérapeutiques sont onéreuses, prouvées et efficaces.

Cela dit, même si nous assumons la part conjoncturelle du déficit, qui joue un rôle d’amortisseur social, la crise nous invite à davantage d’ambition dans la détermination de l’ONDAM, dont le taux d’évolution globale sera fixé à 3 %, soit un niveau un peu inférieur à celui de l’an dernier et compatible avec la croissance à long terme de l’économie. Il s’agit d’un effort important au regard de la récession de 2,25 % en 2009 et de la prévision de croissance d’à peine 0,75 % pour 2010.

Après le vote de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », afin que les agences régionales de santé puissent assurer une bonne articulation entre les différents secteurs, l’évolution des objectifs de dépenses d’assurance maladie sera équilibrée entre la ville et l’hôpital, avec un même taux d’augmentation de 2,8 %.

Pour y parvenir, ainsi que les caisses nationales d’assurance maladie nous l’ont proposé début juillet, tous les acteurs de notre système de soins devront poursuivre leurs efforts : il faut continuer à adapter notre système d’assurance maladie en l’ajustant au plus près des progrès médicaux, des marges d’efficience et des évolutions sociales.

S’agissant des soins de ville, nous exigeons une maîtrise médicalisée plus ambitieuse que l’an dernier, avec un objectif de 595 millions d’euros d’économies. L’effort devra particulièrement porter sur les indemnités journalières, qui représentent près de 8 milliards d’euros, en croissance de 7 % en 2009. La diffusion de référentiels, la procédure simplifiée de mise sous entente préalable et la généralisation de la contre-visite de l’employeur devraient ralentir ces dépenses.

Notre approche des affections de longue durée (ALD) reste médicale, conformément aux recommandations de la Haute autorité de santé, notamment de son avis de décembre 2007 : au-delà du renforcement de la prévention et de l’éducation thérapeutique, nous envisageons, dans le cadre du plan cancer II, de permettre aux personnes guéries du cancer – car on guérit du cancer ! – de sortir plus vite du statut d’ALD, tout en continuant à bénéficier d’une prise en charge à 100 % pour les examens de suivi. L’objectif est de favoriser la réinsertion sociale de ces personnes.

Pour les soins de ville, nous proposons de poursuivre l’ajustement des tarifs et des prix. La radiologie et la biologie présentent des marges importantes par rapport aux tarifs de la sécurité sociale ; les dépenses à ce titre seront donc réduites de 240 millions d’euros.

Comme chaque année, des diminutions de prix seront opérées sur les médicaments, y compris sur les génériques et sur les dispositifs médicaux. Les économies résultant de la générication du Plavix devraient limiter l’évolution des remboursements à 2,2 %, sécurisée par un abaissement du taux k à 1 %, justifié par le ralentissement économique et l’absence de nouveaux médicaments innovants et onéreux.

Enfin, en reprenant, tout en la modifiant, la proposition de la Mutualité sociale agricole sur les médicaments à 35 %, nous prévoyons de passer à 15 % les médicaments à service médical rendu faible dans toutes leurs indications, ainsi que les médicaments restés à 35 % alors que leur service médical est insuffisant. Les personnes exonérées du ticket modérateur ne sont évidemment pas concernées par cette mesure, qui permettra de réaliser 145 millions d’euros d’économies.

Le taux de remboursement ne dépendra que d’un seul critère, exclusivement médical : c’est l’efficacité d’un médicament qui commandera son taux de remboursement. Mais nous aurons désormais quatre taux : 100 % pour les médicaments irremplaçables et onéreux, 65 % lorsque le service médical rendu est important, 35 % lorsqu’il est modéré, et 15 % lorsqu’il est faible. Les analgésiques, tels que l’aspirine ou le paracétamol, resteront donc remboursés à 65 %. Chaque année sont admis au remboursement des médicaments présentant un intérêt thérapeutique très élevé, pour un montant global d’un milliard d’euros cette année.

Le taux de progression de 1’ONDAM sera également de 2,8 % pour les établissements de santé, ce qui permettra d’assurer le développement d’une offre hospitalière de soins adaptée aux besoins de la population en finançant les plans de santé publique, la deuxième tranche du plan Hôpital 2012 et la première étape du processus de revalorisation salariale des personnels paramédicaux, qui se prolongera dans les années à venir.

Mais ce taux exige aussi de poursuivre les efforts d’amélioration de la performance des établissements de santé.

Si nous avons décidé de détendre le calendrier de la convergence intersectorielle, nous envisageons aussi de rapprocher certains tarifs, notamment en chirurgie ambulatoire.

Cinquante établissements réaliseront des projets de transformation hospitalière coordonnés par la nouvelle Agence nationale pour la performance hospitalière.

Un mécanisme de régulation des dépenses incitera les établissements de santé à réfléchir à une meilleure organisation de la prescription de transports sanitaires.

Enfin, dans un souci d’ajustement des tarifs, le forfait journalier hospitalier créé en 1983 pour participer aux frais d’hébergement à l’hôpital, et qui n’a pas augmenté depuis 2007, passera de 16 à 18 euros en médecine, chirurgie et obstétrique et soins de suite et de réadaptation, et de 12 à 13,50 euros en psychiatrie.

Les plus modestes (CMUC, aide médicale d’État), ainsi que les femmes enceintes et les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, sont exonérés de ce forfait qui, pour les autres patients, peut être pris en charge par les complémentaires santé. Représentant une économie de 160 millions d’euros, cette mesure ne modifiera que très modestement le niveau du reste à charge des ménages à l’hôpital, qui est de 3 %.

Quelques mots enfin sur l’impact de la lutte contre la pandémie grippale sur ce projet de loi de financement. Nous avons fait le choix d’une politique de prévention grâce à une campagne de vaccination. Cette campagne a un coût. Je salue le geste des complémentaires santé qui se sont engagées à y apporter leur contribution exceptionnelle. En raison en leur caractère exceptionnel, les dépenses liées à la grippe ne seront pas comptabilisées dans l’appréciation du respect de l’ONDAM par le comité d’alerte.

Vous le voyez : je ne vous ai annoncé ni de grand plan, ni de grand soir, simplement la continuité contre vents et marées de notre politique. L’année 2009 aura été une année de quasi-respect de l’ONDAM, avec le meilleur résultat de maîtrise des dépenses depuis 1999. Je m’engage à tout mettre en œuvre pour que, l’an prochain, nous puissions également constater le respect de l’ONDAM.

C’est en avançant ainsi, régulièrement, que nous parviendrons à contenir à la source les dépenses et à réduire les déficits, sans remettre en cause les fondements de solidarité de notre système de santé.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. J’aborderai quatre axes dans mon domaine de compétence.

Le premier concerne la branche vieillesse. Nous avons souhaité que soit sauvegardée la majoration de deux ans de la durée d’assurance pour les mères de famille : quatre trimestres au titre de la grossesse et de la maternité et quatre autres au titre de l’éducation. Pour les enfants à naître, une nouvelle disposition permettra au couple, s’il le souhaite, de décider conjointement de répartir la seconde majoration entre le père et la mère ; dans le silence du couple, la majoration de la deuxième année reviendra à la mère. Pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, la majoration ne pourra être répartie entre les deux parents qu’au cas où le père démontre qu’il a élevé seul son enfant. Au total, je pense que nous avons sauvé le dispositif, que nous avons au passage étendu aux parents adoptant.

Par ailleurs, alors que, jusqu’à présent, en effet, en raison de l’interruption de la pension d’invalidité à soixante ans, les personnes dites de « première catégorie », c’est-à-dire que leur niveau d’incapacité n’empêche pas de poursuivre une activité, étaient contraintes de cesser leur activité professionnelle dès soixante ans. Désormais, ceux qui le souhaitent pourront prolonger leur carrière, la pension étant servie jusqu’à soixante-cinq ans.

Enfin, nous avons décidé de doubler les prélèvements sur les retraites « chapeau ». Souhaitée par le Président de la République, cette mesure de justice mettra les différents régimes de retraite supplémentaire sur un pied d’égalité.

Deuxième axe : la branche accident du travail et maladies professionnelles. Le projet de loi de financement instaure un système de « bonus-malus » pour rendre plus efficace la prévention des accidents du travail. D’une part, il simplifie les mécanismes de majoration de cotisations lorsque l’entreprise présente un cas de risque avéré ou récurrent : c’est le malus. D’autre part, il crée une incitation financière pour les entreprises qui réalisent des investissements de prévention : c’est le bonus. Nous transposons ainsi dans le projet de loi les orientations définies par les partenaires sociaux dans l’accord de mars 2007.

Troisième axe : la branche famille. Peu de choses en la matière, je le reconnais, si ce n’est que nous avons décidé de proposer un prêt à taux zéro de 10 000 euros sur douze mois aux assistantes maternelles qui souhaitent améliorer leur lieu d’habitation et d’accueil.

Quatrième axe : le médico-social. Pour les personnes âgées dépendantes, l’ONDAM médicosocial augmentera de 5,8 %, soit 550 millions d’euros, avec deux orientations principales.

S’agissant de la mise en œuvre du plan Alzheimer pour aider les assistants familiaux, le budget prévoit le financement de 2 100 places nouvelles d’accueil de jour et de 1 100 places nouvelles d’hébergement temporaire. En outre, est prévue la création de 600 pôles d’activité et de soins Alzheimer – PASA – et 140 unités d’hébergement renforcé – UHR – pour les personnes présentant des troubles du comportement.

De plus, nous poursuivons la création de places. 7 500 places nouvelles en maisons de retraite seront financées – au lieu des 5 000 prévues initialement –, ainsi que 6 000 places de services de soins infirmiers à domicile – les SSIAD.

Par ailleurs, pour lever une difficulté majeure que rencontrent les personnes handicapées, nous permettons aux établissements de financer sur leur budget – que nous augmenterons – les frais de transport pour se rendre en accueil de jour.

Un mot, enfin, des recettes. Comme l’a souhaité le Président de la République devant le Congrès, le projet de loi de financement comporte deux mesures relatives à des niches sociales. D’une part, l’exonération de prélèvements sociaux lors de la succession pour les contrats d’assurance vie en unités de compte est supprimée, qui seront ainsi désormais traités comme les contrats en euros. D’autre part, les plus-values réalisées lors de cession de valeurs immobilières seront désormais soumises aux prélèvements sociaux dès le premier euro et non plus au-delà d’un forfait de 25 000 euros.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Monsieur le ministre du budget, vous auriez bien du mal à faire ratifier par l’Assemblée la directive autorisant la vente de tabac sur Internet. Il vous faudra au contraire vous opposer à l’application de cette directive pour des raisons de santé publique, mais aussi à cause des risques de contrefaçon et d’encouragement des réseaux mafieux.

J’en viens au projet de loi de financement. La crise bouleverse nos finances sociales en creusant des déficits sans précédent. La priorité est donc de sortir de la crise et nous soutenons le choix du Gouvernement de ne pas freiner ce mouvement en alourdissant les prélèvements obligatoires. Pour autant, les perspectives sont très préoccupantes, car les effets de la crise se feront encore plus durement sentir en 2010. Même avec des hypothèses de croissance très optimistes à l’horizon 2013, de + 2,5 % pendant trois ans, et d’augmentation de 5 % de la masse salariale, nous arriverons, sans mesure de correction, à un déficit structurel d’une quarantaine de milliards d’euros. Si rien n’est fait d’ici-là, le déficit absorbera 1,5 % de CRDS et quelques points de CSG. On mesure la tâche qui nous attend !

Les Français craignent que cette dérive financière n’aboutisse à une remise en cause fondamentale de la solidarité. Quelles perspectives pouvons-nous leur offrir ?

Vous l’avez dit, madame la ministre : il faut accroître l’efficience du système de santé, mais quels objectifs devons-nous précisément nous fixer en la matière ?

S’agissant des retraites, sommes-nous prêts, en dépit des réticences de nos concitoyens, à engager les réformes que la situation financière exige ?

Maintenir le niveau des dépenses permet en effet d’amortir socialement la crise : aujourd’hui, malgré la crise, personne n’est exclu du système de soins et les retraites sont payées. L’ONDAM proposé pour l’an prochain est ambitieux, car des pays comparables au nôtre ont choisi de ne pas augmenter les dépenses.

Il a été décidé de ne pas augmenter la CRDS pour rembourser la dette, mais il faut rassurer les Français, car les craintes que suscite cette dette les pousse à épargner, ce qui ne sert pas la croissance.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Le constat du déficit vertigineux du régime général de la sécurité sociale est partagé par tous.

Dans une période de crise aiguë des recettes, bien loin du choix de l’austérité que l’on nous annonçait, ce projet de loi de financement privilégie la maîtrise médicalisée des dépenses avec un ONDAM équilibré entre la ville et l’hôpital, et accentue l’effort dans le champ médico-social, C’est la preuve que vous voulez maintenir un haut niveau de protection sociale.

Nous acceptons votre choix de refuser les mesures douloureuses et de fixer le cap d’une réduction d’environ 3 milliards sur un total de 162 milliards d’euros de dépenses. Encore faut-il que les patients, les professionnels de santé, l’industrie et l’ensemble des acteurs partagent notre analyse et en tirent les conséquences.

Vous confirmez que l’ONDAM 2009 a été respecté, ce qui prouve l’efficacité de la maîtrise médicalisée. Quelle est la position du Gouvernement sur les négociations conventionnelles à venir ? Y aura-t-il prolongation de convention ou règlement conventionnel minimum arrêté par la ministre ? Qu’adviendra-t-il du secteur optionnel, qui intéresse tous ceux qui ont adopté au sein de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, l’année dernière, un amendement posant le 15 octobre comme date-butoir pour l’aboutissement des négociations visant à instaurer ce secteur ?

Par ailleurs, la convergence intersectorielle public-privé a été repoussée à 2018. S’il faut effectivement poursuivre les études sur l’analyse des écarts de coûts et des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) entre le public et le privé, le report à 2018 suscite certains grincements de dents chez les partisans de la T2A, dont je fais partie. Il faut, en effet, veiller à ne pas trop fragiliser le secteur privé qui a sa place dans le système de soin.

M. Maxime Gremetz. Oh la la !

M. Jean Mallot. M. Door veut concourir pour le prix de l’humour politique…

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. S’agissant des affections de longue durée, madame la ministre, je vois une contradiction entre le texte de l’article 29 et son exposé des motifs. Si la Haute autorité de santé et la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale ont préconisé de corriger les critères de sortie du régime des ALD, cela doit valoir pour toutes les ALD - comme le dispositif de cet article le permet – et non pour une seule, comme le propose l’exposé des motifs.

À quand par ailleurs une réflexion d’ensemble concrète sur le bouclier sanitaire ?

Enfin, monsieur le ministre du travail, l’article 42 crée des mesures incitatives pour la prise en charge de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ne faudrait-il pas profiter de l’actualité pour y ajouter le plan anti-stress ?

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Nous sommes à la veille du rendez-vous des retraites de 2010 et nous avons besoin de mesures et non de mesurettes. Je comprends donc parfaitement que trois articles seulement de ce projet de loi de financement portent sur l’assurance vieillesse.

Il fallait au plus vite régler le problème de la majoration de durée d’assurance. Le dispositif proposé, qui a fait l’objet d’une vraie concertation, est de qualité et convient à toutes les parties. Pour sa part, la mesure relative à l’invalidité répond à une demande. Enfin, celle qui porte sur le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) apporte une clarification bienvenue.

Le Président de la République l’a confirmé : le rendez-vous sur les retraites aura lieu en 2010. Pourriez-vous, monsieur le ministre du travail, nous en indiquer les grandes lignes ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. M. le ministre du travail l’a dit : la branche famille est le parent pauvre de ce projet de loi de financement. Je le regrette également.

Le Président de la République a pourtant affiché une grande ambition pour la politique familiale, en affirmant qu’un droit opposable à la garde d’enfant devrait être mis en place d’ici à 2012, et en s’engageant sur la création de 200 000 places de garde au cours de cette période. Or, il me paraît difficile d’atteindre dans les temps les objectifs annoncés sans remettre en cause les normes d’accueil ou sans en faire peser davantage le financement sur les collectivités locales.

C’est pourquoi je souhaiterais vous poser trois questions sur les modes de garde collectifs.

Tout d’abord, nous avons mis en place l’année dernière les regroupements d’assistants maternels. Or, il semble que nos collègues sénateurs veuillent revenir, cette année, sur l’obligation pour les assistants maternels, la caisse d’allocations familiales et le conseil général de signer une convention encadrant l’activité des regroupements. J’ose espérer que vous ne soutiendrez pas cette initiative.

Ma deuxième question a trait au projet de décret relatif aux établissements et services d’accueil d’enfants de moins de six ans, qui soulève l’inquiétude des acteurs de la petite enfance. Il prévoit en effet le passage de neuf à douze du nombre d’enfants accueillis dans les micro-crèches, un relèvement de 10 % à 20 % du taux d’accueil en surnombre, et la modification des exigences de qualification du personnel. Certes, la question des normes d’encadrement doit être posée si l’on veut développer les modes de garde, mais elle mérite un débat public. Pourriez-vous nous éclairer sur le contenu de ce décret ?

Enfin, pourriez-vous préciser le nombre de places d’ores et déjà créées par les jardins d’éveil ?

Par ailleurs, le seul article relatif à la branche famille concerne, vous l’avez dit, l’extension du prêt à l’amélioration de l’habitat. C’est une bonne mesure. Quel en sera le coût pour la branche famille ? Est-il prévu de conditionner l’attribution de ce prêt à un engagement particulier de l’assistant maternel, comme pour la prime à l’installation ?

Autre sujet de préoccupation pour les familles, le gel des prestations familiales. Certes, il s’agit d’une application stricte du code de la sécurité sociale. Cependant, si l’on y ajoute l’instauration de la majoration unique à quatorze ans des allocations familiales, qui devrait permettre cette année une économie de 200 millions d’euros pour la branche famille, le rôle d’amortisseur social que jouent les prestations au bénéfice des plus faibles, sur lequel le Gouvernement insiste tant, paraît largement théorique pour les familles les plus en difficulté. Ne pensez-vous pas que la période de crise devrait être propice à une réflexion de fond sur l’efficience et l’équité de nos prestations familiales ? J’avais notamment proposé, dans un rapport récent sur la prestation d’accueil du jeune enfant, un renforcement du complément de libre choix du mode de garde pour les familles modestes, qui aurait permis de les soulager en cette période difficile.

Un mot enfin sur la protection de l’enfance, qui concerne 300 000 enfants. La loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance prévoyait la création d’un fonds national de financement de la protection de l’enfance, destiné à compenser les charges résultant pour les départements de la mise en œuvre de la loi. Plus de deux ans après sa promulgation, le décret n’est pas paru et ce fonds n’est toujours pas abondé. En 2007, la CNAF avait pourtant provisionné 30 millions d’euros pour son financement, dont la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2008 a prévu le report. De leur côté, la Direction générale de l’action sociale et la Direction générale des collectivités locales estiment que ce fonds ne relève pas de leur budget. Comme le pointe le récent rapport de la Cour des comptes, les montants sont modestes au regard des dépenses engagées par les départements et ces retards décrédibilisent l’État. Peut-on avoir l’assurance que ce fonds sera mis en place cette année et suffisamment abondé ?

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour le secteur médico-social. Les éléments d’information que nous ont apportés les ministres confirment que, dans un contexte financier très difficile, les personnes âgées et les personnes handicapées restent une priorité pour le Gouvernement.

Mes questions concernent le budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Pouvez-vous nous donner des éléments plus précis sur le montant de l’objectif global de dépenses pour les personnes âgées et les personnes handicapées ? Quelle est l’évolution respective de ces montants par rapport à l’an dernier ? Comment se décompose le financement entre les structures nouvelles et les structures existantes ?

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances. Avec un niveau de dépenses tenu, un respect sans précédent de l’ONDAM, et un niveau de transferts sociaux également sans précédent – 6 % au lieu de 2 % par an habituellement –, ce projet de loi de financement est un exploit. Dans une conjoncture très difficile, il permet aux stabilisateurs automatiques de fonctionner et au revenu disponible des ménages français de se maintenir.

Pour autant, la question de l’élargissement de l’assiette se pose et ne cessera de se poser. Vous l’avez dit, monsieur le ministre du budget, vous avez arbitré en faveur d’un mode de gestion dans le périmètre ACOSS des besoins de financement et des besoins de trésorerie. Quelle est la teneur de l’avenant de la convention avec la Caisse des dépôts et consignations ? Quelle tarification serait applicable au-delà des 25 milliards, et comment assurer le financement des 31 à 65 milliards dont nous aurons besoin au cours de l’année 2010 ? Pourquoi n’a-t-on pas envisagé de s’appuyer sur la CADES ?

S’agissant du déficit des hôpitaux, une annexe du projet de loi fait apparaître un montant d’environ 1,1 milliard d’euros. Pourriez-vous nous fournir des données actualisées ?

Enfin, comment expliquez-vous la sous-consommation endémique des crédits dans le domaine médico-social, qui conduit à une mesure d’aubaine portant sur les crédits disponibles à la CNSA ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité. La branche famille joue son rôle d’amortisseur social au niveau des recettes comme au niveau des dépenses. Ainsi, son déficit atteindra 3,1 milliards d’euros en 2009 et 4,4 milliards d’euros en 2010.

Cela étant dit, en cette période de crise, nous maintenons le cap voulu par le Président de la République s’agissant d’une part, du développement des modes de garde d’enfants, d’autre part, des personnes handicapées.

Je vous rappelle que nous avons signé l’an passé avec la CNAF une convention d’objectifs et de gestion qui a engagé l’État pour près de 1,3 milliard d’euros de plus. Une progression du Fonds national d’action sociale de près de 7,5 % par an nous permettra de tenir notre engagement en matière de développement des modes de garde.

La politique familiale mobilise près de 88 milliards d’euros, soit 5 points de PIB. Nos voisins s’intéressent à nos dispositifs fiscaux et à nos modes de garde très diversifiés, qui nous permettent d’avoir le taux de natalité le plus élevé de l’Union européenne : 2,018 enfants par femme contre 1,5 en moyenne.

Après l’adoption par le conseil d’administration de la CNAF de la prime de 300 à 500 euros à l’installation, qui permet aux assistantes maternelles de s’installer dans des secteurs sous-dotés en modes de garde, ce projet de loi de financement prévoit une autre mesure importante : le prêt à taux zéro de 10 000 euros, également destiné à favoriser l’installation. Je vous rappelle que le passage de trois à quatre enfants par assistante maternelle, que vous avez adopté l’année dernière, permet d’offrir 50 000 places supplémentaires, donc d’accueillir plus d’enfants.

Trois mois seulement après avoir présenté le cahier des charges pour les jardins d’éveil, je suis allée inaugurer les premiers dans le Tarn-et-Garonne. 300 places sont aujourd’hui créées. Le dispositif monte en charge et je m’en réjouis.

Un autre dispositif très important concerne les 215 quartiers prioritaires de la dynamique « Espoir banlieues ». Avec M. Darcos, nous avons souhaité permettre aux femmes qui y vivent – dont le taux d’activité est dix fois inférieur à la moyenne nationale – de bénéficier de modes de garde dans les bâtiments situés dans leur quartier, à proximité de leur habitation. Nous avions prévu 1 500 places, nous avons reçu 380 dossiers, et nous serons en fait en mesure, parce que nos fonds sont fongibles, de créer 3 400 places. C’est un effort significatif à destination des familles de ces quartiers sensibles.

S’agissant du regroupement d’assistantes maternelles, la convention élaborée avec l’ensemble des partenaires, les syndicats et la branche famille, permet de garantir à la fois souplesse et flexibilité, tout en respectant le droit du travail. Le regroupement des assistants maternels est également en plein essor, je m’en réjouis.

Nous avons augmenté cette année les allocations familiales de 3 %, alors que le taux d’inflation était nettement inférieur. Je rappelle qu’en cette période de crise, où le Gouvernement s’est montré très solidaire envers les familles les plus exposées, nous avons versé, en plus de l’allocation de rentrée scolaire, une prime de 150 euros au mois de juin. À titre d’exemple, une famille dont un enfant est scolarisé en primaire et un autre au lycée aura touché 737 euros de juin à août. C’est une aide très importante pour les familles les plus en difficulté. Nous respecterons les critères d’attribution des allocations familiales, notamment en ce qui concerne leur augmentation.

Nous avons beaucoup consulté – en particulier les professionnels de la petite enfance – pour élaborer le projet de décret. Nous ne sommes pas favorables à la modification du taux d’encadrement et nous souhaitons donc nous en tenir à un adulte pour cinq bébés et un adulte pour huit enfants qui marchent.

Par ailleurs, j’ai souhaité, car cette demande émanait également des professionnels, que les titulaires d’un CAP petite enfance et ayant plus de trois ans d’expérience puissent participer à l’encadrement. C’est important à l’heure où l’on parle d’ascenseur social.

Enfin, nous avons respecté l’engagement du Président de la République s’agissant du nombre de places créées pour les personnes handicapées : ce défi sera encore relevé en 2010. Ce plan va mobiliser près de 360 millions d’euros de mesures nouvelles en faveur des établissements et services pour personnes handicapées. Au total, ce sont plus de 5 500 places nouvelles, diversifiées et adaptées aux besoins de chacun, qui seront financées en 2010 grâce à un taux ONDAM médico-social qui croît de 5,8 %.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée des aînés. S’agissant des personnes âgées, l’objectif global de dépenses est de 7,912 milliards d’euros. Les mesures nouvelles s’élèvent à 553 millions d’euros. Après les 566 millions consacrés aux créations de places en 2009, la dynamique reste forte.

S’agissant du budget de la CNSA et des excédents, une mission IGAS-IGF réfléchit aux moyens de mieux faire à l’avenir. À ce jour, 300 millions d’euros n’ont pas été consommés en 2009, après que l’excédent a atteint 500 millions d’euros en 2008, comme en 2007.

Dans ce total, 150 millions d’euros correspondent à des dépenses qui ont été surbudgetées les années précédentes et qui ne seront pas réalisées. Cela tient à la forte dynamique de crédits alloués les années précédentes, à un ONDAM personnes âgées de 8,3 % en 2009 et aux délais d’ouverture des maisons de retraite et de recrutement des personnels qualifiés.

J’espère que cette mission des deux inspections nous permettra d’optimiser l’attribution des budgets et leurs contrôles.

Mme Marisol Touraine. Nous espérons que la mobilisation sera forte contre la possibilité d’acheter le tabac sur Internet, que nous jugeons très préoccupante au regard des impératifs de santé publique.

Par ailleurs, nous regrettons que l’audition sur la grippe A, initialement prévue aujourd’hui, ait été annulée au motif qu’il ne se passerait pas grand-chose. Nous avions beaucoup de questions à poser à Mme la ministre de la santé, d’autant que la proposition de notre groupe de créer une mission parlementaire n’a pas été retenue.

M. le président Pierre Méhaignerie. L’audition est simplement reportée. Je rappelle que, lors de la précédente réunion sur ce thème, seuls une quinzaine de députés étaient présents.

Mme Marisol Touraine. J’étais là...

Le présent projet de loi de financement est décevant et même préoccupant, car il n’est pas du tout à la hauteur du déficit des comptes sociaux. Certes, nous acceptons de distinguer déficits structurel et conjoncturel et il va de soi que l’essentiel du déficit est dû à la crise et à la perte des recettes. Mais, il y a précisément une contradiction puisque la plupart de vos mesures ne visent pas à trouver des recettes, mais à ponctionner encore davantage les assurés sociaux. C’est le cas de la baisse de remboursement de certains médicaments, qui est en outre injuste puisqu’elle ne porte pas sur l’ensemble des Français. Par ailleurs, les suppressions de niches sociales sont très insuffisantes : vous auriez notamment pu aller beaucoup plus loin dans la remise en cause des exonérations de cotisations patronales. Le Conseil des prélèvements obligatoires a par exemple remarqué que certains employeurs profitaient du système en jouant sur les treizièmes, quatorzièmes ou même quinzièmes mois, les exonérations étant calculées sur une base mensuelle. Il évalue à 3 milliards les exonérations indues à ce titre. Or, rien n’a été fait pour y remédier.

Nous doutons par ailleurs de la capacité de l’ACOSS à émettre des bons de trésorerie à hauteur de 30 milliards. Il y aura donc nécessairement un transfert vers une dette à long terme.

Pour ce qui est de l’assurance maladie, ce projet ne s’engage pas plus que les précédents sur la voie d’une régulation structurelle. Ainsi le Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS), qui soutient les expérimentations ou les projets de réformes structurelles, reste très faiblement doté. Vous objectez que ses crédits sont sous-consommés mais en fait, sur le terrain, les régulations sont anticipées et les acteurs savent qu’ils doivent faire avec un plafond plus bas. Les réseaux ou les maisons de santé en pâtissent directement. Et les mesures sont très insuffisantes en matière de dépassements d’honoraires, d’encouragement à des pratiques médicales vertueuses ou de remplacement par la rémunération forfaitaire de la rémunération à l’acte, très inflationniste.

S’agissant des ressources de l’hôpital public, la convergence tarifaire a été reportée à 2018. Mais dans ce cas, pourquoi introduire des mesures de convergence dans le présent projet ? J’aimerais aussi connaître le détail des crédits du sous-objectif de l’ONDAM hospitalier pour le plan Hôpital 2012 – autrement dit sa répartition entre public et privé. Enfin, nous ne contestons évidemment pas la majoration de durée d’assurance pour enfant, mais pourquoi refuser qu’elle puisse être comptabilisée au titre des carrières longues ?

Faute de fortes mesures de régulation structurelle et de lutte contre le déficit, vous préparez la transformation de notre système de solidarité et un déport vers des organismes privés. Depuis deux ans, un point et demi des dépenses prises en charge a été transféré de la sécurité sociale vers les organismes complémentaires. Si l’on exclut les affections de longue durée et l’hospitalisation, le taux de prise en charge tombe de 78 % à moins de 60 %. Pour leur santé au quotidien, le remboursement des Français est donc inférieur à 60 % !

M. le président Pierre Méhaignerie. Sachant tout de même qu’il y a de plus en plus d’affections de longue durée et de remboursement d’hospitalisations.

M. Jean-Luc Préel. Dans un contexte économique particulièrement difficile, les dépenses pour 2009 ont été à peu près tenues. On note quelques dépassements des objectifs de dépenses, concernant par exemple les indemnités journalières, les transports sanitaires ou les auxiliaires médicaux. La médecine de ville et les établissements hospitaliers sont globalement dans les clous, même si certains souffrent, notamment les spécialités cliniques. Des gains d’efficience demeurent possibles en matière de formation, de bonnes pratiques, de référentiels et d’évaluation.

L’élément majeur de ce texte est bien entendu le déficit, dû au manque de recettes lié à la crise.

M. Maxime Gremetz. Si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer...

M. Jean-Luc Préel. L’an dernier, je m’étais interrogé sur le transfert de 0,3 % de cotisation UNEDIC, alors que la crise était déjà là, et sur le transfert de CSG entre le Fonds de solidarité vieillesse et le régime général, qui aboutit à creuser le déficit du premier. FSV inclus, le déficit sera donc de 26 milliards en 2009 et de 35 milliards en 2010. Dans ces conditions, une gestion par l’ACOSS ne paraît franchement pas raisonnable. Il va de soi que nous devons payer nos propres dépenses de santé, et non les reporter sur les générations suivantes. La Cour des comptes a proposé de transférer ces déficits à la CADES et d’augmenter la CRDS de 0,2 %, ce qui ne pèserait pas trop lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages et qui rapporterait 2,7 milliards dans l’année. Cela semble une bonne solution.

M. Maxime Gremetz. Mais non !

M. Jean-Luc Préel. Le forfait journalier doit être augmenté de 2 euros. Ne serait-il pas raisonnable de l’indexer sur l’inflation, pour qu’il évolue sans heurt chaque année ? Quant à la fiscalisation des indemnités journalières pour accident du travail, qui ne figure pas dans le texte, le Gouvernement est-t-il prêt à accepter un amendement à ce propos ?

Une augmentation de l’ONDAM de 2,8 % est, dans le contexte actuel, relativement satisfaisante mais l’augmentation habituelle des dépenses est plutôt de l’ordre de 4 % : l’objectif sera donc difficile à tenir. Par ailleurs, cette augmentation permettra-t-elle de faire passer les actes des généralistes de la cotation C à CS ? Les médecins généralistes se sont vu reconnaître la qualité de spécialistes et ils attendent cette mesure depuis longtemps. Qu’en est-il des spécialités cliniques, dont les revenus sont aujourd’hui bien inférieurs à celles des plateaux techniques ?

Le problème des dépassements d’honoraires est parfois insupportable. Le secteur optionnel sera-t-il mis en place le 15 octobre – demain ? Si tel n’est pas le cas dans le cadre conventionnel, avez-vous l’intention, madame la ministre, de le faire par arrêté ? Que pensez-vous des chances de renouvellement de la convention et de l’éventualité qu’y soient inscrits les contrats d’amélioration des pratiques individuelles ? Allez-vous favoriser, comme le propose la CNAMTS, l’accès à la chirurgie ambulatoire sans anesthésie dans les cabinets ?

Quelle sera enfin la revalorisation des retraites cette année ? Va-t-on relever le plafond de ressources pour les conjoints survivants – car, à défaut, l’augmentation du taux n’aboutit à aucune amélioration réelle ? Des mesures sont-elles prévues pour les 2 000 jeunes veuves de moins de vingt ans que compte notre pays ?

Mme Jacqueline Fraysse. Le déficit des comptes sociaux devrait dépasser les 31 milliards d’euros en 2010, après 24,7 milliards en 2009 et 9,7 milliards en 2008. Je ne nie pas les effets de la crise et du chômage, mais le déficit ne cessait déjà de s’accentuer auparavant. Cela tient à votre refus obstiné de mettre à plat la structure de financement de la sécurité sociale et d’en modifier l’assiette. Vous n’appliquez même pas les recommandations des magistrats de la Cour des comptes, qui ne sont pourtant pas de dangereux révolutionnaires.

Certes, vous avez, cette année, accepté de revenir sur les exonérations dont bénéficiaient certains revenus. Ces recettes seront les bienvenues, mais elles restent bien maigres face aux besoins. Et pourquoi maintenir les exonérations de cotisations sociales patronales, qui devraient coûter cette année 29 milliards d’euros à l’État et 2,8 milliards à la sécurité sociale – 28,5 et 3 milliards en 2010 ? Ces exonérations s’appliquent uniformément, sans aucun contrôle, alors que tout confirme qu’elles ne jouent aucun rôle pour l’emploi ni contre les délocalisations. En revanche, elles creusent les déficits de l’État et de la sécurité sociale et tirent les salaires vers le bas. La Cour des comptes propose de ramener le seuil des exonérations à 1,3 SMIC, au lieu de 1,6, et de les réserver aux entreprises de moins de vingt salariés, ce qui dégagerait selon elle 7 milliards. Elle propose également de faire contribuer les stock-options à la même hauteur que les salaires, ce qui rapporterait 3 milliards. Pourquoi ne pas le faire ?

Non contente de refuser des mesures justes et efficaces, l’UMP propose de s’en prendre aux plus fragiles. Elle veut ainsi taxer les indemnités journalières pour accident du travail, ce qui ne rapporterait que 150 millions d’euros étant donné la faiblesse des revenus concernés. Qu’envisagez-vous de répondre à cette proposition, madame la ministre, si elle est faite en séance, alors que le Conseil économique, social et environnemental vient de se prononcer contre ? S’agissant de la lutte contre la fraude aux indemnités journalières, quel est le bilan de l’expérimentation de contrôle des salariés en arrêt de travail par des médecins payés par l’employeur menée dans certains départements ?

L’expérience des dix dernières années montre clairement que le déséquilibre de la sécurité sociale ne peut être résolu par le vœu pieux de la baisse des dépenses, même s’il faut évidemment veiller à leur efficience. L’année dernière, M. Woerth nous promettait un débat de fond pour réconcilier santé et maîtrise financière. Où en est la réflexion ? Qu’allez-vous faire pour trouver de nouvelles recettes et maintenir un système solidaire qui permette même aux moins fortunés de recevoir les soins dont ils ont besoin ?

Au fil des années, votre immobilisme se confirme. Vous ne faites rien pour y remédier. Vous laissez s’installer de graves inégalités. Vous laissez se dégrader le système solidaire au bénéfice des couvertures privées, avec pour conséquence que les personnes qui ne peuvent pas se les payer seront moins bien soignées. Vous laissez s’aggraver les déficits, et donc s’alourdir dangereusement les intérêts de la dette. Pourquoi un tel immobilisme ?

Mme Cécile Gallez. La répartition des nouvelles places pour personnes handicapées en fonction des catégories de handicap est-elle déjà décidée ? Connaît-on les régions déficitaires ?

M. le ministre du budget. S’agissant de la vente de tabac sur Internet, il est fait référence à une directive de décembre qui porte sur les droits d’accise et la dématérialisation des droits et qui concerne par exemple les ventes en ligne d’alcool. Mais le tabac est particulier et le Gouvernement n’acceptera pas qu’il soit vendu sur Internet.

Mme la ministre de la santé. Nous nous opposerons en effet formellement et unanimement à cette perspective.

M. le ministre du budget. Pour en revenir au déficit, la situation est certainement des plus préoccupantes lorsqu’on a 20 milliards d’euros de recettes en moins que prévu ! Mais il est faux de dire que le déficit ne cessait de s’accentuer depuis des années. Le déficit de l’assurance maladie, qui était de 8 milliards en 2006, a été ramené à 4,4 milliards l’an dernier et aurait continué à baisser cette année sans la crise. Le problème de l’assurance vieillesse continue certes à se poser, mais un rendez-vous est prévu en 2010. C’est donc bien la crise qui a provoqué l’augmentation spectaculaire des déficits.

Face à cela, une des clefs est l’efficience du système. Les dépenses d’assurance maladie augmentent, parce que davantage de gens ont recours à des soins plus coûteux. Ce n’est pas un problème lorsque les recettes sont dynamiques mais en période de crise, il faut absolument maîtriser les dépenses. Serrer les boulons un peu partout permet de conserver intacts tous les principes de notre système de soins. C’est ce que nous faisons aujourd’hui. Mais il est très compliqué de savoir comment se présenteront les années à venir. Nul ne sait quand nous sortirons de la crise, ni quelles seront les recettes de la sécurité sociale en 2010. En tablant, sur l’ensemble de l’année, sur une reprise légère mais aussi sur une réduction durant plusieurs mois de la masse salariale – et sachant que l’assurance maladie est fondée à 70 % sur les revenus du travail – on prévoit 9 milliards de recettes en moins dans les comptes de la sécurité sociale, après 12 milliards de moins cette année. La première solution, c’est donc de sortir de la crise. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour cela. Ensuite, il faut obtenir une croissance plus forte que les années passées. C’est pour cela que nous nous attachons à mener des réformes structurelles : nous préférons augmenter l’activité plutôt que les impôts, parce que c’est l’activité qui générera des recettes.

M. le président Pierre Méhaignerie. Cela ne sera pas suffisant.

Mme Jacqueline Fraysse. En effet !

M. le ministre du budget. Enfin, et évidemment, il faut maîtriser les dépenses. Sur ce point, l’action de Mme Bachelot concernant l’assurance maladie, et plus précisément l’hôpital, est capitale. Elle a obtenu une réduction des déficits de l’hôpital – ce qui n’est pas rien ! – sans que personne en France ne puisse dire qu’il n’a pas accès aux soins.

M. Maxime Gremetz. Vous osez dire qu’en Picardie tout le monde a accès aux soins ? C’est révoltant !

M. le ministre du budget. Oui !

Pour ce qui est du système de financement, la Caisse des dépôts et consignations peut apporter 31 milliards d’euros à l’ACOSS et les deux organismes sont en train d’étudier une tranche de prêt sur un an, pour compléter les avances au jour le jour de la Caisse.

M. Gérard Bapt. Ce sont des palliatifs !

M. le ministre du budget. Un complément de financement sera assuré par l’émission de billets de trésorerie à hauteur de 10 ou 15 milliards d’euros. L’Agence France Trésor souscrira aussi 5 milliards de billets de trésorerie. L’ACOSS fera également appel aux marchés internationaux, en utilisant les moyens techniques de l’Agence France Trésor, laquelle jouera le rôle de prestataire de service. Cette solution n’est pas aberrante – elle ne coûte pas plus cher au système – mais elle ne peut évidemment être pérenne. Nous verrons quel type de solution mettre en place pour 2011 en fonction de la situation économique.

Sur les exonérations de charges, j’ai demandé à M. Jean-Luc Tavernier, inspecteur des finances, de faire une synthèse des nombreuses propositions qui ont été lancées. La Cour des comptes est tout à fait libre de faire toutes les recommandations qu’elle souhaite et le Gouvernement les examine de très près, mais il n’a pas à les adopter sans discussion. Il me semble en particulier que diminuer les allégements de charges sur les bas salaires, c’est-à-dire en fait augmenter les charges sociales, provoquerait une augmentation du chômage : dans un contexte de récession cette année et de faible croissance l’année prochaine, ce serait vraiment jouer avec le feu. Sans parler de notre compétitivité internationale… Mais cela ne nous empêche pas de réfléchir aux bénéficiaires de ces allégements et à la façon dont ils sont calculés.

Les indemnités journalières sont toutes fiscalisées à l’exception de celles qui sont liées aux accidents du travail. Or, comme l’indemnité de maternité ou pour maladie, il s’agit bien d’un revenu de substitution au travail – la compensation éventuelle du préjudice corporel, elle, n’étant pas fiscalisée. Nous ne voyons pas pourquoi ces indemnités continueraient à relever d’un régime particulier. Mais la proposition émane du groupe UMP de l’Assemblée. Le Gouvernement prendra donc position en fonction de l’amendement qui sera éventuellement déposé, mais en l’état actuel des choses, la mesure lui semble juste.

Mme la ministre de la santé. Je veux d’abord répondre à Mme Fraysse et à M. Bur sur l’efficience du système de santé. La France est vice-championne du monde des dépenses de santé et championne pour les dépenses hospitalières. Avant d’envisager de nouvelles recettes, il faut donc se poser la question de la performance du système. Et puisque la Cour des comptes a été largement évoquée, on peut lire dans son rapport que pour 5 000 actes d’anesthésie, le nombre d’infirmières anesthésistes varie de 4 à 30 – certaines effectuent donc trois actes par semaine et d’autres cinq par jour – et que pour un lit de pneumologie, on compte un nombre de médecins variant de un à dix... Avant d’aller puiser dans la poche de nos concitoyens, il faut répondre aux interrogations que ces disparités soulèvent.

Nous avons des marges de progression sur la maîtrise médicalisée. Nous avons, par exemple, enregistré un début de résultat positif pour les arrêts de travail mais d’autres résultats sont décevants, par exemple pour le respect de l’ordonnancier bizone, et les objectifs d’économie sont revus à la baisse d’année en année. L’économie potentielle sur les seules classes des statines, des inhibiteurs de la pompe à protons et des inhibiteurs de l’enzyme de conversion est estimée à 650 millions. Je souhaite améliorer largement ces résultats. Nous nous sommes fixés un objectif ambitieux en ce sens. Les professionnels disposent maintenant d’outils, et les partenaires conventionnels doivent en imaginer d’autres. La loi dite « HPST » permettra de régionaliser certains de ces outils et d’élaborer une véritable politique régionale de gestion du risque. Nous allons avancer sur ce sujet.

Les dépassements d’honoraires représentent 2 milliards sur un total de 18 milliards d’honoraires. Certains sont inacceptables : 52 % des parturientes par exemple sont confrontées à un dépassement de 118 euros en moyenne, et 9 % à un dépassement de 300 euros. C’est pourquoi j’ai commencé par renforcer la transparence des tarifs, avec un dispositif d’information, la plateforme Infosoins. Une nouvelle campagne d’information va être lancée pour rappeler aux assurés les principes de tarification et leurs droits de recours. L’Ordre des médecins s’est également saisi du problème. Depuis le début de l’année, plusieurs textes d’application de la loi de financement pour 2008 ont renforcé les obligations en matière de transparence tarifaire, d’affichage des honoraires et d’information écrite préalable. Depuis le 1er janvier 2009, les dépassements contraires au principe du tact et mesure peuvent être sanctionnés : un décret du 31 décembre 2008 définit des critères d’appréciation et un autre est en cours de concertation dans le même domaine.

Il faut maintenant aller plus loin dans la mise en place du secteur optionnel, qui est en cours de négociation. Il a pour objectif de renforcer l’offre à tarif opposable et d’assurer aux patients des soins sans reste à charge, grâce au concours des complémentaires. Nous avons laissé la priorité à une discussion conventionnelle entre les professionnels, les organismes complémentaires et l’UNCAM. Je ne veux en aucun cas d’un accord en trompe-l’œil, mais une avancée significative en matière d’accès aux soins. Je souhaite que la nomenclature ne soit pas inutilement compliquée et que le secteur 1 soit maintenu, qui est l’offre la plus accessible pour nos compatriotes. Le système a besoin de clarté.

M. Maxime Gremetz. Et les Français ont besoin de soins !

Mme la ministre de la santé. Mais le rééquilibrage des tarifs opposables entre les spécialités et au sein de chacune d’entre elles reste nécessaire, parce qu’ils sont pour beaucoup dans les difficultés qui ont mené au secteur optionnel.

En l’absence d’accord avant le 15 octobre, la loi a prévu la possibilité d’un arrêté pour une période de quatre mois. Elle permet également aux chirurgiens de secteur 2, qui ne pratiquent pas de dépassement, de bénéficier du modificateur K, c’est-à-dire d’une majoration de 11,5 %, comme ceux du secteur 1. Mais, il ne faut perturber par des mesures brutales ni la mise en œuvre de la loi ni la vie conventionnelle. Les mesures tarifaires sont l’objet principal de la convention médicale. Il ne faut pas court-circuiter la discussion. Je verrai avec les professionnels de santé quelle est la stratégie la plus adaptée.

Si la convergence a été reportée à 2018, c’est pour pouvoir mener à leur terme les études nécessaires pour analyser et quantifier les écarts de coûts. La convergence – qui signifie qu’à prestations égales, la rémunération est égale – est un objectif parfaitement légitime. Elle est tout à fait compatible avec le maintien d’écarts de tarifs dès lors que ceux-ci sont légitimes, justifiés par les « différences dans la nature des charges » imposées aux opérateurs. La convergence intersectorielle ne signifie donc pas l’égalité tarifaire entre les secteurs. Il faut évaluer tous les écarts de coûts et laisser aux établissements de santé le temps de procéder aux importantes adaptations qui leur sont demandées. Le processus de convergence est en marche depuis deux ans : sur la base de l’activité du secteur public, l’écart public-privé est passé de 40 à 27 % entre 2006 et 2009, du fait essentiellement de la nouvelle classification des séjours et du changement de périmètre des tarifs. Dans certaines activités, comme l’hospitalisation à domicile et la dialyse, la convergence est effective et les tarifs doivent être identiques entre public et privé pour toutes les prestations d’hospitalisation créées depuis le
1er janvier 2008.

Par ailleurs, une expérimentation est en cours sur une nouvelle approche de la convergence. Elle concerne une quarantaine de groupes homogènes de séjour (GHS), pour un montant global de 150 millions. Il s’agit d’une convergence ciblée, qui s’inscrit dans le cadre du processus global et doit opérer des rapprochements de tarifs pour des séjours qui s’y prêtent particulièrement. L’une des difficultés de cette approche subsidiaire tient à ce qu’une partie des surcoûts est répartie sur l’ensemble des activités prises en charge par un établissement et ne peut être isolée GHS par GHS. J’ai donc demandé à l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) de cibler les activités concernées.

J’en profite pour répondre à la question sur la répartition des crédits du plan Hôpital 2012 : dans les dossiers validés, le public représente 86 % du total des aides, les établissements privés participant au service public hospitalier 4 % et le privé 10 %. La forte prépondérance du secteur public est tout à fait légitime, compte tenu de ses missions.

Pour ce qui est des affections de longue durée, j’ai évoqué la question des malades guéris du cancer, mais la restructuration des ALD ne vaut pas que dans ce domaine : nous voulons notamment renforcer les actions de prévention primaire de l’hypertension artérielle et les facteurs de risques cardio-vasculaires et généraliser les expériences d’éducation et d’accompagnement thérapeutiques.

Quant aux déficits des établissements de santé, ils sont en réduction de 125 millions d’euros pour l’année 2008, pour un montant global de 590 millions. Contrairement aux idées reçues, les établissements dont le budget principal est en excédent sont beaucoup plus nombreux que ceux qui sont déficitaires : 60 % contre 40 %. Le déficit n’est donc pas une fatalité. Les hôpitaux en difficulté font naturellement l’objet d’un accompagnement. Il est encore trop tôt pour dresser une perspective pour 2009, mais la plupart des établissements qui étaient en grave déficit, tels que les Hospices civils de Lyon ou les hôpitaux de Marseille, commencent leur redressement.

La création d’un taux de remboursement des médicaments à 15 % ne vise pas des produits à service médical rendu (SMR) insuffisant, mais essentiellement les médicaments qui ont un SMR faible dans toutes leurs indications, pour lesquels il n’existait pas de taux spécifique. Bien entendu, dès lors que les médicaments à SMR faible passaient à 15 %, il fallait faire de même pour les médicaments qui étaient restés à 35 %, mais avec un SMR insuffisant.

Le FICQS dispose d’un solde cumulé excédentaire de près de 106 millions d’euros qui permettra de contribuer à divers projets et surtout d’augmenter les dotations régionales pour la mise en place des volets ambulatoires des schémas régionaux d’organisation des soins et pour financer les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ambulatoires et les contrats d’amélioration de la qualité et de la coordination des soins.

Enfin, la Haute autorité de santé travaille sur la chirurgie ambulatoire qui pourrait être pratiquée par la médecine de ville et ses conclusions sont très attendues. En tout état de cause, je ne me prononcerai que sur de stricts critères de santé publique.

M. le ministre du travail. Il n’y a pas de lien direct entre le plan d’urgence pour le stress et le dispositif de bonus-malus que j’ai évoqué mais la logique est semblable : c’est celle de la prévention. Nous allons voir ce que donne ce plan, qui comprend un diagnostic et des politiques d’information et de prévention, dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. Il sera intégré dans le second plan de santé au travail en cours d’élaboration. En revanche, pour ce qui est du rendez-vous des retraites, il n’est pas l’heure de répondre à cette question. D’ici à la fin de l’année, nous ferons un bilan de la situation objective du vieillissement, de la dépendance et de leurs conséquences sur les équilibres des comptes sociaux. Mme Berra organisera des rencontres autour de ce thème. Nous verrons alors mieux se dessiner la situation, qui est de toute façon assez sombre puisque nous devrons passer de 1,8 cotisant pour un retraité aujourd’hui à 1,5 dans une dizaine d’années et 1,2 aux environs de 2040 ou 2050. Une retraite sur quatre ne pourrait alors plus être assurée du tout. C’est déjà le cas d’une retraite sur dix aujourd’hui. Notre système ne peut donc pas rester en l’état. Nous verrons tout cela au milieu de l’année prochaine. Il s’agira d’agir sur les paramètres bien sûr, mais peut-être aussi de réfléchir à une refondation du système.

La question de la prise en compte de la majoration pour enfant dans le dispositif des carrières longues ne se pose pas vraiment. Ce dispositif est destiné à assurer une retraite convenable à ceux qui ont commencé à travailler très tôt. Une mesure liée à la maternité n’a pas grand rapport. En revanche, je ne suis pas fermé à l’idée de prendre en compte la majoration éducation, qui serait distinguée de la majoration maternité.

Enfin, les pensions de retraite seront revalorisées au 1er avril en fonction des hypothèses définitives d’inflation. Je ne pourrai donc pas répondre à M. Préel avant fin mars. Les pensions de réversion des veuves les plus modestes, soit 600 000 personnes, ont été revalorisées de 11 %. Leur taux de réversion sera ainsi porté, au 1er janvier, de 54 à 60 %, ce qui représente un effort de 200 millions. Quant aux jeunes veuves, nous avons prolongé le dispositif d’assurance veuvage, mais un rapport de la mission d’évaluation et de contrôle du Sénat souligne que le dispositif n’est pas adapté. Nous en débattrons en 2010.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il reste une dizaine de commissaires qui souhaitent intervenir. Au vu de l’heure, je vous propose que nous poursuivions cette audition mardi après-midi, afin de leur permettre de prendre la parole.

C. SUITE DE L’AUDITION DE MME ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN, MINISTRE DE LA SANTÉ ET DES SPORTS, ET DE MME NADINE MORANO, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉE DE LA FAMILLE ET DE LA SOLIDARITÉ

La commission des affaires sociales a entendu Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, et Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 au cours de sa séance du 20 octobre 2009.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous poursuivons l’audition du Gouvernement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, commencée la semaine dernière. Je remercie vivement Mme Bachelot-Narquin et Mme Morano d’avoir bien voulu se libérer pour poursuivre cette audition.

M. Patrick Roy. Ma question, que j’aurais voulu poser à M. Xavier Darcos, portera sur l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), qui est actuellement de quelques centaines d’euros : vous conviendrez qu’il est difficile de vivre avec une telle somme. Le Gouvernement a-t-il enfin la volonté de la porter au minimum au niveau du SMIC ? Je ne doute pas que votre réponse sera positive : comment un Gouvernement qui a refusé notre proposition de limiter les hauts revenus, pourrait-il s’opposer à l’augmentation des bas revenus ?

M. Rémi Delatte. Je voudrais, madame la ministre, vous interroger sur les systèmes d’information partagés de santé. Le dossier médical personnalisé n’a pas eu le succès escompté, ce qui est regrettable du point de vue de l’offre et de la qualité de soins. De même, la diffusion de la carte professionnelle de santé n’a pas atteint l’importance qui lui aurait permis d’assurer une meilleure efficience du système d’information partagé de santé. Aujourd’hui, tous nos espoirs se portent sur l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP), dont la mise en place constitue une étape importante en cette matière. Où en est-on ? Quels sont les objectifs et les bénéfices attendus de la création de l’agence ?

M. Gérard Bapt. Ma première question portera sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui fait l’objet d’un article du projet de loi de financement de la sécurité sociale visant à améliorer la sécurité dans les PME. En outre, une réforme du système de cotisations de la branche est en cours de préparation. Si nous approuvons l’objectif de cette réforme, à savoir inciter les entreprises à faire plus de prévention, nous contestons en revanche, avec un certain nombre de constitutionnalistes, votre choix d’opérer par décret, la Constitution imposant la voie législative pour changer l’assiette d’une cotisation.

D’autre part, je voudrais vous interroger, madame la ministre, sur la pandémie grippale. Était-il pertinent de sortir de l’ONDAM les dépenses de soins générées par une épidémie, les excluant du même coup du champ de compétence du comité d’alerte ? J’aimerais également savoir selon quelles modalités ont été choisis les laboratoires pharmaceutiques chargés d’élaborer les vaccins contre la grippe A. Les contrats que vous avez passés avec eux contiennent-ils une clause permettant d’adapter l’acquisition de doses de vaccin aux besoins réels ? En effet, d’après l’OMS, une seule injection suffirait. En outre, la vaccination étant volontaire, il semblerait qu’un nombre significatif de nos compatriotes ne souhaiterait pas se faire vacciner contre le virus A (H1N1). Une telle clause permettrait de faire des économies substantielles s’agissant d’un investissement de 840 millions d’euros.

M. Maxime Gremetz. Je voudrais d’abord vous interroger sur la jurisprudence qui octroie aux salariés victimes de l’amiante une allocation de préretraite représentant 100 % de leur salaire, au lieu des 65 % qu’ils touchent actuellement. Nous demandons, avec les associations de défense des victimes de l’amiante, si le projet de loi de financement de la sécurité sociale donnera à cette jurisprudence valeur législative.

Deuxièmement, alors que la part des dépenses de santé dans le PIB devrait augmenter avec le vieillissement de la population et les progrès de la médecine, celle-ci n’augmente pas, voire baisse, selon les statistiques officielles de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail. À un moment où l’on réduit le montant du forfait hospitalier et où on organise le déremboursement de certains médicaments, une autre étude montre qu’une taxation, même minime, des revenus financiers rapporterait 48,2 milliards d’euros à la sécurité sociale. Est-il normal que des revenus financiers, fruit de la spéculation, ne contribuent pas à l’effort de santé ? Ne pourrait-on pas au moins étudier l’impact d’une telle réforme ?

Troisièmement, est-il juste que l’État refuse de demander le remboursement des crédits du Fonds stratégique d’investissement débloqués au bénéfice d’entreprises qui se sont ensuite délocalisées à l’étranger ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. À l’inverse de ce que vous prétendez, monsieur Gremetz, les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) de mon ministère montrent que la part des dépenses de santé dans le PIB augmente régulièrement dans notre pays, et ces chiffres ont été validés par l’ensemble des partenaires sociaux dans le cadre de la Commission des comptes de la santé. Avec 11,2 % de son PIB consacrés aux dépenses de santé, la France est toujours vice-championne du monde en la matière. Selon les chiffres de cette commission, la part de la consommation de soins et de biens médicaux ne cesse, elle aussi, d’augmenter, jusqu’à atteindre 7 % du PIB en 2008, soit une augmentation de 3,8 % par rapport à 2007, année qui l’avait déjà vue augmenter de 4,4 % par rapport à 2006.

Il est vrai, monsieur Bapt, que certains experts jugent qu’une seule injection vaccinale suffira. Je préfère cependant attendre l’avis de l’Agence européenne du médicament, autorité indépendante chargée de délivrer l’autorisation de mise sur le marché et de définir les modalités du vaccin. Ce serait de toute façon une excellente nouvelle, tant du point de vue de la traçabilité que de la logistique et de l’acceptabilité de la vaccination. Dans un tel cas, nous annulerions, bien évidemment, le rendez-vous pour une deuxième injection prévue pour les personnes déjà vaccinés. Ceci dit, selon les informations qui nous reviennent pour l’instant, l’injection unique ne vaudrait pas pour toute la population : pour les enfants jusqu’à neuf ans, par exemple, deux injections resteraient nécessaires. Nous avons besoin de ces précisions avant de modifier les contours de la demande d’autorisation de mise sur le marché.

Deux autres faits sont à considérer. Premièrement, nous avons décidé, au titre de la solidarité internationale, de consacrer 10 % de notre dotation à une vocation humanitaire, par l’intermédiaire de l’OMS – sur le budget, faut-il le préciser, du ministère des affaires étrangères. Deuxièmement, nous devons prévoir un taux de perte d’environ 10 % de la matière pharmaceutique du fait du conditionnement des vaccins en flacons multidoses, tout en sachant que cette perte est limitée par la vaccination collective. Ce ne sont finalement pas 94 millions de doses qui seront effectivement utilisables, mais 74 millions. Il est encore trop tôt pour dire que ce chiffre sera forcément supérieur à nos besoins.

Nous le devons d’autant moins, qu’en la matière l’opinion évolue très vite et que le désir de se faire vacciner peut croître au fur et à mesure de l’apparition de nouveaux cas. Il n’est que de voir ce qui s’est passé aux États-Unis, où l’annonce de décès d’enfants a provoqué des fils d’attente devant les centres de vaccination. Je vous fais remarquer, en outre, que nous ne sommes pas encore entrés dans la période des grands froids, qui va accélérer l’épidémie.

De toute façon, toutes les doses seront utilisées, d’abord pour assurer la meilleure couverture vaccinale possible dès cette année, et l’année prochaine pour une autre campagne de vaccination, puisque le vaccin est composé d’un adjuvant réutilisable, qui représente 80 % du prix du vaccin, et dont la durée de validité est de cinq ans.

Enfin, nous pourrons toujours céder nos doses superflues aux pays qui se sont montrés beaucoup moins prudents que nous, puisque nous avons, avec le Royaume-Uni, les États-Unis, les Pays-Bas, « asséché » le marché mondial de vaccins contre la pandémie.

Alors, de grâce, ne cédons pas aux délices de la lucidité a posteriori. Notre objectif était de pouvoir vacciner l’ensemble de la population, afin de n’avoir pas à faire des choix contraires à l’éthique. Car s’il faut, comme certains le demandent, réserver le vaccin à un tiers de la population, comment choisir ce tiers ? Par tirage au sort ?

Il n’y aura, je le répète, aucune difficulté ni aucun gaspillage : nous avons tout ce qu’il faut pour respecter les intérêts, à la fois éthiques et économiques, de notre pays.

M. Yves Bur. Au cas où les injections seraient moins nombreuses que prévues, comptez-vous réduire la contribution de solidarité de 300 millions d’euros demandée aux assurances complémentaires ?

Mme la ministre. Encore une fois, dans l’attente de nouveaux éléments d’information, je vous appelle à la plus grande prudence. Si nous avons calculé un taux d’attrition du vaccin, nous ne savons pas quelle tournure prendra l’épidémie : à l’heure actuelle, les épidémiologistes n’écartent aucun scénario. Pour l’instant, nous disposons du nombre de doses nécessaires pour vacciner l’ensemble de la population, surtout dans l’hypothèse où deux injections seraient nécessaires. Je ne comprends vraiment pas certaines déclarations…

M. Maxime Gremetz. Celles du professeur Debré, par exemple ?

Mme la ministre. Je ne veux citer personne, mais j’appelle chacun à faire preuve de responsabilité.

S’agissant enfin du comité d’alerte, monsieur Bapt, il n’a pas à être sollicité à propos de dépenses par nature exceptionnelles : ce ne serait pas conforme à la philosophie qui a présidé à sa création, ni aux objectifs que la loi lui assigne.

Monsieur Delatte, je ne partage absolument pas votre pessimisme en ce qui concerne le dossier médical personnel (DMP) en dépit des quelques vicissitudes qu’il a traversées. Dès avril, nous avons lancé un plan de relance de ce projet. Dans une première phase, qui courra de 2010 à 2013, celui-ci doit permettre de déployer, à l’échelle nationale, des services initiaux de partage de documents entre les professionnels de santé suivant des règles d’habilitation contrôlées par le patient, et de fournir une première gamme d’informations à valeur médicale (antécédents et allergies, prescriptions médicamenteuses, résultats d’examens de biologie et de radiologie, comptes rendus d’hospitalisation et de consultations) ; d’expérimenter, sur la base de ces services initiaux, des services spécialisés à valeur médicale supplémentaire, tels que le dossier communiquant de cancérologie, le suivi du diabète, le dossier médical de l’enfant, la prescription électronique, le partage de l’imagerie médicale, le partage d’une synthèse médicale, et tout service répondant aux attentes des bénéficiaires et conforme aux finalités du DMP ; de mettre en œuvre de nouveaux services aux patients, qu’il s’agisse de mettre à leur disposition l’information qui les concerne ou de les aider dans leur prise en charge.

Le calendrier annoncé a été respecté.

Sur le plan institutionnel, j’ai mené à bien la création de l’Agence des systèmes d’information partagés de santé par la fusion du GIP DMP, du GIP Carte de professionnel de santé et du Groupement pour la modernisation du système hospitalier.

Le plan opérationnel a connu cinq avancées notables : l’appel d’offres a été lancé, permettant la mise en œuvre d’une nouvelle version dès la fin de l’année 2010 ; le cadre d’interopérabilité a été publié, après une large concertation avec les industriels ; sept projets régionaux ont été lancés afin de tester les infrastructures et les services appelés à converger vers la version nationale du DMP ; les travaux relatifs à l’identifiant national de santé, menés en concertation avec la CNIL et l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, seront publiés en novembre et la mise en œuvre de cet identifiant démarrera dès janvier prochain ; enfin, un guide des bonnes pratiques du recueil du consentement du patient, qui fait consensus chez toutes les parties prenantes, sera diffusé dans quelques jours.

Le coût total de la préparation du DMP depuis 2007 est d’environ 80 millions d’euros. Cette somme couvre les subventions versées dans le cadre des appels à projet dans treize régions, pour sa plus grande part, les charges de personnels et l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Ce montant est faible au regard des sommes investis par nos homologues européens. Le budget du DMP sera de 90 millions d’euros en 2010 : autant dire que nous resterons dans l’épure financière, bien loin des chiffres extravagants que j’entends ici ou là. Quant aux dépenses engagées lors des vicissitudes qui ont précédé ce plan, elles ne l’ont pas été en vain puisqu’elles ont servi à la mise en place du projet.

Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité. Le décret de revalorisation de l’ACAATA est en cours de concertation au sein de la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles : il prévoit une revalorisation de 10 % de la rente minimale. Quant à la tarification de la branche accidents du travail – maladies professionnelles, nous sommes en train de discuter des principes de sa réforme, et la commission se prononcera sur ces principes le 22 octobre prochain. L’objectif est double : mieux valoriser la prévention, notamment des petits sinistres répétés ; élargir le champ des entreprises tarifées sur la base de la sinistralité réelle.

M. Maxime Gremetz. Et qu’en sera-t-il de la jurisprudence relative à l’allocation de retraite des salariés victimes de l’amiante ?

Mme Dominique Orliac. La hausse du forfait hospitalier – qui conduira à une augmentation du reste à charge pour les patients, alors même que les mutuelles vont augmenter leurs cotisations de 4 % à 5 % –, la fiscalisation des indemnités journalières d’accident du travail, le déremboursement partiel de plusieurs médicaments, tout cela pèsera inévitablement sur les assurés les plus modestes. Dans le contexte actuel, beaucoup de mesures pourraient pourtant être prises qui iraient dans l’intérêt des patients, tout en contribuant à réduire les coûts. Je pense notamment au développement de la chimiothérapie par voie orale. Le traitement de certains cancers pourrait ainsi s’effectuer à domicile, alternative intéressante qui permettrait de réduire les dépenses d’hospitalisation. Le développement de la chimiothérapie orale offrirait un meilleur confort au patient, rendant son traitement plus humain et plus supportable, y compris sur le plan psychologique, une médication orale étant beaucoup moins traumatisante qu’une injection, tout en permettant des économies substantielles. Cette possibilité a-t-elle été envisagée ?

M. Dominique Dord. Madame la ministre, lors de son audition par notre commission il y a deux semaines, votre collègue, M. Hortefeux, nous a indiqué que l’on dénombrait alors quelque 250 cas de grippe A pour 100 000 habitants. Où en est-on aujourd’hui ?

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte un article intéressant sur les retraites chapeau. Pourrions-nous – ce souhait s’adresse plutôt aux services de M. Darcos – avoir une vue d’ensemble des dispositifs visant à lutter contre les rémunérations excessives, notamment dans le monde de la finance, et disposer d’une étude comparative des pratiques dans les différents pays ? Il faut en effet être à la pointe du combat en faveur d’une moralisation des rémunérations, sans pour autant se déconnecter de ce que font les autres pays.

Mme Catherine Génisson. Alors même que la convergence tarifaire public-privé a été reportée à 2018, voilà que le sujet est remis à l’ordre du jour pour la chirurgie ambulatoire. Or, s’il est bien un domaine où il existe un écart considérable entre secteur public et secteur privé, c’est bien celui-là, peut-être parce que le secteur privé est plus réceptif à ce mode de prise en charge, mais surtout parce que les patients des deux secteurs ne bénéficient pas du tout du même environnement social. Beaucoup de patients du public ne peuvent pas sortir le soir même d’une intervention, faute de garantie d’accompagnement et de surveillance suffisante. L’environnement familial et social sera-t-il pris en compte ?

Ma deuxième question concerne le contrôle des arrêts de travail. Nul d’entre nous ne conteste que la fraude compromet l’égalité d’accès de nos concitoyens à leurs droits fondamentaux. Mais s’il y a des fraudeurs, il faut aussi savoir que beaucoup de nos concitoyens refusent l’arrêt qui leur serait pourtant nécessaire, par peur de rétorsions dans leur entreprise ou par peur de perdre leur emploi lorsqu’ils sont en contrat précaire. Or, chacun le sait, les conditions de travail se dégradent et une pression croissante s’exerce sur les salariés, ce qui a des conséquences psycho-somatiques importantes : il faudrait en tenir compte. Par ailleurs, s’il est normal que les contrôles soient effectués par des médecins des caisses de sécurité sociale, il est inconcevable qu’ils le soient par les médecins du travail ou par des médecins généralistes mandatés par les employeurs. Qui donc effectuera ces contrôles ?

M. Philippe Boënnec. Le report de 2012 à 2018 de la convergence tarifaire entre public et privé mériterait, me semble-t-il, une réflexion plus approfondie. Des éclaircissements demeurent nécessaires. Qui prend en compte les missions d’intérêt général de santé publique et comment ? La question se pose aujourd’hui au niveau national et se posera demain au niveau des agences régionales de santé.

Mme Edwige Antier. Mon expérience de pédiatre m’a appris que le calendrier des vaccinations, notamment le nombre de rappels, peut être amené à varier en fonction des concentrations d’anticorps induites. Il ne m’étonne donc pas du tout que l’on ne sache pas encore combien il faudra d’injections pour la grippe A. Nous avons connu ce problème avec les vaccins contre la rougeole et contre le pneumocoque, où le nombre d’injections a évolué dans le temps.

Les médicaments à service médical rendu faible ou insuffisant sont moins remboursés, voire ne le sont plus du tout. Or, il ne faut pas négliger l’aspect symbolique de la prescription de certains produits, qui relèvent davantage du placebo que du médicament. Prescrire un sirop à un enfant, en même temps que cela satisfait ses parents, évite bien souvent de recourir à un antibiotique. S’il est normal que certains médicaments à service médical faible ou inexistant ne soient plus remboursés, notamment pour que l’on puisse continuer de rembourser intégralement les anti-cancéreux et d’autres traitements très onéreux, le problème est que les médicaments déremboursés disparaissent des pharmacies. Cela pousse les médecins à prescrire des médicaments remboursés, au détriment d’autres, moins chers et qui, en l’espèce, seraient aussi efficaces, ayant plutôt un effet d’accompagnement. Il faudrait obtenir des laboratoires pharmaceutiques et des officines que les médicaments non remboursés continuent d’être distribués.

En matière de politique de la petite enfance, je salue l’effort considérable consenti par le Gouvernement en matière de crèches. Je regrette que le versement des allocations familiales ne soit plus subordonné à la production des certificats de suivi périodique des enfants. Il semble que l’on se moque aujourd’hui de ces certificats, qui ne sont plus systématiquement établis ou demeurent dans les carnets de santé sans que nul ne les consulte. Ce laisser-aller est d’autant plus regrettable, que bien des cas de maltraitance auraient pu être repérés par ce simple biais.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Personne n’a jusqu’à présent évoqué le secteur médico-social. On nous dit que le budget au profit des personnes âgées augmente. On apprend à l’article 37 du texte que la contribution de l’assurance-maladie aux dépenses des établissements s’élève à 7 milliards d’euros, alors que Mme Berra évoquait, elle, l’autre jour, 7,912 milliards d’euros. Qu’en est-il ? Par ailleurs, à quoi correspondent exactement les 533 millions d’euros de mesures nouvelles ?

On parle aussi de plusieurs centaines de millions d’euros non consommés sur les crédits de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ; or, tous les acteurs se plaignent que la nouvelle tarification au GIR moyen pondéré « soins » – aboutisse à une sous-dotation des établissements et à une diminution de leurs moyens en personnel. Il faut traiter la question, et avant de créer de nouveaux établissements, s’assurer que les existants disposent de moyens suffisants.

M. Jean Mallot. Ma question s’adresserait plutôt à M. Woerth. Je trouve assez inquiétante l’annexe B du projet de loi, dont nous n’avions pas eu connaissance assez tôt pour que je puisse l’interroger mercredi dernier. Y figurent les hypothèses de recettes et de dépenses jusqu’à l’horizon 2013. Ainsi, 70 % des recettes du régime général reposent sur les salaires ; or, les évolutions prévues de la masse salariale sont pour le moins surprenantes. À une diminution de 0,4 % prévue en 2010, fait suite une augmentation de 5 % en 2011, qui se poursuit les deux années suivantes. Sur quoi se fondent ces hypothèses ? Visent-elles seulement à étayer la stabilisation du déficit de la sécurité sociale en dessous de 30 milliards d’euros pour les années 2010 à 2013, comme indiqué un peu plus loin dans cette annexe ? Prévision pour le moins fragile.

