Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 2460

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 avril 2010.

RAPPORT

FAIT

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
SUR LE PROJET DE
loi de finances rectificative pour 2010 (n° 2452),

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gilles CARREZ,

Rapporteur général,

Député.

——

SYNTHÈSE 5

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : ACCORDER À LA GRÈCE LE TEMPS NÉCESSAIRE À LA RÉSORPTION DES DÉSÉQUILIBRES BUDGÉTAIRES 11

I.– DES DIFFICULTÉS GRANDISSANTES DE FINANCEMENT POUVANT ABOUTIR À UN DÉFAUT DE L’ÉTAT GREC 11

A.– UNE BRUSQUE DÉGRADATION DES CONDITIONS DE REFINANCEMENT 11

B.– UNE GESTION DÉFAILLANTE DES FINANCES PUBLIQUES 13

C.– DES PERSPECTIVES DE CROISSANCE INCERTAINES 16

D.– LA PERTE DE CRÉDIBILITÉ DE L’ÉTAT GREC 18

II.– UNE AIDE FINANCIÈRE TEMPORAIRE POUR PERMETTRE L’AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE 21

A.– METTRE FIN AUX MENÉES SPÉCULATIVES ET PRÉSERVER LA STABILITÉ DE LA ZONE EURO 22

B.– RÉPONDRE À LA CRISE DE LIQUIDITÉ 24

PARTIE II : UN MÉCANISME D’ASSISTANCE FINANCIÈRE À LA GRÈCE DÉCIDÉ AU NIVEAU EUROPÉEN ET COORDONNÉ AVEC LE FMI 29

I.– LES PRINCIPES DE L’ASSISTANCE FINANCIÈRE 29

A.– LA MISE EN PLACE D’UNE ASSISTANCE EUROPÉENNE AD HOC 29

B.– UNE ASSISTANCE EUROPÉENNE COORDONNÉE AVEC UNE INTERVENTION DU FMI 32

II.– L’ACTIVATION DE L’ASSISTANCE FINANCIÈRE 33

III.– LA PARTICIPATION DE LA FRANCE 34

A.– LA TRADUCTION EN DROIT INTERNE DES ENGAGEMENTS PRIS LE 11 AVRIL 2010 AU SEIN DE L’EUROGROUPE 34

B.– LES CONSÉQUENCES POUR LES FINANCES PUBLIQUES FRANÇAISES 38

PARTIE III : UN APPEL À LA RÉFORME DE LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE DE LA ZONE EURO 43

I.– MIEUX GÉRER LES DÉSÉQUILIBRES BUDGÉTAIRES 43

A.– COMMENT ASSURER LE RESPECT DU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE ? 43

B.– GARANTIR LA QUALITÉ DE L’INFORMATION STATISTIQUE 44

II.– MIEUX GÉRER LES DÉFICITS DE COMPÉTITIVITÉ 45

A.– L’ACCROISSEMENT DES ÉCARTS DE COMPÉTITIVITÉ DEPUIS 2000 45

B.– LES FUTURES DIFFICULTÉS DES ÉTATS À FORTS DÉFICITS EXTÉRIEURS 46

C.– COOPÉRER POUR RÉDUIRE LES ÉCARTS DE CROISSANCE 47

AUDITION DE M. FRANCOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT 49

DISCUSSION GÉNÉRALE 69

EXAMEN DES ARTICLES 77

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

RESSOURCES AFFECTÉES

Article 1er : Création, au sein du compte de concours financiers « Prêts à des États Étrangers », d’une section nouvelle : « Prêts aux États membres de l’union européenne dont la monnaie est l’euro » 77

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES A L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 2 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois 79

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2010

CRÉDITS DES MISSIONS

Article 3 : Compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » : ouverture de crédit 84

TABLEAU COMPARATIF 85

SYNTHÈSE

 La crise que traverse la Grèce est, avant tout, une crise des finances publiques due à une gestion budgétaire laxiste, qui l’a conduite à accumuler un niveau de dette insoutenable. Elle n’est pas une crise du système financier, qui paraît en bon état, ni une crise de l’économie réelle, même si un accroissement de la compétitivité sera nécessaire dans les années à venir, ni une crise de change.

Les investisseurs ont de moins en moins confiance dans la capacité de la Grèce à faire face à ses engagements pour trois raisons :

– sa trajectoire d’endettement public n’apparaît pas soutenable en raison d’une gestion budgétaire défaillante depuis son entrée dans la zone euro en 2001 ;

– la crédibilité de l’État grec a été sérieusement entamée avec la révélation de la mauvaise qualité des statistiques en octobre 2009, événement qui a enclenché le mouvement de hausse des taux. De plus, les prêteurs croient de moins en moins que l’État grec pourra réussir l’ajustement budgétaire nécessaire parce qu’il n’existe pas de précédents sur la période récente et que plus l’ajustement sera important, plus la croissance risque de chuter, ce qui entravera l’amélioration des comptes publics ;

– les perspectives de croissance à moyen terme sont revues à la baisse par rapport à la moyenne de la décennie 2000. La Grèce, comme l’Espagne ou le Portugal, souffre d’un déficit de compétitivité parce qu’elle a accumulé des écarts d’inflation importants par rapport au reste de la zone euro et qu’elle est spécialisée dans des activités de services à faible valeur ajoutée (tourisme et transport maritime).

Même si ce dernier point est commun à plusieurs pays de la zone euro, les éléments sous-jacents à la crise restent spécifiques à la Grèce.

Sur la base de ces sous-jacents économiques, une attaque spéculative s’est déclenchée, à partir de la fin de l’année 2009, contre l’État grec et, en renchérissant ses conditions de financement, tend à accroître la probabilité d’un défaut. Dès lors, une intervention est nécessaire pour mettre fin à ces mouvements de marché, qui pourraient s’étendre à d’autres États et déstabiliser l’ensemble de la zone euro.

L’assistance de l’Union européenne et du FMI, qu’a officiellement demandée la Grèce le 23 avril, tend seulement à régler la crise de liquidité qui pourrait frapper rapidement l’État grec. Le remède à la crise de solvabilité est, quant à lui, absolument nécessaire pour éviter un défaut de paiement de l’État grec ou une restructuration de sa dette : il passe principalement par la mise en œuvre du programme de stabilité grec, complété par les engagements pris le 2 février et le 3 mars derniers. L’objectif est la réalisation d’un effort budgétaire de 6,4 % de PIB en 2010, avec notamment des économies de l’ordre de 1 % du PIB sur les dépenses de personnel de l’État et une hausse des accises et de la TVA d’environ 1,9 % de PIB. Des mesures supplémentaires seraient prises pour 2011 et 2012.

 Le principe de l’intervention financière des États membres de la zone euro a été arrêté par l’Eurogroupe le 11 avril dernier : il consiste en un plan d’assistance à la Grèce prévu pour trois ans et donnant lieu à une série de prêts bilatéraux d’un montant maximal de 30 milliards d’euros la première année. S’y ajouterait parallèlement une aide du Fonds monétaire international (FMI), d’environ la moitié de ce montant (soit entre 10 et 15 milliards d’euros). Si les conditions de financement de la Grèce sur les marchés ne se normalisaient pas dans l’année, rien n’exclut que les États membres de la zone euro décident de lui prêter davantage.

L’adoption des mesures nationales dans chaque État de la zone euro se fait simultanément. L’effort financier serait réparti entre eux selon leur quote-part dans le capital de la Banque centrale européenne (BCE) :

RÉPARTITION PRÉVISIONNELLE DES ENGAGEMENTS DES ÉTATS
POUR LA PREMIÈRE ANNÉE DU PLAN D’AIDE À LA GRÈCE

(en millions d’euros)

Allemagne  (27,92 %)

8 379

France  (20,97 %)

6 291

Italie  (18,42 %)

5 526

Espagne  (12,24 %)

3 672

Pays-Bas  (5,88 %)

1 764

Belgique  (3,58 %)

1 074

Autriche  (2,86 %)

858

Portugal  (2,58 %)

774

Finlande  (1,85 %)

555

Irlande  (1,64 %)

492

Slovaquie  (1,02 %)

306

Slovénie  (0,48 %)

144

Luxembourg  (0,26 %)

78

Chypre  (0,20 %)

60

Malte  (0,09 %)

27

Total

30 000

N.B. : les pourcentages représentent la part de chaque banque centrale nationale dans le capital de la BCE (hors Grèce).

Source : Ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

 Le présent projet de loi de finances rectificative propose une ouverture de 6,3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et de 3,9 milliards d’euros de crédits de paiement (CP) sur un nouveau programme Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro créé sur le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers.

L’ouverture en AE correspond à l’engagement maximal contracté par la France lors de la réunion de l’Eurogroupe du 11 avril 2010. Le montant ouvert en CP constitue une estimation de ce que la France pourrait avoir effectivement à décaisser pour le seul exercice budgétaire en cours. Conformément à l’article 24 de la LOLF, les crédits ouverts sont évaluatifs. Juridiquement, rien n’empêcherait donc le Gouvernement de dépasser en exécution le montant prévu dans la loi de finances rectificative.

Compte tenu d’une révision à la hausse des recettes fiscales prévues pour 2010 (+ 0,9 milliard d’euros sur la TVA), le déficit budgétaire est augmenté de 3 milliards d’euros et porté à 152 milliards d’euros. Aucune émission supplémentaire de dette ne sera cependant nécessaire, le besoin de financement supplémentaire pouvant être couvert par la mobilisation de 3 milliards d’euros de ressources de trésorerie.

 Les conditions exactes de l’assistance financière accordée par la zone euro ne sont pas définitivement arrêtées.

Le taux des prêts consentis à la Grèce serait supérieur à celui offert par le FMI mais inférieur aux conditions actuelles de marché. Son mode de fixation a constitué un point de débat important au sein de l’Eurogroupe. À titre d’exemple, pour un prêt à trois ans, il serait de l’ordre de 5 %. Le choix entre taux variable et taux fixe n’a pas encore été fait.

La maturité des prêts n’a pas encore été fixée.

Les prêts se feraient sur une base bilatérale, la Commission européenne étant, après autorisation du Conseil européen, mandataire des États membres. Si ses bases juridiques se situent en marge du traité, l’intervention ne paraît toutefois pas contraire au droit communautaire, y compris à la clause dite de « no bail-out ».

La mise en œuvre des mesures d’ajustement budgétaire se ferait dans le cadre de la procédure pour déficit excessif. La Commission, la BCE et le FMI travailleraient conjointement pour définir ces mesures et vérifier leur mise en œuvre. Les fonds seraient versés par tranches, après vérification du respect des engagements pris par l’État grec.

Les principales tombées de dettes de l’État grec en 2010, auxquelles correspondront probablement les financements apportés par les États et le FMI, sont prévues le 19 mai (8 milliards d’euros), le 16 juillet (2 milliards d’euros) et le 15 octobre (2,3 milliards d’euros).

INTRODUCTION

Depuis la fin de l’année 2009, l’État grec est l’objet d’attaques spéculatives qui accroissent le coût de son refinancement et réduisent sa solvabilité. Pour éviter une contagion et garantir la stabilité du système financier, les États membres de la zone euro ont décidé de se substituer temporairement aux prêteurs privés pour mettre un terme à ces menées spéculatives et donner à la Grèce le temps de rétablir ses finances publiques.

Il est en effet nécessaire que l’État grec procède à un ajustement budgétaire trop longtemps retardé. C’est à cette condition que l’État grec redeviendra solvable, qu’il pourra retourner sur les marchés financiers et rembourser ses partenaires.

Cette politique d’austérité est sans alternative car la réalité économique et financière finit toujours par rattraper les États dont la trajectoire d’endettement n’est pas soutenable. Si la Grèce ne faisait pas partie de la zone euro, elle aurait d’ailleurs déjà eu recours au Fonds monétaire international pour suivre de telles prescriptions, à l’image de la Hongrie ou de la Roumanie.

Si l’aide que la France s’apprête à offrir à l’État grec est l’expression de la solidarité qui anime les États de la zone euro, il est impossible de financer indéfiniment un État qui ne se réforme pas. Ce soutien financier est une avance, il est tarifé à un taux correspondant au risque que représente l’État grec, et il a vocation à être remboursé dès que celui-ci aura mis en œuvre les réformes nécessaires au rétablissement de ses finances.

Pour atteindre cet objectif, les États de la zone euro ont mis en place un dispositif équilibré et efficace, dans lequel le contrôle des engagements pris par la Grèce sera assuré par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international, dans le cadre de la procédure pour déficit excessif. La clé de voûte de ce mécanisme réside dans le caractère collectif d’une intervention réalisée en marge du traité.

Au-delà du présent projet de loi, il convient de noter que la Grèce n’est que la partie émergée des problèmes de dette publique dans les économies développées, devenus particulièrement aigus à la suite de la crise financière de 2008. En effet, si une accumulation d’endettement privé est insoutenable et a conduit à une crise sans équivalent depuis 1945, une accumulation d’endettement public ne l’est pas moins et conduirait à une issue semblable. La question qui se posera dans les années à venir sera donc de savoir qui paiera pour ces engagements.

Il n’est pas impossible que l’on constate des prélèvements sur les capitaux prêtés aux États, soit directement par des défauts de paiement soit indirectement par la monétisation des déficits et donc la hausse de l’inflation. Cette solution paraît sans douleur mais elle menace la stabilité financière des économies concernées et donc leur croissance à long terme. L’accélération de l’inflation serait également particulièrement préjudiciable pour les plus démunis et les salariés dont les revenus ne sont pas indexés sur le niveau général des prix.

Dans la zone euro, l’interdiction de monétiser la dette publique et le mandat de la Banque centrale européenne, dont la stabilité des prix est le premier objectif, rendent peu plausible une telle issue. Dans ces conditions, à moins du retour d’une forte croissance pendant une période prolongée, la seule solution pour les États – et notamment pour la France – sera de dégager des marges de manœuvre budgétaires suffisantes pour stabiliser puis réduire leur endettement.

PREMIÈRE PARTIE : ACCORDER À LA GRÈCE LE TEMPS NÉCESSAIRE À LA RÉSORPTION DES DÉSÉQUILIBRES BUDGÉTAIRES

Depuis la fin de l’année 2009, les conditions d’emprunt de l’État grec se sont brusquement durcies et un défaut de paiement ne peut plus être exclu. Cette flambée spéculative se fonde sur une supposée incapacité de l’État grec à faire face à ses engagements, en raison d’une gestion défaillante des finances publiques depuis l’entrée du pays dans la zone euro en 2001. Elle est également liée aux perspectives incertaines de croissance de la Grèce à moyen terme et à la perte de crédibilité de l’État grec, du fait notamment de la mauvaise qualité de son information statistique.

L’aide financière prévue dans le présent projet de loi a pour but d’offrir à la Grèce le temps nécessaire au rétablissement de ses finances publiques. En son absence, s’accroissent les risques de contagion au sein de la zone euro. Ce soutien financier ne modifie pas la priorité de l’État grec : rétablir sa solvabilité en procédant à un plan pluriannuel d’ajustement budgétaire.

I.– DES DIFFICULTÉS GRANDISSANTES DE FINANCEMENT POUVANT ABOUTIR À UN DÉFAUT DE L’ÉTAT GREC

L’État grec connaît des difficultés grandissantes de financement depuis la fin de l’année 2009. Les sous-jacents économiques de ces attaques spéculatives sont sa gestion défaillante des finances publiques depuis 2000, les faibles perspectives de croissance de son économie et une perte de crédibilité, liée notamment à une fiabilité douteuse de ses statistiques.

A.– UNE BRUSQUE DÉGRADATION DES CONDITIONS DE REFINANCEMENT

 L’État grec est l’objet de menées spéculatives pariant sur son défaut à brève échéance.

Ainsi, au 19 avril dernier, le coût d’un financement à trois ans s’établissait à 7,4 % pour la Grèce, contre 2,7 % pour le Portugal. Les écarts de taux (spreads) par rapport à la moyenne des conditions de financement des États de la zone euro passent de moins de 100 points de base en novembre 2009 à environ 400 points de base en avril 2010. Le coût des credit-default swaps (CDS) (1) sur la dette publique grecque à cinq ans est multiplié par six entre novembre 2009 et avril 2010. Au 22 avril, ils coûteraient 644,1 points de base, contre 272,8 points de base pour le Portugal (2). Sur la base d’une telle valorisation des CDS, le marché estime que la probabilité d’un défaut de la Grèce à l’horizon de cinq années s’établit à 40 %.

Les graphiques ci-après illustrent ces deux dernières évolutions.

ÉVOLUTION DES ÉCARTS DE TAUX DES OBLIGATIONS DE L’ÉTAT GREC PAR RAPPORT À LA MOYENNE DES CONDITIONS DE FINANCEMENT DE LA ZONE EURO

(en points de base)

Source : Agence France Trésor

Source :ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi (en points de base)

 L’accroissement des coûts de refinancement de l’État grec tend à augmenter la probabilité d’un défaut ou, du moins, d’une restructuration de sa dette. La Grèce doit en effet consacrer une part grandissante de ses ressources au remboursement des intérêts, et non à la réduction de son déficit. Le fait de parier sur son défaut accroît donc les risques de réalisation de cet événement.

Or, l’État grec ne dispose pas d’alternative au financement par les marchés financiers. L’économie grecque est en effet dépendante des investisseurs internationaux, et notamment de ceux de la zone euro, pour couvrir ses importants besoins de financement. En 2008, la dette extérieure grecque (publique et privée) représentait ainsi 147 % du PIB, plus de la moitié – environ 200 milliards d’euros – étant détenue par des résidents de la zone euro. Sur ce montant, environ les deux tiers seraient émis par le secteur public (3).

De plus, du fait de l’interdiction faite à la BCE et aux banques nationales de souscrire directement des titres de dette émis par les États ou de leur accorder des découverts (4), la Grèce, bien qu’elle s’endette dans sa propre monnaie, ne peut monétiser son passif.

En l’absence d’une nouvelle source de financement, la probabilité d’un défaut ou d’une restructuration de sa dette publique apparaît donc de plus en plus élevée.

B.– UNE GESTION DÉFAILLANTE DES FINANCES PUBLIQUES

Le principal sous-jacent économique de ces menées spéculatives est une gestion budgétaire défaillante tout au long de la décennie 2000.

Entre 2000 et 2008, le déficit public moyen de l’État grec s’est établi à plus de 5 % de PIB, contre environ 1,8 % pour l’ensemble de la zone euro. Sur cette période, les finances publiques grecques sont, de loin, les plus déséquilibrées. À titre de comparaison, le Portugal, qui est le membre de la zone euro ayant connu les déficits les plus importants après la Grèce, affiche un déficit public moyen de l’ordre de 3,5 % de PIB sur cette période.

Comme le montre le graphique ci-dessous, depuis l’entrée de la Grèce dans la zone euro, cet État n’aura dégagé un déficit public inférieur à 3 % de PIB qu’une seule année, en 2006.

DÉFICIT PUBLIC DE LA GRÈCE ET DE LA ZONE EURO

(en % de PIB)

Source : Eurostat

Le niveau élevé de la dette publique brute rapportée au PIB, dont la moyenne entre 2000 et 2008 s’élève à 99,6 % de PIB – contre 59 % pour le Portugal –, semble accréditer l’idée selon laquelle la gestion défaillante des finances publiques est constatée sur longue période. Ce niveau n’est pas le plus élevé de la zone euro, l’Italie affichant une moyenne de 105,9 % sur la période. Il est toutefois probable que, dès 2011, la Grèce devienne l’État le plus endetté de la zone.

Comme le montre le graphique ci-après, la dette publique brute rapportée au PIB reste stable entre 2000 et 2008. Ce bon résultat est dû à une croissance relativement importante et à des taux d’intérêts réels bas, du fait d’une inflation soutenue et d’une baisse des taux d’intérêts à partir de l’entrée dans la zone euro. L’affaiblissement de ces deux facteurs conduit à une forte augmentation de son endettement.

DETTE PUBLIQUE

(en % de PIB)

Source : Eurostat

La conséquence de cette gestion défaillante des finances publiques est un déficit public estimé à, au moins, 13,6 % du PIB en 2009 (5), cette évaluation pouvant être revue à la hausse à hauteur de 0,3 % à 0,5 % de PIB. La dette publique brute rapportée au PIB atteindrait 115,1 % en 2009 – soit 273 milliards d’euros – et, selon les prévisions faites par la Commission européenne en novembre 2009, plus de 124,9 % en 2010 et 135,4 % en 2011.

Le poids grandissant de la dette, et donc des charges d’intérêts, implique de devoir dégager un excédent primaire de plus en plus important pour stabiliser la dette rapportée au PIB (6). En d’autres termes, les finances publiques sont affectées d’un effet « boule de neige ». Le graphique ci-après montre ainsi que, entre 2007 et 2011, l’État grec devra dégager, au moins 1,3 % de PIB de ressources supplémentaires pour le seul service des intérêts de sa dette, lesquels passeraient de 4,1 % à 5,4 % de PIB. Cette évaluation est celle réalisée dans le programme de stabilité grec et pourrait donc être revue s’il était confirmé que la dette publique en 2011 était plus importante que prévu (7).

INTÉRÊTS RAPPORTÉS AU PIB

(en %)

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi (les chiffres pour 2010 et 2011 sont repris du programme de stabilité grec).

C.– DES PERSPECTIVES DE CROISSANCE INCERTAINES

Sur la décennie 2000, la stabilisation de la dette publique brute rapportée au PIB a été rendue possible par un taux de croissance soutenu – plus de 4 % en moyenne entre 2001 et 2008 –, qui a permis de compenser l’accumulation d’endettement dû aux déficits publics élevés – 5,1 % du PIB en moyenne sur la même période.

Or, des craintes existent sur la capacité de l’économie grecque à maintenir un tel rythme de progression dans les années à venir.

 La Grèce a pourtant été relativement épargnée par la crise financière. Elle n’a pas connu de chute de l’immobilier dont les prix sont restés stables en 2009. Les banques grecques ont été certes recapitalisées mais n’ont pas connu de pertes massives. Au total, la contraction du PIB serait limitée à 0,8 % en 2009, contre 4,2 % dans la zone euro.

De plus, comme indiqué ci-dessus, les performances économiques du pays ont été satisfaisantes tout au long de la décennie. Entre 2001 et 2008, le taux de croissance moyen du PIB s’est établi à plus de 4 %, contre 1,7 % pour la zone euro. La croissance grecque est apparue en accélération par rapport à la période 1991-2000, où elle s’était élevée en moyenne à 2,3 % (8). L’économie grecque pourrait avoir particulièrement profité, sur la décennie 2000, des nouvelles conditions monétaires offertes par son entrée dans la zone euro. L’intégration du pays au sein de la zone monétaire commune s’est en effet accompagnée d’une forte baisse des taux d’intérêts nominaux. De plus, une inflation relativement élevée a contribué à diminuer encore le niveau des taux d’intérêts réels.

 Toutefois, au moment même de cette période de prospérité, il semble que l’économie grecque ait accumulé un déficit de compétitivité. Une décennie de hausse des salaires plus importante que les gains de productivité aurait en effet conduit à une appréciation en terme réel de la devise, à une baisse de compétitivité et à un important déficit des comptes courants. Si la hausse des coûts salariaux constitue une explication, la spécialisation de l’économie dans des activités de services à valeur ajoutée relativement faible, principalement le tourisme et le transport maritime, n’a pas non plus joué dans le sens du développement d’industries à forte valeur ajoutée.

