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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 2347

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 février 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à l’expérimentation du dossier médical sur tout support portable numérique sécurisé pour les patients atteints d’affections de longue durée (n° 2289),

PAR M. Dominique TIAN,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2289.

INTRODUCTION 5

I.- LA POLITIQUE DE RELANCE DU DOSSIER MÉDICAL PERSONNEL PEUT UTILEMENT S’APPUYER SUR DE NOUVELLES INITIATIVES 7

A.  LA MISE EN OEUVRE DU DOSSIER MÉDICAL PERSONNEL : UN PROJET AMBITIEUX MAIS COMPLEXE 7

1. Un projet ambitieux, qui constitue un puissant levier de réforme de notre système de soins 7

a) L’informatisation des données de santé présente un double enjeu : améliorer la qualité des soins et mieux maîtriser les dépenses 7

b) Le projet de dossier médical personnel initié en 2004 apporte une réponse ambitieuse au foisonnement et au cloisonnement des systèmes d’information existants 9

2. Des difficultés techniques sérieuses et nombreuses, tenant notamment à l’hébergement des données 10

B. UN PROGRAMME DE RELANCE QUI POURRAIT UTILEMENT ÊTRE ÉTAYÉ PAR DES PROJETS DE PRÉFIGURATION DE CET OUTIL 12

1. Une nouvelle stratégie pour la mise en œuvre du dossier médical personnel 12

a) Une redéfinition du projet de dossier médical personnel 12

b) Un nouveau calendrier pour le déploiement du dossier médical personnel 13

2. Une stratégie qui fait une large place à des expérimentations et à des projets de préfiguration du dossier médical personnel 15

a) Pour une démarche expérimentale 15

b) Pour un projet de préfiguration du dossier médical personnel, permettant aux acteurs de s’approprier un prototype de dossier médical simplifié 15

II.- LE DISPOSITIF PROPOSÉ : FOURNIR À DES PATIENTS ATTEINTS D’UNE AFFECTION DE LONGUE DURÉE UN DOSSIER MÉDICAL IMPLANTÉ SUR UN DISPOSITIF PORTABLE DE STOCKAGE DE DONNÉES, COMME UNE CLÉ USB 19

A. UNE PROPOSITION PRAGMATIQUE : FOURNIR À DES MALADES CHRONIQUES UN DOSSIER MÉDICAL SUR UNE CLÉ USB OU TOUT DISPOSITIF DU MÊME TYPE 19

1. Un dispositif expérimental 19

2. Un dispositif ciblé sur les patients qui en ont le plus besoin : les assurés atteints d’une affection de longue durée 19

3. Un dispositif reposant sur un outil familier et simple à utiliser, comme une clé USB 20

B. UNE PROPOSITION CONSENSUELLE, DÉJÀ VOTÉE DEUX FOIS 21

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 23

II.- EXAMEN DE L’ARTICLE 35

Article unique : Expérimentation d’un dossier médical enregistré sur un dispositif portable d'hébergement de données, tel une clé USB, pour certains patients atteints d’affections de longue durée (ALD) (article L. 1111-20 (nouveau) du code de la santé publique) 35

TABLEAU COMPARATIF 39

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 41

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 45

INTRODUCTION

La présente proposition de loi, présentée par MM. Jean-Pierre Door et Pierre Morange conjointement avec le rapporteur, a pour objet de fournir dès 2010, à titre expérimental, un dossier médical implanté sur une clé USB (1) à des patients souffrant d’affections de longue durée (ALD).

Cette initiative est inspirée d’une recommandation formulée par M. Jean-Pierre Door dans un récent rapport d’information sur le dossier médical personnel (DMP) (2) et par la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) dans le cadre de ses travaux sur les affections de longue durée (3). Elle reprend une disposition déjà adoptée à deux reprises par le Parlement, en 2008 et en 2009, mais censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de pure forme.

La mesure ainsi proposée s’inscrit parfaitement dans l’esprit du « parcours de soins » mis en place par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie et renforcé par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « HPST »). Tel que conçu en 2004, ce parcours de soins repose en effet sur deux piliers :

– un acteur central : le médecin traitant ;

– un outil de coordination des soins : le dossier médical personnel.

Les difficultés techniques rencontrées dans la mise en œuvre de cet ambitieux projet qu’est ce dossier, et les retards qui en ont résulté, ne nous permettent pas encore d’en apprécier toute la portée. Loin de renoncer à la réforme devant ces difficultés, les pouvoirs publics ont lancé en 2008 un programme de relance du DMP, dont chacun espère le succès.

En attendant, il semble opportun d’élaborer, dans les meilleurs délais, un outil préfigurant le DMP. C’est pourquoi le présent texte propose de remettre, à titre expérimental, un dossier médical enregistré sur un dispositif informatique simple, comme une clé USB, à certains patients atteints d’affections de longue durée.

Ces patients sont, en effet, ceux qui ont le plus besoin de soins : ils sont donc les plus exposés au risque de iatrogénie – cause de 10 000 décès et de 130 000 hospitalisations par an –, et c’est pour eux qu’une meilleure coordination des soins est la plus utile. Le recours à une méthode très simple de stockage des données, comme une clé USB, permet d’éviter toutes les difficultés techniques liées à l’hébergement des données et toutes les réticences qui peuvent en résulter parmi les patients et les professionnels de santé. Ainsi, les patients et les professionnels pourront s’habituer progressivement aux principes du DMP.

Cette initiative s’inscrit pleinement dans le cadre du programme de relance du DMP, qui définit une méthode de travail faisant une large place aux expérimentations et privilégiant la réflexion sur le contenu du DMP et sur les services qu’il peut apporter, plutôt que sur ces aspects techniques.

I.- LA POLITIQUE DE RELANCE DU DOSSIER MÉDICAL PERSONNEL PEUT UTILEMENT S’APPUYER SUR DE NOUVELLES INITIATIVES

Constatant les difficultés techniques dans la mise en oeuvre du dossier médical personnel (DMP) et les retards qui en résultent, les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent contribuer à la relance de ce projet de façon pragmatique, en proposant d’expérimenter un prototype de DMP. Il s’agira d’un dispositif simplifié de dossier médical, de nature à permettre aux praticiens et aux patients de s’en approprier le principe sans se heurter aux difficultés techniques qui ralentissent la mise en œuvre du DMP.

A.  LA MISE EN OEUVRE DU DOSSIER MÉDICAL PERSONNEL : UN PROJET AMBITIEUX MAIS COMPLEXE

1. Un projet ambitieux, qui constitue un puissant levier de réforme de notre système de soins

Comme le souligne justement notre collègue Jean-Pierre Door dans un récent rapport d’information sur le DMP (4), l’informatisation des données de santé est un processus inéluctable, à l’œuvre dans tous les pays comparables à la France.

a) L’informatisation des données de santé présente un double enjeu : améliorer la qualité des soins et mieux maîtriser les dépenses

Dans un premier temps, le développement de systèmes d’information en santé a concerné surtout certaines fonctions de gestion du système de santé : ainsi, dès le milieu des années 1990 se sont développés des systèmes d’information et des téléservices qui, à l’image de la carte de professionnel de santé (CPS) et de la carte SESAM-Vitale, ont permis des gains d’efficience importants dans la facturation des soins et la liquidation des remboursements d’assurance maladie.

Puis, à compter du début des années 2000, l’usage des systèmes informatisés d’échange des données de santé s’est étendu à l’organisation et à la dispensation des soins, ainsi qu’à la prévention et au dépistage des affections. Ainsi, ont été développés des téléservices d’échanges entre professionnels de santé ou entre praticiens et patients, suivant une double « logique de sécurisation et d’efficience médicales », comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Pour certains, ces systèmes d’information et ces téléservices ont une véritable fonction d’aide à la décision, par exemple en fournissant au médecin l’historique des soins reçus par son patient. Le projet de DMP s’inscrit dans cette logique.

Dans le même temps, l’évolution des pratiques médicales et celle des technologies ont créé des conditions très favorables au développement de systèmes informatisés de partage de données de santé :

– en effet, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport précité, les établissements de santé et les professionnels de santé exerçant en ville « se sont massivement équipés de systèmes d’information » : ainsi, 66 % des omnipraticiens utilisaient un logiciel de gestion des dossiers médicaux en 2006, contre seulement 25 % en 2003 ;

– parallèlement, l’évolution des pratiques médicales crée de nouveaux besoins d’échanges d’informations entre les différents professionnels de santé appelés à intervenir dans la prise en charge d’un même patient. Cette évolution a d’ailleurs été soutenue par les politiques de santé mises en œuvre depuis 2004, qui visent à structurer le parcours de soins du patient autour du médecin traitant, « pivot » de l’offre de soins de premier recours chargé de coordonner le réseau des autres professionnels de santé concernés : telle est l’orientation de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie et de la convention médicale du 12 janvier 2005, réaffirmée par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « HPST »).

Dans ces conditions, le développement d’outils informatiques de partage de données de santé présente un double enjeu :

– il va dans le sens d’une meilleure qualité des soins, en permettant aux praticiens d’accéder à l’historique médical des patients sans perte ou altération d’information ; comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport précité, « les professionnels de santé, disposant d’informations plus fiables et plus complètes (antécédents, résultats d’examens complémentaires, soins en cours etc.) sont en mesure de mieux accomplir leurs missions » ; un recueil exhaustif des données médicales d’un patient permet notamment d’éviter des contre-indications médicamenteuses et des risques iatrogènes ;

– il permet aussi d’éviter des actes et des examens redondants, en offrant aux praticiens un accès immédiat à toutes les informations médicales relatives aux patients (résultats d’examens biologiques, documents d’imagerie médicale, comptes-rendus etc.) ; compte tenu des économies qui en résultent, les outils informatiques peuvent ainsi servir à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Les systèmes d’information et de stockage des données de santé connaissent ainsi un développement très dynamique. Dernier exemple en date, le réseau de traitement de l’insuffisance rénal chronique en Rhône-Alpes (TIRCEL) publiait le 23 février 2010 un bilan encourageant du suivi informatisé de 1100 patients, dans le cadre d’une plate-forme d’échange entre 12 établissements et 500 professionnels de santé. Si, bien entendu, l’informatisation des données de santé est notamment le fait des établissements et des professionnels de santé, le rapporteur relève aussi que depuis une date récente, certaines compagnies aériennes, dont Air France, en lien avec une société d’assurance, proposent à leurs passagers un « coffre-fort numérique » qui leur permet d’héberger des documents personnels et comporte un volet « urgences » dans lequel peuvent être inscrites les coordonnées des personnes de son entourage, de son médecin traitant, ses ordonnances les plus récentes, les informations essentielles concernant son assurance santé, son groupe sanguin, vaccins, allergies, antécédents chirurgicaux et historique médical.

b) Le projet de dossier médical personnel initié en 2004 apporte une réponse ambitieuse au foisonnement et au cloisonnement des systèmes d’information existants

Dans un récent rapport d’information (5), notre collègue Yves Bur décrit l’offre de systèmes d’information dans notre système de santé comme marquée doublement « par son foisonnement et par son cloisonnement », qui « compliquent le pilotage du système de santé et engendrent des pertes d’efficience ».