M. Bernard Perrut. Les indicateurs de la branche famille font apparaître un bilan satisfaisant, qu’il s’agisse de l’évolution du nombre de places d’accueil, de l’aide apportée aux familles, ou bien encore des prêts accordés aux assistants maternels pour l’amélioration de l’habitat. L’une de mes préoccupations, partagée par nombre de nos concitoyens, concerne le reste à charge des familles, qui diffère selon le mode d’accueil des enfants. Pour les familles modestes, il revient plus cher de faire garder son enfant par un assistant maternel qu’en crèche, alors même que le recours aux assistants maternels est moins coûteux pour les finances publiques. La réflexion évoluera-t-elle sur ce point ?

Mme Michèle Delaunay. Je m’inquiète de la volonté d’exclure du bénéfice du dispositif des affections de longue durée (ALD) certains patients qui ont été atteints de cancer. Une très grave confusion semble avoir été faite entre le temps et le taux de guérison. Sont donnés en exemple le mélanome et le cancer du sein, le plus fréquent de tous, pour lequel le mot de guérison ne peut jamais être prononcé. En effet, le risque de récidive ne diminue pas davantage de 34 à 35 ans après le diagnostic de la maladie que de 4 à 5 ans après. Soit on considère ces patients comme « guéris », comme il est dit dans le texte, mais dès lors pourquoi prévoir une surveillance, qui suppose un risque de récidive ? Soit ils ne sont pas « guéris », et les exclure du dispositif des ALD ne les incitera pas à réaliser ces examens de surveillance. Il est prévu de ne maintenir en ALD au-delà de cinq ans que les personnes « poursuivant une thérapeutique lourde ». Mais ALD ou maladie chronique ne signifie pas nécessairement chimiothérapie ou thérapeutique de même lourdeur. Qui suivrait continûment durant cinq ans ces « thérapeutiques lourdes » serait d’ailleurs bien fatigué… Si nous ne sommes pas totalement opposés à ce qui sous-tend cette disposition, il faut en revoir très méticuleusement la rédaction.

Mme la ministre. Madame Orliac, le dernier rapport de la Commission des comptes de la santé indique que le reste à charge des ménages, de 9,4 %, a été inférieur en 2008 à ce qu’il était en 1995. Si la part de l’assurance maladie a quelque peu diminué, cette baisse a été compensée par l’augmentation du remboursement des organismes complémentaires, lesquels bénéficient d’aides fiscales, d’un montant estimé entre 5 et 7 milliards d’euros par la Cour des comptes, sans parler de l’aide directe accordée aux ménages pour leur faciliter l’accès à une complémentaire santé, aide d’ailleurs fortement augmentée par la loi Hôpital, patients, santé et territoire, conformément au souhait du président Méhaignerie.

Alors même que nous avons en France le taux de prise en charge solidaire le plus élevé au monde, le reste à charge des patients y est parmi les plus faibles des pays de l’OCDE, le plus bas au monde avec les Pays-Bas. Certes, cette moyenne cache des disparités : il est extrêmement faible – 2,8 % – pour les soins dispensés à l’hôpital, ainsi que pour les pathologies les plus lourdes et les plus coûteuses. Le traitement des ALD, de même que des médicaments irremplaçables comme les anti-cancéreux et les anti-rétroviraux, sont remboursés à 100 %. Par choix éthique que nous sommes nombreux à partager, je souhaite conserver un niveau de remboursement élevé pour les soins essentiels et les malades les plus fragiles. Près d’un tiers du reste à charge est lié aux dépassements d’honoraires. Les mesures volontaristes que nous prenons pour limiter ces dépassements sont de nature à en réduire le montant.

S’agissant de l’administration de chimiothérapies par voie orale, nous nous appuierons sur les préconisations de la Haute autorité de santé et nos critères seront exclusivement médicaux.

Monsieur Dord, en ce qui concerne la grippe A, le bulletin épidémiologique paraissant le mercredi, je ne peux vous donner ce soir que les chiffres de la semaine dernière. La pandémie était stabilisée, avec 186 consultations pour syndrome grippal pour 100 000 habitants, contre 181 la semaine précédente. Le virus H1N1 l’a emporté sur tous les autres virus grippaux et ce surplus de consultations lui est bien lié. La pandémie semble s’être accélérée depuis le début de la semaine, comme devraient le confirmer les chiffres qui seront publiés demain, et comme nous nous y attendions après que la douceur des températures avait pu stabiliser le nombre de cas. Nous remontent également, notamment de l’Assistante Publique-Hôpitaux de Paris, des cas de sujets jeunes, sans facteur de risque particulier, gravement atteints comme cette jeune fille de 14 ans, aujourd’hui en réanimation lourde.

Mme Génisson et M. Boënnec m’ont tous deux interrogée, dans une optique différente, sur la convergence tarifaire public-privé. Le report de cette convergence à 2018 était nécessaire. Il faut, en effet, d’ici là mener à bien certaines études pour objectiver et quantifier les écarts de coûts entre les deux secteurs. Personne n’a jamais dit que convergence signifierait égalité des tarifs. Il ne saurait y avoir convergence, que dans la limite des écarts justifiés par une différence dans la nature des charges couvertes. Mais, il est normal qu’à prestations égales et environnement identique, les tarifs soient les mêmes dans les deux secteurs. Un rapport sera présenté au Parlement sur le sujet. Sur la base de l’activité du secteur public, l’écart entre public et privé est passé de 40 % en 2006 à 27 % en 2009. La convergence est d’ores et déjà effective dans certains domaines d’activité, comme l’hospitalisation à domicile ou la dialyse.

Oui, madame Génisson, il sera, bien entendu, tenu compte de l’environnement social des patients. Le MIGAC Précarité mis en place en 2009 et destiné à couvrir les coûts structurels de la précarité, qui a mobilisé 100 millions d’euros, sera pérennisé. Nous continuerons de rechercher la convergence, même si nous savons que du temps sera nécessaire.

Une approche expérimentale ciblée sera développée pour quelques dizaines de groupes homogènes de séjour (GHS), pour un montant de 150 millions d’euros. Ces expérimentations ne doivent toutefois pas retarder la réalisation d’études d’objectivation des écarts de coûts, qui constitue le socle de notre démarche. Un travail approfondi est vraiment nécessaire, que nous menons avec l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation. Pour autant, même modeste, la démarche de convergence ciblée, engagée cette année permettra de tirer d’utiles leçons.

Mme Génisson m’a également demandé qui contrôlerait les arrêts de travail. Dans la mesure où ce sont les généralistes qui en prescrivent le plus, il était logique que ce soit des généralistes qui en soient chargés. La mise sous accord préalable des prescriptions d’indemnités journalières a tout de même rapporté 45 millions d’euros en trois ans. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale simplifie la procédure et redonne toute sa place au dialogue entre les autorités administratives des caisses d’assurance maladie et le service médical, l’objectif étant davantage d’accompagner les praticiens que de les sanctionner. Devant un comportement s’écartant de la norme, il faudra rechercher si cela ne peut pas s’expliquer par une typologie particulière de la clientèle du praticien ; et ce n’est qu’après analyse approfondie, qu’une sanction pourra éventuellement être prononcée à son encontre. Le contrôle des arrêts maladie s’est révélé efficace pour limiter la croissance des dépenses d’assurance maladie. Il faut continuer de lutter contre les abus.

Pour ce qui est des missions d’intérêt général, monsieur Boënnec, j’avoue être quelque peu surprise par certain débat. On reproche parfois au privé de ne pas assurer les missions d’intérêt général. Mais quand, dans l’objectif d’assurer la meilleure couverture sanitaire possible du territoire, on donne aux agences régionales de santé la possibilité de faire remplir des mission d’intérêt général par des établissements privés, dans un cadre contractuel impliquant des droits et des devoirs, en particulier pour le respect des tarifs opposables, on s’étonne que cela soit possible ! Il faut être cohérent.

Madame Antier, le taux de remboursement des médicaments est exclusivement fixé sur critère médical d’efficacité. Hors de ce cadre, toutes les dérives seraient possibles. Nous avons décidé de ramener de 35 % à 15 % le taux de remboursement des médicaments à service médical faible dans toutes leurs indications, ainsi que des médicaments à service médical insuffisant encore remboursés à 35 %. Il y a aura donc quatre taux de remboursement : 100 % pour les médicaments irremplaçables, très coûteux, comme les anti-cancéreux et les anti-rétroviraux, 65 % pour les médicaments à service médical important, 35 % pour ceux à service médical modéré et 15 % pour ceux à service médical faible.

Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, les antalgiques et anti-pyrétiques du type paracétamol ou aspirine resteront remboursés à 65 %. Pour le reste, il faut juger du remboursement des médicaments, non en stock mais en flux. Certes, la diminution à 15 % du remboursement de certains d’entre eux va procurer 145 millions d’euros d’économie mais, chaque année, de nouveaux médicaments sont admis au remboursement, et ce pour un montant total d’un milliard d’euro – je pense au remboursement à 65 % d’une pilule de troisième génération, la Varnoline, conformément à un engagement que j’avais pris devant vous, et d’un nouveau traitement très coûteux du myélome multiple. Pour pouvoir rembourser ces nouveaux médicaments, il est logique que nous en déremboursions certains autres à l’efficacité vraiment limitée.

Mme Michèle Delaunay. C’est vrai.

Mme la ministre. Il ne peut pas y avoir de débat sur les médicaments classés dans la liste à 15 % !

Madame Delaunay, pour ce qui est des ALD, mon approche est strictement médicale et ma position se fonde sur un avis de la Haute autorité de santé. Nous envisageons, dans le cadre du plan Cancer, que des personnes guéries de cette maladie, selon des critères fixés sur avis médical, bénéficient moins longtemps du dispositif d’ALD, tout en continuant de bénéficier d’une prise en charge à 100% de leurs examens de surveillance.

Mme Michèle Delaunay. Si elles sont guéries, elles n’ont pas besoin de suivi. Sinon, elles doivent rester en ALD. Il y a là une contradiction majeure.

Mme la ministre. C’est la Haute autorité qui a formulé cette proposition. C’est avec elle qu’il faudra en discuter. Il ne s’agit pas de considérations économiques, mais scientifiques et médicales. Suite à son avis, nous avons entrepris d’autres démarches concernant les ALD et ainsi décidé de rembourser certaines actions de prévention primaire de l’hypertension artérielle, des facteurs de risque cardio-vasculaire, et de généraliser les expériences d’éducation et d’accompagnement thérapeutique, comme le programme Sophia de la CNAMTS et d’autres mis en place par la MSA.

Mme la secrétaire d’État. Monsieur Gremetz, vous avez fait allusion à une jurisprudence de la Cour d’appel de Paris. Cette décision d’espèce s’explique par le fait que l’employeur n’aurait pas pris toutes les mesures pour mettre fin à l’exposition à l’amiante. On ne peut donc en déduire que le juge a remis en cause les critères d’attribution de la rente à taux plein.

Monsieur Dord, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de doubler les prélèvements sur les retraites chapeaux, ce qui rapportera 25 millions d’euros et mettra ce régime sur un pied d’égalité avec les autres régimes de retraite supplémentaire, avec des contributions taxées à 12 %. La comparaison avec l’étranger est contestable, ces régimes étant spécifiques et sans réel équivalent à l’étranger.

Madame Antier, la semaine dernière, j’ai reçu toutes les associations de protection de l’enfance. Je souhaite vous associer à la réflexion menée en la matière, notamment en ce qui concerne le contrôle de la santé des enfants en bas âge.

Monsieur Perrut, nous avons diversifié les modes de garde, notamment en signant une convention d’objectifs et de gestion, de 1,3 milliard d’euros, avec la Caisse nationale d’allocations familiales. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a imposé une augmentation de 50 euros par mois du complément mode de garde au profit des familles les plus modestes, soit un budget global de 50 millions d’euros. L’an dernier, nous avons majoré de 10 % le complément mode de garde pour les personnes travaillant en horaires atypiques. Enfin, nous avons créé une ligne budgétaire spécifique pour développer des modes de garde adaptés dans les 215 quartiers prioritaires, où le taux d’activité des femmes est de 10 % inférieur à la moyenne nationale. Je me réjouis donc de répondre à votre attente, notamment en ce qui concerne les familles les plus modestes.

Madame Hoffman-Rispal, nous mettrons en œuvre les engagements du Président de la République concernant les personnes âgées. L’ONDAM 2010 pour les personnes âgées s’élève à 7 milliards. Cette progression autorisera l’adoption de mesures nouvelles, d’un montant global de 550 millions d’euros, avec le déploiement du plan Alzheimer et la médicalisation de maisons de retraite : 7 500 places seront ainsi créées.

II.- EXAMEN DU RAPPORT

La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Yves Bur, M. Jean-Pierre Door, M. Denis Jacquat, Mme Marie-Françoise Clergeau et Mme Isabelle Vasseur, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

M. le président Pierre Méhaignerie. Tout le monde ayant eu l’occasion d’intervenir, je déclare la discussion générale du projet de loi close.

En vertu de la nouvelle procédure prévue par le Règlement, j’ai examiné la recevabilité financière des amendements. Le Conseil constitutionnel a insisté sur l’importance de ce contrôle, qui incombe désormais aux présidents de commission. Les amendements déclarés irrecevables ne figurent donc pas dans la liasse et ne seront pas discutés en commission. Mais, je suis allé aussi loin que le règlement l’autorise ; en cas de doute, notamment sur le caractère « cavalier » d’un amendement, j’ai préféré qu’il soit néanmoins débattu.

M. Roland Muzeau. Nous avions bien compris que la réforme constitutionnelle aboutissait à l’amputation des droits du Parlement. Mais, afin que le travail des uns et des autres soit mieux compris, il est regrettable que les amendements déclarés irrecevables ne puissent apparaître nulle part.

M. le président Pierre Méhaignerie. Le Conseil constitutionnel a décidé que ces amendements ne devaient être ni publiés ni discutés.

III.- EXAMEN DES ARTICLES

La commission a procédé à l’examen des articles du présent projet de loi au cours de ses séances des mardi 20 octobre et mercredi 21 octobre 2009.

PREMIÈRE PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2008

Article 1er

Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2008

Le présent article propose d’approuver un ensemble de données au titre du dernier exercice clos, conformément aux dispositions organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale.

D’une part, le 1° du A du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale prévoit que la loi de financement de la sécurité sociale de l’année approuve « les tableaux d’équilibre par branche du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes, ainsi que les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie constatées lors de cet exercice ».

D’autre part, en vertu du 2° du A du I du même article, la loi de financement « approuve, pour ce même exercice, les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à l’amortissement de leur dette », c’est-à-dire les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).

Comme chaque année, l’examen de l’exécution de l’exercice 2008 est éclairé par l’avis que la Cour des comptes doit présenter sur les tableaux d’équilibre, mais aussi par la mission de certification des comptes qui lui échoit également en vertu de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS).

1. La cohérence des tableaux d’équilibre

C’est la troisième année qu’en vertu de la LOLFSS, le rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale « comprend l’avis de la Cour sur la cohérence des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos présentés dans la partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos » (article L. 132-3 du code des juridictions financières).

Il ne s’agit évidemment pas ici pour la Cour de procéder à la certification des comptes, même si elle se fonde sur les travaux qu’elle est par ailleurs amenée à réaliser dans ce domaine, ni d’apprécier les comptes des régimes et organismes pris individuellement, mais simplement de donner un avis sur la cohérence des tableaux d’équilibre présentés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comme pour les deux exercices précédents, cette appréciation porte sur trois éléments :

– les processus de centralisation et de contrôle des comptes des régimes et organismes, en amont de leur consolidation dans les tableaux d’équilibre ;

– la consolidation des comptes, c’est-à-dire les règles retenues pour établir les tableaux d’équilibre, en particulier leur conformité aux principes comptables applicables à la sécurité sociale ;

– la permanence des méthodes, c’est-à-dire la comparabilité des tableaux d’équilibre d’une année sur l’autre.

En 2008, examinant les tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2007, la Cour avait exprimé des réserves sur deux points. D’une part, le contrôle et la traçabilité des opérations préalables à l’élaboration des tableaux d’équilibre ne présentaient pas de garanties suffisantes : en particulier, selon elle, seule une assurance limitée pouvait être apportée à la ventilation des résultats par branche de l’ensemble des régimes. D’autre part, comme pour l’exercice 2006, la Cour déplorait que soient pratiqués des retraitements de nature « économique », s’écartant des règles comptables et consistant en la contraction de certains produits et charges. Sur ce second point, la Cour relève cependant que si ces opérations ont pour effet de diminuer le montant des produits et charges dans les tableaux d’équilibre, elles n’affectent globalement pas les soldes.

Dans son rapport de septembre 2009, la Cour constate que « malgré certains nouveaux progrès, ces deux limites perdurent dans la construction des tableaux de 2008 ».

Elle considère d’une part que les modalités d’élaboration des tableaux de centralisation des données comptables (TCDC), fondement des tableaux d’équilibre, demeurent perfectibles, « en dépit d’efforts notables portant sur le contrôle de la cohérence des TCDC avec les comptes de résultat des régimes ». L’ensemble des écarts entre ces tableaux et les comptes est désormais identifié, mais ils n’ont pas été analysés. Afin de définir des normes de forme et de contenu pour ces tableaux, une uniformisation des règles présidant à leur établissement est donc nécessaire. La Cour recommande que des instructions soient données en ce sens aux différents régimes, faute de dispositions pertinentes dans le plan comptable unique des organismes de sécurité sociale (PCUOSS). En attendant, dans certains régimes, la ventilation des charges et produits par branche n’a pas progressé par rapport à 2007.

La Cour se félicite d’autre part de ce que certaines de ses demandes aient été suivies d’effets en matière de retraitement des comptes : le retraitement des produits de gestion courante et de la prise en charge des cotisations famille et maladie des praticiens et auxiliaires médicaux a ainsi été abandonné. Par ailleurs, la contraction des charges et produits relatifs au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) ainsi que des transferts entre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) est désormais justifiée.

De ce fait, la comparaison entre exercices s’en trouverait singulièrement compliquée, pour ne pas dire impossible, si l’annexe 4 au présent projet de loi (« Recettes des régimes de sécurité sociale par catégorie et par branche ») ne comportait pas une présentation détaillée des changements de méthode intervenus depuis la loi de financement pour 2009 et, surtout, une version alternative des tableaux d’équilibre du présent projet de loi de financement réalisée selon la méthode de consolidation en vigueur au moment de la loi de financement pour 2009. Ces données permettront ainsi de rétablir la continuité entre les exercices concernés.

Dans l’annexe 4, le Gouvernement indique avoir eu pour objectifs principaux « l’unification des modalités de présentation entre le PLFSS et le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale d’une part, une meilleure signification "économique" de ces agrégats d’autre part ». La Cour observe toutefois que les retraitements « économiques » contraires au plan comptable, persistent, notamment la contraction des pertes sur créances de cotisations avec les produits de cotisations de l’exercice ainsi que la contraction des reprises de provisions pour prestations et pour dépréciation des créances avec les dotations correspondantes. En outre, un nouveau retraitement de ce type a été introduit en 2008 s’agissant des reprises et dotations aux provisions pour autres charges.

Au total, ces retraitements portent en 2008 sur 11,1 milliards d’euros pour le régime général, dont 9,2 milliards d’euros au titre des seules reprises de provisions pour prestations légales, et sur 14,3 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes.

En conclusion, la Cour des comptes exprime l’avis suivant :

« Les opinions de certification de l’ensemble des régimes sont prises en compte dans le présent avis : pour les comptes de l’exercice 2008, elles mettent au jour l’ampleur des progrès à réaliser pour disposer d’une information comptable fiable, particulièrement en termes de contrôle interne et de systèmes d’information.

« Même si les vérifications effectuées par la Cour ont montré de nouveaux progrès dans l’élaboration des tableaux d’équilibre, le contrôle des données comptables en amont demeure insuffisant. En outre, les tableaux d’équilibre maintiennent par ailleurs des retraitements en "net" sans justification comptable.

« En conséquence, la Cour ne peut apporter qu’une assurance limitée sur la cohérence entre les comptes des régimes et organismes et ces tableaux d’équilibre. »

Votre rapporteur rappelle toutefois que ces divergences entre la Cour, qui, à la différence de 2007, ne présente pas cette année dans son rapport ses propres données consolidées pour 2008, et le Gouvernement n’ont aucune incidence sur les soldes. En outre, il se réjouit que la question du rattachement des acomptes de CSG sur les revenus de placement, qui avait soulevé des difficultés à l’occasion de l’exercice précédent, ait été résolue. En effet, pour l’exercice 2008, les règles comptables ont été précisées sous l’égide du Haut conseil interministériel de la comptabilité des organismes de sécurité sociale et un dispositif ad hoc a été mis en place pour identifier, dans les déclarations de 2009, le montant des contributions sociales dues au titre de l’exercice 2008, c’est-à-dire celles correspondant aux intérêts capitalisés en décembre, mais portés aux comptes des épargnants uniquement en janvier.

Quant au problème posé par l’inscription de la compensation par l’État du coût pour le régime général des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, il a été réglé par l’article 9 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008), qui dispose que « la compensation intégrale par l’État est effectuée dans les conditions qui en assurent la neutralité financière et comptable pour les caisses et régimes au moyen d’une affectation d’impôts et de taxes ; la différence entre le montant définitif en droits constatés des pertes de recettes et le produit comptabilisé des impôts et taxes affectés constitue, si elle est positive, un produit à recevoir des organismes de sécurité sociale concernés sur le produit de la contribution sociale sur les bénéfices perçu par ces organismes au cours de l’exercice ou de l’exercice suivant ». Dans son rapport de certification des comptes 2008 du régime général, la Cour des comptes regrette que la volonté de garantir en toutes circonstances la neutralité financière du dispositif de compensation des pertes de recettes ait abouti à « introduire un biais dans le référentiel normatif comptable de la sécurité sociale ». Dès lors, « une telle évolution rend plus urgente encore la définition d’un cadre conceptuel […] afin de clarifier ce que l’on attend véritablement de la comptabilité de la sécurité sociale au regard des principes posés par la Constitution et la loi organique ».

2. La certification des comptes pour 2008

De même que pour la cohérence des tableaux d’équilibre, en matière de certification, le dispositif mis en place par la LOLFSS en matière de certification des comptes s’applique pour la troisième fois. La Cour des comptes a donc arrêté le 29 juin dernier son rapport de certification des comptes du régime général, en application du 3° du VIII de l’article L. O. 111-3 du code de la sécurité sociale et de l’article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières : « Chaque année, la Cour des comptes établit un rapport présentant le compte rendu des vérifications qu’elle a opérées en vue de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des organismes nationaux du régime général et des comptes combinés de chaque branche et de l’activité de recouvrement du régime général, relatifs au dernier exercice clos, établis conformément aux dispositions du livre Ier du code de la sécurité sociale. Ce rapport est remis au Parlement et au Gouvernement sitôt son arrêt par la Cour des comptes, et au plus tard le 30 juin de l’année suivant celle afférente aux comptes concernés. »

Ce rapport comporte à la fois l’exposé des vérifications opérées par la Cour, l’énoncé de ses observations et l’expression de ses justifications et appréciations en vue de la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes du régime général, au regard des normes comptables qui leur sont applicables.

L’année 2008 a été caractérisée par une innovation significative, puisque l’ensemble des régimes et organismes ont désormais l’obligation légale, en vertu de l’article L. 114-8 du code de la sécurité sociale, de faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes, dont les rapports sont remis au plus tard le 1er juin.

La Cour et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) ont signé, le 22 janvier 2009, un protocole d’accord visant à organiser les échanges d’information. Les deux principaux régimes concernés sont, en sus du régime général, le Régime social des indépendants (RSI) et la Mutualité sociale agricole (MSA). Pour 2008, l’application du protocole a également concerné les régimes des cultes (CAVIMAC), des marins (ENIM) et des militaires (CNMSS) ainsi que les régimes d’employeur de la SNCF et de la RATP. La Cour dispose donc, pour tous les régimes obligatoires de base de sécurité sociale, d’une somme de positions lui permettant d’avoir une vision complète et synthétique de la qualité des comptes sociaux.

Pour sa part, la Cour des comptes exprime dans son rapport sa position sur chacun des neuf ensembles d’états financiers (bilan, compte de résultat, annexe) comprenant les comptes annuels des quatre établissements publics nationaux constituant les têtes de réseau du régime général (CNAMTS, CNAF, CNAV et ACOSS), mais aussi, après un traitement approprié des comptes annuels de l’établissement public et de ceux des organismes de base constitutifs des réseaux concernés, les comptes combinés des quatre branches (maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille, vieillesse) et de l’activité de recouvrement.

La Cour salue les « réels progrès » réalisés par les organismes en vue de la mise en place d’un dispositif de contrôle interne propre à assurer une meilleure maîtrise des risques financiers et comptables. Elle relève en outre que « les méthodes de validation et d’établissement des comptes ont été sensiblement améliorées, même si des évolutions sont encore attendues ». Elle souligne également « l’importance de l’implication de toutes les branches dans l’amélioration de la qualité de l’information financière produite et le processus de certification qui lui est consubstantiel ».

Elle estime toutefois que « de nombreux progrès restent à faire », 74 observations d’audit ayant été adressées aux caisses nationales et aux administrations concernées au titre de 2008. De fait, la Cour a refusé de certifier les comptes des branches famille et vieillesse et, corrélativement, de la CNAF ainsi que de la CNAV. Cette situation ne traduit toutefois pas nécessairement un désaccord avec les organismes concernés : selon la Cour, les producteurs de comptes, qui ont pris de nombreux engagements d’amélioration, « partagent en général le même diagnostic des insuffisances affectant les états financiers mais dès lors qu’aucune correction n’a pu être apportée en 2008 (pour diverses raisons), ces points débouchent sur des incertitudes affectant l’opinion du certificateur ».

 L’activité de recouvrement et l’ACOSS

Examinant les comptes de l’exercice 2007, la Cour des comptes avait estimé qu’elle n’était en mesure de certifier ni les comptes combinés du recouvrement ni les comptes de l’ACOSS. Pour les comptes 2008, la certification est accordée, moyennant cependant dix réserves.

Deux limitations ont affecté l’audit des comptes :

– les mesures d’amélioration du dispositif de contrôle interne engagées par l’ACOSS n’ont pas encore abouti à des résultats suffisants pour que la Cour dispose de l’assurance que les toutes les erreurs significatives de déclaration ou de traitement des organismes sont décelées ;

– certains aspects des travaux de révision réalisés sous la responsabilité de l’agent comptable de l’ACOSS en vue de la validation des comptes des organismes de base limitent encore le niveau d’assurance sur la fiabilité des comptes de ces organismes.

La Cour constate par ailleurs huit incertitudes, dont cinq avaient déjà été mises en lumière l’année précédente :

– les estimations comptables relatives aux opérations d’inventaire, qu’il s’agisse du retraitement des crédits à affecter, de la détermination des produits à recevoir de cotisations et contributions sociales ou de l’évaluation des provisions pour dépréciation de créances à l’égard des cotisants, ne permettent pas d’avoir une assurance suffisante sur les montants comptabilisés ;

– la liquidation des cotisations pour les accidents du travail et maladies professionnelles reste effectuée à partir de données susceptibles de comporter un nombre significatif d’erreurs affectant les produits comptabilisés à ce titre ;

– pour les cotisants autres que les laboratoires pharmaceutiques, les litiges portant sur les cotisations et contributions sociales déjà versées ne sont que partiellement recensés ; les risques associés ne sont pas évalués et il n’est pas constitué de provisions ;

– le montant total des créances et leur répartition entre attributaires ne sont pas certains, du fait de la mise en œuvre partielle des modifications des règles d’admission en non-valeur pour certaines créances, de la comptabilisation de créances pour un montant déterminé de façon forfaitaire lorsque les cotisants n’ont pas déposé leurs déclarations et des écarts relatifs à la répartition des créances entre attributaires ;

– les nombreuses insuffisances identifiées en matière de contrôle interne dans les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) ne permettent pas d’avoir une assurance suffisante sur leurs comptes et par conséquent sur l’ensemble des exonérations spécifiques aux départements d’outre-mer prises en charge par l’État.

Par ailleurs :

– les montants enregistrés au titre des produits de cotisations famille et de CSG pour les employeurs et travailleurs indépendants comportent des incertitudes du fait d’erreurs dont l’impact n’a pu être que partiellement déterminé et comptabilisé (cf. infra) ;

– le dispositif mis en place conduisant à comptabiliser les produits de CSG et de prélèvements sociaux sur les revenus de placement qui sont rattachables à 2008 mais déclarés en 2009 ne permet pas d’avoir une assurance suffisante sur les montants enregistrés à ce titre ;

– la présentation des états financiers, en ne distinguant pas les régularisations de cotisations en faveur des cotisants, ne permet pas de retracer fidèlement certaines opérations de la branche.

Le contrôle opéré par la Cour des comptes permet également de faire le point sur l’évolution des dettes de l’État. En 2007, après extinction des dettes antérieures, une dette de 4,2 milliards d’euros s’était ainsi reconstituée à l’égard du régime général : 2,2 milliards d’euros au titre de la prise en charge des exonérations ciblées de cotisations sociales et 2 milliards d’euros au titre des prestations servies pour le compte de l’État ou financées par lui. La Cour constate qu’au 31 décembre 2008, les créances de l’ACOSS à l’égard de l’État, pour le seul financement des exonérations ciblées de cotisations sociales, s’élèvent à 2,6 milliards d’euros contre 1,7 milliard d’euros en 2007.

Surtout, les opérations de certification des comptes illustrent les conditions déplorables dans lesquelles a été mis en place, à partir du 1er janvier 2008, l’interlocuteur social unique (ISU), c’est-à-dire le guichet unique pour le paiement des cotisations (maladie, famille, vieillesse, retraite complémentaire, invalidité-décès, formation professionnelle) et contribution (CSG, CRDS) de plus de 1 400 000 travailleurs indépendants actifs (professions artisanales, industrielles et commerciales, hormis les professions libérales), ainsi que le rapporteur a été amené à le constater lui-même à l’occasion du contrôle auquel il a procédé en juillet dernier dans une URSSAF.

La Cour rappelle que l’ISU est placé sous la responsabilité du RSI qui délègue aux URSSAF et CGSS les compétences de participation à l’accueil et à l’information des cotisants, de calcul et d’encaissement des cotisations, de recouvrement amiable jusqu’au trentième jour suivant la date limite de paiement et de contrôle de l’exactitude des déclarations de revenus qu’ils fournissent. Le RSI demeure quant à lui chargé de l’affiliation, du traitement des déclarations de revenus et du recouvrement au-delà du trentième jour après l’exigibilité.

En 2008, les URSSAF ont donc recouvré 8,7 milliards d’euros de cotisations maladie et vieillesse pour le compte du RSI et, sur cette même population, un montant de 5,4 milliards d’euros de CSG et de cotisations familiales, destiné au régime général, ainsi que 200 millions d’euros de CRDS.

Voici quelques années, la mise en place du guichet unique autour de la MSA était de nature tout aussi ambitieuse, mais a été couronnée de succès, constituant un réel progrès dans le domaine de la protection sociale agricole. Tel n’est en revanche pas du tout le cas de l’ISU. Le rapporteur ne peut en effet qu’approuver la remarque de la Cour selon laquelle « la mise en place de ce dispositif, dans lequel la répartition des tâches est complexe, a nécessité des changements notables dans l’organisation et la mission des URSSAF et s’est accompagnée de nombreuses difficultés qui ont entraîné des erreurs de liquidation des cotisations et contributions sociales d’un montant significatif ».

Pourtant, une réponse au questionnaire adressé par le rapporteur au Gouvernement, en application de l’article L.O. 111-8 du code de la sécurité sociale, en vue de l’examen et du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, admettait certes que « malgré les études préalables effectuées, des difficultés inattendues de gestion ont surgi au cours des premiers mois touchant une petite partie des appels de cotisations adressés aux cotisants » mais pour en minorer aussitôt la portée : « ces difficultés sont nées d’imperfections résiduelles des procédures d’échanges de fichiers, la mise à niveau des systèmes d’information conduite de part et d’autre ayant été particulièrement conséquente. » Tout en concédant que « la résolution progressive de ces problèmes nécessite beaucoup d’énergie et de mobilisation dans les deux réseaux pour fiabiliser progressivement toutes les opérations et rétablir la qualité de service aux cotisants concernés, afin que l’ISU puisse remplir pleinement l’objectif de simplification du recouvrement des travailleurs indépendants », la réponse n’en concluait pas moins que « la situation est en voie d’être totalement normalisée ».

Dans son introduction au rapport d’activité 2008 du RSI, M. Dominique Liger, directeur général, ne dissimule pas que « les bouleversements administratifs et informatiques nécessaires ont entraîné des difficultés et des anomalies dans le traitement des dossiers d’environ 15 % de nos assurés, avec pour conséquence finale une saturation des contacts à l’accueil téléphonique ou physique de nos caisses et l’émergence d’un mécontentement légitime de la part d’un certain nombre de nos assurés ». Cette situation est d’autant plus regrettable que la création du RSI avait, en revanche, été une excellente initiative, dont une grande partie des effets positifs risque ainsi d’être irrémédiablement perdue aux yeux de ses ressortissants, dont la patience est demeurée cependant exemplaire face aux graves inconvénients qu’ils ont eu à subir. Des cas d’appels de cotisations erronés allant jusqu’à 15 000 euros ont ainsi été signalés au rapporteur. Imagine-t-on une situation comparable s’il s’était agi du recouvrement des impôts ou du versement des prestations familiales ?

D’un point de vue technique, la mise en place de l’ISU a profondément modifié les processus relatifs aux cotisations sociales des artisans et commerçants, notamment en réorganisant les responsabilités entre la branche du recouvrement et le RSI. Ce nouveau dispositif a connu de trop nombreux dysfonctionnements qui ont affecté les opérations de liquidation de ces cotisations, mais aussi de celles des professions libérales, impactées de façon incidente.

Pour certains sujets, les conséquences financières de ces anomalies ont pu être chiffrées et l’ACOSS s’est engagée à les résoudre dans un calendrier défini. En revanche, pour d’autres sujets, soit l’impact financier n’a pu être déterminé, soit l’ACOSS n’était pas en mesure de s’engager sur un plan de résorption dans le cadre d’un calendrier défini :

– la fusion des fichiers cotisants des caisses du RSI et des URSSAF a mis à jour un nombre important de cotisants connus du RSI mais pas du réseau du recouvrement, alors qu’ils sont bien redevables de la CSG et des cotisations famille. Cette question n’a pas pu être traitée en 2008 et les sommes correspondantes n’ont pas été appelées. L’impact de cette anomalie a été estimé à 110 millions d’euros pour le régime général pour l’exercice 2008, mais le calendrier de résorption n’a pas été déterminé ;

– le réseau du recouvrement, en liaison avec le RSI, n’a pas mis en œuvre l’intégralité de la réglementation applicable aux indépendants en 2008, surtout en ce qui concerne l’obligation de solder définitivement les comptes des cotisants ayant cessé leur activité durant l’année. N’ont pas non plus été appliquées les réglementation sur les pénalités en cas de retard dans le dépôt des déclarations de revenus, ainsi que sur le recouvrement amiable et forcé, qui n’a pas été mis en œuvre en 2008 ;

– l’appel de cotisations pour les cotisants ayant repris en 2008 une activité après une interruption temporaire a été empêché par le blocage de leur inscription pour des raisons techniques ;

– le nombre de cotisants n’ayant pas envoyé de déclaration de revenus a augmenté très significativement par rapport à 2007.

Selon les informations recueillies sur place auprès d’une URSSAF en juillet dernier, il semble qu’il faille incriminer le manque de préparation du dispositif, les systèmes informatiques ayant commencé à fonctionner trop tardivement. Il est vrai que le partage opéré entre la gestion comptable, dévolue aux URSSAF, et l’affiliation, restant du ressort du RSI, n’a guère simplifié les choses. De même, ainsi que cela a déjà été rappelé, la gestion des délais relève des URSSAF en deçà d’un mois et du RSI au-delà. Quant au recouvrement, le contentieux en est confié au RSI, tandis que les procédures amiables sont réparties entre les URSSAF et le RSI. Pourtant, la mauvaise gestion de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle (AFEAMA) avait déjà permis de mesurer les difficultés inhérentes à un partage des tâches entre organismes.

En outre, est apparue au même moment une difficulté supplémentaire à gérer, celle du nouveau statut d’autoentrepreneur, qui, selon les témoignages apportés au rapporteur, a fait l’objet d’une communication très défaillante, notamment en raison de l’absence d’accompagnement des chambres consulaires. Ainsi, certains ressortissants ont-ils même été reconnus autoentrepreneurs par erreur…

Les interlocuteurs rencontrés par le rapporteur lors de son récent déplacement dans une URSSAF, qu’il tient à remercier pour la qualité de leur accueil et la franchise de leurs propos, sont donc confrontés à une absence d’outils de gestion et de maîtrise globale du système. La vétusté du système informatique des URSSAF (SNV2), qui date des années 1990, était bien sûr connue, la future convention d’objectifs et de gestion devant d’ailleurs aborder cette question. En outre, chaque URSSAF dispose de sa propre base informatique, alors que le système du RSI présente au contraire un caractère national.

L’expérience ayant montré que la conception d’un outil informatique ad hoc aurait nécessité de nombreuses années, cette piste n’a pas été retenue, tandis que la confection d’un outil au sein du seul RSI ou des seules URSSAF n’aurait pas non plus été une solution satisfaisante. La solution consistait donc à établir des passerelles entre les outils existants, conformément aux préconisations de la mission conduite par M. Jean-François Chadelat, confirmées par lettre ministérielle en date du 10 novembre 2006. Mais l’accord entre les différentes parties prenantes est intervenu trop tardivement, à l’été 2007, et ce n’est donc qu’en novembre 2007 que les divergences entre fichiers ont commencé à être identifiées, c’est-à-dire moins de deux mois avant l’entrée en vigueur du dispositif.

Pour faire face aux réclamations des ressortissants, la réponse consistant à décider une exonération générale des majorations de retard n’a pas été satisfaisante, laissant présager un difficile retour à la normale et se superposant à l’exécution des contraintes adressées au titre des cotisations antérieures à l’ISU.

Dès lors, il n’est pas étonnant que le fonctionnement des URSSAF ait été profondément perturbé par la mise en place chaotique de l’ISU. Dans celle que le rapporteur a contrôlée, 7 agents géraient jusqu’alors plus de 30 000 travailleurs indépendants, sur un mode de production « industriel » qui fonctionnait tout à fait correctement. Mais avec la multiplication des réclamations individuelles, la nécessité du retour à un traitement « artisanal », dossier par dossier, est redevenue d’actualité. Cette URSSAF a été contrainte de plus que doubler les effectifs affectés à la gestion des indépendants, qui sont passés à 15,5 agents, sans pour autant que cet effort soit suffisant pour résorber rapidement le retard accumulé, soit un stock de 30 000 dossiers, chiffre considérable même s’il inclut sans doute des doubles comptes.

Toujours est-il que selon cette URSSAF, environ 10 % des comptes présentaient encore un caractère litigieux. Il est bien entendu trop tard pour revenir en arrière, mais afin de remédier à la situation, d’importants renforts en personnel apparaissent temporairement nécessaires, au moment même où, en application de la convention d’objectifs et de gestion (COG), un départ à la retraite sur deux ne donne pas lieu à remplacement. Le conseil d’administration du RSI, au cours de sa réunion du 9 décembre 2008, avait demandé à l’unanimité que le stock de dossiers des assurés dont les problèmes de traitement n’avaient pas encore reçu de solution satisfaisante (« reste à faire ») soit résorbé au plus tard le 1er juin 2009.

Mais l’objectif est désormais d’apurer les retards d’ici la fin de l’année, ainsi que l’a indiqué le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État lors de son audition par la commission des affaires sociales le 22 juillet dernier, confirmant à cette occasion la mauvaise appréciation qu’on est en droit de porter sur la mise en place de l’ISU : « le dispositif de l’interlocuteur social unique manquait un peu de moyens. Il en a donc été accordé au RSI pour essayer de pallier des difficultés récurrentes, en matière de stocks, de liquidation de pensions. Beaucoup de plaintes ont été formulées. On savait que cette fusion d’organismes serait lourde : elle l’a été encore plus que prévu en termes d’organisation. Nous sommes très vigilants et des mesures concrètes, notamment un apport supplémentaire de moyens en faveur des systèmes d’information, devraient permettre d’améliorer la situation et de résoudre les difficultés rencontrées d’ici la fin de l’année. »

Un espoir réside déjà dans le fait que 2008 marque le début d’un nouveau cycle de revenus, qui permettra de mettre à l’épreuve les améliorations apportées dans le domaine informatique. À l’été 2008, un rapport d’une mission d’audit et d’appui de l’IGAS, s’interrogeant sur la pertinence du partage des tâches, a fait évoluer le pilotage stratégique du projet. Fin 2008, ont été désignés dans chaque région un chef de projet URSSAF et un chef de projet RSI. L’effort a également porté sur le traitement en commun des dossiers, avec la mise en place, début 2009, d’un « tableau de bord de gestion partagé local » ainsi que de cellules régionales de gestion de la réclamation et de traitement des dossiers les plus complexes, composées d’experts des deux réseaux.

 Les branches maladie et accidents du travail et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés

Comme en 2007, la Cour des comptes certifie les comptes de ces deux branches et de cette caisse nationale, mentionnant la persistance de diverses limitations et réserves.

Pour la branche maladie, comme au cours des deux exercices passés, la Cour relève que persistent les limitations constatées en matière de rupture du chemin de révision des prestations en nature et des soins en clinique et de contrôle des règlements issus de données transmises par les mutuelles gestionnaires du régime général. Il en va de même pour le dispositif de détermination des provisions pour charges relatives aux dépenses hospitalières, où la CNAMTS est tributaire de la fourniture par le ministère de la santé d’informations qui, du fait de leur caractère tardif et peu lisible, ne permettent pas à la Cour de se prononcer sur le bien-fondé du montant provisionné au regard du principe de séparation des exercices ni d’apprécier le respect du principe de permanence des méthodes en matière de calcul des provisions.

Parmi les incertitudes affectant les comptes, les risques d’erreurs et d’anomalies affectant l’exhaustivité et la fiabilité des montants comptabilisés au titre du contrôle des facturations des établissements médico-sociaux accueillant des personnes handicapées avaient déjà été signalés à l’occasion de l’exercice précédent, de même que l’impossibilité de disposer d’une assurance appropriée sur les montants dont la branche doit assurer la prise en charge au titre de la compensation intégrale des soldes des autres régimes et organismes de sécurité sociale, du fait principalement du refus de certification des comptes combinés de la Caisse centrale de la MSA par ses commissaires aux comptes. Comme en 2006 et en 2007, le recouvrement de la créance (1,13 milliard d’euros) détenue par l’assurance maladie sur les établissements hospitaliers, représentant le reliquat des avances accordées en 2005 et 2006 aux hôpitaux dans le contexte de la mise en place de la T2A, était affecté d’une incertitude, dans l’attente d’un arrêté ministériel devant en préciser le calendrier et les modalités.

Par ailleurs, la Cour relève les incertitudes suivantes :

– les risques d’erreurs et d’anomalies en matière de revenus de substitution, d’indemnités journalières et de pensions d’invalidité, ont pour effet une incertitude sur la correcte valorisation dans les comptes des sommes susceptibles d’être récupérées par la branche pour cause de règlements indus, cette incertitude valant également pour les comptes de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles ;

– les sommes comptabilisées au passif au titre de dettes relatives aux remboursements des dépenses de soins des assurés à l’étranger sont affectées d’une incertitude quant à l’exhaustivité et la réalité des engagements de la branche.

S’agissant plus spécifiquement de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, la Cour constate une incertitude sur la répartition des charges hospitalières entre les risques maladie et accidents du travail, susceptible de minorer les charges de la branche des accidents du travail avec une incidence significative sur son résultat.

Enfin, par construction, l’audit des comptes de la CNAMTS est affecté par les différentes limitations et incertitudes constatées ci-dessus pour les comptes combinés des branches maladie et accidents du travail. Par ailleurs, les reclassements appropriés des opérations relatives au service médical n’ont pas été effectués dans le compte de résultat 2008, dont la présentation ne reflète donc pas le rattachement à la CNAMTS des charges directes du service médical, mais ce désaccord est sans conséquence sur le solde dudit compte de résultat.

 La branche famille et la Caisse nationale d’allocations familiales

En 2006 et en 2007, sans aller jusqu’à refuser de certifier les comptes de la branche et de la caisse nationale, la Cour des comptes estimait cependant ne pas être en mesure d’exprimer une opinion à leur sujet. Pour 2008, elle refuse de certifier les comptes de la branche et de la caisse nationale.

La Cour fait d’abord état de trois limitations à sa mission de certification :

– comme en 2006 et en 2007, elle dénonce, malgré le progrès que représente la mise en place du référentiel national des bénéficiaires (RNB), les déficiences systémiques du contrôle interne, qui ne permettent pas de réduire à un niveau acceptable les risques associés à la liquidation des prestations. En effet, le dispositif de maîtrise des risques de la branche, formant le cadre du contrôle interne et qui doit être refondu, est en l’état lacunaire et inadapté. Dès lors, les contrôles transversaux, qui impactent la grande majorité des prestations versées, demeurent marqués par des déficiences substantielles ;

– elle estime qu’elle ne peut se fonder sur le rapport de validation des comptes des organismes de base, réalisé sous l’autorité de l’agent comptable national, d’une part en raison de l’insuffisance des travaux d’audit malgré les progrès accomplis et, d’autre part, faute pour ce rapport de tirer toutes les conséquences appropriées des constats afférents au contrôle interne, aux tests de reliquidation des prestations et aux vérifications effectuées par les auditeurs nationaux ;

– enfin, l’annexe aux comptes n’a pas pu faire l’objet d’une revue détaillée par la Cour en raison d’une production tardive. En outre, le processus de combinaison des comptes comporte lui-même des insuffisances de nature à altérer la qualité des comptes combinés.

La Cour constate ensuite un désaccord avec la branche famille sur les méthodes employées pour la détermination des charges à payer et des provisions pour charges de gestion technique, qui aboutissent, selon elle, à un montant encore marqué par un risque significatif de sous-estimation, alors qu’elle avait déjà signalé cette difficulté en 2007.

La Cour relève enfin trois incertitudes :

– les erreurs affectant la comptabilisation des rappels et indus sur prestations, dont le taux dépassent très sensiblement un niveau acceptable. Il en résulte donc une incertitude significative sur la valorisation des charges de prestations enregistrées dans les comptes de la branche ;

– comme en 2007, les insuffisances relevées dans le domaine de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), tant du point de vue de la fiabilité du contrôle interne que de la correcte valorisation des charges à payer, conduisent à considérer qu’il existe une incertitude globale au regard de l’exhaustivité et de la réalité des montants de cotisations comptabilisés à ce titre, en raison de l’absence de contrôle ou de certification des données comptables afférentes aux prestations familiales versées par d’autres régimes ou organismes délégataires et intégrées dans les comptes de la branche ;

– comme pour la branche maladie, le refus des commissaires aux comptes de la Caisse centrale de la MSA de certifier ses comptes combinés a empêché la Cour de disposer d’une assurance sur la fiabilité des cotisations et des prestations familiales gérées par les caisses de MSA pour les salariés et exploitants agricoles.

 La branche vieillesse et la Caisse nationale d’assurance vieillesse

Contrairement à 2006 et 2007, la Cour refuse de certifier les comptes 2008 de la branche et de la caisse nationale.

Elle met d’abord en avant une limitation à sa mission d’audit, considérant qu’elle n’a pu apprécier la nature des risques liés au fonctionnement de la chaîne de paiement des prestations légales et leur degré de couverture par le contrôle interne, la CNAV n’ayant pas été en mesure de fournir des éléments de description appropriés.

Les insuffisances relevées en matière de contrôle interne et d’évaluation des charges à payer par la branche famille conduisent à estimer qu’une incertitude affecte les produits de cotisations d’AVPF comptabilisés en 2008 par la CNAV. En outre, comme en 2007, en l’absence de contrôle effectué à ce jour par l’ACOSS, une incertitude affecte le produit des cotisations des employeurs des industries électriques et gazières (IEG) comptabilisé en 2008 par la CNAVTS au titre de l’adossement d’une partie des prestations de retraite de leur régime spécial. Par ailleurs, comme pour les branches maladie et famille, en raison du refus de certification des comptes combinés de la MSA par ses commissaires aux comptes, la Cour ne dispose pas d’une assurance appropriée sur les flux financiers liés à l’intégration financière du régime des salariés agricoles au régime général.

La Cour relève par ailleurs cinq incertitudes :

– les erreurs ponctuelles, en faveur ou en défaveur des assurés sociaux, affectant le montant ou la date d’entrée en jouissance des pensions de retraite liquidées, mises en paiement et comptabilisées en 2008 ont une portée financière significative ;

– des erreurs systématiques affectent les pensions liquidées, mises en paiement et comptabilisées par la branche vieillesse à partir des données de carrière notifiées par les organismes sociaux, en particulier ceux qui gèrent des prestations ouvrant des droits pour la retraite (notamment les périodes assimilées au titre du chômage indemnisé). Par nature significatives, ces erreurs, qui résultent de limites généralisées du contrôle interne, ne sont que partiellement identifiées à ce jour ;

– l’absence de rapprochement entre les salaires des assurés sociaux indiqués dans les déclarations annuelles de données sociales et les salaires sous-jacents aux cotisations sociales versées par leurs employeurs a pour effet une incertitude sur l’adéquation à ces cotisations des pensions liquidées, mises en paiement et comptabilisées ;

– des incertitudes affectent une partie des pensions en paiement et comptabilisées du fait de l’absence à tort de révision de droit ou de service, ou de la révision de service erronée de ces pensions ;

– compte tenu des limites qui affectent la séparation des tâches relatives aux opérations de paiement des prestations légales, le contrôle interne n’assure pas une couverture appropriée des risques inhérents à ces opérations ce qui génère une incertitude.

De même qu’en 2006 et en 2007, la Cour continue de contester l’exclusion du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) du périmètre de combinaison des comptes, qui ne permet pas d’appréhender de manière exhaustive la situation financière de la branche.

*

La certification des comptes constitue donc un apport fondamental de la loi organique de 2005 et, malgré les apparences, ne présente donc en rien un caractère technique et abstrait. Ainsi que le relevait M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, au cours de son audition par la commission des affaires sociales le 15 juillet dernier, elle a « pour intérêt d’amener les caisses de sécurité sociale à prendre conscience des risques que génère leur activité. […] La certification peut donc être un moteur puissant de développement du contrôle interne et, par là même, d’une meilleure maîtrise des finances sociales et de la qualité du service rendu aux assurés. »

3. L’analyse des données pour 2008

 Le tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale

Le du présent article porte approbation du tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base, excluant donc les résultats des organismes concourant à leur financement, à savoir, en 2008, le FSV et le Fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA).

Le tableau ci-après rapproche les montants que le présent article 1er soumet à l’approbation du Parlement, selon la méthode de consolidation en vigueur au moment de la loi de financement pour 2009, de ceux des prévisions initiales (LFSS 2008) ou révisées (LFSS 2009) :

Tableau d’équilibre 2008 de l’ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales (LFSS 2008)

Prévisions révisées (LFSS 2009)

Réalisé (PLFSS 2010)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

175,4

479,5

– 4,1

175,2

179,4

– 4,1

175,2

179,3

– 4,1

Vieillesse

175,6

179,7

– 4,2

175,6

181,2

– 5,6

175,3

180,9

– 5,6

Famille

57,1

56,8

+ 0,3

57,2

56,9

+ 0,3

57,4

57,7

– 0,3

AT-MP

12,2

11,8

+ 0,3

12,6

12,2

+ 0,4

12,4

12,1

+ 0,2

Total

414,8

422,5

– 7,7

415,2

424,3

– 9,0

414,9

424,7

– 9,7

Sources : LFSS 2008 et 2009, PLFSS 2010

Le résultat pour 2008 fait apparaître un déficit de 9,7 milliards d’euros, contre 9,1 milliards d’euros en 2007, 7,8 milliards d’euros en 2006 et 11,6 milliards d’euros en 2005. L’exécution se révèle également plus défavorable que la prévision révisée en loi de financement pour 2009, à hauteur de 700 millions d’euros, soit 300 millions d’euros imputables à de moindres recettes et 400 millions d’euros à des dépenses plus élevées.

La prévision associée à la loi de financement pour 2009 était fondée sur une hypothèse de progression de 4,25 % de la masse salariale, alors que celle-ci ne s’est finalement élevée qu’à 3,6 % (contre 4,8 % en 2007). Soutenue notamment par la mise en place du prélèvement à la source sur les dividendes, la progression des prélèvements sociaux sur les revenus du capital est demeurée élevée (+ 3,6 %).

Du côté des dépenses, tant les prestations maladie que les pensions de retraite ont connu une progression moins vive qu’en 2007 et que la moyenne des quatre derniers exercices, à la différence des prestations familiales, traduisant la fin de la montée en charge de la prestation d’accueil du jeune enfant. Bien que l’ONDAM (cf. infra) ait été dépassé, la progression des dépenses d’assurance maladie s’est ralentie, notamment celles de soins de ville, avec l’entrée en vigueur du dispositif de franchises, tandis que celles des établissements de santé repartaient à la hausse.

De ce fait, comme depuis 2005, les branches maladie et vieillesse continuent d’afficher un solde négatif (respectivement 4,1 et 5,6 milliards d’euros), que vient désormais accroître celui de la branche famille (300 millions d’euros). Pour l’ensemble des branches, le déficit se situe finalement 2 milliards d’euros au-delà de la prévision initiale de la loi de financement pour 2008 (- 7,7 milliards d’euros).

Le rapport présenté début octobre à la Commission des comptes de la sécurité sociale permet de disposer de données sur les autres régimes que le régime général. La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), grâce au dynamisme des cotisations, continue ainsi d’afficher un résultat net positif (321 millions d’euros), tandis que les différentes branches du RSI restent proches de l’équilibre. Le solde du régime des exploitants agricoles est devenu positif (+ 372 millions d’euros), à la faveur de la progression de la subvention d’équilibre.

Afin d’appréhender la dimension réelle de la situation des comptes sociaux, il convient d’ajouter au déficit des régimes obligatoires de sécurité sociale celui des organismes concourant à leur financement (FSV et FFIPSA). Le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale fournit les chiffres suivants, révélateurs de la tendance toujours peu satisfaisante des finances sociales en 2008 : 11,2 milliards d’euros de déficit pour le régime général et les fonds – le redressement de la situation du FSV étant entièrement absorbé par la dégradation de celle du FFIPSA – contre 14,5 milliards d’euros en 2005, 10,4 milliards d’euros en 2006 et 11,1 milliards d’euros en 2007.

 Le tableau d’équilibre du régime général

Le du présent article porte approbation du tableau d’équilibre du seul régime général. Comme pour l’ensemble des régimes (cf. supra), le tableau ci-après rapproche les montants que le présent article 1er soumet à l’approbation du Parlement, selon la méthode de consolidation en vigueur au moment de la loi de financement pour 2009, de ceux des prévisions initiales (LFSS 2008) ou révisées (LFSS 2009) :

Tableau d’équilibre 2008 du régime général

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales (LFSS 2008)

Prévisions révisées (LFSS 2009)

Réalisé (PLFSS 2010)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

151,0

155,2

– 4,2

150,8

155,0

– 4,2

150,5

155,0

– 4,4

Vieillesse

89,2

94,3

– 5,2

89,8

95,6

– 5,8

89,7

95,3

– 5,6

Famille

56,7

56,4

+ 0,3

56,7

56,4

+ 0,3

56,9

57,2

– 0,3

AT-MP

10,8

10,5

+ 0,3

10,9

10,6

+ 0,3

10,8

10,6

+ 0,2

Total

302,3

311,1

– 8,8

303,0

312,3

– 9,3

302,6

312,8

– 10,2

Sources : LFSS 2008 et 2009, PLFSS 2010

Le déficit atteint donc 10,2 milliards d’euros, contre 11,6 milliards d’euros en 2005, 8,7 milliards d’euros en 2006 et 9,5 milliards d’euros en 2007. Compte tenu de la prépondérance du régime général, les causes de l’évolution qui vient d’être décrite pour l’ensemble des régimes sont évidemment en grande partie identiques, les prévisions de déficit ayant été fixées à 8,8 milliards d’euros en loi de financement pour 2008 puis à 9,3 milliards d’euros en loi de financement pour 2009.

La détérioration de la situation du régime général tient essentiellement à l’évolution de la branche famille, dont le solde s’est dégradé de 660 millions d’euros par rapport à la prévision en loi de financement pour 2009 : cette évolution s’explique par une révision à la hausse des prestations (390 millions d’euros) et à la baisse des recettes sur revenus d’activité (210 millions d’euros) ainsi que par de nouvelles modalités de calcul des dotations sur provisions pour indus et rappels (330 millions d’euros), qui ne sont pas compensées par la progression moins rapide que prévue des dépenses d’action sanitaire et sociale ainsi que des charges de gestion administrative.

Pour la branche vieillesse, le solde de l’exercice 2008 se révèle légèrement plus favorable (130 millions d’euros) que prévu : si les recettes assises sur les revenus d’activité sont inférieures de près de 330 millions d’euros à la prévision, les prises en charge de cotisations par le FSV sont révisées à la hausse de 60 millions d’euros, tandis que les montants de plusieurs autres postes (prestations, charges de compensation, charges financières, transferts de cotisations avec les régimes spéciaux) ont été inférieurs de 550 millions d’euros aux prévisions, à l’exception des charges supportées par la CNAV au titre du régime des salariés agricoles (en hausse de 120 millions d’euros).

En revanche, le déficit de la branche maladie s’est dégradé de 247 millions d’euros par rapport à la prévision inscrite en loi de financement pour 2009. Si les prestations et les charges de gestion courante ont été inférieures respectivement de 370 millions d’euros et 80 millions d’euros à la prévision, les compensations et transferts d’équilibrage ainsi que des modifications d’écritures visant à mettre en œuvre les recommandations de la Cour des comptes ont entraîné 228 millions d’euros de charges supplémentaires, tandis que les recettes sont restées 470 millions d’euros en dessous de la prévision.

L’augmentation de 100 millions d’euros du déficit de la branche des accidents du travail s’explique pour l’essentiel par des recettes moins dynamiques que prévu.

Dans ces conditions, la variation de trésorerie de l’ACOSS (hors apurement de la dette de l’État et reprise de dette de la CADES) s’est élevée à
– 7,2 milliards d’euros, contre – 16,9 milliards d’euros en 2005, – 11,4 milliards d’euros en 2006 et – 12,5 milliards d’euros en 2007. Sans le premier versement de 10 milliards d’euros réalisé dès la fin de 2008 par la CADES au titre de la reprise de dette votée en loi de financement pour 2009, le solde du compte unique de disponibilités courantes ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations, qui atteignait – 6,9 milliards d’euros fin 2005, – 12,5 milliards d’euros fin 2006 et - 20,1 milliards d’euros au 31 décembre 2007, aurait été porté à – 27,3 milliards d’euros.

La dégradation de ce solde (– 7,2 milliards d’euros) a été inférieure au déficit comptable du régime général en 2008 (– 10,2 milliards d’euros), car elle a été atténuée par un remboursement de dette du FSV à l’égard de la CNAV (700 millions d’euros) et, surtout, par les décalages temporels entre comptes en droits constatés et données de trésorerie (2,1 milliards d’euros, dont 1,3 milliard d’euros au titre du « panier de recettes » fiscales).

 Tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base

Le du présent article porte approbation du tableau d’équilibre des deux organismes qui ont concouru en 2008 au financement des régimes obligatoires de base, le FSV et le FFIPSA.

– Le FSV

Après un déficit de 2 milliards d’euros en 2005 et de 1,3 milliard d’euros en 2006, le solde du fonds est devenu positif en 2007 (151 millions d’euros), et ce pour la première fois depuis 2000. Cet excédent s’est accru en 2008 pour atteindre 813 millions d’euros. En loi de financement pour 2008 et en loi de financement pour 2009, les prévisions étaient respectivement de 600 millions d’euros et 800 millions d’euros.

Les charges du FSV n’ont crû que de 1,9 % en 2008, traduisant une légère baisse des prises en charge de cotisations au titre du chômage (– 0,3 %), liée à la diminution du nombre des chômeurs pris en charge (– 81 000), qui a compensé l’augmentation de la cotisation de référence. Par ailleurs, les prises en charge au titre du minimum vieillesse ont augmenté de 4 %, en raison du versement d’une prime exceptionnelle de 200 euros aux titulaires de l’allocation supplémentaire du minimum vieillesse et aux bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Enfin, les prises en charge de prestations au titre des majorations pour enfants élevés et pour conjoint à charge ont progressé de 4 %, en raison de l’augmentation des droits propres servis par l’ensemble des régimes de base.

Parallèlement, les produits du FSV ont augmenté de 6,4 %, tant la CSG, que la contribution sociale de solidarité des sociétés ou le transfert provenant de la CNAF au titre des majorations de pensions pour enfants.

Le déficit cumulé, qui s’élevait à 4,8 milliards d’euros au 31 décembre 2007, a ainsi été ramené à 4 milliards d’euros fin 2008. C’est ce montant qui a été repris par la CADES en vertu de la loi de financement pour 2009.

– Le FFIPSA

Le fonds est déficitaire depuis 2005, première année de son fonctionnement : 1,4 milliard d’euros, puis 1,3 milliard d’euros en 2006 et 2,2 milliards d’euros en 2007. Les lois de financement pour 2008 et pour 2009 envisageaient un déficit 2008 situé entre 2,6 et 2,7 milliards d’euros.

Le présent article fait toutefois finalement apparaître un excédent de 5,3 milliards d’euros, qui s’explique entièrement par le fait que conformément à la loi de financement, 2008 a été le dernier exercice de fonctionnement du FFIPSA. Avant sa dissolution, il a bénéficié, en application de l’article 61 de la loi de finances pour 2009, d’une reprise de dette par l’État à hauteur de près de 8 milliards d’euros, correspondant au montant de son déficit cumulé. Compte non tenu de cette reprise de dette, son déficit s’établissait donc bien à près de 2,7 milliards d’euros en 2008.

La forte progression des dépenses (+ 5,7 %) s’explique notamment par la croissance importante des charges d’intérêts – le volume et le taux des emprunts ayant augmenté en 2008 – et par la prise en charge, pour la première fois en 2008, des provisions pour charges techniques et pour créances douteuses, préalable indispensable à la reprise des droits et obligations du FFIPSA par le régime général. En dehors des opérations comptables, les prestations maladie n’ont augmenté que de 0,9 %, en partie à cause du recul du nombre des assurés, tandis que les prestations de retraite contributive n’ont augmenté que de 0,3 %, du fait d’une revalorisation modérée des pensions et de la baisse du nombre des retraités.

Les produits ont progressé moins vite (+ 3,5 %), malgré le bon rendement des taxes affectées sur les alcools et les véhicules de société ainsi que des cotisations sociales, résultant d’une hausse des revenus agricoles.

La clôture des comptes a toutefois fait apparaître que la reprise de dette par l’État était supérieure de 371 millions d’euros à la somme nécessaire à l’équilibrage du bilan du fonds. Dans l’attente d’une décision ultérieure quant à son affectation et dans l’objectif d’assurer la neutralité financière des opérations de reprise de dette et de dissolution du FFIPSA, le trop versé a été porté en report à nouveau positif de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles. Le projet de loi de finances rectificative pour 2009 devrait prévoir l’affectation de cette somme à l’apurement des dettes de l’État vis-à-vis de la CCMSA.

 L’ONDAM

Le du présent article porte approbation du montant des dépenses constatées en 2008 entrant dans le champ de l’ONDAM. Ce montant s’élève à 153 milliards d’euros, pour un objectif fixé à 152 milliards d’euros en loi de financement pour 2008 et révisé à 152,8 milliards d’euros en loi de financement pour 2009. Le dépassement constaté par le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale correspond à 0,6 % de son montant initial, contre 2,1 % en 2007, soit un montant de 950 millions d’euros et une augmentation globale de 3,5 % (contre 4,2 % en 2007).

Cette évolution est presque entièrement imputable aux soins de ville, qui ont progressé de 2,5 % et dépassé de près 850 millions d’euros le sous-objectif qui leur était assigné. Comme en 2007, l’explication tient à un « effet de base » : le montant des dépenses de 2007 s’est révélé plus élevé que prévu à l’automne 2007, au moment où l’ONDAM 2008 a été construit. En outre, les indemnités journalières et les remboursements de dispositifs médicaux ont fortement augmenté, croissance que le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale impute en partie à « des phénomènes exceptionnels ».

En revanche, le dépassement des dépenses hospitalières ne s’élève qu’à 150 millions d’euros, même si celles-ci affichent une progression de 3,9 %. Les dépenses afférentes aux établissements et services médico-sociaux ont été conformes aux sous-objectifs fixés, tandis que les autres prises en charge sont demeurées à 50 millions d’euros en deçà du sous-objectif, en raison d’un gel de 70 millions d’euros du Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins (FICQS), qui a plus que compensé l’évolution plus forte que prévu des dépenses de soins des ressortissants français à l’étranger.

 Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites

Le du présent article porte approbation du montant de la dotation au titre de 2008 au FRR, soit 1,8 milliard d’euros, comme en 2007. En l’absence de reversement d’excédents de la CNAV ou même du FSV mais aussi de fraction du produit de la C3S, il s’agit, à hauteur de 98,6 %, de la part (65 %) réservée au fonds au titre du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital. L’évolution de cette recette est nettement moins dynamique en 2008 (+ 1,7 %) qu’en 2006 (+ 21 %) ou 2007 (+ 15,3 %).

Le FRR bénéficie par ailleurs du produit des redevances dues pour les fréquences utilisées par les téléphones mobiles de la troisième génération (UMTS), soit 1 % du chiffre d’affaires annuel réalisé sur cette activité (19 millions d’euros). Sont en outre affectés au fonds le produit de la contribution de 8,2 % sur la part de l’abondement de l’employeur supérieure à 2 300 euros au plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO), soit 7 millions d’euros en 2008, ainsi que les sommes non réclamées au titre de la participation, de l’intéressement et de l’assurance vie au terme du délai de prescription trentenaire, soit 0,3 million d’euros en 2008.

Enfin, le résultat financier a chuté à – 2,6 milliards d’euros, alors qu’il était positif de 2,1 milliards d’euros en 2006 et de 2,7 milliards d’euros en 2007. La performance annuelle du FRR a donc atteint – 24,9 % en 2008 (contre + 11,2 % en 2006 et + 4,8 % en 2007), très supérieure aux prévisions faites l’an dernier à la même époque tant par l’annexe 8 au projet de loi de financement que par le conseil de surveillance du fonds, mais à rapprocher toutefois de la baisse des marchés d’actions au cours de la même période, qui a atteint 45 %. 2,2 milliards d’euros correspondent aux pertes réalisées sur les cessions de valeurs mobilières, l’arrivée à échéance de plusieurs mandats de gestion passés en 2004 entraînant la liquidation d’une partie des valeurs de ces portefeuilles. De même, les instruments financiers à terme ont occasionné une perte de 1,3 milliard d’euros, essentiellement sur les produits à terme sur indices actions choisis pour apporter la souplesse nécessaire à la gestion de court terme des actifs.

En revanche, les dividendes et coupons obligataires, tirés des valeurs mobilières du fonds, lui ont rapporté 1 milliard d’euros. Enfin, les opérations de change sont restées globalement neutres, le coût de la couverture de change résultant de l’appréciation des devises étrangères face à l’euro étant compensé par les gains réalisés sur les portefeuilles valorisés en devises. Par ailleurs, 4 milliards d’euros de moins-values latentes, qui n’ont donc pas encore été réalisées, ne sont pas comptabilisés.

La performance globale du fonds, qui était encore de + 8,8 % fin 2007, demeurant positive (+ 0,3 %), mais en retrait par rapport à l’objectif de long terme poursuivi par le FRR (de l’ordre de + 6 %). L’annexe 8 au présent projet de loi montre que le fonds a obtenu, en 2008, des résultats très voisins de ceux des fonds comparables existant au Canada, en Irlande, en Norvège ou en Suède. La comparaison en termes de performance moyenne annualisée depuis la création de ces fonds est moins à l’avantage du FRR, mais est biaisée par le fait que ces fonds ont été créés à des moments sensiblement différents, entre 2000 et 2005.

Comme l’année passée, votre rapporteur souligne que le FRR, qui ne s’est jamais exposé à des produits de titrisation issus de crédits immobiliers « subprimes » ou « toxiques », est resté à l’écart des conséquences les plus spectaculaires la crise financière. Il n’en a pas moins réorienté l’allocation de ses actifs, en s’abstenant, depuis octobre 2008, de tout investissement supplémentaire en actions, mais en conservant une part prépondérante d’actions, seule de nature à assurer un rendement positif à long terme. Au 31 décembre 2008, la valeur de marché des actifs du FRR était ainsi de 27,7 milliards d’euros, dont 49,2 % en actions, 39,6 % en obligations, 1,4 % en actifs de diversification et 9,8 % en monétaire, alors que l’allocation stratégique de placements arrêtée le 16 mai 2006 par le conseil de surveillance prévoyait les ratios suivants : 60 % en actions (dont 33 % en zone euro et 27 % hors zone euro), 30 % en obligations (dont 21 % en zone euro et 9 % hors zone euro) et 10 % en actifs diversifiants (marché non coté, immobilier, indices de matières premières et infrastructures).

 La dette amortie par la CADES

Le du présent article porte approbation du montant de la dette amortie par la CADES en 2008 : près de 2,9 milliards d’euros, contre 2,6 milliards d’euros en 2005, 2,8 milliards d’euros en 2006 et 2,6 milliards d’euros en 2007, soit un montant supérieur de 73 millions d’euros à celui fixé par la loi de financement pour 2008 et par la loi de financement pour 2009 (2,8 milliards d’euros). Ce chiffre correspond au principal de la dette sociale remboursé par la CADES en 2008, lui-même égal au résultat brut d’exploitation.

En recettes, le produit annuel des contributions pour le remboursement de la dette sociale (près de 6 milliards d’euros) se révèle toujours en forte progression (+ 5,3 %, après + 3,7 %), mais cette évolution s’explique essentiellement par l’impact de la mesure d’anticipation des prélèvements sociaux figurant dans la loi de finances pour 2008. Déduction faite du produit net bancaire, c’est-à-dire de la charge nette des intérêts, stable en 2008 (3,1 milliards d’euros), c’est donc bien un montant de 2,9 milliards d’euros qui a pu être amorti en 2008.

Au 31 décembre 2008, le montant de la dette reprise par la CADES s’élevait à 117,6 milliards d’euros, compte tenu d’un premier versement de 10 milliards d’euros opéré fin 2008 au titre de la reprise de dette votée en loi de financement pour 2009. La situation nette négative – c’est-à-dire le montant de la dette restant à amortir – est donc passée de 73 milliards d’euros à près de 80,1 milliards d’euros.

En 2007, la CADES, pour la première fois de son histoire, n’avait eu à financer que le remboursement et le paiement des intérêts des emprunts émis. L’annexe 8 au présent projet de loi indique que 2008 s’annonçait comme une année comparable à la fois en termes de montants et de nature des sources de financement, mais la CADES a dû adapter sa stratégie d’émission aux conséquences de la crise économique et financière.

