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N
° 2147

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n°1892, autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État d’Israël sur la lutte contre la criminalité et le terrorisme,

par M. Robert LECOU

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – ISRAËL, UN ETAT POUR LEQUEL LA COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ EST PARTICULIÈREMENT IMPORTANTE 7

A – UNE SITUATION SÉCURITAIRE DIFFICILE 7

1) Un pays très exposé aux attaques terroristes 7

2) Un pays de plus en plus touché par le crime organisé et le trafic de drogue 8

B – LA VOLONTÉ DE DÉVELOPPER LA COOPÉRATION DANS CE DOMAINE 10

1) La multiplication des accords de coopération policière 10

2) Une coopération franco-israélienne qui va pouvoir s’intensifier 10

II – LE BESOIN DE DISPOSER D’UN CADRE JURIDIQUE PLUS STABLE POUR ORGANISER LA COOPÉRATION FRANCO-ISRAÉLIENNE 13

A – UN CHAMP ET DES MODALITÉS DE COOPÉRATION LARGES 13

B – TROIS DOMAINES PRIVILÉGIÉS : LA LUTTE CONTRE LA DROGUE ET CONTRE LE TERRORISME, ET LA SÉCURITÉ PUBLIQUE 14

C – UNE COOPÉRATION ENCADRÉE : LA GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX ET DES INTÉRÊTS ESSENTIELS DE L’ETAT 15

D – LA MISE EN PLACE D’UNE INSTANCE DE SUIVI 16

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

ANNEXES 25

Liste des accords bilatéraux en matière de sécurité intérieure, signés par la France ou en cours de négociation 25

Accords ou mémorandums d’accord portant sur la sécurité intérieure conclus par l’Etat d’Israël 27

_____

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 29

Mesdames, Messieurs,

La France est liée à une vingtaine d’Etats par des accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité intérieure, tandis qu’une vingtaine d’accords du même type est actuellement en cours de négociation ou de ratification (1). C’est d’abord avec les pays européens que de tels accords ont été conclus, mais plusieurs Etats du Proche-Orient sont aussi désormais concernés. Le caractère international de nombreuses formes de criminalité justifie pleinement cette démarche envers des pays avec lesquels nos échanges humains et économiques sont développés. En effet, ces accords facilitent les transferts d’informations et de bonnes pratiques.

Conclure un tel accord avec Israël s’impose comme une évidence. D’une part, les liens entre la France et l’Etat hébreu sont très étroits, dans tous les domaines ; d’autre part, les deux pays ont beaucoup d’expériences à partager dans les domaines de la lutte contre la criminalité, le terrorisme et le trafic de drogue, et de la protection de la sécurité publique. Des actions de coopération existent d’ores et déjà, mais elles ont besoin d’un cadre normatif pour pouvoir être intensifiées.

Bien que, en ce qui concerne la question du terrorisme, Israël se trouve dans une situation particulièrement délicate, l’accord bilatéral dont le présent projet de loi vise à autoriser la ratification ne comporte pas de stipulations spécifiques. La lutte contre le terrorisme est simplement, avec la lutte contre la drogue et la sécurité publique, l’un des champs de coopération sur lesquels l’accord met l’accent.

Votre Rapporteur va présenter la situation sécuritaire d’Israël et sa volonté de coopérer largement dans ce domaine, avant de détailler les stipulations de l’accord sur la lutte contre la criminalité et le terrorisme.

I – ISRAËL, UN ETAT POUR LEQUEL LA COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ EST PARTICULIÈREMENT IMPORTANTE

La localisation géographique de l’Etat d’Israël, les conditions dans lesquelles il a été créé et les différends qui continuent à l’opposer à nombre de ses voisins contribuent à le placer dans une situation sécuritaire difficile, si ce n’est précaire. C’est notamment pour renforcer sa capacité à faire face aux menaces, notamment terroristes, dirigées contre lui, qu’il coopère volontiers avec ses partenaires internationaux dans ce domaine.

A – Une situation sécuritaire difficile

Si Israël se sent particulièrement vulnérable aux attaques terroristes, qui ont déjà causé plusieurs centaines de morts de civils sur son sol, il n’est pas, non plus, préservé des autres formes de criminalité, notamment internationale, comme le trafic de stupéfiants.

1) Un pays très exposé aux attaques terroristes

En Israël, la préoccupation sécuritaire est une donnée politique centrale et la lutte contre les groupes terroristes demeure un enjeu majeur pour des services de sécurité intérieure qui disposent de moyens importants et de marges d’action singulières.

La lutte contre le terrorisme, qui bénéficie d’un fort soutien populaire, repose en effet sur des modes d’action efficaces, une politique de prévention déterminée et le souci premier d’assurer la protection de la population. A ce jour, les principaux actes terroristes (2) sont le fait d’organisations et de groupes radicaux palestiniens dont l’activité la plus meurtrière ces dernières années a été l’attentat de type kamikaze.

Lors de la seconde « Intifada » lancée en 2000, le nombre d’actions terroristes a atteint son apogée en 2001-2002 et tend à décroître depuis. Pour nombre d’observateurs, cette diminution réelle est le résultat à la fois de l’efficacité des mesures prises par les services de sécurité israéliens et de la mobilisation des services palestiniens en Cisjordanie, du changement de méthodes employées par les groupes radicaux (renforcement de leurs capacités militaires, intensification des tirs de roquettes, augmentation des enlèvements de personnes) et de l’acuité croissante des affrontements intrapalestiniens (entre le Hamas et le Fatah et entre clans dans la bande de Gaza).

Le dispositif de lutte contre le terrorisme en Israël est axé sur la prévention de l’acte terroriste et s’appuie d’abord sur un contrôle étroit de la population palestinienne et de ses mouvements. Ce dispositif préventif repose également sur le leadership opérationnel d’un service – le Shin Beth – qui peut s’appuyer sur les bras opérationnels que sont les unités d’intervention spéciale des forces armées et de la Border Police de la police nationale.