Comme le montre le graphique ci-dessous, l’inflation, qui est une approximation de la dynamique des salaires, a été structurellement plus élevée en Grèce que dans la zone euro. En moyenne, le niveau général des prix y a en effet progressé de 3,2 % entre 2000 et 2008, conter 2,1 % dans la zone euro. Sur cette base, on peut estimer, par approximation, que, toutes choses égales par ailleurs, en comparaison avec un kilogramme d’olives italiennes ou espagnoles, un kilogramme d’olives grecques se vendait en 2009 11 % plus cher qu’en 2000.

INFLATION EN GRÈCE ET DANS LA ZONE EURO

(en %)

Source : Eurostat

Le déficit commercial, qui donne une approximation du niveau et de l’évolution de la compétitivité d’un pays, a continué à s’accroître, de –15,7 % du PIB en 2000 à –17,7 % en 2007, la réduction en 2008-2009 étant due au ralentissement économique. Ce déséquilibre semble montrer que les producteurs grecs ont perdu en compétitivité, exportant moins et perdant des parts de marché sur le marché domestique. Le graphique suivant illustre l’évolution du déficit commercial.

DÉFICIT COMMERCIAL DE LA GRÈCE

(en % de PIB)

Source : Eurostat

Au total, il semble que la croissance potentielle de l’économie grecque devrait ralentir au cours des prochaines années. Le Fonds monétaire international (9) anticipe ainsi un taux de croissance, en 2014, de 1,9 %, contre 2,1 % pour la zone euro et 2,8 % pour le Portugal.

D.– LA PERTE DE CRÉDIBILITÉ DE L’ÉTAT GREC

La mauvaise gestion des finances publiques ainsi que les faiblesses de l’économie grecque étaient connues des investisseurs avant l’automne 2009. Toutefois, devant la rapidité de l’aggravation des déséquilibres budgétaires, les investisseurs ont progressivement perdu confiance dans la capacité de l’État grec à inverser la tendance. Ces incertitudes ont contribué à alimenter la flambée spéculative.

Il convient de noter que les difficultés de la Grèce se déroulent dans un contexte de craintes grandissantes sur la capacité des États à rembourser la dette qu’ils ont contractée pour faire face à la crise. Un tel contexte a probablement constitué un terreau fertile à l’aggravation de la défiance des investisseurs.

 Cette perte de crédibilité de l’État grec est d’abord due à la mauvaise qualité des statistiques nationales. La fiabilité de l’information statistique grecque est en effet fortement mise en doute à la suite de la révision, en octobre 2009, de la prévision de déficit pour 2009, qui passe de 6 % à 12,5 % de PIB. Cette réévaluation enclenche le mouvement de hausse des taux car, les prêteurs estimant qu’ils ne disposent pas d’une image fidèle et sincère de la situation budgétaire de l’État grec, ils acceptent de moins en moins de s’exposer sur de la dette grecque. Un défaut d’information similaire avait déjà été constaté en 2004, l’État grec ayant transmis des informations erronées sur sa situation financière au moment de son entrée dans la zone euro. Ce manque structurel de fiabilité de l’information fournie par l’État grec a donc grandement contribué à saper sa crédibilité.

Celle-ci est également entamée par le non-respect quasi systématique des objectifs affichés en matière de finances publiques et la fixation de prévisions trop optimistes. À titre d’exemple, alors qu’en novembre 2009, la Commission européenne anticipait une dette publique brute rapportée au PIB de 135,4 % en 2011, le gouvernement grec affichait, dans son programme de stabilité de janvier 2010, une prévision très optimiste de 120,6 %.

Ce manque de crédibilité est illustré par le graphique ci-après, qui montre le niveau des déficits annoncés au printemps suivant l’exercice concerné (donc une fois l’exercice clos) et celui des déficits effectifs. Le déficit effectif est, en moyenne, supérieur de 2,6 % de PIB à l’annonce faite par le gouvernement grec plusieurs mois après la clôture de l’exercice, l’écart étant dû tant aux problèmes de statistiques qu’aux estimations trop optimistes du gouvernement.

DÉFICITS PUBLICS ANNONCÉS ET EFFECTIFS

(en % de PIB)

Source : institut Bruegel, Bruegel policy brief de mars 2010, page 3 (pour 2009, le déficit annoncé est celui d’octobre 2009 et le déficit effectif est celui estimé par Eurostat en avril 2010).

Par ailleurs, le crédit de l’État grec est probablement amoindri par les doutes qui existent sur sa capacité à réussir son plan d’ajustement budgétaire. Ces doutes se justifient d’abord par la difficulté supposée du gouvernement à imposer des mesures d’austérité à sa population. Il est vrai que la décennie 2000 n’a pas été marquée par des précédents notoires en terme de réduction des dépenses ou d’augmentation des prélèvements.

Ces doutes sur la réussite du programme de stabilité tiennent également aux perspectives de croissance incertaines de l’économie grecque. À court terme, la difficulté réside dans le fait de mener à bien un ajustement budgétaire sans annihiler la croissance, ce qui rendrait alors le retour à l’équilibre encore plus difficile. À moyen terme, le manque de compétitivité de l’économie grecque, décrit plus haut, pourrait conduire à une croissance molle, ce qui fragiliserait encore davantage la capacité de l’État grec à faire face à ses engagements.

 Le rétablissement de la crédibilité de l’État grec est crucial pour la normalisation de son financement et a déjà été entamé.

En matière d’information statistique, le Conseil Écofin a, dans le cadre de sa mise en demeure du 16 février dernier, enjoint la Grèce à :

– contraindre les organismes de sécurité sociale et les hôpitaux à élaborer des comptes annuels (10) ;

– poursuivre les efforts pour améliorer la collecte et la constitution des données en renforçant les mécanismes de contrôle de services de statistiques officielles ;

– coopérer avec Eurostat notamment via l’accueil d’une mission d’assistance technique permanente pour l’élaboration des statistiques publiques.

Selon les informations transmises au Rapporteur général, un plan d’action prévisionnel a été présenté par la Commission, faisant état de plusieurs mesures à mettre en œuvre par les autorités grecques en coopération avec la Commission. Un plan d’action final devrait être présenté par celle-ci au comité économique et financier du mois de mai prochain. À ce stade, la coopération entre Eurostat et les autorités grecques se poursuit afin de mettre en œuvre les mesures du plan d’action proposées par la Commission.

Au-delà des questions d’information statistique, seule la réussite du programme de stabilité sur lequel s’est engagée la Grèce lui permettra de rétablir sa situation financière et ainsi regagner la confiance des prêteurs privés.

 Les incertitudes autour de la dette publique grecque ont été renforcées par l’impact de la dégradation de sa notation sur les établissements de crédits qui sont parmi les premiers souscripteurs de dette publique. L’inclusion des titres de dette de l’État grec dans le champ des titres acceptés comme garantie par l’Eurosystème pour ses opérations de refinancement est en effet incertaine à moyen terme.

Les établissements financiers ne peuvent emprunter auprès de leur banque centrale qu’à condition de les garantir par des actifs de qualité suffisante. La Banque centrale européenne (BCE) a, dans le but de faciliter le refinancement des banques pendant la crise, abaissé ses exigences en cette matière, en acceptant des actifs notés BBB-, contre au minimum A- auparavant.

Or, les obligations d’État grecques sont actuellement notées BBB- par Fitch et BBB+ par Standard and Poor’s (11). Une dégradation supplémentaire de la notation, comme un retour aux exigences habituelles de la BCE en matière de garanties, empêcherait donc leur utilisation comme « collatéral ». Une telle hypothèse conduirait à une chute de la demande des obligations d’État grecques, donc à une forte hausse des taux. Dans un tel contexte, le conseil des gouverneurs de la BCE a décidé de maintenir le seuil d’éligibilité des collatéraux à BBB- au-delà de 2010, alors qu’il devait initialement être remonté à A- d’ici à la fin de l’année.

 Enfin, il est probable que les craintes des investisseurs aient été alimentées par la particularité du processus de décision au sein de la zone euro, qui a pu laisser penser qu’un sauvetage pouvait ne pas avoir lieu. Ainsi, entre le Conseil européen informel du 11 février dernier, qui a posé le principe de la solidarité financière européenne et envisagé l’adoption de mesures si nécessaire, et le versement effectif des fonds, qui ne se ferait pas avant le mois de mai, quatre mois se sont écoulés. Il est également possible que la volatilité des marchés ait été accentuée par les hésitations de l’Allemagne, dont l’opinion publique ne paraît pas soutenir majoritairement le principe d’une aide financière.

II.– UNE AIDE FINANCIÈRE TEMPORAIRE POUR PERMETTRE L’AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE

La Grèce doit opérer un ajustement budgétaire, c’est-à-dire augmenter ses ressources et diminuer ses dépenses de manière pérenne. L’accélération de la hausse de ses coûts de refinancement rend toutefois de plus en plus difficile une telle politique car les intérêts de la dette absorbent une part croissante de la marge de manœuvre budgétaire. Dans de telles conditions, il apparaît nécessaire d’assurer temporairement le refinancement de l’État grec pour éviter un défaut de paiement qui aurait des conséquences potentiellement désastreuses pour l’ensemble de la zone euro.

Cette aide financière constitue un répit qui doit être mis à profit par la Grèce pour prendre les mesures nécessaires au redressement de ses finances publiques. Le 23 avril dernier, le Premier ministre grec a illustré le but de ce mécanisme par l’image adéquate : « Nos partenaires feront le nécessaire pour nous offrir un port sûr pour permettre de remettre notre navire à flot ».

L’aide à la Grèce n’est ni une subvention – elle est tarifée à des conditions de marché proches de celles constatées sur l’année écoulée – ni un investissement financier – elle est l’expression de la solidarité entre membres de la zone euro – ni un don – elle a vocation à être remboursée dès que la Grèce aura assaini ses comptes publics et pourra recourir à nouveau aux financements de marché. Pour que l’opération réussisse et que l’État grec améliore sa solvabilité, le contrôle de la mise en œuvre des engagements pris par l’État grec sera crucial.

Il est possible que l’effet des mesures d’austérité budgétaire prenne du temps, du fait notamment de leur impact sur la croissance, et qu’en conséquence la confiance des investisseurs ne revienne pas dans un bref délai. L’horizon de l’engagement que prend la France par le présent projet de loi est donc, pour l’heure, indéterminé.

A.– METTRE FIN AUX MENÉES SPÉCULATIVES ET PRÉSERVER LA STABILITÉ DE LA ZONE EURO

Aider la Grèce est nécessaire pour mettre fin aux attaques spéculatives constatées au cours des derniers mois et préserver la stabilité financière de la zone euro.

 Dans l’hypothèse d’une absence d’intervention, une extension des attaques spéculatives à d’autres États de la zone euro ne serait pas impossible. En effet, les investisseurs qui auraient essuyé des pertes du fait du défaut de la Grèce chercheraient à solder leurs positions les plus risquées pour récupérer des liquidités et réduire leur exposition au risque.

Par ailleurs, ce mouvement de retrait des investisseurs pourrait être accentué par un mouvement de « panique ». Du fait des incertitudes de l’impact de telles évolutions sur la croissance et d’une remontée de l’aversion au risque en raison des pertes essuyées sur la Grèce, l’ensemble des investisseurs se détournerait des titres de dettes de moins bonne qualité pour se réfugier dans la dette allemande ou française.

Enfin, la réussite de l’attaque spéculative sur la Grèce donnerait un mauvais signal et pourrait laisser croire qu’un scénario identique pourrait se produire pour d’autres États.

 Un défaut de l’État grec entraînerait également une fragilisation des établissements financiers de la zone euro, qui essuieraient des pertes importantes par le biais de deux canaux différents.

Directement, les banques constateraient des pertes sur les obligations d’État grecques qu’elles détiennent. L’exposition à la dette publique grecque des banques françaises les plus internationales (12) atteindrait ainsi 16 milliards d’euros (13). Ce montant est à comparer aux 31,75 milliards d’euros d’obligations de l’État grec que détiendraient les institutions financières allemandes (14).

Indirectement, les établissements de crédit pourraient être affectés par les répercussions d’un défaut de l’État grec sur les banques et entreprises grecques. Or, les banques grecques sont les principaux établissements financiers exposés à la dette publique de leur pays et sont aujourd’hui notées de manière médiocre – entre BBB et BBB+. La chute de l’État grec pourrait donc entraîner celle des banques grecques. Par ailleurs, comme les autres établissements de crédit de la zone euro, les banques françaises sont également exposées sur l’ensemble de l’économie grecque.

● Au final, le défaut de l’État grec pourrait être à l’origine d’une nouvelle crise financière. Celle-ci se transmettrait à l’économie réelle par la fragilisation des banques, qui limiterait la distribution de crédit, et par le changement des anticipations des agents économiques, qui verraient à la baisse les perspectives de croissance.

Dans un tel scénario « catastrophe », il est probable que la zone euro connaisse une période prolongée de très faible croissance. Outre la fragilisation du système financier, les ajustements budgétaires réalisés par les États tireraient la croissance à la baisse, du fait de la contraction de la demande intérieure qu’ils induiraient.

L’aide financière à la Grèce vise donc à éviter un tel scénario et à prouver la solidité de la zone euro.

 Au-delà des considérations techniques, l’aide à la Grèce se justifie enfin par la solidarité qui doit unir les membres de la zone euro et par la nécessité de préserver cet acquis crucial pour l’avenir de l’Union.

 Les arguments contre l’intervention paraissent, quant à eux, discutables.

En premier lieu, le coût de l’intervention est à relativiser. Le montant de 6,3 milliards d’euros prévu dans le présent projet de loi ne représente que 0,4 % du total de la dette publique brute de la France. Par ailleurs, l’éventuelle charge supplémentaire d’intérêts serait plus que compensée par les revenus tirés du prêt accordé. Un gain net de l’ordre de 150 millions d’euros serait à attendre selon la ministre chargée de l’économie. Il convient de noter que cette nouvelle charge d’intérêts pèserait sur la norme de dépense et impliquerait donc une diminution à due concurrence des autres dépenses de l’État. Toutefois, en l’état actuel des paiements prévus et du mode de financement retenu – la mobilisation de ressources de trésorerie sans appel au marché –, la charge de la dette demeure inchangée par le présent projet de loi (15).

En second lieu, il pourrait être avancé que le sauvetage de la Grèce créerait un précédent et tendrait à déresponsabiliser les autres États qui ne craindraient plus le défaut de paiement. Toutefois, ce risque d’ « aléa moral » doit être relativisé car l’aide financière, qui devra être remboursée, n’est accordée qu’à la condition d’un ajustement budgétaire conséquent.

Enfin, la sortie de la Grèce de la zone euro apparaît particulièrement dangereuse. Pour ce pays, elle signifierait certes la résolution de ses problèmes de compétitivité-prix par la dévaluation qui s’en suivrait. Mais cette chute de la monnaie impliquerait une forte hausse du coût de financement puisque l’économie grecque est (fortement) endettée en euros. Pour la zone euro, une telle issue serait un désaveu politique majeur et créerait un dangereux précédent.

B.– RÉPONDRE À LA CRISE DE LIQUIDITÉ

Le soutien financier octroyé à l’État grec est un répit lui offrant le temps nécessaire pour opérer l’inévitable ajustement de ses comptes sans voir ses marges de manœuvre budgétaires absorbées par la hausse des taux. L’aide doit être considérée comme une solution à la crise de liquidités vers laquelle s’achemine un État confronté à des difficultés croissantes de refinancement. Elle est donc une aide de court, voire de moyen terme, et n’a pas vocation à être maintenue indéfiniment. Pour permettre un retour à la normale, la crise de solvabilité sous-jacente, due aux déséquilibres persistants des finances publiques grecques, nécessite l’adoption de mesures de redressement – augmentation pérenne des recettes, diminution pérenne des dépenses – et ne saurait être résolue dans de bonnes conditions que par un programme de redressement qui devrait durer trois ans.

L’appréciation portée par le FMI en août 2009 (16) reste donc d’actualité : « la Grèce a besoin d’un programme d’ajustement budgétaire soutenu et cohérent, fondé sur des mesures pérennes et qui peut être contrôlé de près pour affermir sa crédibilité ».

 Le rétablissement des comptes publics grecs – et donc le remboursement de l’aide accordée par la France – passera par la mise en œuvre des mesures annoncées dans le programme de stabilité du 15 janvier dernier, complétées par les engagements pris le 2 février et le 3 mars. Sur le volet « dépenses », il convient de noter un effort d’économie de 1,05 % de PIB sur la masse salariale de l’État grec. Sur le volet « recettes », les hausses des accises et de la TVA entraîneraient une recette supplémentaire de l’ordre de 1,9 %. Le tableau suivant récapitule l’ensemble des mesures sur lesquelles l’État grec s’est engagé.

IMPACT SUR LE DÉFICIT PUBLIC DE 2010 DES MESURES PRÉVUES DANS LE PROGRAMME DE STABILITÉ GREC
(COMPLÉTÉES PAR LES ENGAGEMENTS PRIS LE 2 FÉVRIER ET LE 3 MARS)

(en % de PIB)

Fin de l’effet des mesures non pérennes de soutien à l’activité mises en place en 2009

– 1,0

Mesures non pérennes en 2010 (création de taxes exceptionnelles sur les entreprises à bénéfices élevés, sur les profits des banques…)

– 0,4

Sous-total des mesures non pérennes

– 1,4

10% de réduction des dépenses du gouvernement au titre de rémunérations

– 0,3

Gel des embauches en 2010 et réduction des contrats à durée indéterminée

– 0,15

Réduction des coûts opérationnels

– 0,15

Réduction des dépenses militaires

– 0,2

Réduction des dépenses médicales

– 0,3

Hausse des dépenses d’éducation

+ 0,2

Hausse des dépenses d’investissement

+ 0,3

Hausse des charges d’intérêt

+ 0,2

Sous-total dépenses

– 0,4

Impôt progressif unifié sur le travail et le capital

– 0,4

Taxes sur la propriété

– 0,2

Hausse des droits d’accises (alcool et cigarettes)

– 0,4

Hausse des droits d’accises (carburant, téléphonie)

– 0,2

Lutte contre l’évasion fiscale et sociale et Fonds en provenance de l’UE

– 1,0

Sous total recettes

– 2,2

Mesures additionnelles annoncées le 2 février 2010

– 0,4

Gel des salaires nominaux des fonctionnaires

– 0,1

Hausse supplémentaires des droits d’accises sur les carburants

– 0,3

Mesures additionnelles annoncées le 3 mars 2010

– 2,0

Hausse des principaux taux de TVA

– 0,55

Hausse supplémentaire des droits d’accises

– 0,45

Réduction des dépenses courantes et en capital

– 0,7

Mesures additionnelles de réduction de la masse salariale

– 0,3

Montant prévisionnel des économies

– 6,4

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi

Selon les informations transmises au Rapporteur général, les mesures annoncées pour 2011 et 2012 sont la rationalisation des dépenses de santé – notamment des déremboursements de médicaments – et la lutte contre l’évasion sociale – notamment la fraude aux prestations sociales. Les premières estimations du gouvernement grec, contenues dans le programme de stabilité, prévoient des économies de 1,4 % de PIB en 2011 et 2,2 % de PIB en 2012 du fait de ces mesures. Toutefois, le gouvernement grec a nommé un comité d’experts chargé de préciser les mesures concrètes qui permettront la mise en œuvre de ces réformes et de les quantifier. Les résultats de ses travaux sont attendus le 30 avril 2010. Des mesures complémentaires seront probablement adoptées en 2011 et 2012.

 « Il nous faudra des mécanismes de contrôle pour que l’on soit certain de ne pas tomber dans un puits sans fond.  C’est toute la mission qui incombe à la Commission européenne et au FMI ». Cette déclaration faite le 25 avril dernier par la ministre chargée de l’économie illustre le fait que le contrôle de la mise en œuvre des mesures annoncées sera crucial pour la réussite de l’opération et la protection des intérêts financiers de l’État français.

Ce contrôle se fera dans le cadre de la procédure pour déficit excessif ouverte à l’encontre de la Grèce. Le 16 février 2010, le Conseil Écofin a ainsi adressé à la Grèce une mise en demeure (17) de ramener son déficit sous 3% du PIB en 2012, la soumettant ainsi à une procédure de suivi strict de ses engagements. Dans ce cadre, la Grèce doit, selon les informations transmises au Rapporteur général, faire face à des échéances à court et moyen terme.

À court terme, la Grèce devra, à partir du 15 mai prochain, soumettre au Conseil et rendre publics des rapports trimestriels faisant état :

– des mesures mises en œuvre à la date de la publication du rapport, incluant une évaluation de leur impact budgétaire ;

– des mesures prévues après la date de la publication du rapport, ainsi que leur calendrier de mise en œuvre et l’estimation de leur impact budgétaire ;

– de l’exécution budgétaire sur une base mensuelle ;

– des éléments sur l’exécution budgétaire infra-annuelle de la sécurité sociale et des collectivités locales ;

– des émissions de dette ;

– des informations sur l’évolution du niveau d’emploi dans la fonction publique ;

– des dépenses de l’État en attente de paiement ;

– de la situation financière des entreprises et autres entités publiques sur une base annuelle.

À moyen terme, deux autres échéances sont prévues. Au plus tard fin 2010, la Grèce devra :

– préciser les mesures pour 2011 et 2012, qui permettront de ramener le déficit sous 3% du PIB en 2012 ;

– avoir engagé les réformes structurelles qui lui permettront de faire face au vieillissement de la population, notamment la réforme du système de retraite ;

– adopter un « cadrage budgétaire à moyen terme » via la fixation de plafonds de dépenses pluriannuelles, dont le contrôle serait facilité par la création d’une agence indépendante chargée du suivi des finances publiques.

D’ici à la fin de l’année 2012 enfin, le Conseil s’assurera de la mise en œuvre en 2011 et 2012 des mesures budgétaires de caractère permanent et, dans le cadre du « cadrage budgétaire à moyen terme », de la mise en œuvre rigoureuse de la réforme annoncée de l’administration fiscale.

Le dispositif de contrôle de la mise en œuvre des engagements pris par l’État grec sera renforcé par la présence du Fonds monétaire international (FMI) qui apportera sa capacité d’expertise. De plus, selon les informations recueillies par le Rapporteur général, la libération des tranches successives de financement serait conditionnée par le respect des engagements donnés, ce qui constituerait une garantie importante pour les États prêteurs.

 La réalisation de l’ajustement budgétaire ne va toutefois pas sans risques du fait de l’impact qu’il pourrait avoir sur la croissance de l’économie grecque.

Dans une optique keynésienne en effet, le prélèvement qu’opérera l’État sur l’économie réduirait la demande intérieure et donc la croissance du PIB. Ce risque est renforcé par le fait que l’économie grecque est relativement peu ouverte et trouvera donc plus difficilement des relais de croissance à l’export, d’autant que le rythme de la reprise économique chez ses partenaires commerciaux du Sud-Est de l’Europe reste incertain.

