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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 mai 2010.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée (n° 2339), relatif à l’action extérieure de l’État,
par M. Hervé GAYMARD
Député
___
Voir les numéros :
Sénat : 582 rect. (2008-2009), 262, 263, 237 et T.A. 73 (2009-2010).
Assemblée nationale : 2339, 2505.
A – UNE NOUVELLE IMPULSION POUR NOTRE DIPLOMATIE D’INFLUENCE 9
1) Des buts ambitieux mais des moyens limités 9
2) Un projet de loi centré sur une refonte des opérateurs 14
B – UN MINISTÈRE « PAS COMME LES AUTRES » : DES PERSONNELS EXPATRIÉS ET DES CRISES À GÉRER 17
1) Vers la concrétisation de la promesse présidentielle d’un statut du conjoint d’agent expatrié ? 17
2) Pour une démarche pédagogique à propos des opérations de secours à l’étranger 18
II – L’AGENCE CULTURELLE : ENTRE FAUX ESPOIRS ET VRAIS DÉFIS 19
A – L’OBJECTIF : DE LA FIN D’UN FEUILLETON AU DÉBUT D’UNE ÉPOPÉE 19
1) De l’association CulturesFrance à l’EPIC CulturesFrance : une transformation prévue de longue date 19
2) Un handicap plus profond 24
B – LA RÉALITÉ : UNE ÉTAPE SUR LA VOIE D’UNE RÉFORME COURAGEUSE 25
1) Le projet de loi transmis par le Sénat pose un premier jalon 25
2) Votre Rapporteur propose une expérimentation exigeante 26
3) Quel pourrait être le point d’arrivée de la réforme ? 27
III – LES ENJEUX DE L’EXPERTISE ET DE LA MOBILITÉ INTERNATIONALES : LE TEXTE CRÉE-T-IL LE BON OUTIL ? 29
A – LA BATAILLE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, ENJEU-CLEF DE LA MONDIALISATION 29
B – LE MARCHÉ DE L’EXPERTISE ET LE POIDS DES THINK TANKS, DONNÉES ESSENTIELLES DE L’INFLUENCE À L’ÉCHELLE MONDIALE 34
1) Les insuffisances de l’expertise technique internationale à la française 34
2) La rénovation bienvenue du cadre de l’ex-coopération technique 38
C – À LA RECHERCHE DU MEILLEUR « MECCANO INSTITUTIONNEL » 40
TABLE RONDE SUR L’ACTION CULTURELLE EXTÉRIEURE DE LA FRANCE AVEC MME JULIA KRISTEVA-JOYAUX, M. BERNARD FAIVRE D’ARCIER ET M. ANTOINE COMPAGNON 45
AUDITION DE M. BERNARD KOUCHNER, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES 61
EXAMEN DES ARTICLES 85
TITRE IER DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS CONTRIBUANT À L’ACTION EXTÉRIEURE DE LA FRANCE 85
Chapitre Ier Dispositions générales 87
Article 1er Création d’une nouvelle catégorie d’établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France 87
Article 2 Composition du conseil d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France 98
Article 3 Ressources des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France 102
Article 4 Mise à disposition à titre gratuit de fonctionnaires auprès des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France 106
Article 4 bis (nouveau) Rapport annuel d’activité des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France devant l’Assemblée des Français de l’étranger 110
Chapitre II L’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales 111
Avant l’article 5 111
Article 5 Création d’un opérateur pour l’expertise et la mobilité internationales issu de la fusion de CampusFrance, d’Égide et de France coopération internationale 112
Article 5 bis (nouveau) Création d’instances consultatives 138
Article 5 ter (nouveau) Rapport au Parlement sur la constitution d’un opérateur unique de gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers 139
Chapitre III L’Institut français 144
Avant l’article 6 144
Article 6 Création d’une agence chargée de la coopération culturelle issue de CulturesFrance et dotée d’un statut d’établissement public à caractère industriel et commercial 146
Article 6 bis (nouveau) Création d’un conseil d’orientation stratégique de l’action culturelle extérieure 153
Article 6 ter (nouveau) Rapport au Parlement sur la diplomatie d’influence et les modalités du rattachement du réseau culturel à l’étranger 155
Après l’article 6 ter 159
TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXPERTISE TECHNIQUE INTERNATIONALE 160
Article 7 (loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d’États étrangers) Modification de l’intitulé de la loi de 1972 relative au statut des coopérants 161
Article 8 (art. 1er de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972) Extension du champ d’application de la loi de 1972 relative au statut des coopérants 161
Article 9 (art. 2 de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972) Ouverture du recrutement des experts techniques internationaux à l’ensemble des fonctions publiques et au secteur privé 163
Après l’article 9 Préservation du régime de sécurité sociale des fonctionnaires des assemblées parlementaires exerçant en qualité d’experts techniques internationaux 164
Article 9 bis A (nouveau) (art. L. 761-6 du code de la sécurité sociale) Préservation du régime de sécurité sociale des fonctionnaires des assemblées parlementaires exerçant en qualité d’experts techniques internationaux 165
Article 9 bis (nouveau) (art. 3 de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972) Coordination en matière d’obligations de convenance et de réserve résultant de l’exercice de fonctions sur le territoire d’un État étranger 165
Article 10 (art. 4 de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972) Durée des missions 166
Article 11 (art. 8 de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972) Situation en fin de mission des experts techniques internationaux non fonctionnaires 168
TITRE III ALLOCATION AU CONJOINT 170
Article 12 Création de l’allocation au conjoint d’agent civil de l’État expatrié 170
Après l’article 12 175
TITRE IV DISPOSITIONS RELATIVES AUX OPÉRATIONS DE SECOURS À L’ÉTRANGER 176
Article 13 Possibilité pour l’État d’obtenir le remboursement des frais engagés à l’occasion des opérations de secours à l’étranger 176
Article 14 Action récursoire de l’État à l’encontre des opérateurs de transport, des compagnies d’assurance, des voyagistes ou de leurs représentants 182
TABLEAU COMPARATIF 187
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 207
ANNEXE – Liste des auditions du Rapporteur 217
Mesdames, Messieurs,
Déposé le 22 juillet 2009 sur le bureau du Sénat, le présent projet de loi est l’aboutissement provisoire d’un parcours mouvementé, en particulier pour ses dispositions les plus emblématiques, relatives aux nouvelles agences de la diplomatie d’influence de la France. Entre la « grande agence » dotée de relais dans presque chaque pays du monde, couvrant tous les domaines – de l’action culturelle à la mobilité étudiante en passant par la promotion de l’expertise technique internationale – et le morcellement consistant à spécialiser des opérateurs par ailleurs dépourvus de réseau mondial, le Gouvernement a fait évoluer sa position.
Le tout s’est déroulé sur fond de débats médiatiques, l’un des épisodes déclencheurs ayant été la polémique lancée en novembre 2007 par M. Donald Morrison, correspondant du magazine Time à Paris, sur le prétendu déclin de la culture française dans le monde. Un an après, l’auteur de l’article initial affinait sa réflexion sous la forme d’un essai intitulé Que reste-t-il de la culture française ? Dans un ouvrage paru chez Denoël regroupant les deux contributions, M. Antoine Compagnon, professeur au Collège de France et à l’Université de Columbia à New York, lui donnait la réplique, sous le titre : Le souci de la grandeur. M. Compagnon a d’ailleurs participé, conjointement avec Mme Julia Kristeva − en tant que rapporteur au nom de la section des relations extérieures du Conseil économique, social et environnemental, d’un avis intitulé Le message culturel de la France et la vocation interculturelle de la francophonie (1) − et M. Bernard Faivre d’Arcier, aujourd’hui consultant culturel, à une table ronde le 31 mars dernier (2), afin d’entamer les travaux de la commission des affaires étrangères sur le présent texte.
Votre commission a d’ailleurs elle-même pris part au débat, en créant une mission d’information sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture, présidée par M. François Rochebloine, la rapporteure en étant Mme Geneviève Colot. Après un rapport d’étape (3) présenté en janvier dernier, la mission achève une année de travaux alors que commence à l’Assemblée l’examen du présent projet de loi.
Si votre Rapporteur avait voulu adopter une posture polémique, peut-être aurait-il pu souscrire à cette apostrophe de M. Frédéric Martel, contempteur bienveillant d’une action culturelle extérieure qu’il a lui-même pratiquée. Dans une note récente de la Fondation Terra Nova, (4) il déplore en termes décoiffants le retard pris par la France dans ce qu’il nomme la « bataille du soft power » et fustige une attitude jugée passéiste des ambassadeurs :
« Le diplomate est, par essence, un homme de prudence, quand il faut au professionnel du soft power de l’audace et prendre des risques ; il est nommé pour “ne pas faire de vagues”, quand le débat d’idées, Internet et la culture appellent, par définition, le bruit et le “buzz” ; il appartient à l’élite qui aime la culture de l’élite, quand il faut s’intéresser à la fois à l’underground et au mainstream ; il se coule dans un moule, quand il faut innover, challenger, expérimenter ; il est dans la stratégie diplomatique lente, alors que le soft power appelle le pragmatisme et la rapidité. Le diplomate est dans la “représentation” quand le professionnel du soft power doit être sur le terrain, les mains dans le cambouis et l’action. »
Et l’auteur de faire directement référence à la discussion du présent projet de loi : « Notre “diplomatie culturelle” est en piteux état mais il est possible, si le Parlement le souhaite, de changer en profondeur le cours des choses en se fixant de grandes ambitions et en coupant le cordon ombilical entre les instruments du soft power et la diplomatie française. »
Sans partager la sévérité des propos tenus, votre Rapporteur a néanmoins entendu ce salutaire « coup de sang » et estime qu’avec ce texte s’écrit une page importante de l’évolution de notre diplomatie d’influence. Son attitude, comme le démontreront les pages qui suivent, est donc celle d’un encouragement critique à l’égard d’un texte composite, d’un texte évolutif qui pose des jalons et demandera à être complété, étendu ou infléchi, d’un texte, enfin, dont une large part emprunte au champ réglementaire – plus encore à l’issue des travaux du Sénat. C’est là, au demeurant, une tentation fréquente et en l’espèce le péché est plutôt véniel.
*
Au terme de 20 auditions enrichies de contacts plus informels avec les nombreuses parties intéressées, votre Rapporteur a déposé en commission 28 amendements pour prolonger l’ambition initiale du projet, le consolider juridiquement ou l’améliorer sur le plan rédactionnel.
Au total, sur les 20 articles du texte transmis par le Sénat – qui comportait 14 articles lors de son dépôt –, votre commission a été saisie de 50 amendements et en a adopté 27, au terme d’une discussion générale de plus de deux heures et d’une séance de près de deux heures et demie consacrée à l’examen des articles du projet.
I – UN PROJET DE LOI ATTENDU ET COMPOSITE
Attendu, le présent projet de loi vient ponctuer un long épisode de réflexion parfois mouvementé. Attendu par le Parlement qui a par maints canaux appelé à tel ou tel aspect de la réforme qui nous est aujourd’hui proposée ; attendu par les personnels du Quai d’Orsay chargés, à Paris ou à l’étranger, de mettre en mouvement l’action culturelle extérieure, la mobilité universitaire, l’expertise technique internationale ; attendu par les conjoints d’agents expatriés, par les responsables des opérations de secours à l’étranger et par leurs financeurs ; attendu par tous les partenaires de nos postes à l’étranger, de nos centres et instituts culturels, par les Alliances françaises.
Tant d’attentes, et disons-le, tant d’annonces gouvernementales ont peut-être suscité des espoirs que ce texte sera loin de combler, en dépit des améliorations apportées au cours de la discussion parlementaire. Prenons cependant ce texte pour ce qu’il est : une première réponse à des questions majeures pour l’avenir de notre présence dans le monde.
Le deuxième trait distinctif de ce projet de loi est son caractère composite. Rares étant, pour le ministère des Affaires étrangères et européennes, les « véhicules législatifs », celui-ci transporte des marchandises diverses.
Tous ces deux éléments militaient pour que le Parlement prenne le temps d’examiner ce projet. Or avec l’engagement de la procédure accélérée, on s’achemine vers une seule lecture du texte dans chaque chambre ; votre Rapporteur le déplore.
• Bien des définitions savantes pourraient en être données ; en pratique, la diplomatie d’influence repose sur trois piliers :
– la culture et la langue ;
– l’attractivité à l’égard des étudiants étrangers, boursiers ou solvables ;
– l’expertise technique internationale.
Nos ambassades sont bien sûr en première ligne pour donner à ces trois dimensions toute leur mesure, tandis qu’à Paris auront été définies les stratégies et les moyens globaux pour ce faire. C’est avant tout le rôle de la nouvelle direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, créée le 16 mars 2009, date de parution d’un décret et d’un arrêté réorganisant l’administration centrale du Quai d’Orsay. C’est aussi, pour la maîtrise d’œuvre, le rôle d’opérateurs spécialisés − qu’ils aient ou non le statut d’opérateurs au sens de la LOLF (5).
Le panorama actuel des moyens mis par l’État au service de la diplomatie d’influence est le suivant, à quelques unités près selon la date prise pour référence :
− 161 services de coopération et d’action culturelle (SCAC), dont 49 dans les pays de l’OCDE et 112 dans les pays en développement, chargés de la mise en œuvre de la coopération bilatérale avec les pays et institutions partenaires ;
− 135 établissements à autonomie financière (EAF) (6) culturels, dont 50 dans les pays de l’OCDE et 85 dans les pays en développement, financés pour partie par des dotations de fonctionnement et pour partie par des ressources propres (mécénat, cours de langue, etc.) que leur activité engendre ;
− 27 instituts français de recherche à l’étranger (IFRE) − également dotés du statut d’EAF −, dont 8 dans les pays de la zone OCDE et 19 dans les pays en développement, intervenant dans le secteur de la recherche en archéologie et en sciences sociales ;
− 456 Alliances françaises − sur plus d’un millier de par le monde − qui reçoivent une aide du ministère des Affaires étrangères, soit sous la forme d’une subvention, soit via la mise à disposition d’agents expatriés et de volontaires internationaux rémunérés sur le budget de l’État ;
− 5 centres franco-nationaux régis par des accords bilatéraux, établis en Afrique (Guinée, Guinée-Bissau, Niger, Namibie et Mozambique).
Le réseau culturel français à l’étranger s’appuie également sur près de 8 700 agents, de statuts divers : agents titulaires expatriés du ministère des Affaires étrangères ou détachés d’autres administrations publiques, agents contractuels de droit français et recrutés locaux titulaires de contrats régis par la loi locale du pays d’accueil.
La gestion des carrières des personnels culturels à l’étranger continue d’incomber exclusivement aux services centraux du Quai d’Orsay, et plus précisément à sa direction des ressources humaines. Un peu plus d’un quart des emplois de recrutés locaux que compte notre réseau diplomatique et consulaire est occupé par des Français, principalement du fait de leur maîtrise de la langue ou en raison d’exigences de confidentialité et de sécurité accrues.
Pour tenter de mesurer l’activité et du rayonnement du réseau des EAF et des Alliances françaises, il est intéressant de noter que 750 000 étudiants y apprennent le français, et que 400 000 lecteurs sont inscrits dans des médiathèques qui assurent 8 millions de prêts par an et reçoivent chaque année 1 million de livres nouveaux. Par ailleurs, 50 000 manifestations culturelles sont organisées chaque année dans le réseau.
Votre Rapporteur note enfin qu’entre 2000 et 2009, le nombre d’Alliances françaises a crû de 8 %, tandis que celui des centres et instituts culturels diminuait de près de 20 % ; le réseau est donc évolutif, et il devra évoluer encore pour pallier la pénurie de moyens d’intervention du budget de l’action extérieure de l’État constatée ces dernières années.
• Le débat budgétaire pour 2009 avait suscité, on s’en souvient, des critiques et des inquiétudes à propos de l’avenir de la présence culturelle française à l’étranger qui n’ont pas été étrangères à la préparation de la réforme proposée par le présent projet de loi.
Cette prise de conscience, qui a trouvé son écho jusque dans la presse sur le mode de « l’abandon de l’ambition culturelle internationale de la France », a eu le mérite de stimuler la réflexion, mais pas celui de remettre à niveau les moyens d’intervention des SCAC. Et ce constat demeure en dépit de la nouvelle série d’annonces chiffrées formulées dans le cadre du débat budgétaire pour 2010.
Voici l’état des lieux, résultant du dernier projet de loi de finances, et tel que le rapport d’étape de la mission d’information de la commission des Affaires étrangères sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture (7) l’a exposé :
COMPARAISON PAR ACTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME BUDGÉTAIRE (en autorisations d’engagement et crédits de paiement, en milliers d’euros) | ||||
Actions du programme |
LFI 2008 |
LFI 2009 |
PLF 2010 |
Évolution |
Animation du réseau |
71 937 |
65 872 |
60 658 |
– 7,9 % |
Langue et culture française, diversité linguistique et culturelle |
70 707 |
61 203 |
61 674 |
0,8 % |
Échanges scientifiques, techniques et universitaires |
55 462 |
53 076 |
54 767 |
3,2 % |
Service public d’enseignement à l’étranger |
287 875 |
412 671 (*) |
420 820 |
2 % |
Total |
485 979 |
592 822 (*) |
597 919 |
0,9 % |
(*) Le ressaut observé entre 2008 et 2009 est dû à l’obligation faite à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, en application du décret n° 2007-1796 du 19 décembre 2007, de financer sur son budget, à compter du 1er janvier 2009, la part patronale des cotisations de pensions civiles des personnels qui lui sont détachés. Source : lois de finances votées et PAP 2010 du programme Rayonnement culturel et scientifique. |
De façon plus détaillée, en isolant les crédits de personnel et en faisant apparaître une nomenclature par sous-actions, l’évolution est la suivante :
COMPARAISON PAR SOUS-ACTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME (en autorisations d’engagement et crédits de paiement, en millions d’euros) | |||
LFI 2009 |
PLF 2010 |
Variation | |
Programme 185 |
592,82 |
597,92 |
0,9% |
Titre 2 |
87,7 |
89,16 |
1,7 % |
Hors titre 2 |
505,12 |
508,76 |
0,7 % |
1 − Animation du réseau (*) |
29,53 |
32,59 |
10,3 % |
Sous-action animation du réseau* |
2,43 |
2,5 |
3,2 % |
Sous-action fonctionnement des EAF/CEF* |
18,47 |
16,6 |
− 10,1 % |
Sous-action soutien aux actions de coopération* |
8,64 |
13,49 |
56,1 % |
2 − Coopération culturelle, linguistique, scientifique, universitaire et technique (*) |
62,91 |
55,35 |
− 12 % |
Langue et culture française, diversité linguistique et culturelle (*) |
23,75 |
20,62 |
− 13,2 % |
Échanges scientifiques, techniques et universitaires (*) |
39,16 |
34,73 |
− 11,3 % |
3 − AEFE (*) |
412,67 |
420,82 |
2 % |
(*) hors titre 2. Source : ministère des Affaires étrangères et européennes. |
La diminution des moyens d’intervention, déjà importante entre 2008 et 2009, se poursuit en 2010 au sein de l’action 2 Coopération culturelle, linguistique, scientifique, universitaire et technique. Globalement, les crédits du programme Rayonnement culturel et scientifique consacrés, hors subvention à l’AEFE, à la diplomatie publique d’influence, s’établissent à 88 millions d’euros en 2010, en baisse de 4,9 % par rapport à 2009.
Sur le programme Solidarité à l’égard des pays en développement de la mission budgétaire Aide publique au développement, les documents budgétaires joints au projet de loi de finances pour 2010 indiquent que les crédits consacrés à l’action culturelle et linguistique sont répartis entre trois actions. Il s’agit :
– de dotations de fonctionnement aux EAF, de la subvention pour charges de service public à CulturesFrance (pour 7,4 millions d’euros) et de crédits de soutien ;
– de crédits concourant à l’« affirmation de la dimension culturelle du développement ». Les moyens peuvent être en l’espèce de différentes natures : des dotations pour opérations aux EAF (un peu plus de 17 millions d’euros en 2010), des subventions aux Alliances françaises (7,2 millions d’euros), la mise en place de bourses (près de 75 millions d’euros) ou d’échanges d’expertises (12 millions d’euros), des prestations de services ou d’autres subventions d’influence (46 millions d’euros).
Sans « rallonge » budgétaire obtenue fin 2009 à titre exceptionnel et non reconductible, la situation eût été plus tendue encore. C’est au cours de son audition devant la commission des Affaires étrangères le 13 octobre dernier que le ministre des Affaires étrangères et européennes a indiqué publiquement pour la première fois, avoir obtenu du Premier ministre, sur deux ans, 40 millions d’euros pour accompagner la réforme de l’action culturelle extérieure, à raison de 20 millions d’euros en 2009 puis de 20 millions d’euros en 2010.
Pour 2009, le ministre a précisé la répartition de ces moyens entre les programmes Rayonnement culturel et scientifique (185) et Solidarité à l’égard des pays en développement (209) : 6,5 millions d’euros pour le premier et 13,5 millions d’euros pour le second. Pour 2010, les documents budgétaires font état de 8,26 millions d’euros sur le programme 185 et de 11,74 millions d’euros sur le programme 209.
Il est prévu que ces crédits supplémentaires bénéficient en priorité aux postes diplomatiques, le reste des crédits ayant vocation à accompagner la mise en place de la future agence culturelle ; compte tenu du degré d’avancement de la création de la nouvelle agence, ces fonds seront vraisemblablement alloués en 2010 en quasi-totalité à l’actuel opérateur CulturesFrance.
Dans les postes, ces crédits devraient principalement être utilisés pour engager la modernisation des outils de promotion culturelle et audiovisuelle – par exemple la mise en place de plates-formes virtuelles de diffusion culturelle au Vietnam –, mais aussi pour restructurer le réseau d’établissements culturels − par exemple en Allemagne ou en Italie − ou pour soutenir des événements culturels − par exemple l’année France-Russie ou l’exposition universelle de Shanghaï.
En administration centrale, l’accent doit être mis sur le soutien à l’exportation des industries culturelles françaises (cinéma, musique, livre, télévision), la mise à disposition du réseau d’outils de promotion efficaces, et sur des événements de communication propres à assurer aux artistes et à l’expertise technique français une plus grande visibilité internationale. Par ailleurs, des formations dans les domaines du numérique, de l’industrie culturelle et artistique et de la gestion seront mises en place pour favoriser la restructuration et la modernisation de notre réseau à l’étranger.
S’agissant de cette « rallonge » de crédits pour l’action culturelle dont chacun n’a pas manqué de se féliciter, au ministère, dans les postes ou au Parlement, il faut souligner que la tranche 2009, qui devait être concrétisée en loi de finances rectificative de fin d’année, ne l’a pas été à la hauteur des annonces formulées.
Quoi qu’il en soit, comme l’ont montré les auditions qu’il a menées, votre Rapporteur doit à l’honnêteté de dire que cette préoccupante réduction des moyens d’intervention des SCAC n’est pas le fruit d’un quelconque abandon programmé de toute diplomatie d’influence. Il s’agit simplement de la gestion budgétaire la plus rationnelle qui soit. En effet, les marges de manœuvre des gestionnaires sont par définition limitées, particulièrement dans le contexte actuel de profonde dégradation des finances publiques et devant l’objectif affiché de gel, sinon de réduction des dépenses de l’État. Or ces marges de manœuvre sont prioritairement consommées par les augmentations incompressibles de dépenses que sont, schématiquement, pour le Quai d’Orsay :
− l’augmentation mécanique des crédits de personnel − malgré le non-remplacement à un taux élevé des départs en retraite, qui en tout état de cause n’a qu’un impact limité sur les dépenses d’une année donnée ;
− la hausse tendancielle des contributions internationales ;
− la mise en œuvre de la mesure de gratuité pour les élèves français inscrits dans le réseau d’enseignement français à l’étranger.
Dès lors que s’applique une contrainte budgétaire globale, c’est sur les autres postes de dépenses que doivent porter les économies. Leur « cible » privilégiée, ce sont logiquement les crédits d’intervention, c’est-à-dire les subventions non reconductibles, qui sont la modalité d’action principale des SCAC en tant qu’organisateurs d’expositions ou financeurs de spectacles.
Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que le premier réflexe soit celui consistant à demander le maintien des moyens d’intervention à leur niveau antérieur, surtout lorsque l’on sait que l’ensemble des crédits d’intervention du Quai d’Orsay dans la sphère du rayonnement culturel et scientifique représente annuellement l’équivalent du coût de fonctionnement de l’Opéra national de Paris… N’est-il pas alors légitime de réclamer une remise à niveau peu coûteuse pour les finances publiques et dont l’effet de levier serait très puissant sur le terrain ?
Ce contexte est en effet important pour mieux appréhender la portée du présent projet de loi et l’accueil qu’il a reçu.
Faute d’une relance de la diplomatie d’influence par des moyens nouveaux − solution de facilité en temps normal, et de toute façon inenvisageable à l’heure actuelle − le présent projet de loi fait le choix de proposer une réorganisation des opérateurs de l’action extérieure de la France.
Pourquoi recourir à des opérateurs, en règle générale avec un statut d’établissements publics ? Pour ne pas surcharger l’administration centrale dont le rôle doit être d’impulsion et non de gestion directe ; pour plus de souplesse et d’efficacité dans les modes d’intervention et de financement ; pour « sanctuariser » les moyens budgétaires alloués à la politique publique en question.
Le tableau suivant inventorie les opérateurs existants, que le présent projet de loi entreprend de compléter :
LE CADRE JURIDIQUE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS EXISTANTS |
|||||
|
Ubifrance |
AFD |
AFII |
AEFE | |
Textes constitutifs |
Article 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique Décret n° 2004-103 du 30 janvier 2004 relatif à Ubifrance |
Décret n° 2009-618 du 5 juin 2009 relatif à l’Agence française de développement section 1 du chapitre VI du code monétaire et financier (Partie réglementaire) : articles R516-3 à R516-20 |
Article 144 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques Décret n° 2001-1091 du 21 novembre 2001 relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’Agence française pour les investissements internationaux |
Loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger Décret n° 2003-1288 du 23 décembre 2003 relatif à l’organisation administrative, budgétaire et comptable de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger Décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l’organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle et d’enseignement dépendant du ministère des affaires étrangères | |
Statut |
EPIC |
EPIC |
EPIC |
EPA | |
Tutelle(s) |
Ministre chargé de l’économie et ministre chargé du commerce extérieur |
Ministre chargé de l’économie, ministre chargé de la coopération et du développement et ministre chargé de l’outre-mer |
Ministre chargé de l’économie et des finances et ministre chargé de l’aménagement du territoire |
Ministre des affaires étrangères | |
Présidence et direction |
Président choisi, sur proposition du conseil d’administration, parmi les parlementaires ou les personnalités qualifiées, et nommé par décret sur rapport du ministre chargé du commerce extérieur ; directeur général exécutif nommé par décret, après avis du conseil d’administration |
Président du conseil d’administration nommé par décret pris sur rapport des ministres de tutelle ; directeur général exécutif nommé pour trois ans par décret |
L’ambassadeur délégué aux investissements internationaux, nommé par décret, préside le conseil d’administration et dirige les services |
Président du conseil d’administration nommé pour trois ans par décret, sur proposition du ministre des affaires étrangères, après consultation du ministre de l’éducation nationale ; directeur de l’agence nommé pour trois ans par décret sur proposition du ministre des affaires étrangères | |
Nombre de membres au conseil d’administration |
28 membres |
16 membres |
18 membres |
26 membres | |
Représentation du personnel |
Dix représentants du personnel élus dans les conditions prévues par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public |
Deux représentants du personnel élus dans les conditions fixées par un règlement pris par le directeur général |
Deux représentants du personnel élus dans les conditions prévues par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public |
Cinq représentants du personnel en service | |
Régime comptable |
Comptabilité publique |
Comptabilité privée (code monétaire et financier) |
Comptabilité publique |
Comptabilité publique |
La réforme proposée par le présent texte a une histoire :
− qui remonte, pour la réflexion et les orientations, au Livre blanc de 2008 sur la politique étrangère et européenne de la France à l’horizon 2020, établi sous la houlette de MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer ;
− et qui emprunte, pour l’application pratique, au Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), instance décisionnaire de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Autant dire que l’impulsion a été donnée au plus haut niveau de l’État, puisque le CMPP est dirigé par le Secrétaire général de la Présidence de la République et le directeur du cabinet du Premier ministre.
Les réunions du CMPP des 4 avril et 11 juin 2008 ont abouti aux décisions suivantes :
« − le regroupement de l’ensemble des dimensions de l’influence intellectuelle à l’étranger au sein de trois opérateurs : l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, CulturesFrance, et un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale ;
« − le regroupement au sein du nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale des fonctions de promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale françaises à l’étranger et de valorisation à l’étranger du système d’enseignement supérieur français. »
Que le contexte d’une réforme de l’État volontariste et axée sur les économies budgétaires ait guidé la plume des rédacteurs du présent projet de loi, nul ne doit s’en étonner ; mais son examen parlementaire est l’occasion d’une « remise à plat » tout aussi légitime.
Au-delà des articles phares du texte consacrés aux opérateurs − c’est l’objet du titre Ier, et de façon connexe, du titre II −, le caractère composite de ce projet tient à deux autres séries de dispositions.
• Le titre III du présent projet de loi crée une allocation au conjoint d’agent civil de l’État expatrié. Il s’agit, concrètement, de transformer en prestation directe l’actuel supplément familial versé à l’agent pour tenir compte de sa situation matrimoniale, en vertu d’un décret de1967 (8).
Comme le précise l’étude d’impact jointe au projet, le Gouvernement n’a pas jugé opportun d’étendre la mesure aux agents des établissements publics, compte tenu de la situation spécifique de l’AEFE, qui n’entre pas actuellement dans le champ d’application du décret de 1967 et ne verse donc pas de supplément familial à ses agents ; l’AEFE ne serait pas en mesure actuellement de prendre en charge cette allocation. Le moment venu, c’est à dire notamment lorsque l’AEFE sera en mesure d’en supporter le coût, il sera possible d’étendre par voie réglementaire l’allocation aux conjoints des agents servant dans les EPA, voire dans les EPIC.
Le coût supplémentaire de cette allocation pour l’État est nul : cette mesure sera menée à enveloppe constante. Il est envisagé, dans le cadre du décret d’application, d’en préciser le mode de calcul ; à ce stade, plusieurs hypothèses sont à l’étude dans le cadre de la réforme des indemnités de résidence. L’allocation pourrait ainsi être harmonisée pour l’ensemble des conjoints d’un même poste − alors que le supplément familial, qui est calculé sur la base d’un pourcentage de l’IR, varie selon le grade et les fonctions de l’agent. Une autre option à l’étude serait d’instituer un montant plancher qui garantirait au conjoint un revenu minimum pour pouvoir cotiser, s’il le souhaite, à un régime de retraite. Le coût supplémentaire de cette mesure serait compensé, toujours dans le cadre de la réforme des indemnités de résidence. En attendant, il importe de souligner que la situation globale du foyer, en ne prenant en compte que la modification apportée par l’article 13 du présent projet, sera inchangée : l’objectif est qu’aucun foyer ne voie ses compléments de rémunérations baisser.
• Le Président de la République, dans son discours devant la communauté française de Hongrie le 14 septembre 2007, avait clairement souhaité la création d’un « statut du conjoint » destiné à résoudre ce qui devient un vrai problème de gestion des ressources humaines : « Un jour, on va se retrouver dans une situation où plus personne ne voudra être préfet, plus personne pour être ambassadeur parce que la génération où des femmes sacrifiaient toute leur carrière sans aucune reconnaissance, ni personnelle, ni sociale, ni professionnelle, est une situation que l’on ne retrouvera plus. Et donc, dans les métiers aussi particuliers que ceux de préfet, d’ambassadeur, la question du statut du conjoint est clairement posée. »
Pour autant, disons-le d’emblée, la mesure contenue dans le présent projet de loi ne constitue pas véritablement l’amorce d’un statut du conjoint, ce que d’ailleurs l’étude d’impact indique avec honnêteté. En effet, l’allocation au conjoint ne crée pas d’obligations pour ce dernier, telles que la présence en poste, l’obligation de représentation qui supposerait un contrat de travail, des quotités horaires, un régime de sécurité sociale, de retraite, une rémunération, etc.
