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N
° 2341

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 février 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Bahreïn relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile,

par M. Jean-Luc REITZER

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros  :

Sénat : 312 (2008-2009), 175, 176 et T.A. 42 (2009-2010).

Assemblée nationale : 2200.

INTRODUCTION 5

I – BAHREÏN : UN ETAT DU GOLFE AVEC LEQUEL LA FRANCE A DENSIFIÉ SES RELATIONS 7

A – UN ETAT DU GOLFE RELATIVEMENT OUVERT 7

1) Une ouverture démocratique réelle 7

2) Une économie diversifiée et ouverte 8

3) Une politique extérieure pro-occidentale 9

B – DES RELATIONS FRANCO-BAHREÏNIENNES DE PLUS EN PLUS DENSES 10

1) Des partenaires en matière économique 10

2) Le développement des actions de coopération culturelle, scientifique et technique 11

3) Le souhait d’une coopération plus étroite en matière de sécurité intérieure 12

II – UN ACCORD VISANT À ENCADRER UNE COOPÉRATION PRINCIPALEMENT TECHNIQUE 13

A – DES DOMAINES NOMBREUX POUR UNE COOPÉRATION ESSENTIELLEMENT TECHNIQUE 13

1) Un vaste champ d’application 13

2) Une coopération essentiellement technique 14

B – LES GARANTIES DE LA PRÉSERVATION DE LA SOUVERAINETÉ NATIONALE 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

_____

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 21

Mesdames, Messieurs,

Depuis le début de la XIIIème législature, notre commission a déjà examiné cinq accords bilatéraux de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure, conclus avec la Croatie, la Slovénie, l’Albanie, Israël et la Libye. Elle se prononcera très prochainement sur un accord du même type avec l’Ile Maurice, tandis que des accords avec l’Arabie saoudite et la Grèce sont actuellement en attente de leur examen par le Sénat.

On le voit, la France multiplie depuis quelque temps la négociation et la signature de tels accords : vingt et un d’entre eux sont d’ores et déjà en vigueur, vingt-cinq sont encore en cours de négociation ou, ayant été signés, en attente de ratification. Ce mouvement vise à harmoniser et renforcer la cohérence de la coopération en matière de sécurité intérieure que notre pays a développée avec de nombreux Etats. Les accords sont élaborés à partir d’un modèle unifié et se substituent parfois à des accords de coopération policière conclus précédemment. En conférant une base juridique solide aux actions bilatérales de coopération opérationnelle et technique, ils permettent de les développer, en particulier avec des pays desquels la France peut attendre un retour au profit de sa propre sécurité.

Etat du Golfe relativement atypique, Bahreïn a renforcé depuis quelques années ses liens avec la France. Si la coopération bilatérale est loin de se limiter à ce champ, elle concerne aussi la sécurité intérieure et civile, domaine dans lequel Bahreïn rencontre des difficultés particulières.

Après avoir brièvement présenté l’Etat de Bahreïn, en insistant sur ses singularités, et avoir rappelé ses relations avec notre pays, votre Rapporteur détaillera les stipulations d’un accord de coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile, qui sont à la fois simples et habituelles dans les accords de ce type.

I – BAHREÏN : UN ETAT DU GOLFE AVEC LEQUEL LA FRANCE A DENSIFIÉ SES RELATIONS

Depuis plusieurs années, la France développe des actions de coopération dans de nombreux domaines avec les Etats du Golfe arabo-persique, en particulier avec l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar et Bahreïn. Si, avec environ un million d’habitants – dont 50 % seulement de nationaux – sur un archipel de 711 km2, Bahreïn est un Etat de petite taille, il n’en présente pas moins des particularités qui font de lui un partenaire stratégique important, dans une région qui joue un rôle décisif pour l’équilibre mondial.

