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N° 2346

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 février 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique (n° 1577 et lettre rectificative n° 2329),

PAR M. Jacques DOMERGUE,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1577, 2329.

INTRODUCTION 5

A. LES INFIRMIERS : UNE PROFESSION ESSENTIELLE AU BON FONCTIONNEMENT DE L’HÔPITAL PUBLIC 7

1. Une profession au cœur de l’hôpital mais insuffisamment valorisée 7

2. Une démographie médicale déséquilibrée 8

B. LA NÉCESSITÉ D’UNE RÉFORME 10

1. Le dispositif « Licence, Master, Doctorat » 10

2. L’application du dispositif « Licence, Master, Doctorat » aux professions paramédicales 11

C. LA RÉFORME PROPOSÉE : UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ 12

1. Le protocole d’accord et la revalorisation salariale 12

a) Un protocole complet 12

b) Une forte revalorisation salariale 13

2. La contrepartie : le passage en catégorie sédentaire 14

a) Le passage en catégorie sédentaire 14

b) Le droit d’option 15

c) Les conséquences du choix de la catégorie A 15

3. L’impact financier de la réforme 16

CONCLUSION 19

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

TITRE II : DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE 23

Article 30 23

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 25

ANNEXE : PROTOCOLE D’ACCORD DU 2 FÉVRIER 2010 27

INTRODUCTION

La commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de l’article 30 du projet de loi n° 1577 relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, article introduit dans le dit projet par la lettre rectificative n° 2329 adoptée en conseil des ministres le 23 février.

Cet article 30 est le volet législatif du vaste plan de revalorisation statutaire et salariale de la profession infirmière et d’autres professions paramédicales contenu dans le protocole d’accord présenté aux organisations syndicales par la ministre de la santé et des sports le 2 février dernier. Ce protocole d’accord est l’aboutissement d’un long processus de concertation et de négociation entamé suite à la promesse du Président de la République d’intégrer le corps des infirmiers dans la catégorie A de la fonction publique.

En effet, saisi par la fédération FSU, le candidat Nicolas Sarkozy avait répondu dans une lettre datée du 2 mai 2007 qu’il souhaitait que les négociations engagées puissent aboutir « (…) dans les meilleurs délais » à « (…) la reconnaissance du diplôme d’infirmier au niveau de la licence » et s’engageait à « (…) permettre, au-delà de la réévaluation générale du diplôme à Bac+3, à certaines spécialités infirmières de bénéficier d’une reconnaissance de niveau Bac+4 voire Bac+5 (niveau Master) par le biais de la validation des acquis de l’expérience et au besoin de formations complémentaires ».

Le protocole d’accord met en œuvre cette promesse en prévoyant la création d’un nouveau corps des infirmiers, classé en catégorie A et bénéficiant d’une grille indiciaire bien plus favorable. La contrepartie de cette revalorisation est le passage de ce nouveau corps de la catégorie active (avec possibilité de départ à la retraite à 55 ans) à la catégorie sédentaire (avec départ à la retraite à 60 ans). Pour les personnels déjà en poste, un droit d’option sera ouvert à compter de juin prochain entre le maintien dans l’ancien corps et le départ à 55 ans et l’intégration dans le nouveau corps avec départ à 60 ans. C’est précisément cette contrepartie que l’article 30 met en œuvre, une disposition législative étant nécessaire.

C’est aussi la raison pour laquelle le choix de la lettre rectificative a été fait : il fallait disposer d’un véhicule législatif dont on soit sûr qu’il aboutisse d’ici le mois de juin. En effet, les infirmiers disposeront de six mois pour exercer leur droit d’option, c’est-à-dire jusqu’à décembre, ce qui doit permettre de commencer la revalorisation salariale dès janvier 2011. Reporter l’adoption de la mesure législative nécessaire risquait de repousser d’autant une revalorisation salariale très attendue.