Il évalue à près de 7 000 le nombre de ces systèmes d’information et précise que, faute de stratégie de mutualisation des équipements et des données, ces systèmes ne sont pas toujours « interopérables », c'est-à-dire susceptibles d’échanger des données entre eux. Le rapport précité de la Cour des comptes souligne particulièrement « l’atomisation du parc de logiciels ».

C’est donc pour remédier à ces difficultés, et accélérer l’informatisation de la production de soins dans de bonnes conditions d’interopérabilité des systèmes d’information, que l’article 3 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a créé un « dossier médical personnel » (DMP), en prévoyant qu’« afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, gages d'un bon niveau de santé, chaque bénéficiaire de l'assurance maladie dispose… d'un dossier médical personnel ». Les professionnels de santé et les établissements de santé devront ainsi reporter dans le DMP toutes les données de santé à caractère personnel qu’ils recueillent ou produisent à l'occasion des activités de prévention, de diagnostic ou de soins et qui sont « nécessaires à la coordination des soins » de la personne prise en charge, « notamment des informations qui permettent le suivi des actes et prestations de soins ». Le DMP doit aussi comprendre « un volet spécialement destiné à la prévention ».

Les dispositions de l’article 3 de la loi du 13 août 2004 étaient initialement codifiées aux articles L. 161-36-1 et suivants du code de la sécurité sociale, mais l’article 50 de la loi dite « HPST » du 21 juillet 2009 a transféré ces articles dans le code de la santé publique, dont ils sont devenus les articles L. 1111-14 et suivants. En séance publique au Sénat, lors de l’examen du projet de loi, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a expliqué que « par définition, le DMP est (…) bien un outil de santé publique et d’amélioration de la qualité des soins », et qu’à ce titre, « il a donc toute sa place dans le code de la santé publique ».

Ainsi, le DMP a été créé dans une double optique d’amélioration de la qualité des soins et de renforcement de l’efficience de notre offre de soins. Sa création a constitué un des axes forts de la réforme du système de santé opérée par la loi du 13 août 2004 et, sur ce point, confortée par la loi dite « HPST ».

2. Des difficultés techniques sérieuses et nombreuses, tenant notamment à l’hébergement des données

La création et le déploiement du DMP ont été compliqués – et considérablement retardés – par une série d’obstacles, qui ont été analysés par le rapport précité de notre collègue Jean-Pierre Door, ainsi que par celui d’une mission interministérielle de revue de projet sur le DMP conduite en 2007 (6) et par la Cour des comptes dans son rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Pour la mission interministérielle, « précipitation et irréalisme ont, dès l’origine, caractérisé le lancement du projet ».

Les principales difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du DMP ont été les suivantes :

 Un calendrier initial irréaliste

Le III de l’article 3 de la loi du 13 août 2004 prévoyait que chaque assuré devait pouvoir disposer d’un DMP avant le 1er juillet 2007.

Rappelant que l’expérience de la carte SESAM Vitale et du dispositif de télétransmission des feuilles de soins, ainsi que les projets étrangers comparables plaidaient en faveur d’un plan de développement échelonné sur dix ans au moins, la mission de revue de projet considère que « l’inscription dans la loi d’une échéance jugée dès l’origine irréaliste par la plupart des acteurs a fonctionné comme un piège ». En effet, selon elle, ce calendrier a poussé les acteurs à se concentrer « sur la mise en place de l’hébergement, au détriment de la définition de l’usage et des processus d’alimentation du dossier » et ce, « dans l’intention de rendre l’avancée du projet visible et la situation irréversible au regard de ses détracteurs ».

 Une grande parcimonie de moyens

La maîtrise d’ouvrage du projet a été confiée, à partir de 2005, à un groupement d’intérêt public dénommé « groupement d’intérêt public du dossier médical personnel » (GIP-DMP), constitué entre l’État, la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et la Caisse des dépôts et consignations. Dans son rapport précité, notre collègue Jean-Pierre Door explique en effet que l’État a préféré créer ce groupement plutôt que de confier la maîtrise d’ouvrage du DMP à la Caisse nationale pour rassurer les professionnels qui craignaient qu’elle n’utilise le DMP à des fins de contrôle médical.

Au terme de deux années de fonctionnement, le GIP-DMP ne comptait qu’une soixantaine d’agents et, selon la mission de revue de projet, ne disposait pas des moyens de mobiliser toutes les compétences qui lui étaient nécessaires, « notamment dans les domaines juridiques et d’organisation de projet ». Dans le même temps, un projet britannique comparable, dénommé « NHS Connecting for Health », mobilisait 600 collaborateurs.

Le développement du DMP devait coûter 18 euros par assuré, ce que la mission de revue de projet a jugé « irréaliste », soulignant que ce coût atteint 50 euros pour les équivalents allemands et plusieurs centaines d’euros pour les projets canadiens et anglais.

 D’un dossier médical partagé, à usage des professionnels, à un dossier médical personnel, propriété de l’assuré : un glissement stratégique mal maîtrisé

La mission de revue rappelle que les travaux préparatoires à la loi du 13 août 2004 avaient porté sur l’idée de créer un outil informatique au service des professionnels de santé, et non un dossier mis à la disposition du patient.

S’il n’y a pas lieu de regretter ce glissement, la mission de revue constate que le GIP-DMP n’en a pas anticipé les conséquences pratiques, notamment les contraintes qui en résultent dans la définition des conditions d’hébergement des données en application de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

 Une architecture technique complexe, notamment en ce qui concerne l’hébergement des données

Comme le note la Cour des comptes dans son rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, le choix d’une architecture reposant sur un prestataire unique pour l’hébergement des données – configuration retenue pour des systèmes comparables au DMP, comme les systèmes d’information des banques –, a été initialement écartée « sans un examen approfondi en termes de coûts et d’efficacité », alors que le choix d’une organisation décentralisée en une multiplicité d’hébergeurs simplement agréés « présentait des risques, tant de dérives commerciales que pour la confidentialité des données ». Pour notre collègue Jean-Pierre Door, « l’unicité, au niveau national, du dossier médical pour chaque personne n’y est pas garantie ».

La Cour des comptes note d’ailleurs que cette architecture décentralisée appelait une maîtrise d’ouvrage « très robuste, dont toutes les conditions n’ont pas été réunies » jusqu’en 2008.

 Des expérimentations inabouties

La mission de revue de projet juge que la phase d’expérimentations organisées en 2006 était « d’emblée trop courte pour mettre en place une solution organisationnelle et technique et la tester sérieusement » et constate que dans la plupart des cas, elle « a été de fait réduite à sa plus simple expression ».

B. UN PROGRAMME DE RELANCE QUI POURRAIT UTILEMENT ÊTRE ÉTAYÉ PAR DES PROJETS DE PRÉFIGURATION DE CET OUTIL

À la suite des vives critiques formulées par la mission de revue de projet contre les modalités initiales de mise en œuvre du DMP, les pouvoirs publics n’ont pas renoncé à se doter de cet outil mais ont profondément modifié le calendrier et la stratégie présidant à son déploiement.

1. Une nouvelle stratégie pour la mise en œuvre du dossier médical personnel

Après la remise de son rapport par la mission de revue de projet sur le DMP, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, a chargé une « mission de relance du DMP », présidée par M. Michel Gagneux de formuler les propositions en vue de renouveler la stratégie d’élaboration du DMP.

Dans le même temps, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale a créé une mission d’information sur le DMP, dont le président-rapporteur était notre collègue Jean-Pierre Door, signataire de la présente proposition de loi.

a) Une redéfinition du projet de dossier médical personnel

À partir des préconisations de la mission de relance du DMP et conformément aux principales recommandations formulées par M. Jean-Pierre Door, la ministre de la santé a arrêté en juin 2008 (7) de nouvelles orientations, assorties d’un nouveau calendrier de mise en œuvre.

Suivant ce programme de relance, le DMP sera désormais facultatif ; la loi dite « HPST » du 21 juillet 2009 a d’ailleurs supprimé les dispositions prévoyant un moindre remboursement des soins pour les patients qui auraient refusé à un professionnel de santé l'accès à leur dossier, ainsi que l'obligation corollaire pour les dits professionnels d'indiquer que le patient leur a donné un accès à son DMP.

Le programme de relance a aussi précisé l’architecture et la nouvelle stratégie de déploiement :

– son développement doit être progressif, « orienté vers le service aux utilisateurs et fondé sur l’expérimentation » ;

– le DMP doit être construit comme un bouquet de services « à forte valeur ajoutée » pour les patients comme pour les professionnels de santé ;

– il doit être élaboré à partir d’expériences locales ;

– sa gouvernance doit être unifiée et renforcée.