Une seconde étape pourrait être la prise en compte de la situation particulière des conjoints qui se soumettent à des obligations de représentation. Actuellement considérés comme des collaborateurs occasionnels du service public, ils pourraient se voir allouer une allocation spécifique. Cette option n’a pas été retenue dans le présent texte dès lors que la mesure était envisagée à coût constant. Il ne s’agit pas non plus d’une option ouverte à l’initiative parlementaire, car elle tomberait sous le coup de l’article 40 de la Constitution, qui prohibe la création ou l’aggravation d’une charge publique par un parlementaire.
Est ouverte en revanche à l’initiative parlementaire − et votre Rapporteur en saisira l’occasion − l’exonération d’IR et de cotisations sociales − mais non des contributions que sont la CSG et la CRDS − au titre de la nouvelle allocation.
Le présent projet de loi se clôt par un titre IV composé de deux articles assez simples dans leur formulation mais porteurs d’un important changement de culture. Il s’agit de responsabiliser les particuliers face à des situations de mise en danger volontaire qui font courir à eux-mêmes et aux sauveteurs des risques aussi déraisonnables qu’inutiles. Dans son principe, la gratuité des secours organisés à l’étranger est l’honneur de la France et aucun autre pays ne va aussi loin en la matière. Mais en pareil cas, elle n’est pas justifiée et la loi doit permettre à l’État de se faire rembourser, même très partiellement.
L’inspiration de la loi dite « montagne » est ici manifeste ; l’étude d’impact la mentionne explicitement et le commentaire de votre Rapporteur sur cet article précise infra le libellé actuel, en France, de ce principe d’une possible demande de remboursement de tout ou partie des frais de secours aux particuliers.
Il s’agit aussi de responsabiliser les transporteurs et les voyagistes, afin de les dissuader de s’en remettre trop facilement à la générosité du contribuable français à la première difficulté rencontrée, à l’étranger, dans l’exécution du contrat qui les lie à leur client. C’est seulement dans les cas où il est absolument impossible d’honorer ces obligations contractuelles que l’intervention de l’État pour des opérations de rapatriement est légitime. Or pour de telles opérations organisées dans le but de pallier la défaillance inexcusable des transporteurs ou voyagistes, l’État n’avait aucun moyen légal d’obtenir un quelconque remboursement ; ce sera chose faite avec la publication de la loi issue du présent projet.
Que les montants globaux en cause à l’heure actuelle soient mal connus et que les possibles remboursements futurs ne soient pas évalués du tout, voilà qui ne doit pas être excessivement critiqué : c’est de pédagogie et de prévention qu’il s’agit ; la démarche est bien davantage de principe que financière.
Texte composite donc ; texte attendu, d’abord et avant tout pour « les agences ».
Rarement « objet administratif » aura fait couler autant d’encre et de salive, non pas dans des rapports ou des revues administratives mais dans la presse et sur les ondes, le plus récent essayiste en date à l’aborder − entre beaucoup d’autres sujets −, M. Frédéric Martel, auteur de Mainstream. Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde (9), n’étant certainement pas le dernier à le faire : à quand la « grande agence culturelle » devant enfin doter l’action culturelle extérieure de notre pays de l’opérateur moderne et efficace qu’elle réclame ?
1) De l’association CulturesFrance à l’EPIC CulturesFrance : une transformation prévue de longue date
Le présent projet de loi précise les contours juridiques et les missions de la future agence culturelle. Celle-ci se substituera à l’association CulturesFrance dont elle reprendra de plein droit et en pleine propriété les biens, droits et obligations et aura le statut d’EPIC pour l’action culturelle extérieure.
• La transformation de CulturesFrance en établissement public industriel et commercial est une réponse aux critiques formulées, il y a déjà plusieurs années, par la Cour des comptes dans sa communication à la commission des finances du Sénat en date du 10 octobre 2006. Y étaient mis en cause le mode de fonctionnement, la gestion et le statut associatif de CulturesFrance. La Cour a en effet constaté que CulturesFrance ne suivait pas les règles ordinaires de fonctionnement d’une association, puisque qu’elle n’était pas composée de membres adhérents acquittant une cotisation et constituant l’assemblée générale : elle a estimé que ne pouvaient être considérées « comme des assemblées générales statutairement convoquées conformément au droit des associations au moins une fois l’an pour adopter le compte de résultat et le budget, les réunions de membres cooptés par les deux ministères pourvoyeurs de fonds nécessaires au fonctionnement de l’association ».
La Cour a également critiqué les procédures de délégations de pouvoirs au sein de l’association. Elle a surtout estimé que le statut associatif ne permettait pas à CulturesFrance de satisfaire aux objectifs de transparence de gestion et d’optimisation des moyens fixés par la LOLF.
À la suite du constat de la Cour des comptes, une proposition de loi visant à créer l’établissement public CulturesFrance avait été adoptée par le Sénat en juillet 2007, sans toutefois aboutir. La transformation de CulturesFrance en EPIC vise aujourd’hui à rectifier cette situation en fournissant à l’opérateur un cadre juridique mieux approprié à ses missions.
• Lors de la préparation de l’avant-projet de loi, le Gouvernement a également pu s’appuyer sur une note de M. Thierry Le Roy, Conseiller d’État, relative à l’avenir et au statut de CulturesFrance, datée du 15 novembre 2008. Cette note d’une grande efficacité situait l’adaptation de CulturesFrance dans la perspective de la réforme du ministère des Affaires étrangères et européennes : « la politique de coopération, culturelle et technique, cède la place à une diplomatie d’influence où le culturel n’est qu’un élément (ou change de sens). Le ministère lui-même se réorganise en conséquence, dans son réseau à l’étranger comme dans ses services centraux, dont l’objet doit devenir plus “global”, moins étroitement culturel. Pour autant, on tient à garder une action culturelle identifiable, avec un opérateur qui reste CulturesFrance ».
Dans sa note, M. Thierry Le Roy confirmait que les critères qui se dégagent de la jurisprudence, notamment du Conseil constitutionnel, rappelés plus loin par votre Rapporteur dans son commentaire de l’article 1er du présent projet de loi, imposaient le recours à la loi pour transformer CulturesFrance en EPIC. Il précisait aussi le périmètre souhaitable de ses compétences et de ses missions.
Enfin, un rapport commandé à M. Bernard Faivre d’Arcier (10), administrateur civil et ancien directeur du festival d’Avignon, et remis au Gouvernement le 25 février 2009, a permis de dégager une approche comparative des missions, des statuts et des moyens des dispositifs d’action culturelle à destination de l’étranger qu’ont constitués quatre grands pays européens : la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne.
Notre pays y apparaît comme un cas particulier avec un double réseau, composé d’une part de centres et instituts culturels fortement dépendants des ambassades, d’autre part d’Alliances françaises, organisations locales autonomes mais dont les principales implantations bénéficient d’un soutien public. Le rapport rappelait que l’association CulturesFrance avait vocation à servir ce double réseau, dont elle demeurait pourtant juridiquement distincte.
Par contraste, les gouvernements allemand et britannique ont confié l’ensemble de la responsabilité culturelle à des organismes publics dotés d’une très large autonomie : le British Council et le Goethe Institut. La transposition « tels quels », en France, de ces modèles qui d’ailleurs ne se confondent pas entre eux, ne pourrait pas être envisagée sans précaution, soulignait le rapport. Certes, ils présentent des avantages apparents, notamment en termes de visibilité, mais le réseau des établissements culturels français conduit de très longue date des opérations remarquées dans un cadre institutionnel qu’il s’agit d’améliorer et non de bouleverser.
Le principal écueil d’un modèle tel que celui du British Council résiderait dans la coupure qu’il pourrait créer entre le réseau des établissements culturels, qui ont vocation à poursuivre l’élargissement de leurs missions aux enjeux globaux, et l’ambassadeur dont la réforme de notre action extérieure accroît la responsabilité dans la coordination de l’ensemble de nos politiques publiques sous l’autorité du Gouvernement et en garantit la cohérence. Selon M. Faivre d’Arcier, fragiliser le rôle de l’ambassadeur compromettrait ainsi la participation à nos politiques de coopération des institutions qui contribuent largement à leur mise en œuvre, en particulier le ministère de la Culture et de la communication et celui de l’Éducation nationale.
Par ailleurs, des difficultés pourraient apparaître au regard du statut, actuellement couvert par des accords bilatéraux, des personnels ainsi que des emprises immobilières. Le recrutement par l’agence des personnels servant dans le réseau conduirait à une plus grande rigidité de leur cadre d’emploi, ce qui va à l’encontre des objectifs de souplesse et de diversité de recrutement poursuivis.
À bien des égards, la réforme annoncée du réseau culturel et de son pilotage a pris en 2009, sur la question des liens entre l’agence culturelle et le réseau décrit plus haut des SCAC et des EAF implantés à l’étranger, des allures de feuilleton, dont les épisodes sont les suivants (11) :
– sur fond de polémique quant à la nette diminution des moyens d’intervention des postes en matière culturelle, le ministre des Affaires étrangères et européennes a, au mois de mars 2009, annoncé en conférence de presse, parmi d’autres chantiers de modernisation du ministère, une ambitieuse réforme de l’action culturelle extérieure. On pouvait lire dans la plaquette de présentation, à propos de la création d’une grande agence culturelle : « Une équipe de préfiguration composée de parlementaires et de personnalités de la culture précisera d’ici juillet 2009 les contours de cette agence et le calendrier de sa mise en marche. Sa création sera proposée au Parlement dans le cadre d’un projet de loi » ;
– l’équipe de préfiguration a proposé plusieurs schémas au ministre, qui devait annoncer sa décision au Palais des Congrès, le 16 juillet 2009, à l’occasion des Journées du réseau, le rendez-vous annuel des acteurs de l’action culturelle et de la coopération. Or l’annonce a été celle d’un report de la décision, afin de prendre le temps de la concertation au sein du réseau ;
– c’est dans ce contexte qu’a été déposé au Sénat, le jour de son adoption par le Conseil des ministres du 22 juillet 2009, le présent projet de loi qui crée la catégorie des « établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France » et institue les deux premiers d’entre eux, sous forme d’EPIC ;
– le 28 août 2009, dans son discours de clôture de la Conférence des ambassadeurs, le ministre a confirmé avoir confié cette mission de consultation à Mme Delphine Borione, nouvelle directrice de la politique culturelle et du français à la DGM. Il a précisé avoir confié à M. Dominique de Combles de Nayves, fin connaisseur du ministère et membre actif de la Commission du Livre blanc en 2007-2008, une expertise des questions techniques posées par la réorganisation envisagée. Le questionnaire est reproduit page suivante.
Interrogé à propos du résultat de la consultation des postes au cours de son audition par la commission des Affaires étrangères le 13 octobre 2009, le ministre a indiqué avoir reçu le rapport de M. de Combles de Nayves et il a déclaré : « Quant à l’inquiétude qu’inspirerait la réforme, elle m’a conduit à envoyer un questionnaire à nos 16 000 agents : nous n’avons eu que 450 réponses, dont dix de la part d’ambassadeurs… L’anxiété n’est donc peut-être pas si grande. »
Quel est le nœud du problème ? Non pas tant la transformation de CulturesFrance en EPIC, qui est une réforme attendue depuis maintenant plusieurs années. Mais l’articulation qui sera instaurée entre cet EPIC et le réseau des SCAC, EAF et autres centres et instituts culturels de par le monde. Un article du Monde (12) a exposé, dans la foulée de l’atermoiement de juillet, la thèse des crispations engendrées par ce choix délicat : le réseau culturel lato sensu doit-il demeurer en l’état, étroitement dépendant de l’administration centrale qu’est la DGM, ou bien doit-il dépendre en premier ressort de la future agence culturelle ?
QUESTIONNAIRE AUX POSTES SUR LA RÉORGANISATION DU RÉSEAU CULTUREL
I – Conséquences statutaires et fiscales, dans votre pays de résidence, d’un éventuel rattachement des établissements à autonomie financière – centres culturels et instituts français – à un établissement public dont le siège serait à Paris
1 – La convention de Vienne (art. 1) fait référence à la notion de mission diplomatique. Cette notion s’applique-t-elle actuellement aux EAF de votre pays de résidence et s’appliquerait-elle dans l’hypothèse de leur rattachement à l’EPIC ?
2 – Quel serait le statut juridique et fiscal de la représentation locale de cet EPIC en comparaison de celui accordé actuellement à des établissements rattachés à d’autres établissements publics français (exemples : agence AFD, lycée en gestion directe, Ubifrance…) ?
* À quelle imposition les activités commerciales des CCF et des IF de votre pays de résidence (cours, certifications, CEF, cafétéria, ticketing…) sont-elles aujourd’hui assujetties ? Quelles modifications entraînerait un rattachement de ces établissements à un EPIC ?
* Quelles seraient les conséquences fiscales sur le chiffre d’affaires de la représentation locale, notamment vis-à-vis des recettes externes (mécénat, sponsoring…) ?
* Quelles seraient les conséquences réglementaires et fiscales d’un transfert de propriété notamment en matière de taxe foncière ?
3 – Quels pouvoirs et compétences convient-il que l’ambassadeur détienne vis-à-vis de la représentation locale au regard de la programmation des activités (programmes et budgets) ?
II – Conséquences en matière de gestion des ressources humaines, dans votre pays de résidence, d’un éventuel rattachement des établissements à autonomie financière – centres culturels et instituts français – à un établissement public dont le siège serait à Paris
A – Personnels expatriés
1 – Au sein d’une éventuelle représentation locale de l’EPIC, quel serait le statut juridique et fiscal des personnels expatriés ? S’ils sont envoyés par le ministère des Affaires étrangères et européennes ? S’ils sont envoyés par l’établissement public ?
2 – La transformation du statut de l’établissement aurait-elle des conséquences en matière d’obtention des visas et permis de travail des personnels envoyés par le MAE ? Par l’établissement public ?
3 – Quels pouvoirs et compétences convient-il que l’ambassadeur détienne vis-à-vis de la représentation locale au regard de la carrière des cadres (nomination, évaluation) ?
B – Personnels locaux
1 – Quelles seraient les modalités de transfert des agents de droit local d’un SCAC ou d’un EAF vers la représentation locale de l’EPIC ? Cette évolution pourrait-elle reposer sur une continuité juridique des contrats des intéressés ou nécessiterait-elle une mesure de licenciement de l’ancienne entité ?
2 – Ce transfert aurait-il des conséquences pour la fiscalité pesant sur les agents ?
3 – À quels montants seraient approximativement susceptibles de s’élever les coûts induits par le basculement dans l’EPIC des agents de droit local (ADL) ?
4 – Ce transfert aurait-il des conséquences spécifiques pour les ADL de nationalité française (préférence nationale accrue hors ambassade pour les recrutements, visas, permis de travail) ?
III – Retour d’expérience
Quels enseignements retirez-vous de la mise en place des antennes d’UBIFrance dans votre pays de résidence, en particulier en ce qui concerne la bonne coordination de l’action publique sous votre autorité ?
Quelles sont les conditions de fonctionnement des opérateurs linguistiques et culturels de nos partenaires européens ?
IV – Pour les pays où n’existent pas de centres culturels ou d’instituts français, sous quelle forme envisagez-vous une représentation de l’EPIC ?
Tel était donc l’enjeu des annonces ministérielles attendues à l’automne. Par lettre en date du 27 octobre 2009 adressée à l’ensemble des agents du réseau culturel, le ministre a indiqué : « Je souhaite qu’après une période de trois ans de mise en œuvre de ce nouveau dispositif [la fusion, à l’échelon local, des centres culturels et des SCAC, sous un nom qui serait le même que celui de l’agence parisienne], un rendez-vous soit pris pour évaluer son fonctionnement et envisager le rattachement administratif du réseau à l’agence. Je suis personnellement favorable à cette évolution, qui n’est toutefois, compte tenu de ses conséquences administratives et financières, envisageable qu’à terme. »
Il reste donc à trancher vraiment ; ce à quoi votre Rapporteur entend aider dans le cadre du présent projet de loi.
Au-delà des questions techniques du statut de CulturesFrance et des liens que la future « grande agence culturelle » doit entretenir avec le réseau culturel extérieur décrit plus haut dans toute sa diversité, chacun sent bien que le malaise est plus profond. Il est très bien décrit − non sans un certaine verve polémiste − par M. Frédéric Martel, en des termes qui suscitent un salutaire débat, que votre Rapporteur a voulu effleurer dans le bref laps de temps durant lequel il a mené ses auditions sur le présent projet de loi.
« Que peut la France dans cette bataille mondialisée ? demande M. Frédéric Martel dans sa note précitée pour le compte de la Fondation Terra Nova. Quels sont les moyens dont elle dispose ? Peut-elle peser dans cette guerre des contenus et disposer d’un soft power ? Tous nos regards se tournent vers notre diplomatie et notre dispositif culturel. C’est une double erreur.
« La première erreur consiste à croire que notre réseau culturel diplomatique est prêt à affronter cette bataille. Il est largement impuissant et trop archaïque pour le faire. Notre réseau culturel est déprimé, ses moyens dilués, sa gouvernance obsolète, ses nominations politisées ou dictées par l’énarchie diplomatique − bref il ne fonctionne plus. Un projet de loi, porté par Bernard Kouchner, est discuté actuellement au Parlement pour doter la France d’une grande agence culturelle. C’est une bonne chose et le ministre des affaires étrangères a eu le mérite de se battre pour la création de cette agence. Pourtant, la montagne accouche d’une souris. Le projet ambitieux de rattacher les conseillers culturels, les attachés audiovisuels et les instituts français à cette agence, voulu par M. Kouchner, a été tué dans l’œuf par l’Élysée (*). Depuis, on ne compte plus les rapports et les missions commandées sur le sujet, mais l’agence est mort-née. Elle pourrait s’appeler “Institut Victor Hugo”, ce qui serait peu satisfaisant pour porter l’indispensable dimension de soft power, la priorité numérique, les débats d’idées et les cultures les plus contemporaines. Surtout, elle n’aurait pas plus de moyens que l’actuelle “CulturesFrance”, et son périmètre ne serait guère élargi. À moins que les parlementaires modifient radicalement le projet de loi qui devrait arriver en débat à l’Assemblée nationale au printemps, la nouvelle agence ne servira à rien. »
(*) Les recommandations d’une mission de préfiguration de cette agence, dirigée par Pierre Sellal, reprises par le ministre des affaires étrangères, tendaient à la création d’une grande agence à laquelle le réseau culturel serait rattaché. L’annonce devait en être faite le 16 juillet 2009, devant l’ensemble du réseau culturel. On sait peu que le matin même, M. Jean-David Levitte, conseiller diplomatique du président Sarkozy, s’est rendu en personne dans le bureau de M. Kouchner pour lui interdire cette annonce.
Le ton est emporté mais l’analyse n’est pas entièrement dépourvue de pertinence… Il est cependant possible − il suffit de le vouloir − de voir dans le présent projet de loi une étape sur le long chemin d’une réforme de grande ampleur.
Votre Rapporteur le montrera plus loin dans son commentaire de l’article 6 du projet tel que modifié et augmenté par le Sénat : la transformation de CulturesFrance se fera dans un premier temps sur une base minimum.
Pour être exact, la toute première étape de l’évolution de CulturesFrance vers une agence culturelle a été réalisée au début de 2009, avec le transfert des crédits du livre et de l’audiovisuel en provenance de l’administration centrale. La création de l’établissement public se traduira pour l’opérateur par la consolidation de ce transfert et par l’acquisition de compétences complémentaires – programmes de français, formation des agents expatriés et recrutés locaux –, qui doivent en faire l’instrument privilégié de la relance de notre action culturelle à l’étranger.
Initialement, c’est le décret relatif à l’organisation administrative, financière et comptable de l’agence qui devait préciser les modalités de la tutelle de l’établissement ainsi que son organisation et ses relations avec les postes diplomatiques et avec le réseau culturel. Le Sénat a cependant inclus dans le corps même de la loi la tutelle unique du ministère des Affaires étrangères et européennes et a commencé à aborder le sujet des liens entre l’agence et le réseau, à l’article 1er d’une part, et à l’article 6 ter d’autre part.
Quant au financement de cette agence culturelle, il proviendra à la fois des pouvoirs publics et des ressources propres de l’établissement. La création d’un EPIC doit justement permettre une recherche plus efficace de financements extérieurs et de co-financements.
De longs débats ont focalisé l’attention sur le nom à donner à la nouvelle agence culturelle… Alors : « Institut français » ou « Institut Victor Hugo » ? Disons-le tout net, votre Rapporteur n’a pas l’intention de modifier le texte sur ce point, pour une série de raisons :
– cette question n’est pas du domaine de la loi ;
– une dénomination ne fait pas une stratégie. Concentrons-nous sur ce qui en vaut la peine ;
– la dénomination d’Institut français qui figure actuellement dans le texte est compatible avec le rapprochement – y compris celui des logos futurs de leurs implantations locales respectives – qu’opèrent à l’heure actuelle le Quai d’Orsay et la Fondation Alliance française ;
– cette dénomination « générique » est également compatible avec le maintien, « en sous-titre » en quelque sorte, des noms propres existants, toujours très pertinents localement, comme en témoigne l’encadré suivant.
CENTRES ET INSTITUTS CULTURELS À NOM PROPRE
CCF Blaise Cendrars à Douala (Cameroun)
Centre culturel André Malraux à Brazzaville (Congo)
Centre culturel Arthur Rimbaud à Djibouti
CCF Saint-Exupéry à Libreville (Gabon)
CCF Alexandre Dumas à Tbilissi (Géorgie)
Centre culturel Alcibiade Pommayrac à Jacmel (Haïti)
Centre culturel franco-italien Galliera à Gênes (Italie)
CCF Romain Gary à Jérusalem Ouest
Centre culturel Albert Camus à Tananarive (Madagascar)
CCF Charles Baudelaire à Rose Hill (Île Maurice)
Centre culturel franco-nigérien Jean Rouch à Niamey (Niger)
Institut français Charles Nodier à Ljubljana (Slovénie)
Source : d’après l’annuaire en ligne du réseau culturel sur www.diplomatie.gouv.fr
Comme votre Rapporteur le dira plus loin dans son commentaire de l’article 6 ter, rattacher ou non le réseau peut sembler une alternative simple à formuler sur le papier ; M. Dominique de Combles de Nayves, dans son rapport d’octobre dernier, très éclairant et très précis, en a montré toutes les implications, pour les personnels concernés ainsi que pour les structures – agence elle-même, postes à l’étranger et Département. Il évalue ainsi à 29 millions d’euros le coût total instantané du transfert à l’agence pour l’action culturelle extérieure des quelque 3 850 agents de droit local des EAF et des SCAC intervenant dans le domaine culturel. Quant au coût instantané du transfert à l’agence de l’intégralité des 6 866 agents de droit local, il s’élèverait à 50 millions d’euros. Si l’on y ajoute les charges de personnel récurrentes, au total, l’opération de transfert représenterait un coût compris entre 55 et 75 millions d’euros.
M. Thierry Le Roy n’allait pas, dans sa note précitée, jusqu’à envisager une telle évolution. S’agissant des liens entre l’agence culturelle et le réseau, il préconisait de transformer en véritables représentants de l’agence, sous l’autorité de l’ambassadeur, les personnels travaillant au sein des postes en tant que correspondants de ladite agence. Cette position intermédiaire entre le statu quo et le rattachement pur et simple à la seule agence mérite d’être examinée également.
Désireuses de marquer, dans un texte dépourvu de toute mention à cet égard, leur prise de position en faveur du rattachement du réseau à l’agence, les commissions des affaires étrangères et des affaires culturelles du Sénat ont obtenu un rapport sur le sujet à un horizon de trois ans, et posé le principe d’une expérimentation.
Votre Rapporteur entend saisir cette occasion qui se présente d’expérimenter en vraie grandeur, sur une base juridique solide, le fameux rattachement. Une évaluation périodique de cette expérimentation permettra au Gouvernement et au Parlement de trancher définitivement ; mais au moins, trois années n’auront-elles pas été perdues pour la réforme.
Sans reprendre à son compte l’entièreté de ses analyses, votre Rapporteur veut une dernière fois citer la réflexion de M. Frédéric Martel sur le « que faire ? » à propos de l’action culturelle extérieure de la France dans le contexte de la mondialisation ; ce que l’auteur appelle « la bataille du soft power ».
Il identifie quatre priorités à cet égard :
− séparer le culturel du diplomatique, en coupant le « cordon ombilical » entre les ambassades et le réseau culturel ;
− séparer l’art des industries culturelles afin d’avoir des professionnels qui, « au lieu d’organiser des séances de cinéma d’art et d’essai et les dîners culturels des ambassadeurs », puissent se concentrer sur les négociations avec les câblo-opérateurs, les fournisseurs d’accès à Internet, les maisons de production télévisées, les opérateurs de téléphonie mobile et les groupes de médias ;
− affirmer l’autonomie de la recherche et du débat d’idées à l’égard de la diplomatie ;
− passer à l’ère numérique.
M. Frédéric Martel estime que, sur ces trois premières priorités, « le ministère des Affaires étrangères a un quart de siècle de retard » ; et qu’à propos de la quatrième, « il en est encore au stade analogique et au papier ». Sa note pour le compte de la fondation Terra Nova comporte, en miroir de cette déclinaison de priorités manquées par le quai d’Orsay, quatre propositions pour améliorer la situation.
Il s’agirait en premier lieu de créer des « bureaux des industries culturelles » dans la cinquantaine de capitales des médias et des industries créatives à travers le monde. Chacun de ces bureaux serait rattaché à la nouvelle agence culturelle si celle-ci est véritablement autonome, au ministère de la culture ou bien à UBIFrance − dont l’auteur loue l’indépendance à l’égard des ambassades et la grande autonomie par rapport à sa tutelle. Une autre hypothèse, plus lointaine encore, serait que l’Union européenne se saisisse de ces questions, et crée elle-même de tels bureaux. Chacun de ces bureaux serait piloté par un professionnel riche d’une compétence reconnue dans l’un au moins des secteurs des industries créatives (cinéma, musique, Internet ou livre), qui accepterait de prendre en charge également les autres secteurs, même si chaque bureau peut avoir une dominante. Votre Rapporteur salue le pragmatisme de cette approche ; à titre d’exemple de ces « dominantes », M. Martel cite le cinéma et la télévision à Los Angeles, le numérique à San Francisco, le cinéma à Mumbai et au Caire, le livre à New York et Londres, la musique à Miami et Londres. Il ajoute que ces professionnels devraient être formés et disposer d’un emploi pérenne, au-delà de ce que le Quai d’Orsay accorde actuellement et qu’il évalue à deux ou quatre années au maximum, voyant dans cette instabilité « l’une des raisons de la médiocrité du réseau et de la perte de sa mémoire collective ».
Deuxième proposition, très influencée par l’expérience personnelle de l’auteur, ancien membre du Centre d’analyse et de prévision du Quai d’Orsay : il s’agirait de créer auprès du Président de la République un Centre d’analyse et de prévision, sur le modèle du Centre d’analyse économique placé, lui, auprès du Premier ministre. M. Martel préconise, après l’absorption de l’ancien CAP du ministère des Affaires étrangères au sein d’une direction administrative, que soit confiée la direction d’une structure de ce genre à un spécialiste renommé des questions internationales. Il pourrait ensuite, avec des financements suffisants, confier à des chercheurs des missions limitées dans le temps, assorties de réelles obligations de production.
En troisième lieu, il s’agirait de refonder la direction générale de la Mondialisation du ministère des Affaires étrangères − pourtant créée en mars 2009 −, que M. Frédéric Martel qualifie de « machine administrative inadaptée pour couvrir la culture, le numérique, le soft power, le développement, la bataille des droits sportifs télévisés ou l’influence par les talks-shows ». Ces matières devraient donc être laissés à des agences indépendantes, même si la tradition française n’est pas en ce sens. De même, le concours, la fonction et la mission de diplomate ne préparent pas, dit-il, au soft power : il faut donc « complètement “dé-diplomatiser” les postes de conseillers culturels et d’attachés culturels, pour les confier à des professionnels recrutés sur la durée, indépendamment du Quai d’Orsay. »
La quatrième proposition n’est qu’esquissée : il faudrait doter la France d’outils numériques puissants, notamment d’un portail culturel et du débat d’idées, lequel pourrait être rattaché à l’agence culturelle, si celle-ci devait être autonome à l’égard du Quai d’Orsay ; à défaut, il devrait au moins être indépendant.
Il n’était évidemment pas possible d’aller aussi loin d’emblée dans le présent projet de loi, à supposer d’ailleurs qu’il faille passer par loi pour ce faire. Quoi qu’il en soit, un premier pas, attendu depuis des années, est franchi.
III – LES ENJEUX DE L’EXPERTISE ET DE LA MOBILITÉ INTERNATIONALES : LE TEXTE CRÉE-T-IL LE BON OUTIL ?
Votre Rapporteur l’écrivait déjà dans son rapport de la fin 2006 sur la politique de la France vis-à-vis des pays émergents dans la mondialisation (13), notamment dans la première partie, intitulée Investir dans l’intelligence et la formation des hommes : « Dans le contexte international désormais concurrentiel de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’accueil d’étudiants et de chercheurs étrangers […] [constitue] un enjeu essentiel de la stratégie d’influence de la France. »
Les statistiques de l’époque étaient déjà éloquentes ; elles ne le sont que davantage aujourd’hui :
ÉVOLUTION DU NOMBRE D’ÉTUDIANTS ÉTRANGERS DANS 7 PAYS D’ACCUEIL
Source : d’après Campus France, Les étudiants internationaux : chiffres-clefs 2009.
Ainsi, avec plus de 260 000 étudiants étrangers dans ses établissements d’enseignement supérieur, la France est un des premiers pays d’accueil au monde, au même niveau que l’Allemagne, mais derrière les États-Unis et le Royaume-Uni. Un étudiant sur huit séjournant hors de leur pays d’origine poursuit ses études dans notre pays. Ce retour aux niveaux des années 1970-80 n’est pas le fruit du hasard, mais d’une politique volontariste de l’État. Tous types d’établissements et de formation confondus, le nombre d’étudiants étrangers accueillis en France a évolué comme suit depuis 1999 :
ÉVOLUTION DU NOMBRE D’ÉTUDIANTS ÉTRANGERS
DANS LES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DEPUIS 2001
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 | |
Total étudiants étrangers |
196 748 |
221 471 |
244 335 |
255 585 |
265 710 |
263 094 |
260 596 |
266 448 |
Total étudiants |
2 163 902 |
2 208 421 |
2 256 150 |
2 269 797 |
2 283 267 |
2 253 832 |
2 231 495 |
2 231 745 |
% sur total des étudiants |
9,1 % |
10 % |
10,8 % |
11,3 % |
11,6 % |
11,7 % |
11,7 % |
11,9 % |
Université et assimilés |
154 749 |
174 864 |
194 194 |
202 836 |
209 523 |
208 007 |
204 290 |
207 144 |
Autres établissements |
41 999 |
46 607 |
50 141 |
52 749 |
56 187 |
55 087 |
56 306 |
59 304 |
Source : Campus France, Les étudiants internationaux : chiffres-clefs 2009. |
Pourtant, comme le soulignait M. Pierre Buhler dans son rapport de décembre 2005 sur la mobilité universitaire (14), il se trouve des voix pour critiquer une telle croissance, en particulier à partir de l’argument non justifié du mauvais contrôle des flux migratoires. Cette attitude est en grande partie due à l’origine des étudiants étrangers venant poursuivre leur cursus en France, marquée par l’histoire de la présence française au Maghreb en particulier. C’est ce qu’illustre le tableau suivant (où les totaux diffèrent du tableau précédent car en l’espèce, la notion d’étudiants est ici entendue plus strictement) :
LES 10 PREMIERS PAYS D’ORIGINE DES ÉTUDIANTS INTERNATIONAUX EN FRANCE DE 2001 À 2007
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 | |
Maroc |
24 284 |
29 504 |
34 826 |
32 802 |
29 859 |
29 299 |
27 684 |
Algérie |
12 572 |
14 056 |
18 432 |
22 250 |
22 228 |
21 641 |
20 125 |
Chine |
3 068 |
5 477 |
10 665 |
11 514 |
14 316 |
17 132 |
18 836 |
Tunisie |
6 921 |
7 843 |
9 409 |
9 748 |
9 750 |
10 386 |
10 533 |
Sénégal |
5 114 |
6 123 |
7 978 |
8 329 |
8 766 |
9 399 |
9 302 |
Allemagne |
5 287 |
5 276 |
6 908 |
6 698 |
5 887 |
6 565 |
6 947 |
Cameroun |
3 315 |
3 563 |
4 612 |
4 963 |
5 043 |
5 387 |
5 570 |
Liban |
2 798 |
3 219 |
4 420 |
4 671 |
4 695 |
5 083 |
5 391 |
Vietnam |
1 445 |
1 548 |
2 404 |
2 950 |
3 735 |
4 658 |
5 164 |
Italie |
3 722 |
3 813 |
4 740 |
4 686 |
4 021 |
4 455 |
4 970 |
Total des étudiants internationaux |
147 402 |
165 437 |
221 567 |
237 587 |
236 518 |
247 510 |
246 612 |
Source : Campus France, Les étudiants internationaux : chiffres-clefs 2009. |
Si l’on s’intéresse, pour compléter le panorama, aux filières, l’évolution s’effectue lentement mais une inflexion est perceptible :
Source : Campus France, Les étudiants internationaux : chiffres-clefs 2009.