En conséquence, le déficit public et la dette publique brute rapportés au PIB connaîtraient une réduction difficile. Il est alors possible que l’économie grecque entre dans un cercle vicieux, les mesures d’austérité limitant la croissance, ce qui rendrait encore plus nécessaire l’ajustement budgétaire. L’impact procyclique des mesures d’ajustement budgétaire, qui empêcheraient la reprise économique, constitue donc une difficulté supplémentaire au redressement des comptes publics grecs.

Néanmoins, on peut espérer que l’impulsion de la politique monétaire demeure plus importante en Grèce que dans le reste de la zone euro du fait de l’inflation relativement forte qui caractérise cette économie. Dans ce cas, le caractère restrictif de la politique budgétaire serait partiellement compensé par le caractère expansionniste de la politique monétaire. Rappelons en effet que, si l’État grec voit ses coûts de refinancement augmenter du fait d’une solvabilité dégradée, les entreprises et les ménages continuent à avoir accès à des financements dont les prix dépendent notamment de la politique de la Banque centrale européenne.

En outre, dans une optique néo-classique, il pourrait également advenir un renforcement de la confiance des agents économiques du fait de l’assainissement budgétaire. Dans un rapport publié avant le début des menées spéculatives visant l’État grec (18), l’OCDE estime que « le redressement de l’activité pourrait être plus marqué que prévu si le nouveau gouvernement met énergiquement en œuvre les réformes structurelles qui auraient dû être lancées depuis longtemps dans le domaine budgétaire et sur les marchés du travail et des produits, ce qui renforcerait la confiance dans le court terme et créerait les conditions préalables nécessaires pour une vigoureuse expansion dans le moyen terme ».

PARTIE II : UN MÉCANISME D’ASSISTANCE FINANCIÈRE
À LA GRÈCE DÉCIDÉ AU NIVEAU EUROPÉEN ET COORDONNÉ
AVEC LE FMI

I.– LES PRINCIPES DE L’ASSISTANCE FINANCIÈRE

Depuis le début de cette année, les difficultés budgétaires et financières de la Grèce sont une préoccupation constante de l’Union européenne. Parallèlement, la question d’un éventuel recours au Fonds monétaire international (FMI) a régulièrement été posée.

A.– LA MISE EN PLACE D’UNE ASSISTANCE EUROPÉENNE AD HOC

Peu après que le Gouvernement grec a annoncé une série de mesures d’ajustement budgétaire supplémentaires par rapport à son dernier programme de stabilité, un Conseil européen informel s’est tenu le 11 février 2010, au cours duquel les chefs d’État et de gouvernement ont posé le principe de la solidarité européenne vis-à-vis de la Grèce, les États s’engageant à prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir la stabilité financière de la zone euro (19).

Le 16 février 2010, le Conseil des ministres chargé des affaires économiques et financières (Écofin) a, dans le cadre de la procédure de déficit excessif engagée depuis avril 2009 contre la Grèce, mis cette dernière en demeure de ramener son déficit public à moins de 3 % du PIB d’ici 2012 et fixé un calendrier de mesures à prendre afin notamment de viser une cible de déficit de 8,7 % du PIB à la fin 2010. Le 16 mars, le Conseil a évalué la mise en œuvre par la Grèce de ces recommandations et s’est félicité des nouvelles mesures annoncées par le Gouvernement grec le 3 mars, représentant un effort budgétaire supplémentaire de deux points de PIB.

Le 26 mars dernier, lors du Conseil européen de printemps, les chefs d’État et de gouvernement ont réaffirmé leur « volonté de prendre, si nécessaire, des mesures déterminées et coordonnées, pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble ». Ils ont posé le principe d’une éventuelle intervention sous forme de prêts bilatéraux coordonnés des États membres de la zone euro, couplée à une intervention – minoritaire par rapport au financement européen – du Fonds monétaire international (FMI) (20).

Compte tenu de la poursuite de la dégradation des conditions de financement de la Grèce, les États membres de la zone euro ont, le 11 avril 2010, précisé les modalités de mise en œuvre de l’aide financière susceptible d’être consentie. Réunis en Eurogroupe, les ministres des finances de la zone euro ont annoncé l’élaboration d’un plan de soutien financier étalé sur trois ans pouvant atteindre 30 milliards d’euros dès la première année d’exécution de ce plan (hors intervention du FMI) (21).

Ce montant maximum de 30 milliards d’euros correspond approximativement au besoin de financement prévisionnel de la Grèce en 2010, soit :

– à compter du mois de mai, 12,8 milliards d’euros de dette publique à amortir, répartis entre 8,6 milliards d’euros de titres de plus d’un an et 4,2 milliards d’euros de titres à court terme. En particulier, un refinancement de 8,1 milliards d’euros de titres à plus d’un an est prévu le 19 mai prochain ;

– un déficit public d’une vingtaine de milliards d’euros (8,7 % du PIB dans le programme de stabilité), étant entendu que, en fonction de leur date d’intervention éventuelle, les prêts des États européens n’auraient vocation à couvrir qu’une partie du déficit de l’exercice 2010.

Ce même 11 avril 2010, l’Eurogroupe a également précisé les conditions financières des prêts susceptibles d’être accordés à la Grèce. Leur taux serait « non concessionnel », c’est-à-dire qu’ils ne sauraient être assimilés à une quelconque subvention. Il pourrait s’agir, sur le modèle des prêts consentis par le FMI :

– soit de prêts à taux variables reposant sur le taux de l’euribor à trois mois (22) ;

– soit de prêts à taux fixe, calculé sur la base de l’euribor à trois mois en fonction de la durée du prêt, majoré d’une commission de 300 points de base (3 %) (23) et d’une commission supplémentaire, destinée à couvrir les coûts opérationnels, pouvant aller jusqu’à 50 points de base (0,5 %). Ainsi, à supposer que les prêts soient accordés pour une durée de trois ans, le taux atteindrait environ 5 % dans les conditions de marché actuelles (24).

L’objectif de ce mécanisme n’est donc pas de fournir à la Grèce un financement au taux moyen des emprunts des différents États de la zone euro, mais au contraire de l’inciter à retourner le plus rapidement possible à des financements obligataires auprès des marchés. À titre d’illustration indicative, le taux précité de 5 % à trois ans, tout en étant inférieur aux actuelles conditions de financement de la Grèce (près de 7,5 % à trois ans), s’avère largement supérieur aux taux auxquels se financent les autres États membres de la zone euro (soit par exemple environ 1,2 % pour la France et 2,7 % pour le Portugal sur cette même maturité).

Le déclenchement de ce mécanisme d’assistance financière suppose une demande officielle de la Grèce, puis une décision des États membres de la zone euro ainsi que, pour le volet de l’aide qui le concerne, une décision du Conseil des gouverneurs (Board) du FMI.

UN MÉCANISME D’ASSISTANCE FINANCIÈRE
COMPATIBLE AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE

Le droit communautaire ne s’oppose pas à l’octroi de prêts bilatéraux par les États membres à un autre État membre.

L’article 123 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne stipule qu’ « il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres (…) d’accorder des découverts »  aux États membres. « L’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette » est également prohibée. L’article 123 interdit donc toute tentative de monétisation de la dette d’un État membre, ce qui n’est pas le cas du mécanisme d’aide financière présentement retenu.

L’article 125 du même Traité contient quant à lui une « clause de non renflouement » d’un État membre (« no bail-out clause »). Celle-ci interdit que l’Union ou un État membre « répond[e] des engagements » d’un autre État membre ou les prenne « à sa charge », ce qui revient à interdire d’assumer une partie du passif d’un État membre. Tel n’est pas le cas du dispositif mis au point par l’Eurogroupe, qui consiste en l’octroi de prêts qui aboutiront à augmenter le passif de l’État grec – sans qu’aucun État membre ne s’engage à l’assumer à sa place.

Rappelons par ailleurs que l’assistance financière à un État membre n’est pas complètement étrangère au droit communautaire. L’article 122 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui serait difficilement applicable au cas de la Grèce, stipule ainsi que « lorsqu’un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l’Union à l’État membre concerné ». Quant à l’article 143 du même Traité, il permet l’octroi d’une aide aux seuls États non membres de la zone euro « en cas de difficultés ou de menace grave de difficultés dans la balance des paiements (…) et susceptibles notamment de compromettre le fonctionnement du marché intérieur ou la réalisation de la politique commerciale commune ». Depuis 2008 et 2009, la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie bénéficient de ce dispositif, financé par l’émission d’obligations par l’Union, garanties sur le budget communautaire. À la différence de l’assistance financière prévue pour la Grèce, les fonds sont prêtés aux États bénéficiaires aux mêmes taux que ceux auxquels ils ont été levés sur les marchés (soit environ 3,5 % actuellement). Cette intervention de l’Union européenne est réalisée en collaboration avec le FMI, qui contribue également au refinancement des États concernés.

B.– UNE ASSISTANCE EUROPÉENNE COORDONNÉE AVEC UNE INTERVENTION DU FMI

Lors de la réunion de l’Eurogroupe du 11 avril dernier, les États membres de la zone euro ont décidé que l’aide financière offerte à la Grèce serait financée en 2010 à hauteur d’environ deux tiers par les États de la zone euro et d’un tiers par le FMI, soit respectivement 30 milliards d’euros pour les premiers et environ 15 milliards d’euros pour le second. Un tel choix paraît constituer la solution la plus adéquate pour assurer l’efficacité de l’intervention et garantir la crédibilité de la zone euro.

Une intervention du seul FMI aurait présenté l’avantage d’éviter, d’une part, d’alourdir la dette publique des États de la zone euro et, d’autre part, de les exposer au risque grec. Toutefois, un tel schéma aurait porté atteinte à la crédibilité de la zone euro, ses membres se montrant incapables de résoudre les difficultés de financement d’un État dont l’économie représente moins de 3 % du PIB de la zone. Existait également le risque de voir le FMI imposer à la Grèce des mesures non conformes au droit communautaire.

L’option inverse, consistant à exclure le FMI du dispositif, aurait permis d’affirmer la capacité de l’Union européenne à gérer un tel problème sans aide extérieure. Ce choix aurait toutefois impliqué un effort financier plus important des États. Surtout, il aurait conduit à confier à la Commission et au Conseil la responsabilité d’imposer seuls des mesures d’austérité à la Grèce, ce qui aurait probablement été plus difficile à réaliser qu’avec l’intervention conjointe d’une organisation internationale à la compétence reconnue.

L’option finalement retenue combine aides européennes et aide du FMI et paraît ainsi cumuler les avantages des deux solutions précédentes. La crédibilité de la zone euro est sauve dans la mesure où, en 2010, l’effort financier est réalisé majoritairement par les États membres. La crédibilité du plan de sauvetage et la protection des intérêts financiers des États membres sont garanties par l’expertise du FMI et son expérience dans les négociations avec les gouvernements pour imposer des mesures de rigueur. La pratique du FMI consistant à ne pas verser de nouvelle tranche d’aide sans vérification du respect des engagements pris auparavant conforte également ce choix.

Les modalités précises de l’intervention du FMI ne sont, à ce stade, pas connues du Rapporteur général. Tout au plus peut-on indiquer que l’assistance du FMI pourrait prendre la forme d’un accord dit de « confirmation » (stand-by arrangement), qui vise habituellement à aider les pays à surmonter des difficultés temporaires de balance des paiements. Les décaissements du FMI sont subordonnés à la réalisation des objectifs d’un programme défini préalablement. Le taux des prêts, qui dépend du volume emprunté, est calculé en fonction du taux d’intérêt du droit de tirage spécial (DTS) (25) auquel sont ajoutées plusieurs commissions. À titre d’exemple, selon les informations fournies par le ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, un prêt de 14 milliards d’euros à la Grèce serait soumis à un taux d’intérêt variant, sur la durée du prêt, d’environ 3,4 % à 3,7 % (26).

Si l’intervention conjointe de l’Union européenne et du FMI ne pose pas de problème de principe, il conviendra en pratique d’organiser une étroite collaboration, à toutes les étapes de la procédure, entre les autorités européennes (Conseil, Commission, Banque centrale) et celles du FMI – sauf à ce que des décisions ou pratiques divergentes nourrissent la défiance des marchés.

II.– L’ACTIVATION DE L’ASSISTANCE FINANCIÈRE

Le 23 avril, soit deux jours après le dépôt du présent projet de loi de finances rectificative, la Grèce a officiellement demandé l’activation du plan d’aide financière. La veille, Eurostat avait révisé le déficit public grec de 2009 à 13,6 % du PIB (soit 32,3 milliards d’euros), au lieu de 12,7 % dans le dernier programme de stabilité transmis par la Grèce. Les marchés avaient aussitôt réagi, portant le taux des obligations grecques à dix ans à plus de 8,5 %.

Cette demande d’activation du plan d’aide ouvre, au niveau européen, une phase de décisions successives, qui devraient intervenir dans les prochains jours et seront susceptibles d’aboutir au versement des fonds prêtés à la Grèce. Il convient de préciser que le Gouvernement grec a simultanément demandé l’assistance du FMI. Deux phases d’instruction distinctes sont donc désormais ouvertes : il importe que l’Union européenne et le FMI les mènent à bien en étroite concertation.

Pour s’en tenir ici au seul mécanisme européen, qui justifie la présentation du présent projet de loi de finances rectificative, plusieurs étapes à venir doivent être distinguées.

En premier lieu, la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE), en collaboration avec le FMI, présenteront à l’Eurogroupe une évaluation de la situation financière de la Grèce et de ses besoins de financement. Une mission conjointe de la Commission, de la BCE et du FMI, annoncée par l’Eurogroupe le 11 avril, a d’ores et déjà débuté ses travaux techniques en ce sens. Il s’agit de déterminer dans quelle mesure la Grèce a effectivement besoin d’une aide et de préparer les « conditionnalités » (« conditionalities ») auxquelles le versement des fonds sera soumis.

En deuxième lieu, l’Eurogroupe prendra la décision, à l’unanimité de ses membres, d’activer ou non le mécanisme de soutien. Un État membre de la zone euro pourra toutefois décider de ne pas participer à tout ou partie du programme d’aide, sans que cette abstention n’empêche la poursuite du processus par les autres États. La décision de l’Eurogroupe portera tant sur le principe même de l’assistance financière que sur le montant à mobiliser et sur les conditions associées. Ces dernières devraient principalement s’inspirer des mesures du dernier programme de stabilité et des différents engagements pris postérieurement par le Gouvernement grec. En pratique, il importera là encore que ces conditionnalités soient coordonnées avec les critères retenus par le FMI pour délivrer ses propres aides.

En troisième lieu, une décision des vingt-sept États membres de l’Union européenne, réunis en Conseil, devra prendre acte de la décision de l’Eurogroupe et, à l’unanimité, mandater la Commission européenne afin qu’elle assure la coordination de l’opération d’assistance. La Commission devra alors, en lien avec la BCE et en collaboration avec le FMI, négocier l’accord de prêt avec les autorités grecques, ainsi que les conditionnalités qui s’y rattachent.

En dernier lieu, l’accord de prêt et les conditionnalités associées devront être approuvés par les quinze États membres de la zone euro réunis en Eurogroupe, ce qui vaudra autorisation à la Commission de le signer. Chaque État pourra alors procéder au décaissement des fonds. Les versements, réalisés par tranches, s’effectueront au profit de la BCE, qui tiendra ainsi le rôle d’agent payeur.

Du fait de ces différentes étapes à franchir, les caractéristiques précises de l’assistance financière qui pourrait être apportée à la Grèce sont, à l’heure de la rédaction du présent rapport, inconnues : ne sont encore déterminés ni le montant exact de l’aide (lequel ne pourra excéder 30 milliards d’euros), ni les caractéristiques des prêts (maturité retenue ; taux appliqué), ni le rythme de versement des fonds. Une fois ces éléments fixés, il conviendra en outre de s’assurer de la bonne exécution par la Grèce de ses engagements. Selon les informations recueillies par le Rapporteur général, le déblocage de chaque tranche d’aide devrait être précédé d’une évaluation par la Commission, en lien avec la BCE et en collaboration avec le FMI, du respect par la Grèce des conditionnalités attachées aux prêts. Selon l’évolution de la situation économique et financière du pays, ces conditionnalités pourraient être révisées en cours d’exécution du plan.

III.– LA PARTICIPATION DE LA FRANCE

A.– LA TRADUCTION EN DROIT INTERNE DES ENGAGEMENTS PRIS LE 11 AVRIL 2010 AU SEIN DE L’EUROGROUPE

Lors de la réunion de l’Eurogroupe du 11 avril dernier, qui a fixé les grands principes de l’assistance financière à la Grèce, chaque État membre de la zone euro s’était engagé à faire le nécessaire en droit interne pour se tenir prêt à agir rapidement en cas d’activation du dispositif (27). Tel est l’objet du présent projet de loi de finances rectificative.

Selon les informations fournies au Rapporteur général par le ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, la plupart des autres États membres de la zone euro sont également sur le point de prendre les mesures nécessaires à leur participation au mécanisme d’aide à la Grèce. Certains États, tels que l’Autriche ou le Luxembourg, disposent déjà dans leur droit positif de moyens d’intervenir. D’autres États, comme l’Italie ou l’Espagne, n’auront besoin de solliciter une approbation parlementaire qu’a posteriori. D’autres États membres ont, comme la France, entamé un processus législatif d’autorisation : c’est par exemple le cas de la Belgique et des Pays-Bas. Quant à la contribution de l’Allemagne, la plus importante en volume (8,4 milliards d’euros au maximum), elle pourrait être versée par la Banque de développement KfW (28), moyennant l’octroi de la garantie de l’État allemand – ce qui supposera une autorisation parlementaire.

À un tel mécanisme de garantie qui, du point de vue de la transparence du processus, aurait eu l’inconvénient de n’apparaître que dans le « hors bilan » de l’État (29), le Gouvernement français a préféré une inscription budgétaire traditionnelle, sous forme de crédits ouverts sur un compte de concours financiers.

L’article 1er du présent projet tend ainsi à élargir le champ de l’actuel compte de concours financiers Prêts à des États étrangers (voir l’encadré ci-après). À cette fin, il est proposé de modifier l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2006 et d’ajouter une quatrième section à ce compte spécial, consacrée « au versement et [au] remboursement des prêts consentis aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro en vue de favoriser la stabilité financière au sein de la zone euro ». Serait corrélativement créé un quatrième programme au sein de la mission que constitue le compte spécial, intitulé Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro. À l’instar des autres programmes du compte, le responsable de programme serait M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor. Ce programme serait assorti d’un objectif et d’un indicateur de performance, consistant à s’assurer que la France participe effectivement aux différentes tranches de versement des aides et que la mise en œuvre du mécanisme d’assistance financière s’avère, parmi les États membres de la zone euro, réellement collective.

Il convient de relever que ni l’intitulé du programme, ni le dispositif législatif proposé ne visent expressément la Grèce. Un autre État membre de la zone euro pourrait donc en profiter – même si l’on doit naturellement souhaiter que cette possibilité reste purement théorique.

LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

Le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers a été créé en 2006, lors de l’entrée en vigueur de la LOLF. Il a succédé à l’ancien compte de prêts n° 903-07 « Prêts du Trésor à des États étrangers et à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social ».

Les trois sections actuelles de ce compte (qui constituent autant de programmes au sens de la LOLF) sont respectivement consacrées aux prêts à des États étrangers de la Réserve pays émergents en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure, aux prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France et aux prêts à l’Agence française de développement (AFD) en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers.

En application de l’article 24 de la LOLF, les crédits ouverts sur ce compte sont évaluatifs (voir également infra).

Les comptes de concours financiers forment l’une des quatre catégories de comptes spéciaux. Selon l’article 24 de la LOLF, ceux-ci « retracent les prêts et avances consentis par l’État ». Les prêts doivent être accordés pour une durée déterminée et assortis d’un taux d’intérêt qui, sauf exception prévue par un décret en Conseil d’État, ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d’échéance la plus proche.

L’article 3 et l’état B qui y est annexé prévoient, quant à eux, l’ouverture de 6,3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 3,9 milliards d’euros de crédits de paiement (CP). Le déficit prévisionnel du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers, qui s’établissait à 108 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2010, serait ainsi porté à plus de 4 milliards d’euros.

Le montant de 6,3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement correspond au plafond de l’engagement contracté par la France lors de la réunion de l’Eurogroupe du 11 avril 2010. Comme on l’a vu, les États se sont engagés sur un montant maximum de 30 milliards d’euros pour la première année d’exécution du plan triennal d’aide à la Grèce. La répartition entre États de cet effort est calculée au prorata de la quote-part détenue par chaque banque centrale nationale dans le capital de la BCE : la contribution des États est donc directement fonction de leur poids économique au sein de la zone euro. Cette quote-part sera déterminée, lors de la mise en œuvre de l’aide, en prenant en compte les États membres de la zone euro qui y participent effectivement.

Lors de la réunion de l’Eurogroupe du 11 avril, cette quote-part a été évaluée à 20,97 % pour la France, soit une participation au plan de soutien de 6 291 millions d’euros la première année. Cela fait de la France le deuxième contributeur derrière l’Allemagne, dont l’engagement s’élève à 8 379 millions d’euros. Le tableau ci-après détaille les différents engagements des États membres de la zone euro.

RÉPARTITION PRÉVISIONNELLE DES ENGAGEMENTS DES ÉTATS
POUR LA PREMIÈRE ANNÉE DU PLAN D’AIDE À LA GRÈCE

(en millions d’euros)

Allemagne  (27,92 %)

8 379

France  (20,97 %)

6 291

Italie  (18,42 %)

5 526

Espagne  (12,24 %)

3 672

Pays-Bas  (5,88 %)

1 764

Belgique  (3,58 %)

1 074

Autriche  (2,86 %)

858

Portugal  (2,58 %)

774

Finlande  (1,85 %)

555

Irlande  (1,64 %)

492

Slovaquie  (1,02 %)

306

Slovénie  (0,48 %)

144

Luxembourg  (0,26 %)

78

Chypre  (0,20 %)

60

Malte  (0,09 %)

27

Total

30 000

N.B. : les pourcentages représentent la part de chaque banque centrale nationale dans le capital de la BCE (hors Grèce).

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

À cette ouverture de 6,3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement correspondrait une ouverture de 3,9 milliards d’euros de crédits de paiement. Le décalage entre AE et CP s’explique par le fait que l’engagement juridique de 6,3 milliards d’euros d’AE vaut, non pour la seule année 2010, mais pour douze mois glissants à compter de l’activation effective de l’aide. Une partie des paiements correspondants pourrait donc intervenir lors du prochain exercice budgétaire, au moyen de CP ouverts dans la prochaine loi de finances pour 2011 (30).

Si le décalage entre les montants d’AE et de CP est donc clairement justifié, le montant exact de l’ouverture de 3,9 milliards d’euros de CP l’est moins. Selon les informations annexées au présent projet de loi de finances rectificative, il s’agit d’un montant retenu à titre « purement conventionnel », s’expliquant notamment par le fait que « l’État grec n’a pas à ce stade demandé l’activation » du plan d’aide (ce qui n’est désormais plus le cas). On peut également avancer qu’un montant de CP plus élevé pourrait être interprété comme le signe de l’impossibilité supposée de la Grèce de retourner à des financements de marché d’ici la fin de cette année.