A – Un Etat du Golfe relativement ouvert

La politique extérieure de Bahreïn n’est pas radicalement différente de celle de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, marquée qu’elle est par l’alliance stratégique avec Washington, mais sa politique intérieure et sa situation économique se caractérisent par une plus grande ouverture que celles de ses voisins.

1) Une ouverture démocratique réelle

Indépendant depuis le 15 août 1971 après avoir été sous protectorat britannique, Bahreïn a été un émirat avant de devenir un royaume, le 14 février 2002. Il est dirigé par une famille sunnite, alors qu’il est le seul Etat majoritairement chiite de la péninsule arabique : les trois quarts des environ 530 000 Bahreïniens sont en effet chiites. Cette singularité, source potentielle de faiblesse, n’est pas sans lien avec le processus d’ouverture et de réforme en profondeur des institutions politiques lancé par le roi Hamad, à la tête de l’Etat depuis 1999.

Ce processus a conduit à la libération des prisonniers politiques, à l’abolition des lois de sûreté de l’Etat, à l’instauration d’un Parlement bicaméral et à l’organisation d’élections municipales et législatives. Le roi fait également figure de pionnier dans la région du Golfe en matière de droits des femmes : elles bénéficient du droit de vote depuis 2001, une puis deux femmes ont été nommées membres du gouvernement en 2004, une femme a été élue au Parlement en novembre 2006.

Un « dialogue national » a été lancé avec l’ensemble des mouvements politiques du pays, y compris ceux qui avaient choisi de rester à l’écart du jeu politique en boycottant les élections de 2002, à savoir les deux associations politiques chiites et les deux associations politiques nationalistes arabes, qui protestaient contre le verrouillage du système électoral au profit de la famille régnante. La décision de ces associations politiques chiites et libérales de participer aux élections législatives de novembre 2006 a permis de lever une première hypothèque. L’opposition chiite et le gouvernement prônent tous deux l’apaisement et le consensus. Les autorités royales mettent plus que jamais en avant leur attachement au respect des droits de l’Homme en favorisant, notamment, la liberté d’expression et de réunion.

Face à la montée du confessionnalisme – phénomène qui affecte de plus en plus la vie sociale et politique du pays –, le roi Hamad prêche la réconciliation et le rejet de tout sectarisme. A l’occasion d’une rencontre entre responsables religieux sunnites et chiites, organisée le 29 juillet 2008, le roi a annoncé son intention de créer un observatoire national, composé de personnalités des deux courants de l’islam, chargé de « moraliser le discours religieux ». Cette initiative, saluée par l’opposition chiite, fait suite à la création, en juin, d’une commission gouvernementale chargée de lutter contre le confessionnalisme.

D’une manière générale, les organisations internationales de défense des droits de l’Homme saluent la volonté d’ouverture du pouvoir, même si celle-ci n’empêche pas la persistance de réflexes peu démocratiques dans certaines situations. Les élections générales prévues fin 2010 donneront l’occasion de mesurer la réalité des progrès accomplis.

2) Une économie diversifiée et ouverte

Premier pays de la région à exploiter ses hydrocarbures, dont les ressources sont par ailleurs moins importantes que celles de ses voisins, Bahreïn a aussi été un précurseur en matière de diversification et d’ouverture économiques.

Il a libéralisé, dès le début des années 1980, la législation applicable à l’investissement étranger, autorisant en particulier les sociétés étrangères à prendre une participation de 100 % dans une société bahreïnienne. Les autorités ont ainsi pu développer l’appareil industriel du pays, notamment dans le secteur de l’aluminium et dans celui du tourisme.

Manama, la capitale, est surtout devenue la première place financière du Golfe (devant Dubaï), avec environ 400 banques et institutions financières, grâce à la qualité reconnue du contrôle et de la régulation mis en place par la banque centrale. C’est en particulier un pôle de la finance islamique (elle compte vingt-quatre banques islamiques, onze assureurs islamiques et trente-quatre fonds islamiques). Au total, les services financiers représentent près de 25 % du PIB de l’archipel.