L’attrait de notre pays pour les étudiants étrangers est un des facteurs principaux du rayonnement de la France dans le monde, de sa langue et de sa culture, de sa place dans les réseaux du savoir et de l’influence, de son « attractivité » pour les chercheurs, les ingénieurs, les cadres de l’« économie de la connaissance », ainsi que d’un transfert de savoir-faire vers les pays en développement. C’est aussi un problème budgétaire puisque les prestations d’enseignement supérieur offertes aux étudiants étrangers ont un coût pour la nation : de l’ordre de 3 milliards d’euros de fonds publics, selon l’estimation fournie à votre Rapporteur par M. Pierre Buhler au cours de son audition.
Les grands pays anglophones, dont les universités perçoivent des droits de scolarité souvent élevés, traitent la mobilité étudiante comme une recette d’exportation de services : selon le rapport Buhler de décembre 2005, une douzaine de milliards de dollars par an pour les États-Unis ; 4,5 et 2,5 milliards d’euros, respectivement, pour le Royaume-Uni et l’Australie. En France, la contribution demandée aux étudiants est sans commune mesure avec le coût de la prestation, ce que votre Rapporteur avait déjà signalé dans sa contribution précitée de 2006.
Selon M. Pierre Buhler, notre système se distingue de ceux des autres pays de stature comparable par une définition insuffisante de l’intérêt qui s’attache à la mobilité étudiante : « La conséquence en est une multiplicité de prismes par lesquels la politique publique est réfractée : composante de la politique étrangère, volet de la politique d’aide au développement et de coopération, levier de réforme du dispositif d’enseignement supérieur, élément de l’“attractivité” de la France, facteur de risque migratoire. De ces cinq angles, seuls les deux derniers font l’objet d’un traitement à un niveau interministériel ».
Autre caractéristique française, directement liée aux enjeux du présent projet de loi : la grande dispersion des intervenants, que votre Rapporteur avait lui-même déplorée dans sa contribution de 2006 et qui s’est heureusement réduite avec la création de Campus France au début de 2007. Il demeure toutefois possible de citer, pêle-mêle : les établissements d’enseignement supérieur et leurs instances représentatives, les postes diplomatiques et consulaires, les administrations centrales – éducation nationale et affaires étrangères au premier chef, mais aussi d’autres ministères dont celui chargé de l’immigration -, l’Agence française pour les investissements internationaux, les opérateurs que sont Campus France – et donc, outre le GIP en tant que tel, ses composantes Égide ou le CNOUS –, l’association dénommée Société française d’exportation des ressources éducatives, l’Agence Europe éducation formation France (« A 2e 2f », chargée en particulier de la gestion pour la France des programmes communautaires de mobilité étudiante) et l’Agence universitaire de la Francophonie, mais aussi les grandes entreprises et leurs fondations, les collectivités territoriales et enfin l’Union européenne elle-même. À l’évidence, le risque est grand de se heurter à un manque de pilotage et de vision stratégique.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la création, bienvenue, d’une agence universitaire, par transformation en EPIC du GIP Campus France. La question est de savoir si le périmètre de l’EPIC correspond exactement à ce qu’il est souhaitable de créer (cf. infra). Mais quant au principe de l’établissement lui-même, c’est la sage préconisation du rapport Buhler que le Gouvernement projette avec le présent texte : « un opérateur principal des mobilités universitaires et scientifiques, dont le statut serait celui d’un établissement public industriel et commercial, créé par la loi. »
Et le rapport de résumer ainsi l’esprit de cette recommandation : « Au total, le schéma de “gouvernance” proposé s’analyse en une redistribution des rôles et des responsabilités entre un échelon gouvernemental qui a vocation à définir, après avoir “entendu toutes les parties”, les fins et les moyens, c’est-à-dire la politique, un échelon opérationnel compétent pour la mettre en œuvre et un échelon de contrôle chargé du suivi et de l’évaluation. En “externalisant” des compétences de gestion vers un opérateur, cette redistribution implique une conversion des administrations centrales d’une fonction de gestionnaire à une fonction de stratège. C’est là, au vu des pratiques en vigueur dans les grands États développés, une condition de la modernité de l’action publique. »
Il faut également garder à l’esprit le fait que l’action de l’agence chargée de renforcer la mobilité universitaire en direction de la France s’inscrit dans un contexte fortement concurrentiel marqué par l’activisme déployé par nos partenaires pour former chez eux les élites étrangères. Or, la comparaison des moyens de CampusFrance avec ceux de ses homologues allemand et britannique est édifiante :
COMPARAISON ENTRE TROIS AGENCES EUROPEENNES | |||
CampusFrance |
DAAD |
British Council | |
Budget |
6,2 millions d’euros |
304 millions d’euros |
627 millions d’euros |
Dépenses de promotion |
6,2 millions d’euros |
60 millions d’euros pour l’internationalisation des établissements (partenariats, promotion etc..) |
312 millions d’euros pour l’éducation |
Nombre total d’agents |
296 dont : – 36 (dont 8 mises à disposition) à Paris ; – 260 recrutés par le MAE dans le monde |
649 dont : – 549 en Allemagne ; – 100 à l’étranger (hors lecteurs = 472) |
7 395 dont : – 1 010 au Royaume-Uni ; – 6 385 à l’étranger (y compris les enseignants) |
Nombre d’adhérents |
227 |
229 établissements et 125 organismes d’étudiants |
299 (Education UK Partnership) |
Nombre de bureaux à l’étranger |
113 espaces et 14 antennes dans 88 pays |
14 sièges et 49 centres d’information dans 53 pays |
197 bureaux dans 110 pays |
Votre Rapporteur ne disait pas autre chose lorsque, dans son rapport de 2006, il évoquait « la logique qui doit présider à une conception globalisée de la qualité de l’offre que nous pouvons présenter en matière de formation universitaire et scientifique dans un environnement de plus en plus concurrentiel. »
L’élément supplémentaire, sur lequel l’examen détaillé du présent projet de loi permettra de revenir, est bien cette « conception globalisée » : il s’agit d’« inclure, comme l’ont compris nos principaux partenaires européens et anglo-saxons, tous les éléments d’un package qui, de l’amont à l’aval, peut promouvoir l’attractivité de notre enseignement supérieur national. Elle doit en effet regrouper, pour les candidats étudiants étrangers, l’information et la promotion de nos différentes filières d’enseignement, une mission d’orientation, mais aussi les aspects relatifs, le cas échéant, à la gestion des bourses, et, en tout état de cause, la logistique liée à l’accueil, au suivi (tutorat), aux conditions d’hébergement, à la simplification des démarches administratives et aux facilités d’insertion. » Ainsi, à l’aube de la constitution du GIP Campus France, votre Rapporteur notait déjà que le regroupement d’Édufrance et d’Égide au sein de cette approche globale laissait toutefois pendant le positionnement du « CNOUS international », qui, au côté d’Egide, était alors et reste aujourd’hui le principal opérateur en matière de gestion des bourses et de prestations de service visant à une bonne insertion des étudiants étrangers. « Le projet actuellement à l’étude gagnerait à envisager l’inclusion du CNOUS au sein de Campus France, afin de favoriser définitivement la cohérence des actions menées par différents opérateurs nationaux (15) » : telle était l’analyse d’alors, qui n’a pas vieilli.
L’une des clefs de ce positionnement optimal du CNOUS à trouver, naguère en 2006, et toujours en 2010 ou au-delà, réside dans une concertation interministérielle plus approfondie que celle menée jusqu’à présent sur une initiative qui a paru essentiellement portée par le ministère des Affaires étrangères. Enfin, il s’agissait déjà, comme à l’heure actuelle, de bâtir un consensus, non seulement entre les principaux ministères concernés, mais également avec les différentes parties prenantes à cet effort de promotion de notre offre universitaire : conférence des chefs d’établissement de l’enseignement supérieur en tout premier lieu, mais aussi collectivités territoriales, fondations d’entreprise, etc. Le tout en se fondant sur une stratégie qui permette à la nouvelle agence de s’appuyer, dans son action, sur des priorités clairement définies au niveau gouvernemental, tant pour les pays à cibler que pour les filières d’enseignement à encourager, en suivant les orientations données en plus haut lieu.
B – LE MARCHÉ DE L’EXPERTISE ET LE POIDS DES THINK TANKS, DONNÉES ESSENTIELLES DE L’INFLUENCE À L’ÉCHELLE MONDIALE
L’expertise technique internationale est une matière rarement traitée et trop méconnue ; les enjeux en sont pourtant essentiels dans la présente mondialisation. Il faut par conséquent saluer les mérites de ce projet de loi qui consacre, tel qu’issu des travaux du Sénat, dix de ses vingt articles à ce thème : trois à un nouvel EPIC qui serait compétent dans ce domaine et sept à la rénovation du cadre de l’ex-coopération technique pour les différentes fonctions publiques, à savoir la loi du 13 juillet 1972.
Comme l’a écrit M. Nicolas Tenzer dans son rapport récemment consacré à ce sujet, l’un des principaux problèmes rencontrés en matière de gestion de l’expertise destinée aux programmes européens et internationaux provient de l’extraordinaire morcellement des opérateurs ou organismes pourvoyeurs d’experts, qui ne fait jamais que reproduire le fort cloisonnement entre les ministères. Chaque ministère étant potentiellement susceptible de développer une expertise internationale, une structure – parfois même plusieurs – a surgi au sein de chacun, doublant même dans certains cas un service chargé des affaires internationales lui-même engagé dans certains aspects de cette mission… Ces structures sont de forme juridique diverse et leur « chiffre d’affaires » autant d’ailleurs que leur « performance » sont très variables. Les relations entre ces organismes sont ténues et parfois inexistantes, malgré la présence fréquente de certains membres d’autres structures dans leurs conseils d’administration.
L’encadré suivant tente de dresser une liste aussi exhaustive que possible des différentes structures existantes, recensées pour l’essentiel par le rapport Tenzer :
LES DIFFÉRENTES STRUCTURES DE L’EXPERTISE INTERNATIONALE FRANÇAISE
– La société Défense Conseil international (DCI), liée au ministère de la Défense et aux principaux offices du secteur ;
– le groupement d’intérêt public ADETEF (Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières), agence de coopération internationale du ministère de l’Économie et du ministère du Budget ;
– la société CIVIPOL, liée au ministère de l’Intérieur et dans laquelle DCI détient une participation ;
– l’Institut des sciences et des techniques de l’Équipement et de l’Environnement pour le Développement (ISTED), association à but non lucratif qui dépend du ministère chargé de l’Équipement ;
– l’Agence de coopération juridique internationale (ACOJURIS), association régie par la loi du 1er juillet 1901 liée au ministère de la Justice ;
– le Centre international d’études pédagogiques (CIEP), établissement public national placé sous la tutelle des ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur ;
– le GIP France Coopération internationale (FCI), qui dépend du ministère des Affaires étrangères et européennes ;
– le GIP Inter lié au ministère chargé de l’Emploi ;
– le GIP Esther lié au ministère chargé de la Santé ;
– l’Agence pour le développement et la coordination internationale (ADECRI) créée par l’ensemble des organismes nationaux de sécurité sociale ;
– le GIP Santé et protection sociale internationale (SPSI) ;
– l’Agence pour le développement de la coopération internationale dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (ADECIA), liée au ministère de l’Agriculture ;
– France Vétérinaires International, lié aux services vétérinaires du ministère de l’Agriculture ;
– le Centre national d’expertise hospitalière (CNEH) lié aux structures d’hospitalisation publique.
Il faut naturellement y ajouter certaines directions d’administration centrale, parfois très performantes comme au sein du ministère de l’Agriculture et des ministères économiques et financiers, et des corps techniques de l’État et des corps de contrôle. Il faut aussi mentionner le service de coopération technique internationale de la police (SCTIP), qui gère l’ensemble de la coopération technique de la police, en liaison, pour la gendarmerie, avec la sous-direction de la coopération internationale de la direction générale de la gendarmerie nationale et dans le domaine militaire, la direction de la coopération militaire en matière de défense (DCMD).
On rappellera aussi le rôle important des instituts de recherche spécialisés, plus particulièrement le Centre de recherche internationale pour l’agriculture et le développement (CIRAD), l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et l’Institut Pasteur, mais aussi l’Institut national de recherche agronomique (INRA) et l’Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement (CEMAGREF).
S’y ajoutent des écoles (École nationale d’administration, École nationale de la magistrature, École nationale supérieure de la sécurité sociale notamment), des universités, des juridictions comme la Cour des comptes et le Conseil d’État et des structures dépendant d’établissements publics ou d’associations, comme le département de coopération technique de l’Agence française de normalisation (AFNOR). Nous pouvons également ajouter l’Institut géographique national (IGN), le Laboratoire national d’Essais, Météo France international et d’autres structures très spécialisées qui disposent d’experts au haut degré de technicité – telle l’agence France nucléaire international créée le 7 mai 2008 au sein du Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
Source : Nicolas Tenzer, L’expertise internationale au cœur de la diplomatie et de la coopération du XXIe siècle. Instruments pour une stratégie française de puissance et d’influence, Rapport au Premier ministre, au ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, au ministre des Affaires étrangères et européennes et au ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, 7 mai 2008, pp. 40-42.
L’audition de M. Pierre Buhler, directeur général depuis septembre 2009 du GIP France Coopération internationale, l’a bien montré : les enjeux du secteur sont fondamentaux, y compris sur les plans politico-commercial, économique voire culturel. L’expertise pèse d’un poids considérable pour les experts « professionnels » publics ou privés, mais aussi pour les entreprises françaises, qui seront bien plus à l’aise dans leur activité à l’étranger lorsque, par exemple, ce sont des experts français qui auront aidé localement à la récriture du droit commercial.
Quant aux enjeux financiers, citons ces seuls chiffres afin d’en donner un aperçu : les contrats d’expertise sur appels d’offres de la Banque mondiale représentent 47 milliards de dollars ; l’Union européenne finance 13 milliards d’euros d’aide extérieure, dont 9,5 milliards distribués par Europe Aid. Pour M. Nicolas Tenzer, les ordres de grandeur sont les suivants : 500 milliards d’euros de marchés d’expertise dans les cinq années qui viennent, les travaux induits par les marchés d’expertise représentant quant à eux, selon un rapport de 1 à 50, un montant cumulé avoisinant donc 25 000 milliards d’euros…
En France, les opérateurs privés sont de bons compétiteurs internationaux dans le domaine de l’expertise technique. Les opérateurs publics en revanche, comme on vient de le voir, sont émiettés, relevant souvent d’un seul ministère ; ils n’ont pas la taille critique, à la différence de l’opérateur allemand GTZ (Deutsche Gesellschaft für technische Zusammenarbeit).
LA GTZ, PRINCIPALE AGENCE DE COOPERATION TECHNIQUE ALLEMANDE
Une place majeure au sein du paysage institutionnel
La politique de développement allemande est menée pour l’essentiel par un ministère de la coopération indépendant (BMZ – Bundesministerium für wirtschaftliche Zusammenarbeit und Entwicklung) qui s’appuie sur plusieurs acteurs. Le BMZ mandate des structures fédérales (KfW, GTZ, InWEnt ou DED) pour appliquer les accords de développement. Le BMZ affecte également 10 % de son budget au financement de projets menés par les Églises, les fondations politiques et les ONG. D’autres ministères (affaires étrangères, environnement) ont par ailleurs des moyens croissants pour l’aide au développement et financent également des projets.
La GTZ, créée en 1975, est une entreprise de droit privé appartenant à l’État fédéral, sous tutelle conjointe du BMZ et du ministère des Finances. Son conseil d’administration comporte des représentants du Gouvernement mais aussi des parlementaires, notamment de la commission des Finances. GTZ n’est pas un simple opérateur de coopération technique, c’est une véritable société de services très engagée sur le management global de projets ayant une composante de renforcement de capacités institutionnelles mais comportant aussi des marchés de fournitures.
La GTZ a réalisé un chiffre d’affaires consolidé d’environ 1,5 milliard d’euros en 2009. Elle dispose de bureaux dans 87 pays et emploie 9 000 personnes, dont 8 000 sur le terrain pour la mise en œuvre des programmes.
Elle couvre tous les champs d’activité : économie et emploi, gouvernance et démocratie, santé, éducation, protection sociale, eau, énergie, transports, politique agricole, changement climatique, sécurité, reconstruction et paix.
L’autre agence fédérale de taille importante, InWEnt GmbH (Internationale Weiterbildung und Entwicklung), regroupant un millier de personnes environ, active dans le monde entier pour le développement du personnel et la formation continue, conduit 60 % de ses programmes en tant qu’agence d’exécution du BMZ, mais travaille également au profit d’autres ministères et institutions internationales. Elle devrait fusionner avec la GTZ dans le courant de 2011.
Une organisation interne en apparence segmentée
La GTZ comporte deux branches principales, avec deux comptes d’exploitation séparés mais un seul bilan financier.
- Une branche « commettants publics » qui représente 80 % de l’activité
L’offre de services comprend l’activité bilatérale sur financements allemands, pour le compte de la coopération bilatérale allemande au nom du BMZ (ministère de la Coopération) ou d’autres ministères. Les bureaux à l’étranger y concourent directement. Par exemple, le bureau d’Erevan a engagé des experts qui ont rédigé le projet de loi arménienne sur la Cour des comptes.
Par ailleurs, cette branche assure aussi l’appui à la préparation des réponses aux jumelages de l’UE, la gestion et la logistique de jumelages, ainsi que l’organisation de sessions de formation des chefs de projet et des conseillers-résidents de jumelage (16).
- Une branche « consulting » appelée GTZ International Services, créée en 2002
GTZ-IS n’intervient que pour des contrats sur appels d’offres ou de gré à gré. Son chiffre d’affaires est de l’ordre de 300 millions d’euros par an (20 % du chiffre d’affaires total de GTZ). GTZ-IS a peu d’antennes en propre, et s’appuie pour l’essentiel sur le réseau général des bureaux GTZ à l’étranger.
GTZ-IS intervient sur six thématiques : construction (infrastructures et superstructures), énergies renouvelables (liées à l’environnement et au climat), santé, formation professionnelle, eau, gouvernance (essentiellement pour les domaines économique et financier). Partout où cela est possible, GTZ-IS prépare des offres en liaison avec des entreprises privées dans une logique d’entraînement à l’égard du tissu économique.
Le thème de la gouvernance représente 10 % du chiffre d’affaires de GTZ-IS, soit 30 millions d’euros par an.
GTZ considère que ses frais de structures ne lui permettent pas de réaliser de « petits » projets, dont le coût de coordination et management est équivalent à celui de projets plus gros. De ce fait les projets de contrats dont la part GTZ-IS est en dessous de 2 millions d’euros dans ces quinze zones prioritaires (et 5 millions d’euros hors des pays cibles) ne sont pas, sauf exception, examinés par GTZ.
Cependant, ayons garde de nous leurrer à propos du « modèle » allemand :
– d’une part, dans les faits, l’accès à l’expertise publique se révèle difficile. Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, il apparaît que GTZ a des difficultés pour mobiliser l’expertise publique au sein des ministères fédéraux et régionaux. La raison la plus souvent avancée est que GTZ apparaît comme une institution extérieure. Cela conduit la coopération administrative allemande à s’appuyer beaucoup sur l’expertise privée allemande et étrangère ;
– d’autre part, GTZ est en fait un agencement de filiales davantage qu’un opérateur intégré.
Ce dernier point pose directement la question du « meccano institutionnel » abordée plus loin.
Auparavant, votre Rapporteur veut souligner, bien que plus modestes, les apports du titre II du présent projet de loi, concernant le « toilettage » du régime légal de l’ancienne coopération technique.
La réforme du dispositif de coopération internationale tient une grande place dans la modernisation de la politique d’aide au développement. Cette réforme vise à la fois à moderniser une assistance technique française qui prend de plus en plus la forme d’un appui à maîtrise d’ouvrage pour accompagner le renforcement institutionnel et les politiques publiques des pays partenaires, à mettre en place de nouvelles modalités de mobilisation de l’expertise technique internationale, et à faciliter l’accès aux crédits de l’aide publique au développement, qui transitent de façon croissante par les organisations multilatérales.
Ce projet est dans la droite ligne de la réforme des outils de la coopération française engagée en 1998 avec la fusion du ministère de la Coopération et du ministère des Affaires étrangères, qui s’est prolongée par les décisions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement de 2004
– sur le transfert de compétence à l’Agence française de développement – et de 2005 – donnant au GIP France Coopération internationale compétence dans le domaine de la gestion de l’expertise technique publique.
Ce projet est également cohérent avec les orientations de la coopération française qui visent à privilégier les actions concourant au développement de la gouvernance démocratique. Il s’agit de faire du renforcement des capacités des pays bénéficiaires la finalité principale de l’expertise technique internationale publique, en vue d’une meilleure appropriation des politiques de développement.
Le projet d’ensemble constitue essentiellement une réforme de la politique des ressources humaines pour la coopération institutionnelle internationale. Son impact, attendu par de nombreux acteurs, sera :
− de mettre effectivement en œuvre les principes de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement, datant de 2005, qui fait du maître d’ouvrage la pierre angulaire du dispositif ;
− de présenter une vision globale et cohérente de la politique de coopération institutionnelle de la France, sans cloisonnements entre zones géographiques (zone de solidarité prioritaire et reste du monde), formes d’intervention et acteurs impliqués ;
− de réunir l’expertise technique internationale dans un dispositif intégrant les fonctions conjointes de formation, de capitalisation et d’évaluation.
Sur un plan concret, il s’agit d’une mutation en profondeur de l’expertise internationale française, dans une logique d’obligation de résultat, qui passe par une diversification des équipes d’experts : moins d’expertise de long terme, remplacée par de l’expertise de court et moyen terme intervenant en appui des experts résidents dont les missions et responsabilités seront réévaluées.
Le titre II du texte proposé par le Gouvernement rénove le cadre juridique de l’expertise technique internationale, défini par la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d’États étrangers. Il s’agit donc du volet proprement « fonction publique » de l’expertise internationale, quand la création projetée d’un opérateur au statut d’EPIC renvoie à la stratégie à déployer pour remporter des appels d’offres internationaux. Les enjeux, par conséquent, ne sont pas du même ordre mais l’intervention de la loi est nécessaire dans les deux cas.
La situation actuelle, dans le cadre de la loi du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d’États étrangers, se caractérise par la mobilisation d’experts techniques internationaux, ou assistants techniques, pour des missions principalement de longue durée auprès de pays principalement d’Afrique, d’Asie du Sud-Est, d’Amérique latine ou des Caraïbes. Ces experts sont, pour partie, encore gérés par le ministère des Affaires étrangères et européennes et pour partie par France Coopération internationale, appelé à devenir l’un des éléments constitutifs du futur EPIC chargé de la mobilité internationale. Cette situation entraîne souvent une confusion de fait entre les fonctions de bailleur de fonds, de maître d’ouvrage et de maître d’œuvre opérationnel.
Elle est également pénalisante, comme l’a souligné le rapport Tenzer précité. En ne réformant pas son mode d’approche, la France prendrait du retard dans les réponses à la demande et son influence ne pourrait que diminuer. Nos principaux partenaires au niveau européen se sont organisés en conséquence, en vue d’être réactifs aux demandes d’assistance technique. La plupart ont externalisé la gestion de leur assistance technique (Inwent en Allemagne, FORMEZ en Italie, le ROI aux Pays-Bas, le SIDA en Suède, etc.).
Seules les évolutions strictement indispensables sur le plan législatif ont été retenues par le Gouvernement pour la mise à jour de la loi du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d’États étrangers.
C’est la principale raison pour laquelle le titre II du présent projet appelle très peu de modifications ; le Sénat a, pour l’essentiel, précisé qu’il pourrait être fait appel à des fonctionnaires parlementaires dans le cadre de l’expertise technique internationale rénovée.
Les enjeux plus cruciaux, on l’a compris, sont ailleurs, en particulier dans le portage retenu par le Gouvernement pour remodeler le paysage des opérateurs de l’expertise internationale, en liant ce sujet à celui de la mobilité universitaire ; ce choix, s’il n’est pas inexplicable, peine toutefois à convaincre.
En proposant de créer une Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales, le présent projet de loi – son article 5 en particulier – veut embrasser deux thèmes : l’attractivité du système d’enseignement supérieur français et la promotion de notre expertise technique à l’étranger.
Sur le premier point, évoqué plus haut, quels sont, en résumé, les sujets à traiter pour l’opérateur en charge de cette politique ? Votre Rapporteur en voit cinq :
– la promotion en tant que telle de l’enseignement supérieur français à l’étranger, à la fois en général et pour des filières particulières qui, idéalement, auront été identifiées en amont dans le cadre d’une stratégie ad hoc ;
– la prospection des étudiants, boursiers ou non – il faut insister sur la prépondérance du « marché des étudiants solvables », tant il est vrai que sur quelque 260 000 étudiants étrangers accueillis en France, seulement 20 000 sont boursiers ;
– l’obtention de visas et plus largement l’organisation logistique du voyage pour se rendre en France ;
– lors de l’arrivée, la question concrète de l’accueil et de l’hébergement, qui fait d’ailleurs intervenir les collectivités territoriales de façon toujours plus active ;
– en aval, des mois et des années après le séjour, le suivi des anciens étudiants ou « alumni », par l’entretien d’un réseau de la francophilie qui doit faire partie intégrante de notre politique d’influence.
Faut-il un seul opérateur pour toute la chaîne ? Votre Rapporteur estime que cela est possible et souhaitable. Au demeurant, nous n’en avons jamais été aussi proches avec la création en février 2007 et l’affirmation depuis lors du GIP Campus France, dont la vocation explicite est d’être une structure temporaire se transformant au terme de quelques années en opérateur pérenne. Le format de l’EPIC semble bien le plus approprié en l’espèce.
L’autre question à ce stade, très française en vérité mais difficilement contournable, est celle du choix de la (ou des) tutelle(s) du nouvel opérateur. Le ministère des Affaires étrangères est sans nul doute le plus légitime, compte tenu de l’orientation internationale de l’activité exercée, et compte également tenu de la place prépondérante qu’il occupe parmi les financeurs de l’actuel GIP. Mais le ministère chargé de l’enseignement supérieur ne peut évidemment en être écarté. À titre subsidiaire, sur la question de l’aide à l’obtention des visas pour les étudiants, le ministère chargé de l’immigration doit aussi être impliqué – mais cela doit-il aller jusqu’à l’exercice d’une co-tutelle ?
Le second volet des compétences de la nouvelle agence, selon le format proposé dans le texte transmis par le Sénat, concerne l’expertise technique internationale.
Dans son analyse du GIP France coopération internationale, en 2008, la Cour des comptes (17) avait appelé à une clarification des compétences des différents opérateurs agissant en matière de coopération administrative internationale et à une définition plus précise des rôles de chacun afin d’harmoniser leurs interventions. Étaient plus particulièrement visés le GIP Campus France, l’association Égide et le GIP France Coopération internationale.
Tirant argument de cette analyse, l’étude d’impact jointe au présent projet de loi en infère que « le regroupement de ces trois opérateurs, agissant sous des régimes juridiques différents, au sein d’une même structure, est apparu nécessaire pour simplifier leurs modalités de gestion, harmoniser les statuts des personnels, redéfinir les modalités de financement et leur conférer un régime juridique compatible avec leur intervention dans le domaine concurrentiel ». Or la clarification des compétences n’impliquait pas nécessairement une fusion telle qu’elle est aujourd’hui proposée par le Gouvernement.
La véritable origine de cette création est en fait une décision du Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), organe de pilotage exécutif de la RGPP dirigé par le secrétaire général de la Présidence de la République et le directeur du cabinet du Premier ministre. Prise le 4 avril 2008, cette décision de créer « un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale » a été ainsi libellée : « regroupement au sein du nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale des fonctions de promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale françaises à l’étranger et de valorisation à l’étranger du système d’enseignement supérieur français ».
C’est dans le cadre de la mise en œuvre cette décision qu’en décembre 2008, MM. Alain Le Gourrierec, conseiller diplomatique du Gouvernement, et Georges Asséraf, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, ont remis aux ministres chargés de l’enseignement supérieur, des affaires étrangères et de l’immigration, un Rapport sur la préfaisabilité de l’opérateur « Mobilité internationale ».
Mais nulle part on ne trouve trace de la justification de la décision première et du périmètre ainsi retenu. Si en l’espèce, l’unité de commandement et l’autorité de la décision sont à porter au crédit du CMPP, il faut bien reconnaître que sur certains points, dont celui qui nous occupe, un débat contradictoire, même limité, n’eût sans doute pas été inutile.
Dans le rapport de MM. Le Gourrierec et Asséraf, on peut sans solliciter le texte trouver les accents d’une certaine perplexité : « Le positionnement de l’opérateur apparaît relativement clair dans le champ de l’enseignement supérieur (promotion de l’offre de formation à l’international), compte tenu de l’expérience acquise ces dernières années. Les universités, dans le cadre de leur autonomie, ont la maîtrise de leurs stratégies internationales : l’opérateur doit pouvoir leur offrir des services, sous l’impulsion de la tutelle et en liaison avec les postes diplomatiques, pour mettre celles-ci en œuvre. […]
« S’agissant de l’expertise, le positionnement de l’opérateur est plus complexe, entre un simple “portage” (notamment à travers la gestion des experts techniques pour le compte de l’AFD ou du MAE) et la possibilité d’être chef de file des projets en réponse à des appels d’offre. […] Cette contradiction devra être résolue “en gestion”. »
Le débat législatif doit être l’occasion d’un échange sans tabou sur ce point. Une question de cohérence se pose et il est de la responsabilité du législateur d’y répondre, quels que soient par ailleurs la décision prise par le CMPP et les travaux administratifs, déjà en cours, de préfiguration de la nouvelle agence. Au demeurant, votre Rapporteur doit à la vérité de dire que les auditions qu’il a menées sur ce point l’ont rendu perplexe, sinon critique, s’agissant du montage prévu. Les acteurs du rapprochement ne sont nullement en cause ; c’est plutôt la logique même du projet qu’il s’agit d’évaluer avant de commettre, peut-être, une erreur en créant un « objet administratif » non viable, ou du moins, sous-optimal.
