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N° 1994

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 octobre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2010 (n° 1976)

TOME III

ASSURANCE VIEILLESSE

Par M. Denis JACQUAT,

Député.

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INTRODUCTION 7

I.- UNE SITUATION FINANCIÈRE AGGRAVÉE PAR LA CRISE 9

A. LA SITUATION DU RÉGIME GÉNÉRAL : UNE DÉGRADATION QUI S’ACCÉLÈRE 9

1. L’aggravation du déficit en 2008 10

a) Une forte croissance des prestations en 2008 10

b) Une moindre progression des produits 11

2. Un nouveau creusement du déficit en 2009 11

a) Une croissance des prestations moins soutenue 11

b) Des produits beaucoup moins élevés que prévus 12

3. Un déficit record en 2010 12

B. UN RETOUR DURABLE AUX DÉFICITS POUR LE FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE 13

1. Un rapide historique des comptes du FSV jusqu’en 2006 13

2. Un retour à l’équilibre en 2007 et 2008 14

3. Un déficit record en 2009 15

a) Des recettes amputées et affectées par la crise 15

b) Des charges en augmentation 16

4. Des perspectives pour 2010 et les années suivantes très inquiétantes 18

C. LE FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES DUREMENT TOUCHÉ PAR LA CRISE 20

1. Le rôle essentiel du Fonds de réserve des retraites 20

2. Une année 2008 particulièrement éprouvante 20

3. Un rebond en 2009 21

a) Une gouvernance plus dynamique 21

b) Des résultats encourageants depuis début 2009 22

II. LES DROITS FAMILIAUX ET CONJUGAUX : UNE RICHESSE À PRÉSERVER 25

A. UN CONTEXTE SOCIOLOGIQUE EN ÉVOLUTION MAIS DANS LEQUEL PERSISTENT LES INÉGALITÉS 26

1) Les femmes toujours désavantagées face à la retraite 26

a) Des écarts en termes de niveau de pension et d’âge de départ à la retraite 26

b) Les écarts de pension selon le nombre d’enfants 27

2) Des inégalités qui trouvent leur origine dans le monde du travail et la répartition des tâches ménagères 27

a) Une progression continue de l’activité féminine contrariée ces dernières années par le développement du temps partiel 27

b) La persistance des inégalités salariales 28

c) Une répartition encore très déséquilibrée des tâches ménagères 29

3) Les transformations du couple et de la famille 30

B. LES DROITS CONJUGAUX 31

1) Dispositifs et bénéficiaires 32

a) Un dispositif qui varie fortement selon les régimes 32

b) Les bénéficiaires sont essentiellement des femmes 33

2) Quelles évolutions ? 34

a) La revalorisation des pensions de réversion 35

b) La question de l’assurance-veuvage 35

c) L’extension au PACS ? 36

C. LA MAJORATION DES PENSIONS POUR TROIS ENFANTS 37

1. Dispositif et bénéficiaires 37

2.  Une réforme nécessaire 38

D. L’ASSURANCE VIEILLESSE DES PARENTS AU FOYER : UN DISPOSITIF À SIMPLIFIER 41

1. Un dispositif dont la montée en charge n’est pas contrôlée 41

a) Un dispositif complexe 41

b) Bénéficiaires et coût 42

2. Un recentrage et une simplification nécessaires 43

a) Des modifications techniques simples 43

b) Une réforme plus profonde 44

E. LA MAJORATION DE DURÉE D’ASSURANCE : UNE RÉFORME NÉCESSAIRE QUI DOIT PRÉSERVER LES DROITS DES FEMMES 44

1. Un dispositif indispensable pour compenser les inégalités subies par les femmes 44

a) Un dispositif essentiel dans notre système de retraites 44

b) Les bénéficiaires de la MDA 46

c) Le système allemand 48

2. La réforme de 2003 49

a) La réforme dans la fonction publique 49

b) La réforme dans le régime général validée par le Conseil constitutionnel 50

3. Un dispositif aujourd’hui remis en cause 52

a) Fonction publique : le contentieux avec la Commission européenne 52

b) L’action de la HALDE 53

c) La décision de la Cour de cassation 54

ANALYSE DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI RELATIVES À L’ASSURANCE VIEILLESSE 57

QUATRIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR 2010 57

Section 2 Dispositions relatives aux dépenses d’assurance vieillesse 57

Article 38 : Majoration de durée d’assurance vieillesse 57

Article additionnel après l’article 38 Élaboration d’un rapport sur la situation des orphelins en France 73

Article 39 : Cumul emploi – pension d’invalidité et non-cumul pension d’invalidité – pension de retraite 74

Article 39 : Cumul emploi-retraite des médecins 79

Article 40 : Transfert au Fonds de solidarité vieillesse du financement de certains avantages non contributifs 80

Après l’article 40 82

Article 41 : Objectifs de dépenses de la branche vieillesse pour 2010 83

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 87

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 1 à 5, 7,
9 à 27
et 48 à 54 figurent dans le rapport de M. Yves Bur, sur les recettes et l’équilibre général (n° 1994, tome I).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 6, 28 à 32,
34 à 37
et 42 à 45 figurent dans le rapport de M. Jean-Pierre Door, sur l’assurance maladie et les accidents du travail (n° 1994, tome II).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 46 et 47 figurent dans le rapport de Mme Marie-Françoise Clergeau, sur la famille (n° 1994, tome IV).

Les commentaires et les débats en commission sur l’article 33 figurent dans le rapport de Mme Isabelle Vasseur, sur le médico-social (n° 1994, tome V).

Le tableau comparatif et l’annexe consacrée aux amendements examinés en commission figurent dans le fascicule n° 1994, tome VI.

INTRODUCTION

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a été une loi importante pour l’assurance-vieillesse, car elle a été le principal véhicule de mise en œuvre des réformes du rendez-vous 2008 : revalorisation du minimum vieillesse, majoration des petites pensions de réversion, aménagement du régime du minimum contributif, libéralisation du cumul emploi-retraite, suppression de la mise à la retraite d’office… Les sujets abordés et traités ont donc été nombreux.

A contrario, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ne comporte pas un nombre important de dispositions concernant les retraites, même si l’article 38 réformant la majoration de durée d’assurance pour enfants dans le régime général est une réforme très importante qui préserve au mieux, compte tenu des contraintes juridiques, les droits des mères.

2010 sera en revanche un rendez-vous important pour notre système de retraites. Lors de sa déclaration devant le Congrès, le 22 juin dernier, le Président de la République a clairement indiqué : « 2010 sera un rendez-vous capital. Il faudra que tout soit mis sur la table : l’âge de la retraite, la durée de cotisation et, bien sûr, la pénibilité. Toutes les options seront examinées. Les partenaires sociaux feront des propositions. Je n’ai nullement l’intention de fermer le débat au moment même où je l’ouvre. Mais quand viendra le temps de la décision, à la mi-2010, que nul ne doute que le Gouvernement prendra ses responsabilités. C’est une question d’honneur, c’est une question de morale à l’endroit des générations qui vont nous suivre ».

Lors d’une récente interview, le Président a réaffirmé ses ambitions pour le rendez-vous 2010 : « Nous ouvrirons le débat sans aucun tabou, je dis bien sans aucun tabou. Il sera lancé en 2010 et nous prendrons les décisions à la fin de 2010. Je ne souhaite pas prendre position avant ce grand rendez-vous, où chacun s'exprimera sans aucune idée préconçue. Mais je dis aux Français que je n'éluderai pas mes responsabilités. Je garantirai la pérennité de notre modèle social. »1

Votre rapporteur partage ces ambitions : 2010 doit être l’occasion de remettre à plat notre système de retraites. Nous serons aidés en cela par les travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR) qui doit remettre en février, à la demande du Parlement, un rapport sur « les modalités techniques de remplacement du calcul actuel des pensions (…), soit par un régime par points, soit par un régime de comptes notionnels de retraite fonctionnant l'un comme l'autre par répartition ».

Pour votre rapporteur, trois principes doivent guider cette réforme :

– d’abord, garantir la pérennité financière de notre système : l’assurance-vieillesse connaît aujourd’hui un grave déficit qui va s’aggraver dans les prochaines années et la crise a compromis le scénario, inscrit dans la loi Fillon de 2003, de transfert de cotisations chômage vers les cotisations retraite ;

– ensuite, simplifier le système existant : la multiplication des régimes et la multiplicité des règles applicables rend le système incompréhensible pour les Français et est une source de défiance de nos concitoyens envers notre système de retraites ;

– enfin, il nous faut préserver le niveau des retraites et mettre un terme à l’abaissement du taux de remplacement ; certes, les récents travaux du COR ont montré que le niveau de vie moyen des retraités se maintenait depuis dix ans au même niveau que celui des actifs. Mais il faut prendre en compte deux phénomènes : d’une part, l’accentuation des inégalités entre retraités, conséquence directe des inégalités de patrimoine ; d’autre part, l’arrivée prochaine à la retraite de générations qui ont connu des carrières professionnelles beaucoup moins linéaires que les précédentes, faites de chômage et de temps partiel, et cela concerne particulièrement les femmes.

I.- UNE SITUATION FINANCIÈRE AGGRAVÉE PAR LA CRISE

La situation financière de notre système de retraites est aujourd’hui très difficile et les perspectives jusqu’en 2013 ne sont guère réjouissantes.

Pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, le déficit devrait être de 9,5 milliards d'euros en 2009, contre 7,2 milliards prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, et atteindrait, à législation constante, près de 15,7 milliards d'euros en 2013. A quoi, il faut rajouter le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui sera de 3 milliards d'euros en 2009.

Comme les autres branches, la branche vieillesse consolidée (c'est-à-dire avec le FSV) est donc durement touchée par la crise qui réduit fortement ses rentrées de cotisations salariales et, pour le FSV, de CSG. Mais à la différence des autres branches, ce déficit conjoncturel vient s’ajouter à un déficit structurel qui va aller en s’aggravant avec le départ à la retraite des générations du baby boom. Des réponses structurelles devront donc être apportées.

Pour autant, votre rapporteur tient à souligner, comme le fait avec raison Mme Danièle Karniewicz, présidente de la CNAV, que notre système de retraites par répartition a fait, face à la crise, la preuve de sa robustesse. Contrairement à de nombreux autres pays, les retraités n’ont à aucun moment vu leur pensions diminuer, ni les actifs leur épargne-retraite fondre avec la crise boursière. De cela au moins, on doit se féliciter.

A. LA SITUATION DU RÉGIME GÉNÉRAL : UNE DÉGRADATION QUI S’ACCÉLÈRE

La branche retraite du régime général est passée en quelques années d’un excédent en 2003-2004 à un déficit important en 2007, de plus 4,5 milliards d'euros. En 2008, ce déficit s’est creusé de 1,2 milliard d'euros pour atteindre 5,6 milliards d'euros et devrait poursuivre sa dégradation en 2009 et dépasser les 8,2 milliards d'euros. Le déficit dépasserait les 10,5 milliards d'euros en 2010 et, selon les projections figurant à l’annexe B du projet de loi, atteindrait, à législation constante, 14,5 milliards d'euros en 2013.

1. L’aggravation du déficit en 2008

Le déficit de la CNAV en 2008 est donc de 5,6 milliards d'euros.

a) Une forte croissance des prestations en 2008

En 2008, les prestations ont crû de 5,6 %, soit une progression un peu moins rapide qu’en 2007 (+6,1 %). Les droits propres ont augmenté de 6,0 % contre 6,5 % en 2007, les droits dérivés de 3,5 % contre 4,3 % en 2007.

En 2008, le nombre des départs anticipés pour longue carrière a encore augmenté de 6,1 %, le dispositif entré en vigueur en 2004 n’ayant pas achevé sa montée en charge. Le stock moyen de retraités de moins de 60 ans a augmenté en 2008 de 10,7 %. Ainsi, le coût de la mesure a progressé en 2008 à un rythme soutenu, bien que moins élevé qu’en 2007, pour atteindre 2,4 milliards d'euros.

Le nombre moyen de retraités de plus 60 ans a progressé en volume de 3,6 % en 2008 (contre +3,5 % en 2007), soit une augmentation de près de 380 000 prestataires contre 360 000 en 2007. Ce rythme de progression très proche de celui enregistré en 2007 tient au fait que les générations 1947 et 1948 sont du même ordre de grandeur et que les décès sont stables par rapport à 2007.

b) Une moindre progression des produits

Les produits nets ont progressé de 4,2 %. L’agrégat constitué des cotisations sociales des actifs, des prises en charge de cotisations par l’État et des recettes fiscales affectées à la compensation des exonérations générales a augmenté de 4,1 % (contre + 5,3 % en 2007). Cette moindre progression s’explique notamment par une croissance de la masse salariale moins dynamique qu’en 2007. Néanmoins, la CNAV a bénéficié d’un effet positif sur ses cotisations dû à la forte revalorisation du plafond de sécurité sociale.

Le transfert en provenance de la CNAF au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) a augmenté de 7,0 % par rapport à l’exercice précédent. Le transfert du FSV au titre du chômage s’est stabilisé autour de 7,1 milliards d'euros en 2008, compte tenu d’une baisse du nombre moyen de chômeurs sur l’année 2008.

La CNAV bénéficie depuis 2008 de deux nouvelles recettes d’un montant total de 320 millions d'euros en 2008 : d’une part, la contribution sur les préretraites d’entreprise, jusqu’alors affectée au FSV (environ 110 millions d'euros en 2008) et d’autre part, une contribution sur le montant des indemnités de mise à la retraite nouvellement créée (pour un montant de 210 millions d'euros).

2. Un nouveau creusement du déficit en 2009

a) Une croissance des prestations moins soutenue

En 2009, la croissance des prestations est estimée à 4,9 %, soit un rythme moins rapide qu’en 2008. Les droits propres devraient progresser de 5,0 %, les droits dérivés de 3,7 %.

Ce ralentissement tiendrait à la diminution du nombre de départs en retraite anticipée compte tenu de l’évolution des règles relatives à cette mesure depuis le 1er janvier 2009 en lien avec l’augmentation de la durée d’assurance. En 2009, l’effectif moyen de bénéficiaires du dispositif de retraite anticipée devrait diminuer fortement (- 16,0 % contre une progression de + 10,7 % en 2008). En conséquence, le coût du dispositif serait ramené à 2,1 milliards d'euros, soit 270 millions d'euros de moins qu’en 2008. La retraite anticipée devrait ainsi contribuer négativement (pour - 0,4 point) à la croissance des droits propres.

En 2009, le flux de départs à la retraite hors départs anticipés se stabiliserait autour de 650 000 comme en 2008. Le nombre moyen de retraités de plus de 60 ans progresserait en volume de 3,5 % contre 3,6 %, soit une augmentation de 380 000 prestataires. L’essentiel de la progression de la dépense de droits propres s’explique donc en 2009, comme en 2008, par la croissance de la population totale des retraités.

b) Des produits beaucoup moins élevés que prévus

Alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoyait des recettes à hauteur de 95,3 milliards d'euros pour la branche vieillesse du régime général, les prévisions révisées inscrites à l’article 4 du présent projet sont de 90,7 milliards d'euros, ce qui explique pour l’essentiel l’aggravation du déficit.

Ces moindres recettes sont d’abord la conséquence du non-basculement de cotisations chômage en cotisations vieillesse. Cette hausse de 0,3 point des cotisations vieillesse devait rapporter 1,8 milliard d'euros mais n’a pu se réaliser compte tenu de l’aggravation du chômage et de la dégradation des comptes de l’UNEDIC.

Par ailleurs, la baisse prévue de la masse salariale en 2009 (- 2,0 % par rapport à l’exercice précédent) devrait provoquer une diminution de l’agrégat « cotisations » de 0,4 %, alors qu’il a augmenté de 4,1 % en 2008. Cette baisse serait partiellement compensée par la forte hausse du transfert du FSV au titre du chômage qui progresserait de 18,4 % (soit +1,3 milliard d'euros par rapport à l’exercice précédent) du fait de l’augmentation du chômage. Ce transfert joue donc un rôle d’amortisseur sur les produits de la CNAV en cas de dégradation de la situation de l’emploi.

Par ailleurs, le transfert en provenance de la CNAF au titre de l’allocation vieillesse des parents au foyer progresserait de 2,9 %. Enfin, la CNAV bénéficie d’une augmentation de ses recettes fiscales en 2009. D’une part, la fraction du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital qui lui est allouée passe de 15 % à 30 % entraînant un surcroît de recettes estimé à 0,4 milliard d'euros. D’autre part, le taux de la contribution sur le montant des indemnités de mise à la retraite est porté à 50 % en 2009 (contre 25 % en 2008).

3. Un déficit record en 2010

En 2010, la croissance des prestations est estimée à 4,5 %, soit un rythme en deçà de celui prévu pour 2009 (+ 4,9 %). Ce ralentissement tiendrait à la forte baisse du nombre de départs en retraite anticipée prévue en 2009 qui joue en année pleine sur l’effectif moyen de bénéficiaires du dispositif de retraite anticipée en 2010 (- 27,8 %). En conséquence, le coût du dispositif serait ramené à 1,6 milliard d'euros, soit 530 millions d'euros de moins qu’en 2009.

En 2010, le flux de départs à la retraite hors départs anticipés s’élèverait à 660 000. Le nombre moyen de retraités de plus 60 ans progresserait en volume de 3,3 %, soit une augmentation de 380 000 prestataires. L’essentiel de la progression de la dépense de droits propres s’explique donc en 2010, comme précédemment, par la croissance de la population totale des retraités.

Par contre, les droits dérivés devraient enregistrer une forte hausse (+4,9 % par rapport à 2009) compte tenu de la majoration de la pension de réversion à compter de 2010, dont le coût est estimé à 140 millions d'euros en 2010.

Au niveau des produits, la Commission des comptes de sécurité sociale retient une progression de 0,8 % en 2010, pour atteindre 92,1 milliards d'euros. L’agrégat « cotisations » diminuerait encore, de 0,2 %, en lien avec la baisse prévue de la masse salariale. Par ailleurs, à compter de 2010, la CNAV n’enregistrera plus de contribution sur le montant des indemnités de mise à la retraite (soit une moindre recette d’environ 400 millions d'euros en 2010). En effet, 2010 marque la fin du dispositif de mise à la retraite d’office (extinction prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007). Le transfert du FSV au titre du chômage progresserait de 0,7 milliard d'euros en 2010 du fait de la hausse prévue du chômage. Enfin, le transfert en provenance de la CNAF au titre de l’allocation vieillesse des parents au foyer augmenterait de 1,2 %.

Ainsi, malgré le léger ralentissement de la progression des prestations, la stagnation des recettes aboutira à un déficit de la branche vieillesse du régime général de 10,7 milliards d'euros.

B. UN RETOUR DURABLE AUX DÉFICITS POUR LE FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE

Institué par la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est un établissement public de l’Etat à caractère administratif qui a pour mission de « prendre en charge les avantages d’assurance vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale » (article L. 135-1 du code de la sécurité sociale).

1. Un rapide historique des comptes du FSV jusqu’en 2006

Le FSV finance, depuis 1994, les avantages de vieillesse non contributifs relevant de la solidarité nationale, avantages dont le périmètre est globalement stable : il se décompose en trois blocs de dépenses, de poids inégal. Les dépenses de financement du minimum vieillesse (20 %), celles de certaines majorations des pensions (28 %), et celles des cotisations de retraite, au titre des chômeurs essentiellement (52 %). Ces charges représentaient 14,618 milliards d'euros pour l’exercice 2008. Le FSV consacre plus de 85 % de ses transferts financiers à la CNAV, transferts qui représentent eux-mêmes 15 % du total des prestations vieillesse servies par la caisse (12,13 milliards d'euros en 2007, dont 7,08 milliards d'euros au titre des cotisations).

Contrairement aux dépenses, la structure des recettes du FSV a considérablement évolué, notamment depuis 2000. Actuellement, ces recettes sont principalement au nombre de quatre :

– la CSG est de loin la principale, bien que la fraction réservée au FSV ait été réduite les années passées (1,30 % en 2000, 1,15 % en 2001, 1,05 % en 2002, et partiellement 1,03 % depuis 2006). Son produit était de 11 621 millions d’euros en 2008 (75 % du total) :

– la seconde recette en importance est constituée par le financement partiel par la CNAF, depuis 2001, du coût des majorations de pensions pour enfants, à raison de 60 % depuis 2003. Pour un montant de 2,386 milliards d'euros en 2008 (15,5 %) ;

– de plus, le FSV reçoit, depuis 2001, 20 % du produit du prélèvement social de 2  % sur les revenus de capitaux. Soit un montant de 557 millions d'euros en 2008 (3,6 %) ;

– Enfin, le FSV est destinataire, depuis 2000, de tout ou partie du solde disponible du produit annuel de la contribution de solidarité sociale des sociétés (C3S) après répartition du principal de ce produit entre les régimes des non-salariés bénéficiaires (essentiellement les trois branches du RSI). Le montant de ce solde annuel est erratique (variant de 550 millions d'euros à 1,3 milliard d'euros, entre 2001 et 2004, et réduit à 200 millions d'euros en 2005, pour remonter à 450 millions d'euros en 2007). Il a été de 800 millions d'euros en 2008.

Sur la période des années passées 2000 à 2006, le FSV aura connu une dégradation continue de sa situation financière, due essentiellement à la recomposition défavorable de ses recettes, du fait des mesures actées par les lois annuelles de financement, et à la progression forte et continue des dépenses de prise en charge des cotisations retraite des chômeurs, entretenue largement par un contexte économique défavorable. Fin 2006, le solde financier cumulé déficitaire était de - 4,959 milliards d'euros.

2. Un retour à l’équilibre en 2007 et 2008

Les résultats positifs du FSV de l’exercice 2007 et de l’exercice 2008 ont manifesté une amélioration remarquable, confortée par la reprise de ses déficits cumulés.

L’exercice 2007 a, en effet, vu le rétablissement de l’équilibre du compte annuel, avec un excédent, le premier depuis 2000, de 151 millions d'euros. Ce rétablissement a résulté tant d’une forte progression des recettes, de 7 %, grâce à la bonne tenue de la CSG et à un abondement majoré de C3S, que d’une sensible diminution des dépenses, due essentiellement à la poursuite de la réduction du nombre de cotisations de retraite des chômeurs prises en charge.

L’exercice 2008 a consolidé, comme attendu, cette évolution très favorable. Il a dégagé un solde positif de 812 millions d'euros. Ces résultats sont d’abord la conséquence d’une amélioration « spontanée », grâce au dynamisme maintenu des recettes, qui ont progressé de 6,4 %, du fait notamment de la bonne tenue de la CSG, et à la modération de l’évolution des dépenses, par suite notamment de la stabilisation du poste des cotisations de retraite des chômeurs, du fait de la poursuite, attendue, de la baisse des effectifs de chômeurs pris en charge. Ils sont aussi la conséquence d’un fort abondement de C3S.

Dans ces conditions, le solde cumulé déficitaire est repassé sous la barre de - 4 milliards d’euros, et ainsi ramené à - 3,992 milliards d'euros. Les excédents annuels 2007 et 2008 n’ont donc pas été transférés au FRR, susceptible de les recevoir, au motif qu’un tel transfert ne saurait intervenir quand le FSV est endetté.

C’est ce montant de la dette « comptable » du FSV qui a donné lieu à reprise par la CADES, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. En effet, l’article 10 de celle-ci a prévu que les déficits cumulés du FSV au 31 décembre 2008 seraient repris par la CADES, ensemble avec ceux des branche maladie et vieillesse du régime général, dans la limite d’un montant plafond commun de 27 milliards d'euros.