Du fait de cette diversification, le secteur des hydrocarbures ne contribue plus au PIB qu’à hauteur de 25 %. Il demeure cependant déterminant pour les grands équilibres du pays (il représente encore 70 % des recettes budgétaires et des exportations). Les réserves bahreïniennes étant en voie d’épuisement, Bahreïn est dépendant du pétrole brut cédé par l’Arabie Saoudite à prix coûtant ou à titre gracieux.

L’Etat conserve un rôle déterminant dans l’économie. 60 % du PIB sont générés par des entreprises détenues en majorité ou en totalité par le gouvernement ou la famille royale. Un programme de privatisation est en cours. Un bureau de supervision, de transparence et de contrôle des passations de marchés publics a été créé et placé sous l’autorité du prince héritier. Bahreïn a signé en février 2005 la convention des Nations unies contre la corruption.

Il a aussi signé en septembre 2004 un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Le Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (CCEAG), dont il est membre, et l’Union européenne négocient actuellement un accord de libre-échange, qui permettra à Bahreïn d’obtenir une baisse des tarifs appliqués à l’aluminium et aux produits pétroliers. Par ailleurs, un accord de coopération en matière de nucléaire civil a été signé en mars 2008 avec Washington.

Le développement économique ne permet pas de freiner la croissance du chômage (actuellement proche de 15 %), du fait de l’arrivée de nouvelles classes d’âge sur le marché du travail. Plus de 60 % des emplois sont occupés par des travailleurs étrangers

3) Une politique extérieure pro-occidentale

Bahreïn est l’un des six Etats membres du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe. Le différend territorial qui l’opposait au Qatar sur les îles Hawar est résolu depuis un arrêt de la Cour internationale de Justice du 16 mars 2001, qui reconnaît la souveraineté bahreïnienne sur ces îles. Bahreïn a accueilli le sommet du CCEAG de décembre 2004, ainsi que le 15e sommet UE-CCEAG en avril 2005.

Bahreïn entretient des liens étroits avec l’Arabie Saoudite, à laquelle il est relié par un pont-digue de 25 km. Outre l’aide pétrolière qu’elle lui fournit, l’Arabie saoudite représente l’essentiel de ses entrées touristiques, ainsi qu’un débouché substantiel pour sa production d’aluminium. Elle est le premier fournisseur de Bahreïn et son troisième client.

Le royaume entretient de fait des relations privilégiées avec les Etats-Unis, qui lui ont accordé en 2001 le statut d’« allié majeur hors OTAN ». Il accueille le commandement de la Ve flotte américaine et celui de la force navale du Commandement central américain, et a servi de point d’appui à l’intervention militaire américaine en Irak.

Pendant la crise irakienne de 2003, les autorités bahreïniennes ont eu une marge de manœuvre limitée compte tenu de l’alliance stratégique les liant à Washington. Elles ont adopté un profil bas pendant toute la durée du conflit et se sont bornées à endosser les déclarations de la Ligue arabe et du CCEAG. Elles ont nommé un ambassadeur à Bagdad en septembre 2008.

L’Iran, qui revendiquait dans les années 1970 sa souveraineté sur Bahreïn, a pu être suspecté d’avoir eu des sympathies pour l’agitation chiite qui se manifestait dans l’archipel dans les années 1990. Si les rapports entre ces deux pays sont aujourd’hui largement normalisés – les relations diplomatiques ont été rétablies en 1999 –, l’occupation par l’Iran de trois îles émiriennes (les îles Tonb et l’île d’Abou Moussa) et le programme d’enrichissement iranien sont sources de préoccupation.