Bien sûr, le talent et la bonne volonté de tous permettront de « bricoler » des solutions viables. Mais nous devons penser mieux, imaginer un opérateur plus performant. Quitte à nous donner le temps de le faire naître. Telle est la raison pour laquelle votre Rapporteur propose de disjoindre les dispositions relatives à FCI pour ne constituer qu’un EPIC dénommé Campus France, compétent pour toute la chaîne de la mobilité universitaire mais seulement pour ce secteur et non pour l’expertise technique internationale.
À charge pour le Gouvernement, s’il le juge pertinent, de transformer en EPIC le GIP France Coopération internationale ou de trouver un autre moyen administrativement plus efficace de coordonner davantage les ressources gouvernementales en matière d’expertise. À cet égard, M. Nicolas Tenzer suggère la création d’un « Haut-commissaire » ; c’est l’une des hypothèses envisageables en effet. Mais dans un premier temps, pourquoi ne pas tout simplement encourager la toute nouvelle direction générale de la mondialisation (DGM), au Quai d’Orsay, à exercer sur un mode interministériel cette compétence qui figure explicitement au nombre de ses missions ? L’arrêté du 16 mars 2009 portant organisation des directions et services du MAEE dispose en effet :
« IV. − La direction des politiques de mobilité et d’attractivité [au sein de la DGM] contribue au développement international des entreprises françaises, à la promotion des technologies et secteurs stratégiques et au renforcement de l’attractivité de la France pour les chercheurs et les étudiants. Elle élabore et met en oeuvre les programmes et actions de coopération internationale dans le domaine de l’enseignement supérieur, de la formation professionnelle diplômante et dans le domaine de la recherche. Elle anime les réseaux des conseillers et attachés scientifiques et universitaires. Elle participe à la promotion de l’expertise française. Elle assure la tutelle de l’opérateur chargé de la mobilité. »
Une fois n’est pas coutume, votre Rapporteur propose de simplifier une organisation administrative au lieu de l’alourdir en créant une structure de trop. Puisse-t-il être entendu comme propageant la voix de la raison !
TABLE RONDE SUR L’ACTION CULTURELLE EXTÉRIEURE DE LA FRANCE AVEC MME JULIA KRISTEVA-JOYAUX, M. BERNARD FAIVRE D’ARCIER
ET M. ANTOINE COMPAGNON
(réunion de la commission des affaires étrangères du mercredi 31 mars 2010,
préalable à l’examen du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État)
M. le président Axel Poniatowski. Cette table ronde réunit M. Antoine Compagnon, professeur au Collège de France et à l’université Columbia de New York ; Mme Julia Kristeva-Joyaux, professeure à l’université Paris-Diderot, membre du conseil économique, social et environnemental ; et M. Bernard Faivre d’Acier, consultant culturel, trois éminents représentants de la culture française.
Notre commission a créé l’an passé une mission d’information sur « le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture », présidée par François Rochebloine et dont la rapporteure est Geneviève Colot. Après avoir conduit une quarantaine d’auditions, effectué des déplacements en Europe, en Amérique du Sud, aux Emirats arabes unis, en Inde et au Liban, et publié un rapport d’étape en janvier, la mission remettra son rapport final à la mi-mai.
Le projet de loi dont nous sommes saisis, après son adoption par le Sénat en première lecture, prévoit de créer une grande agence culturelle, sous la forme d’un établissement public à caractère industriel et commercial, en lieu et place de CulturesFrance. Cette mesure phare a suscité et continue de susciter moult controverses. Le report de trois ans, décidé par le ministre des affaires étrangères, du rattachement à l’EPIC de l’ensemble du réseau des centres culturels, est une marque de sagesse pour certains, de frilosité pour d’autres.
Monsieur Compagnon, pouvez-vous pour commencer nous livrer votre propre analyse du rayonnement culturel de la France ?
M. Antoine Compagnon. En novembre 2007, l’article de Donald Morrison paru dans l’édition européenne du magazine Time sur « la mort de la culture française », a été suivi d'une polémique, à laquelle j’ai participé dans Le Monde. Un livre, édité par Denoël, a suivi : Que reste-t-il de la culture française ? suivi de Le souci de la grandeur. Il paraîtra prochainement en anglais, hélas sous le titre La mort de la culture française.
Enseignant à Columbia depuis un quart de siècle, je ne peux qu’être sensible à une moindre présence de la culture française sur la scène mondiale. Rien ne sert de se voiler la face, notre culture s'exporte moins bien. L'industrie française du cinéma subsiste seule en Europe, grâce aux aides, mais produit des films à consommation interne. Le roman contemporain est peu traduit – douze titres paraissent en anglais chaque année, dans des maisons d'édition moins commerciales et avec de plus faibles tirages. La culture française se défend cependant dans des domaines comme l’architecture ou la musique.
Ma thèse est qu’il ne s’agit ni d’un déclin, ni d’un affaiblissement, ni d’un crépuscule, mais de la fin d'un long privilège exorbitant, perpétué depuis les Lumières. J’y vois la conjugaison de deux raisons de fond.
La place de la culture littéraire, au sens que lui donnait Malraux, dans ce qu’on appelle « la culture » s’est réduite. Le modèle philologique – langue-littérature-culture –, ensemble insécable qui a longtemps perduré en France, a cédé, plus tard qu’ailleurs, devant la culture communautaire. Parallèlement, on a observé une montée en puissance des autres cultures européennes et des cultures du Sud. On ne saurait se plaindre du rééquilibrage qui en a résulté mais dans le monde global et postcolonial, ce sont les anciennes cultures nationales qui sont pénalisées. La culture française, particulièrement littéraire et nationale, est donc spécialement affectée.
Je vois dans ce phénomène non pas un déclin mais une normalisation, la fin d'une rente de situation. N’oublions pas que la IIIe République a développé sa politique culturelle à l’étranger parallèlement à sa politique coloniale, et au moment où sa puissance militaire, diplomatique et économique diminuait. L’Alliance française a été fondée en 1883 par Paul Cambon, chef de cabinet de Jules Ferry, sur le modèle de l'Alliance israélite universelle, comme « association nationale pour la propagation de la langue française dans les colonies et à l'étranger ». Elle s'adressait alors « à tous les patriotes, aux hommes de bonne volonté, à tous ceux qui aiment la France ou la considèrent comme une seconde patrie ».
Partout, le nombre des étudiants en français fléchit et des départements universitaires ferment. Les « passeurs » traditionnels appréhendent cette situation de façon différente. Certains y voient une charge américaine anti-française. D’autres, de façon plus subtile, avancent l’idée que la culture n’a pas le même sens en France et dans le monde global. C’est la thèse que développe Marc Fumaroli dans son dernier livre Paris-New York et retour. Voyage dans les arts et les images. « Est-il si déshonorant que nous réussissions mal dans le domaine de l' « Art » globalisé, alors que nous avons si longtemps brillé, d'un éclat incontesté et quasi hégémonique, sans recourir à la publicité ou à la propagande, dans le domaine des arts au sens classique du terme ? Nous avons largement acquis le droit au repos, et même au recul salutaire », écrit-il.
Pour autant, je crois qu’il n’y a pas lieu de se résoudre à un isolement culturel français ou à une réaction obsidionale. Réaliste, je prône plutôt une conscience lucide des problèmes de la culture française et de son rayonnement. Quelles sont les questions actuelles les plus urgentes à traiter, les défis les plus pressants à relever ?
La première question porte sur le sens même de la culture en France, très incertain. Le ministère de la culture, qui a fêté son 50e anniversaire, paraît peu sûr de ses missions dans le cadre de la décentralisation et de l'autonomie croissante des établissements publics. Comme dans bien des domaines en France, on se trouve à la croisée des chemins, entre un modèle dirigiste et un modèle libéral. La réforme de l'État vient de produire un nouvel organigramme du ministère, d’où a disparu la direction du livre, ce qui est fort regrettable. Le financement de la culture par l’État semble moins assuré, avec un transfert vers la levée de fonds privés et un saupoudrage des subventions.
En outre, nous n’avons pas encore réussi à résoudre deux contradictions fondamentales, qui pénalisent la diffusion de la culture française à l’étranger. S’agit-il d’un ministère des artistes, dans la tradition du mécénat d'Ancien Régime, ou d’un ministère du peuple, dans la tradition des Lumières ? Le ministère de la culture doit-il prendre en charge l’éducation artistique ou la laisser au ministère de l’éducation nationale ?
Le second défi consiste à définir ce que doit être l’action culturelle extérieure. La politique culturelle remonte au début du XXe siècle, quand le service des œuvres françaises à l'étranger, créé en 1920, succédait au Bureau des écoles et œuvres françaises à l'étranger et réorganisait la propagande française après la Première Guerre mondiale. Son action, avant tout linguistique, scolaire et universitaire, était menée par des instituteurs et des professeurs détachés à l’étranger. S’y est substituée dans les années 1980 une action beaucoup plus culturelle. L’Association française d’action artistique, devenu CulturesFrance, organisait alors la promotion des artistes français à l'étranger, remplaçant les traditionnelles tournées du théâtre français.
Le passage d’une politique essentiellement « éducative » à une politique de diffusion culturelle s’est accompagné ces dernières années d’une forte baisse des crédits. La RGPP a modifié l’organigramme du ministère des affaires étrangères, faisant dépendre les services culturels de la direction générale de la mondialisation.
Ayant observé l’action des services culturels depuis 25 ans à New York, je dois avouer mon scepticisme sur leur efficacité. Le ratio budget de fonctionnement/budget d'activités n’est pas établi, les résultats semblent opaques et l’évaluation réduite. J’ai toujours été frappé par le souci du court terme qui semble animer ces services, les résultats d’une action étant mesurés à l’aune de la revue de presse, plus ou moins fournie, qu’ils pourront adresser au Quai d’Orsay. La Cour des comptes a d’ailleurs dénoncé avec sévérité cet aspect de l’action de CulturesFrance.
Il m’a toujours semblé malheureux que la variable d’ajustement du budget des services culturels porte sur les bourses du Gouvernement, alors que celles-ci ont précisément une visée à long terme et qu’elles devraient être prioritaires. Au moment où le Goethe Institut et l’Institut Cervantès mènent des politiques durables grâce à des agences indépendantes, je regrette que la réforme actuelle s’arrête au milieu du gué.
Enfin, il convient de s’interroger sur l’état de notre culture. Beaucoup d’interlocuteurs traditionnels de la France en dressent un bilan sévère. La France qu’ils aiment appartient au passé. Historiquement, c'est la culture vivante qui, telle un appât, montrait le chemin vers les classiques, le patrimoine, attirant les lecteurs et les lettrés, faisant passer les étudiants de Camus à Montaigne. Or ces « produits d'appel », indispensables pour aujourd'hui et pour demain, manquent. Giraudoux pouvait écrire : « Il est, dans chaque ville d'Europe [du monde], quelle que soit l'altitude, quelle que soit la latitude, un illuminé qui a pris pour profession d'aimer la France », mais ce mythe de la France comme seconde patrie des hommes et des femmes libres semble disparu. Aussi certains fidèles et amis ont-ils le sentiment « d'être trahis par la France et quelque peu fâchés avec elle », comme l'écrivait récemment Joao de Melo dans le Jornal de Letras de Lisbonne. Ils ne reconnaissent plus la France généreuse, accueillante, désirable de leur jeunesse.
Mais cette France qu’ils aimaient, c’était la France de la Révolution, de la Terreur, de la violence de la pensée. La pensée française d’aujourd’hui s’épanouit dans un climat plus apaisé : la Révolution s’est terminée avec son bicentenaire, le libéralisme s’est installé. Pour mieux exporter la culture française, peut-être faut-il appeler à une pensée plus violente ?
Mme Julia Kristeva-Joyaux. Je suis présente parmi vous à deux titres : membre du Conseil économique, social et environnemental et auteure d’un avis intitulé Le message culturel de la France et la vocation interculturelle de la francophonie ; produit du métissage culturel français, aimant à se présenter comme française d’origine bulgare, de citoyenneté européenne et d’adoption américaine. Ces deux positions, mon expérience de professeure d’université aux États-Unis, au Canada, en Chine ou encore en Israël, mais aussi mon optimisme naturel, m’inclinent à vous proposer une vision combative – à défaut d’être violente – du rayonnement culturel français.
J’ai procédé aux enquêtes et à la rédaction de l’avis du CESE comme on mène un combat, souhaitant affirmer l’existence d’un « message culturel » de la France à rebours de la « dépression nationale ». La francophonie est un désir ressenti hors de France ; de fait, très peu de Français natifs osent louer la culture française comme je le fais, qu’ils considèrent son aspiration à l’universel pesante ou qu’ils la trouvent entachée par la colonisation ou la participation à la Shoah.
Je vous le dis solennellement : nous devrions avoir l’audace intellectuelle et politique d’affirmer la spécificité de notre culture, qui s’épanouit au cœur de la globalisation, de reconnaître et de défendre la place de la culture européenne. Il convient de déculpabiliser la culture nationale et de prendre des initiatives concrètes pour donner un nouveau souffle à l’interculturalité.
Un des traits distinctifs de la culture française tient aux liens étroits que l’histoire du pays a forgés entre les diverses expressions culturelles et la langue française elle-même, faisant de celle-ci un équivalent du sacré aux yeux des Français. C’est sur le terreau de la langue que se sont forgés le goût du pays, un projet national et un projet universel. Venant de l’étranger, je trouve fascinant que, de la grand-mère à la femme de ménage, la langue française demeure cet objet dans lequel s’expriment singularité et créativité. La convention de l’Unesco sur la diversité des expressions culturelles nous encourage d’ailleurs à la protéger.
Il est arrivé que le message culturel soit chauvin. Mais aujourd’hui sous bien des aspects, il respecte la diversité des origines et des religions, ainsi que différentes expressions culturelles. Nous n’avons pas encore réussi à mettre en œuvre le lien nationalité-diversité, avec la fermeté qui s’impose dans le contexte des heurts culturels du troisième millénaire. La diversité renvoie à des valeurs interprétables et universalisables, grâce à la traduction, qui est la « langue » de cette diversité. Ces valeurs sont reprises et développées par l’Union européenne, l’Unesco et l’Organisation internationale de la francophonie.
Je veux insister sur deux points : la francophonie et le multilinguisme, avec leurs conséquences sur le vécu de l’identité nationale et la pratique du français ; l’importance du réseau et le rôle culturel de l’État, à la fois moteurs de l’action extérieure de la France, et obstacles à celle-ci.
Parallèlement au recul du français, s’exprime un « désir de France », qui pousse par exemple les Chinois aisés à placer leurs enfants dans des écoles maternelles dispensant un enseignement du français, ou des scientifiques chinois à regretter que leurs articles ne soient pas traduits en français. Par ailleurs, je suis de ceux qui apprécient que des pays de l’Est européen ou d’Asie dont la langue d’usage n’est pas le français participent à la francophonie, simplement parce qu’ils partagent nos valeurs. Quant à la francophonie interne, elle doit être perçue comme un moyen de cohésion nationale. Ceci doit aller de pair avec le développement du multilinguisme à l’intérieur du pays, de façon à ce que cette nouvelle identité nationale soit audible.
La France dispose d’un réseau culturel unique au monde par sa diversité. Mais celui-ci restera inopérant s’il n’est pas accompagné d’une vision politique positive du message culturel de la France. Nous avons proposé dans l’avis du CESE de renforcer l’efficacité des opérateurs – Agence pour l’enseignement du français, Campus France, Agence française du développement, France 2, France monde, RFI, Arte, etc. – et de transformer CulturesFrance en grande agence, à l’instar du Goethe Institut ou de l’Institut Cervantès. J’ai initialement proposé que cette mesure soit immédiate, mais mes homologues du CESE m’ont convaincue de prôner un délai pour sa mise en œuvre. Celui-ci doit être le plus bref possible.
L’action culturelle, autre caractéristique française, est une affaire d’État. Cela constitue un atout, à condition de favoriser certaines actions privées, comme le mécénat. Si l’État garde la maîtrise de cette politique, il devra mettre fin à ce « Yalta » de la culture qu’ont organisé le ministère de la culture et le ministère des affaires étrangères. Il convient de construire un projet stratégique, de conduire une action interministérielle décentralisée et de mettre en place une offensive culturelle internationale.
Au lieu de publier des livres sur le déclin de la France, nous devrions nous interroger sur ce que nous pouvons diffuser comme message, là où un modèle alternatif est attendu. Dans l’avis du CESE, mue par une vision gaullienne, je préconise la création d’un Conseil de l’action extérieure pour le développement et la culture auprès du président de la République, sur le modèle du conseil de sécurité nationale. Je suggère aussi de consolider la place de l’audiovisuel extérieur, qui reste malgré la création de France 24, assez modeste, d’organiser l’accueil et le suivi des étudiants étrangers et de valoriser le pôle économique des industries culturelles – traduction, cinéma, bibliothèque numérique. Enfin, il conviendrait de renforcer l’action de la France sur cette question au sein de l’Union européenne et de l’Unesco – José Manuel Barroso n’a-t-il pas récemment déclaré que sans projet culturel il n’y avait pas de projet politique ? L’intervention de la France, selon l’analyse même d’Irina Bokova, reste modeste dans la mise en place de la convention sur la diversité culturelle.
Pour terminer, je veux rappeler le rôle important du CESE. Antoine Compagnon a parlé de « développement culturel durable » ; je trouve regrettable que le terme « culturel » n’apparaisse pas au côté du terme « environnemental » dont s’est récemment paré le conseil.
M. Bernard Faivre d’Acier. J’interviens dans cette table ronde à plusieurs titres. Administrateur civil au ministère de la culture et directeur du théâtre et des spectacles, j’ai une expérience de l’administration. Créateur du pôle français d’Arte, j’ai dirigé pendant quinze ans le festival d’Avignon puis, commissaire de saisons culturelles étrangères en France, j’ai régulièrement utilisé les services du réseau culturel français. C’est sans doute la raison pour laquelle le ministère des affaires étrangères m’a chargé il y a un an et demi de rédiger une étude comparative sur les réseaux culturels européens.
Lorsque Donald Morrison a parlé de mort de la culture française, il se référait à des secteurs où la France n’exerce plus la même influence, depuis le début du XXe siècle pour la littérature, depuis le milieu des années 1960 pour les arts plastiques. Mais surtout, il mesurait le déclin grâce à un étalon nouveau, l’économie. Si l’on adhère à cette vision, il est vrai que les marchés de l’édition, de l’art – comme le montrent Catherine Lamour et Danièle Granet dans Grands et petits secrets du monde de l’art – et les industries culturelles produisent des résultats à la mesure de ceux de l’économie française dans le monde. Pour autant, je ne pense pas que l’on puisse dire que la culture française se porte mal : il existe des secteurs comme l’architecture, la danse, la musique ou le théâtre où la France est particulièrement influente.
La situation serait désespérée si la puissance publique cessait d’agir en faveur de l’expansion culturelle française. Ce n’est pas le cas, et il faut organiser cette action de la manière la plus efficace possible. L’action du ministère des affaires étrangères et européennes mérite d’être complètement repensée. Ces dernières années, le personnel culturel s’est vu imposer une baisse constante de ses crédits d’intervention, au point d’en acquérir le sentiment de sa propre inutilité. Le ministère de la culture opère également à l’international. De grands établissements, comme le Louvre ou le Centre Pompidou, mènent des actions à l’étranger, mais de façon peu coordonnée. Les collectivités territoriales jouent quant à elles un rôle croissant, avec des actions moins dépendantes du réseau diplomatique, mais peu recensées et parfois mal expliquées à l’opinion publique.
S’agissant de la grande agence, j’ai longuement hésité : faut il que la culture soit au service de la diplomatie ou la diplomatie au service de la culture ? Le débat est sans fin. Pour des raisons d’économie, les services de coopération et d’action culturelle sont fusionnés avec les centres ou instituts culturels français, ce qui a pour effet de rapprocher l’action culturelle du poste diplomatique. Sans doute l’autorité de l’ambassadeur doit-elle s’exercer sur l’ensemble des services français à l’étranger, mais ce n’est pas en ce sens que les Britanniques ou les Allemands ont organisé leur action culturelle.
Si grande agence il doit y avoir, sa première mission doit être de professionnaliser les agents qui se dévouent pour défendre la culture française à l’étranger. Nos futurs attachés culturels ignorent souvent tout de la gestion d’un établissement à autonomie financière et connaissent mal l’actualité culturelle française. Ils reviennent en France après avoir épuisé leurs possibilités de postes à l’étranger, et se retrouvent au chômage. Leurs homologues anglais ou allemands reçoivent, eux, une formation de six mois dans leur administration centrale et développent une carrière au cours de laquelle ils occupent des postes tant dans leur pays qu’à l’étranger. Si nous parvenions à former des équipes expertes, notamment dans la levée de fonds européens, l’efficacité de nos services s’en ressentirait immédiatement. C’est en cela que résiderait tout l’intérêt d’une agence.
M. François Rochebloine. Au cours des auditions et des déplacements de la mission sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture, que j’ai l’honneur de présider, nous avons constaté la coexistence de deux réseaux culturels : celui des centres et instituts français et celui des Alliances françaises. Le degré de complémentarité entre ces deux réseaux varie considérablement d’un pays à l’autre. Dans son rapport d’étape, la mission plaide pour un rapprochement de ces deux réseaux sous la seule « marque » des Alliances. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?
D’autre part, madame, quelle place une diplomatie d’influence rénovée doit-elle réserver à l’audiovisuel extérieur ? N’est-il pas regrettable que cette dimension essentielle de l’action extérieure de la France soit actuellement laissée à l’écart de la réflexion ?
M. Hervé Gaymard. Merci à M. Compagnon pour ses remarques, à Mme Kristeva pour la dissipation du soleil noir de la mélancolie et à M. Faivre d’Arcier pour ses propos pleins de bon sens. Ce projet de loi, dont je suis le rapporteur, est important, la question de la politique culturelle extérieure de la France étant, comme le disait le général de Gaulle de la question sociale, toujours posée et jamais résolue. Ce texte constitue cependant une étape importante, et cette table ronde ouvre nos débats sur ce sujet, ou plutôt ces sujets, car il y en trois en réalité.
Celui de l’organisation pose d’abord la question du poids respectif du ministère des affaires étrangères et de ceux de la culture et de l’éducation nationale. Quand le service des œuvres françaises à l’étranger a été créé, au lendemain de la Première Guerre mondiale, il n’existait pas de ministère de la culture, mais un simple secrétariat d’État aux Beaux-arts. Aujourd’hui la situation est bien différente. N’est-il pas temps que ces administrations parlent d’une seule voix, même si le ministère des affaires étrangères doit conserver le leadership, l’ambassadeur étant, à l’étranger, le représentant de l’État français dans toutes ses composantes ? Comment assurer une meilleure articulation de ces administrations ?
Sur la question de la formation des personnels chargés de la politique culturelle extérieure, M. Faivre d’Arcier a tout dit. Elle est capitale. Même si ces personnels, qu’ils officient dans les ambassades ou dans les centres culturels, font preuve d’une bonne volonté indéniable, leur formation est souvent insuffisante, la nomination à ces postes étant souvent tributaire du « copinage » quand elle ne constitue pas le « bâton de maréchal » qui couronne une carrière toute différente dans l’hexagone.
Enfin, le sujet de l’attractivité de la France aux yeux des étudiants étrangers est capital, et ne se résume pas à la question des bourses d’études : des étudiants indiens m’ont même expliqué se défier de l’enseignement dispensé par les universités françaises à cause de sa gratuité ! L’accueil des étudiants étrangers en France est essentiel en termes d’influence, comme l’ont compris nos amis australiens : ceux-ci mènent, à travers leurs universités et instituts techniques, une politique d’attractivité tout à fait remarquable, dont nous pourrions nous inspirer. Quelle pourrait être l’apport de la future loi dans ce domaine ?
Mme Marie-Louise Fort. Vos exposés, madame, messieurs, m’ont tout à la fois plongée dans des abîmes de perplexité et ouvert des voies d’espérance.
En Turquie et en Syrie, où m’a conduite il y a une semaine une mission parlementaire, j’ai été frappée par le fait qu’une partie des élites était complètement francophone et que nous avons beaucoup à faire avec ces pays sur le plan culturel. Je pense notamment au partenariat que le Louvre doit nouer avec l’État syrien pour classer les très riches collections syriennes. J’ai également rencontré des viticulteurs syriens qui ont appris l’œnologie en France et considèrent la viticulture française comme une référence. Que fait-on de cet attachement à notre pays ? Pourquoi ne pas faire de ces élites qui ont gardé un souvenir ému de l’université française des relais de notre culture ?
Je voudrais par ailleurs rendre hommage à l’engagement de nos ambassadeurs dans le domaine de l’action culturelle. Ne faudrait-il pas diversifier l’action de l’État à l’étranger, si on veut qu’il soit capable de favoriser l’amour de notre langue et de notre culture ?
Enfin, ne pourrait-on pas faire des étudiants étrangers qui sortent de notre système scolaire surdiplômés et qui parlent plusieurs langues, des ambassadeurs de notre culture dans leur pays ?
M. Paul Giacobbi. Nous ignorons superbement le réseau dont nous disposons dans le monde : non pas le réseau institutionnel, sur laquelle la charité commande de ne pas s’attarder, mais le réseau de ceux qui aiment la culture française et pratiquent la francophonie.
Je prendrai l’exemple des étudiants indiens, qui sont au nombre de 80 000 aux États-Unis et 4 500 en Allemagne, mais seulement 1 400 en France. Alors que l’Inde a besoin d’exporter ses étudiants, ne pouvant pas les former tous, au point qu’elle encourage l’installation d’universités étrangères sur son territoire, ceux-ci ont du mal à obtenir un titre de séjour des autorités françaises. Même les universitaires américains – je tiens l’information de vous, monsieur Compagnon – ont tant de difficulté à obtenir un visa qu’ils s’en passent, n’étant de toute façon jamais expulsés de France.
Ce n’est que depuis quelques années que Campus France fait l’effort de recenser, pays par pays, les anciens élèves de nos établissements d’enseignement : c’est bien, mais c’est un minimum. En revanche, notre ambassadeur aux États-Unis ignore qui sont les anciens élèves de l’université française. Il ne dispose pas non plus d’un recensement des anciens boursiers. De même pour notre ambassadeur en Inde : il ignore même que le plus grand homme d’affaires que l’Inde ait jamais connu était français. Et on prétend avoir un réseau à l’étranger !
Quant à la question de la défense de la langue française, elle est obscurcie par la confusion la plus totale. Le rayonnement culturel du français ne pourra être assuré que par la qualité des écrivains francophones, même si on peut déplorer qu’il n’existe pas en France d’équivalent du New York Review of Books. En revanche, au contraire du latin, de l’anglais et de l’arabe, le français n’a jamais été et ne sera jamais lingua franca, c’est-à-dire la langue du monde des affaires, des échanges économiques ou du droit. Il n’a même jamais été, au contraire de ce que prétend un absurde poncif, langue diplomatique, en dépit des deux ou trois traités passés en français entre deux nations non françaises. Essayons de défendre le rayonnement de la culture francophone dans le monde, mais n’essayons pas de faire du français la langue du droit des affaires.
M. Jacques Myard. Nous sommes là au cœur de la stratégie d’influence de l’État, et les Anglo-saxons savent de quoi je parle, croyez-moi !
Je regrette que nous regardions vers le passé, alors que nous sommes entrés de plain-pied dans l’ère des puissances relatives et qu’on ne peut plus considérer les problèmes du français uniquement à travers le prisme franco-américain. Je vous fiche mon billet que d’ici une vingtaine d’années, l’anglais n’occupera plus la place qui est la sienne aujourd’hui. Pour ma part, je recommande l’apprentissage de l’arabe et du chinois : voilà des langues d’avenir ! alors que l’anglais ne fera que reculer, ne serait-ce que du fait de la progression de l’espagnol aux États-Unis.
Si notre langue a reculé plus qu’elle ne l’aurait dû, il faut en imputer la cause à une forme de trahison des clercs : il n’est qu’à voir nos médias ânonner à longueur de temps la culture anglo-saxonne, alors que jamais la BBC ne diffuserait une chanson française ! Et l’imbécillité de nos hauts fonctionnaires, qui font rédiger leurs cartes de visite en français et en anglais, alors qu’ils devraient les faire rédiger en chinois et en arabe, ne serait-ce que pour « faire la nique » à l’Oncle Sam ! On pourrait multiplier de tels exemples. On pourrait parler des universités françaises qui recrutent à l’étranger pour former leurs étudiants en anglais. Il ne faut pas s’étonner que ceux-ci préfèrent fréquenter les universités anglo-saxonnes.
Le problème est politique, chers collègues, car la culture et la langue relèvent d’un projet politique. On n’apprend pas la langue et la culture des vassaux : on apprend la langue du seigneur. En rentrant dans l’OTAN, en se diluant dans un service diplomatique européen qui ne parlera qu’anglais, la France se tire une balle dans la tête.
M. Robert Lecou. Après avoir succédé au « privilège culturel exorbitant du français », le privilège culturel exorbitant de l’anglais sera-t-il détrôné par celui du chinois ? C’est à l’étranger qu’on mesure combien la culture fait partie des clichés qui composent l’image de la France. Quand on voit que le Louvre et la Sorbonne sont toujours des modèles pour un pays anglophone comme les Émirats arabes unis, on garde quand même quelque espoir.
Vous avez évoqué, monsieur Compagnon, la nécessité d’une démarche à long terme, sur le modèle de l’Institut Goethe et de l’Institut Cervantès. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Mme Martine Aurillac. Je me suis plutôt retrouvée dans le propos de Mme Kristeva, qui a plaidé en faveur d’une action politique volontariste et cohérente. Je remercie aussi M. Faivre d’Arcier d’avoir mis le doigt sur l’essentiel, à savoir, au-delà du manque de moyens, le manque de coordination, de formation et de professionnalisation.
Mais je vous ai trouvé excessivement pessimiste, monsieur Compagnon. Il est vrai que trop souvent le souci du court terme l’emporte sur celui du long terme et que nous faisons parfois preuve d’une arrogance tout à fait déplacée. J’aimerais cependant savoir, au-delà du constat de déclin – vous avez même parlé de « fin » – ce que vous proposez.
M. Didier Mathus. Je déplore, après Hervé Gaymard et Bernard Faivre d’Arcier, l’incroyable gaspillage des ressources humaines auquel l’action culturelle extérieure donne lieu. Il est nécessaire d’organiser une véritable gestion des carrières et des compétences.
Je m’interroge, madame Kristeva, sur l’étonnante déconnexion entre la réflexion sur le rayonnement de la France et ses outils audiovisuels : le projet de loi, dont aucune disposition n’est consacrée à ce sujet, en est la preuve. La question est pourtant centrale, car si l’anglais est bien la langue des affaires, la langue française est considérée comme la langue universelle de la culture. Or, des outils audiovisuels français, on ne développe aujourd’hui que la chaîne d’information en continu France 24, pâle copie de CNN qui ne répond à aucune demande, au détriment de la chaîne francophone généraliste TV5 Monde. Avez-vous réfléchi à ces questions ? TV 5 Monde ne pourrait-elle pas constituer un levier pour une politique de rayonnement de la culture francophone dans le monde ?
M. le président Axel Poniatowski. Vous connaissez mon opinion sur France 24 qui, selon moi, ne devrait diffuser ses programmes qu’en français et je sais, M. Mathus, que mon point de vue n’est guère partagé.
M. Gérard Voisin. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir invité trois personnalités si différentes, qui nous ont fait entendre trois points de vue intéressants : le constat du déclin, voire de la mort programmée de l’influence française depuis les Lumières dressé par M. Compagnon, les propositions de résurrection de Mme Kristeva-Joyaux et le pragmatisme de M. Faivre d’Arcier.