En tout état de cause, le montant de 3,9 milliards d’euros de CP correspond à 62 % des ouvertures d’AE proposées (6,3 milliards d’euros) : dès lors que ces dernières correspondent à l’engagement de la France sur une année glissante, les CP ouverts représentent approximativement un peu moins des deux tiers des engagements – purement théoriques (31) – correspondant au seul exercice 2010.

Le Rapporteur général tient à souligner que ces inscriptions budgétaires – en AE comme en CP – ne constituent pas des plafonds pour le Gouvernement : conformément à l’article 24 de la LOLF, les comptes ouverts au profit des États étrangers sont dotés de crédits évaluatifs, et non limitatifs. Dans ces conditions, les dépenses du nouveau programme Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro pourraient parfaitement excéder les crédits ouverts par la loi de finances rectificative. Dans une telle hypothèse, l’article 10 de la LOLF impose une information des commissions des finances du Parlement sur les motifs du dépassement et sur les perspectives d’exécution jusqu’à la fin de l’année. Les dépassements de crédits évaluatifs doivent ensuite faire l’objet d’une régularisation a posteriori, sous forme d’une proposition d’ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l’année concernée (article 9 de la LOLF).

Toutefois, au-delà de la règle organique rendant évaluatifs les crédits dédiés aux prêts à des États étrangers (32), le Rapporteur général considère qu’il serait politiquement difficile pour le Gouvernement de consentir une aide financière à la Grèce supérieure au montant des crédits ouverts par le présent projet de loi de finances rectificative sans solliciter au préalable une nouvelle autorisation du Parlement.

B.– LES CONSÉQUENCES POUR LES FINANCES PUBLIQUES FRANÇAISES

 Le I de l’article 2 (article d’équilibre) du présent projet de loi de finances rectificative tend à tirer les conséquences budgétaires du dispositif d’aide prévu en faveur de la Grèce.

L’ouverture de 3,9 milliards d’euros de crédits de paiement sur le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers dégrade le déficit budgétaire d’un même montant.

Toutefois, le Gouvernement profite du présent projet pour réévaluer à la hausse les prévisions d’encaissement de TVA : l’état A annexé à l’article 2 majore de 900 millions d’euros les estimations de recettes fiscales pour 2010. Selon les explications fournies par le Gouvernement, alors qu’une plus-value de 1,5 milliard d’euros avait été constatée en fin d’année 2009, seuls 0,6 milliard d’euros avaient, par mesure de précaution, été repris en base pour 2010 dans la loi de finances rectificative du 9 mars dernier. Compte tenu de « l’analyse a posteriori des données d’exécution », le présent projet répercute finalement l’intégralité de la plus-value enregistrée en 2009 dans la prévision de TVA nette pour 2010, portant cette dernière à 127,4 milliards d’euros.

Au total, le déficit budgétaire prévisionnel pour 2010 est donc aggravé de 3 milliards d’euros et atteint 152 milliards d’euros (33).

En revanche, l’ouverture de 3,9 milliards d’euros de crédits de paiement supplémentaires est neutre sur la norme de dépense, laquelle ne prend pas en compte les dépenses des comptes spéciaux. Elle est également neutre sur le déficit public « maastrichtien », dès lors que les prêts sont traités en comptabilité nationale comme des opérations financières, accroissant tant le passif (du fait des fonds versés à la Grèce) que l’actif (du fait de la créance détenue sur la Grèce) de l’État français. Dans ces conditions, le déficit public français prévu pour 2010 demeure fixé à 8 % du PIB, conformément à la notification faite à Eurostat le 1er avril dernier. Il s’agit du niveau de déficit associé à la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 (8,2 % du PIB), corrigé du rebasage lié aux premiers résultats des comptes nationaux de 2009 communiqués par l’INSEE le 31 mars dernier (7,5 % du PIB au lieu de 7,9 %).

Seuls les intérêts versés par la Grèce auront un impact – favorable – sur le déficit public. Ces intérêts, non évalués dans le présent projet, viendront abonder les recettes non fiscales du budget général de l’État (34). À titre d’exemple, pour un prêt de 3,9 milliards d’euros d’une maturité de trois ans, le gain pour l’État français serait, compte tenu du différentiel de taux, de l’ordre de 150 millions d’euros (35).

 Le II de l’article 2 du présent projet de loi de finances rectificative tend à fixer les modalités de financement de l’assistance financière à la Grèce.

Pour faire face à l’aggravation du déficit budgétaire, une version révisée du tableau de financement de l’État pour 2010 est soumise à l’approbation parlementaire. Il s’avère que le besoin de financement de 3 milliards d’euros pourrait être entièrement couvert par des ressources de trésorerie, sans qu’il soit besoin pour l’Agence France Trésor (AFT) d’émettre davantage d’emprunts. Le plafond de variation nette de la dette à plus d’un an (fixé à 105 milliards d’euros dans la précédente loi de finances rectificative) ne serait a fortiori pas modifié.

TABLEAU PRÉVISIONNEL DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT POUR 2010

(en milliards d’euros)

 

LFR 
9 mars 2010

Présent PLFR

Écart

I.– Besoin de financement

     

Déficit budgétaire

149,0

152,0

+ 3,0 

Amortissement de la dette à long terme

29,5

29,5

Amortissement de la dette à moyen terme

53,5

53,5

Amortissement des dettes reprises par l’État

4,1

4,1

Total Besoin de financement

236,1

239,1

+ 3,0 

II.– Ressources de financement

     

Produit des émissions à moyen et long terme (nettes des rachats)….

188,0

188,0

Annulation de titres par la Caisse de la dette publique

2,5

2,5

Variation nette de titres à court terme...

+ 1,2

+ 1,2

Variation des dépôts des correspondants

+ 27,0

+ 27,0

Variation du compte courant du Trésor

+ 14,3

+ 14,9

+ 0,6 

Autres ressources de trésorerie

+ 3,1

+ 5,5

+ 2,4 

Total Ressources de financement

236,1

239,1

+ 3,0 

Source : article 10 de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 et article 2 du présent projet de loi de finances rectificative.

Deux types de ressources de trésorerie permettent de couvrir l’aggravation du besoin de financement de l’État.

D’une part, un surcroît de 2,4 milliards d’euros de primes à l’émission d’OAT et de BTAN (36) a été enregistré depuis le début de cette année (imputé sur la ligne « Autres ressources de trésorerie » du tableau de financement). Il convient de rappeler que, chaque année, l’émission par l’AFT de titres à moyen et long terme donne lieu à la constatation de primes ou de décotes. On parle de « décote » lorsque la valeur du règlement acquitté par l’acquéreur du titre est inférieure à la valeur nominale de l’emprunt ajoutée au coupon couru et à l’éventuel complément d’indexation (pour les OAT indexées sur l’inflation). À l’inverse, on parle de « prime » lorsque la valeur de règlement est supérieure à la valeur nominale de l’emprunt ajoutée au coupon couru et à l’éventuel complément d’indexation (37).

Depuis le début de cette année, du fait de la faiblesse des taux de marché (et donc, à l’inverse, du haut niveau du prix des titres d’État), d’importantes primes à l’émission ont été constatées (38). Selon l’exposé des motifs de l’article 2 du présent projet, sur les trente émissions d’OAT et de BTAN réalisées depuis début janvier, vingt-huit ont engendré des primes, le prix moyen pondéré s’établissant, globalement, à 103,3 % de la valeur nominale des titres. Compte tenu d’un volume de 73,8 milliards d’euros de titre émis, ce surcoût acquitté par les investisseurs représente un apport en trésorerie de 2,4 milliards d’euros.

D’autre part, des disponibilités du compte du Trésor peuvent aujourd’hui être mobilisées à hauteur de 0,6 milliard d’euros. Le niveau cible du compte du Trésor en fin d’année est en effet en grande partie déterminé par les perspectives d’amortissement de titres en janvier de l’année suivante – en l’occurrence un BTAN de près de 20 milliards d’euros le 12 janvier 2011.

Or, les rachats de titres réalisés par l’AFT depuis le début de cette année ont permis de réduire de 0,6 milliard d’euros les amortissements prévus en début d’année prochaine. En conséquence, la diminution du compte du Trésor entre le 31 décembre 2009 et le 31 décembre 2010 prévue dans le tableau de financement peut être majorée à due concurrence, pour s’établir à 14,9 milliards d’euros (au lieu de 14,3 milliards d’euros dans la précédente loi de finances rectificative (39)).

De telles modalités de couverture en trésorerie de l’augmentation du déficit budgétaire évitent à l’État de modifier son programme de financement à moyen et long terme ou d’émettre davantage de titres à court terme. Elles évitent également d’augmenter le niveau d’endettement public « maastrichtien » de la France, qui demeure estimé à 83,2 % du PIB pour 2010, soit environ 1 637 milliards d’euros (à comparer à 77,6 % du PIB et à 1 489 milliards d’euros en 2009).

PARTIE III : UN APPEL À LA RÉFORME DE LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE DE LA ZONE EURO

La présente crise grecque a mis en lumière les défauts de conception de la gouvernance de la zone euro. La gestion des déséquilibres budgétaires a été défaillante avec une grande difficulté à faire respecter le pacte de stabilité et de croissance. L’impossibilité des dévaluations pose également la question de la gestion des différences de compétitivité, dues notamment aux écarts d’inflation.

Rappelons que l’approfondissement de la gouvernance économique de la zone euro est une position défendue avec constance par la France. L’Union européenne s’est engagée dans la voie d’une réflexion plus globale sur ce sujet, avec une communication de la Commission attendue au mois de mai prochain et la constitution d’un groupe de travail présidé par le président du Conseil européen, M. Herman van Rompuy, qui devrait rendre ses conclusions à la fin de l’année 2010.

I.– MIEUX GÉRER LES DÉSÉQUILIBRES BUDGÉTAIRES

La présente crise a prouvé que, en dépit de la réforme de 2005, le contrôle du respect du pacte de stabilité et de croissance a été défaillant. Ces lacunes tiennent, d’une part, à la difficulté à agir en amont et, d’autre part, aux lacunes du contrôle sur les statistiques nationales.

A.– COMMENT ASSURER LE RESPECT DU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE ?

Au cours des premières années d’existence de la zone euro, la réflexion sur le pacte de stabilité et de croissance a porté principalement sur son contenu. À la suite du Conseil Écofin du 25 novembre 2003, qui repousse les recommandations de la Commission concernant la procédure de déficit excessif visant la France et l’Allemagne, l’idée selon laquelle le pacte doit évoluer prend de l’ampleur. Le Conseil européen du 22 mars 2005 entérine ces évolutions :

– l’objectif de moyen terme peut être différencié selon l’État membre et sa position budgétaire, pour se situer « entre 1% du PIB et l’équilibre ou l’excédent budgétaire » ;

– lorsqu’il examine la « trajectoire d’ajustement » menant à l’objectif, le Conseil examine si un effort d’ajustement plus important est consenti en période de conjoncture économique favorable, alors que l’effort peut être plus limité pendant les périodes défavorables. Il tient compte des « réformes structurelles majeures qui entraînent des économies directes de coûts à long terme (…) et qui ont donc une incidence vérifiable sur la viabilité à long terme des finances publique » – en particulier les réformes des retraites ;

– la notion de « grave récession économique » – l’une des circonstances exceptionnelles permettant d’éviter une procédure de déficit excessif – est étendue afin de prendre en compte un ralentissement prolongé de l’activité. Les autres « facteurs pertinents » qui doivent être pris en compte sont élargis – efforts d’assainissement au cours de périodes favorables, viabilité de la dette, investissements publics, qualité globale des finances publiques… – pour inciter les États à adopter des règles de bonne gestion en phase haute du cycle.

Malgré ces évolutions, la présente crise prouve que les difficultés potentielles des États n’ont pas été traitées en amont, dans le cadre du volet préventif de surveillance des positions budgétaires. Il convient également de noter que, dans le cadre du volet répressif de la procédure pour déficit excessif, la Grèce n’a pas été sanctionnée, selon la possibilité ouverte par le traité, par un dépôt non rémunéré convertible en amende.

Une nouvelle réforme du pacte de stabilité et de croissance n’est pas donc à exclure.

À noter que la pression des marchés financiers, qui a réapparu dans la zone euro à l’occasion de la présente crise, ne constituera pas l’outil le moins efficace pour contraindre les États à la discipline budgétaire.

B.– GARANTIR LA QUALITÉ DE L’INFORMATION STATISTIQUE

La crise grecque a prouvé la nécessité d’assurer une plus grande transparence des comptes publics en garantissant la fiabilité des statistiques nationales. Des incertitudes en cette matière empêchent un contrôle efficace de la situation budgétaire et, en sapant la confiance des investisseurs, peut conduire à une forte hausse des coûts de refinancement.

Actuellement, le protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité prévoit que les États membres notifient deux fois par an à Eurostat – donc à la Commission – leurs données de dette et de déficit publics, suivant les dispositions du règlement CE n°479/2009 du 25 mai 2009. Dans ce cadre, Eurostat réalise régulièrement des visites dites « de dialogue » auprès des autorités statistiques des États membres afin d’évaluer la conformité aux règles comptables. Dans le cas où des risques substantiels ou des problèmes potentiels sur la qualité des données notifiées par un État membre ont été détectés, Eurostat réalise des « visites méthodologiques » afin de contrôler les processus et les comptes publics qui justifient les données notifiées.

À la suite des révélations sur le manque de fiabilité des statistiques grecques, la Commission a proposé (40), sur demande du Conseil, d’amender le règlement n°479/2009 afin de renforcer les pouvoirs d’audit d’Eurostat lors des visites méthodologiques en lui donnant accès :

 à un spectre de données comptables plus important. Eurostat aurait accès non seulement aux comptes des administrations centrales mais également aux comptes des administrations publiques locales et de sécurité sociale ainsi qu’aux informations comptables ayant servi à leur élaboration ;

– à un champ d’interlocuteurs plus large. Aujourd’hui, les seuls interlocuteurs d’Eurostat sont les administrations en charge de la notification des données à la Commission (41). Il s’agirait d’étendre le champ d’interlocuteurs à l’ensemble des services impliqués directement ou indirectement dans la publication des comptes et de la dette publique.

Ces points reprennent largement certaines propositions qui avaient été faites en 2005 par la Commission et que le Conseil n’avait alors pas retenues.

À ce stade, aucun calendrier prévisionnel d’adoption de cette proposition de règlement n’a été formellement établi. Selon les informations recueillies par le Rapporteur général, plusieurs réunions du groupe de travail statistique du Conseil se tiendraient d’ici au mois de juin afin d’analyser la proposition de modification du règlement de la Commission, pour une adoption avant l’été, après consultation du Parlement européen et de la BCE.

II.– MIEUX GÉRER LES DÉFICITS DE COMPÉTITIVITÉ

La présente crise montre que la stabilité financière ne tient pas seulement aux équilibres budgétaires mais également aux équilibres de compétitivité, traduits par l’évolution des déficits extérieurs.

A.– L’ACCROISSEMENT DES ÉCARTS DE COMPÉTITIVITÉ DEPUIS 2000

La zone euro se caractérise en effet par la cohabitation d’économies en rattrapage – Grèce, Portugal, Espagne notamment – et d’économies « matures ». Or, les premières présentent généralement un taux d’inflation élevé. De ce fait, le maintien d’une telle situation plusieurs années tend à éroder progressivement la compétitivité-prix des exportateurs (ce qui correspond à une hausse du taux de change réel). En conséquence, les exportations ont tendance à diminuer et les importations à augmenter, ce qui implique une diminution de la croissance du PIB.

Sur un plan comptable, l’évolution de la compétitivité se traduit dans celle du compte courant de la balance des paiements. Depuis 2000, on constate un accroissement des écarts de compétitivité, notamment entre l’Allemagne et les économies en rattrapage. Celles-ci peuvent connaître des déficits extérieurs supérieurs à 10 % qui seraient insoutenables si elles ne faisaient pas partie de la zone euro. Les déficits des uns étant les excédents des autres, il est possible qu’un lien existe entre les gains de parts de marché par l’Allemagne et les pertes subies par les autres pays.

COMPTE COURANT DE LA BALANCE DES PAIEMENTS

Source : Eursotat

B.– LES FUTURES DIFFICULTÉS DES ÉTATS À FORTS DÉFICITS EXTÉRIEURS

La résorption de déficits extérieurs substantiels prend deux voies différentes selon l’appartenance ou non de l’État à la zone euro.

En l’absence de monnaie commune, une telle évolution aurait conduit à une forte dévaluation conduisant, d’une part, à d’importantes difficultés de financement pour les débiteurs endettés en devises et, d’autre part, à un regain de compétitivité des producteurs nationaux tant sur leur marché domestique – renchérissement des importations – que sur les marchés internationaux – baisse des prix. Une éventuelle sortie de la zone euro aboutirait à une solution similaire de choc de financement et aboutirait probablement à un défaut sur tout ou partie de la dette publique.

Dans la zone euro, en revanche, une telle issue est impossible. Le regain de la compétitivité ne peut se faire qu’en accroissant les gains de productivité, c’est-à-dire :

– soit en modifiant la spécialisation productive de l’économie pour produire des biens ayant davantage de valeur, ce qui ne peut se faire que sur le très long terme ;

– soit en menant, sur plusieurs années, une politique de restriction salariale de façon à « reprendre » progressivement les revenus distribués au-delà des gains de productivité, ce qui tend à déprimer la demande intérieure.

En conséquence, en l’absence de coordination, il n’est pas à exclure que les économies à forts déficits extérieurs ne pâtissent pendant une période prolongée d’une croissance faible. Si l’inflation continue au même rythme, la perte de compétitivité s’accentuera et contribuera à une amputation durable de la croissance. Si l’inflation est maîtrisée, un tel résultat ne pourra avoir été obtenu que par une restriction de la demande intérieure et donc de la croissance.

Si la Grèce connaît avant tout une « crise de finances publiques », les autres économies en rattrapage seraient donc plutôt mises en danger par une « crise de compétitivité ». Ces craintes sont renforcées par la remise en cause du modèle de croissance reposant largement sur la construction immobilière, en particulier l’Espagne et, dans une moindre mesure, l’Irlande.

C.– COOPÉRER POUR RÉDUIRE LES ÉCARTS DE CROISSANCE

La résorption des déficits de compétitivité passe donc par la restriction de la demande intérieure.

Toutefois, une telle situation est un sujet d’intérêt commun pour les États membres de la zone euro car les marchés domestiques des uns sont les marchés d’exportation des autres. La restriction de la demande intérieure, qui limite l’inflation et accroît la compétitivité, tend en effet à limiter les débouchés des exportateurs des pays voisins et à accroître la concurrence sur les marchés domestiques de ces pays. Elle constitue un type de politique non coopérative. Les récentes déclarations de la ministre chargée de l’économie, portant sur la politique économique de l’Allemagne, sont à remettre dans ce contexte.

Dans l’hypothèse où tous les États suivaient une politique similaire, c’est la demande intérieure de l’ensemble de la zone euro qui serait restreinte – et tous seraient perdants.

Une première solution résiderait dans une baisse de l’euro. Dans un tel cas, les économies les moins compétitives regagneraient de la compétitivité-prix hors zone euro et compenseraient sur ces marchés.

Une seconde solution pourrait consister à limiter les montants des déficits ou excédents extérieurs, de la même manière que sont limités les déficits publics. De cette manière, un État dont la compétitivité se dégrade – par exemple, l’Espagne ou la Grèce – adopterait suffisamment tôt les mesures nécessaires à son rétablissement, sans attendre le moment où l’écart nécessite des années d’efforts pour être résorbé. Inversement, un État comme l’Allemagne disposant d’excédents substantiels (42) devrait le limiter et donc stimuler sa demande intérieure – hausses de salaires, stimulation budgétaire.

Une telle évolution pourrait toutefois déresponsabiliser les autorités nationales qui ont la charge de prendre les mesures adéquates et ainsi réduire les incitations à agir. Elle constitue une piste d’évolution à étudier.

AUDITION DE M. FRANCOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET,
DES COMPTES PUBLICS ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT

Lors de sa première séance du 28 avril 2010, la Commission entend M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010.

M. le président Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour auditionner M. François Baroin, à qui je souhaite la bienvenue, sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2010. Je vous demande de bien vouloir excuser Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, qui ne peut être parmi nous aujourd’hui puisqu’elle accompagne le Président de la République dans son voyage officiel en Chine.

Monsieur le ministre, nous venons d’examiner un décret d’avance. Or ce projet de loi ne prévoit pas sa ratification, alors que les décrets d’avance doivent, aux termes de l’article 13 de la LOLF, être ratifiés par la plus prochaine loi de finances rectificative. Je crois avoir compris qu’une solution avait été trouvée. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Le gouvernement grec ayant demandé l’activation du soutien européen vendredi, les sommes prévues dans le projet de loi et fixées en conseil des ministres antérieurement à cette demande doivent-elles rester inchangées ?

Selon vous, l’Allemagne va-t-elle effectivement assurer sa quote-part ? Dans l’hypothèse où elle ne le ferait pas, ou si elle le faisait plus tardivement que nous, la position de la France, notamment quant au volume de l’effort qu’elle pourrait consentir, changerait-elle ?

Pouvez-vous dire très clairement à la Commission que les conditions de refinancement de la dette française sur les marchés ne sont pas modifiées par les temps troublés que connaît la zone euro ? Il importe de mettre un terme, voire de prévenir, certaines rumeurs.

Comment jugez-vous le taux de 5 % qui a été décidé ? La meilleure façon d’aider est-elle de punir ? Ce taux est-il punitif ou légitime ?

S’agissant de l’exposition des banques françaises à la dette grecque, des chiffres importants circulent, dont on se demande s’ils ne sont pas assumés principalement par quelques établissements, voire un seul. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

Enfin, avec ce projet de loi, le déficit budgétaire est dégradé de 3 milliards d’euros supplémentaires. Si la France ne devait pas aider la Grèce, notre déficit budgétaire diminuerait-il d’autant ? Pouvez-vous nous expliquer le système de décote de la dette en cours d’année, qui permet de dégager en trésorerie ces 3 milliards d’euros ?

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative que je vais vous présenter aujourd’hui revêt un caractère particulier dans l’histoire des finances publiques de notre pays. Il marque une nouvelle étape dans la construction européenne et témoigne de la destinée commune et de la solidarité qui lient les États membres par la monnaie unique. La situation de la Grèce met en lumière son fonctionnement et l’insincérité de son gouvernement précédent quant à l’évaluation de son niveau de déficit, passé en quelques semaines de 6 % à 12 % de PIB. Mais, comme je l’ai dit hier en réponse à des questions d’actualité posées par M. Eckert et M. Lequiller, l’attaque lancée contre la Grèce est une attaque contre notre monnaie. Face à cela, la solidarité au sein de l’Union, portée par la France, est une exigence car cette instabilité générale a des conséquences immédiates sur l’Europe tout entière.

Les observateurs ont anticipé sur un éventuel défaut de paiement de la Grèce, estimant que le risque s’était accru de façon très significative, avec une accélération hier sur laquelle je reviendrai.

Les États de la zone euro ne pouvaient rester sans rien faire face à cette situation qui pouvait, à terme, porter un grave préjudice à notre monnaie commune.

C’est pourquoi, dès le 11 février, les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro ont déclaré qu’ils prendraient les mesures coordonnées nécessaires pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble.