Il faut ajouter que la dette accumulée par le FSV depuis 2003 n’a pas été génératrice de charges d’intérêts pour le FSV, les frais financiers consécutifs à ses retards de versement étant supportés directement par la CNAV. Ces frais, jusqu’au 31 décembre 2008, peuvent être considérés comme couverts par la reprise des déficits cumulés de la CNAV par la CADES.

3. Un déficit record en 2009

L’année 2009 va voir le FSV replonger dans les déficits et atteindre un niveau record de déficit de plus de 3 milliards. Cette rechute brutale s’explique par l’évolution combinée des recettes et des charges du fonds.

a) Des recettes amputées et affectées par la crise

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a substantiellement modifié la structure des recettes du FSV :

– une fraction de 0,2 point de la CSG a été transférée à la CADES pour le financement de la reprise de dette prévue dans la même loi. Ce transfert représenterait un peu plus de 2,2 milliards d'euros en 2009.

– La contribution de la CNAF au titre du financement des majorations de pension pour enfants est passée de 60 à 70 %, représentant un gain de 0,4 milliard d'euros. Deux nouvelles hausses de 15 points (portant ainsi la part financée par la CNAF à 100 %) sont programmées pour les années 2010 et 2011, qui devraient à chaque fois accroître les ressources du fonds de 0,6 milliard d'euros.

– En contrepartie de cette hausse, une fraction de 15 points du prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital et les produits de placement a été transférée à la CNAV, représentant 0,3 milliard d'euros en 2009. La part de cette recette affectée au fonds est ainsi passée de 20 à 5 points.

En plus de ces modifications structurelles qui ont conduit à une baisse nette de ses ressources propres, la crise devrait peser fortement sur les recettes du FSV. Le produit de CSG (après neutralisation du transfert à la CADES) connaîtrait un recul de plus de 2 %, en raison de la poursuite de l’érosion d’une partie de son assiette (masse salariale et revenus du capital essentiellement).

En outre, le FSV subit indirectement l’impact de la crise sur le régime des indépendants : les difficultés de ce dernier obligent à accroître les montants de contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) qui lui sont affectés, ce qui réduit d’autant la part qui peut être accordée au FSV. Cette contribution est, en effet, affectée prioritairement au Régime social des indépendants (RSI), pour assurer son équilibre financier et comptable. En 2009, ce sont ainsi 800 millions d'euros, au lieu des 1500 millions initialement prévus, qui pourront être affectés au FSV.

b) Des charges en augmentation

Pour les dépenses, s’agissant du financement des prestations, minimum vieillesse et majorations de pensions, il faut souligner qu’elles ont une logique propre d’évolution, peu liée à la conjoncture économique (hors l’effet prix et son incidence sur la revalorisation des pensions), tendanciellement négative pour le minimum vieillesse, nettement positive pour les majorations pour enfants

Par contre, l’évolution des dépenses de prise en charge des cotisations de retraite des chômeurs épouse totalement le contexte économique. Or, ces dépenses représentent plus de la moitié des dépenses totales du FSV. Il supporte donc un retournement brutal de cette évolution, qui contribue très fortement à la dégradation des comptes. Pour cet exercice 2009, la prévision initiale de ce poste de dépenses, qui intégrait une légère dégradation du marché du travail, l’estimait à 7,5 milliards d'euros. Aujourd’hui, les effectifs moyens annuels de chômeurs, au sens du FSV, pour l’année 2009, seront passés de 2 745 000 (prévision initiale) à 3 173 000, soit un accroissement de 428 000 et de 16 % (niveau à comparer à un effectif 2008, semi-définitif, de 2 756 000). La dépense est désormais estimée à 8 493 millions d'euros, soit une progression de la prévision de près de 986 millions d'euros, et de 1,35 milliard d'euros par rapport à la dépense 2008.

Au total, pour l’exercice 2009, tous effets et mesures confondus, les recettes du FSV diminueraient de 2 446 millions d'euros, soit de - 15,9 %. Et les dépenses augmenteraient de 1 406 millions d'euros, soit de + 9,6 %. Les dépenses ne seraient donc plus couvertes par les recettes qu’à hauteur de 81 %. Cet écart considérable de près de 3,85 milliards d'euros entre les deux exercices tient pour l’essentiel à trois éléments : l’amputation d’une partie notable de la fraction de la CSG affectée au FSV, la chute du rendement de celle-ci et du prélèvement de 2 %, et la croissance particulièrement forte des cotisations de retraite des chômeurs, que le versement de la CSSS, resté de montant stable, n’a pu atténuer.

4. Des perspectives pour 2010 et les années suivantes très inquiétantes

Selon le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, à droit constant, donc avant les mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, le déficit annuel du FSV pour 2010 pourrait être porté à 3 878 millions d'euros. Cette progression tendancielle du déficit d’une année à l’autre, de près de 850 millions d'euros, résulterait à la fois d’une quasi-stabilisation des recettes et d’une croissance soutenue des dépenses.

La quasi-stabilisation des recettes, qui parait s’expliquer par l’évolution de la CSG et du prélèvement social de 2 %, strictement liée à la conjoncture, résulte aussi de mouvements importants de sens contraire : en effet, la prise en charge par la CNAF des majorations pour enfants progresse de 15 points pour 2010, en passant de 70 % à 85 %, conformément à la mesure de la loi de financement pour 2009, ce qui apporterait un supplément de recettes de 634 millions d'euros. À l’inverse, compte tenu de la situation du RSI, il n’est prévu aucun versement au titre de la C3S pour 2010, contre 800 millions d'euros pour chacune des deux années antérieures.

En dépenses, la progression prévue est de 5,1 %, soit près de 810 millions d'euros. Cette évolution tient très largement au seul poste des cotisations de retraite des chômeurs, qui continuera à connaître une progression soutenue, évaluée présentement à 719 millions d'euros soit + 8,5 %, pour atteindre 9,2 milliards d'euros. Ce montant correspond à 3 402 000 chômeurs pris annuellement en charge (données prévisionnelles du Pôle emploi de juillet 2009), soit une augmentation de l’effectif de 229 000 (+ 7,2 %) par rapport à celui présentement retenu pour 2009.

Ce résultat annuel « tendanciel » 2010, déficitaire de près de 3,9 milliards d'euros, qui intègre donc déjà l’effet favorable de la mesure de la contribution CNAF précitée, sera sensiblement aggravé, par la mise à la charge du FSV des cotisations de retraite relatives aux périodes validées gratuitement au titre des «arrêts de travail» (maladie, maternité, AT-MP, invalidité) prévues à l’article 40 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette importante mesure nouvelle constitue un élargissement des charges du FSV, et a vocation à bénéficier à trois régimes, le régime général des salariés (CNAV), celui des salariés agricoles (MSA) et celui des artisans et commerçants (RSI). Son impact devrait être réparti sur deux exercices. Il serait de 630 millions d'euros en 2010 (dont 600 millions d’euros pour la CNAV), et un montant identique est donc à prévoir pour 2011. Ces montants sont similaires aux recettes apportées par les mesures successives d’augmentation de la contribution CNAF pour 2010 et 2011, ce qui assure ainsi leur transfert au bénéfice des régimes de vieillesse.

Au total, le déficit annuel 2010 serait porté à 4,462 milliards d'euros et les déficits cumulés 2009 et 2010 atteindraient fin 2010 le montant, sans précédent, de 7,5 milliards d'euros.

Pour les années 2011 et suivantes, l’annexe B présente comme suit les prévisions quadriennales relatives aux années 2010-2013 pour ce qui concerne le FSV :

En milliards d’euros

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Recettes

15,4

12,9

12,9

14,2

14,7

15,3

Dépenses

14,5

16,0

17,4

18,2

18,4

18,5

Solde

0,8

- 3,0

- 4,5

- 4,0

- 3,7

- 3,1

Sur ces bases, le solde cumulé négatif du FSV serait le suivant (après reprise par la CADES à hauteur de 3,9 milliards d'euros début 2009 de celui constaté fin 2008) :

En milliards d’euros

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Solde cumulé

- 3,9

- 3,0

- 7,5

- 11,5

- 15,2

- 18,3

Dès lors, une telle évolution aboutirait, fin 2013, à un solde cumulé négatif supérieur à 18 milliards d’euros. Dans ces conditions, la dette du fonds serait supérieure, dès 2012, à une année de recettes.

La question des recettes du FSV devra donc être posée dès l’année prochaine.

C. LE FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES DUREMENT TOUCHÉ PAR LA CRISE

Outil essentiel de notre système de retraites, le Fonds de réserve des retraites a été très durement touché par la crise qui a frappé la planète financière en 2008. En 2009, des adaptations ont été apportées à la gouvernance avec, à ce jour, des résultats encourageants.

1. Le rôle essentiel du Fonds de réserve des retraites

Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) a été institué par l’article 2 de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. En application de l’article 6 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, il a pris la forme d’un établissement public à caractère administratif de l’Etat. Son objet est de contribuer à la consolidation du financement des retraites servies par le régime général et les régimes alignés, en constituant des provisions destinées à pérenniser le système par répartition au moment où la transition démographique difficile pour les comptes du régime général à partir de 2020 entraînera un doublement du besoin de financement (2 % du PIB en 2020, 4 % vers 2040, avec un déficit de la CNAV passant de 11 milliards d’euros en 2020 à près de 37 milliards en 2040). Le FRR est donc un outil parmi d’autres permettant de consolider le régime général de retraite par répartition et doit être appréhendé comme un fonds de lissage financier. Depuis le 30 juin 005, le FRR gère également 40 % de la soulte versée par les entreprises électriques et gazières lors de l’adossement de leur régime à la CNAV (les 60 % restants sont versés de manière stable sur la période 2005-2030).

La mission du FRR doit être réaffirmée : la constitution de réserves doit faciliter la mise en œuvre des réformes du système des retraites par répartition face au choc démographique attendu pour les années 2020 à 2050. Elle doit donc avant tout être conçue comme une mission de lissage de tout ou partie de cette période de transition, afin d’éviter de limiter le pilotage des régimes à un allongement de la durée de cotisation, une réduction des taux de remplacement et une augmentation des taux de cotisation.

Le FRR doit donc faire partie intégrante du rendez-vous 2010 sur les retraites : si la réforme de 2003 avait légitimement pu mettre de côté la problématique du FRR compte tenu de son horizon temporel, cela n’est pas possible pour le rendez-vous 2010. Celui-ci devra traiter les questions de retraite à moyen terme, donc après 2020, et la question du rythme des décaissements demandés au FRR devra donc être évoquée.

2. Une année 2008 particulièrement éprouvante

Initiée à l’été 2007 par l’épisode des « subprimes », la crise financière s’est étendue à compter de septembre 2008 (faillite de Lehman Brothers) à l’ensemble de la sphère financière mondiale. Les difficultés liées à la détention d’actifs toxiques ont fortement fragilisé les institutions financières, créant un assèchement des liquidités, une désaffection des actifs risqués et un climat de méfiance généralisée. La récession, d’abord modérée, s’est brutalement aggravée au troisième trimestre 2008, provoquée par un décrochage de la croissance mondiale.

Le FRR n’était pas exposé à des produits de titrisation ou des actifs toxiques. Il a cependant été frappé comme tous les acteurs financiers par la forte baisse des marchés en 2008 et, en tout premier lieu, par celle des marchés actions.

En 2008, le FRR a connu une perte financière de - 2,6 milliards d'euros (après un gain de + 2,7 milliards d'euros en 2007), ce qui représente une performance annuelle de - 24,9 %. Cette performance doit notamment s’analyser au regard de l’effondrement des marchés d’actions, qui en moyenne ont perdu plus de 45  % de leur valeur en 2008.

Les cessions de valeurs mobilières ont généré 2,2 milliards d'euros de perte, contre un gain de 1,4 milliard d'euros en 2007. Dans un contexte de baisse généralisée des marchés d’actions, les ventes d’actifs génèrent davantage de moins-values que de plus-values. Or, le volume des cessions a été accru en 2008 par l’arrivée à échéance de plusieurs mandats de gestion passés en 2004, processus qui a entraîné la liquidation d’une partie des valeurs de ces portefeuilles.

Le portefeuille actions du FRR a donc subi une très forte dépréciation, de même que les actifs diversifiants (matières premières et immobilier). La performance des obligations a, quant à elle, légèrement diminué, à l’exception des titres d’État bénéficiant d’un phénomène de « fuite » vers la qualité. À la fin de l’année 2008, date à laquelle les marchés étaient proches de leur point bas, la valeur de marché du portefeuille atteignait 27,7 milliards d'euros, soit l’équivalent du montant cumulé des abondements reçus par le fonds depuis sa création.

3. Un rebond en 2009

a) Une gouvernance plus dynamique

Malgré ces résultats difficiles, le conseil de surveillance a décidé de ne pas remettre en cause sa stratégie d’investissement de long terme et de tabler sur un retour progressif à la moyenne des marchés. La performance doit en effet être mesurée sur le long terme, sans qu’il faille mettre l’accent ni à la hausse, ni à la baisse sur les évolutions uniquement conjoncturelles des marchés. Le FRR repose en effet sur la conviction d’une plus forte croissance des actions par rapport aux obligations sur l’horizon qu’il couvre.

Ce choix, qui n’allait pas de soi, a donné lieu à des débats nourris au sein du conseil de surveillance et le maintien d’un niveau élevé d’actions dans le portefeuille d’actifs a au final été validé par l’ensemble des partenaires sociaux qui ont fait preuve, dans ces moments difficiles, d’un sang-froid et d’une solidarité qui méritent d’être salués.

C’est ainsi qu’à l’occasion de la révision de l’allocation stratégique intervenue en juin 2009 (suivant le calendrier établi en 2006), le conseil de surveillance a largement reconduit les grands axes de la politique d’investissement du fonds tout en l’ajustant pour tenir compte du rapprochement de l’horizon de décaissement.

Néanmoins, un nouveau portefeuille de référence a été défini par le conseil de surveillance qui revoit à la baisse la part des actifs risqués, aussi appelés actifs de performance, qui passent de 60 % à 55 % (dont 45 % actions, 5 % immobilier et 5 % matières premières). Afin de permettre une certaine souplesse dans la gestion du portefeuille, le poids global des actifs de performance pourra être amené à évoluer à l’intérieur d’une bande de fluctuation dont l’ampleur est fixée par le conseil de surveillance chaque année. Les limites fixées actuellement sont de 40 % à 60 % du total des actifs.

Par ailleurs il a été créé un « comité stratégie d’investissement », émanation du conseil de surveillance, qui conseillera tous les trois mois, de façon opérationnelle et réactive, le directoire dans l’ajustement à de l’allocation effective du fonds. Enfin, le réexamen de l’allocation stratégique aura désormais lieu tous les ans et non plus tous les trois ans.

b) Des résultats encourageants depuis début 2009

Profitant du rebond des marchés actions depuis mars 2009 (+ 10,5 % en trois mois), la valeur de marché du portefeuille du FRR atteignait 28,8 milliards d'euros au 30 juin 2009, portant la performance du fonds depuis le début de l’année à + 3,3 %. A cette même date, la performance moyenne annualisée depuis la création du fonds était quant à elle de + 0,9 %.

Au 9 octobre, l’actif net du FRR avait continué de remonter pour atteindre 32,1 milliards d'euros soit un milliard de plus que les abondements cumulés valorisés de l’inflation et une performance depuis le début de l’année de 13,1 % et de 2,7 % depuis sa création.

Même s’il est plus difficile que pour d’autres organismes de prévoir le niveau des recettes de court terme du fait de leur nature financière – ceci est d’autant plus le cas dans la période actuelle de fortes incertitudes sur les marchés financiers – la Commission des comptes de la sécurité sociale estime que le solde financier (produits financiers nets de charges) pourrait être d’environ
- 700 millions d'euros en 2009, soit un résultat toujours négatif mais moins dégradé qu’en 2008 (- 2 500 millions d'euros).

L’espérance de rendement annualisée à l’horizon 2020 reste quant à elle inchangée depuis 2006, à + 6,3 %. Le FRR vise ainsi, selon des prévisions techniques internes, un actif total de 83 milliards d'euros courants (soit 67 milliards d'euros 2008) d’ici à 2020. Il s’agit d’un objectif et le montant final pourra s’avérer différent selon les conditions effectives de marché sur la période.

II. LES DROITS FAMILIAUX ET CONJUGAUX :
UNE RICHESSE À PRÉSERVER

Conformément aux engagements pris l’an dernier, votre rapporteur a souhaité consacrer une partie de son rapport aux droits familiaux et conjugaux de retraite. A la suite de la publication du sixième rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) consacré à ce sujet, votre rapporteur a rencontré l’ensemble des acteurs concernés (cf. liste en annexe) afin de recueillir leur opinion sur le rapport et sur les pistes de réforme proposées. Votre rapporteur s’est également rendu à Berlin les 14 et 15 septembre dernier afin d’examiner de plus près le dispositif des avantages familiaux et conjugaux dans le système allemand (cf. annexe). Les développements qui suivent constituent donc une synthèse de l’excellent rapport du COR, à la fois sur le diagnostic et sur les propositions, et des remarques recueillies par votre rapporteur lors de ces auditions.

Quelques éléments de contexte tout d’abord : la France connaît depuis de nombreuses années une situation démographique extrêmement favorable si on la compare à celle des autres pays européens. Cela est en grande partie dû à une politique familiale particulièrement ambitieuse et, chose rare dans notre pays, consensuelle. Cette politique a un coût, budgétaire et fiscal, non négligeable mais il est indiscutable qu’il s’agit là d’argent public bien investi qui nous évite de nous retrouver dans les situations démographiques extrêmement critiques que connaissent, par exemple, l’Allemagne ou le Japon.

L’un des éléments essentiels de cette politique ce sont les droits familiaux et conjugaux de retraite qui représentent des sommes importantes : près de 15 milliards d'euros (soit 1 point de PIB) pour les droits familiaux et environ 30 milliards d'euros pour les droits conjugaux (soit environ 2 points de PIB). Il s’agit d’un aspect essentiel de notre système de retraites puisque les droits familiaux représentent près de 8 % environ des dépenses de retraite de droit propre et les droits conjugaux 14 % de l’ensemble des pensions versées (droits propres et dérivés).

Pour votre rapporteur, ces droits doivent être préservés car ils constituent un élément essentiel de notre politique familiale : aucune économie n’est à rechercher dans ce domaine, bien au contraire. Par contre, cela ne doit pas empêcher de faire évoluer tel ou tel dispositif afin d’en augmenter l’efficacité ou l’équité. Il faut également adapter notre système aux évolutions sociologiques. Enfin, on ne peut qu’être frappé par la complexité du dispositif existant qui résulte en grande partie de la disparité des règles appliquées par les différents régimes ; il faudra donc poursuivre le processus d’harmonisation des règles entre les régimes.

Bien sûr, cette réflexion prend un relief particulier compte tenu de la réforme de la majoration de durée d’assurance pour enfants dans le régime général qui figure à l’article 38 du présent projet et votre rapporteur a souhaité consacrer de longs développements à ce sujet extrêmement important.

A. UN CONTEXTE SOCIOLOGIQUE EN ÉVOLUTION MAIS DANS LEQUEL PERSISTENT LES INÉGALITÉS

1) Les femmes toujours désavantagées face à la retraite

En 2004, comme le soulignait notre collègue Claude Greff dans le rapport de la Délégation aux droits des femmes, « le montant moyen des retraites perçues par les femmes a été de 38 % inférieur à celui des hommes ». Certes, cette situation scandaleuse devrait aller en s’atténuant avec le temps : selon les exercices prospectifs conduits par l’INSEE en 2006 jusqu’à la génération 1974, les écarts de pension moyenne entre les hommes et les femmes devraient progressivement se réduire mais sans totalement disparaître, en grande partie en raison des caractéristiques de l’emploi féminin.

a) Des écarts en termes de niveau de pension et d’âge de départ à la retraite

Les écarts de pension entre les hommes et les femmes sont importants : en 2004, les femmes retraitées de 60 ans et plus percevaient une retraite moyenne (droits propres, droits dérivés et minimum vieillesse) de 1 020 euros par mois, soit 62 % de celle des hommes (1 636 euros). Des écarts d’ampleur comparable se retrouvent dans toutes les tranches d’âge mais l’on constate néanmoins que les écarts de pension de droit propre entre les hommes et les femmes se réduisent progressivement au fil des générations : dans la tranche d’âge des 85 ans et plus, la pension de droit propre des femmes (hors pension de réversion et minimum vieillesse) n’était égale en 2004 qu’à 42 % de celle des hommes, contre 50 % pour les 65-69 ans.

En raison notamment d’une plus grande disparité de leurs carrières, les montants de retraite des femmes sont plus dispersés. En 2004, 44 % des femmes retraitées avaient validé une carrière complète contre 86 % des hommes retraités, et un tiers des femmes avait validé moins de 24 ans d’assurance. Cette forte proportion de carrières relativement courtes contribue à expliquer la part importante des faibles pensions chez les femmes.

Si on se limite aux seuls droits propres, des disparités importantes s’observent également entre les régimes : pour les anciens salariés du secteur privé, en 2004, la pension de droit propre (base et complémentaire) des femmes représentait moins de 40 % de celle des hommes, contre près de 80 % pour les anciens fonctionnaires civils de l’État, et 50 % pour les non-salariés. Cet écart moindre dans la fonction publique reflète une plus grande proximité des parcours professionnels des hommes et des femmes en termes de rémunération et de durée de carrière.

Les âges de départ en retraite des hommes et des femmes diffèrent également. Dans le secteur privé et la fonction publique, les femmes liquident leurs droits à la retraite en moyenne plus tardivement que les hommes (respectivement à 61,5 ans et à 60,1 ans pour la génération 1938). En particulier, les anciennes salariées du secteur privé nées en 1938 ont été 40 % à faire valoir leurs droits à 65 ans ou plus, contre 16 % des hommes de cette génération.

b) Les écarts de pension selon le nombre d’enfants

En 2004, les femmes retraitées nées entre 1934 et 1938 avaient une pension de droit propre d’autant plus faible qu’elles avaient eu des enfants. Ainsi, celles qui n’avaient aucun enfant ou seulement un enfant percevaient une pension supérieure de plus de 25 % à l’ensemble des femmes (plus de 1 000 euros par mois contre 825 euros en moyenne). Symétriquement, les femmes ayant eu trois enfants percevaient une pension inférieure de 15 % (703 euros).

La comparaison des pensions entre les parents de moins de trois enfants et les parents de famille nombreuse est également intéressante : en moyenne, la pension des pères de trois enfants et plus est sensiblement égale à celle des pères de moins de trois enfants (environ 1 470 euros mensuels en 2004 pour les générations entre 1934 et 1938) ; en revanche, les mères d’au moins trois enfants perçoivent une pension inférieure de près de 28 % à celle des autres retraitées, l’écart est de 34 % sur le seul montant de la pension de droit propre hors majoration de pension.

2) Des inégalités qui trouvent leur origine dans le monde du travail et la répartition des tâches ménagères

Le récent rapport de Mme Grésy, consacré à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a bien montré la persistance des inégalités dans le monde du travail, inégalités qui sont en grande partie à l’origine des inégalités constatées au niveau des retraites.

a) Une progression continue de l’activité féminine contrariée ces dernières années par le développement du temps partiel

L’activité féminine n’a jamais cessé de progresser depuis la fin des années 1960, même si elle progresse un peu moins vite depuis le milieu des années 1990 : en 1970, une femme sur deux en âge de travailler était active ; aujourd’hui, c’est le cas de deux femmes sur trois âgées de 15 à 64 ans et de trois femmes sur quatre âgées de 25 à 59 ans. Dans le même temps, l’activité des hommes a légèrement diminué, surtout après 50 ans, de sorte que les taux d’activité féminin et masculin se rapprochent. En 2007, le taux d’activité des 15-64 ans s’élevait à 74,6 % pour les hommes et à 65,3 % pour les femmes.