On oublie trop souvent que l’économie peut aussi être un véhicule important de la culture française. Ainsi l’enseignement français ne subsiste en Slovénie que grâce à la présence de Renault dans ce pays, et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Les missions parlementaires qui nous conduisent à l’étranger – où nous sommes aussi porteurs des valeurs culturelles de la France – sont autant d’occasions de confirmer la pertinence de vos propos, monsieur Faivre d’Arcier, quant à l’inadaptation totale du personnel de nos ambassades. Ce réseau a déjà été partiellement réformé, puisque ce qui relevait jusqu’ici de la mission économique des ambassades a été confié à Ubifrance, leur rôle étant recentré autour du régalien. L’action culturelle devrait s’inspirer de cette réforme qui s’est révélée extrêmement simple à mener, même s’il a fallu bousculer les conservatismes des fonctionnaires français.
M. le président Axel Poniatowski. Je donne maintenant la parole à nos trois intervenants pour qu’ils apportent des éléments de réponse à ces nombreuses remarques.
M. Antoine Compagnon. Il y a, monsieur Rochebloine, un équilibre à trouver entre le réseau des instituts et centres culturels français et celui des alliances françaises. Étant un chaud partisan de la culture d’autonomie et de résultats que partagent toutes les alliances françaises, je ne vous cacherai pas les inquiétudes qu’à cet égard l’avant-projet de loi a suscitées en moi. Leur autonomie se traduit notamment par une grande diversité de leurs statuts et de leurs modes de fonctionnement, que la réforme risque de compromettre : ce serait le cas si elles étaient absorbées par CulturesFrance, comme cela a été envisagé.
M. le président Axel Poniatowski. Ce n’est plus le cas.
M. Antoine Compagnon. Certes, mais il en a été question, d’où mes inquiétudes. Si je ne nie pas la fragilité de certaines, de très petites dimensions et bénéficiant de peu de moyens, l’atout qu’elles constituent doit absolument être préservé par la réforme.
Jusqu’à récemment, monsieur Gaymard, la vocation de l’action culturelle extérieure de la France était essentiellement éducative, mais la multiplicité des acteurs au cours des vingt dernières années a compliqué la situation. Dans l’entre-deux-guerres et jusqu’aux années 50, notre action culturelle extérieure était aux mains de quelques mandarins parisiens : l’un couvrait l’Amérique du sud, un autre avait la haute main sur l’Extrême-Orient, André Siegfried était en charge de l’Amérique, etc. Le passage de l’éducatif au culturel a commencé au cours des années 80, et s’est accompagné d’un changement dans le recrutement : jusqu’ici, les conseillers culturels étaient des professeurs d’université. Mais cette mutation n’a pas été menée à son terme, ce qui explique le caractère extrêmement disparate du système, éclaté entre le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui de la culture.
Depuis des années, monsieur Giacobbi, je réclame un annuaire des anciens boursiers du gouvernement français, parce que je les considère moi aussi comme les ambassadeurs de la culture française. Nous ne disposons d’aucun moyen de recenser ces générations formées par la France, alors qu’on devrait pouvoir s’adresser à eux quand on va en Syrie, au Japon, en Israël ; c’est auprès d’eux qu’il faudrait pouvoir lever des fonds pour les alliances françaises et les instituts français. Nous avons certes lancé ce recensement, mais nous n’en sommes qu’au tout début.
Par ailleurs, monsieur Giacobbi, je crois que le français doit être défendu comme seconde langue étrangère, et que tous nos efforts devraient se concentrer sur cet objectif – disant cela, je vous apporte aussi un début de réponse, madame Aurillac. Mais on ne peut pas déplorer la perte d’audience du français dans le monde tout en négligeant l’état de l’enseignement des langues étrangères dans notre pays : l’enseignement de l’allemand ou du russe en France est dans un état désastreux. En revanche, le français reste la première langue étrangère enseignée aux États-Unis. Il est vrai que l’enseignement du français est en recul, alors que celui du chinois est en pleine expansion, mais ce dernier part de très bas.
On a l’habitude en France de multiplier les organismes dits « autonomes », mais pensons à l’autonomie des universités – ce sont des autonomies élastiques qui peuvent être réduites à tout moment. C’est ce à quoi nous risquons d’assister encore une fois avec l’agence qui a été évoquée ici, toujours menacée de perdre le contrôle des actions dont elle a la charge. Le DAAD (Deutscher Akademischer Austausch Dienst), chargée de l’action universitaire allemande, me semble mener une action culturelle autrement efficace à long terme.
Enfin, madame Aurillac, je n’ai jamais parlé d’un déclin ni d’une fin de la culture française, mais du déclin, voire de la fin du privilège exorbitant dont la culture française a joui pendant plusieurs siècles. Avec les industries culturelles, nous avons changé de paradigme : le modèle français, associant étroitement langue, littérature et culture, ne peut plus avoir cours sur ce qui est devenu un marché. Ce n’est pas pour autant que nous devons renoncer à être présents sur ce marché, au contraire. Mais nous devons également défendre ce qui reste de la langue et de la culture françaises. Je n’ai donc plaidé en faveur d’aucun pessimisme : je plaide en revanche pour le réalisme. Il s’agit de comprendre que la place de la langue et de la culture françaises n’est plus celle qu’elle occupait encore il y a vingt ans et qu’il faut trouver d’autres moyens de la défendre, y compris sur le marché de la culture et à travers les industries culturelles.
Mme Julia Kristeva-Joyaux. Je développerai à ma façon le propos de M. Myard. La crise que nous traversons n’est pas seulement économique et financière : c’est une crise de civilisation, dont émergent de nouvelles priorités, face auxquelles les critères du XIXe et du XXe siècle, que nous persistons à utiliser, se révèlent inopérants.
À un monde unilatéral succédera un multilatéralisme où chaque nation voudra jouer un rôle, quitte à le faire à travers la « traductibilité » de son message. Les langues et cultures nationales ne seront pas qu’un marché : il faudra développer des messages de sens. Que faire de ces populations émergentes, qui veulent participer au marché, mais qui y arrivent avec d’autres religions et d’autres cultures et veulent faire entendre leur voix ? L’exportation d’une culture doit donc tenir compte, non seulement du marché, mais aussi du message.
Cette vision n’est pas qu’intellectuelle : que veut dire la France quand elle veut développer le français ? Elle ne veut pas nécessairement le développer en tant que langue véhiculaire, comme vous l’avez souligné à juste titre. Elle ne va pas non plus forcément développer les idées des Lumières, à travers un nationalisme outrancier. Elle propose un autre message, à élaborer avec les intellectuels et avec le monde politique. On a vu, à l’occasion du débat sur l’identité nationale, combien la dérobade des élites et la brutalité des politiques peuvent rendre ce travail difficile.
C’est pourquoi le Conseil économique, social et environnemental recommande qu’on mène au sommet de l’État une réflexion approfondie sur le message culturel de la France : quelle culture voulons-nous dans ce pays, et que voulons-nous faire entendre au monde ? C’est cette vision de la culture, métaphysique et politique, qui donnera l’impulsion nécessaire à une restructuration organique des différentes actions ministérielles au bénéfice d’une politique plus interministérielle. Cette vision ne saurait se fonder sur une dénégation de la culture mercantile : il faut évidemment développer les industries culturelles, le livre, le cinéma, l’audiovisuel, l’informatique. Mais la langue de la mondialisation ne sera pas l’anglais, ni le chinois : ce sera la traduction. Celle-ci passera par de nouvelles technologies, dont le développement mobilise de grandes quantités de ressources, financières et humaines, constituant un vivier d’embauches.
Tel doit être notre credo : oui, la culture est un marché, mais elle est d’abord un message. Il nous faut une vision propre à concilier les deux. Étant donné ce que sont les institutions de la Ve République, cette vision peut être défendue par le Président de la République et son entourage, qui donneront une impulsion au Gouvernement, le Parlement étant le lieu où cette idée pourra se faire entendre.
Dans ce monde de l’image, l’audiovisuel extérieur est essentiel, et je m’étonne que le projet de loi néglige cette priorité – mais peut-être fera-t-elle l’objet d’un texte spécifique. TV 5 Monde et France 24 sont à mon avis complémentaires, chacune ayant sa raison d’être : France 24 assure en quelque sorte la communication des options politiques de la France, sur le modèle de CNN, en français, en anglais, en arabe et en chinois, alors que TV 5 Monde dispense, à travers une grille de programmes plus étoffée, la culture et la singularité de la France et de ses régions.
Je conclurai sur la formation des étudiants étrangers, qui me semble un point particulièrement névralgique. Il ne s’agit pas seulement de combler le retard considérable de notre pays en matière de recensement des anciens élèves étrangers : il faut améliorer l’accueil et la formation des futures élites étrangères, et c’est d’ailleurs, avec la réforme de l’audiovisuel extérieur, une des deux pistes auxquelles l’avis du CESE reconnaît la plus grande importance. Je me suis laissé dire qu’il y a quelques années, le British Council avait chargé une ancienne recrue de l’Intelligence service de l’accueil des étudiants étrangers. Nous devons nous aussi préférer à l’accueil passif d’étudiants simplement intéressés par de meilleures conditions de vie, une politique active de recrutement d’étudiants à la recherche de possibilités d’améliorer leur développement intellectuel et politique. Il faudra ensuite assurer le suivi de ces étudiants, leur allouer des bourses, valoriser leurs recherches, se soucier de leur carrière, etc., dans le cadre d’une politique visionnaire et volontariste.
M. Bernard Faivre d’Arcier. En France, les milieux intellectuels et culturels étaient historiquement indifférents, voire hostiles, aux mécanismes du marché : telle était l’opinion dominante, notamment au ministère de la culture, il y a une quinzaine d’années. Les choses changent, et il s’agit désormais de réfléchir aux moyens d’accompagner cette évolution, comme l’ont fait nos voisins et partenaires britanniques. À l’issue d’un travail considérable de réflexion stratégique mené pendant des années par le British Council, les Britanniques ont décidé de soutenir très franchement leurs industries culturelles.
Nous n’avons pas su consacrer une réflexion de grande ampleur aux industries culturelles, alors que ce secteur s’impose désormais par son importance. En témoigne la parution toute récente du livre Mainstream, dans lequel Frédéric Martel analyse les valeurs culturelles dominantes dans le monde. Selon lui, ce mainstream n’est pas uniquement américain, mais multipolaire : il peut être aussi bien indien, africain, chinois, etc. Je pense que tous nos agents culturels à l’étranger devraient s’intéresser à une telle réflexion.
D’une façon plus générale, ceux-ci devraient être formés plus qu’ils ne le sont au fonctionnement de ces marchés culturels, y compris du marché de l’art. Il ne s’agit pas d’en faire des experts en tout, mais d’en spécialiser certains en fonction de nos objectifs stratégiques et tactiques. Si on envisageait il y a encore deux ans de supprimer la fonction d’attaché audiovisuel, c’est que le cinéma français n’utilise plus notre réseau de centres et d’attachés culturels pour se faire connaître : c’est Unifrance qui, en dehors du réseau diplomatique habituel, a désormais la charge de promouvoir notre industrie du cinéma à l’étranger, comme Ubifrance nos entreprises.
Mais nos agents culturels devraient aussi avoir le souci de corriger les conséquences du libéralisme économique dans le domaine de la culture en promouvant une politique culturelle indépendante du marché, notamment dans les domaines artistiques qui ne relèvent pas de l’industrie culturelle, tels que le spectacle vivant – théâtre, danse, mime, opéra, etc. Ils devraient connaître le fonctionnement économique de ces artisanats de prototype. En l’absence de cette formation, le lien avec les institutions culturelles nationales ne s’établit pas. À l’inverse, les programmes de formation permettraient de coordonner l’action des différents ministères.
M. le président Axel Poniatowski. Je vous remercie, madame et messieurs, d’avoir ainsi éclairé nos travaux autour du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État.
AUDITION DE M. BERNARD KOUCHNER, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES
La commission procède, le mardi 4 mai 2010, à l’audition, conjointe avec la commission des affaires culturelles, de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’action extérieure de l’État (n° 2339).
M. Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères. Nous procédons ce matin à l’audition, commune aux Commissions des affaires étrangères et des affaires culturelles, de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’action extérieure de l’État.
Nous sommes heureux de vous accueillir, monsieur le ministre, pour cette discussion générale. La commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui s’est saisie pour avis, l’examinera demain, tandis que la commission des affaires étrangères se réunira le 12 mai prochain pour établir son texte en vue de l’examen du projet en séance publique. C’est l’occasion pour moi, monsieur le ministre, de vous demander à quelle date le Gouvernement envisage de fixer ce passage en séance publique.
Permettez-moi également de formuler un regret : l’engagement de la procédure accélérée privera, selon toute probabilité, le Sénat et l’Assemblée nationale d’une deuxième lecture. Compte tenu des modifications apportées au Sénat et des amendements que l’Assemblée nationale ne manquera pas d’adopter, nous risquons de manquer de recul. C’est d’autant plus regrettable qu’il n’est pas si fréquent que nous ayons à examiner un projet de loi réformant l’action du Quai d’Orsay.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Le projet de loi qui vous est présenté a déjà fait l’objet d’un travail patient et minutieux : au sein du Gouvernement tout d’abord, et ensuite au Sénat. Je suis heureux de pouvoir maintenant en débattre avec vous.
L’objet de ce texte est de rénover en profondeur, et pour longtemps, les instruments de notre action extérieure ; de rassembler des forces jusqu’ici dispersées ; de réunir des hommes et des femmes qui ne travaillaient pas – ou pas assez – ensemble.
Cette réforme était nécessaire. Elle était attendue. Je sais que vous en étiez vous-mêmes convaincus. Vous voyez, comme moi que de nouvelles puissances émergent ; que la mondialisation progresse ; que l’avenir de notre pays dépend, plus que jamais, de sa capacité à se trouver en bonne place dans la bataille mondiale des savoirs, des idées, des contenus culturels. Dans ce contexte, nous ne pouvions pas prendre le risque de l’immobilisme. Nous devions adapter notre outil diplomatique. Nous l’avons fait avec ordre et méthode, c’est-à-dire en trois temps.
Le premier temps consistait à réorganiser l’administration centrale du ministère des affaires étrangères et européennes. Nous disposons maintenant d’une direction générale de la mondialisation capable de traiter, avec l’ensemble des acteurs gouvernementaux et de la société civile, les enjeux globaux qu’on a trop longtemps négligés, tels que la démographie, l’énergie, le climat, les affaires financières internationales, les religions...
Dans un deuxième temps, nous avons lancé la modernisation de notre réseau diplomatique, afin de le rendre plus modulable et mieux adapté à la réalité du monde.
Avec ce projet, nous franchissons la troisième étape de la réforme, destinée à doter notre administration d’opérateurs modernes et efficaces. Au cœur du projet, il y a la création de deux agences, chargées l’une de promouvoir notre culture, nos idées, notre langue, en s’appuyant sur les 143 centres culturels qui seront ses relais dans le monde ; l’autre de favoriser la mobilité internationale des étudiants, des chercheurs et des experts, au service de l’attractivité de nos universités et de nos centres de recherche et d’expertise.
Plus d’efficacité ; plus de légitimité ; plus de cohérence et de visibilité ; une capacité plus grande à lever des fonds, à nouer des partenariats ; une administration enfin dégagée des tâches opérationnelles et mieux à même d’exercer son pilotage stratégique. Voilà ce que nous apporteront ces agences, si le texte est adopté.
Le titre Ier du projet porte sur les nouveaux opérateurs que je viens d’évoquer. Les articles 1er à 4 créent une nouvelle catégorie d’établissements publics, les établissements « contribuant à l’action extérieure de la France », et définissent les règles constitutives qui leur sont applicables.
Le statut d’établissement public a déjà fait ses preuves pour les opérateurs actifs dans le domaine de la coopération internationale. Mais nous avons besoin que ces opérateurs, qui ont chacun leur champ de spécialité, agissent de façon mieux coordonnée. C’est essentiel pour assurer la cohérence de notre action extérieure. Nous avons également besoin qu’ils travaillent de manière étroite avec les missions diplomatiques à l’étranger. C’est pourquoi nous proposons de créer une nouvelle catégorie d’établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Le texte précise leur mode de gouvernance. Il prévoit que leurs ressources pourront provenir pour une large part du produit de leur activité. Il prévoit enfin que ces établissements pourront accueillir des fonctionnaires détachés ou mis à disposition, et faire appel à des volontaires privés.
Les deux agences appartiennent à cette nouvelle catégorie d’opérateurs.
Le projet prévoit, en premier lieu, la création à Paris d’une agence culturelle extérieure, à partir de la transformation de l’association CulturesFrance en établissement public. CulturesFrance est une association loi de 1901. Le statut d’établissement public permettra d’ancrer l’agence dans la sphère publique. Il ne s’agit donc pas, comme certains détracteurs le disent, d’une privatisation ou d’une marchandisation de la culture. Qui plus est, le statut d’EPIC conférera à l’agence la souplesse dont elle a besoin pour évoluer dans un secteur concurrentiel.
Cet opérateur reprendra les missions de CulturesFrance : il devra promouvoir à l’étranger la création artistique et les industries culturelles françaises, soutenir le développement culturel des pays du sud, favoriser le dialogue culturel international, défendre l’avant-garde, sans pour autant négliger la tradition.
Mais il aura surtout trois nouvelles missions : soutenir la diffusion de la langue française ; renforcer la place de la France dans le débat d’idées ; former les personnels qui concourent à la diplomatie culturelle française.
La nouveauté, par rapport à CulturesFrance, ce sera aussi un rapport beaucoup plus étroit avec le réseau des 143 établissements culturels français à l’étranger. L’agence sera la tête de pont de ce réseau, mêlant les deux cultures, diplomatique et culturelle, parfois antagonistes. Des liens fonctionnels étroits seront créés dans deux domaines : la gestion des ressources humaines et la programmation des activités.
Par ailleurs, un même nom sera donné à l’agence et aux établissements du réseau, ce qui permettra à notre diplomatie d’influence d’avancer sous une même enseigne dans le monde entier, comme les Allemands avec le Goethe Institut, les Britanniques avec le British Council ou les Espagnols avec l’Instituto Cervantes – mais aussi, désormais, les Chinois. Cet élément symbolique est très important.
Comme vous le savez, les sénateurs ont souhaité inscrire ce nom dans la loi. Après avoir choisi, en commission, le nom d’Institut Victor Hugo, ils se sont finalement ralliés, en séance publique, au nom d’Institut français. Je ne souhaite pas rouvrir le débat sur la dénomination, qui relève d’ailleurs à mon sens plus du pouvoir réglementaire que du législateur. Et je laisse à la sagesse de l’Assemblée le soin de choisir le nom définitif de notre institut ou de confier au Gouvernement cette tâche.
Concernant la gestion du réseau des centres et instituts français à l’étranger, qui restent pour le moment rattachés administrativement au ministère des affaires étrangères et européennes, j’ai souhaité une clause de rendez-vous qui sera mise en œuvre avant trois ans. On examinera alors l’opportunité de rattacher administrativement le réseau à l’agence, solution qui a ma préférence, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, mais qui serait impraticable ex abrupto.
Il était nécessaire de ne pas précipiter la décision sur ce point : dans un premier temps, il faut consolider la nouvelle agence et évaluer dans le détail toutes les conséquences financières, juridiques et techniques d’un rattachement qui concerne 6 800 à 8 000 agents.
La loi prévoit la clause de rendez-vous, mais aussi le lancement, au préalable et au plus vite, d’expérimentations dans le cadre desquelles nous procéderons au rattachement d’un certain nombre de centres. Ces expérimentations porteront notamment sur la programmation de l’activité, sur la dévolution des moyens budgétaires et sur la gestion des personnels.
J’envisage l’élaboration d’un véritable cahier des charges pour préciser leurs modalités ainsi que les conditions de réversibilité. J’envisage aussi une clause de rendez-vous à mi-parcours pour dresser un premier bilan, avant celui des trois ans.
En matière de gouvernance, l’agence sera placée sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes, mais celui-ci associera de façon étroite, en particulier à travers le conseil d’administration, les autres ministères concernés, au premier chef le ministère de la culture, avec lequel nous travaillons très étroitement.
La création de cette agence culturelle n’est pas un petit sujet. C’est un enjeu capital pour tous les Français et pour notre influence dans le monde. Ouvrons les yeux ! Le monde dans lequel nous sommes entrés n’est pas seulement un monde plus global, mais aussi, notamment avec l’Internet, de plus en plus dématérialisé, dans lequel les productions de l’esprit jouent un rôle décisif. Les mots, les idées, les savoirs, les symboles, les images, les sons, circulent à une vitesse accélérée, dans un espace désormais unique. L’influence, la prospérité, la liberté, appartiennent à ceux qui savent en maîtriser à la fois la production et la diffusion. Il est capital pour nous d’être présents dans ce champ immense de la culture, de la communication et de la connaissance, qui est aussi, par voie de conséquence, celui du développement.
Notre pays n’est pas en mauvaise position. La France compte parmi les quatre ou cinq plus grandes puissances culturelles de la planète. Mais la compétition, dans ce domaine du savoir et de la culture, est de plus en plus forte et aucune position n’est jamais définitivement acquise. Les grands pays l’ont compris. À Londres, Berlin, Washington, Madrid, l’heure est désormais à la relance de la diplomatie culturelle. Surtout, de nouvelles puissances émergent qui, de la Chine aux pays du Golfe, à l’Inde, en passant par le monde hispanique, veulent faire entendre leur voix.
La France ne doit pas être en reste. C’est pour cela qu’il est important de créer cette agence culturelle extérieure. Ce qui est en jeu, ce ne sont pas seulement nos intérêts, notre influence, ce sont aussi nos valeurs.
Il pèse une menace sur la diversité culturelle. Nous devons défendre le pluralisme culturel qui est la condition de notre liberté. Mais il existe une autre menace, plus grave, symétrique de la première : dans le monde globalisé qui est le nôtre, la tentation est grande d’opposer les civilisations, d’enfermer les individus dans une culture prétendument plus « pure » que les autres.
Dans ce contexte, la tâche de la future agence culturelle extérieure sera aussi de réaffirmer l’idée d’une culture universelle faite d’œuvres à admirer, de savoirs à partager, de principes à respecter. Je défends l’idée obstinée que chaque homme, chaque nation, se définit par sa contribution à cette œuvre commune, en perpétuelle évolution.
Entendons-nous bien : réformer notre action culturelle extérieure, ce n’est pas seulement créer une nouvelle agence. La réforme culturelle extérieure que je propose, et que je mène en parfait accord avec mon collègue Frédéric Mitterrand, comporte quatre autres volets qui ne sont pas moins importants.
D’abord la définition, par le Quai d’Orsay, d’une stratégie d’influence, avec des priorités géographiques clairement affirmées ; dans quelques jours, je validerai avec le ministre de la culture les documents de stratégie qui guideront le travail de l’agence.
Un effort budgétaire également : j’ai stoppé la baisse historique des crédits de l’action culturelle extérieure, qui durait depuis 10 ans, grâce à la rallonge budgétaire de 40 millions d’euros obtenue pour 2009 et 2010. Et j’ai l’accord du Premier ministre pour poursuivre, et même pour augmenter ce soutien financier.
Ensuite un effort de professionnalisation des agents du réseau culturel : un plan de formation de grande ampleur, sans précédent, a été lancé. Doté de 6 millions d’euros, il permet à 4 000 agents de se former au management d’établissement, à la levée de fonds, à la gestion, aux industries culturelles, au français langue étrangère, aux nouvelles tendances de la scène artistique...
Enfin, un travail d’harmonisation entre notre réseau culturel public et celui, associatif, des Alliances françaises. Le réseau des Alliances françaises – dont les statuts sont généralement de droit local – relaie et prolonge l’action des pouvoirs publics. Nous travaillons en parfaite complémentarité avec lui. Je veux aller plus loin. Dans un article que nous avons publié ensemble il y a quelques jours, le président de la Fondation Alliance française Jean-Pierre de Launoit et moi-même avons affirmé notre volonté de rapprocher les identités visuelles – avec un même logo bleu et rouge –, d’harmoniser encore les cartes de nos réseaux, de multiplier les actions communes dans le cadre d’une convention tripartite entre le ministère des affaires étrangères, l’Agence culturelle et l’Alliance française.
Mais la diplomatie d’influence ne se limite pas à l’action culturelle extérieure. C’est pourquoi le projet de loi propose de créer un second établissement : l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales
– AFEMI. Cet opérateur se substituera à trois organismes : l’association EGIDE et les groupements d’intérêt public CampusFrance et France Coopération internationale.
Le nouvel opérateur reprendra naturellement les missions de ses trois composantes. Il sera chargé d’aider à la mobilité des étudiants et des chercheurs étrangers, notamment par la gestion administrative des bourses du gouvernement français. Il sera ensuite chargé de faire, auprès des publics étrangers, la promotion des formations supérieures françaises et de veiller à la qualité de l’accueil des étudiants étrangers en France. Pour mener à bien ses missions, l’opérateur s’appuiera sur le réseau des ambassades et des espaces CampusFrance gérés par le réseau culturel à l’étranger.
Par ailleurs, l’Agence sera chargée de concourir au développement et au rayonnement de l’expertise française, y compris de l’expertise privée de courte et moyenne durée.
Le défi est de taille. Il s’agit, d’abord, d’attirer davantage d’étudiants dans nos universités et nos laboratoires de recherche. Aujourd’hui nous nous classons au troisième rang mondial, avec 266 000 étudiants accueillis sur notre territoire. La marque CampusFrance, que les étudiants étrangers connaissent bien, sera conservée, et les espaces CampusFrance demeureront dans nos ambassades.
Le second défi est celui que représente le gigantesque marché international de l’expertise. D’après le récent rapport Tenzer, ce marché s’élèvera à plusieurs centaines de milliards d’euros pour les années à venir. La France doit y prendre toute sa place, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui : nos experts sont compétents mais ils ne sont ni assez disponibles ni assez mobiles. Il y va de l’intérêt économique de notre pays mais aussi de son intérêt en termes d’influence et de rayonnement. Ce nouvel opérateur l’y aidera.
Aujourd’hui, nos forces sont dispersées alors qu’il existe une véritable cohérence entre les métiers de la future agence. Le Président de la République, dans le cadre du Conseil de modernisation des politiques publiques, a demandé leur regroupement afin de favoriser le rayonnement de nos savoirs, qu’il s’agisse de nos savoirs académiques, scientifiques, ou techniques.
Ce qui est en jeu, c’est aussi la rationalisation des moyens de nos opérateurs : en fusionnant trois organismes en un seul, on pourra mutualiser les coûts de fonctionnement, l’implantation immobilière, avoir des règles communes de gestion des personnels.
Jusqu’à présent, nous étions dans une logique de subvention. Il faut passer à une logique de prestation de services, en usage dans tous les autres grands pays. Nous souhaitons que la nouvelle agence soit autofinancée et n’ait pas besoin de reposer sur des subventions publiques. C’est d’ailleurs le cas pour France Coopération internationale, qui ne touche aucune subvention du ministère des affaires étrangères. De cette manière, il n’y aura dans tous les cas pas de distorsion de concurrence avec les opérateurs privés.
Le Sénat a souhaité placer l’AFEMI sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes, au même titre que l’agence culturelle extérieure. Comme pour l’agence culturelle, la contrepartie est une association étroite des autres ministères au pilotage stratégique. Dans le cas de l’AFEMI, les ministères concernés sont nombreux, car ils sont nombreux à fournir de l’expertise technique.
Le conseil d’administration associera, en plus des représentants des ministères concernés, des représentants du Parlement, des collectivités territoriales et d’autres organismes, tels que les établissements d’enseignement supérieur, ainsi que des personnalités qualifiées et des représentants du personnel.
Le Sénat a aussi introduit dans la loi la création de deux conseils d’orientation consultatifs. Ils permettront d’associer les partenaires de l’opérateur dans la définition et l’orientation de ses deux principaux champs d’activité : l’accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France et la projection de notre expertise à l’étranger – selon un principe de va-et-vient profitable à tous. Le Gouvernement souhaitait créer ces conseils par voie réglementaire. Cette mesure ne peut donc que recueillir son aval.
Quant à la gestion des bourses destinées aux élèves étrangers, je souhaite qu’elle puisse être unifiée au sein du nouvel opérateur. Le Sénat, à cette fin, a opportunément introduit un article 5 ter prévoyant la remise d’un rapport, dans les trois années suivant l’entrée en vigueur de la loi, pour faire le point sur cette question.
Le titre II du projet de loi complète utilement la création de l’AFEMI. Il vise à rénover le cadre juridique de l’assistance technique internationale tel qu’il était issu de la loi du 13 juillet 1972.
Depuis cette date, en effet, le contexte a changé. La demande d’expertise internationale n’est plus la même. Elle ne s’exprime plus de la même manière. L’objectif est de remettre la France au cœur de cette compétition mondiale.
Il faut d’abord diversifier les équipes d’experts et leurs profils. Il y a quarante ans, on pratiquait une expertise résidentielle de long terme. Aujourd’hui, cette pratique se réduit au profit d’une demande de court et moyen terme, portant sur des champs très spécialisés, pour venir compléter le travail des experts locaux. C’est un marché qui représente un enjeu financier important.
Le texte présente trois avancées majeures.
Premièrement, il permet d’élargir l’affectation d’experts techniques internationaux aux organisations internationales intergouvernementales et aux instituts indépendants de recherche sur les politiques publiques, les think tanks,...
M. Jacques Myard. Les « remue-méninges » !
M. le ministre. Soit, les remue-méninges... afin de mieux répondre aux appels d’offres des organisations internationales et développer ainsi notre influence auprès de ces organismes de recherche.
Deuxièmement, il permet de recruter nos experts non seulement parmi les fonctionnaires et les agents des trois fonctions publiques, mais aussi parmi les fonctionnaires des pays membres de l’Union européenne, et les agents du secteur privé, lorsque les compétences recherchées ne se retrouvent pas au sein du secteur public. L’objectif est de gagner en réactivité. Lorsque j’étais au Kosovo, ce qui faisait la supériorité de l’offre britannique ou allemande en matière d’expertise, c’est que les experts, venus du privé ou du public, étaient sur le terrain au bout de quinze jours, restaient quelques semaines ou quelques mois et n’étaient pas pénalisés à leur retour, bien au contraire. La diversification des modes de recrutement nous permettra, à notre tour, d’être plus réactifs.
Troisièmement, le texte permet de redéfinir le principe et les conditions de durée des missions. Elles seront limitées à trois ans renouvelables une fois, afin que les experts se retrouvent régulièrement à exercer dans leur cœur de métier. Il clarifie également le statut des experts à l’issue de leur mission de coopération. Les périodes d’exercice seront assimilées à des périodes de service public, et seront comptabilisées dans les années d’ancienneté indispensables pour se présenter aux concours internes de recrutement dans les trois fonctions publiques. Dans le domaine de l’expertise médicale, par exemple, ne pas trouver sa place prise lorsque l’on revient constituerait une révolution !
Ce statut rénové de notre expertise internationale offrira un cadre d’action efficace pour notre nouvel opérateur de l’expertise et de la mobilité qui sera chargé d’animer cette politique stratégique et d’entretenir un vivier d’experts réactifs et compétents.
Le titre III du projet de loi crée l’allocation au conjoint. C’est une revendication très ancienne des conjoints de nos personnels. L’allocation sera désormais versée directement aux conjoints des agents expatriés, c’est une avancée sociale importante. Le « supplément familial » prévu par le décret du 28 mars 1967, était versé à l’agent. Son périmètre reste inchangé : l’allocation s’appliquera aux conjoints n’exerçant pas d’activité professionnelle ou ayant des revenus professionnels limités. Elle sera attribuée aussi bien aux conjoints qui restent en France qu’à ceux qui s’expatrient.
Cette mesure, qui pourrait sembler symbolique dans la mesure où elle remplace un élément de rémunération de l’agent par une allocation au conjoint – en toute neutralité budgétaire – n’en est pas moins d’une grande portée pour les familles d’agents expatriés. Elle doit apparaître comme le premier pas vers la création d’un « statut du conjoint » que le Président de la République a appelé de ses vœux dans son discours devant la communauté française de Hongrie le 14 septembre 2007 et que j’entends mettre en œuvre.