C’est ainsi la première fois que le marché du dollar américain a constitué sa première source de financement, devant les emprunts en euros, dont le marché, durant de nombreuses périodes, n’a pas permis de lancer de nouvelles émissions, et, même en tenant compte de la transformation de change, restait moins attractif. Trois émissions ont ainsi été lancées avant l’été 2008 : deux à trois ans de maturité, une à cinq ans. Un nouvel emprunt de référence en euros à cinq ans a été lancé à la fin du mois d’août, avant l’aggravation de la crise financière.

Les programmes d’émission à court terme (billets de trésorerie, euro commercial paper et US commercial paper) ont été très actifs, avec un total émis majoritairement en dollars américains pour un montant équivalent à 47,8 milliards d’euros (contre 18,8 milliards d’euros en 2007). Compte tenu de ce que l’aversion au risque a conduit de nombreux investisseurs à raccourcir la durée de leurs placements et à se porter vers des signatures sûres, ces marchés ont offert une « profondeur » qui a permis à la CADES de faire face au remboursement de ses emprunts, ainsi qu’à la première tranche de la reprise de dette dès la fin de 2008.

*

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2

Approbation du rapport figurant en annexe A et décrivant les modalités de couverture du déficit constaté de l’exercice 2008

En vertu du 3° du A du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale « approuve le rapport mentionné au II de l’article L.O. 111-4 et, le cas échéant, détermine, dans le respect de l’équilibre financier de chaque branche de la sécurité sociale, les mesures législatives relatives aux modalités d’emploi des excédents ou de couverture des déficits du dernier exercice clos, tels que ces excédents ou ces déficits éventuels sont constatés dans les tableaux d’équilibre ». Le II de l’article L.O. 111-4 dispose, en effet, que « le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année est accompagné d’un rapport décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion de l’approbation des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos dans la partie de la loi de financement de l’année comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos ».

Ce rapport constitue l’annexe A au présent projet de loi de financement. Il présente les mesures relatives à l’affectation des excédents ou à la couverture des déficits constatés à l’occasion de l’approbation, à l’article 1er, des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2008. Il convient de préciser que le document ne porte que sur un seul exercice, et non sur les excédents ou déficits cumulés de plusieurs exercices.

Il est divisé en deux parties :

– une première partie consacrée, comme depuis 2005, au seul régime général et n’évoquant donc pas les résultats des autres régimes de base ;

– une seconde partie consacrée aux organismes concourant au financement des régimes de sécurité sociale, à savoir, en 2008 comme en 2007, le FFIPSA et le FSV.

1. Le régime général

En 2008, le déficit du régime général, soit 10,2 milliards d’euros, a fait l’objet, pour la partie correspondant aux branches maladie et vieillesse, d’une reprise par la CADES en application de l’article 10 de la loi de financement pour 2009, selon des modalités qui seront rappelées à l’occasion du commentaire de l’article 5 du présent projet de loi.

Le déficit de la branche famille, soit 300 millions d’euros, a été couvert par les excédents cumulés de la branche, soit 2,4 milliards d’euros depuis la reprise de dette effectuée en 1998.

La branche des accidents du travail et des maladies professionnelles a pour sa part dégagé un excédent de 200 millions d’euros.

2. Les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base

 Le FFIPSA

Le fonds a été dissous par la loi de financement pour 2009. Son déficit pour 2008 (2,7 milliards d’euros) est venu s’ajouter à la dette précédemment accumulée, reprise en totalité par l’État en application de l’article 61 de la loi de finances pour 2009, conformément au schéma décrit à l’occasion du commentaire de l’article 1er du présent projet de loi.

 Le FSV

Comme en 2007, l’excédent du fonds constaté en 2008, soit 800 millions d’euros, a permis de réduire légèrement son déficit cumulé, qui a ainsi été ramené à 4 milliards d’euros en fin d’exercice. Contraint de présenter des comptes en équilibre et n’ayant pas le droit d’emprunter, le FSV, par ses retards de paiement, aurait ainsi continué à reporter ses difficultés financières sur la branche vieillesse si sa dette n’avait pas été intégralement reprise par la CADES, conformément à l’article 10 de la loi de financement pour 2009.

*

La Commission adopte l’article 2 sans modification, puis la première partie.

DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ANNÉE 2009

Section 1

Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre financier
de la sécurité sociale

Article 3

Ratification du relèvement du plafond
des avances de trésorerie au régime général

En vertu du e du 2° du C du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale « arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources ».

Depuis l’institution des lois de financement de la sécurité sociale, il s’agit d’une des dispositions centrales de ces textes : les plafonds ainsi fixés ne correspondent certes pas au déficit des régimes en cause, même s’il n’est pas sans lien avec celui-ci, mais au point le plus bas de leur trésorerie, lequel connaît des variations significatives en cours d’année, les encaissements et décaissements n’étant pas nécessairement synchrones. C’est d’ailleurs pourquoi le montant du plafond d’avances de trésorerie est supérieur au montant du déficit prévisionnel de l’exercice. Il n’en reste pas moins que ce vote, qui possède une valeur impérative, revêt une importance fondamentale, en ce qu’il entérine, par la voie d’une autorisation, les conséquences des données précédemment approuvées dans les tableaux d’équilibre.

Son importance se mesure d’ailleurs au fait que dès 1996, la loi organique a prévu que l’éventuel relèvement des limites de couverture des besoins de trésorerie, auquel le Gouvernement peut procéder par décret en Conseil d’État, doit faire l’objet d’une demande de ratification au Parlement dans le plus prochain projet de loi de financement (article L. 111-9-2 du code de la sécurité sociale).

Précisément, le présent article 3 prévoit la ratification du décret n° 2009-939 du 29 juillet 2009 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale. Ce n’est pas la première fois que l’exécutif a été contraint de prendre « en cas d’urgence » un tel décret :

– l’article 30 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a ratifié le décret n° 97-918 du 8 octobre 1997 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale. Fixé à 66 milliards de francs (10,1 milliards d’euros) par l’article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, ce plafond avait été relevé de 14 milliards de francs, pour atteindre 80 milliards de francs (12,2 milliards d’euros) et permettre ainsi de faire face à une augmentation plus soutenue que prévue des prestations maladie et familiale ainsi qu’à une progression plus faible du produit des cotisations sociales ;

– l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a ratifié le décret n° 98-753 du 26 août 1998 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale. Fixé de manière trop peu prudente à 20 milliards de francs (3 milliards d’euros) par l’article 32 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, ce plafond a été relevé de 11 milliards de francs, pour atteindre 31 milliards de francs (4,7 milliards d’euros) et permettre ainsi de faire face à un dérapage des dépenses d’assurance maladie ;

– l’article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a ratifié le décret n° 99-860 du 7 octobre 1999 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale. Fixé à 24 milliards de francs (3,7 milliards d’euros) par l’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, ce plafond a été relevé de 5 milliards de francs, pour atteindre 29 milliards de francs (4,4 milliards d’euros) et permettre ainsi de faire face à un déficit des comptes initialement non prévu ;

– l’article 75 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 a ratifié le décret n° 2003-921 du 26 septembre 2003 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale. Fixé à 12,5 milliards d’euros par l’article 68 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, ce plafond a été relevé de 2,5 milliards d’euros, pour atteindre 15 milliards d’euros et permettre ainsi de faire face à un déficit accru du régime général, résultant à la fois d’un rythme de progression de l’ensemble des prestations plus rapide que prévu et de recettes inférieures aux projections initiales.

C’est donc la cinquième fois qu’il est recouru à cette procédure depuis l’instauration des lois de financement.

L’article 35 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 avait fixé le montant du plafond pour le régime général à 18,9 milliards d’euros pour la période allant de 1er avril au 31 décembre 2009. Le décret du 29 juillet 2009 le relève de 10,1 milliards d’euros pour le porter à 29 milliards d’euros.

Relèvement du plafond des avances des avances de trésorerie au régime général

(en milliards d’euros)

 

1997

1998

1999

2003

2009

Vote initial (LFSS)

10,1

3,0

3,7

12,5

18,9

Relèvement (décret)

2,1

1,7

0,7

2,5

10,1

Montant révisé

12,2

4,7

4,4

15

29

Source : lois de financement et PLFSS 2010

Rapporté au montant initial du plafond, ce relèvement n’est certes pas le plus important, puisqu’en 1998, le plafond initial avait été majoré de plus de 56 %. En valeur absolue, en revanche, il l’est de loin, puisqu’en 2003, « seul » un relèvement de 2,5 milliards d’euros s’était avéré nécessaire.

De même, si le montant révisé du plafond reste en deçà de celui fixé en loi de financement initiale aussi bien pour 2004 (33 milliards d’euros) que pour 2008 (36 milliards d’euros), et, évidemment, de celui prévu en loi de financement pour 2010 (cf. article 27), il se rapproche néanmoins de la zone des 30 milliards d’euros à partir de laquelle le financement du déficit de la trésorerie par l’ACOSS pose des difficultés d’un nouvel ordre.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyait initialement un plafond de 17 milliards d’euros, lequel avait été majoré en cours de discussion. Mais l’ampleur de la crise économique s’est traduite par une évolution des comptes bien plus défavorable que prévu : le relèvement du plafond d’avances de trésorerie est évidemment la conséquence de cette dégradation des comptes, dont la rectification fait l’objet de l’article 4 du présent projet de loi. En outre, il intervient durant l’exercice qui suit immédiatement une reprise intégrale de dette par la CADES.

En 2009, le passage du solde à la variation de trésorerie s’effectue comme suit : devant intégrer un déficit de 22,7 milliards d’euros, la trésorerie de l’ACOSS se dégraderait de 26 milliards d’euros, soit une différence de 3,3 milliards d’euros. Cette différence résulte de plusieurs phénomènes agissant dans les deux sens : décalage entre le fait générateur et les remboursements de l’État vis-à-vis du régime général au titre des compensations des exonérations de cotisations (- 1,3 milliard d’euros), pour les deux tiers au titre des exonérations sur les heures supplémentaires ; dégradation de la situation du FSV (– 3 milliards d’euros) ; insuffisance des versements du budget de l’État au titre de l’allocation adulte handicapé et de l’allocation de parent isolé (– 200 millions d’euros) ; décalages dans le versement de dotations à certains fonds (– 300 millions d’euros) ; décalages temporels entre droits constatés et données de trésorerie (+ 1,5 milliard d’euros) ; gestion au titre des tiers (– 300 millions d’euros) ; diverses autres corrections (+ 200 millions d’euros).

Toutefois, compte tenu de la reprise de 17 milliards d’euros de dette au début de l’année, la variation de trésorerie ne monterait finalement qu’à 9 milliards d’euros. Le solde moyen du compte unique de disponibilités courantes de l’ACOSS devrait s’élever à – 12,5 milliards d’euros, pour un point haut de + 4 milliards d’euros (au 6 mars). Au 31 décembre 2008, le découvert atteignait 17,3 milliards d’euros et serait donc de 26,3 milliards d’euros au 31 décembre 2009, demeurant ainsi 2,7 milliards d’euros en dessous du plafond rectifié pour 2009.

2008 avait marqué un nouvel accroissement des frais financiers, avec un montant quotidien mobilisé moyen de 21,2 milliards d’euros (contre 8,8 milliards d’euros en 2006 et 15,8 milliards d’euros en 2007), mais à un coût de financement légèrement plus favorable (0,3 point), grâce à la baisse des prix d’émission des billets de trésorerie de l’ACOSS et à la stabilité des conditions auprès de la Caisse des dépôts et consignations (Eonia + 6,5 points). L’Eonia est lui-même resté stable en moyenne annuelle (3,86%), mais décroissant durant l’année 2008, de telle sorte que l’ACOSS a pu bénéficier d’un taux plus bas en fin d’année (2,25 %), précisément au moment où son besoin de financement est le plus élevé. Profitant par ailleurs d’un premier versement anticipé au titre de la reprise de dette, le résultat financier net de la trésorerie du régime général s’est élevé à – 832 millions d’euros (contre – 272 millions d’euros en 2006 et – 648 millions d’euros en 2007).

Grâce aux effets de la reprise de dette, les montants moyens quotidiens mobilisés auprès de la Caisse des dépôts n’atteindraient que 12,5 milliards d’euros en 2009, de telle sorte que les charges financières nettes du régime général ne s’élèveraient plus qu’à 115 millions d’euros. L’encoure moyen de billets de trésorerie se situerait aux alentours de 2,8 milliards d’euros.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 80 présenté par M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Nous proposons de supprimer l’article 3, car les chiffres qu’il contient constituent un gouffre effrayant qu’il convient de combler. Le choix de ne pas transférer la dette sociale à la CADES est irresponsable, car il entraînera des découverts de trésorerie considérables pour l’ACOSS : 61 milliards fin 2010. Nous ne nions pas que la crise a un effet sur les déficits, mais la dette s’accumule et il faut l’éponger autrement que par des découverts de trésorerie. Parmi de nombreuses autres solutions, il serait courageux de transférer la CRDS et la CSG vers la CADES, de supprimer quelques allégements généraux ou de refiscaliser les heures supplémentaires que la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat a exonérées. L’ensemble du système est en péril.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Avis défavorable.

D’abord, supprimer l’article ne supprimerait pas le plafond de trésorerie de l’Acoss, car celui-ci procède d’un décret que nous ne faisons que ratifier. L’exposé des motifs de votre amendement se concentre sur le plafond de 2010, sur lequel nous aurons largement l’occasion de revenir à l’article 27. Il est question ici du plafond 2009. Or, il n’est pas exceptionnel de revoir ce plafond en cours d’année – ce fut le cas en 1997, en 1998, en 1999 et en 2003. La dégradation de la situation financière correspond exactement au montant publié dans le décret.

Sur le fond, la situation est effectivement critique. La perte de recettes considérable touche directement les comptes de toutes les branches de la sécurité sociale. Nous assumons le choix du Président de la République et du Gouvernement : face à une crise économique, financière et sociale aussi profonde, il faut éviter toute mesure susceptible de remettre en cause la fragile amélioration constatée actuellement. Cela ne nous empêche pas d’avoir un débat sur le fond : l’année 2010 devra être consacrée à une réflexion collective sur les mesures structurelles à prendre pour résorber la dette et le déficit récurrent. Mais, les perspectives ne sont, en effet, guère réjouissantes.

M. Maxime Gremetz. Le débat de fond n’aura pas lieu, car nombre de nos amendements ne seront pas mis en discussion à cause de l’article 40. Il faudrait nous accorder quelques minutes pour les présenter.

La Commission rejette cet amendement.

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4

Rectification des prévisions de recettes et des tableaux d’équilibre pour 2009

En vertu du 1° du B du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale « rectifie les prévisions de recettes et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base et du régime général par branche, ainsi que des organismes concourant au financement de ces régimes ».

En coordination avec le présent article, l’article 7 du projet de loi propose de rectifier les prévisions pour 2009 des objectifs de dépenses par branche de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du régime général : s’agissant de ces régimes, le commentaire de cet article (cf. infra) permettra de consacrer des développements spécifiques aux rectifications de dépenses pour 2009.

Les articles de la loi de financement pour 2009 sur lesquels portent les rectifications proposées par le présent article sont :

– l’article 28, fixant les prévisions de recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base, du régime général et des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base ;

– l’article 29, approuvant le tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base ;

– l’article 30, approuvant le tableau d’équilibre du régime général ;

– l’article 31, approuvant le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base, en l’occurrence le seul FSV.

1. Les régimes obligatoires de base

Le du présent article porte rectification des prévisions de recettes et du tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base.

Ces prévisions de recettes, telles que fixées par l’article 28 de la loi de financement pour 2009, et ce tableau d’équilibre, tel qu’approuvé par l’article 29 de la même loi, sont mis en regard, dans le tableau ci-après, des rectifications que propose d’y apporter le présent article 4 (compte tenu de la méthode de consolidation en vigueur au moment de la loi de financement pour 2009).

Tableau d’équilibre 2009 de l’ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

Prévisions (LFSS 2009)

Prévisions rectifiées (PLFSS 2010)

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

181,8

185,6

– 3,8

174,7

186,2

– 11,6

Vieillesse

182,5

189,7

– 7,2

178,5

187,9

– 9,5

Famille

58,7

59,2

– 0,5

56,2

59,3

– 3,1

AT-MP

13,0

13,0

0,0

12,1

12,7

– 0,5

Total (hors transferts)

430,0

441,4

– 11,4

415,6

440,3

– 24,7

Sources : LFSS 2009, PLFSS 2010

Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2010 précise le contexte macro-économique dans lequel s’inscrit l’exercice 2009. Les recettes des administrations de sécurité sociale diminueraient de 0,7 %, reflétant principalement l’évolution négative de l’assiette des prélèvements sociaux, notamment de la masse salariale privée (– 2 % au sens de l’ACOSS). La hausse de la taxe sur le chiffre d’affaires « santé » des organismes complémentaires (900 millions d’euros) et le durcissement du régime des indemnités de départ ou de mise en retraite, ainsi que la création du forfait social (700 millions d’euros) ne suffisent pas à inverser la tendance, qui subit en outre le contrecoup de l’effet sur l’exercice 2008 de la mesure relative au prélèvement à la source sur les dividendes (1 milliard d’euros).

Les prestations versées par les administrations de sécurité sociale progresseraient de 5,4 % en 2009, après 4,1 % en 2008. Ce dynamisme traduit le jeu des stabilisateurs automatiques avec une forte progression de l’indemnisation du chômage, comprise dans le champ des administrations de sécurité sociale, mais pas dans celui de la loi de financement. Le rapport identifie deux autres facteurs contribuant également au dynamisme de la dépense sociale : la progression des prestations vieillesse (+ 5,0 %), en raison du départ à la retraite des générations nombreuses d’après-guerre, et des prestations familiales (+3,0 %), sous l’effet d’une importante revalorisation (+ 3 %) au 1er janvier pour compenser l’inflation constatée en 2008. En revanche, la dépense sous ONDAM serait limitée et évoluerait de + 3,4 %, soit quasiment en ligne avec l’objectif prévu initialement.

En 2008, les recettes de l’ensemble des régimes avaient été rectifiées légèrement à la hausse (+ 0,2 %). En 2009, le recul est spectaculaire, puisqu’il se monte à – 3,3 %, soit une perte de 14,4 milliards d’euros de recettes par rapport aux prévisions initiales.

S’agissant du solde, en 2008, l’aggravation du déficit de l’ensemble des régimes avait atteint 1 milliard d’euros, intégralement imputable à la branche vieillesse (– 1,4 milliard d’euros). En 2009, compte tenu de dépenses inférieures de 1,1 milliard d’euros aux prévisions, la différence atteint 13,3 milliards d’euros, le déficit attendu faisant ainsi plus que doubler, pour s’élever à près de 25 milliards d’euros. Le solde de l’ensemble des branches se dégrade, à hauteur de 7,8 milliards d’euros pour la maladie, 2,6 milliards d’euros pour la famille, 2,3 milliards d’euros pour la vieillesse et 500 millions d’euros pour les accidents du travail et maladies professionnelles.

2. Le régime général

Le du présent article porte rectification des prévisions de recettes et du tableau d’équilibre du régime général.

Ces prévisions de recettes, telles que fixées par l’article 28 de la loi de financement pour 2009, et ce tableau d’équilibre, tel qu’approuvé par l’article 30 de la même loi, sont mis en regard, dans le tableau ci-après, des rectifications que propose d’y apporter le présent article 4 (compte tenu de la méthode de consolidation en vigueur au moment de la loi de financement pour 2009).

Tableau d’équilibre 2009 du régime général

(en milliards d’euros)

 

Prévisions (LFSS 2009)

Prévisions rectifiées (PLFSS 2010)

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

156,0

160,6

– 4,6

150,1

161,6

– 11,5

Vieillesse

94,7

100,0

– 5,3

90,9

99,1

– 8,2

Famille

58,2

58,7

– 0,5

55,7

58,8

– 3,1

AT-MP

11,2

11,4

– 0,1

10,5

11,2

– 0,6

Total (hors transferts)

314,3

324,9

– 10,5

301,6

325,1

– 23,5

Sources : LFSS 2009, PLFSS 2010

En 2008, la rectification des tableaux d’équilibre avait été marginale. Tel n’est évidemment pas le cas en 2009, avec une chute des recettes de 12,7 milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales et un déficit accru de 13 milliards d’euros.

Par rapport au « tendanciel » pour 2009 présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale, le projet de loi de financement pour 2009 devait redresser les comptes à hauteur de 6,2 milliards d’euros et ramener le déficit à 8,6 milliards d’euros. Au regard de cet objectif initial, le déficit se révèle supérieur de 14,9 milliards d’euros. En fait, alors que le projet de loi devait améliorer les recettes de 3,6 milliards d’euros, celles-ci ont reculé de 11,6 milliards d’euros. L’écart se monte donc à 15,2 milliards d’euros, supérieur au « dérapage » du solde constaté en 2009, puisque les dépenses, réduites de 2,7 milliards d’euros par rapport au « tendanciel », ont été finalement inférieures de 3 milliards d’euros. Autrement dit, la chute des recettes explique intégralement la dégradation du déficit en 2009.

Le phénomène précédemment constaté pour l’ensemble des régimes vaut évidemment pour le seul régime général : le déficit de toutes les branches se dégrade, à commencer par celui de la maladie (– 6,9 milliards d’euros), mais aussi ceux de la vieillesse (– 2,9 milliards d’euros), de la famille (– 2,6 milliards d’euros) ainsi que des accidents du travail et maladies professionnelles (- 500 millions d’euros). Même par rapport aux données communiquées à la Commission des comptes de la sécurité sociale en juin dernier, la dégradation s’élève à 2,6 milliards d’euros pour le régime général.

Selon le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale début octobre, 2009 marque pourtant une nouvelle étape dans la décélération des charges (+ 3,6 % contre + 4,2 % en 2008), mais l’écart avec la progression des produits, qui était quasiment nul en 2007 et 2008, atteindrait 4 %, compte tenu d’une baisse de 0,5 % des produits. Or, il faut se souvenir que 1 point d’écart entre recettes et dépenses correspond à un déficit de 3 milliards d’euros.

La crise, par le biais de la hausse du chômage et de la baisse de la masse salariale du secteur privé, provoque en effet une diminution de 0,9 % des produits sur les revenus d’activité (cotisations sociales et CSG). L’évolution de la masse salariale du secteur privé (champ URSSAF) est à cet égard tout à fait parlante, sachant que 1 point de masse salariale vaut environ 2 milliards d’euros : + 4,8 % en 2007, + 3,6 % en 2008 et – 2 % en 2009, alors que la prévision était de + 2,75 % en loi de financement pour 2009 et même encore de – 1,25 % au moment de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin dernier.

La chute est encore plus nette pour les prélèvements sociaux sur les revenus du capital (– 12,3 %), malgré l’instauration au 1er janvier de la contribution additionnelle destinée au financement du RSA, d’autant que l’année 2008 avait bénéficié du contrecoup exceptionnel de la mise en place du prélèvement à la source sur les dividendes. La baisse des exonérations de cotisations sociales – notamment des allégements généraux, liés, eux aussi, à l’évolution de la masse salariale – et la progression des impôts et taxes affectés ne suffisent pas à compenser ces pertes de recettes.

3. Les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base

Le du présent article porte rectification des prévisions de recettes et du tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base.

Ce tableau d’équilibre, tel qu’approuvé par l’article 31 de la loi de financement pour 2009, est mis en regard, dans le tableau ci-après, des rectifications que propose d’y apporter le présent article 4 (compte tenu de la méthode de consolidation en vigueur au moment de la loi de financement pour 2009). Depuis la dissolution du FFIPSA, intervenue le 1er janvier 2009, seul le FSV figure parmi les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base.

Tableau d’équilibre 2009 des organismes concourant
au financement des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

Prévisions (LFSS 2009)

Prévisions rectifiées (PLFSS 2010)

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

FSV

14,0

15,0

– 1,0

12,9

16,0

– 3,0

Sources : LFSS 2009, PLFSS 2010

De même que les comptes de 2008 traduisaient une période favorable, 2009 confirme que, en raison de la structure de ses produits tant que de ses charges, l’équilibre du FSV est très sensible à la conjoncture économique, particulièrement au nombre de chômeurs indemnisés : alors que le solde s’était amélioré de près de 300 millions d’euros entre la prévision et l’exécution 2008, il se dégraderait en 2009 de 2 milliards d’euros. D’un excédent de 0,8 milliard d’euros en 2008, le FSV passe ainsi à un déficit de 3 milliards d’euros en 2009.

Les prises en charge de cotisations au titre du chômage progresseraient de 18,9 % (+ 1,3 milliard d’euros), tenant compte d’une hypothèse d’une augmentation de près de 436 000 chômeurs en moyenne annuelle. De même, les prises en charge de prestations au titre des majorations de pensions pour enfants élevés et pour conjoint à charge continuent de progresser à un rythme soutenu (+ 3,6 %). En revanche, les prises en charge de prestations au titre du minimum vieillesse devraient diminuer de 2,1 %, en raison notamment de la baisse du nombre de bénéficiaires, consécutive à l’amélioration du niveau des pensions contributives.

Face à cette augmentation des charges de près de 10 %, les produits du FSV, en hausse de 6,4 % en 2008, baisseraient de 15,8 % en 2009. Outre la dégradation de la masse salariale subie par l’ensemble des régimes et organismes de sécurité sociale, le FSV s’est vu priver de 0,2 point de CSG, transféré à la CADES par la loi de financement pour 2009. Prévu par la même loi, l’augmentation du transfert en provenance de la CNAF au titre des majorations de pensions pour enfants ne profite pas au FSV, qui la rétrocède à la CNAV par le biais d’une modification de la clef de répartition du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et produits de placement.

Toutefois, compte tenu de ce que le rendement du prélèvement social de 2 % a été moins élevé que prévu, le bilan financier de l’opération réalisée entre la CNAF et la CNAV via le FSV n’est pas tout à fait neutre, puisqu’il profite à ce dernier à hauteur d’environ 100 millions d’euros.

4. Le solde d’ensemble 2009

Afin de disposer d’un aperçu de la situation financière prévisionnelle pour l’exercice 2009 de l’ensemble de la sécurité sociale au sens de la loi de financement, il faut consolider les chiffres rectifiés de l’ensemble des régimes obligatoires de base avec ceux des recettes et dépenses des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base.

Si les dispositions organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale ne rendent pas obligatoire l’approbation de ces données dans la loi de financement de la sécurité sociale, le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale permet en revanche de disposer d’éléments précis.

Pour une meilleure évaluation du déficit d’ensemble, il convient donc d’ajouter le solde du FSV (– 3 milliards d’euros), soit un total de 26,5 milliards d’euros, à comparer à 11,2 milliards d’euros en 2008 et 11,1 milliards d’euros en 2007. Mesurée selon les agrégats de la loi de financement, la détérioration globale par rapport à 2008 atteint 18,8 milliards d’euros, dont 7,5 milliards d’euros imputables à la branche maladie, 4,9 milliards d’euros à la branche vieillesse, 3,8 milliards d’euros au FSV, 2,8 milliards d’euros à la branche famille et 700 millions d’euros à la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles.

*

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 5

Objectif d’amortissement rectifié de la Caisse d’amortissement
de la dette sociale et prévisions de recettes rectifiées
du Fonds de réserve pour les retraites

Le 3° du B du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose que la loi de financement de la sécurité sociale « rectifie l’objectif assigné aux organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et les prévisions de recettes affectées aux fins de mise en réserve à leur profit ». Il s’agit de la CADES et du FRR, pour lesquels le présent article porte rectification de l’objectif et des prévisions qui avaient été fixés par l’article 32 de la loi de financement pour 2009.

1. La CADES : 5,1 milliards d’euros de dette amortie

L’objectif 2009 d’amortissement de la CADES avait été fixé à 4 milliards d’euros. Le présent article majore significativement ce montant, qui est porté à 5,05 milliards d’euros.

Après les fortes croissances de 2006 (+ 5,8 %), 2007 (+ 3,7 %) et 2008 (+ 5,3 %), le produit de la CRDS recule en 2009 (– 2,5 %). Mais les ressources de la CADES n’en progressent pas moins de 33,8 % grâce à l’apport de 0,2 point de CSG (2,2 milliards d’euros), destiné à assurer la reprise de dette de 27 milliards d’euros décidée par la loi de financement pour 2009. Les recettes totales de la CADES atteindraient donc 8 milliards d’euros en 2009.

En déduisant de ces recettes 2,95 milliards d’euros de frais financiers nets, ce sont bien 5,05 milliards d’euros qui seraient amortis en 2009. L’amortissement cumulé s’élèverait ainsi fin 2008 à 42,6 milliards d’euros. L’ensemble des dettes sociales reprises par la CADES depuis sa création en 1996 se montant, à la même date, à 134,6 milliards d’euros, 92 milliards d’euros resteraient donc à amortir.

Le décret n° 2008-1375 du 19 décembre 2008 fixant les modalités de reprise par la CADES des déficits cumulés prévisionnels des branches maladie et vieillesse du régime général ainsi que du FSV a fixé à 26,9 milliards d’euros le montant du transfert provisionnel à opérer entre la CADES et l’ACOSS (article 1er). Ce transfert devait s’effectuer en trois versements : 10 milliards d’euros au plus tard le 5 janvier 2009, à nouveau 10 milliards d’euros au plus tard le 6 février 2009 et le solde, soit 6,9 milliards d’euros, au plus tard le 6 mars 2009 (article 2). Dans les faits, ces versements sont intervenus respectivement les 23 décembre, 6 février et 6 mars.

Pour chacun des deux versements de 10 milliards d’euros, 3,5 milliards d’euros devaient être affectés à la couverture des déficits de la branche maladie, 5,2 milliards d’euros à celle des déficits de la branche vieillesse et 1,3 milliard d’euros à celle des déficits du FSV. Le versement de 6,9 milliards d’euros devait se répartir quant à lui en 1,8 milliard d’euros pour la branche maladie, 3,7 milliards d’euros pour la branche vieillesse et 1,4 milliard d’euros pour le FSV (article 3).

En réalité, compte tenu des résultats définitifs de 2008, le montant total des déficits cumulés s’établit à 27,009 milliards d’euros, et le montant repris de 27 milliards d’euros. La CADES a donc versé à l’ACOSS 100 millions d’euros en plus des 26,9 milliards d’euros précédemment versés. Pour l’ACOSS, il s’agira de procéder à une régularisation entre branches et fonds, à hauteur de 277,8 millions d’euros reçus par la branche maladie contre 170,1 millions d’euros reversés par la branche vieillesse et 7,7 millions d’euros par le FSV.

En fin de compte, les montants définitifs repris s’établissent comme suit, tels que retracés par le décret n° 2009-927 du 28 juillet 2009 fixant les montants définitifs de la reprise de la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits cumulés des branches maladie et vieillesse du régime général ainsi que du Fonds de solidarité vieillesse prévue par l’article 10 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 :

Reprise de dette par la CADES

(en millions d’euros)

 

Maladie

Vieillesse

FSV

Total

Déficits cumulés à fin 2008 [a]

9 078

13 939

3 992

27 009

Versements effectués [b] = [c] + [d] + [e]

dont 23 décembre 2008 [c]

6 février 2009 [d]

6 mars 2009 [e]

8 800

3 500

3 500

1 800

14 100

5 200

5 200

3 700

4 000

1 300

1 300

1 400

26 900

10 000

10 000

6 900

Transfert complémentaire de la CADES à l’ACOSS [f]

+ 278

– 170

- 8

100

Montant total repris par la CADES [g] = [b] + [f]

9 078

13 930

3 992

27 000

Différence entre déficits cumulés et montant repris par la CADES [h] = [g] – [a]

0

– 9

0

– 9

Ainsi, conformément à l’ordre de priorité résultant des dispositions de l’article 10 de la loi de financement pour 2009, les déficits de la CNAM et du FSV sont repris intégralement, de telle sorte que les 9 millions d’euros de différence entre cumul des déficits à fin 2008 et montant effectivement repris par la CADES resteront sur les comptes de la CNAV.

Chaque nouvelle opération de reprise de dette nécessite de mobiliser des disponibilités importantes en peu de temps – en l’occurrence 27 milliards d’euros en dix semaines : le principe consiste à accroître la dette à court terme (billets de trésorerie et commercial paper), qui est ensuite progressivement convertie en dette à moyen et long termes (obligations). De ce point de vue, la reprise de dette est intervenue à un moment particulièrement propice, offrant des conditions très favorables aux emprunts de court terme. Dès lors, de façon inhabituelle, l’encours de la dette portée par la CADES fait apparaître, au 31 juillet 2009, une part élevée de dette à moins d’un an (25,9 %), même si la dette de un à cinq ans (34,6 %) et la dette de plus de cinq ans (39,5 %) demeurent évidemment prépondérantes. Mais la part des titres de court terme devrait se réduire fortement en 2010.

Malgré la reprise de dette opérée fin 2008 et courant 2009, la CADES prévoit toujours, grâce au « verrou » mis en place par la loi organique de 2005, avoir entièrement amorti en 2021 la dette dont le refinancement lui a été confié. D’ici là, à 3,27 % (au 31 juillet 2009), le taux de refinancement moyen annuel de la CADES n’a jamais été aussi bas, grâce à la répercussion de la baisse des taux courts sur les taux variables (passés de 3,68 % à 1,09 % entre juillet 2008 et juillet 2009), les taux fixes et indexés demeurant quasiment stables.

2. Le FRR : 1,5 milliard d’euros de recettes affectées

Contrairement à 2008, l’objectif révisé d’affectation de recettes au FRR, soit 1,5 milliard d’euros, est inférieur de 0,2 milliard d’euros au montant initial fixé en loi de financement pour 2009. Par rapport à 2008, les recettes affectées diminueraient de 19,4 %.

La principale recette du FRR demeure l’affectation d’une fraction de 65 % du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital, dont le produit recule fortement en raison de la crise économique. À ce produit s’ajoutent 33 millions d’euros au titre des redevances sur les licences UMTS et 2 millions d’euros au titre de la contribution sur l’épargne salariale. Fin 2009, les abondements cumulés, y compris la soulte versée par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) en conséquence de l’adossement au régime général du régime IEG, atteindraient donc 29,5 milliards d’euros contre 28 milliards d’euros en 2008.

Les comptes du FRR sont par ailleurs alourdis depuis 2008 par des frais financiers nets : le résultat financier largement positif de 2007 (+ 2,8 milliards d’euros) a laissé place à un résultat négatif en 2008 (– 2,5 milliards d’euros) mais aussi en 2009 (– 723 millions d’euros).

La performance annuelle des placements devrait se redresser (+ 3,3 %) après l’effondrement constaté en 2008 (– 24,8 %), mais ne permettrait à la performance annualisée depuis l’origine que d’atteindre + 0,9 %. Conformément au calendrier établi en 2006, le conseil de surveillance du FRR à procédé en juin dernier à une révision de l’allocation stratégique des actifs, afin de tenir compte du rapprochement de l’horizon de décaissement (2020) : la part des actifs de performance, c’est-à-dire plus risqués, est ainsi passée de 60 % à 55 % (dont 45 % en actions, 5 % en immobilier et 5 % en matières premières), cette part étant susceptible d’évoluer à l’intérieur d’une bande de fluctuation dont l’ampleur est fixée chaque année par le conseil de surveillance (actuellement entre 40 % et 60 %). Un « comité stratégie d’investissement », émanation du conseil de surveillance, a par ailleurs été créé, afin de conseiller régulièrement, « de façon opérationnelle et réactive, le directoire dans l’ajustement de l’allocation effective du fonds ».

Mais la stratégie d’investissement de long terme demeure inchangée : le conseil de surveillance « table sur un retour progressif à la moyenne des marchés ». L’espérance de rendement annualisée à l’horizon 2020 reste donc de 6,3 %.

De fait, au 30 juin 2009, le portefeuille se décomposait en 48 % d’actifs de performance et 52 % d’obligations et trésorerie, pour une valeur de 28,8 milliards d’euros (en hausse de 1,1 % par rapport au 31 décembre 2007). Selon les données figurant dans l’annexe 8 au présent projet, la structure du portefeuille en 2009 ne comprenait plus que 44,8 % d’actions et 33,3 % d’obligations, au profit d’un renforcement de la trésorerie (18,3 %).

*

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Après l’article 5

La Commission est saisie de l’amendement AS 14 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Mon amendement est crucial, car il est relatif au financement du déficit : il tend à porter de 0,5 à 0,7 % le taux de la CRDS. Le rapporteur de la Cour des comptes, vous l’avez entendu, approuve cette proposition.

Le déficit cumulé 2009-2010 atteint au moins 55 milliards. En tout cas, il est déraisonnable que l’ACOSS puisse emprunter 60 milliards. Qu’en sera-t-il l’année prochaine, pour 2011, c’est-à-dire un an avant les échéances de 2012 ? Faudra-t-il alors autoriser l’ACOSS à emprunter 90 ou 100 milliards ?

Je ne ferai pas le bilan des impôts et taxes qui ont été créés ou alourdis depuis deux ans – certains en dénombrent dix-sept –, notamment pour financer le revenu de solidarité active. Outre qu’elle est mesurée, l’augmentation proposée du taux de la CRDS de 0,2 point serait une mesure politiquement plus acceptable que l’augmentation du forfait journalier ou que la fiscalisation des indemnités journalières des accidentés du travail.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable.

Face à la crise actuelle et aux perspectives désastreuses des finances publiques et sociales, deux attitudes sont possibles : traiter dès maintenant les déficits budgétaires, qui se sont creusés dans tous les pays du monde, ou les maintenir à leur niveau. Le directeur général du Fonds monétaire international a clairement indiqué qu’il convenait de ne pas baisser la garde, les économies ayant encore besoin de plans de soutien.

Dans le passé, nous avons souvent partagé le souci de vérité de Jean-Luc Préel. Traiter le problème en 2009 ne le règlerait pas en 2010. Il importe de réfléchir à une solution globale, volontariste, dans une perspective assez longue. Cela impose que nous déterminions le taux de la CRDS et la nature des ressources à mobiliser pour abonder les recettes, puisque prélever pratiquement 4 % de CSG paraît impossible.

M. le président Pierre Méhaignerie. J’ai de la sympathie pour cet amendement, mais je ne le voterai pas. Il faut savoir que presque tous les autres pays ont continué d’aggraver leurs déficits. Cela étant, il est impossible d’attendre 2012 pour aborder le problème. Je souhaite que ce soit fait – et le rapporteur général du budget, Gilles Carrez, est d’accord sur ce point – quand nous serons en phase de sortie de crise, dans le courant du premier semestre 2010. Cela permettra au demeurant de faire de la pédagogie et des comparaisons entre pays européens.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, j’apprécie la clarté de vos arguments, mais une autre vision des choses est possible. Il est préférable de pratiquer une bonne intervention chirurgicale, plutôt que des piqûres répétées. Je trouve dommage de ne pas profiter, pour soulager un peu l’ACOSS, du taux d’intérêt bas dont a bénéficié la CADES. Alors que nous risquons d’attendre très longtemps la sortie de crise, cette mesure revêtirait une valeur pédagogique et symbolique.

M. Roland Muzeau. Il est légitime de se préoccuper du niveau de la dette et des difficultés rencontrées pour la rembourser, mais le remède préconisé par Jean-Luc Préel serait pire que le mal : cette mesure serait inacceptable, puisqu’elle frapperait ceux dont le pouvoir d’achat est déjà le plus fragilisé.

D’autres solutions existent, mais la majorité présidentielle ne veut jamais les utiliser – ou à dose homéopathique, avec des effets insignifiants, comme l’an dernier. On pourrait alimenter le remboursement de la dette sociale en apportant des retouches importantes aux avantages fiscaux ou à la fiscalité des stock-options, des bonus et des parachutes dorés, c’est-à-dire en taxant ceux qui ont déjà tout et n’ont besoin de rien.

La mesure proposée dans cet amendement ne serait pas indolore, puisque la cotisation serait accrue de 40 %. Par conséquent, nous voterons contre en promouvant d’autres solutions.

M. Maxime Gremetz. Nous avons voté contre la mécanique de la CADES. Pour notre part, nous ne faisons pas d’affaires, mais nous ne faisons pas de dettes, nous sommes pauvres mais nous vivons dignement. Nous voulons rembourser la dette, mais de quoi découle-t-elle ? Je vous invite à consulter le rapport de la Cour des comptes, ainsi que son étude globale sur la sécurité sociale : M. Séguin a clairement indiqué que les exonérations de cotisations patronales n’ont aucun effet sur l’emploi et coûtent extrêmement cher.

Quant à la CRDS, nous avons voté contre, tout comme nous avons voté contre la CSG, je le rappelle, car ces prélèvements ne sont pas progressifs. Nous avons toujours formulé des propositions pour un autre choix, mais nous nous sommes heurtés à un mur.

Enfin, nous n’avons jamais voté une loi de financement de la sécurité sociale, même lorsque la gauche était au pouvoir, car nous sommes en désaccord sur les moyens à employer pour rétablir la situation financière de la sécurité sociale, résorber les déficits et mieux répondre aux besoins.

M. Michel Issindou. Nous étions à deux doigts de suivre Jean-Luc Préel mais, avant de toucher à la CRDS, il convient effectivement de s’intéresser à quelques gisements de recettes supplémentaires, comme la fiscalisation des heures supplémentaires ou la suppression d’allégements de cotisations. La question de la CRDS se posera dans deux ou trois ans, peut-être de manière plus sauvage ; pour l’instant, prenons le temps d’explorer les autres pistes de recettes.

M. Jean-Luc Préel. Les déficits sont élevés, tout le monde en convient. Confier 60 milliards à l’ACOSS, c’est beaucoup trop, tout le monde le pense, même Yves Bur. La CADES a été créée pour recueillir les déficits et la CRDS est une taxe à base large destinée précisément à financer les déficits. Un prélèvement de 0,2 point supplémentaire correspond à environ 2,6 milliards, ce qui réglerait le problème de la dette actuelle. S’il est exclu de toucher au pouvoir d’achat, comme le dit le président Méhaignerie, il convient alors de s’opposer à toutes les augmentations de prélèvement contenues dans ce texte, et elles sont nombreuses : retraites chapeau, volet social, forfait journalier, etc.

La Commission rejette l’amendement AS 14.

Section 2

Dispositions relatives aux dépenses

Article 7

Prévisions rectifiées des objectifs de dépenses par branche

Le 2° du B du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose que la loi de financement de la sécurité sociale « rectifie les objectifs de dépenses par branche [des régimes obligatoires de base et du régime général] ». Le présent article porte donc rectification des objectifs de dépenses par branche pour 2009 de l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du régime général, qui avaient été respectivement fixés par les articles 29 et 30 de la loi de financement pour 2009.

Le I du présent article fixe les prévisions rectifiées pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Le tableau ci-après permet de mesurer l’évolution des objectifs de dépenses, pour chaque branche, depuis le vote de la loi de financement pour 2009, les chiffres tenant compte de la méthode de consolidation en vigueur au moment de la loi de financement pour 2009.

Objectifs de dépenses 2009 de l’ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

Objectifs de dépenses

(LFSS 2009)

Objectifs rectifiés

(PLFSS 2010)

Évolution

(en milliards d’euros)

(en %)

Maladie

185,6

186,2

+ 0,6

+ 0,3

Vieillesse

189,7

187,9

– 1,8

– 0,9

Famille

59,2

59,3

+ 0,1

+ 0,2

AT-MP

13,0

12,7

– 0,3

– 2,3

Total (hors transferts)

441,4

440,3

– 1,1

– 0,2

Sources : LFSS 2009, PLFSS 2010

Réévalué à la hausse en cours d’exercice de 3,7 % en 2006, de 1,1 % en 2007 et 0,4 % en 2008, le montant total des dépenses de l’ensemble des régimes a légèrement reculé en 2009 (– 0,2 %).

Le II du présent article fixe les prévisions rectifiées pour le seul régime général, dont les principales tendances sont bien évidemment comparables à celles qui affectent l’ensemble des régimes. Le tableau ci-après permet de mesurer l’évolution des objectifs de dépenses, pour chaque branche, depuis le vote de la loi de financement pour 2009, les chiffres tenant compte ici aussi de la méthode de consolidation en vigueur en 2009.

Objectifs de dépenses 2009 du régime général

(en milliards d’euros)

 

Objectifs de dépenses

(LFSS 2009)

Objectifs rectifiés

(PLFSS 2010)

Évolution

(en milliards d’euros)

(en %)

Maladie

160,6

161,6

+ 1,0

+ 0,6

Vieillesse

100,0

99,1

– 0,9

– 0,9

Famille

58,2

58,8

+ 0,6

+ 1,0

AT-MP

11,2

11,2

Total (hors transferts)

324,9

325,1

+ 0,2

+ 0,1

Sources : LFSS 2009, PLFSS 2010

Pour ce qui est de la branche maladie, le dépassement de l’ONDAM, estimé à environ 300 millions d’euros, explique en partie le dépassement de l’objectif global de dépenses.

La branche vieillesse enregistre en revanche une progression des prestations moins soutenue que prévu, notamment en raison d’un moins grand nombre de départs en retraite anticipée : le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2008 escomptait une baisse de 8,9 % de ces départs escomptée en 2009, mais celle-ci est désormais évaluée à – 16 %.

*

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

TROISIÈME PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL POUR 2010

Article 9

Approbation du rapport fixant un cadrage quadriannuel (annexe B)

Conformément au 1° du C du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale « approuve le rapport prévu au I de l’article L.O. 111-4 », lequel dispose que « le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année est accompagné d’un rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour les quatre années à venir », en cohérence « avec les perspectives d’évolution des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble des administrations publiques » présentées dans le rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances de l’année.

Maintenant que la notion de programmation pluriannuelle des finances publiques a obtenu une consécration constitutionnelle, votre rapporteur insiste sur l’importance que revêt le cadrage quadriannuel défini par le présent article : en effet, il est indispensable de se projeter dans un avenir à moyen terme pour mieux apprécier les défis auxquels est confronté notre système de protection sociale. Sa pertinence est d’autant plus grande en raison de la crise économique, car il montre très clairement que le redressement des finances sociales sera long et difficile.

Comme dans les précédents projets de loi de financement, le rapport requis par les dispositions organiques susmentionnées est présenté en annexe B au projet de loi. En revanche, contrairement aux lois de financement pour 2007 et pour 2008, qui présentaient deux « scénarios », l’un « bas » et l’autre « haut », le rapport annexé au présent article, s’inscrivant dans la logique de la loi de programmation des finances publiques, ne retient qu’une seule série d’hypothèses économiques, comme le faisait déjà la loi de financement pour 2009.

Pour ce qui est de son contenu, le rapport reste inchangé, décrivant les hypothèses sous-tendant les prévisions, puis l’évolution des finances sociales à l’horizon 2013, se concluant sur un ensemble de tableaux regroupant les prévisions de recettes et de dépenses à cet horizon pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, pour le régime général et pour les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base.

En harmonie avec le rapport économique, social et financier accompagnant le projet de loi de finances pour 2010, une hypothèse de croissance de 0,8 % est retenue pour 2010, sans empêcher la masse salariale, pour la première fois depuis la Libération, de reculer une deuxième année consécutive (– 0,4 %), conformément à la prévision du rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale au début du mois. Par ailleurs, la progression des prix à la consommation (hors tabac) reprendrait légèrement pour atteindre 1,2 %.

Pour les années 2011 à 2013, les projections, comme dans la précédente loi de financement se fondent sur une croissance annuelle du PIB de 2,5 % en volume. Votre rapporteur relève que « le rebond de croissance à partir de 2011 repose sur l’hypothèse d’un retour de l’environnement international sur un sentier de croissance moyen et un rattrapage partiel des retards de croissance accumulés entre 2008 et 2010 ». Il rappelle, en outre, que la France n’a pas connu trois années de suite une croissance supérieure ou égale à 2,5 % depuis 1998-2000.

La masse salariale augmenterait de 5 % par an, prévision plus optimiste que celle retenue l’année dernière (+ 4,6 %), pour une inflation contenue à 1,75 % et un ONDAM poursuivant sur le rythme fixé pour 2010, soit 3 % de progression annuelle. Ici, la prévision est légèrement plus contraignante que l’année passée, où la progression de l’ONDAM, dans la ligne de l’objectif fixé pour 2009, était évaluée à + 3,3 %. Ainsi que le souligne le commentaire de l’annexe B, « respecter cet objectif de 3 % en 2010, 2011, 2012 et 2013 nécessite de réaliser chaque année 2,3 milliards d’euros d’économies nouvelles par rapport à une progression naturelle des dépenses de l’ordre de 4,5 % ».

Pour le reste, en recettes comme en dépenses, les projections sont construites à droit constant, en l’absence de toute ressource supplémentaire aussi bien que de toute modification des règles applicables aux prestations sociales. Ainsi, « en l’absence de schéma de traitement de la dette […], les comptes du régime général intègrent les frais financiers qui atteignent 3 milliards d’euros à l’horizon 2013 et sont inclus dans le déficit présenté ». Selon les informations communiquées au rapporteur, les taux d’intérêt au jour le jour (Eonia) retenus pour cette projection sont de 0,5 % pour 2009, 1,3 % en 2010 et 2 % de 2011 à 2013.

L’annexe B relève très justement l’un des phénomènes qui, lorsque la reprise aura commencé à faire sentir ses effets, n’en contribuera pas moins à maintenir les déficits à un niveau élevé : « compte tenu de l’écart entre les charges et les produits à fin 2010, une progression des recettes identique à celle des dépenses ne permet pas de stabiliser le solde ».

Pour le régime général, les projections pluriannuelles associées aux deux précédentes lois de financement faisaient apparaître un solde positif, certes modeste et tardif, en fin de période, c’est-à-dire respectivement 2011 et 2012. La crise économique éloigne cet horizon de retour à l’équilibre, et ce malgré des hypothèses de croissance économique et de modération des dépenses assez optimistes : en 2013, le déficit du régime général s’élèverait encore à 29,2 milliards d’euros, soit un niveau comparable à celui de 2010. Seule la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles retrouverait l’équilibre. De 2009 à 2013, le cumul des déficits de l’ensemble des branches atteindrait 142,8 milliards d’euros. On rappellera que l’annexe B à la loi de financement pour 2009, bien que révisée durant sa discussion au Parlement, n’avait prévu qu’un déficit cumulé de 27 milliards d’euros pour la période 2009-2012.

La décélération du déficit de la branche maladie ne commencerait qu’en 2011, à un rythme d’environ 1 milliard d’euros par an. Alors que le déficit de la branche famille reculerait également à un rythme lent, l’évolution de la branche vieillesse paraît la plus préoccupante, sur la pente d’une dégradation d’environ 1,5 milliard d’euros par an. Selon l’annexe B, « le rendez-vous de 2010 est essentiel ». Votre rapporteur estime, pour sa part, que ce rendez-vous crucial doit permettre de régler la question des déficits de l’assurance vieillesse aussi bien à court terme qu’à moyen et long termes.

Pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, les évolutions sont tout aussi inquiétantes que pour le seul régime général, puisque le déficit cumulé atteindrait 148,2 milliards d’euros. Quant au FSV, même si, compte tenu de l’amélioration de la situation de l’emploi, son déficit diminuerait à partir de 2011, sa dette, pourtant apurée en fin d’année 2008, se reconstituerait à un rythme rapide, pour atteindre 18,3 milliards d’euros fin 2013.

Bref, pour la totalité du champ de la loi de financement de la sécurité sociale, le déficit cumulé s’élèverait à 166,5 milliards d’euros fin 2013.

Pour votre rapporteur, l’enjeu doit notamment être apprécié au regard du « tarif » de reprise de dette par la CADES, c’est-à-dire de la majoration nécessaire du taux de CRDS pour assurer le remboursement total du capital et des intérêts sans repousser la durée de vie de la caisse, conformément à la loi organique de 2005. On se souvient que pour une tranche de 10 milliards de dette repris début 2009, il avait fallu majorer la CRDS de 0,07 point. Or, compte tenu du rapprochement de l’échéance de remboursement, le coût de la reprise augmente année après année, pour atteindre 0,095 point début 2012. À cette date, le montant à reprendre sera de l’ordre de 100 milliards d’euros, ce qui nécessiterait donc d’augmenter la CRDS de près d’un point. Et encore faudra-t-il alors, par ailleurs, assurer le rééquilibrage des régimes, qui seront toujours en déficit annuel de 20 à 30 milliards d’euros, ce qui équivaut à une majoration de 2 ou 3 points de CSG.

Malgré des hypothèses économiques relativement optimistes, l’addition évidemment irréaliste de ces prélèvements obligatoires supplémentaires suffit à dire l’ampleur des efforts à accomplir dans un contexte où la reprise de la croissance risque, en outre, d’être moins dynamique que par le passé : plus que jamais, les réformes nécessaires doivent être engagées.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 81 de Mme Marisol Touraine et de l’amendement AS 137 de Mme Jacqueline Fraysse, visant à supprimer l’article.

M. Jean Mallot. Cet article porte approbation de l’annexe B, laquelle contient des hypothèses surprenantes pour les années qui viennent. La masse salariale privée, qui baisserait de 0,4 % en 2010, ferait un bond de 5 % chaque année entre 2011 et 2013 : c’est totalement irréaliste. Ces chiffres ont été retenus dans le seul objectif d’afficher une stabilité du déficit global du régime général, proche de 30 milliards d’euros de 2010 à 2013, mais ils sont indéfendables.

Mme Martine Billard. Les tableaux de l’annexe B ne sont pas crédibles et vous le savez.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Avis défavorable à ces amendements. Le Gouvernement a fait preuve l’an dernier de sincérité, en révisant les hypothèses pour l’année 2010 en fonction des nouvelles prévisions économiques des instituts. L’important est d’avoir conscience que le problème financier de la sécurité sociale n’est pas conjoncturel, mais structurel. Cette situation doit nous conduire à engager des réformes. Je vous donne donc rendez-vous l’année prochaine pour mettre sur le métier une réforme des retraites car aujourd’hui déjà, il manque 15 milliards pour les financer.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 306 de M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Il me paraît souhaitable de bien préciser dans l’annexe B que le caractère essentiel du « rendez-vous 2010 » sur les retraites tient au fait qu’il doit permettre de restaurer l’équilibre de la branche à court, moyen et long termes.

Mme Catherine Lemorton. C’est un amendement d’intention.

La Commission adopte l’amendement AS 306 (amendement n° 1).

Puis elle adopte l’article 9 et l’annexe B modifiée.

Section 1

Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement

Article 10

Contribution des organismes complémentaires d’assurance maladie
au financement des mesures de préparation et de réponse
à une pandémie de grippe A (H1N1)

Cet article a pour objet d’instituer un prélèvement exceptionnel sur les organismes complémentaires d’assurance maladie au bénéfice des régimes obligatoires d’assurance maladie, afin de compenser les charges qui résultent pour ces régimes de l’organisation d’une campagne de vaccination de masse, collective et gratuite, contre le virus de la grippe A (H1N1).

1. Le principe d’une contribution des organismes complémentaires

Le 16 septembre 2009, lors de son audition devant la commission des affaires sociales, la ministre de la santé et des sports a évalué à 1,5 milliard d’euros la charge que représente, pour l’assurance maladie et pour les crédits de son ministère, la préparation à la pandémie de grippe A (H1N1).

Ce montant comprend notamment :

– les dépenses d’acquisition de produits de santé programmées par l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), pour 1,136 milliard d’euros au titre de l’exercice 2009, dont 808 millions d’euros pour 94 millions de vaccins anti-grippaux (cf. le commentaire de l’article 6) ;

– l’indemnisation des professionnels de santé réquisitionnés dans le cadre de la campagne de vaccination en application de l’article L. 3131-8 du code de la santé publique, qui représente une charge de 240 millions d’euros dont la ministre a estimé qu’elle devait revenir aux régimes obligatoires d’assurance maladie ;

– les frais de conception et de suivi administratif de la campagne de vaccination, ainsi que les frais d’acheminement des bons de vaccination qui seront distribués à la population, ce qui représente, selon la ministre, une dépense de 53 millions d’euros à la charge de l’assurance maladie.

Comme la ministre l’a déclaré devant la commission, « le gouvernement a décidé de permettre à chacun de se faire vacciner » contre la grippe A (H1N1), ce qui suppose :

– d’une part, une dispense d’avance de frais pour les assurés sociaux ;

– d’autre part, une organisation fondée sur une vaccination collective, qui permet d’éviter le risque de saturation des cabinets libéraux au pic de l’épidémie et d’assurer « la séparation des flux entre malades et personnes à vacciner », comme l’explique une circulaire conjointe du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports en date du 21 août 2009.

Le gouvernement n’a pas mis en place un dispositif classique de dispense d’avance de frais pour l’assuré, à l’image des mécanismes de tiers payant en vigueur en cas d’hospitalisation et mis en place, pour les soins de ville, par convention entre les caisses et les prestataires de biens et services médicaux. Un tel système impliquerait, en effet, que les personnels administratifs des centres de vaccination contrôlent les droits de chaque assuré, ce qui constituerait une charge de travail trop importante dans le cadre d’une vaccination de masse. Le caractère collectif de la campagne de vaccination, ainsi que la volonté de garantir un égal accès de tous au vaccin, ne permet donc pas de suivre la procédure habituelle de remboursement des prestations de soins.

Or, si les dépenses liées à la vaccination antigrippale avaient été prises en charge suivant cette procédure, les organismes complémentaires d’assurance maladie auraient supporté une part des tarifs des vaccins et des actes des praticiens qui les injectent, en remboursant à leurs adhérents le ticket modérateur – c’est-à-dire la part des dépenses que les régimes obligatoires laissent à la charge des assurés en application de l’article L. 322-2 du code de la sécurité sociale.

Il paraît donc justifié que les organismes complémentaires prennent à leur charge une partie des dépenses liées à l’épidémie de grippe A (H1N1). Entendus par votre rapporteur, les représentants de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM) ont d’ailleurs jugé légitime qu’un prélèvement exceptionnel soit institué à cet effet.

2. Le dispositif proposé

Le premier alinéa du présent article institue une contribution à la charge des organismes complémentaires d’assurance maladie, relevant des trois catégories citées par l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, à savoir :

– les mutuelles, régies par le code de la mutualité ;

– les institutions de prévoyance, régies par le livre IX du code de la sécurité sociale ou par le livre VII du code rural ;

– les entreprises d’assurance régies par le code des assurances.

L’article précise que cette contribution « exceptionnelle » des organismes complémentaire d’assurance maladie est instituée « dans le cadre de leur participation à la mobilisation nationale contre la pandémie grippale », ce que souligne également l’exposé des motifs, en indiquant que cette « participation non pérenne » est créée « à titre exceptionnel et pour la seule année 2010 », afin de compenser le transfert de charges des complémentaires vers les régimes de base, qui résulte des conditions dans lesquelles est organisée la vaccination de la population contre le virus de la grippe A (H1N1).

L’alinéa 2 définit l’assiette ainsi que les modalités de recouvrement, d’exigibilité et de contrôle de cette contribution exceptionnelle, par référence au régime de la contribution mise à la charge des organismes complémentaires d’assurance maladie par l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale au bénéfice du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (dit « Fonds CMU »).

Ainsi, à l’image de cette contribution au fonds CMU, la contribution exceptionnelle, que le présent article tend à créer, sera assise sur le montant hors taxes des primes ou cotisations émises au cours d’un trimestre civil par les organismes complémentaires, déduction faite des annulations et des remboursements, ou, à défaut d’émission, recouvrées, afférentes à la protection complémentaire en matière de frais de soins de santé, à l’exclusion des réassurances.

Cette contribution exceptionnelle sera recouvrée suivant les mêmes règles que la contribution au fonds CMU, telles que l’article L. 862-5 du code de la sécurité sociale les définit. Ainsi, elle sera exigible le dernier jour du premier mois suivant le trimestre civil au titre duquel les cotisations et primes ont été émises ou encaissées. Son recouvrement et son contrôle seront assurés par l’URSSAF territorialement compétente, sauf si un arrêté ministériel confie cette compétence à une autre URSSAF ou à l’ACOSS. Ces opérations seront effectuées conformément aux règles, garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général de sécurité sociale.

Le présent article propose de fixer à 0,94 % le taux de la contribution exceptionnelle. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, le produit attendu de cette mesure s’élève à 300 millions d’euros.

Ce montant correspond approximativement à la somme des « tickets modérateurs » que les organismes complémentaires auraient remboursé, s’ils avaient dû contribuer, suivant les circuits classiques de remboursement, à la prise en charge de l’ensemble des vaccins commandés par l’EPRUS.

L’alinéa 3 précise que le produit de la contribution exceptionnelle sera versé à la CNAMTS, à charge pour elle de le répartir entre les différents régimes obligatoires d’assurance maladie, après accord entre les régimes ayant une organisation financière propre ou, à défaut d’accord, suivant une répartition fixée par l’État, conformément à la procédure prévue par l’article L. 174-2 du code de la sécurité sociale.

Votre rapporteur s’interroge toutefois sur la pertinence d’une telle affectation. En effet, les dépenses d’acquisition de vaccins, que la contribution exceptionnelle des organismes complémentaires tend à compenser en partie, ont été assumées par l’EPRUS. En conséquence, il serait cohérent que l’EPRUS soit l’affectataire du produit de la contribution exceptionnelle, que le présent article tend à instituer.

*

La Commission est saisie de trois amendements identiques, AS 340 de M. Yves Bur, rapporteur, AS 15 de M. Jean-Luc Préel et AS 195 de M. Dominique Tian.

M. Yves Bur, rapporteur. Il s’agit de conforter le caractère exceptionnel de la contribution des organismes d’assurance maladie complémentaire au financement des vaccins contre la grippe A. Ce n’est pas la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, mais l’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires qui a engagé ces dépenses. Il serait donc cohérent d’affecter le produit de la contribution à l’EPRUS, et non à la CNAMTS.

Mme Catherine Lemorton. L’exposé sommaire de votre amendement me paraît un peu contradictoire : vous dites d’abord que la contribution exceptionnelle « est justifiée par les dépenses que l’assurance maladie et l’État ont consacrées à la préparation d’une campagne de vaccination », puis que ces dépenses « ont été faites par l’EPRUS ».

M. Yves Bur, rapporteur. L’EPRUS est alimenté par des fonds apportés par l’assurance maladie et par l’État. S’y ajoute la contribution « citoyenne » que les organismes d’assurance complémentaire ont accepté de verser dans la mesure où, en général, ils prennent en charge les campagnes de vaccination, notamment contre la grippe.

M. Jean-Luc Préel. J’ai cru comprendre que la concertation avait été assez limitée sur cette contribution, dont on attend 300 millions d’euros. Il m’aurait paru logique qu’elle dépende du nombre de vaccinations à destination des adhérents des complémentaires. Mais tel n’est pas l’objet de mon amendement, qui ne concerne que l’affectation à l’EPRUS.

M. Dominique Tian. Il faut évidemment veiller à ce que le produit de cette contribution ne serve pas à combler d’autres déficits ; d’où mon amendement.

M. Yves Bur, rapporteur. Ces amendements relèvent peut-être davantage du projet de loi de finances, à vrai dire, la dotation de l’EPRUS figurant dans la mission santé ; nous examinerons cela avec le Gouvernement.

Mme Catherine Lemorton. Pour demander une contribution aux organismes d’assurance complémentaire, on affirme qu’ils participent au remboursement du ticket modérateur sur les vaccins. Or, les vaccinations obligatoires des enfants sont remboursées à 100 % par les caisses d’assurance maladie ; et pour la grippe saisonnière, la plupart des gens qui se font vacciner ont reçu de l’assurance maladie des bons de prise en charge totale.

Par ailleurs, s’il y a rétrocession d’une partie des surplus de vaccins commandés vers des pays en développement solvables, est-il prévu de reverser de l’argent à l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM) ?

M. Yves Bur, rapporteur. La ministre, que j’ai interrogée, a jugé prématuré de se prononcer sur ce point. Laissons d’abord se dérouler cette campagne de vaccination et voyons comment évolue la pandémie. En cas de besoin, des régularisations pourront se faire.

M. Gérard Bapt. D’après la réponse que m’a faite Mme la ministre, j’ai compris que 10 % des vaccins iraient à l’action humanitaire, qu’il y aurait 10 % de « perte en ligne » et que le reste serait conservé, puisque l’adjuvant, lequel représente 80 % du coût, est préservé pendant cinq ans.

Mais je suis étonné de votre amendement, monsieur le rapporteur : d’un côté, vous ne soutenez pas du tout l’idée de diriger une part de la CSG vers les départements pour compenser la suppression de la taxe professionnelle ; mais en dirigeant le produit de la contribution vers l’EPRUS, vous soutenez le budget de l’État.

M. Guy Malherbe. Ces amendements procèdent d’une bonne intention, mais en effet, puisqu’il est question de rattachement par voie de fonds de concours, ils relèvent du projet de loi de finances et non du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La Commission adopte les trois amendements identiques (amendement n° 2).

Puis, elle adopte l’article 10 ainsi modifié.

Après l’article 10

La Commission examine l’amendement AS 16 de M. Jean-Luc Préel et l’amendement AS 196 de M. Dominique Tian, portant articles additionnels.

M. Jean-Luc Préel. Le Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (Fonds CMU) doit être géré de façon à assurer son équilibre sur la base de recettes affectées. Mais les principes de bonne gestion imposent que ses éventuels excédents soient mis en réserve afin de pouvoir, le cas échéant, combler les déficits. Une affectation de ces excédents à l’assurance maladie, comme le prévoient les textes actuels, contredit le principe de clarification du financement de la protection sociale complémentaire.

M. Dominique Tian. Mon amendement a le même objet.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable, car cela revient à boucher le trou du budget de l’État, puisque l’augmentation des ressources du Fonds CMU minorera à due concurrence la subvention de l’État, en creusant celui de la CNAMTS.

M. Jean-Luc Préel. Les complémentaires participent au financement du fonds. Il serait donc logique, en cas d’excédent, de les y laisser, plutôt que de faire appel à des cotisations supplémentaires les années suivantes.

M. Yves Bur, rapporteur. Pour le moment, il n’est pas question de cotisations supplémentaires.

La Commission rejette les amendements AS 16 et AS 196.

Article 11

Fixation du seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde (« taux K ») – Compétence des unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) pour recouvrer les remises dues par les fabricants et distributeurs de dispositifs médicaux

Le présent article poursuit un double objet :

– d’une part, il tend à fixer le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde (dit « taux K ») à 1 % pour l’année 2010 ;

– d’autre part, il établit la compétence des URSSAF pour recouvrer les remises dues aux régimes obligatoires d’assurance maladie par les fabricants et distributeurs de dispositifs médicaux.

1. Fixation du seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde (dit « taux K ») à 1 % pour l’année 2010

a) Le mécanisme de la clause de sauvegarde

L’article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, dont les dispositions sont codifiées au I de l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, a assujetti les entreprises exploitant des médicaments remboursables dispensés en officine à une contribution au titre de l’accroissement du chiffre d’affaires qu’elles réalisent au titre de ces médicaments.

Ainsi, en application de ces dispositions, chaque entreprise n’est redevable de cette contribution que lorsque le chiffre d’affaires hors taxes réalisé au titre des spécialités pharmaceutiques remboursées – à l’exception des médicaments orphelins – au cours d’une année civile, en France, par l’ensemble des entreprises assurant l’exploitation de ces spécialités, s’est accru par rapport à l’année précédente d’un pourcentage excédant le taux de progression de l’ONDAM.

Le montant de cette contribution est calculé à partir d’une comparaison entre le taux d’accroissement du chiffre d’affaires de l’ensemble des entreprises redevables (appelé « taux T » à l’article L. 138-10) et du taux de progression de l’ONDAM (dit « taux K »).

L’assiette de la contribution correspond ainsi à la part du chiffre de l’ensemble des entreprises redevables, qui résulte d’une croissance du produit de leurs ventes de médicaments remboursables plus rapide que le rythme de progression de l’ONDAM.

Le taux de cette contribution est progressif par tranches. Ces tranches sont définies en fonction du niveau de dépassement du « taux K » par le « taux T », comme l’indique le tableau ci-après.

Calcul de la contribution instituée par l’article L. 138-10
du code de la sécurité sociale

Taux d’accroissement du chiffre d’affaires T de l’ensemble des entreprises redevables

Taux de la contribution globale exprimé en pourcentage de la tranche du chiffre d’affaires déclaré par l’ensemble des entreprises redevables

T supérieur à K et/ou égal à K + 0,5 point

50 %

T supérieur à K + 0,5 point et inférieur ou égal à K + 1 point

60 %

T supérieur à K + 1 point et plus

70 %

Selon l’article L. 138-11 du code de la sécurité sociale, le montant de la contribution tel que calculé en application de l’article L. 138-10 précité, est ensuite réparti entre les entreprises redevables selon trois critères :

– à concurrence de 30 %, le niveau brut de leur chiffre d’affaires ;

– à concurrence de 40 %, la progression de leur chiffre d’affaires ;

– à concurrence de 30 %, leurs dépenses de publicité.

Toutefois, les entreprises créées depuis moins de deux ans ne sont pas redevables de la part de la contribution calculée en fonction de la progression de leur chiffre d’affaires, sauf si leur création résulte d’une scission ou d’une fusion d’une entreprise ou d’un groupe.

En outre, l’article L. 138-12 du code de la sécurité sociale limite le montant de la contribution versée par chaque entreprise assujettie à 10 % de son chiffre d’affaires hors taxes.

On soulignera aussi que l’article L. 138-10 précité exonère de cette contribution les entreprises qui ont conclu avec le Comité économique des produits de santé une convention comportant des engagements sur leur chiffre d’affaires réalisé au titre des médicaments concernés, et dont le non-respect entraîne soit un ajustement des prix, soit le versement d’une remise conventionnelle au bénéfice des régimes obligatoires d’assurance maladie.

Le dispositif de l’article L. 138-10 précité constitue ainsi une clause permanente de sauvegarde, qui compense une partie des charges qui résultent pour ces régimes d’une progression incompatible avec l’ONDAM du chiffre d’affaires des entreprises qui exploitent des médicaments remboursés, sans être engagées dans un processus de maîtrise des dépenses par voie de convention avec le Comité économique des produits de santé.

Le champ d’application de ce mécanisme a été étendu à deux reprises :

– l’article 21 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, dont les dispositions sont codifiées au II de l’article L. 138-10, a créé un mécanisme identique pour les médicaments rétrocédés, c’est-à-dire les spécialités pharmaceutiques vendues au détail et au public par certains établissements de santé en application de l’article L. 5126-4 du code de la santé publique ;

– le 1° du I de l’article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2010, a étendu le champ de la clause de sauvegarde prévue au I de l’article L. 138-10 aux spécialités prises en charge par l’assurance maladie en sus des tarifs hospitaliers.

Selon les précisions fournies à votre rapporteur par le cabinet de la ministre de la santé et des sports, le produit des contributions prévues au I et au II de l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale est presque nul, car la quasi-totalité des entreprises assujetties ont passé avec le Comité économique des conventions qui les exonèrent du paiement de ces contributions. D’après ces informations, le produit des remises versées par ces entreprises en application de ces conventions pourrait atteindre 200 millions d’euros en 2009.

b) Le dispositif proposé : fixer le « taux K » à 1 % pour l’année 2010

En principe, le « taux K » constituant le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde correspond, selon l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, au taux de progression de l’ONDAM.

Toutefois, depuis 2000, la valeur du « taux K » a été fixé directement par les lois de financement de la sécurité sociale successives, par dérogation aux dispositions de l’article L. 138-10 précité, à des niveaux inférieurs au taux de progression de l’ONDAM comme le montre le tableau présenté ci-après.