Les principaux axes du programme de relance du DMP

1. Définir et structurer les attentes exprimées ou ressenties par les usagers.

2. Orienter le DMP vers le service rendu aux utilisateurs et le développement des usages

3. Inscrire la conduite de projet dans une trajectoire maîtrisée

4. Assurer le développement des services de partage et d’échange des données individuelles de santé dans des conditions optimales de sécurité et de confidentialité

5. Créer et garantir les conditions de l’interopérabilité et de la sécurité des systèmes d’information de santé

6. Garantir une intégration harmonieuse des services respectifs du DMP et de l’assurance maladie

7. Organiser la mise en convergence des projets territoriaux et faciliter l’émergence d’une capacité de maîtrise d’ouvrage régionale, adossée aux agences régionales de santé

8. Permettre la participation effective des établissements de santé au développement du DMP et des systèmes d’information partagés

9. Donner, au niveau national, le cadre de développement des conduites de projet régionales, afin d’en assurer l’homogénéité, la cohérence et la convergence vers le DMP, tout en conservant la souplesse et la réactivité d’une action locale.

Source : « Programme de relance du DMP et des systèmes d’information partagés de santé », dossier de presse, 9 avril 2009.

b) Un nouveau calendrier pour le déploiement du dossier médical personnel

Le programme de relance définit une trajectoire progressive de déploiement et d’enrichissement du DMP entre 2010 et 2013 (cf. graphique ci-après), qui prévoit :

– le déploiement, à l’échelle nationale, d’un « DMP-socle » comportant des services de partage de documents entre les professionnels de santé et fournissant une première gamme d’informations à valeur médicale : antécédents et allergies, prescriptions médicamenteuses, résultats d’examens de biologie et de radiologie, comptes rendus d’hospitalisation et de consultations etc. ;

– l’expérimentation de téléservices spécialisés « à valeur médicale supplémentaire » concernant par exemple le suivi du diabète, le DMP de l’enfant, la prescription électronique (« e-prescription »), le partage de l’imagerie médicale et de comptes-rendus, ainsi que « tout service répondant aux attentes des bénéficiaires et conforme aux finalités du DMP » ;

– la mise en œuvre de divers services aux patients, consistant soit à leur transmettre par voie électronique certaines informations, comme des résultats d’analyses biologiques, soit à les aider dans l’organisation de leur prise en charge, notamment au moyen d’outils de rappel des échéances de leur calendrier de vaccination et de soins, ou et des programmes d’accompagnement thérapeutique.

Calendrier de mise en œuvre du DMP

Source : Agence nationale des systèmes d’information partagés de santé (ASIP).

Pour renforcer le pilotage du projet, l’article 45 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008) a créé une Agence nationale des systèmes d’information partagés de santé (ASIP), issue de la fusion du GIP-DMP, du groupement d’intérêt public de la carte de professionnel de santé (GIP-CPS) et d’une partie des services du groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier (GMSIH). La convention constitutive de l’Agence a été approuvée par un arrêté de la ministre de la santé et des sports en date du 8 septembre 2009.

Depuis sa création, elle a notamment :

– mis en place une procédure d’agrément des différents hébergeurs de données de santé ;

– définit l’identifiant national de santé qui permettra d’accéder au DMP ;

– publié un cadre national d’interopérabilité des systèmes d’information en santé et adopté un certain nombre de normes et standards ;

– relancé les projets régionaux susceptibles d’aboutir à la mise en œuvre du DMP et procédé à l’arrêt des projets qui ne l’étaient pas ;

– organisé un appel d’offres relatif à l’hébergement de référence du DMP.

Pour l’heure, le programme de relance du DMP semble être appliqué de façon satisfaisante. Lors de la discussion de la loi dite « HPST », Mme Roselyne Bachelot-Narquin déclarait d’ailleurs en séance publique au Sénat que « le DMP redémarre dans des conditions extrêmement satisfaisantes, à la suite d’une reprise en main complète du dossier par une équipe de diagnostic et de projet, qui a été particulièrement performante ».

2. Une stratégie qui fait une large place à des expérimentations et à des projets de préfiguration du dossier médical personnel

a) Pour une démarche expérimentale

Le rapporteur souligne que de façon pragmatique, le programme de relance fait une large place aux expérimentations locales dans l’élaboration du DMP.

Une telle démarche est conforme aux préconisations de la mission d’information présidée par M. Jean-Pierre Door, qui montre l’intérêt qu’il y a à « faire le choix d’une démarche d’expérimentations préparant une montée en charge progressive et ciblée » (cf. encadré ci-après).

L’intérêt d’une démarche expérimentale dans la relance du DMP

La mission recommande que la relance du DMP soit fondée sur le lancement d’une série d’expérimentations sur les usages du DMP, permettant de définir son contenu et sa structuration en fonction d’objectifs médicaux clairement définis pour des populations cibles (coordination des soins pour des pathologies graves, continuité des soins en présence de comorbidités…). Les expérimentations devraient également être menées sur des territoires différents en termes de densité démographique et d’offre de soins, afin de déterminer ses conditions d’emploi optimum et de préparer la phase de montée en charge du DMP.

Source : Rapport d’information n° 659 de M. Jean-Pierre Door sur le DMP, janvier 2008.

b) Pour un projet de préfiguration du dossier médical personnel, permettant aux acteurs de s’approprier un prototype de dossier médical simplifié

Pour le rapporteur, il est urgent que les patients et les professionnels de santé soient en mesure de s’approprier le DMP, afin de réduire progressivement les réticences qu’un tel outil peut susciter parmi certains d’entre eux.

Il ne faudrait, en effet, pas sous-estimer ces réticences, ni la menace qu’elles peuvent faire peser sur le succès de la relance du DMP.

D’ailleurs, soulignant que le DMP est de nature à modifier profondément la pratique des professionnels de santé et leurs relations aux patients, le rapport précité de la mission de revue de projet montre que la mise en œuvre du projet est « d’abord un pari culturel et sociologique » et conclut qu’« imaginer qu’il serait possible de vaincre les résistances en quelques mois ou années était une vue de l’esprit » (cf. encadré ci-dessous).

Les facteurs sociologiques conditionnant le succès du DMP

 Du côté du corps médical, une participation active au projet suppose que les médecins, notamment libéraux, accepte une discipline à laquelle il se sont en grande majorité soustraits jusqu’à présent : intégrer l’informatique à leur pratique quotidienne, exposer leurs prescriptions à la connaissance et au jugement de leurs confrères, renseigner méthodiquement un dossier médical partagé, en utilisant les mêmes termes, et le même format de dossier.…

Or, l’utilisation active du DMP suppose la motivation de tous les professionnels de santé. Dès lors que les conditions de leur adhésion effective au projet n’auraient pas été préalablement réunies, le risque serait donc élevé que certains continuent à évoluer dans le cadre d’une procédure manuelle, là où les autres se seront investis dans un système informatisé.

● Du côté des patients, on imagine la perplexité de l’assuré qui devra sélectionner un hébergeur, sur la base de plaquettes commerciales...

● À supposer que l’outil soit techniquement suffisant et d’une opérationnalité acceptable, c’est-à-dire qu’il soit potentiellement utilisable, cela ne signifie pas qu’il sera effectivement utilisé : l’histoire a montré qu’un outil informatique peut être commode et facile d’usage a priori, sans pour autant susciter l’intérêt de ceux pour lesquels il a été conçu… Une illustration en est le revers essuyé par la SNCF lors du lancement de l’outil SOCRATE.

De surcroît, l’ergonomie d’une application est une notion très relative : un même logiciel, considéré comme simple d’utilisation pour une personne paraîtra complexe ou mal pratique aux yeux d’une autre, en fonction de ses habitudes de travail.

Source : Inspection générale des finances (IGF), inspection générale des affaires sociales (IGAS), conseil général des technologies de l’information, rapport de la mission interministérielle de revue de projet sur le DMP, novembre 2007.

C’est pourquoi le rapporteur considère qu’il faut préparer l’arrivée du DMP, en fournissant le plus rapidement possible aux patients qui ont le plus besoin de soins un prototype de celui-ci. Leurs réticences seront d’autant moins difficiles à surmonter, et l’outil sera d’autant plus facile à déployer, que le prototype en question sera d’une conception technique et d’une utilisation simples.

Ce souci de simplicité conduit les auteurs de la présente proposition de loi à juger opportun d’élaborer ce prototype de façon à écarter, dans un premier temps, les difficultés liées à l’hébergement des données. Comme avant eux les membres de la mission d’information présidée par M. Jean-Pierre Door, ils partagent l’opinion de la mission de revue de projet selon laquelle la question de l’hébergement n’est « ni prioritaire ni la plus complexe » et devrait être reprise après l’achèvement de travaux plus approfondis sur les usages du DMP, c’est-à-dire sur la définition d’un contenu et d’une structuration du dossier électronique qui corresponde le mieux aux objectifs du législateur.

Le rapport de M. Jean-Pierre Door recommande ainsi que la relance du DMP passe par l’élaboration d’un « prototype polyvalent, permettant de passer à une phase de test et d’expérimentation » des principes du DMP.

II.- LE DISPOSITIF PROPOSÉ : FOURNIR À DES PATIENTS ATTEINTS D’UNE AFFECTION DE LONGUE DURÉE UN DOSSIER MÉDICAL IMPLANTÉ SUR UN DISPOSITIF PORTABLE DE STOCKAGE DE DONNÉES, COMME UNE CLÉ USB

La présente proposition de loi propose d’élaborer dès 2010 un dossier médical implanté sur une clé USB (8) – ou tout autre support du même type – , et remis à titre expérimental à des patients souffrant d’affections de longue durée. Suivant une recommandation du rapport de M. Jean-Pierre Door sur le DMP, elle reprend un dispositif adopté deux fois déjà par le Parlement mais censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons de pure forme.

A. UNE PROPOSITION PRAGMATIQUE : FOURNIR À DES MALADES CHRONIQUES UN DOSSIER MÉDICAL SUR UNE CLÉ USB OU TOUT DISPOSITIF DU MÊME TYPE

Le dispositif proposé par le texte s’inscrit pleinement dans le cadre du programme de relance du DMP. Il vise à faciliter l’appropriation de celui-ci par ses usagers, dans une démarche pragmatique à plusieurs égards :

– ce dispositif a un caractère expérimental ;

– il est ciblé sur des malades chroniques, pour lesquels un outil améliorant la coordination des soins est particulièrement utile ;

– il repose sur un outil technique très simple d’utilisation : une clé USB.