A. LES INFIRMIERS : UNE PROFESSION ESSENTIELLE AU BON FONCTIONNEMENT DE L’HÔPITAL PUBLIC

1. Une profession au cœur de l’hôpital mais insuffisamment valorisée

La « filière soignante et de rééducation », prise dans son ensemble, est au cœur de la fonction publique hospitalière. La répartition par filières met en évidence le poids considérable des personnels soignants et rééducateurs : infirmiers et infirmiers spécialisés, aides soignants et, dans une moindre mesure, rééducateurs (diététiciens, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens). Avec les deux tiers des agents, ces personnels représentent la ressource humaine non médicale principale de l’hôpital public.

Aujourd’hui, la quasi-totalité de cette filière relève de corps de catégorie B et bénéficie de rémunérations qui ne sont pas à la hauteur de leurs qualifications : pour une infirmière diplômée d’État, 1 584 euros nets par mois en début de carrière et 2 499 euros en fin de carrière.

C’est l’ensemble de cette filière qui sera concernée par la revalorisation prévue par le protocole d’accord. Mais cette revalorisation concernera aussi certains corps de la fonction publique d’État et de la fonction publique territoriale. Cette réforme s’appliquera :

Pour la fonction publique hospitalière :

– aux infirmiers diplômés d’État soit 194 000 agents,

– aux infirmiers spécialisés qui opteront pour le nouveau grade (infirmiers de bloc opératoire soit 13 100 agents et infirmiers anesthésistes soit 7 700 agents) ;

– aux cadres de santé qui opteront pour le nouveau grade soit 26 400 agents (21 750 1er grade ; 4 850 2e grade) ;

– aux masseurs kinésithérapeutes.

Pour la fonction publique de l’État :

– aux personnels infirmiers de l’administration pénitentiaire (moins de 100 agents) ;

– au personnel infirmier de l’Institut national des Invalides (moins de 200 agents).

Pour la fonction publique territoriale :

– aux infirmiers affectés en services de santé, soit moins de 5 000 agents ;

– aux puéricultrices en service de pédiatrie, soit à peu près 2 000 agents ;

– aux personnels médico-techniques ;

– aux manipulateurs d’électroradiologie, soit 1 700 agents.

Tous ces corps sont aujourd’hui classés en catégorie active : en effet, selon l’article L. 24-I-1° du Code des pensions civiles et militaires, sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles (les autres catégories d’emplois étant qualifiées de sédentaires).

Si, au 31 décembre 2007, dans les ministères, seuls 11 % de l’ensemble des agents occupaient un emploi classé en catégorie active (appartenant principalement aux ministères de l’Intérieur, de l’Éducation, de l’Équipement et de la Justice), dans la fonction publique hospitalière, environ les deux tiers des effectifs (hors médecins) relèvent d’un corps classé en catégorie active. Il s’agit principalement des personnels paramédicaux en contact avec les malades.

2. Une démographie médicale déséquilibrée

La pyramide des âges des infirmiers est assez déséquilibrée : on observe ainsi, au 1er janvier 2009, que plus de la moitié (54 %) des infirmiers des établissements publics de santé ont 40 ans ou plus et que près d’un tiers (28 %) des infirmiers des établissements publics de santé ont 50 ans ou plus.

Ainsi, le nombre de départs à la retraite, pour les infirmiers (tous infirmiers confondus) de la fonction publique hospitalière, après avoir été assez stable entre 1993 et 1998 (entre 3 000 et 3 500) est en constante augmentation depuis 1999, passant de 3 500 en 1998 à plus de 8 000 en 2008. Cette tendance va se poursuivre dans les années à venir. Un infirmier sur deux sera ainsi parti en retraite d’ici 2015. Pour les aides soignants, on estime à 5 000 par an les départs à la retraite dans les dix prochaines années.

Hormis les départs pour invalidité, l’âge moyen de départ des infirmiers s’est décalé de 2,5 années entre 1995 et 2008, passant de 52,4 ans en 1995 à 54,7 ans en 2008. En 2009, l’âge moyen de départ (hors départs pour invalidité ou parent de trois enfants) est de 56,7 ans. Du fait de l’augmentation de la durée d’assurance prévue par la loi de réforme des retraites de 2003 et de la montée en charge concomitante de la décote jusqu’en 2020, cette tendance devrait se poursuivre, même en l’absence de nouvelles mesures.