Évolution du « taux K » et de l’ONDAM

Année

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Taux K

2,0 %

3,0 %

3,0 %

4,0 %

3,0 %

1,0 %

1,0 %

1,0 %

1,4 %

1,4 %

1,0 %*

ONDAM voté

2,9 %

2,6 %

4,0 %

5,3 %

4,0 %

3,2 %

2,5 %

2,6 %

3,3 %

3,3 %

3,0 %*

ONDAM réalisé

5,6 %

5,6 %

7,2 %

6,4 %

5,2 %

3,2 %

3,1 %

4,2 %

3,5 %

3,4 %**

* proposé par le projet de loi

** prévision

À l’initiative du Sénat, le II de l’article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a fixé la valeur du « taux K » à 1,4 % pour le calcul des contributions dues au titre des années 2009, 2010 et 2011, afin de pallier l’instabilité unanimement regrettée des règles fiscales applicables aux entreprises pharmaceutiques.

Toutefois, la portée de cette disposition était limitée, dans la mesure où elle n’empêche pas qu’une loi ultérieure fixe une valeur différente au « taux K ». En outre, il pouvait paraître prématuré de fixer un « taux K » pluriannuel tant que l’assiette de la clause de sauvegarde n’est pas stabilisée : on rappellera en effet que le champ de ce mécanisme ne sera effectivement étendu aux médicaments remboursés en sus des tarifs hospitaliers qu’à compter du 1er janvier 2010.

Le I (alinéa 1) du présent article tend à fixer le niveau du « taux K » à 1 % pour les contributions dues en application du I et du II de l’article L. 138-10 précité au titre de l’année 2010. Il est précisé que ce montant est fixé « par dérogation au II de l’article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 », que le présent article ne tend pas à modifier : ainsi, en théorie, la valeur du taux K reste fixée à 1,4 % pour l’année 2011.

Cette mesure reviendrait à ramener le « taux K » au niveau qui était le sien pendant les années 2005 à 2007. Il est aussi à noter que si le projet de loi propose une baisse de la valeur du « taux K », il prévoit également une baisse de l’ONDAM, de 3,3 % en 2009 à 3 % pour 2010 – voir sur ce point le commentaire de l’article 37.

La note d’évaluation préalable présentée avec le projet de loi évalue le rendement de cette mesure à 50 millions d’euros, si la croissance du chiffre d’affaires des entreprises assujetties s’établit à 2 %.

Les représentants des entreprises du médicament (LEEM) ont indiqué à votre rapporteur que, selon eux, la croissance du marché des médicaments en France a été faible en 2009, atteignant environ 1,4 %, et sera probablement encore plus faible en 2010, du fait des baisses de prix envisagées par le Comité économique des produits de santé (voir sur ce point le tome II du présent rapport) et de l’arrivée à échéance des protections liées au brevet de certains médicaments dits « blockbusters », comme le Plavix®, dont les volumes de vente sont très élevés.

2. Compétence des URSSAF pour recouvrer les remises dues par les fabricants et distributeurs de dispositifs médicaux

Dans sa rédaction actuellement en vigueur, la dernière phrase du premier aliéna de l’article L. 165-4 du code de la sécurité sociale prévoit que le montant des remises dues par les fabricants et les distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel en application d’une convention conclue avec le Comité économique des produits de santé « est versé à la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, qui les répartit entre les divers régimes d’assurance maladie », sans préciser les modalités de recouvrement de ces remises. D’après les informations fournies à votre rapporteur, cette opération est aujourd’hui assurée sans base légale par l’ACOSS.

Or, la plupart des autres remises et contributions dues par les fabricants et les distributeurs de produits de santé est recouvrée par les URSSAF. En effet, l’article L. 138-20 du code de la sécurité sociale confie à certaines URSSAF, désignées par le directeur de l’ACOSS, le soin de recouvrer et de contrôler six contributions dues par les entreprises exploitant des produits de santé et établies par le Comité économique des produits de santé. Comme l’indique l’exposé des motifs de la loi, le recouvrement de ces contributions a été confié aux URSSAF de Paris-région parisienne et de Lyon.

De même, afin de rationaliser les procédures de recouvrement, l’article 14 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a transféré de l’ACOSS à certaines URSSAF désignées par le directeur de l’ACOSS – celles de Paris-région parisienne et de Lyon – la compétence pour le recouvrement de plusieurs autres recettes, comprenant notamment les remises prévues dans le cadre des conventions conclues avec le Comité économique, conformément à l’article L. 162-18 du code de la sécurité sociale.

Dans un souci de cohérence et de simplification des procédures, le 1° du II du présent article (alinéas 2 et 3) tend à modifier la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 165-4 du code de la sécurité sociale, afin de donner compétence aux URSSAF « désignés pour le recouvrement des contributions mentionnées à l’article L. 138-20 », c’est-à-dire celles de Paris-région parisienne et de Lyon, pour recouvrer les remises dues par les fabricants et les distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel en application d’une convention conclue avec le Comité économique des produits de santé.

Le 2° du II du présent article (alinéa 4) tend à préciser les règles d’affectation du produit de ces remises. À cet effet, il complète par une référence à l’article L. 165-4 précité, qui traite des dites remises, l’énumération des remises conventionnelles dont l’article L. 162-37 du code de la sécurité sociale prévoit le versement à la CNAMTS, avec charge pour elle de répartir ce montant entre les divers régimes d’assurance maladie, suivant une clef de répartition fixée à l’article D. 162-25.

*

La Commission examine l’amendement AS 362 de M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Le Parlement avait, l’an dernier, fixé le taux K pour trois ans à 1,4 %. Le Gouvernement propose aujourd’hui de le ramener à 1 %, à un moment où le produit des ventes de médicaments sur le marché français devrait être freiné par une renégociation des prix et par de nouveaux efforts de maîtrise médicalisée. Donner le sentiment que nous changeons les règles tous les ans n’est pas une bonne chose, notamment vis-à-vis des industriels étrangers. C’est pourquoi je propose d’en rester au dispositif actuel.

M. Jean-Pierre Door. Je soutiens cet amendement. À la veille de la réunion du conseil stratégique des industries de santé qui sera présidé par le Président de la République, notre message doit être lisible.

Mme Catherine Lemorton. La Cour des comptes, dans un rapport de 2007, avait observé que le rendement de la clause de sauvegarde était quasiment nul. Le rapporteur souhaite pour l’industrie pharmaceutique une « visibilité pluriannuelle », que le contexte économique actuel ne nous permet d’avoir dans aucun domaine.

M. Yves Bur, rapporteur. La Cour a fait cette observation, parce que le système ne s’applique qu’à des entreprises qui n’ont pas établi un système conventionnel avec le Comité économique des produits de santé (CEPS). Quand les remises sont correctement négociées par ce dernier, il n’y a pas de raison de taxer.

Mme Catherine Lemorton. Aujourd’hui, tous les experts mondiaux revoient les prévisions de chiffre d’affaires pour l’industrie pharmaceutique à la hausse, en raison notamment de la pandémie grippale. Il paraît donc possible de lui demander un petit effort.

La Commission adopte l’amendement AS 362 (amendement n° 3).

L’amendement AS 82 de Mme Marisol Touraine devient sans objet.

La Commission examine alors l’amendement AS 307 de M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement vise à limiter le caractère lucratif des exportations parallèles de médicaments par des grossistes ou même par certaines officines.

Mme Catherine Lemorton. Qu’entendez-vous par « officines » ?

M. Yves Bur, rapporteur. Officines pharmaceutiques.

M. le président Pierre Méhaignerie. À quoi ce phénomène est-il dû ?

M. Pierre Morange. Il y a parfois des excédents de commande de la part des distributeurs français, suivis de revente sur les marchés extérieurs.

M. Yves Bur, rapporteur. Et des pays comme l’Allemagne favorisent les importations parallèles qui font baisser les prix.

La Commission adopte l’amendement AS 307 (amendement n° 4).

Puis, elle adopte l’article 11 ainsi modifié.

Après l’article 11

La Commission examine l’amendement AS 83 de Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Actuellement, les industriels qui commercialisent des spécialités pharmaceutiques remboursées peuvent reverser aux régimes obligatoires d’assurance maladie des remises quantitatives. Mais ces remises ne profitent pas aux mutuelles, dont on accroît ainsi la charge. Je propose donc de réguler le marché du médicament non par des remises, mais par des baisses de prix.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Le système des remises n’a pas été mis en place pour aider les mutuelles, mais pour alléger la charge de l’assurance maladie obligatoire. Il est plus simple, car il évite de modifier l’étiquetage. En outre, lui substituer des baisses de prix aurait un effet négatif sur le revenu des pharmaciens. Enfin, le prix affiché en France est déterminant pour le prix de vente à l’étranger.

M. Patrick Roy. Vous dites que le système des remises n’était pas destiné à aider les mutuelles, mais dans la pratique, nous a dit Catherine Lemorton, il a eu au contraire pour effet d’augmenter leur part dans le financement des dépenses de médicament.

M. Dominique Tian. Monsieur le rapporteur, les médicaments français ne sont-ils pas plus chers que les médicaments allemands ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous en consommons plus, mais ils sont moins chers.

Mme Catherine Lemorton. De 20 % en moyenne.

M. Yves Bur, rapporteur. Les prix officiels des médicaments sont négociés avec le Comité économique des produits de santé. Les laboratoires – qu’ils soient français ou qu’ils aient des usines en France – souhaitent que ces prix soient le plus élevés possible, car ils servent de référence pour la fixation des prix à l’étranger. C’est pourquoi le système de remises est préféré à celui des baisses de prix.

Mme Catherine Lemorton. Les baisses de prix ont l’avantage de durer dans le temps, alors que les remises sont renégociées chaque année. De plus, la participation des régimes obligatoires au financement des dépenses de santé, hors personnes bénéficiant d’un remboursement à 100 % au titre d’une ALD, est tombée à 55 % ; la part des mutuelles est donc croissante, ce qui devrait inciter à revoir le système.

M. Patrick Roy. L’argument me paraît convaincant.

La Commission rejette l’amendement AS 83.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 140 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il s’agit d’élargir le champ de la taxe sur la promotion des médicaments en y intégrant les dépenses de publicité dans la presse médicale.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. La taxation des dépenses de promotion des médicaments est déjà très lourde et de nombreux emplois ont été supprimés dans ce secteur. Une charte de la visite médicale a également été instaurée. Il faudra certes évaluer son efficacité, mais elle devrait contribuer à rendre le système plus équilibré.

En taxant la publicité en faveur des médicaments, nous risquerions de fragiliser la presse médicale, qui est largement financée par cet intermédiaire. Il serait dommage d’en arriver là, car c’est un outil utile aux médecins pour améliorer leur information.

Mme Catherine Lemorton. Je ne vois pas ce que la charte a de vertueux. Sa première phrase donne le ton : « la visite médicale sert à promouvoir le médicament et à assurer le développement de l’industrie pharmaceutique ».

Il n’y a aujourd’hui qu’une seule revue à destination des médecins et des pharmaciens, qui ne dépende pas de la publicité financée par les industries pharmaceutiques, la revue Prescrire, et la seule base de données médicales indépendante, Thériaque, manque de moyens. Dans ces conditions, le groupe SRC votera l’amendement.

M. Yves Bur, rapporteur. Cette proposition avait été repoussée, à la demande de M. Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé, par la majorité qui soutenait le gouvernement Jospin. Je vous invite à faire preuve d’un peu de fidélité… Et surtout, je rappelle que l’intensité des visites médicales a beaucoup diminué. Des milliers d’emplois ont été supprimés dans ce secteur.

M. Jean-Pierre Door. Près de 4 500 !

La Commission rejette l’amendement AS 140.

Article 12

Contribution sur les dépenses de promotion des fabricants, importateurs et distributeurs de dispositifs médicaux

Le présent article a pour triple objet d’élargir l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux, de relever son taux et d’affecter une partie de son produit à la Haute autorité de santé (HAS).

1. Éléments de contexte

L’article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale assujettit les entreprises qui assurent la fabrication, l’importation ou la distribution en France de certains dispositifs médicaux à une contribution assise sur leurs dépenses de promotion et de publicité en faveur de ces produits.

Cet article définit le champ des dispositifs médicaux au titre desquels la contribution est due, en faisant référence aux titres I et III de la liste, prévue à l’article L. 165-1 du même code, des différents dispositifs admis au remboursement par l’assurance maladie. Cette liste comprend à la fois des dispositifs médicaux à usage individuel, des tissus et cellules issus du corps humain quel qu’en soit le degré de transformation et de leurs dérivés, des produits de santé autres que les médicaments et des prestations de services et d’adaptation associées.

Entrent ainsi dans le champ de cette contribution :

– les dispositifs médicaux pour traitements et matériels d’aide à la vie, aliments diététiques et articles pour pansements, inscrits au titre I de la liste ;

– les dispositifs médicaux implantables issus de dérivés d’origine humaine ou en comportant, et greffons tissulaires d’origine humaine, inscrits au titre III ;

En revanche, les dispositifs inscrits aux deux autres titres de la même liste n’entrent pas dans le champ de la contribution. Il s’agit :

– des orthèses et prothèses externes, inscrites au titre II ;

– des véhicules pour handicapés physiques, inscrits au titre IV.

L’article L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale définit l’assiette de la contribution, qui comprend les rémunérations des personnes chargées de la présentation, de la promotion ou de la vente des dispositifs concernés, y compris les charges sociales et fiscales et les remboursements de frais de transport, de repas et d’hébergement dont elles bénéficient, ainsi que les frais de publication et les achats d’espaces publicitaires.

Le même article fixe le taux de cette taxe à 10 %.

En application de l’article L. 245-5-2, un abattement forfaitaire de 50 000 euros est pratiqué sur l’assiette de la contribution. En outre, l’article L. 245-5-3 prévoit une exonération de cette contribution pour les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes, réalisé au titre des produits et prestations admis au remboursement, est inférieur à 7,5 millions d’euros.

L’article L. 245-5-1 précité précise que le produit de cette contribution est affecté à la CNAMTS. Ce produit s’élevait à 40 millions d’euros en 2008.

2. Le dispositif proposé

 Affectation à la Haute Autorité de santé (HAS) d’une part du produit de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux

Les et du I du présent article (alinéas 1 à 4) visent à affecter à la Haute Autorité de santé (HAS) 35 % du produit de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux.

À cette fin, le du I de cet article (alinéas 2 et 3) tend à compléter l’énumération des recettes de la HAS à l’article L. 161-45 du code de la sécurité sociale, qui mentionne actuellement :

– des subventions de l’État (de l’article L. 161-45 précité) ;

– une dotation des régimes obligatoires d’assurance maladie, dont le montant est fixé chaque année par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale () ;

– le produit des redevances pour services rendus, dont les montants sont déterminés sur proposition du directeur par le collège () ;

– une fraction de 10 % du produit de la contribution sur les dépenses de promotion et de publicité en faveur des médicaments remboursables instituée par les articles L. 245-1 à L. 245-5-1 A du code de la sécurité sociale () ;

– le montant de la taxe acquittée en application de l’article L. 5123-5 du code de la santé publique par les personnes qui demandent l’admission d’un médicament au remboursement, ainsi que le produit de la taxe payée conformément à l’article L. 5211-5-1 du même code par celles qui demandent l’admission au remboursement d’un dispositif médical () ;

– des produits divers, des dons et legs ().

Il est proposé d’insérer dans cette énumération un 4° bis qui affecte à la HAS, 35 % du produit de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux.

Le produit de cette mesure est évalué à 8,9 millions d’euros par l’exposé des motifs du projet de loi, selon lequel cette ressource nouvelle vise à compenser le manque à gagner résultant pour la Haute autorité de la baisse du produit de la contribution sur la promotion des médicaments. Cette baisse s’explique en effet par la diminution du nombre de visites médicales. Elle a représenté en 2008 un manque à gagner de 10 millions d’euros pour la HAS. Cette mesure ne devrait cependant pas avoir pour effet de diminuer les ressources que la CNAMTS tire de cette contribution, dans la mesure où l’affectation de 35 % de son produit à la HAS devrait être compensée par la hausse de son taux, de 10 à 15 %, et par l’extension de son assiette, ainsi que le prévoient les et du I du présent article.

À des fins de coordination avec le dispositif de l’aliéna 3, le du I de cet article (alinéa 4) tend à compléter l’énoncé de l’article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale pour prévoir que la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux est instituée non seulement au profit de la CNAMTS, mais aussi à celui de la HAS.

 Élargissement de l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux

Le du I du présent article (alinéa 5) vise à élargir le champ des dispositifs médicaux pour lesquels les fabricants, importateurs et distributeurs de dispositifs médicaux sont assujettis à la contribution sur leurs dépenses de promotion et de publicité instituée par l’article L. 245-5-1 précité.

Dans sa rédaction actuellement en vigueur, cet article définit ce champ en faisant une référence aux titres I – « dispositifs médicaux pour traitements et matériels d’aide à la vie, aliments diététiques et articles pour pansements » – et III – « dispositifs médicaux implantables issus de dérivés d’origine humaine ou en comportant, et greffons tissulaires d’origine humaine » – de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. En outre, le de l’article L. 245-5-2 du même code détermine l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux en faisant la même référence aux titres I et III de la même liste.

L’aliéna 5 du présent article tend à modifier l’article L. 245-5-1 précité ainsi que le de l’article L. 245-5-2 susmentionné afin d’élargir ces références en y incluant le titre II de la liste des produits et prestations remboursables, relatif aux orthèses et prothèses externes.

En effet, ce titre II comprend notamment les dispositifs d’optique médicale et les appareils électroniques correcteurs de surdité, dont le marché connaît depuis plusieurs années une forte croissance. En effet, selon la note d’évaluation préalable relative au présent article, les remboursements de dispositifs médicaux du titre II ont augmenté de 18 % entre 2007 et 2008. L’ensemble des dispositifs médicaux constitue d’ailleurs un marché en forte croissance, atteignant 4,5 milliards d’euros en 2008, soit 12,5 % de plus qu’en 2007.

D’après la note précitée, si une partie de la hausse peut s’expliquer par le vieillissement de la population et les politiques de maintien à domicile, ces facteurs ne suffisent pas à expliquer la totalité de la croissance constatée, qui semble nourrie par d’importantes campagnes publicitaires. Il faut également observer que jusqu’à présent, ce champ des dépenses de soins n’a pas fait l’objet d’une politique de régulation très approfondie.

 Augmentation du taux de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux

Le 4° du I du présent article (alinéa 6) tend à relever le taux de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux de 10 % à 15 %, ce qui le rapproche du taux d’une autre contribution, prévue à l’article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale, assise sur les dépenses de promotion et de publicité faites par les entreprises exploitant des médicaments remboursables.

En effet, le taux de cette contribution est calculé selon un barème comprenant quatre tranches qui sont fonction du rapport entre, d’une part, les dépenses de publicité et de promotion des entreprises assujetties et, d’autre part, leur chiffre d’affaires hors taxes ; selon ce rapport, le taux peut s’élever à 19 %, 29 %, 36 % ou 39 %, et la note d’évaluation précitée indique que le taux moyen de cette contribution atteignait 20 % en 2008.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, le rendement attendu de la hausse du taux et de l’élargissement de l’assiette de la contribution s’élève à 22,5 millions d’euros.

 Date d’application des dispositifs relatives à l’assiette et au taux de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux

Le II de cet article (alinéa 7) tend à préciser que les dispositions des 3° et 4° du I de cet article, qui élargissent l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux et relèvent son taux, s’appliqueront pour la première fois à la contribution due en 2010.

Or, il ressort des articles L. 245-5-2 et L. 245-5-5 que la contribution sera exigible pour moitié le 1er juin 2010 et portera sur les charges comptabilisées par les entreprises assujetties au titre du ou des derniers exercices clos depuis la précédente échéance de la contribution.

En conséquence, l’élargissement de l’assiette et la hausse du taux de la contribution pourront s’appliquer à des dépenses engagées en 2009.

*

La Commission examine l’amendement AS 275 de Mme Marie-Christine Dalloz, de suppression de l’article.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement tend à supprimer l’article 12, dont le principal effet sera d’augmenter la taxation portant sur les entreprises d’optique médicale d’un montant équivalent à 3 % de leur chiffre d’affaires, ce qui est considérable. Le Haut Jura, où sont installés des fabricants reconnus, récompensés à de nombreuses reprises par des SILMO d’or, comptera parmi les premières victimes. On dirait que vous faites tout pour détruire cette filière d’excellence dans notre pays !

Il est vrai que cette taxe permettra d’engranger des rentrées fiscales supplémentaires à court terme, mais elle réduira les recettes perçues au titre de la TVA et de l’impôt sur les sociétés et détruira des emplois en réduisant les débouchés des entreprises. La santé visuelle des assurés ne pourra qu’en pâtir.

Si cet amendement n’est pas adopté, je déposerai, à l’occasion de l’article 88, un amendement de repli, tendant faire porter le poids de la taxe sur le réseau de distribution.

M. Yves Bur, rapporteur. On peut effectivement s’interroger sur une taxe qui, pour une recette très mince, affaiblirait un secteur déjà fragile. Nous pourrions suivre d’autres pistes pour augmenter les recettes. Cela étant, il faut bien être conscient que ce sont avant tout les distributeurs qui font de la publicité, et non les fabricants eux-mêmes.

Avis défavorable à la suppression de l’article, mais je propose que nous revenions plus tard sur ce sujet lors de notre réunion au titre de l’article 88.

M. le président Pierre Méhaignerie. Cela me paraît effectivement une bonne solution.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je prends acte de l’engagement du rapporteur.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS 192 de M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Nous proposons de porter le seuil d’application de la contribution à la charge des fabricants et des distributeurs de dispositifs médicaux de 7,5 millions à 15 millions, comme le prévoyait la loi de financement pour 2004. Dans sa rédaction actuelle, la mesure risque de fragiliser les nombreuses PME de ce secteur, qui connaît un contexte économique très difficile et doit faire face à une concurrence très vive, notamment de la part d’entreprises implantées aux États-Unis.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Mais vous pourriez vous rapprocher de Mme Dalloz pour rédiger un amendement commun sur ce sujet.

L’amendement est retiré.

La Commission examine un amendement AS 243 de Mme Edwige Antier.

Mme Edwige Antier. Mon amendement tend à ce que les fonds supplémentaires mis à la disposition de la Haute Autorité de santé soient consacrés à une meilleure évaluation des dispositifs médicaux dans le secteur public, les établissements participant au service public hospitalier et le secteur privé.

La structure actuelle du marché favorise une augmentation des prix à chaque amélioration, même minime, des dispositifs : il n’existe qu’un seul interlocuteur, le secteur public, lequel n’est pas toujours en position de négocier efficacement. Or, nous devons parvenir à maîtriser les prix, faute de quoi tous les patients ne pourront pas bénéficier de la généralisation des dispositifs médicaux, qui permettra de réparer, un jour, l’ensemble du corps humain.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement constitue manifestement un « cavalier » social. En outre, l’évaluation des dispositifs médicaux relève, non de la HAS, mais du Comité économique des produits de santé.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 12 sans modification.

Article 13

Modification de la clef de répartition des droits de consommation
sur les tabacs et financement du régime complémentaire
des exploitants agricoles

Le présent article vise à ajuster la composition des paniers de recettes fiscales affectés à la compensation de la « réduction Fillon » et de l’exonération des heures supplémentaires. Ce réaménagement permet également de financer, pour les veuves d’exploitant agricole, le bénéfice de la réversion de la retraite complémentaire obligatoire dans le cadre de la revalorisation des petites pensions agricoles.

1. La compensation de la « réduction Fillon »

La dégradation du contexte économique se traduit par une diminution des sommes exonérées au titre de la « réduction Fillon ». Après une hausse de 4 % en 2008, le recul serait de 0,9 % en 2009 puis de 2 %. La contraction de la masse salariale et la baisse de l’emploi dans les secteurs employant une proportion élevée de travailleurs à bas salaires, notamment l’intérim, exercent une incidence négative sur les exonérations.

En effet, ainsi que le note le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, « le taux d’allégement étant maximal pour les salariés rémunérés au SMIC, les destructions d’emploi dans ces secteurs affectent plus fortement le volume global des allégements que dans les secteurs employant de la main-d’œuvre plus qualifiée ».

Selon les données figurant dans l’annexe 5 au présent projet de loi de financement, le coût de la « réduction Fillon » atteindrait donc 22,6 milliards d’euros en 2008, 22,4 milliards d’euros en 2009 et 22,1 milliards d’euros en 2010.

Dans ces conditions, le tableau ci-après montre que le panier fiscal actuellement affecté à la compensation des allégements de cotisations sociales sur les bas salaires, comprenant des recettes peu corrélées avec l’activité économique, serait excédentaire aussi bien en 2009 qu’en 2010.

Recettes fiscales affectées à la compensation de la « réduction Fillon » (2009-2010)

(en millions d’euros)

 

2009
évolution spontanée

2009
après mesures

2010
évolution spontanée

2010
après mesures

Taxe sur les salaires

11 029

11 029

11 193

11 193

Taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire

689

689

703

703

Taxe sur les primes d’assurance automobile

947

947

947

947

TVA brute collectée par les commerçants de gros en produits pharmaceutiques

3 286

3 286

3 394

3 394

TVA brute collectée par les fournisseurs de tabacs

3 132

3 132

3 217

3 217

Droit de consommation sur les tabacs

3 700

3 311

3 745

3 614

Droit de licence sur la rémunération des débitants de tabacs

259

259

259

259

Total des recettes fiscales

23 042

22 651

23 457

23 326

Coût de la réduction générale de cotisations patronales

22 383

22 383

22 125

22 125

Solde

+ 659

+ 270

+ 1 332

+ 1 201

Source : PLFSS 2010

En 2009, à législation inchangée, l’excédent du panier de recettes atteindrait près de 600 millions d’euros. En 2010, l’écart ferait plus que doubler, pour s’élever à près de 1,4 milliard d’euros.

2. La compensation des exonérations liées aux heures supplémentaires

Les sommes exonérées au titre de la réduction forfaitaire de cotisations patronales et de l’exonération totale de cotisations salariales sur les heures supplémentaires connaîtraient en 2009 la même évolution que celles consacrées à la « réduction Fillon », mais l’intégration des rachats de jours de RTT réalisés depuis le 1er janvier 2008 contribue à atténuer la baisse des montants exonérés au titre des heures supplémentaires proprement dites. Cet effet ne joue plus en 2010, où la diminution serait de 3 %.

Selon les données figurant dans l’annexe 5 au présent projet de loi de financement, le coût des allégements liés aux heures supplémentaires atteindrait donc 3 milliards d’euros en 2008, un peu moins de 3 milliards d’euros en 2009 et 2,9 milliards d’euros en 2010.

Dans ces conditions, le tableau ci-après montre que le panier de recettes actuellement affecté à la compensation des allégements de cotisations sociales sur les bas salaires serait insuffisant en 2009, mais excédentaire en 2010.

Recettes fiscales affectées à la compensation des exonérations
liées aux heures supplémentaires (2009-2010)

(en millions d’euros)

 

2009

évolution spontanée

2009

après mesures

2010

évolution spontanée

2010

après mesures

Contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés

550

550

753

753

TVA brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées

2 014

2 014

2 014

2 014

Droit de consommation sur les tabacs

389

131

Total des recettes fiscales

2 564

2 953

2 767

2 898

Coût des exonérations liées aux heures supplémentaires

2 953

2 953

2 898

2 898

Solde

– 389

– 131

Source : PLFSS 2010

En 2009, à législation inchangée, il manquerait 400 millions d’euros au panier de recettes. Cette insuffisance diminuerait en 2010, du fait d’un meilleur rendement attendu de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés, pour s’établir à 130 millions d’euros.

3. Le rééquilibrage de la compensation assurée par les paniers fiscaux

D’un côté, le panier fiscal affecté à la réduction générale de cotisations sociales n’a pas vocation à être excédentaire ; de l’autre, il convient d’assurer correctement la compensation de l’exonération des heures supplémentaires. Sans attendre le jeu des mécanismes automatiques a posteriori que la loi prévoit pour assurer la neutralité de ces dispositifs, le Gouvernement propose dès aujourd’hui de rééquilibrer les conditions dans lesquelles s’effectuera la compensation en 2009 et en 2010.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2009 proposera de combler l’insuffisance des recettes affectées à la compensation de l’exonération des heures supplémentaires par le transfert d’une fraction de 3,97 % du droit de consommation sur les tabacs bénéficiant jusqu’ici à la compensation de la réduction générale de cotisations sociales, qui permettra de remédier à l’insuffisance prévisionnelle de 400 millions d’euros.

Le présent article propose quant à lui un mécanisme identique dans son principe, mais de moindre ampleur, transférant une fraction de 1,30 % du droit de consommation sur les tabacs du panier de la « réduction Fillon » vers le panier des heures supplémentaires afin de remédier à l’insuffisance prévisionnelle de 130 millions d’euros.

Ce faisant, le panier fiscal de la « réduction Fillon » demeurerait encore excédentaire de 268 millions d’euros en 2009 et de 1,2 milliard d’euros en 2010 : autant de marges de manœuvre dont votre rapporteur souligne la rareté en ces temps de crise économique ? Non seulement une petite partie de l’excédent attendu pour 2010, soit 37 millions d’euros, vient contribuer au financement de la première année d’application d’une mesure portant sur les petites retraites agricoles, mais il faut avoir à l’esprit qu’en réalité, les recettes affectées à la compensation des allégements généraux sont comptabilisées par les régimes dans leur intégralité : tout excédent du panier fiscal des allégements généraux vient en conséquence améliorer leur solde.

Afin de réaliser ces différents transferts, le I modifie la répartition du produit du droit de consommation sur les tabacs, historiquement fixée par l’article 61 de la loi de finances pour 2005. S’il procède à une réécriture complète de cet article, il n’en modifie en réalité que quelques composantes, étant sans incidence sur les parts destinées à la branche maladie du régime agricole, à la CNAMTS, au Fonds national d’aide au logement (FNAL), au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) et au Fonds de solidarité :

– une fraction de 1,30 % est affectée à la compensation des exonérations sur les heures supplémentaires ;

– une fraction de 0,37 % vient s’ajouter à la fraction de 1,52 % déjà affectée au régime complémentaire obligatoire (RCO) de retraite des exploitants agricoles (cf. infra) ;

– la fraction bénéficiant au panier fiscal de la réduction générale de cotisations patronales est diminuée à due concurrence, soit 1,67 %.

Clef de répartition du droit de consommation sur les tabacs (2009-2010)

(en %)

 

2009

2010

Branche maladie du régime des non-salariés agricoles

18,68

18,68

Retraite complémentaire obligatoire (RCO) du régime agricole

1,52

1,89

CNAMTS

38,81

38,81

Fonds national d’aide au logement

1,48

1,48

Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante

0,31

0,31

Réduction générale de cotisations sociales

37,95

36,28

Fonds de solidarité (chômage)

1,25

1,25

Exonération des heures supplémentaires

1,30

Source : PLFSS 2010

Corrélativement, le II et le 1° du III procèdent à une coordination en ajoutant une fraction du droit de consommation sur les tabacs respectivement aux recettes du panier fiscal affecté aux exonérations liées aux heures supplémentaires, déterminées par l’article 53 de la loi de finances pour 2008, et aux recettes du régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles, énumérées à l’article L. 732-58 du code rural, où elle se substitue à une « une participation financière de l’État, dont les modalités sont fixées en loi de finances ».

4. La réversion de la retraite complémentaire obligatoire (RCO) du régime des exploitants agricoles

Une petite partie de l’excédent attendu du panier fiscal affecté à la réduction générale de cotisations sociales permet de financer une mesure s’inscrivant dans le long processus de revalorisation des petites pensions agricoles, dans lequel s’est inscrite la loi de financement pour 2009, dont l’article 77 a simplifié le dispositif de revalorisation des retraites agricoles mis en œuvre depuis 1994. Il supprime notamment les coefficients de minoration des revalorisations et abaisse le seuil de durée de carrière agricole pour ouvrir le droit à la revalorisation pour les personnes dont la retraite a pris effet avant le 1er janvier 2002 : il garantit ainsi un montant minimum de retraite égal, au 1er avril 2009, pour une carrière complète, à 639,33 euros par mois pour les chefs d’exploitation et pour les veuves et à 508,03 euros par mois pour les conjoints, et s’adresse à tous ceux dont les pensions, tous régimes confondus, ne dépassent pas 757,50 euros par mois.

Le décret n° 2009-173 du 13 février 2009 prévoit une mise en œuvre de cette mesure en deux temps. Depuis le 1er janvier 2009, elle s’applique aux retraités ayant au moins 22,5 ans de carrière dans l’agriculture et, pour les personnes dont la retraite a pris effet à compter du 1er janvier 2002, justifiant de la durée d’assurance ou des conditions requises pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Le 1er janvier 2011, la condition de carrière agricole sera abaissée à 17,5 années. Ce dispositif de revalorisation a bénéficié à plus de 175 000 personnes, pour un montant moyen d’environ 30 euros mensuels de revalorisation servie.

Un nouveau volet de revalorisation des retraites agricoles interviendra à compter du 1er janvier 2010. Il comporte trois mesures :

– le relèvement de 757,50 à 800 euros du plafond de pensions au-dessus duquel la majoration de la retraite de base ne peut être servie. Cette mesure bénéficiera dès 2010 à 60 000 retraités agricoles supplémentaires pour un coût de 17 millions d’euros ;

– la revalorisation des périodes accomplies par les conjoints ayant opté pour le statut de collaborateur dans les délais impartis lors de la création du statut, et ayant procédé au rachat avant le 1er janvier 2009 de périodes de conjoint participant aux travaux antérieures au 1er janvier 1999 au titre de la retraite proportionnelle. À l’avenir, ces périodes seront revalorisées comme le sont actuellement les périodes de collaborateur à titre exclusif ou principal cotisées entre 1999 et 2009 par les personnes qui justifient de la régularité de leur situation au regard des délais d’option fixés lors de la création de ce statut ;

– une mesure relative à la retraite complémentaire obligatoire (RCO), qui constitue précisément l’objet du 2° du III du présent article.

Il s’agit en effet en une mesure en faveur des veuves des pensionnés exploitants agricoles, population la plus fragile parmi les ressortissants du régime des exploitants agricoles : ayant souvent travaillé sur l’exploitation mais sans pour autant se constituer de droits propres en contrepartie de cotisations, elles se retrouvent donc dépendantes de la pension de réversion versée après le décès de leur conjoint.

Or actuellement, une pension de réversion au titre de la retraite complémentaire obligatoire (RCO) n’est attribuée sur les points cotisés et gratuits au conjoint survivant d’un exploitant que si ce dernier a pris sa retraite après le 1er janvier 2003. S’il décède avant d’avoir liquidé sa retraite, la réversion porte seulement sur les points cotisés.

Mis en place à compter du 1er avril 2003 par la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d’un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles, le RCO bénéficie :

– aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole déjà retraités au 1er avril 2003, qui perçoivent alors une pension de retraite complémentaire uniquement constituée de droits gratuits :

– aux chefs d’exploitation dont la retraite est liquidée après le 1er janvier 2003, qui perçoivent une pension de retraite complémentaire constituée de droits gratuits, sous certaines conditions, et/ou de droits acquis par cotisations.

Les conjoints et les aides familiaux ne sont pas concernés.

Pour les périodes d’activité en qualité de chef d’exploitation antérieures à 2003, sont octroyés des points gratuits sous certaines conditions de durée d’assurance :

– les chefs d’exploitation, dont la retraite a pris effet avant le 1er janvier 1997, bénéficient de droits gratuits lorsqu’ils justifient à la date d’effet de leur retraite de base de 32,5 années d’assurance en qualité de non-salarié agricole dont 17,5 années d’activité en qualité de chef d’exploitation ;

– les chefs d’exploitation, dont la retraite a pris effet entre le 1er janvier 1997 et le 1er janvier 2003 inclus, bénéficient de droits gratuits à condition de justifier d’une durée d’activité (tous régimes confondus) au moins égale à 37,5 années d’activité à la date d’effet de leur retraite de base, dont 17,5 années en qualité de chef d’exploitation ;

– les chefs d’exploitation retraités après le 1er janvier 2003, justifiant de la durée d’activité nécessaire (tous régimes confondus) pour obtenir la liquidation de la retraite de base à taux plein dans le régime des non-salariés agricoles, dont 17,5 années en qualité de chef d’exploitation, bénéficient de l’attribution de 100 points pour les années de chef d’exploitation accomplies avant le 1er janvier 2003 dans la limite de la différence entre 37,5 ans et le nombre d’années d’affiliation à la RCO.

Les cotisations sont assises sur les revenus professionnels au taux de 2,97% depuis 2003, avec une assiette minimale fixée à 1820 SMIC en 2008. Les droits acquis sont proportionnels aux cotisations, sans plafond. Si les cotisations sont calculées sur l’assiette minimale, le paiement de la RCO donne droit à 100 points par an. Si les cotisations sont calculées sur une assiette supérieure, le nombre de points acquis est déterminé selon la formule suivante : nombre annuel de points de RCO = revenus professionnels x 100 ÷ 1820 SMIC.

Le montant annuel de la RCO est obtenu en multipliant le nombre de points de retraite complémentaire cotisés et gratuits par la valeur de service du point. Pour 2009, la valeur annuelle du point de RCO était de 0,3159 euro (contre 0,3077 euro en 2007 et 0,3119 en 2008). En 2008, 465 000 personnes bénéficiaient d’une retraite versée par ce régime, dont 462 500 au titre de droits propres. Les recettes et les charges avoisinaient 475 millions d’euros, mais l’équilibre de l’exercice n’a que peu permis de réduire le solde cumulé, déficitaire de 37 millions d’euros. Le tendanciel (hors mesures du présent projet de loi de financement) fait apparaître un creusement du déficit pour les années 2009 et 2010 (respectivement 16 millions d’euros et 24 millions d’euros), compte tenu de la diminution des recettes et de la baisse plus forte du nombre des cotisants que de celui du nombre de retraités, pour un déficit cumulé fin 2010 de 77 millions d’euros.

Soumise à de fortes contraintes financières, la loi de 2002 n’avait prévu une possibilité de réversion en faveur du conjoint survivant que si le chef d’exploitation décédé avait procédé à la liquidation de sa RCO avant son décès. Cette pension de réversion est d’un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficiait l’assuré décédé, le calcul s’effectuant sur l’ensemble des points de RCO (droits gratuits et droits cotisés).

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a étendu la réversion en faveur du conjoint survivant de chef d’exploitation décédé avant la liquidation de sa retraite complémentaire. Cette pension de réversion est d’un montant égal à 54 % des droits cotisés dont aurait bénéficié l’assuré décédé et ne porte donc pas sur les droits gratuits. Le conjoint survivant doit justifier des conditions suivantes : un âge de 55 ans au moins – aucune condition d’âge n’étant toutefois exigée si le survivant est invalide au moment du décès ou ultérieurement, ou s’il a au moins deux enfants à charge au moment du décès – et une durée de mariage de 2 ans (sauf si le couple a eu un enfant).

Rien n’était donc prévu pour le conjoint en cas de décès de l’exploitant qui a liquidé sa retraite de base avant le 1er janvier 2003 et qui peut, dans certains cas, bénéficier tout de même d’une retraite complémentaire au titre des seuls points gratuits. Pour le conjoint survivant, cette situation entraîne une diminution du revenu alors même que la pension personnelle des agricultrices est, en règle générale, modeste du fait des faibles cotisations versées.

L’ouverture du droit à réversion pour ces catégories, avec effet au 1er janvier 2010, constitue donc un instrument de résorption des situations de grande fragilité financière au sein des pensionnés du régime agricole, situations qui frappent majoritairement les conjoints survivants des pensionnés. Pour cette raison, elle a été intégrée à l’ensemble des mesures de revalorisation des petites retraites agricoles, qui se déploient sur les exercices 2009 à 2011.

Le conjoint survivant doit remplir les conditions personnelles prévues par le régime (cf. ci-dessus). La pension de réversion est d’un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficiait l’assuré. Selon la fiche d’évaluation à l’appui du présent article, l’amélioration moyenne de la pension annuelle serait à 570 euros pour les 70 000 personnes concernées.

Évalué à 40 millions d’euros pour sa première année d’application, le dispositif est financé, à hauteur de 37 millions d’euros, par l’affectation d’une fraction de 0,37 % du produit du droit de consommation sur les tabacs (cf. supra) et, à hauteur de 3 millions d’euros, par une augmentation du taux de cotisation des actifs, qui passe de 2,97 % à 3 %. La mesure entraîne par ailleurs une modeste économie (2 millions d’euros) pour la branche vieillesse du régime des salariés agricoles, car la pension de réversion du RCO entre dans le plafond de ressources de 757,50 euros pris en considération pour l’octroi de la majoration de pension résultant de l’article 77 de la loi de financement pour 2009.

Votre rapporteur se doit enfin de signaler que si l’affectation au RCO d’une fraction du droit de consommation sur les tabacs relève indubitablement du champ des lois de financement de la sécurité sociale, puisqu’elle modifie l’affectation de recettes aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale, le dispositif relatif à la réversion proprement dit, en revanche, concerne un régime certes obligatoire mais pas de base, qui n’aura de fait aucune incidence sur les objectifs de dépenses fixés par ailleurs en loi de financement.

*

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 308 et AS 309 du rapporteur (amendements n° 5 et 6).

Puis elle adopte l’article 13 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 13

Augmentation du droit de consommation sur les tabacs

La Commission examine l’amendement AS 363 du rapporteur, l’amendement AS 5 de M. Guy Lefrand et l’amendement AS 88 de Mme Marisol Touraine.

M. Yves Bur, rapporteur. Nous avons appris que le Président de la République allait proposer d’augmenter le prix du tabac de 6 % dans le cadre d’une réactualisation du plan Cancer. Une première solution consisterait à demander aux fabricants d’augmenter d’autant leurs prix, mais cette solution leur permettrait d’accroître au passage leurs recettes, ce qui ne me paraît pas très opportun compte tenu de l’influence néfaste de cette industrie sur la santé publique et du montant qui serait perdu pour les finances publiques – près de 66 millions d’euros. C’est pourquoi je vous propose plutôt d’augmenter les accises.

Mme Michèle Delaunay. Excellent !

M. Guy Lefrand. Mon amendement AS 5 a le même objet. Une partie des droits sur le tabac étant affectée au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA), une telle mesure aurait pour effet connexe de réduire le déficit de ce fonds.

M. Gérard Bapt. L’amendement AS 88, curieusement rejeté l’an dernier par le rapporteur, qui nous propose aujourd’hui une mesure d’une bien plus grande ampleur, tend à augmenter les minima de perception applicables aux cigarettes et aux tabacs de fine coupe, afin de tenir compte de l’inflation.

Si nous sommes favorables à une augmentation du prix du tabac, c’est que la consommation augmente, en particulier chez les jeunes. Le signal donné par les prix étant très efficace, nous voterons toute mesure tendant à renchérir le tabac.

La Commission adopte l’amendement AS 363 du rapporteur (amendement n° 7).

En conséquence, les amendements AS 5 et AS 88 n’ont plus d’objet.

Article 14

Réforme du dispositif des retraites « chapeau »

L’article 14 du projet de loi propose de doubler les taux de prélèvements sur les contributions des employeurs aux régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestations à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise, ce conformément aux déclarations du Premier ministre qui, en avril dernier, avait critiqué un « mécanisme qui consiste à faire financer par l’entreprise les retraites d’un certain nombre de cadres et de dirigeants », précisant qu’il proposerait « qu’un texte soit voté sur ce sujet à l’occasion de la prochaine discussion budgétaire ».

Ce système de retraite supplémentaire d’entreprise, défini à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale mais encore mal connu, bénéficie d’un dispositif fiscal et social particulièrement avantageux et des polémiques surgissent régulièrement lorsque la presse se fait l’écho de retraites « chapeau » au montant particulièrement élevé.

Ces retraites supplémentaires à prestations définies constituent en effet un élément différé très substantiel des rémunérations consenties aux mandataires sociaux. Financées par les entreprises employeurs, elles garantissent à leurs bénéficiaires un niveau de pension prédéterminé, correspondant à un pourcentage du dernier salaire annuel perçu. Elles donnent lieu, le plus souvent à des provisions considérables au moment du départ de leur bénéficiaire.

L’an dernier, votre rapporteur avait proposé un doublement des taux de prélèvement, ce à quoi le Gouvernement s’était opposé et l’on ne peut que se féliciter que cette disposition figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, même s’il est probablement nécessaire d’aller plus loin.

A. LE DISPOSITIF DES RETRAITES « CHAPEAU » ET SES BÉNÉFICIAIRES

Longtemps incertain, le statut fiscal et social des régimes supplémentaires de vieillesse à prestation définie a été clarifié par loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

1. Un dispositif financièrement très favorable pour les entreprises et les salariés qui en bénéficient

a) Des régimes de retraite spécifiques

Les régimes de retraite relevant de l’article L. 137-11 se définissent par un certain nombre de spécificités, qui les différencient des autres régimes de retraite supplémentaires d’entreprise. Ces contrats se caractérisent par :

– leur caractère collectif (les cotisations sont versées sur un fonds collectif, et non pas sur des comptes individuels comme c’est le cas dans les régimes à cotisations définies) ;

– le niveau des prestations est prédéterminé (et corrélativement, l’engagement de l’entreprise de garantir ce niveau), ce qui fait que le coût de la retraite n’est pas connu à l’avance, car un certain nombre d’aléas peuvent survenir entre-temps ;

– dans ces contrats, seuls les salariés présents dans l’entreprise au moment de leur retraite bénéficient des droits à retraite supplémentaires, l’objectif souvent affiché étant de fidéliser les cadres les plus élevés.

Traditionnellement, on distingue, à l’intérieur de l’article L. 137-11 deux types de régime : les régimes « différentiel » dans lesquels l’entreprise garantit un niveau global de retraite, tous régimes confondus, l’employeur s’engageant à combler la différence entre l’objectif défini par le régime et les droits acquis au titre des autres systèmes de retraite, c’est l’origine du terme « retraite-chapeau » ; et les régimes « additifs » dans lesquels la prestation est définie en pourcentage du dernier salaire, indépendamment des retraites servies par les autres régimes de base et complémentaires. L’aléa subi par l’entreprise ou l’organisme assureur étant plus élevé dans le cadre d’un régime différentiel, la plupart des régimes sont aujourd’hui additifs.

Ne sont pas visés par l’application de l’article L. 137-11, les régimes de retraite à prestations définies dont le financement est néanmoins constitutif de droits individuels acquis et certains qui font l’objet d’une affectation à un compte individuel ouvert au nom du bénéficiaire.

b) Un statut social très avantageux

La loi du 21 août 2003 a mis fin à un long débat s’agissant du régime social des cotisations des employeurs à ce type de régime : ces contributions sont exonérées, sans plafond, de CSG, de CRDS et de cotisations sociales. En contrepartie, cette loi a instauré une contribution à la charge de l’employeur et affecté au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont le taux est aujourd’hui compris entre 6 et 12 % en fonction du choix de l’employeur sur le mode de prélèvement.

Le dispositif est le suivant : lors de la création du régime, l’employeur doit opter pour l’assujettissement des rentes versées ou pour celui des contributions destinées à financer le régime, l’option étant irrévocable pour chaque régime (II de l’article L. 137-11).

Le choix de la contribution sur les rentes est possible quel que soit le mode de gestion du régime, interne à l’entreprise ou confié à un organisme externe. La contribution est assise sur la partie des rentes excédant un tiers du plafond de la sécurité sociale (soit 953 euros mensuels depuis le 1er janvier 2009) et le taux est alors de 8 %. Sur une rente annuelle de 200 000 euros, l’assiette est de 188 654 euros et le montant de la contribution est de 15 085 euros.

Si l’entreprise fait le choix d’une contribution assise sur les sommes destinées au financement du régime, le taux de la contribution varie selon que le régime est géré en interne (il est alors de 12 %) ou confié à un organisme externe, société d’assurances, institution paritaire, mutuelle… (il est alors de 6 %). Dans ce dernier cas, constituent des primes toutes les sommes versées par l’employeur, quelle que soit leur dénomination (appel de fonds, cotisations ou refacturation…), sans qu’il y ait lieu de faire la distinction entre les appels de fond relatifs aux prestations de retraite en cours de service et les appels de fond relatifs aux prestations futures.

La différence de taux entre gestion interne et externe se justifie par le fait qu’en cas de gestion externalisée auprès d’un organisme assureur, les droits des salariés sont plus sécurisés, en raison de l’application de règles prudentielles découlant de directives européennes relatives au provisionnement des engagements et à l’exigence d’une marge de solvabilité. L’application de ces règles est contrôlée par l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM).

Des règles de provisionnement existent lorsque l’entreprise gère des engagements de retraite en interne, mais ces règles, qui découlent des normes comptables internationales, ne s’imposent qu’aux entreprises cotées et sont plus souples. En premier lieu, il n’y a pas d’obligation de provisionnement. En second lieu, les tables de mortalité ne sont pas encadrées. Enfin, les taux d’actualisation à retenir pour le calcul des provisions sont plus souples : la réglementation des assurances impose de retenir un taux d’actualisation plus faible que la réglementation standard des entreprises, ainsi l’exigence de provisionnement est moindre. Cet écart entre les normes conduit certaines entreprises à privilégier une gestion en interne, moins sécurisée mais également moins coûteuse.

Ce dispositif social est particulièrement avantageux pour deux raisons : d’une part, aucun plafond n’est appliqué pour l’exonération de cotisations sociales, contrairement aux régimes à cotisations définies pour lesquels un plafond d’exonération est fixé à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; d’autre part, les taux sont très inférieurs aux taux de cotisation pratiqués pour les autres régimes de retraite supplémentaires d’entreprise (entre 30,93 et 51,23% selon le niveau de salaire).

Ces contributions sont aujourd’hui affectées au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), mais les montants prélevés sont extrêmement faibles : en 2008, 28,7 millions d’euros seulement ont été comptabilisées au titre de la contribution de l’article L. 137-11.

2. Une réalité mal connue et des abus manifestes

a) Des données très insuffisantes

Les données précises et chiffrées dont on dispose sur les régimes de l’article L. 137-11 sont très parcellaires.

Sur le nombre de régimes existant pour commencer : l’on sait qu’en 2008, 841 entreprises se sont acquittées d’une contribution, au titre des rentes versées (pour 294 d’entre elles) ou au titre des cotisations versées (pour 547 d’entre elles). Par ailleurs, la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) estime à 5 400 le nombre d’entreprises concernées. Le hiatus pourrait correspondre à des entreprises ayant choisi le prélèvement sur rentes, mais dont le montant de rente mensuelle versée par individu serait inférieur à 953 euros.

Malheureusement, la Direction de la sécurité sociale ne dispose pas de ses propres statistiques car les URSSAF ne semblent pas conserver, ou du moins centraliser, l’information qui leur est obligatoirement transmise lors de la création du régime, en particulier concernant le choix du mode de contribution. Ceci est très regrettable.

Sur le nombre de personnes bénéficiaires, ici encore, l’incertitude domine : d’après la FFSA, le nombre de bénéficiaires serait de 1 million, mais il s’agit en réalité du nombre de personnes potentiellement couvertes par les régimes, or les entreprises qui mettent en place un régime « chapeau » sur un régime à cotisations définies comptabilisent sans doute l’ensemble des salariés affiliés au régime à cotisations définies, alors que très peu bénéficieront de l’article L. 137-11.

De même, l’on ne dispose pas de statistiques précises sur le nombre d’entreprises gérant leur système de retraite en interne et le nombre d’entreprises faisant appel à un organisme externe.

Concernant enfin les bénéficiaires des rentes versées, l’ACOSS ne dispose d’aucune statistique alors que la circulaire n° 2004/105 du 8 mars 2004 stipule clairement que « quel que soit le mode de gestion du régime, l’employeur devra établir, sur support papier ou support magnétique, un état récapitulatif annuel indiquant pour chaque ancien salarié bénéficiaire de la rente : la date de prise d’effet de la rente ; le montant des rentes versées à chaque échéance de versement intervenu au cours de l’année civile ». Certes, une telle information serait partielle puisqu’elle ne concernerait que les rentes versées par les entreprises ayant choisi la contribution assise sur les rentes, mais cela permettrait au moins d’avoir une idée, même approximative, du montant moyen des rentes versées.

La mission d’information de la commission des lois consacrée aux rémunérations des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de marchés a pu néanmoins réunir un certain nombre d’éléments :

« Actuellement, trente-quatre des quarante valeurs les plus importantes de la place de Paris font bénéficier leurs dirigeants de telles retraites additives. Dans certains cas, le régime est partagé par l’ensemble des salariés du groupe, à l’instar du mécanisme en vigueur au sein de Saint-Gobain, GDF-Suez ou Suez environnement. Dans d’autres cas, plus nombreux à vrai dire, le régime de retraite supplémentaire est réservé à un petit nombre de cadres supérieurs, quand il n’a pas pour seul bénéficiaire le président-directeur général de la société. À France Télécom, seulement 140 cadres et le président-directeur général se trouvent en situation d’obtenir une retraite supplémentaire qui peut égaler, dans le cas du plus haut dirigeant notamment, jusqu’à 20,8 % de la meilleure moyenne annuelle de ses rémunérations brutes des trente-six derniers mois d’activité. Pour mémoire et, à titre de comparaison, le régime général des salariés du privé est déterminé sur la base de la rémunération perçue lors des vingt-cinq meilleures années, ce qui induit un effet de lissage considérablement plus fort » (1)

Ces éléments restent néanmoins parcellaires et votre rapporteur regrette profondément le peu d’informations disponibles sur ce dispositif et souhaiterait que le Gouvernement puisse fournir au Parlement les informations lui permettant de légiférer en toute connaissance de cause.

b) Des abus manifestes

La mission d’information de la commission des lois s’est faite l’écho de cas individuels particulièrement choquants :

« Le cas le plus emblématique de ces dernières années est celui de l’ancien président-directeur général du groupe Carrefour, M. Daniel Bernard. Afin de lui assurer une retraite annuelle de 1,2 million d’euros, l’entreprise avait dû provisionner dans ses comptes pas moins de 29 millions d’euros. Dans une décision rendue le 7 octobre 2008, la Cour d’appel de Paris a néanmoins prononcé la nullité de la convention sur laquelle reposait cette retraite supplémentaire, en raison non seulement d’un défaut d’autorisation préalable du conseil d’administration du groupe Carrefour et, de surcroît, des conséquences dommageables que cet avantage revêtait pour la société.

« Il n’en demeure pas moins que de tels montants semblent monnaie courante dans les grandes sociétés cotées. À titre d’illustration, on mentionnera qu’Antoine Zacharias (ancien PDG de Vinci) est assuré de percevoir 2,2 millions d’euros chaque année à ce titre, que MM. Jean-René Fourtou (Vivendi) et Alain Joly (Air Liquide) bénéficient d’une retraite annuelle de 1,2 million d’euros, tandis que M. Bertrand Colomb (Lafarge) se voit verser une rente de 1 million d’euros tous les ans du fait de ses anciennes fonctions. »

Et le rapporteur Philippe Houillon de préciser, lucide : « Tous ces avantages sont nécessairement avalisés par les conseils d’administration ou de surveillance des entreprises. Cette formalité ne pose cependant pas beaucoup de problèmes, dans la mesure où les membres de ces conseils entretiennent le plus souvent des relations étroites avec les dirigeants opérationnels, quand ils ne bénéficient pas pour une part d’entre eux des mêmes acquis. »

3. La nécessité d’une réforme

a) Les propositions du MEDEF

Le mécanisme des retraites supplémentaires à prestations définies engendre le plus souvent à la charge des sociétés concernées des provisions de plusieurs millions d’euros pour un nombre très réduit de bénéficiaires. Les organisations professionnelles des entreprises ont reconnu implicitement l’existence d’abus, à l’occasion de l’élaboration de leurs dernières recommandations sur les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux. À cette occasion, elles ont souhaité poser des exigences de bon sens, à savoir que :

– le groupe de bénéficiaires potentiels soit sensiblement plus large que les seuls mandataires sociaux ;

– les bénéficiaires satisfassent des conditions raisonnables d’ancienneté dans l’entreprise, fixées préalablement par le conseil d’administration ou le directoire ;

– les droits potentiels ne représentent qu’un pourcentage limité de la rémunération fixe de chaque bénéficiaire ;

– la période de référence prise en compte pour le calcul des prestations soit de plusieurs années, tout gonflement artificiel de rémunération sur cette période à seule fin d’augmenter le rendement du régime de retraite se voyant proscrit.

Il est encore trop tôt pour dresser un bilan de ces recommandations, mais votre rapporteur doute qu’elles suffisent à régler l’ensemble des problèmes.

b) Des restrictions bienvenues pour les entreprises bénéficiant de l’aide de l’État

Parmi les mesures de soutien à l’économie prises ces derniers mois, figurent des prêts accordés aux entreprises par l’intermédiaire du Fonds de développement économique et social, et des aides de nature financière accordées notamment au secteur bancaire. Dans ce cadre, le décret n° 2009-348 du 30 mars a précisé les modalités de restrictions et d’encadrement des rémunérations des dirigeants, que devaient contenir ces conventions, pour le secteur bancaire et celui de l’automobile.

Un second décret prévoit l’application, désormais, de ces restrictions et interdictions en matière de rémunérations et d’attributions d’options ou d’action à toutes les entreprises bénéficiaires des prêts du Fonds de développement économique et social, pour un montant supérieur à 25 millions d’euros. En outre, il interdit la création d’un régime de retraite à prestations définies au bénéfice des dirigeants de ces mêmes entreprises.

S’agissant des régimes déjà mis en œuvre avant l’entrée en vigueur de la loi de finances rectificative n° 2009-431 du 20 avril 2009, soit le 23 avril 2009, les avantages ne peuvent plus être étendus à de nouvelles catégories de dirigeants. L’octroi de droits potentiels plus favorables leur est également interdit.

Ces dispositions s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2010.

c) Le dispositif proposé : un premier pas dans la bonne direction

Le présent article propose de doubler le taux du prélèvement sur les contributions des entreprises, quel que soit le mode de prélèvement choisi par l’entreprise.

Pour les rentes versées par l’entreprise, le taux passerait ainsi de 8 à 16 % et pour les cotisations, le taux passerait de 6 à 12 % pour les régimes gérés en externe et de 12 à 24 % pour les régimes gérés en interne. Le taux de 12 % sur les primes gérées en externe correspond au total CSG + CRDS + forfait social qui est prélevé sur les cotisations des entreprises aux régimes à cotisations définies inférieures au plafond fixé à l’article L. 242-1.

Cela permettrait, très logiquement, de doubler le montant des recettes affectées au FSV, qui devraient dépasser les 50 millions d’euros. Cela est indiscutablement une bonne chose, même si l’on est très éloigné des ressources nécessaires pour équilibrer le FSV dont le déficit sera, il faut le rappeler, de presque 4,5 milliards d’euros en 2010.

Néanmoins, le doublement des prélèvements ne remet pas en cause l’avantage essentiel dont bénéficient les régimes de l’article L. 137-11, c’est-à-dire l’absence de plafonnement à l’exonération de cotisations sociales. Aussi votre rapporteur est-il quelque peu sceptique quant aux effets structurels de la mesure proposée : dans l’étude d’impact jointe au projet de loi, il est indiqué que « l’augmentation des prélèvements à la charge des employeurs incitera ceux-ci à réorienter leur participation à la constitution de droits à retraite supplémentaire vers les régimes de droit commun (régimes de retraite supplémentaire répondant aux conditions pour bénéficier de l’exonération prévue à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale). » Si l’on ne remet pas en cause l’absence de plafond, une telle perspective semble particulièrement incertaine.

d) La nécessité d’aller plus loin

Pour votre rapporteur, il est nécessaire et possible d’aller plus loin dans l’encadrement de ce dispositif dérogatoire. Différentes pistes de travail sont possibles :

– le Parlement doit d’abord disposer d’informations beaucoup plus précises sur le nombre d’entreprises concernées, le mode de gestion choisi, interne ou externe, le choix du prélèvement, sur les rentes ou sur les primes, et le montant moyen des rentes versées ;

– l’on pourrait ensuite supprimer le plancher, très élevé, près de mille euros, pour la contribution assise sur les rentes ;

– il serait également possible de prévoir un taux de prélèvement progressif sur les rentes : au-delà d’un certain niveau de rente mensuelle, il serait normal que le taux de prélèvement soit plus élevé ;

– l’on pourrait aussi envisager de prévoir une durée minimale de présence dans l’entreprise pour bénéficier du dispositif et poser le principe d’une proratisation de la rente au nombre d’années passées dans l’entreprise ;

– il faudrait réfléchir à la possibilité d’instaurer un plafond à l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les régimes de l’article L. 137-11 ;

– enfin, la suppression de la possibilité de gérer ce type de régimes en interne devrait être supprimée, ce qui serait un gage de clarification et de transparence.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 355 du rapporteur, tendant à proposer une nouvelle rédaction de l’article.

M. Yves Bur, rapporteur. L’amendement vise à réformer le système des retraites « chapeau », qui est d’une grande opacité : les fonds seraient désormais exclusivement gérés par des organismes d’assurance, la taxation n’interviendrait plus qu’au moment du versement de la rente et les contributions seraient progressives – exonération jusqu’à 953 euros ; 16 % ensuite, jusqu’à 2 853 euros ; 31 % au-delà. Ce dispositif serait plus transparent, plus lisible et plus équitable.

M. Gérard Bapt. Pourquoi faire si compliqué ? L’amendement AS 253, que nous défendrons tout à l’heure, propose plus simplement de réintégrer les retraites « chapeau » dans le droit commun.

M. le président Pierre Méhaignerie. Certes, mais je vous indique que l’adoption de l’amendement AS 355 rendrait sans objet les autres amendements déposés sur l’article.

La Commission adopte l’amendement AS 355 du rapporteur (amendement n° 8), rendant sans objet les amendements AS 142 de Mme Martine Billard, AS 356 du rapporteur, AS 143 de Mme Martine Billard, AS 19 de M. Jean-Luc Préel, AS 253 de Mme Marisol Touraine et AS 357 du rapporteur.

En conséquence, l’article 14 est ainsi rédigé.

Après l’article 14

La Commission est saisie de quatre amendements portant articles additionnels après l’article 14. Elle examine d’abord l’amendement AS 310 du rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement, premier d’une série visant à nettoyer diverses niches fiscales et sociales, tend à assurer la cohérence avec les dispositions de la loi sur le tourisme que nous avons votée voici quelques mois et qui soumet à la CSG et à la CRDS les chèques-vacances distribués par les entreprises de moins de 50 salariés. Il semble, en effet, cohérent d’assurer une égalité de traitement en appliquant également ces contributions, lorsque ces chèques sont distribués par des entreprises de plus de 50 salariés et financés intégralement par le comité d’entreprise.

M. Dominique Tian. Dans le cadre de ce projet de loi de financement « d’attente », gardons-nous d’entrer dans une surenchère avec les mesures proposées par le Gouvernement, surtout pour tondre des œufs ! Les chèques-vacances ne sont pas une « niche sociale » et leur assujettissement à la CSG et à la CRDS touchera des salariés peu fortunés. Je ne voterai pas cet amendement.

M. Yves Bur, rapporteur. Il semble cohérent de soumettre au même régime tous les chèques-vacances, quelle que soit la taille des entreprises qui les distribuent.

Mme Martine Billard. Vous savez traquer les niches qui bénéficient à ceux qui ont le moins, mais pas celles qui profitent aux hauts revenus, déjà exonérés grâce au bouclier fiscal. Nous pourrons vous fournir, si vous le souhaitez, une liste de niches, dont la suppression pourrait profiter au budget général et aux comptes sociaux. Faut-il rappeler que ce projet de loi prévoit de taxer, outre les chèques-vacances, les indemnités de départ en retraite et les indemnités journalières versées au titre des accidents du travail ?

M. Gérard Bapt. Le problème est d’abord de méthode : la loi organique relative aux lois de finances n’exclut-elle pas qu’un texte relatif, comme ici, au tourisme puisse avoir une incidence sur une loi de finances ou sur une loi de financement de la sécurité sociale ? Par ailleurs, l’augmentation des prélèvements sur les retraites « chapeau », que nous venons d’adopter, épargnera ceux qui bénéficient du bouclier fiscal – ce qui n’est certes pas le cas des utilisateurs de chèques-vacances.

M. Patrick Roy. Nous touchons là ce qui sépare la gauche et la droite : vous vous en prenez aux petites niches destinées aux petites gens, pour qui vous n’avez aucune indulgence, mais quand on touche à vos amis, qui profitent du bouclier fiscal, vous êtes sourds, muets et aveugles. C’est intolérable et incompréhensible. Expliquez-nous, les yeux dans les yeux, les raisons de cette politique des deux poids, deux mesures !

M. Dominique Dord. On nous a dit au début de ce débat qu’il ne s’agirait pas de faire un grand ménage des différentes niches. S’il me semble donc légitime de prendre, comme nous venons de le faire pour les retraites « chapeau », des mesures qui vont dans le sens de la moralisation de la vie économique et financière, je suis plus réservé sur l’amendement AS 310.

M. Catherine Lemorton. Pourquoi la mise en cohérence que vous invoquez en faveur de cet amendement ne s’applique-t-elle pas aux retraites « chapeau » ?

M. Georges Colombier. Je ne voterai pas non plus cet amendement. Après avoir travaillé vingt-huit ans dans l’industrie, j’aurais l’impression de donner un coup de poignard à mes anciens collègues.

M. Yves Bur, rapporteur. En entreprenant un travail de nettoyage des niches, je savais m’attaquer à forte partie. Plutôt que de recourir à un amendement global, j’ai voulu procéder niche par niche. D’autres amendements seront ainsi consacrés à la suppression des avantages relatifs au droit à l’image des sportifs, au secteur des hôtels-cafés-restaurants, ainsi qu’à l’intéressement des dirigeants d’entreprise.

Pour en revenir aux chèques-vacances, je rappelle que, dans le dispositif actuel, seuls ceux qui sont distribués par les entreprises de plus de 50 salariés et financés intégralement par les comités d’entreprise sont exonérés de contributions sociales. Le rapporteur du projet de loi sur le tourisme reconnaissait lui-même qu’il serait plus cohérent de soumettre tous les chèques au même régime.

Cette question doit être replacée dans le contexte de la nécessaire remise en ordre de l’ensemble des niches – et, en l’espèce, examinée à la lumière de l’ensemble de mes amendements.

M. le président Pierre Méhaignerie. Dans le cadre d’un projet de loi de financement « d’attente », il faut user de pédagogie pour bien expliquer les mesures proposées. Je répète souvent qu’une idée fausse, mais simple, est souvent plus puissante qu’une idée vraie, mais complexe – comme celle qui nous est proposée. Au vu de vos réactions, chers collègues, il me semble que la prudence s’impose et qu’il faut éviter de nous exposer à la caricature.

M. Dominique Dord. Nous ne sommes nullement hostiles à un réexamen de toutes les niches, mais il y faut une cohérence d’ensemble et la définition d’un ordre de priorité, faute de quoi nous nous exposerions, en effet, à la caricature.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Alors que bien des Français ont du mal à partir en vacances, l’amendement proposé touche à un symbole et son adoption ne serait pas comprise. En outre, la démarche doit être globale : ne procédons pas petit morceau par petit morceau !

Mme Martine Billard. Les niches se justifient si elles ont une utilité environnementale ou sociale – ce qui est précisément le cas de celle-ci, étant donné que plus de la moitié de la population ne part pas en vacances. Si les chèques-vacances sont soumis aux prélèvements sociaux, les comités d’entreprise en distribueront moins, ou d’un montant moindre, ce qui rendra plus difficile pour ceux qui ont de petits revenus de partir en vacances.

M. Jean Mallot. On ne peut en effet traiter des chèques-vacances sans examiner l’ensemble des niches sociales. À la limite même, il faudrait une deuxième délibération de l’amendement que nous venons d’adopter sur les retraites « chapeau ».

M. Yves Bur. Je retire mon amendement.

Article additionnel après l’article 14

Entrée en vigueur de la contribution salariale sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions

Elle est ensuite saisie des amendements AS 311 du rapporteur, AS 87 de Mme Marisol Touraine et AS 145 de Mme Jacqueline Fraysse, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

M. Yves Bur, rapporteur. Les stock-options sont une autre niche. Le dispositif que j’avais proposé voici deux ans pour instaurer une contribution sur les levées d’options avait été adopté par notre assemblée, mais rejeté par le Sénat. L’amendement AS 145 propose que cette contribution porte sur les levées d’options réalisées dès cette année.

M. Michel Issindou. Peut-on évaluer le rendement de cette mesure ?

M. Yves Bur, rapporteur. La crise rend difficile d’en apprécier l’impact. Voici deux ans, j’estimais que les recettes seraient de l’ordre de 150 millions d’euros.

Si, comme le suggérait la Cour des comptes, on soumettait les stock-options au droit commun, les recettes pourraient être substantielles – et cela contribuerait en outre à réduire la part des salaires indirects, comme le souhaite le président Méhaignerie. Il faut cependant veiller à préserver l’attractivité de notre pays pour les cadres dirigeants et éviter l’« expatriation » de ceux-ci. Avec mon amendement, la France se situerait dans la moyenne de ses voisins. Dans le cadre d’une mission d’information commune menée avec la Commission des finances, Gérard Bapt et moi-même étions parvenus à la conclusion qu’une « flat tax » devrait s’appliquer sur l’ensemble des niches sociales – mon collègue souhaitant toutefois maintenir l’exonération des chèques-restaurant et des chèques-vacances.

M. Michel Issindou. La situation que nous connaissons depuis l’année dernière montre qu’il faut moraliser l’économie. Sans remettre en cause le bien-fondé des stock-options pour le développement des entreprises, l’amendement AS 87 propose de leur appliquer le régime du droit commun. Puisqu’on cherche des recettes, il faut avoir le courage d’aller les chercher – et de le faire autrement qu’en taxant les chèques-vacances. Là où vous évoquez des recettes de 150 millions, la Cour des comptes envisageait un chiffre bien plus élevé. Les bénéficiaires des stock-options ne seront pas trop défavorisés ! La mesure que nous proposons est de justice sociale et fiscale.

M. Dominique Dord. En cette année de crise économique et morale aiguë, nous nous honorerions si notre projet de loi de financement, sans faire la chasse à toutes les niches, comportait au moins des « marqueurs » forts sur les retraites « chapeau » et sur les stock-options – sous réserve toutefois de nous assurer qu’il n’y ait pas un trop grand écart avec les pratiques qui ont cours chez nos voisins.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je suis très sensible à cette argumentation. Malgré le reproche qui nous a été fait par nos collègues du Nouveau Centre de ne pas honorer notre engagement de raboter toutes les niches, Gilles Carrez et moi-même avons jugé préférable de prendre le temps de la pédagogie, afin de traiter un ensemble de questions beaucoup plus vaste et d’attendre pour ce faire la sortie de crise.

Dans sa forme actuelle, le mécanisme d’allégement des charges crée une trappe à bas salaires. À 1 SMIC, les cotisations patronales sont de 19 % ; à 1,2 SMIC, de 31 %. De ce fait, les entreprises sont incitées à ne pas augmenter les salaires de ceux qui gagnent le SMIC, quitte à leur octroyer un treizième ou un quatorzième mois, ou des avantages connexes. Du point de vue sociologique, ce système est dévalorisant pour les salariés concernés. Je proposerai que soit mis en place un groupe de travail consacré à la révision de l’ensemble de ce système, révision qui devrait permettre de gagner 8 à 10 milliards d’euros sans porter atteinte à la compétitivité des entreprises.

Pour cette année, tenons-nous en à quelques mesures à caractère moral, et donnons-nous six mois pour revoir l’ensemble des questions.

M. Gérard Bapt. Le groupe de travail que vous projetez risque de répéter les auditions auxquelles a déjà procédé la mission commune qui vient d’être évoquée.

M. le président Pierre Méhaignerie. Devant le Congrès, le 22 juin, le Président de la République a souhaité qu’il soit procédé à une remise en cause profonde. J’ajouterai pour ma part que les marqueurs d’hier ne peuvent pas être ceux de demain. Ainsi, alors que le financement de l’assurance maladie était pratiquement équilibré et que nous prévoyions de consacrer 1,5 point de la cotisation de l’UNEDIC au financement du cinquième risque et à l’équilibre du système de l’assurance maladie, cet espoir s’est écroulé.