2) Un pays de plus en plus touché par le crime organisé et le trafic de drogue

Mais le terrorisme n’est pas la seule menace contre la sécurité en Israël. Le crime organisé s’y est développé au cours des deux dernières décennies : il tend à s’insérer progressivement dans la société israélienne et dans son environnement international, ce qui a conduit à l’adoption de mesures institutionnelles et législatives.

Au niveau national, la criminalité israélienne se caractérisait par les agissements d’une délinquance d’affaires traditionnelle et d’une criminalité composée de petits groupes se livrant à des activités criminelles diverses mais cantonnées aux marchés locaux. Le crime organisé aujourd’hui tend à évoluer vers une structuration plus clanique. Son champ d’action est large et porte sur le racket de commerçants et la pénétration du monde des affaires, la contrebande et le trafic de drogues, la concession de marchés publics locaux et la prise de contrôle d’entreprises du secteur privé, l’exploitation de jeux ou paris illégaux et d’établissements de nuit. Leurs méthodes d’action reposent principalement sur la violence et la corruption.

La criminalité israélienne a su exploiter le développement des échanges régionaux dans un cadre géopolitique pourtant hostile. Cette insertion, lente mais progressive, de la société israélienne dans son environnement régional ne pouvait que favoriser l’expansion de la criminalité organisée qui dispose à la fois d’infrastructures commerciales et bancaires développées, d’un marché national capteur (pour les drogues et la prostitution) et d’un positionnement géographique privilégié au Proche-Orient (pour le transit et la distribution).Cela s’est opéré via les connexions établies notamment avec les milieux criminels turcs, jordaniens, égyptiens et libanais, voire palestiniens. Cela a favorisé les connexions criminelles franco-israéliennes, notamment dans le domaine des escroqueries commises en bande organisée. Ainsi, nombre de personnes ou sociétés en France ont été victimes d’escroqueries commises par des réseaux d’individus opérant depuis le territoire israélien.

La lutte contre le crime organisé est devenue, ces dernières années, une préoccupation sérieuse des autorités israéliennes. Celle-ci s’est notamment traduite par :

– une modernisation des textes répressifs : Israël a ratifié la Convention de Palerme (3) et a adopté, en mars 2000, une loi sur la traite des êtres humains (aggravation des peines pour l’entente criminelle et les enlèvements de personnes) puis, en 2002, une loi contre le blanchiment de l’argent « sale » (incrimination du délit de blanchiment), une loi portant sur la lutte contre le crime organisé prévoyant une aggravation des sanctions et l’incrimination spécifique du leader d’un groupe criminel (sans avoir à démontrer son implication directe dans un fait criminel précis) et enfin, récemment – fin 2008 –, un programme de protection des témoins confié au ministère de la sécurité publique ;

– une adaptation des structures de la lutte : les autorités israéliennes ont créé, au sein de la police nationale israélienne (PNI), une direction centrale spécialisée (the investigation and intelligence Department) et ont entrepris de moderniser les moyens de la police technique et scientifique. Cela a conduit également la PNI à orienter l’action de son réseau international d’officiers de liaison et à s’impliquer plus activement dans les dispositifs policiers internationaux – Interpol, coopération euro-méditerranéenne, Europol.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement le trafic de produits stupéfiants, Israël est principalement un pays de destination et, dans une moindre mesure, un pays de transit.

Les affaires traitées en 2008 révèlent un accroissement constant du volume de la distribution et de l’usage dans le pays. Les principales drogues consommées sont le cannabis, les drogues synthétiques (dont l’ecstasy, les amphétamines et le LSD), divers produits pharmaceutiques, la cocaïne et l’héroïne.

Les productions locales se limitent à des cultures peu étendues de marijuana et à la fabrication de quelques produits analogues à l’ecstasy. Le haut niveau de l’industrie chimique n’a pas généré, à ce stade, de trafics significatifs de produits précurseurs.

Les principaux points d’entrée par produit sont la frontière jordanienne pour l’héroïne et le haschich (venant respectivement d’Afghanistan et du Maroc), la frontière égyptienne pour la marijuana, la frontière aérienne pour l’ecstasy venant d’Europe (dont les Pays-Bas) et la frontière maritime pour la cocaïne.

Au niveau international, on constate une implication croissante de petits groupes de trafiquants israéliens dans l’importation de produits psychotropes (ecstasy et amphétamines), de médicaments contrefaits et de cocaïne. Cette expansion internationale est facilitée par le cosmopolitisme de la société israélienne (pluri-nationalité) et ses connexions extérieures (présence de la diaspora notamment en Europe, aux Amériques et en Océanie).

B – La volonté de développer la coopération dans ce domaine

Afin de faciliter la lutte contre le terrorisme et contre les autres formes de criminalité organisée, Israël s’est attaché depuis plusieurs années à développer sa coopération internationale, notamment avec la France. La conclusion de l’accord de coopération permettra de donner à ces actions une nouvelle dimension.

1) La multiplication des accords de coopération policière

Israël a signé des accords de coopération policière (ou Memorandum of Understanding – MOU) avec près de trente pays.

En Europe, Israël a notamment conclu des accords de coopération policière avec la Russie, l’Ukraine, la Hongrie, la Roumanie, la Grèce, la Lituanie, l’Italie, la Bulgarie, l’Espagne, l’Allemagne, la France, la Serbie et la Croatie.

Israël a également conclu plusieurs accords avec les Etats-Unis et le Canada, avec trois pays d’Amérique latine (Argentine, Mexique, Panama) et avec la Jordanie. Elle a enfin signé un accord de lutte contre les stupéfiants avec l’Inde (4).

Israël négocie actuellement un accord opérationnel avec EUROPOL.