1. Un dispositif expérimental

Le dossier médical qu’il est proposé de créer n’a nullement vocation à concurrencer le DMP. Il s’inscrit dans le cadre des expérimentations prévues par le programme de relance du DMP pour les années 2010 à 2012, c'est-à-dire jusqu’à l’échéance prévue pour le déploiement du DMP.

La proposition de loi propose d’ailleurs de fixer le 31 décembre 2012 comme terme à l’expérimentation proposée.

2. Un dispositif ciblé sur les patients qui en ont le plus besoin : les assurés atteints d’une affection de longue durée

En 2010, la France pourrait compter près de 10 millions de personnes reconnues atteintes d’une affection de longue durée (ALD) (9), soit près de 15 % des assurés sociaux. Comme le montre un rapport fait par la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) en 2008 (10), les dépenses liées aux ALD concentrent 65 % des remboursements de l’assurance maladie.

Les malades concernés sont ainsi ceux qui « consomment » le plus de soins et de produits de santé, au risque de s’exposer à des problèmes de iatrogénie et de subir des actes ou examens redondants. C’est donc pour ces patients qu’un dossier médical personnel, partagé par l’ensemble des praticiens intervenant dans leur prise en charge, est le plus utile.

C’est pourquoi le dispositif expérimental proposé par le texte est ciblé sur certains échantillons de malades en ALD.

3. Un dispositif reposant sur un outil familier et simple à utiliser, comme une clé USB

En attendant que le DMP soit déployé pour tous les assurés sur l’ensemble du territoire, le rapport précité de M. Jean-Pierre Door sur le DMP préconise d’élaborer à titre transitoire un dispositif polyvalent : un dossier médical numérique détenu par son titulaire sur une clé USB (cf. encadré ci-après).

Cette mesure poursuit un double objet :

– elle vise à ce que les patients qui en ont le plus besoin puissent bénéficier des apports du DMP sans attendre 2012 ;

– elle tend à ce que les patients et les professionnels de santé puissent s’habituer progressivement à utiliser un dossier médical informatisé unique pour chaque patient et maîtrisé par celui-ci.

Par rapport au DMP tel qu’il sera déployé à partir de 2012, le dispositif proposé présente en effet un double avantage, qui facilitera son appropriation par les patients et les professionnels :

– il s’appuie sur un outil informatique familier, simple d’utilisation et utilisable sur l’immense majorité des ordinateurs ;

– il ne nécessite ni hébergement externe des données, ni connexion Internet, ce qui rend son utilisation plus simple, plus concrète, et peut lever les réticences de certains patients envers le DMP.

La recommandation de la mission d’information sur le DMP

L’évolution technique a significativement amélioré les capacités de stockage des supports électroniques ainsi que leur interopérabilité physique (grâce à la généralisation du port USB). Elle les pose aujourd’hui en alternatives crédibles de support pour le DMP.

L’idée de pouvoir confier aux assurés sociaux une carte mémoire contenant leur DMP illustre de manière très concrète la maîtrise que la loi leur donne sur leurs informations de santé. Par ailleurs, l’interopérabilité physique qu’assure le port USB ou le lecteur de CD-ROM au sein du parc informatique actuel est très supérieur à celle des solutions en ligne (un peu plus d’un tiers des praticiens libéraux disposent d’une connexion à Internet professionnelle haut débit), même si celle-ci devrait s’améliorer avec le temps.

Enfin, les principaux arguments invoqués à l’encontre des supports électroniques – risques de perte ou de vol – peuvent recevoir des réponses techniques grâce aux outils déployés.

Il est en effet désormais possible d’organiser une sauvegarde automatique en réseau du contenu des supports électroniques, lorsque ceux-ci sont utilisés sur un poste de travail connecté au réseau général (dans un établissement hospitalier ou dans le cabinet d’un praticien libéral équipé d’une ligne ADSL). Un réseau de sauvegarde pourrait ainsi être facilement constitué à partir de trois éléments : le portail unique en cours de mise en place, l’hébergement contractuel des données sauvegardées et le développement d’une application d’interface implantée sur les postes locaux, permettant de reconnaître le support électronique inséré (une clé USB par exemple) et à organiser la sauvegarde automatique de son contenu en tâche de fond. La sauvegarde des données limite le préjudice lié à la perte de la carte mémoire au coût de remplacement du support physique.

Par ailleurs la confidentialité des données de santé inscrites sur la carte mémoire peut être assurée par les techniques de cryptage prévues pour la protection des données en ligne (méthode de chiffrement/déchiffrement autorisée en présence de certificats électroniques sur support physique, tels que la carte CPS et la carte Sesam-vitale), sachant que le niveau de protection requis pour des données décentralisées est en principe moins élevé que pour des données centralisées accessibles en ligne, plus exposées par leur mode de stockage aux attaques de piratage.

La mission préconise donc, dans la logique de la recommandation déjà faite sur ce point dans un rapport de MM. Jean Dionis du Séjour, député, et Jean-Claude Etienne, sénateur, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix technologiques rendu public le 22 juin 2004 sur les télécommunications à haut débit et Internet au service du système de santé, de mettre en œuvre un prototype de DMP crypté et sécurisé sur un support de type mémoire flash USB, à l’appui des expérimentations sur les usages et la structure du DMP.

Source : Rapport d’information n° 659 de M. Jean-Pierre Door sur le DMP, janvier 2008

Le rapporteur souligne que les techniques aujourd’hui disponibles permettent de garantir la confidentialité des données. Par exemple, certaines clés USB sont dotées d’un lecteur d’empreintes digitales.

B. UNE PROPOSITION CONSENSUELLE, DÉJÀ VOTÉE DEUX FOIS

Le dispositif proposé reprend une mesure déjà adoptée deux fois par l’Assemblée nationale et le Sénat, et censurée deux fois par le Conseil constitutionnel pour des raisons de pure forme.

À l’initiative de MM. Jean-Pierre Door et Pierre Morange et avec l’avis favorable du Gouvernement, l’Assemblée nationale avait inséré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 un article 46 qui prévoyait, à titre expérimental, de distribuer à un échantillon de patients atteints d’une affection de longue durée un dossier médical implanté sur une clé USB. Dans sa décision n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008, le Conseil constitutionnel a jugé que cette disposition constituait un « cavalier social », c'est-à-dire qu’elle ne trouvait pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale faute d’effet direct sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. En conséquence, il a censuré cet article.

Par la suite, avec une nouvelle fois l’avis favorable du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté un dispositif ayant le même objet, en insérant dans le projet de loi dite « HPST » un article 50. Le Conseil constitutionnel a censuré cet article dans sa décision n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009, jugeant que le législateur ne pouvait pas, sans méconnaître l’étendue de sa compétence, renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de fixer le terme de l’expérimentation qu’il prévoyait.

Pour tenir compte de l’observation du Conseil, le dispositif de la présente proposition de loi fixe expressément la date constituant le terme de l’expérimentation proposée.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 24 février 2010.

M. Dominique Tian, rapporteur. Le présent texte, qui a donc pour objet de fournir dès 2010, à titre expérimental, un dossier médical implanté sur une clé USB à des patients souffrant d’affections de longue durée (ALD), a été inspiré par une recommandation formulée par Jean-Pierre Door dans un récent rapport d’information sur le dossier médical personnel (DMP) et par la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS, dans le cadre de ses travaux sur les affections de longue durée. Elle reprend une disposition déjà adoptée à deux reprises par le Parlement, en 2008 et en 2009, mais censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de pure forme.

La mesure ainsi proposée s’inscrit parfaitement dans l’esprit du parcours de soins qui a été mis en place par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie et renforcé par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « HPST ». Tel que conçu en 2004, ce parcours de soins repose en effet sur deux piliers : le médecin traitant et le dossier médical personnel.

Les difficultés techniques rencontrées dans la mise en œuvre de cet ambitieux projet et les retards qui en ont résulté ne nous permettent pas encore d’en apprécier toute la portée. Loin de renoncer à la réforme devant ces difficultés, les pouvoirs publics ont lancé, en 2008, un programme de relance du DMP, dont chacun espère le succès.

En attendant, il semble opportun d’élaborer, dans les meilleurs délais, un outil préfigurant le DMP. C’est pourquoi le présent texte propose de remettre, à titre expérimental, et dans des termes conformes aux souhaits du Conseil constitutionnel, un dossier médical enregistré sur une clé USB à certains patients atteints d’affections de longue durée.

Ces patients, qui représentent 13,8 % des assurés, se voient consacrer presque 64 % des dépenses d’assurance maladie. Étant ceux qui ont le plus besoin de soins, ces patients sont les plus exposés au risque iatrogénique, cause de 10 000 décès et de 130 000 hospitalisations par an. C’est donc à eux qu’une meilleure coordination des soins est la plus utile. Le recours à une méthode très simple de stockage des données, comme une clé USB, permet d’éviter toutes les difficultés techniques liées à l’hébergement des données et toutes les réticences des patients et des professionnels de santé envers le principe d’un dossier médical sur Internet. Ainsi, les patients et les professionnels pourront s’habituer progressivement aux principes du DMP, ceci étant précisé à l’adresse de ceux qui reprochent à cette proposition de loi de court-circuiter le DMP : c’est exactement le contraire.

Cette initiative s’inscrit pleinement dans le cadre du programme de relance du DMP, qui définit une méthode de travail faisant une large place aux expérimentations et privilégiant la réflexion sur son contenu et sur les services qu’il peut apporter, plutôt que sur ses aspects techniques.

Loin de concurrencer le DMP, cette proposition vise à pallier les retards importants dont souffre la mise en place de ce dernier. Le rapport d’Yves Bur sur les agences régionales de santé ainsi que celui de la Cour des comptes sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ont souligné le retard accusé par la France en matière de partage des données de santé. Les initiatives privées se multiplient déjà pour combler ce retard, comme on pouvait l’observer hier encore à la lecture d’une dépêche faisant le bilan du dispositif informatique mis en place pour le réseau de traitement de l’insuffisance rénale chronique en Rhône-Alpes (TIRCEL), qui assure le suivi informatique de 1 100 patients, dans le cadre d’une plate-forme d’échange entre douze établissements et 500 professionnels de santé. On peut citer aussi en exemple le « coffre-fort numérique », proposé par la compagnie Air France en lien avec une société d’assurance, qui permet d’héberger des documents personnels, dont les coordonnées des personnes de l’entourage de l’intéressé, de son médecin traitant, ses ordonnances les plus récentes, et les informations essentielles concernant son assurance santé, son groupe sanguin, ses vaccins, ses allergies, ses antécédents chirurgicaux et son historique médical. Dans son rapport, Yves Bur évalue à 7 000 le nombre de ces systèmes d’information. Mais ces systèmes ne sont pas toujours interopérables, et le rapport de la Cour des comptes souligne à ce propos l’atomisation du parc de logiciels.