M. Yves Bur, rapporteur. La mission que nous avons menée sur les exonérations de charges nous a permis de constater que celles-ci ne pouvaient être considérées comme un cadeau fait aux entreprises et qu’elles ont permis de créer ou sauver de 700 000 à 800 000 emplois. Les syndicats ont d’ailleurs refusé de revenir sur ces dispositifs, de craindre de fragiliser certaines entreprises. Dans une période déprimée, il pourrait en effet être dangereux de supprimer certaines exonérations, car, au-delà des recettes qu’on pourrait en escompter, c’est l’emploi qui est en jeu. Une grande prudence s’imposera donc, lorsque nous examinerons tout à l’heure certains amendements du groupe socialiste.

M. le président Pierre Méhaignerie. Pour éviter la trappe à bas salaires, on pourrait envisager d’harmoniser les cotisations à 26 % pour les salaires situés entre 1 et 1,2 SMIC – la moyenne européenne des cotisations patronales se situant à 32 %. Si le SMIC n’augmente pas plus que le salaire moyen, les fédérations syndicales préfèreront sécuriser un forfait sur le long terme. Cette mesure de simplification, qui concernerait avant tout les services – les salaires de l’industrie se situant plutôt entre 1,1 et 1,4 SMIC – serait encore plus efficace si on y ajoutait la barémisation. Toutefois, ce débat ne peut pas avoir lieu avant la sortie de crise.

M. Jean-Luc Préel. Quand prendra-t-on des mesures pour trouver des moyens financiers ? La proposition d’augmenter la CRDS de 0,2 point a été repoussée à des temps meilleurs, mais les finances de la sécurité sociale ne s’amélioreront certainement pas cette année.

Quant aux exonérations, sont-elles justifiées pour toutes les entreprises, et n’améliorerait-on pas le système en en réduisant certaines ? Il est certes très difficile de s’attaquer aux niches, mais il me semblerait tout à fait justifié de taxer les stock-options comme des salaires. Cette mesure, qui ne pénaliserait pas les petits, donnerait un signal.

M. Dominique Tian. Si le système des stock-options existe dans le monde entier, c’est probablement parce qu’il présente un intérêt. Si nous ne cessons de rogner des avantages que les autres pays européens accordent largement, ne nous plaignons pas de la médiocrité du management des entreprises françaises. Certaines niches ont leur utilité : on en crée actuellement pour l’environnement et il ne me semble pas que l’on songe à supprimer celles qui s’appliquent à l’outre-mer ; la loi Malraux favorise l’investissement en centre-ville et le dispositif Scellier a sauvé l’immobilier. Ne nous acharnons donc pas à aggraver le texte du Gouvernement.

M. Dominique Dord. Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe des stock-options, qui ont une grande utilité pour les entreprises en fort développement. Mais, en cette période de crise, nos concitoyens sont sensibles à la moralisation de toutes les rémunérations extrasalariales. Ce qui est choquant n’est pas tant le fait que les banques gagnent de l’argent – car l’économie a besoin d’elles – que la manière dont elles rémunèrent certains de leurs acteurs. Mieux vaudrait taxer les stock-options ou les bonus que les résultats des banques.

La Commission adopte l’amendement AS 311 (amendement n° 9).

Mme Martine Billard. Tous les compléments de salaire, y compris l’intéressement, devraient être soumis aux taxations sociales prévues par la loi, afin d’éviter un déport du salaire vers d’autres dispositifs – déport qui pénalise d’ailleurs les salariés lors de leur départ en retraite. Tel est le sens de l’amendement AS 145.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Il est utile de rappeler que les bonus versés par les banques sont soumis aux contributions sociales selon le droit commun et fiscalisés. Pour ce qui concerne les stock-options, le dispositif que je propose est compatible avec les pratiques en vigueur dans d’autres pays, y compris aux Etats-Unis.

M. le président Pierre Méhaignerie. Si je suis favorable au dispositif Scellier, monsieur Tian, je m’interroge sur son cumul avec le prêt locatif social et les 30 % d’abattement sur les loyers perçus : c’est en effet jusqu’à 42 % du prix d’un logement qui peuvent être ainsi financés !

Après avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements AS 87 de Mme Marisol Touraine et AS 145 de Mme Martine Billard.

Article 15

Augmentation du forfait social

L’article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a institué une nouvelle contribution, dite « forfait social », à la charge de l’employeur, sur certains des rémunérations ou gains assujettis à la CSG mais exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale (articles L. 135-15 à L. 135-17 du code de la sécurité sociale). Le Gouvernement et le Parlement, à la suite des travaux de sa mission d’information commune aux commissions des affaires sociales et des finances sur les exonérations de cotisations sociales conclus en juin 2008, entendaient ainsi apporter une réponse à l’un des problèmes posés par la multiplication des « niches sociales » : l’absence de participation de ces sommes au financement de la sécurité sociale, créant corrélativement un risque de substitution de ces éléments de rémunération aux salaires, assujettis quant à eux à l’intégralité des cotisations et contributions sociales – risque attesté par une progression significativement plus rapide de l’assiette des premiers par rapport à celle des seconds.

Entré en vigueur le 1er janvier dernier, l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale pose le principe selon lequel l’ensemble des éléments de rémunération qui sont soumis à la CSG (article L. 136-1 du code de la sécurité sociale) et exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale (articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et L. 741-10 du code rural) sont soumis à une contribution à la charge de l’employeur. Autrement dit, le principe devient l’assujettissement, toute nouvelle exonération d’un élément de rémunération répondant à ces mêmes critères entrant dans l’assiette du forfait social, sans qu’il soit besoin de le prévoir expressément. Dès lors, ce n’est que si l’on souhaite exclure cet élément du forfait social qu’une disposition législative ad hoc devra venir modifier l’article L. 137-15. On rappellera toutefois qu’en retenant les rémunérations et gains assujettis à la CSG, le forfait social exclut ipso facto de son champ les divers titres de paiement (titre-restaurant, chèque emploi-service universel préfinancé et, pour les entreprises de plus de cinquante salariés, chèque-vacances).

L’article L. 137-15 prévoit en outre quatre exceptions limitativement énumérées, excluant ainsi de l’assiette :

– les avantages résultant de l’attribution de stock-options ou d’actions gratuites, déjà assujettis à des contributions patronale et salariale de 2,5 % (articles L. 137-13 et L. 137-14 du code de la sécurité sociale) ;

– les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance complémentaire (2° de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 2° de l’article L. 741-10 du code rural), déjà assujetties à une contribution de 8 % (article L. 137-11 du code de la sécurité sociale) ;

– les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail (douzième alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et troisième alinéa de l’article L. 741-10 du code rural) ;

– la participation de l’employeur au financement des chèques-vacances dans les entreprises de moins de cinquante salariés (article L. 411-9 du code du tourisme), par souci de cohérence et d’équité avec l’exonération dont bénéficient les chèques-vacances dans les entreprises de plus de cinquante salariés du fait de leur non-assujettissement à la CSG.

La contribution est donc due sur les éléments de rémunération suivants :

– les contributions des employeurs destinées à financer des prestations de retraite supplémentaire, à l’exclusion de celles régies par l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale (régimes à prestations définies avec condition d’achèvement de la carrière dans l’entreprise, c’est-à-dire les retraites « chapeau », déjà assujetties par ailleurs à une contribution spécifique) ;

– les sommes versées au titre de la participation et du supplément de réserve spéciale de participation ;

– les sommes versées au titre de l’intéressement, du supplément d’intéressement et de l’intéressement de projet ;

– l’abondement de l’employeur aux plans d’épargne d’entreprise (PEE) et plans d’épargne retraite collectifs (PERCO) ; s’agissant des PERCO, le forfait social se cumule avec la contribution de 8,2 % sur la part de l’abondement excédant 2 300 euros destinée au Fonds de réserve pour les retraites (article L. 137-5 du code de la sécurité sociale) ;

– la part de rémunération correspondant à la commercialisation de l’image collective de l’équipe versée aux sportifs.

Le taux de cette contribution est fixé à 2 % (article L. 137-16 du code de la sécurité sociale) et son produit est intégralement affecté à la Caisse nationale d’assurance maladie. Pour une assiette évaluée à 20 milliards d’euros, son rendement attendu pour 2009 était donc de l’ordre de 400 millions d’euros. Le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2009 prévoyait cependant un produit de 410 millions d’euros en 2009, estimation révisée à 360 millions d’euros (dont 140 millions d’euros au titre de la participation, 125 millions d’euros au titre de l’intéressement et 62 millions d’euros au titre de la retraite supplémentaire) à l’occasion de la réunion du 1er octobre dernier, qui donnait par ailleurs un montant de 380 millions d’euros pour 2010.

Le I du présent article procède au doublement du taux de la contribution, qui passe ainsi de 2 % à 4 %, le II précisant que ce nouveau taux s’applique à compter du 1er janvier 2010. Bénéficiant intégralement à l’assurance maladie, la recette supplémentaire est évaluée à 380 millions d’euros, portant le produit total d forfait social à 760 millions d’euros (dont 296 millions d’euros au titre de la participation, 264 millions d’euros au titre de l’intéressement et 127 millions d’euros au titre de la retraite supplémentaire). En outre, l’application du forfait social au bonus exceptionnel pour l’outre-mer (cf. commentaire de l’article 19) devrait général une recette supplémentaire d’un montant de 18 millions d’euros.

Selon les informations communiquées au rapporteur, l’assiette de la contribution évoluerait en 2009 et en 2010 comme récapitulé dans le tableau ci-après :

Assiette du forfait social

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

Participation

6,9

7,4

Intéressement

6,2

6,6

Plan d’épargne-entreprise

1,5

1,5

Retraite supplémentaire

3,1

3,2

Plan d’épargne pour la retraite collectif

0,2

0,2

Droit à l’image des sportifs

0,1

0,1

Total

18,0

19,0

Source : Gouvernement

Le nombre de salariés concernés par le forfait social variait, en 2007, entre 367 000 (bénéficiaires d’un abondement PERCO) et 5 500 000 (bénéficiaires de la participation).

Dans sa réponse au questionnaire écrit de votre rapporteur, le Gouvernement évalue le produit du forfait social s’il s’était appliqué aux assiettes qui en sont explicitement exonérées.

Produit du forfait social sur les rémunérations
qui en sont explicitement exclues (2009-2010)

(en millions d’euros)

 

2009

2010

Stock-options et attributions gratuites d’actions

30

70

Contributions des employeurs au financement de prestations complémentaires de prévoyance

260

540

Indemnités de licenciement

60

140

Indemnités de mise à la retraite

10

20

Indemnités de rupture conventionnelle

8

17

Participation des entreprises de moins de 50 salariés au financement des chèques-vacances

10

16

Titres-restaurant

50

110

Chèques-vacances

10

16

Avantages accordés par les comités d’entreprise dans le cadre de leurs activités sociales et culturelles

50

110

Total

488

1 040

Source : Gouvernement

Autrement dit, avec une stricte application du principe énoncé par l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale selon lequel l’ensemble des éléments de rémunération qui sont soumis à la CSG et exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale doivent acquitter le forfait social, le produit de celui-ci se serait élevé à 848 millions d’euros en 2009 et 1,8 milliard d’euros en 2010.

Lors de l’instauration du forfait social, les pertes de recettes résultant de leur non-assujettissement aux cotisations et contributions de droit commun avaient été évaluées à 4 milliards d’euros. Le rapporteur comme le Gouvernement admettaient alors bien volontiers qu’il s’agissait d’un premier pas en la matière, certes très important du point de vue des principes, mais « très modéré » du point de vue du taux.

Il est donc logique que le présent article poursuive dans l’esprit de l’initiative engagée par la précédente loi de financement. On se souviendra d’ailleurs que la mission d’information commune plaidait non seulement pour un taux plus élevé (5 %), mais aussi pour une assiette englobant l’ensemble des « niches sociales », selon le principe d’une contribution à taux faible mais à assiette universelle, seule de nature à susciter une acceptation du processus de remise en cause de ces avantages.

Souhaitant aller plus loin dans cette direction, votre commission, à l’initiative de votre rapporteur, a souhaité assujettir au forfait social les sommes liées à l’intéressement, à la participation et à l’épargne salariale dont bénéficient, sous certaines conditions, les dirigeants d’entreprise.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 197 de M. Dominique Tian, de suppression de l’article.

M. Dominique Tian. Tout d’abord, je précise à Martine Billard que la CSG et la CRDS sont prélevées sur les sommes accordées à l’intéressement.

Mme Martine Billard. Certes, mais depuis peu.

M. Dominique Tian. A titre exceptionnel, le forfait social voté l’an dernier visait à taxer à hauteur de 2 % les sommes versées par les entreprises au titre de l’intéressement des salariés. Or, non seulement ce dispositif demeure mais la taxation double. L’amendement AS 197 tend donc à supprimer ce très mauvais signal donné aux entreprises.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. La mission commune entre les commissions des finances et des affaires sociales avait conclu naguère à la nécessité d’instaurer une flat tax, par définition à faible taux et à large assiette. Le Gouvernement avait, quant à lui, retenu l’idée d’une assiette plus étroite, limitée à l’épargne salariale. J’ajoute que les assiettes exemptées ont augmenté de 6,2 % chaque année depuis 2000, cependant que la croissance de la masse salariale n’a été que de 2,7 %. Enfin, outre que le passage du taux de forfait social à 4 % se rapprochera des préconisations de la mission commune, la somme prélevée n’est guère exorbitante, puisqu’elle s’élève à 760 millions.

La Commission rejette l’amendement AS 197.

Elle examine ensuite l’amendement AS 85 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Issindou. Cet amendement vise à soumettre au forfait social de 4 % les revenus tirés des « parachutes dorés ».

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable : une taxation au premier euro des « parachutes dorés » dépassant 500 000 euros a été votée l’an dernier, une exonération étant par ailleurs prévue jusqu’à 200 000 euros.

La Commission rejette l’amendement AS 85.

Elle est ensuite saisie de deux amendements, AS 144 de Mme Jacqueline Fraysse et AS 84 de Mme Marisol Touraine, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

Mme Martine Billard. L’amendement AS 144 tend à rapprocher le taux du forfait social de celui des cotisations sociales sur les salaires, en le portant à 20 %.

M. Michel Issindou. L’amendement AS 84 porte le taux à 23 % pour les mêmes raisons.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements AS 144 et AS 84.

Elle examine ensuite l’amendement AS 312 du rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement tend à soumettre au forfait social les dispositifs d’intéressement, de participation et d’épargne salariale dont peuvent bénéficier, dans certaines conditions, les dirigeants d’entreprise.

La Commission adopte l’amendement AS 312 (amendement n° 10).

Elle adopte ensuite l’article 15 ainsi modifié.

Article 16

Suppression du seuil annuel de cession de valeurs mobilières et droits sociaux pour l’imposition des plus-values aux prélèvements sociaux

Le présent article vise à assujettir aux prélèvements sociaux dès le premier euro les plus-values de cession de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés réalisées par les particuliers résidant fiscalement en France.

Ces plus-values sont imposables à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 18 % (articles 150-0 A à 150-0 F du code général des impôts) et aux prélèvements sociaux au taux global de 12,1 %, se décomposant en 8,2 % de CSG, 0,5 % de CRDS, 2 % de prélèvement sur les revenus du capital, 0,3 % de contribution à la CNSA et 1,1 % de contribution au financement du RSA.

Elles sont toutefois exonérées dès lors que leur montant annuel n’excède pas un seuil, fixé à 25 730 euros pour 2009. D’un montant de 7 650 euros en 2002, il a porté jusqu’à 25 000 euros en 2008. Depuis lors, il est actualisé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu de l’année précédant celle de la cession et sur la base du seuil retenu au titre de cette année.

Ce seuil s’applique tant en matière fiscale que sociale, mais le budget de l’État a déjà pris en compte la minoration des recettes résultant de la forte augmentation du seuil, puisque le taux forfaitaire a été porté de 16 % à 18 % en 2008. Tel n’est pas le cas des régimes sociaux, qui, selon la fiche d’évaluation jointe au présent article, subiraient de ce fait une perte de recettes de 113 millions d’euros.

Depuis 2004, les recettes sociales au titre des plus-values de cession de valeurs mobilières ont évolué comme suit, le taux de prélèvement passant de 10,3 % à 12,1 %.

Prélèvements sociaux sur les plus-values de cession
de valeurs mobilières (2004-2010)

(en millions d’euros)

Année de déclaration des revenus

Produit

2004

878

2005

1 162

2006

1 339

2007

1 574

2008

1 713

2009 (*)

1 319

2010 (*)

1 187

(*) Données brutes.

Source : direction de la sécurité sociale

Le 1° du I complète l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale en soumettant à la CSG sur les revenus des produits du patrimoine :

– les gains nets exonérés en application du 1 du I de l’article 150-0 A du code général des impôts ;

– les gains nets exonérés en application du I bis du même article ainsi que les plus-values exonérées en application du 7 du III du même article ;

– les plus-values à long terme exonérées en application de l’article 151 septies A du code général des impôts ;

– les revenus, produits et gains exonérés en application du II de l’article 155 B du code général des impôts.

Les premières recettes au titre de cette nouvelle mesure ne seront encaissées que durant l’exercice 2011 sur les cessions réalisées à partir du 1er janvier 2010. Le produit attendu est de 113 millions d’euros par an. Comme les contributions sociales financent l’ensemble des régimes et des fonds, ces sommes bénéficieront à la fois à la branche maladie (55 millions d’euros), à la branche famille (10 millions d’euros) et à la branche vieillesse (5 millions d’euros), mais aussi au FSV (8 millions d’euros), à la CNSA (4 millions d’euros), à la CADES (6 millions d’euros), au FRR (13 millions d’euros) et au Fonds national des solidarités actives (FNSA, 10 millions d’euros). À titre subsidiaire, l’augmentation du rendement des prélèvements sociaux sur le patrimoine engendrera mécaniquement un surcroît de recettes pour le budget général par le biais des frais d’assiette et de recouvrement.

Selon la fiche d’évaluation jointe au présent article, le nombre d’épargnants concernés serait de 2 300 000, ce chiffre constituant « sans doute un majorant du fait de l’existence du seuil de mise en recouvrement (61 euros) qui exclut du champ de la mesure les contribuables dont les revenus du patrimoine (revenus fonciers ou financiers principalement) sont modestes ». La mesure ne touchera donc pas les contribuables dont les revenus du patrimoine sont modestes (moins de 500 euros de revenus globaux du patrimoine, hors produits liés aux livrets A et développement durable ainsi qu’aux plans d’épargne-logement, à l’assurance vie, aux dividendes, …).

En « contrepartie » de cette nouvelle taxation, la possibilité est ouverte aux contribuables d’imputer sur les plus-values réalisées une année les moins-values constatées au titre non seulement de cette année, comme l’autorise déjà le droit en vigueur, mais aussi des dix années précédentes. À partir du moment où le principe de l’imposition est déconnecté du montant des cessions réalisées, c’est-à--dire que toute plus-value peut être taxée, il est raisonnable de ne taxer que les plus-values réellement dégagées par le patrimoine du contribuable, à savoir les gains nets réalisés sur une période de référence suffisamment longue.

Cette règle de calcul est en même temps étendue aux plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les marchés d’options négociables, soumis à l’impôt sur le revenu à un taux proportionnel, de même qu’aux distributions définies aux
7 et 8 du II de l’article 150-0 A du code général des impôts et au gain défini à l’article 150 duodecies du même code. L’évolution récente des marchés financiers rappelle les aléas que peuvent subir les valeurs mobilières sur une période somme toute assez courte. L’administration devra donc solliciter du contribuable une information sur le montant des moins-values en report.

Le 2° du I supprime le II bis de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, relatif aux revenus exonérés d’impôt, dans le souci d’alléger la rédaction du texte et éviter les redites et les renvois qu’impliquaient la nouvelle mesure concernant la détermination des revenus. Les 3° et 4° reprennent le contenu du II bis, sous réserve de rectifications d’erreurs de référence.

Les II à IV constituent une mise à jour de l’ordonnance de 1996. Jusqu’à présent, toute modification de la CRDS supposait de modifier au moins deux textes – l’ordonnance de 1996 et le code général des impôts. Le présent article traduit une volonté de simplification de la codification de la CRDS : dans l’avenir, il ne sera nécessaire que de modifier l’ordonnance de 1996, sans toutefois la codifier. Sont ainsi évités les problèmes de coordination, la technique du code suiveur ayant été abandonnée.

Le 2° du IV procède à une nouvelle rédaction des articles 1600-0 G à 1600-0 I – et non 1600–0 J comme indiqué par erreur – du code général des impôts : le renvoi du code général des impôts à l’ordonnance de 1996 permettra d’éviter une double réécriture de la CRDS, car seule l’ordonnance devra être modifiée.

Le 3° du IV abroge les articles 1600-0 K à 1600-0 M du code général des impôts, respectivement relatifs à la contribution à laquelle sont assujetties les ventes de métaux précieux, bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité soumises à la taxe prévue par l’article 150 VI et réalisées par les personnes désignées à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale, au taux des contributions instituées par les articles 1600-0 G à 1600-0 K (0,5 %) et au décret d’application des articles 1600-0 G à 1600-0 L.

Le 4° du IV prévoit une mesure de coordination à l’article 1649-0 A du code général des impôts pour le droit à restitution des impositions en fonction du revenu (« bouclier fiscal »). En effet, dès lors que les prélèvements sociaux payés sur les plus-values réalisées sous le seuil de cession de valeurs mobilières sont des impositions prises en compte pour la détermination du droit à restitution, il convient également de prendre en compte le revenu correspondant.

Le V prévoit l’entrée en vigueur du dispositif pour les gains nets réalisés à compter du 1er janvier 2010 et, s’agissant de l’inclusion dans le bouclier fiscal, pour leur montant net soumis à la CSG, des gains nets retirés des cessions de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés n’excédant pas le seuil de 25 730 euros, pour la détermination du plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés à compter de 2010. Selon la fiche d’évaluation jointe au projet de loi, la correction apportée au « bouclier fiscal » s’appliquerait pour la première fois en 2012, c’est-à-dire pour la détermination du droit à restitution acquis en 2012, par comparaison aux revenus réalisés en 2010, des impositions directes payées en 2010 et 2011 au titre de ces mêmes revenus et en 2011 au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune et des impôts locaux attachés à la résidence principale.

La fiche d’évaluation évoque le concept de « déconnexion des assiettes fiscale et sociale à compter du 1er janvier 2014 ». La loi de finances rectificative pour 2005 prévoit que les gains nets retirés des cessions d’actions et parts sociales peuvent dans certains cas être réduits d’un abattement égal à un tiers par année de détention au-delà de la cinquième, conduisant à une exonération totale d’impôt sur le revenu des plus-values réalisées sur des titres détenus depuis plus de huit ans. L’abattement pour durée de détention ne s’applique pas aux prélèvements sociaux, lesquels demeurent dus sur les gains nets de cession, avant application de l’abattement pour durée de détention.

Ce dispositif est entré en vigueur au 1er janvier 2006. Il ne sera applicable, en pratique, qu’aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2012 et l’exonération ne sera totale qu’à compter du 1er janvier 2014, dès lors que le délai de détention des titres détenus depuis le 1er janvier 2006 n’a commencé à courir qu’à compter de cette même date. Ainsi, le présent article n’introduit pas de complexité supplémentaire mais conduit à anticiper à la déclaration des revenus de 2010 les conséquences d’une évolution fiscale déjà adoptée par le Parlement qui doit entrer en vigueur lors de la déclaration des revenus de 2012.

Cette mesure vise donc à assurer la pérennité de l’assiette des prélèvements sociaux dans la mesure où l’indexation du seuil de cession sur la première tranche de l’impôt sur le revenu a un effet dépréciateur sur les recettes des administrations de sécurité sociale. Concrètement, si le montant annuel des cessions excède le seuil d’imposition à l’impôt sur le revenu (25 730 euros en 2009), les règles actuelles continuent de s’appliquer : imposition des plus-values à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux dès le premier euro. Si le montant annuel des cessions est inférieur ou égal au seuil d’imposition à l’impôt sur le revenu (25 730 euros en 2009) : imposition des plus-values aux seuls prélèvements sociaux.

*

La Commission adopte l’amendement de précision AS 313 du rapporteur (amendement n° 11).

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 146 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. L’amendement AS 146 vise à supprimer le report sur dix ans des moins-values.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 146.

Elle adopte ensuite l’amendement de coordination AS 314 du rapporteur (amendement n° 12).

Puis, elle adopte l’article 16 ainsi modifié.

Article 17

Aménagement du régime des contrats d’assurance vie au regard des contributions sociales en cas de décès

Le présent article vise à mettre fin à l’exonération de prélèvements sociaux dont bénéficient les contrats d’assurance vie comprenant des unités de compte en cas de décès de leur titulaire.

En cas de décès d’une personne ayant souscrit un contrat d’assurance vie pendant la durée de ce contrat, une disposition contractuelle permet à un ou plusieurs bénéficiaires désignés par le souscripteur de percevoir la rente ou le capital à sa place. De fait, la quasi-totalité de ces contrats comprennent une « contre-assurance décès ».

En l’absence de dénouement du contrat du fait du décès du souscripteur, les intérêts et les produits ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux. Cette exonération ne bénéficie toutefois qu’aux souscripteurs de contrats en unités de compte, car les souscripteurs de contrats en euros se sont déjà acquittés chaque année des prélèvements sociaux.

En fait, malgré son importance, l’exonération ne résulte pas explicitement du texte de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale. Elle repose sur une analogie avec les règles applicables en matière d’impôt sur le revenu (« les produits de même nature retenus pour l’établissement de l’impôt sur le revenu » mentionnés au début du I) et sur la doctrine fiscale qui précise que « lorsqu’un contrat d’assurance en cas de vie mixte ou assorti d’une contre-assurance décès est dénoué par le décès de l’assuré, les capitaux versés à ce titre au bénéficiaire demeurent hors du champ d’application de l’impôt sur le revenu » (DB 5 I-321 n°19).

Par conséquent, selon l’interprétation qu’en donne l’administration fiscale, les capitaux versés au bénéficiaire du contrat d’assurance vie après le décès de l’assuré ne constituent pas des produits de la capitalisation des sommes versées, puisqu’ils résultent en fait d’une « contre-assurance décès » spécifique, et ne sont donc pas imposables à l’impôt sur le revenu. Les pertes de recettes sociales corrélatives sont les suivantes : dans le cadre d’un contrat « en euros », seuls les produits correspondant à l’année du décès échappent à la taxation, tous les autres ayant été imposés chaque année lors de l’inscription au compte, tandis que pour les contrats en unités de compte, l’intégralité des produits acquis pendant toute la durée du contrat d’assurance vie échappe à la taxation.

Autrement dit, contrairement aux intérêts des contrats souscrits en euros, ceux des contrats souscrits en unités de compte, bien que comptabilisés, ne sont acquis au profit des souscripteurs qu’au dénouement du contrat. Par conséquent, en l’absence de dénouement pour cause de décès ces intérêts ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux. Cette différence tient à ce que l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale définit l’inscription en compte comme fait générateur de l’impôt pour les contrats en euros, tandis que le fait générateur est le dénouement du contrat hors décès pour les contrats en unités de compte. Or, selon la fiche évaluative jointe au présent article, 20 % des contrats se terminent par le décès de leur souscripteur.

Par ailleurs, une disposition adoptée dans le cadre de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie à l’initiative de M. Jean-Michel Fourgous a autorisé les détenteurs de contrats en euros à les transformer en contrats multi-supports, qui sont considérés, au regard du droit fiscal, comme des contrats en unités de compte, sans dénouer leur contrat. De ce fait, les contrats multi-supports ont connu un essor important : selon les données mentionnées dans la fiche d’évaluation, les cotisations ont globalement doublé en dix ans, pour atteindre 100 milliards d’euros en 2007, 51 % des cotisations en euros se portant sur des contrats multi-supports en euros (contre seulement 21 % en 1998).

Or les prélèvements sociaux sur l’assurance vie constituent à eux seuls près du tiers des prélèvements sociaux du capital et près des deux tiers des prélèvements sociaux sur les produits de placement (dont le total s’élève à plus de 7 milliards d’euros).

L’objectif du présent article est donc double : assurer l’égalité de traitement entre souscripteurs d’assurance vie et éviter d’importantes pertes de recettes à ce titre dans les prochaines années : la durée de vie moyenne d’un contrat d’assurance vie étant estimée à huit ans, il convient d’intervenir rapidement afin d’éviter que 20 % des intérêts capitalisés sur les contrats multi-supports et sur les contrats en euros n’échappent aux prélèvements sociaux.

À cette fin, elle prévoit l’application des prélèvements sociaux à l’ensemble des intérêts capitalisés sur les contrats en cours lors du décès du souscripteur intervenant après l’entrée en vigueur de la mesure, quelle que soit la date de souscription du contrat.

Le 1° du I du présent article modifie donc l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, relatif à la CSG sur les produits de placement, de telle sorte que les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation ainsi qu’aux placements de même nature mentionnés à l’article 125-0 A du code général des impôts, quelle que soit leur date de souscription, à l’exception des produits attachés aux contrats mentionnés à l’article 199 septies de code général des impôts (contrats d’assurance en cas de décès garantissant le versement d’un capital ou d’une rente viagère à un enfant ou à tout autre parent en ligne directe ou collatérale jusqu’au troisième degré de l’assuré, ou à une personne réputée à charge de celui-ci, et lorsque ces bénéficiaires sont atteints d’une infirmité qui les empêche soit de se livrer, dans des conditions normales de rentabilité, à une activité professionnelle, soit, s’ils sont âgés de moins de dix-huit ans, d’acquérir une instruction ou une formation professionnelle d’un niveau normal ; contrats d’assurance d’une durée effective au moins égale à six ans dont l’exécution dépend de la durée de la vie humaine lorsque les contrats sont destinés à garantir le versement d’un capital en cas de vie ou d’une rente viagère avec jouissance effectivement différée d’au moins six ans, quelle que soit la date de la souscription, à l’assuré atteint, lors de leur conclusion, d’une infirmité qui l’empêche de se livrer, dans des conditions normales de rentabilité, à une activité professionnelle) sont assujettis à la CSG :

– lors de leur inscription au contrat ou, pour les bons ou contrats en unités en compte mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 131-1 du code des assurances, lors de leur dénouement ;

– lors du décès de l’assuré, à l’exception de ceux ayant déjà supporté la contribution lors de leur inscription au contrat ou lors de leur dénouement.

Le II modifie l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, plus particulièrement son article 16, relatif à la CRDS sur les produits de placement. Au , le II de cet article fait l’objet d’une rédaction globale qui prévoit que sont soumis à la CRDS les produits de placement mentionnés au II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale pour la partie acquise à compter du 1er février 1996 et, le cas échéant, constatée à compter de la même date en ce qui concerne les placements visés aux 3° à 9° du même II. Par coordination, le supprime le III de l’article 16, mais il subsiste une erreur de référence dans le I.

Les premières recettes au titre de cette nouvelle mesure seront encaissées dès l’exercice 2010. Le produit attendu serait de 273 millions d’euros par an en 2010 et en 2011. Pour procéder à cette estimation, la fiche d’évaluation associée au présent article retient les taux de 10,05 % et 10,3 %, qui reflètent les taux moyens « historiques » des prélèvements sociaux qui s’appliquent compte tenu de l’antériorité des intérêts assujettis et compte tenu du fait que les taux globaux des prélèvements sociaux ont augmenté à plusieurs reprises depuis 1995.

Comme les contributions sociales financent l’ensemble des régimes et des fonds, ces sommes bénéficieront à la fois à la branche maladie (135 millions d’euros), à la branche famille (25 millions d’euros) et à la branche vieillesse (14 millions d’euros), mais aussi au FSV (21 millions d’euros), à la CNSA (9 millions d’euros), à la CADES (16 millions d’euros), au FRR (29 millions d’euros) et au Fonds national des solidarités actives (FNSA, 24 millions d’euros). À titre subsidiaire (moins de 300 000 euros), l’augmentation du rendement des prélèvements sociaux sur le patrimoine engendrera mécaniquement un surcroît de recettes pour le budget général par le biais des frais d’assiette et de recouvrement.

À l’horizon 2012, compte tenu d’hypothèses plus favorables quant à la plus-value moyenne au bout de huit ans (35 % au lieu de 30 %) ainsi qu’à la part des contrats multi-supports (61 % au lieu de 54 %) et d’un taux de prélèvement de 10,3 % (au lieu de 10,05 % les deux premières années), le rendement de la mesure s’élèverait à 368 millions d’euros.

Enfin, le 2° du I procède à une coordination, suite à la renumérotation de l’article 81 C du code général des impôts, introduit par l’article 121 de la loi n° 2008-1776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et devenu article 155 B, suite au décret n° 2009-389 du 7 avril 2009 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 198 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement vise à supprimer, avec l’article 17, la « taxation des morts » puisque le projet de loi prévoit d’assujettir à la CSG et à la CRDS les intérêts des contrats d’assurance vie en unités de compte ou des contrats multi-supports lorsqu’ils se dénouent en cas de décès. Outre que cette mesure est rétroactive par rapport à la signature du contrat, je rappelle que le Gouvernement a lui-même approuvé, voilà deux ans, un amendement de Jean-Michel Fourgous, visant à encourager la souscription de tels contrats ; 12 millions de personnes l’ont entendu, dont on se demande aujourd’hui si elles ont été bien inspirées de croire en la parole de l’État !

M. Guy Lefrand. Je ne suis pas d’accord avec Dominique Tian : non seulement le prélèvement social ne s’applique pas au capital, mais toutes les catégories de revenu, nous venons d’en débattre, doivent être soumises à la CSG de manière à préserver l’équité fiscale.

Mme Valérie Rosso-Debord. Outre que je pense que cette mesure devrait être appliquée aux seuls nouveaux signataires, je rappelle, après Dominique Dord, que ce projet de loi de transition ne vise pas à réformer l’ensemble des niches fiscales et qu’il n’est pas de bonne politique de s’attaquer à une certaine catégorie sociale.

M. Yves Bur, rapporteur. Le Gouvernement s’inscrit dans une démarche d’équité sociale. Si le rendement des contrats d’assurance vie en euros est taxé annuellement au fil de l’eau, il n’en va pas de même des contrats en unités de compte ou multi-supports, dont il est difficile d’évaluer le rendement avant le dénouement. Je confirme, à ce propos, que c’est précisément le rendement qui est taxé, et non le capital. De surcroît, je me garderai autant de parler de rétroactivité que de parler de spoliation des héritiers puisque, d’une part, la mesure de l’article 17 relève d’une évolution fiscale normale et que, d’autre part, 160 000 à 170 000 contrats sont en déshérence. J’ajoute, enfin, que seuls 20 % des contrats sont clos par le décès du souscripteur.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 198.

Elle adopte ensuite l’article 17 sans modification.

Après l’article 17

La Commission est saisie de sept amendements portant articles additionnels après l’article 17.

Elle examine d’abord l’amendement AS 147 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à abonder les ressources de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale d’une contribution assise sur les revenus de type stock-options.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Nous avons déjà traité de cette question hier au soir. Défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 148 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. La loi de financement pour 2009 a prévu de faire participer au premier euro les « parachutes dorés » au financement de la protection sociale, s’ils équivalent à trente fois le plafond annuel défini à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, soit 1 million d’euros. Cet amendement vise à abaisser ce montant à dix fois le plafond annuel.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Article additionnel après l’article 17

Suppression de la réduction forfaitaire de cotisations patronales sur l’avantage en nature accordé aux employeurs du secteur hôtels-cafés-restaurants dont les salariés se nourrissent sur leur lieu de travail

La Commission est saisie de l’amendement AS 315 du rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement vise à remettre en cause la réduction forfaitaire de cotisations patronales sur l’avantage en nature que constitue le repas fourni aux salariés du secteur des hôtels-cafés-restaurants sur leur lieu de travail. Le maintien de cet avantage en nature ne se justifie pas, d’autant que la baisse récente de la TVA dans ce secteur a été suivie de peu d’effets, tant en matière de baisse des prix que de création d’emplois.

M. Dominique Tian. Traquer – de manière presque obsessionnelle – les niches fiscales ne doit pas nous mener à imposer de nouvelles contributions aux plus démunis. S’attaquer à ce léger avantage, que constitue le repas pris sur le lieu de travail, serait un mauvais signal. En outre, je ne partage pas votre avis sur l’effet d’aubaine qu’aurait constitué la baisse de la TVA.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est pourtant avéré !

M. Dominique Tian. Au contraire, cette mesure, promise par le Président de la République, est salutaire pour une profession en crise.

M. Yves Bur, rapporteur. Nous ne taxons pas les salariés, mais leurs employeurs. Ma démarche s’inscrit dans la ligne du discours de Nicolas Sarkozy au Congrès de Versailles, où le Président appelait à chasser l’ensemble des niches, notamment sociales.

Mme Marisol Touraine. C’est une chasse somme toute raisonnable, qui pourrait parfois s’étendre à d’autres domaines… Autant nous sommes défavorables à la suppression des niches qui concerneraient les salariés, autant nous soutiendrons des amendements tels que celui-ci.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous avons déjà eu un long débat sur cette question hier. J’ai toujours indiqué qu’il s’agissait d’un projet de loi de financement de transition, devant s’attacher à ne supprimer que les niches qui posent un problème moral.

Mme Valérie Rosso-Debord. Je crains que les employeurs ne fassent peser cette mesure sur des salariés dont la tâche se caractérise déjà par sa pénibilité.

Mme Catherine Génisson. Certes, il s’agit d’un projet de loi de transition, mais le déficit est abyssal et toute mesure permettant de le réduire est bonne à prendre ! Cela fait longtemps que notre groupe réclame la suppression des niches sociales.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 13).

Article additionnel après l’article 17

Assujetissement aux cotisations et contributions sociales des sommes ou avantages alloués aux salariés en lien avec leur activité principale par une personne tierce à leur employeur

La Commission en vient à l’amendement AS 316 du rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Les sommes ou gratifications versées au salarié par une entreprise ou une personne tierce, qui n’est pas son employeur habituel, pour récompenser par exemple la réalisation d’objectifs commerciaux ne sont pas assujetties aux prélèvements sociaux. Dans la mesure où il n’existe pas de lien de subordination entre le tiers et le salarié, ces sommes ne sont pas soumises à prélèvement. Cet amendement vise donc à remédier à cet état de fait.

M. Dominique Tian. Je rappelle que la Cour de cassation a donné tort aux URSSAF, qui avaient tenté d’assujettir ces sommes aux prélèvements sociaux. Cet amendement est, sur la forme comme sur le fond, contestable.

M. Jean-Yves Préel. J’adhère à la démarche du rapporteur qui entend appliquer la CSG et le CRDS à l’ensemble des rémunérations, qu’elles proviennent des salaires, d’avantages en nature ou du capital.

M. Yves Bur, rapporteur. Si je suis votre raisonnement, monsieur Tian, il nous sera impossible d’engager la réforme de la majoration de durée d’assurance, puisqu’elle va à l’encontre d’une décision de la Cour de cassation. En fait, rien ne nous empêche de nous opposer à une décision de la Cour de cassation. Je persiste à penser qu’il est anormal que certains revenus échappent aux contributions sociales.

Mme Catherine Génisson. Je salue les propositions du rapporteur tendant à réduire le gigantesque déficit de la sécurité sociale par tous les moyens. Cet amendement met en exergue le fait que ces gratifications constituent une rémunération parallèle, alors qu’il serait plus simple de mener des négociations afin d’augmenter les salaires, souvent très faibles.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 14).

Article additionnel après l’article 17

Assujetissement aux cotisations et contributions sociales du bonus accordé aux salariés chargés de constituer des fonds de capital-risque

La Commission examine ensuite l’amendement AS 317 du rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement vise à clarifier le régime social des bonus, que les entreprises instituent au bénéfice des salariés chargés de constituer des fonds de capital-risque. Il tend à les caractériser comme rémunérations d’activité, donc à les soumettre aux cotisations sociales.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 15).

Article additionnel après l’article 17

Suppression de l’exemption d’assiette instituée au profit des sportifs professionnels à hauteur des sommes correspondant à la commercialisation par leurs clubs de l’image collective de l’équipe à laquelle ils appartiennent

Puis, la Commission est saisie de l’amendement AS 318 du rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Il s’agit de mettre fin à l’exonération d’assiette dont bénéficie une part substantielle des revenus des sportifs de haut niveau au prétexte du droit à l’image, et ce jusqu’en 2013.

M. Denis Jacquat. Ces sportifs perçoivent des salaires indécents, ce qui ne les empêche pas d’adopter des comportements critiquables. Excellent amendement !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Il fallait adresser un message clair ; nous soutenons cet amendement.

M. Dominique Tian. Soyons cohérents ! Nous avons adopté en 2004 un dispositif appelé « droit à l’image », afin de garder les sportifs de haut niveau sur notre territoire. Nous avions alors évoqué la brièveté des carrières des sportifs professionnels, soumises à de nombreux aléas. Il n’est pas correct de corriger à la sauvette ce dispositif.

M. Dominique Dord. Bien que choqué par l’amoralité de certaines rémunérations, je considère que l’argumentation de Dominique Tian est valable. Ce dispositif a été voté après réflexion, afin de conserver à notre pays toute son attractivité. Je souhaiterais qu’une étude de législation comparée soit conduite avant la suppression des niches sociales en général, et de cette disposition en particulier.

Mme Valérie Rosso-Debord. La Commission peut bien défaire ce qu’elle a fait ! Depuis l’adoption du « droit à l’image », la crise a frappé et les Français comprennent mal que certains puissent se dégager du devoir de solidarité nationale.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Cette proposition est tout à l’honneur de notre assemblée. La crise fait apparaître comme plus indécentes encore les rémunérations des sportifs de haut niveau.

M. Bernard Perrut. Une centaine de députés UMP ont signé une proposition de loi visant à supprimer les niches fiscales et sociales accordées aux sportifs professionnels.

Le niveau des rémunérations – entre 100 000 et 285 000 euros par mois pour les dix joueurs les mieux payés de la ligue de football – et les avantages sociaux et fiscaux dont ils bénéficient paraissent injustifiés et choquants aux yeux de nos concitoyens.

M. Gérard Bapt. L’étude existe, monsieur Dord : vous la trouverez dans le journal L’Équipe. Les rémunérations des joueurs de football bénéficiant du droit à l’image sont telles que la rémunération moyenne de la masse des joueurs professionnels a diminué ! Il faudrait surtout une harmonisation des règles européennes, afin de mettre fin aux échanges de joueurs impliquant des sommes faramineuses, au côté desquelles l’avantage social du « droit à l’image » apparaît comme portion congrue.

M. Maxime Gremetz. Je vous félicite pour cette entreprise d’autocritique. Les salaires et les avantages dont bénéficient les joueurs de haut niveau sont une insulte à la misère.

M. Denis Jacquat. J’ai voté cette mesure, supposée lutter contre la fuite des meilleurs joueurs. Mais tout démontre aujourd’hui qu’elle ne remplit pas cet objectif. Il est tout à notre honneur de revenir sur cette disposition, aujourd’hui indécente.

La Commission adopte l’amendement AS 318 (amendement n° 16).

Article 18

Exonération de cotisation vieillesse pour les centres communaux
et intercommunaux d’action sociale

Les centres communaux d’action sociale exercent une action générale de prévention et de développement social dans la commune. Ils assurent différentes missions directement orientées vers la population (2), participent à l’instruction des demandes d’aide sociale, les transmettent aux autorités ayant le pouvoir de décision et, enfin, peuvent être délégataires de compétences sociales globales sur le territoire communal par convention avec le conseil général. Ils sont administrés par un conseil d’administration, présidé par le maire, qui comprend notamment des personnes qualifiées dans le secteur social (notamment des représentants d’associations). Les centres d’action sociale sont également parfois constitués en centres intercommunaux.

L’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), fondée en 1926, qui fédère les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, permet de se faire une idée de l’importance du secteur : 3 750 centres en sont adhérents, représentant 5 000 communes, soit 42 millions de Français

Créée par l’ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 relative aux services publics des départements et communes et de leurs établissements publics, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), en charge du régime spécial de retraite des fonctionnaires des collectivités territoriales, est devenue l’un des principaux régimes spéciaux de sécurité sociale. Établissement public administratif de l’État, elle est gérée par la direction des retraites de la Caisse des dépôts et consignations. Elle fonctionne selon le principe de la répartition : elle assurait, en 2006, grâce aux cotisations versées par 1,9 million d’actifs cotisants, le paiement des retraites de 837 600 pensionnés, relevant des fonctions publiques territoriale et hospitalière. Les droits de ses affiliés, actifs et retraités, s’apparentent étroitement à ceux des fonctionnaires de l’État.

Le secteur des services à la personne bénéficie aujourd’hui de plusieurs dispositifs d’exonération de cotisations de sécurité sociale. Ainsi, les rémunérations versées aux aides à domicile employées par un organisme auprès d’une personne fragile ouvrent droit à une exonération totale de cotisations patronales, hors cotisations accidents du travail et maladies professionnelles
(III de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale).

Outre cette exonération pour les aidants à domicile relevant du régime général, l’article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé un dispositif d’exonération de cotisations retraite pour les aidants à domicile ayant la qualité d’agents titulaires d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale.

Cette exonération est prévue au dernier alinéa du III de l’article L. 241-10 susmentionné. À hauteur de 100 %, elle ne porte que sur la cotisation patronale de retraite obligatoire des aidants à domicile, ayant la qualité d’agents titulaires. Seule la CNRACL, destinataire des cotisations afférentes au risque vieillesse, est touchée par cette exonération. Comme pour l’application des autres dispositifs d’exonération, aucun justificatif n’est demandé aux employeurs pour justifier, chaque mois ou trimestre, qu’ils s’appliquent à bon droit une exonération. Mais à l’occasion d’une demande de rescrit par exemple, un CCAS ou CIAS peut s’assurer de la bonne application de la mesure.

En 2008, 10 285 agents sociaux territoriaux ont été concernés par cette exonération.

Initialement, l’exonération ne devait être appliquée qu’aux rémunérations des agents titulaires du cadre d’emploi des agents sociaux territoriaux (3). Mais une décision récente de la Cour de cassation a étendu le bénéfice de cette exonération à tous les agents titulaires des centres d’action sociale qui, quel que soit leur cadre d’emploi, ont pour activité principale l’aide à domicile (4). En cela, cette décision donne une interprétation très large de l’exonération, qui va au-delà de la volonté initiale du législateur, lequel ne visait que les agents dont l’aide à domicile est statutairement la fonction. Les juges de fond ont relevé que, dans le cas examiné par la Cour, les agents d’entretien concernés, titularisés avant l’entrée en vigueur du décret du 28 août 1992 créant le cadre d’emplois des agents sociaux territoriaux, exerçaient en fait à titre principal les mêmes fonctions d’aides à domicile que ces derniers. Ils en ont déduit qu’ils entraient dans les prévisions de l’article.

Or, ces exonérations de cotisations ont un impact croissant sur l’équilibre des comptes de la CNRACL. Depuis la mise en œuvre du dispositif en 1999, le montant des cotisations vieillesse exonérées s’élève à plus de 190 millions d’euros et une multiplication par trois, de 9 à 28 millions d’euros entre 1999 et 2008, du montant de l’exonération a déjà été observée antérieurement à la jurisprudence de la Cour de cassation.

L’extension de cette jurisprudence à l’ensemble des agents titulaires potentiellement concernés ne peut être évaluée, dès lors qu’il est impossible pour la CNRACL de connaître combien d’agents titulaires, tous cadres d’emplois confondus, des centres d’action sociale ont pour activité principale l’aide à domicile. Mais elle entraînerait nécessairement une perte de recettes supplémentaires pour la CNRACL.

Le présent article modifie donc le dernier alinéa du III de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, pour en préciser le champ d’application afin qu’il soit conforme à la volonté initiale du législateur et ne devrait pas avoir d’impact financier. Ainsi, afin d’éviter toute confusion sur le champ d’application de cette mesure, il s’attache à préciser le dispositif en indiquant que l’exonération ne s’applique qu’aux seuls fonctionnaires relevant du cadre d’emplois des agents sociaux territoriaux.

*

La Commission adopte l’article 18 sans modification.

Article 19

Non-compensation par le budget de l’État d’une mesure
d’exonération de cotisations sociales

Le présent article propose d’écarter l’application du principe de compensation, énoncé à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, pour un dispositif ayant pour conséquence de diminuer les recettes de la sécurité sociale. En effet, en vertu du IV de l’article L O. 111-3 du code de la sécurité sociale, « seules les lois de financement de la sécurité sociale peuvent créer ou modifier des mesures de réduction ou d’exonérations de cotisations de sécurité sociale non compensées aux régimes obligatoires de base ».

Pour la quatrième année consécutive, la loi de financement de la sécurité sociale, seule habilitée à autoriser des non-compensations, est ainsi amenée à écarter le principe énoncé à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. Le présent article n’exclut de la compensation qu’un seul dispositif, adopté dans le courant de l’année 2009, après une hausse régulière du nombre de dispositifs non compensés (trois en loi de financement pour 2007, puis cinq en loi de financement pour 2008 et huit en loi de financement pour 2009), ainsi que le rappelle l’encadré ci-après.

Non-compensations décidées par le législateur depuis l’entrée
en vigueur de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005
relative aux lois de financement de la sécurité sociale

Article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007
(n° 2006-1666 du 21 décembre 2006)

 Sommes versées aux stagiaires en entreprise : franchise (limitée à 12,5 % du plafond de la sécurité sociale par heure de stage effectuée au cours d’un mois) de cotisations et de contributions sociales (81,3 millions d’euros en 2008, 81,4 millions d’euros en 2010 et 79 millions d’euros en 2010).

 Allocation de transition professionnelle à titre expérimental dans certains bassins d’emploi : exonération des cotisations et contributions sociales (2,02 millions d’euros en 2007, 1 million d’euros en 2008, 6 millions d’euros en 2009 et 18 millions d’euros en 2010).

 Extension de l’aide pour les chômeurs, créateurs et repreneurs d’entreprises (ACCRE) aux personnes physiques créant une entreprise implantée au sein d’une zone urbaine sensible (ZUS) et aux allocataires du complément de libre choix d’activité : franchise (pour la fraction de revenu inférieure à 1,2 SMIC) de cotisations sociales.

Article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008
(n° 2007-1786 du 19 décembre 2007)

 Arbitres et juges sportifs : franchise (limitée à 14,5 % du plafond de la sécurité sociale) des cotisations et contributions sociales (20,77 millions d’euros en 2007, 32 millions d’euros en 2008 et en 2009, 33 millions d’euros en 2010).

 Attribution gratuite d’actions : exclusion de l’assiette des cotisations et contributions sociales (assiette de 1,5 milliard d’euros en 2009).

 Maîtres et documentalistes liés à l’État par agrément ou par contrat en activité dans les établissements d’enseignement privés sous contrat : assiette et taux réduits.

 Aide du comité d’entreprise ou de l’entreprise pour le financement d’activités de services à domicile (CESU préfinancé) : exclusion (dans la limite de 1 830 euros par an et par salarié) de l’assiette des cotisations et contributions sociales (200 millions d’euros exclus de l’assiette en 2010).

 Intéressement de projet, supplément d’intéressement et supplément de réserve spéciale de participation : exclusion de l’assiette des cotisations sociales.

Article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009
(n° 2008-1330 du 17 décembre 2008)

 Sommes versées par l’employeur à ses salariés au titre de la prise en charge de tout ou partie de leurs frais de carburant engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail : exonération des cotisations et contributions sociales dans la limite de 200 euros de frais par an (non évaluée par l’annexe 5).

 Indemnités versées à l’occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail : exclusion des cotisations et contributions pour la fraction non assujettie à l’impôt sur le revenu.

 Avantage résultant pour le salarié de la remise gratuite par son employeur de matériels informatiques et de logiciels : exclusion de l’assiette dans la limite d’un prix de revient global de 2 000 euros par an.

 Rémunération due en contrepartie des droits constitués par un salarié sur son compte épargne-temps : exonération des cotisations sociales salariales et patronales, dans la limite d’un plafond de dix jours par an, à l’exception des droits correspondant à un abondement en temps ou en argent de l’employeur, dès lors qu’elle est utilisée à l’initiative du salarié pour alimenter un plan d’épargne pour la retraite collectif ou pour contribuer au financement de prestations de retraite revêtant un caractère collectif et obligatoire.

 Gratification versée en espèces ou en nature aux stagiaires dans une entreprise agricole : exclusion d’assiette pour la fraction n’excédant par 12,5 % du plafond de la sécurité sociale.

 Prise en charge par l’employeur des titres d’abonnement souscrits par les salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos : exclusion d’assiette (non évaluée par l’annexe 5).

 Prime exceptionnelle de participation d’un montant maximum de 1 000 euros dans les entreprises de moins de 50 salariés : exonération de cotisations sociales (71 millions d’euros en 2008).

 Prime exceptionnelle d’intéressement plafonnée à 1 500 euros dans les entreprises ayant conclu un accord d’intéressement ou un avenant à un accord existant : exonération des cotisations et contributions sociales (non évaluée par l’annexe 5).

La mesure dont le présent article propose la non-compensation a été introduite par l’article 3 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Les employeurs relevant d’un département ou région d’outre-mer ou d’une des collectivités d’outre-mer concernées (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin ou Saint-Barthélémy), dans lequel a été conclu un accord régional ou territorial interprofessionnel selon les modalités prévues à l’article L. 2232-2 du code du travail, peuvent, sous certaines réserves, verser à leurs salariés un bonus exceptionnel d’un montant maximal de 1 500 euros par salarié et par an.

Ce bonus exceptionnel, sous réserve de certaines conditions, est exclu de l’assiette de toutes les cotisations ou contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi, y compris de cotisations d’accidents du travail, puisqu’il s’agit d’une exemption d’assiette et d’une exonération, mais à l’exception de la CSG, de la CRDS et du forfait social. La durée maximale de l’exclusion d’assiette est de trois années calendaires à compter de la date d’effet à laquelle l’accord régional ou territorial interprofessionnel permet le versement d’un bonus ou, à défaut, de la date de conclusion de l’accord. Le montant du bonus exceptionnel ne peut excéder 1 500 euros par salarié et par année civile : il s’agit d’un montant brut, c’est-à-dire avant précompte de la CSG et de la CRDS au titre des revenus d’activité.

Le bonus exceptionnel est donc uniquement assujetti, à la CSG au titre des revenus d’activité, après application de la réduction forfaitaire de 3 % au titre des frais professionnels, à la CRDS mais aussi au forfait social. En effet, l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale assujettit au forfait social toute forme de revenus exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale et assujettis à la CSG. Or le « bonus exceptionnel » présente précisément cette double particularité d’assujettissement à CSG et d’exclusion d’assiette de cotisations.

L’exposé des motifs du présent article justifie la non-compensation par le caractère exceptionnel de la mesure, destinée à répondre aux difficultés socio-économiques spécifiques rencontrées par les territoires ultramarins au début de l’année. De fait, le dispositif est limité à trois années. Le Gouvernement estime par ailleurs que le bonus « n’a pas vocation, au plan juridique, à se substituer à des éléments de rémunération soumis aux cotisations et habituellement versés aux salariés ».

Implicite lors de la discussion de l’amendement du Gouvernement au Sénat le 10 mars 2009, le secrétaire d’État ayant déclaré : « Il s’agit de charges non payées. Cette mesure ne coûte donc rien au budget de l’État. », la non-compensation du dispositif a été confirmée au rapporteur de l’Assemblée nationale, au motif de son caractère exceptionnel. Le Gouvernement n’était alors cependant pas en mesure de donner une évaluation de la perte de recettes. Toutefois, selon l’annexe 5 au présent projet de loi, le coût de cette mesure pour la sécurité sociale s’élèverait à 63 millions d’euros en 2009 et à 95 millions d’euros en 2010.

*

La Commission est saisie de deux amendements identiques, AS 89 de Mme Marisol Touraine et AS 149 de Mme Jacqueline Fraysse, tendant à supprimer l’article.

Mme Jacqueline Fraysse. Il n’est pas légitime que l’État ne compense pas les exonérations, tout particulièrement dans le contexte actuel.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Le principe d’absence de compensation du bonus exceptionnel a été annoncé au Parlement lors de la discussion du projet de loi sur l’outre-mer par le Parlement. En outre, le système est en décroissance : les absences de compensation étaient plus nombreuses les années précédentes.

La Commission rejette les deux amendements.

Puis elle adopte l’article 19 sans modification.

Article 20

Approbation du montant de la compensation des exonérations
de cotisations sociales

En application du c du 2° du C du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, le présent article porte approbation du « montant de la compensation mentionnée à l’annexe prévue au 5° du III de l’article L.O. 111-4 ».

Cette annexe 5 énumère « l’ensemble des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement et de réduction de l’assiette ou d’abattement sur l’assiette de ces cotisations et contributions, présentant les mesures nouvelles introduites au cours de l’année précédente et de l’année en cours ainsi que celles envisagées pour l’année à venir et évaluant l’impact financier de l’ensemble de ces mesures, en précisant les modalités et le montant de la compensation financière à laquelle elles donnent lieu, les moyens permettant d’assurer la neutralité de cette compensation pour la trésorerie desdits régimes et organismes ainsi que l’état des créances ».

Depuis le projet de loi de financement pour 2009, l’annexe 5 vise à davantage d’exhaustivité. En effet, au-delà des seuls allégements généraux et exonérations ciblées, elle intègre désormais la démarche qui avait conduit le Parlement à demander au Gouvernement, aux termes de l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, de lui transmettre tous les cinq ans avant le 15 octobre un rapport sur l’état et une évaluation financière des dispositifs affectant l’assiette des cotisations sociales, afin de chiffrer les pertes de recettes pour l’État et la sécurité sociale résultant de ces dispositifs. L’annexe 5 s’efforce ainsi d’évaluer la perte de recettes associée à ces « niches sociales », offrant ainsi une vision de l’ensemble des recettes dont sont ainsi privés les organismes sociaux. Elle répertorie ainsi cette année 68 mesures en application ou en voie d’extinction, pour un coût total de 40,4 milliards d’euros.

Le présent projet de loi de financement marque une nouvelle étape dans le renforcement de l’information et du contrôle sur les pertes de recettes sociales, indispensable s’agissant de politiques publiques qui, pour l’essentiel, sont désormais soustraites aux procédures applicables aux crédits budgétaires. L’annexe 5 devient en effet le vecteur des innovations apportées par les objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques telle que fixée, en application des nouvelles dispositions de l’article 34 de la Constitution, par la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. Ces innovations sont au nombre de quatre.

 Le 2° du I de l’article 11 prévoit que les créations ou extensions de réductions, exonérations ou abattements d’assiette s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement sont compensées par des suppressions ou diminutions de mesures similaires pour un montant équivalent. L’annexe 5 comprend donc cette année ce qu’elle nomme elle-même un « compteur de gages », récapitulant et évaluant, pour les exercices 2009 à 2012, l’ensemble des mesures de création, de modification ou de suppression d’exonérations ou exemptions adoptées en loi de finances et en loi de financement – en distinguant entre mesures proposées par le Gouvernement et initiatives parlementaires – mais aussi dans les autres lois.

En 2009, les créations ou extensions seraient inférieures de 29 millions d’euros aux suppressions ou réductions. 2010 serait tout juste équilibrée par le seul jeu des mesures 2009, mais grâce aux mesures prévues par les projets de loi de finances et de loi de financement pour 2010, un gain de 443 millions d’euros pourrait être obtenu (dont 303 millions d’euros par le seul projet de loi de financement). Ce gain se réduirait légèrement en 2011, pour s’élever à 534 millions d’euros en 2012, compte non tenu, bien évidemment, des mesures adoptées entre-temps et susceptibles d’avoir une incidence sur ces deux exercices.

Autrement dit, 2009 marquerait le coup d’arrêt d’une tendance ancienne et longtemps tenue pour inexorable, à savoir la progression des exonérations, qui s’inverserait à partir de 2010.

 Par ailleurs, le I de l’article 12 dispose que chaque année, au plus tard le 15 octobre, date limite de dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement présente au Parlement l’objectif annuel de coût des réductions, exonérations et abattements retenu pour l’exercice à venir et l’exercice en cours, ainsi que le montant du coût constaté, pour le dernier exercice clos, de ces réductions, exonérations et abattements.

L’annexe 5 au projet de loi de financement pour 2009 avait anticipé cette exigence et comprenait donc, pour la première fois, un objectif annuel indicatif, fixé pour l’ensemble des exonérations à hauteur de 42 milliards d’euros. L’annexe 5 au présent projet de loi révise à la baisse l’objectif pour 2009, ramené à 40,9 milliards d’euros, et fixe un objectif sensiblement comparable pour 2010, soit 40,6 milliards d’euros.

Mesures d’exonération de cotisations et de contributions

(en milliards d’euros)

 

2008

2009

2010

Allégements généraux

25,7

25,3

25

Exonérations ciblées compensées

4,2

3,9

3,5

Total des exonérations compensées

29,9

29,3

28,5

Exonérations ciblées non compensées

2,8

2,7

2,8

Total des allégements et exonérations

32,7

31,9

31,3

Niches sociales

9,1

8,9

9,2

Total des pertes de recettes

41,7

40,9

40,6

Source : PLFSS 2010

Contrairement à la présentation retenue dans le projet de loi de financement pour 2009, l’annexe 5 au présent projet de loi fournit des données pour l’année passée, l’année en cours et l’année à venir, mais ne livre aucune projection pour les deux exercices suivant celui de la loi de financement (en l’espèce, 2011 et 2012).

Parmi les allégements et exonérations, la part des exonérations compensées demeure largement prépondérante, compte tenu de ce que les allégements, eux-mêmes prépondérants au sein de cet ensemble, sont intégralement compensés :

Allégements et exonérations (2006-2010)

(en %)

 

2006

2007

2008

2009

2010

Compensés

89,6

89,4

91,6

91,7

91,1

Non compensés

10,4

10,6

8,4

8,6

8,9

Source : PLFSS 2010

 Le II de l’article 12 prévoit qu’en présentant l’objectif de coût des mesures d’exonération et d’abattement d’assiette, il établit en même temps un bilan des créations, modifications et suppressions de ces mesures adoptées dans les douze mois qui précèdent ou prévues par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale afférents à l’année suivante.

L’annexe 5 répond à cette exigence, en faisant apparaître, depuis le 26 septembre 2008, quatre mesures créées, onze mesures modifiées, une mesure supprimée et une mesure à venir (exonération au profit des centres communaux d’action sociale, prévue à l’article 18 du présent projet de loi).

Le rapporteur se félicite, comme le commentaire de cette annexe se plaît à le souligner, que « les mesures affectant les exonérations s’inscrivent dans une démarche globale de rationalisation de ces dispositifs pour en optimiser l’efficacité ». Cette démarche a effectivement été entamée avec la suppression des exonérations ciblées de cotisations accidents du travail-maladies professionnelles mais aussi avec l’harmonisation des conditions d’octroi et des plafonds de certains dispositifs d’exonérations ciblées (ZRR, ZRU, ZFU).

 Enfin, le III de l’article 12 demande au Gouvernement de présenter au Parlement, dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur de toute mesure de réduction, d’exonération ou d’abattement, une évaluation de son efficacité et de son coût. À cette fin, l’annexe 5 indique, pour chacune des fiches relatives aux exonérations ou exemptions d’assiette, les évaluations auxquelles ont donné lieu la mesure ainsi que celles qui sont prévues en cours, y compris, le cas échéant, au titre d’autres dispositions.

Depuis que la loi de finances pour 2006 a décidé d’assurer la compensation des allégements généraux non plus par des crédits budgétaires mais par un « panier » de recettes fiscales affectées énumérées à l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, le montant approuvé au présent article correspond aux seuls allégements ciblés compensés par des dotations budgétaires, en application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, inscrites dans les différents programmes du projet de loi de finances. Mais il n’en fournit pas moins l’occasion d’un examen d’ensemble des exonérations et de leur compensation.

Après la forte progression des montants exonérés constatée au cours de ces dernières années, 2010, comme 2009, marque un recul, qui tient essentiellement à la baisse de la masse salariale, qui joue tant sur les allégements généraux que sur les exonérations ciblées.

1. Les allégements généraux

Ces allégements, qui constituent toujours la part la plus importante au sein de l’ensemble des mesures d’exonérations (plus des trois quarts), recouvrent plusieurs dispositifs d’importance très inégale :

– la réduction générale de cotisations patronales dite « Fillon », pour l’essentiel (22,1 milliards d’euros en 2010) ;

– l’exonération des heures supplémentaires et complémentaires (2,9 milliards d’euros en 2010) ;

– l’exonération de cotisations d’allocations familiales sur les rémunérations des salariés non statutaires relevant de certains régimes spéciaux (principalement SNCF et RATP) et pour lesquels l’employeur est soumis à l’obligation d’assurance chômage, qui est le pendant, pour ces personnes morales, de la réduction générale de cotisations patronales (26 millions d’euros en 2010).

Pour mémoire, l’exonération de cotisations et contributions sociales du rachat des jours de congés acquis jusqu’au 31 décembre 2007 en application de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat ne s’est appliquée que durant l’année 2008 (73 millions d’euros). Pour les jours acquis en 2008 et 2009, les rémunérations bénéficient des exonérations fiscales et sociales prévues par la loi « TEPA ».

Allégements généraux

(en millions d’euros)

 

2008

2009

2010

Réduction générale

22 608

22 357

22 099

Exonération des heures supplémentaires

2 954

2 953

2 898

Rachat des jours de congés

73

-

-

Exonération d’allocations familiales

26

26

26

Total des allégements généraux

25 661

25 336

25 023

Source : PLFSS 2010

Après plusieurs années de forte croissance, parallèle aux étapes successives d’extension du dispositif, et même si les allégements généraux ne continuent pas moins de tenir une part essentielle au sein de l’ensemble des mesures compensées (87,7 %), le montant qui leur est consacré recule quelque peu en 2009 et en 2010, sous l’effet de la crise économique. À la baisse de 2 % de la masse salariale en 2009 devrait ainsi correspondre une diminution de 1,1 % de la « réduction Fillon ». La tendance se confirmerait en 2010, avec une diminution de 1,2 %. La baisse est un peu plus sensible, tant en 2009 qu’en 2010, pour l’exonération spécifique aux heures supplémentaires introduite à compter du 1er octobre 2007, étant toutefois précisé que 2008 comprenait une mesure exceptionnelle de rachat des jours de congé ou des jours « RTT » acquis antérieurement au 31 décembre 2007.

Ce léger recul, qui, s’agissant de masses très importantes, se traduit par une économie de plus de 600 millions d’euros en 2010 par rapport à 2008, permettait d’envisager, en tendanciel, un confortable excédent du panier fiscal affecté à la « réduction Fillon » (576 millions d’euros), mais il ne suffit pas à remédier à la forte baisse du panier fiscal affecté à l’exonération des heures supplémentaires.

 En 2006, lors de l’instauration du panier fiscal destiné à compenser la « réduction Fillon », l’État avait pour obligation de compenser « à l’euro l’euro ». Cette obligation ne s’imposait plus en 2007, mais le rendement du « panier » s’est révélé supérieur de 193 millions d’euros au montant des allégements, de même qu’en 2008 (55 millions d’euros), la différence étant répartie entre les différents régimes et caisses au prorata de leurs allégements. Cette tendance se confirmerait aussi bien en 2009 (576 millions d’euros) qu’en 2010 (1,5 milliard d’euros).

En tout état de cause, le V de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale autorise de fait un écart de 2 % entre les recettes des impôts et taxes affectés, d’une part, et le montant constaté de la perte de recettes liée à la réduction « Fillon », d’autre part. C’est en effet seulement en cas d’écart supérieur à 2 % entre ces deux montants que le rapport que le Gouvernement doit remettre chaque année au Parlement sur cette question est transmis à une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes et comportant des parlementaires, des représentants des ministres en charge de la sécurité sociale et du budget ainsi que des personnalités qualifiées, chargées de lui donner un avis sur les mesures d’ajustement requises pour combler cet écart ou, le cas échéant, par la modification du champ ou des modalités de calcul des allégements généraux.

 L’évolution du panier fiscal compensant l’exonération des heures supplémentaires s’est également révélée satisfaisante en 2008 : le produit des impôts et taxes affectés s’est avéré très supérieur au montant nécessaire à la compensation de l’exonération des heures supplémentaires et du rachat de jours de congé. De ce fait, la loi de finances rectificative pour 2008 a réaffecté au budget de l’État la part de taxe sur les véhicules de société qui devait initialement participer à la compensation de l’exonération des heures supplémentaires. Ce faisant, elle a par ailleurs affecté 753 millions d’euros au remboursement des dettes de l’État à l’égard des régimes autres que le régime général et les régimes agricoles, dont 400 millions d’euros au titre des exonérations ciblées. À l’issue de cette opération, la compensation est toutefois demeurée excédentaire de 39 millions d’euros.

Ici aussi, la loi a mis en place un mécanisme de garantie : le IV de l’article 53 de la loi de finances pour 2008 prévoit qu’un éventuel écart entre le produit des impôts et taxes affectés et les montants exonérés fait l’objet d’une régularisation par la plus prochaine loi de finances suivant la connaissance du montant définitif de la perte. Si la différence entre le montant définitif des allégements de cotisations et le produit du panier fiscal est positive, elle constitue un produit à recevoir des organismes de sécurité sociale concernés sur le produit de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés perçu par ces organismes au cours de l’exercice ou de l’exercice suivant. En revanche, si cette différence est négative, elle constitue une charge à payer des organismes de sécurité sociale concernés à l’égard de l’État.

Face à l’insuffisance du panier fiscal attendue pour 2009 (400 millions d’euros) et 2010 (130 millions d’euros), consécutive à la diminution brutale du rendement de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés, le Gouvernement a à nouveau pris les devants au lieu d’attendre de faire jouer le mécanisme de garantie précédemment décrit. En effet, le projet de loi de finances rectificative pour 2009 proposera de réaffecter une partie de l’excédent des recettes fiscales initialement destinées à la compensation de la « réduction Fillon » en transférant au panier fiscal des heures supplémentaires une fraction de 3,97 % du produit du droit de consommation sur les tabacs. Pour 2010, l’article 13 du présent projet de loi procède au transfert d’une fraction de 1,3 % du produit de ce droit. Par ailleurs, le transfert d’une fraction de 0,37 % permettra de financer une mesure d’amélioration de la retraite complémentaire obligatoire des exploitants agricoles.

« Paniers fiscaux » affectés aux allégements généraux

(en millions d’euros)

   

2008

2009

2010

Reduction « Fillon »

Taxe sur les salaires

10 973

11 029

11 193

Droit de consommation sur les alcools

2 003

Droit sur les bières et les boissons non alcoolisées

376

Droit de circulation sur les vins, cidres, poirés et hydromels

114

Droit de consommation sur les produits intermédiaires

107

Taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire

682

689

703

Taxe sur les primes d’assurance automobile

947

947

947

TVA brute collectée par les commerçants de gros en produits pharmaceutiques

3 199

3 286

3 394

TVA brute collectée par les fournisseurs de tabacs

3 051

3 132

3 217

Droit de consommation sur les tabacs

982

3 311

3 614

Droit de licence sur la rémunération des débitants de tabacs

256

259

259

Total réduction « Fillon »

22 689

22 651

23 326

Heures supplémen-taires

Contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés

943

550

753

TVA brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées

2 122

2 014

2 014

Droit de consommation sur les tabacs

389

131

Total heures supplémentaires

3 065

2 953

2 898

 

Total allégements généraux

25 754

25 604

26 224

Source : PLFSS 2010

2. Les exonérations ciblées compensées

 En 2007, la loi de financement avait approuvé un montant de compensation de 2,9 milliards d’euros, très inférieur au coût effectif des exonérations ciblées pour 2007 (plus de 4,1 milliards d’euros).