B – Des relations franco-bahreïniennes de plus en plus denses

La France soutient naturellement la politique d’ouverture du roi Hamad. Ce dernier a effectué plusieurs visites officielles en France, dont la plus récente en décembre 2008. Le Président de la République s’est pour sa part rendu à Bahreïn en visite officielle en février 2009. Les visites de ministres se sont elles aussi accélérées. Le Premier ministre de Bahreïn est ainsi venu à Paris en octobre 2009. C’est à l’occasion d’une visite officielle en France du ministre de l’intérieur de Bahreïn, du 27 au 30 novembre 2007, qu’a été signé l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile.

1) Des partenaires en matière économique

La France et Bahreïn ont conclu plusieurs conventions bilatérales pour favoriser leurs échanges économiques : accord de coopération économique et industrielle du 21 avril 1977, accord de coopération touristique de mars 1980, convention de non-double imposition du 10 mai 1993, accord aérien du 3 juillet 1995 (1), accord de protection et d’encouragement réciproques des investissements du 24 février 2004. A aussi été signée, le 11 février 2009, une déclaration conjointe relative à la coopération dans le domaine de l’énergie nucléaire, qui a permis de mettre en place une coopération nouvelle devant ouvrir la voie à la signature d’un accord de coopération en la matière.

La présence économique française à Bahreïn est concentrée sur quatre secteurs : aluminium, pétrole, électricité, banque. Nos exportations ont progressé de 19,3 % en 2007 pour atteindre 131 millions d’euros. Cependant, notre pays ne se place qu’au onzième rang des fournisseurs de Bahreïn après le Japon, l’Arabie saoudite, l’Australie, la Chine, les Etats-Unis, l’Allemagne ou encore les Emirats arabes unis. La France est à l’origine de 1 % des investissements directs étrangers reçus par le royaume. Les exportations bahreïniennes vers la France sont constituées en majorité de produits pétroliers raffinés et d’aluminium.

A l’occasion de la réunion de la commission mixte bahreïno-qatarienne en mai 2008, a été signé le contrat pour la construction du pont-digue reliant le Qatar à Bahreïn – projet conduit par le consortium Qatar Development et Vinci Construction. La compagnie bahreïnienne Gulf Air a signé, en mai 2008, une commande de trente-cinq Airbus. Dans le domaine de l’électricité et de l’environnement, les entreprises françaises sont de plus en plus présentes : le choix de Suez pour la construction de la première tranche de la centrale thermique d’Al Dour (contrat signé en août 2008) ainsi que celui de la société « constructions industrielles de Méditerranée » (CNIM) pour la construction et l’exploitation de la plus grande usine de traitement de déchets de la région le démontrent.

2) Le développement des actions de coopération culturelle, scientifique et technique

Les relations bilatérales de coopération s’inscrivent pour l’essentiel dans le cadre de l’accord de coopération culturelle et technique du 21 avril 1977. La Commission mixte de coopération culturelle, scientifique et technique a tenu sa dixième session à Manama les 6 et 7 juin 2005. La contribution au renforcement de l’Etat de droit, la coopération éducative et linguistique et la santé constituent les priorités actuelles de notre coopération.

Un accord créant l’Ecole franco-arabe de management et de finance, en partenariat avec les meilleures grandes écoles du réseau de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris et l’Université du Golfe Arabe, a été signé le 18 décembre 2007.

La onzième session de la Commission mixte franco-bahreïnienne s’est tenue le 29 avril 2009 à Paris. Y a été réaffirmée la volonté, partagée par les deux pays, de renforcer leur dialogue, de dynamiser les échanges commerciaux et les investissements croisés et de diversifier leur coopération culturelle, scientifique et technique.

Cette commission mixte a été l’occasion de faire le point sur le bilan très positif de notre coopération depuis la précédente session, marquée notamment par la progression de l’enseignement du français dans les écoles secondaires à Bahreïn, par l’inauguration en février 2009 d’un Centre d’études françaises au sein de l’Université de Bahreïn, par la création effective de l’Ecole franco-arabe de management et de finance au sein de l’Université arabe du Golfe (AGU), par la signature d’un accord pour la formation de médecins spécialistes bahreïniens, par des rencontres entre experts en matière de justice et d’Etat de droit et par des prêts d’expositions par des musées ou institutions comme le musée du Quai Branly ou l’Institut du monde arabe.