L’inactivité féminine s’est également transformée au fil des générations. Il est de plus en plus rare qu’une femme n’entre jamais sur le marché du travail : elles ne sont plus que 5 % dans ce cas parmi les femmes nées vers 1960, contre 15 % parmi celles nées vers 1930. L’inactivité féminine correspond donc pour l’essentiel soit à des cessations d’activité précoces, soit à des interruptions d’activité, généralement liées à l’éducation des enfants. Les cessations d’activité précoces concernent davantage les femmes que les hommes. Quant aux interruptions d’activité liées aux enfants, elles restent spécifiquement féminines : seulement 1,5 % des pères ayant un emploi cessent ou réduisent leur activité après une naissance, contre 35 % des mères ayant un emploi juste avant la naissance.

Les interruptions d’activité liées aux enfants, qui sont globalement de moins en moins fréquentes, tendent en outre à se raccourcir et à se concentrer autour des naissances. Autrefois, il était courant qu’une mère interrompe son activité durant une longue période, voire définitivement. Aujourd’hui, lorsqu’une femme ne travaille pas dans l’année qui suit une naissance, elle travaille à nouveau au bout de deux ans dans un cas sur deux et il est de plus en plus rare qu’elle reste sans emploi au bout de dix ans.

Au final, l’activité féminine progresse régulièrement de génération en génération. Néanmoins, il apparaît que la croissance de l’activité féminine s’accompagne de chômage et de temps partiel. Les femmes sont plus touchées par le chômage que les hommes, et ce, à tous les âges. Bien que sur les vingt-cinq dernières années l’écart entre les hommes et les femmes se soit réduit, en 2007 le taux de chômage des femmes âgées de 25 à 49 ans était encore de 1,5 point supérieur à celui des hommes : 8,1 % contre 6,6 %. Par ailleurs, les femmes sont les premières victimes du développement du temps partiel constaté dans les années 1990. Aujourd’hui stabilisé, le taux de temps partiel pour les femmes reste au niveau élevé de 30 % des femmes en emploi contre 5 % des hommes : environ 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes.

Le taux d’emploi des femmes de 25 à 59 ans montre ainsi un essoufflement dès les générations du baby-boom et le taux d’emploi des femmes en équivalent temps plein stagne depuis la génération 1955 et ne rejoint pas celui des hommes qui décroît continûment sur la période.

Par ailleurs, on constate qu’au fil du temps, les interruptions d’activité pour élever un enfant en bas âge deviennent la forme dominante d’inactivité féminine, au détriment des autres formes d’inactivité féminine : femmes « au foyer » toute leur vie, femmes interrompant définitivement leur activité après une naissance, femmes seniors cessant précocement leur activité.

La différenciation des rôles parentaux au moment des naissances semble ainsi devenir la cause principale des écarts entre les taux d’activité des hommes et des femmes alors que, par le passé, l’inactivité féminine relevait plutôt du modèle prédominant de la «femme au foyer », en vertu duquel les femmes ne travaillaient pas, même en l’absence de jeunes enfants.

b) La persistance des inégalités salariales

Malgré la croissance de l’activité féminine et la progression du niveau d’éducation des femmes qui a rejoint, voire dépassé, celui des hommes, les écarts de salaires ne se réduisent que très lentement et des inégalités persistent entre hommes et femmes sur le marché du travail.

En France, l’écart entre les salaires mensuels moyens des femmes et des hommes était de 25,3 % en 2002. Ce chiffre concerne l’ensemble des salariés de 16 à 64 ans (travaillant au moins 10 heures par semaine, hors apprentis et stagiaires de la formation professionnelle), qu’ils travaillent dans le secteur privé ou dans le secteur public, à temps complet ou à temps partiel. On peut dire aussi que les hommes gagnent 33 % de plus que les femmes.

Cet écart s’est réduit depuis les années 1960 (la différence s’élevait alors à 50 %), mais il a cessé de diminuer depuis le milieu des années 1990 où il était de 26 %, une interruption observée également dans la plupart des pays européens. Pourtant, le niveau moyen d’éducation de ces femmes – facteur important de l’explication des inégalités de salaires dans la théorie du capital humain – a dépassé celui des hommes et continue de progresser.

Les écarts de salaire mensuel entre les hommes et les femmes renvoient principalement à des écarts de durée effective du travail ainsi qu’à des différences de secteur d’activité et de qualification des emplois. Compte tenu de leur durée de carrière réduite par les interruptions d’activité et du temps partiel, l’expérience acquise par les femmes à travers leur activité professionnelle est plus limitée. Des travaux récents font en particulier ressortir que les interruptions d’activité des femmes lors des naissances ont un impact significativement négatif sur leur carrière salariale ultérieure. L’écart de salaire entre hommes et femmes qui reste inexpliqué après la prise en compte des caractéristiques socioprofessionnelles est de 7 % à 10  % selon les études disponibles.

c) Une répartition encore très déséquilibrée des tâches ménagères

Le rapport Grésy le souligne (2) : « L’arrivée d’un enfant marque le plus souvent une rupture dans les trajectoires professionnelles féminines. Pour certaines, cette rupture se traduit par un renoncement à « faire carrière », pour d’autres par un renoncement à l’activité, en raison des difficultés rencontrées sur le marché du travail ou de leurs difficultés à concilier leur double vie. Les femmes les mieux insérées sur le marché du travail à la naissance, que ce soit par leur statut (CDI) ou leur niveau de diplôme, sont celles qui diminuent le moins leur activité professionnelle et quand elles la modifient, c’est plutôt par des passages à temps partiel ou des réductions d’activité que des sorties. En revanche, l’arrivée d’un enfant n’influence pas les trajectoires masculines, sauf rares exceptions. En résulte un mouvement général vers une plus forte spécialisation entre conjoints, les femmes dans la responsabilité familiale, les hommes dans la responsabilité professionnelle. Cette spécialisation visible dès le premier enfant, se creuse ensuite. »

La répartition dissymétrique du temps professionnel et du temps domestique au sein du couple est l’un des principaux facteurs d’écart entre les carrières des femmes et les carrières des hommes. Il ressort des nombreux travaux sur le sujet que, même si les Français se déclarent plutôt favorables à une répartition égalitaire des tâches domestiques entre les hommes et les femmes, la répartition des rôles au sein des couples en âge de travailler demeure très différenciée : tout au long de leur vie, les femmes consacrent en moyenne nettement plus de temps que les hommes au travail domestique, surtout en présence d’enfants, et nettement moins au travail professionnel.

Si la part du travail domestique accomplie par les hommes est passée de 19 % en 1966 à 31 % en 1998, cette part est restée quasiment stable de 1986 à 1998. La marche vers un partage plus égalitaire des tâches, amorcée vers la fin des années 1960 avec la montée de l’activité féminine, paraît donc lente, voire même en panne depuis le milieu des années 1980. La persistance d’un partage inégalitaire des tâches se trouve confirmée par l’observation des jeunes entrés il y a cinq ans sur le marché du travail. La dissymétrie des comportements, déjà présente mais réduite tant que le couple n’a pas d’enfants, se renforce lorsque les jeunes deviennent parents.

3) Les transformations du couple et de la famille

Le modèle familial traditionnel, où chacun est censé se marier pour la vie, perd du terrain au profit de nouveaux modèles familiaux. En effet, on constate une augmentation des divorces, du nombre de célibataires et des unions en dehors du mariage. Désormais, à tous les âges de la vie, beaucoup de femmes vivent seules. De ce fait, la faiblesse des salaires et des pensions des femmes risque d’entraîner des situations de précarité parmi celles-ci.

La montée du nombre de divorces est un trait majeur des évolutions des quarante dernières années. Amorcée à la fin des années 1960, cette hausse a été très vive durant les années 1970 et 1990. Dans le même temps, le nombre de mariages diminuait. Le nombre de mariages et de divorces s’est depuis à peu près stabilisé (en 2006, 274 084 mariages ont été célébrés et 139 147 divorces ont été prononcés).

Un second bouleversement majeur s’est amorcé à partir de la fin des années 1970 : la montée des unions hors mariage. En effet, la diminution du nombre de mariages ne signifie pas une défiance vis-à-vis de la vie en couple. Aujourd’hui, 90 % des couples débutent leur union hors mariage (contre un couple sur six au début des années 1970). Dans les années 1970, les couples non mariés le restaient peu de temps, une fois passée cette période considérée souvent comme un « mariage à l’essai ». Beaucoup légalisaient leur union rapidement : la moitié des femmes dont les premières unions avaient commencé hors mariage au milieu des années 1970 s’étaient mariées dans les deux ans. Mais, à partir des années 1980, de moins en moins de couples ont souhaité se marier, même après la naissance des enfants. De ce fait, les naissances hors mariage ont été multipliées par plus de six depuis 1970 et concernent aujourd’hui plus de 50 % de l’ensemble des naissances.

Un phénomène important a également été l’institution du pacte civil de solidarité (PACS) en 1999. Le nombre de PACS signés s’accroît d’année en année (77 362 PACS en 2006). Au total, plus de 350 000 PACS ont été déclarés depuis 1999 et 13 % d’entre eux ont été dissous. Le PACS concerne souvent des couples hétérosexuels et vient de plus en plus concurrencer le mariage.

Ainsi, les femmes qui vont prendre leur retraite dans les prochaines années (nées à partir de 1950 environ) se sont, pour la plupart, mariées, mais elles ont été affectées par la montée du divorce. Ainsi, l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses du baby-boom s’accompagne d’un doublement soudain du nombre de femmes divorcées qui prennent leur retraite. Pour les femmes nées vers 1950, par exemple, les parcours matrimoniaux seront probablement les suivants : sur dix femmes, une sera restée célibataire, trois auront divorcé (dont une qui se sera remariée et deux qui conserveront le statut de divorcées au moment de la retraite), et les six autres se seront mariées sans jamais divorcer.

Quant aux femmes nées après 1960, elles ont été affectées par la montée du célibat et des unions hors mariage. Néanmoins la majorité d’entre elles se marient encore et leur taux de divorce devrait être plus élevé que pour les cohortes précédentes. Pour les femmes nées vers 1970, par exemple, les parcours matrimoniaux pourraient être les suivants : sur dix femmes, trois resteraient célibataires, trois se marieraient puis divorceraient (dont une se remarierait et deux seraient toujours divorcées au moment de la retraite), quatre se marieraient sans jamais divorcer.

Et le COR de conclure sur ce point : « Globalement, l’augmentation du nombre de couples hors mariage, qu’il s’agisse de premières unions ou de remises en couple, n’a pas totalement compensé le déclin du mariage (et du remariage). Il en résulte que la proportion d’hommes et de femmes vivant seuls à un âge donné tend à s’accroître au fil des générations (3) ».

Les retraités étaient jusqu’à présent peu concernés par les nouveaux modèles familiaux. Maintenant que des générations ayant fréquemment divorcé arrivent à l’âge de la retraite, la question du sort de la femme divorcée, qui a peu travaillé lorsqu’elle était mariée, et qui est restée seule après son divorce se pose. Ces évolutions des comportements familiaux et conjugaux doivent conduire à s’interroger sur l’adéquation du système de retraite actuel à ce nouveau contexte démographique

B. LES DROITS CONJUGAUX

Votre rapporteur a déjà eu l’occasion à plusieurs reprises de se pencher sur la problématique des droits conjugaux, et plus précisément celle des pensions de réversion. La mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat s’est également récemment penchée sur cette question (4). Dans son rapport, le Conseil d’orientation des retraite consacre de longs développements aux pensions de réversion en mettant bien en avant deux éléments essentiels : d’une part, l’extrême diversité des règles applicables selon les régimes ; d’autre part, la difficulté de dégager un consensus sur les objectifs que doit poursuivre un système de pension de réversion.

Pour les droits familiaux, les objectifs sont assez clairs et partagés, même s’il existe des débats sur les outils pour atteindre ces objectifs, et s’inscrivent dan le cadre plus général des objectifs de la politique familiale : compenser les charges liées à la présence d’enfants au sein des familles ; lutter contre la pauvreté, afin de réduire les inégalités de chance entre enfants dues aux écarts de revenus entre parents ; entretenir ou soutenir la natalité en permettant aux parents d’avoir le nombre d’enfants qu’ils désirent ; enfin, aider les parents à concilier vie familiale et vie professionnelle.

Pour les droits conjugaux, les objectifs sont plus complexes et parfois contradictoires dans la mesure où privilégier tel ou tel objectif peut impliquer des changements profonds dans les modalités de la réversion. Ces objectifs concurrents sont :

– assurer un revenu au survivant qui était dépendant financièrement de son conjoint ;

– maintenir le niveau de vie antérieur au décès ; garantir les droits acquis par le conjoint (logique patrimoniale) ; ou encore,

– avantager les couples mariés.

Tous ces objectifs ont une certaine légitimité, mais ils relèvent de logiques conceptuelles différentes et entraînent des conséquences pratiques parfois opposées.

1) Dispositifs et bénéficiaires

a) Un dispositif qui varie fortement selon les régimes

Les dispositifs de réversion consistent à verser, parfois sous certaines conditions, une fraction de la pension du conjoint décédé au survivant du couple, qui est de facto le plus souvent la femme.

Tous les régimes de retraite mettent en oeuvre des systèmes de réversion, mais ceux-ci présentent, entre eux, de grandes disparités. Pour résumer, si tous les régimes accordent des pensions de réversion, à un taux variant de 50 % à 60 %, les conditions pour bénéficier d’une pension de réversion sont loin d’être homogènes. Il apparaît notamment que :

– au régime général, au régime des exploitants agricoles, au régime des professions libérales et dans les régimes alignés, une condition de ressources s’applique pour bénéficier de la réversion, mais dans des conditions telles toutefois que les veufs et veuves qui dépendaient financièrement totalement ou largement de l’assuré ont toujours droit à la pension ; en revanche, aucune condition de ressources ne s’applique pour la pension de réversion servie par les régimes complémentaires, ni dans les régimes de la fonction publique et les autres régimes spéciaux ;

– le remariage entraîne la perte ou la suspension de la réversion dans les régimes complémentaires et les régimes spéciaux (y compris ceux de la fonction publique), mais pas dans le régime général, les régimes alignés, le régime des exploitants agricoles et le régime des professions libérales ;

– la condition d’âge, absente dans la plupart des régimes spéciaux dont ceux de la fonction publique, est rétablie à compter de 2009 dans le régime général, et existe dans la plupart des autres régimes, avec des seuils d’âge non harmonisés ;

– seuls certains régimes prévoient un dispositif pour les orphelins, dont la forme et le montant sont variables ;

– enfin les disparités de règles entre les veufs et les veuves ont quasiment disparu au sein de chaque régime.

b) Les bénéficiaires sont essentiellement des femmes

En 2004, selon l’échantillon interrégimes de retraités, une pension de réversion a été versée à 3,75 millions de personnes, soit plus d’un quart des retraités. Parmi ces personnes, 3,45  millions sont des femmes. Cette forte proportion de femmes bénéficiaires (92 %), veuves par définition, s’explique par trois raisons principales : les femmes ont une espérance de vie plus longue que les hommes, les épouses sont en moyenne plus jeunes que leur mari et certains veufs ne bénéficient pas de réversion en l’absence de droits propres acquis par leur femme.

En 2004, la pension de réversion s’élevait en moyenne à 523 euros brut par mois, 238 euros pour les hommes et 548 euros pour les femmes. Cette pension représentait plus de la moitié de la retraite totale des femmes (548 euros sur un total de 1 028 euros par mois) et seulement 16 % de celle des hommes (respectivement 238 euros et 1 513 euros).

Elle représentait 58  % du montant global de retraite pour les femmes âgées de 85 ans ou plus, contre 45  % pour celles âgées de 65 à 69 ans. Cette forte baisse de la part de la réversion dans la retraite reflète la progression, de génération en génération, de la proportion de femmes qui exercent une activité professionnelle et se constituent des droits propres.

Ainsi, en 2006, selon les comptes de la protection sociale, le montant global des pensions de réversion s’élevait à 30,2 milliards d’euros. La part des droits dérivés dans l’ensemble des retraites (droits propres et dérivés, soit 216,9 milliards d'euros) est donc estimée à 13,9 % en 2006, cette proportion étant restée à peu près stable depuis 2003.

Selon les projections du Conseil d’orientation des retraites réalisées en 2005 et actualisées en 2007 pour les principaux régimes, la part des prestations de réversion devrait diminuer constamment sur la période 2006-2050 : de 13,6 % en 2006, elle passerait à 11,4 % en 2020 puis à 9,8 % à l’horizon 2050.

La progression de l’activité féminine, particulièrement marquée pour les générations du « baby-boom » qui liquident leur retraite actuellement et dans les prochaines années, explique cette tendance. En effet, les conjoints survivants, qui autrefois ne percevaient que des droits dérivés, percevront à l’avenir de plus en plus de droits propres en plus de leurs droits dérivés, ce qui réduira l’augmentation des droits dérivés puisque :

– cette augmentation des droits propres, de 2,3 % en moyenne annuelle entre 2006 et 2050, plus forte que celle des droits dérivés qui serait de 1,4 %, fera mécaniquement baisser la part des droits dérivés dans le total des pensions ;

– dans les régimes de base du secteur privé, les réversions se réduisent en projection à cause de la condition de ressources.

La démographie devrait aussi contribuer à cette tendance :

– l’allongement de l’espérance de vie des hommes et des femmes va conduire à réduire la part des années de veuvage pendant la retraite (malgré un décalage des âges de liquidation) ;

– la réduction de l’écart entre les espérances de vie masculine et féminine réduira aussi le nombre d’années de veuvage ;

– enfin la réduction des écarts d’âges au mariage induit aussi une réduction des années de veuvage.

2) Quelles évolutions ?

On se dirige donc vers une réduction du poids relatif des droits conjugaux, du fait notamment du recul de la conjugalité. Mais l’évolution vers une individualisation des droits à retraite est lente et, à court et moyen terme, la faiblesse des droits propres des femmes et l’importance du rôle joué par les pensions de réversion rendent inacceptable une politique se traduisant par un affaiblissement des droits conjugaux.

Néanmoins, comme le souligne le COR, « les dispositifs de réversion ont été conçus dans un contexte où le modèle de la femme au foyer mariée jusqu’au décès de son mari prédominait, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. L’activité féminine s’est largement développée et les formes de conjugalité ont considérablement évolué. Le divorce a connu une hausse importante et d’autres formes de vie en couple sont apparues à côté du mariage (PACS ou simple cohabitation). Ces nouvelles formes de conjugalité peuvent conduire à s’interroger sur les objectifs poursuivis par les droits conjugaux : les objectifs assignés à la réversion en cas de décès – vision patrimoniale, redistribution en faveur des veuves les plus modestes, maintien du niveau de vie à la suite du décès – vont devoir être réexaminés » (5)

a) La revalorisation des pensions de réversion

L’article 74 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a prévu la majoration des petites pensions de réversion à partir de 2010 conformément aux engagements du Président de la République. Il s’agit d’un premier pas très positif, mais il faut continuer à travailler sur ce dossier et en particulier sur le niveau du plafond de ressources appliqué dans le régime général et les régimes alignés : personnellement, votre rapporteur estime qu’il faudrait, comme dans la fonction publique ou dans les régimes complémentaires, supprimer ce plafond de ressources. Certes, les conséquences financières d’une telle suppression seraient lourdes pour les régimes d’assurance-vieillesse. Par ailleurs, cela pourrait aboutir à ce que le niveau de vie du conjoint survivant soit supérieur à celui dont il bénéficiait avant le décès de son conjoint. Mais, dans une approche patrimoniale du dispositif de réversion, l’absence de plafond semble nécessaire.

Au-delà du plafond, la question se pose des revenus pris en compte dans la condition de ressources. L’absence de prise en compte, dans les ressources du conjoint survivant, des pensions de réversion complémentaires provenant de l’assuré et des revenus patrimoniaux acquis avec l’assuré ou grâce à lui, et au contraire la prise en compte des droits propres et de tout ou partie des revenus d’activité peut avantager sensiblement le conjoint survivant inactif par rapport à celui qui travaille ce qui semble assez contradictoire.

b) La question de l’assurance-veuvage

Par ailleurs, le rétablissement d’une limite d’âge, fixée à 55 ans, pour bénéficier d’une pension de réversion oblige à se reposer la question de l’assurance veuvage. Aujourd’hui, le dispositif d’assurance veuvage est encore en place jusqu’à la fin 2010, mais il devra être réformé d’ici là car le constat de son insuffisance en 2003 qui avait conduit à la suppression de la condition d’âge pour la réversion reste valable.

La population concernée par le veuvage précoce est loin d’être négligeable. La probabilité, pour une personne née entre 1940 et 1946, de décéder avant 60 ans est de 11,7 % chez les hommes et de 5,3 % chez les femmes. En 1999, parmi les 3,8 millions de personnes veuves au sens de l’état civil, on dénombrait 240 000 veufs et veuves de moins de 55 ans. Leur effectif aurait été porté à 360 000 avec une définition du veuvage étendue à toutes les personnes qui ont connu le décès de leur conjoint, marié ou non.

Parmi ces 360 000 jeunes personnes veuves, quatre sur cinq étaient des femmes, et deux sur trois avaient plus de 45 ans. Environ neuf sur dix avaient eu un ou plusieurs enfants avec le conjoint décédé, de sorte que la plupart d’entre elles avaient encore des enfants à charge. La question du veuvage précoce est ainsi liée à celle des orphelins. Les orphelins de moins de 25 ans, qui pour la plupart vivent dans des familles monoparentales, étaient au nombre de 780 000 en 1999, dont 330 000 mineurs.

Les situations de pauvreté sont particulièrement fréquentes parmi les jeunes veuves et veufs, bien plus que parmi les veuves et veufs plus âgés. Le taux de pauvreté des veuves (au sens de l’état civil) de moins de 55 ans vivant seules est ainsi de 28 %, contre 12 % dans l’ensemble de la population française

Cela étant, le taux de pauvreté des personnes veuves de moins de 55 ans avec enfants à charge, quoique élevé, est identique à celui des autres familles monoparentales (26 %). Les familles monoparentales issues du veuvage précoce, qui bénéficient parfois de pensions de réversion et de l’assurance veuvage, ne sont pas plus souvent pauvres que les familles monoparentales issues du divorce ou des séparations de couples non mariés, qui bénéficient parfois de prestations compensatoires et en principe de pensions alimentaires pour les enfants.

Néanmoins, même si les jeunes veufs ou veuves avec enfants ne sont pas plus souvent en situation de pauvreté que les autres parents isolés, une protection spécifique en cas de veuvage précoce peut être justifiée.

En effet, le veuvage (précoce ou non) se distingue par son caractère involontaire : le décès du conjoint est un risque de la vie, qui est donc assurable. Le divorce ou la séparation supposent à l’inverse une décision des individus.

Le veuvage précoce (avant 55 ans, pour fixer les idées) se différencie toutefois aussi du veuvage non précoce par la situation vis-à-vis du marché du travail des jeunes veufs ou veuves : en effet, ceux-ci sont susceptibles d’exercer une activité professionnelle, ou d’en reprendre une. C’est pourquoi, selon le COR, il peut être justifié de dissocier la prise en charge du veuvage précoce de la réversion prévue par les systèmes de retraite.

c) L’extension au PACS ?