B. LA NÉCESSITÉ D’UNE RÉFORME

Cette situation salariale peu satisfaisante et cette démographie inquiétante ont rencontré le processus de généralisation du dispositif « Licence, Master, Doctorat » (LMD) à l’ensemble de notre enseignement supérieur pour aboutir à la nécessité d’une réforme.

1. Le dispositif « Licence, Master, Doctorat »

L’harmonisation du système européen de l’enseignement supérieur, initiée le 25 mai 1988 à l’occasion du huitième centenaire de la Sorbonne, par une déclaration des quatre ministres allemand, britannique, italien et français, a modifié l’organisation générale des enseignements supérieurs.

Dès 1999, l’Union européenne a fixé les objectifs communs et le calendrier de ce qui devient alors le « processus de Bologne ». Projet ambitieux, puisque intervenant dans le domaine de l’enseignement supérieur pour lequel l’Union ne détient pas, selon les traités, de compétence. Projet mobilisateur pour l’Union, et à ce titre ponctué par des déclarations successives : Lisbonne en 2000, Prague en 2001, Berlin en 2003, Bergen en 2005. Projet attractif, qui a su convaincre cinquante pays de s’engager dans le processus, dépassant ainsi le seul cadre politique et institutionnel de l’Union.

En France, le dispositif institutionnel, plus connu sous le nom de « Licence, Master, Doctorat » (LMD), s’est développé sur le fondement de deux décrets publiés dès 2002, qui ont introduit dans la réglementation nationale les objectifs du processus de Bologne.

À la rentrée 2006, l’ensemble des universités françaises étaient entrées dans la nouvelle architecture LMD. C’est ainsi que le cursus universitaire français s'organise désormais autour de trois niveaux : la licence, le master et le doctorat. Cette nouvelle organisation permet la mobilité des étudiants européens, la mobilité entre disciplines et entre formations professionnelles et générales.

2. L’application du dispositif « Licence, Master, Doctorat » aux professions paramédicales

Pourtant, pendant longtemps, les formations paramédicales se sont, dans les faits, tenues à l’écart du processus de Bologne. En effet, les diplômes d’État ou certificats permettant l’exercice de ces professions se présentent comme des diplômes à finalité professionnelle « post-bac », mais n’étant pas, pour la plupart, délivrés par des établissements d’enseignement supérieur.

En septembre 2009, pour la première fois, les étudiants en soins infirmiers ont intégré une formation dont le diplôme d'État sera, en 2012, reconnu par les universités au grade de licence. Cette évolution majeure a été rendue possible par la qualité de la formation dispensée jusqu’alors et par l'engagement des partenaires sociaux dans ce grand chantier de valorisation des professions paramédicales. Elle est le fruit d'un travail interministériel de concertation et de préparation technique sans précédent, en particulier avec le ministère de l’enseignement supérieur de la recherche, et d'une coopération étroite avec l'Association des régions de France et les universités.

Elle va demander, dans les trois années qui viennent, un travail d’adaptation important pour les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI), tant au plan de l’organisation et de la refonte du contenu des enseignements que du point de vue des stages.

La prise en compte de la reconnaissance du cursus de formation des professionnels paramédicaux dans le cadre du système LMD était largement attendue par les organisations professionnelles et les organisations étudiantes concernées.

Cette attente, forte, correspondait en effet à des préoccupations prégnantes :

– la reconnaissance du niveau de qualification d’exercice des métiers paramédicaux, en conformité avec le développement des savoirs requis et des responsabilités assumées car le niveau licence pour exercer les métiers de soignants correspond à la durée des études réellement poursuivies, donne la possibilité d’accès aux niveaux de maîtrise et de doctorat, concrétise une amélioration du positionnement de ces métiers dans l’échelle sociale et peut leur conférer une plus grande attractivité ;

– la mise en conformité avec la référence reconnue au plan européen, pouvant faciliter l’insertion des professionnels concernés sur le marché du travail européen ;

– l’« universitarisation » des études – question délicate –, est considérée par les associations d’étudiants comme devant améliorer la qualité de l’enseignement prodigué et permettre de disposer de bases communes aux professionnels de santé, favorisant les passerelles entre les filières de formation ;

– la revalorisation financière de cette reconnaissance nouvelle et jugée légitime de métiers difficiles et souvent pénibles.