2) Une coopération franco-israélienne qui va pouvoir s’intensifier

La coopération entre la France et Israël bénéficie depuis 2006 de la présence à Jérusalem d’un attaché de sécurité intérieure.

Disposant au sein de leur ambassade à Paris d’un bureau de liaison (dirigé par un attaché de police à compétence régionale), les services israéliens sont amenés à utiliser également ce canal d’échange avec les services français.

La coopération s’effectue aussi par le biais d’Interpol, dont Israël est membre depuis 1949.

En 2008, les échanges de coopération technique ont exclusivement ciblé le terrorisme à travers des conférences et des missions d’experts. Les actions mises en place en 2009 concernent la lutte anti-terroriste, la délinquance financière, le crime organisé et la gestion des crises.

L’accord franco-israélien de coopération signé en 2008 devrait permettre l’intensification des échanges techniques et opérationnels, principalement dans les domaines de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la gestion de crise, la police technique et scientifique, la sécurité publique.

Les échanges dans le domaine de la lutte contre la délinquance astucieuse (escroqueries en bande organisée et les trafics criminels divers) devraient connaître aussi un renforcement particulier.

Par ailleurs, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, des centres d’intérêt communs ont été identifiés, qui donneront lieu à des échanges renforcés. Il s’agit des thèmes suivants :

– le terrorisme issu de l’islam radical,

– la situation des mouvements de résistance islamistes dans les pays du Moyen-Orient,

– la prolifération des armes nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques,

– la protection des intérêts israéliens en France,

– les milieux extrémistes antisémites.

Les échanges engagés entre services spécialisés concernant les techniques d’intervention anti-terroristes seront poursuivis.

II – LE BESOIN DE DISPOSER D’UN CADRE JURIDIQUE PLUS STABLE POUR ORGANISER LA COOPÉRATION FRANCO-ISRAÉLIENNE

L’accord signé le 23 juin 2008 par la France et Israël répond au cadre désormais classique des accords portant sur la coopération en matière de sécurité. Si l’intitulé de l’accord mentionne la lutte contre la criminalité et le terrorisme, c’est que la notion de « sécurité intérieure » n’a pas d’équivalent en Israël. Il n’est pas rare que ce type de conventions bilatérales conclues par la France porte un autre titre que celui, standard, de « en matière de sécurité intérieure », sans que cela ait d’incidences particulières sur leur contenu.

L’accord s’articule autour d’un champ large qui met en exergue la lutte contre le trafic de drogue et le terrorisme, et la sécurité publique. Pour intense et efficace qu’elle doive être, cette coopération doit être menée dans le respect de certains principes. L’accord fixe ce cadre avec précision.

A – Un champ et des modalités de coopération larges

L’article 1er de l’accord prévoit que la France et Israël « coopèrent afin de lutter contre la criminalité et le terrorisme sous tous ses aspects ». Le même article énumère de manière non exhaustive certains des domaines de cette coopération : la lutte contre la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants, le terrorisme et son financement, les infractions économiques, fiscales et financières comme le blanchiment, la traite des êtres humains, l’immigration irrégulière, la cybercriminalité, la gestion des urgences...

La liste des matières faisant ici l’objet de la coopération est classique. Elle reprend en grande partie celles que l’on trouve dans d’autres accords comme ceux signés avec la Bulgarie, la Russie ou l’Algérie, moyennant quelques adaptations. Par exemple ne figure pas dans l’accord franco-israélien la mention de la lutte contre les contrefaçons qui est présente dans l’accord franco-algérien.

La liste contenue à l’article 1er, comme l’accord dans son ensemble, peut être modifiée ou complétée assez simplement par consentement mutuel par la voie diplomatique, en application de l’article 13. Cette stipulation – elle aussi classique – permet d’adapter l’accord aux évolutions de la criminalité.

L’article 2 de l’accord dresse une liste indicative des modalités de la coopération technique et opérationnelle. Sont notamment prévus la mise en place de moyens de communication destinés à permettre un processus permanent de dialogue et de partenariat, l’échange de connaissances, d’expertises, de recherches et de bonnes pratiques, des exercices communs, la formation du personnel et l’accueil réciproque de fonctionnaires et d’experts.

Comme il est de coutume, cette coopération sera développée par l’intermédiaire des officiers de liaison affectés dans l’autre pays et par la voie diplomatique. Mais l’article 5 précise qu’elle peut aussi passer par les bureaux centraux d’Interpol, ce qui est une spécificité de cet accord.

Les autorités compétentes pour la mise en œuvre de l’accord sont, en France, le ministère chargé de l’intérieur, en Israël, le ministère de la sécurité publique.

Enfin, conformément à une pratique courante, l’article 11 précise les modalités de prise en charge des dépenses induites par les actions de coopération : les frais de voyage et d’hébergement sont financés par la Partie d’envoi, les autres frais par la Partie d’accueil, chacune d’entre elles prenant en charge les coûts induits par les activités qu’elle mène en application de l’accord.

B – Trois domaines privilégiés : la lutte contre la drogue et contre le terrorisme, et la sécurité publique

Les articles 3 et 4 de l’accord portent plus particulièrement sur la lutte contre la drogue et contre le terrorisme, et sur la sécurité publique.

L’article 3 de l’accord franco-israélien détermine les conditions dans lesquelles s’opère la coopération en matière de lutte contre la drogue. Le but est de s’attaquer à toutes les étapes de l’activité : la culture, l’extraction, la production, l’importation, l’exportation, le transit et la commercialisation des stupéfiants, des substances psychotropes et de leurs précurseurs (c’est-à-dire les substances fréquemment utilisées dans la fabrication des drogues : dissolvants, catalyseurs, agents oxydants, acides et bases). Il s’agit d’échanger des informations afin de prévenir, d’empêcher et d’aider à détecter les faits visés par la convention unique des Nations unies sur les stupéfiants du 30 mars 1961, par la convention sur les substances psychotropes du 21 février 1971 et la convention du 19 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, qui sont toutes citées dans le préambule de l’accord. Ces informations peuvent aussi porter sur le blanchiment des fonds résultant de ces trafics.