Pour finir, je voudrais dire un mot du titre IV, qui concerne le remboursement des frais engagés par l’État à l’occasion des opérations de secours à l’étranger.
La question est délicate : nos compatriotes sont attachés au secours apporté par l’État, fût-ce à l’autre bout de la planète. Mais cette mesure est nécessaire et elle sera très certainement bien comprise. Je rappelle qu’il n’existe, en droit international comme en droit français, aucune obligation de secours de l’État envers ses ressortissants à l’étranger, en dehors de l’assistance consulaire prévue par la Convention de Vienne, qui est d’une portée très limitée. Il y va du respect de la souveraineté des États où ces opérations de secours peuvent être nécessaires.
Nous faisons bien sûr le maximum pour aider nos compatriotes en difficulté. L’efficacité du centre de crise que nous avons créé est reconnue par tous.
Nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à s’exposer à un danger immédiat, dans des pays notoirement dangereux et déconseillés – en particulier dans la rubrique « Conseils aux voyageurs » du site Internet du ministère, très largement consultée – où ils séjournent pour leur loisir ou dans le cadre de leur activité professionnelle. Ces personnes secourues ne se voient pas réclamer le remboursement des frais qui sont engagés en raison d’une conception exorbitante de la gratuité des secours qui n’a pas d’équivalent à l’étranger !
Les professionnels du tourisme, des transports et de l’assurance sont eux aussi tentés de s’en remettre à l’État pour le rapatriement de leurs clients, même lorsque la situation de force majeure n’est pas véritablement constituée. Ce fut le cas lors du blocage de l’aéroport de Bangkok en novembre 2008. Cette question fut encore évoquée tout récemment lors de la fermeture des aéroports européens due à l’éruption du volcan islandais : lorsque les vols ont été réservés auprès de petites compagnies, c’est vers l’État que l’on se tourne pour être rapatrié.
Que se passe-t-il alors ? Les services de l’État doivent supporter des dépenses qui peuvent s’élever à plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’euros. Lors de la crise de Bangkok, le rapatriement des cinq cents touristes français a coûté 720 000 euros pour le seul affrètement des avions.
Il vaut mieux sensibiliser nos concitoyens aux conséquences des risques qu’ils prennent et qu’ils font prendre aux équipes de secours. Avec ce projet, l’État aura les moyens d’une part, d’exiger des personnes qui se sont mises en danger délibérément – sauf motif légitime –, le remboursement de tout ou partie des frais directs ou indirects induits par des opérations de secours à l’étranger ; d’autre part, d’exercer une action récursoire à l’égard des opérateurs défaillants, qu’ils soient transporteurs, voyagistes ou compagnies d’assurance, qui n’ont pu fournir la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus, sans être en mesure de mettre en évidence un cas de force majeure.
Entendons-nous bien : l’objet de cette mesure n’est pas de limiter la liberté de voyager ou bien d’exercer une profession, mais d’inciter les voyageurs à mieux mesurer les risques de ce monde difficile.
S’agissant des professionnels, la demande de remboursement ne pourra s’appliquer qu’en l’absence d’un motif légitime. Cette réserve est susceptible de préserver, par exemple, le cas des journalistes intervenant en zone de crise au nom de la liberté d’information, et bien sûr celui des volontaires humanitaires.
Mme la présidente Michèle Tabarot. La commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui s’intéresse plus spécifiquement à la création des opérateurs compétents en matière de culture et de mobilité des étudiants, a réalisé il y a quelque mois différentes auditions et tables rondes pour mieux appréhender les évolutions que vous souhaitez. Après avoir évoqué avec les différents intervenants la création de l’agence culturelle extérieure, nous avons deux inquiétudes.
Premièrement, nous souhaiterions obtenir des précisions au sujet de la stratégie culturelle de la France, qui nous semble encore insuffisamment définie.
Deuxièmement, quelles sont les perspectives financières ? Vous avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, les efforts importants que vous avez déployés pour arrêter l’hémorragie, mais nous avons besoin d’un peu plus de visibilité.
M. Hervé Gaymard, rapporteur. Ce projet de loi est important par son contenu, que vous avez, monsieur le ministre, exposé avec détail et conviction, mais surtout pour ce qu’il recèle : les rendez-vous fixés dans les prochaines années en font une loi « évolutionniste », en devenir, pour différents aspects dont celui de l’agence culturelle extérieure. En outre, l’application du texte dépendra fortement, comme toujours, du facteur humain : le président de la nouvelle agence aura un rôle très important pour imposer l’établissement dans un paysage administratif et politique par nature mouvant.
Deuxième remarque, ce texte est très réglementaire. Même dans sa version primitive, beaucoup de dispositions ne sont pas forcément d’ordre législatif. Cela dit, chacun doit balayer devant sa porte : nous sommes toujours tentés d’introduire des dispositions réglementaires dans un texte législatif.
Enfin, comme le président Axel Poniatowski, je regrette l’engagement de la procédure accélérée. Qu’un texte aussi important ne fasse l’objet que d’une lecture et d’un examen en commission mixte paritaire, cela me semble un peu hâtif. Il nous faudra accomplir en commission et en séance publique un travail extrêmement minutieux et rigoureux : le diable se cache dans les détails !
Le projet concerne trois politiques publiques. La première est la politique culturelle extérieure de la France, qui existe, dans sa forme moderne, au moins depuis la fin du XIXe siècle. La deuxième est la politique de l’expertise publique et de la coopération internationale. La troisième est celle de l’attractivité de notre enseignement supérieur sur le marché international de la formation : la nécessité d’attirer dans nos universités, nos écoles et nos instituts de formation des étudiants boursiers et solvables.
S’agissant de la création de l’agence culturelle extérieure, vous avez exposé les différentes configurations possibles. Je salue, à cet égard, le pragmatisme du projet. C’eût été en effet une erreur de vouloir fusionner les services de l’État et les Alliances françaises, dont le statut est le plus souvent de droit local, alors qu’il faut développer les synergies existantes.
Pour ce qui est de l’intégration totale du réseau des centres et instituts culturels dans l’Agence, certains souhaitent que les choses aillent plus vite, d’autres, plus conservateurs, souhaitent qu’elles restent en l’état. La démarche du Gouvernement – construction de l’agence au niveau national, labellisation homogène partout dans le monde, absence de fusion dans un premier temps mais clause de rendez-vous – me semble tout à fait pragmatique et intéressante, à condition que nous sachions où nous allons. En ce sens, je proposerai par amendement que l’on procède à des expérimentations réversibles dans des pays cibles afin d’évaluer les effets avant le délai de trois ans prévu dans le texte.
Par ailleurs, je salue l’effort consenti en matière de formation des personnels et de sélection des candidatures, qui permettra une plus grande professionnalisation des agents.
Il convient ensuite de souligner l’importance des politiques d’expertise publique et de renforcement de l’attractivité de la France auprès des étudiants étrangers.
La politique d’expertise publique se situe dans un « angle mort » de notre stratégie d’influence, non qu’il ne se fasse rien – nombre d’organismes publics et de sociétés privées accomplissent un travail remarquable – mais le rapport de M. Nicolas Tenzer a bien montré que nous perdons des parts de marché, qu’il s’agisse de celui des appels d’offres des organisations internationales – en particulier de la Banque mondiale et des banques régionales de développement – ou du marché privé. Cela rend d’autant plus nécessaire une vraie politique publique dans ce domaine.
Même nécessité en ce qui concerne l’attractivité de la France auprès des étudiants étrangers. La création de CampusFrance en 2007 a constitué un réel progrès. Je rappelle que plusieurs ministères et institutions sont concernés : outre le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, celui de l’immigration – pour la question de visas –, mais aussi les universités, devenues entre-temps autonomes, et les collectivités territoriales, qui ont un rôle considérable pour l’hébergement des étudiants français et étrangers et qui attribuent également des bourses.
Cela dit, la création de cette nouvelle agence soulève une véritable interrogation. Rassembler dans un même établissement le volet de l’expertise internationale et celui de l’attractivité en matière d’enseignement et de recherche ne me semble pas une bonne solution car ce n’est pas le même sujet. Je comprends bien que Bercy est à vos trousses, que la RGPP impose des économies d’échelle, des fonctions communes, etc., mais je pense néanmoins que c’est une erreur en termes d’efficacité.
Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des amendements. Sans doute peut-on imaginer un établissement public « chapeau » assurant les fonctions horizontales de gestion du personnel, des locaux, de l’hébergement, etc., mais il faut très clairement distinguer les deux politiques publiques. Deux marques existent déjà : France Coopération internationale et CampusFrance, elles ont maintenant une certaine notoriété et ce serait une erreur de les abandonner au profit d’un acronyme qui restera ignoré de tous.
Dernière remarque d’ordre général : dans tous ces domaines, le ministère des affaires étrangères ne peut que travailler avec les partenaires concernés : le ministère de la culture et celui de l’éducation nationale – dont est issue une part non négligeable des agents des instituts culturels français – pour l’agence culturelle extérieure ; l’ensemble des ministères intervenant sur le marché de l’expertise et de la coopération internationales, mais aussi le secteur privé, pour ce qui est de l’expertise. Il faut affirmer clairement qu’il n’y aura pas de distorsion de concurrence aboutissant à évincer des sociétés d’ingénierie privées. En effet, certaines d’entre elles s’inquiètent des « dérives » que le texte pourrait permettre. Pour ce qui concerne les étudiants, il conviendra de travailler en confiance et en coresponsabilité avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, avec les trois conférences (celle des présidents d’universités, celle des grandes écoles, celle des directeurs d’écoles d’ingénieurs), et avec les collectivités territoriales.
Enfin, si nous comprenons bien l’inspiration des dispositions du titre IV, relatives aux opérations de secours à l’étranger, nous souhaiterions obtenir une précision : le 22 juillet 2009, c’est-à-dire le jour de l’adoption du présent projet de loi en Conseil des ministres, une loi « de développement et de modernisation des services touristiques » était promulguée. Les dispositions que le Gouvernement nous propose aujourd’hui semblent présenter certaines redondances avec ces dispositions législatives déjà applicables. Un peu de toilettage ne serait peut-être pas superflu afin que nous légiférions à bon escient.
M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis. La commission des affaires culturelles et de l’éducation a souhaité se saisir pour avis de ce texte en raison des dispositions relatives à l’agence culturelle extérieure et de celles qui concernent l’agence pour l’expertise et la mobilité internationales.
Ce texte important permet de sortir de la balkanisation de la représentation française à l’étranger. Cela étant, ne « resserre »-t-on pas les choses au point d’associer la mobilité des étudiants et l’expertise, qui sont deux sujets différents ?
Au-delà de la diffusion de la culture, de l’image et des valeurs de notre pays, la projection de la France à l’étranger est un moyen de faire face à la mondialisation. Du reste, c’est la direction générale de la mondialisation qui exercera, au ministère des affaires étrangères, la tutelle des deux agences.
L’attractivité exercée vis-à-vis des étudiants étrangers a une incidence sur notre économie : diffuser notre culture, c’est, demain, renforcer l’attractivité de nos entreprises à l’étranger.
Concernant l’expertise, l’accueil des étudiants étrangers et la promotion de notre langue, de notre culture et de nos savoirs, ce texte est à la fois ambitieux et nécessaire. Il était d’autant plus attendu que le contexte budgétaire ne cesse de se restreindre – nous saluons, à cet égard, les efforts que vous avez réalisés, monsieur le ministre.
Comme l’a souligné la présidente Michèle Tabarot, nous attendons de la création de ces deux agences qu’elle permette de préciser la stratégie culturelle française à l’étranger. Face au Goethe-Institut, au British Council ou à l’Instituto Cervantes, comment la France se positionnera-t-elle ? Par ailleurs, alors que nous avons voté l’autonomie des universités, celles-ci semblent quelque peu absentes – de même que les collectivités territoriales – de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales. Au-delà du conseil d’orientation que vous avez évoqué, comment comptez-vous associer les grandes écoles et les universités de manière à ce que leur attractivité s’exerce pleinement ? De même, comment le Centre national des œuvres universitaires et scolaires – le CNOUS – travaillera-t-il avec la nouvelle agence ?
M. le ministre. La stratégie culturelle de la France, madame la présidente Tabarot, était jusqu’à présent très imprécise : elle dépendait des postes, des possibilités financières, de la personnalité des directeurs des centres culturels, etc.
La mise en place de CulturesFrance a représenté un progrès, mais les pouvoirs et le budget de cette association loi de 1901 restent insuffisants. Certains esprits conservateurs lui reprochent, non sans raison, son « parisianisme ». En effet, on ne peut présenter en Amérique du Nord les mêmes choses qu’en Afrique ou en Asie.
Avec le ministère de la culture, nous travaillons à des propositions précises. Aucun domaine culturel ne sera oublié. Mais ces propositions doivent d’abord rencontrer la culture locale. Sans compréhension, je dirais même sans appropriation, de la culture locale, on ne peut faire de bonnes propositions. Une bonne connaissance de la demande est indispensable. Le succès découlera du mariage de ces deux aspects.
De surcroît, la sélection des personnels de la nouvelle agence se fera entre le ministère de la culture et celui des affaires étrangères : si l’on ne rassemble pas dès le départ ces deux cultures dont l’antagonisme est parfois caricatural, ce sera l’échec.
On retrouvera, je le répète, tous les domaines : arts plastiques, cinéma, audiovisuel extérieur, etc.
Permettez-moi également d’insister sur le caractère sans précédent des cycles de formation. La mise en place d’un plan de formation culturelle destiné aux responsables eux-mêmes est loin d’être facile ! À terme, 4 000 agents seront formés, y compris les ambassadeurs.
Bien entendu, ce dispositif ne saurait remplacer le savoir personnel, l’empathie, la façon de parler aux personnes et de les écouter. Mais nous espérons le mener à bien malgré les tâtonnements initiaux. Le projet d’enseignement n’est pas encore arrêté entre le ministère de la culture et le nôtre, mais il le sera.
Avant la fin de mois de mai, nous vous présenterons ces stratégies culturelles de la France, sachant que les réponses varieront selon les postes. Il existe, vis-à-vis de la France, une demande universelle et généraliste reposant sur les Lumières et la Révolution – ce qui n’est pas forcément le cas pour les instituts Cervantès ou Goethe. Nous devons en tenir compte, tout en accentuant la possibilité d’offrir l’avant-garde de nos artistes.
Certaines opérations de coût réduit rencontrent des succès populaires formidables mais sont très peu proposées. En revanche, les tournées de grandes institutions culturelles comme l’Opéra de Paris ou la Comédie française, qui coûtent cher, ne sont pas forcément accueillies de la même façon selon les pays. La prise en compte de l’élément local est ici très importante.
Je souhaite comme vous, monsieur le rapporteur, que l’on procède immédiatement à des expérimentations en prenant soin de choisir des pays très différents.
Pour ce qui est des perspectives financières, madame la présidente, je me réjouis du progrès obtenu. Les crédits sont pérennisés pour le démarrage de l’agence. Une somme dont j’ignore encore le montant pourra être allouée en supplément.
Oui, monsieur Gaymard, c’est une loi « évolutionniste ». Le président de la nouvelle agence aura en effet un rôle très important.
Par ailleurs, j’estime que ces trois politiques publiques constituent un tout et, je crois bienvenu que le deuxième EPIC regroupe France Coopération internationale et CampusFrance, qui ont une notoriété.
Pour ce qui est des Alliances françaises, il est impossible de les marier avec un EPIC – pas plus qu’avec une association loi de 1901 – puisqu’elles sont de droit local. Cela étant, elles travaillent déjà largement avec nous, bien au-delà de leur mission originelle qui est l’enseignement du français. Du reste, rares sont les pays où l’Alliance française et le centre culturel s’ignorent. Même s’il peut y avoir des concurrences, les responsables seront obligés de travailler ensemble. Les tournées seront communes entre Alliances françaises et centres culturels, ce qui permettra de les rentabiliser. Nous travaillons à ce renforcement avec Jean-Pierre de Launoit. Je crois beaucoup à cette idée de logo commun – même si j’estime que le projet présenté peut être amélioré.
La formation, qui mobilise une part importante des crédits supplémentaires, est indispensable à la création de l’agence. De même, si un conflit se déclare entre l’agence et l’ambassadeur pour la nomination d’un directeur de centre culturel, c’est le ministre des affaires étrangères qui tranchera.
Nous travaillons, bien entendu, avec le ministère de la culture et avec celui de l’éducation nationale. Il faut mélanger ces traditions qui se sont longtemps affrontées et qui ont provoqué des querelles de personnes rendant illisibles, et même impraticables, les offres culturelles de la France.
La conférence des présidents d’universités et les collectivités locales seront représentées au conseil d’orientation ainsi qu’au conseil d’administration.
Vous évoquez enfin la loi de développement et de modernisation des services touristiques, monsieur le rapporteur. Si ce texte comportait toutes les possibilités d’assurance que nous souhaitons, cela se saurait ! Pour l’instant, nous ne bénéficions d’aucun remboursement. Mais je vais prendre connaissance de cette loi dès à présent puisqu’elle a été votée après l’élaboration du projet de loi
Le rapporteur pour avis semble regretter, après une profusion excessive d’initiatives, un regroupement trop important. Nous verrons bien. Les formations permettront de marier les idées et les projets. Nous souhaitons un recoupement avec les activités de l’AEFE – l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger –, afin que les lycées ne soient pas exclus du dispositif.
M. Michel Vauzelle. Il est très discutable de recourir à l’urgence pour un tel texte, qui met tout simplement en jeu la place de notre nation dans le monde, que nous sommes aujourd’hui, compte tenu des problèmes sociaux qui accablent notre peuple, les seuls à pouvoir défendre.
Nous ressentons comme une humiliation de ne pouvoir, hors de nos frontières, regarder que des chaînes de télévision espagnoles anglaises, italiennes ou allemandes, ou de constater l’action vigoureuse des instituts Cervantes ou Goethe, à laquelle nos propres institutions, faute de moyens, ne peuvent manifestement pas se mesurer. Mais l’humiliation n’est rien au regard de l’enjeu éthique que représente la liberté de choix entre des modèles culturels différents. La mondialisation ne doit pas se traduire par une seule langue et une seule culture. On peut à ce propos s’interroger sur l’idée que se font de l’Europe dans le monde de demain le président Obama et les dirigeants des « BRIC » (Brésil - Russie - Inde - Chine). Nous avons le devoir impérieux de défendre notre patrimoine non seulement esthétique mais éthique.
Vous parlez, monsieur le ministre, de rassembler nos forces dispersées. Mais sont-elles seulement suffisantes ? Peut-on accepter que les affaires étrangères, autrement dit les affaires de la France, soient traitées comme le reste par la RGPP ? Évidemment non. J’ai pu mesurer au cours d’un voyage en Amérique latine l’attente de nos amis francophones et francophiles, comme la déception, le découragement, voire parfois l’humiliation de nos agents chargés de la politique culturelle. Le problème est grave. Il faut absolument que le Gouvernement comprenne que la France ne peut pas s’en remettre à l’Europe, trop diverse culturellement, pour défendre une éthique et une culture particulières. La France doit traiter différemment, et avec des moyens bien supérieurs, sa politique extérieure.
M. Jacques Myard. Très bien !
M. Michel Vauzelle. La France peut rester demain l’une des plus grandes puissances mondiales, en matière culturelle et éthique, si elle n’abandonne pas le terrain pour des raisons économiques.
M. Bruno Bourg-Broc. Je vais me risquer à vous poser une question hors sujet, encore que je puisse me prévaloir du titre IV du projet : pourriez-vous faire brièvement le point sur le sort des deux journalistes otages en Afghanistan ?
Je vous rappelle par ailleurs la question du président Poniatowski sur la date d’examen de ce texte. Pouvez-vous, à défaut d’un jour précis, nous fournir au moins une période ?
Au-delà de la complémentarité entre le réseau des instituts et celui des Alliances françaises, il importe aussi de fédérer les actions de différents ministères qui, quoi qu’on en dise, se crêpent souvent le chignon. Et comment inscrire les initiatives foisonnantes des collectivités locales dans notre politique extérieure tout en respectant le principe de libre administration ? Pour en revenir aux instituts, leur création n’entraîne-t-elle pas la suppression à terme des aides de l’État au réseau des Alliances françaises qui réussissent à « s’approprier » la culture locale, souvent mieux que les instituts culturels ?
Vous avez souligné la remontée récente du nombre d’étudiants étrangers en France – 266 000, un chiffre qui n’était plus atteint depuis longtemps. Mais ce phénomène se heurte à la politique de visas et l’ouverture se concilie difficilement avec l’exigence de solvabilité. Comment peut-on faire en sorte que les étudiants, africains en particulier, trouvent chez nous le même accueil qu’il y a trente ans ?
M. Michel Terrot. Les pays francophones, notamment africains, sont dans l’attente de plus de France, en particulier pour soutenir leurs artistes locaux qui apprécient cette sorte de « label France » donné par les Alliances françaises et les centres culturels. La possibilité d’être écouté, exposé, programmé est une forme de reconnaissance très prisée, j’ai pu le constater lors de mes déplacements en Afrique. Au-delà de l’exportation de la culture française, il y a aussi l’action consistant à faire émerger des talents nouveaux au sein de cultures étrangères. Et il faudrait que la future agence en tienne compte.
M. Didier Mathus. Le débat s’inscrit dans une tendance caractérisée par l’effondrement général, depuis sept ou huit ans, des crédits de la présence culturelle française à l’étranger.
Je regrette que ce texte n’ait pas été l’occasion de structurer les carrières de nos agents à l’étranger. Aujourd’hui, on ne gère pas les compétences, et la mobilité fréquente qui est la règle empêche leur utilisation rationnelle. Le petit effort en matière de formation – bien nécessaire pour les ambassadeurs pour qui le cinéma s’arrête souvent à Godard – reste très en deçà des besoins de professionnalisation. Mon plus grand regret tient à la vision définitivement archaïque de la présence culturelle que donne ce texte, qui ne comporte pas une seule ligne sur l’audiovisuel qui est aujourd’hui le vecteur essentiel de la culture. Pourtant la puissance culturelle des États-Unis est due à leur présence audiovisuelle.
Envers la seconde agence qui regroupera EGIDE, CampusFrance et France Coopération Internationale, je partage les réticences de notre rapporteur qui a relevé le caractère hétéroclite de l’attelage. Pourquoi pas une vraie structure pour gérer l’enseignement supérieur, les étudiants étrangers en France et instaurer un véritable suivi ? Nous sommes parmi les rares pays développés à ne pas nous préoccuper du sort de ceux que nous avons formés. En général destinés à exercer des postes de responsabilité ou de direction, ils pourraient être les meilleurs porte-drapeaux de la culture française. Nous avons raté l’occasion de nous doter d’un outil destiné à donner de la cohérence à l’ensemble du dispositif universitaire français. L’assemblage hétéroclite ne profitera finalement ni à l’expertise, ni au développement de l’enseignement supérieur français à l’étranger.
M. le ministre. Noirâtre était le tableau, monsieur Vauzelle ! Toutes les demandes ne peuvent être satisfaites, mais nous faisons des efforts. Avec le Brésil, ça marche vraiment bien, insuffisamment avec d’autres pays latino-américains. À l’heure actuelle, rien ne nous porte vers ce continent où la culture révolutionnaire française a beaucoup compté. Même si nous ne faisons pas assez, nous restons le troisième ou quatrième pays – et souvent le deuxième – pour notre présence culturelle.
L’agence pour l’audiovisuel extérieur vient d’être créée et nous en tenons compte bien évidemment. Ce texte n’a rien d’archaïque ! Nous allons monter avec Frédéric Mitterrand des projets très précis dans le domaine audiovisuel, c’est indispensable. Entre TV5, RFI et France 24, des efforts considérables ont été faits depuis cinq ans, même s’ils sont insuffisants. RFI est surtout tournée vers le continent africain et il faudrait lui donner plus de force. Mais, pour la télévision, c’est beaucoup mieux. Et si nous n’avons pas, il est vrai, les moyens des télévisions américaines et même espagnoles et italiennes, cela ne relève certes pas de la responsabilité directe et exclusive du ministère des affaires étrangères.
Monsieur Bourg-Broc, ce n’est pas l’urgence qui est en cause : la révision constitutionnelle impose un délai obligatoire de plusieurs semaines entre le dépôt d’un texte et sa discussion en séance publique même pour une procédure accélérée. J’ai demandé au Premier ministre qu’elle ait lieu fin juin. On m’a répondu début juillet. La précipitation, tous les députés la dénoncent, pour tous les textes. Sachez que je travaille à ce projet de loi depuis trois ans, que la tâche n’a pas été facile. Il serait temps de mettre en avant les rares avantages qu’il recèle ! Pour le reste, il y a des clauses de revoyure et des possibilités d’expérimentation. Rien n’est jamais parfait, mais je suis plutôt content de vous présenter un texte que l’on attendait depuis trente ans.
Les Alliances françaises et les instituts n’ont pas les mêmes statuts, ni les mêmes activités. Les premières doivent enseigner le français et leurs activités culturelles sont moindres que celles des seconds. Il faut marier les deux. Les centres culturels aussi enseignent le français et leurs résultats sont loin d’être mauvais. On me reproche de ne pas avoir beaucoup d’argent mais il ne suffit pas de se plaindre pour en avoir plus. Les instituts français auront encore plus la possibilité de trouver de l’argent localement, ce qui n’était pas l’apanage des Alliances françaises, et l’on ne songeait pas à le leur reprocher. Nous allons désormais marier les compétences, d’autant que, souvent, les implantations ne se recoupent pas. Le circuit des centres culturels draine 350 millions d’euros, dont 30 millions de financements privés à Cultures France. Il s’agit des activités culturelles du ministère des affaires étrangères, et pas des Alliances à qui nous versons des subventions et auprès desquelles nous avons détaché plus de 150 agents. L’autofinancement, par les cours de français, atteint 100 millions auxquels s’ajoutent les 220 millions de crédits publics. Ce n’est pas si mal, d’autant que j’ai obtenu pour 2010 une rallonge sans précédent depuis l’an 2000. Il faut inclure aussi les 500 millions destinés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. La coopération culturelle et l’enseignement du français, c’est ainsi 850 millions. Quant aux comparaisons internationales, le Goethe Institut, c’est 250 millions d’euros et le British Council 627 millions, dont 404 millions autofinancés et 223 millions de dotations budgétaires. Nous ne sommes pas les plus mal lotis. Jamais nous ne supprimerons l’aide aux Alliances, nous allons même la renforcer.
Quant à la concurrence public-privé, il faut regarder les chiffres : France Coopération Internationale « pèse » 10 millions d’euros et les opérateurs privés 10 milliards. Même si l’État voulait les gêner, il ne le pourrait pas. Il faut marier les expertises pour répondre aux appels d’offres.
Le label France pour les artistes locaux, merci de l’avoir signalé, c’est bien ce qu’il faut faire et cela ne coûte pas très cher. Si nous ne baignons pas dans la culture du pays, notre tâche sera beaucoup plus difficile.
Structurer, c’est ce que nous faisons. Nous n’avions pas assez d’argent pour basculer tout le réseau et nous aurions provoqué la révolution. Nous pourrons sauter le pas dans trois ans, après un audit. Pour le moment, après deux contrats de trois ans, c’est terminé. Les agents locaux ne se plaignent pas du tout de la perspective du rattachement, au contraire. On pourra parler de structuration de carrière complète grâce aux CDI. Et la formation de quatre mois, pour tout le monde, c’est énorme. Donner des CDI et consacrer 6 millions à une formation à Paris, c’est un gros changement.
Le cinéma rencontre un grand succès et fera bien sûr l’objet de projets, comme l’audiovisuel. L’agence pour le cinéma existe déjà.
L’alliance entre l’expertise et CampusFrance est cohérente car il s’agit d’échanges de matière grise. Mais j’ai bien aimé la proposition de votre rapporteur d’un EPIC qui chapeauterait deux structures distinctes.
M. Hervé Féron. Vous dites, monsieur le ministre, que la stratégie culturelle de la France était très imprécise mais le texte ne dissipe pas le flou artistique, au risque de décevoir. On a l’impression que vous n’avez pas osé. Il aurait fallu donner non seulement de la cohérence à l’ensemble en jouant sur la complémentarité, mais aussi une réelle indépendance aux 154 services de coopération et d’action culturelle des ambassades et aux 144 centres culturels français à l’étranger. Or le sentiment prévaut que vous êtes pressé par Bercy qui fait de l’action extérieure de la France, comme de la culture en général, une variable d’ajustement budgétaire. Le corps diplomatique ne veut pas non plus perdre son pouvoir, si bien que le texte rend encore plus illisible l’action du réseau culturel français.
Quelles sont les dispositions du texte qui précisent qui doit faire quoi, avec qui et comment ? Comment se coordonnera l’action des instituts français, des services culturels, des ambassades, des centres culturels ? Quelles seront les relations avec les Alliances françaises qui, j’en suis bien d’accord, ne doivent pas être intégrées à l’ensemble ? Les déclarations d’intention ne suffisent pas, il faut des outils. L’article 6 du projet assigne notamment comme mission à l’Institut français « la promotion, la diffusion et l’enseignement à l’étranger de la langue française ». Et l’AEFE dans tout ça ?
Pourquoi attendre trois ans, et un énième rapport sur la diplomatie d’influence pour envisager de rattacher le réseau culturel de la France à un établissement public contribuant à l’action extérieure ? Vous invoquez la difficulté technique, mais elle subsistera dans trois ans. Le rapporteur a lui-même proposé d’ouvrir le chantier en procédant à des expérimentations. L’opération permet de mieux masquer le désengagement considérable de l’État et la baisse de 20 % ces trois dernières années des financements du réseau culturel est indéniable. Des programmes ont été arrêtés et les 750 000 euros prévus pour la modernisation des médiathèques ont été supprimés. L’action culturelle extérieure croule sous le poids de la diplomatie tout en perdant ses moyens. Les augmentations dont vous vous prévalez sont insuffisantes, vous le reconnaissez vous-même.
La création d’un EPIC est un signe avant-coureur du désengagement financier de l’État, mais aussi de son désengagement politique – un EPA permettrait aussi bien de faire fonctionner des billetteries –, et de la marchandisation de la culture. L’État est en permanence en retrait. En outre, le statut d’EPIC ne permettra pas d’intégrer dans des conditions satisfaisantes les nombreux fonctionnaires du ministère des affaires étrangères. Le texte permet en fait de retarder les échéances.
Je conclus sur la dénomination. Victor Hugo continue de nous intéresser, ne serait-ce que parce que nombreux sont les pays à avoir choisi de donner un visage à leur culture : Goethe, Cervantès, Camões, Confucius, Adam Mickiewicz… Les valeurs d’humanisme portées par Victor Hugo serviraient la France. André Schneider peut témoigner que je défends la belle idée de la francophonie mais je trouve qu’« Institut français » fait un peu franchouillard et je préfère Victor Hugo.
M. Robert Lecou. J’ai la certitude que ce texte est essentiel. La France a toujours rayonné, elle s’en faisait même un devoir à cause de l’universalité des droits de l’homme. Mais c’est aussi son intérêt. Il suffit de se déplacer pour s’apercevoir que, dans un monde globalisé, notre économie peut profiter de notre culture et de notre présence à l’étranger. Hervé Gaymard a parlé d’un texte évolutif et très réglementaire. Cela signifie que nous devrons parler fort pour convaincre. Le projet cadre mais ne définit pas précisément la stratégie. Je comprends les collègues qui s’émeuvent qu’il ne soit pas question d’audiovisuel. Il est frustrant, quand on est à l’étranger, de devoir appuyer sur la télécommande une bonne vingtaine de fois avant de capter une chaîne française, là où les étrangers en ont plusieurs. J’espère que les débats dans l’hémicycle permettront d’enrichir ce texte essentiel.
Je souhaite insister aussi sur les Alliances françaises. Établir avec elles des partenariats est une bonne chose car il faut surtout leur conserver leur empreinte locale et leur statut de droit local.