Le développement des unions hors mariage et la progression rapide du PACS invite à se poser la question de l’extension de la réversion à d’autres formes d’union que le mariage. En effet, avec la législation actuelle, environ un tiers des membres des jeunes générations pourraient ne pas acquérir de droits à réversion faute de s’être mariés, à moins qu’ils décident finalement de se marier tardivement. Une extension de la réversion aux autres formes d’union conduirait à un système de retraite neutre par rapport au choix du type d’union, à l’image de certains pays étrangers (Pays Bas, Royaume-Uni, Canada…).

Cependant, cette perspective fait émerger la difficulté de reconnaissance des couples non mariés, dans la mesure où le concubinage n’est pas juridiquement caractérisé et où le devoir d’assistance entre membres du couple, qui peut également fonder le droit à réversion, n’existe que pour le mariage et dans une moindre mesure pour le PACS. Comment pourrait-on éviter dans ce cas les unions de « complaisance », conclues dans le but d’obtenir des avantages sociaux (en l’occurrence la réversion) sans engagement véritable entre les deux partenaires ?

Les personnes auditionnées par votre rapporteur sont partagées sur cette perspective d’élargissement, mais toutes reconnaissent qu’elle va dans le sens de l’histoire. Le Médiateur de la République a, à l’occasion du dixième anniversaire du PACS, pris des positions très claires en faveur de cette extension tout en la conditionnant à une durée minimale de PACS, par exemple de deux ans. Même s’il ne faut pas sous-estimer les conséquences financières d’une telle réforme et les risques d’abus, votre rapporteur soutient cette démarche.

C. LA MAJORATION DES PENSIONS POUR TROIS ENFANTS

Une majoration proportionnelle à la pension est accordée dans presque tous les régimes aux hommes et aux femmes ayant eu ou élevé au moins trois enfants pendant neuf ans avant leur 16ème anniversaire. Ainsi, un même enfant peut ouvrir droit à une majoration de pension à plus de deux adultes, dans le cadre de familles recomposées.

1. Dispositif et bénéficiaires

Le taux de la majoration est de 10 % au régime général pour les parents de trois enfants et plus. Dans les régimes spéciaux, y compris ceux de la fonction publique, ainsi qu’à l’IRCANTEC, la majoration est de 10 % également au troisième enfant, et de 5 % par enfant supplémentaire à l’exception du régime des mines. Elle est de 5 % à l’ARRCO pour trois enfants et plus, et de 8 % à l’AGIRC pour trois enfants et de 4 % par enfant supplémentaire.

Cette majoration bénéficie d’un traitement fiscal et social particulier : alors qu’elle est assujettie à la CSG et à la CRDS au taux auquel est soumis le ménage (elle est donc considérée, dans ce cas, comme partie intégrante de la retraite), elle n’entre pas dans l’assiette de l’impôt sur le revenu (au même titre que certaines prestations à caractère social et familial).

En 2004, 42 % des retraités de plus de 54 ans ayant des droits propres, soit environ 5,4 millions de personnes, percevaient des majorations pour trois enfants et plus au titre de leurs droits propres, pour un montant moyen de 89 euros mensuels, soit 1 068 euros annuels (48 % pour les retraités de droit dérivé, soit 1,6 million de personnes, pour un montant moyen de 50 euros par mois). Pour le seul régime général, parmi les nouveaux retraités de l’année 2004, ce sont quatre nouveaux retraités de droit propre sur dix et un nouveau retraité de droit dérivé sur deux qui bénéficient de la majoration de pension.

Globalement, les hommes bénéficient davantage des bonifications pour enfants que les femmes : tous régimes confondus, les hommes perçoivent, en moyenne, 123 euros de majoration mensuelle en 2004, alors que les femmes ne touchent que 56 euros. En effet, le montant de la majoration dépend directement du montant de la pension perçue : les personnes ayant accompli des carrières longues et ayant perçu des revenus élevés, notamment en fin de carrière (il s’agit notamment des cadres du secteur privé ou public), toucheront une majoration importante. A contrario, les personnes ayant accompli des carrières courtes et faiblement rémunérées (les femmes sont particulièrement concernées) perçoivent des bonifications de faible montant.

2.  Une réforme nécessaire

Selon le rapport du COR, les majorations de pension pour trois enfants et plus représentaient en 2006 3 % à 4 % de la masse des pensions de droit propre de la plupart des régimes, soit un coût d’un peu moins de 6,5 milliards d'euros. Ce coût est en partie pris en charge par la solidarité nationale via le Fonds de solidarité vieillesse (6) et, depuis 2001, par la CNAF. Le taux de prise en charge par la CNAF des dépenses du FSV est en 2009 de 70 %, il doit passer à 85 % en 2010 et à 100 % en 2011.

Outre le coût, différentes motivations peuvent conduire à s’interroger sur des évolutions de ce dispositif. D’abord, c’est le seul droit familial qui bénéficie autant, voire un peu plus, aux hommes qu’aux femmes. De ce fait, il ne réduit pas les inégalités de fait entre hommes et femmes à la retraite. Par ailleurs, compte tenu de son caractère proportionnel, il n’a pas pour objet d’assurer une redistribution verticale des revenus élevés vers les bas revenus. Il est non imposable, à la différence de la pension, qui est, elle, imposable. Enfin, la question peut se poser de savoir s’il ne serait pas plus efficace de soutenir les familles nombreuses quand les enfants sont à charge.

Différentes pistes de réforme sont envisageables :

– L’intégration de ces majorations dans l’assiette de l’impôt sur le revenu : une telle évolution apparaît justifiée si les majorations de pension, qui sont proportionnelles, sont considérées comme un élément de pension plutôt que comme une prestation familiale, les pensions étant imposables, à la différence des prestations familiales.

– Le passage de majorations proportionnelles à des majorations forfaitaires : cette transformation des majorations de pension viserait à ce que les majorations de pension, qui remplissent l’objectif de donner des droits supplémentaires aux parents, contribuent également à l’objectif de redistribution vers les plus bas revenus. Elle pourrait également être justifiée si ces majorations sont considérées comme des prestations familiales, ces dernières étant généralement forfaitaires (et non imposables).

– Enfin, le COR explore une piste de réforme plus radicale qui consisterait à redéployer les majorations pour trois enfants et plus en direction de l’ensemble des parents, ou alternativement de l’ensemble des mères, avec une majoration proportionnelle au nombre d’enfants accordée dès le premier enfant. L’objectif visé ne serait plus alors de majorer les retraites des parents de familles nombreuses, mais de majorer les retraites de l’ensemble des parents (ou des mères).

Les organisations auditionnées par votre rapporteur sont partagées quant à l’évolution de ce dispositif, certaines critiquant son caractère anti-redistributif, d’autres soulignant la nécessité de préserver le caractère contributif de notre système de retraites, les dernières étant enfin très attachées à ce qu’elles considèrent comme un moyen de compenser la moindre accumulation de capital des familles ayant eu de nombreux enfants.

Quelle que soit la solution retenue, votre rapporteur a le sentiment que le dispositif actuel est « entre-deux-eaux » et qu’il n’est pas adapté à la situation actuelle des familles qui ont plus besoin d’être aidées quand les enfants sont effectivement à la charge des familles qu’au moment de la retraite, quand les enfants sont, la plupart du temps, autonomes. Une réforme est donc nécessaire.


La possibilité de départ après trois enfants dans fonction publique

Dans les trois fonctions publiques (État, collectivités territoriales et hôpitaux), les mères ayant eu au moins trois enfants, ou ayant un enfant de plus d’un an avec une invalidité de 80  %, peuvent prendre leur retraite à tout âge après quinze ans de service (7). Ce dispositif est à la charge des régimes. La pension servie est proportionnelle à la durée des services effectifs et est susceptible d’être portée au minimum garanti. La mère ou le père peut ensuite exercer un emploi dans le secteur privé, le cumul de la retraite anticipée avec un revenu d’activité étant possible.

En 2006, 10 % des départs en retraite dans la fonction publique d’État et 11 % des départs en retraite à la CNRACL relevaient du dispositif de départ anticipé. Les femmes sont les plus nombreuses à y recourir : 14 % des nouvelles retraitées ont fait valoir leurs droits à ce titre à la fonction publique d’État et 18 % à la CNRACL. Le dispositif de départ anticipé permet aux mères de trois enfants qui l’utilisent de bénéficier de leur pension environ 7 à 10 ans plus tôt en moyenne que celles qui n’y recourent pas.

Selon les calculs du COR, la masse des pensions de droit propre servies au titre des départs anticipés pour raison familiale représentait un peu moins de 1,5 milliard d'euros en 2006. La part de ce droit dans la masse totale des pensions est particulièrement importante à la CNRACL (7,7 %), en raison de la proportion relativement importante de femmes parmi les retraités du régime et de l’usage fréquent de ce droit notamment chez les infirmières, affiliées à la CNRACL.

Ce dispositif doit être réformé pour deux raisons :

– d’une part, les paramètres de liquidation applicables aux parents éligibles à ce dispositif de départ anticipé pour trois enfants et plus n’obéissent pas au principe générationnel ; ce sont les paramètres (durée requise et décote) en vigueur à la date à laquelle l’assuré remplit les conditions du dispositif (à savoir quinze années de services et au moins trois enfants) qui s’appliquent à lui, même si la liquidation de sa pension intervient bien plus tard, ce qui est une source d’inégalité flagrante ;

– d’autre part, les objectifs visés à travers le dispositif actuel, qui, pour certains de ses bénéficiaires, s’apparente à un dispositif de préretraite et, pour d’autres, permet une reconversion professionnelle à un âge relativement jeune, peuvent poser également question. Un retrait définitif du marché du travail n’est pas indispensable pour permettre aux mères et aux pères de s’occuper de l’éducation de leurs enfants, et, d’autre part, autoriser par ce biais une certaine forme de cumul emploi-retraite n’est pas adapté à la situations de personnes jeunes et est coûteux pour les régimes de retraite.

- Enfin, ce dispositif n’existe que dans certains régimes ce qui est contradictoire avec l’objectif de convergence entre régimes défendu par votre rapporteur.

D. L’ASSURANCE VIEILLESSE DES PARENTS AU FOYER : UN DISPOSITIF À SIMPLIFIER

Créée en 1972, l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) était initialement un dispositif créé pour les mères au foyer et visant à comptabiliser les périodes passées au foyer comme des périodes d’assurance dans le calcul des pensions de vieillesse. Mais progressivement, l’accès à l’allocation a été étendu à de nouvelles populations avec des conditions assouplies quant au nombre d’enfants et aux prestations familiales versées ou non sous condition de ressources.

Ces strates successives ont abouti à un système excessivement complexe, très peu lisible pour les assurés et dont le coût va aller croissant, sans adéquation avec le but recherché.

1. Un dispositif dont la montée en charge n’est pas contrôlée

a) Un dispositif complexe

Le dispositif existant aujourd’hui est le résultat d’une accumulation de réformes successives qui ont rendu le dispositif particulièrement complexe.

Pour résumer, aujourd’hui, pour bénéficier de l’AVPF, plusieurs conditions doivent être réunies :

– bénéficier de certaines prestations familiales ou être dans une situation ouvrant la possibilité d’être affilié ;

– avoir des ressources inférieures à un seuil qui varie selon les motifs d’affiliation et selon que l’on est isolé ou que l’on vit en couple ;

– dans certains cas seulement, ne pas exercer d’activité professionnelle ou avoir des revenus professionnels inférieurs à un plafond ou encore ne pas être affilié à un autre titre.

Cette triple condition induit une certaine complexité, et une très grande diversité de situations. Certains bénéficiaires ne peuvent pas exercer d’activité professionnelle sans perdre le bénéfice de l’allocation, alors que d’autres (parents isolés) peuvent travailler à temps plein, si leurs ressources, deux ans avant de bénéficier de l’allocation, étaient inférieures au plafond de l’allocation de rentrée scolaire, et que d’autres encore, vivant en couple et bénéficiant du congé libre choix d’activité à taux partiel ou de l’allocation journalière de présence parentale, peuvent travailler à temps partiel, tant que leurs revenus professionnels sont inférieurs à 63 % du plafond de la sécurité sociale.

L’affiliation à l’AVPF est gérée pour tous les assurés exclusivement par la branche vieillesse du régime général de la sécurité sociale, que le bénéficiaire ait ou non un lien avec ce régime. Ainsi, les cotisations correspondent à une affiliation à l’assurance vieillesse du régime général par le biais des reports, sur le compte individuel de l’assuré, des salaires forfaitaires annuels et de validations de trimestres d’assurance vieillesse. Pour une même année, si le bénéficiaire exerce une activité professionnelle, il cumule le salaire AVPF à son salaire d’activité, dans la limite du plafond de la sécurité sociale (et de la validation de quatre trimestres par an).

Ainsi le dispositif est analogue au processus qui conduit un employeur à verser un salaire à un assuré, ce salaire constituant au moment de la retraite un des éléments de calcul de la pension dont bénéficiera le salarié.

b) Bénéficiaires et coût

En 35 ans, le champ de la population couverte par l’AVPF a presque doublé pour passer, selon la CNAV, de 1,1 million de femmes affiliées entre 1973 et 1980 à 2 millions depuis 1994, essentiellement en raison de l’élargissement du champ des bénéficiaires, à la suite des différentes réformes intervenues au sein de la branche famille.

Un tiers des femmes parties en retraite au régime général en 2004 (1,5 % des hommes) a bénéficié de l’AVPF pour une durée moyenne validée de 27 trimestres, soit environ 7 ans. La génération 1952 est la première génération à pouvoir pleinement bénéficier de l’AVPF, mise en place en 1972. La part des cotisantes du régime général à en avoir bénéficié croît logiquement avec l’âge : pour la génération 1952, elle passe de 30 % à 25 ans, à 44 % à 30 ans, à 53 % à 40 ans. Selon les projections de la CNAV, la proportion de femmes nouvellement retraitées et bénéficiaires de l’AVPF devrait augmenter jusqu’en 2020 jusqu’aux environs de 56-58 %. À partir de cette date, le nombre de trimestres validés en moyenne par les femmes bénéficiaires baisserait légèrement selon les projections de la CNAV et passerait d’environ 30 trimestres en 2020 à 28 trimestres en 2050.

Cette augmentation du nombre de bénéficiaires va bien sûr avoir des conséquences sur le coût du dispositif : aujourd’hui, c’est la CNAF qui prend en charge les cotisations vieillesse au titre de l’AVPF, pour un montant estimé à 4,5 milliards d’euros en 2009 (8). Du côté de la CNAVTS, le coût, même s’il est difficile à calculer toutes choses égales par ailleurs, est estimé à un peu plus de 1 milliard d’euros pour les pensions liquidées.

Il existe donc aujourd’hui un déséquilibre entre les cotisations versées par la CNAF et le coût actuel pour la CNAV mais cela s’explique par la montée en charge progressive du dispositif. Et cet écart va se réduire fortement au cours des prochaines années : selon des projections réalisées par la CNAV, le coût de l’AVPF sera de 4,8 milliards d'euros en 2020 et de 10,5 milliards d'euros en 2040. Compte tenu des incertitudes liées à ce genre de calcul, il s’agit bien sûr plus de tendances que de prévisions ; mais les cotisations de la CNAF n’ayant pas vocation à augmenter sur le même rythme, cette situation risque d’accroître le déficit de la CNAV.

2. Un recentrage et une simplification nécessaires

Dispositif complexe, l’AVPF est très mal connue des français : normalement les caisses d’allocations familiales doivent notifier à l’intéressé qu’il bénéficie de droits supplémentaires à la retraite mais en réalité, selon la CNAF, seule la moitié des caisses envoient des notifications de droit et selon la Cour des comptes, « ces envois suscitent d’ailleurs de nombreuses questions de la part des bénéficiaires. Les intéressés découvrent souvent a posteriori et parfois tardivement l’existence de ce dispositif  (9)».

Par ailleurs, le dispositif engendre un certain nombre de dysfonctionnements : outre les effets pervers croissants des multiples conditions de ressources à respecter, la portée sur le plan financier de l’AVPF peut être très variable selon le régime du bénéficiaire ou sa situation ; elle n’assure pas le même avantage selon que l’assuré relève ou non du régime général au titre de son activité. Ainsi, en cas de poursuite d'une activité professionnelle, l'affiliation simultanée au régime général grâce à l'AVPF et à un second régime à un autre titre, est généralement plus favorable à l'intéressé, que s'il n'était affilié qu'au régime général

La Cour des comptes relève également « la situation peu justifiée des fonctionnaires. Depuis 2004, lorsqu’ils interrompent leur activité pour élever un jeune enfant, leur droit à pension dans le régime de la fonction publique est entièrement préservé. De plus, si leur ménage remplit les conditions de ressources, ils valident parallèlement des droits au régime général au titre de l’AVPF. »

a) Des modifications techniques simples

Le droit actuel est inutilement complexe et doit pouvoir être simplifié, par plusieurs mesures complémentaires :

– en premier lieu, généraliser la condition d’absence d’affiliation à un autre titre. Cette condition garantirait que l’AVPF ne conduise plus à une double affiliation, notamment pour les fonctionnaires. ;

– en second lieu, ne plus permettre l’affiliation des personnes ayant déjà liquidé une pension de retraite, ce qui irait dans le sens d’une meilleure lisibilité ;

– en troisième lieu, il faudrait refondre et harmoniser les plafonds de ressources ;

– enfin, l’information individualisée étant très insuffisante, une notification devrait être envoyée régulièrement aux bénéficiaires.

b) Une réforme plus profonde

Dans son rapport, le COR propose différentes pistes de réforme : un premier ensemble de pistes d’évolution de l’AVPF vise à en faire un véritable dispositif de compensation des interruptions d’activité. Une telle évolution pourrait se faire de différentes façons :

– soit, dans le cadre du dispositif existant, en réservant l’AVPF aux parents qui interrompent ou réduisent leur activité suite à l’arrivée d’un enfant ;

– soit en liant directement l’AVPF à l’interruption d’activité et en supprimant la condition de perception de prestations familiales pour l’ouverture du droit ;

– soit en liant l’AVPF au congé parental et au complément libre choix d’activité.

De telles évolutions, si elles étaient retenues, auraient pour effet de renforcer le lien entre l’AVPF et les interruptions d’activité et de réduire la durée des interruptions compensées à ce titre.

Par ailleurs, il pourrait être envisagé de plafonner la durée maximale de la durée d’affiliation par enfant afin d’empêcher un éloignement trop prolongé du marché du travail. Enfin, la Cour des comptes suggère que « comme c’est le cas dans certains pays (Allemagne ou Royaume-Uni), que le bénéfice effectif de l’AVPF puisse être conditionné à une durée minimale cotisée au moment de la liquidation de la pension ».

E. LA MAJORATION DE DURÉE D’ASSURANCE : UNE RÉFORME NÉCESSAIRE QUI DOIT PRÉSERVER LES DROITS DES FEMMES

1. Un dispositif indispensable pour compenser les inégalités subies par les femmes

a) Un dispositif essentiel dans notre système de retraites

S’il existe un dispositif de majoration de durée d’assurance pour enfant dans la plupart des régimes, ses modalités varient d’un régime à l’autre. Le dispositif est ainsi plus favorable dans le régime général et les régimes alignés que dans le régime de la fonction publique qui a été réformé en 2003.

La majoration de durée d’assurance (MDA) au régime général a été instaurée en 1971. Elle avait pour objectif, à sa création, d’améliorer les droits à pension des femmes qui ne bénéficieraient pas de l’AVPF, créée à la même période. Elle tendait aussi à permettre aux mères de famille de partir plus tôt à la retraite avec le même niveau de pension. Des dispositifs de ce type existaient déjà dans certains régimes spéciaux, et notamment pour les fonctionnaires civils de l’Etat, dans une optique nataliste. Ces majorations sont à la charge des régimes de retraite.

Le régime général, les régimes alignés sur celui-ci (régimes des salariés agricoles, des commerçants et des artisans) et le régime des non salariés agricoles accordent aux femmes un trimestre d’assurance à la naissance, à l’adoption ou à la prise en charge effective de chaque enfant, puis un trimestre supplémentaire à chaque date anniversaire dans la limite de sept trimestres jusqu’au seizième anniversaire de l’enfant. Le nombre total de trimestres ne peut être supérieur à huit trimestres par enfant. La MDA est accordée qu’il y ait ou non interruption d’activité. Elle n’est pas positionnée temporellement dans la carrière des femmes concernées et peut donc se cumuler intégralement avec la durée acquise à d’autres titres, comme l’activité ou l’AVPF, sans écrêtement à quatre trimestres une année donnée.

La MDA, au régime général et dans les régimes alignés, permet d’améliorer à la fois la durée d’assurance retenue pour la détermination du taux (et donc d’atténuer ou annuler la décote) et la durée d’assurance au sein du régime (et donc d’atténuer ou d’annuler la proratisation) ; elle est aussi prise en compte pour apprécier si le nombre de trimestres au-delà duquel les périodes de travail ouvrent droit à une surcote est remplie. En revanche, elle n’entre pas dans le calcul de la durée cotisée, utilisée pour le minimum contributif majoré, et pour l’accès au dispositif de départ anticipé pour carrière longue.

De telles dispositions n’existent pas dans les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC, même si les majorations de durée d’assurance ont un impact indirect sur les pensions versées par ces régimes complémentaires dans la mesure où l’obtention du taux plein au régime général évite également l’application de coefficients d’abattement à l’AGIRC et l’ARRCO. En revanche, à l’IRCANTEC, dès le premier enfant, le régime sert une bonification de points par enfant élevé aux cotisants qui justifient avoir interrompu leur activité professionnelle pour élever leur enfant.

Dans la fonction publique, le dispositif a été réformé en 2003, suite à une décision de la Cour de justice des Communautés européennes : le code des pensions civiles et militaires distingue le cas des enfants nés ou adoptés après le 1er janvier 2004 et celui des enfants nés avant cette date.

Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2004, une majoration d’un an par enfant est octroyée, à la condition d’avoir interrompu son activité pendant une période continue au moins égale à deux mois, suite à la naissance ou l’adoption d’un enfant (congé de maternité, congé parental, congé de présence parentale, ou disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans). La majoration est également étendue aux pères dans les mêmes conditions mais, compte tenu de la durée du congé maternité, cette majoration continue en pratique à bénéficier aux mères.

Pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2004, est octroyée d’une part une majoration pour les femmes de deux trimestres par enfant né après le recrutement dans la fonction publique, et est prévue, d’autre part, pour les pères et les mères, la prise en compte des périodes d'interruption ou de réduction d'activité dans la limite de trois ans par enfant.

La majoration de deux trimestres pour les femmes vise à compenser les désavantages de carrière qu’induit l’interruption de service liée à l’accouchement. Elle s’ajoute à la prise en compte de la période de congé de maternité.

La compensation des périodes d’interruption ou de réduction d’activité effectivement consacrées à l’éducation d’un enfant ou aux soins donnés à un enfant malade bénéficie aux femmes et aux hommes. Sont concernées les périodes correspondant à un temps partiel de droit pour élever un enfant, à un congé parental, à un congé d’adoption, à un congé de présence parentale, et à une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. La période totale validée peut atteindre une durée de trois ans par enfant. Elle ne peut se cumuler avec la majoration de deux trimestres pour accouchement, qui n’est pas accordée en cas de période validée au titre de l’interruption supérieure ou égale à deux trimestres.