Les modalités techniques d’un éventuel plan de soutien ont été précisées lors du Conseil européen des 25 et 26 mars : le soutien financier interviendrait en dernier recours, en particulier si le financement des marchés devait se révéler insuffisant. Il prendrait la forme d’un accord, comprenant une implication financière du FMI – à hauteur de 15 milliards d’euros – et une majorité de financement européen par le biais de prêts bilatéraux des pays membres de la zone.

Ces modalités d’intervention ont été une dernière fois précisées le 11 avril dernier : le montant maximal de l’aide annoncée s’élèverait, pour la première année, à 30 milliards d’euros, apportés par les États membres de la zone euro, auxquels s’ajouteraient des fonds apportés par le FMI. Les États membres de la zone euro contribueraient à cette aide sur une base reflétant leur poids économique au sein de la zone. Cette aide prendrait la forme de prêts qui seraient rémunérés à un taux non concessionnel, qui atteindrait environ 5 % pour un prêt à taux fixe sur trois ans, soit un taux nettement supérieur à celui auquel les autres États membres de la zone, notamment la France, se financent (aux alentours de 1,5 % pour ce qui concerne notre pays).

L’octroi de cette aide est naturellement conditionné à la mise en œuvre effective du programme d’assainissement des comptes publics sur lequel le gouvernement grec s’est engagé et qui devrait permettre de réduire le déficit public de quatre points de PIB dès cette année. Les efforts demandés par le gouvernement grec à sa population sont considérables.

Vendredi dernier, 23 avril, le gouvernement grec a demandé officiellement à ses partenaires l’activation du mécanisme décidé le 11 avril. Avant qu’il ne fasse cette demande, il était convenu qu’il faudrait se tenir prêt à réagir vite dans l’hypothèse où la Grèce deviendrait incapable de refinancer sa dette sur les marchés financiers. C’est pourquoi les États membres s’étaient engagés à prendre les mesures nécessaires, au niveau national, pour être en mesure de fournir rapidement une assistance à la Grèce. Cette urgence est d’autant plus d’actualité désormais. Il appartient maintenant à la Commission, à la Banque centrale européenne, la BCE, et au Fonds monétaire international, le FMI, d’évaluer la situation.

Des mécanismes de contrôle sont absolument nécessaires : la solidarité n’exclut pas l’exigence et la fermeté – position du Gouvernement, que j’ai rappelée hier , et nous serons bien évidemment très attentifs aux mesures prises par la Grèce et à leurs résultats.

Ce projet de loi de finances rectificative, que Christine Lagarde et moi-même présenterons en séance publique le 3 mai, répond ainsi à cette urgence et vise à mettre en place les moyens juridiques et budgétaires pour autoriser le concours de la France à la Grèce, puisqu’elle vient d’en faire la demande.

Il ouvre donc pour 2010 un total de 6,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement, sur un programme créé à cet effet : « Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro ».

Les 6,3 milliards d’euros pour 2010 correspondent à l’engagement maximal de la France sur les 30 milliards d’euros d’aide européenne annoncée pour la première année, soit 20,97 %. Le niveau de participation de chaque État membre est en effet calculé au prorata de la souscription de sa banque centrale nationale au capital de la BCE.

À titre conventionnel, l’estimation du montant global de prêt effectif par la zone euro à la Grèce correspond à environ deux tiers du besoin de financement global de l’État grec estimé jusqu’à la fin de l’année. Le montant des crédits de paiement ouverts en France s’élève donc à 3,9 milliards d’euros pour 2010. Le tiers restant du prêt de la zone euro à la Grèce est supposé couvert par des ressources levées par les autorités grecques, soit directement sur le marché, soit via le FMI.

Il s’agit d’une hypothèse haute, car la mise en place du plan de soutien et sa traduction concrète dans chacun des États membres ont véritablement pour objectif un retour rapide de la Grèce sur les marchés financiers et non une mise sous perfusion durable.

Je précise que ces ouvertures de crédits n’ont pas d’impact sur le déficit public de notre pays, puisqu’il s’agit d’une opération financière – un prêt – et non d’une dépense définitive pour le budget de l’État.

Quel que soit le montant décaissé au titre des prêts à la Grèce, la prévision de déficit public pour 2010 reste donc inchangée par rapport au montant notifié il y a quelques jours à la Commission européenne, à savoir huit points de PIB.

En revanche, le déficit budgétaire se doit de refléter l’ensemble des crédits budgétaires autorisés, même si leur décaissement n’est pas à ce stade certain et qu’il ne s’agit pas d’une dépense définitive. C’est la raison pour laquelle le déficit budgétaire s’établit, dans le projet de loi de finances rectificative, à 152 milliards d’euros, en dégradation de 3 milliards par rapport au chiffre du collectif sur l’emprunt national.

La dégradation n’est pas de 3,9 milliards, mais de 3 milliards d’euros, car l’ouverture de 3,9 milliards de crédits de paiement est en partie compensée par une réévaluation à la hausse des recettes de TVA, environ 900 millions d’euros. Cette nouvelle estimation traduit simplement, dans l’équilibre du budget de l’État, le surcroît de recettes de TVA, que nous avons notifié à Bruxelles le 8 avril.

Ces ouvertures de crédits n’ont pas non plus d’impact sur la charge de la dette et ne supposent pas de modifier le programme d’émission de la dette française – ni pour la dette à moyen et long terme, ni pour la dette à court terme –, qui reste donc identique à celui présenté à l’occasion du collectif « Grand emprunt ». Le financement du surcroît de déficit lié aux prêts ainsi autorisés serait en effet couvert par 2,4 milliards d’euros d’apport net en trésorerie des primes enregistrées sur les émissions de titres à moyen et long terme réalisées depuis début janvier et par un ajustement de 600 millions d’euros de la contribution du compte du Trésor.

Pour conclure, je tiens à souligner le caractère particulier de ce collectif.

Comme je vous l’ai dit, cette démarche est avant tout l’aboutissement d’une décision concertée et collective. L’ensemble de nos partenaires fait ou s’apprête à faire de même. Ainsi, le gouvernement néerlandais a-t-il déjà saisi son Parlement de la question. De la même manière, les autres pays de la zone euro sont en train de franchir ou franchiront rapidement dans leur droit interne les étapes nécessaires à la mise en œuvre du dispositif.

Le Gouvernement demandera au Parlement que ce projet de loi de finances rectificative soit examiné en urgence pour que le dispositif d’aide à la Grèce puisse être activé sans délai. Aussi, pour s’assurer que ce projet de loi reste bien concentré sur son unique objet, il ne contient que cette unique disposition. C’est d’ailleurs pourquoi d’autres dépenses urgentes – aide à Haïti, suites de la tempête Xynthia – font l’objet, comme c’est l’usage à ce stade de l’année, d’un décret d’avance qui a été transmis en début de semaine aux commissions des finances des deux assemblées.

Le Gouvernement compte donc sur l’esprit de responsabilité de l’ensemble des parlementaires pour que, à l’image de la loi de finances rectificative d’octobre 2008 sur le financement de l’économie, les débats se concentrent sur l’objet du projet de loi et permettent son adoption dans les plus brefs délais. Je vous remercie de l’esprit dans lequel nous avons pu préparer cette réunion, d’autant plus que la situation est sérieuse et très exigeante.

Concernant les engagements des banques françaises, le niveau de l’ensemble des actifs des groupes bancaires les plus internationaux ayant des positions en Grèce est d’un demi pour cent, pas plus. On est donc loin d’un risque systémique, comme lors de l’affaire Lehman Brothers où l’effet domino et la position de l’administration américaine avaient provoqué la crise que nous connaissons. D’après nos informations, ce n’est ni le même risque, ni la même ampleur, ni les mêmes positions.

Quant à la position de l’Allemagne, les hésitations de la chancelière, dues à ce temps de latence lié à des élections régionales importantes pour la coalition allemande, ont incontestablement nourri les raisons du doute. Mais ce qui importe, ce sont ses propos, avant-hier, selon lesquels « l’Allemagne apportera son secours lorsque les préalables seront réunis ; nous y apporterons notre contribution ; je fais confiance aux négociations menées par le FMI et la Commission européenne avec la Grèce ».

La chancelière allemande a tenu compte de l’accélération de la spéculation des marchés. En réalité, il s’agit d’une course de vitesse.

Je crois que le message est passé. Cette annonce confirme les échanges que nous avons avec le gouvernement fédéral allemand : elle reflète la claire conscience qu’a l’Allemagne de son rôle dans le déclenchement du processus de soutien aux Grecs. Nous n’avons donc aucun doute sur la volonté de ce pays – malgré les hésitations et l’état d’esprit de l’opinion publique allemande – d’entrer dans ce dispositif de soutien. Cela se fera.

J’en viens au taux de 5 %. On ne peut pas, d’un côté, annoncer une aide à un pays en difficulté, qui a mené des politiques inappropriées et menti sur ses déficits et, de l’autre, se voir reprocher que cette aide revête la forme d’un prêt. Ce prêt est relativement avantageux puisque nous empruntons à environ 1,5 %.

M. Henri Emmanuelli. Vous faites pire que les banquiers !

M. le ministre. Ce dispositif est l’expression de notre soutien, assorti d’un haut degré d’exigence sur le suivi des engagements pris par l’actuel gouvernement grec pour réduire de manière drastique son déficit : moins 4 % en un an. L’effort demandé est considérable mais il nous paraît être de bonne politique.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le ministre, les 900 millions d’euros de recettes de TVA supplémentaires inscrits dans ce collectif sont une bonne nouvelle. Grâce à sa politique économique et budgétaire conduite en 2009, la France s’est comportée relativement mieux que la plupart des autres pays européens, même si son déficit public a atteint 7,5 points de PIB – 8 points étant prévus pour 2010, le réglage entre mesures d’investissement et de soutien à la consommation s’étant révélé judicieux. Mes collègues du Bundestag m’ont d’ailleurs interrogé sur la mise en place, dans notre pays, de procédures telles que la médiation du crédit, le soutien aux banques et à la consommation. Je profite de ce collectif pour rappeler la règle, introduite par la LOLF en 2005, selon laquelle tout surplus de recettes, fût-il modeste, doit être utilisé selon des modalités prévues par la loi de finances initiale, en l’occurrence, en 2010, impérativement affecté à la baisse du déficit.

Monsieur le ministre, les Grecs doivent être refinancés au titre d’une échéance de 8 milliards d’euros le 19 mai. Peut-on espérer une accélération du calendrier, car attendre le 10 mai – lendemain des élections allemandes – pour prendre des dispositions est risqué si l’on veut freiner la spéculation dont sont déjà atteints d’autres pays ?

Ce projet de loi crée un nouveau programme intitulé « Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro », mais les crédits sont évaluatifs aux termes de la LOLF. Le Gouvernement s’engage-t-il à revenir devant le Parlement si les 6,3 milliards d’autorisations d’engagement et les 3,9 milliards de crédits de paiement venaient à être dépassés ?

Les prêts – 30 milliards d’euros au titre de la zone euro et une quinzaine au titre du FMI – seraient mis en place par tranches, avec vérification de la réalisation des conditions, assez dures, demandées à la Grèce : hausse de deux points de la TVA, baisse de 10 %, voire de 20 % des salaires des fonctionnaires, mesures de régulation sur l’assurance maladie, baisse des budgets de défense, d’investissement, etc. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur les modalités de mise en place des tranches de prêts à la Grèce ?

Enfin, la question de la gouvernance économique de la zone euro est une nouvelle fois posée, quand on constate de grandes divergences entre les soldes commerciaux des États. La réflexion sur ce sujet avance-t-elle ? Êtes-vous optimiste ? Va-t-on enfin dépasser les simples intentions ou les études académiques ?

M. le ministre. Sur le calendrier, Herman Van Rompuy a annoncé une réunion du Conseil européen pour le 10 mai. La négociation avec le FMI, la Commission et la BCE doit normalement se conclure dès la semaine prochaine. L’évolution de la position allemande, l’action de la France, les déclarations de M. Van Rompuy et les positions du directeur général du FMI démontrent une volonté ferme de déclencher ce plan dans les meilleurs délais.

Les Allemands sont techniquement capables de répondre à l’objectif du 19 mai : leur procédure parlementaire le leur permet, nous ont-ils fait savoir.

Sur les éléments de conditionnalité, la Grèce devra, à partir du 15 mai, soumettre au Conseil et rendre publics des rapports trimestriels qui feront état de mesures concrètes et d’une quantification de leur impact budgétaire. L’effort demandé à la population grecque est considérable, car la situation l’exige : non-paiement du quatorzième mois des fonctionnaires, réduction de 10 % des dépenses au titre des rémunérations, gel des embauches en 2010, réduction des coûts opérationnels, des dépenses militaires, médicales, d’éducation, d’investissement, etc. Nous devons adresser un message de soutien à la population grecque, mais aussi d’exigence pour que les conditions du prêt soient réellement remplies : la Grèce sera accompagnée pendant plusieurs années vers un rééquilibrage de ses comptes. Nous devons être confiants mais aussi lucides sur ce qui est demandé en termes d’efforts à la population grecque.

La question de la gouvernance économique est au cœur des discussions et fera clairement partie des éléments du débat du G20 sous présidence française, à la lumière de la crise grecque et du début de la crise portugaise, d’une autre nature. Si les crises prennent de l’ampleur, si l’attaque contre l’euro se poursuit, est-ce le FMI qui sera majoritaire dans le soutien aux pays de l’Union européenne, ou est-ce l’Union européenne qui, prenant conscience de ses responsabilités, se mettra réellement en situation de conserver un dispositif capable de protéger sa monnaie et, partant, son économie, ses investissements, ses emplois, et donc une certaine idée de son identité et de son organisation ? Les Américains ont beaucoup de mal à comprendre notre fonctionnement et notre incapacité à répondre aussi rapidement qu’ils l’ont fait en leur temps. Le manque de gouvernance européenne associée à une perte de temps accélère le processus de déstabilisation et de spéculation de la part des marchés. La gouvernance européenne sera donc au premier rang des priorités dans les semaines et les mois qui viennent.

Enfin, sur les crédits évaluatifs, monsieur le rapporteur général, je prends l’engagement de revenir devant la Commission et de faire des rapports d’étape sur l’évolution de la situation.

M. Jérôme Chartier. Le taux de 5 % à trois ans me paraît assez logique car, le 29 mars, la dernière émission grecque de 5 milliards d’euros à sept ans était à 6 %.

Les autorisations d’engagement de 6,3 milliards d’euros seront-elles suffisantes si le Portugal, voire l’Irlande, se retrouvent également en difficulté ?

Si, dès le mois de novembre – au moment où le Premier ministre grec a annoncé la révision du déficit de 6 à 12 points de PIB –, la gouvernance de la zone euro avait été efficace et mis sous surveillance la Grèce, les marchés auraient-ils sanctionné ce pays ?

Ce collectif appelle donc beaucoup de questions, alors même que le groupe UMP le soutiendra.

Le plus urgent est sans doute de donner un signe très fort avant le 10 mai. Chacun a bien compris les enjeux du calendrier et la raison pour laquelle le président de l’Union européenne provoque la réunion de l’Eurogroupe après le 9 mai. Mais les marchés vont-ils attendre cette date ? Que fera-on si la note de l’Irlande est dégradée ? Que fera-t-on si la situation du refinancement des obligations d’État, de la dette souveraine sur le marché secondaire, devient de plus en plus tendue ?

Vous l’avez dit, monsieur le ministre : dans les négociations en cours, le FMI n’a pas encore acté son engagement pour un versement de 15 milliards d’euros de financement. S’il décidait d’accorder une somme inférieure, qui se chargerait du refinancement de la différence ?

M. le ministre. Monsieur Chartier, les marchés peuvent fondre un matin comme une volée de moineaux sur un sac de grains, et revenir comme eux dans les nids le soir si les bonnes réponses ont été apportées. L’évolution de la Bourse au cours de l’année 2009 nous amène à avoir le recul nécessaire et, en même temps, à faire preuve de rigueur et de transparence.

Les situations portugaise et espagnole ne sont pas comparables à la situation grecque. C’est le mensonge du précédent gouvernement grec qui a accéléré la spéculation des marchés sur notre monnaie. La sanction n’est donc pas illogique. Mais ce que nous devons contrer, c’est l’attaque qui s’est produite à travers la sanction. C’est pourquoi la solidarité européenne est indispensable. S’il y a eu des hésitations allemandes en termes de calendrier, nous nous retrouvons quant au degré d’exigence sur la contrepartie du prêt.

Le Portugal et l’Espagne n’ont pas menti, et s’ils ont une dette à peu près égale à la nôtre, leur chômage est plus élevé et leur situation beaucoup plus tendue. En Espagne, l’élément spéculatif autour de la bulle immobilière est menaçant. Nous devons être attentifs à la position des agences de notation. La dégradation d’une des notes concernant le Portugal a accéléré la spéculation, mais c’est aussi à l’Union européenne, à la Banque centrale, au FMI, de mettre en place la coordination. La fermeté politique, avec le sang-froid nécessaire pour ne pas créer de catastrophisme, sera la ligne que Christine Lagarde et moi-même tiendrons auprès des marchés et de nos partenaires.

Sur la position du FMI, la meilleure réponse sera la mise en place d’une gouvernance européenne, et donc une avancée des positions de la Commission en la matière. Van Rompuy fera une communication en mai sur cette question. Dans le cadre de la préparation du G20, un important groupe de travail sera mis en place avec l’objectif d’offrir, d’ici à la fin de l’année, des réponses concrètes, techniques, sur le détail desquelles nous reviendrons régulièrement. C’est l’un des enjeux majeurs des mois qui viennent.

M. Jérôme Chartier. S’agissant d’un dispositif de prêt du FMI sous conditions, la situation de la Grèce est très différence de celle d’autres pays, car nous avons la même monnaie qu’elle. Que ferons-nous si la Grèce ne respecte pas le plan ? Nous ne pouvons pas nous permettre de voir un pays « dévisser » une monnaie parce qu’il ne respecte pas les conditions fixées dans le pacte du prêt solidaire. Voilà pourquoi il y a urgence à déterminer les modalités de la gouvernance !

Enfin, nous ne sommes pas sous le coup d’une réaction subite des marchés : la situation du marché secondaire des obligations se dégrade depuis plusieurs mois. Certes, il est très bien de mettre les bouchées doubles après avoir traîné pour la prise de décision, mais la perspective du 10 mai me semble un peu lointaine du fait de la réactivité des marchés.

M. Pierre-Alain Muet. La crise grecque est la démonstration de l’impossibilité, comme nous l’avons toujours dit, de construire une union monétaire sans solidarité politique et financière. Dans cette affaire, l’important est d’agir vite et de le dire : notre groupe fera tout pour que la France puisse exprimer clairement son soutien financier.

Cette crise se développe en raison d’une totale dissymétrie entre la façon dont on a réagi à l’échelle du monde pour sauver le système bancaire et la lenteur avec laquelle des pays européens, pourtant dans l’union monétaire, ont réagi face à une crise touchant l’un des leurs.

Certes, il faut des conditions, mais les traités contiennent des critères. M. Chartier fait de grandes déclarations sur la rigueur budgétaire, mais la France, qui a abordé avec un déficit excessif cette période de crise majeure et connaît, de ce fait, aujourd’hui un déficit de 8 %, pourrait s’appliquer ces leçons à elle-même. Enfin, quand la maison brûle, en cas de crise, il faut faire vite.

Les conditions du prêt à la Grèce sont assez choquantes. Dans l’Union monétaire sans crise, les taux d’intérêt étaient les mêmes dans tous les pays, quel que soit leur niveau d’endettement. Est-il normal de prêter à un taux de 5 % à la Grèce quand la plupart des pays se refinancent à 1,5 % ? Une union monétaire fonctionnant normalement devrait prêter à ce taux-là. Pour régler le problème et éviter l’effet domino, l’Union monétaire doit affirmer clairement qu’elle peut soutenir un pays en difficulté avec les taux d’intérêt les plus favorables du marché monétaire. Pour se désendetter, la Grèce devrait bénéficier de taux faibles, contrepartie normale des conditions exigées.

Sur son temps de réaction et les taux d’intérêt, l’Europe ne s’est pas comportée comme devrait le faire une union monétaire.

M. le ministre. Je remercie le groupe socialiste de l’esprit de responsabilité dont il fait preuve. Il est précieux que la position française s’exprime de manière unanime. Cela dit, s’il importe de témoigner notre solidarité envers la Grèce, il faut aussi faire accepter par l’opinion publique les conditions dans lesquelles elle s’exprime. Si nous avions retenu une logique de dépense budgétaire, un tel choix, compte tenu de notre niveau de déficit et d’endettement, aurait probablement soulevé des interrogations parmi les Français.

Les conditions de prêt s’inspirent de deux idées simples : d’une part, il faut adresser à la Grèce un double message de solidarité et d’exigence, la confiance n’excluant pas le contrôle ; d’autre part, le dispositif de soutien a été calqué sur les règles appliquées par le Fonds monétaire international. Je ne crois pas que l’on puisse contester cette position, qui semble suffisamment stable sur le plan politique pour nous permettre d’avancer vers un projet de gouvernance européenne et apporter à la Grèce un soutien pendant les trois années à venir.

M. Pierre-Alain Muet. La position allemande a coûté très cher à l’Europe et à l’euro. Le Gouvernement l’a-t-il indiqué aux Allemands, au moins dans le cadre de relations bilatérales ?

M. Charles de Courson. Je poserai six questions à M. le ministre.

Premièrement, ne faudrait-il pas conditionner le versement de chaque tranche du prêt à la réalisation effective du plan de redressement ? S’il le souhaite, nous sommes disposés à aider le Gouvernement en déposant un amendement à cette fin. On ne peut demander aux vertueux de financer le vice. N’oublions pas que les sommes versées à la Grèce seront levées sur les impôts des Français ! C’est pourquoi je me garderai bien de critiquer la position de l’Allemagne. Si l’on peut mutualiser les risques en demandant aux bons élèves de financer les mauvais, c’est seulement à condition que les efforts des seconds soient réels.

Deuxièmement, le plan de redressement adopté par le Parlement grec est-il socialement soutenable par le peuple grec ? À titre de comparaison, je rappelle que le gouvernement français sait fort bien quelles mesures il faudrait prendre pour redresser nos finances publiques ; ce n’est pas pour autant qu’il les met en œuvre.

Troisièmement, les caractéristiques du prêt – un taux de 5 % et une durée de trois ans – sont-elles soutenables ? Au fond, nul ne croit que la Grèce redressera ses finances publiques dans un tel délai. Je ne serais donc pas choqué qu’on lui octroie un prêt sur quinze ou vingt ans, selon le modèle des plans de redressement du FMI.

Enfin, puisqu’on ne peut demander à un peuple dont les élites politiques ont menti de se réformer en trois ans, pourquoi ne pas prévoir d’emblée des conditions réalistes en fixant au prêt une durée plus longue et un taux d’intérêt plus raisonnable ? En ce moment, l’Allemagne se finance autour de 3,25 %, alors que le taux auquel emprunte la Grèce augmente chaque jour. Pourquoi ne pas offrir à ce pays un taux avantageux, afin de l’aider, tout en conditionnant le versement d’une prime au redressement de son économie ? En d’autres termes, pourquoi ne pas prévoir un prêt intéressé afin de l’inciter à la vertu ?