Les Parties échangent sur demande des informations relatives aux personnes impliquées dans la production et le trafic des stupéfiants. Elles peuvent porter sur les méthodes employées, les cachettes et modes de déplacement, les lieux d’origine, de transit, d’achat et de destination des différents produits, « ainsi que tous les éléments spécifiques liés aux infractions et aux moyens de les prévenir et d’y faire obstacle ».

Les échanges d’informations opérationnelles concernent aussi les méthodes habituelles observées par l’une des Parties dans le domaine de ce commerce international et du blanchiment d’argent qui en résulte. Les deux Parties peuvent enfin échanger des échantillons et des informations techniques.

L’article 5 prévoit, quant à lui, les conditions de coopération pour lutter contre le terrorisme et en faveur de la sécurité intérieure. Cette coopération passe, par des échanges de bonnes pratiques dans les quatre domaines suivants :

– les mesures de sécurité pour protéger le public,

– la supervision et le maintien de l’ordre public,

– la sécurité des manifestations publiques,

– le maintien de l’ordre au sein des groupes sociaux.

C – Une coopération encadrée : la garantie des droits fondamentaux et des intérêts essentiels de l’Etat

La coopération en matière de sécurité intérieure est indispensable mais, par son objet même, elle doit être encadrée de sorte que les droits des individus soient garantis.

L’article 7 de l’accord prévoit, à cet effet, que chacune des Parties peut rejeter la demande formulée par l’autre Etat lorsqu’elle estime que, en vertu de sa législation nationale, une réponse positive à cette requête porterait atteinte aux droits fondamentaux de la personne. La formulation de cet article, que l’on retrouve dans tous les accords, est suffisamment large pour permettre à l’Etat auquel est adressée la demande d’apprécier au mieux si les droits de la personne en cause risquent d’être ou non bafoués. Cette appréciation ne peut être juridiquement contestée par l’autre Partie.

En application de l’article 10, une demande de coopération peut également être rejetée par l’une des Parties si elle estime que son acceptation porterait atteinte à sa souveraineté, à la sécurité nationale, à l’ordre public, à intérêt public ou – formule là encore très large – à d’autres intérêts supérieurs de l’Etat.

Les obligations qui s’imposent aux Etats lorsqu’ils échangent des informations sont précisées par les articles 7 et 8 de l’accord.

Les échanges doivent être conformes à la législation nationale de chacun des Etats. En réponse à une question de votre Rapporteur, le ministère des affaires étrangères et européennes a indiqué que, en Israël, la protection des données personnelles était garantie pas les voies de recours judiciaires ordinaires et que les autorités avaient décidé d’améliorer ce dispositif de protection en le rapprochant des standards européens, dans le cadre d’un projet de jumelage avec la Commission européenne, confié pour exécution à l’Espagne en 2009 : il porte sur le renforcement de la législation israélienne dans ce domaine et sur l’élargissement des compétences de l’ILITA, l’Israeli law information and technologie authority. Le dispositif actuel est néanmoins déjà suffisamment protecteur pour que, suite au rapport établi par EUROPOL sur le niveau de protection des données garanti par Israël et à l’avis positif de l’Autorité de contrôle commune, le Conseil de l’Union européenne ait conclu qu’il n’existait aucun obstacle empêchant EUROPOL d’entamer des négociations avec Israël autour d’un accord de coopération incluant la transmission de données personnelles.

Malgré cela, la législation actuellement en vigueur en Israël n’assure pas encore un niveau de protection suffisant au regard des exigences posées en France par la loi « informatique et liberté » (5). Dans ce cas, les transferts de données nominatives ne sont possibles, à titre dérogatoire, qu’après la publication d’un décret en Conseil d’Etat, procédure très lourde qui exclut dans les faits les transferts de telles données.

Les stipulations relatives aux échanges de données à caractère personnel sont présentes dans de nombreux accords de coopération en matière de sécurité, mais la législation des Etats parties ne permet que très rarement leur application par la France. Elles sont insérées dans l’accord afin que celui-ci n’ait pas à être renégocié lorsque les législations de ces Etats seront devenues assez protectrices pour permettre de tels échanges. Dans le cas israélien, cette situation pourrait être atteinte à relativement court terme.

Par ailleurs, comme toujours, il est précisé que les informations ou données communiquées ne peuvent être diffusées à d’autres autorités qu’après consentement écrit de la Partie émettrice.

Aux termes de l’article 8 de l’accord, la France et Israël s’engagent enfin à garantir le traitement confidentiel des informations qui ont ce caractère selon l’autre Partie.

D – La mise en place d’une instance de suivi

Afin d’assurer un suivi régulier de l’exécution de l’accord et son évaluation, l’article 9 crée un groupe de travail. Il se réunira tous les ans, en principe alternativement à Paris et à Jérusalem.

Il appartiendra à cette instance de faire le bilan de la mise en œuvre de l’accord, d’élaborer et d’approuver un programme de travail pour l’année à venir, mais aussi de coordonner les propositions en matière de formation, d’information, d’échange de personnels et de recherche et développement dans le champ de l’accord.

Le groupe de travail s’est d’ores et déjà réuni une première fois en mars 2009 en Israël et sa deuxième réunion devrait se tenir à Paris en 2010. Elle visera notamment la mise en relation plus étroite de nos offices centraux, notamment dans la lutte contre la criminalité organisée et contre la grande délinquance financière et économique.