Les travaux devaient permettre d’approfondir la coopération en matière éducative et universitaire, en ouvrant des perspectives de partenariats entre l’Université arabe du Golfe et de nouvelles universités françaises, d’augmenter le nombre d’étudiants bahreïniens en France et d’élargir la coopération dans le domaine de la santé, de la justice, de la formation professionnelle et de la restauration du patrimoine.

3) Le souhait d’une coopération plus étroite en matière de sécurité intérieure

C’est la situation particulière de Bahreïn qui explique ses besoins en matière de sécurité intérieure.

Comptant de l’ordre de 6 000 hommes et femmes, la police de Bahreïn, dont le périmètre d’intervention est plus large que celui de la police française, dispose d’un bon niveau de professionnalisme mais manque d’expérience en raison du faible taux de délinquance, qui résulte probablement de l’extrême sévérité de la justice. Mais le récent développement des libertés publiques a entraîné la multiplication des manifestations sur la voie publique, dont certaines ont dégénéré en affrontements avec des incendies de bennes à ordure et de véhicules. Elles sont principalement le fait de la population chiite, qui se dit – à bon droit – victime d’inégalités et de discriminations, surtout en matière d’emploi, de logement et d’accès à la propriété. Des policiers – qui sont tous sunnites – sont régulièrement pris à parti dans certains quartiers de l’archipel. Le ministre de l’intérieur a donc à cœur d’adapter les techniques d’intervention de la police à la nouvelle donne démocratique afin de concilier liberté d’expression et maintien de l’ordre.

La coopération privilégiée établie depuis quatre ans avec la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité a permis d’accompagner la professionnalisation des unités anti-émeute et d’améliorer la gestion des foules, dans un archipel où il n’est pas rare que les manifestations dégénèrent.

Les perspectives d’élargissement de la coopération concernent notamment les directions de la circulation routière, de la sécurité civile et de la police judiciaire. Deux menaces de nature très différentes affectent en effet particulièrement Bahreïn :

– le terrorisme, la menace étant à la fois interne – liée aux dissensions entre chiites majoritaires et sunnites minoritaires détenant les rênes du pays – et externe ;

– l’insécurité routière, le pays souffrant d’un taux d’accident qui figure parmi les plus élevés du monde.

Bahreïn a déjà conclu des accords dans ce domaine avec un nombre important d’Etats du Proche et du Moyen-Orient (Arabie saoudite, Qatar, Turquie, Iran, Yémen, Syrie, Jordanie, Egypte et Koweït) et quelques grands pays (Royaume-Uni, Etats-Unis, Russie, Allemagne).

II – UN ACCORD VISANT À ENCADRER UNE COOPÉRATION PRINCIPALEMENT TECHNIQUE

C’est donc à la demande du ministre de l’intérieur de Bahreïn que la coopération technique « policière » bilatérale a été lancée et a, dans un premier temps, été focalisée sur le maintien de l’ordre. En visite officielle début 2006 en France, le ministre de l’intérieur du Royaume confirmait son désir de développer un partenariat privilégié avec la France, puis exprimait le souhait de lui donner un cadre juridique, sous la forme d’un protocole d’accord.

Une proposition française d’accord de sécurité intérieure a officiellement été remise aux autorités bahreïniennes au printemps 2007, sur la base de l’accord-type simplifié. Le ministre de l’intérieur de Bahreïn, dans un courrier du 24 mai 2007, renvoyait une version de l’accord portant quelques modifications. Il indiquait souhaiter signer cet accord bilatéral à l’occasion d’une prochaine visite officielle en France. Cette signature est intervenue à Paris le 30 novembre 2007.