Quatrièmement, la mutualisation du risque grec, avant celle du risque irlandais, portugais, voire espagnol, a déjà entraîné une augmentation des taux d’intérêt dans différents États. En a-t-on évalué le surcoût sur les emprunts de l’État français ou des autres pays de l’Union monétaire ?

Cinquièmement, la crise révèle qu’il n’existe pas d’outils cohérents au sein de la zone euro. Lorsque le Conseil des ministres se réunit ou que les membres du Gouvernement s’expriment devant le Parlement, les politiques perdent un temps précieux que les spéculateurs mettent à profit minute après minute. Pourquoi le Gouvernement ne créerait-il pas un fonds monétaire européen, qui lui permettrait de gérer les crises ? Si le FMI mettait autant de temps à réagir, il ferait lui aussi le jeu de la spéculation.

Enfin, pourquoi ne restructure-t-on pas la dette publique grecque ? Quand on redresse une entreprise en très grande difficulté, c’est bien ainsi qu’on procède : on commence par rééchelonner la dette, en allongeant la durée des emprunts et en abaissant les taux, avant de prévoir des plans sociaux.

M. le ministre. À la dernière question, je réponds tout de suite de manière négative. Les marchés ne cherchent rien d’autre qu’une restructuration de la dette grecque, qui produirait à terme une explosion de l’euro. Ils doivent savoir que ni la France ni le président du Conseil européen n’envisagent une restructuration de la dette grecque.

La clause que vous proposez d’introduire par le biais d’un amendement figure déjà dans le mécanisme mis en place. Dès lors que certains décaissements sont conditionnés au respect du programme associé, mieux vaut ne pas ajouter de nouveaux mécanismes de contrôle. La mise sous surveillance d’un pays indépendant, auquel sont imposés des efforts considérables, est déjà suffisamment délicate.

Vous m’avez demandé si les conditions du prêt sont socialement soutenables. Seule l’Histoire permettra de le dire. Cependant, si elles sont exigeantes, précises, douloureuses, et préoccupantes pour bien des familles grecques, elles sont incontournables.

Je confirme que le programme du Fonds monétaire et de la zone euro sera pluriannuel, ce qui fait actuellement l’objet d’une négociation.

Bien que le prêt ne soit pas intéressé, son taux augmentera s’il n’est pas remboursé au terme des trois ans prévus, ce qui introduit une forme de progressivité. Quoi qu’il en soit, il n’est pas possible de délivrer aux Grecs deux messages contradictoires. Si nous leur demandons d’apporter une réponse rapide à la situation, nous ne pouvons pas prévoir en même temps sur vingt ou trente ans – autant dire l’éternité – un programme qui, faute de créer la dynamique d’un retour rapide à l’équilibre, ne répondra pas aux inquiétudes des marchés.

Enfin, la France n’a pas à craindre un surcoût du crédit lié à la crise grecque. Vous connaissez trop bien ces matières, monsieur de Courson, pour ignorer que toute interrogation qui se fait jour sur un papier de mauvaise qualité s’accompagne d’un report de la demande sur les autres. C’est à la bonne catégorie qu’appartient le spread français. Il n’y a donc pas lieu de craindre une hausse.

M. Charles de Courson. Vous ne m’avez pas répondu sur la création d’un FME.

M. le ministre. La question du FME, c’est-à-dire de la gouvernance, sera abordée par la France dans le cadre de la préparation du G20, dont elle assurera la présidence.

M. Jean-Pierre Brard. Si le Dr Baroin est un excellent clinicien percevant parfaitement bien les symptômes, sa pharmacopée se réduit à de la poudre de perlimpinpin. Peut-être gagnerait-il à écouter davantage M. de Courson, qui a fort bien décrit les risques que nous courons.

Avec la prudence qui sied à sa fonction, M. le ministre a évoqué en filigrane le peuple grec. Or, nous savons que le peuple grec a montré au cours du XXe siècle qu’il pouvait réagir durement à certaines situations. S’il descend dans la rue, qu’adviendra-t-il des propositions de l’Union qui prévoit de réduire les déficits publics dès 2010 dans une proportion tout à fait irréaliste ?

Analysons mieux la position de l’Allemagne. La situation du FDP à l’égard de la CDU est loin d’être celle de notre Nouveau Centre assis, pour ainsi dire, sur le porte-bagages de l’UMP. La position de M. Westerwelle, président du FDP, est plutôt celle du passager d’un side-car, qui essaierait de dévisser les boulons de la moto conduite par Angela Merkel : la seule chose qui compte à ses yeux est son électorat. C’est pourquoi l’après-9 mai ne me semble guère plus rassurant que l’avant-9 mai.

Monsieur le ministre, envisagez-vous vraiment de contraindre les malheureux paysans grecs à remplir sous astreinte les poches des prêteurs ? Mieux vaudrait modifier le dernier traité pour permettre à la Banque centrale européenne de consentir un prêt sans intérêt. Au moment où le système fait faillite, on ne nous propose pas d’autre politique que celle qui nous a conduits dans l’impasse. Avez-vous prévu une seule mesure pour freiner la spéculation et contraindre les mouvements du capital ?

Le Gouvernement est-il favorable à la création d’un « FMI européen », dont les décisions dépendraient du politique et non d’une sphère financière totalement autonome ? Faute de prendre une telle initiative, nous risquons de nous enfoncer dans une grave crise sociale. Enfin, je me demande comment les Français, jamais indemnes d’arrogance, peuvent accepter celle de l’Allemagne envers le peuple grec, auquel l’histoire de l’Europe doit tant.

M. le ministre. Je ne suis pas persuadé que M. Brard m’ait posé une véritable question. Peut-être prépare-t-il déjà les échanges que nous aurons dans l’hémicycle. C’est par conséquent dans ce cadre que je lui répondrai.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, je commencerai par saluer la bonne nouvelle que vous nous avez annoncée à propos de la TVA.

En ce qui concerne la crise grecque, j’aimerais savoir si les pays de l’Union ont envisagé des stress scenari sur la problématique de la dette souveraine. Disposons-nous d’une vue d’ensemble qui permettrait de calibrer nos décisions à venir ou faut-il considérer que l’hémorragie s’arrêtera quand le cas de la Grèce aura été traité ?

Au-delà de la défiance de la communauté financière, une des causes de la crise est le défaut de la Banque centrale de Russie, prêteur historique de l’État grec, laquelle s’est avérée incapable de renouveler ses prêts. Son retrait pourrait-il avoir des conséquences sur d’autres dettes souveraines, hors zone euro, dans les anciens pays du bloc soviétique ?

Comme M. de Courson, je doute de la soutenabilité des mesures de redressement. Peut-on compter sur des recettes apportées par les taxes sur les produits pétroliers qui s’avèrent particulièrement volatils ? Comment croire que le problème de la fraude et de l’évasion fiscale pourra être résolu rapidement, quand on sait qu’il est structurel et n’a pu être traité pendant des années ? Que se passera-t-il si les mesures prévues à cet égard ne peuvent être mises en œuvre ?

Reste à examiner le taux du prêt consenti à la Grèce. Si la différence entre celui-ci et le taux auquel nous empruntons nous-mêmes ne me choque pas, puisqu’il faut bien financer le risque, on ne peut éluder la question du différentiel entre le taux des prêts consentis par les États européens et par le FMI. L’image de l’Union européenne et la logique de solidarité qu’elle met en œuvre seraient gravement atteintes s’il s’avérait que le FMI propose à la Grèce de meilleures conditions que les État membres de l’Union.

M. Henri Emmanuelli. C’est exactement ce qui va se passer !

M. Michel Bouvard. Si les Grecs préfèrent se réfugier sous le parapluie américain plutôt que sous le nôtre, cela posera un problème réel.

Puisque nous sommes encore dans la phase préparatoire de budget, je rappelle au Gouvernement que la Commission des finances souhaite être étroitement associée aux éventuelles propositions de révision de la maquette. En 2007, les ministres avaient profité des congés électoraux du Parlement pour ne plus nous en faire part, mais nous souhaitons qu’ils reviennent désormais aux bonnes pratiques anciennes.

Enfin, nous aimerions disposer d’un état des prêts consentis aux pays étrangers soit par l’État lui-même, soit par certains de ses satellites, notamment par l’Agence française de développement. Il nous serait ainsi plus facile d’apprécier le contexte dans lequel intervient le prêt à la Grèce.

M. Henri Emmanuelli. Je suis très sceptique à l’égard de la solidarité rémunératrice que le Gouvernement vient d’inventer. Quand l’opinion grecque comprendra que ses sacrifices contribuent à enrichir ceux qui sont venus à son secours, la situation politique sera intenable. Qui a décidé que, pour voler au secours d’un pays, il fallait en même temps le punir ? Je comprends qu’il faille décourager le laxisme, mais un tel procédé ne peut qu’encourager ceux qui spéculent contre l’euro à continuer de plus belle !

Un Conseil européen des finances est-il prévu à brève échéance pour éviter que la situation ne s’aggrave en Grèce, mais aussi au Portugal, sinon dans toute l’Europe, compte tenu des écarts de taux que l’on constate ?

M. Hervé Mariton. M. le ministre a affirmé que la restructuration de la dette ferait exploser l’euro. Par quel mécanisme ? Son raisonnement appelle quelques explications. Que se passera-t-il si la Grèce ne tient pas ses engagements en matière de politique économique ou budgétaire ?

J’aimerais également qu’il nous confirme que les modalités de présentation des 900 millions d’euros dans le collectif respectent parfaitement les règles de la LOLF relatives à l’affectation des surplus de recettes. Ma demande n’a bien entendu qu’un caractère technique.

La gouvernance européenne étant aussi la nôtre, nous sommes quelques-uns à avoir éprouvé un certain malaise sur la manière dont les engagements de la France sont présentés dans le cadre du programme de stabilité. À l’occasion de la crise grecque, il serait bon que le Gouvernement prenne des engagements au sujet du débat et du vote de ce programme.

Enfin, en ce qui concerne notre relation avec l’Allemagne, j’hésite entre l’analyse de M. Muet, la réponse feutrée de M. le ministre et la position de M. de Courson. Mais le Gouvernement français n’a-t-il pas lui-même changé de position au vu de la détérioration rapide de la situation en Grèce et au Portugal ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Puisque le gouvernement grec va tenter d’assainir ses finances sous le contrôle de ses partenaires européens, ceux-ci pourraient-ils l’inciter à obtenir le rapatriement de certaines sociétés maritimes florissantes qui, actuellement, ne lui rapportent pas un euro de recette fiscale ?

M. le ministre. Le taux du prêt tient compte de l’opinion française comme des discussions que nous avons eues avec les autres États, avec le FMI et avec la Banque centrale européenne. Notre but est d’obtenir que la Grèce mette en place des dispositifs de sincérité budgétaire ainsi que des réformes permettant un retour à l’équilibre. À défaut, le plan n’a aucune chance de fonctionner. Loin de nous l’idée de nous enrichir aux dépens d’un pays en difficulté, mais nous devons créer un système de référence international. Si le taux retenu produit à terme quelque 150 millions d’intérêts, ce qui, à tout prendre, n’est pas démesuré, je rappelle qu’il nous est imposé par la situation.

M. Henri Emmanuelli. Reste qu’il est beaucoup trop élevé !

M. le ministre. Nous en reparlerons. Les discussions de la Commission des finances sont vertueuses, au sens où elles permettent d’avancer. Mais si la discussion en séance publique remettait en cause le taux d’intérêt, le débat n’aurait sans doute plus la même forme.

Monsieur Bouvard, n’entrons pas dans la politique-fiction. Que vont faire le Portugal, l’Espagne et l’Irlande ? Comment se comporteront les agences de notation ? Comment réagiront Fitch, d’inspiration plutôt européenne, et Moody’s, d’inspiration anglo-saxonne ? Ces questions ne peuvent être tranchées et rappelons que le pire n’est jamais sûr. Notre objectif aujourd’hui est d’éteindre l’incendie, en coordonnant au niveau international les modalités d’intervention budgétaire et bancaire, et en levant les dernières réticences allemandes.

Je vous rappelle, monsieur Emmanuelli, que le président du Conseil européen a proposé de réunir les chefs d’État et de gouvernement européens le 10 mai.

M. Henri Emmanuelli. Il y a urgence !

M. le ministre. Le taux proposé par le FMI est de 3,75 % en variable, alors que celui de la zone euro est de 5 % en fixe, ce qui est pratiquement équivalent. Il n’y a donc pas lieu d’ouvrir un débat sur le différentiel.

Concernant les prêts aux États étrangers, je vous renvoie au rapport rédigé chaque année dans le cadre du projet de loi de finances. Les comptes de l’AFD sont publics. Des parlementaires siègent d’ailleurs à son conseil, comme dans toutes les grandes institutions bancaires, et leur participation y est appréciée. M. Bouvard en sait quelque chose.

Monsieur Mariton, la restructuration de la dette grecque n’est pas en discussion. La position des responsables européens et du Gouvernement français est ferme et définitive à ce sujet. Une restructuration de la dette grecque comporterait le risque d’une fermeture du marché avec une contagion massive de la crise dans la zone euro. Qui prêterait à un pays dont le remboursement est incertain ? Il faut savoir qu’en vingt ans, le mode de financement des États a considérablement évolué. Aujourd’hui, moins de 20 % des emprunts s’effectuent auprès des banques, contre 80 % au début des années quatre-vingt. Nous ne prendrons pas le risque d’une fermeture des marchés. C’est pourquoi la question de la restructuration de la dette ne se pose pas.

Le prêt à la Grèce ne modifie pas la règle d’affectation des surplus de recettes. Il n’ajoute pas à notre programme d’emprunt. Il ne fera donc pas augmenter notre dette. Il s’agit d’une opération purement financière, non d’une dépense budgétaire définitive.

Le Gouvernement respecte la règle qui veut que les surplus fiscaux soient affectés à la réduction des déficits.

Je confirme par ailleurs l’amélioration de 900 millions d’euros par rapport au dernier collectif. De ce fait, l’évolution du déficit par rapport aux critères de Maastricht tient dans l’épaisseur du trait.

M. François Hollande. Chacun mesure qu’au-delà de la situation de la Grèce, le vrai problème qui se pose est celui de la stabilité, sinon de l’avenir de la zone euro. C’est pourquoi la position exprimée par M. Muet sur le vote du collectif relève de l’évidence.

Ces dernières semaines, la spéculation a mis à profit le temps que perdait la zone euro. Il est dramatique que celle-ci ne dispose pas de mécanismes lui permettant d’agir au moment opportun. À présent, c’est aux États de le faire. Pourquoi attendre le 10 mai, si le principe d’une intervention est acquis ? On laisse ainsi penser qu’un doute demeure sur la solidarité due à la Grèce. Dès lors, nous nous exposons à connaître une période d’instabilité, au cours de laquelle les agences de notation peuvent dégrader la note de certains pays, tandis que la Grèce serait affectée par la spéculation. Si tel était le cas, nous risquerions d’avoir à prêter une somme supérieure aux 6 milliards d’euros inscrits au collectif en autorisations d’engagement. Plus le risque d’ajouter des nouvelles conditions au prêt sera grand, plus forte sera la spéculation, et plus sûre sa victoire sur les États.

Que se passera-t-il jusqu’au 10 mai ? Une réunion des ministres de l’économie et des finances se tiendra-t-elle avant cette date ? Comment l’Union affirmera-t-elle sa position en attendant ? Enfin et surtout, à quoi cette réunion servira-t-elle ?

M. Daniel Garrigue. L’un des facteurs essentiels de la crise est l’absence de gouvernance économique dans la zone euro, mais cette gouvernance doit-elle prendre la forme d’une surveillance ou celle d’une véritable coordination des politiques économiques ? Les propositions précises formulées avant la crise par le président de l’Eurogroupe, M. Jean-Claude Juncker, sont demeurées sans suite. Où cette gouvernance doit-elle s’exercer : au sein du Conseil européen, dans l’Eurogroupe ou dans une autre instance spécifique qui reste à créer ? Doit-elle pouvoir disposer d’un fonds monétaire européen ou de garanties systématiques ?

Enfin, que pensez-vous de la proposition de certains régulateurs qui souhaitent la suspension des transactions sur les CDS souverains ?

M. Louis Giscard d’Estaing. À mon tour, monsieur le ministre, j’aimerais vous interroger sur la crédibilité des instances de contrôle, qu’elles émanent de l’Union – comme Eurostat –, de la BCE ou du FMI.

Vous avez rappelé que les agences de notation avaient évolué récemment sur la dette souveraine des États. Je m’étonne cependant que les instances de contrôle n’aient pas cherché plus activement des informations dans ce domaine. Si l’on peut comprendre que le précédent gouvernement grec ait cherché à dissimuler les dérives anciennes de ses finances publiques, il est plus étrange que les instances européennes aient à ce point manqué de vigilance. Dès lors, est-il pertinent de conforter leurs missions ?

La date du 10 mai nous rappelle certains souvenirs, en matière de plan de rigueur et de dévaluation. Au moment de la création de l’euro, aucun mécanisme d’ajustement n’a fonctionné à l’égard de la drachme, dont la conversion en euros a été fixée sans tenir compte de certaines réalités. Il existait alors un billet de 100 drachmes, correspondant à 20 centimes d’euros. Ce simple exemple montre l’écart entre le niveau de vie des Grecs et le niveau de la nouvelle devise. La création d’un billet d’un euro me semble indispensable pour aider les habitants de certains pays à comprendre la transformation quantitative qu’a opérée le passage à la monnaie commune.

Pouvez-vous nous confirmer que l’exposition de la France au risque souverain grec est supérieure ou équivalente à celle de l’Allemagne ?

J’aimerais également que M. le président de la Commission nous indique s’il a prévu d’inviter le directeur général du FMI, dont le rôle est particulièrement sensible en ce moment, à s’exprimer devant la Commission.

Enfin, autre sujet, l’aide à Haïti, dont vous avez indiqué qu’elle prenait la forme d’un transfert de crédits, est-elle assurée et dans quelle mesure sera-t-elle consolidée par l’apport des collectivités locales qui ont voté des subventions à cette fin ?

M. le ministre. M. Hollande s’inquiète du choix qui a été fait de la date du 10 mai. Il sait cependant quel est le poids de l’Allemagne non seulement dans le budget, mais aussi dans les engagements de l’Union européenne, notamment pour la fixation du calendrier de négociation. Faut-il rappeler qu’elle figure au premier rang de nos voisins, amis et partenaires de l’Union ?

Cela dit, nous ne pouvons que nous réjouir de la position adoptée avant-hier par Mme Merkel, qui a ainsi pris un peu d’avance sur le calendrier électoral. La France, qui a honoré tous ses rendez-vous, souhaite rapprocher les échéances. Par ailleurs, les ministres des finances, qui sont régulièrement en contact, se retrouveront prochainement pour une réunion prévue dans l’accord du 11 avril. Tout ce qui vise à hâter le calendrier va dans le sens de la position que nous défendons.

Monsieur Garrigue, la France porte sur les CDS souverains un projet de réforme ambitieux, visant à garantir la transparence du marché et à doter le régulateur d’un pouvoir d’urgence. Une directive interviendra fin juin sur la question.

Monsieur Giscard d’Estaing, vous avez émis des doutes sur la crédibilité des instances de contrôle, mais je rappelle que c’est Eurostat qui a révélé certaines erreurs des comptes publics grecs. Cette instance a joué un rôle dans la découverte de l’insincérité des chiffres qui avaient été présentés. La situation invite donc à renforcer ses pouvoirs.

J’en viens aux règles du pacte de stabilité et de croissance. Si l’Espagne est actuellement en difficulté, c’est en raison non d’une dérive budgétaire, mais d’un surplus d’endettement de la sphère privée. La bulle spéculative immobilière est un point d’interrogation, qui appelle sans doute de nouveaux modes de contrôle. Nous sommes à un carrefour de notre histoire tant pour la gestion de la défense de notre monnaie que pour les modalités de gouvernance ou la mise en place de nouvelles formes de surveillance. C’est pourquoi, pourvu que nous agissions avec rigueur et sang-froid, il y a lieu d’être optimiste, puisque nous allons vers davantage de contrôle, de gouvernance économique et de coordination.

L’Europe est face à un grand rendez-vous monétaire, budgétaire et politique. Fidèle à une ligne qu’elle défend depuis des années, la France usera de toute son influence pour atteindre ses objectifs, notamment dans le cadre du G20.

M. le président Jérôme Cahuzac. Il me semble à propos d’Eurostat qu’il faut un renforcement de ses moyens mais surtout de son indépendance. On a pu constater que cette instance dépend aujourd’hui d’une direction qui la rend moins productive qu’on ne l’espérait.

Concernant le FMI, ce dossier est une question d’État, ce qui justifie en grande partie, me semble-t-il, ce que s’apprête à être l’attitude de l’opposition. Je me rapprocherai donc des deux ministres concernés. Si, par leur voix, le Gouvernement manifeste le souhait d’être aidé notamment par le directeur général du FMI, je me ferais une joie de le solliciter, en accord avec le Bureau de la Commission.

M. Louis Giscard d’Estaing. Le directeur général du FMI se rend bien au Bundestag !

M. le président Jérôme Cahuzac. J’ignore la nature de ses contacts avec les autorités allemandes, mais je souhaiterais pour ma part, avant de l’inviter devant notre Commission, en parler aux autorités françaises.

M. Christian Eckert. Monsieur le ministre, mon interpellation d’hier ne portait pas spécialement sur la crise grecque, mais sur le rôle des agences de notation. Certaines d’entre elles ont récemment dégradé le Portugal, dont vous nous avez dit que la situation est comparable à celle de la France.

M. le ministre. Ce n’est pas vraiment ce que j’ai dit !

M. Christian Eckert. Une agence peut ainsi dégrader la notation d’un pays, alors que nombre d’organismes – Eurostat, la BCE, le FMI – concourent déjà à la bonne information des marchés. Comment pensez-vous agir dans le cadre du G20, si tant est qu’on puisse attendre jusque-là, pour contrer le rôle de ces agences, dont l’indépendance n’est pas toujours avérée ?

Par ailleurs, êtes-vous favorable à l’organisation d’un marché de ces objets volatils non identifiés que sont les CDS, ou penchez-vous plutôt pour leur interdiction ?

M. Jean-Yves Cousin. Mes questions sont peut-être iconoclastes, mais je pense qu’elles doivent être posées.

La Grèce est-elle en capacité de rembourser la somme qui va lui être prêtée ? Compte tenu des mensonges qu’on lui reproche et de la difficulté d’établir une parité entre la drachme et la zone euro, est-il envisageable, est-il prévu qu’elle sorte de la zone euro et, le cas échéant, pourra-t-elle la réintégrer ?

M. Marc Goua. Nous avons beaucoup parlé de crédibilité, mais c’est sur la procédure que j’aimerais vous interroger.

Permettez-moi de citer le projet de loi de finances rectificative : « Les États membres de la zone euro décident à l’unanimité de l’activation du plan de soutien. Un État membre peut néanmoins choisir de ne pas participer au versement d’une tranche du programme sans que cela empêche le soutien par les autres États membres. » Or, il est précisé ensuite que la clé de répartition, qui est de 20,97 % pour la France, serait recalculée en cas de non-participation d’un État membre au versement d’une tranche. Cette disposition me semble assez inquiétante.