C. LA RÉFORME PROPOSÉE : UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ

1. Le protocole d’accord et la revalorisation salariale

a) Un protocole complet

Le protocole d’accord signé entre la ministre de la santé et des sports et les partenaires sociaux, le 2 février 2010, prévoit, d’une part, l’intégration dans la catégorie A de la fonction publique hospitalière des infirmiers et des autres professions paramédicales, dont les diplômes sont reconnus au sein du LMD, et, d’autre part, l’intégration des corps de catégorie B dans le nouvel espace statutaire de cette catégorie.

La réforme prévue par ce protocole comporte six volets :

– la création de nouveaux corps classés en catégorie A composés de deux à quatre grades pour les personnels paramédicaux selon les filières ;

– l’accès des cadres de santé à une grille rénovée de la catégorie A en juillet 2012 ;

– le droit d’option entre le reclassement dans une nouvelle grille indiciaire de catégorie B et l’un des nouveaux corps de catégorie A classés en catégorie sédentaire ;

– le reclassement des personnels administratifs, techniques, ouvriers et socio-éducatifs de catégorie B dans le nouvel espace statutaire ;

– l’amélioration des conditions de travail des personnels paramédicaux de la fonction publique hospitalières et l’accompagnement de l’allongement des carrières ;

– des perspectives de valorisation des métiers paramédicaux, par l’évolution des métiers proprement dits et la construction de parcours professionnels attractifs.

A été ouverte aux organisations syndicales la possibilité de signer chaque volet du protocole d’accord séparément. Et c’est ce qui s’est produit : une organisation syndicale a signé les six volets, le Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH) et cinq syndicats ont signé les trois derniers volets : il s’agit, en plus du SNCH, de la Fédération des personnels des services publics et de santé (FO), de la Fédération nationale autonome des services de santé (UNSA), de la Fédération santé sociaux (CFTC) et de la Fédération française de la santé, de la médecine et de l’action sociale (FFASS CFE-CGC).

b) Une forte revalorisation salariale

Fruit d’une intense concertation avec les organisations représentatives de la fonction publique hospitalière, ce protocole annonce une importante revalorisation pour les personnels paramédicaux, au premier rang desquels les infirmiers.

Le reclassement de l’ensemble des infirmiers qui le souhaitent est prévu dès décembre 2010 sur la nouvelle structure de grille de rémunération. Il sera suivi de deux glissements de la grille indiciaire, l’un en juillet 2012, l’autre en juillet 2015.

Au terme de cette réforme, qui sera donc conduite sur 5 années, les infirmiers seront rémunérés sur des bases très proches des infirmiers spécialisés actuels. Cela représentera, à l’issue des opérations de reclassement, en 2015, en moyenne, une majoration de plus de 2 000 euros nets par an.

Source : Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins

Si le protocole d’accord concerne principalement les personnels paramédicaux, il comporte également des dispositions très importantes pour les personnels administratifs, techniques, ouvriers et socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière, classés en catégorie B. Le protocole décline les conditions de leur intégration dans le « nouvel espace statutaire » (NES) qui se traduira également par une importante revalorisation, tant sur le plan statutaire qu’indemnitaire. Ces mesures seront étendues aux personnels administratifs des centres 15, les permanenciers auxiliaires de régulation médicale (PARM), qui sont actuellement classés en catégorie C et qui, grâce à ce protocole, pourront intégrer la catégorie B revalorisée.

2. La contrepartie : le passage en catégorie sédentaire

L’article 30 issu de la lettre rectificative comporte trois alinéas : le premier prévoit le classement en catégorie sédentaire du nouveau corps des infirmiers ; le deuxième organise le droit d’option ; le dernier précise les conséquences du passage dans le nouveau corps de catégorie A.

a) Le passage en catégorie sédentaire

La principale contrepartie à l’importante revalorisation salariale accordée est le classement du nouveau corps de catégorie A en catégorie sédentaire. Cela implique un départ à la retraite à 60 ans, et non plus à 55 ans et une limite d’âge portée à 65 ans.