Au total, aujourd’hui (pour les enfants nés après le 1er janvier 2004), les différences de règles entre régimes des fonctionnaires et régimes des salariés du secteur privé, de base et complémentaires, peuvent être résumées ainsi :

– deux trimestres de majoration sont accordés aux femmes fonctionnaires, contre deux ans aux femmes salariées du secteur privé dans le régime de base, et, hormis le cas particulier de l'IRCANTEC, pas d’avantage direct dans les régimes complémentaires ;

– dans la fonction publique, la prise en compte des interruptions se fait directement par une majoration de durée, et ne se cumule pas avec la majoration liée à l’accouchement pour les femmes, alors que deux dispositifs existent au régime général, MDA et AVPF, qui peuvent se cumuler.

b) Les bénéficiaires de la MDA

Près de 90 % des femmes retraitées nées entre 1934 et 1938 – soit approximativement l’ensemble des mères de ces générations – ont validé des trimestres de MDA. Ces bénéficiaires ont validé 21 trimestres de MDA en moyenne, tous régimes confondus.

La distribution du nombre moyen de trimestres de MDA pour chaque génération de retraitées au régime général reflète à peu près celle du nombre d’enfants de cette génération. Ainsi, parmi les femmes ayant fait valoir leurs droits à la retraite en 2005 auprès du régime général, 10 % n’avaient validé aucun trimestre au titre de la MDA, 21 % de 1 à 8 trimestres, 32 % de 9 à 16 trimestres, 19 % de 17 à 24 trimestres et 8 % au moins 25 trimestres ; ces données peuvent être rapprochées de la répartition des Françaises nées en 1940 en fonction de leur descendance finale : 10 % n’ont pas eu d’enfant, 20 % en ont eu un, 25 % en ont eu deux, 20 % en ont eu trois et 25 % ont eu au moins quatre enfants.

La durée d’assurance hors MDA validée par les femmes ayant liquidé leur pension au régime général en 2004 décroît avec le nombre d’enfants. La part des trimestres de MDA dans la durée d’assurance totale augmente donc très fortement avec le nombre d’enfants, et au total, les durées d’assurance y compris MDA dépendent faiblement du nombre d’enfants. Les bénéficiaires de la MDA ont ainsi globalement une durée d’assurance y compris MDA comparable à celle des femmes n’ayant pas de MDA.

Les éléments de constat relatifs aux bénéficiaires actuelles de la MDA peuvent être complétés par quelques indications sur les caractéristiques des futures retraitées qui en bénéficieront. Le pourcentage de femmes bénéficiaires de la MDA parmi les nouveaux départs en retraite resterait relativement stable jusqu’en 2050, entre 90 et 93 %. Le nombre moyen de trimestres de MDA attribués par le régime général aux bénéficiaires serait également stable, de l’ordre de 18 trimestres en moyenne, avec de légères fluctuations liées à celles de la descendance finale des générations partant en retraite.

Pour les pensionnées bénéficiaires, ce dispositif représente un élément essentiel de leur retraite. La majoration de durée d’assurance agit sur le montant de leur pension par deux biais :

– de façon directe sur le montant de la pension servie par la caisse prenant en charge la MDA. Cet effet direct sur la pension peut être lié à plusieurs mécanismes : impact sur le taux de liquidation, impact sur le coefficient de proratisation, éligibilité ou non au minimum contributif ;

– de façon indirecte via la durée d’assurance tous régimes pour les régimes – de base et complémentaires – qui intègrent cette durée dans le calcul des droits.

À âge de départ en retraite inchangé, les femmes qui bénéficient de la MDA auraient en moyenne une pension de droit propre (tous régimes) réduite de 20 % en l’absence de MDA. L’apport à la pension des femmes est évidemment d’autant plus important que le nombre d’enfants est élevé. Pour les femmes nées entre 1934 et 1938, la MDA représente en moyenne un apport de 7,1 % pour les mères d’un enfant et de près de 40 % pour celles ayant quatre enfants ou plus.

Au final, le COR estime le coût de la MDA pour l’ensemble des régimes à un peu plus de 6 milliards d’euros en 2006 dont 4,9 milliards d'euros pour le régime général.

c) Le système allemand

Des systèmes analogues existent dans d’autres pays européens, en particulier en Allemagne, selon des modalités particulièrement intéressantes. Le système allemand est plus récent que le système français (le premier dispositif date de 1986 et a été modifié et amélioré par la suite) et il s’inscrit dans un système par points ce qui permet une gestion du dispositif assez simple mais ce qui rend aussi les comparaisons difficiles.

Dans le système allemand, tout assuré ayant élevé un enfant peut bénéficier de la majoration de ses points de retraite à hauteur de 1 point par année (équivalent au versement des cotisations pour le salaire moyen de l’année considérée). Le nombre de points varie en fonction de l’année de naissance de l’enfant : 1 point pour des enfants nés entre 1986 et 1992 et 3 points pour les enfants nés depuis cette année là.

La majoration pour éducation est attribuée à la personne ayant élevé l’enfant : la mère, le père, un éventuel tuteur ou toute autre personne. Les parents peuvent faire une déclaration pour déterminer à qui profite la majoration, voire la partager en faisant plusieurs déclarations successives pour les périodes d’éducation écoulées, jusqu’à la fin de la période considérée (les 3 ans de l’enfant). À défaut de déclaration, et sauf cas de contestation, la majoration profite à la mère de l’enfant.

Il existe donc plusieurs cas de figure :

– Situation 1 : Pas de déclaration. Les points vont à la mère. C’est la situation qui prévaut dans l’immense majorité des cas ;

– Situation 2 : Une seule déclaration des parents. Les points vont à la personne mentionnée dans la déclaration ;

– Situation 3 : Plusieurs déclarations successives. Les points afférents à la période antérieure à la deuxième déclaration vont à la personne mentionnée dans la 1ère déclaration et les points afférents à la période postérieure à cette deuxième déclaration vont à la personne qu’elle mentionne. Ainsi de suite jusqu’aux 3 ans de l’enfant ;

– Situation 4 : le parent non bénéficiaire (ou tout autre personne ayant élevé l’enfant) conteste l’attribution. Il doit apporter la preuve que c’est lui qui assure réellement l’éducation de l’enfant et, le cas échéant, la caisse modifie l’attribution. Le juge peut être saisi d’une éventuelle contestation de la décision de la caisse.

Ce régime ne soulève pas de problème d’application, les mères étant dans l’immense majorité des cas, les bénéficiaires des majorations pour l’éducation des enfants dans un pays ou la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle reste difficile.

Mis à part les modalités d’attribution, il existe deux différences importantes avec le système français, qui découlent du fait que le système allemand est un système par points. D’une part, le parent bénéficie de points, pas seulement de durée de cotisation validée ; en ce sens, le système est plus proche de l’assurance vieillesse des parents au foyer, dans la mesure où un salaire est porté au compte.

D’autre part, la possibilité de cumul entre la majoration pour l’éducation des enfants et les cotisations tirées d’une activité professionnelle reste limitée par le maximum de cotisation pour une période donnée (l’équivalent du plafond de sécurité sociale). Concrètement, pour la première ou les 3 premières années de l’enfant pour lequel est demandée la majoration, le point de retraite annuel obtenu ne peut être cumulé intégralement qu’avec 0,9 point (soit à un revenu annuel soumis à cotisation correspondant à 90 % du revenu moyen,). Au-delà de cette limite, correspondant à 34 000 euros, la majoration diminue, et ce jusqu’au seuil de 64 800 euros à partir duquel elle n’est plus possible. Ainsi, le dispositif comporte-t-il une dimension contributive puisque les hauts revenus bénéficient moins du système (alors qu’en France, l’attribution de trimestres gratuits bénéficie à tous les niveaux de revenus) et une certaine incitation à l’interruption ou à la réduction d’activité.

2. La réforme de 2003

a) La réforme dans la fonction publique

Le dispositif de MDA dans la fonction publique présenté ci-dessus est issu de la loi de 2003 portant réforme des retraites. Cette réforme a été rendue nécessaire par une suite de décisions juridictionnelles condamnant le régime précédent, qui accordait une bonification d’un an par enfant pour les seules femmes fonctionnaires.

Saisie d’une question préjudicielle par le Conseil d’État français, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a été amenée à se prononcer sur la compatibilité de l’article L. 12-b du Code des pensions civiles et militaires, relatif aux majorations de durée d’assurance pour enfant, avec le principe d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

Les questions soulevées étaient celles de savoir si les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires pouvaient être assimilées à des rémunérations au sens du Traité instituant la Communauté européenne et si, dans ces conditions, l’octroi exclusivement aux femmes de majorations de durée d’assurance pour enfant était une mesure discriminatoire injustifiée au regard du droit communautaire.

La CJCE a répondu par l’affirmative à ces deux questions.

Sur la question de savoir si le droit familial considéré constituait une différence de traitement en raison du sexe, la solution dépendait de la finalité du droit familial qui était accordé aux seules femmes. La majoration de durée d’assurance pouvait viser à compenser des désavantages professionnels qui résultaient soit de la maternité, soit de l’éducation des enfants. En l’espèce, le gouvernement français avait tenté de justifier la discrimination alléguée, en affirmant que la majoration en cause venait compenser, au bénéfice des femmes, les désavantages résultant d’une interruption de carrière pour l’éducation des enfants en ce qui concerne le taux et la base de calcul des pensions de retraite.

De l’analyse du dispositif et des explications produites par le gouvernement français, la CJCE a déduit que la majoration n’était pas liée à la période de maternité, mais à celle consacrée à l’éducation des enfants, aucun lien n’étant établi entre la majoration en cause et un désavantage subi par les femmes fonctionnaires du fait d’un éloignement du service pendant la période qui suit l’accouchement ou du fait d’un congé de maternité ou d’adoption.

En conséquence, les hommes fonctionnaires ne pouvaient être exclus du bénéfice de la majoration dès lors qu’ils parvenaient à prouver qu’ils avaient bien assumé l’éducation de leurs enfants.

Pour la CJCE, dans l’affaire Griesmar, la circonstance selon laquelle les femmes fonctionnaires sont plus touchées par les désavantages professionnels résultant de l’éducation des enfants, parce que ce sont les femmes qui, en général, assument cette éducation, n’était pas de nature à fonder une différence objective de situation pouvant justifier une discrimination. La CJCE s’est ainsi refusée à considérer les éléments d’ordre sociologique étayés par des statistiques et s’est intéressée au cas par cas.

A la suite de l’arrêt Griesmar de la CJCE, le Conseil d’État, rendant sa décision le 29 juillet 2002, a considéré que l’article L. 12-b du Code des pensions civiles et militaires relatif à la majoration de durée d’assurance pour enfant était incompatible avec le principe d’égalité des rémunérations en tant qu’il excluait les pères du bénéfice de cette majoration 195. Il a jugé que la preuve de l’éducation de l’enfant par le père n’était pas nécessaire pour bénéficier de la majoration.

Le Gouvernement a donc été amené à modifier le dispositif du code des pensions civiles et militaires dans le sens exposé ci-dessus.

b) La réforme dans le régime général validée par le Conseil constitutionnel

Lors de la réforme de 2003, le dispositif de MDA dans le régime général a également été légèrement modifié ce qui a donné l’occasion au Conseil constitutionnel de se prononcer sur le dispositif.

Jusqu’en 2002, le dispositif prévoyait que les femmes ayant élevé un ou plusieurs enfants pendant au moins neuf ans avant qu'ils atteignent leur seizième anniversaire, bénéficiaient d'une majoration de leur durée d'assurance égale à deux années par enfant. Le problème de ce dispositif est qu’il excluait de droit les mères perdant un enfant avant l'âge de neuf ans ou adoptant un enfant de plus de sept ans. C’est pourquoi la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 avait proposé un assouplissement des conditions d'attribution de cette majoration, en prévoyant de proratiser cette majoration en fonction de la durée effective de prise en charge de l'enfant. Les modalités de cette proratisation devaient faire l’objet d’un décret en conseil d’État, qui, au moment de l’examen de la loi Fillon, soit un an et demi plus tard, n’était toujours pas publié.

C’est pourquoi, à l’initiative de Bernard Accoyer, rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, il avait été décidé d’inscrire dans la loi les modalités de proratisation que l’on retrouve dans la rédaction actuelle de l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale et qui ont été présentées plus haut.

Ce dispositif a été soumis au Conseil constitutionnel, en particulier à l’initiative des députés socialistes de l’Assemblée nationale qui demandaient, au nom du principe d'égalité entre les femmes et les hommes, « de faire bénéficier les hommes du même droit que celui accordé aux femmes » (10).

Dans sa sagesse, le Conseil constitutionnel a écarté cette requête mais en suivant un raisonnement dont la subtilité doit être rappelée. Le conseil rappelle d’abord que « l'attribution d'avantages sociaux liés à l'éducation des enfants ne saurait dépendre, en principe, du sexe des parents » (considérant 24) ; il souligne ensuite qu’il appartenait au législateur « de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet ; qu'en particulier, elles ont interrompu leur activité professionnelle bien davantage que les hommes afin d'assurer l'éducation de leurs enfants ; qu'ainsi, en 2001, leur durée moyenne d'assurance était inférieure de onze années à celle des hommes ; que les pensions des femmes demeurent en moyenne inférieures de plus du tiers à celles des hommes ; qu'en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, le législateur pouvait maintenir, en les aménageant, des dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître » (considérant 25).

Contrairement à la CJCE qui avait refusé de prendre en compte les éléments d’ordre sociologique étayés par des statistiques, le Conseil constitutionnel accepte le maintien de dispositions destinées à compenser des inégalités, certes normalement appelées à disparaître, mais qui sont aujourd’hui bien réelles.

Dans le commentaire de la décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003, paru aux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 15, le raisonnement suivi par le Conseil est expliqué plus longuement : il est d’abord souligné que le reproche adressé par les requérants est « simple mais extrêmement sérieux » puisque est « introduit une discrimination entre le père et la mère ». Il est ainsi expliqué que « en première analyse, le Conseil constitutionnel pouvait leur (aux requérants) donner raison. Sur le plan des principes, la rupture d'égalité paraissait certaine, sauf à attribuer à la mère une sorte de monopole éducatif, même une fois passée la petite enfance ». Et de poursuivre : « le législateur ne saurait traiter différemment les parents en matière d'éducation des enfants. »

Néanmoins, le Conseil s’est abstenu de censurer le dispositif car « la disparition de la bonification pour enfant causerait un dommage considérable (et totalement inattendu d'elles) aux assurées du régime général demandant la liquidation de leur retraite dans les prochaines années. »

« Le traitement « privilégié » des assurées est donc justifié par de puissants motifs d'intérêt général :

– la compensation de charges éducatives inégalement réparties dans le passé entre le père et la mère ;

– la réparation du traitement inégal de fait subi par les mères au cours des décennies antérieures, du fait d'une spécialisation des rôles héritée de notre histoire ;

– la confiance que les assurés peuvent légitimement faire au système de protection sociale ;

– une exigence de sécurité juridique à laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel attache un poids croissant depuis quelques années ;

– enfin, la protection des intérêts des moins fortunés de nos concitoyens, compte tenu de l'ampleur de la réduction du montant de la pension qui résulterait, pour les assurées du régime général, de la disparition de l'article L. 351-4 CSS. »

Et de conclure : « Le Conseil constitutionnel a retenu cette solution eu égard à l'intérêt général qui la justifiait. »

3. Un dispositif aujourd’hui remis en cause

Malgré ces réformes intervenues et validées par le Conseil constitutionnel, les dispositifs de majoration de durée d’assurance ont continué d’être contestés, par la Commission européenne pour la fonction publique, et devant les juridictions françaises pour le régime général.

a) Fonction publique : le contentieux avec la Commission européenne

Suite à la réforme de 2003 dans la fonction publique, un dialogue s’est engagé entre le Gouvernement français et la Commission européenne, cette dernière critiquant le dispositif adopté.

Le dernier épisode de ce dialogue a consisté en un avis motivé de la Commission européenne en date du 25 juin 2009 valant mise en demeure avant saisine de la CJCE. Dans cet avis, la Commission estime que la pratique administrative et les réformes intervenues en 2003 et en 2004 n’ont pas tiré toutes les conséquences de l’arrêt Griesmar. Ses griefs sont les suivants :

a) s’agissant des pensions liquidées entre le 17 mai 1990 (date de l’arrêt Barber qui a rendu applicable le principe d’égalité de rémunération entre hommes et femmes aux régimes de retraite professionnels) et le 28 mai 2003 (date d’entrée en vigueur de la réforme de 2003), la Commission conteste, d’une part, l’absence de modification par l’administration, de sa propre initiative, de toutes les pensions liquidées par les pères fonctionnaires sur la période et, d’autre part, le délai de révision des pensions d’un an prévu à l’article L. 55 du code qui a été opposé à certaines demandes de retraités ;

b) s’agissant des pensions liquidées postérieurement à la loi 21 août 2003, elle estime que le nouveau régime de la bonification de durée de services prévu à l’article L. 12 sous b) du code opère une discrimination indirecte fondée sur le sexe à l’égard des fonctionnaires pères d’enfants dont ils ont assuré la charge, en subordonnant son bénéfice à une condition d’interruption d’activité d’une durée minimale de deux mois, et en appliquant cette condition aux naissances survenues entre le 17 mai 1990 et le 31 décembre 2003 ;

c) la Commission considère également que la liquidation anticipée de la pension pour les fonctionnaires parents de trois enfants et plus, prévue au 3° du I de l’article L. 24 du code, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2004, est discriminatoire à l’égard des fonctionnaires pères de trois enfants et plus, dans la mesure où le bénéfice du dispositif est subordonné à la condition d’avoir interrompu son activité pendant une durée minimale de deux mois.

En revanche, la Commission abandonne ses critiques précédemment dirigées contre la majoration de durée d’assurance attribuée, pour les pensions liquidées après l’entrée en vigueur de la loi du 21 août 2003, au titre des enfants nés postérieurement au 1er janvier 2004 (article L.  12 bis du code).

Le Gouvernement est en train de préparer une réponse à la Commission sur ces différents points, mettant en particulier en avant les conséquences budgétaires des modifications demandées ; votre rapporteur souhaite que de ce dialogue sorte une solution pérenne et soutenable pour nos finances publiques.

b) L’action de la HALDE

Le régime général n’est pas concerné par la jurisprudence Griesmar, la CJCE n’ayant pas reconnu la qualité de rémunération aux prestations délivrées par ce régime. Cependant, sur le fondement d’un autre texte européen, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (en abrégé la Convention européenne des droits de l’homme) et son article 14, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) a dénoncé le caractère discriminatoire du dispositif de MDA dans le régime général.

Depuis octobre 2005, la Haute autorité a été saisie de nombreuses réclamations de pères de famille ayant élevé seuls leurs enfants et relevant le caractère discriminatoire de l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale en ce qu’il ne réserve qu’aux mères le bénéfice de majorations de durée d’assurances dans le calcul des pensions de retraite.

Dans la délibération n°2005-43 du 3 octobre 2005, le collège de la Haute autorité a estimé que les dispositions du code de la sécurité sociale, bien que conformes au droit communautaire, étaient incompatibles avec les stipulations de l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme combinées à celles de l’article 1 du premier protocole à la convention.

En effet pour la HALDE, « Ces avantages accordés aux femmes ayant élevé des enfants ne visent donc pas à compenser les désavantages liés au congé de maternité ou à l’éloignement du service après l’accouchement, ni à les aider à mener leur vie professionnelle sur un pied d’égalité avec les hommes, mais uniquement à leur offrir, au moment de leur départ à la retraite, certains avantages en lien avec la période consacrée à l’éducation des enfants. Le traitement différencié des hommes et des femmes n’apparaît donc pas justifié au regard de l’objectif de la mesure qui est de prendre en compte une période d’inactivité liée à l’éducation de ses enfants. » (11)

La Haute autorité a interrogé le Premier ministre et le ministre délégué à la sécurité sociale, sur les justifications de l’article L.  351-4 du code de la sécurité sociale excluant les hommes des avantages consentis aux femmes pour l’éducation de leurs enfants. Après relance auprès du ministre pour défaut de réponse, ce dernier a apporté, en août 2006, plusieurs éléments d’information tendant à justifier la différence de traitement introduite par la législation sociale pour le calcul des droits à pension.

La Haute autorité a considéré que les éléments d’information n’apportaient pas de réponse convaincante à ses arguments et a de nouveau demandé au ministre de modifier le dispositif de MDA dans le régime général au mois d’avril 2007. Cette demande est restée sans réponse et la HALDE a adopté, conformément à l’article 11 de la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant sa création, un rapport spécial, publié au Journal officiel. Il s’agit là d’une procédure assez rare.

c) La décision de la Cour de cassation

Les juridictions ont peu à peu suivie le raisonnement de la HALDE, y compris la première d’entre elles dans l’ordre judiciaire, la Cour de cassation, ce en deux temps.

Elle a d’abord, par un arrêt du 21 décembre 2006, considéré que les droits prévus à l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale accordant aux femmes ayant élevé un ou plusieurs enfants une majoration de durée d’assurance devait également bénéficier aux hommes dès lors qu’ils apporteraient la preuve qu’ils ont élevé seuls un enfant, en se fondant expressément sur l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le raisonnement qui a été suivi, en l’espèce, par la Cour de cassation a été de considérer que le dispositif de la majoration de durée d’assurance revêtait un intérêt patrimonial relevant du champ d’application de l’article 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l’homme, qui stipule que « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens (…) ». Dès lors, une différence de traitement entre les hommes et les femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes circonstances ne pouvait être admise qu’en présence d’une justification objective et raisonnable. Or, la Cour de cassation a jugé qu’il n’existait « aucun motif de faire une discrimination entre une femme qui (n’avait) pas interrompu sa carrière pour élever ses enfants et un homme qui (apportait) la preuve qu’il (avait) élevé seul un enfant ».

Plus récemment, la Cour de cassation a, par un arrêt du 19 février 2009, franchi un pas supplémentaire en abandonnant la condition, pour un homme, d’avoir élevé l’enfant seul. Elle a estimé purement et simplement incompatibles avec les exigences de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales les dispositions de l’article L.351-4 du code de la sécurité sociale en tant qu’elles réservent aux seules femmes le bénéfice de la majoration de carrière pour avoir élevé des enfants.

Reprenant un raisonnement tenu par la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation estime qu’une « différence de traitement entre hommes et femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes circonstances ne peut être admise qu’en présence d’une justification objective et raisonnable ».

C’est afin de tirer les conséquences de cette décision tout en s’efforçant de préserver les droits des femmes, que l’article 38 du présent projet propose un nouveau dispositif juridiquement sécurisé, que votre rapporteur analyse en détail plus loin.

ANALYSE DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
RELATIVES À L’ASSURANCE VIEILLESSE

La commission a examiné les articles relatifs à la branche assurance vieillesse, sur le rapport de M. Denis Jacquat, au cours de ses séances des mardi 20 et mercredi 21 octobre 2009.

QUATRIÈME PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR 2010

Section 2

Dispositions relatives aux dépenses d’assurance vieillesse

Article 38

Majoration de durée d’assurance vieillesse

Votre rapporteur a exposé dans la partie générale du rapport le dispositif existant de majoration de durée d’assurance (MDA) pour enfants, son importance pour les femmes qui en bénéficient et les raisons qui obligent le Gouvernement à proposer une réforme.

Le présent commentaire se concentrera donc sur le nouveau dispositif proposé avec lequel votre rapporteur est en parfait accord : le Gouvernement a élaboré un dispositif qui permet tout à la fois de sécuriser le dispositif d’un point de vue juridique tout en conservant sa fonction première qui est de compenser, en partie, les inégalités de carrière subies par les femmes en raison de l’arrivée des enfants.

Avant de rentrer dans le détail du dispositif proposé, il est utile de rappeler les principes qui ont guidé le travail du Gouvernement et que votre rapporteur veillera à préserver lors du travail parlementaire.