Le rapport de Jean-Pierre Door sur le DMP souligne le besoin d’expérimentation pour assurer la relance de celui-ci. Dans ce but, une Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP Santé), chargée de la maîtrise d’ouvrage publique du DMP, a été constituée en 2009. Le présent texte s’inscrit dans cette perspective : il propose une expérimentation innovante, destinée à préparer la montée en charge du DMP, grâce à l’élaboration à titre transitoire d’un dispositif polyvalent : un dossier médical numérique détenu par son titulaire sur un support électronique comme une clé USB.

Plusieurs évolutions récentes militent en faveur du développement d’un tel support : l’amélioration des capacités de stockage, l’interopérabilité physique grâce à la généralisation du port USB, la possibilité de crypter les données de santé inscrites sur la carte mémoire.

Cette proposition est également conforme aux préconisations formulées par notre collègue Jean Dionis du Séjour et le sénateur Jean-Claude Étienne dans un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) publié en 2004.

Notre texte prévoit enfin un bilan annuel de l’expérimentation et les modalités du dispositif seront précisées par un décret, pris après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Cette expérimentation doit permettre la montée en charge du DMP.

M. Jean-Pierre Door. Cette proposition de loi reprend les préconisations formulées il y a deux ans par la mission d’information que je présidais ainsi que par la MECSS : il s’agissait d’appuyer la relance du DMP et de garantir son utilisation confiante par les professionnels et les usagers du système de santé. À un moment où plus de 7 000 systèmes informatisés de recueil des données de santé existent déjà, nous proposons la solution d’un dossier numérique détenu par l’assuré lui-même et alimenté par son médecin traitant. Cela permettra de renforcer le parcours de soins, en améliorant la continuité et la coordination des soins.

Cette proposition, déjà votée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et de la loi dite « HPST », a été censurée à deux reprises par le Conseil constitutionnel, ce qui nous contraint à remettre l’ouvrage sur le métier.

Il est fondamental que le support numérique du dossier médical soit sécurisé, ce qui est techniquement réalisable, au moyen notamment du cryptage de ses données et de l’identification biométrique de son titulaire. Il faudra surtout adopter une démarche expérimentale, car c’est ce qui manque en matière d’informatisation des données de santé personnelles. Nous proposons une période d’expérimentation de deux ans.

J’espère qu’après les nombreux rapports et les nombreuses discussions consacrées à ce sujet, nous parvenions enfin à conclure en votant ce que je crois être une bonne idée.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

M. le président Pierre Méhaignerie. Je vous rappelle que ce n’est pas la première fois que le Conseil constitutionnel a censuré une disposition d’expérimentation pour le motif qu’elle ne prévoyait pas de date butoir.

Mme Catherine Lemorton. Je voudrais, tout en saluant le travail de Jean-Pierre Door, exprimer ma frustration sur la mise en œuvre très partielle des préconisations de la MECSS : alors qu’elles ont été votées à l’unanimité par celle-ci, nos préconisations en matière de médicaments sont restées lettre morte.

Pour en venir à la proposition de loi – dont le titre aurait d’ailleurs dû comprendre le terme complet de dossier médical « personnel » –, je m’interroge surtout sur l’opportunité de voter maintenant ce dispositif, alors que l’ASIP Santé faisait savoir hier par communiqué de presse qu’elle avait attribué le marché de l’hébergement du dossier médical personnel au consortium mené par Atos Origin et La Poste. Ce marché de quatre ans devrait permettre dès la fin de l’année aux premiers patients d’accéder à leur dossier médical électronique. Dans ces conditions, n’allons-nous pas voter un texte qui ne servira à rien, sinon à créer la confusion ? Fin 2010, en effet, deux systèmes coexisteront, certains patients atteints d’affection de longue durée étant dotés d’une clé USB et d’autres patients munis d’un DMP.

Quels critères présideront aux choix des bénéficiaires ? Pourquoi reviendra-t-il au groupement d’intérêt public prévu à l’article L. 1111-24 du code de la santé publique de fixer ces critères ? Pourquoi seuls des patients atteints d’affection de longue durée seront-ils retenus ? Nous craignons que les raisons affichées de ce choix ne soient pas la raison réelle, qui est de poursuivre la remise en cause de la prise en charge des affections de longue durée entamée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Alors que la mise en place du DMP était conditionnée à l’adhésion des usagers du système de soins et des professionnels de santé, je m’étonne que, dans ma région Midi-Pyrénées, ni l’ordre des pharmaciens, ni celui des médecins n’ont été consultés sur ce dispositif.

J’aimerais savoir par ailleurs comment cette clé va s’articuler avec le dossier pharmaceutique, qui équipe déjà plus de 13 000 pharmaciens et 60 % des pharmacies. Le dossier pharmaceutique sera-t-il intégré à la clé USB, ou celle-ci prendra-t-elle le pas ?

Vous qui vous prétendez soucieux des deniers publics, avez-vous estimé le coût du dispositif, de toute façon superfétatoire par rapport au DMP ? Avez-vous oublié le trou abyssal de nos comptes sociaux ?

Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera contre cette proposition de loi, un texte inutile qui ne pourra que brouiller le message sur le DMP.

M. Bernard Perrut. Je veux d’abord saluer l’initiative de nos collègues visant à relancer le DMP, si difficile à mettre en place. L’objectif, que nous partageons tous, est d’améliorer l’efficience de notre système de santé en assurant un meilleur suivi des patients et une meilleure coordination des soins. Peut-on être assuré que ce dispositif, qui pourrait concerner jusqu’à dix millions de patients, 14 % des assurés et 64 % des dépenses de l’assurance maladie, sera bien mis en œuvre à la date prévue ? Comment sera défini le champ d’application géographique de cette expérimentation ? Quel sera son agenda de mise en œuvre ? L’accord des malades est-il indispensable ? Sur un plan purement technique, enfin, qu’entend-on par clé USB « sécurisée » ?

M. Élie Aboud. Je tiens d’abord, après Catherine Lemorton, à me féliciter de cette excellente initiative qui permettra de mutualiser les informations de santé, ce qui signifie, en toute logique – à la différence de Catherine Lemorton ! –, que je voterai pour...

En ce qui concerne les risques de fuite d’informations, ils sont inévitables s’agissant de réseaux impliquant de multiples acteurs. Je m’interroge à ce propos sur l’opportunité de rendre ces données accessibles à la fois au médecin et au patient. Ne risque-t-on pas de laisser le patient seul face aux pressions des lobbies de tous ordres ?

Mme Jacqueline Fraysse. Si la proposition de loi m’intéresse, elle me laisse également dubitative. Il est certes nécessaire de mettre les technologies nouvelles au service de l’efficience de notre système de santé et d’une meilleure coordination des soins. Je m’interroge cependant sur la raison pour laquelle ce texte nous est soumis maintenant, alors que la vraie question est celle du DMP. L’initiative présente n’est-elle pas redondante et source de gâchis éventuels ?

Je me demande, en outre, pourquoi limiter l’échantillon aux patients atteints d’affection de longue durée, alors que tout le monde sera concerné à terme. Quel rapport entre cette proposition et le fait que ces patients, qui représentent 14 % des assurés, concentrent les deux tiers des dépenses d’assurance maladie, alors que nous traitons là d’une question purement technique de traitement des dossiers ?

Par ailleurs, selon quels critères les bénéficiaires seront-ils choisis et leur répartition géographique fixée ? Cette clé sera-t-elle obligatoire ? Enfin, comment sécuriser le dispositif ?

Au mieux, ce texte ne sert à rien ; au pire, il poursuit des objectifs discutables et risque de conduire à des gâchis, notamment financiers.

M. Claude Leteurtre. La proposition de loi est un premier pas vers la résolution du problème du DMP, en ce qu’elle met notamment l’accent sur son caractère personnel, qui en est un élément essentiel.

Je m’interroge cependant sur la sécurisation du dispositif, dont la complexité de mise en œuvre suscite des inquiétudes. En outre, les nombreuses expérimentations, qui ont déjà eu lieu dans ce domaine, n’ont jamais été évaluées. Quels sont les critères de sélection qui prévaudront pour cette nouvelle expérimentation et quelle sera sa méthodologie ?

M. Rémi Delatte. Il est désormais nécessaire d’avancer dans la mise en place du DMP, mais également dans la diffusion de la carte de professionnel de santé (CPS). Les deux éléments sont liés : la diffusion encore trop limitée de la carte de professionnel de santé s’explique par l’absence de DMP. En tout cas, l’initiative proposée est utile, car elle est un élément de dynamisation pour la généralisation du DMP.

Je formulerai cependant deux observations.

Premièrement, il est dommage de s’enfermer dans le choix de la clé USB comme seul support technique. D’abord, un tel choix n’est pas du ressort de la loi. Ensuite, la vitesse des évolutions technologiques risque de rendre ce choix rapidement obsolète. De plus, c’est un support relativement encombrant. Enfin, cette restriction dans le titre de la proposition de loi me semble incohérente au regard de l’alinéa 2, qui parle plus généralement d’« un dispositif portable d’hébergement de données informatiques ».

Deuxièmement, il faudrait songer à mettre en place un comité de suivi de l’expérimentation, qui associe, conformément aux préconisations de la Cour des comptes, professionnels et usagers,

Mme Marisol Touraine. Je m’interroge sur la signification de cette proposition de loi quant à l’avenir du DMP – qui présentait l’intérêt d’assurer aux professionnels l’accès aux informations sur la santé du patient, avec l’accord de ce dernier, et dont l’échec actuel est sans doute dû à une approche excessivement quantitative et financière. N’est-ce pas en effet acter la fin du DMP que de proposer d’expérimenter un dispositif au rabais avec pour perspective de l’étendre à l’ensemble de la population ? Tant que les données ne seront pas centralisées, cette clé ne sera en effet rien d’autre qu’un carnet de santé électronique.