M. le ministre. Monsieur Eckert, si j’ai pu comparer la situation de la France et du Portugal, c’est pour distinguer la situation des différents pays. La dette publique de l’Espagne représente 75 % de sa richesse nationale, et celle du Portugal est comprise entre 75 % et 80 %. C’est en ce sens que l’on peut comparer ces pays avec la France, mais la comparaison s’arrête là. La dette de la Grèce correspond à 115 % de sa richesse nationale.

La France a le privilège commun avec l’Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg de disposer d’un triple A stable, attribué par les trois agences de notation. Cette situation est structurante, au sens où elle conditionne l’attitude des marchés et l’accès des États au financement.

Les agences de notation ont déjà fait l’objet d’un règlement communautaire, qui prévoit l’application de règles spécifiques. Mme Lagarde souhaite en confier le contrôle à l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, ce qui représente une évolution importante.

La décision visant à fixer le cadre des CDS, qui sont des assurances sur les prêts, interviendra fin juin, conformément au calendrier communautaire.

Je vous répondrai d’un mot, monsieur Cousin : il n’est pas envisageable que la Grèce sorte de l’euro.

Enfin, monsieur Goua, le projet de loi offre aux États une faculté juridique qui ne correspondra pas nécessairement à la situation. L’Union a manifesté la volonté d’accompagner la remise à flot de la Grèce. Les gouvernements seront en relation étroite à ce sujet, et les parlements seront associés au suivi de leur décision. Nous arrêterons donc nos décisions ensemble, dans le respect de la représentation nationale de tous les pays membres.

M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir répondu à nos questions.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine le projet de loi de finances rectificative lors de sa deuxième séance du mercredi 28 avril 2010.

M. le président Jérôme Cahuzac. Ce matin, la Commission a entendu M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2010 qui a été déposé mercredi dernier.

Nous allons maintenant examiner ce projet composé de trois articles, sur lequel je ne suis saisi d’aucun amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le premier article de ce projet de loi consiste à créer au sein du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » – qui constitue une mission – une section nouvelle : « Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro », qui va elle-même constituer un programme au sens de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il s’agit donc, par cet article, de modifier la nomenclature budgétaire.

L’article 2 tend à modifier l’équilibre général du budget en inscrivant en ressources 900 millions d’euros provenant de l’ajustement des prévisions de TVA, et, en dépenses 3,9 milliards d’euros qui concernent le compte spécial créé à l’article 1er.

Enfin, l’article 3 vise à ouvrir sur ce compte une autorisation d’engagement et un crédit de paiement supplémentaires s’élevant respectivement à 6,3 milliards d’euros et 3,9 milliards d’euros.

Par rapport au tableau de financement et au programme d’emprunt de l’État français, on trouve – miracle des chiffres ! –, face aux 3,9 milliards d’euros de crédits de paiement nécessaires pour aider la Grèce, 900 millions de recettes de TVA, ce qui réduit le besoin de financement à 3 milliards d’euros, ce dernier montant pouvant être couvert par les seuls mouvements de trésorerie. Ces derniers se décomposent d’abord en l’enregistrement de primes d’émission d’emprunts en obligations assimilables du Trésor (OAT) et en bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN) que nous avons engagés depuis le début de l’année. Je vous ai en effet indiqué à plusieurs reprises que le programme d’emprunt de notre pays se déroulait dans de très bonnes conditions : nous avons enregistré 2,4 milliards d’euros de primes à l’émission, c'est-à-dire que, dans le cadre des adjudications, les prêts ont été acceptés à hauteur de 2,4 milliards supplémentaires par rapport à la valeur nominale des emprunts. Les 600 millions d’euros restants sont prélevés sur le compte du Trésor. Nous n’avons donc pas à modifier notre programme d’emprunts.

Par ailleurs, en comptabilité budgétaire, il nous faut enregistrer une aggravation du déficit de 3 milliards, qui se trouve donc porté à 152 milliards d’euros.

Ce matin, une question judicieuse a été posée par notre collègue Hervé Mariton concernant la règle des surplus. Cette règle, que nous avons votée dans la loi de finances initiale pour 2010, veut que tout surplus de recettes soit consacré au déficit. Or, ces 900 millions de surplus se trouvent liés, dans le tableau d’équilibre, aux 3,9 milliards de dépenses. Le cas d’aujourd'hui montrerait donc les limites de la règle, même s’il s’agit en l’occurrence d’une dépense exceptionnelle. Mais, pour être tout à fait précis, c’est en fin d’année que l’on constate s’il reste encore des surplus. Formellement, cela n’interdit donc pas, en cours d’année, d’utiliser les surplus à autre chose. En 2007, par exemple, nous avons utilisé une partie des surplus pour le financement de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA).

M. Michel Bouvard. D’autant qu’en l’occurrence il s’agit d’une dépense remboursable.

M. le rapporteur général. Il s’agit en effet d’une dépense remboursable et exceptionnelle.

Nous réfléchissons d’ailleurs, le président de la commission et moi-même, au sein du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, à l’amélioration de nos règles de gouvernance des finances publiques. À cet égard, la règle d’affectation des surplus, dès lors qu’elle s’apprécie in fine en fin d’année, méritera probablement d’être améliorée. Il faudrait également – c’est un travail que nous avons engagé depuis deux ou trois ans à la Commission des finances – favoriser les lois de programmation pluriannuelles. La Constitution a été modifiée en 2008 pour introduire l’objectif d’équilibre des finances publiques. Cet objectif doit être poursuivi par le canal de lois de programmation. Pour la première fois, nous avons voté une telle loi en février 2009. C’est un instrument qui peut se révéler très utile pour tendre vers l’assainissement de nos comptes publics.

Toujours ce matin, le ministre n’a pas répondu de façon précise s’agissant de l’engagement de nos banques à l’égard de la dette grecque. Pour ce qui est de la dette souveraine – la dette de l’État grec –, les banques françaises en détiennent pour 16 milliards d’euros contre 32 milliards d’euros pour les banques allemandes. En revanche, si l’on ajoute la dette privée, qui est très fortement concentrée sur une banque grecque filiale du Crédit agricole laquelle détient une trentaine de milliards d’euros d’engagements auprès d’entreprises grecques, on arrive, pour ce qui nous concerne, au chiffre de 50 milliards qui circule ici ou là.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je ferai pour ma part deux remarques.

La question du décret d’avance et de sa ratification par la plus prochaine loi de finances rectificative n’a été abordée ni par le ministre ni par vous-même à l’instant, monsieur le rapporteur général. Or, j’ai cru comprendre que cette ratification interviendrait au Sénat – pour être validée enfin en commission mixte paritaire. Je regrette, me plaçant sur le plan purement institutionnel, que ce ne soit pas l’Assemblée nationale qui soit saisie en premier de la demande de ratification.

Ma seconde remarque a trait au montant de 900 millions d’euros de recettes de TVA. Ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur général, il est hautement probable que nous parviendrons au sein du groupe de travail à un accord sur des règles qui soient de nature à garantir un équilibre des comptes publics plus satisfaisant qu’aujourd'hui. S’agissant de ces 900 millions d’euros, qui constituent clairement un surplus, une loi organique a été votée sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, à la demande de son ministre de l’économie et des finances, renvoyant aux lois de finances initiales le soin d’affecter tout surplus. À cet égard, notre loi de finances initiale pour 2010 précise clairement que les surplus doivent être affectés au remboursement de la dette. Si maintenant on a la possibilité d’affecter les surplus en cours d’année à autre chose qu’au désendettement, cela signifie qu’en fin d’année il n’y aura pas de difficulté à appliquer la règle puisqu’il n’y aura aucun surplus !

M. le rapporteur général. Si l’on voulait affecter ces 900 millions à la baisse du déficit, il faudrait trouver 900 millions d’économies. Et si l’on poussait la logique jusqu’au bout, il faudrait, dans le cadre de la règle du « zéro volume », gager – comme on l’a fait pour le décret d’avance examiné hier – la totalité des 3,9 milliards d’euros par des économies. Dans le contexte actuel, c’est à l’évidence hors de portée. En outre, on voit mal comment justifier des annulations de crédits qui seraient destinées à compenser ce qui ne constitue qu’un prêt, de surcroît retracé sur un compte spécial placé hors du périmètre de la norme de dépense.

M. Charles de Courson. S’agissant des 900 millions d’euros de recettes que l’on budgétise, je ne comprends toujours pas à quoi sert de comptabiliser une éventuelle plus-value de recettes. Je propose plutôt que l’on sorte ce montant de la loi de finances rectificative, quitte à présenter un texte uniquement consacré au soutien à la Grèce. Ce serait plus lisible que de voir apparaître comme cela une recette.

M. le rapporteur général. Si l’on n’inscrivait pas cette recette de 900 millions, on serait obligé d’emprunter plus.

M. Charles de Courson. On parle de 900 millions d’euros sur 239,1 milliards de besoin de financement ! Ce 0,4 % est sans commune mesure avec les incertitudes sur les recettes et les dépenses !

M. Alain Rodet. Au-delà du vote du collectif la semaine prochaine, ne faudrait-il pas que la Commission des finances procède assez rapidement à l’audition des nouveaux dirigeants du groupe auquel il a été fait allusion, à savoir le groupe Crédit agricole – à moins que M. Michel Bouvard puisse interroger l’un de ses anciens collègues du conseil général de la Savoie qui a occupé des fonctions éminentes à la tête de cette banque ?

M. Michel Bouvard. Je ne sais pas s’il me revient vraiment de questionner René Carron, grand dirigeant du Crédit agricole, dont le mandat de conseiller général a pris fin...

Si l’on s’en tient à l’esprit de la réforme de la LOLF intervenue en 2005, il est évident que ces 900 millions n’ont pas lieu d’être employés à autre chose qu’au remboursement de la dette. Cela étant, je ne trouve pas anormal, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une dépense ordinaire de l’État, mais d’une avance faite à un État tiers, que l’on dégrade ponctuellement le déficit.

La disposition que nous avons votée avait pour objet d’éviter qu’à l’occasion de ressources supplémentaires nous accroissions la dépense de manière récurrente avec ce que cela pouvait avoir comme effet sur la loi de finances suivante. Les débats n’avaient pas manqué en effet auparavant sur des surplus de recettes qui avaient été affectés non pas au désendettement, mais à l’accroissement de la dépense publique. Aussi conviendrait-il, car le problème posé n’avait pas été alors envisagé, de prévoir que, dans le cas d’une circonstance exceptionnelle, un surplus puisse être employé dès lors qu’il ne s’agit pas de créer de la dépense récurrente, mais une dépense remboursable – ce qui est en l’occurrence le cas.

Je ne donnerai donc pas à cette affaire plus d’importance qu’elle ne mérite, à condition toutefois de ne pas créer de précédent : il ne faudrait pas que demain, se servant de cette jurisprudence, on puisse passer outre ce que nous avons voté et que, hors de toute circonstance exceptionnelle, l’on affecte à des dépenses ordinaires de l’État un surplus de recettes qui interviendrait en cours d’année. Une précision à apporter au texte est donc nécessaire.

Enfin, si le ministre nous a demandé ce matin de ne pas sombrer dans le catastrophisme, je souhaiterais tout de même disposer de stress scenarii sur la problématique de la dette souveraine s’agissant des États de l’Union européenne et, singulièrement, de ceux de la zone euro. Ce serait d’autant moins superfétatoire que nous soulevons le problème de la dette souveraine dans certains endroits depuis des mois pour ne pas dire depuis des années.

M. Yves Deniaud. Puisque l’on crée un compte « Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro », va-t-on créer une rubrique correspondante ?

M. le rapporteur général. Il s’agit tout simplement d’un nouveau programme, doté de 3,9 milliards d’euros en crédits de paiement.

M. Yves Deniaud. Il faut pourtant bien comptabiliser quelque part la créance sur la Grèce puisqu’il s’agit d’une créance différente de celles sur les autres États.

M. le rapporteur général. Il existe déjà des créances directes vis-à-vis par exemple de pays africains, et d’autres créances sont inscrites à l’Agence française de développement (AFD).

M. Yves Deniaud. C’est une créance qu’il conviendrait pourtant de distinguer de celles sur des pays africains ou autres.

M. le rapporteur général. Le fonctionnement est le même que pour les actuels programmes du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers. Les remboursements en capital se feront donc sur ce compte et y seront inscrits en recettes, les intérêts étant affectés.

M. Charles de Courson. À la question de l’incidence sur le déficit budgétaire et le déficit maastrichtien, on nous a répondu que cela ferait, dans un premier temps, 3 milliards supplémentaires pour le premier et zéro pour le second. Mais cela ne se comprend que si la Grèce rembourse. Or les Grecs seront incapables de rembourser dans les trois ans les 30 milliards de prêts issus de l’accord intergouvernemental. Certes, le ministre nous a indiqué que, s’ils rencontraient des difficultés, le délai pourrait être prolongé. Mais cet accord, personne ne le connaît.

M. le rapporteur général. Nous ne connaissons pas encore les caractéristiques exactes du prêt. L’accord du 11 avril comprend simplement un programme triennal d’économies de la part de la Grèce lui permettant de revenir au déficit de 3 % du PIB. Le taux de 5 % et le délai de trois ans ne sont que de simples indications.

M. Charles de Courson. Le ministre m’a pourtant répondu que, si des problèmes de remboursement apparaissaient au bout de trois ans, les prêts pourraient être prolongés. Je ne trouve pas cohérent de s’engager dans des plans qui ne soient pas en cohérence avec la capacité de remboursement. S’il faut quinze ans, disons-le, mais il n’y a rien de pire que de parler de trois ans pour ensuite reculer l’échéance. Ce n’est pas bon du point de vue de la crédibilité.

M. le président Jérôme Cahuzac. La réponse du ministre a été claire : il n’a pas exclu un rééchelonnement de la dette de la Grèce à l’égard des pays de la zone euro puisqu’il a envisagé que cette dette ne soit pas remboursée à échéance de trois ans, mais plus tard.

M. Philippe Vigier. Si un État membre ne participait pas au versement, que se passera-t-il ? La clé de répartition sera-t-elle recalculée ? Cela changerait tout, surtout si, en plus, la Grèce ne remboursait pas. Un double garde-fou me semble donc nécessaire.

M. Jérôme Chartier. Ces questions, je les ai posées samedi dernier à Washington aux membres du FMI qui s’occupent du cas grec. Voici ce qu’il m’a été répondu.

Premièrement, le schéma de trois ans est un schéma classique des plans du FMI, lesquels sont révisables tous les six mois.

Deuxièmement, faire un plan à quinze ans n’est aujourd'hui absolument pas crédible auprès des marchés car la situation économique change tous les mois.

Troisièmement, ces plans comprennent non seulement une clause de revoyure tous les six mois, mais également un réajustement par rapport à la situation économique – le plan en question évoluera donc en fonction de la situation économique de la Grèce.

Quatrièmement, les relations dans la zone euro sont différentes de celles d’un accord bilatéral classique du FMI parce que la monnaie n’est pas une monnaie grecque : elle est partagée à quinze. Par conséquent, on ne peut pas traiter le cas grec comme un cas classique tel celui de la Roumanie qui n’ayant pas répondu aux exigences du FMI après le versement du premier tiers au mois de mai 2009 a vu, en novembre 2009, le deuxième tiers suspendu.

Cela signifie, d’une part, qu’il nous faudra être solidaires de la Grèce jusqu’au bout, d’autre part que l’on devra s’adapter plus rapidement qu’on ne l’a fait jusqu’à présent – on a commencé à réfléchir le 11 février à une situation qui est née au mois de novembre 2009 –, enfin que l’on aura toujours un différentiel de taux d’intérêt. Je rappelle à ce propos que le FMI ne fait pas de prêt gratuit. Pour la Roumanie, le taux d’intérêt fixe était de 4 %. Ce n’est jamais un taux zéro, mais ces prêts constituent le seul moyen pour des pays de se faire financer – le cas de la Roumanie en est un parfait exemple.

Je précise enfin que tous mes interlocuteurs se sont déclarés très désireux d’avoir des contacts réguliers avec les parlementaires, notamment les présidents et les rapporteurs généraux des Commissions des finances des pays de l’Eurogroupe.

M. Olivier Carré. Actuellement, les taux à trois ans se situent autour de 18 % pour l’État grec. Or, pour les dettes du secteur privé – je parle des sociétés grecques – les taux sont inférieurs de moitié. Cette dissociation des taux pose la question – si les jeux entre États ne sont plus unifiés par les champs monétaires – de la consistance de la souveraineté monétaire. Si l’on ne peut plus apprécier la capacité de remboursement de certains pays et donc par-là même la sortie de crise, on risque d’entrer dans un système qui accélérerait l’effet domino que l’on craint tous. Or cet effet n’atteindrait pas les seuls PIGS – même si on rajoute un F. C’est l’ensemble du système européen qui serait attaqué.

M. Charles de Courson. Concernant le taux fixe, on nous dit que cela nous rapportera de l’argent puisque les taux variables de même durée sont autour de 3,75 %, soit un écart de 1,25 %.

M. le rapporteur général. Je rappelle une nouvelle fois que les caractéristiques des prêts ne sont pas décidées. Nous savons simplement qu’ils seront comparables à ceux du FMI.

M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur de Courson, le rapporteur général vous a-t-il convaincu que le taux de 5 % indiqué par le ministre n’était pas décidé... ?

M. Charles de Courson. En tout état de cause, je voudrais poser également la question du contrôle. Je crains en effet que nous ne soyons qu’au début du commencement de cette affaire, ce qui soulève le problème du contrôle a posteriori des Commissions des finances des différents États sur les conditions dans lesquelles la Grèce remplit ses obligations. Nous déposerons donc un amendement tendant au dépôt d’un rapport trimestriel afin de nous permettre d’avoir un suivi en la matière.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je ne peux naturellement pas vous empêcher de déposer un amendement si vous le souhaitez. Mais nous pouvons exercer notre activité de contrôle dans le cadre d’auditions sans nécessiter un rapport trimestriel. En outre, j’ai cru comprendre que les pouvoirs publics ne souhaitaient pas que le texte soit amendé.

Un engagement du ministre en séance de rendre compte régulièrement du suivi du plan vaudrait peut-être autant qu’un amendement. Mais si vous préférez en déposer un, je vous propose alors de le présenter lundi en application de l’article 88 de notre Règlement.

M. Pierre-Alain Muet. Comme l’a souligné Jérôme Chartier, on sait très bien que s’il faut aller plus loin on ira plus loin, car sinon le plan ne serait pas crédible. Une dépêche de l’AFP fait d’ailleurs état de chiffres plus élevés qui viendraient d’être mentionnés au cours d’une conférence de presse. L’important en tout cas est que l’on affiche un soutien sans faille et déterminé. C’est la raison pour laquelle nous ne déposerons aucun amendement, souhaitant que le texte soit vite voté.

Concernant les taux d’intérêt, j’avais tout de même cru comprendre que le taux de 5 % correspondait à 300 points de base en plus du taux de référence, celui auquel on s’endette sur le marché de l’euribor, et qu’il avait été établi à la suite d’un accord européen.

M. le rapporteur général. Le 11 avril, l'Eurogroupe a indiqué les conditions financières des prêts susceptibles d'être accordés à la Grèce. Leur taux serait « non concessionnel », c'est-à-dire qu'ils ne sauraient être assimilés à une quelconque subvention. Il pourrait s'agir, sur le modèle des prêts consentis par le FMI, soit de prêts à taux variables reposant sur le taux de l'euribor à trois mois, soit de prêts à taux fixe, calculé sur la base de l'euribor à trois mois en fonction de la durée du prêt, majoré d'une commission de 300 points de base et d'une commission supplémentaire, destinée à couvrir les coûts opérationnels, pouvant aller jusqu'à 50 points de base. Ainsi, à supposer que les prêts soient accordés pour une durée de trois ans, le taux atteindrait environ 5 % dans les conditions de marché actuelles.

M. Charles de Courson. J’ai lu dans la presse que le besoin de financement grec dans les trois ans n’est pas de 45 mais de plus de 80 milliards. Les 45 milliards dont on parle, correspondent donc aux besoins 2010. Qu’en est-il pour 2011 et 2012 ?

M. le rapporteur général. Le raisonnement est fait sur année glissante : la première tranche du prêt devrait porter approximativement sur la période allant du 19 mai 2010, avec l’échéance de 8 milliards d’euros de dette à refinancer, au 19 mai 2011.

M. Charles de Courson. On ne va pas commencer à soutenir la Grèce puis s’arrêter brutalement. Cela signifie qu’il faudra un soutien à hauteur de 80 milliards pendant trois ans.

M. Michel Bouvard. Pourrait-on d’ailleurs avoir des indications concernant la structure de la dette grecque ?

M. Charles de Courson. Il ne faudrait pas non plus que les prêts de l’Union européenne et du FMI servent, comme on l’a vu dans toute une série d’affaires, à rembourser des dettes privées. On remplace des dettes privées par des dettes publiques : au moins doit-on être assuré d’un partage, et que les banques privées continuent leur soutien.

M. le rapporteur général. C’est tout le débat qui a lieu en Allemagne qui, au prorata de sa participation dans la banque centrale européenne, devrait prêter plus de 8 milliards. Or, les banques allemandes ne voient pas pourquoi elles paieraient pour les autres estimant que le mécanisme de leur participation ne correspond pas à leur responsabilité s’agissant des dettes grecques.

M. Charles de Courson. Une nouvelle fois, ce sont les banques qui vont s’en sortir tandis que le malheureux contribuable européen paiera. N’a-t-on vraiment pas la garantie que les banques agiront ?

M. le rapporteur général. Je répondrai simplement que j’ai déjà entendu cette question à plusieurs reprises depuis un an et demi.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous aurons, j’en suis sûr, un débat intéressant en séance sur tous ces points avec le ministre.

La Commission examine ensuite les articles du projet de loi de finances rectificative.

EXAMEN DES ARTICLES

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

RESSOURCES AFFECTÉES

Article 1er

Création, au sein du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », d’une section nouvelle : « Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro »

Texte du projet de loi :

Le IV de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La quatrième section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts consentis aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro en vue de favoriser la stabilité financière au sein de la zone euro. ».

Exposé des motifs du projet de loi :

La fin de l’année 2009 et le début de l’année 2010 ont été marqués par des perturbations significatives sur le marché des titres souverains de certains États membres de la zone euro. Ces perturbations ont affecté au premier chef la Grèce. L’État grec a réussi à procéder à plusieurs émissions de titres de dette sur les marchés financiers depuis le début de l’année, sa dernière opération datant du mois d’avril, et il n’a demandé à ce jour aucun soutien financier à ses partenaires de la zone euro. Toutefois, le taux d’intérêt servi, très élevé, montre que les investisseurs demandent encore à être confortés dans leur perception de la trajectoire de redressement des finances publiques grecques.