CONCLUSION

Le présent accord vise ainsi à donner un cadre normatif et un nouvel élan à des actions de coopération bilatérales déjà menées depuis plusieurs années entre notre pays et l’Etat d’Israël, dont la situation sécuritaire est marquée à la fois par des problèmes particuliers de terrorisme liés à sa position géopolitique et par des phénomènes plus classiques de criminalité organisée. Dans ces deux domaines, la France a tout à gagner à partager son expérience et ses informations avec lui.

L’intérêt qu’Israël attache à cet accord s’est traduit par la rapidité de sa ratification, intervenue dès le 9 septembre 2008. Il est plus que temps que notre pays achève lui aussi cette procédure.

Votre Rapporteur est favorable à l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 9 décembre 2009.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Lecoq. Il n’est guère surprenant qu’Israël ait ratifié rapidement cet accord et je ne serais pas étonné non plus qu’il orchestre une campagne de communication pour donner force publicité à une ratification par la partie française. Si nous faisions cela, nous donnerions notre appui à une politique que je n’hésite pas à qualifier de terroriste – je l’ai d’ailleurs dit à M. Ehud Olmert en personne ainsi que lors de nos entretiens avec les représentants d’Israël et des Palestiniens en marge de l’Assemblée générale des Nations unies.

M. Éric Raoult. Ces propos sont scandaleux !

M. Jean-Paul Lecoq. Le Président de la République avait déclaré vouloir aider Israël à sortir de la situation dans laquelle il se trouve. Ce n’est pas ainsi que nous aiderons Israël qui doit d’abord normaliser sa situation. Or avec un tel accord de coopération, la France se comporte à l’égard d’Israël comme s’il s’agissait d’un État ordinaire. Rien n’est plus faux, puisqu’il ne respecte pas ses obligations internationales. Je n’ai pas besoin de vous rappeler les événements de Gaza ni les débats actuels autour du rapport Goldstone. Le terreau du terrorisme est alimenté par cette situation. Il faut que la justice passe et la situation des Palestiniens mérite que l’on s’y intéresse. Le groupe GDR ne peut adopter un tel projet et s’opposera à l’inscription de ce texte en séance publique en procédure d’examen simplifiée.

M. le Président Axel Poniatowski. Je puis vous assurer qu’un débat aura lieu en séance publique.

M. Éric Raoult. Je ne m’exprime pas contre notre collègue Jean-Paul Lecoq mais contre ses propos qui ne peuvent s’expliquer que par une méconnaissance de la situation.

L’accord de coopération soumis à notre examen ne traite pas de politique internationale mais de lutte contre la grande criminalité et le terrorisme. L’excellent travail du Rapporteur montre que les problèmes soulevés concernent des civils et non des militaires. Ce sont les civils qui sont victimes du terrorisme et de l’insécurité, à Ashdod, Eilat ou Tel Aviv. Parmi eux il y a des francophones, et même des communistes ! Chacun des vingt derniers attentats perpétrés en Israël a fait des victimes qui avaient de la famille dans la communauté juive de France. Il faut saluer l’objectivité du Rapporteur, saluer la politique de normalisation de nos relations bilatérales conduite par le Président Nicolas Sarkozy et redire que l’accord du 23 juin 2008 renforce l’estime et l’amitié entre nos deux États. Israël est un petit pays qui fait des miracles mais où un 11-septembre est possible tous les jours. Nous pourrions au moins nous montrer unanimes pour souhaiter la libération rapide de notre compatriote Gilad Shalit avant Noël.

M. Jean-Marc Roubaud. Je pense que cet accord va dans le bon sens. L’État d’Israël est une cible très sensible. Les populations civiles sont en effet les premières visées. L’accord prévoit-il des mesures particulières pour la préservation des infrastructures vitales du pays ? Par ailleurs, la question du mur qui participe à la sécurisation de l’Etat d’Israël est-elle évoquée ?

M. Daniel Garrigue. Je dois dire mon étonnement devant l’inscription de ce projet de loi à l’ordre du jour. Si je comprends les besoins de coopération en matière de lutte contre le blanchiment d’argent ou le trafic illicite de stupéfiants, la situation est extraordinairement ambiguë s’agissant du terrorisme : en ce moment se déroule une discussion sur le rapport Goldstone, approuvé par l’Assemblée générale des Nations unies, la France s’étant abstenue. Les États membres de l’Union européenne doivent par ailleurs prendre position conjointement sur la question israélo-palestinienne et la possibilité d’une future reconnaissance d’un État palestinien. Le rapport Goldstone fait état de manquements à la licéité internationale aussi bien de la part d’Israël que de la part du Hamas. Sans être un État terroriste, Israël viole ses obligations internationales. Dans ce contexte, l’article 4 du texte de l’accord est étonnant : à quoi correspond l’échange de bonnes pratiques s’agissant du « maintien de l’ordre au sein des groupes sociaux » évoqué au point 4 ? Ce genre de questions devrait être traité à l’échelle de l’Union européenne. Les Palestiniens risquent de nourrir un sentiment d’isolement devant la ratification d’un tel accord.

M. le Président Axel Poniatowski. Je vous rappelle qu’en tant qu’État souverain, la France a toute capacité pour conclure ce type d’accords bilatéraux.

M. Patrick Labaune. Notre débat a débordé sur le terrain politique. Pour en revenir au texte, je souscris à l’analyse de M. Daniel Garrigue sur les points 3 et 4 de l’article 4 de l’accord : en quoi la République française a-t-elle à se mêler du contrôle des rassemblements publics en Israël et du maintien de l’ordre au sein des groupes sociaux ?

M. François Loncle. Sur un sujet aussi sensible, je pense que toutes les opinions sont respectables, et ne doivent pas donner lieu à des admonestations entre personnes. Je suis moi-même également étonné du moment choisi pour présenter ce projet de loi, et du caractère assez partiel du rapport de notre collègue.