 L’article 28 de la loi de financement pour 2008 avait approuvé un montant de 3,2 milliards d’euros de compensation par le budget de l’État, alors que le coût effectif des exonérations a finalement approché 4,3 milliards d’euros.

Le tableau ci-dessous permet d’identifier les causes de ce décalage :

Compensation des exonérations ciblées en 2008

(en millions d’euros)

 

Crédits PLF

Coût

Structures d’aide sociale et entreprises d’insertion

21,8

11

Contrat de retour à l’emploi (métropole)

4

2,6

Contrat initiative emploi

31

33

Contrat d’apprentissage

720

927

Contrat de professionnalisation et contrat de formation agricole

278

464

Parcours d’accès aux carrières de la fonction publiques

1,5

2,3

Aide à domicile employé auprès d’une personne non fragile

100

194

Abattement pour les particuliers employeurs cotisant sur l’assiette réelle

190

261

Création d’emplois en zones de revitalisation rurale (ZRR)

39

82

Organismes d’intérêt général et associations en ZRR

327

Bassins d’emploi à redynamiser

0,5

3,4

Avantages en nature repas secteur hôtels-cafés-restaurants

160

160

Régime micro social

25

37

Salarié créateur ou repreneur d’entreprise

11

8

Chèque transport

16,1

Correspondants locaux de presse

0,09

0,01

Zone franche de Corse

0,7

Jeunes entreprises innovantes

120

120

Entreprises implantées dans les DOM

843

1 130

Contrats d’accès et de retour à l’emploi (DOM)

24

19,05

Contrat vendanges

15

13

Embauches de salariés sous CDI par les groupements d’employeurs agricoles

4

1,5

Transformation de CDD en CDI par les employeurs de main-d’œuvre agricole

4

8,7

Extension de l’exonération salariés occasionnels demandeurs d’emploi aux groupements d’employeurs agricoles

1

9,3

Extension de la durée de l’exonération pour les travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi

1,1

39

Embauche de jeunes travailleurs occasionnels de moins de 26 ans

6

2,2

Exonération des cotisations d’allocations familiales pour l’armement maritime

8

9,2

Exonération en faveur des marins salariés

41

43

Zones franches urbaines (ZFU)

336

325

Création d’emplois en zones de revitalisation urbaine (ZRU)

5

8,5

Volontariat associatif

4

4

Total des exonérations ciblées compensées

3 010,8

4 241

Sources : PLFSS 2008 et PLFSS 2010

Encore plus élevé qu’en 2007, conformément aux craintes que laissait entrevoir l’exécution pour 2008, le dépassement se concentre, comme en 2007, sur les exonérations en faveur des zones de revitalisation rurale (+ 370 millions d’euros), des entreprises et travailleurs indépendants implantés dans les DOM (+ 287 millions d’euros), des contrats d’apprentissage (+ 207 millions d’euros), des contrats de professionnalisation (+ 186 millions d’euros) et du plan de développement des services à la personne (+ 165 millions d’euros).

Les crédits effectivement affectés à la compensation ne s’étant élevés qu’à 3,4 milliards d’euros, l’État a ainsi accru de 900 millions d’euros sa dette à l’égard de la sécurité sociale. Toutefois, la création nette de dette en 2008 a été ramenée à un peu moins de 500 millions d’euros par le fait que l’État, à l’occasion de la loi de finances rectificative pour 2008, s’est acquitté de ses dettes à fin 2007 vis-à-vis des régimes obligatoires de base autres que le régime général et les régimes agricoles.

 Pour 2009, l’article 27 de la loi de financement a approuvé un montant de compensation de 3,5 milliards d’euros, progressant par rapport au montant voté en loi de financement pour 2008, mais inférieur au coût constaté des exonérations en 2008. Pour retenir ce montant, la loi de financement pour 2009 s’était notamment fondée sur l’effet attendu de la réduction des exonérations pour les organismes d’intérêt général et associations en ZRR, les contrats de professionnalisation ainsi que de l’introduction d’un barème dégressif pour les exonérations en ZRR et en zones de revitalisation urbaine. Pour les seuls contrats de professionnalisation, le coût passerait de 464 millions d’euros en 2008 à 159 millions d’euros en 2009, soit un gain de plus de 300 millions d’euros, tout à fait significatif au regard de l’ensemble des exonérations ciblées, qui reculeraient de 4,2 milliards d’euros en 2008 à 3,9 milliards d’euros en 2009.

Moins importante qu’en 2008, l’insuffisance de crédits de compensation serait, néanmoins, encore de l’ordre de 500 millions d’euros en 2009.

Compensation des exonérations ciblées en 2009

(en millions d’euros)

 

Crédits LFI

Coût

Structures d’aide sociale et entreprises d’insertion

11

12

Contrat de retour à l’emploi (métropole)

3,1

2,1

Contrat initiative emploi

20

23

Contrat d’apprentissage

835,5

980

Contrat de professionnalisation et contrat de formation agricole

78,5

159

Parcours d’accès aux carrières de la fonction publiques

2,5

2,0

Aide à domicile employé auprès d’une personne non fragile

162,6

226

Abattement pour les particuliers employeurs cotisant sur l’assiette réelle

262,7

287

Création d’emplois en zones de revitalisation rurale (ZRR)

69,5

36

Organismes d’intérêt général et associations en ZRR

158

219

Bassins d’emploi à redynamiser

4,1

5,6

Avantages en nature repas secteur hôtels-cafés-restaurants

150

158

Régime micro social

148

161

Salarié créateur ou repreneur d’entreprise

11

11

Correspondants locaux de presse

0,1

0,05

Zone franche de Corse

0,1

Jeunes entreprises innovantes

105

126

Jeunes entreprises universitaires

5

3

Entreprises implantées dans les DOM

992,9

1 093

Contrat d’accès et de retour à l’emploi (DOM)

18,4

17,043

Contrat vendanges

14,3

14

Embauches de salariés sous CDI par les groupements d’employeurs agricoles

1,3

1,3

Transformation de CDD en CDI par les employeurs de main-d’œuvre agricole

7,1

6,9

Extension de l’exonération salariés occasionnels demandeurs d’emploi aux groupements d’employeurs agricoles

7,1

8,8

Extension de la durée de l’exonération pour les travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi

18

19

Embauche de jeunes travailleurs occasionnels de moins de 26 ans

2,2

2,3

Jeunes chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole

4,1

Exonération des cotisations d’allocations familiales pour l’armement maritime

8,5

8,7

Exonération en faveur des marins salariés

43

43

Zones franches urbaines (ZFU)

269

276

Création d’emplois en zones de revitalisation urbaine (ZRU)

11

6,9

Volontariat associatif

3,8

6,5

Porteurs de presse

11

Total des exonérations ciblées compensées

3 423,3

3 929

Sources : PLFSS 2009 et PLFSS 2010

Les dispositifs dont le coût n’a pas été suffisamment pris en compte en loi de finances sont les mêmes qu’en 2008, mais pour des montants significativement inférieurs :

– entreprises et travailleurs indépendants implantés dans les DOM (+ 100 millions d’euros) ;

– contrats d’apprentissage (+ 145 millions d’euros) ;

– contrats de professionnalisation (+ 81 millions) :

– plan de développement des services à la personne (+ 88 millions d’euros).

 Prenant en compte les incidences des projets de loi de finances et de loi de financement pour 2010, l’annexe 5 au présent projet de loi récapitule l’évolution et la répartition des 3,5 milliards d’euros de compensations d’exonérations ciblées que le présent article propose d’approuver et que décrit le tableau ci-après.

Compensation des exonérations ciblées en 2009 et 2010

(en millions d’euros)

 

Évaluation 2009

Prévision 2010

Structures d’aide sociale et entreprises d’insertion

12

10,4

Contrat de retour à l’emploi (métropole)

2,1

2

Contrat initiative emploi

23

16,1

Contrat d’apprentissage

980

692,7

Contrat de professionnalisation et contrat de formation agricole

159

72,1

Parcours d’accès aux carrières de la fonction publiques

2,0

3

Aide à domicile employé auprès d’une personne non fragile

226

223,1

Abattement pour les particuliers employeurs cotisant sur l’assiette réelle

287

303,2

Création d’emplois en zones de revitalisation rurale (ZRR)

36

45,1

Organismes d’intérêt général et associations en ZRR

219

190,7

Bassins d’emploi à redynamiser

5,6

3

Avantages en nature repas secteur hôtels-cafés-restaurants

158

150

Régime micro social

161

157,5

Salarié créateur ou repreneur d’entreprise

11

11,9

Correspondants locaux de presse

0,05

0,2

Jeunes entreprises innovantes

126

105

Jeunes entreprises universitaires

3

5

Entreprises implantées dans les DOM

1 093

1 087,1

Contrat d’accès et de retour à l’emploi (DOM)

17,043

16,6

Contrat vendanges

14

14,3

Embauches de salariés sous CDI par les groupements d’employeurs agricoles

1,3

1,3

Transformation de CDD en CDI par les employeurs de main-d’œuvre agricole

6,9

7,1

Extension de l’exonération salariés occasionnels demandeurs d’emploi aux groupements d’employeurs agricoles

8,8

7,1

Extension de la durée de l’exonération pour les travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi

19

18

Embauche de jeunes travailleurs occasionnels de moins de 26 ans

2,3

2,2

Jeunes chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole

4,1

Exonération des cotisations d’allocations familiales pour l’armement maritime

8,7

9

Exonération en faveur des marins salariés

43

45,1

Zones franches urbaines (ZFU)

276

238

Création d’emplois en zones de revitalisation urbaine (ZRU)

6,9

9

Volontariat associatif

6,5

Porteurs de presse

11

12

Total des exonérations ciblées compensées

3 929

3 457,7

Sources : PLFSS 2010

Pour l’ensemble des exonérations ciblées compensées en 2010, le présent article approuve un montant inférieur de 473 millions d’euros au coût attendu pour 2009. Le décalage était supérieur à 1 milliard d’euros l’année précédente. Petit à petit, le processus de rationalisation fait son œuvre, tant sur la remise en cause progressive de certains dispositifs que sur un meilleur ajustement entre dotations budgétaires et coût des exonérations : l’évolution divergente des crédits inscrits en loi de finances et du coût des exonérations témoigne de cet assainissement.

Compensation des exonérations ciblées (2006-2010)

(en millions d’euros)

 

2006

2007

2008

2009

2010

Crédits budgétaires

21 817

2 884

3 011

3 345

3 458

Coût des exonérations

22 905

4 135

4 241

3 929

Différence

– 1 088

– 1 251

– 1 230

– 584

Sources : PLFSS 2008, 2009 et 2010

Le rapporteur salue la constance avec laquelle le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État s’attache à ce que la gestion des crédits budgétaires permette de prévenir la reconstitution d’impayés de l’État aux organismes de sécurité sociale, qui s’est notamment manifestée par l’édiction d’une circulaire (n° 6BCS-07-3469), en date du 17 décembre 2007, fixant des règles de bonne gestion des crédits de compensation de cotisations sociales et de remboursement des prestations sociales. Les conventions financières conclues entre l’État et chaque régime, afin de fixer les dates et montants de paiement pour l’ensemble des dispositifs pour lesquels des crédits de compensation sont inscrits en loi de finances initiale, ont été revues pour assurer le respect des termes de cette circulaire. Selon l’annexe 5, le nombre d’incidents de règlement est demeuré très limité en 2009, témoignant du souci des ordonnateurs et comptables de l’État d’assurer au mieux le respect du principe de neutralité des flux de trésorerie, posé par l’article L. 139-2 du code de la sécurité sociale.

Cela étant, le décalage persistant entre dotations budgétaires et coût des exonérations ciblées a entraîné la constitution d’une dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale, qui, malgré les efforts accomplis, continue de poser problème, risquant en quelque sorte de devenir une non-compensation déguisée.

L’ensemble des sommes restant dues aux régimes obligatoires de base fait l’objet d’un état semestriel que le Gouvernement, en vertu de l’article L. 110-10-1 du code de la sécurité sociale, introduit par l’article 17 de la loi organique de 2005, doit transmettre au Parlement avant la fin des mois de janvier et de juillet de chaque année. Cet état est présenté à la fois par caisse et par régime, d’une part, et par dispositif, d’autre part.

Arrêté au 30 juin, le dernier état semestriel fait apparaître une situation nette de – 3,5 milliards d’euros de dettes de l’État à l’égard de l’ensemble des régimes de sécurité sociale, dont près de 2,9 milliards d’euros à l’égard du seul régime général. La situation s’est dégradée à l’égard de ce dernier, mais s’est significativement améliorée à l’égard des autres régimes, du fait de la reprise par l’État de ses dettes à fin 2007 vis-à-vis de la plupart d’entre eux, pour un montant de 800 millions d’euros, en application de la loi de finances rectificative pour 2008.

Entre le 30 juin 2008 et le 30 juin 2009, la dette de l’État s’est accrue si l’on considère le seul champ des exonérations de cotisations, passant de 2,5 milliards d’euros à plus de 2,8 milliards d’euros, dont 2,6 milliards d’euros au titre des exonérations ciblées : principalement 1,1 milliard d’euros pour les exonérations à caractère territorial (ZRU, ZFU, ZRR, DOM, ...), 900 millions d’euros au titre des seules exonérations en faveur de l’apprentissage et de la professionnalisation et 400 millions d’euros au titre des aides à la personne. La situation s’est dégradée à l’égard du régime général (– 774 millions d’euros), mais s’est améliorée à l’égard du RSI (+ 343 millions d’euros) et des régimes spéciaux (+ 96 millions d’euros), grâce à la reprise par l’État de ses dettes à fin 2007 vis-à-vis des régimes autres que le régime général et les régimes agricoles.

3. Les exonérations ciblées non compensées

L’annexe 5 au projet de loi de financement pour 2009 avait évalué les mesures non compensées à un peu moins de 2,6 milliards d’euros. Le coût effectif de ces mesures en 2009 serait effectivement de cet ordre, comme le montre le tableau ci-après.

Exonérations ciblées non compensées en 2009

(en millions d’euros)

 

Évaluation PLFSS 2009

Révision
PLFSS 2010

Stagiaires en entreprise

81

Contrat d’accompagnement dans l’emploi

358

384

Contrat d’avenir

212

268

Associations intermédiaires

89

78

Aide à domicile employée par un particulier fragile

939

847

Aide à domicile employé par une association ou une entreprise auprès d’une personne fragile

691

682

Taux de cotisations réduits pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi agricoles

97

87

Jeunes chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole

50

51

Contrat d’insertion par l’activité (DOM)

4,7

4,3

Arbitres et juges sportifs

32

32

Aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise

154

150

Contrat emploi consolidé

4,9

2

Contrat de retour à l’emploi (métropole)

0,343

0,2

Contrat de retour à l’emploi (DOM)

0,008

0,005

Total des exonérations non compensées

2 633

2 665

Sources : PLFSS 2009 et 2010

Pour 2010, l’annexe 5 au présent projet de loi prévoit une augmentation de 108 millions d’euros par rapport à 2009, ainsi que le montre le tableau ci-après :

Exonérations ciblées non compensées en 2010

(en millions d’euros)

 

Évaluation 2009

Prévision 2010

Stagiaires en entreprise

81

79

Contrat d’accompagnement dans l’emploi

384

498

Contrat d’avenir

268

183

Associations intermédiaires

78

78

Aide à domicile employée par un particulier fragile

847

874

Aide à domicile employé par une association ou une entreprise auprès d’une personne fragile

682

737

Taux de cotisations réduits pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi agricoles

87

78

Jeunes chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole

51

51

Contrat d’insertion par l’activité (DOM)

4,3

3,5

Arbitres et juges sportifs

32

33

Aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise

150

157

Contrat emploi consolidé

2

1

Contrat de retour à l’emploi (métropole)

0,2

0,2

Contrat de retour à l’emploi (DOM)

0,005

0,003

Total des exonérations non compensées

2 665

2 773

Source : PLFSS 2010

L’évolution correspond à celle prévue par l’annexe 5 au projet de loi de financement pour 2009. Elle tient pour l’essentiel à la progression des aides à domicile (+ 82 millions d’euros).

4. Les niches sociales

Depuis le projet de loi de financement pour 2009, l’annexe 5 adopte une approche globale des pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des différents dispositifs d’exonérations de cotisations et contributions : au lieu de présenter séparément les « niches sociales » postérieures à 2004, elle place désormais sur le même plan allégements généraux et exonérations ciblées, d’une part, et exemptions ou abattements d’assiette, d’autre part.

Surtout, elle s’efforce de proposer une évaluation de ces vingt-quatre niches sociales non pas seulement en termes d’assiette, mais aussi de pertes de recettes. Au demeurant, le plafonnement de l’évolution de l’ensemble des niches fiscales et exonérations sociales par la loi de programmation des finances publiques rendait indispensable une estimation, même imparfaite et entourée de légitimes précautions méthodologiques, des pertes de recettes résultant des niches sociales.

Niches sociales : assiettes exemptées et pertes de recettes potentielles (2008-2010)

(en milliards d’euros)

 

2008

2009

2010

Pertes de recettes

Assiettes exemptées1

Pertes de recettes

Assiettes exemptées

Pertes de recettes

Participation

 

8,7

 

7,7

 

Intéressement

 

7,9

 

6,9

 

Plan d’épargne d’entreprise

 

1,3

 

1,5

 

Stock-options

 

2,1

 

1,8

 

Participation financière et actionnariat salarié

3,6

20,0

3,4

17,6

3,2

Prévoyance complémentaire

 

13,1

 

13,5

 

Retraite supplémentaire

 

3,8

 

3,7

 

Plan d’épargne pour la retraite collectif

 

0,2

 

0,2

 

Protection sociale complémentaire en entreprise

3,0

17,1

3,0

17,4

3,1

Titres-restaurant

 

2,4

 

2,7

 

Chèques-vacances

 

0,3

 

0,4

 

Avantages accordés par les comités d’entreprise

 

2,6

 

2,7

 

Chèque emploi-service universel préfinancé

 

0,1

 

0,2

 

Aides directes consenties aux salariés

1,7

5,4

1,8

5,9

1,8

Indemnités de licenciement

 

3,2

 

3,4

 

Indemnités de mise à la retraite

 

0,4

 

0,5

 

Indemnités de rupture

0,7

3,5

0,6

3,8

0,9

Droit à l’image des sportifs

0,031

n.d.

0,029

0,1

0,03

Total niches sociales

9,0

46,1

8,8

44,8

9,1

(1) Montant non révisé (PLFSS 2009)

Sources : PLFSS 2009 et 2010

La plupart des niches sociales ne font pas l’objet d’une compensation aux régimes de sécurité sociale : en effet, beaucoup de ces mesures sont antérieures à la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, qui a étendu le principe de compensation aux niches sociales, et cette compensation a été explicitement écartée pour bon nombre des mesures intervenues après 2004. L’absence de compensation n’est pas condamnable en soi, s’agissant de mesures qui ne sont pas nécessairement infondées et qui, si elles n’occasionnent aucun versement aux régimes de sécurité sociale, n’ouvrent pas en contrepartie de droits au bénéfice des assurés.

Cela étant, le principe de compensation, qui s’applique également aux niches sociales depuis 2004, tend à devenir l’exception : sur les vingt-quatre mesures décrites dans l’annexe 5, seules trois sont compensées. Pour l’une d’entre elles, à savoir l’exclusion de l’assiette de toutes les cotisations ou contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par loi (sauf la CSG, la CRDS et le forfait social) du bonus exceptionnel d’un montant maximal de 1 500 euros par salarié et par an que les employeurs d’outre-mer peuvent verser à leurs salariés (article 3 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer), l’article 19 du présent projet de loi prévoit d’écarter l’application du principe de compensation. Le coût de cette exemption d’assiette est évalué à 63 millions d’euros pour 2009.

Les deux niches restantes portent, d’une part, sur les indemnités versées dans le cadre d’un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et, d’autre part, sur la part de la rémunération du sportif professionnel correspondant à la commercialisation par son club employeur de l’image collective de l’équipe à laquelle il appartient. Cette seconde mesure était jusqu’alors rangée parmi les exonérations ciblées, alors que le droit à l’image collective du sportif (DIC) constitue bel et bien une exemption de l’assiette des cotisations sur les rémunérations versées en contrepartie de l’exploitation de l’image du sportif au sein de son équipe. En effet, seule une partie des sommes perçues par le sportif est assujettie à cotisations et contributions de sécurité sociale, l’autre étant expressément exclue de sa rémunération et qualifiée de « rémunération du droit à l’image ». En fait, l’assimilation à une exonération ciblée tient à ce qu’à la différence des autres exemptions d’assiette, elle fait l’objet d’une compensation par le budget de l’État, inscrite au programme 219 « Sports ».

L’assiette de la plupart des niches sociales continue de bénéficier d’une croissance rapide, très largement supérieure à celle de la masse salariale, qui ne s’est élevée que 2,7 % par an en moyenne sur la même période.

Évolution de quelques assiettes exemptées (2000-2010)

(en millions d’euros)

 

2000

2005

2007

2010

Croissance annuelle moyenne

Participation

5 027

7 164

8 527

7 700

+ 4,4 %

Intéressement

3 789

5 851

7 595

6 900

+ 6,2 %

Titres-restaurant

1 483

1 978

2 326

2 700

+ 6,2 %

Retraite supplémentaire et prévoyance complémentaire

n.d.

12 800

15 115

17 200

+ 6,2 %

Source : PLFSS 2010

Ces évolutions divergentes plaident que pour ces différents dispositifs apportent leur participation au financement de la protection sociale. Telle était la finalité de l’une des propositions présentées en juin 2008 par la mission d’information commune aux commissions des affaires sociales et des finances de l’Assemblée : l’instauration d’une taxe forfaitaire à assiette large – l’ensemble des niches – et à taux faible (5 %). Instituant un forfait social de 2 % sur certaines niches, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a constitué un premier pas très encourageant en ce sens, que l’article 15 du présent projet de loi vient confirmer.

*

La Commission est saisie d’un amendement de suppression AS 150 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement obéit à la même logique que le précédent.

M. Yves Bur, rapporteur. Rejeter, comme le propose l’amendement, l’article 20 ou l’annexe 5 du présent projet de loi n’apporterait rien, d’autant plus que beaucoup de progrès ont été réalisés s’agissant de la transparence des exonérations. Tous les dispositifs en vigueur seront évalués d’ici le 30 juin 2011 ; les nouveaux dispositifs le seront tous les trois ans.

M. Maxime Gremetz. Cet amendement répond aux recommandations de la Cour des comptes, qui propose de supprimer ou tout du moins de conditionner les exonérations de cotisations sociales patronales à des investissements.

Mme Catherine Génisson. Quelles sommes représentent les exonérations de cotisations sociales patronales que l’État refuse de compenser ?

M. Yves Bur, rapporteur. Moins de 3 milliards d’euros.

Mme Catherine Génisson. Nous venons de voter des amendements visant à supprimer des niches fiscales, « rabotant » de la sorte quelques dizaines de millions d’euros, ce qui est peu comparé à cette absence de compensation. N’est-ce pas illogique ?

M. Maxime Gremetz. Le rapport de la Cour des comptes fait état de sept milliards d’euros !

M. Yves Bur, rapporteur. L’annexe au projet de loi indique que les exonérations ciblées non compensées se monteront à exactement 2,773 milliards d’euros.

M. Maxime Gremetz. Je vous conseille de vous référer plutôt au rapport de la Cour des comptes.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte un amendement AS 319 du rapporteur, tendant à corriger une erreur matérielle (amendement n° 17).

L’article 20 ainsi modifié est adopté.

Après l’article 20

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 20

Elle examine d’abord les amendements AS 153 et AS 152 de Mme Jacqueline Fraysse, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement AS 153 prévoit de conditionner les exonérations de charges sociales au respect des obligations légales en matière d’accord salarial.

Quant à l’amendement AS 152, il vise à assujettir les personnes morales à une contribution sociale sur les produits de placement.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il s’agit d’amendements lourds de conséquences.

Mme Catherine Génisson. Voilà plusieurs années que nous luttons contre les niches sociales. Le premier président de la Cour des comptes a rappelé la nécessité d’assortir d’obligations les exonérations de cotisations. Alors que les accords salariaux n’existent pratiquement plus – les augmentations de revenus provenant essentiellement de l’octroi de primes –, il paraît important de conditionner ces exonérations à un accord salarial. Dans son principe, cet amendement est excellent.

M. le président Pierre Méhaignerie. J’ai précisé hier au soir que nous traiterions de ce sujet au premier semestre 2010.

Mme Marisol Touraine. Nous présentons un amendement AS 96 visant le même objectif. Nous avions compris que vous étiez disposé, monsieur le président, à vous engager dans cette réflexion. Ce travail est aujourd’hui renvoyé au premier semestre 2010, alors que nous disposons déjà d’études d’impact et de nombreux rapports. Nous nous bornons – de façon très timorée – à poser cette question : les employeurs, quel que soit leur comportement, doivent-ils être traités de la même manière ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Tous les pays européens, à l’exception de l’Espagne, ont estimé qu’il fallait éviter de déstabiliser les conditions de la reprise. C’est aussi la position du FMI.

M. Maxime Gremetz. Je me félicite de cette unanimité à gauche !

M. Yves Bur, rapporteur. Avec Gérard Bapt, nous avons commis l’an dernier un rapport, dans lequel un certain nombre de pistes ont été ouvertes. Les partenaires sociaux que nous avons auditionnés n’ont pas remis en cause le fait que ces exonérations ont permis de maintenir ou créer environ 700 000 emplois.

S’agissant de la conditionnalité, l’exonération des cotisations doit être assortie de l’obligation d’ouvrir des négociations, non de les faire aboutir.

Nous avons également réfléchi à la possibilité de limiter les exonérations aux mille premiers salariés d’une entreprise, mais cela peut représenter un coût encore trop élevé pour les entreprises, même pour celles de grande taille.

Nous devons faire preuve de prudence et bien mesurer l’impact de telles mesures.

M. le président Pierre Méhaignerie. Un grand nombre d’entreprises ont connu une baisse de leur chiffre d’affaires cette année et ont utilisé le chômage partiel pour éviter de licencier. Ce n’est donc pas le moment de changer les modalités. Ce serait, de notre part, prendre un risque trop élevé, voire irresponsable.

Mme Catherine Génisson. L’ouverture de négociations ne signifie pas l’aboutissement des négociations. L’amendement AS 153 est tout à fait justifié. On peut comprendre qu’une entreprise placée dans une situation difficile ne fasse pas varier les salaires compte tenu de l’environnement social et économique.

M. Roland Muzeau. Vous ne pouvez pas renvoyer cet amendement à une étude ultérieure, sous prétexte que son adoption aurait des conséquences importantes. N’allons-nous pas bientôt examiner dans des conditions détestables un amendement de trente pages déposé par Gilles Carrez sur la taxe professionnelle ? De plus, ce n’est jamais le moment d’adopter ce type d’amendement : avant la crise, il aurait freiné la croissance ; aujourd’hui que nous sommes en temps de crise, il aggraverait la situation des entreprises ; lors de la reprise, on nous dira qu’il freinera le redémarrage de la croissance.

Le rapport de la Cour des comptes établit que ce type d’exonérations – on évoque le chiffre de 30 milliards d’euros – a un effet d’entraînement gigantesque puisque, outre des effets d’aubaine, elles aboutissent à une pratique généralisée des bas salaires, qui pèse, à son tour, sur les comptes sociaux.

M. le président Pierre Méhaignerie. Des auditions sur le sujet se dérouleront au premier semestre de l’année 2010, j’en prends l’engagement.

Je suis, par ailleurs, défavorable à la proposition de M. Séguin visant à protéger les salaires oscillant entre 1 et 1,2 SMIC – c’est-à-dire essentiellement ceux des salariés des entreprises de services –, et à prévoir des diminutions importantes d’allégements pour les salaires allant de 1,2 à 1,4 SMIC, c’est-à-dire ceux versés dans les secteurs soumis à la concurrence ; or le salaire des ouvriers se situe souvent entre 1,2 et 1,4 SMIC.

M. Gérard Bapt. Je tiens à rappeler que notre rapport a fait l’objet d’un consensus, sauf sur deux points.

Toutes les organisations syndicales hésitent à remettre en question les allégements de cotisations sociales, sauf la CGT qui veut changer de système pour passer à un système fondé sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, toutes les études ont montré que ces allégements bénéficient à l’emploi peu qualifié payé entre 1 et 1,3 SMIC : selon le Conseil d’orientation pour l’emploi, ils permettent, sinon de créer, du moins de maintenir entre 300 000 et 400 000 emplois peu qualifiés. La suppression des allégements entraînerait donc celle de 300 000 à 400 000 emplois.

Enfin, nous sommes favorables à la remise en cause des niches sociales - exception faite des chèques-restaurant – et à la remise en cause des allégements généraux lorsque les négociations n’aboutissent pas à la conclusion d’un accord. La majorité se contente, elle, de l’engagement de négociations. Notre amendement AS 96, visant à diminuer de 10% les exonérations de cotisations si aucun accord salarial n’intervient dans les deux ans, est fidèle à l’attitude que nous avions adoptée sur ce point, laquelle rompait le consensus qui avait régné sur les propositions de la mission commune.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas parce que je me suis appuyé sur le constat de la Cour des comptes, que je reprends ses propositions, avec lesquelles je suis en désaccord. Je suis favorable à une modulation des cotisations et à une conditionnalité des aides.

M. le président Pierre Méhaignerie. M. Jean-Luc Tavernier, qui a été nommé par le Gouvernement pour réfléchir à la question de l’allégement des cotisations sociales sur le travail, sera auditionné par la Commission dans les prochaines semaines.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements AS 153 et AS 152.

Elle est ensuite saisie de trois amendements, AS 20 de M. Préel, AS 92 et AS 91 de Mme Touraine, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. Jean-Luc Préel. La Cour des comptes a démontré que les allégements de charges sociales patronales sont très coûteux et peu efficaces en termes de créations d’emplois, à l’exception des petites ou très petites entreprises. C’est pourquoi mon amendement vise à exclure les entreprises de plus de 2 000 salariés du dispositif, à l’exception de celles du secteur automobile, ainsi qu’à plafonner le coefficient maximal d’exonération à 0,13 pour les entreprises de plus de 1 000 salariés et à 0,065 pour les entreprises de plus de 1 500 salariés, toujours à l’exception du secteur automobile.

Mme Marisol Touraine. L’amendement AS 92, ainsi que l’amendement AS 91, qui est de repli, visent à réserver les allégements à un nombre défini de salariés – 500 pour l’amendement AS 92 et 1 000 pour l’amendement AS 91 –, afin d’interdire les effets d’aubaine. En effet, les exonérations sont nécessaires surtout pour les petites entreprises soumises à la compétition, notamment à l’exportation – on sait que les PME françaises ne sont pas suffisamment présentes sur le marché international.

Je ne comprends pas le raisonnement de ceux qui défendent le caractère général des exonérations. Si on considère que les cotisations sont trop lourdes pour des entreprises de 10 000 salariés, il convient alors d’aller jusqu’au bout de cette logique et de supprimer définitivement les cotisations.

Selon nous, il est normal que les entreprises contribuent à la protection sociale. C’est pourquoi seules les petites entreprises doivent bénéficier d’aménagements – si possible pour les 500 premiers salariés, sinon pour les 1 000 premiers.

M. le président Pierre Méhaignerie. Depuis vingt-cinq ans nous ne cessons de distinguer les petites et les grosses entreprises. Cette opposition me paraît totalement dépassé, et surtout quand nous nous apercevons que, contrairement à l’Allemagne, nous manquons surtout de grandes entreprises familiales, allant de 1 500 à 5 000 salariés.

M. Yves Bur, rapporteur. Nous sommes le seul pays à entretenir un débat qui caricature, voire stigmatise les grandes entreprises. Nous avons besoin de grandes entreprises pour l’exportation. Prévoir une mesure d’ordre général pour les entreprises de plus de 500 ou de 1 000 salariés aura nécessairement des conséquences sur l’emploi. Du reste, doit-on parler de grande entreprise à partir de 500 salariés ? Dans d’autres pays, il s’agit encore d’une PME.

Le problème, c’est que la France se situe, en termes de compétitivité, dans le ventre mou de l’Europe : notre retard sur ce plan est réel dans de nombreux secteurs, notamment par rapport à l’Allemagne. Il convient donc d’aborder cette question avec une grande lucidité. La remise en cause sans discernement d’avantages liés aux exonérations provoquera la destruction d’un grand nombre d’emplois.

J’avais proposé, dans le rapport que Gérard Bapt et moi-même avons rédigé, de diminuer progressivement les exonérations et de passer de 1,6 à 1,4 SMIC en plusieurs années, afin de permettre aux entreprises de s’adapter. Toutefois, nous nous trouvions alors en période de croissance. Ce n’est pas en pleine crise qu’il convient de prendre de telles décisions. Avis défavorable aux trois amendements.

La Commission rejette successivement les trois amendements AS 20, AS 92 et AS 91.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 21 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement vise à passer de 1,6 à 1,5 SMIC le plafond des exonérations de cotisations sociales, le produit servant à financer des exonérations pour l’emploi des jeunes et des seniors. Je tiens à rappeler que nous avons à résoudre, pour l’emploi des seniors, deux problèmes : celui de leur employabilité et celui de la pénibilité au travail.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 93 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Issindou. Cet amendement vise à ce qu’une nouvelle contribution sur les stocks-options soit affectée au Fonds de réserve pour les retraites, qui est en déshérence depuis 2002, afin d’assurer au mieux le financement des régimes de retraite des salariés du secteur privé entre 2020 et 2040.

M. Yves Bur, rapporteur. Compter sur les plus-values réalisées dans le cadre des stocks-options pour alimenter le Fonds de réserves pour les retraites me paraît une illusion. Avis défavorable.

La Commission rejette cet amendement.

Elle en vient à l’amendement AS 95 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement vise à prévoir un bilan d’évaluation annuel des dispositifs ciblés d’exonération des cotisations de sécurité sociale.

M. Yves Bur, rapporteur. Votre demande est déjà satisfaite par l’article 11 de la loi de programmation des finances publiques. L’ensemble des dispositifs existants doit être évalués d’ici à 2011. Pour chaque nouveau dispositif d’exonération, une évaluation systématique est prévue après trois années de mise en application. Avis défavorable.

La Commission rejette cet amendement, de même que l’amendement AS 96 de Mme Marisol Touraine, qui avait déjà été défendu.

Puis elle examine l’amendement AS 99 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. L’amendement AS 99 s’inscrit dans la même logique que nos précédents amendements et vise à décourager le recours au temps partiel, notamment en modulant les cotisations.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 151 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à moduler les cotisations patronales en fonction de la politique d’embauche et de la politique salariale de l’entreprise.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

Avant l’article 21

La Commission est saisie de trois amendements portant articles additionnels avant l’article 21.

Elle examine d’abord l’amendement AS 98 de Mme Marisol Touraine.

Mme Michel Issindou. Cet amendement vise à trouver de manière relativement aisée quelques milliards d’euros en revenant sur le dispositif d’exonération des heures supplémentaires adopté dans le cadre de la loi dite « TEPA », dispositif qui n’a pas seulement freiné l’embauche des jeunes, mais a, de plus, fait perdre aux caisses de la sécurité sociale entre 3 et 4 milliards d’euros. Ce sont autant de moyens qui pourraient être utilisés pour soutenir l’emploi et le pouvoir d’achat des Français modestes. Il est anormal que les heures supplémentaires soient exonérées.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je tiens à rappeler que l’exonération des heures supplémentaires a surtout favorisé les métiers manuels. De plus, même en temps de crise, il n’y a pas d’arithmétique des emplois dans le secteur des travaux manuels, qui, même encore aujourd’hui, manque de main-d’œuvre.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 97 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement, inspiré du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, vise à éviter que le calcul des exonérations de cotisations ne soit biaisé par des employeurs qui, pour en bénéficier, évitent d’augmenter le salaire mensuel à plus de 1,6 SMIC tout en versant un treizième, un quatorzième, voire un quinzième mois de salaire. Aussi convient-il de limiter l’application des réductions de cotisations sociales sur la rémunération mensuelle de chaque salarié correspondant sur douze mois de salaires.

M. Yves Bur, rapporteur. C’est une des pistes les plus sérieuses à étudier l’an prochain. En attendant, avis défavorable.

La Commission rejette cet amendement.

Elle en vient à l’amendement AS 90 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement vise, par le jeu des exonérations, à décourager le recours au travail à temps partiel.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

Section 2

Prévisions de recettes et tableaux d’équilibre

Article 21

Fixation des prévisions de recettes de l’ensemble des régimes obligatoires
de base, du régime général et des organismes concourant au financement
des régimes obligatoires de base

Le a du 2° du C du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose que la loi de financement de la sécurité sociale « prévoit, par branche, les recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base et de manière spécifique, celles du régime général, ainsi que les recettes des organismes concourant au financement de ces régimes ». Le présent article porte donc fixation de ces recettes.

Deux annexes au présent projet de loi permettent de compléter les informations qu’il fournit :

– l’annexe C pour la répartition des prévisions de recettes par catégorie ;

– l’annexe 9B pour l’effet sur les comptes des régimes de base des mesures du projet de loi de financement ainsi que des mesures réglementaires ou conventionnelles prises en compte par le projet de loi de financement.

1. Les recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale

Le du présent article fixe, par branche, les recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale pour 2010, soit un montant total de 404,2 milliards d’euros (hors transferts entre branches). Par rapport aux prévisions rectifiées de recettes pour 2009 figurant à l’article 4 du présent projet, la progression atteint seulement 0,2 %, ainsi que le montre le tableau ci-après.

Recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

Évolution

Maladie

162,3

164,7

+ 1,5 %

Vieillesse

178,0

182,9

+ 2,8 %

Famille

56,6

50,1

– 11,5 %

AT-MP

12,1

12,1

Total (hors transferts)

403,4

404,2

+ 0,2 %

Source : PLFSS 2010

L’article 26 du présent projet de loi conduit à faire sortir du compte de résultat (en charges comme en produits) de la branche famille certaines prestations qui sont en fait servies pour le compte de tiers (en premier lieu l’AAH) : c’est donc seulement apparence que les recettes de la branche famille baissent de façon aussi spectaculaire. Il en va bien entendu de même lorsqu’on considère les seuls comptes du régime général (cfinfra 2.).

Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2010 offre un cadrage macro-économique permettant de situer ces données dans le champ des administrations de sécurité sociale, plus large que celui de la loi de financement. Après avoir diminué de 0,7 % en 2009 et malgré un contexte de reprise progressive de l’activité, les recettes des administrations de sécurité sociale ne seraient qu’en légère progression (+ 0,5 %) en raison de la poursuite du repli de la masse salariale (– 0,4 %), la reprise de l’emploi suivant avec retard, comme de coutume, celle de l’activité. Dans ces conditions les ressources nouvelles, apportées notamment par le présent projet de loi, ne suffisent pas à inverser la tendance.

L’annexe C au projet de loi de financement permet quant à elle de préciser les évolutions par catégorie de recettes.

Évolution par catégorie des recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

Évolution

Cotisations effectives

208,5

210,1

+ 0,8 %

Cotisations fictives

39,9

41,9

+ 5,0 %

Cotisations prises en charge par l’État

3,8

3,9

+ 2,6 %

Cotisations prises en charge par la sécurité sociale

1,5

1,7

+ 13,3 %

Autres contributions publiques

13,2

7,0

– 47,0 %

Impôts et taxes affectés
dont CSG

113,6
69,7

115,4
70,2

+ 1,6 %
+ 0,7 %

Transferts reçus

17,6

19,0

+ 8,0 %

Revenus des capitaux

0,3

0,3

Autres ressources

3,9

3,8

+ 2,6 %

Total

403,8

404,1

+ 0,1 %

Source : PLFSS 2010

Le tableau suivant, fondé sur les données issues de l’annexe 9B au présent projet de loi de financement, détaille l’impact des mesures de la loi de financement et de la loi de finances sur les recettes pour 2010 de l’ensemble des régimes de base et du régime général.

Ensemble des régimes obligatoires de base
Impact des mesures nouvelles sur les recettes 2010

(en millions d’euros)

Mesures nouvelles

Tous régimes

Régime général

Contribution exceptionnelle des organismes complémentaires (art. 10 PLFSS)

+ 300

+ 255

Augmentation du rendement de la taxe sur les dispositifs médicaux (art. 12 PLFSS)

+ 3

+ 3

Transfert d’une fraction du droit de consommation sur les tabacs (art. 13 PLFSS)

– 167

– 165

Augmentation du forfait social (art. 15 PLFSS)

+ 380

+ 380

Suppression de l’exonération bénéficiant à certains contrats d’assurance vie à la succession (art. 17 PLFSS)

+ 172

+ 172

Non-compensation du bonus exceptionnel outre-mer (art. 19 PLFSS)

– 95

– 95

Total

+ 593

+ 550

Source : PLFSS 2010

Il en ressort que parmi les trois principales mesures de recettes, pour un montant total (tous régimes) de 852 millions d’euros, l’une, à hauteur de 300 millions d’euros, ne présente pas un caractère pérenne, puisqu’il s’agit de la contribution exceptionnelle des organismes complémentaires au titre du financement de la lutte contre la pandémie grippale.

Par ailleurs, selon l’étude d’impact relative à l’aménagement de l’exonération de cotisation vieillesse bénéficiant aux CCAS (article 18), la recette « n’est pas chiffrable dès lors qu’il est impossible pour la CNRACL de connaître combien d’agents titulaires, tous cadres d’emplois confondus, des CCAS-CIAS ont pour activité principale l’aide à domicile ». Selon les informations communiquées au rapporteur, cette mesure ne devrait pas avoir d’impact financier : en effet, elle vise simplement à confirmer la volonté initiale du législateur s’agissant du champ de cette exonération, circonscrit au cadre d’emploi des agents territoriaux, alors que certaines structures avaient pu, dans certains cas isolés, l’appliquer à des agents ne relevant pas de ce cadre d’emploi mais ayant pu avoir certaines activités d’aide à domicile.

Enfin, l’assujettissement intégral des plus-values de cession de valeurs mobilières aux prélèvements sociaux (article 16) ne figure pas dans ce tableau, car cette mesure n’aura pas d’incidence sur l’exercice 2010, les impositions et prélèvements sur les cessions réalisées en 2010 ne pouvant être encaissées qu’en 2011.

2. Les recettes du régime général

Le du présent article porte sur les recettes du régime général, dont l’évolution est, sans surprise, sensiblement comparable à celles de l’ensemble des régimes.

Recettes du régime général

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

Évolution

Maladie

139,3

141,2

+ 1,4 %

Vieillesse

90,7

92,1

+ 1,5 %

Famille

56,1

49,6

– 11,6 %

AT-MP

10,5

10,6

+ 1,0 %

Total (hors transferts)

291,2

288,1

– 1,1 %

Source : PLFSS 2010

Par rapport à la prévision donnée dans le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, l’ensemble des mesures du présent projet de loi ou qui y sont associées permet d’augmenter les recettes du régime général de 550 millions d’euros.

À partir des données fournies par l’annexe 9B au présent projet de loi de financement, le tableau ci-dessous décrit, par branche, les mesures du projet de loi de financement ou associées à ce texte ayant un impact sur les recettes du régime général pour 2010.

Régime général – Impact des mesures nouvelles sur les recettes 2010

(en millions d’euros)

Mesures nouvelles de recettes

Maladie

AT-MP

Vieillesse

Famille

Toutes branches

Contribution exceptionnelle des organismes complémentaires (art. 10 PLFSS)

+ 255

+ 255

Augmentation du rendement de la taxe sur les dispositifs médicaux (art. 12 PLFSS)

+ 3

+ 3

Transfert d’une fraction du droit de consommation sur les tabacs (art. 13 PLFSS)

– 69

– 14

– 53

– 29

– 165

Réforme du dispositif des retraites « chapeau » (art. 14 PLFSS)

Augmentation du forfait social (art. 15 PLFSS)

+ 380

+ 380

Suppression de l’exonération bénéficiant à certains contrats d’assurance vie à la succession (art. 17 PLFSS)

+ 134

+ 13

+ 25

+ 172

Exonération de cotisation vieillesse pour les CCAS (art. 18 PLFSS)

n.d.

n.d.

Non-compensation du bonus exceptionnel outre-mer (art. 19 PLFSS)

– 52

– 10

– 9

– 24

– 95

Total

+ 651

– 24

– 49

– 28

+ 550

Source : PLFSS 2010

Le tableau fait clairement apparaître que les mesures nouvelles de recettes profitent exclusivement à la branche maladie, en particulier le doublement du forfait social pour près de 400 millions d’euros, tandis que l’impact est négatif pour les autres branches, notamment la vieillesse (– 49 millions d’euros).

3. Les recettes des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base

Le du présent article fixe les recettes des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base. Compte tenu de la dissolution du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA), il n’est question, depuis 2009, que du seul FSV.

Recettes des organismes concourant au financement des régimes obligatoires

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

Évolution

FSV

12,9

12,9

+ 0,1 %

Source : PLFSS 2010

Dans le compte tendanciel du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, le montant des recettes du FSV atteint 12,9 milliards d’euros en 2010. En raison des arrondis, cette apparente stabilité correspond en réalité à une baisse de 0,2 %. Le produit de la CSG, soit encore 71 % du total des ressources malgré le transfert de 0,2 point réalisé depuis 2009 au profit de la CADES, n’augmente – toujours en tendanciel – que de 0,6 %.

Le transfert provenant de la CNAF au titre des majorations de pensions pour enfants continuera de progresser en 2010, conformément aux dispositions de la loi de financement pour 2009, pour atteindre 3,6 milliards d’euros. Depuis 2009, corrélativement, le FSV perçoit cependant environ 500 millions d’euros de moins au titre du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine. Enfin, compte tenu de la dégradation attendue de la trésorerie du RSI, le FSV ne bénéficierait d’aucune affectation de C3S en 2010, alors que celle-ci se montait à 800 millions d’euros tant en 2008 qu’en 2009.

Le FSV bénéficiera toutefois de deux mesures nouvelles de recettes en 2010 :

– la suppression de l’exonération bénéficiant à certains contrats d’assurance vie à la succession (article 17 du présent projet de loi), à hauteur de 21 millions d’euros ;

– le doublement de la contribution sur les retraites « chapeau », dont il est le seul bénéficiaire (article 14 du projet de loi), pour 25 millions d’euros.

Cependant, comme on le verra plus loin (cf. article 24), ce supplément de recettes est sans rapport avec les dépenses nouvelles que le présent projet de loi de financement met par ailleurs à sa charge.

*

La Commission adopte l’article 21 sans modification.

Article 22

Approbation du tableau d’équilibre
de l’ensemble des régimes obligatoires de base

Le d du 2° du C du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose que la loi de financement de la sécurité sociale « retrace l’équilibre financier de la sécurité sociale dans des tableaux d’équilibre présentés par branche et établis pour l’ensemble des régimes obligatoires de base ». Le présent article porte donc approbation de ce tableau d’équilibre, qui se veut le reflet de l’article d’équilibre du projet de loi de finances.

Tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

162,3

173,9

– 11,6

164,7

178,9

– 14,2

Vieillesse

178,0

187,5

– 9,5

182,9

195,0

– 12,2

Famille

56,6

59,7

– 3,1

50,1

54,5

– 4,4

AT-MP

12,1

12,6

– 0,5

12,1

12,9

– 0,7

Total (hors transferts)

403,4

428,1

– 24,7

404,2

435,7

– 31,5

Source : PLFSS 2010

Par rapport aux prévisions révisées pour 2009 figurant à l’article 4 du présent projet loi de financement, le solde pour 2010 se dégraderait de 6,8 milliards d’euros. En outre, si l’on prend en compte le déficit du FSV, le solde négatif de l’ensemble atteindrait 27,7 milliards d’euros en 2009 et 35,4 milliards d’euros en 2010.

Les aspects relatifs aux recettes ont déjà été examinés dans le commentaire de l’article 21 du présent projet de loi de financement, relatif aux prévisions de recettes. S’agissant des dépenses, selon le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2010, les prestations versées par les administrations de sécurité sociale progresseraient à un rythme moins soutenu qu’en 2009 (+ 4,5 %). Elles bénéficieraient avant tout de la maîtrise des dépenses de santé, avec un ONDAM fixé à 3,0 %, contre 3,3 % en 2009. Le ralentissement serait également lié au moindre dynamisme des prestations familiales, qui reviendraient sur une tendance plus modérée. Les prestations vieillesse connaîtraient par ailleurs d’un léger infléchissement.

Pourtant, si l’on considère le tableau décrivant les soldes tendanciels des régimes de base et des fonds figurant dans le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale, les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et celles qui, notamment de nature réglementaire, y sont associées réduisent de 3,4 milliards d’euros le solde prévisionnel, puisque celui-ci passe de – 38,8 milliards d’euros (tous régimes de base et FSV) à – 35,4 milliards d’euros.

En pied de ce même tableau, car hors champ des lois de financement de la sécurité sociale, apparaît également la détérioration de la situation des régimes de retraite complémentaire : déficitaires pour la première fois en 2008, ils devraient l’être à nouveau en 2010 (1,5 milliard d’euros).

Le commentaire de l’article 23 du présent projet de loi (infra) permettra d’aborder spécifiquement l’évolution du régime général, dont le déficit tendanciel (– 33,6 milliards d’euros) serait inférieur à celui de l’ensemble des régimes, hors FSV (– 34,9 milliards d’euros).

Hors mesures du présent projet de loi, le solde global des régimes autres que le régime général serait donc négatif à hauteur d’environ 1,3 milliard d’euros, ce que traduit l’évolution des principaux d’entre eux : excédent de 217 millions d’euros pour la CNRACL, mais, hors transferts d’équilibre, déficit de 1,8 milliard d’euros pour le régime des exploitants agricoles et de 3,7 milliards d’euros pour le RSI.

Le solde positif de la CNRACL s’améliorerait ainsi de près de 60 millions d’euros, sous l’effet du ralentissement de la progression des prestations et d’une assiette de cotisations toujours très favorable.

Le déficit de la branche maladie du RSI se dégraderait de près de 100 millions d’euros, pour atteindre 1,7 milliard d’euros. Pour la branche vieillesse, le déficit se réduirait légèrement pour les commerçants, mais se creuserait pour les artisans, pour approcher au total 2 milliards d’euros.

Toujours en tendanciel, le déficit du régime des exploitants agricoles se dégraderait de plus de 500 millions d’euros en 2010, dont plus de 300 millions d’euros pour la branche maladie.

*

La Commission adopte l’article 22 sans modification.

Article 23

Approbation du tableau d’équilibre du régime général

Le d du 2° du C du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose que la loi de financement de la sécurité sociale « retrace l’équilibre financier de la sécurité sociale dans des tableaux d’équilibre présentés par branche et établis […] de manière spécifique pour le régime général ». Le présent article porte donc approbation de ce tableau d’équilibre.

Tableau d’équilibre du régime général

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

139,3

150,8

– 11,5

141,2

155,8

– 14,6

Vieillesse

90,7

98,9

– 8,2

92,1

102,9

– 10,7

Famille

56,1

59,2

– 3,1

49,6

54,1

– 4,4

AT-MP

10,5

11,2

– 0,6

10,6

11,4

– 0,8

Total (hors transferts)

291,2

314,6

– 23,5

288,1

318,6

– 30,6

Source : PLFSS 2010

Au regard des prévisions révisées pour 2009 figurant à l’article 4 du présent projet loi, le solde du régime général se détériorerait donc de 7,1 milliards d’euros en 2010. Le « tendanciel » présenté dans le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale au début du mois prévoyait cependant une dégradation de 10,9 milliards d’euros, ce qui permet de mesurer l’apport du présent projet de loi de financement. Dès lors, si l’on avait souhaité ne serait-ce que maintenir le déficit au niveau de celui de 2008, le présent projet de loi aurait dû permettre de réaliser, en recettes supplémentaires et moindres dépenses, un effort de redressement de 10,9 milliards d’euros. Améliorant d’un peu plus de 3 milliards d’euros le solde tendanciel du régime général, le texte du Gouvernement, dans le contexte actuel de crise, ne vise pas à atteindre cet objectif. Le dosage des mesures proposées à cette fin fait intervenir des recettes nouvelles et transferts, pour 550 millions d’euros, et des économies sur les dépenses, pour 2,5 milliards d’euros.

Les mesures ayant une incidence sur les recettes des régimes et des fonds en 2010 ont d’ores et déjà été présentées et commentées au titre de l’article 21 (cfsupra).

S’agissant des dépenses, le tableau ci-dessous, fondé sur les indications fournies par l’annexe 9B au présent projet de loi, précise l’impact, pour l’ensemble des régimes et pour le régime général, des mesures nouvelles, y compris celles qui ne figurent pas dans le dispositif proprement dit de ce projet de loi de financement.

Régime général – Impact des mesures nouvelles sur les dépenses 2010

(en millions d’euros)

Mesures nouvelles

Tous régimes

Régime général

Économies sur biologistes et radiologues

+ 240

+ 200

Maîtrise médicalisée hors produits de santé

+ 390

+ 325

Maîtrise médicalisée pour les produits de santé

+ 200

+ 167

Baisses de prix ciblées de médicaments et de dispositifs médicaux

+ 300

+ 250

Baisses de prix de médicaments génériques

+ 100

+ 83

Économies sur médicaments remboursés à 35 %

+ 145

+ 121

Lutte contre la fraude

+ 150

+ 125

Économies sur les indemnités journalières (hors maîtrise médicalisée et lutte contre la fraude)

+ 110

+ 92

Convergence tarifaire des établissements de santé

+ 150

+ 125

Augmentation du forfait journalier hospitalier

+ 156

+ 130

Tombée précoce dans le domaine public du brevet d’un médicament

+ 200

+ 167

Baisse de la contribution des établissements de santé au CNGPHPDFPH

+ 30

+ 25

Gestion des tarifs de la liste en sus

+ 40

+ 33

Diminution de la dotation à l’ONIAM (*) (art. 35 PLFSS)

+ 47

+ 42

Provision pour le financement de l’ANAP et de l’ASIP (*)

– 60

– 50

Total maladie
dont hors ONDAM (*)

+ 2 198
- 13

+ 1 836
– 8

Cumul emploi/invalidité (art. 39 PLFSS)

+ 4

+ 4

Transfert au FSV du financement des validations gratuites des périodes d’arrêt maladie (art. 40 PLFSS)

+ 630

+ 618

Total vieillesse

+ 634

+ 622

Réforme des incitations financières (art. 42 PLFSS)

– 5

– 5

Total accidents du travail et maladies professionnelles

– 5

– 5

Prise en charge par l’État d’une fraction des pertes sur créances d’indus au titre de prestations nouvellement comptabilisées en comptes de tiers (art. 26 PLFSS)

+ 20

+ 20

Ouverture du prêt à l’aide à l’habitat aux assistants maternels (art. 46 PLFSS)

– 0,0

– 0,0

Amélioration de la détection des logements fictifs ouvrant droit aux aides au logement et autres mesures de lutte contre la fraude (art. 51 PLFSS)

+ 7

+ 7

Total famille

+ 27

+ 27

Total toutes branches

+ 2 854

+ 2 480

Source : PLFSS 2010

Compte tenu des mesures nouvelles de recettes, précédemment évoquées (cf. article 21), soit un apport de 550 millions d’euros, l’amélioration par rapport au « tendanciel » présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale au début du mois atteindrait donc, pour le seul régime général, un peu plus de 3 milliards d’euros. Si elle est moindre que celle associée au précédent projet de loi de financement (6,4 milliards d’euros) et à peu près équivalente à l’amélioration que devait apporter celui de 2008, l’effort n’en est pas moins significatif dans le contexte actuel de crise économique.

Régime général – Incidences des mesures nouvelles sur l’équilibre 2010

(en milliards d’euros)

 

« Tendanciel » 2010

Mesures nouvelles 2010

Équilibre 2010

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

184,9

167,8

– 17,1

+ 0,651

– 1,836

+ 2,487

141,2

155,8

– 14,6

Vieillesse

104,0

92,7

– 11,3

– 0,049

– 0,622

+ 0,573

92,1

102,9

– 10,7

Famille

62,0

57,5

– 4,4

– 0,028

– 0,027

– 0,001

49,6

54,1

– 4,4

AT-MP

11,9

11,2

– 0,8

– 0,024

+ 0,005

– 0,029

10,6

11,4

– 0,8

Total

357,3

323,6

– 33,6

+ 0,550

– 2,480

+ 3,030

288,1

318,6

– 30,6

Source : PLFSS 2010

Comme en 2009, toutes les branches seraient déficitaires.

 La branche maladie

L’évolution spontanée des comptes pour 2010 se traduirait par un déficit accru de 5,6 milliards d’euros par rapport aux prévisions révisées de 2009 : l’augmentation des charges nettes (+ 6,0 %) serait en effet très supérieure à celle des produits (+ 2,6 %), les dépenses de prestations et les dépenses incluses dans le champ de l’ONDAM progressant pour leur part respectivement de 4,6 % et de 4,4 %. Les charges nettes de compensation devraient diminuer (– 13 %), mais la charge des transferts d’équilibrage progresserait de plus de 400 millions d’euros.

Les mesures nouvelles pour 2010 amélioreraient le solde de la branche maladie de près de 2,5 milliards d’euros, grâce à 650 millions d’euros de recettes supplémentaires (cf. article 21) et 1,8 milliard d’euros d’économies attendues, compte tenu de mesures s’inspirant notamment des propositions présentées par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM).

Compte tenu d’un ONDAM fixé à 3 % pour 2010, les économies à réaliser dans le régime général se montent à 1,8 milliard d’euros, soit un montant presque identique à celui de 2009. L’annexe 9B détaille avec une précision toujours aussi remarquable la façon dont diverses mesures, la plupart hors du dispositif proprement dit du présent projet de loi de financement, permettent d’atteindre cet objectif de 2,2 milliards d’euros d’économies (tous régimes).

Au titre de la maîtrise médicalisée des dépenses et de la lutte contre les abus et fraudes, elle escompte 780 millions d’euros dans les secteurs suivants :

– prescriptions hors produits de santé (390 millions d’euros), c’est-à-dire prescriptions d’arrêts de travail, d’actes médicaux, d’examens de biologie, de soins paramédicaux et de transports ;

– prescriptions de produits de santé (200 millions d’euros), se fondant sur les recommandations médico-économiques de la Haute Autorité de santé, notamment quant au bon usage des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) comparés aux sartans, dans le cadre du développement des contrats individuels d’amélioration des pratiques (CAPI) ;

– objectif de prescription de 8 % pour les produits de la liste en sus des tarifs des groupes homogènes de séjour de la T2A (40 millions d’euros), grâce à la mise en œuvre du plan d’actions du ministère de la santé s’agissant de la maîtrise des prescriptions et du Comité économique des produits de santé s’agissant des prix de certains produits, dont les volumes de vente sont élevés ;

– amplification des actions de lutte contre les abus et fraudes (150 millions d’euros).

990 millions d’euros d’ajustements de prix et de tarifs sont par ailleurs prévus :

– prise en compte de l’amélioration de la productivité en radiologie et biologie (240 millions d’euros) ;

– baisse des prix des médicaments sous brevets et du répertoire des génériques ainsi que des dispositifs médicaux (400 millions d’euros) ;

– rapprochements tarifaires de certaines prestations d’hospitalisation entre les secteurs public et privé (150 millions d’euros) ;

– tombée précoce dans le domaine public du brevet de l’antiagrégant plaquettaire Plavix (200 millions d’euros).

Un autre ensemble de mesures vise à recentrer progressivement les dépenses d’assurance maladie sur le financement des soins les plus utiles, pour un total de 411 millions d’euros :

– hausse de 2 euros (1,5 euro dans les services de psychiatrie) du forfait hospitalier (156 millions d’euros) ;

– création d’un nouveau taux de remboursement à 15 % pour les médicaments dont le service médical rendu a été considéré comme faible ou insuffisant (145 millions d’euros) ;

– économies sur les dépenses d’indemnités journalières hors maîtrise médicalisée et lutte contre les fraudes (110 millions d’euros).

2010 permettra par ailleurs de constater la moindre contribution de l’assurance maladie au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (30 millions d’euros). En effet, depuis sa création en 2007, il a perçu trois types de ressources : une subvention de l’État, une dotation de l’assurance maladie et une contribution des établissements de santé et médico-sociaux. Afin de permettre aux établissements de verser tous les ans leur contribution au CNG, l’ONDAM est abondé tous les ans à hauteur du montant de cette contribution, soit 89 millions d’euros de 2007 à 2009. Or, il apparaît que depuis 2007, le CNG n’a reçu que partiellement le montant de cette contribution des établissements. En effet, au vu de la mise en place du CNG et du lancement de ses missions, ses besoins de financement ce sont avérés moins importants qu’initialement prévus. C’est pourquoi, afin de récupérer le trop-versé de l’assurance maladie lors des constructions successives de l’ONDAM, il a été décidé cette année de déduire 30 millions d’euros du sous-objectif de l’ONDAM relatif aux établissements de santé, soit l’équivalent de la dotation excédentaire du CNG au titre de 2009.

Enfin, une contribution exceptionnelle de 0,94 % sera prélevée sur le chiffre d’affaires des organismes complémentaires d’assurance maladie, afin qu’ils prennent ainsi en charge le ticket modérateur du vaccin contre la grippe A H1N1, ce que le caractère collectif de la campagne de vaccination n’aurait pas permis (300 millions d’euros).

Hors ONDAM, l’annexe 9B enregistre la diminution de la dotation de l’assurance maladie à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) (47 millions d’euros) ainsi que le versement d’une provision pour le financement de deux agences nouvellement mises en place (60 millions d’euros) : l’Agence nationale pour l’appui à la performance (ANAP) et l’Agence des systèmes d’information partagés de santé, issue du GIP-DMP.

 La branche vieillesse

La détérioration tendancielle du solde de la branche vieillesse par rapport à l’exercice 2009 s’élèverait à 3,1 milliards d’euros en 2010. D’un côté, le rythme de croissance des prestations observé depuis 2005, de l’ordre de 6 % par an, poursuivrait la décélération entamée en 2009, pour atteindre 4,5 %. Ainsi que l’explique le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale présenté le 1er octobre dernier, ce ralentissement tient à la forte diminution du nombre de départs en retraite anticipée, passant de 122 000 en 2008 à 24 700 en 2009, puis 49 700 en 2010, pour un coût respectif de 2,4 milliards d’euros, 2,1 milliards d’euros et 1,6 milliard d’euros. Hors retraite anticipée, le flux de départs se stabiliserait autour de 650 000 en 2010, mais le nombre de retraités de plus de 60 ans continuerait de croître à un rythme rapide (+ 3,3 %). La revalorisation des prestations se traduirait par une hausse en moyenne annuelle de 1,15 % (après 1,3 % en 2009).

Malgré le transfert au FSV du financement des validations gratuites de trimestres accordées au titre des périodes d’arrêt de travail ou du fait de la maladie, de la maternité, des accidents du travail ou de l’invalidité, opéré par l’article 40 du présent projet de loi de financement pour une première étape de 630 millions d’euros en 2010 (puis 1,26 milliard d’euros à partir de 2011), le déficit s’aggraverait de 2,6 milliards d’euros par rapport à 2009, pour atteindre 10,7 milliards d’euros. Dès lors, le solde ne serait amélioré que de 573 millions d’euros par rapport au résultat du compte tendanciel. Il est vrai que la seule autre mesure ayant un effet sur les prestations proviendrait de la possibilité qui sera accordée aux assurés invalides qui le souhaitent de demeurer en emploi après soixante ans, mais elle ne rapporte que 4 millions d’euros en net. On rappellera enfin que la branche vieillesse perdrait près de 50 millions d’euros de recettes du fait du transfert d’une fraction des droits sur les tabacs au panier fiscal finançant l’exonération des heures supplémentaires et de la non-compensation du « bonus exceptionnel » outre-mer.

 La branche famille

Tendanciellement, le solde négatif de la branche famille se dégraderait de 1,3 milliard d’euros en 2010, malgré le ralentissement de la croissance des prestations (+ 1,8 %) faisant suite à la forte progression attendue pour 2009 (+ 3,9 % hors allocation de parent isolé). Ce faisant, conformément aux dispositions de la loi de financement pour 2009, les transferts au FSV au titre des majorations de pensions pour enfants continueront d’augmenter en 2010 (+ 700 millions d’euros). En outre, les prestations extralégales progresseraient à un rythme nettement plus élevé (+ 9,8 %) qu’en 2009, en raison de la revalorisation des prix plafonds et de la création de nouvelles places en structures collectives, soit près de 400 millions d’euros supplémentaires.

Les mesures nouvelles pour 2010 ont un effet quasiment neutre sur le solde la branche famille : la prise en charge par l’État d’une fraction des pertes sur créances d’indus au titre de prestations nouvellement comptabilisées en comptes de tiers, consécutive au passage en comptes de tiers de certaines prestations servies pour le compte de l’État (20 millions d’euros) et l’amélioration de la détection des logements fictifs ouvrant droit aux aides au logement et autres mesures de lutte contre la fraude (7 millions d’euros), évoquées respectivement aux articles 26 et 51 du présent projet de loi de financement, équilibrent tout juste les pertes de recettes de la branche.

Au sujet de l’ouverture aux assistants maternels de la possibilité de souscrire un prêt à l’amélioration de l’habitat (article 46), le commentaire de l’annexe 9B estime qu’elle devrait n’avoir qu’un « coût modéré, puisque seuls les intérêts à ces prêts sont pris en charge par la branche », mais le tableau de la page 23 de cette annexe, récapitulant les coûts ou bénéfices des mesures du présent projet de loi de financement, se contente d’un simple « 0 ». En fait, la fiche d’évaluation associée à l’article 46 du projet de loi fait apparaître un coût de 0,5 million d’euros en 2010, puis de 1 million d’euros en 2011 et de 2 millions d’euros par la suite.

Enfin, il faut relever que compte tenu de ce que l’article 26 du présent projet de loi conduit à faire sortir du compte de résultat (en charges comme en produits) de la branche famille certaines prestations qui sont en fait servies pour le compte de tiers (en premier lieu l’AAH), les charges et les produits de la branche famille baissent en apparence de façon significative. Après neutralisation de ces effets, l’objectif de dépenses de la branche est en augmentation de 2,8 %, soit quasiment le même pourcentage qu’en 2009 (+ 2,9 %).

 La branche des accidents du travail et des maladies professionnelles

L’évolution tendancielle aurait conduit la branche à un déficit supérieur de 157 millions d’euros en 2010. En effet, malgré le ralentissement de la progression des charges nettes (+ 2,2 %), en prenant en compte le maintien des transferts à la CNAM au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des deux fonds amiante, celles-ci continueraient de croître plus vite que les recettes (+ 0,9%).

L’unique mesure nouvelle pour 2010 en recettes conduit à alourdir à la marge le déficit, puisque le nouveau régime des incitations financières instauré par l’article 42 du présent projet de loi va faire peser une charge de 5 millions d’euros sur la branche.

*

La Commission adopte l’article 23 sans modification.

Article 24

Approbation du tableau d’équilibre des organismes
concourant au financement des régimes obligatoires de base

Le d du 2° du C du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose que la loi de financement de la sécurité sociale « retrace l’équilibre financier de la sécurité sociale dans des tableaux d’équilibre présentés par branche et établis […] pour les organismes concourant au financement de ces régimes ».

Compte tenu de la dissolution du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA) à compter du 1er janvier 2009, le présent article ne porte désormais plus que sur le FSV. Il porte donc approbation de son tableau d’équilibre, qui est rapproché, ci-après, du tableau d’équilibre pour 2009 tel que révisé par l’article 4 du présent projet. Fondée sur les montants bruts et non pas en montants nets des écritures relatives aux pertes sur créances irrécouvrables, l’annexe 8 donne pour sa part des chiffres légèrement différents en recettes (13 milliards d’euros) et en dépenses (17,5 milliards d’euros), mais pour un solde rigoureusement identique.

Tableau d’équilibre des organismes concourant au financement
des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

FSV

12,9

16,0

– 3,0

12,9

17,4

– 4,5

Sources : PLFSS 2010

L’évolution tendancielle des comptes pour 2010 confirme que la période de soldes positifs aura été très brève pour le FSV, avec un alourdissement de 839 millions d’euros du déficit, ainsi porté à 3,9 milliards d’euros.

Ainsi qu’on l’a vu précédemment (cf. article 21), les recettes, tributaires pour l’essentiel de la CSG et du produit du prélèvement social de 2 %, devraient quasiment stagner (+ 0,1 %), et ce grâce aux différents prélèvements institués ou majorés par le présent projet de loi de financement. La montée en charge du transfert en provenance de la CNAF au titre des majorations de pensions pour enfants, programmé jusqu’en 2011 par la loi de financement pour 2009, se poursuivra en 2010, apportant un supplément de plus de 700 millions d’euros de recettes au FSV, portant le montant total du transfert à 3,6 milliards d’euros. L’apparition de cette ressource nouvelle est toutefois plus que compensée par la disparition de la fraction de C3S affectée au FSV, qui avait atteint 800 millions d’euros en 2008 et en 2009, en raison de la dégradation de la situation du RSI, affectataire prioritaire de cette contribution.

Corrélativement, les charges globales augmenteraient de 5 % par rapport à 2009, du fait principalement de l’accroissement des cotisations prises en charge au titre du chômage : moyennant une hypothèse de plus de 215 000 chômeurs supplémentaires en moyenne annuelle, le transfert aux régimes de base serait supérieur d’environ 700 millions d’euros. En outre, le présent projet de loi met à la charge du FSV le financement de la validation des périodes d’arrêt maladie, maternité et d’invalidité, au moyen d’une participation forfaitaire versée à la CNAV et aux régimes alignés. La montée en charge de cette mesure sera étalée sur les exercices 2010 (50 %) et 2011 (100 %), soit respectivement des montants de 630 millions d’euros et 1,26 milliard d’euros, équilibrant les sommes nouvelles que le FSV est appelé à recevoir de la CNAF au titre des majorations de pension pour enfants.

Par ailleurs, les prestations prises en charge au titre du minimum vieillesse n’augmenteraient que de 0,8 %, sous l’effet conjoint d’une revalorisation de 4,7 % et de l’alignement sur le montant maximum du minimum vieillesse du plafond de ressources applicable pour une personne seule. Quant aux prises en charge de prestations au titre des majorations de pension pour enfants élevés et pour conjoint à charge, leur progression devrait se ralentir (+ 2,5 %).

Dégradé de 584 millions d’euros par rapport au « tendanciel » présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit du FSV progresserait de plus de 1,4 milliard d’euros en 2010 par rapport à 2009, pour atteindre près de 4,5 milliards d’euros.

FSV – Incidences des mesures nouvelles sur l’équilibre 2010

(en milliards d’euros)

 

« Tendanciel » 2010

Mesures nouvelles 2010

Équilibre 2010

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

FSV

13,0

16,8

– 3,9

+ 0,046

+ 0,630

– 0,584

13,0

17,5

– 4,5

Source : PLFSS 2010

Sans méconnaître la mission de solidarité confiée au FSV, votre rapporteur souligne cependant qu’il ne faut jamais perdre de vue la situation du fonds lorsqu’on veut disposer d’une vision exhaustive de notre besoin de financement en matière de retraites. Ainsi, pour l’ensemble des régimes en 2010, il convient d’ajouter aux 12,2 milliards d’euros de déficit de la branche vieillesse proprement dite les 4,5 milliards d’euros du FSV, soit un total de 16,7 milliards d’euros.