Cet accord est nettement plus court que l’accord-type dont il s’inspire et que la plupart des autres accords de coopération en matière de sécurité intérieure signés par la France. Il vise simplement à donner un cadre juridique à la poursuite des actions de coopération technique déjà lancées en reprenant des stipulations classiques.

A – Des domaines nombreux pour une coopération essentiellement technique

1) Un vaste champ d’application

Les accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité intérieure visent habituellement les normes internationales suivantes : la convention unique des Nations unies sur les stupéfiants du 30 mars 1961, la convention sur les substances psychotropes du 21 février 1971, la convention du 19 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, ainsi que, parfois, la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations unies en date du 28 septembre 2001 sur la menace à la paix et à la sécurité internationales qui découle de tout acte de terrorisme. L’article 1er du présent accord se contente de citer la convention de 1988 et la résolution du Conseil de sécurité, bien que Bahreïn soit partie aux trois conventions précitées depuis le 7 février 1990.

L’article Ier de l’accord prévoit que la France et Bahreïn s’accordent mutuellement assistance dans une série de domaines : la lutte contre la criminalité organisée – et notamment les « nouvelles formes de criminalité » – et le terrorisme, le trafic de stupéfiants, les infractions économiques et financières comme le blanchiment, la traite des êtres humains, le faux et les contrefaçons, la cybercriminalité, ainsi qu’en matière de police scientifique et technique. S’y ajoutent des domaines liés à la sécurité civile : la sûreté du transport aérien, maritime et ferroviaire, la défense civile et la sécurité routière.

La liste des matières faisant ici l’objet de la coopération est classique. Elle reprend en grande partie celles que l’on trouve dans d’autres accords comme ceux signés avec la Bulgarie, la Russie ou la Libye, moyennant quelques adaptations qui répondent aux besoins particuliers de l’autre partie. Ainsi, tous les accords ne font pas une aussi grande place à la sécurité civile. Celui conclu avec la Libye comporte aussi un volet « sécurité civile », mais ce dernier inclut la lutte contre les incendies et le secours en mer , la gestion de crise, le déminage, la protection des hautes personnalités, absents du présent accord, mais pas la sécurité routière, par exemple.

Les accords de ce type prévoient toujours la possibilité d’étendre leur champ d’application à d’autres domaines, soit par accord entre les parties, soit par voie d’amendement. C’est la première solution, plus souple, qui est retenue dans l’article 1er du présent accord.

2) Une coopération essentiellement technique

L’article III du présent accord énumère « les moyens et les procédures » par lesquels cette coopération peut être menée.

Il s’agit surtout d’une coopération technique en matière de formation
– formation générale et spécialisée, formation opérationnelle et administrative des agents, formation des personnels responsables de la défense civile –, complétée par des échanges d’informations et d’expériences, d’experts et de spécialistes, de conseils techniques et de documentation. S’y ajoute la possibilité d’envoyer dans l’autre pays des équipes de soutien spécialisées dans la défense civile en fonction de la nature des catastrophes et des moyens de la partie dont l’aide est sollicitée.

La liste de ces actions de coopération peut, en application de l’article V, être étendue par voie d’amendement, selon les modalités fixées à l’article IX du présent accord. Des accords ou arrangements techniques détermineront les modalités de mise en œuvre de cette coopération technique.

L’article IV aborde la coopération opérationnelle en stipulant que chaque partie fournit à l’autre « toute information qui lui parviendrait sur une action criminelle visant l’autre partie, que cette action soit commise ou en préparation sur le territoire de l’une ou de l’autre partie ou dans un pays tiers ». Cette stipulation est minimale, aucune possibilité d’échanger des objets ou des échantillons, voire des informations nominatives, n’étant mentionnée, contrairement à ce qui est le cas dans certains accords de ce type. Il est évident que le système de protection des données personnelles en vigueur à Bahreïn n’offre pas de garanties suffisantes pour autoriser la France, très exigeante en la matière, à transmettre des informations de cette nature.