Dans le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche consacré à l’évaluation de l’impact du dispositif LMD sur les formations et le statut des professions paramédicales, les arguments suivants étaient avancés pour justifier le passage en catégorie sédentaire :

« 1) La possibilité actuelle de départ en retraite à 55 ans ne concerne que les infirmières du secteur public et non les infirmières des établissements privés ou celles exerçant en secteur libéral ; c’est une inégalité de traitement que les conditions de travail ne justifient pas, comme le montre l’exemple des autres pays (départ à 65 ans en Allemagne).

2) Un grand nombre d’infirmières utilisent la faculté de perception anticipée de la pension fonction publique pour reprendre ensuite une activité professionnelle (notamment comme infirmières libérales), ce qui souligne le caractère « d’effet d’aubaine » de cette possibilité de départ anticipé.

3) L’impact financier du LMD sur le régime de retraite serait très lourd si l’âge de départ spécifique des infirmières de la fonction publique n’était pas modifié. Face au coût important de la réforme LMD (surcharge salariale immédiate de 500 M€ puis surcharge de retraite différée de 250 M€ annuels à horizon 2050), il paraîtrait dès lors logique au plan économique d’opérer simultanément le recul de l’âge de départ à la retraite des infirmières et autres corps assimilés. Ajoutons que, dans ce cas, pour les infirmières qui prolongeraient leur activité jusqu’à 60 ans au lieu de 55 ans, la pension serait améliorée grâce aux 5 années d’assurance supplémentaires. »

Le I de l’article 30 du projet de loi propose donc le classement des nouveaux corps des infirmiers et des personnels paramédicaux en catégorie sédentaire. L’on pouvait s’interroger sur la nécessité d’une disposition législative pour le classement de ce nouveau corps en catégorie sédentaire dans la mesure où l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit que ce classement est opéré par un décret en Conseil d’État.

Pour autant, ce passage par la loi est nécessaire pour avoir une lecture cohérente et globale de la réforme : en effet, dans les II et III de l’article, il est systématiquement fait référence à ces nouveaux corps de catégorie A. L'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité du droit devait donc être respecté. Par ailleurs, le classement de tous les emplois d'un corps en bloc peut s'interpréter comme interdisant au pouvoir réglementaire de restaurer un classement en catégorie active pour certains emplois de ces corps ; une disposition législative est donc bien nécessaire.

b) Le droit d’option

Le II de l’article 30 organise le droit d’option qui sera ouvert aux agents déjà en poste : en effet la revalorisation salariale s’accompagne, aux termes du protocole, d’un choix, offerts aux infirmiers déjà en poste, entre le maintien dans leur situation actuelle ou l’intégration dans la catégorie A, avec une durée de carrière prolongée. Chaque professionnel concerné sera invité, à partir du mois de juin 2010, à faire connaître son choix, en fonction de sa situation et de ses projets propres.

Un choix analogue sera offert aux autres professionnels de santé six mois avant le reclassement dans les nouveaux grades de catégorie A, c'est-à-dire en janvier 2012 pour les cadres de santé et cadres supérieurs de santé et les infirmiers spécialisés.

c) Les conséquences du choix de la catégorie A

Outre le passage en catégorie sédentaire, le choix pour les personnels en place de rejoindre le nouveau corps de catégorie A implique de renoncer à un certain nombre d’avantages liés à la catégorie active. C’est l’objet du III de l’article 30.

Le 1° précise que, même s’ils ont passé 15 ans en catégorie active, les personnels ayant fait le choix de l’intégration, ne pourront se prévaloir de ces quinze années pour bénéficier d’un départ à 55 ans, contrairement à ce que prévoit l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il s’agit là d’un point essentiel pour l’équilibre financier de la réforme et de la principale différence avec le dispositif adopté lors de la transformation du corps des instituteurs en celui des professeurs des écoles.