*

La Commission adopte l’article 24 sans modification.

Article 25

Objectif d’amortissement de la dette sociale et affectation de recettes
au Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

Le b du 2° du C du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose que la loi de financement de la sécurité sociale « détermine l’objectif d’amortissement au titre de l’année à venir des organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et elle prévoit, par catégorie, les recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes à leur profit ».

Le présent article fixe donc l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la CADES et les prévisions de recettes affectées au FRR.

1. L’objectif d’amortissement de la dette sociale

L’objectif d’amortissement pour 2010 est fixé à 5 milliards d’euros, contre 5,1 milliards d’euros en objectif rectifié pour 2009 (cf. supra article 5). Ce montant est égal la différence entre, d’un côté, des produits nets (5,9 milliards d’euros de CRDS auxquels s’ajoutent 2,2 milliards d’euros de CSG), qui atteindraient près de 8,1 milliards d’euros, et, de l’autre, des frais financiers nets et autres charges s’élevant à 3,1 milliards d’euros.

Fin 2010, l’amortissement cumulé s’élèverait donc à 47,6 milliards d’euros, avec, compte tenu d’un montant de dette reprise porté à 134,6 milliards d’euros depuis 2009, une situation nette s’élevant à – 87,1 milliards d’euros.

Compte tenu de ce que la reprise de dette s’est accompagnée en 2009 d’une affectation de ressources nouvelles, conformément aux dispositions de la loi organique du 2 août 2005, les perspectives d’extinction de la dette sont inchangées. La CADES a élaboré un indicateur de performance qui lui permet de suivre au cours du temps l’évolution de cette situation, c’est-à-dire du montant restant à rembourser, en fonction de différentes probabilités de risque. Ces perspectives sont présentées dans l’annexe 8 au présent projet de loi de financement : la CADES aurait actuellement une chance sur deux d’avoir intégralement remboursé en douze ans (2021) la dette qui lui a été confiée ; la probabilité que cette dette soit déjà remboursée dans onze ans (2020) n’est que de 5 %, de même que celle qu’elle ne soit pas remboursée en moins de seize ans (2025).

2. Les prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites

L’objectif d’affectation de recettes au FRR pour 2010 est fixé à 1,5 milliard d’euros, stable par rapport à l’objectif rectifié de 2009 (cfsupra article 5), « compte tenu de l’atonie des différentes composantes de l’assiette » du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement affecté au fonds (+ 0,1 %).

L’annexe 8 au présent projet de loi fait l’hypothèse de produits financiers nets qui s’élèveraient à 1 miliard d’euros, compte tenu d’une prévision de performance annuelle des placements de 6,3 %. Dès lors, les réserves constituées à fin 2010 atteindraient un peu plus de 31 milliards d’euros, en excluant les plus ou moins-values latentes ainsi que la part de la soulte versée par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) en conséquence de l’adossement au régime général de ce régime, géré par le FRR pour le compte de la CNAV.

*

La Commission adopte l’article 25 sans modification.

Section 3

Dispositions relatives à la trésorerie et à la comptabilité

Article 26

Comptabilisation de certaines prestations servies par les organismes de sécurité sociale pour le compte de tiers

Le présent article vise à tirer les conséquences d’une observation formulée par la Cour des comptes (cf. ci-dessous) dans le cadre de son rôle de certificateur des comptes du régime général, à l’occasion de ses travaux sur la certification des comptes 2008 de la branche famille.

Cour des comptes, Rapport de certification des comptes
du régime général de sécurité sociale 2008, juin 2009 (extrait)

Les modes de comptabilisation des écritures d’inventaire
des prestations pour comptes de tiers

En application des dispositions normatives qui les encadrent, les méthodes actuelles de comptabilisation des opérations effectuées pour le compte de tiers (État et départements) sont hétérogènes. Certaines apparaissent au compte de résultat (AAH et API) alors que d’autres ne sont retracées qu’en comptes de classe 4 (RMI et allocations de logement non familiales – APL, ALS et ALT).

La branche famille n’étant que le mandataire de l’État et des départements, ces opérations devraient être neutres pour son résultat. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui en raison des pratiques en matière d’écritures d’inventaire. De plus, ces dernières sont difficilement comparables sur la durée du fait des nombreux changements de méthode réalisés ces dernières années.

Il a été demandé par la Cour en missions finales :

− de revoir les écritures concernant l’AAH et l’API pour les créances d’indus et la charge de leur dépréciation qui ne devrait pas peser sur le mandataire qu’est la branche famille mais sur le mandant1. Cependant, les administrations de tutelle (direction du budget et direction de la sécurité sociale), ont fait valoir dans une lettre en date du 16 avril 2009 que, selon elles, il n’était pas possible de « procéder à une telle reprise de provision au motif que le cadre juridique actuel ne permet pas à l’Etat de prendre à sa charge tout ou partie des charges d’indus détectés et non recouvrés pour l’exercice ». Dans ces conditions, la Cour admet qu’il convient d’en rester à la pratique actuelle pour 2008, mais estime que ce sujet doit impérativement être revu pour l’établissement des comptes 2009, à la faveur d’une modification du régime juridique de ces prestations et de leur traduction comptable : elle prend acte qu’une telle réforme est envisagée par les administrations de tutelle ;

− de ne pas constituer de provisions pour rappels dans les comptes de la branche pour la partie des prestations qui n’incombe pas à la branche famille mais à son mandant, l’État. En conséquence, il n’y a plus lieu de constituer des provisions pour l’AAH et l’API. En revanche, pour l’APL et l’ALT, pour lesquelles aucune provision n’existait jusqu’alors, il est nécessaire d’en constituer pour la part incombant à la branche famille – mais pas pour la part financée par l’État. Cette évolution a été traitée comme un changement de méthode comptable, c’est-à-dire par imputation de l’incidence financière du changement au 1er janvier 2008 sur le report à nouveau.

(1) Pas plus que les pertes elles-mêmes lorsqu’elles sont finalement constatées au vu du caractère non recouvrable de la créance d’indu.

Certaines prestations servies par les caisses de sécurité sociale pour le compte d’un tiers sont donc retracées au compte de résultat des organismes de sécurité sociale, alors qu’elles devraient l’être en « comptes de classe 4 », autrement dit des comptes de tiers. C’est actuellement le cas, en vertu des textes en vigueur, de quatre allocations versées par les caisses d’allocations familiales, les caisses maladie ou les caisses de retraite :

– pour le compte de l’État, l’allocation aux adultes handicapés (AAH, ainsi que le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome), l’allocation de parent isolé (API, uniquement servie dans les DOM, à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy depuis l’entrée en vigueur du RSA) et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) dans le régime général (pour le Fonds spécial d’invalidité dans les autres régimes) ;

– pour le compte de la CNSA, la majoration pour parent isolé de l’allocation pour l’éducation de l’enfant handicapé.

L’AAH puis l’API ont initialement été directement supportées par la branche famille, de telle sorte que le transfert à l’État a alors été rédigé comme un simple remboursement. Concernant la majoration pour parent isolé, la rédaction a été recopiée sur celle de l’AAH sans qu’aient été prises en considération les aspects comptables.

Pour l’allocation supplémentaire d’invalidité, le second alinéa de l’article L. 815-29 prévoit explicitement l’inscription d’une charge, par référence aux dispositions applicables pour les relations entre le FSV et la CNAV. Dès lors, afin d’assurer l’inscription en comptes de tiers, il suffit au 1° du I du présent article d’énoncer que « le financement de la majoration pour parent isolé de l’allocation de l’enfant handicapé est assuré par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ».

En revanche, pour la majoration de l’allocation pour l’éducation de l’enfant handicapé, le second alinéa de l’article L. 541-4 du code de la sécurité sociale dispose que « la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie verse au Fonds national des prestations familiales, géré par la Caisse nationale des allocations familiales, une subvention correspondant aux sommes versées au titre de la majoration » spécifique pour parent isolé. Le mécanisme est le même pour l’allocation aux adultes handicapés, tel que prévu par le dernier alinéa de l’article L. 821-5 du code de la sécurité sociale : « L’État verse au fonds national des prestations familiales, géré par la Caisse nationale des allocations familiales, une subvention correspondant au montant des dépenses versées au titre de l’allocation aux adultes handicapés ».

Dès lors, la solution est différente, pour ces deux prestations, de celle retenue pour l’allocation supplémentaire d’invalidité. Les 2° et 3° du I modifient respectivement les articles L. 815-29 et L. 821-5 du code de la sécurité sociale, afin d’indiquer que leur financement est assuré par l’État et, s’agissant de l’allocation supplémentaire d’invalidité, par le Fonds spécial d’invalidité pour les organismes débiteurs de l’allocation autres que le régime général. Il en va de même pour l’API, qui fait l’objet d’une disposition similaire au II du présent article : cette disposition n’est pas codifiée, car la loi créant le RSA a abrogé les dispositions relatives à l’API, tout en précisant qu’elles restaient applicables dans les DOM le temps que le RSA y soit mis en place, au plus tard le 1er janvier 2011.

À l’occasion de cette clarification comptable, le projet ajuste également la répartition du financement des pertes résultant du non recouvrement des indus sur les prestations en cause. En effet, comme le rappelle la Cour, les pertes sur créance d’indus sur les prestations servies pour le compte d’un tiers sont à la charge de ce dernier. Actuellement, ces indus sont intégralement à la charge des organismes prestataires. Avec la nouvelle règle comptable résultant du présent article, le financeur, c’est-à-dire l’État ou la CNSA, devrait supporter l’intégralité des indus.

Afin de maintenir une responsabilisation des organismes et d’améliorer la prévention ainsi que le recouvrement de ces indus, un plafonnement de leur prise en charge est donc prévu. Pour chacune de trois prestations servies par l’État, mais pas pour la majoration de l’allocation pour l’éducation de l’enfant handicapé, le dispositif précise donc que « la prise en charge par l’État de créances d’indus ne peut excéder une fraction des prestations versées dans l’année, dans des conditions fixées par décret ». Le pouvoir réglementaire déterminera les taux d’indus pris en charge par l’État, qui seront fixés, selon la fiche d’évaluation, « au vu des caractéristiques de chaque prestation et des objectifs de performance assignés à la branche ». Actuellement, la proportion des indus non recouvrés au titre de l’allocation aux adultes handicapés s’élève ainsi à 0,18 % des sommes versées dans l’année (soit environ 12 millions d’euros).

Enfin, le présent article s’appliquera pour la première fois aux comptes de l’exercice 2010. S’ils ne modifient en rien les soldes, les montants en jeu sont importants : 6 milliards d’euros pour l’allocation aux adultes handicapés, 290 millions d’euros pour l’allocation supplémentaire d’invalidité, 148 millions d’euros pour l’allocation de parent isolé et 21 millions d’euros pour la majoration de l’allocation pour l’éducation de l’enfant handicapé, soit un total de 6,6 milliards d’euros, dont 6,4 milliards d’euros pour la seule branche famille. La différence apparaît d’ailleurs clairement si l’on met en regard les objectifs 2010 de la branche famille de ses dépenses ainsi que de ses recettes pour 2009 (cf. articles 22 et 23).

Par ailleurs, la fiche d’évaluation estime que le fait qu’une partie des indus soit désormais à la charge de l’État pour les trois prestations en cause « devrait réduire les charges de la branche famille de l’ordre de 20 millions d’euros ». De fait, cette économie est retracée par l’annexe 9B au projet de loi et se range donc parmi les mesures ayant une incidence sur l’équilibre pour 2010.

*

La Commission adopte l’article 26 sans modification.

Article 27

Habilitation des régimes de base et des organismes concourant
à leur financement à recourir à l’emprunt

En vertu du e du C du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale « arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources ». Le présent article porte donc habilitation de certains régimes et organismes à recourir des ressources non permanentes.

L’article 35 de la loi de financement pour 2009 avait autorisé sept régimes ou organismes à recourir à des ressources non permanentes : régime général, régimes des exploitants agricoles (CCMSA), Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE), Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SSNCF et Caisse de retraites du personnel de la RATP.

Le présent article, qui traduit en termes de financement les conséquences des tableaux d’équilibre pour 2010 approuvés aux articles 22 et 23, porte sur huit régimes : en effet, comme en 2008, il a paru utile de prévoir la couverture des besoins de trésorerie de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Par ailleurs, l’annexe 9A au présent projet de loi s’attache à présenter l’évolution du profil de trésorerie du RSI, qui ne bénéficie pourtant pas d’habilitation à recourir à des ressources non permanentes : cette information est justifié par « l’importance de ce régime et de ses relations avec les autres organismes de sécurité sociale ».

Il importe de rappeler que la notion de besoin de trésorerie ne doit pas être confondue avec celle de besoin de financement, qui s’apprécie non au jour le jour, mais sur un exercice donné, par comparaison de l’ensemble des charges et des produits. Si un besoin de trésorerie apparaît, même ponctuel, il doit être couvert par une avance, c’est-à-dire par des ressources non permanentes.

Une telle situation peut se présenter sans qu’il y ait nécessairement par ailleurs un besoin de financement, comme le montrent certains des régimes faisant l’objet du présent article : les profils de trésorerie traduisent souvent un simple décalage entre les calendriers des encaissements et des tirages, tandis que l’ACOSS procède à des opérations pour compte de tiers (recouvrement de CSG pour le compte du FSV, des autres régimes d’assurance maladie et de la CNSA, recouvrement de CRDS pour le compte de la CADES, recouvrement de la contribution de solidarité pour l’autonomie pour la CNSA, versement de prestations pour le compte de l’État ou des départements).

1. Le régime général

En 2009, de manière tout à fait inhabituelle, deux plafonds de recours à des ressources non permanentes avaient été fixés : un plafond de 35 milliards d’euros pour les trois premiers mois de l’année et, une fois la reprise de dette effectuée, un plafond de 18,9 milliards d’euros. Ce dispositif particulier visait à tirer les conséquences de la reprise de la dette du régime général par la CADES opérée par l’article 10 du projet de loi de financement pour 2009 : compte tenu de l’échelonnement des versements de la caisse, les effets de la reprise de dette sur la trésorerie ne se sont fait pleinement sentir que dans le courant du mois de mars.

En raison de l’ampleur de la crise économique, ce montant s’est toutefois révélé insuffisant en cours d’année, de telle sorte que le Gouvernement a dû prendre un décret relevant le plafond à 29 milliards d’euros, que ratifie l’article 3 du présent projet de loi. L’exécutif ayant fait le choix de ne pas obérer le retour à la croissance par des prélèvements nouveaux – mais y a-t-il jamais un bon moment pour majorer les prélèvements obligatoires ? – le besoin de trésorerie de l’ACOSS s’accroîtra fortement en 2010, pour atteindre, depuis un point haut, le 8 février (à – 20,1 milliards d’euros), un point bas, en fin d’exercice, de - 61,6 milliards d’euros.

Moyennant une marge de 3,4 milliards d’euros permettant de faire face, le cas échéant, à un aléa sanitaire, le Gouvernement a fixé la limite à 65 milliards d’euros. Le montant est évidemment sans précédent depuis que les lois de financement ont été instituées, ainsi que le montre le tableau ci-après.

Régime général
Plafond de recours à des avances de trésorerie
(1997-2010)

(en milliards d’euros)

Année

Plafond (*)

1997

12,2

1998

4,7

1999

4,4

2000

4,4

2001

4,4

2002

4,4

2003

15

2004

33

2005

13

2006

18,5

2007

28

2008

36

2009

29 (**)

2010

65

(*) Y compris, le cas échéant, relèvement en cours d’exercice.

(**) 35 milliards d’euros du 1er janvier au 31 mars.

Source : lois de financement de la sécurité sociale

Le graphique ci-après fait parfaitement apparaître la tendance régulière à l’augmentation de ce plafond, simplement interrompue par les reprises de dette successives :

Régime général – Plafond de recours à des avances de trésorerie (1997-2010)

Pour assurer le financement de telles masses, la problématique n’a guère évolué, votre rapporteur ayant déjà été amené à souligner à l’automne 2007 que « la question de la capacité de l’ACOSS à gérer un plafond plus élevé de ressources non permanentes pourrait rapidement se poser. En effet, elle demeure largement tributaire, indépendamment du progrès apporté par le recours aux billets de trésorerie, de son refinancement auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Or un précédent a déjà montré les difficultés que le financement de sommes aussi importantes pouvait susciter pour la Caisse des dépôts. En effet, le niveau atteint par le plafond d’avances de trésorerie en loi de financement pour 2004, soit 33 milliards d’euros, l’avait conduite à refuser de s’engager pour la totalité du montant. L’ACOSS avait dès lors été contrainte d’émettre des emprunts sur les marchés. »

Avec une perspective de plus de 60 milliards d’euros de déficit de trésorerie, le régime général est donc désormais concrètement confronté à cette difficulté, alors même que la Caisse des dépôts et consignations a durci ses exigences, remettant ainsi en cause la convention de quatre ans conclue le 21 septembre 2006 avec l’ACOSS.

Cette convention fixe les frais de tenue du compte unique de disponibilités courantes (3,8 millions d’euros par an) et, surtout, distingue deux types d’avances de trésorerie : les avances prédéterminées, qui permettent à l’ACOSS d’emprunter, pour une période donnée, un montant préalablement fixé, et les avances au jour le jour. Plus avantageuse que la première convention (2001-2006) pour les avances mobilisables à 24 heures mais plus pénalisante pour les avances de 7 à 13 jours, la tarification des emprunts est ainsi fondée sur quatre types d’avances (du jour même à plus de trente jours), déterminées à partir du taux Eonia (au jour le jour) :

Conditions de financement des besoins de trésorerie de l’ACOSS par la Caisse des dépôts et consignations

 

Taux applicable

Avances mobilisables à 24 heures

Eonia + 0,15 %

Avances prédéterminées

– de 7 à 13 jours

– de 14 à 29 jours

– au-delà de 30 jours

Eonia + 0,115 %

Eonia + 0,10 %

Eonia + 0,05 %

Source : ACOSS

En outre, l’ACOSS doit transmettre chaque mois à la Caisse des dépôts ses besoins de financement prévisionnels sur trois mois, qu’elle s’engage à respecter dans le cadre d’un « tunnel de prévisions » (+/– 250 millions d’euros à un mois,
+/– 750 millions d’euros à deux mois et +/– 1,5 milliard d’euros à trois mois).

Courant 2007, anticipant les difficultés de trésorerie de l’exercice à venir, l’ACOSS a demandé à la Caisse des dépôts et consignations de financer 31 milliards d’euros en 2008. Par courrier en date du 20 décembre 2007, la Caisse des dépôts a cependant indiqué, suite à la crise de liquidités qui avait débuté au cours de l’été, qu’elle ne s’engagerait à financer les avances à 24 heures et les avances prédéterminées aux taux convenus qu’à hauteur de 25 milliards d’euros en 2008 et que, pour les 6 milliards d’euros restants, elle déterminerait le prix de ses avances sur le taux Euribor 2 mois. Tout au long de l’année, l’ACOSS s’est efforcée, avec succès, de ne pas aller au-delà des 25 milliards d’euros, grâce à diverses opérations ponctuelles, notamment l’achat par l’Agence France Trésor (AFT) de billets de trésorerie de l’ACOSS, pour des montants compris entre 2 et 5 milliards d’euros.

Par courrier en date du 24 décembre 2008, le directeur général de la Caisse des dépôts, mettant en avant les pertes subies en 2008 du fait des relations financières avec l’ACOSS, évaluées contradictoirement à 25 millions d’euros, a demandé la négociation d’un avenant à la convention. Celle-ci n’avait jusqu’alors fait l’objet que de deux avenants de caractère technique, le premier dans le cadre de l’introduction des billets de trésorerie, le deuxième dans le cadre de la mise en place de l’interlocuteur social unique.

D’une signification autrement plus importante, ce troisième avenant a été signé le 16 juillet dernier et s’applique depuis le 21 septembre. Afin de tenir compte du décalage atypique, du fait des baisses massives de taux auxquelles ont procédé les banques centrales à l’automne 2008, entre l’Eonia et l’Euribor, généralement limité à 10 points de base alors qu’il se situe actuellement entre 40 et 50 points de base, il introduit la notion de « période exceptionnelle » de marché, commençant le premier jour du mois suivant celui pour lequel l’écart moyen constaté entre le taux au jour le jour (Eonia) et le taux Euribor 3 mois est supérieur à 10 points de base et prenant fin le dernier jours du mois au cours duquel cet écart moyen constaté est supérieur à 10 points de base.

Durant les « périodes exceptionnelles », une nouvelle tarification est désormais applicable :

Rémunération applicable aux avances de la Caisse des dépôts et consignations
à l’ACOSS durant les « périodes exceptionnelles »

Tranches

Écart
moyen entre
Euribor 3 mois et
Eonia (en points de base)

Jusqu’à 10 milliards d’euros

De 10 à 20 milliards d’euros

De 20 à 25 milliards d’euros

10 à 20

Eonia + 0,12 %

Eonia + 0,22 %

Eonia + 0,32 %

21 à 30

Eonia + 0,16 %

Eonia + 0,29 %

Eonia + 0,35 %

31 à 40

Eonia + 0,20 %

Eonia + 0,33 %

Eonia + 0,39 %

41 à 50

Eonia + 0,24 %

Eonia + 0,35 %

Eonia + 0,42 %

51 à 60

Eonia + 0,25 %

Eonia + 0,38 %

Eonia + 0,44 %

61 à 70

Eonia + 0,30 %

Eonia + 0,43 %

Eonia + 0,49 %

71 à 80

Eonia + 0,37 %

Eonia + 0,50 %

Eonia + 0,56 %

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2009)

Si l’écart entre les taux est supérieur à 80 points de base, les parties conviennent de se rencontrer dans les plus brefs délais. Par ailleurs, afin de permettre à la Caisse des dépôts de ne plus mobiliser la totalité de sa capacité d’engagement dès le premier jour de l’exercice, la demande de plafond d’avances que l’ACOSS lui adresse pour l’année à venir devra désormais être décomposée en demandes de plafonds trimestriels. La sanction en est une commission de non-utilisation en cas d’écart supérieur à 1 milliard d’euros entre le plafond trimestriel demandé et le point bas trimestriel constaté.

L’avenant prévoit également que les « tunnels de prévisions » sont rétrécis, de 750 millions d’euros à 500 millions d’euros à deux mois et de 1,5 milliard d’euros à 750 millions d’euros à trois mois. Enfin, il confie à un tiers – l’Agence France Trésor – l’évaluation des coûts de financement, sur lesquels les parties étaient en désaccord, afin d’ajuster au besoin le nouveau dispositif.

Mais l’avenant laissait en suspens la question de savoir si la Caisse des dépôts et consignations serait disposée à poursuivre ses avances jusqu’à 31 milliards d’euros et, le cas échéant, à quelles conditions elle accepterait de prendre en charge ces 6 milliards d’euros supplémentaires. Dans un courrier en date du 21 septembre adressé au directeur de l’ACOSS, le directeur général de la Caisse des dépôts, faisant valoir la « modification substantielle de la structure du bilan » qu’entraînerait un tel niveau d’avances, équivalent au tiers de la section générale de son bilan, conditionne son octroi à un accord préalable de la commission de surveillance et à la redéfinition préalable de « l’équilibre financier global » de la convention avec l’ACOSS.

Il estime en effet que l’engagement de la Caisse vis-à-vis de l’ACOSS, « de simple financement à court terme devrait dorénavant prendre clairement la forme d’une assurance de liquidité et, pour partie, d’une dette financière de plusieurs mois ». Dès lors, la Caisse demande que le nouveau cadre de ses relations avec l’ACOSS repose sur les deux règles suivantes :

– une structuration des financements correspondant à la durée économique réelle de l’endettement de l’ACOSS, au travers de la « garantie d’une visibilité accrue sur les profils prévisionnels de tirage » et de la « mise en place par la Caisse des dépôts de lignes de crédit structurées correspondant aux différentes maturités économiques réelles des tirages de l’ACOSS » ;

– des conditions tarifaires fondées sur l’Euribor (au lieu de l’Eonia) pour les durées de financement comprises entre un mois et un an, ainsi que la définition d’une durée définie et d’une rémunération spécifique pour l’engagement de liquidité de la Caisse des dépôts.

La Caisse des dépôts plaide donc pour une renégociation de l’ensemble des éléments de la convention avant son échéance normale. L’ACOSS estime, quant à elle, impossible de mener à bien aussi rapidement une telle opération, notamment en raison de la complexité de ses aspects comptables. La Caisse des dépôts souhaiterait en outre que plusieurs lignes de crédit soient ouvertes, alors qu’il n’y en a actuellement qu’une seule. Pour l’ACOSS, une telle adaptation demanderait du temps et constituerait un changement radical de son mode de financement, faisant appel à des taux plus longs.

En complément de son traditionnel financement par la Caisse des dépôts, la diversification des sources de financement de l’ACOSS figure dans la convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et l’ACOSS pour la période 2006-2009. Le principal intérêt de cette diversification des modes de financement est de permettre, en fonction de la situation des marchés, de réduire les coûts de financement des besoins de trésorerie. Elle s’est concrétisée par la mise en place d’un programme de billets de trésorerie.

Comme pour tous les émetteurs de titres de créance négociables (TCN) français, le programme de billets de trésorerie de l’ACOSS est encadré par la Banque de France. Notées P-1 par l’agence Moody’s et F1+ par l’agence FitchRatings, les émissions de l’ACPSS sont perçues comme quasi équivalentes à celles de l’État ou de la CADES. La Caisse des dépôts assure le back-office de l’émission des billets de trésorerie (traitement des ordres de l’ACOSS, envoi vers l’agent domiciliataire CACEIS), tandis que plusieurs établissements financiers (Société générale, CALYON, BNP Paribas) assurent leurs placements auprès des investisseurs privés. En application de la convention de 2006, l’ACOSS transmet chaque année à la Caisse des dépôts l’encours prévisionnel de billets de trésorerie pour l’année suivante, dans la limite du plafond fixé par les tutelles.

Par lettre du 27 juillet 2006, les ministres de tutelle ont fixé le plafond d’émission de billets de trésorerie à 5 milliards d’euros. L’ACOSS ayant été autorisée par la loi de financement pour 2007 à émettre des titres de créances négociables, elle y a procédé dès la fin de l’année 2006 à hauteur de 5 milliards d’euros, pour une opération bilatérale avec l’État soldée dès le 11 janvier 2007.

Afin de permettre l’apurement de la dette de l’État envers le régime général (qui s’est opéré via un achat de billets de trésorerie par la Caisse de la dette publique), il a ensuite été demandé, le 27 août 2007, d’augmenter de 5,1 milliards d’euros le programme de billets de trésorerie de l’ACOSS, mais uniquement pour des titres qui seraient souscrits par l’État ou ses établissements publics.

Courant 2007, la crise financière a perturbé le déroulement du programme de billets de trésorerie, contraignant l’ACOSS à en relever le prix de 5,3 points de base, mais elle n’en a pas moins été en mesure d’émettre en moyenne en-deçà du prix moyen des avances de la Caisse des dépôts et consignations, réalisant ainsi un gain de 400 000 euros. En outre, les billets de trésorerie ont été mobilisés pour deux opérations financières : l’apurement de la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale en octobre 2007, puis une « opération d’optimisation de la trésorerie des entités publiques », entre la fin du mois de décembre 2007 et le début du mois de janvier 2008, consistant en fait en un jeu d’écritures permettant d’offrir une présentation améliorée des comptes publics, en fin d’exercice, au regard des critères de convergence européens. En plus de ces émissions, l’Agence France Trésor (AFT) a, dans une logique d’optimisation de la gestion des trésoreries publiques, réalisé en 2008 plusieurs opérations ponctuelles d’achat de billets de trésorerie (de 2 à 5 milliards d’euros) pour faire face aux points les plus bas du profil de trésorerie ACOSS.

En 2008, l’encours journalier moyen (hors opérations avec l’État) s’est élevé à 2,7 milliards d’euros, pour un taux moyen se montant à Eonia + 3,7 points de base. Au cours des trois premiers trimestres de 2008, les suites de la crise des subprimes ont cependant conduit l’ACOSS à mobiliser au maximum les avances prédéterminées de la Caisse des dépôts, dont les conditions étaient plus favorables. Fin 2008, le retour massif des liquidités sur le marché monétaire a permis à l’ACOSS de procéder à des émissions courtes à des taux très avantageux. Au 31 juillet 2009, l’encours moyen des billets de trésorerie pour les sept premiers mois de 2009 était de 2,8 milliards d’euros, pour un taux moyen égal à Eonia + 1,5 point de base.

À elle seule, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), autorisée par un décret du 3 novembre 2008 à placer ses excédents de trésorerie en billets émis par l’ACOSS, a investi jusqu’à 500 millions d’euros. En outre, l’Agence France Trésor, dans une logique d’optimisation de la gestion des trésoreries publiques, a ponctuellement acheté, durant l’année 2008, des billets de trésorerie de l’ACOSS, pour des montants allant de 2 à 5 milliards d’euros, afin d’éviter que ne soit dépassé le plafond de 25 milliards d’euros, au-delà duquel les avances de la Caisse des dépôts deviennent plus coûteuses, et d’alourdir le coût de financement des points les plus bas de son profil de trésorerie.

L’avenant à la convention entre la Caisse des dépôts et l’ACOSS signé le 16 juillet dernier a assoupli le cadre d’émission des billets de trésorerie. L’ACOSS pourra désormais émettre jusqu’à 2,5 milliards d’euros de billets supplémentaires au-dessus de l’encours prévisionnel transmis à la Caisse. Dans le cas où un aléa exceptionnel augmenterait fortement et de manière imprévisible les besoins de financement de l’ACOSS, celle-ci pourrait, après la pleine utilisation de l’ensemble des ressources conventionnelles, émettre des billets de trésorerie à dû concurrence du besoin restant à financer. De fait, pour se préparer à l’importante augmentation de ses besoins de financement, l’ACOSS procédera à une importante montée en charge de ses émissions de billets de trésorerie, qui devrait commencer dès fin 2009.

En tout état de cause, et dans le meilleur des cas, l’addition des moyens que peut mobiliser l’ACOSS pour financer ses besoins de trésorerie demeure inchangée. En effet, même si les conditions posées dans son courrier susmentionné du 21 septembre dernier sont semble-t-il considérées comme réunies, la Caisse des dépôts indique avec fermeté que son concours ne saurait excéder 31 milliards d’euros en 2010. En portant l’émission de billets de trésorerie à 10 milliards d’euros, dont 5 milliards d’euros seraient acquis par l’Agence France Trésor, l’ACOSS peut donc tabler sur un peu plus de 40 milliards d’euros. L’équation demeure néanmoins difficile à résoudre, puisque manquent encore au minimum 20 milliards d’euros pour couvrir le pic négatif de trésorerie, qui approcherait 62 milliards d’euros.

Comme il était exclu, tant pour des raisons d’ordre pratique que de principe, d’organiser au sein de l’ACOSS un service de placement de cette dette à court terme, le Gouvernement devait trancher entre deux solutions permettant à l’ACOSS d’émettre à l’étranger du commercial paper de huit jours à un an, marché difficile sur lequel l’arrivée d’un nouvel intervenant français risque de brouiller le schéma auquel les acheteurs, c’est-à-dire les banques centrales, sont habitués, avec pour seule garantie la reprise in fine de la dette par la CADES.

La première solution, qui avait sans doute la préférence de l’ACOSS, consistait à faire appel à l’expertise, à la notoriété internationale et à la qualité de signature de la CADES, moyennant l’extension des missions qui lui sont confiées par la loi. Au cours de ses auditions, votre rapporteur a pu vérifier que celle-ci n’y était pas hostile : anticipant le déficit de l’exercice 2009, elle a porté son commercial paper de 25 à 40 milliards d’euros tout en refinançant à moyen et long termes la reprise de dette qu’elle a effectuée entre fin décembre 2008 et mars 2009. Elle dispose ainsi d’une réserve de lignes de crédit à court terme, précisément à hauteur d’une vingtaine de milliards d’euros.

La seconde solution consistait à solliciter l’Agence France Trésor, service à compétence nationale chargé de la gestion de la dette et de la trésorerie de l’État, en tant que prestataire de services de l’ACOSS, bien qu’ayant déjà par ailleurs d’importants volumes à chercher sur les marchés.

Éclairé par les conclusions d’une récente mission de l’Inspection générale des finances, dont votre rapporteur, malgré ses demandes réitérées, n’a pu avoir communication, le Gouvernement a arbitré en faveur de cette seconde solution. Bien entendu, ce choix ne vaut que pour 2010 et ne préjuge pas des modalités qui seront ultérieurement retenues pour régler le sort de la dette.

Le marché français des billets de trésorerie apparaissant aujourd’hui comme à la fois restreint (50 milliards d’euros hors banques) et peu ouvert, l’AFT aura donc à rechercher les montants nécessaires sur le marché de l’euro commercial paper, qui, comme son nom ne l’indique pas, n’en offre pas moins des titres qui ne sont pas exclusivement libellés en euros. Situé à Londres, d’un volume de l’ordre de 600 milliards d’euros, ce marché confronte une forte proportion (40 %) d’émetteurs publics (au nombre desquels la CADES, la Caisse des dépôts, SNCF, RFF, ...), d’un côte, et les banques centrales (principalement européennes ou asiatiques), de l’autre.

Compte tenu d’un profil de trésorerie à pente régulièrement décroissante durant l’année, l’ACOSS ne devrait avoir besoin de recourir à cette nouvelle faculté que durant le second semestre de 2010. La relative modicité de ces nouvelles sommes que l’AFT serait chargée de placer sur les marchés, soit un maximum de 15 milliards d’euros, ne nécessiterait pas le vote en loi de finances d’une disposition attestant explicitement la garantie de l’État sur les déficits de l’ACOSS.

En outre, l’AFT, qui s’apprêtait à lancer un programme en euro commercial paper pour la Société des prises de participation de l’État (SPPE), est sans nul doute à même de remplir la mission qui lui est désormais confiée. Au cours de leur audition, ses représentants ont fait valoir la bonne connaissance qu’elle a de ces marchés et de leurs investisseurs, ainsi que sa familiarité avec les problèmes de financement de la sécurité sociale, puisqu’elle est représentée au conseil d’administration de la CADES. Ils ont par ailleurs indiqué que le statut d’établissement public administratif sera de nature à rassurer les marchés, comme en son temps pour la CADES, l’essentiel étant de faire clairement comprendre que malgré l’intervention de l’AFT, ce n’est pas l’État, mais la sécurité sociale qui vient en l’espèce sur les marchés, et qu’il n’y a aucune confusion entre les deux dettes.

Afin de remplir cette nouvelle mission, l’AFT a procédé à deux recrutements, respectivement pour le démarchage des investisseurs et le back office. Pour l’assister dans ces opérations, l’AFT a par ailleurs choisi un cabinet d’avocats et un établissement bancaire. Ce dernier mettra sur pied les émissions, à l’occasion desquelles il sera rémunéré, la commission étant comprise dans le prix d’émission. Compte tenu des rémunérations moyennes constatées et de ce que les montants ne seront pas mobilisés durant l’année entière, le coût ne devrait pas excéder 2 millions d’euros.

En conclusion, le « bouclage » du financement des besoins de trésorerie de l’ACOSS serait assuré comme suit en 2010 :

– jusqu’à 25 milliards d’euros, l’ACOSS recourra au maximum à son principal et habituel instrument de financement que sont les avances de la Caisse des dépôts, tout en disposant d’une tranche supplémentaire de 6 milliards d’euros, à laquelle elle ne fera appel que lorsqu’elle aura épuisé par ailleurs ses possibilités de disposer d’argent à un meilleur coût ;

– elle va par ailleurs poursuivre le développement de ses émissions de billets de trésorerie, pour atteindre 10 milliards d’euros dès le mois de mars prochain, le plafond étant fixé à 15 milliards d’euros ;

– l’AFT acquerra des billets de trésorerie de l’ACOSS, comme elle l’a déjà précédemment fait, à partir d’avril 2010 pour 1 à 2 milliards d’euros. En fonction de la situation de trésorerie de l’État, ces achats pourront se monter jusqu’à 5 milliards d’euros ;

– les efforts de mutualisation des trésoreries de la sphère sociale seront poursuivis, à l’image de ce qui s’est déjà fait pour l’excédent de trésorerie de la CNSA à hauteur d’environ 1 milliard d’euros, en octobre-novembre 2008 et à nouveau cette année en novembre. Le ministre des comptes publics a par ailleurs évoqué au début du mois, lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale, la C3S en attente d’affectation ainsi que les trésoreries du RSI ou du FSV, autant de fonds qui se placeront désormais sur les billets de trésorerie de l’ACOSS plutôt que sur des OAT ;

– l’ACOSS procédera à des émissions complémentaires jusqu’à un niveau de 15 milliards d’euros sur les marchés de court terme, techniquement assurées par l’Agence France Trésor, qui agira pour le compte de l’ACOSS en tant que prestataire de service.

En moyenne, l’addition de ces différentes sources de financement donne un total de 63 milliards d’euros. Par ailleurs, l’idée, un temps évoquée, de se tourner vers un consortium bancaire privé n’a pas été entièrement écartée : ne pouvant apporter que 5 à 10 milliards d’euros au plus, cette solution ne consisterait en effet qu’en une ligne de trésorerie en back-up, permettant de faire face à des couvertures moins importantes que prévu ou aux points les plus bas du profil de trésorerie, c’est-à-dire en tout état de cause durant une période assez courte.

Votre rapporteur se souvient que lorsque le plafond de trésorerie s’est approché des 36 milliards d’euros, alors considérés comme la limite supérieure de ce que le système pouvait tolérer pour assurer le financement du besoin de trésorerie de l’ACOSS, l’idée dominante était qu’il était inconcevable d’aller plus loin. Le montage proposé pour 2010 paraît montrer le contraire.

En revanche, il est convaincu que l’année suivante, lorsque le déficit de trésorerie approchera les 100 milliards d’euros, compte tenu du déficit prévisionnel pour 2011, il ne sera plus possible de recourir à des expédients. Le problème de fond se posera avec encore plus de crudité : il devient absurde de faire porter de telles sommes par l’ACOSS, laquelle n’est au demeurant pas directement intéressée par le coût de l’opération, qui est assumé par les différentes branches concernées.

De ce point de vue, la déresponsabilisation est actuellement encouragée par la situation exceptionnelle des taux d’intérêt. Alors qu’avant la reprise de dette, les frais financiers approchaient le milliard d’euros, ils se sont fort logiquement repliés en 2009 (138 millions d’euros), répartis équitablement entre les branches vieillesse – qui agit également au nom du FSV – et maladie. En 2010, les frais repartiraient à la hausse, toujours à parité entre les deux principales branches : ils atteindraient globalement 748 millions d’euros. À législation inchangée, les intérêts de la dette trésorerie seraient de l’ordre de 3 milliards d’euros.

Dès lors, la crainte de votre rapporteur est que la tentation ne soit forte de faire sauter le « verrou » introduit par la loi organique de 2005 et de privilégier un allongement de la durée de remboursement de la dette sociale cantonnée dans la CADES plutôt qu’une augmentation de ses ressources, ou bien la création d’une « CADES 2 » à un horizon différent de celui de la CADES : premières étapes d’un processus – moralement inacceptable – qui pourrait conduire, à terme, à diluer la dette sociale dans la dette de l’État, c’est-à-dire à ne plus assumer que le remboursement de ses intérêts.

2. Le régime des exploitants agricoles

Le plafond de ressources non permanentes du régime des exploitants agricoles, qui avait été fixé à 8,4 milliards d’euros pour 2008, a été ramené à 3,2 milliards d’euros pour 2009, grâce à la reprise de dette effectuée par l’État à l’occasion de la dissolution du FFIPSA et à l’affectation intégrale de la taxe sur les véhicules de société à la branche maladie du régime des non-salariés agricoles. Cette opération a par ailleurs entraîné le transfert à la CCMSA de la gestion des ressources du régime des non-salariés agricoles, qui dispose désormais de l’autorisation d’emprunt pour le financement de ses besoins de trésorerie.

Négociée à l’automne 2008 dans des conditions de marché difficiles, l’ouverture de crédits à court terme pour 2009 de la CCMSA a donné lieu à une convention financière, pour 2,5 milliards d’euros, signée le 5 janvier 2009 avec un syndicat bancaire mené par le groupe Crédit agricole. Cette convention prévoit un financement en trois tranches :

– une tranche A de tirages fixes pour 1,5 milliard d’euros, au taux Euribor + 35 points ;

– une tranche B pour 600 millions d’euros, au taux Euribor + 75 à 100 points ;

– une tranche C de tirages au jour le jour pour 400 millions d’euros au taux Eonia + 120 points.

Corrélativement, pour ses placements, la CCMSA dispose auprès du groupe Crédit agricole d’un compte rémunéré à Eonia + 30 points et effectue également des placements courts en SICAV monétaires.

Pour l’année 2009, le solde moyen du régime devrait s’élever à
– 162 millions d’euros, avec un point bas de – 1 533 millions d’euros, le 9 novembre. La CCMSA n’a cependant pas eu besoin de recourir à la tranche B. En outre, elle a renégocié une baisse du tarif de la tranche C au 1er juillet 2009, à Eonia + 87 points. Le montant du plafond fixé en loi de financement pour 2008 se révèle donc largement suffisant.

Pour 2010, compte tenu des hypothèses du présent projet de loi, le solde moyen du régime atteindrait – 1,9 milliard d’euros et le point bas se présenterait le 9 novembre, en raison du versement tardif du produit de la taxe sur les véhicules de société, à hauteur de – 3,3 milliards d’euros. Dans ces conditions, le montant proposé pour le plafond de recours aux ressources non permanentes est de 3,5 milliards d’euros. Ce montant comprend donc une marge de 200 millions d’euros (contre 400 millions d’euros en 2009) afin de faire face à d’éventuels aléas.

3. La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL)

Pour 2008, la loi de financement avait fixé un plafond de ressources non permanentes de 250 millions d’euros pour la CNRACL. En 2009, une telle autorisation ne s’est pas avérée utile. En 2010, en revanche, le présent article propose, « à titre de précaution », un plafond de 350 millions d’euros, alors même qu’au déficit de 51 millions d’euros en 2009 devrait succéder un excédent de 217 millions d’euros selon le « tendanciel » présenté dans le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale. En effet, la baisse du taux de la compensation interne spécifique aux régimes spéciaux, le relèvement des taux de cotisations depuis 2005 et une croissance des cotisants expliquent cette amélioration du solde de la caisse.

En tout état de cause, le régime peut bénéficier auprès de la Caisse des dépôts et consignations d’un découvert de trésorerie. Dans la limite de 50 millions d’euros, les avances de trésorerie seraient rémunérées à Eonia + 20 points. Au-delà de 50 millions d’euros et dans la limite du plafond fixé en loi de financement, les avances passent à Eonia + 100 points.

La CNRACL est par ailleurs amenée à placer ses excédents de trésorerie en OPCVM, OAT et titres de créances négociables. En 2009, l’encours moyen des placements financiers serait de 1,2 milliard d’euros. À la différence des régimes déficitaires, la CNRACL pâtit donc quelque peu de la baisse des taux à court terme, qui a fait reculer les produits financiers de 46 millions d’euros en 2008 à 31 millions d’euros en 2009.

Pour l’exercice 2009, le point bas de trésorerie aurait été atteint le 27 mai, à niveau largement positif, à 399 millions d’euros, quoiqu’inférieur aux prévisions (820 millions d’euros). La totalité de l’exercice demeurerait donc positive.

En 2010, le point bas, toujours positif, apparaîtrait dès le 24 février (+ 368 millions d’euros). Un plafond d’emprunt de 350 millions d’euros est donc prévu en loi de financement. En additionnant le montant du point bas prévisionnel et celui du plafond autorisé, la CNRACL bénéficie ainsi d’une marge équivalant à 70% d’un mois de prestations.

4. Le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE)

En 2009, le point bas de la trésorerie du fonds, qui serait atteint le 24 décembre, s’élèverait à + 47 millions d’euros, de telle sorte que l’autorisation d’emprunt, fixée à 100 millions d’euros par la loi de financement pour 2009, se révélerait superfétatoire, de même que celles qui avaient été prévues en 2008 et en 2007.

Au demeurant, le fonds dispose auprès de la Caisse de dépôts d’un découvert de trésorerie. Jusqu’à 15 millions d’euros, les avances de trésorerie sont facturées à Eonia + 25 points. Au-delà de ce découvert et dans la limite du plafond fixé en loi de financement, les avances de trésorerie sont facturées à Eonia + 100 points de base. En 2009, le FSPOEIE ne devrait pas recourir à ce découvert. Bien au contraire, il devrait dégager des produits financiers (3 millions d’euros) grâce à ses excédents de trésorerie.

En 2010, le profil de trésorerie serait quasiment identique à celui de 2009, avec un point bas de 46 millions d’euros le 24 décembre. S’il paraît toutefois à nouveau nécessaire d’envisager un plafond d’emprunt, c’est que depuis 2006, le versement de la subvention d’équilibre de l’État intervient en deux fois : 80 % aux environs du 20 janvier et le solde aux environs du 20 juin. De fait, début 2006, les contraintes du calendrier de versement ont rendu nécessaire le recours à un emprunt.

L’intention est donc de conserver une marge de manœuvre suffisante, à savoir un mois de trésorerie, en cas de décalage, en début d’année, dans le premier versement de l’État. Toutefois, au lieu de 100 millions d’euros en 2009 (et même 150 millions d’euros les années précédentes), le plafond proposé pour 2010 est de 90 millions d’euros.

5. La Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM)

Durant l’année 2009, le point bas de trésorerie devrait être atteint le 9 décembre, à – 591 millions d’euros, pour un plafond de 700 millions d’euros autorisé en loi de financement.

Pour son financement, la CANSSM peut recourir à des avances de trésorerie de la Caisse des dépôts à Eonia + 50 points jusqu’à 75 millions d’euros et à Eonia + 100 points au-delà. L’encours moyen d’avances du régime était de 242 millions d’euros, soit 4 millions d’euros de charges financières. En outre, il s’acquitte d’une commission d’engagement de 0,1 % du plafond d’avances accordé par la Caisse des dépôts.

Fixé à 200 millions d’euros pour 2007, puis à 400 millions d’euros pour 2008 et à 700 millions d’euros pour 2009, le plafond de ressources non permanentes de la CANSSM passerait à 750 millions d’euros en 2010. Ce montant permettra de couvrir avec une marge de plus de 100 millions d’euros le point bas de l’exercice, évalué à – 635 millions d’euros aux alentours du 17 au 19 décembre.

Durant l’année, le solde moyen de trésorerie serrait de – 403 millions d’euros, soit en moyenne 161 millions d’euros de plus qu’en 2009. En hausse de 83 millions d’euros en 2009, le déficit du régime minier continuerait de se dégrader, mais dans de moindres proportions (- 14 millions d’euros), selon le « tendanciel » 2010 présenté dans le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, pour atteindre 162 millions d’euros.

Le plafond proposé pour 2010, soit 750 millions d’euros, en hausse de 50 millions d’euros par rapport à 2008, vise à prendre en compte les incertitudes propres à deux des ressources du régime minier : l’évolution des compensations démographiques et la date de réalisation des cessions d’immobilisations.

6. La Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG)

Excédentaire (+ 23,5 millions d’euros) en 2007 grâce au produit de la contribution tarifaire d’acheminement perçue sur les prestations de transport et de distribution de gaz et d’électricité, la caisse est déficitaire depuis 2008
(– 52 millions d’euros). En 2009, le déficit atteindrait 93 millions d’euros et, en 2010, selon le tendanciel présenté dans le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, 108 millions d’euros. Il convient de rappeler que la CNIEG assure à la fois le versement des retraites de base (adossées sur le régime général) et complémentaires (adossées sur l’ARRCO-AGIRC). Bien entendu, c’est seulement au titre des droits de base que le plafond de ses ressources non permanentes peut être fixé en loi de financement.

Le financement de la CNIEG est régi par une convention bancaire de trois ans, qui arrivera à échéance le 31 janvier 2010. Elle comprend un découvert en compte courant (Eonia + 3,5 points) et des avances de trésorerie sous forme de tirages (Euribor + 2 points).

Fixé à 500 millions d’euros pour 2007, puis à 550 millions d’euros en 2008 et à 600 millions d’euros en 2009, le plafond a permis cette année de passer le point bas de – 514 millions d’euros, constaté le 1er octobre et consécutif au versement trimestriel des pensions. Il est maintenu à 600 millions d’euros en 2010, pour un point bas presque identique à celui de 2009 (– 516 millions d’euros). Il s’agit essentiellement de faire face au décalage entre le versement trimestriel des pensions par la CNIEG et le rythme des transferts de la CNAV (au début d’un mois au titre du mois précédent).

7. La Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF

Instituée par le décret n° 2007-730 du 7 mai 2007, la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, qui a succédé à la caisse de retraite et à la caisse de prévoyance, a été amenée dès, sa première année, à se voir fixer un plafond d’autorisation d’emprunt par la loi de financement pour 2008, à hauteur de 1,7 milliard d’euros. Aux termes du même décret, c’est la SNCF qui, dans le cadre d’un mandat de gestion, assume, au nom de la caisse et pour son compte, la gestion de sa trésorerie.

Devant initialement prendre fin au 31 décembre 2007, ce mandat a été prolongé par avenant, mais début 2009, la caisse a conclu des conventions de gestion de trésorerie avec quatre partenaires financiers (groupe Crédit agricole, Société générale, DEXIA, BRED) et bénéficie de l’autonomie de gestion depuis mars 2009.

Le plafond pour 2008 avait été fixé à 1,7 milliard d’euros, bien que la branche vieillesse du régime spécial de la SNCF soit structurellement équilibrée par une subvention de l’État (3 090 millions d’euros en 2009). La nécessité de prévoir une autorisation d’emprunt tient en fait à un profil de trésorerie particulier, traduisant le décalage entre le versement des pensions, selon un rythme trimestriel, et l’encaissement des cotisations, selon un rythme mensuel. D’importants besoins, que le versement de la subvention d’équilibre de l’État ne permet pas de lisser, surviennent donc au début de chaque trimestre.

En 2009, le point bas a été atteint le 1er janvier (– 1,8 milliard d’euros), inférieur au plafond de 2,1 milliards d’euros voté en loi de financement. Pour 2010, le solde moyen de trésorerie du régime atteindrait – 415 millions d’euros et le point bas apparaîtrait le 31 décembre pour – 1,5 milliard d’euros. Le présent article propose donc de ramener le plafond à 1,7 milliard d’euros.

8. La Caisse de retraite du personnel de la RATP

De même que celui des industries électriques et gazières, le régime de retraite de la RATP a été adossé au régime général fin 2005, ce qui s’est notamment traduit par la création d’une Caisse de retraite du personnel chargée de reprendre les obligations de la RATP en matière de pensions de ses personnels. Depuis 2006, ce régime est structurellement équilibré par une subvention de l’État.

Dans ces conditions, il n’a eu que très peu recours à l’emprunt en 2009, d’autant que le point bas n’a atteint que – 1,3 million d’euros le 5 janvier. Pour financer ses besoins de trésorerie, il bénéficie d’un découvert de trésorerie auprès de la BRED, au taux Eonia + 100 points.

Pour 2010, le point bas serait d’environ – 7,5 millions d’euros le 20 janvier. Il est donc proposé de reconduire pour 2010 le plafond de 50 millions d’euros déjà précédemment retenu par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2007, pour 2008 et pour 2009.

*

La Commission adopte l’amendement de précision AS 320 du rapporteur (amendement n° 18).

Puis elle adopte l’article 27 ainsi modifié.

Elle adopte ensuite la troisième partie du projet de loi ainsi modifiée.

QUATRIÈME PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR 2010

Section 5

Dispositions relatives à la gestion du risque et à l’organisation
ou à la gestion interne des régimes obligatoires de base
ou des organismes concourant à leur financement

Article 48

Renforcement du pouvoir de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole en matière de pilotage des caisses locales

Le régime agricole de sécurité sociale est géré à l’échelon départemental (ou pluridépartemental) par les caisses de mutualité sociale agricole (MSA) et au niveau national par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA).

La MSA met en œuvre une protection sociale globale prenant en compte la protection légale et complémentaire de 4,3 millions de personnes, exploitants et salariés agricoles, employeurs de main-d’œuvre ainsi que leur famille. Les caisses de MSA ont également la possibilité de gérer des régimes complémentaires d’assurance maladie, maternité, invalidité et vieillesse pour les exploitants agricoles. Les prestations sociales versées par le régime agricole pour l’ensemble des risques se sont élevées à 27,1 milliards d’euros en 2008.

La Caisse centrale de la MSA est administrée, comme les caisses départementales et pluridépartementales de MSA, par un conseil d’administration central, élu par l’assemblée générale centrale, elle-même élue. Interlocuteur unique des pouvoirs publics, la Caisse centrale garantit l’expression des différentes composantes et sensibilités des ressortissants du régime agricole. À ce titre, elle a autorité pour défendre les intérêts de l’institution, en particulier dans le cadre de la négociation de partenariats à l’échelle du territoire. Pôle de référence, celle-ci produit la doctrine et renforce ses missions de veille et de suivi juridique, notamment au regard de l’actualité sociale européenne.

Ses attributions sont nombreuses :

– impulser des politiques institutionnelles et veiller à la cohérence de leur mise en œuvre au sein du réseau. À cette fin, elle encourage et accompagne la mise en place d’une offre sociale globale de qualité, en apportant un soutien adapté aux besoins des caisses ;

– assurer la gestion de risques ou de fonds, dans les cas prévus par la loi ;

– gérer les opérations de compensation entre les caisses départementales en matière de gestion, d’action sanitaire et sociale et de contrôle médical ;

– procéder aux répartitions des recettes et compensations de charges ;

– assurer la promotion de l’action sanitaire et sociale et la prévention des accidents du travail des salariés agricoles et des non-salariés agricoles ;

– conclure avec l’État des conventions d’objectifs et de gestion à caractère pluriannuel qui déterminent, pour une période minimale de quatre ans, les objectifs liés à la gestion des régimes de protection sociale des salariés et non-salariés agricoles, au service des prestations, au recouvrement des cotisations et des impôts, à l’amélioration du service aux usagers, à la politique d’action sanitaire et sociale et de prévention ;

– prendre les mesures nécessaires au pilotage du réseau des organismes de mutualité sociale agricole.

La Caisse centrale a, par ailleurs, un rôle général d’information et de propositions auprès du ministre de l’agriculture.

La MSA s’est engagée dans une opération de restructuration de son réseau. Des progrès ont été accomplis dans l’appropriation de la démarche objectifs/résultats et dans l’amélioration de la qualité de service au profit de l’usager (prestataire, professionnel de santé ou entreprise) : les conventions d’objectifs et de gestion 2002-2005 et 2006-2010 ainsi que le plan d’action stratégique 2006-2010 de la MSA ont mis en avant l’importance de confier à la Caisse centrale un pilotage institutionnel plus centralisé et d’étendre ses prérogatives sur son réseau pour en renforcer l’efficacité.

Dans le cadre de cette restructuration, les lois de financement de la sécurité sociale pour 2008 et pour 2009 ont accompagné le renforcement des pouvoirs de la Caisse centrale, tendant à lui conférer la dimension d’une véritable tête de réseau :

– l’article 102 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a permis la fusion de deux ou plusieurs caisses de MSA. Ce dispositif a parfaitement fonctionné, puisque le réseau est passé de 78 caisses en 2002 à 66 en 2007, puis à 46 au 1er janvier 2008, l’objectif final affiché étant d’atteindre le nombre de 35 au 1er avril 2010 ;

– ce mouvement s’est poursuivi avec l’article 112 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui a permis de transférer à la Caisse centrale le contrôle des budgets de gestion administrative et des opérations immobilières des caisses locales, concourant ainsi à renforcer encore son rôle de pilotage national.

Cependant, les mécanismes de gestion des caisses de MSA à l’échelon local n’ont pas permis de mettre en place un véritable dispositif de contrôle de gestion, englobant un pilotage par les coûts. Il existe actuellement des écarts de coûts encore significatifs entre les caisses de MSA. De plus, dans son rapport 2007 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes a souligné l’absence de contrôle de gestion des caisses de MSA. Dans le domaine de la maîtrise des risques financiers, le dispositif de contrôle interne mis en place par la Caisse centrale n’a pas été considéré comme suffisamment développé pour offrir les garanties nécessaires permettant de certifier les comptes combinés du régime par un commissaire aux comptes, ce qui a entraîné la non-certification des comptes 2008 de la MSA.

Renforcer le pouvoir de la Caisse centrale en matière de pilotage des caisses locales pourrait permettre de concrétiser les avancées accomplies par le réseau des caisses de MSA. Or il lui manque encore les moyens de faire appliquer aux caisses locales ses instructions, tendant à une plus grande maîtrise des coûts de gestion administrative et technique et des risques financiers. En effet, la Caisse centrale ne peut pas auditer les processus de gestion des risques et les procédures de contrôle, qu’il s’agisse des procédures administratives ou des applications informatiques. En outre, elle ne dispose pas encore de pouvoirs suffisants pour amener les caisses du réseau à mettre effectivement en œuvre ses orientations institutionnelles dans les domaines du contrôle de gestion, des contrôles budgétaires et immobiliers, du contrôle interne, de la lutte contre les fraudes et de la gestion du risque.

Le présent article vise donc à donner au conseil d’administration de la Caisse centrale le pouvoir de prescrire aux caisses locales des mesures permettant des économies de gestion administrative et technique et de se substituer aux élus des caisses locales défaillantes, pour ordonner la mise en application des mesures qu’elle estime nécessaires pour en redresser la situation.

Cette mesure incitera les caisses à appliquer rapidement les instructions de la Caisse centrale. Elle permettra de générer des économies d’échelle et de gestion, via la rationalisation du secteur, facilitera également le mouvement d’uniformisation des méthodes de travail et légitimera encore davantage les directives nationales données par la Caisse centrale en matière de contrôle interne, de contrôle de gestion, d’opérations budgétaires et immobilières, de lutte contre les fraudes et de maîtrise médicalisée.

Le dispositif ne nécessite pas la mobilisation de moyens nouveaux et les pouvoirs de pilotage en matière financière accordés à la Caisse centrale par l’article 48 devraient permettre une réduction de ces charges et entraîner une économie globale de 65 millions d’euros sur la durée de la prochaine convention d’objectifs et de gestion, qui liera la Caisse centrale à l’État de 2011 à 2015.

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 361 du rapporteur (amendement n° 73).

Puis elle adopte l’article 48 ainsi modifié.

Après l’article 48

La Commission est saisie de l’amendement AS 236 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement de bon sens vise à porter la limitation de l’âge des administrateurs des caisses de sécurité sociale de soixante-cinq à soixante-dix ans.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Avis défavorable.

M. Jean-Luc Préel. La mise à la retraite d’office des administrateurs de la sécurité sociale pose pourtant des problèmes de fonctionnement des conseils d’administration.

M. Jean Mallot. Votons tout de suite un amendement repoussant la limite d’âge à quatre-vingts ans, car pourquoi s’arrêteraient-ils en si bon chemin !

La Commission rejette l’amendement.

Section 6

Dispositions relatives aux organismes concourant au financement des régimes obligatoires

Article 49

Fixation des prévisions des charges des organismes concourant
au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale

Le 1° du D du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose que la loi de financement de la sécurité sociale « fixe les charges prévisionnelles des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base ».

Après leurs recettes (article 21) et leur tableau d’équilibre (article 24), le présent article fixe donc les charges de ces organismes, à savoir, depuis 2009, le seul Fonds de solidarité vieillesse (FSV), compte tenu de la dissolution du Fonds de financement de la protection sociale agricole (FFIPSA).

Charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

Évolution

FSV

16,0

17,4

+ 9,0 %

Source : PLFSS 2010

Le rapporteur se bornera donc à rappeler que les charges du FSV devraient progresser de 1 439 millions d’euros en 2010, contre seulement 810 millions d’euros dans le « tendanciel » présenté au début du mois à la Commission des comptes de la sécurité sociale, la différence tenant à la mission nouvelle confiée au fonds (financement des validations gratuites de trimestres accordées au titre des périodes d’arrêt de travail du fait de la maladie, de la maternité, des accidents du travail ou de l’invalidité).

*

La commission adopte l’article 49 sans modification.

Section 7

Dispositions relatives au contrôle et à la lutte contre la fraude

Article 50

Réforme des pénalités financières

Cet article procède à la réforme de la procédure des pénalités financières.

Parmi les dispositions introduites par l’article 92 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, qui avait créé au sein de la partie législative du code de la sécurité sociale un chapitre intitulé « Contrôle et lutte contre la fraude », comprenant un important train de mesures législatives, l’article L. 114-17 instituait un dispositif permettant aux directeurs des organismes chargés de la gestion des prestations familiales ou de l’assurance vieillesse d’appliquer des pénalités lorsque les déclarations faites par les bénéficiaires apparaissent inexactes ou incomplètes, ou lorsque la personne n’a pas déclaré un changement de la situation ouvrant droit à la prestation.

Ce dispositif, inspiré de celui mis en place dans la branche maladie par l’article L. 162-1-14 (issu de l’article 23 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie et réformé par l’article 115 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009), est de nature à faciliter le respect des règles et à dissuader la fraude, tout en ne recourant pas immédiatement à une sanction de caractère pénal. Il s’agissait, en effet, de limiter autant que possible le recours aux procédures contentieuses, particulièrement aux procédures pénales, longues et peu efficaces, les sanctions à l’encontre des assurés se révélant rarement supérieures à l’indu ou bien même n’aboutissant pas, le caractère frauduleux de l’infraction n’ayant pu être prouvé.

Les dispositions réglementaires d’application (décret en Conseil d’État n° 2006-1744 du 23 décembre 2006) précisent la nature des infractions passibles de cette procédure, la procédure contradictoire à respecter et définissent un barème de pénalités, qui varie selon la gravité des faits et le montant des prestations indûment perçues (article R. 114-14 du code de la sécurité sociale) :

– entre 75 et 100 euros, pour un indu inférieur à 500 euros ;

– entre 125 et 1 000 euros, pour un indu compris entre 500 et 2000 euros ;

– entre 500 euros et deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale (5 718 euros), pour un indu supérieur à 2 000 euros.

La fiche d’évaluation associée à cet article présente un bilan mitigé de cette procédure de pénalités. Votre rapporteur relève, tout d’abord, que les premières pénalités n’ont été notifiées aux usagers qu’à l’automne 2007, soit près de deux ans après l’adoption du dispositif législatif et près d’un an après la parution du décret d’application. Pour ce qui est de la branche famille, 101 pénalités ont été prononcées durant les quatre derniers mois de 2007, pour un montant total de 59 363 euros (en moyenne 587 euros par pénalité), dont 78 % au titre de l’allocation de parent isolé. Les chiffres pour 2008 sont respectivement de 1 037 (pour 9 397 fraudes détectées) et 528 170 euros (509 euros en moyenne). Pour ce qui est de la branche vieillesse, 13 pénalités financières ont été infligées au premier semestre 2009.

C’est donc non sans raison que le présent article propose de renforcer l’efficacité de ce dispositif.

Actuellement, les pénalités financières ne sont prévues que dans deux cas :

– inexactitude ou caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations versées par les organismes chargés de la gestion des prestations familiales ou des prestations d’assurance vieillesse ;

– absence de déclaration d’un changement dans la situation justifiant ces prestations.

Dans ces deux cas, les faits doivent avoir causé un préjudice financier aux organismes de sécurité sociale. Or, certains actes frauduleux peuvent être détectés avant le versement d’une prestation.

Le 1° du I du présent article supprime donc l’exigence que les faits aient abouti au versement de prestations indues, comme c’est déjà le cas dans la branche maladie ; il ajoute par ailleurs deux nouveaux cas de déclenchement de la procédure :

– un nouveau fait générateur, à savoir l’exercice d’un travail dissimulé, constaté dans les conditions prévues à l’article L. 114-15 (relatif aux modalités d’information des organismes sociaux), par le bénéficiaire de prestations versées sous conditions de ressources ou de cessation d’activité. Corrélativement, le II du présent article inclut donc l’article L. 114-7 parmi la liste des cas où la découverte de travail dissimulé doit être communiquée aux organismes sociaux ;

– une extension du champ des personnes susceptibles de se voir infliger une pénalité, au travers de l’inclusion des agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir le versement indu de prestations servies par un organisme servant des prestations familiales ou d’assurance vieillesse, même sans en être le bénéficiaire. Selon l’exposé des motifs, il s’agit de viser notamment les bailleurs en cas de fraude au logement, le tiers ayant procuration sur le compte bancaire qui perçoit la pension d’une personne décédée, les employeurs ne déclarant pas une personne bénéficiaire de prestations sociales ou la personne qui, déclarant héberger un tiers à son domicile, permet à cette personne de percevoir indûment une prestation.

Le montant de la pénalité, fixé en fonction de la gravité des faits, est aujourd’hui fixé à deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Le 2° du I porte ce montant maximal à quatre fois le plafond mensuel, soit 11 436 euros. Le directeur de l’organisme n’aura donc plus à saisir le juge pénal pour les pénalités comprises entre deux fois et quatre fois le plafond de la sécurité sociale. La faculté de doubler ce montant en cas de récidive demeure inchangée. Dans la branche maladie, l’article 115 de la loi de financement pour 2009 avait également porté le montant maximal à quatre fois le plafond, en cas de fraude telle que définie à l’article R. 147-11.

Selon le droit en vigueur, la pénalité est prononcée par le directeur de l’organisme concerné, après avis d’une commission composée et constituée au sein du conseil d’administration de cet organisme. Or, cette consultation systématique allonge la procédure et paraît souvent inutile, dans la mesure où dans la quasi-totalité des cas, les auteurs des fraudes ne contestent les sanctions ni dans leur principe ni dans leur montant. Afin d’alléger la procédure et à l’image de la solution retenue par l’article 115 de la loi de financement pour 2009 en matière de fraude à l’assurance maladie, le 3° du II ne prévoit désormais plus l’intervention de cette commission avant le prononcé d’une pénalité.

En même temps, le rôle de cette commission est sensiblement accru au stade du recours gracieux, afin que la personne susceptible d’être sanctionnée puisse, si elle le souhaite, faire valoir ses observations devant une instance collégiale : comme c’est déjà sa mission, la commission doit donner un avis au vu de l’appréciation de la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés, mais si elle estime que cette responsabilité est établie, elle doit aussi proposer le prononcé d’une pénalité dont elle évalue le montant. En outre, son avis est transmis aussi bien au directeur de l’organisme qu’à la personne concernée. En tout état de cause, la personne sanctionnée peut bien entendu contester la pénalité devant le tribunal administratif.

La pénalité ne peut pas être prononcée s’il a été fait application, pour les mêmes faits, des pénalités financières ou de la suppression de la prestation prévues, s’agissant du bénéfice du RSA, pour fausse déclaration, omission délibérée de déclaration ou travail dissimulé (articles L. 262-52 et L. 262-52 du code de l’action sociale et des familles), disposition existante reprise par le 4° du II. Symétriquement, le III prévoit également le non-cumul des pénalités dans ces deux articles du code de l’action sociale et des familles.

Les dispositions relatives à la mise en demeure en l’absence de paiement dans le délai prévu par la notification de la pénalité sont inchangées.

Enfin, le 5° du I supprime la mention, parmi les domaines conférés au décret d’application (en Conseil d’État), des situations de fraude. En effet, dans la rédaction en vigueur de l’article L. 114-17, le premier alinéa fait référence à toutes les situations susceptibles de faire l’objet de pénalités. Les modifications apportées à l’article L. 114-17 par le présent article ont pour incidence que ce premier alinéa n’a plus le même objet : les faits générateurs susceptibles de faire l’objet d’une pénalité sont désormais énumérés aux deuxième à cinquième alinéas, et non plus uniquement dans le premier. Dès lors, la référence aux « situations mentionnées au premier alinéa » n’avait plus de sens dans la nouvelle rédaction, les pénalités ne s’appliquant pas moins à l’ensemble des faits décrits au début de l’article.

Il supprime également la mention du barème des pénalités, conséquence logique, respectivement, de la plus grande précision du texte dans la définition des griefs pouvant déclencher la procédure et de la suppression de l’exigence d’un indu. L’existence d’un lien trop rigide entre le montant des indus et celui des pénalités peut, en outre, conduire à ce que des indus élevés, mais liés à une négligence davantage qu’à une manœuvre frauduleuse, soient davantage pénalisés que des fraudes visant à dissimuler des information sur les ressources ou sur la composition familiale et ne suscitant de ce fait que des indus relativement faibles. Dès lors, à l’image de la solution retenue par l’article 115 de la loi de financement pour 2009 en matière de fraude à l’assurance maladie, le deuxième alinéa de l’article L. 114-7 du code de la sécurité sociale s’appliquera pleinement, puisqu’il dispose déjà que « le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits ».

Le présent article nécessitera l’adoption d’un décret en Conseil d’État, dont le IV prévoit que la parution est la condition d’entrée en application du présent dispositif, qui ne pourra donc sanctionner que des faits postérieurs à la publication de ce texte réglementaire.

La fiche d’évaluation associée au présent article estime qu’un « doublement du montant des pénalités peut être raisonnablement espéré », soit 1 million d’euros par an, compte tenu des résultats déjà obtenus dans le cadre du dispositif en vigueur.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 62 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Il est proposé de donner au patricien la possibilité de saisir la commission des pénalités.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. L’objectif de l’article 50 est de rendre plus efficace la procédure de pénalité financière, en supprimant l’avis d’une commission préalablement à une décision du directeur de la caisse.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 182 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il convient de s’assurer que le bénéficiaire sera informé correctement et dans les délais convenables de la décision du directeur de l’organisme concerné, ce qui lui permettra éventuellement de la contester devant la juridiction administrative. À cette fin, l’amendement prévoit que cette information se fasse par lettre recommandée avec accusé de réception et que le délai imparti au bénéficiaire pour adresser ses observations courre à compter de la date de réception de ce courrier.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable : cette précision relève du domaine réglementaire.

La Commission rejette l’amendement.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette également l’amendement AS 63 de M. Jean-Luc Préel.

Puis elle examine l’amendement AS 183 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement tend à assurer la présence d’au moins un membre d’une association de défense des usagers dans les commissions chargées de prononcer des pénalités financières à l’encontre des usagers.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. À ce stade de la procédure, la présence d’un membre d’une association de défense des usagers ne paraît pas nécessaire.

La Commission rejette l’amendement.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements AS 64 et AS 65 de M. Jean-Luc Préel.

Elle adopte ensuite l’amendement de coordination AS 331 du rapporteur (amendement n° 74).

Puis, elle adopte l’article 50 ainsi modifié.

Article 51

Détection des logements physiques ouvrant droit à une aide au logement

Cet article vise à habiliter les caisses d’allocations familiales à se rapprocher des services fiscaux, afin de recueillir des informations relatives au propriétaire d’un bien immobilier et ainsi vérifier l’existence effective d’un logement, ce pour les trois types d’aides au logement existant, soit l’aide au logement sociale, l’aide au logement familiale et l’aide personnalisée au logement.

L’article 51 du projet de loi modifie pour cela d’une part, les articles L. 583-3 et L. 831-7 du code de la sécurité sociale et d’autre part, l’article L. 351-12 du code de la construction et de l’habitation, qui définissent les conditions d’exercice des contrôles par les organismes débiteurs de prestations familiales, respectivement de l’aide au logement familiale, de l’aide au logement sociale, et de l’aide personnalisée au logement.

En outre, il modifie l’article L. 152 A du livre des procédures fiscales, afin de prévoir l’obligation pour l’administration des impôts de communiquer aux organismes débiteurs de prestations familiales toute information relative au contrôle des déclarations des bailleurs.