Certains ont déjà souligné les anomalies de cet accord. Nous nous apprêtons à autoriser la ratification d’un accord avec un pays en guerre, qui fait l’objet d’enquêtes internationales depuis l’intervention militaire à Gaza. La France, si elle n’a pas voté en faveur du rapport Goldstone, plaide pour que soit menée une autre enquête afin d’établir la vérité sur ces événements.

Le groupe socialiste, radical et citoyen demande que ce texte fasse l’objet d’un débat en séance. Pour ma part, je ne peux appeler à voter ce projet visant à autoriser la ratification d’un tel accord de coopération en raison des zones d’ombre déjà évoquées ici.

M. Jean-Michel Ferrand. L’accord porte sur la criminalité organisée et la lutte contre le terrorisme. Une évolution des règles d’extradition entre la France et Israël est-elle intervenue ou en cours ? J’ai souvent constaté des difficultés dans ce domaine.

M. André Schneider. Ma question portait également sur le thème de l’extradition. Je souhaiterais aussi obtenir des précisions sur le type d’informations qui pourraient être échangées à la demande de l’un des pays, comme le présent accord le prévoit. De manière générale, le thème de cet accord est délicat, et il doit être manié avec prudence.

M. Axel Poniatowski, président de la commission. Les échanges d’informations ne sont pas réalisés sur simple demande d’un Etat, mais sur décision souveraine de l’Etat auquel la demande est faite.

M. Jean-Pierre Dufau. Je tiens à remercier le rapporteur pour son travail, dont l’étendue couvre exactement celle de l’accord en discussion aujourd’hui. Le problème est tout autre, et concerne le moment retenu pour discuter de ce projet de loi, qui soulève des questions d’ordre politique. Faut-il y voir un calcul de la part du Gouvernement ? La discussion de ce projet avant les événements de Gaza aurait été entourée de beaucoup moins d’ambiguïté.

Il n’est pas question d’être contre l’Etat d’Israël. La France a toujours cherché à mener une politique équilibrée, reconnaissant les droits de l’Etat israélien, et le droit des Palestiniens à avoir un Etat. Or, on sait que, depuis l’intervention à Gaza, et alors que le rapport Goldstone fait débat, tout mouvement diplomatique dans un sens ou dans un autre sera interprété comme un choix partisan.

Le problème principal de l’accord réside dans son article 4, comme on l’a dit. Le rapporteur affirme que la France a tout à gagner à la ratification de cet accord : je n’en suis pas persuadé. Je ne pense pas non plus qu’Israël ait tout à gagner à la mise en œuvre de cet accord. Je pense en tout cas qu’il n’est pas possible de le ratifier en ce moment, car cela va à l’encontre de la tradition d’une politique française équilibrée dans la région. J’estime qu’en l’état il serait malvenu d’adopter ce projet de loi.

M. Jean-Claude Guibal. En ce qui concerne le terrorisme, je mesure le caractère très délicat de ce projet de loi. Ma question porte sur la criminalité organisée : est-elle le fait de réseaux internationaux qui opèrent dans le monde entier, ou bien l’expression permet-elle de cibler la criminalité organisée dans les pays arabes, dont il est rarement fait mention ?

M. Jacques Myard. Il faut garder la tête froide dans cette affaire. Nous avons de bonnes relations avec Israël, mais nous menons une politique équilibrée appelant également à la viabilité du futur Etat palestinien.

Sur l’accord qui nous occupe, il faut rappeler qu’en matière de lutte anti-terroriste, une coopération existe à tous les niveaux entre les services spécialisés. L’accord ne porte pas non plus sur les pratiques judiciaires, mais sur des domaines de coopération très généraux, et pas directement opérationnels. Auparavant, un accord comme celui-là n’aurait pas eu besoin de l’autorisation du Parlement pour être ratifié.

La question du moment de la ratification mérite d’être posée, car cette décision sera, de toutes façons, instrumentalisée par les parties belligérantes. Il serait donc souhaitable pour la commission d’auditionner au préalable le ministre en charge des affaires étrangères, et d’obtenir de la part du gouvernement un engagement ferme à signer des accords comparables avec tous les Etats de la région (Syrie, Egypte, Jordanie…).

Cela me paraît être les conditions nécessaires pour préserver l’image de la France au Proche-Orient. Si de telles précautions n’étaient pas prises, cela susciterait une polémique, y compris hors de cette région, et la France apparaîtrait partiale.

M. le président Axel Poniatowski. Je vous confirme que je demanderai que ce projet de loi soit discuté en séance publique et que ce sera l’occasion d’interpeller le ministre sur le contenu de l’accord, mais je vous inviterai tout à l’heure à approuver le projet de loi dont le calendrier de discussion n’a rien que de très ordinaire.

M. François Asensi. Je suis également troublé par ce texte. Je veux redire tout d’abord qu’il n’est pas question de remettre en cause l’attachement des membres de mon groupe à ce qu’Israël ait des frontières sûres : c’est un principe fort de nos positions. Cela étant dit, notre rapporteur a fait référence au droit international et je voudrais lui faire remarquer qu’Israël est précisément un Etat qui n’applique pas le droit international, comme en témoigne la construction du mur ou d’autres de ses actions. Cet accord pose problème en ce qu’il peut amener la France à aller au-delà de ce qui est prévu. Je rappelle aussi que, il n’y a pas si longtemps, Israël soutenait le Hamas contre l’Autorité palestinienne. Les choses sont des plus compliquées et rien ne nous dit que les dispositions prévues ne seront pas utilisées dans le cadre d’une politique coercitive.

M. Didier Mathus. Je ressens également un malaise sur le rapport de notre collègue Robert Lecou. Le débat que nous avons montre qu’il s’agit d’un texte qui n’est pas que technique et l’on n’échappera pas à la récupération. Israël n’est pas un Etat banal. Il se refuse au respect du droit international. Il n’est pas envisageable que notre Assemblée autorise la ratification de cet accord tant qu’il contiendra des dispositions telles que celles de l’article 4, alors qu’il y a le mur de séparation. Je suis allé sur place à de nombreuses reprises, je connais bien la situation, et je sais notamment comment on maintient l’ordre au sein des groupes sociaux dans l’Etat d’Israël.