Le 2° prévoit que les personnels ayant fait le choix de l’intégration ne pourront bénéficier de la majoration de durée d’assurance d’une année par période de dix ans passée en catégorie active prévue par l’article 78 de la loi n° 2003-775 portant réforme des retraites, article qui avait été alors négocié pour limiter pour les infirmiers de la fonction publique hospitalière les effets de l’instauration d’une décote.

Enfin, le 3° exclut les personnels ayant fait le choix de l’intégration du bénéfice de l’article 1-2 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, qui permet aux personnels ayant intégré un corps dont la limite d’âge est de 65 ans mais qui ont passé quinze ans dans un corps classé en catégorie active, de continuer à bénéficier de la limite d’âge de leur ancien corps, c'est-à-dire 55 ans. Cette disposition avait été introduite en 2003 pour éviter que l’instauration de la décote ne pénalise trop les anciens instituteurs devenus professeurs des écoles, mais ayant passé 15 ans en catégorie active.

3. L’impact financier de la réforme

L’application de la réforme, conformément au protocole d’accord passé le 2 février 2009, induira une charge pour les établissements publics de santé à raison du gain indiciaire résultant du reclassement des infirmiers dans les nouveaux corps de catégorie A et de l’effet de la création du nouvel espace indiciaire en catégorie B. Une montée en charge progressive est anticipée : environ 100 millions d'euros en 2011, puis 200 millions d'euros en 2012 pour atteindre un rythme annuel de 500 millions d'euros en 2015 quand la réforme prendra pleinement effet.

L’effet cumulé est estimé à 900 millions d’euros sur une période de 6 ans pour les personnels de la fonction publique hospitalière, selon une hypothèse haute. Ce chiffrage ne constitue cependant qu’un ordre de grandeur, puisqu’il est largement dépendant du taux d’option parmi les personnels actuellement classés en catégorie active.

S’agissant de la fonction publique d’État, le coût pour les employeurs serait faible compte tenu des effectifs (300 agents soit 0,16 % de l’effectif de la fonction publique hospitalière en équivalent temps plein). L’application du protocole aux 7 150 agents relevant de la fonction publique territoriale pourrait conduire, par analogie, à une charge supplémentaire cumulée pour les collectivités territoriales de l’ordre de 33,7 millions d’euros sur les six ans.

Inversement, la suppression de la catégorie active aura pour effet de retarder le départ à la retraite des agents et donc de générer des économies importantes pour le régime de retraite de la fonction publique hospitalière, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. On assistera en effet à :

– une moindre charge de pensions, liée au décalage des départs, pour les régimes de retraite ;

– un supplément de cotisation au titre des infirmiers qui prolongent leur activité.

Avec l’hypothèse d’un taux d’option pour la catégorie A de 50 % parmi les infirmiers susceptibles de liquider leur retraite dans la décennie 2010-2020 et avec des variantes à 25 % et 75 %, l’impact annuel de la mesure sur les comptes de la caisse nationale est récapitulé dans le tableau ci-dessous :

En million d’euros constants

2010

2011

2012

2015

2020

Taux d’option : 50 %

gain en cotisations :

1

11

33

53

44

gain en pensions :

2

49

90

240

197

Gain total :

3

60

123

293

241

Taux d’option : 25 %

gain en cotisations :

1

5

17

27

22

gain en pensions :

1

25

45

120

98

Gain total :

2

30

61

146

120

Taux d’option : 75 %

gain en cotisations :

2

16

50

80

66

gain en pensions :

4

74

134

359

295

Gain total :

5

90

184

439

361

CONCLUSION

Au final, la réforme proposée est équilibrée : elle mêle des avancées salariales significatives, une reconnaissance statutaire importante pour les professions paramédicales et des contreparties sur les départs à la retraite qui permettront d’alléger les contraintes liées à une démographie médicale déséquilibrée.

Pour autant, cet allongement de la durée des carrières doit s’accompagner de l’ouverture de nouvelles perspectives de carrières pour le corps des infirmiers. Un dynamisme renouvelé dans la gestion des carrières est indispensable. Par ailleurs, une attention forte doit être portée aux conditions de travail dans l’hôpital.