1. La branche famille peine à couvrir le risque de fraude aux aides au logement, faute d’outils adaptés

Selon les informations communiquées à votre rapporteur par la CNAF, le montant du préjudice financier représenté par les fraudes aux prestations familiales détectées par la branche famille, s’élève à 79,77 millions d’euros en 2008, par rapport à 58 milliards de prestations directes versées, soit une augmentation de 37 % par rapport à 2007.

La CNAF souligne régulièrement l’importance des fraudes aux aides personnelles aux logements qui représentent 30 % des fraudes détectées par la branche famille en 2008.

Selon elle, le risque de fraude en matière d’aide au logement est :

– varié, compte tenu des risques portant sur le logement (inexistence), le locataire (faux locataire, départ du logement, non paiement du loyer, non occupation du logement) ou le bailleur (faux bailleur, fausse attestation de loyer) ;

– d’une ampleur importante, compte tenu du nombre de bénéficiaires ;

– difficile à couvrir, compte tenu des moyens de contrôle limités (absence d’échanges automatisés, sauf en matière de ressources qui sont acquises auprès de la Direction générale des finances publiques, et de quittances de loyer qui sont annuellement demandées au bailleur et non au locataire).

Les difficultés actuelles à couvrir ces risques et détecter des fraudes laissent craindre que celles-ci soient très certainement sous estimées.

Parmi les fraudes aux aides au logement, plus de 10 % relèvent spécifiquement d’une déclaration de logement fictif. Ces fraudes sont rendues possibles, dans certains cas, par la production de fausses déclarations, notamment par la production d’un faux bail correspondant à un logement fictif.

En effet, le contrat de bail n’est soumis à aucune procédure d’enregistrement particulière. Par conséquent, il est tout à fait possible à deux personnes de souscrire un contrat de bail pour un logement fictif, afin de bénéficier des aides au logement.

Il existait auparavant une obligation de déclaration liée au versement de la contribution représentative du droit de bail. Cependant, celle-ci a été supprimée à compter du 1er janvier 2000, annulant par là même la possibilité pour les CAF de contrôler l’existence effective du logement ouvrant droit à des aides.

Afin de couvrir le risque de déclaration de logement fictif, la CNAF avait initié la constitution d’un fichier national recensant tous les logements de France. Cependant, il s’est avéré qu’une telle opération serait trop délicate et extrêmement coûteuse pour la CNAF.

C’est pourquoi l’option retenue a été de croiser les informations transmises par les bailleurs avec les fichiers de la taxe foncière et de la taxe d’habitation, auxquelles sont soumis les propriétaires.

Pour cela, il convient de lever deux obstacles juridiques.

Tout d’abord, il importe de donner aux caisses d’allocations familiales la possibilité de contrôler les bailleurs. En effet le bailleur a un statut de tiers
vis-à-vis de la caisse. Par conséquent, celle-ci ne peut, en l’état actuel du droit, procéder aux contrôles de ses déclarations, comme elle le fait pour un allocataire ou un demandeur de prestations familiales.

Par ailleurs, il convient d’une part d’autoriser les caisses à demander des informations relatives aux bailleurs auprès de la Direction générale des finances publiques, et d’autre part, de mettre en place des échanges automatisés de données entre les services des impôts et les caisses.

2. Le dispositif de détection des logements physiques devrait renforcer l’efficacité de la lutte contre les fraudes

Le I modifie l’article L. 583-3 du code de la sécurité sociale, relatif aux modalités de contrôle d’attribution de l’allocation de logement familiale, afin de permettre aux caisses de contrôler le bailleur, dans les mêmes conditions que l’allocataire ou le demandeur de prestations familiales.

En l’état actuel du droit, d’une part la caisse ne dispose d’aucun pouvoir de contrôle à l’égard du bailleur, celui-ci ayant un statut de tiers vis-à-vis des organismes débiteurs de prestations familiales, d’autre part, leur personnel n’a pas la possibilité d’échanger des données relatives au bailleur, en vue d’apprécier les conditions d’ouverture d’un droit à l’aide au logement.

Il existe certes pour les caisses un droit de communication, prévu par les articles L. 114-19 à L. 114-21 du code de la sécurité sociale.

Cependant, ce droit s’exerce dans des conditions restrictives. Ainsi, il peut s’exercer soit par une demande écrite auprès du tiers, soit par une visite sur place des agents de contrôle des organismes de sécurité sociale, qui doivent alors informer préalablement le tiers de l’objet et de la date de cette visite. En outre, aucun échange d’information par voie dématérialisée ne doit être mis en œuvre et aucun fichier ne doit être constitué pour l’exercice du droit de communication. Les informations sont simplement recueillies par remise de photocopies.

L’article L. 583-3 du code de la sécurité sociale, tel que modifié par le présent article, permettra désormais les échanges d’informations relatives au bailleur entre les agents des administrations fiscales, d’une part, et les agents des administrations chargées de l’application de la législation sociale et du travail et des organismes de protection sociale de l’autre. Étant précisé qu’il s’agit des seules informations nécessaires à l’appréciation des conditions d’ouverture, au maintien et au calcul des aides au logement.

Il accorde, en outre, la possibilité aux caisses de procéder à des contrôles directement auprès des bailleurs.

Le 1° modifie le deuxième alinéa de l’article L. 583-3 du code de la sécurité sociale, afin de prévoir que la « fraude, la fausse déclaration, l’inexactitude ou le caractère incomplet des informations recueillies » en vue d’attribuer les prestations familiales peuvent exposer le bailleur aux sanctions et pénalités prévues aux articles L. 114-13 et L. 114-17 du code de la sécurité sociale.

Il s’agit, d’une part, du paiement d’une amende de 5 000 euros en cas de fraude ou de fausse déclaration en vue de toucher des prestations familiales et, d’autre part, de l’application d’une pénalité en cas de versement de prestations indues.

Le 2° modifie le troisième alinéa de l’article L. 583-3 du code de la sécurité sociale, en vue de prévoir que lorsque les informations ne peuvent être obtenues auprès de l’administration fiscale, les caisses pourront obtenir directement auprès du bailleur toute information nécessaire à l’appréciation des conditions d’ouverture, au maintien et au calcul de l’aide au logement familiale.

Le 3° modifie le quatrième alinéa du même article, afin d’introduire la possibilité pour les caisses de contrôler les déclarations des bailleurs, notamment afin de vérifier l’existence ou l’occupation du logement pour lequel l’allocation de logement familiale, visée à l’article L. 542-1 du même code, est perçue.

Le 4° modifie le sixième alinéa du même article, afin de préciser que les informations demandées par les caisses aux bailleurs doivent être limitées aux données strictement nécessaires à l’attribution des prestations familiales. Il conviendra, en effet, de définir avec précision le type d’informations qui seront communiquées par les services administratifs aux caisses dans l’exercice de leur contrôle. Pour mémoire, il faut rappeler que le personnel de celles-ci est tenu au secret des informations qui leurs sont communiquées dans leur activité de contrôle.

Le 5° prévoit enfin qu’un décret fixe les modalités d’information des bailleurs dont les déclarations font l’objet d’un contrôle d’attribution des aides au logement.

Le II modifie l’article L. 831-7 du code de la sécurité sociale, relatif aux modalités de contrôle d’attribution de l’allocation de logement sociale, afin d’y appliquer le dispositif de détection des logements fictifs.

Le 1° modifie le deuxième alinéa de cet article, afin de prévoir, comme pour l’article L. 583-3 du code de la sécurité sociale, que la « fraude, la fausse déclaration, l’inexactitude ou le caractère incomplet des informations recueillies » en vue d’attribuer les prestations familiales peuvent exposer le bailleur aux sanctions et pénalités prévues aux articles L. 114-13 et L. 114-17 du code de la sécurité sociale.

Le 2° et le 3° modifient le troisième alinéa de l’article L. 831-7, en vue d’habiliter les caisses à demander exiger, directement auprès du bailleur, toute information nécessaire à l’appréciation des conditions d’ouverture, au maintien et au calcul de l’aide au logement sociale.

Le 4° modifie le quatrième alinéa du même article, afin de permettre aux organismes débiteurs de l’aide au logement de vérifier que le bailleur, conformément à l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, « est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation ».

Le III vise à modifier l’article L. 351-12 du code de la construction et de l’habitation, relatif aux modalités de contrôle de l’attribution de l’allocation personnalisée au logement, exercé par les organismes chargés du paiement de cette prestation.

Le 1° modifie le deuxième alinéa de cet article, afin de prévoir, comme pour les deux autres aides au logement, les sanctions applicables en cas de fraude, de fausse déclaration ou d’incomplétude des informations fournies par le bailleur.

Le 2° modifie le troisième alinéa de cet article, en vue de préciser, d’une part, que les bailleurs doivent communiquer aux caisses les informations que celles-ci n’ont pu obtenir des services administratifs et, d’autre part, que les caisses peuvent contrôler les déclarations des bailleurs afin de vérifier l’existence ou l’occupation du logement pour lequel l’aide personnalisée au logement est perçue.

Le 3° modifie le dernier alinéa de cet article, afin de préciser que, sous réserve des dispositions spécifiques applicables aux logements locatifs conventionnés, les contrôle des déclarations des bailleurs est assuré par l’organisme chargé du paiement de l’aide personnalisée au logement. Il est précisé que les administrations publiques sont tenues de communiquer à ce personnel toutes les pièces nécessaires à l’exercice de ce contrôle.

Le IV vise à modifier l’article L. 152 A du livre des procédures fiscales, afin de prévoir que l’administration des impôts est tenue de communiquer aux organismes débiteurs de prestations familiales toutes les informations nécessaires à l’appréciation des conditions d’ouverture, au maintien des droits et au calcul des trois allocations de logement versées par les caisses d’allocations familiales, ainsi qu’au contrôle des déclarations des allocataires et des bailleurs.

3. Les modalités de mise en œuvre du dispositif doivent toutefois être précisées sur plusieurs points

La systématisation des échanges de données relatives à l’existence physique des logements permettra de renforcer l’efficacité des contrôles menés par le personnel des caisses et d’alléger leur charge de travail. En effet, la détection précoce des logements ne figurant pas dans les fichiers des services des impôts permettra aux caisses de cibler leurs contrôles sur place.

Le rendement financier de cette mesure est évalué à 7 millions d’euros par an à compter de 2010, selon les chiffres de l’annexe 9 du projet de loi de financement. Les frais de gestion liés à sa mise en œuvre n’ont par ailleurs pas été précisés.

Cependant, un certain nombre de points devront être clarifiés.

Il convient tout d’abord de préciser les modalités d’échange d’informations entre les caisses et la Direction générale des finances publiques. Les échanges de données informatisés représentent d’ores et déjà un moyen important de lutte contre la fraude. Les caisses collaborent ainsi régulièrement avec Pôle Emploi et la Direction générale des finances publiques. Cependant, l’instauration d’échanges systématiques d’informations suppose de définir avec précision la nature des fichiers échangés.

Selon les informations communiquées à votre rapporteure par la Direction de la sécurité sociale, une concertation aurait été initiée avec la Direction générale des finances publiques, qui n’aurait pas encore abouti à des résultats précis. La question se pose de savoir quels éléments seraient ainsi communiqués (nom du propriétaire, adresse, numéro d’identification fiscale).

Il est évident que, dans la mesure où certaines données nominatives feront l’objet d’échanges par voie informatique avec la caisse, il conviendra de saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés, lorsque le dispositif final aura été établi.

Par ailleurs, un décret modifiant l’article D. 583-1 du code de la sécurité sociale, devra venir préciser les modalités d’information des bailleurs. En effet, le seul outil permettant d’identifier les bailleurs et de recouper les informations est aujourd’hui le numéro d’identification fiscale. La mise en place du dispositif d’identification de l’existence des logements implique donc que les bailleurs inscrivent systématiquement leur numéro d’identification fiscale sur les imprimés de demande d’aide au logement.

*

La commission adopte l’article 51 sans modification.

Article 52

Prorogation de l’expérimentation d’une suspension du versement des aides au logement en cas de fraude

Cet article vise à proroger l’expérimentation, mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, de la suppression du service des aides au logement en cas de fraude.

Le I de l’article modifie le dernier alinéa du I de l’article 110 de la loi de financement pour 2008, en prévoyant une prolongation de la phase d’expérimentation du dispositif, initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2009, d’une année supplémentaire.

Le II modifie le même alinéa afin de prévoir la transmission au Parlement, avant le 30 septembre 2010, d’un rapport d’évaluation de cette mesure, assorti des observations des organismes ayant participé à l’expérimentation.

1. Le dispositif expérimental de suspension des aides au logement en cas de fraude vise à compléter les pénalités financières et les poursuites pénales

Résultant d’un amendement de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, l’article 110 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a instauré une nouvelle sanction de suspension des prestations d’aide au logement en cas de fraude.

Ce dispositif est centré sur les allocations logement, en raison de la part prépondérante des fraudes aux aides au logement dans le manque à gagner total enregistré par la CNAF chaque année, qui s’élève à près de 80 millions d’euros en 2008 (voir tableau ci-dessous).

Évolution des fraudes depuis 2004 en masse financière

Année

Préjudice en millions d’euros

% d’augmentation

2004

18

 

2005

21

16,5%

2006

35,1

67%

2007

58,3

66%

2008

79,77

37%

Source : CNAF

Pour mémoire, les fraudes au logement représentent, en 2008, 13% du montant global des fraudes.

Le dispositif actuel prévoit qu’en cas de fraude constatée, et lorsque celle-ci est supérieure à un seuil fixé à deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, les organismes de sécurité sociale peuvent prendre une décision administrative de suppression du service des aides au logement.

Cette suppression concerne les trois types d’aides : aide personnalisée au logement (APL) (article L. 351–1 du code de la construction et de l’habitation), allocation de logement familiale (ALF) et allocation de logement sociale (ALS) (articles L. 542-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale), et ce pendant une année au plus à compter de ladite décision.

La suspension s’applique simultanément aux trois types d’aide au logement. Ainsi, si une personne se voit supprimer le bénéfice de l’ALS, qui s’applique aux personnes isolées résidant dans le parc privé, elle ne pourra pas bénéficier par ailleurs de l’APL si elle déménage en logement conventionné durant la période d’application de la sanction.

Cette disposition vise à améliorer l’efficacité de la lutte contre la fraude, qui s’est intensifiée au sein de la branche famille depuis 2007. La création de nouveaux outils, tels que les pénalités ou la suspension des aides à l’avenir, constitue des outils alternatifs aux poursuites pénales. Si le dispositif mis en place cette année s’avère efficace, il pourrait également être envisagé de l’étendre à d’autres prestations sociales.

Par lettre ministérielle du 6 mai 2008, la Direction de la sécurité sociale a donné des directives aux organismes chargés de payer les aides personnelles au logement et de mettre en œuvre cette expérimentation. Elle doit ainsi être engagée, que l’allocataire conserve ou non des droits ouverts au bénéfice des aides personnelles au logement après la découverte de la fraude.

Il est précisé que la sanction est prononcée par le directeur de la caisse concernée, selon la procédure prévue à l’article L. 114-7 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire après avis d’une commission constituée au sein du conseil d’administration de la caisse. Le directeur notifie la sanction à la personne concernée, qui peut présenter ses observations écrites.

La durée de la sanction est fixée en fonction de la gravité des faits, du montant de la fraude et de la récidive éventuelle, dans la limite d’une année, en fonction du montant de la fraude.

Cette circulaire apporte aussi des précisions sur la possibilité de cumuler la nouvelle mesure de suspension des prestations avec une poursuite pénale ou une sanction administrative de pénalité financière.

Enfin, afin de pouvoir présenter au Parlement un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de cette expérimentation avant le 30 juin 2009, le ministère demande aux organismes payeurs de lui adresser des éléments statistiques sur l’application de cette mesure pour le 15 septembre 2008.

2. L’expérimentation de la sanction administrative prévoyant la suspension des aides au logement en cas de fraude enregistre une montée en charge progressive

Les éléments d’explication fournis par les organismes débiteurs des aides personnelles au logement (caisses d’allocations familiales et caisses de la Mutualité sociale agricole) indiquent que cette suspension a été peu prononcée en raison notamment d’une mise en œuvre récente et d’une faible appropriation du dispositif par les caisses.

Votre rapporteur déplore que le rapport qui devait être remis au Parlement avant le 30 juin 2009 ne lui ait pas été communiqué.

En revanche, une évaluation a été menée par la CNAF, qui révèle que 62 décisions de suspension des aides au logement ont été prononcées en 2008, pour une durée de 7 mois en moyenne, soit seulement 14 % des cas où une suspension des aides au logement aurait pu être envisagée, car il existe un droit à une aide au logement.

Outre le caractère récent de cette disposition, les premiers éléments d’analyse conduisent à dresser le constat suivant :

– dans près de 17 % des cas potentiels, le préjudice est inférieur au seuil minimum d’application de la mesure fixé à 2 fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale ;

– dans 63 % des cas, des poursuites pénales ont été engagées ;

– dans 7 % des cas, des pénalités administratives ont été prononcées ;

– dans 6,5 % des cas, un avertissement a été adressé à l’usager ;

– dans 6,5 % des cas, la mesure n’a pu être mise en œuvre, la fraude étant antérieure à la parution du texte instituant la suspension.

Ces résultats montrent que le dispositif n’est pas encore monté en charge et qu’un délai supplémentaire permettra de mieux cerner l’utilisation par les caisses de cette sanction et son utilité en matière de lutte contre la fraude. Il pourrait également être prévu d’abaisser le seuil minimum d’application de la mesure à 1,5 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.

Dans l’hypothèse où le nombre de suspensions des aides au logement en cas de fraude augmenterait en 2010, pour atteindre au moins 100 cas, les économies qui pourraient être dégagées par cette mesure seraient, selon la Direction de la sécurité sociale, de 4 millions d’euros à l’horizon 2013, à raison d’1 million d’euros par an.

Il conviendra tout d’abord de modifier la lettre ministérielle du 6 mai 2008 relative à la mise en œuvre de l’article 110 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, afin de notifier la prorogation du dispositif aux caisses d’allocations familiales chargées de sa mise en œuvre.

Par ailleurs, il importe qu’une évaluation solide et documentée des sanctions prononcées par les caisses soit transmise dans les délais au Parlement, afin de pouvoir juger de la pertinence et de l’efficacité de cette mesure.

*

La Commission est d’abord saisie de l’amendement AS 134 de suppression de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. L’expérimentation, prévue l’année dernière, de la contre-visite effectuée par un médecin mandaté par l’employeur n’a pas encore donné lieu à des éléments suffisamment conclusifs à nos yeux. Cette disposition nous paraît de plus très inquiétante puisque, sous le couvert de lutter contre la fraude, elle vise à mettre systématiquement en cause le diagnostic du médecin-conseil de la sécurité sociale.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable : l’article 52 vise la lutte contre la fraude aux aides au logement et non le contrôle des arrêts maladie.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 346 du rapporteur (amendement n° 75).

Puis elle adopte l’article 52 ainsi modifié.

Article 53

Mesures relatives aux contrôles des arrêts de travail

Pour mémoire, les indemnités journalières (IJ) versées par le régime général au titre de l’assurance maladie en 2008, s’élèvent à près de 5,69 milliards d’euros, dont 3,38 milliards d’euros de dépenses d’IJ de courte durée (+ 6, % depuis 2007), et 2,30 milliards d’euros de dépenses d’IJ de longue durée (+5,3 % depuis 2007). Malgré l’intensification des actions de contrôle, le rythme d’évolution des dépenses d’indemnités journalières s’est accéléré : il est de + 5,4 % en 2008, contre + 4,1 % en 2007, après trois années consécutives de croissance faible sur ce poste.

C’est pourquoi le contrôle des arrêts de travail a été érigé en priorité de la maîtrise médicalisée des dépenses. Le nombre d’arrêts de travail contrôlés par les caisses a ainsi considérablement augmenté depuis 2006. Le nombre total d’arrêts contrôlés a augmenté de 20 % en 2008 (+ 22 % en maladie, + 14 % en accident de travail - maladie professionnelle).

Selon les déclarations du directeur général de la CNAMTS du 5 mars 2009, les services médicaux de l’assurance maladie ont contrôlé plus d’1,5 million d’arrêts de travail en 2008, contre 900 000 en 2007 et 700 000 en 2006, répartis entre près de 239 000 arrêts de courte durée et 788 000 arrêts de longue durée. Parmi les contrôles ciblés d’arrêts de courte durée, 13 % ont été considérés comme non justifiés et le versement des indemnités journalières stoppé.

Avis sur les IJ pour les arrêts de travail contrôlés en 2008

 

Avis favorable

Avis défavorable

% avis défavorable

Avis impossible

TOTAL

IJ en rapport avec une affection de longue durée

487 083

80 953

13,3%

38 480

606 516

IJ de longue durée

582 693

27 410

3,6%

147 755

757 858

IJ de courte durée

170 927

29 075

12,8%

27 410

227 412

Sous total Maladie

1 240 703

137 438

8,6%

213 645

1 591 786

IJ en AT

232 136

9 430

3,3%

40 097

281 663

IJ de courte durée en AT 

32 315

2 472

5,9%

7 169

41 956

IJ en MP

47 695

2 389

4,5%

3 164

53 248

Maintien des IJ avec travail léger 

18 453

921

4,7%

170

19 544

Sous total AT / MP

330 599

15 212

3,8%

50 600

396 411

TOTAL

1 571 302

152 650

7,7%

264 245

1 988 197

Les évaluations de l’assurance maladie montrent ainsi un impact significatif des dispositifs mis en place ces dernières années. Le seul contrôle des assurés a permis de dégager une économie de 240 millions d’euros en 2008, pour des frais de gestion estimés, par la CNAMTS à 31,5 millions d’euros. Il est donc essentiel de poursuivre l’effort initié au regard de son efficacité.

A. L’INSCRIPTION DANS LA LOI LA GÉNÉRALISATION DE L’EXPÉRIMENTATION MISE EN PLACE EN 2009

Le présent article vise à modifier l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale, relatif aux missions du contrôle médical, afin d’inscrire dans la loi la généralisation de l’expérimentation prévue par l’article 103 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, aux vues de son succès.

Il prévoit, d’une part, le renforcement de la collaboration entre le médecin chargé de la contrevisite à la demande de l’employeur et le service du contrôle médical et, d’autre part, la possibilité d’une suspension des indemnités journalières par la caisse, en cas de prescription d’un arrêt de travail faisant suite à une première décision de suspension des indemnités.

1. L’expérimentation mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a eu un impact positif

Le complément employeur et son corollaire, la contrevisite, ont été créés par les dispositions prévues à l’article 7 de l’accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 sur la mensualisation, annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle.

Désormais codifiées à l’article L. 1226-1 du code du travail, ces dispositions imposent aux employeurs, sous certaines conditions, le versement d’une indemnité complémentaire à celle versée par les organismes de sécurité sociale en cas d’incapacité résultant de maladie.

En contrepartie, ces dispositions permettent aux employeurs de faire procéder, par un médecin, à une contrevisite du salarié en arrêt maladie, dont la sanction peut être la suspension du complément versé par l’employeur.

En l’état actuel du droit, l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale prévoit que le médecin, qui a effectué une contrevisite à la demande de l’employeur et a conclu au caractère médicalement injustifié de l’arrêt de travail, transmet son avis au service du contrôle médical de la caisse dont relève le salarié.

Si ce service conclut également, au vu de cet avis, à l’absence de justification de l’arrêt de travail, la caisse suspend le versement des indemnités journalières après en avoir informé l’assuré.

Cependant, la suspension des indemnités journalières n’est pas automatique. Le service du contrôle médical de la caisse primaire n’est pas tenu de contrôler le salarié en question.

C’est pourquoi, afin de renforcer la lutte contre les arrêts de travail non justifiés médicalement, ainsi que la coordination entre les actions conduites par le service du contrôle médical et celles menées par les employeurs, en application des dispositions de la loi du 19 janvier 1978 précitée, l’article 103 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a prévu qu’une expérimentation soit engagée dans dix caisses de sécurité sociale du régime général et de la Mutualité sociale agricole ayant servi en 2006 un nombre d’indemnités journalières par assuré, supérieur à la moyenne nationale et figurant sur une liste fixée par le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM).

Cette expérimentation, qui prendra fin le 31 décembre 2009, comporte deux nouvelles dispositions :

Il est prévu, en premier lieu, que le constat médical de l’aptitude du salarié dans le cadre de la contrevisite patronale entraîne automatiquement une décision du contrôle médical. Celui-ci peut soit contrôler le salarié concerné, soit demander à la caisse une suspension des indemnités journalières servies par l’assurance maladie, l’assuré ayant toutefois la possibilité de demander un nouvel examen de sa situation. Le service du contrôle médical a alors quatre jours pour se prononcer. En cas d’infirmation de la décision initiale, les droits de la personne sont rétablis.

En outre et toujours à titre expérimental, l’organisme de prise en charge peut suspendre le service des indemnités journalières en cas de prescription d’un arrêt de travail faisant suite à une première décision de suspension des indemnités, dans l’attente de la décision du service du contrôle médical.

En application des dispositions prévues par la loi, le décret n° 2008-552 du 11 juin 2008 a fixé :

– à dix jours, le délai pendant lequel l’assuré, après qu’il a été informé par sa caisse d’assurance maladie de la suspension du versement de ses indemnités journalières, peut demander à la caisse de saisir le service du contrôle médical pour qu’un nouvel examen de sa situation soit effectué, et à quatre jours le délai pendant lequel le service du contrôle médical est ensuite tenu de se prononcer ;

– à quatre jours, le délai dont dispose le service du contrôle médical pour rendre son avis dans le cas où un arrêt de travail a été prescrit consécutivement à une décision de suspension des indemnités journalières.

À l’issue de cette expérimentation, le ministre chargé de la sécurité sociale a remis au Parlement, le 15 septembre 2009, un rapport d’évaluation assorti des observations des caisses de sécurité sociale participantes.

Sur le plan quantitatif, le rapport révèle que, pour le régime général, le nombre de cas relevés par les caisses reste relativement peu élevé. En effet, 223 cas ont été répertoriés, dont 51 cas recevables au sens de l’article 103, et 172 cas non recevables (5).

Ce qui s’explique par un faible taux de recours des employeurs à la contrevisite, et d’autre part, un fort taux d’absence du salarié à son domicile.

Parmi les cas répertoriés par le rapport :

– 89 arrêts ont été jugés justifiés, soit 40 % des assurés ;

– 35 personnes ne se sont pas rendues à la convocation, soit 16 % des assurés ;

– 61 cas de reprise de travail anticipée ont été notés, soit un ratio de 27 % rapporté à l’ensemble des assurés ;

– 38 arrêts de travail ont été jugés non justifiés par les services du contrôle médical lorsqu’ils en ont été saisis, soit un ratio de 17 % de l’ensemble des assurés. 20 suspensions d’indemnités journalières, soit un ratio de 52,6 % sur l’ensemble des assurés dont l’arrêt a été déclaré injustifié, ont fait suite à ce contrôle. L’écart entre les 38 arrêts non justifiés et les 20 suspensions d’indemnités journalières, s’explique probablement par un retour au travail rapide des personnes concernées. Si 9 % seulement des assurés ayant fait l’objet d’une contrevisite ont vu leurs indemnités journalières suspendues, on peut noter qu’ils représentent plus de 50 % des assurés pour lesquels le contrôle médical avait suivi l’avis du médecin contrôleur.

Il est donc à retenir que sur 223 cas examinés, 60 % des contre-visites ont été suivies, soit d’une reprise du travail, soit d’une suspension d’indemnités journalières, soit d’une autre sanction. Sur la base des 51 cas entrant strictement dans le champ de l’expérimentation (hors les absences du domicile), près de 70 % d’entre eux ont donné lieu, soit à une reprise du travail, soit à une suspension des indemnités journalières.

Ces données permettent donc de dresser un bilan positif de cette expérimentation.

En premier lieu, elle a eu un impact positif sur la reprise d’emploi des salariés, ce qui indique que la suspension des indemnités journalières est un outil pertinent dans la lutte contre les arrêts de travail abusifs. En effet, sur 51 dossiers de contrevisite entrant dans le champ de l’expérimentation, 22 (soit plus de 43 %) n’ont pas donné lieu à suspension d’indemnités journalières, notamment (mais pas exclusivement) car le service du contrôle médical n’a pas pu se prononcer, l’assuré ayant repris son travail immédiatement à l’issue de la contrevisite.

En deuxième lieu, cette expérimentation a eu un impact très positif sur l’information des employeurs, dont l’implication au niveau local déterminera à terme toute l’efficacité du dispositif.

Il est, enfin ressorti que le système expérimenté pouvait être amélioré sur un certain nombre de points.

En effet, il est apparu que, le plus souvent par ignorance de leurs obligations légales, les sociétés de contrôle adressent leur rapport à l’employeur, sans en envoyer une copie au service du contrôle médical des caisses de sécurité sociale. Ce phénomène explique la faiblesse du nombre de rapports transmis aux caisses.

Par ailleurs, de nombreux rapports de contrevisite concluent à l’impossibilité d’examiner l’assuré, celui-ci étant absent de son domicile, ce qui a pour effet d’annuler l’efficacité du dispositif prévu par l’article 103 de la loi de financement pour 2008. En effet, lorsqu’un médecin effectue une contrevisite à la demande de l’employeur et qu’il ne peut pas examiner le salarié malade du fait de son absence du domicile, son avis ne peut être pris en compte par le service médical, puisque le patient n’a pas été médicalement contrôlé.

Enfin, le contrôle produit uniquement un effet sur l’arrêt de travail qui a été contrôlé. Si un nouvel arrêt de travail est prescrit au salarié après que la contrevisite a eu lieu, l’employeur est tenu de verser le complément tant qu’une nouvelle contrevisite n’a pas été effectuée. Il en résulte une forme de découragement des employeurs, qui par conséquent recourent trop peu au procédé de contrevisite.

Le nouveau dispositif proposé tient compte de ces conclusions, et vise à répondre aux difficultés soulignées par le rapport d’évaluation.

2. Il est donc proposé de le pérenniser, moyennant quelques améliorations

L’article 53 du projet de loi de financement vise à inscrire dans la loi l’expérimentation mise en place en 2009, d’une part par la modification de l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale relatif aux missions du contrôle médical, d’autre part, par l’insertion d’un nouvel article L. 323-7 dans ce même code.

Le I vise à modifier le troisième alinéa de l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale relatif aux missions du contrôle médical, afin de transposer, tout en les améliorant, les dispositions prévues par le 1° de l’article 103 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, qui fixent les conditions de suspension des indemnités journalières, ainsi que la coordination entre le médecin diligenté par l’employeur et le contrôle médical.

L’alinéa 2 prévoit ainsi que lorsqu’un contrôle, effectué par un médecin à la demande de l’employeur, conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail, ou à l’impossibilité d’examiner l’assuré, ce médecin transmet son rapport au service du contrôle médical de la caisse.

Il faut noter que, sur la base des conclusions du rapport d’évaluation de juin 2009, le texte prévoit un délai de transmission de l’avis rédigé par le médecin ayant effectué la contrevisite, ce qui constitue une innovation par rapport au dispositif expérimental, qui n’en prévoyait aucun.

En effet, il a été constaté par les caisses participant à l’expérimentation que la contre-visite intervenait souvent très tardivement, souvent vers la fin de l’arrêt de travail, et que la transmission du rapport pouvait être particulièrement longue et retarder ensuite la décision du service du contrôle médical, ce qui limitait l’effet dissuasif de la suspension des indemnités journalières.

Il est donc prévu qu’un décret vienne préciser le délai de transmission du rapport du médecin ayant effectué la contrevisite aux services du contrôle médical. Ce délai pourrait être de 48 heures, comme cela a été expérimenté dans le Vaucluse.

Les alinéas 3 et 4 prévoient une décision systématique du service de contrôle médical à la réception du rapport transmis par le médecin diligenté par l’employeur.

Deux options peuvent alors être suivies par le service du contrôle médical. Celui-ci peut :

– soit demander à la caisse de suspendre les indemnités journalières (alinéa 3) ;

– soit procéder à un nouvel examen de la situation de l’assuré, en procédant à sa convocation ou à un contrôle sur pièce de la justification de l’arrêt de travail (alinéa 4).

En cas de demande de suspension des indemnités journalières, il est précisé, qu’à compter de la réception de l’information de suspension de celles-ci, l’assuré pourra demander à son organisme de prise en charge de saisir à nouveau le service du contrôle médical, pour réexamen de sa situation.

Il s’agit là d’une reprise quasi littérale du dispositif expérimental institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Le texte introduit cependant une modification, tirant les enseignements de l’expérimentation. Il est, en effet, prévu que le service du contrôle médical doit prendre une décision à la suite de la réception du rapport du médecin diligenté par l’employeur, que celui conclue au caractère infondé de l’arrêt de travail, ou à l’impossibilité d’examiner l’assuré. En effet, cette dernière possibilité n’était pas prise en compte dans l’expérimentation.

Deux points doivent enfin être éclairés par les textes d’application du présent article : les délais ainsi que les conditions d’information des assurés et, le cas échéant, de leurs employeurs.

Le texte prévoit qu’un décret viendra préciser, d’une part, le délai dont l’assuré, ayant fait l’objet d’une suspension d’indemnités journalières, dispose pour demander un examen par le service du contrôle médical et, d’autre part, le délai dans lequel ce service doit se prononcer. Pour mémoire, ces délais avaient été respectivement fixés à dix et quatre jours par le décret n° 2008-552 du
11 juin 2008.

En revanche, l’article ne précise pas les conditions d’information de l’employeur en cas de décision de suspension des indemnités journalières, ni ne prévoit la possibilité pour le service de contrôle médical de maintenir ou rétablir leur versement à la suite de son examen.

Il convient également de clarifier les conditions d’examen de l’assuré par les médecins chargés de la contrevisite. Le Conseil de l’Ordre des médecins, lorsqu’il avait rencontré la CNAMTS avant le début de la mise en œuvre de l’expérimentation, avait fait de l’examen du patient par le médecin contrôleur une condition pour que le médecin conseil puisse demander la suspension des indemnités journalières sans avoir à réexaminer le patient. En effet, le caractère elliptique de certains rapports de contrevisite laisse deviner une absence d’examen médical effectif. Il est possible de fiabiliser les informations, par l’utilisation d’un rapport type envoyé à tous les médecins contrôleurs connus ainsi que la mention systématique dans le rapport du fait que le patient a été examiné.

Enfin, il pourrait être envisagé, afin de renforcer l’efficacité du dispositif, de prévoir une convocation systématique de l’assuré par le service du contrôle médical, en cas d’absence au domicile lors de la contre-visite ou en cas de refus de se soumettre au contrôle du médecin diligenté par l’employeur.

Le II vise à créer un nouvel article L. 323-7 du code de la sécurité sociale, afin de lutter contre les cas où, suite à une suspension des indemnités journalières, il est accordé au salarié un arrêt de travail de complaisance ne pouvant faire l’objet d’un contrôle dans l’immédiat.

Il est ainsi établi que lorsqu’une prescription d’arrêt de travail intervient immédiatement après une suspension des indemnités journalières, la reprise du service de ces dernières est subordonnée à l’avis du service du contrôle médical.

L’article prévoit qu’un décret viendra préciser le délai dans lequel le service du contrôle médical devra rendre son avis. Il importe que celui-ci ne soit pas trop long, afin de ne pas pénaliser les personnes qui, malgré une première décision de suspension des indemnités journalières pourraient, pour des raisons de santé, prétendre à un arrêt de travail justifié.

Sur la base des résultats de l’expérimentation menée, les économies qui pourraient être dégagées grâce à ces mesures sont évaluées à 350 000 euros par an à partir de 2010.

Il convient cependant de manier ces chiffres avec prudence, dans la mesure où il s’agit d’extrapolations calculées à partir de six mois d’expérimentation dans les 6 caisses du régime général. Ces dernières ont réalisé en tout 8 623 euros d’économie, pour 223 rapports de contre-visites examinés, soit 344 000 euros, si l’on extrapole sur un an ces résultats à la France entière, et que l’on y ajoute les économies réalisées grâce à la reprise d’activité anticipée de certains assurés.

B. L’AMÉLIORATION DU CONTRÔLE DES ARRÊTS DE TRAVAIL POUR LES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS

Le III de l’article modifie l’article L. 613-20 du code de la sécurité sociale, qui fixe les conditions d’attribution des prestations supplémentaires versées par les caisses, afin d’améliorer le dispositif actuel de sanction en cas de non respect, par les assurés du Régime social des indépendants (RSI), des obligations auxquelles ils sont soumis en cas d’arrêt de travail.

En l’état actuel du droit, l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, fixe les conditions de contrôle administratif des arrêts de travail des assurés.

Il prévoit ainsi que le service de l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour le bénéficiaire d’observer les prescriptions du praticien, de se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l’article L. 315-2 du code de la sécurité sociale, de respecter les heures de sorties autorisées par le praticien – selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d’État après avis de la Haute Autorité de santé – et enfin de s’abstenir de toute activité non autorisée.

En cas d’inobservation volontaire de ces obligations, la caisse peut retenir, à titre de pénalité, tout ou partie des indemnités journalières dues, pour la durée de travail restant à courir.

Cependant, les assurés du RSI, ne sont pas soumis à ces obligations. Par conséquent, en cas de non respect des autorisations de sortie pendant un arrêt maladie, la caisse du RSI ne peut retenir que l’indemnité versée le jour où l’absence au domicile a été constatée.

Ce système est peu efficace contre la multiplication des arrêts de travail, d’autant qu’il peut s’accompagner de l’exercice d’une activité complémentaire pour le salarié en arrêt de travail. Il est de plus coûteux pour les caisses du RSI, qui hésitent à engager des contrôles en raison des faibles retombées économiques des sanctions applicables.

Cet article vise donc à étendre aux assurés du RSI l’application de l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, afin d’harmoniser les conditions de contrôle des arrêts de travail abusif dans le régime général et le RSI.

Il prévoit donc désormais que lorsque la prestation supplémentaire versée par la caisse consistera en l’octroi d’indemnités journalières prévues au 5° de l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, qui fixe le champ des dépenses couvertes par l’assurance maladie, l’assuré relevant du RSI sera soumis aux mêmes obligations que les autres salariés.

Ainsi, la caisse du RSI pourra retenir, à titre de pénalité, la totalité ou une partie des indemnités journalières encore dues. On peut s’étonner, en revanche, que les dispositions de l’article 51 du projet de loi de financement ne leur soient pas applicables.

Les économies potentielles dégagées par cette mesure sont évaluées à 900 000 euros par le gouvernement, tous régimes confondus.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 185 de suppression de Mme Jacqueline Fraysse.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. En effet, lutter contre la fraude et chercher à comprendre les causes de l’augmentation du nombre des arrêts de travail relève de démarches complémentaires.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 186 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il convient de préciser que c’est bien en dehors des heures de sortie autorisées que les médecins doivent procéder aux contrôles.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est superfétatoire, puisque le rapport d’un médecin qui se serait présenté en dehors des heures de sortie autorisées serait, de ce fait, invalide.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 349 du rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement vise à améliorer le délai de transmission du rapport du médecin ayant effectué une contre-visite aux services du contrôle médical de la caisse dont dépend l’assuré, en prévoyant qu’il doit être communiqué dans les quarante-huit heures.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 77).

Puis elle examine l’amendement AS 187 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à éviter la suspension unilatérale des indemnités journalières en se fondant sur la seule constatation d’un médecin diligenté par l’employeur. À cette fin, l’assuré devra être examiné par un médecin du service du contrôle médical de la caisse.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. L’article prévoit déjà qu’en cas de rapport concluant au caractère abusif de l’arrêt de travail, les services du contrôle médical peuvent procéder à un nouvel examen de l’assuré. De plus, celui-ci peut demander lui-même un réexamen. Il n’y a donc aucun risque qu’une personne pouvant justifier de son arrêt de travail ne soit pas examinée.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 347 du rapporteur (amendement n° 76).

Puis elle examine l’amendement AS 348 du rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement vise à s’assurer que le rapport de contre-visite, entrant dans le champ de l’article 53, consiste effectivement en un examen médical du patient par le médecin diligenté par l’employeur.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 78).

Elle est saisie ensuite de l’amendement AS 188 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à définir la notion d’« arrêts de travail successifs » en précisant le délai entre ces différents arrêts.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Cet article prévoit qu’en cas d’arrêts de travail manifestement abusifs, il ne pourra pas être demandé de nouvel arrêt de travail après une sanction dans un délai qui sera précisé par décret.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 189 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable, car cet amendement pourrait se retourner contre les assurés eux-mêmes.

Il est en effet possible qu’un assuré ayant fait l’objet d’une sanction souffre par la suite réellement de l’affection pour laquelle il avait bénéficié d’un premier arrêt de travail.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 350 du rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement vise à étendre les dispositions de contrôle des arrêts de travail aux travailleurs relevant du Régime social des indépendants. C’est une demande du directeur du RSI.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 79).

Puis, elle adopte l’article 53 ainsi modifié.

Article 54

Pénalités adaptées aux activités de soins de sa
nté

1. Le système des pénalités financières mis en place depuis 2006 démontre une certaine efficacité mais demeure inadapté à certaines activités de soin

Inséré par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale prévoit que des pénalités financières peuvent être prononcées par le directeur d’un organisme local d’assurance maladie à l’encontre des professionnels de santé, des assurés, des employeurs ou des établissements de santé, en cas d’inobservation des règles du code de la sécurité sociale ayant abouti à un remboursement ou une prise en charge indus ou à une demande en ce sens.

Pour mémoire, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a procédé à une réforme des pénalités financières, afin de remédier à la faiblesse du nombre et des montants des pénalités prononcées depuis 2006. Pour cela, le champ d’application des pénalités à été élargi à celles pour obstacle aux activités de contrôle, pour non-déclaration des accidents du travail par l’employeur et pour facturation abusive, ainsi qu’à celles liées à l’ouverture des droits au service des prestations de la CMU-C, de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé et de l’aide médicale d’État. Au lieu du barème préétabli de sanctions par niveau de préjudice financier causé à l’organisme, précédemment en vigueur, leur montant a été fixé à un maximum de 50 % des sommes indues ; si aucun indu n’est identifiable, le montant est établi forfaitairement dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale et doublé en cas de récidive.

L’activité en médecine-chirurgie-obstétrique des établissements de santé est soumise, depuis 2006, à un dispositif spécifique de calcul des pénalités dit T2A, prévu par l’article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale.

Cet article dispose qu’en cas de manquement aux règles de facturation, les établissements de santé sont soumis à une pénalité, dont le montant est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues.

Ce montant est calculé sur la base des recettes annuelles d’assurance maladie de l’établissement ou, si le contrôle porte sur une activité, une prestation en particulier ou des séjours présentant des caractéristiques communes, sur la base des recettes annuelles d’assurance maladie afférentes à cette activité, cette prestation ou ces séjours, dans la limite de 5 % des recettes annuelles d’assurance maladie de l’établissement.

La procédure de sanction appliquée depuis 2006, est beaucoup plus efficace que celle de la récupération d’indus, car elle repose sur une méthode de contrôle par échantillonnage, à laquelle s’applique une forme d’extrapolation. Elle permet, tout à la fois, une diminution du nombre de dossiers contrôlés (l’échantillon est constitué en moyenne de 100 dossiers sélectionnés au sein d’une activité ayant une valorisation importante) et une augmentation du nombre de sanctions, dont le montant financier va dépasser celui des indus constatés.

Selon le rapport d’avril 2009 de la délégation nationale à la lutte contre la fraude, les pénalités T2A concernent en premier lieu des facturations d’hospitalisations injustifiées (telles que les consultations externes) ou des doubles facturations (facturation en soins de ville d’actes déjà inclus dans le forfait remboursé).

Selon la Direction de la sécurité sociale, la campagne 2007 a donné lieu au contrôle de 492 établissements (sur un total de 1 400 soumis à la tarification T2A). In fine, en juillet 2009, 41 établissements avaient fait l’objet d’une proposition de sanction de la part des unités de coordination régionales aux commissions exécutives pour un montant total de 3 941 842 euros. Par ailleurs, 34 établissements avaient reçu, au titre de la campagne 2007, une notification de sanction pour un montant total de 2 468 150 euros.

Pour la campagne 2008, 189 900 séjours d’hospitalisation ont été contrôlés dans 424 établissements. Au total, 412 sanctions potentielles concernant 222 établissements ont été inscrites dans l’ensemble des programmes régionaux de contrôle 2008. Au 30 juillet 2009, 221 établissements avaient fait l’objet de notifications d’indus, pour un montant total de 13 907 193 euros. Enfin, 57 établissements sont d’ores et déjà sanctionnables, pour un montant total de 14 147 263 euros.

Au total, sur la période 2006-2009, ces contrôles contentieux ont permis de notifier 77,5 millions d’euros cumulés d’indus et 2,6 millions d’euros de sanctions financières, soit un total de 80,1 millions d’euros auquel se surajoutent 26,6 millions d’euros de dépenses évitées.

Le ciblage des contrôles a, par ailleurs, montré son efficacité. En effet, le taux d’anomalie sur les éléments d’activité ciblés varie entre 50 et 80 %.

Ces chiffres montrent la pertinence de la nouvelle méthode de contrôle et de calcul des pénalités par échantillonnage, mise en place à partir de 2006.

C’est pourquoi il est envisagé de l’étendre, en l’adaptant, à d’autres activités de soin.

En effet, aujourd’hui le contrôle de la facturation pratiquée par certains pharmaciens, fournisseurs, transporteurs sanitaires, laboratoires, établissements hors T2A, comme la psychiatrie ou les soins de suite et réadaptation, est particulièrement difficile à opérer.

Certes, le contrôle de certaines fraudes, comme les doubles facturations, peuvent s’opérer directement par requête informatique sur les bases des remboursements. Ce type de contrôle ne montre pas de lacune particulière.

En revanche, les contrôles manuels sont, sur la base de l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale qui raisonne en termes d’indu constaté, des contrôles exhaustifs, qui nécessitent la vérification manuelle de chaque acte, délivrance ou prestation par un agent. La lourdeur des contrôles dépend de l’anomalie recherchée. Par exemple, pour une recherche de falsification ou de non-respect de prescription, une simple analyse sur pièce est nécessaire. En revanche, la recherche de certaines anomalies (délivrance fictive, analyse non prise en charge), nécessite de recueillir des informations auprès de l’assuré pour chacune des pièces, voire l’envoi d’un agent assermenté sur place.

Ainsi, les caisses primaires peuvent être amenées à traiter des dossiers comportant 400 pièces à contrôler. Le volume des actes ou prestations à contrôler est donc disproportionné par rapport à leurs moyens (cf. encadré ci-dessous).

La difficulté de contrôler certaines activités de soin : trois illustrations

– Des laboratoires d’analyse médicale

Objet du contrôle : la facturation du code 0407 (mesure de la clairance de la créatinine) par les laboratoires d’analyse médicale. Certains laboratoires cotent cet acte à la place d’un simple dosage côté B10. Chaque dossier contrôlé nécessite une analyse médicale du dossier voire une enquête administrative.

Le contrôle médicalisé de la facturation d’un seul code pour un laboratoire ressort 21 000 dossiers. La totalité des 50 premiers dossiers contrôlés ont révélé des anomalies. La caisse primaire n’a pas les moyens de contrôler tous les dossiers, le préjudice est pourtant estimé à 114 000 euros.

– Des pharmacies

Objet du contrôle : délivrances atypiques des pharmacies selon plusieurs critères cumulatifs. Deux ciblages différents sont opérés, l’un basé sur des spécialités identifiées comme suscitant une fraude importante, l’autre sur l’activité globale de la pharmacie. Les anomalies recherchées sont multiples, mais concernent surtout des délivrances fictives ou non prescrites et nécessitent une analyse administrative de chaque dossier, voire une enquête administrative.

Malgré le ciblage précis des spécialités contrôlées, 96 458 factures sont concernées. 4 mois de travail à temps plein ont été nécessaires pour faire apparaître, sur 1183 dossiers, 90 000 euros d’indus. Le reste ne pourra peut-être pas être contrôlé.

Une pharmacie est ciblée, 144 974 décomptes sont concernés. L’étude de 1511 d’entres eux a permis de relever 240 940 euros d’indus. Le reste ne pourra peut-être pas être contrôlé.

– Des fournisseurs de biens médicaux

Objet du contrôle : des prestations relatives à la pression positive continue dispensées pour l’apnée du sommeil. L’analyse de chaque dossier nécessite un retour aux pièces et une enquête administrative.

Des fournisseurs sont ciblés pour des pratiques frauduleuses sur une partie de leur activité. La sortie des archives représente 58 000 dossiers pour trois d’entre eux sur une seule caisse primaire et près de 20 000 pour un seul fournisseur sur une caisse voisine. Les contrôles ne pourront pas être menés à leur terme.

Source : Direction de la sécurité sociale

Dès lors, les contrôles effectués ne portent dans les faits que sur une partie infime de l’activité et la créance, même doublée d’une pénalité, est souvent sans rapport avec le bénéfice réellement retiré. Ainsi, selon les informations communiquées par la CNAMTS, pour l’année 2008, sur 407 pénalités financières représentant un montant total de 528 855 euros, seules 5 concernaient les établissements, laboratoires et pharmaciens pour un montant de 8 046 euros (soit 1,2 % en nombre et 1,5 % en montant).

2. Il est proposé d’adapter les pénalités aux spécificités de l’activité de certains professionnels de santé

Le I modifie le III de l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, afin d’instaurer un dispositif dérogatoire de calcul des pénalités financières applicable à certaines activités de soins de santé.

Il ouvre donc la possibilité de définir des pénalités adaptées à certains établissements de santé et autres professionnels de santé comme les laboratoires ou les pharmaciens, tout en reprenant un certain nombre de garanties posées par l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale.

Le II crée un nouvel article L. 162-1-14-2 dans le code de la sécurité sociale, afin d’adapter le dispositif existant de pénalités financières en cas de fraude aux spécificités des établissements hors activité en médecine-chirurgie-obstétrique ou du monde libéral.

L’alinéa 3 délimite tout d’abord le champ d’application du dispositif de contrôle et de pénalités dérogatoire. Celui peut s’appliquer à :

– une pharmacie ;

– un laboratoire de biologie médicale ;

– un établissement de santé, hors établissements soumis à la T2A ;

– un fournisseur de produits ou de prestations inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoit la fixation, par la Haute autorité de santé, de l’ensemble des produits et prestations remboursables par l’assurance maladie ;

– une société de transport sanitaire ou une entreprise de taxi, mentionnée à l’article L. 322-5 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire conventionnée avec un organisme local d’assurance maladie.

Comme pour les pénalités prévues par l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, il revient au directeur de l’organisme local d’assurance maladie de contrôler ces établissements ou prestataires, après avis conforme de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie.

En outre, l’alinéa 3 encadre, par un certain nombre de conditions restrictives, les modalités de contrôle de l’activité des prestataires et établissements de santé listés précédemment.

Il est tout d’abord prévu que le contrôle porte sur « l’ensemble » de l’activité de l’établissement ou du prestataire, « ou un ou plusieurs des éléments » de celle-ci.

De plus, la pénalité ne devrait s’appliquer qu’au-delà d’un certain seuil de chiffre d’affaire, fixé pour chacune des structures.

Le calcul de la pénalité est effectué sur la base d’un échantillon, selon une méthode qui devrait s’inspirer de la méthode T2A, tout en s’adaptant aux spécificités des professionnels de santé précités. La pénalité devrait être assise sur le chiffre d’affaire correspondant à l’activité de soins en question. Elle dépendra du montant des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues, avec un plafond exprimé en pourcentage des dépenses annuelles prise en charge par la caisse.

Enfin, l’alinéa 3 précise que pour les établissements de santé, ce type de contrôle dérogatoire ne peut porter sur les manquements aux règles de facturation, prévues par l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, qui fixe les conditions d’application de la T2A.

L’alinéa 4 prévoit que, en cas de sommes indûment versées par l’organisme local d’assurance maladie, celui-ci peut prononcer une pénalité, dans les conditions fixées par l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale précédemment exposées.

Ainsi, le nouveau dispositif se distingue seulement par le mode de calcul du montant financier de la pénalité. En revanche, les conditions d’application de la pénalité obéissent aux mêmes garanties de proportionnalité, d’impartialité et de respect des droits de la défense et sont identiques à celles du système de pénalités existant.

Ces garanties, telles qu’elles sont définies par l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, passent par l’information de l’intéressé, ainsi que le respect d’une véritable procédure contradictoire avant l’application de la pénalité.

Le directeur de la caisse doit notifier les faits reprochés à la personne physique ou morale en cause, afin qu’elle puisse présenter ses observations. Après avoir recueilli les observations de la personne mise en cause, le directeur peut décider soit de ne pas poursuivre la procédure, soit de lui adresser simplement un avertissement, sauf dans les cas de manœuvres visant à obtenir une protection complémentaire de santé ou l’aide médicale d’État, soit de saisir la commission chargée de l’instruction des dossiers de pénalités financières, qui est composée pour moitié de représentant, de la profession concernée et doit entendre l’intéressé.

L’alinéa 5 précise les conditions de calcul de la pénalité. Celles-ci ont été calquées sur le système existant, moyennant une adaptation des montants.

En l’état actuel du droit, le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés et peut atteindre au maximum 50 % du montant de l’indu. Si le préjudice de l’organisme ne peut être évalué, la pénalité est fixée forfaitairement dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. En cas de fraudes caractérisées (falsification de documents, fausse facturation, production de faux documents, fraude interne, trafic de médicaments ou fraude en bande organisée), le montant maximum de la pénalité est porté à 200 % de la valeur de l’indu et quatre fois le plafond de la sécurité sociale, en cas d’application une pénalité forfaitaire.

La pénalité applicable aux pharmaciens, laboratoires, transports sanitaires et établissements hors T2A, créée par cet article, ne pourra dépasser 25 % du montant de l’indu. En cas de fraudes caractérisées, le montant maximum sera relevé à 100 % de la valeur de l’indu.

Il reviendra à la CNAMTS d’élaborer au niveau national l’algorithme d’échantillonnage, afin que tout échantillonnage réalisé par une caisse primaire ait le même degré de certitude. Concernant l’incertitude des résultats, un échantillonnage par strates permet, par exemple, d’obtenir à partir de 100 dossiers une incertitude inférieure à 1 %.

Concrètement, si un professionnel de santé a un chiffre d’affaire supérieur au seuil défini dans le décret pris en Conseil d’État en application de l’article 54 de la loi de financement, et que la caisse primaire a connaissance d’anomalies entrant dans les cas listés dans le décret, le directeur de celle-ci demande l’avis au directeur général de l’UNCAM pour engager le contrôle par échantillonnage. En cas d’avis négatif, c’est un contrôle en application de l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire sur indu constaté, donc exhaustif, qui s’applique.

En cas d’avis positif, le directeur peut débuter le contrôle. La caisse primaire lance l’algorithme national d’échantillonnage et obtient les pièces constituant l’échantillon à aller chercher dans ses archives. Elle procède alors au contrôle des pièces sélectionnées, comme elle le ferait pour un contrôle exhaustif. Elle calcule un taux d’indu sur l’échantillon, soit le montant d’indu constaté sur l’échantillon rapporté au montant total de l’échantillon. Le taux d’indu est rapporté au montant total de la période contrôlée, pour l’activité ou l’élément d’activité contrôlé.

Un exemple concret de calcul de pénalité

La caisse primaire contrôle quatre mois de délivrance de mopral dans une pharmacie. Les dépenses totales sur quatre mois représentent 50 000 euros. Sur l’échantillon, qui représente 5 000 euros, la caisse constate 500 euros d’indus, soit 10 %. Le montant de l’indu extrapolé à la période est alors de 10 % de 50 000 euros, soit 5 000 euros. Le directeur engage alors la procédure prévue au L. 162-1-14, c’est-à-dire une notification à l’intéressé lui précisant qu’il a fait l’objet d’un contrôle par échantillonnage, un entretien contradictoire avec celui-ci, éventuellement la poursuite de la procédure avec la commission des pénalités qui proposera un montant de pénalité dans la limite de ce que définit l’article 54. Le directeur décide ensuite le montant de la pénalité et la notifie à l’intéressé en précisant encore une fois la méthode de contrôle. Le montant de la pénalité est le montant de l’indu extrapolé, minoré ou majoré jusque 25 % en fonction de la gravité des faits. Comme le prévoit l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, l’intéressé peut toujours contester la pénalité devant le tribunal administratif. En cas de fraude, le montant de l’indu peut être majoré de 100 %. Le directeur de la caisse primaire recouvre ensuite la pénalité.

L’alinéa 6 prévoit que la notification envoyée par le directeur de la caisse à l’intéressé doit faire état de la méthodologie du contrôle employée.

L’alinéa 7 dispose qu’un décret pris en Conseil d’État devra fixer, à la fois, le périmètre d’activité sur lequel pourra s’exercer le contrôle de la caisse, le seuil de chiffre d’affaire à partir duquel les pénalités s’appliqueront aux activités de soins, la méthode d’élaboration de l’échantillon, dont l’extrapolation déterminera ensuite le montant des pénalités, et enfin des conditions d’informations des intéressés.

Le III précise que la parution du décret en Conseil d’État constitue la condition de l’entrée en application de ce dispositif, qui ne pourra sanctionner que des faits postérieurs à la publication du texte réglementaire. La publication du décret devrait intervenir au cours du deuxième trimestre 2010.

Les caisses primaires ont recensé, en 2007, un préjudice total de 10 millions d’euros pour l’assurance maladie au titre des fraudes pratiquées par les pharmaciens, laboratoire, fournisseurs et établissements hors T2A. Selon le gouvernement, en ajoutant aux fraudes les fautes et abus, les économies engendrées par cette mesure seraient donc de 20 millions d’euros pour 2010.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 66 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Les pharmaciens d’officine et les directeurs de laboratoires d’analyses biologiques médicales sont les plus informatisés des professionnels de santé. Ils transmettent électroniquement aux organismes d’assurance maladie l’ensemble de leur activité sous forme codée, donc facile à contrôler de manière automatisée.

De plus, lorsque des fraudes sont décelées, les sections des assurances sociales siégeant auprès de l’Ordre national des pharmaciens sanctionnent les contrevenants et des accords avec l’assurance maladie sont aujourd’hui prévus.

Aussi convient-il de supprimer les mots « d’une pharmacie, d’un laboratoire de biologie médicale » à la première phrase de l’alinéa 3 de l’article.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Dans certains cas de fraude, comme la double facturation, un contrôle informatique est possible. Dans d’autre cas, la législation en vigueur exige un contrôle physique exhaustif. Les caisses peuvent être amenées à contrôler des centaines de milliers de pièces, ce qui est sans commune mesure avec leurs moyens. La méthode dite de l’échantillonnage devrait permettre d’augmenter l’efficacité du contrôle.

Mme Catherine Lemorton. On ne saurait mettre sur le même plan, en matière de contrôle, des professions soumises à un ordre professionnel et d’autres qui ne le sont pas. En effet, les premières peuvent être contrôlées à la fois dans le cadre des conventions signées avec l’assurance maladie et par leur ordre.

Je tiens de plus à rappeler que les pharmaciens scanneront bientôt à destination de l’assurance maladie l’ordonnance avec la facture, ce qui interdira toute possibilité de double facturation.

M. Yves Bur, rapporteur. L’inscription à un ordre n’est pas une garantie contre la fraude.

Mme Catherine Lemorton. Je suis d’accord avec vous.

M. Yves Bur, rapporteur. Si les progrès techniques permettent un jour d’éviter la fraude, tant mieux : la mesure ne s’appliquera pas, voilà tout !

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 351, AS 352 et AS 353 du rapporteur (amendements n° 80, 81 et 82).

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 67 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean Luc Préel. En cas de fraude, l’organisme local d’assurance maladie doit informer, s’il peut être identifié, l’organisme d’assurance maladie complémentaire de la pénalité prononcée.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. La loi prévoit déjà la transmission par les caisses aux organismes complémentaires des cas de faute ou de fraude ayant entraîné des indus, le plus souvent sous la forme de remboursements injustifiés. Une nouvelle information à l’occasion du prononcé d’une pénalité aurait pour conséquence des coûts de gestion considérables et disproportionnés, car cela supposerait que les caisses disposent des moyens de contacter l’assurance complémentaire de tous les assurés concernés.

M. Dominique Tian. Il faut instaurer un devoir d’information.

M. Yves Bur, rapporteur. De plus, cet amendement est sans objet. En effet, un organisme complémentaire est une personne de droit privé. Même informé d’une fraude, il ne dispose d’aucun pouvoir propre de sanction directe.

M. Jean-Luc Préel. Les organismes d’assurance complémentaire souhaitent depuis longtemps informer leurs adhérents.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 83).

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 354 du rapporteur (amendement n° 84).

Puis elle adopte l’article 54 ainsi modifié.

Après l’article 54

La Commission est saisie de dix amendements portant articles additionnels après l’article 54.

Elle examine d’abord l’amendement AS 73 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Les contrats souscrits auprès des assurances complémentaires expriment en pourcentage – 100 %, 200 %, 300 % – les remboursements à attendre. Or, 100 % de zéro, c’est toujours zéro. Il est proposé que les contrats stipulent les montants des remboursements.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a spécifiquement exclu les assurances complémentaires de leur champ.

M. le président Pierre Méhaignerie. Pour permettre le débat j’ai exceptionnellement accepté des amendements dits cavaliers, à titre pédagogique. Nous avons pu constater que l’excès de débat empêche peut-être la Commission de se concentrer sur les points importants des textes de sa responsabilité. Je serai plus sévère à l’avenir.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement AS 77 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement est issu des réflexions d’Olivier Jardé, qui en est cosignataire. Il souhaite que l’alcoolémie d’une personne soit systématiquement mesurée avant son placement en cellule de dégrisement. Nous le savons tous, des personnes qui semblaient sous l’emprise de l’alcool, mais qui ne l’étaient pas, ont été victimes d’accidents. Laisser quelqu’un qui présente des troubles de comportement sans surveillance dans une cellule de dégrisement est une grave faute médicale.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. En effet, sa mise en œuvre se heurte à un problème de disponibilité de la ressource médicale, puisque l’amendement dispose que ces examens sont effectués par un médecin sur réquisition d’un officier de police judiciaire.

M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur Préel, malgré son intérêt, un tel amendement comporte, de par sa complexité et son souci de perfection même, 90 % d’éléments défavorables. Je vous le dis en tant qu’ancien ministre de la justice.

Mme Catherine Génisson. Cet amendement a pour origine la survenue d’accidents mortels. Dans la circonscription dont je suis l’élue, avant de mettre une personne en chambre de dégrisement, les forces de police la présentent après réquisition à l’un des médecins de permanence du service des urgences du centre hospitalier d’Arras.

M. Yves Bur, rapporteur. Si les dispositions proposées par l’amendement entrent en vigueur, comment les forces de police pourront-elles se prémunir contre une action en justice, lorsqu’elles n’auront pas trouvé de médecin de garde ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Quelle que soit la qualité de ses objectifs, cet amendement est une extraordinaire source de contentieux, parce qu’il n’aura pas été demandé de médecin, ou parce que celui-ci ne sera pas venu.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 74 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Aujourd’hui, le conseil de l’Ordre des médecins n’intervient guère en matière de non-respect du tact et de la mesure en matière de fixation des honoraires ou de refus de soins. Par cet amendement, nous proposons qu’il puisse prononcer des amendes jusqu’à une limite de 10 000 euros.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 75 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Il s’agit d’insérer l’autodialyse dans la nomenclature des actes infirmiers. Aujourd’hui, les infirmières ne peuvent pas prendre en compte cette activité.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Je comprends que les auteurs souhaitent créer des conditions favorables au développement de l’autodialyse à domicile. Mais la nomenclature relève du domaine réglementaire.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite deux amendements identiques AS 10 de M. Guy Malherbe et AS 78 de M. Jean-Luc Préel.

M. Dominique Tian. Il s’agit de mettre fin à des pratiques d’achat, par certaines officines pharmaceutiques, d’une quantité de médicaments disproportionnée par rapport à leur activité. Ce matin, un amendement instituant des sanctions pour des distributeurs a été adopté.

M. Yves Bur, rapporteur. La démarche n’est pas la même. L’amendement auquel vous faites référence concerne les exportations parallèles. Le présent amendement concerne le trafic de médicaments.

Je partage cependant l’objectif poursuivi, mais faute de sanctions, le dispositif de déclaration des pharmaciens auprès des autorités compétentes risque de rester lettre morte. Il paraît également difficile de déterminer a priori ce que seraient des quantités de médicaments « manifestement disproportionnées » ; l’activité des pharmacies est très diverse. Sans doute vaudrait-il mieux identifier ces quantités par spécialité. En tout cas, laisser cette appréciation au juge paraît plus raisonnable.

Je suggère donc aux auteurs de retravailler leur amendement et d’en présenter une version modifiée, lors de la réunion que nous tiendrons en application de l’article 88 de notre règlement.

Mme Catherine Lemorton. Je rejoins Dominique Tian. Les grossistes répartiteurs tiennent des statistiques. Ils savent quelles sont les commandes habituelles de leurs clients. Une commande brusquement disproportionnée sera donc la marque soit d’une erreur, qui sera rapidement corrigée, soit d’un problème : il existe des trafics à la marge, notamment avec l’Afrique.

M. Jean-Pierre Door. C’est le conseil de l’Ordre des pharmaciens qui nous a signalé que le mode d’organisation de la commercialisation des médicaments mettait les entreprises de distribution en gros en situation de repérer les trafics. L’amendement devrait mentionner les autorités de santé compétentes pour recevoir l’information ainsi que les conditions de leur saisine.

Les amendements AS 18 et AS 78 sont retirés.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ensuite l’amendement AS 70 de M. Jean-Luc Préel.

Elle examine alors l’amendement AS 237 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Nous avons déjà discuté de ces dispositions de lutte contre la fraude, qui font l’objet d’une demande insistante des organismes d’assurance complémentaire.

M. Yves Bur, rapporteur. Le coût de gestion de la mesure sera disproportionné. Les assurances complémentaires n’ont aucun pouvoir de sanction. Elles devront aller devant les tribunaux pour récupérer quelques euros.

M. Dominique Tian. Pourquoi refuse-t-on aux complémentaires une mesure qu’elles demandent ? Elles ont besoin de faire de la pédagogie auprès de leurs assurés.

M. Yves Bur, rapporteur. Les dépenses que suscitera l’amendement sont plus lourdes que vous ne l’imaginez, monsieur Tian.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 184 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale envisage de doubler les pénalités qui peuvent être infligées aux personnes qui se rendent coupables de fraudes aux prestations familiales ou à l’assurance vieillesse. Dans un souci d’équité, il serait légitime d’agir de même envers les professionnels de santé qui pratiquent la discrimination dans l’accès aux soins, qui dépassent le tact et la mesure, qui ne respectent pas les conventions dont ils relèvent ou encore qui oublient l’information écrite préalable obligatoire sur leurs tarifs.

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Non seulement des sanctions financières sont déjà prévues dans le code de la sécurité sociale, mais la juridiction ordinale peut infliger aux médecins indélicats des interdictions d’exercer, ce qui aboutit de fait à une baisse de revenus.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite la quatrième partie du projet de loi ainsi modifiée, puis l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ainsi modifié.

*

* *

En conséquence, et sous réserve des amendements qu’elle propose, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi n° 1976.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Ø Fonds de réserve pour les retraites (FRR) – MM. Raoul Briet, président du conseil de surveillance, et Yves Chevalier, membre du directoire

Ø Délégation à la lutte contre la fraude (DNLF) – M. Benoit Parlos, délégué national, et Mme Armelle Beunardeau, chargée de mission

Ø Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (CMU) – M. Jean-François Chadelat, directeur

Ø Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) – M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d’administration

Ø Caisse des dépôts et consignations – MM. Pierre Ducret, directeur de la direction bancaire, Hubert Reynier, directeur adjoint au directeur des finances stratégie et développement durable, et Arnaud Richard, responsable du département des relations institutionnelles

Ø Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) – M. Philippe Renard, directeur, et Mme Sylvie Mansion, directeur délégué

Ø Haut conseil de la famille (HCF) – M. Bertrand Fragonard, président délégué

Ø MEDEF – M. Jean-René Buisson, président de la commission protection sociale, Mme Véronique Cazals, directeur de la protection sociale, et M. Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques

Ø URSSAF de Paris – MM. Vincent Ravoux, directeur, et Jean Hue, directeur-adjoint

Ø Force ouvrière (FO) – M. Jean-Marc Bilquez, secrétaire confédéral chargé de la protection sociale, et Mme Marie-Claude Poggi, assistante confédérale

Ø Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) – MM. Gérard Pelhate, président du conseil d’administration, Michel Brault, agent comptable, et Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

Ø Syndicat des entreprises du médicament (LEEM) – MM. Philippe Lamoureux, directeur général, Claude Bougé, directeur général-adjoint, et Mme Aline Bessis-Marais, responsable des affaires publiques

Ø Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) – MM. Jean-Louis Deroussen, président, Hervé Drouet, directeur, et Mme Patricia Chantin, chargée des relations avec le Parlement

Ø Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mmes Danièle Karniewicz, secrétaire nationale, et Anne Bernard, responsable du secteur protection sociale

Ø Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) – Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d’administration, et M. Vincent Poubelle, directeur de la prospective et de la coordination des études

Ø Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) – MM. Pierre Burban, président, Pierre Ricordeau, directeur, Alain Gubian, directeur de la direction financière (DIFI) et de la direction des statistiques, des études et de la prévision (DISEP), Éric Le Bont, directeur de la réglementation, du recouvrement et du service, et Benjamin Ferras, directeur de cabinet et secrétaire général du conseil d’administration

Ø Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)/Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) – MM. Frédéric Van Roekeghem, directeur général, Jean-Marc Aubert, directeur délégué de la gestion et de l’organisation des soins, et Mme Sophie Thuot-Tavernier, chargée des relations avec le Parlement

Ø Fonds de solidarité vieillesse (FSV) – M. Jacques Lenain, directeur

Ø Confédération générale du travail (CGT) – M. Pierre-Yves Chanu, conseiller fédéral

Ø Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement

Ø Mutualité française – Dr. Jean-Martin Cohen Solal, directeur général, Mme Isabelle Millet-Caurier, directrice des affaires publiques, et M. Vincent Figureau, responsable du département des relations extérieures

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CTFC) – Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe chargée de la protection sociale, M. Patrick Poizat, secrétaire confédéral, Mme Béatrice Etévé, administratrice à la CNAM, et Mme Estelle Wanou, chargée des relations extérieures

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT)  MM. Philippe Le Clézio et Yves Vérollet, secrétaires confédéraux

Ø Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) – Mme Geneviève Roy, membre de la commission sociale, et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales

Ø Régime social des indépendants (RSI) – MM. Gérard Quévillon, président du conseil d’administration, et Dominique Liger, directeur général

Ø Agence France Trésor – MM. Philippe Mills, directeur général, Anthony Requin, directeur général-adjoint, et Hervé Naerhuysen, responsable de la trésorerie de l’État et des procédures budgétaires

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information n° 1798 de M. Philippe Houillon sur les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de marchés.

2 () Aide et accompagnement aux personnes âgées ou handicapées, aux enfants et familles en difficulté, lutte contre les exclusions…

3 () Relevant du décret n°°92-849 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d’emplois des agents sociaux territoriaux, employés par les centres communaux et intercommunaux.

4 () Cour de cassation, Civ. 2, 11 octobre 2007, CCAS de Roissy-en-Brie.

5 () Par cas « recevables », on entend les cas où le médecin diligenté par l’employeur a transmis au service médical un rapport précisant qu’il a pu examiner le patient,
c’est-à-dire les cas rentrant strictement dans le champ de l’expérimentation. Par cas « non recevables », on entend les cas où le médecin diligenté par l’employeur a bien transmis au service médical un rapport, mais que celui-ci précisait que le patient était absent de son domicile ou ne précisait pas s’il y avait véritablement eu examen du patient.