– La réforme doit permettre de sécuriser le dispositif juridiquement et mettre un terme aux contentieux qui, s’ils ne sont pas encore très nombreux, risquent de se généraliser et de fragiliser le droit dont bénéficient aujourd’hui les femmes.

– La réforme doit se faire à budget constant : il n’a jamais été dans l’intention du Gouvernement de profiter de ce dossier pour faire des économies. Certes l’assurance-vieillesse connaît et va connaître de graves difficultés financières mais, les majorations de durée d’assurance pour enfants ne sauraient faire l’objet d’économies. A contrario, étendre le dispositif existant aux hommes aurait représenté un coût absolument prohibitif et aurait, en outre, aggravé les inégalités de pension entre les hommes et les femmes.

– Le dispositif de majoration a pour objectif de compenser les effets pénalisant de l’arrivée d’enfants sur la carrière professionnelle des parents. Aujourd’hui, tous les éléments statistiques et sociologiques dont l’on dispose prouvent que ce sont les femmes les principales « victimes » en termes de carrière professionnelle. Le nouveau dispositif devra donc, pour l’essentiel, continuer de bénéficier aux femmes, tout en respectant les principes de non-discrimination rappelés par la Cour de cassation.

– La réforme a été menée dans le cadre d’une très large concertation et a reçu l’aval de la plupart des organisations syndicales, que votre rapporteur a rencontrées à deux reprises : une première fois en juin afin d’explorer les pistes de réforme ; une seconde fois, en octobre, une fois le dispositif du Gouvernement arbitré.

– Enfin, le Gouvernement a fait le choix de conserver le système de majoration de la durée d’assurances en raison des enfants, c'est-à-dire l’octroi de trimestres gratuits permettant de compenser le déficit de trimestres cotisés dont souffrent souvent les femmes. D’autres options étaient possibles, comme la majoration de pension, et avaient été explorées par le Conseil d'orientation des retraites. Le Gouvernement a estimé plus simple et plus efficace de conserver le système existant, bien connu des Français. Votre rapporteur partage cet avis. Ce qui ne doit pas empêcher de continuer la réflexion en ce domaine dans la mesure où la durée d’assurance moyenne des femmes s’accroît et que certaines femmes ayant peu interrompu leur activité ne tirent qu’un bénéfice très modéré de la majoration alors même qu’elles ont eu des salaires plus faibles que les hommes, en raison de leur maternité.

Ces principes rappelés, il est possible de rentrer dans le détail du dispositif. L’article 38 réécrit donc intégralement l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale et modifie, en conséquence, d’autres articles du même code. Des mesures transitoires sont par ailleurs prévues pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010.

A. LA RÉÉCRITURE DE L’ARTICLE L. 351-4

Le projet de loi prévoit l’attribution, comme c’est le cas aujourd’hui, de huit trimestres par enfant. Ces huit trimestres sont désormais divisés en deux blocs : quatre trimestres liés à l’accouchement et à la maternité et quatre trimestres liés à l’éducation. Point commun à ces deux blocs, l’octroi de ces trimestres n’est à aucun moment conditionné à une interruption d’activité conformément à l’objectif du Gouvernement d’éviter, pour les femmes, un éloignement trop prolongé du monde du travail. Par ailleurs, cette absence de condition de cessation d’activité permet de préserver les droits de toutes les femmes ayant des enfants avant de commencer à travailler, qui auraient pu se voir pénalisées par une telle exigence.

1. Une majoration de quatre trimestres par enfant pour la maternité

Le I de l’article L. 351-4 nouvellement rédigé (alinéa 2 de l’article 38) prévoit l’attribution automatique d’une majoration de durée d’assurance de quatre trimestres aux femmes assurées sociales pour chacun de leurs enfants.

Le fait générateur de cette attribution est « l’incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l’accouchement ». Ce fait générateur permet à la fois d’écarter très clairement les hommes du bénéfice de cette majoration mais aussi de poser un principe clair : ce ne sont pas seulement les effets de la grossesse et de l’accouchement sur la vie professionnelle que cette majoration entend compenser, d’où l’importance du « notamment », mais bien, plus généralement, les incidences de la maternité même, c'est-à-dire le fait pour une femme qui travaille d’avoir des enfants.

Est donc reconnue par la loi cette réalité sociologique bien établie qu’une femme est désavantagée dans sa vie professionnelle par le simple fait qu’elle est femme et qu’elle est donc susceptible d’avoir des enfants : désavantage à l’embauche, avant même qu’il y ait enfant ; puis désavantage dans le déroulement de la carrière, en termes de salaires et de promotions.

L’on peut souligner que le système proposé a pour effet indirect d’être plus généreux en cas de décès prématuré de l’enfant, événement heureusement de plus en plus rare : dans le système actuel, il est attribué un trimestre pour toute année durant laquelle la mère a élevé l’enfant ; ainsi, si l’enfant décédait dans sa deuxième année, la mère ne bénéficiait que de deux trimestres. Dans le nouveau système, elle bénéficiera automatiquement des quatre trimestres liés à la maternité plus, éventuellement, les quatre trimestres liés à l’éducation. Aucun dispositif de protection sociale ne peut bien sûr compenser la tragédie que constitue la perte d’un enfant, mais cela permet au moins de ne pas rajouter une injustice à un drame.

2. Une majoration de quatre trimestres pour l’éducation

Le deuxième étage du dispositif proposé (II de l’article L. 351-4, alinéas 3 à 9 de l’article 38) consiste en l’attribution de quatre trimestres aux parents de l’enfant au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption. Le fait générateur est ici l’éducation de l’enfant, biologique ou adopté, et, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, ce droit est ouvert de façon égale au père et à la mère.

Le dispositif est le suivant : la quatrième année révolue, le couple dispose d’une période de six mois au cours de laquelle il peut indiquer à la caisse d’assurance vieillesse la répartition de ces quatre trimestres. Différents cas de figure sont possibles :

– Le couple se met d’accord et fait une déclaration commune à la caisse d’assurance vieillesse attribuant, au choix, l’intégralité des quatre trimestres à l’un des deux parents ou répartissant ces trimestres entre les parents (par exemple deux trimestres chacun ou un trimestre à l’un et trois à l’autre) (alinéa 4) ;

– Le couple n’est pas d’accord et l’un des parents signale ce désaccord à la caisse d’assurance-vieillesse avant les 4 ans et demi de l’enfant ; il revient alors à la caisse de désigner celui des parents « qui établit avoir contribué, à titre principal, à l’éducation de l’enfant ». Votre rapporteur s’interroge sur le sens des mots « à titre principal » et craint que n’entrent en compte des éléments très subjectifs et que des parents en conflit fassent appel à des pseudo-témoignages pour prouver qu’ils ont contribué à l’éducation de l’enfant. Il faudra donc que le pouvoir réglementaire encadre très strictement les éléments permettant de prouver que l’on a contribué « à titre principal » à l’éducation de l’enfant : par exemple une interruption d’activité, une réduction du temps de travail, etc. (alinéa 6).

– Il y a désaccord et la caisse ne parvient pas à déterminer quel parent a contribué « à titre principal » à l’éducation de l’enfant : il est prévu par le texte que la majoration est alors partagée par moitié entre les deux parents. Votre rapporteur s’interroge sur l’utilité d’inscrire dans le texte cette hypothèse, la rédaction actuelle limitant en outre la capacité d’appréciation de la caisse qui aura le choix entre attribuer les quatre trimestres à l’un des parents ou bien les diviser en deux mais pas d’adopter une position plus fine (alinéa 6).

– Aucune option n’est exprimée dans les six mois suivant le quatrième anniversaire de l’enfant (ou de son adoption) et les quatre trimestres sont alors automatiquement attribués à la mère (alinéa 7). Le silence du couple, qui sera probablement assez fréquent, vaut alors désignation de la mère.

La décision de la caisse est bien sûr contestable par le père ou la mère. C’est alors la procédure de droit commun du contentieux de la sécurité sociale qui s’applique : commission de recours amiable puis éventuellement le tribunal des affaires de sécurité sociale, si la décision de la commission de recours amiable ne satisfait pas le requérant. Enfin, la décision du tribunal peut ensuite être contestée devant la cour d'appel puis devant la Cour de cassation. Votre rapporteur espère néanmoins que les cas de contentieux seront le plus limité possible.

C’est pour cette même raison et la volonté de limiter les cas où il y a conflit que votre rapporteur serait enclin à réduire le délai de quatre ans à compter duquel le couple peut faire son choix. Plus l’on attend pour qu’une décision soit prise, plus l’on augmente les risques de séparation et donc de conflit. Ramener cette période de quatre à trois ans permettrait probablement de limiter les conflits.

En outre, votre rapporteur s’interroge sur le terme « caisse d’assurance vieillesse » utilisé à plusieurs reprises dans ce II. De quelle caisse s’agit-il ? Que se passe-t-il si le père et la mère dépendent de caisses différentes ? Une telle précision est probablement d’ordre réglementaire mais il faudra que le Gouvernement précise ses intentions lors du débat parlementaire.

L’intention du Gouvernement est par ailleurs de sécuriser le choix qui a été fait, explicitement ou implicitement, de répartition des quatre trimestres : ce choix ne doit pas pouvoir être remis en cause ultérieurement à l’occasion d’un divorce ou d’une séparation. C’est pourquoi l’alinéa 9 de l’article dispose que la décision ne peut être modifiée ultérieurement. Un cas néanmoins pourrait, selon votre rapporteur, justifier une modification de la décision : c’est celui du décès du parent attributaire des quatre trimestres. Un tel drame familial justifierait que le conjoint survivant puisse bénéficier d’une réversion de ces trimestres : compte tenu de la réalité sociologique du veuvage, une telle disposition bénéficierait en outre plutôt aux femmes. Votre rapporteur vous proposera un amendement en ce sens.

Deux dispositions viennent compléter le dispositif :

– l’alinéa 8 prévoit qu’en cas de décès prématuré de l’enfant avant sa quatrième année, le couple reste bénéficiaire des quatre trimestres ;

– par ailleurs, l’alinéa 17 prévoit le cas des parents, en l’occurrence essentiellement des pères, qui auraient des enfants moins de quatre ans avant leur départ en retraite. Dans ce cas, la période d’option pour l’attribution des quatre trimestres s’ouvre pendant les deux mois suivant la demande de retraite.

3. Le cas des enfants adoptés

S’agissant des enfants adoptés, l’article 38 prévoit bien, comme aujourd’hui, l’attribution de huit trimestres par enfant. Et cela semble totalement justifié aux yeux de votre rapporteur compte tenu des nombreuses difficultés que rencontrent les parents désirant adopter. La répartition des huit trimestres est néanmoins différente pour les enfants adoptés : les quatre trimestres liés à l’adoption valent bien sûr aussi bien pour les enfants biologiques que pour les enfants adoptés, la seule différence étant que la période pendant laquelle le choix de répartition des trimestres est effectué est les six mois suivant le quatrième anniversaire de l’adoption et non de la naissance.

En revanche, il n’était pas possible d’attribuer les quatre trimestres liés à la maternité aux parents adoptants. C’est pourquoi le III (alinéas 10 à 13) de l’article L. 351-4 prévoit une majoration spécifique de quatre trimestres pour les parents adoptants dont le fait générateur est « l’incidence sur la vie professionnelle de l’accueil de l’enfant et des démarches préalables à celui-ci ».

Comme les quatre trimestres d’éducation, ces quatre trimestres d’adoption peuvent être partagés entre les parents selon les mêmes modalités décrites plus haut. Outre que la répartition doit bien sûr se faire dans les six mois suivant l’adoption, la seule différence est, qu’en cas de conflit, la caisse devra établir lequel des deux parents aura « contribué à titre principal à l’accueil et aux démarches » préalables à l’accueil des enfants. Ici encore, le pouvoir réglementaire devra encadrer de la façon la plus objective possible les critères permettant à la caisse de prendre sa décision.

L’on peut noter que ce système pourra permettre à un père adoptant de bénéficier jusqu’à huit trimestres de majoration de durée d’assurance.

4. Les cas particuliers

a) Les « éduquants »

L’alinéa 14 de l’article (IV de l’article L. 351-4) traite le cas des personnes auxquelles la garde a été confiée par une décision de justice et qui assument effectivement l’éducation de l’enfant pendant 4 ans à compter de cette décision ; ils sont alors substitués dans les droits des parents.

Sont ici visés :

– le cas où, dans le cadre d’une séparation, le juge décide de confier « à un tiers, choisi de préférence dans sa parenté. » (deuxième alinéa de l’article 373-3 du code civil) ;

– le membre de la famille ou le tiers digne de confiance qui se sont vus confier l’enfant dans le cadre de mesures d’assistance éducative (2° de l’article 375-3 du code civil) ;

– le tiers, membre de la famille, proche digne de confiance qui se voit déléguer totalement l’exercice de l’autorité parentale, en vertu du premier alinéa de l’article 377-1 du code civil.

b) Les personnes exclues du dispositif

En des cas très particuliers, certaines personnes ne pourront pas bénéficier des quatre trimestres liés à l’éducation. Il s’agit :

– des personnes qui ont été privées de l’exercice de l’autorité parentale ou qui se sont vues retirer l’autorité parentale par une décision de justice (alinéa 15) ;

– les personnes n’ayant pas été affiliées à un régime de retraite légalement obligatoire d’un État membre de la Communauté européenne, ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse pendant une durée minimale de deux ans (alinéa 16).

5. Majoration de durée d’assurance et retraite anticipée

L’alinéa 18 de l’article 38 (VIII de l’article L. 351-4) traite de la prise en compte de la MDA ainsi que d’autres majorations de durée d’assurance, pour l’ouverture de droits aux retraites anticipées « carrière longue » et « adultes handicapés ». La quasi-totalité des régimes de retraite seraient concernés : le régime général, le régime des salariés et des non-salariés agricoles, le Régime social des indépendants, le régime des professions libérales, le régime des avocats, le régime des fonctionnaires civils et militaires et le dispositif « carrière longue » de la CNRACL.

En l’état actuel du texte, seraient exclus de la durée d’assurance validée totale les éléments suivants :

– les nouvelles majorations de durée d’assurance « maternité » et « éducation » prévues à l’article L. 351-4 ;

– la majoration de durée d’assurance pour enfant handicapé (article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale) ;

– les trimestres validés au titre du congé parental (article L. 351-5) ;

– les trimestres « assurance vieillesse parent au foyer » (article L. 381-1) ;

– les bonifications (articles L. 12 et L. 12 b bis) du code des pensions civiles et militaires de retraite pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004 ;

– les périodes de service validées gratuitement (1° de l’article L. 9) et les majorations pour accouchement (article L. 12 bis) du même code pour les enfants nés à compter du 1er janvier 2004 ;

– les périodes d’assurance validées en application de dispositions réglementaires ayant le même objet, c'est-à-dire, les dispositions des régimes spéciaux (industries électriques et gazières, RATP, Comédie française et Opéra de Paris).

Votre rapporteur a plusieurs objections à formuler à ce dispositif.

D’une part, il ne distingue pas entre le flux et le stock. Cela veut dire qu’une femme qui s’apprêtait à partir en retraite anticipée l’année prochaine, aidée en cela par ses trimestres de MDA, ne pourrait plus le faire. Même si cela ne devrait concerner qu’un nombre réduit de femmes (à peu près 900 d’après les renseignements obtenus par votre rapporteur auprès de la CNAV), il s’agit d’une question de principes : on ne peut pas changer la règle du jeu au dernier moment. Votre rapporteur vous proposera donc un amendement limitant l’application du paragraphe VIII aux enfants à naître à compter du 1er janvier 2010.

Par ailleurs, il est inutile de viser le dispositif de départ anticipé pour les adultes handicapés (article L. 351-1-3 du code de la sécurité sociale) qui concerne un nombre très réduit de personnes (un peu plus de 1 000 par an). Un amendement en ce sens vous sera proposé.

Enfin, votre rapporteur souhaite restreindre, pour les enfants à naître, les majorations de durée exclues des retraites anticipées pour ne garder que celles relatives aux enfants. Seront par exemple toujours prises en compte les majorations de durée d’assurance pour enfant handicapé.

B. LES AUTRES MODIFICATIONS APPORTÉES AU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. La clarification rédactionnelle apportée au congé parental

Les alinéas 19 à 20 (II de l’article 38) modifient l’article L. 351-5 du code de la sécurité sociale relatif au congé parental.

L’article actuellement en vigueur précise que le père assuré ayant obtenu un congé parental d’éducation bénéficie d’une majoration de sa durée d’assurance égale à la durée effective du congé parental. Cette majoration est également accordée aux femmes assurées bénéficiant de la MDA lorsque son application est plus favorable que celle dudit article.

Il est donc proposé de modifier l’article L. 351-5 afin de prévoir que le père ou la mère ayant obtenu un congé parental bénéficie d’une majoration d’assurance à ce titre, si son application est plus favorable que celle de majoration de durée d’assurance pour enfants.

2. Les règles de coordination inter-régimes

Le III du présent article (alinéas 22 à 25) introduit dans le code de la sécurité sociale un nouvel article L. 173-2-0-1 relatif à la coordination entre d’un côté le régime général et les régimes appliquant les mêmes dispositions que celles de l’article L. 351-4 et de l’autre, les régimes spéciaux.

Cet article prévoit que, lorsqu’au titre d’un même enfant, les parents remplissent les conditions d’attribution de la majoration (accouchement, grossesse, adoption ou éducation) – l’un au régime général, ou à un régime appliquant les mêmes règles, l’autre dans un régime spécial, il est fait application des règles du régime dont relève la mère.

3. L’extension du dispositif de MDA à d’autres régimes

Les IV et V de l’article (alinéas 26 à 29) étendent le dispositif de la MDA pour enfants à deux régimes dans lesquels n’existait pas ce type de dispositif, le régime des professions libérales et le régime des avocats.

Il est donc inséré, dans le code de la sécurité sociale, un article L. 643-1-1, pour les professions libérales, et un article L. 723-10-1-1, pour les avocats, qui renvoient chacun à un décret les modalités d’adaptation du dispositif de MDA aux spécificités de chaque régime. C’est particulièrement nécessaire pour le régime des professions libérales qui fonctionne par points.

C. LES MESURES TRANSITOIRES : LE DISPOSITIF POUR LES ENFANTS NÉS AVANT 1ER JANVIER 2010

Les deux premiers alinéas du VIII (alinéas 33 et 34) créent un dispositif spécifique pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010. Pour ces enfants, la majoration d’éducation (c'est-à-dire les 4 trimestres prévus au II de l’article L. 351-4) est attribuée à la mère et aucune démarche nouvelle ne s’imposera aux mères par rapport à aujourd’hui : elles demeurent pleinement attributaires de la majoration. Elles devront donc simplement mentionner sur la demande de retraite personnelle, comme elles doivent le faire d’ores et déjà aujourd’hui, les éléments d’identité de l’enfant et la période pendant laquelle elles l’ont élevé.

Seule exception à cette règle : le cas où le père apporte, dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, la preuve « qu’il a élevé seul l’enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption ». Dans ce cas, le père bénéficie d’un trimestre de majoration par année d’éducation avérée. Le père devra donc avoir élevé seul l’enfant et le respect de cette condition sera apprécié par les services de la caisse d’assurance vieillesse sur la base d’éléments tangibles et objectifs (acte de décès de la mère, jugement attribuant la garde de l’enfant au père…) produits par le père.

La solution retenue convient parfaitement à votre rapporteur : elle préserve les droits acquis de la mère, tout en ouvrant un certain nombre de droits au père dans des cas précis et limités.

Juridiquement, on pourrait s’interroger sur la solidité du dispositif, compte tenu du fait que le texte exige des pères deux conditions (avoir éduqué l’enfant seul et en apporter la preuve) qui ne sont pas demandés aux mères. Néanmoins, le dispositif retenu apparaît solide aux yeux de votre rapporteur, ce pour plusieurs raisons :

– d’abord, le dispositif retenu n’est que transitoire : pour les enfants nés après le 1er janvier 2010, c’est le nouveau dispositif, totalement non-discriminatoire, qui s’applique. Est donc respectée la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, dans sa décision de 2003, insistait sur le caractère non permanent de la disposition.

– ensuite, tout autre dispositif aurait conduit à une très grave remise en cause de droits que les femmes peuvent très légitimement considérer comme acquis, surtout pour celles qui approchent de l’âge de la retraite. L’exigence de sécurité juridique, à laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel attache un poids croissant depuis quelques années, imposait donc cette solution.

– enfin, comme cela était noté dans le commentaire publié dans les Cahiers du Conseil constitutionnel, « la disparition de la bonification pour enfant causerait un dommage considérable (et totalement inattendu d'elles) aux assurées du régime général demandant la liquidation de leur retraite dans les prochaines années ».

Le dispositif retenu est donc protecteur des droits de femmes et juridiquement sécurisé ce dont votre rapporteur se félicite.

L’alinéa 34 de l’article prévoit une mesure spécifique mais indispensable pour les enfants nés ou adoptés entre le 1er juillet 2006 et le 1er janvier 2010. Dans cette hypothèse, le délai pendant lequel le père peut demander à bénéficier de la majoration pour éducation est repoussé à quatre ans et six mois à compter de la naissance ou de l’adoption de l’enfant. En l’absence de cette mesure, un père ayant élevé seul un enfant né en 2008 n’aurait jamais pu remplir les conditions posées à l’alinéa 33 avant le 1er janvier 2011.

Enfin, dernière mesure transitoire, le VII de l’article (alinéa 32) dispose que les nouvelles règles relatives à la MDA seront applicables aux pensions de retraite prenant effet à compter du 1er avril 2010. Ce délai doit permettre aux régimes de retraite, et en premier lieu à la CNAV qui sera en première ligne, d’adapter ses systèmes d’information et de mettre en place les procédures nécessaires à ce nouveau dispositif.

*

La Commission est saisie des deux amendements identiques AS 166 de Mme Jacqueline Fraysse et AS 255 de Mme Marisol Touraine, tendant à supprimer l’article 38.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 38 met en cause une disposition tendant à réduire les inégalités entre les hommes et les femmes pour ce qui concerne les pensions de retraite. Lorsque la durée de cotisation pour la retraite a été portée de 37,5 à 40 annuités, on a constaté que les femmes seraient très peu à pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein et une disposition législative a été prise pour compenser partiellement ce désavantage. Cependant, les pensions des femmes restent inférieures de 38 % en moyenne à celles des hommes et sont pour 83 % en deçà du minimum vieillesse. La suppression de la majoration de durée d’assurance amputerait de 19 % en moyenne le montant de la retraite des femmes. Il n’est pas concevable d’ajouter cette discrimination à toutes celles dont les femmes sont déjà victimes. En outre, le dispositif proposé détourne l’objet initial de la disposition et ne manquera pas de susciter des conflits.

M. le président Pierre Méhaignerie. Cette question a donné lieu à un long débat entre les organisations syndicales et familiales, qui sont toutes convenues que ce système était le moins mauvais compte tenu de la décision de la Cour de cassation.

Mme Marisol Touraine. L’amendement AS 258 exprime mieux notre position que l’amendement de suppression AS 255.

Cet amendement tend à lier le bénéfice des huit trimestres de majoration, non à l’éducation des enfants, comme c’est actuellement le cas, mais à la grossesse et à la naissance, qui sont les événements qui portent le plus nettement préjudice à la carrière des femmes. Rien ne laisse penser que ce recentrage se heurterait à la jurisprudence européenne.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. L’article 38 ne remet nullement en cause la majoration de durée d’assurance. Il a cependant fallu tenir compte, sous peine de voir se multiplier les contentieux, de la décision de la Cour de Cassation, elle-même motivée par une décision de la Cour européenne. D’autre part, il importe que les femmes ne soient nullement lésées, ce qui nous engage à nous rapprocher dans toute la mesure du possible du dispositif antérieur. Je m’engage à y veiller et plusieurs amendements seront proposés en ce sens. Il n’y a donc pas lieu de supprimer l’article 38 : avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.