M. Henri Plagnol. Je rejoins notre collègue Jacques Myard sur la question de la portée de l’accord qui ne fait que formaliser une pratique existante. Quant à la question de l’opportunité, il est clair, hélas, que ce n’est jamais le moment, s’agissant de cette région du monde. Il y aura toujours surinterprétation de part et d’autre, quelque décision que l’on prenne. C’est un piège dans lequel nous devons nous garder de tomber en donnant à ce texte une portée qu’il n’a pas.

Sur le fond, je suis favorable à cet accord, à une réserve près. Israël est une démocratie, c’est un Etat de droit, qui est cependant en lutte permanente pour sa sécurité, dans le cadre d’une guerre parfois sale, mais il y a une Cour suprême et il existe une procédure parlementaire pour ratifier des textes, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays dans la région. Nous avons de plus conclu des accords similaires avec d’autres Etats, comme l’Arabie saoudite, nous sommes même intervenus à La Mecque, lorsqu’il y a eu des insurrections, et dans beaucoup d’autres pays pour les aider à maintenir l’ordre public et leur stabilité.

En revanche, je suis réservé sur la notion de « groupes sociaux » qui, pour autant que je sache, est une notion qui n’existe pas en droit français. Il y a pour le moins ici une maladresse. Cela étant, les hésitations doivent être levées car le texte comporte des clauses de sauvegarde très claires, aux articles 7 d’une part et 10 d’autre part, qui pose notamment le principe du refus de coopérer que l’on peut opposer aux demandes. Il y a des garanties et il serait anormal de ne pas ratifier cet accord à un moment où l’on entend précisément rééquilibrer notre politique dans la région pour peser et faire aboutir le processus de paix.

M. Jean-Michel Boucheron. S’il ne s’agissait que de conclure un accord avec Israël il n’y aurait pas de problème. Mais Israël occupe aujourd’hui un certain nombre de territoires sur des régions voisines et, même avec les clauses de sauvegarde qui ont été rappelées, personne ne pourra être certain que les moyens seront utilisés uniquement sur le territoire historique d’Israël et non sur tous les territoires qu’il administre. Cette éventualité est insupportable. Il y a au minimum une grande maladresse, notamment dans l’article 4, et il est souhaitable que cette partie soit réécrite.

M. Patrick Balkany. La lutte contre le terrorisme est cruciale pour nous tous, et pas seulement pour Israël. Les services spéciaux français pensent avant tout à protéger la France. Les spécialistes sont particulièrement inquiets quant à la possibilité d’attaques terroristes en France et en Europe, et pas seulement dans les pays belligérants. Par conséquent, tout accord de coopération avec Israël, comme avec l’ensemble des pays du Proche-Orient, est indispensable. On a besoin de leurs informations pour mieux se protéger, et quelles que soient les imperfections de tel ou tel article de l’accord, il faut autoriser sa ratification. C’est important pour notre propre sécurité.

M. Axel Poniatowski. Je constate qu’il s’agit plus ici d’un débat d’opinions que de questions précises. Je cède la parole à notre rapporteur pour répondre sur les principaux points, puis nous passerons au vote.

M. Robert Lecou, rapporteur. Les interventions sont nombreuses et multiples. Je voudrais dire pour commencer que cet accord porte sur une coopération qui existe déjà entre les deux Etats et à laquelle il s’agit de donner un cadre normatif. Nous avons déjà signé de tels accords avec d’autres Etats de la région : avec l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Liban, la Libye. Israël de son côté a signé des accords avec de nombreux Etats, dont la Russie, l’Ukraine, la Hongrie, la Roumanie, la Grèce, la Lituanie, l’Italie, la Bulgarie, l’Espagne, l’Allemagne, la Serbie et la Croatie, les Etats-Unis, le Canada, trois pays d’Amérique latine (Argentine, Mexique, Panama) et la Jordanie. Ces informations vous permettent de resituer cet accord dans le contexte des accords bilatéraux.

Je rappelle qu’il ne contient aucune dimension militaire. Il s’agit de lutter contre la grande criminalité, les actes de terrorisme, le trafic de drogue. De nombreux Français ont déjà été victimes de réseaux de fraudes sur internet implantés en Israël. Il ne s’agit pas seulement d’apporter de l’aide à Israël mais aussi de renforcer notre propre sécurité. Par ailleurs, au niveau européen, un accord avec Europol est en négociation avec Israël. Il y a également un programme communautaire pour la formation de la police palestinienne, intitulé Eupol Copps, auquel notre pays participe. Il y a donc aussi une coopération dans ce domaine avec l’Autorité palestinienne.

Pour répondre à la question de mon collègue Jean-Michel Ferrand, je confirme qu’il n’y a pas d’accord d’extradition franco-israélien mais qu’il existe un accord d’entraide judiciaire en matière pénale.

Cet accord de coopération est un accord technique dont le calendrier, qui a souvent été évoqué, a été le suivant : signature en juin 2008 à l’occasion de la visite du Président de la République en Israël, dépôt du projet de loi en août 2009. Il est donc normal que nous en soyons saisis cet automne. Je rappelle donc que c’est un accord technique de coopération en matière de lutte contre la criminalité organisée qui est un fléau qui gagne lentement Israël, et le terrorisme. Récemment, dans ma région, une prise exceptionnelle de cinq tonnes de stupéfiants a été réalisée, en relation avec des trafics étant passés par Israël.