Il faut vivre avec la RGPP ; les moyens se font rares même si l’enjeu est essentiel. Mais les collectivités territoriales s’inscrivent-elles dans une stratégie d’ensemble ? Elles peuvent aussi être des relais du rayonnement de la France.
Enfin, une question sur le titre IV concernant les opérations de secours à l’étranger. Mon collègue Bourg-Broc a évoqué les journalistes français pris en otages. La liberté est un bien précieux, vital même. Or elle n’est jamais acquise. Elle passe par la liberté de circulation, de réunion et d’expression. Et je m’inquiète de la volonté de responsabiliser pécuniairement les personnes qui se déplacent à l’étranger en prenant des risques. Vous l’avez dit, mais je souhaiterais que vous répétiez que les journalistes ne sont en aucun cas concernés.
Mme Colette Langlade. La communauté française est un atout de notre pays puisqu’elle participe au rayonnement de notre culture, à l’épanouissement de nos valeurs et à la vigueur de notre coopération. La France est longtemps restée en retrait du mouvement d’expatriation, par rapport à d’autres pays qui ont une tradition d’émigration. Vous avez insisté, monsieur le ministre, sur la mobilisation autour des étudiants étrangers qui viennent en France. Comment développer l’accueil et attirer de nouveaux étudiants dans nos laboratoires de recherche ? Avez-vous réfléchi à un suivi de ces étudiants une fois qu’ils ont quitté la France ? Un outil peut-il être mis en place ?
M. Jacques Myard. Le texte empiète en effet sur le pouvoir réglementaire. Le sort réservé aux locaux des Instituts relève de votre pouvoir exclusif, monsieur le ministre.
La stratégie d’influence est un enjeu politique. Vous présentez un projet qui vise à renforcer la cohérence et l’efficacité de notre action culturelle. Mais la culture est partout, y compris dans l’économie et la politique. À quoi bon nous présenter un consulat franco-allemand ? Les intérêts ne sont pas les mêmes.
M. le ministre. Il s’agit de visas !
M. Jacques Myard. Dans les consulats, on fait de la politique, de la recherche économique et de la culture, on ne se contente pas de délivrer des visas. Il ne faut pas non plus nous présenter un service diplomatique de l’Union européenne où nous irions bêler en anglais avec les autres. Il faut exister par nous-mêmes ! Regardez ce que font les Anglais : ils utilisent leur langue systématiquement tandis que nos représentants utilisent directement l’anglais dans les réunions internationales. Il faut rappeler les principes fondamentaux.
Enfin, je m’interroge sur le pouvoir du ministre. Jusqu’à nouvel ordre, la voix de la France, c’est lui et l’ambassadeur est le représentant du chef de l’État. Ce texte, va-t-il selon vous renforcer les pouvoirs de l’ambassadeur, conformément à une stratégie d’influence ? Ou bien va-t-on aller plus loin dans la balkanisation de l’État ?
M. le ministre. Monsieur Féron, vous m’avez accablé ! Depuis trente ans, personne n’avait osé regrouper. D’un côté, on me reproche d’en faire trop en empiétant sur le pouvoir réglementaire ; de l’autre pas assez et de rester flou. Je n’arriverai jamais à vous convaincre, mais la réalité s’en chargera…
Je suis pressé par Bercy… comme tout le monde. J’ai fait que le budget culturel du ministère des affaires étrangères cesse de baisser, alors qu’il diminuait depuis 2000. J’en voudrais plus, mais regardons les chiffres. Les fonds étaient d’une certaine façon mal utilisés parce que l’action culturelle était insuffisamment encadrée.
Les ambassadeurs qui sont les représentant de la France à l’étranger disposeront de trois ans pour s’adapter. Si cela ne marche pas, on changera. Pourquoi pas tout de suite ? Parce que c’est impossible pour des raisons sociales : je ne veux ni bouleverser l’ensemble d’un ministère ni désespérer les 15 000 personnes qu’il emploie. La diplomatie à l’âge d’Internet est déjà une chose difficile. De toute façon, je n’avais pas l’argent. Ne me dites pas que se voir offrir un CDI, ce n’est pas mieux que d’être baladé tous les trois ans, au rythme des CDD.
Considérer la culture comme une variable d’ajustement, je m’y refuse complètement, même si, avec la crise économique, le budget n’est pas extensible.
L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger marche très bien, avec un autofinancement relatif. Je visite les lycées qui ont été reconstruits. Si ce n’est pas suffisant, eh bien, trouvez l’argent ! Votez des crédits. Nous avons fait des efforts et je les vois se concrétiser parce que l’enseignement est très bon.
Le poids de la diplomatie ? On me reproche assez de ne pas défendre suffisamment les diplomates. À Washington, notre plus gros poste, il y a 380 personnes. Combien de diplomates ? Devinez : douze ! Il faut vous adresser aux autres ministères et leur demander autant d’efforts qu’aux affaires étrangères qui ont suivi toutes les consignes, peut-être même trop. C’est partout pareil : au Togo, quatre diplomates sur quatre-vingts personnes ! Il faut faire de l’action culturelle en coopération car la concurrence permanente ne fait qu’attiser la haine entre services culturels et chancellerie diplomatique.
La marchandisation ? Où la voyez-vous dans la transformation d’une association loi de 1901 en établissement public ? Je ne vends pas la culture, j’essaie de la faire vivre.
Pour Victor Hugo, à vous de juger ! Je vous livre mon sentiment. D’abord, ce n’est pas aux députés de trouver le nom car cela ne relève pas de la loi. Ensuite, il y a déjà l’Alliance française. L’Institut français ferait le pendant, sous un sigle commun. Mais je ne peux pas ne pas défendre Victor Hugo puisque c’est moi qui ai proposé son nom. Nous en reparlerons en séance publique.
Monsieur Lecou, merci. Je pense aussi, sans prétention, que c’est un texte essentiel. Tout le monde s’était dégonflé depuis trente ans.
Vous me reprochez qu’il n’y ait rien sur le cinéma. Proposez donc un rapprochement avec Unifrance ! On ne peut pas tout faire en même temps. En outre, ce serait inutile. Une stratégie consistant à monter de vraies tournées de démonstration de l’offre française, c’est exactement ce que je veux faire. Il y a des ambassadeurs compétents pour la culture, mais la caractéristique de la diplomatie n’est pas l’avant-garde. C’est ce que j’ai appris. Il va falloir les marier. C’est en tout cas mon intention.
Les collectivités territoriales seront représentées au conseil d’administration des établissements publics. Nous avons déjà des offres et nous allons nous réunir ensemble pour savoir comment intégrer les collectivités dans la réforme culturelle.
J’en viens aux secours. Nous demandons aux touristes de ne pas commettre trop d’imprudences, même si, de toute façon, nous faisons tout notre possible pour les sortir d’affaire, quel qu’en soit le coût. Il faut prendre conscience que nous allons vers un monde où les corps blancs ne pourront plus s’aligner au soleil comme ils le faisaient avant. En revanche, les journalistes et les humanitaires seront exemptés. C’est normal. Mais ce n’est pas au ministère des affaires étrangères de payer le rapatriement de touristes dont l’avion est en panne ! Pourtant c’est ce que nous faisons. La manifestation la plus violente à cause du volcan a eu lieu dans les rues de New York. Il a fallu envoyer la police. Ce n’est pas sérieux. Le ministre n’y était pour rien.
M. Jacques Myard. Vous avez tout à fait raison.
M. le ministre. Je ne peux pas dire aux journalistes de ne pas suivre les consignes. Mais chaque fois qu’ils prennent des risques, ils font leur métier.
Nous n’avons plus de nouvelles depuis quelques jours de nos deux journalistes enlevés en Afghanistan. Nous savons dans quelle vallée ils se trouvent. Tous les services de tous les pays présents, en particulier les Américains qui sont installés au nord, sont en alerte et nous travaillons ensemble. Tous les moyens ont été mobilisés par le Président de la République, et des renforts spécialisés envoyés. La cassette est un signe de vie probant.
L’accueil des étrangers nous préoccupe, madame Langlade. Les visas méritaient d’être un peu mieux contrôlés. Il faudrait plus de bourses pour compenser. Les lycées français sont excellents, et je salue le dévouement de leur personnel, mais la gratuité pour les uns doit être rapportée aux prix élevés demandés aux parents étrangers. Il faut faire le bilan avec l’AEFE et les associations. Ce qui me gêne, c’est l’absence de continuum qui nous empêche de suivre les élèves depuis l’école – où se transmettent non seulement la langue, mais aussi les valeurs – jusqu’à l’université parce que l’offre y est insuffisante. Cela étant, vous savez qu’il y a eu de sérieux excès, les inscriptions étant pléthoriques dans certaines matières… Avec nos amis de l’éducation nationale, nous essayons d’aller plus loin, malgré les budgets.
Monsieur Myard, le vrai problème, ce ne sont pas les locaux. Basculer l’ensemble du réseau était inimaginable à cause notamment des implications fiscales. Les impôts n’auraient pas été les mêmes puisque la protection diplomatique n’aurait pas joué. Il faut faire très attention.
M. Jacques Myard. Ces sujets relèvent de la convention de Vienne.
M. le ministre. Certes, mais, quand un établissement public à caractère industriel et commercial fait des bénéfices,…
M. Jacques Myard. Dans ce cas, la loi n’apporte aucune protection. Il faut négocier d’État à État.
M. le ministre. Il faut y aller en douceur et maintenir le statut actuel sauf dans certains États, qui demandent à ce que les activités commerciales soient assujetties à l’impôt. C’était une raison supplémentaire pour ne pas basculer les 8 000 personnes vers un autre statut.
Le pouvoir de l’ambassadeur sera inscrit dans la loi, ce qui ne veut pas dire que, dans le domaine culturel, il sera pérennisé. Mais l’ambassadeur sera formé pour pouvoir faire preuve de suffisamment d’imagination et de modernité pour être à la tête de nos services culturels. Si ce n’est pas le cas, l’agence culturelle viendra remplir cet office.
M. André Schneider, Président. Nous vous remercions, monsieur le ministre. Vous avez pu constater l’intérêt que nos deux commissions portent à l’action culturelle extérieure.
La commission examine, le mercredi 12 mai 2010 à 9 heures 30, les articles du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État (n° 2339).
M. le président Axel Poniatowski. Mes chers collègues, avec la Commission des affaires culturelles, nous avons, le 4 mai dernier, procédé à l’audition du ministre, qui nous a présenté ce projet de loi. Les rapporteurs, MM. Hervé Gaymard et Gilles d’Ettore, se sont exprimés au cours de cette séance et nombre d’entre vous ont participé à la discussion générale. Nous consacrerons donc cette matinée à l’examen des vingt articles du projet. Ils font l’objet d’une cinquantaine d’amendements, dont certains adoptés par la Commission des affaires culturelles qui s’est saisie pour avis.
En application des nouvelles règles d’examen des textes en commission, le Gouvernement est présent ; nous avons donc le plaisir de retrouver le ministre.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS CONTRIBUANT À L’ACTION EXTÉRIEURE DE LA FRANCE
Le titre Ier du présent projet de loi est dans une large mesure celui qui justifie le recours à la loi pour mettre en œuvre la réforme de notre dispositif d’action extérieure. En effet, le point d’équilibre trouvé par le Gouvernement, en forme de premier pas vers un horizon ambitieux, eût pu s’accommoder de la voie réglementaire, comme le simple prolongement de la réorganisation par décret (18), en mars 2009, de l’administration centrale du Quai d’Orsay ; comme le prolongement, en l’occurrence, de la création de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats.
En faisant le choix de la voie législative, le Gouvernement a souhaité manifester le caractère fondateur de la réforme ; mais ce choix permet aussi d’en renforcer la sécurité juridique en se conformant à la jurisprudence constitutionnelle. Dès lors, si certaines dispositions du présent titre Ier − incluses dans le projet initial ou insérées par le Sénat − ne présentent pas un caractère législatif irréfutable, elles semblent à votre Rapporteur, pour la plupart, non détachables d’autres dispositions indéniablement législatives.
Il n’est pas inutile à ce stade de rappeler les traits principaux de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière d’établissements publics, en application de l’article 34 de la Constitution aux termes duquel « La loi fixe […] les règles concernant […] la création de catégories d’établissements publics » :
− notons en premier lieu que, selon une jurisprudence stabilisée depuis la décision n° 79-108 L du 25 juillet 1979, une catégorie d’établissements publics se caractérise par l’exercice d’une activité soumise territorialement à une même tutelle administrative (19) et relevant d’une spécialité analogue. Disparaît à cette date le critère supplémentaire exigé jusqu’alors, concernant le caractère de l’établissement − administratif, industriel et commercial, scientifique et technique, ou scientifique et culturel ;
− l’indication du caractère de l’établissement public n’est donc pas en elle-même de nature législative, comme l’a précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 87-150 L du 17 mars 1987, sauf à être une donnée constitutive de la catégorie d’établissements, ce qui peut être le cas en particulier lorsqu’un établissement public est à lui seul une catégorie ;
− la dénomination de l’établissement public, pour emblématique qu’elle puisse paraître, n’est pas davantage du domaine de la loi (décisions n° 87-152 L du 24 novembre 1987 et n° 2008-214 L du 4 décembre 2008), sauf, le cas échéant, dans l’hypothèse d’un établissement constitutif à lui seul d’une catégorie ;
− les règles de composition du conseil d’administration de l’établissement doivent être fixées par le législateur ; en revanche le nombre précis de membres dudit conseil, globalement ou par organisme représenté, ressortit à la compétence du pouvoir réglementaire (décision n° 67-47 L du 12 décembre 1967) ;
− les catégories de ressources des établissements publics relèvent elles aussi du législateur (décisions n° 64-29 L du 12 mai 1964 et n° 93-322 DC du 28 juillet 1993), mais non sans limites (décision n° 68-50 L du 30 janvier 1968), comme votre Rapporteur le précisera dans son commentaire de l’article 3 ;
− enfin, notons que les dispositions ayant pour objet de désigner le membre du Gouvernement sous la tutelle duquel sont placés des établissements publics ont un caractère réglementaire (décision n° 69-56 L du 9 juillet 1969).
Par conséquent, il y a matière, dans le cadre de l’examen du présent projet de loi ou postérieurement à sa discussion parlementaire, à l’invocation, respectivement, des articles 41 et 37 alinéa 2 de la Constitution destinés à garantir le respect des domaines de la loi et du règlement.
Chapitre Ier
Dispositions générales
Article 1er
Création d’une nouvelle catégorie d’établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France
1) Les critères constitutifs de la catégorie sont bien présents mais son périmètre demeure incertain
Figurant dans le présent projet en pleine adéquation avec la jurisprudence constitutionnelle qui vient d’être rappelée, le présent article crée une nouvelle catégorie d’établissements publics, ceux « contribuant à l’action extérieure de la France ». Votre Rapporteur veut souligner l’opportunité de cette dénomination, l’action extérieure de la France désignant non seulement celle de l’État mais aussi, par exemple, celle des collectivités territoriales, celle des universités et autres grandes écoles, ou encore celle de certains groupements d’intérêt public, qui tous contribuent au rayonnement de notre pays et au développement de sa politique d’influence dans le monde.
Les deux éléments constitutifs de la catégorie d’établissements publics ainsi créée sont bien présents :
− à l’alinéa 1, leur spécialité ;
− à l’alinéa 2, leur tutelle administrative dans leur ressort territorial, en l’occurrence l’État, ce qui s’impose évidemment.
La spécialité des établissements a été remaniée au Sénat, étendue d’un côté et réduite de l’autre :
− outre la mission prévue par le projet de « participer à l’action extérieure de l’État, notamment par la mise en œuvre à l’étranger d’actions culturelles, de coopération et de partenariat et par la gestion de moyens nécessaires à cette action », les rapporteurs des deux commissions ont chacun proposé à l’identique une formulation moins administrative et plus politique comme mission première de ces établissements nouveaux : « promouvoir la présence et l’influence de la France à l’étranger ». Au passage, est ainsi mieux établie la cohérence avec la dénomination de la catégorie des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France et non du seul État ;
− a été supprimée la mention des moyens « notamment immobiliers » qui faisaient écho à la décision du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 de créer une « foncière de l’État à l’étranger ». Ce faisant, le Sénat n’a pas entendu empêcher la création de ladite foncière mais, en présentant cette suppression comme étant de nature rédactionnelle, les deux rapporteurs ont estimé qu’il n’était pas nécessaire de préciser dans la loi la nature d’une partie des moyens susceptibles d’être gérés par les établissements publics créés par le présent article.
Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, c’est par un décret – en cours d’élaboration – que sera créée l’Agence de gestion des immeubles de l’État à l’étranger (« AGIME »), ce décret devant préciser le rattachement de ladite agence à la nouvelle catégorie. Selon la réponse du ministère des Affaires étrangères et européennes donnée en août 2009 à une question écrite de notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier (20), cet EPIC aura vraisemblablement pour missions une activité de conseil, une activité de maîtrise d’ouvrage, une activité d’acquisitions et de prises à bail et une activité de portage, sans toutefois bénéficier de la pleine propriété des biens. Une phase expérimentale sera d’abord mise en œuvre, portant seulement sur un certain nombre de missions, dans un nombre déterminé de pays ou de villes.
La création des établissements appartenant à la nouvelle catégorie se fera par décret en Conseil d’État, comme le prévoit l’alinéa 2. Cela étant, des dérogations de deux ordres peuvent d’ores et déjà être constatées :
− pour les deux agences directement créées par le présent projet de loi. En effet, il faut en particulier prévoir les modalités selon lesquelles chacune d’elles succède à des entités publiques préexistantes, s’agissant du régime fiscal de la succession et du devenir des personnels concernés ;
− pour les établissements publics existants répondant aux critères constitutifs de la nouvelle catégorie. Ils sont cités dans l’encadré suivant.
Quels sont les organismes appelés à entrer dans la nouvelle catégorie des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France ?
L’Institut français et l’AFEMI créés par le projet de loi ont évidemment vocation à entrer dans cette catégorie.
Sous réserve de modifications de certaines de leurs règles constitutives, des établissements publics déjà existants pourraient être assimilés à cette catégorie :
– l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), qui est un établissement public administratif (EPA) sous tutelle du ministère des Affaires étrangères et européennes, et dont la particularité est de disposer d’un statut de niveau législatif (loi n° 90-588 du 6 juillet 1990). Notons qu’une catégorie d’établissements publics peut indifféremment contenir des EPA et des EPIC ;
– Ubifrance, qui est un EPIC sous tutelle du ministre chargé de l’économie et des finances et du ministre chargé du commerce extérieur ;
– l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), EPIC, placé sous la tutelle du ministre chargé de l’économie et des finances et du ministre chargé de l’aménagement du territoire ;
– l’Agence française de développement (AFD), dont la situation est toutefois plus complexe car cet EPIC relève du code monétaire et financier. Lors de la discussion du projet de loi au Sénat, le rejet de l’amendement visant à écarter de la catégorie les établissements publics dépendant du code monétaire et financier a été fondé sur le fait que l’AFD devait être placée sous l’autorité de l’ambassadeur et à ce titre être intégrée dans la catégorie nouvelle.
Pour les établissements déjà existants et dont le statut est fixé par un texte du niveau du décret – ce qui est le cas pour l’AFD, l’AFII et UBIFrance –, l’adoption de la présente loi aura pour conséquence, outre d’éventuels aménagements dans le fonctionnement de leurs antennes locales (cf. infra), de possibles modifications dans la composition de leur conseil d’administration (cf. article 2). En revanche, une disharmonie risque de demeurer pour l’exercice de la tutelle de chacun de ces établissements, celle-ci étant presque systématiquement – à tort – fixée dans la loi constitutive.
L’alinéa 3 a été introduit par Sénat sur l’initiative de ses deux rapporteurs afin de prévoir dans la loi la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. A d’ailleurs été rejeté en commission le sous-amendement du Gouvernement qui tendait à supprimer le terme de « moyens ».
Votre Rapporteur estime indispensable de prévoir un tel document, qui devrait systématiquement guider l’action des établissements publics et leurs relations avec leur tutelle. Il s’agit d’un outil de responsabilisation salutaire de l’ensemble des parties, gage d’efficacité et de cohérence de l’action publique. La transmission pour avis éventuel aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat est également tout à fait bienvenue.
Au demeurant, pour les établissements existants qui ne disposent pas encore d’un tel outil, les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs budgétaires pour avis au Parlement, comme la Cour des comptes pour sa part, ont régulièrement appelé à la mise en place d’un contrat d’objectifs et de moyens entre la tutelle et l’opérateur. Cela a par exemple été chose faite, concernant CulturesFrance, le 2 mai 2007, pour une durée de trois ans.
Outre un amendement proposé par les commissaires du groupe SRC visant à établir un lien entre ces contrats et les « stratégies fixées » en amont par l’État, votre commission a adopté les précisions formelles proposées à cet alinéa dans deux amendements de votre Rapporteur (21). Il s’agit :
− d’indiquer avec exactitude quelles sont les commissions destinataires de cette convention pluriannuelle ;
− de détailler les modalités de transmission auxdites commissions, en s’inspirant de la rédaction du I de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui mentionne une transmission des contrats d’objectifs et de moyens sont conclus entre l’État et les sociétés ou établissements de l’audiovisuel public « avant leur signature » aux commissions parlementaires compétentes.
L’alinéa 4, inchangé par rapport au projet de loi initial, crée, de façon assez originale, la possibilité d’un lien entre les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France et les « instituts indépendants de recherche », équivalent en français de l’expression anglo-saxonne plus connue de think tanks. Il s’agit de prévoir, selon une formulation souple qui ne comporte pas de qualification juridique précise et préserve par conséquent la possibilité de multiples cas de figure administratifs, « le concours d’agents publics » eux-mêmes « placés auprès de ces établissements par l’État ».
Cette disposition doit se lire conjointement avec l’article 8 qui crée lui aussi, dans la loi ad hoc du 13 juillet 1972 (cf. infra), un lien entre les « personnels civils recrutés par des personnes publiques » comme « experts techniques internationaux » et les think tanks.
Le Sénat a remanié, sur l’initiative de ses deux rapporteurs, le texte initial du projet qui se contentait d’indiquer : « Afin d’accomplir leur mission à l’étranger, ces établissements font appel, sous l’autorité des chefs de mission diplomatique, aux missions diplomatiques ».
En précisant, à l’actuel alinéa 5, que les établissements appartenant à la nouvelle catégorie « peuvent disposer de bureaux à l’étranger qui font partie des missions diplomatiques », le Sénat s’est immiscé dans le champ réglementaire. Ce type d’immixtion du législateur n’est certes pas nouveau, et loin de votre Rapporteur l’idée de stigmatiser un hypothétique responsable de cet état de fait régulièrement critiqué… par le Parlement lui-même.
La rédaction de l’alinéa 5 s’inspire directement de celle de l’article 50 de la loi pour l’initiative économique (22), qui a créé l’EPIC UBIFrance :
UBIFRANCE ET SES RELATIONS AVEC LES AMBASSADES
« Il est créé sous le nom d’UBIFrance, Agence française pour le développement international des entreprises, un établissement public national à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre chargé de l’économie et des finances et du ministre chargé du commerce extérieur.
L’agence a pour mission de favoriser le développement international des entreprises françaises en réalisant ou coordonnant toutes actions d’information, de formation, de promotion, de coopération technique, industrielle et commerciale et de volontariat international.
Pour l’accomplissement de ses missions à l’étranger, l’agence dispose de bureaux à l’étranger. Ces bureaux, dénommés “ missions économiques-UBIFrance ”, font partie des missions diplomatiques. Là où l’agence ne dispose pas de bureaux, elle peut être représentée par le réseau international du ministère chargé de l’économie et des finances, qui met en œuvre, dans le cadre d’une convention, les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions.
Pour l’accomplissement de ses missions en France, l’agence s’appuie notamment sur les collectivités territoriales et les acteurs économiques locaux. »
L’article 2-1 du décret n° 2004-103 du 30 janvier 2004 qui précise les statuts d’UBIFrance détaille ce point :
« Article 2-1.– Pour l’accomplissement de ses missions à l’étranger, l’agence dispose de bureaux à l’étranger. Ces bureaux dénommés “missions économiques-Ubifrance” font partie des missions diplomatiques. Leur action s’exerce dans le cadre de la mission de coordination et d’animation assurée, en application de l’article 3 du décret du 1er juin 1979 susvisé, par l’ambassadeur, chef de la mission diplomatique. »
En indiquant de surcroît que « là où ils ne disposent pas de bureaux, ils font appel aux missions diplomatiques », le Sénat a en outre changé la portée de l’expression « sous l’autorité des chefs de mission diplomatique ». En effet, ce n’est plus l’action menée en faisant appel aux missions diplomatiques qui s’exerce sous l’autorité de l’ambassadeur, comme dans la version initiale du projet, mais toute l’action des établissements publics, ce qui est fort différent et autrement ambitieux.
Le Sénat a bien sûr légiféré en toute connaissance de cause, comme le montre le compte rendu des débats en séance publique et comme le prouve, surtout, le rejet de l’amendement gouvernemental qui entendait exclure de la catégorie nouvellement créée les établissements publics existants qui, comme l’Agence française de développement (AFD), relèvent du code monétaire et financier.
STATUTS DE L’AFD
L’AFD relève du code monétaire et financier qui lui consacre une section de sa partie réglementaire, incluse dans un chapitre VI intitulé « Les institutions financières spécialisées », lui-même inclus dans le titre Ier consacré aux « Établissements du secteur bancaire ».
Sous-section 3 : Organisation locale
Article R 516-15-1
(Créé par le décret n° 2009-618 du 5 juin 2009 - art. 11)
« L’agence peut ouvrir des représentations dans les pays où elle intervient.
L’action de ces représentations s’exerce dans le cadre de la mission de coordination et d’animation assurée, en vertu de l’article 3 du décret n° 79-433 du 1er juin 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l’organisation des services de l’État à l’étranger, par le chef de mission diplomatique accrédité dans l’État d’implantation.
Le chef de la représentation locale est nommé par le directeur général de l’agence, après avis du chef de mission diplomatique accrédité dans l’État où elle a son siège ; ce chef de mission adresse au directeur général un avis annuel sur la manière de servir du chef de représentation.
Le chef de mission diplomatique est tenu informé, pour la zone de compétence de la représentation mentionnée aux alinéas précédents, de la programmation des activités de l’agence et des opérations qu’elle met en œuvre ; il peut adresser au directeur général de l’agence des avis, d’une part, sur la conformité de cette programmation aux orientations de la coopération française dans la zone, d’autre part, sur ces opérations aux stades de l’identification, de l’élaboration et de l’évaluation.
Les représentations locales de l’agence peuvent faire partie, sur demande du directeur général adressée au ministre des affaires étrangères, des missions diplomatiques.
Le ministre compétent ou le chef de mission diplomatique est cosignataire des conventions de don conclues entre l’agence et les bénéficiaires, ainsi que des conventions de prêts souverains. »
L’AFD fait valoir trois types d’arguments méritant d’être cités, pour justifier sa position :
– en tant qu’établissement bancaire, elle voit ses agences locales soumises à une réglementation comportant de strictes obligations de secret, ainsi que des obligations d’indépendance vis-à-vis de tout employeur autre que l’AFD elle-même, y compris pour éviter une quelconque confusion sur l’identité du prêteur en cas de l’octroi de prêts non souverains ;
– le placement des directeurs agences locales sous l’autorité hiérarchique de l’ambassadeur comporterait un risque de requalification de leurs contrats de travail, qui actuellement relèvent du droit privé, en contrats de droit public ;
– l’intégration aux missions diplomatiques des bureaux de l’AFD à l’étranger, rendue automatique par l’alinéa 5 du présent article, n’est aujourd’hui qu’une faculté, prévue par l’article R. 516-15-1 du code monétaire et financier, mise en œuvre sur demande du directeur général de l’AFD adressée au ministre des affaires étrangères.
L’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) se trouve dans un cas de figure très voisin :
ARTICLE 144 DE LA LOI N° 2001-420 DU 15 MAI 2001
RELATIVE AUX NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES
« Il est créé, sous le nom d’Agence française pour les investissements internationaux, un établissement public national à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du ministre chargé de l’économie et des finances et du ministre chargé de l’aménagement du territoire.
L’agence a pour mission la promotion, la prospection et l’accueil des investissements internationaux en France. Elle assure cette mission en partenariat avec les collectivités territoriales. Elle associe à son action les acteurs économiques.
L’agence est administrée par un conseil d’administration composé :
– de représentants de l’État ;
– de représentants des collectivités territoriales ;
– de personnalités qualifiées ;
– de représentants du personnel désignés dans les conditions prévues au chapitre II du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
Pour accomplir ses missions, l’agence comprend notamment des services centraux et des bureaux à l’étranger. Ces bureaux sont des services de l’État. Les personnels de l’agence peuvent être des agents de droit public.
Les ressources de l’agence sont constituées par des dotations de l’État, des redevances pour service rendu, le produit des ventes et des locations ainsi que par des emprunts, dons et legs et recettes diverses.
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
Ne soyons pas naïfs : se joue à cette occasion un nouvel acte d’une pièce que l’on n’a que trop vue, celle de rivalités entre administrations de tutelle pour conserver ou conquérir une parcelle de pouvoir formel.
Votre Rapporteur se veut ici pragmatique et n’entend pas prendre parti dans un semblant de querelle administrative. L’essentiel est bien que l’AFD continue à accomplir sa mission dans des conditions aussi satisfaisantes qu’aujourd’hui et qui lui valent d’être unanimement saluée pour son action, même par des observateurs critiques de l’action de la France à l’étranger (23).
Dès lors, trois options sont ouvertes :
– conserver la rédaction actuelle qui représente une forme de « coup de force administratif » consistant à utiliser le présent texte de loi comme levier de la récriture, jamais obtenue par le quai d’Orsay, du décret de 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs, dans un sens qui renforce l’autorité formelle et juridique des chefs de poste sur l’ensemble des émanations de l’État ou de ses établissements publics à l’étranger ;
– reprendre l’amendement du Gouvernement pour exclure un certain nombre d’établissements publics d’une catégorie peut-être créée sans que l’ensemble des implications de cette création sur l’ordonnancement juridique existant soit clairement circonscrit ;
– revenir à l’esprit du texte initial en s’abstenant d’empiéter sur le champ réglementaire.
C’est cette dernière option que votre Rapporteur a privilégiée en déposant deux amendements à l’alinéa 5, que votre commission a adoptés au terme d’un débat nourri :
– l’un pour préserver l’autonomie des établissements publics et prévoir que leurs éventuels bureaux à l’étranger seront intégrés aux missions diplomatiques sur la demande des établissements et non de façon systématique ;
– l’autre pour remplacer le terme d’« autorité » par les mots « animation et coordination », plus conformes à la réalité juridique des relations entre le chef de poste et les relais locaux des établissements publics, sans que, en pratique, l’autorité personnelle de l’ambassadeur en soit le moins du monde affectée.
*
* *
La Commission examine l’amendement CAE 33 de M. Didier Mathus.
M. Jean-Pierre Dufau. Par cet amendement de précision, nous souhaitons rendre optimal le lien entre les stratégies fixées pour la politique culturelle d’action extérieure et la définition des missions de ses acteurs.
M. Hervé Gaymard, rapporteur. Je ne suis favorable qu’à une partie de l’amendement. Si au troisième alinéa, après le mot : « définit », ajouter les mots : « au regard des stratégies fixées » est possible, il faut retrancher la référence à la « politique d’État d’action culturelle extérieure » : en effet, la nouvelle catégorie d’établissements publics créée par l’article ne regroupe pas seulement des établissements culturels ; en feront également partie, par exemple, l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), l’Agence française de développement (AFD) et Ubifrance.
M. Jean-Pierre Dufau. Supprimer de l’amendement le mot : « État » pourrait suffire.
M. le rapporteur. Non. L’article a pour objet non pas la définition de politiques, culturelles ou non, mais la création d’une nouvelle catégorie d’établissements publics, consacrés non seulement à la culture mais aussi à l’action économique et à l’attraction des investissements. Faire référence à la seule action culturelle extérieure est restreindre son champ d’application.