En application de l’article VII, ces informations sont en outre couvertes par le secret, et ne peuvent être transmises à une tierce partie sans l’accord de l’Etat d’où elles proviennent.

B – Les garanties de la préservation de la souveraineté nationale

Comme il est d’usage, les stipulations de cet accord sont très respectueuses des normes nationales et de la souveraineté de chaque Etat partie.

L’article Ier mentionne la prise en considération des « règlements nationaux » ; l’article IV conditionne la transmission d’informations au « respect des législations nationales ».

Sont aussi soulignés la nécessité de tenir compte des « moyens financiers de la partie dont l’aide est sollicitée » dans le cas d’envoi d’équipes de soutien pour faire face à une catastrophe, et « le respect et la limite des disponibilités budgétaires » de chaque partie, pour ce qui est du financement de la coopération.

Surtout, comme c’est toujours le cas dans les accords de ce type, l’article VI permet à une partie de rejeter toute demande de coopération si elle juge que son exécution est susceptible de porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à l’ordre public, aux règles d’organisation et de fonctionnement de l’autorité judiciaire ou – formule très large – à d’autres intérêts essentiels de son Etat.

CONCLUSION

Les stipulations de cet accord permettent ainsi de pérenniser les actions de coopération déjà menées et de les élargir à d’autres domaines dans un cadre juridique sûr, mais sans entraîner d’obligations pour les deux Etats parties, qui conservent une grande marge de manœuvre pour accepter ou refuser toute demande.

Par les actions de coopération qu’elle mène à Bahreïn, la France contribue à améliorer les pratiques des autorités chargées de la sécurité intérieure et de la défense civile, dans le sens de la conciliation de l’efficacité et du respect des droits et libertés des individus.

Le Sénat ayant adopté le présent projet de loi le 21 décembre dernier, le vote de notre Assemblée permettra au Gouvernement de ratifier l’accord, qui pourra entrer en vigueur rapidement, puisqu’aucune procédure de ratification n’est légalement nécessaire à Bahreïn.

Votre rapporteur est donc favorable à l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 24 février 2010.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Philippe Cochet. Je souhaiterais savoir si l’accord permet une coopération en matière de formation avec l’Ecole nationale supérieure de Police de Saint-Cyr au Mont d’Or.

M. Jean-Luc Reitzer, rapporteur. Cette coopération est tout à fait envisageable dans le cadre de l’accord. Par ailleurs, les compagnies républicaines de sécurité ont déjà contribué à la formation des forces de sécurité à Bahreïn.

M. Jacques Myard. Cet accord-cadre ne soulève pas de difficultés particulières. Cependant, en raison de son bénéfice quasi unilatéral au profit de Bahreïn, je m’interroge sur la prise en charge financière des formations.

M. Jean-Luc Reitzer, rapporteur. L’article 5 de l’accord prévoit simplement que le financement est assuré par les parties à la hauteur de leurs moyens.

M. Jean-Marc Roubaud. Pourriez-vous faire le point sur les relations irano-bahreïniennes, qui n’ont, me semble-t-il, jamais été excellentes ?

M. Jean-Luc Reitzer, rapporteur. Les relations entre Bahreïn et l’Iran ont effectivement connu des tensions dans les années 70 en raison de la revendication iranienne de souveraineté sur Bahreïn. Si les relations se sont normalisées depuis les années 90, l’occupation persistante par l’Iran de trois îles émiriennes ainsi que le programme nucléaire iranien sont aujourd’hui sources d’inquiétude.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (no 2200).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Bahreïn relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile, signé à Paris le 30 novembre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2200).

© Assemblée nationale

1 () Après que le projet de loi a été adopté par la commission des affaires étrangères le 5 mai 2009 et par l’Assemblée, le 14 mai, l’approbation du protocole à l’accord du 3 juillet 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn relatif aux services aériens a été autorisée par la loi n° 2009-1796 du 31 décembre 2009.