M. Axel Poniatowski. Mes chers collègues, je vous invite à approuver cet accord. Il est vrai que dès que l’on parle d’Israël, les choses sont extrêmement sensibles. Il s’agit d’un accord peu contraignant, en particulier avec son article 10, qui permet à chaque Etat de refuser de coopérer s’il ne souhaite pas le faire. J’estime que le fait de ne pas approuver l’accord serait une façon d’aggraver la situation et je ne crois pas, étant donné que c’est un sujet éminemment politique, que la position de chacun serait modifiée par une nouvelle rédaction de l’accord ou par la multiplication des auditions. Je considère que ce serait grave si la Commission des affaires étrangères n’approuvait pas ce projet de loi. Bien évidemment, personne ne peut être accusé d’être partisan en donnant son approbation. Il y a toujours eu de la part de notre pays la préoccupation d’adopter une position équilibrée prenant en compte les aspirations des Israéliens et des Palestiniens. Il convient de continuer en ce sens.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 1892).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXES

Liste des accords bilatéraux en matière de sécurité intérieure,
signés par la France ou en cours de négociation

Pays

Matière concernée

Situation de l’accord

Afrique du Sud

Police

en vigueur depuis le 11/11/1998

Albanie

Sécurité intérieure

en cours de ratification

Algérie

Sécurité et lutte contre la criminalité organisée

en vigueur depuis le 01/04/2008

Arabie saoudite

Sécurité intérieure et de défense civile

en cours de ratification

Bahreïn

Sécurité intérieure et de défense civile

en cours de ratification

Bosnie-Herzégovine

Sécurité intérieure

en cours de négociation

Brésil

Sécurité publique

en vigueur depuis le 01/09/2007

Bulgarie

Sécurité intérieure

en vigueur depuis le 01/05/2005

Chine

Sécurité intérieure

en vigueur depuis le 10/09/2006

Chypre

Sécurité intérieure

en vigueur depuis le 01/11/2007

Colombie

Sécurité intérieure

en vigueur depuis le 01/06/2007

Croatie

Sécurité intérieure

en vigueur depuis le 01/09/2009

Emirats arabes unis

Sécurité intérieure

en cours de ratification

Equateur

Sécurité intérieure

en cours de négociation (finalisation)

Géorgie

Sécurité intérieure

en cours de négociation

Grèce

Sécurité intérieure

en cours de ratification

Hongrie

Affaires intérieures

en vigueur depuis le 27/01/2000

Israël

Lutte contre la criminalité et le terrorisme

en cours de ratification

Kazakhstan

Lutte contre la criminalité

en cours de ratification

Lettonie

Sécurité intérieure

en cours de négociation

Liban

Sécurité intérieure, sécurité civile et administration matière de sécurité intérieure

en cours de négociation (finalisation)

Libye

Sécurité et lutte contre la criminalité organisée

en cours de ratification

Macédoine

Sécurité intérieure

en vigueur depuis le 01/09/2006

Malte

Affaires intérieures

en vigueur depuis le 01/07/1998

Maroc

Sécurité

en vigueur depuis le 01/05/2001

Maurice

Sécurité intérieure

en cours de ratification

Mexique

Sécurité publique

en vigueur depuis le 20/08/1999

Moldavie

Sécurité intérieure

en cours de négociation

Oman

Sécurité intérieure

en cours de négociation

Pakistan

Sécurité intérieure

en cours de négociation

Pays-Bas

Police et sécurité

en vigueur depuis le 01/03/1999

Pérou

Sécurité intérieure

en cours de négociation

Pologne

Affaires intérieures

en vigueur depuis le 01/03/1998

Portugal

Sécurité intérieure

en cours de négociation (finalisation)

République tchèque

Police, sécurité civile et administration publique

en vigueur depuis le 01/08/1997

Roumanie

Affaires intérieures

en vigueur depuis le 01/01/1998

Russie

Sécurité intérieure et lutte contre la criminalité

en vigueur depuis le 01/02/2005

Serbie

Police

en cours de négociation (finalisation)

Slovaquie

Affaires intérieures

en vigueur depuis le 01/12/1998

Slovénie

Sécurité intérieure

en cours de ratification

Tadjikistan

Sécurité intérieure

en cours de ratification

Turquie

Sécurité intérieure

en cours de négociation

Ukraine

Police

en vigueur depuis le 01/08/2004

Venezuela

Lutte contre l’usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes

en vigueur depuis le 01/03/1990

Vietnam

Sécurité intérieure

en cours de ratification

Yémen

Sécurité intérieure

en cours de négociation

NB : ne figurent pas dans ce tableau les accords bilatéraux de coopération transfrontalière en matière policière et douanière (signés avec l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg, la Royaume-Uni, le Surinam).

Source : ministère des affaires étrangères et européennes.

Accords ou mémorandums d’accord
portant sur la sécurité intérieure
conclus par l’Etat d’Israël
(1)

Etat co-signataire

Date de signature

Turquie

1994

Ukraine

1994

Grèce

1995

Jordanie

1995

Chypre

1995

Argentine

1996

Mexico

1997

Russie

1997

Hongrie

1997

Biélorussie

1997

Malte

1999

Panama

2001

Roumanie

2001

Moldavie

2003

Lituanie

2003

Inde

2003

Bulgarie

2007

Italie

2007

Espagne

2007

Pays-Bas

2007

Etats-Unis

2007 et 2008

France

2008

Allemagne

2008

Canada

2008

Serbie

2009

Croatie

2009

(1) Par ordre chronologique de signature.

Source : ministère des affaires étrangères et européennes.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État d’Israël sur la lutte contre la criminalité et le terrorisme, signé à Jérusalem le 23 juin 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1892).

© Assemblée nationale

1 () La liste de ces accords figure en annexe.

2 () Entre 2000 et 2008, les actes terroristes ont tué 1 116 personnes en Israël, dont 786 civils.

3 () Convention des Nations unies de lutte contre la criminalité organisée, signée à Palerme en décembre 2000.

4 () La liste de ces accords figure en annexe.

5 () Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.