Nous n’avons aucun a priori contre l’expérimentation, au contraire, mais nous voulons qu’elle ait d’emblée pour objet la mise en œuvre du futur DMP.

M. Pierre Morange. Si la nécessité d’améliorer le parcours et l’offre de soins fait consensus, les modalités de mise en œuvre suscitent des interrogations.

À ceux qui s’inquiètent d’une éventuelle remise en cause du DMP, je réponds qu’elle est hors de question : le DMP est le squelette d’une grande ambition, même si sa mise en place a pris beaucoup de retard. Sa mise en place devrait commencer fin 2010.

Par ailleurs, le DMP a vocation à s’appuyer sur l’interopérabilité des systèmes d’information médicale, qui n’est pas encore suffisante en France. En effet, la maîtrise de la culture informatique qu’elle suppose nécessite du temps. Notre objectif est d’améliorer dès maintenant l’offre de soins, notamment aux patients souffrant d’affection de longue durée, dont la polypathologie les expose à des risques d’iatrogénie, et de lutter contre la déperdition d’informations médicales.

Cette proposition de loi est un premier pas sur cette voie. Loin de proposer un DMP au rabais, elle a vocation, au moyen d’une démarche pragmatique d’expérimentation, à fournir un premier élément de réponse pour la mise en œuvre de l’interopérabilité.

Notre objectif étant d’améliorer la santé de nos concitoyens, il est également légitime qu’elle concerne les patients les plus fragiles. Plutôt que de remettre en cause la prise en charge des affections de longue durée, il s’agit de renforcer l’offre de soins destinée à ces patients. C’est là encore une marque de pragmatisme.

En ce qui concerne la sécurisation de ces données, il reviendra à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) d’émettre un avis en la matière et au pouvoir réglementaire de définir les modalités propres à assurer cette sécurisation – double cryptage, reconnaissance biométrique, etc.

Bref, le texte n’est en rien contradictoire avec le vaste plan de mise en œuvre du DMP. IL vise à fournir une réponse opérationnelle et pragmatique aux attentes de nos concitoyens, en suivant une prudente démarche d’expérimentation.

M. Guy Lefrand. On ne peut parler de « squelette » de DMP, car encore eût-il fallu que celui-ci existât ! Parlons plutôt de môle hydatiforme – un embryon qui ne se serait pas développé normalement : si j’ai cosigné en effet cette proposition de loi, c’est bien parce que la mise en place du DMP ne progresse pas, du fait de l’incurie des pouvoirs publics. La preuve en est que les pharmaciens ont été capables de mettre en place rapidement le dossier pharmaceutique.

Le principe de la double lecture du DMP, par le patient et le professionnel de santé, ne fait-elle pas peser un risque sur sa confidentialité ? Quant aux bénéficiaires de l’expérimentation, seront-ils choisis sur la base du volontariat ? S’agit-il bien par ailleurs d’une phase transitoire avant la mise en place du DMP, et l’expérimentation aura-t-elle lieu au niveau national, ou au niveau régional, en liaison avec les agences régionales de santé ?

M. Jean-Pierre Door. Il ne faudrait pas compliquer le sujet à plaisir, alors que l’objectif essentiel est au contraire de simplifier l’informatisation des données de santé.

Le DMP n’est pas mort : la mission que j’ai présidée et la MECSS avaient au contraire pour objectif de le relancer et d’en améliorer le pilotage avec la création de l’ASIP Santé. Et si les premières expérimentations du futur DMP devraient avoir lieu à la fin de l’année, cela n’empêche pas de faire l’essai d’autres supports informatiques déjà existants.

L’expérimentation du dossier médical sur clé USB se fera sur la base du volontariat, tant des professionnels que des patients. Il s’agit d’utiliser les nouvelles technologies d’information et de sécurisation des données, notamment l’identification biométrique et le cryptage des données. Le médecin traitant pourra charger les données médicales relatives au patient sur ce support informatique, et il reviendra à l’ASIP Santé de tirer un bilan de l’expérimentation.

M. Dominique Dord. Je m’étonne que l’on puisse, comme Catherine Lemorton, être à la fois pour le dossier médical personnel et contre cette expérimentation sur clé USB. D’ailleurs, comme l’a fait remarquer Jacqueline Fraysse, si problème il y a, il ne tient pas à ce support, mais au dossier médical lui-même. Je ne suis même pas sûr d’ailleurs qu’une loi soit nécessaire pour mettre au point cette expérimentation. Pourquoi le médecin ne pourrait-il pas mettre le DMP sur clé USB ?

Pour autant, si je suis très favorable à cette expérimentation, la durée de deux ans qui est proposée me paraît très courte, au regard des difficultés rencontrées jusqu’à présent en matière d’informatisation de la santé.

Enfin, il est dommage que l’on se limite à la clé USB, qui risque d’être bientôt dépassée. Il faudrait élargir cette expérimentation à toute forme de support numérique nouveau. J’ai cosigné un amendement répondant à cette préoccupation.

M. Jacques Domergue. Je suis très favorable à cette expérimentation et au fait qu’elle soit limitée aux patients atteints d’affection de longue durée, sachant que les malades concernés sont très suivis, cela dans un cadre bien défini. Marisol Touraine a fait remarquer qu’une clé USB pourrait se perdre. Certes, mais faudrait-il préférer alors l’implantation d’une puce sous le bras des assurés ?

En revanche, je suis défavorable au cryptage, lequel a, selon moi, contribué au retard du DMP. Il est en effet indispensable que les médecins et les professionnels de santé puissent disposer de toutes les informations concernant les patients, surtout en cas de maladies chroniques. Or, certains, notamment dans les associations, refusent que les maladies virales ou les maladies psychiatriques soient inscrites dans le dossier.

J’estime qu’il faut prévoir de lourdes sanctions contre ceux qui détourneraient l’information, par exemple à des fins mercantiles. Le risque existe. Prévenons-le par des sanctions, et non par un masquage des informations.

Enfin, je me demande qui mettra à jour les informations contenues dans le dossier.

M. Christian Hutin. Il y a quelques mois, le Premier président de la Cour des comptes nous a présenté les comptes de la sécurité sociale. Vous-même, monsieur le président, avez envisagé que l’on réfléchisse à un contrôle des affections de longue durée par les caisses, non plus en amont de l’admission des assurés à ce régime, mais en aval. En soi, cela me semble une bonne idée. Cependant, certaines données n’ont pas forcément à apparaître dans un dossier médical, y compris pour ces patients. Il ne faudrait donc pas que le texte permette de faire sans discernement un grand ménage parmi les patients en affection de longue durée par le biais d’un contrôle a posteriori. Mais, il ne faudrait pas non plus qu’il puisse faire l’objet de remarques de la part du prochain Premier président, parce qu’il aura coûté très cher et se sera révélé inutile.

J’observe enfin que 10 à 15 % des professionnels de santé ne sont pas encore informatisés et que d’autres refusent, de manière tout à fait illégale, un patient bénéficiant de la couverture maladie universelle. Pourront-ils avoir accès à la clé USB ?

M. Michel Heinrich. L’ordre des pharmaciens, que j’ai contacté, ne voit aucun inconvénient à la mise en place du DMP sur une clé USB. Pour autant, pourrait-on avoir confirmation que seul le médecin traitant inscrira les données sur cette clé ?

J’observe par ailleurs une limite par rapport au DMP tel qu’il est imaginé : en matière de médicaments notamment, prescription ne signifie pas délivrance.

Mme Catherine Génisson. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec la cible de l’expérimentation, à savoir les personnes atteintes d’affection de longue durée, mais si l’on veut qu’elle serve de support à la mise en place du DMP, ne faudrait-il pas l’ouvrir également aux personnes jeunes et sans pathologie particulière ?

M. Philippe Morenvillier. Je suis favorable à une expérimentation sur deux ans, à condition qu’elle soit mise en place sur la base du volontariat et avec cryptage des données. Une telle expérimentation peut apporter des progrès aussi bien sur le plan médical, car le DMP sur clé USB sera un véritable outil d’aide à la décision médicale et à la coordination des soins, que sur le plan financier – en évitant des soins redondants – ou technique : 7 000 systèmes d’information, qui ne sont pas toujours opérables entre eux, sont utilisés par les médecins.

Cette expérimentation sur les affections de longue durée – qui concentrent 64 % des dépenses d’assurance maladie et 14 % des assurés – fera progresser le DMP, créé par la loi de 2004 et relancé par Roselyne Bachelot en 2008.

M. le rapporteur. Madame Lemorton, cette expérimentation ne remet pas en cause le DMP. Ensuite, il s’agit bien d’un dossier personnel. La cible choisie, à savoir les personnes atteintes d’affection de longue durée, a semblé plus pertinente que les personnes en bonne santé. C’est l’ASIP Santé qui choisira les régions concernées. Enfin, si l’on a retenu la clé USB, c’est parce qu’elle assure un hébergement simple, efficace et rapide.

Monsieur Perrut, c’est l’ASIP Santé et donc la puissance publique qui choisira, comme je viens de le préciser, les régions concernées par l’expérimentation. Les patients y participeront, dans la mesure où ce sont eux qui choisiront, avec leur médecin traitant, de s’équiper d’une clé USB. Vous vous inquiétiez de la sécurisation de celle-ci, mais aujourd’hui, les systèmes sont techniquement assez satisfaisants.

Monsieur Aboud, c’est bien le patient qui choisira de participer ou non à l’expérimentation. Je vous rappelle que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sera saisie et donnera un avis. On sait d’ailleurs que les Français détiennent toujours chez eux des dossiers médicaux sur papier et que de nombreux dossiers personnels sont consultables sur Internet – ce qui est une bonne chose : il n’y a pas de raison qu’un tel dossier soit moins sécurisé sur une clé USB que sur Internet.