La Commission rejette ces deux amendements.

L’amendement AS 167 de Mme Fraysse est retiré.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement AS 258 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je viens de défendre cet amendement, qui tend, je le répète, à rattacher la majoration de durée d’assurance à la grossesse et à la naissance, sans plus faire référence, comme dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à l’éducation. Les femmes bénéficieraient alors de la totalité des huit trimestres. Je souhaiterais que le rapporteur réponde sur ce point.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis défavorable. Il importait d’abord de consolider juridiquement le dispositif et il était préférable, à cet égard, de séparer la majoration en deux blocs de quatre trimestres, l’un lié à la grossesse et à l’accouchement et l’autre à l’éducation. Des amendements seront proposés dans la suite du débat pour faire en sorte que les quatre trimestres accordés au titre de l’éducation aillent à la femme.

La Commission rejette cet amendement.

M. le président Pierre Méhaignerie. Pour avoir assisté à nombreuses réunions, je peux attester qu’il y a eu convergence, en la matière, entre la quasi-totalité des organisations familiales et syndicales, compte tenu de la contrainte juridique existante.

Mme Marisol Touraine. Ces organisations sont en fait très hésitantes et souhaiteraient la mise en place d’un véritable dispositif de sécurisation pour les femmes.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Nous aurions tous préférés le statu quo, mais nous avons dû agir autrement.

La Commission est saisie de l’amendement AS 245 de Mme Edwige Antier.

Mme Edwige Antier. Comme Jacqueline Fraysse et Marisol Touraine, je souhaite que les femmes ne soient pas lésées, mais il est logiquement difficile de compenser les neuf mois de grossesse et les trois mois de congé de maternité par une majoration de deux ans.

L’amendement 245, quant à lui, vise à inclure dans ce dispositif les femmes ayant adopté un enfant, en visant également le : « parcours de stérilité de la mère précédant une adoption », parcours souvent très éprouvant.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cette formule me semble adéquate, tant nous savons combien les procédures d’adoption sont en effet longues et difficiles. Néanmoins, il n’est pas possible de spécifier dans le texte le sexe du bénéficiaire. Avis défavorable.

Mme Edwige Antier. Le « parcours de stérilité » n’est pas le même pour un homme que pour une femme, les traitements qu’il faut supporter étant pour la seconde bien plus lourds que pour le premier – je pense, notamment, à la fécondation in vitro.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Dans ce cas-là, il y a bien grossesse et accouchement. Dans le cas de l’adoption, il n’y a pas conception, en revanche.

Mme Catherine Lemorton. Une rédaction faisant référence au « parcours de procréation médicalement assistée » m’aurait semblé préférable.

La Commission rejette l’amendement AS 245.

Elle est ensuite saisie de deux amendements, AS 302 de M. le rapporteur et AS 241 de Mme Edwige Antier, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

M. Denis Jacquat, rapporteur. L’amendement AS 302 prévoit de raccourcir d’un an le délai de quatre ans à compter duquel le couple peut faire son choix quant à la répartition de la seconde majoration. En effet, plus on attend pour qu’une décision soit prise, plus les risques de séparation et donc de conflit existent. Par ailleurs, ce délai coïncide avec l’entrée de l’enfant à l’école et la fin du congé parental.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je rappelle que l’UNAF demande au Gouvernement de défendre le maintien des huit trimestres accordés aux mères de famille, la maternité constituant à elle seule un motif légitime d’accorder ce droit.

J’ajoute, concernant cet amendement, qu’un père dont la situation professionnelle est meilleure que celle de son épouse voudra bénéficier de ces quatre trimestres et que cet amendement ne sécurisera en rien la situation des mères de famille.

M. Denis Jacquat, rapporteur. J’ai également rencontré les représentants de l’UNAF, lesquels ont considéré que nous étions parvenus à « limiter les dégâts ».

Par ailleurs, l’analyse de la répartition des trimestres entre l’un et l’autre conjoint ne pourra se faire que dans 42 ans.

M. le président Pierre Méhaignerie. Personne ne souhaitait que la Cour de cassation prenne une telle décision mais, la France étant un État de droit, nous sommes tenus de respecter sa décision.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est tout de même ici que se fait la loi !

M. le président Pierre Méhaignerie. Une éventuelle décision de la Cour européenne des droits de l’homme primerait sur la loi nationale.

Mme Jacqueline Fraysse. Je finis par me demander si cette décision de justice n’arrange pas le Gouvernement.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Proposez un amendement de suppression de la Cour de cassation !

Mme Jacqueline Fraysse. Je propose que la loi corrige cette décision.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je m’inscris en faux contre les propos selon lesquels le Gouvernement avait l’intention de supprimer la majoration : au contraire, il a été très ennuyé par cette décision. Nous nous sommes efforcés de résoudre le problème posé le plus rapidement possible afin d’éviter les contentieux, car certaines organisations incitaient des pères à déposer des recours.

Mme Jacqueline Fraysse. Prenons les dispositions législatives qui s’imposent pour régler cette difficulté !

M. le président Pierre Méhaignerie. Il est insensé de prétendre qu’une telle décision réjouirait le Gouvernement !

La Commission adopte l’amendement AS 302 (amendement n° 54).

En conséquence, l’amendement AS 241 devient sans objet.

(M. Pierre Morange succède à M. Pierre Méhaignerie à la présidence de la Commission).

La Commission examine ensuite l’amendement AS 244 de Mme Edwige Antier.

Mme Edwige Antier. Afin de sécuriser la situation des femmes, cet amendement, également soutenu par Jean-Yves Cousin, dispose que le parent choisi pour bénéficier de la seconde part de majoration devra justifier d’un congé parental, ou de plus de la moitié des jours d’absence pour enfant malade, ou d’un aménagement du temps de travail.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis défavorable, car il s’agit là de précisions de nature réglementaire. Néanmoins, je partage votre interrogation sur le sens à donner à la formule du dispositif selon laquelle la majoration sera attribuée à « celui qui a assuré à titre principal l’éducation de l’enfant ». Mais, selon les informations que j’ai reçues du Gouvernement, seuls des éléments objectifs seront pris en compte – par exemple, un aménagement du temps de travail. Je vous propose, quoi qu’il en soit, de redéposer votre amendement en séance publique afin que le Gouvernement puisse fournir les explications nécessaires.

Mme Cécile Dumoulin. Justifier de la moitié des jours d’absence pour enfant malade ne me semble pas une condition suffisante.

Mme Marisol Touraine. Outre que rien ne permet de dire que ces critères seraient considérés comme non discriminatoires compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation, il me semble préoccupant d’associer le congé parental avec un avantage de quelque nature qu’il soit. La prise de ce congé pénalise en effet les femmes dans leur vie professionnelle.

La Commission rejette l’amendement AS 244.

Elle examine ensuite l’amendement AS 246 de Mme Edwige Antier.

Mme Edwige Antier. Cet amendement dispose que dans le cas où les parents respectent les recommandations du plan nutrition santé en faveur de l’allaitement maternel, la seconde majoration reviendra légitimement à la mère.

Mme Catherine Génisson. Allaitement ou pas, il conviendrait de soumettre à expertise juridique notre proposition de subordonner l’attribution des deux années de majoration à la grossesse ainsi qu’à l’accouchement, et non à l’éducation de l’enfant.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis défavorable, cet amendement relevant du domaine réglementaire.

Par ailleurs, madame Génisson, je répète que nous avons dû répondre dans l’urgence au problème qui s’est posé et qu’un débat de fond pourra avoir lieu à ce sujet l’an prochain dans le cadre du grand rendez-vous sur les retraites.

La Commission rejette l’amendement AS 246.

Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS 230 de M. Dominique Tian.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 296 de M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il n’est pas nécessaire d’indiquer dans la loi que la caisse d’assurance vieillesse partage par moitié la majoration, quand elle n’est pas capable d’établir qui a contribué à titre principal à l’éducation de l’enfant.

La Commission adopte l’amendement AS 296 (amendement n° 55).

En conséquence, l’amendement AS 257 de Mme Marisol Touraine tombe.

La Commission examine l’amendement AS 297 de M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cet amendement dispose qu’en cas de décès d’un des deux parents, le parent survivant se voit attribuer les trimestres de majoration « éducation » dont avait bénéficié le défunt.

La Commission adopte l’amendement AS 297 (amendement n° 56).

Elle examine ensuite l’amendement AS 242 de Mme Edwige Antier.

Mme Edwige Antier. Cet amendement demande qu’en cas de divorce ou de séparation, le partage de la majoration attribuée au titre de l’éducation de l’enfant soit pris en compte par le juge des affaires familiales.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis défavorable, ce point relevant plutôt du règlement. Par ailleurs, je gage que les juges des affaires familiales s’enquerront d’eux-mêmes de cette répartition.

La Commission rejette l’amendement AS 242.

Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS 231 de M. Dominique Tian.

Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette également l’amendement AS 254 de Mme Marisol Touraine.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 298 du rapporteur (amendement n° 57).

Elle examine l’amendement AS 256 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 18 de cet article.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis défavorable, mais je proposerai trois amendements afin de résoudre les problèmes soulevés par cet alinéa et j’espère que la Commission s’y ralliera dans son entier.

La Commission rejette l’amendement AS 256.

Elle examine ensuite l’amendement AS 300 du rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il s’agit de limiter les restrictions au dispositif de retraite anticipée aux enfants nés après le 1er janvier 2010 et, ainsi, de ne pas toucher aux droits acquis.

M. Pierre Morange, président. L’ensemble des membres de la Commission cosigne cet amendement.

La Commission adopte l’amendement AS 300 à l’unanimité.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 299 du rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cet amendement permet de maintenir le droit existant pour les départs en retraite anticipés des adultes handicapés.

M. Pierre Morange, président. L’ensemble des membres de la Commission cosigne également cet amendement.

La Commission adopte l’amendement AS 299 à l’unanimité (amendement n° 59).

Elle examine ensuite l’amendement AS 301 du rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cet amendement prévoit que seules les majorations pour enfants seront sorties du dispositif de retraite anticipée. Les majorations en faveur des parents d’enfant handicapé y seront en revanche maintenues.

M. Pierre Morange, président. L’ensemble de la Commission cosigne également cet amendement.

La Commission adopte l’amendement AS 301 à l’unanimité (amendement n° 60).

Après avis défavorable du rapporteur, l’amendement AS 232 de M. Dominique Tian est retiré.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 303 du rapporteur (amendement n° 61).

Elle est, ensuite, saisie de l’amendement AS 304 du rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 35 de cet article : il est en effet inutile de prévoir la rédaction de deux nouveaux rapports supplémentaires et il reviendra au Parlement, par son travail de suivi d’application des lois, ainsi qu’au Conseil d’orientation des retraites, de suivre les évolutions sociologiques dans ce domaine.

La Commission adopte l’amendement AS 304 (amendement n° 62).

Puis elle adopte à l’unanimité l’article 38 modifié.

Article additionnel après l’article 38

Élaboration d’un rapport sur la situation des orphelins en France

La Commission est saisie de l’amendement AS 61 portant article additionnel après l’article 38.

M. Jean-Luc Préel. Parmi la dizaine d’amendements que j’avais déposés visant à améliorer la pension de réversion des veufs et des veuves, un seul a franchi l’obstacle de l’article 40. En l’occurrence, il s’agit de demander un rapport à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) sur la situation des orphelins comme l’a souhaité la Fédération des associations de conjoints survivants/Face au veuvage ensemble continuons (FAVEC).

M. Georges Colombier. J’étais moi-même assez mal à l’aise lors de l’audition des représentants de la FAVEC, tant la situation des veufs et des veuves est insuffisamment prise en compte dans notre pays. Je soutiens donc cet amendement.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis favorable. C’est en effet un vrai problème que nous devrons en particulier aborder lors du rendez-vous de 2010, faute de l’avoir fait en 2007.

Mme Catherine Génisson. Quel est le rapport entre les veuves et les orphelins ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il convient de ne pas tant tenir compte de la lettre que de l’esprit de cet amendement. Outre que la question du statut des orphelins a été abordée lors de l’audition des représentants de la FAVEC, la situation est très difficile pour un enfant qui se retrouve seul après la séparation de ses parents tout comme pour une veuve avec un ou plusieurs enfants, dont les ressources diminuent sensiblement à la différence, par exemple, de ce qui se passe en Allemagne.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Stricto sensu, les seules familles monoparentales sont celles que forment un parent veuf et son ou ses enfants.

M. Yves Bur. Nous en sommes tous d’accord : la situation des veuves et des veufs doit être sensiblement améliorée. Néanmoins, un signal législatif est-il indispensable ? La Commission ne peut-elle s’engager à constituer une mission ?

Mme Edwige Antier. Outre qu’il ne faut pas confondre la situation des orphelins et celle des familles monoparentales – dont la définition devrait être revue –, je vous trouve très optimiste, monsieur Préel, d’écrire dans votre exposé des motifs que le nombre de ces dernières est connu, sachant les avantages matériels qu’il y a à s’en réclamer.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il faut se garder de confondre la situation des orphelins avec celle des veufs et des veuves ou des familles monoparentales. Si, par ailleurs, la rédaction d’un rapport me semble très intéressante, ce point a-t-il bien sa place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Une réécriture de l’exposé des motifs de l’amendement AS 61 serait sans doute utile, mais je reste favorable à ce « cavalier » législatif tant je suis insatisfait des résultats que nous avons jusqu’ici obtenus en faveur des personnes veuves.

La Commission adopte l’amendement AS 61 (amendement n° 63).

Article 39

Cumul emploi – pension d’invalidité et non-cumul pension d’invalidité – pension de retraite

L’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a pour objet de supprimer une restriction archaïque au travail des personnes bénéficiant d’une pension d’invalidité, restriction devenue d’autant plus pénalisante que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a libéralisé les possibilités de cumul emploi-retraite.

Il propose également de supprimer des cas, rares mais anormaux, de cumul entre pension d’invalidité et pension de retraite.

A. L’ASSOUPLISSEMENT DES POSSIBILITÉS DE CUMUL EMPLOI-PENSION D’INVALIDITÉ

1. La pension d’invalidité

La pension d’invalidité a pour objet de remplacer le manque à gagner de l’assuré de moins de 60 ans qui subit de manière durable une réduction de sa capacité de travail, due à une maladie ou à un accident non professionnels.

L’état d’invalidité est constaté lorsqu’il réduit au moins des deux tiers la capacité de travail ou de gain de l’assuré, c’est-à-dire lorsqu’il le met hors d’état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur au tiers de la rémunération de l’emploi occupé précédemment.

Les personnes invalides sont classées en trois catégories :

– 1re catégorie : invalides capables d’exercer une activité rémunérée réduite ;

– 2e catégorie : invalides incapables d’exercer une activité professionnelle ;

– 3e catégorie : invalides incapables d’exercer une activité professionnelle et obligés d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.

Aujourd’hui, il existe à peu près 600 000 personnes invalides qui se répartissent ainsi : 26 % en 1ère catégorie, 71 % en 2e catégorie et 3 % en 3e catégorie.

Les pensions d’invalidité sont financées par l’assurance-maladie, pour un coût, en 2008, d’un peu moins de 4,5 milliards d'euros. Elles ont été revalorisées de 1 % au 1er avril 2009.

2. La transformation de la pension d’invalidité en pension de vieillesse

L’article L. 341-15 du code de la sécurité sociale stipule que la pension d’invalidité se transforme en pension de vieillesse allouée au titre de l’inaptitude au travail. L’assurance-vieillesse prend donc le relais de l’assurance-maladie avec des règles de liquidation spécifiques : le taux plein est accordé quelle que soit la durée d’assurance et le salaire annuel moyen est calculé à partir des dix meilleures années civiles précédant l’invalidité.

Ce basculement vers l’assurance-vieillesse à 60 ans est automatique et cela pose des problèmes pour les personnes invalides de catégorie 1 qui exercent une activité professionnelle. Ils sont en effet confrontés à l’alternative suivante :

– renoncer temporairement à la pension de vieillesse substituée afin de poursuivre leur activité professionnelle ; mais la perte de la pension d’invalidité se traduit alors par une baisse significative de leurs revenus ;

– liquider leur pension de vieillesse et tenter de la cumuler avec une activité professionnelle ; mais l’assuré se trouve confronté à la difficulté suivante : le cumul emploi-retraite a certes été libéralisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 en supprimant le délai de carence et le plafond de cumul, mais sous la réserve que l’assuré dispose d’une carrière complète ; or les personnes invalides disposent rarement d’une carrière complète et sont donc soumises à l’ancien dispositif de cumul emploi-retraite : délai de carence de 6 mois sauf en cas de changement d’employeur, plafond de cumul…

3. Le dispositif proposé

Pour résoudre cette difficulté, une option possible aurait consisté à instaurer un régime spécifique de cumul emploi retraite pour les personnes titulaires d’une pension de retraite au titre de l’inaptitude, par exemple en supprimant la condition de carrière complète. Toutefois, il a été décidé de ne pas modifier ces règles, afin de ne pas revenir sur les règles du cumul emploi-retraite adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Il a semblé plus efficace de permettre aux invalides exerçant une activité professionnelle de poursuivre cette activité après 60 ans. Cela entraîne deux effets positifs : d’une part, les personnes invalides pourront cumuler leur pension d’invalidité avec leurs revenus du travail après 60 ans ; d’autre part, elles continueront d’acquérir des droits à retraite après 60 ans, ce qui augmentera leur pension de vieillesse lors de sa liquidation et leurs chances de compléter leur carrière et donc de pouvoir bénéficier des règles libéralisées du cumul emploi-retraite.

Ainsi, l’alinéa 3 de l’article supprime-t-il le caractère automatique de la transformation de la pension d’invalidité en pension de vieillesse allouée au titre de l’inaptitude au travail pour les personnes invalides exerçant une activité professionnelle et l’alinéa 4 précise que cette transformation ne s’opère que si l’assuré la demande. Auparavant, il pouvait s’opposer à cette transformation et choisir de renoncer à sa pension d’invalidité et à sa pension de vieillesse. Désormais, en cas de silence de l’assuré, la pension d’invalidité continue d’être servie.

Les alinéas 5 à 7 réécrivent le deuxième alinéa de l’article L. 341-16 du code de la sécurité sociale, pour permettre à l’assuré de continuer à bénéficier de sa pension d’invalidité jusqu’à ce qu’il demande la liquidation de sa pension de vieillesse ou jusqu’à 65 ans.

Le dernier alinéa de l’article L. 341-16 n’est pas modifié : le montant de la pension de vieillesse liquidée après 60 ans ne saurait être inférieur à celui qui aurait résulté d’une liquidation à 60 ans.

Votre rapporteur s’interroge sur cette limite de 65 ans et la trouve peu cohérente avec le report de l’âge de mise à la retraite d’office de 65 à 70 ans prévu à l’article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Par ailleurs, l’alinéa 8 de l’article abroge l’article L. 732-36 du code rural. Il s’agit de tirer les conséquences de l’abrogation de l’article L. 352-1 du code de la sécurité sociale par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, article qui prévoyait des règles spécifiques pour le cumul emploi-retraite des assurés inaptes du régime général et des régimes alignés. Ces assurés relèvent désormais du droit commun.

Toutefois, des dispositions identiques étaient demeurées pour les assurés invalides relevant du régime des non-salariés agricoles. Dans un but d’harmonisation entre régimes, le présent projet de loi entend corriger cette différence en supprimant le régime spécifique de cumul emploi-retraite pour les invalides relevant du régime des non-salariés agricoles.

4. Public concerné et impact financier

Dans le régime général, les personnes invalides de catégorie 1 représentent 23 % de l’ensemble des invalides, soit environ 138 000 personnes, dont 34 % avaient, en 2005, entre 55 et 60 ans.

Selon les chiffres d’un rapport IGAS de 2006, sur le champ de la caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France uniquement, 58 % des personnes en catégorie 1 seraient actives (c'est-à-dire soit en emploi, soit au chômage). Au total, environ 4 600 invalides actifs auraient 60 ans. Si 20 % de cette population désirait continuer de travailler, environ 900 invalides pourraient être concernés par cette mesure. En ne partant pas à la retraite, ils continueraient de percevoir leur pension d’invalidité (378 euros en moyenne en 2008 pour les bénéficiaires de catégorie 1). Le coût brut de cette mesure serait donc de l’ordre de 4 millions d’euros pour la branche maladie la première année et 8 millions d’euros à partir de la deuxième année en supposant que les intéressés continuent de travailler deux ans en moyenne après 60 ans.

Toutefois, les pensions d’invalidité se substituent aux pensions de vieillesse qui ne sont donc pas versées. La pension de vieillesse moyenne substituée à une pension d’invalidité de 1ère catégorie est de 744 euros en 2007. L’économie maximale pour la branche vieillesse serait donc de l’ordre de 8 millions d’euros la première année et 16 les années suivantes.

En termes d’impact individuel, grâce à la mesure, la personne invalide pourra continuer à travailler et cumulera sa pension de 1ère catégorie (378 euros en moyenne en 2008) et son revenu d’activité (par exemple 1 100 euros ce qui correspond à environ 1 SMIC à temps plein) soit au total 1 478 euros en travaillant à temps plein.

Il est à noter qu’en continuant de travailler 2 années supplémentaires, elle améliorera également sa pension de retraite (base et complémentaire) d’environ 100 euros par mois.

Sans la mesure, elle aurait pris sa retraite. Dans ces conditions, elle aurait touché : sa pension de retraite de base substituée à la pension d’invalidité de 1ère catégorie (744 euros en moyenne en 2007) et sa retraite complémentaire que l’on peut évaluer à environ 370 euros par mois soit environ 1 100 euros. Ce qui représente un gain de pouvoir d’achat de 34 %.

B. LE NON-CUMUL PENSION D’INVALIDITÉ-PENSION DE VIEILLESSE

1. Cumul pension d’invalidité et pension de vieillesse en cas de retraite anticipée

Les règles de substitution d’une pension d’invalidité par une pension de vieillesse servie au titre de l’inaptitude n’ont pas été adaptées pour tenir compte des dispositifs de départs anticipés en retraite mis en œuvre par la loi de 2003 portant réforme des retraites pour les assurés ayant eu une carrière longue (art. L. 353-1-1 du code de la sécurité sociale) ou handicapés (art. L. 353-1-3 du même code).

Les assurés invalides bénéficiant d’une retraite anticipée peuvent donc cumuler leur pension d’invalidité et leur pension de vieillesse jusqu’à l’âge de 60 ans, ce qui est contraire à l’esprit du dispositif.

Les caisses de retraite adoptent aujourd’hui des pratiques fluctuantes. Afin d’uniformiser celles-ci, il est proposé d’inscrire dans la loi le principe selon lequel la pension d’invalidité n’est pas cumulable avec la pension de vieillesse.

Les alinéas 9 et 10 de l’article (le paragraphe III) insèrent donc dans le code de la sécurité sociale un nouvel article L. 341-14-1 qui précise que le service de la pension d’invalidité est suspendu lorsque l’assuré bénéficie d’une pension de retraite au titre du départ anticipé.

Cette règle ne fait pas obstacle au maintien des avantages accessoires qui étaient associés à la pension d’invalidité : la majoration pour tierce personne, l’allocation supplémentaire d’invalidité ou l’exonération du ticket modérateur.