C’est précisément ce que prévoient les cinquième et sixième volets du protocole d’accord. Il est, en effet, prévu de redynamiser la promotion professionnelle et de fluidifier les parcours professionnels en facilitant l’accès aux corps d’encadrement. Il est également prévu de reconnaître des pratiques nouvelles devant conduire vers de nouvelles spécialisations, par exemple dans les domaines de la psychiatrie, de la gérontologie ou encore de la cancérologie. Autant de spécialités qui pourront constituer de nouveaux débouchés pour les infirmiers.

Enfin, le protocole prévoit également, comme corollaire de l’allongement de la durée des carrières, le renforcement des démarches de prévention des risques professionnels et d’amélioration de la qualité de vie au travail. La poursuite des contrats locaux d’amélioration des conditions de travail à partir de 2010 est prévue par le protocole, en privilégiant les actions sur la prévention des risques professionnels et l’amélioration de l’organisation du travail. La nouvelle génération des contrats locaux d’amélioration des conditions de travail devra s’attacher à promouvoir des processus ayant pour objet d’améliorer les conditions de travail : repérage des facteurs de risques psycho-sociaux-organisationnels, maintien et retour dans l’emploi, accompagnement des mobilités fonctionnelles, appui aux reconversions internes, suivi des secondes carrières.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires sociales examine pour avis le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 24 février 2010.

Un débat suit l’exposé du rapporteur pour avis.

Mme Marisol Touraine. Nous ne comprenons pas la précipitation avec laquelle le Gouvernement prend acte de l’échec des négociations pour nous soumettre ce texte alors que ce dernier complète le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique ! Nous aurions en tout cas aimé que le Gouvernement fasse preuve du même empressement pour tirer les conséquences législatives de l’échec, en septembre 2008, des négociations sur la pénibilité.

Pourquoi une telle précipitation, alors que ce projet de loi est sur le bureau de l’Assemblée depuis près d’un an, que la question de la pénibilité doit faire l’objet de discussions paritaires, et que cette disposition aurait pu être débattue dans le cadre de la réforme des retraites annoncée pour l’automne prochain ? Rien ne motive ce traitement particulier, sinon la volonté de « passer en force » en faisant fi de l’opposition de l’ensemble des organisations syndicales.

Nous ne pouvons dans de telles conditions que nous interroger sur le crédit à accorder aux déclarations du Président de la République sur la future réforme des retraites, par lesquelles il récusait tout passage en force et affirmait sa volonté de faire de la question de la pénibilité le cœur de la réforme. Nous assistons d’ores et déjà à la multiplication de textes spécifiques à une catégorie ou à un secteur, qui risque d’aboutir au démantèlement du système actuel, sans nous laisser la possibilité d’en débattre globalement.

Dans le cas particulier, l’ensemble des organisations syndicales a peu apprécié le troc proposé par ce texte, qui impose, en contrepartie de la revalorisation, une remise en cause des conditions de départ à la retraite, notamment de la majoration de la durée d’assurance résultant de la réforme des retraites de 2003. C’est très exactement le cœur du débat sur les retraites.

Toutes ces considérations valent défense de notre amendement de suppression de l’article 30 du projet de loi.

Mme Isabelle Vasseur. Ma collègue se trompe de débat. Comment peut-on parler de précipitation quand cette lettre rectificative a pour objet de répondre, conformément à un engagement du Président de la République, à une demande ancienne de reconnaissance d’une profession absolument essentielle ? Je ne vois pas très bien comment on peut contester cette proposition consensuelle. Il est urgent d’intégrer la profession infirmière dans le cursus LMD, afin d’ouvrir aux infirmiers des perspectives de carrière plus intéressantes.

M. Jean-Patrick Gille. Nous sommes évidemment favorables à l’intégration dans le cursus LMD, qui est une revendication ancienne de la profession. Mais les infirmières qui se battent depuis des années dans cette attente ne s’attendaient pas à ce qu’on leur impose par ce biais une remise en cause des conditions de leur départ à la retraite. C’est à ce deal imposé par le Président de la République que nous sommes opposés.