Si la normalisation de la situation de la dette grecque sur les marchés passe avant toute chose par le respect des engagements de consolidation budgétaire pris par le gouvernement grec, les chefs d’État et de gouvernement ont rappelé, lors du Conseil européen des 25 et 26 mars 2010, le principe de solidarité qui prévaut au sein de la zone euro afin de préserver la stabilité financière de la zone. Celui-ci, ainsi qu’il a été réaffirmé lors du Conseil européen, ne pourra prendre la forme que d’actions coordonnées entre les États membres. Le 11 avril dernier, à l’issue d’un échange entre les ministres de l’économie de la zone euro, les modalités techniques du soutien envisagé ont été précisées. Concrètement, le soutien prendra la forme de prêts bilatéraux accordés par chacun des États de la zone euro au bénéfice de la Grèce et dont la Commission assurera la centralisation. Ces prêts seront accordés à des taux inférieurs à ceux auxquels emprunte actuellement la Grèce, mais sensiblement supérieurs aux taux auxquels les autres États membres (dont la France) parviennent à se financer.

L’enveloppe globale de prêts a été fixée, pour la première année, à 30 Md€. La quote-part incombant à chaque pays est déterminée à proportion du poids de chaque banque centrale nationale dans le capital libéré de la Banque centrale européenne (hors Grèce), soit 20,97 % dans le cas de la France.

Cet article a donc pour objet de créer, au sein du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », une nouvelle section dont l’objectif consiste à assurer la stabilité financière de la zone euro grâce à des prêts bilatéraux qui seraient consentis, le cas échéant, par la France à un autre État membre de la zone euro. Cette nouvelle section correspond également à un programme budgétaire au sens de l’article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Si le mécanisme avalisé par les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro vise principalement à apaiser les tensions sur les taux d’intérêt de la dette souveraine grecque, le véhicule budgétaire ainsi créé sera a priori valable pour n’importe quel État membre de la zone euro.

Le programme comporte un montant évaluatif d’autorisations d’engagement de 6,3 Md€, représentant le niveau de l’engagement qui serait susceptible d’incomber à la France dans le cadre de la mise en œuvre du mécanisme de soutien coordonné au niveau européen dont les modalités ont été fixées le 11 avril dernier. Il comporte également, à titre conventionnel, un montant de 3,9 Md€ en crédits de paiement, correspondant à l’estimation des versements qui pourraient, le cas échéant, être effectués en 2010.

Au total, l’article proposé vise à créer les outils nécessaires pour que la France puisse, aux côtés de ses partenaires, participer à la mise en œuvre du principe de solidarité financière dans la zone euro, dans le respect des traités et accords internationaux.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à élargir le champ d’intervention du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers, afin de permettre d’y inscrire les crédits nécessaires à l’assistance financière à la Grèce.

Ces dispositions sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

*

* *

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

*

* *

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES A L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 2

Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

Texte du projet de loi :

I.– Pour 2010, l’ajustement des ressources tel qu’il résulte des évaluations révisées figurant à l’état A annexé à la présente loi et le supplément des charges du budget de l’État sont fixés aux montants suivants :

   

(en millions d’euros)

 

RESSOURCES

CHARGES

SOLDES

Budget général

     

Recettes fiscales brutes / dépenses brutes

900

0

 

À déduire : Remboursements et dégrèvements

     

Recettes fiscales nettes / dépenses nettes

900

0

 

Recettes non fiscales

     

Recettes totales nettes

900

   

À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des
collectivités territoriales et des Communautés européennes

     

Montants nets pour le budget général

900

0

900

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants

     

Montants nets pour le budget général, y compris
fonds de concours

900

0

 
       
       

Budgets annexes

     

Contrôle et exploitation aériens

     

Publications officielles et information administrative

     

Totaux pour les budgets annexes

     

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

     

Contrôle et exploitation aériens

     

Publications officielles et information administrative

     

Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours

     
       
       

Comptes spéciaux

     

Comptes d’affectation spéciale

     

Comptes de concours financiers

 

3 900

–3 900

Comptes de commerce (solde)

     

Comptes d’opérations monétaires (solde)

     

Solde pour les comptes spéciaux

   

3 900

       
       

Solde général

   

3 000

II.– Pour 2010 :

1° Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier sont évaluées comme suit :

(en milliards d’euros)

Besoin de financement

 
   

Amortissement de la dette à long terme

29,5

Amortissement de la dette à moyen terme

53,5

Amortissement de dettes reprises par l’État

4,1

Déficit budgétaire

152,0

Total

239,1

   

Ressources de financement

 
   

Émissions à moyen et long terme (obligations assimilables du Trésor et
bons du Trésor à taux fixe et intérêt annuel), nettes des rachats effectués par l’État et par la Caisse de la dette publique

188,0

Annulation de titres de l’État par la Caisse de la dette publique

2,5

Variation des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés

1,2

Variation des dépôts des correspondants

27,0

Variation du compte de Trésor

14,9

Autres ressources de trésorerie

5,5

Total

239,1

2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an demeure inchangé.

III.– Pour 2010, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État demeure inchangé.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article traduit l’incidence sur l’équilibre budgétaire pour 2010 des dispositions proposées par le présent projet de loi.

Ainsi, le déficit prévisionnel de l’État pour 2010 s’établirait à 152,0 Md€, en dégradation de 3 Md€ par rapport à la précédente loi de finances rectificative pour 2010 du 9 mars 2010 et de 34,6 Md€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2010.

En conséquence, cet article présente un tableau de financement au sein duquel sont actualisées, par rapport à la précédente loi de finances rectificative du 9 mars 2010, les ressources et charges de trésorerie qui concourent à l’équilibre financier de l’année.

En besoin de financement :

Le déficit prévu est révisé à la hausse de 3 Md€, à 152,0 Md€, sous l’effet d’un surcroît de dépenses de 3,9 Md€ et d’une augmentation des recettes de 0,9 Md€.

En ressources de financement :

Les autres ressources de trésorerie sont revues à la hausse, à 5,5 Md€, en raison de la constatation des primes et décotes comptabilisées depuis le début de l’année qui se traduisent par un apport net en trésorerie de 2,4 Md€. L’ampleur de ce montant tient au différentiel entre les taux de coupon des lignes abondées et les taux de marché, presque toujours inférieurs depuis le début de l’année. Sur les 30 émissions de titres à moyen et long terme réalisées depuis début janvier, 28 ont engendré des primes, le prix moyen pondéré s’établissant, globalement, à 103,3 % du nominal. Appliqué à la valeur nominale totale des titres émis (73,8 Md€), cela représente un apport supplémentaire en trésorerie de 2,4 Md€.

La contribution de la variation du compte du Trésor est légèrement ajustée à la hausse, à 14,9 Md€, soit + 0,6 Md€ par rapport à l’évaluation retenue dans la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, montant qui tient compte des premiers rachats effectués sur les titres arrivant à maturité en début d’année 2011.

Le plafond de dette à moyen et long terme de l’État fixé par la loi de finances rectificative pour 2010 du 9 mars 2010 reste inchangé, à 105,0 Md€. Toutefois, le montant du plafond serait mécaniquement dépassé si les conditions de marché ne permettaient pas de réaliser les rachats prévus. Le Parlement en serait, dans ce cas, informé et le plafond rectifié en conséquence en loi de règlement.

Le tableau ci-après présente la situation du budget de 2010 après prise en compte des dispositions proposées dans le présent projet de loi de finances rectificative.

(en millions d’euros)

 

Loi de finances initiale

Loi de finances rectificative du 9/3/2010

Décret
d’avance
ou
d’annul. (soldes)

Modifications proposées dans le présent projet de loi

Total
des
mouv.

Situation
nouvelle

       

Ouvert.

Annul.

Net

   
 

(1)

(2)

(3)

   

(4)

5 = (3)+(4)

= (1)+(2)+(5)

                 

Budget général : charges

               

Dépenses brutes

379 421

32 737

 

0

 

0

0

412 158

A déduire : Remboursements et dégrèvements

94 208

– 1 194

         

93 014

Dépenses nettes du budget général (a)

285 213

33 931

 

0

 

0

0

319 144

Évaluation des fonds de concours (b)

3 122

           

3 122

Montant net des dépenses du budget général,
y compris les fonds de concours [(C) = (a) + (b)]

288 335

33 931

 

0

 

0

0

322 266

Budget général : ressources

               

Recettes fiscales brutes

346 270

1 124

     

900

900

348 294

A déduire : Remboursements et dégrèvements

94 208

– 1 194

         

93 014

Recettes fiscales nettes (d)

252 062

2 318

     

900

900

255 280

Recettes non fiscales (e)

15 035

1 017

         

16 052

Recettes nettes des remboursements et dégrèvements [(f) = (d) + (e)]

267 097

3 335

     

900

900

271 332

A déduire : Prélèvements sur recettes au profit
des collectivités territoriales et
des Communautés européennes (g)

104 033

           

104 033

Recettes nettes du budget général [(h) = (f) - (g)]

163 064

3 335

     

900

900

167 299

Évaluation des fonds de concours (b)

3 122

           

3 122

Montant net des recettes du budget général,
y compris les fonds de concours [(I) = (h) + (b)]

166 186

3 335

     

900

900

170 421

   Solde du budget général [(J) = (I) – (C)]

– 122 149

– 30 596

     

900

900

– 151 845

                 

Budgets annexes

               

Contrôle et exploitation aériens

               

Dépenses

1 937

           

1 937

Recettes

1 937

           

1 937

Solde

0

           

0

Publications officielles et information administrative

               

Dépenses

193

           

193

Recettes

194

           

194

Solde

1

           

1

Dépenses totales des budgets annexes

2 130

           

2 131

Recettes totales des budgets annexes

2 131

           

2 131

Solde pour l’ensemble des budgets annexes [T]

1

           

1

Évaluation des fonds de concours :

               

Contrôle et exploitation aériens

17

           

17

Publications officielles et information administrative

0

           

0

Dépenses des budgets annexes, y c. fonds de concours

2 147

           

2 147

Recettes des budgets annexes, y c. fonds de concours

2 148

           

2 148

                 

Comptes spéciaux

               

Dépenses des comptes d’affectation spéciale (k)

57 956

1 940

         

59 896

Dépenses des comptes de concours financiers (l)

72 153

1 000

 

3 900

 

3 900

3 900

77 053

Total des dépenses des comptes-missions
[(m) = (k) + (l)]

130 109

2 940

 

3 900

 

3 900

3 900

136 949

Recettes des comptes d’affectation spéciale (n)

57 951

1 940

         

59 891

Recettes des comptes de concours financiers (o)

76 623

           

76 623

Comptes de commerce [solde] (p)

246

           

246

Comptes d’opérations monétaires [solde] (q)

68

           

68

Total des recettes des comptes-missions
et des soldes excédentaires des autres spéciaux
[(r) = (n) + (o) + (p) + (q)]

134 888

1 940

         

136 828

   Solde des comptes spéciaux
[(S) = (r) - (m)]

4 779

– 1 000

     

– 3 900

– 3 900

– 121

                 

     Solde général [= (J) + (T) + (S)]

– 117 369

– 31 596

     

– 3 000

– 3 000

– 151 965

Le présent article rappelle également que le plafond d’autorisation des emplois reste inchangé à 2 019 798 équivalents temps plein travaillé.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à tirer les conséquences sur l’équilibre budgétaire et sur les conditions de financement de l’État de l’assistance financière à la Grèce, d’une part, et de la réévaluation à la hausse des prévisions de recettes de TVA, d’autre part.

Ces éléments sont commentés dans l’exposé général du présent rapport.

*

* *

La Commission adopte l’article 2 et l’état A annexé sans modification.

Puis elle adopte la première partie du projet de loi de finances rectificative sans modification.

*

* *

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2010

CRÉDITS DES MISSIONS

Article 3

Compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » :
ouverture de crédit

Texte du projet de loi :

Il est ouvert à la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, pour 2010, au compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », une autorisation d’engagement et un crédit de paiement supplémentaires s’élevant respectivement à 6 300 000 000 € et 3 900 000 000 €, conformément à la répartition par compte et programme donnée à l’état B annexé à la présente loi.

Exposé des motifs du projet de loi :

L’ouverture de crédit proposée au titre du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » est analysée et justifiée dans la quatrième partie : « Analyse par mission de la modification de crédit proposée par le projet de loi ».

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à ouvrir les crédits nécessaires à l’assistance financière à la Grèce sur le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers.

Ces éléments sont commentés dans l’exposé général du présent rapport.

*

* *

La Commission adopte l’article 3 et l’état B annexé sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi de finances rectificative sans modification.

*

* *

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte en vigueur

___

Texte du projet de loi

___

Propositions de la Commission

___

 

PREMIÈRE PARTIE

 
 

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

 
 

TITRE PREMIER

 
 

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

 
 

Ressources affectées

 
 

Article 1er

Article 1er

Loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006

 

Sans modification.

Article 46

   

………………………………................

Le IV de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :

 

IV.– À compter du 1er janvier 2006, il est ouvert dans les écritures du Trésor un compte de concours financiers intitulé : « Prêts à des États étrangers ».

   

Le ministre chargé de l’économie est l’ordonnateur principal de ce compte, qui reprend en balance d’entrée le solde des opérations antérieurement enregistrées par les comptes de prêts n° 903-07 « Prêts du Trésor à des États étrangers » et à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social et n° 903-17 « Prêts du Trésor à des États étrangers pour la consolidation de dettes envers la France ».

   

Ce compte comporte trois sections.

1° Au troisième alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre » ;

 
     

La première section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts consentis à des États émergents en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure.

   

La deuxième section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts consentis à des États étrangers pour consolidation de dette envers la France.

   

La troisième section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts consentis à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers.

   
 

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« La quatrième section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts consentis aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro en vue de favoriser la stabilité financière au sein de la zone euro. ».

 

V.– À compter du 1er janvier 2006, il est ouvert dans les écritures du Trésor un compte de concours financiers intitulé : « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

   

………………………………................

   
     

Texte du projet de loi

___

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES A L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 2

I.– Pour 2010, l’ajustement des ressources tel qu’il résulte des évaluations révisées figurant à l’état A annexé à la présente loi et le supplément des charges du budget de l’État sont fixés aux montants suivants :

   

(en millions d’euros)

 

RESSOURCES

CHARGES

SOLDES

Budget général

     

Recettes fiscales brutes / dépenses brutes

900

0

 

À déduire : Remboursements et dégrèvements

     

Recettes fiscales nettes / dépenses nettes

900

0

 

Recettes non fiscales

     

Recettes totales nettes / dépenses nettes

900

   

À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et des Communautés européennes

     

Montants nets pour le budget général

900

0

900

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants

     

Montants nets pour le budget général, y compris
fonds de concours

900

0

 
       

Budgets annexes

     

Contrôle et exploitation aériens

     

Publications officielles et information administrative

     

Totaux pour les budgets annexes

     

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

     

Contrôle et exploitation aériens

     

Publications officielles et information administrative

     

Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours

     
       

Comptes spéciaux

     

Comptes d’affectation spéciale

     

Comptes de concours financiers

 

3 900

– 3 900

Comptes de commerce (solde)

     

Comptes d’opérations monétaires (solde)

     

Solde pour les comptes spéciaux

   

– 3 900

       

Solde général

   

– 3 000

II.– Pour 2010 :

1° Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier sont évaluées comme suit :

(en milliards d’euros)

Besoin de financement

 

Amortissement de la dette à long terme

29,5

Amortissement de la dette à moyen terme

53,5

Amortissement de dettes reprises par l’État

4,1

Déficit budgétaire

152,0

Total

239,1

Ressources de financement

 

Émissions à moyen et long terme (obligations assimilables du Trésor et bons du Trésor à taux fixe et intérêt annuel), nettes des rachats effectués par l’État et par la Caisse de la dette publique

188,0

Annulation de titres de l’État par la Caisse de la dette publique

2,5

Variation des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés

1,2

Variation des dépôts des correspondants

27,0

Variation du compte de Trésor

14,9

Autres ressources de trésorerie

5,5

Total

239,1

2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an demeure inchangé.

III.– Pour 2010, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État demeure inchangé.

Propositions de la Commission

___

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES A L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 2

Sans modification.

Texte en vigueur

___

Texte du projet de loi

___

Propositions de la Commission

___

 

SECONDE PARTIE :

 
 

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

 
 

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2010

 
 

CRÉDITS DES MISSIONS

 
     
 

Article 3

Article 3

 

Il est ouvert à la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, pour 2010, au compte de concours financiers « Prêts à des
États étrangers », une autorisation d’engagement et un crédit de paiement supplémentaires s’élevant respec-tivement à 6 300 000 000 € et 3 900 000 000 €, conformément à la répartition par compte et programme donnée à l’état B annexé à la présente loi.

Sans modification.

     
© Assemblée nationale

1 () Contrats d’assurance contre le défaut d’un emprunteur.

2 () Source : CMA-Data Vision.

3 () Source : Fonds monétaire international, Rapport sur la Grèce au titre de l’article IV, page 13.

4 () Article 123 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dit traité de Lisbonne
(ex-article 101 TCE).

5 () Source : Eurostat.

6 () Selon Morgan Stanley, l’État grec doit dégager, en 2009, un excédent primaire de l’ordre de 2,4 % de PIB pour stabiliser la dette publique brute à 118 % du PIB.

7 () La prévision de dette publique brute rapportée au PIB pour 2011 est fixée à 120,6 % par le gouvernement grec en janvier dernier, contre 135,4 % selon la prévision faite par la Commission européenne en novembre 2009.

8 () Source: Fonds monétaire international, World economic outlook, octobre 2009, page 170.

9 () World economic outlook, octobre 2009, page 170.

10 () Un rapport de la Commission (janvier 2010) sur la fiabilité des statistiques grecques mettait en évidence la récurrence de réserves émises par Eurostat concernant les comptes de la sécurité sociale et la sous-estimation de la dette des hôpitaux durant la période 2004-2009.

11 () Avec surveillance négative dans les deux cas. Pour mémoire, Moody’s note l’État grec A3, avec surveillance négative.

12 () BNP Paribas, Société générale, Crédit Agricole SA, Natixis, CIC, Dexia Crédit Local et HSBC France.

13 () Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi (sur la base des déclarations des banques à l’autorité de contrôle prudentiel).

14 () Source : réponse du Gouvernement allemand, en date du 4 mars 2010, à une question écrite parlementaire.

15 () Voir infra, partie II.

16 () Dans le rapport sur la Grèce au titre de l’article IV.

17 () Conformément à l’article 126-9 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

18 () Perspectives économiques, n°86, novembre 2009, page 191.

19 () Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, en avait rendu compte devant la commission des Finances le 17 février (voir le compte-rendu n° 54).

20 () Sur le FMI, voir infra, B.

21 () Aucun montant chiffré n’a été annoncé pour les éventuelles aides accordées au cours des deuxième et troisième années d’exécution du plan.

22 () L’euribor (EURo InterBank Offered Rate) est l’un des taux de référence du marché monétaire européen : il est égal à la moyenne des taux offerts sur le marché interbancaire européen pour une échéance déterminée (entre une semaine et douze mois). Le 23 avril dernier, l’euribor à trois mois s’établissait à environ 0,6 %.

23 () Cette commission serait portée à 400 points de base (4 %) sur le capital restant dû au-delà de trois ans.

24 () Compte tenu, en pratique, du niveau des taux de swap contre euribor trois mois pour une durée de trois ans.

25 () Au 23 avril 2010, le taux du DTS s’établissait à 0,26 %. Ce taux, fixé chaque semaine, correspond à la moyenne pondérée des taux d’intérêt représentatifs de certaines obligations à court terme émises sur le marché monétaire des États dont la monnaie entre dans la composition du DTS (à savoir le dollar, l’euro, la livre sterling et le yen).

26 () Le montant de 14 milliards d’euros retenu ici à titre d’exemple correspond à une hypothèse de prêt égal à 1 500 % de la quote-part de la Grèce au sein du FMI, soit 12,4 milliards de DTS.

27 () La déclaration de l’Eurogroupe mentionne en effet : « Euro area Members States will engage the necessary steps, at national level, in order to be able to deliver a swift assistance to Greece ».

28 () Dont le capital est détenu à hauteur de 80 % par l’État fédéral et de 20 % par les Länder.

29 () Les engagements « hors bilan » ne font l’objet d’une information régulière du Parlement qu’en annexe au Compte général de l’État joint au projet de loi de règlement déposé chaque année avant le 1er juin. L’octroi de la garantie de l’État aurait, en tout état de cause, nécessité le vote d’une loi de finances rectificative.

30 () Juridiquement, c’est la signature par la Commission européenne de l’accord de prêt avec la Grèce, approuvé par l’Eurogroupe, qui vaudra engagement de la France et, partant, entraînera la consommation de l’intégralité de l’enveloppe de 6,3 milliards d’euros d’AE (sauf à ce que les États aient, d’ici là, décidé de modifier le niveau de leurs engagements respectifs).

31 () À supposer que l’aide financière commence à être versée au mois de mai et qu’elle soit versée mensuellement sur un rythme uniforme tout au long de l’année, les engagements pour la seule année 2010 s’établiraient à 6,3 x 8/12 = 4,2 milliards d’euros.

32 () Le caractère évaluatif des crédits dédiés aux prêts à des États étrangers a, en 2001, été conçu comme la contrepartie de la suppression de la possibilité de consentir des découverts aux États étrangers et banques centrales de la zone franc (voir le rapport de M. Didier Migaud sur la proposition de loi organique relative aux lois de finances, Assemblée nationale, première lecture, 2001, n° 2908, p. 157).

33 () Rappelons que ce déficit s’établissait à 117 369 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2010, puis à 149 965 millions d’euros dans la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 relative au « grand emprunt ».

34 () Le remboursement du capital sera, quant à lui, inscrit en recettes du compte spécial, conformément à l’article 24 de la LOLF.

35 () On suppose ici que le prêt est accordé à la Grèce à un taux de 5 % (voir supra, I) alors que l’État français se finance à environ 1,5 % à trois ans.

36 () OAT : obligations assimilables du Trésor ; BTAN : bons du Trésor à taux fixe et intérêt annuel.

37 () En pratique, l’existence d’écarts entre le prix à l’émission d’un titre et sa valeur nominale est une conséquence de la technique dite de l’ « assimilation », qui consiste à rattacher les nouvelles émissions à des emprunts existants, afin d’en réduire le nombre et d’en accroître la liquidité. Les tranches complémentaires sont assimilées aux émissions initiales dont elles présentent les mêmes caractéristiques. Le prix d’émission de ces tranches complémentaires est ajusté, par le jeu des primes et décotes, en fonction des conditions du marché : celles-ci ont naturellement tendance, avec le temps, à s’éloigner des conditions initiales d’émission des titres.

38 () De la même façon, en 2009, les primes à l’émission (nettes des décotes) ont atteint 4,1 milliards d’euros.

39 () Rappelons que ce haut niveau de mobilisation du compte du Trésor s’explique principalement par les remboursements à l’État, par l’intermédiaire de la Société de prise de participation de l’État (SPPE), d’une partie des aides au secteur bancaire consenties en application de l’article 6 de la loi de finances rectificative du  16 octobre 2008 pour le financement de l’économie.

40 () Proposition de règlement du Conseil COM (2010) 53 du 15 février 2010.

41 () Formellement l’INSEE, parfois la direction générale du Trésor en ce qui concerne la France.

42 () L’excédent du compte courant de sa balance commerciale a culminé à 7,5 % du PIB en 2007.