2. Cumul pension d’invalidité de veuf ou veuve et pension de réversion

La pension d’invalidité de veuf ou de veuve, versée par la branche maladie, est attribuée au conjoint invalide d’une personne décédée qui était elle-même titulaire auprès du régime général d’une pension d’invalidité ou de vieillesse. À l’âge de 55 ans, elle est remplacée par une pension de vieillesse de veuf ou de veuve, du même montant, mais servie par la branche retraite ou par la pension de réversion si celle-ci lui est supérieure.

Or, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites avait procédé à un abaissement à 51 ans de l’âge minimum de la réversion (pour les décès intervenus entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2008). Il en résulte, en l’absence de disposition contraire, que la pension d’invalidité de veuf ou de veuve peut être cumulée avec la pension de réversion entre 51 et 55 ans pour les assurés concernés.

Les alinéas 11 et 12 de l’article (le paragraphe IV) complètent donc l’article L. 342-1 du code de la sécurité sociale par un alinéa qui lève cette ambiguïté et énonce une règle de non-cumul entre la pension de réversion et la pension d’invalidité de veuf ou de veuve : seule la plus élevée des deux prestations sera servie.

Enfin, l’alinéa 13 de l’article (V) prévoit une entrée en vigueur du dispositif à partir du 1er mars 2010, afin de laisser le temps aux caisses de se préparer à la mesure, en particulier pour adapter leurs systèmes d’information.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 259 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 9 à 13 de cet article prévoyant que la pension d’invalidité n’est pas cumulable avec une pension de vieillesse. Cela est d’autant plus injuste que les revenus des personnes concernées sont très faibles.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis défavorable. En fait, ces alinéas mettent fin à une anomalie permettant à certains titulaires d’une pension d’invalidité de continuer à la percevoir, alors même qu’ils ont liquidé leur pension de retraite. Néanmoins, la plupart du temps, ces personnes ne disposent pas, en effet, de revenus importants. En attendant que je puisse connaître leur nombre exact, je vous propose de retirer cet amendement et de le représenter, éventuellement dans une nouvelle rédaction, dans le cadre de l’article 88.

L’amendement AS 259 est retiré.

La Commission adopte l’article 39 sans modification.

Article 39

Cumul emploi-retraite des médecins

La Commission examine ensuite l’amendement AS 4 de M. Guy Lefrand portant article additionnel après l’article 39.

M. Guy Lefrand. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 permet aux assurés, sous certaines conditions, de cumuler intégralement leur pension de retraite et un revenu d’activité. Dans ce cas-là, ces personnes sont redevables du paiement des cotisations aux régimes d’assurance vieillesse, ces règles ne différant évidemment pas pour les médecins. Néanmoins, compte tenu de la démographie médicale, cet amendement propose que l’allocation supplémentaire vieillesse ne soit pas en l’occurrence calculée forfaitairement, mais sur la base réelle de leur activité.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je suis favorable à cet excellent amendement.

La Commission adopte l’amendement AS 4 (amendement n° 4).

Article 40

Transfert au Fonds de solidarité vieillesse du financement de certains avantages non contributifs

Cet article propose de transférer au Fonds de solidarité vieillesse le financement de certains avantages non contributifs (validations gratuites de trimestres au titre de périodes d’arrêt maladie, maternité, AT/MP et invalidité) aujourd’hui financés par les régimes eux-mêmes. Votre rapporteur partage l’objectif du Gouvernement de clarifier le financement de la protection sociale et en particulier de l’assurance-vieillesse. En outre, ce transfert se traduira par de nouvelles recettes pour la CNAV et les régimes alignés, permettant une amélioration de leur situation financière. Pour autant, cette nouvelle charge pour le FSV intervient à un moment où ce Fonds est confronté à des déficits sans précédents. Un tel transfert ne fera que les aggraver et se traduira, dans la mesure où c’est la CNAV qui supporte les frais financiers des déficits du FSV, par de nouvelles charges financières pour le régime général.

1. La situation actuelle

En vertu de l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale, les arrêts de travail au titre de la maladie, d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ouvrent droit, au-delà du 60e jour d’indemnités journalières, à la validation gratuite d’un trimestre pris en compte dans la détermination de la durée de cotisation pour le calcul des droits à la retraite (un trimestre étant également décompté pour chaque nouvelle période de 60 jours). Il en est de même pour les périodes d’invalidité et celles d’incapacité suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, à raison d’un trimestre validé pour trois mensualités de rente.

Ces avantages non contributifs sont similaires à celui qui prévaut pour les périodes de chômage, mais contrairement à ce dernier, leur financement demeure assuré par les régimes eux-mêmes, et non par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont la vocation est pourtant, aux termes du premier alinéa de l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale, de « prendre en charge les avantages d'assurance vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale ».

Or, la poursuite de la clarification du financement des avantages de retraite, par la distinction entre ce qui relève du contributif d’une part (et donc du financement par les cotisations des ressortissants du régime), et du non contributif d’autre part (et donc du financement du FSV sur une assiette plus large, que ce soit par la CSG, d’autres recettes fiscales, ou par des contributions de la branche famille), répond à l’objectif initial du FSV.

2. Le dispositif proposé

Seuls seront concernés par ce transfert la CNAV et les régimes alignés (Régime social des indépendants – RSI – et régime des salariés agricoles). La fonction publique ainsi que les principaux régimes spéciaux ne connaissent pas les mêmes règles en matière de prestations en espèce (maintien de salaire plutôt que versement d’indemnités journalières), ce qui justifie leur non prise en compte dans le champ de la réforme.

Il est donc proposé que le FSV participe au financement de ces validations gratuites de trimestre au titre de périodes d’arrêt maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles. Cette mission serait inscrite à l’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale, qui définit les charges du Fonds.

La participation du Fonds ne peut être que forfaitaire, dans la mesure où le coût effectif que représentent ces validations gratuites n’apparaît pas directement dans les comptes des régimes. Il ne peut être constaté qu’a posteriori, au moment de la liquidation des droits, et dépend directement des parcours professionnels et des comportements individuels.

C’est parce qu’il est impossible de déterminer précisément et instantanément le « coût » des validations gratuites de trimestres que la contribution du FSV au titre des périodes de chômage est calculée comme une cotisation. Il est proposé de procéder de la même façon pour la contribution envisagée ici. Comme pour le chômage, les périodes visées par ce transfert seront donc valorisées au SMIC pour déterminer l’assiette du transfert, en cohérence avec le fait que les trimestres ainsi validés le sont sans report de salaire au compte. Une réfaction sera appliquée, afin de tenir compte du fait que toutes les périodes ne donnent pas lieu à validation de trimestres.

Les modalités précises de calcul seront fixées par décret en Conseil d’État. Les premières évaluations sur la base des principes décrits ci-dessus permettent d’envisager un transfert d’environ 1,2 milliard d'euros à terme, qui pourrait faire l’objet d’une montée en charge en 2 ans.

*

La Commission adopte l’article 40 sans modification.

Après l’article 40

La Commission est saisie de l’amendement AS 262 de Mme Marisol Touraine portant article additionnel après l’article 40.

M. Jean Mallot. L’amendement AS 262 est défendu.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Nous abordons une série d’amendements – sur lesquels j’émettrai des avis défavorables – relatifs à l’emploi des seniors et à la pénalité adoptée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 pour les entreprises qui les emploient insuffisamment. Dans un contexte difficile de crise, ces dernières avaient un an pour négocier, le dispositif devant entrer en vigueur le 1er janvier prochain, et il me semble en l’état très prématuré de le revoir. Par ailleurs, le rapport entre actifs et inactifs est tel qu’il ne permet plus de couvrir les départs et il devrait se trouver encore fortement détérioré en 2015. Faute d’une politique d’emploi des seniors, nous serons contraints de faire appel à l’immigration.

La Commission rejette l’amendement AS 262.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 261 de Mme Marisol Touraine.

M. Jean Mallot. L’amendement AS 261 est défendu.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 261.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 274 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement vise à affecter des ressources au Fonds de réserve pour les retraites.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Bien qu’alors dans l’opposition, j’ai défendu la création de ce fonds de « lissage » destiné à assurer le financement des retraites à partir de 2020. L’enjeu aujourd’hui est de sécuriser et de pérenniser la ressource, même si, en l’occurrence, droite et gauche auraient pu mieux faire. Néanmoins, je le répète, avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 274.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 263 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. L’amendement AS 263 est défendu.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 263, puis l’amendement AS 265 de Mme Marisol Touraine.

Elle examine ensuite l’amendement AS 268 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Conformément aux engagements du Président de la République, le taux de réversion pour le régime général et les régimes alignés doit être augmenté en trois étapes : 56 % au 1er janvier 2009, 58 % au 1er janvier 2010 et 60 % au 1er janvier 2011. Outre qu’il n’en a rien été à ce jour, la création d’une majoration à compter du 1er janvier 2010 ne concernera que les conjoints survivants de plus de 65 ans dont les ressources totales n’excèdent pas 800 euros. Cet amendement propose donc que le Gouvernement évalue les conditions de suppression de la condition d’âge dans le cadre d’un rapport déposé devant le Parlement avant le 30 juin 2010.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis défavorable. Le Président de la République a indiqué que le rendez-vous des retraites de 2010 serait l’occasion d’examiner tous les problèmes – dont ceux, je l’espère, qui se posent pour l’ensemble des personnes veuves. Le taux de réversion devrait être augmenté, comme vous le demandez, mais il conviendrait également de relever le plafond limitant le cumul, par les femmes qui arrivent à la retraite, de droits propres et d’une pension de réversion.

La Commission rejette l’amendement AS 268.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement AS 273 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement vise à ce que les personnes ayant contracté un PACS puissent faire valoir des droits à pension de réversion.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis défavorable, cette question pouvant être abordée lors du rendez-vous de 2010.

La Commission rejette l’amendement AS 273.

Article 41

Objectifs de dépenses de la branche vieillesse pour 2010

Cet article fixe à 195,0 milliards d’euros l’objectif de dépenses de la branche vieillesse pour l’année 2010, soit une augmentation de 2,3 % par rapport à l’objectif voté pour 2009 (contre une augmentation de 6,1 % l’an passé).

L'objectif de dépenses porte sur l'ensemble des dépenses des régimes et non sur les seules prestations. Ces dépenses comprennent :

– les prestations sociales légales ou extralégales d’assurance vieillesse correspondant à des droits directs ou dérivés, d’assurance veuvage et les prestations d’invalidité servies à des bénéficiaires de droits directs âgés de plus de soixante ans ou des bénéficiaires de droits dérivés ;

– les prestations des services sociaux (notamment la prise en charge partielle des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux) ;

– les frais de gestion engagés par les organismes de sécurité sociale ;

– les transferts entre régimes de protection sociale ;

– les frais financiers et les autres dépenses.

Depuis la loi organique du 2 août 2005, le périmètre des régimes de base obligatoires de sécurité sociale dont les dépenses sont retracées dans l’objectif arrêté par le projet de loi de financement de la sécurité sociale a changé : les dépenses des régimes de moins de vingt mille cotisants ou bénéficiaires ne sont plus retranchées ; les régimes concernés par l’objectif sont définis dans une annexe triennale au projet de loi de financement. Cette annexe a été publiée avec le projet de loi pour 2009 (cf. document triennal – Liste des régimes obligatoires de base de sécurité sociale).

Le tableau suivant retrace les objectifs de dépenses de la branche vieillesse-invalidité et l’écart constaté avec les dépenses effectives depuis 2001.

Objectifs de dépenses de la branche vieillesse-veuvage

(en milliards d’euros)

 

Objectif du PLFSS pour l’année n

Objectif révisé
dans le PLFSS n+1

Réalisation

Taux de réalisation

2001

126,59

126,65

128,8

101,75 %

2002

136,08

135,96

133,9

98,40 %

2003

140,36

140,7

138,5

98,67 %

2004

146,6

146,8

147,3

100,48 %

2005

160,5

155,2

156,4

97,45 %

2006

161,0

162,7

163,2

101,37 %

2007

170,6

172,1

172,9

101,35 %

2008

179,7

181,2

180,9

100,67 %

2009

190,6

187,9

2010

195,0

     

Sources : articles des projets de loi de financement de la sécurité sociale (sauf réalisations avant 2004).

En application de la loi organique du 2 août 2005, le projet de loi fixe également un sous-objectif de dépenses pour le seul régime général de la sécurité sociale : 102,9 milliards d’euros pour 2009.

Objectifs de dépenses de la branche vieillesse-veuvage du régime général

(en milliards d’euros)

 

Objectif du PLFSS pour l’année n

Objectif révisé
dans le PLFSS n+1

Réalisation

Taux de réalisation

2004

74,9

2005

80,1

80,7

2006

83,1

84,7

84,8

102,05 %

2007

88,9

90,0

90,3

101,57 %

2008

94,3

95,6

95,1

100,85 %

2009

100,3

98,9

2010

102,9

     

Sources : articles des projets de loi de financement de la sécurité sociale votés.

Le tableau suivant retrace l’état des comptes des différents régimes de base d’assurance vieillesse–veuvage–invalidité–décès.

Il s’agit d’un tableau des prestations légales, dont le périmètre n’est pas exactement celui de l’objectif de dépenses arrêté par le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Prestations légales vieillesse-veuvage-invalidité-décès des régimes de base

(en millions d’euros)

 

2006

2007

2008

%

2009

%

2010

%

Régime général
(hors adossement IEG)

76 139

80 853

85 466

5,7

89 640

4,9

93 735

4,6

Salariés agricoles

5 102

5 258

5 424

3,1

5 548

2,3

5 661

2,0

Exploitants agricoles

8 473

8 633

8 656

0,3

8 632

-0,3

8 515

-1,4

Régimes agricoles

13 574

13 891

14 080

1,4

14 181

0,7

14 177

0,0

Fonctionnaires de l’État

37 317

39 266

41 141

4,8

43 003

4,5

44 731

4,0

Ouvriers de l’État

1 622

1 652

1 678

1,6

1 702

1,5

1 725

1,3

Collectivités locales

10 217

11 019

11 943

8,4

12 721

6,5

13 478

5,9

Mines

1 857

1 841

1 814

-1,5

1 785

-1,6

1 744

-2,3

IEG (base)

3 245

3 369

3 610

7,2

3 718

3,0

3 846

3,4

SNCF

4 713

4 837

4 975

2,8

5 045

1,4

5 070

0,5

RATP

751

793

841

6,0

873

3,9

906

3,8

Marins

1 055

1 064

1 070

0,5

1 074

0,4

1 081

0,7

CRPCEN

570

607

653

7,6

689

5,4

721

4,7

Banque de France

267

277

288

3,9

297

3,0

303

2,0

FSAVCF

94

90

85

-5,9

79

-6,9

75

-5,2

SEITA

151

153

154

0,7

156

1,0

157

1,0

Autres petits régimes spéciaux

193

42

43

2,4

44

3,3

45

1,4

Régimes spéciaux

62 053

65 010

68 293

5,1

71 186

4,2

73 882

3,8

RSI-AVIC (régime de base)

3 250

3 355

3 447

2,7

3 544

2,8

3 644

2,8

RSI-AVA (régime de base)

2 608

2 749

2 876

4,6

2 999

4,3

3 120

4,0

CNAVPL (régime de base)

718

774

835

8,0

894

7,0

958

7,2

CNBF (barreaux français) (régime de base)

67

70

74

5,7

80

8,8

88

9,9

CAVIMAC

228

239

234

-2,3

234

0 1

232

-0,7

Régimes de non-salariés
non agricoles

6 871

7 187

7 467

3,9

7 751

3 8

8 042

3,8

Service allocation spéciale vieillesse (SASV)

487

497

513

3,2

525

2,3

542

3,3

Ensemble des régimes de base

159 125

167 438

175 819

5,0

183 282

4,2

190 377

3,9

Les prestations du régime général ne comprennent pas les pensions prises en charge pour le régime des industries électriques et gazières dans le cadre de l’adossement. En revanche, les prestations versées aux retraités de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, dont le régime a été intégré au régime général au 1er janvier 2006, sont comprises dans les dépenses de la CNAV.

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale (rapports de septembre 2008 pour l’année 2006 et de septembre 2009 pour les années 2007 à 2009).

*

La Commission adopte l’article 41 sans modification.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Auditions réalisées au mois de juin 2009

Ø Confédération générale du travail (CGT) – Mme Mijo Isabey, responsable du dossier retraite, M. Jean-Louis Butour, administrateur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), et M. Gérard Rodriguez, conseiller confédéral

Ø Confédération française des retraités (CFR) – M. François Bellanger et M. Sylvain Denis, vice-présidents

Ø Comité national des retraites et des personnes âgées (CNRPA) – Mme Janine Dujay-Blaret, vice-présidente

Ø Fédération des associations des veuves chefs de famille (FAVEC) – Mme Christiane Poirier, présidente, et Mme Geneviève Lobier, secrétaire générale

Ø Direction de la sécurité sociale – M. Dominique Libault, directeur, et M. Jean-Luc Izard, sous-directeur des retraites et des institutions de protection sociale

Ø Fond de réserve des retraites (FRR) – M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance, et M. Yves Chevalier, membre du directoire

Ø Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. Jean-François Veysset, vice-président

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Jean-Louis Malys, secrétaire confédéral, et Mme Marie-Claude Lasnier, secrétaire confédérale

Ø Association générale des institutions de retraite des cadres - Association des régimes de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO) – M. Jean-Jacques Marette, directeur général

Ø Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Pierre Martin, président, M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement

Ø Union nationale des associations familiales (UNAF) – M. François Fondard, président, M. Maurice Odin, représentant, et Mme Christiane Basset, administratrice, présidente du département « protection sociale, famille, santé, vieillesse »

Ø Confédération générale du travail – Force ouvrière (CGT-FO) – M. Bernard Devy, secrétaire confédéral chargé des retraites, et M. Gérard Rivière, conseiller technique

Ø Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – M. Jean-Louis Besnard, conseiller national chargé des retraites, et M. François Joliclerc, secrétaire national chargé de la protection sociale

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Michel Moïse-Mijon, secrétaire confédéral

Ø Direction générale de l’administration et de la fonction publique – bureau B7 – M. Nicolas de Saussure, chef du bureau des pensions

Ø Confédération française de l'encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale, et Mme Anne Bernard, responsable du secteur « protection sociale »

Ø Fédération syndicale unitaire (FSU) – M. Gérard Aschieri, secrétaire général, M. Didier Horus, représentant au sein du Conseil d’orientation des retraites (COR), Mmes Anne Féray et Elisabeth Labaye, secrétaires nationales

Ø Régime social des indépendants (RSI) – M. Gérard Quévillon, président, M. Dominique Liger, directeur général, et M. Patrick Roy, directeur des retraites

Ø Mutualité sociale agricole (MSA) – M. François Gin, directeur général, et M. Denis Nunez, directeur de la protection sociale

Ø Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) – M. Patrick Hermange, directeur, Mme Annie Rosès, directrice juridique et de la réglementation nationale, et M. Vincent Poubelle, directeur des statistiques et de la prospective

Ø Fond de solidarité vieillesse (FSV) – M. Jacques Lenain, directeur

Ø Union nationale des professions libérales (UNAPL) – M. Christian Guichardon, directeur, et Mme Françoise Devaud, présidente de la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO)

Ø Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) – M. Jacques Escourrou, président, et M. Gérard Péllissier, directeur

Ø Conseil d’orientation des retraites (COR) – M. Raphaël Hadas-Lebel, président, et M. Yves Guegano, secrétaire général

Ø Familles de France – Mme Christiane Therry, déléguée générale, et M. Georges Noharet, administrateur à la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF)

Ø Confédération paysanne – M. Joseph Bourgeais, responsable de la commission « retraités », et Mme Delphine Coineau, animatrice syndicale

Ø Association de l’Union des familles en Europe – Mme Dominique Marcilhacy, porte-parole et M. Jacques Bichot, président d’honneur

Ø Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) – M. Louis Schweitzer, président, et M. Marc Dubourdieu, directeur général

Déplacement à Berlin, les 14 et 15 septembre 2009

Ø Ambassade de France – M. Graham Paul, ministre-conseiller et M. Xavier Luquet, conseiller pour les affaires sociales

Ø Caisse nationale d’assurance vieillesse – M. Gerrit Pötter, droit des retraites, et Mme Carola Leube, droit des assurances et droits des cotisations

Ø Ministère fédéral du travail et des affaires sociales – M. Christian Wirth, chef du bureau « Protection sociale de la femme, prestations pour conjoints survivants, droits familiaux »

Ø Fédération du patronat allemand – M. Martin Kröger, responsable des questions de retraite au département « protection sociale »

Ø Fédération des syndicats allemands

Auditions réalisées au mois d’octobre 2009

Ø Confédération française de l'encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale, et Mme Anne Bernard, responsable du secteur « protection sociale »

Ø Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) – Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d’administration, Mme Marie-France Laroque, directrice de cabinet, et M. Vincent Poubelle, directeur des statistiques et de la prospective

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – Mme Pascale Coton, secrétaire générale-adjointe, M. Michel Moïse-Mijon, secrétaire confédéral, M. Patrick Poizat, secrétaire confédéral, et Mme Estelle Wanou, attachée de presse

Ø Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) – M. Louis Schweitzer, président

Ø Fond de réserve des retraites (FRR) – M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance, et M. Yves Chevalier, membre du directoire

Ø Direction de la sécurité sociale – M. Dominique Libault, directeur, et M. Jean-Luc Izard, sous-directeur des retraites et des institutions de protection sociale

Ø Confédération générale du travail (CGT) – Mme Mijo Isabey, responsable du dossier retraite, et M. Jean-Louis Butour, administrateur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

Ø Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) – M. Pierre Mayeur, directeur, Mme Annie Rosès, directrice juridique et de la réglementation nationale, et M. Vincent Poubelle, directeur des statistiques et de la prospective

Ø Confédération générale du travail – Force ouvrière (CGT-FO) – M. Bernard Devy, secrétaire confédéral chargé des retraites, et M. Gérard Rivière, conseiller technique

Ø Fond de solidarité vieillesse (FSV) – M. Jacques Lenain, directeur

Ø Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales

Ø Union nationale des associations familiales (UNAF) – M. François Fondard, président, Mme Christiane Basset, administratrice, présidente du département « protection sociale, famille, santé, vieillesse », et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Jean-Louis Malys, secrétaire confédéral

Ø Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) – M. Nicolas de Saussure, chef du bureau des pensions

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Jean-René Buisson, président de la commission « protection sociale », M. Julien Guez, chef du service « retraites et prévoyance » et Mme Miriana Clerc, chargée de mission à la direction des affaires publiques

© Assemblée nationale

1 Interview du Président de la République au Figaro le 16 octobre 2009

2 () P 41

3 () P. 118

4 () Rapport MECSS n°314

5 () p 271

6 () Le financement par le FSV concerne le régime général, les régimes alignés (les régimes couvrant les professions artisanales, industrielles et commerciales et le régime des salariés agricoles), ainsi que le régime des exploitants agricoles depuis le 1er janvier 1996 en application de l’article 31 de la loi de finances pour 1996.

7 () Depuis le 30 décembre 2004, ce droit à retraite anticipée est également ouvert aux pères et est subordonné à une condition de non activité de deux mois au moment de la naissance ou de l’adoption de chacun des enfants. La portée pratique de cette extension a été jusqu’ici limitée.

8 () Dans son rapport sur la certification des comptes du régime général de la sécurité sociale 2008, la Cour des comptes note d’ailleurs que « l’insuffisance caractérisée du contrôle interne entraîne une incertitude sur la correcte valorisation des cotisations d’AVPF » (p105).

9 () Rapport Cour des comptes sur la Sécurité sociale page 347, septembre 2009

10 () Saisine par 60 députés

11 () HALDE délibération n°2008-237 du 27 octobre 2008