Il semble que, sous le régime actuel, l’âge moyen de départ à la retraite est d’environ cinquante-sept ans. Si le texte a pour objectif de reculer cet âge moyen, vous risquez d’obtenir l’effet inverse, chacun se précipitant pour faire valoir son droit à la retraite avant la date butoir fixée par le texte.

M. Guy Lefrand. Le texte satisfait une demande très ancienne de reconnaissance du diplôme d’infirmier, tant sur le plan national qu’européen, et d’amélioration subséquente de la rémunération. C’est pourquoi je suis surpris de la surprise de certains devant une réforme purement statutaire, le passage à la catégorie A élevant automatiquement l’âge de la retraite. En outre, le principe du libre choix est clairement inscrit dans le texte.

M. Michel Heinrich. Ayant eu récemment l’occasion de discuter avec des représentants de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI), je peux affirmer que ces derniers approuvent le passage en catégorie A et la revalorisation de la profession d’infirmier. Quant aux autres, ils pourront user de leur droit d’option.

M. le rapporteur. Venant de vous, madame Touraine, qui avez plutôt l’habitude de nous reprocher de ne pas aller assez vite, je prends votre accusation de précipitation comme un compliment !

Il est urgent que la France intègre les métiers de la santé dans le cursus LMD, afin de les aligner sur le niveau européen. Deuxièmement, il s’agit d’honorer un engagement de campagne du Président de la République. Troisièmement, retarder encore la revalorisation d’une profession difficile serait négatif, non seulement pour cette profession, mais pour l’ensemble de la filière paramédicale. Nous n’avons aujourd’hui aucune raison de retarder encore une revalorisation très attendue par les intéressés. Pourquoi attendre le débat général sur les retraites, alors que la question des retraites n’est pas l’essentiel de ce texte ? Il est conforme à la logique du « travailler plus pour gagner plus » que cette revalorisation soit ainsi compensée.

La dégradation des conditions de travail que vous dites craindre n’a aucune raison d’avoir lieu, au contraire, puisqu’en incitant les personnels à travailler plus longtemps, cette réforme va accroître l’effectif des personnels disponibles.

En ce qui concerne les modalités d’entrée en vigueur, monsieur Gille, il y a deux hypothèses. Ceux qui sortiront de la filière en 2012 appartiendront directement à la catégorie A. En revanche, les personnels infirmiers actuellement en poste pourront exercer, du 1er juillet au 31 décembre 2010, un droit d’option entre le maintien en catégorie B, avec un départ à la retraite à cinquante-cinq ans, ou le passage en catégorie A, avec un départ à la retraite à soixante ans. S’agissant d’un métier pénible et mal rémunéré, on peut penser que beaucoup feront le choix de la revalorisation,

Quant aux étudiants infirmiers, ils se réjouissent en effet de l’« universitarisation » de leur cursus et des nouvelles perspectives que ce texte leur ouvre.

M. Bernard Perrut, président. Nous en venons à l’examen de l’article 30.

TITRE II

DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE

Article 30

La Commission rejette l’amendement AS 1 de M. Michel Issindou, tendant à supprimer l’article 30.

Elle examine ensuite l’amendement AS 2 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise, dans un esprit d’équité, à aligner les conditions de départ à la retraite des cadres de santé sur celles des nouveaux personnels de catégorie A. Cette mesure d’équité se traduira en outre par une économie qui compensera la revalorisation indiciaire significative accordée aux cadres de santé.

La Commission adopte l’amendement AS 2.

Elle donne ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 30 ainsi modifié.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par M. Michel Issindou, Mme Marisol Touraine et les commissaires socialistes, radicaux, citoyen et divers gauche

Article 30

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 2 présenté par M. Jacques Domergue, rapporteur pour avis

Article 30

À l’alinéa 3, après les mots : « d’option », insérer les mots : « ainsi que les cadres de santé ».


ANNEXE : PROTOCOLE D’ACCORD DU 2 FÉVRIER 2010

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