Madame Fraysse, vous vous étonnez de la date du dépôt de ce texte. Mais la mesure proposée a déjà été adoptée par deux fois par le Parlement, avant que le Conseil Constitutionnel n’en censure également par deux fois les dispositions pour des raisons de forme. Encore une fois, ce sera au patient de choisir de s’équiper d’une clé USB. Il ne faut pas nier que beaucoup de gens souhaitent avoir un dossier médical facilement transportable, notamment ceux qui voyagent souvent à l’étranger ou ceux qui sont atteints d’affection de longue durée – lesquels sont d’ailleurs les premiers demandeurs en la matière.

Monsieur Leteurtre, vous vous êtes inquiété de la sécurisation de la clé ; Jean-Pierre Door s’est exprimé très précisément sur le sujet. Quant aux critères de sélection des patients et des régions, c’est l’ASIP Santé qui en décidera, mais dans la mesure où l’expérimentation sera fondée sur le volontariat, personne ne peut savoir si telle ou telle région comptera plus de volontaires que telle autre.

Monsieur Delatte, le choix de la clé USB est dû au fait que tous les ordinateurs au monde l’acceptent et qu’elle est plus facile à transporter qu’un disque informatique ou quelqu’autre système. Certes, on peut la perdre, comme l’a noté Marisol Touraine. Mais les Français n’ont pas l’habitude de perdre les clés de leur voiture ou de leur domicile tous les jours !

S’agissant de la création d’un comité de suivi – qui fait l’objet d’un amendement de votre part –, outre que le texte prévoit déjà la remise d’un rapport annuel faisant le bilan de l’expérimentation, il semble inutile de compliquer sa mise en place.

Madame Touraine, il est vrai que le carnet de santé a été un échec. Par ailleurs, il n’était pas facile à transporter. La clé USB permet de le dupliquer. Quant au coût de la mise en place de la clé, on peut évaluer à environ 8 euros pièce – à comparer au coût de la mise en place du DMP en Allemagne, qui a été évalué à 50 euros pièce.

Monsieur Lefrand, on ne peut qualifier le DMP d’« invertébré », d’autant que vous avez souligné en même temps le succès du dossier pharmaceutique, qui est effectivement une belle réussite. Nous souhaitons bien sûr que la clé USB ne soit pas invertébrée et soit facile à mettre en place… Quant à la question de l’accès au dossier médical enregistré sur la clé, c’est le médecin traitant qui constituera le dossier, même si les médecins spécialistes pourront également le lire.

Vous avez par ailleurs souhaité que les agences régionales de santé puissent éventuellement intervenir dans la mise en place de l’expérimentation. Il ne nous a pas paru nécessaire de le prévoir expressément, car l’ASIP Santé sera le chef de file de cette expérimentation et que l’accord se fera entre le médecin traitant et le patient.

Monsieur Dord, une loi n’est peut-être pas nécessaire, mais aujourd’hui, le DMP n’existe pas. Si nous voulons aller vite, il nous faut prendre une initiative. C’est ce qui explique cette proposition de loi, issue directement du rapport de Jean-Pierre Door.

Monsieur Domergue, nous proposons un cryptage des données, pas leur masquage, dont le principe a été longuement discuté au moment de la mise en place du DMP, mais qui peut poser des problèmes de responsabilité et de qualité des soins. En l’occurrence, il s’agit bien de cryptage. Il faut que l’ordinateur puisse lire les informations de la clé USB. Pour cela, un petit logiciel, propre au médecin, suffira.

Vous avez par ailleurs insisté sur la nécessité de créer des sanctions lourdes si une fraude était mise au jour. La loi prévoit déjà, dans le cadre du piratage informatique, des sanctions pénales qui pourront s’appliquer efficacement.

Monsieur Hutin, vous avez évoqué l’utilisation du dossier médical à des fins de contrôle par les caisses des droits des assurés en aval de la liquidation. Le fait que la Sécurité sociale soit mieux renseignée sur les dépenses de santé de telle ou telle personne me paraît correspondre à un souci de bonne gestion. Mais en l’occurrence, la question ne se pose pas. Les caisses d’assurance maladie n’auront pas connaissance du contenu de la clé USB. Vous pouvez donc être rassuré.

Monsieur Heinrich, le médecin traitant et les spécialistes qui seront consultés pourront inscrire des informations sur cette clé. Tout dossier papier ne sera pas nécessairement supprimé : selon un rapport de la Cour des comptes, 67 % des médecins seulement étaient informatisés il y a deux ans. Même si ce pourcentage a sans doute progressé de manière significative depuis cette date, un grand nombre de médecins ne sont toujours pas informatisés ce qui, d’ailleurs, pose d’autres problèmes.

Madame Génisson, il s’agit d’une expérimentation. Si l’on ciblait la totalité de la population française, cela n’en serait plus vraiment une. Il nous a paru intéressant de cibler les affections de longue durée pour les raisons qui ont déjà été évoquées. Encore une fois, les patients sont très demandeurs d’un dispositif portable d’hébergement de leurs données de santé. Les initiatives privées sont de plus en plus fréquentes en la matière. Ce que nous proposons aujourd’hui est une réponse publique à cette demande.

Je remercie enfin M. Morenvillier pour son enthousiasme envers cette expérimentation.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous en venons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi.

II.- EXAMEN DE L’ARTICLE

Article unique

(article L. 1111-20 (nouveau) du code de la santé publique)


Expérimentation d’un dossier médical enregistré sur un dispositif portable d’hébergement de données, tel une clé USB, pour certains patients atteints d’affections de longue durée (ALD)

Le présent article a pour objet de prévoir, à titre expérimental, la remise à certains assurés sociaux atteints d’affections de longue durée (ALD) d’un dossier médical enregistré sur un dispositif portable d’hébergement de données informatiques, comme une clé USB (Universal Serial Bus).

À cette fin, il tend à insérer dans le code de la santé publique un article L. 1111-20 composé de quatre alinéas. Il s’insère ainsi dans la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, qui regroupe les dispositions relatives au dossier médical personnel (DMP) et au dossier pharmaceutique.

Le premier des quatre alinéas du texte proposé pour le nouvel article L. 1111-20 du code de la santé publique (alinéa 2) tend à définir l’objet et les conditions de l’expérimentation proposée.

En effet, l’article 37-1 de la Constitution dispose que la loi et le règlement peuvent comporter, « pour un objet et une durée limités », des dispositions à caractère expérimental et, dans sa décision n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009 sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, le Conseil constitutionnel a considéré que « si, sur le fondement de cette disposition, le Parlement peut autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi, il doit en définir de façon suffisamment précise l’objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle ».

L’aliéna 2 définit donc l’objet de l’expérimentation comme un « dossier médical ». Il n’emploie pas l’expression « dossier médical personnel », afin que le dossier médical qu’il est proposé d’expérimenter ne soit pas confondu avec le DMP prévu à l’article L. 1111-14 du code de la santé publique. Ce dossier sera enregistré « sur un dispositif portable d’hébergement de données informatiques », ce qui, dans l’esprit des auteurs de la présente proposition de loi, vise principalement une clé USB.

Le même alinéa désigne aussi les personnes concernées par cette expérimentation, en visant « un échantillon » des assurés atteints d’une affection de longue durée au sens des 3° et 4° de l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale.

En effet, l’article L. 322-2 de ce code dispose qu’en principe, une fraction des tarifs de base des soins, dite « ticket modérateur », reste à la charge de l’assuré. Toutefois, l’article L. 322-3 du même code prévoit des dérogations à cette règle pour les patients atteints d’ALD dans deux cas :

– soit, en application du de cet article L. 322-3, lorsque l’assuré est atteint d’une affection recensée sur une liste fixée à l’article D. 322-1 du même code, qui énumère trente groupes de pathologies ;

– soit, conformément au de l’article L. 322-3, lorsque l’assuré est reconnu atteint d’une maladie qui, sans figurer que la liste précitée, nécessite « un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ».

Le choix de limiter le champ de l’expérimentation proposée à un échantillon de ces patients s’explique par deux raisons :

– d’une part, les assurés relevant des et de l’article L. 322-3 sont trop nombreux (environ 10 millions) pour que cette expérimentation puisse être mise en œuvre dans des délais satisfaisants ;

– d’autre part, pour certaines ALD comprenant notamment des maladies neuro-dégénératives, un dispositif consistant à confier une clé USB au patient lui-même ne semble pas le plus adapté.

En outre, l’alinéa 3 permet à l’Agence nationale des systèmes d’information partagés de santé (ASIP) de sélectionner les régions dans lesquelles cette expérimentation sera menée (cf. infra).

Conformément aux dispositions précitées de l’article 37-1 de la Constitution, l’aliéna 2 enserre cette expérimentation dans des délais précis. Elle devra débuter :

– avant l’échéance prévue au dernier aliéna de l’article L. 1111-14 du code de la santé publique, c'est-à-dire avant que « l’utilisation du dossier médical personnel est possible sur l'ensemble des territoires » auxquels s’appliquent les articles de la section du code de la santé publique regroupant les dispositions relatives au DMP et au dossier pharmaceutique ;

– et, en tout état de cause, avant le 31 décembre 2010.

L’aliéna 2 fixe le terme de l’expérimentation au 31 décembre 2012, répondant ainsi à l’objection du Conseil constitutionnel, qui avait conduit celui-ci à censurer l’article 50 de la loi dite « HPST » (cf. supra).

Le deuxième alinéa du nouvel article L. 1111-20 du code de la santé publique (alinéa 3) définit les modalités de mise en œuvre et de suivi de cette expérimentation.

Il charge ainsi le groupement d’intérêt public visé à l’article L. 1111-24 du même code, c'est-à-dire l’Agence nationale des systèmes d’information partagés de santé (ASIP), de fixer la liste des régions dans lesquelles cette expérimentation sera menée.

Le même aliéna charge également l’Agence de remettre au Parlement un rapport annuel présentant le bilan de cette expérimentation.

Le troisième alinéa du nouvel article L. 1111-20 du code de la santé publique (alinéa 4) précise que deux dispositions relatives à l’hébergement du DMP et à son accès par Internet ne sont pas applicables aux dossiers médicaux faisant l’objet de l’expérimentation proposée. Il s’agit :

– du deuxième aliéna de l’article L. 1111-14, qui prévoit l’hébergement du DMP auprès d'un hébergeur de données de santé à caractère personnel agréé ;

– de l’article L. 1111-19, qui définit le « portail du DMP ».

Le dernier alinéa du nouvel article L. 1111-20 du code de la santé publique (alinéa 5) renvoie à un décret le soin de fixer les conditions d’application de l’article L. 1111-20.

Conformément aux principes de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, cet alinéa tend à garantir le respect du caractère personnel des données contenues dans les dossiers médicaux faisant l’objet de l’expérimentation par deux moyens :

– il précise que les conditions d’application de l’article L. 1111-20 fixées par décret devront garantir la confidentialité des données contenues dans ces dossiers médicaux ;

– il prévoit que ce décret sera soumis à l’avis consultatif de la Commission national de l’informatique et des libertés (CNIL).

*

La Commission adopte d’abord successivement les amendements rédactionnels AS 3, AS 4 et AS 5 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 1 de M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Il nous a semblé important que les professionnels et les usagers puissent être intégrés à un moment ou à un autre au processus expérimental. Voilà pourquoi nous avons proposé, avec Dominique Dord, Jean-François Chossy et Jacques Domergue, la mise en place d’un comité de pilotage, ou plutôt de suivi, qui serait chargé de remettre un rapport annuel.

Vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, que la procédure ne soit pas ainsi alourdie. En raison des informations qui nous ont été données précédemment, je retire notre amendement.

Mme Catherine Lemorton. L’idée était bonne pourtant : vous auriez même pu proposer la participation de parlementaires à ce comité de suivi. Ils auraient ainsi pu avoir un droit de regard sur cette expérimentation.

L’amendement AS 1 est retiré.

Puis la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 7 et AS 6 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article unique ainsi modifié.

Sur le titre de la proposition de loi, la Commission est saisie de l’amendement AS 2 de M. Rémi Delatte et du sous-amendement AS 8 du rapporteur.

M. Rémi Delatte. Il serait dommage de décider de l’utilisation du seul support que constitue la clé USB, sans prendre en compte de possibles évolutions technologiques, cela d’autant qu’il est fait état à l’alinéa 2 d’un « dispositif portable d’hébergement de données informatiques ».

M. le rapporteur. Il conviendrait simplement de préciser que, quel que soit le support numérique utilisé, celui-ci soit sécurisé.

La Commission adopte successivement le sous-amendement AS 8 et l’amendement AS 2.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

En conséquence, la Commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la

Commission

___

Expérimentation du dossier médical sur clé USB sécurisée pour les patients atteints d’affections de longue durée

Expérimentation du dossier médical sur tout support portable numérique sécurisé pour les patients atteints d’affections de longue durée

Amendement AS 2 et sous-amendement AS 8

Article unique

Article unique

Après l’article L. 1111-19 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-20 ainsi rédigé :

 

« Art. L. 1111-20. – Avant la date prévue au dernier alinéa de l’article L. 1111-14* et avant le 31 décembre 2010, un dossier médical implanté sur un dispositif portable d’hébergement de données informatiques est remis, à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2012, à un échantillon de bénéficiaires de l’assurance maladie atteints d’une des affections mentionnées aux 3° ou 4° de l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale*.

« Art. L. 1111-20. – Avant l’échéance prévue au dernier alinéa de l’article L. 1111-14 et au plus tard avant …

… sociale.

Amendements AS 3 et AS 4

« Le groupement d’intérêt public prévu à l’article L. 1111-24* fixe la liste des régions dans lesquelles est menée cette expérimentation. Avant le 15 septembre de chaque année, il remet au Parlement un rapport qui en présente le bilan.

« Le groupement …

… expérimentation. Chaque année, avant le 15 septembre, il …

… bilan.

Amendement AS 5

« Le deuxième alinéa de l’article L. 1111-14* et l’article L. 1111-19* ne sont pas applicables aux dossiers médicaux créés en application du présent article.

Alinéa sans modification

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article, garantissant notamment la confidentialité des données contenues dans les dossiers médicaux personnels, après avis consultatif de la CNIL. »

« Un décret fixe les conditions d’application …

… médicaux, après …

… CNIL. »

Amendements AS 7 et AS 6

*Cf. annexe

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code de la santé publique 42

Code de la sécurité sociale 43

Code de la santé publique

Art. L. 1111-14. – Afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, gages d'un bon niveau de santé, chaque bénéficiaire de l'assurance maladie dispose, dans les conditions et sous les garanties prévues à l'article L. 1111-8 et dans le respect du secret médical, d'un dossier médical personnel constitué de l'ensemble des données mentionnées à l'article L. 1111-8, notamment des informations qui permettent le suivi des actes et prestations de soins. Le dossier médical personnel comporte également un volet spécialement destiné à la prévention.

Ce dossier médical personnel est créé auprès d'un hébergeur de données de santé à caractère personnel agréé dans les conditions prévues à l'article L. 1111-8.

L'adhésion aux conventions nationales régissant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les professionnels de santé, prévues à l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, et son maintien sont subordonnés à la consultation ou à la mise à jour du dossier médical personnel de la personne prise en charge par le médecin.

Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables dès que l'utilisation du dossier médical personnel est possible sur l'ensemble des territoires auxquels s'applique la présente section.

Art. L. 1111-19. – Il est institué un service unique d'accueil dématérialisé, dénommé "portail du dossier médical personnel", destiné aux bénéficiaires de l'assurance maladie et aux professionnels de santé.

Ce portail assure des fonctions d'information générale et un service de gestion permettant aux bénéficiaires de l'assurance maladie de gérer leur dossier médical personnel et les droits d'accès des professionnels de santé. Il assure le contrôle et la traçabilité des accès aux dossiers médicaux personnels. Il produit les données de suivi d'activité nécessaires à l'évaluation de ce service.

Ces fonctions peuvent être mises à disposition d'autres organismes assurant des missions de partage et d'échange de données personnelles de santé dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé.

Art. L. 1111-24. – Le groupement d'intérêt public chargé du développement des systèmes d'information de santé partagés bénéficie pour son financement d'une participation des régimes obligatoires d'assurance maladie. Le montant de cette dotation est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

Code de la sécurité sociale

Art. L. 322-3. – La participation de l'assuré mentionnée au premier alinéa de l'article L. 322-2 peut être limitée ou supprimée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, dans les cas suivants :

………………………………………………………………………………………

3° lorsque le bénéficiaire a été reconnu atteint d'une des affections, comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie par décret après avis de la Haute Autorité mentionnée à l'article L. 161-37 ;

4° Lorsque les deux conditions suivantes sont cumulativement remplies :

a) Le bénéficiaire est reconnu atteint par le service du contrôle médical soit d'une affection grave caractérisée ne figurant pas sur la liste mentionnée ci-dessus, soit de plusieurs affections entraînant un état pathologique invalidant ;

b) Cette ou ces affections nécessitent un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ;

………………………………………………………………………………………

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par MM. Rémi Delatte, Dominique Dord, Jean-François Chossy et Jacques Domergue

Article unique

Compléter le troisième alinéa par les mots : « L'expérimentation sera suivie par un comité de pilotage, composé de représentants de l'État, des professionnels de santé, des organismes d'assurance maladie, des établissements de santé et des usagers. »

Amendement n° AS 2 présenté par MM. Rémi Delatte, Dominique Dord, Jean-François Chossy et Jacques Domergue

Titre

Dans le titre de la proposition de loi substituer aux mots : « clé USB sécurisée », les mots : « tout support portable numérique »

Amendement n° AS 3 présenté par M. Dominique Tian, rapporteur

Article unique

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « la date », les mots : « l’échéance ».

Amendement n° AS 4 présenté par M. Dominique Tian, rapporteur

Article unique

À l’alinéa 2, après les mots : « L. 1111-14 et », insérer les mots : « au plus tard ».

Amendement n° AS 5 présenté par M. Dominique Tian, rapporteur

Article unique

À l’alinéa 3, substituer aux mots : « Avant le 15 septembre de chaque année », les mots : « Chaque année, avant le 15 septembre ».

Amendement n° AS 6 présenté par M. Dominique Tian, rapporteur

Article unique

À l’alinéa 5, supprimer le mot : « personnels ».

Amendement n° AS 7 présenté par M. Dominique Tian, rapporteur

Article unique

À l’alinéa 5, substituer au mot : « modalités », le mot : « conditions ».

Sous-amendement n° AS 8 présenté par M. Dominique Tian, rapporteur, à l’amendement n° AS 2 de MM Rémi Delatte, Dominique Dord, Jean-François Chossy et Jacques Domergue

À l’amendement n° 2

Après le mot : « numérique », insérer le mot : « sécurisé ».

© Assemblée nationale

1 () Dispositif portable d’hébergement de données informatiques, auxquelles on accède par un ordinateur ou tout autre équipement doté d’un port Universal Serial Bus (USB).

2 () Rapport d’information n° 659 de M. Jean-Pierre Door sur le dossier médical personnel (DMP), janvier 2008.

3 () Cf.  rapport d’information n° 1271 fait par M. Jean-Pierre Door en conclusion des travaux de la Mission dévaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur les affections de longue durée (ALD), novembre 2008.

4 () Rapport d’information n° 659 de M. Jean-Pierre Door sur le dossier médical personnel (DMP), janvier 2008.

5 () Rapport d’information n° 697 de M. Yves Bur sur les agences régionales de santé (ARS), janvier 2008.

6 () Inspection générale des finances (IGF), inspection générale des affaires sociales (IGAS), conseil général des technologies de l’information, rapport de la mission interministérielle de revue de projet sur le DMP, novembre 2007.

7 ()  Voir sur ce point le discours prononcé par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative le 23 juin 2008 à l’hôpital européen Georges Pompidou.

8 () Dispositif portable d’hébergement de données informatiques, auxquelles on accède par un ordinateur ou tout autre équipement doté d’un port Universal Serial Bus (USB).

9 () Cf. les prévisions du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) dans son rapport annuel pour 2007.

10 () Rapport d’information n° 1271 fait en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur les affections de longue durée par M. Jean-Pierre Door.