M. Jean-Pierre Dufau. J’accepte donc la rectification que vous avez suggérée.
La Commission adopte l’amendement CAE 33 rectifié à l’unanimité.
La Commission est saisie de l’amendement CAE 45 de M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cet amendement est de pure procédure.
Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement à l’unanimité.
Elle adopte ensuite à l’unanimité l’amendement de précision CAE 27 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CAE 52 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit de permettre l’inclusion, dans la nouvelle catégorie des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, des agences déjà existantes, dont l’Agence française de développement (AFD), qui relève du code monétaire et financier.
Tout en préservant la prérogative reconnue au ministre des affaires étrangères de fixer le périmètre des missions diplomatiques, cet amendement de précision confirme les dispositions propres à l’AFD, issues d’une négociation entre toutes les parties qui s’est conclue en juin 2009 et dont il n’y a aucune raison de modifier les résultats par la loi.
Une partie seulement des activités de l’AFD relève de la souveraineté de l’État. Les autres sont celles d’une banque de développement.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Je ne peux approuver l’amendement. Comme M. le rapporteur l’a dit, l’inclusion au sein des missions diplomatiques est de la compétence du ministère des affaires étrangères. À la demande de l’AFD, ses rapports avec ses tutelles ont été éclaircis. Pourquoi l’insertion au sein des missions diplomatiques des bureaux qui lui sont affectés devrait-elle dépendre d’une demande de sa part ?
M. le rapporteur. L’actuelle rédaction du projet de loi aboutit à imposer partout dans le monde l’intégration physique des bureaux de l’AFD aux périmètres diplomatiques.
Or, en réalité, dans chaque pays, leur implantation est négociée au cas par cas –dans des conditions du reste tout à fait satisfaisantes. Les relations entre le ministère des affaires étrangères et l’AFD ont été redéfinies en juin 2009, à la suite d’une procédure interministérielle. Il n’y a pas de raison de ne pas préciser – pragmatiquement – la loi.
M. le ministre. Si l’inclusion des installations de l’AFD dans les périmètres diplomatiques est plutôt une preuve de bon fonctionnement, je suis gêné par les termes : « sur leur demande ». Comme d’habitude, la question sera tranchée très précisément au cas par cas, en fonction des rapports entre chaque ambassade et le bureau local de l’AFD.
M. le président Axel Poniatowski. Il s’agit là d’un « point dur ». Pour accomplir ses fonctions bancaires, l’AFD a besoin d’avoir les mains libres. La mettre automatiquement sous l’autorité du ministère des affaires étrangères, c’est restreindre son action dans ce domaine envers les gouvernements étrangers.
M. le rapporteur. Monsieur le ministre, les discussions que vous avez conduites avec l’AFD l’an dernier ont été l’occasion d’une remise à plat. Dans ses actions d’aide souveraine au développement, l’AFD est incontestablement un acteur public placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères. Les conventions et autres accords sont bien évidemment négociés en amont avec l’ambassadeur ; le responsable local de l’AFD n’agit pas seul. Il reste que les prestations bancaires de l’AFD représentent 90 % environ de son activité.
Il ne faut pas rallumer une querelle ancienne et lancinante, tranchée l’an dernier.
M. le président Axel Poniatowski. En effet, malgré l’arbitrage rendu, le texte conduit à une remise en cause de l’autonomie de l’AFD.
M. le ministre. L’amendement CAE 46 de M. le rapporteur pour avis propose que, compte tenu de son statut bancaire, l’AFD échappe en partie à l’autorité de l’ambassadeur telle qu’elle peut s’exercer sur les autres agences mentionnées par le projet de loi. Eu égard à l’ampleur de cette fonction bancaire, très développée par rapport aux dons, nous souhaitons une séparation un peu plus visible de l’AFD et des postes diplomatiques. Cela dit, cet élément n’est pas fondamental.
M. le rapporteur. Tout dépend des relations sur le plan local. Le personnel de l’AFD, je le rappelle, n’est pas sous statut diplomatique. Il s’agit de personnel de droit privé. L’AFD, qui relève du code monétaire et financier, accorde des prêts, de nature contractuelle, dans le champ du secteur concurrentiel et privé. En cas de recours, de mesures de rétorsion, si les contrats ont été signés dans les locaux de la mission diplomatique, l’ambassadeur se trouvera-t-il mis en cause ? On le voit bien, même placée sous la tutelle de l’État, l’AFD reste une banque de développement et non pas un service extérieur de l’État.
M. Jacques Myard. Je serais plutôt d’accord avec le ministre.
L’affaire rappelle la rivalité, ancienne, entre le Quai et la DREE.
M. le rapporteur. Entre Jacques Foccart et Yves Roland-Billecart !
M. Jacques Myard. Même si l’ensemble de ses personnels n’a pas vocation à être couvert par l’immunité diplomatique, l’AFD, qu’elle le veuille ou non, parle au nom de la France. Elle fait partie, finalement, des établissements français à l’étranger qui concourent à la stratégie de l’État français. L’ambassadeur a la responsabilité de la coordination des moyens de la France à l’étranger. La position du ministre ne me choque pas.
M. le rapporteur. Le décret n° 79-433 du 1er juin 1979 définit très précisément le rôle de l’ambassadeur. Il faut en finir avec le débat caricatural, qui dure depuis un demi-siècle, sur les relations entre l’ambassadeur et le représentant de l’AFD. La force de la France résulte aussi de ses différentes incarnations. Seule 5 % de l’action de l’AFD est de nature souveraine. Pour que cette proportion redevienne significative, il faudrait que la France dope le montant de ses crédits d’aide au développement. Les personnels de droit privé de l’AFD ne bénéficient pas du statut diplomatique. De plus, localement, les relations entre le poste local de l’AFD et l’ambassade sont en général tout à fait satisfaisantes. Enfin, celles de l’AFD et du Quai d’Orsay ont été remises à plat en juin 2009 en conclusion d’une procédure interministérielle. Pourquoi, à la faveur d’un projet de loi dont l’objet n’est pas le statut de l’AFD mais l’action culturelle extérieure, réintroduire de la confusion là où la situation est claire ? L’objet de mes amendements est de consolider les arbitrages rendus l’an dernier.
M. le président Axel Poniatowski. Je soutiens l’amendement du rapporteur.
M. le ministre. Il ne s’agit pas de la guerre ancienne évoquée par le rapporteur : l’amendement permet à toutes les agences de faire acte de candidature pour s’installer plus près du poste diplomatique ! Si – ce dont je me réjouis – certains d’entre eux sont en situation de les accueillir, il ne paraît pas logique que cette opération soit faite à la demande des antennes de l’AFD.
M. le président Axel Poniatowski. Nous touchons à la confidentialité des relations entre les États. La disposition existante du projet de loi va-t-elle favoriser l’action générale de l’AFD ? À mon sens, au contraire, elle risque de la freiner.
M. Robert Lecou. Quel est le sens de la disposition aux termes de laquelle les établissements « peuvent » et non « doivent » disposer de bureaux au sein des missions diplomatiques ? De plus, l’État sera-t-il obligé de répondre aux demandes ?
M. le rapporteur. L’article ne concerne pas seulement l’AFD. Les établissements publics qui feront partie de la nouvelle catégorie qu’il crée n’auront aucune obligation d’ouvrir des bureaux partout. Un établissement public est autonome ; autrement, il s’agirait d’un service déconcentré de l’État. Créer un établissement public pour conduire une politique publique, c’est considérer que celle-ci doit être individualisée au sein d’une structure disposant de l’autonomie juridique et financière. C’est donc à chaque établissement public qu’il revient, sous le contrôle de son conseil d’administration, de décider de créer ou non, là où il le souhaite, un bureau à l’étranger.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CAE 1 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement traite d’un deuxième volet de la même question. Je propose de reprendre les termes mêmes du décret n° 79-433 du 1er juin 1979, qui définit la mission de coordination et d’animation de l’ambassadeur.
M. le ministre. Si le rapporteur en est d’accord, je propose d’examiner en commun cet amendement – auquel je suis défavorable – et l’amendement CAE 46 du rapporteur pour avis.
M. Jacques Myard. Je suis moi aussi très défavorable à l’amendement CAE 1. Placer l’action des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France « dans le cadre de la mission de coordination et d’animation de l’ambassadeur » va conduire à l’affaiblissement de la stratégie de l’État. Il est des domaines où l’ambassadeur doit avoir le dernier mot. Nous connaissons suffisamment d’exemples, à l’étranger, d’agents de ministères autres que celui des affaires étrangères ne prenant même pas la peine d’informer l’ambassadeur. Cet amendement affaiblit celui-ci.
M. le rapporteur. Mon désaccord avec cette interprétation est total. L’amendement reprend mot pour mot le décret de 1979, considéré comme la « pierre philosophale » des compétences de l’ambassadeur, et conforté par les décisions prises en juin 2009.
M. Jacques Myard. C’est la loi que nous élaborons !
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement CAE 46 tombe.
La Commission adopte alors l’article 1er modifié.
Article 2
Composition du conseil d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France
Conformément à l’usage ainsi qu’à la jurisprudence constitutionnelle relative aux établissements publics, le présent article détaille la composition du Conseil d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France créés par l’article 1er.
Quatre catégories de membres sont prévues :
– des parlementaires ;
– des représentants de l’État ;
– des personnalités qualifiées désignées par l’État ;
– des représentants élus du personnel, cet alinéa 6 devant se lire conjointement avec l’alinéa 8 (cf. infra).
S’agissant des parlementaires, par rapport à la version initiale du projet qui prévoyait de faire siéger un député et un sénateur au conseil d’administration, le Sénat, suivant le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, a prévu un député et un sénateur supplémentaires, ainsi que leur mode de désignation – en l’espèce par les commissions compétentes.
Les représentants de l’État, comme il est d’usage, devront composer une délégation telle que chaque ministère partie prenante au fonctionnement d’un établissement siège au conseil d’administration de celui-ci.
Notons l’engagement pris au Sénat par le ministre des Affaires étrangères et européennes de désigner, parmi les personnalités qualifiées, un membre de l’Assemblée des Français de l’étranger, en réponse à une demande sénatoriale expresse.
Il ne revient pas au législateur de fixer, par catégorie de membres, le nombre de représentants appelés à siéger au conseil d’administration, de sorte que cette précision devra figurer dans le décret accompagnant la création de chacun des établissements publics concourant à l’action extérieure de la France.
Pour les établissements existants, certaines adaptations seront nécessaires, comme en témoigne le tableau suivant :
COMPOSITION DU CONSEIL D’ADMINISTRATION |
|||||
|
Ubifrance |
AFD |
AFII |
AEFE | |
Nombre de membres au conseil d’administration |
28 membres |
16 membres |
18 membres |
26 membres | |
Représentation parlementaire |
Un député (actuellement président du CA) et un sénateur |
Deux députés et un sénateur |
– |
Un député et un sénateur | |
Représentation |
Dix représentants du personnel élus dans les conditions prévues par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public |
Deux représentants du personnel élus dans les conditions fixées par un règlement pris par le directeur général |
Deux représentants du personnel élus dans les conditions prévues par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public |
Cinq représentants du personnel en service |
Les deux derniers alinéas introduisent des éléments plus originaux dans la composition des conseils d’administration :
– l’alinéa 7 associe, dans un souci de cohérence entre l’action de chaque établissement et le format de son instance de pilotage, les représentants des collectivités territoriales et des « organismes partenaires » apportant leur « concours » aux établissements. De facultative dans le texte initial, cette association est devenue obligatoire dans le texte du Sénat. Après s’être interrogé sur le vague de la formule, votre Rapporteur a finalement estimé utile de conserver à cette disposition un minimum de souplesse – tant il est vrai que le présent article définit une composition « générique » de conseil d’administration censée s’appliquer à une série d’opérateurs potentiels. À titre d’exemple, la Fondation alliance française pourra disposer d’un siège au conseil d’administration de l’agence culturelle, ce qui semble de bonne politique en effet ;
– l’alinéa 8 est une dérogation au chapitre Ier du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. En application de cette dernière, pour les entités du secteur public – entreprises ou établissements publics – comprenant plus de 200 salariés, les représentants du personnel doivent disposer au moins du tiers des sièges au conseil d’administration. La raison invoquée par le Gouvernement est qu’il convient d’éviter d’entraver le fonctionnement courant des établissements par la réunion de conseils d’administration pléthoriques…
Votre Rapporteur veut préciser à cet égard que l’ensemble des syndicats du ministère, qu’il a reçus, a fait part de réelles préoccupations sur ce point – quand il ne s’agissait pas d’un refus proclamé de cette dérogation à une loi emblématique pour les relations sociales dans le secteur public.
Pour autant, votre Rapporteur considère que le caractère sui generis de la catégorie d’établissements publics créée par le présent texte, lesquels ont vocation à disposer de personnels plus nombreux à l’étranger, parfois très lointain, qu’au siège en France, peut également justifier la dérogation prévue à l’alinéa 8.
Les modifications apportées par le Sénat à la composition du conseil d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France – doublement du nombre de parlementaires et amendement rédactionnel – n’appelaient pas d’autre modification de la part de votre Rapporteur qu’un amendement formel, adopté par votre commission, précisant que les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat appelées à désigner lesdits parlementaires sont bien des commissions permanentes de ces assemblées.
*
* *
La Commission adopte l’amendement de précision rédactionnelle CAE 2 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CAE 42 de M. Didier Mathus.
M. Hervé Féron. Nous voulons que, parmi les personnalités qualifiées désignées par le ministre chargé des affaires étrangères pour siéger au sein des conseils d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, figure un membre de l’Assemblée des Français de l’étranger. La rédaction retenue permet de ne pas modifier le nombre des membres de ces conseils.
M. le rapporteur. Je serais tenté de m’en remettre à la sagesse de la Commission. Le ministre s’est exprimé en ce sens au Sénat, mais est-il bien nécessaire d’inscrire cette disposition dans la loi ?
M. le ministre. Mon avis est défavorable. En effet, la composition d’un conseil d’administration relève du domaine réglementaire. De plus, si je me suis en effet engagé au Sénat à ouvrir la composition du conseil d’administration de l’agence culturelle à un membre de l’Assemblée des Français de l’étranger, il ne convient pas de susciter d’autres demandes.
M. le rapporteur pour avis. La Commission des affaires culturelles a également eu ce débat. En ma qualité de rapporteur pour avis, je me suis rangé à la position du rapporteur au fond : laisser au ministre la liberté de nommer ou non un membre de l’Assemblée des Français de l’étranger au conseil d’administration, et laisser à l’Assemblée la liberté de choisir son représentant.
M. Jean-Pierre Dufau. Puisque chacun, semble-t-il, approuve l’esprit de cette disposition, ne vaut-il pas mieux l’inscrire dans la loi ?
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine alors l’amendement CAE 34 de M. Didier Mathus.
M. Didier Mathus. L’alinéa 8 de l’article instaure pour les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France un régime dérogatoire au regard de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. Il aboutit à diminuer la représentation des salariés de l’établissement public. Nous souhaitons donc le supprimer, d’autant que contraindre ainsi la composition du conseil d’administration nous paraît contradictoire avec les explications qui viennent d’être données pour refuser l’inscription dans la loi de la présence d’un membre de l’Assemblée des Français de l’étranger au sein de ce conseil.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
M. le ministre. Avis également défavorable : accroître l’effectif d’un conseil d’administration diminue son efficacité.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 2 modifié.
Article 3
Ressources des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France
Dernier élément à devoir obligatoirement figurer dans le texte pour que le législateur épuise sa compétence à l’occasion de la création de la nouvelle catégorie d’établissements publics, les ressources de ces établissements sont listées au présent article.
1) Les ressources actuelles des opérateurs de la diplomatie d’influence reposent sur un financement public important
À l’heure actuelle, les budgets des opérateurs de notre diplomatie d’influence reposent principalement sur des subventions pour charges de service public – dont le caractère insuffisant et la diminution chaque année plus préoccupante sont régulièrement dénoncés, et pas seulement par les syndicats du ministère des affaires étrangères.
Ainsi, la part du financement public s’élevait à 82 % du budget prévisionnel pour 2009 de l’association Égide, à 58 % dans le cas de l’association CulturesFrance et à 66 % dans le cas du groupement d’intérêt public CampusFrance – sous la forme de commandes passées principalement par le ministère des affaires étrangères. L’importance des subventions publiques pour ces trois opérateurs se justifie par le fait que ceux-ci agissent souvent à l’étranger pour le compte de l’État et que ce dernier est leur principal client.
• Pour être plus précis, les subventions pour charges de service public allouées à CulturesFrance, d’un montant de 19 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2010, sont réparties entre trois programmes budgétaires :
– une dotation de 9,7 millions d’euros au titre de l’action Animation du réseau du programme 185 Rayonnement culturel et scientifique de la mission Action extérieure de l’État, versée par le ministère des affaires étrangères ;
– une dotation de 7,4 millions d’euros au titre de l’action Animation du réseau du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement de la mission Aide publique au développement, versée par le ministère des affaires étrangères ;
– une dotation de 1,9 million d’euros au titre de l’action Action culturelle internationale du programme 224 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture de la mission Culture, versée par le ministère de la culture.
En 2009, le budget prévisionnel de CulturesFrance s’établissait à 34,5 millions d’euros, dont 14,2 millions d’euros de ressources propres :
COMPTE DE RÉSULTAT DE CULTURESFRANCE (en milliers d’euros) |
||||||
Dépenses |
Exécution 2008 |
Budget prévisionnel 2009 |
Recettes |
Exécution 2008 |
Budget 2009 | |
Personnel |
5 596 |
5 927 |
Ressources de l’État |
19 213 |
18 506 | |
Fonctionnement |
28 523 |
28 538 |
- subventions de l’État |
19 213 |
18 506 | |
Intervention |
- ressources fiscales |
|||||
Autres subventions |
959 |
1 115 | ||||
Ressources propres et autres |
14 798 |
14 188 | ||||
Total des dépenses |
34 119 |
34 465 |
Total des recettes |
34 970 |
33 809 | |
Résultat : bénéfice |
851 |
Résultat : perte |
656 | |||
Total : équilibre du CR |
34 970 |
34 465 |
Total : équilibre du CR |
34 970 |
34 465 | |
Source : projet annuel de performances du programme 185 pour 2010. |
Notons toutefois que dans le cas où l’opérateur culturel se verrait reconnaître une compétence dans le domaine de la diffusion et de l’enseignement de la langue française à l’étranger, les ressources issues des cours de langue, et par là-même la capacité d’autofinancement de l’établissement public, augmenteraient mécaniquement. Par ailleurs, il est régulièrement envisagé d’améliorer encore le niveau de recettes issues du mécénat et d’autres cofinancements.
À titre de comparaison, sur un budget annuel avoisinant les 700 millions d’euros, le British Council reçoit environ 260 millions d’euros de subventions de l’État, soit un peu plus de 37 % de ses ressources. La part du mécénat s’élève à près de 20,5 millions d’euros.
• Le budget prévisionnel de CampusFrance s’établissait à 6,2 millions d’euros en 2009, dont 4,1 millions d’euros de subventions publiques et 2,1 millions d’euros de ressources propres :
COMPTE DE RÉSULTAT DE CAMPUSFRANCE (en milliers d’euros) |
||||||
Dépenses |
Exécution 2008 |
Budget prévisionnel 2009 |
Recettes |
Exécution 2008 |
Budget 2009 | |
Personnel |
1 936 |
1 855 |
Ressources de l’État |
3 499 |
4 113 | |
Fonctionnement |
3 962 |
4 405 |
– subventions de l’État |
3 499 |
4 113 | |
Intervention |
– ressources fiscales |
|||||
Autres subventions |
||||||
Ressources propres et autres |
2 379 |
2 148 | ||||
Total des dépenses |
5 898 |
6 260 |
Total des recettes |
5 878 |
6 261 | |
Résultat : bénéfice |
1 |
Résultat : perte |
20 |
|||
Total : équilibre du CR |
5 898 |
6 261 |
Total : équilibre du CR |
5 898 |
6 261 | |
Source : projet annuel de performances du programme 185 pour 2010. |
La dotation de l’État est répartie entre trois programmes budgétaires :
– sur l’action Animation du réseau du programme 185 Rayonnement culturel et scientifique de la mission Action extérieure de l’État, 400 000 euros inscrits en loi de finances initiale pour 2010 ;
– sur l’action Animation du réseau du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement de la mission Aide publique au développement, 812 000 euros ;
– sur l’action Pilotage du programme 150 Formation supérieure et recherche universitaire de la mission Recherche et enseignement supérieur, 1,9 million d’euros.
À titre de comparaison, comme on l’a vu plus haut dans l’exposé général, le budget du DAAD (Deutscher akademischer Austauschdienst), structure de représentation du système d’enseignement supérieur allemand, s’élève à 304 millions d’euros, dont 60 millions sont consacrés aux opérations d’internationalisation des établissements allemands d’enseignement supérieur.
• Quant aux subventions versées par l’État à l’association Égide, elles s’élèvent, en loi de finances initiale pour 2010, à 89,4 millions d’euros. Elles sont perçues au titre du programme 185 et du programme 209. Les transferts entre l’État et Egide correspondent à des comptes de mandats publics comptabilisés en fonds gérés et ne figurent donc pas, par convention, dans le résultat d’exploitation de l’opérateur. Seuls les frais de gestion perçus par l’association pour services rendus auprès des mandants publics – essentiellement le ministère des affaires étrangères – et privés sont présentés en ressources propres, d’un montant de 20 millions d’euros dans son budget prévisionnel pour 2009.
• À l’inverse des entités qui viennent d’être décrites, le GIP France coopération internationale ne perçoit plus aucune subvention depuis deux ans. Opérateur jeune, créé il y a seulement sept ans, FCI a vu son chiffre d’affaires passer depuis cette date d’1 million d’euros à 23 millions d’euros.
2) Le Sénat a souhaité réaffirmer optiquement l’importance des financements publics des établissements créés par le projet de loi
Transformer les opérateurs chargés de la coopération culturelle et de la mobilité universitaire, scientifique et technique en EPIC vise aussi à renforcer leur transparence financière et à garantir une gestion budgétaire plus souple et plus autonome, donc plus responsable et dynamique.
Aux termes de l’étude d’impact transmise par le Gouvernement, les ressources de cette catégorie d’établissements devraient laisser une large place aux produits de leurs activités, les opérateurs agissant souvent, dans le champ de leurs compétences, en tant que prestataire des établissements et organismes partenaires ainsi que de l’État. Les établissements recevront par ailleurs le produit des appels d’offres passés dans leur domaine de compétence. La possibilité de recourir à l’emprunt est prévue par la loi mais elle a vocation à rester encadrée par le pouvoir réglementaire.
Huit catégories de recettes sont ainsi mentionnées dans le texte issu des débats au Sénat ; huit catégories figuraient également dans le texte initial. Les changements apparaissent dans le tableau suivant :
RESSOURCES DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS | |
Texte du projet de loi |
Texte du Sénat |
1° Les recettes provenant de l’exercice de leurs activités |
1° Les dotations de l’État |
2° Les subventions de toute nature |
2° Les recettes provenant de l’exercice de leurs activités |
3° Le produit des opérations commerciales |
3° Les subventions et contributions d’organisations internationales et européennes, de collectivités territoriales et de tous organismes publics et privés |
4° Les dons et legs |
4° Le revenu des biens meubles et immeubles ainsi que le produit de leur aliénation |
5° Le revenu des viens meubles et immeubles |
5° Le produit des participations et placements financiers, des intérêts et du remboursement de prêts ou avances |
6° Le produit des placements |
6° Les recettes issues du mécénat |
7° Le produit des aliénations |
7° Les dons, legs et recettes diverses |
8° Les emprunts |
8° Les emprunts |
Les modifications ainsi opérées appellent deux séries de commentaires de la part de votre Rapporteur :
– d’une part, une attention particulière a été portée à l’ordre de déclinaison des différentes catégories de ressources. Ainsi, le Sénat a souhaité que ne figurent pas en tête de liste les recettes d’autofinancement mais « les dotations de l’État », elles-mêmes mises en exergue à partir de la catégorie plus vague des « subventions de toute nature » (24) ;
– d’autre part, le fond a été, en dépit des apparences, peu modifié. Certaines catégories ont été fusionnées pour n’en former plus qu’une seule (le revenu des biens meubles et immeubles et le produit de leur aliénation) tandis que d’autres ont été supprimées (le produit des opérations commerciales), d’autres enfin ajoutées (le mécénat, les subventions d’organisations internationales et européennes). L’intention clairement affichée a donc consisté à affirmer le caractère public des opérateurs visés et à ne pas fonder exclusivement leurs ressources sur l’autofinancement.
Comprenant le souci de présentation qui a guidé le Sénat dans sa démarche de récriture à la marge du présent article, votre Rapporteur ne proposera pas de la modifier de nouveau ; un point d’équilibre a été trouvé et tout surcroît de détails ne conduirait qu’à un empiétement sur le domaine que la Constitution réserve au pouvoir réglementaire.
*
* *
La Commission adopte l’article sans modification.
Article 4
Mise à disposition à titre gratuit de fonctionnaires auprès des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France
L’ultime précision apportée aux contours de la nouvelle catégorie d’établissements publics créée par le présent projet de loi, incontestablement de nature législative, est la possibilité de rendre gratuites, pendant une durée limitée correspondant à la phase de montée en charge des nouveaux établissements, les mises à disposition de fonctionnaires auprès d’eux.
Ce choix est l’un des éléments de l’économie globale du projet. Au-delà cependant, il pose la question de l’éventuelle distorsion de concurrence ainsi introduite dans le champ d’action qui sera celui des futurs EPIC de la catégorie, en particulier ceux que crée le présent projet de loi.
1) Le recours à des mises à dispositions gratuites de fonctionnaires, élément de l’économie globale du projet de loi
Comme tous les établissements publics, ceux de la nouvelle catégorie créée par le présent titre pourront accueillir des fonctionnaires détachés ou mis à disposition. Selon l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, « Il est apparu indispensable qu’ils puissent bénéficier dans certains cas d’une exonération de l’obligation de remboursement prévue par les textes statutaires des trois fonctions publiques, cette disposition permettant une participation de ces personnes publiques aux opérations engagées par ces établissements. »
C’est la raison pour laquelle le présent article déroge explicitement aux trois dispositions imposant, dans chacune des trois fonctions publiques, le remboursement des mises à disposition :
– le II de l’article 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 pour la fonction publique de l’État, aux termes duquel « La mise à disposition donne lieu à remboursement. Il peut être dérogé à cette règle :
1° Lorsqu’elle est prononcée auprès d’une administration de l’État ou auprès d’un de ses établissements publics administratifs ;
2° Lorsque le fonctionnaire est mis à disposition d’une organisation internationale intergouvernementale ou d’un État étranger ;
3° Lorsque le fonctionnaire est mis à disposition d’une collectivité territoriale ou de l’un de ses établissements publics […]. Toutefois, cette dérogation ne peut durer plus d’un an et ne peut porter que sur la moitié au plus de la dépense de personnel afférente » ;
– le II de l’article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 pour la fonction publique territoriale, qui dispose : « La mise à disposition donne lieu à remboursement. Il peut être dérogé à cette règle lorsque la mise à disposition intervient entre une collectivité territoriale et un établissement public administratif dont elle est membre ou qui lui est rattaché, auprès du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, auprès d’une organisation internationale intergouvernementale ou auprès d’un État étranger » ;
– le II de l’article 49 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 pour la fonction publique hospitalière, selon lequel : « La mise à disposition donne lieu à remboursement. Il peut être dérogé à cette règle lorsque le fonctionnaire est mis à disposition auprès d’une organisation internationale intergouvernementale ou d’un État étranger ».
• À l’heure actuelle, sur les 35 agents de Campus France, 27 sont recrutés sur contrat et 8 sont fonctionnaires ou assimilés mis à disposition. Parmi ces derniers, quatre sont mis à disposition par les ministères de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi que de l’éducation nationale, et deux par le ministère des affaires étrangères et européennes.
Le GIP France coopération internationale emploie, sur 48 agents, 5 fonctionnaires de l’État et un de la fonction publique territoriale, sous le régime de la mise à disposition.
L’association Egide n’emploie pas, parmi ses quelque 200 personnels, de fonctionnaires mis à disposition. Quant à l’association CulturesFrance, qui emploie 95 équivalents temps plein, elle peut bénéficier de la mise à disposition d’agents de la fonction publique pour certaines missions ponctuelles, notamment la mise en œuvre de saisons culturelles.
Comme le précise encore l’étude d’impact, la dérogation prévue au présent article peut être particulièrement utile durant la phase de création des établissements publics, mais elle pourra dans certains cas se prolonger pour devenir plus pérenne, s’agissant de missions de courte durée – comme dans le cas de CulturesFrance cité à l’instant. En effet, un certain nombre de missions mises en œuvre par ces opérateurs, telles que l’évaluation des besoins des pays partenaires ou l’identification de projets de coopération, requièrent les compétences de fonctionnaires des administrations françaises homologues à celles de nos partenaires bénéficiaires de l’expertise, sans être, au moment où elles sont organisées, couvertes par un financement, bilatéral ou multilatéral, correspondant.
• Le coût de cette mesure pour le budget de l’État est, de l’aveu même du ministère des Affaires étrangères et européennes, difficile à évaluer. Les mises à disposition gratuites ne devraient concerner qu’un nombre limité d’agents. Si l’on considère l’expérience de la création de l’AEFE en 1990, ce nombre peut être évalué entre 20 et 25 agents pour chaque opérateur, soit un montant de l’ordre de 1,6 à 2,5 millions d’euros par agence, selon le coût de l’agent et le nombre d’agents mis à disposition.
L’utilité de la dérogation est donc amplement démontrée ; pour autant, elle soulève des interrogations sur le terrain de la concurrence entre opérateurs, publics comme privés.
Il importe de circonscrire le risque que feraient peser sur la concurrence les activités marchandes de toute personne publique recourant à la « main d’œuvre gratuite » de fonctionnaires. C’est la raison pour laquelle l’étude d’impact jointe au présent projet de loi met beaucoup de soin à mesurer ce risque et à reprendre précisément l’état du droit et de la jurisprudence.
Votre Rapporteur veut tout d’abord rappeler que l’intervention de l’État ou de l’un de ses établissements publics sur un marché n’a pas nécessairement pour effet de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie. Ce sont en effet les modalités de l’intervention publique et non le principe de celle-ci qui sont susceptibles de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie (25).
À cet égard, un faisceau de critères a été établi tant par la jurisprudence du Conseil d’État (26) que par le Conseil de la concurrence (désormais Autorité de la concurrence), qui fixe les limites dans lesquelles une personne publique peut intervenir dans le champ concurrentiel :
– agir dans la limite de ses compétences : ce sera bien le cas des différents opérateurs, dont les compétences seront précisées par le décret d’organisation ;
– justifier d’un intérêt public – c’est bien le cas s’agissant de l’influence extérieure de la France ;
– respecter le principe d’égalité, celui-ci n’étant toutefois pas considéré comme un principe absolu : dans le cadre d’une concurrence entre personnes publiques et privées, le principe d’égalité peut ne pas être violé compte tenu de la situation particulière dans laquelle se trouvent les personnes publiques, notamment au regard de la situation juridique et sociale de leur personnel ;
– ne pas abuser de l’image de l’établissement – il est douteux que les nouveaux opérateurs aient, d’emblée, une image susceptible de fausser le jeu de la concurrence, bien que la question puisse effectivement se poser pour les opérateurs héritiers d’une structure plus ancienne (CulturesFrance par exemple) ;
– ne pas pratiquer une politique de prix prédateurs – c’est certainement sur ce point que la mise à disposition gratuite de fonctionnaires peut poser problème.
Il est certes difficile de comparer des opérateurs privés, dont l’objectif est principalement la maximisation du profit à court terme, avec des personnes publiques qui ne poursuivent pas un tel objectif, mais recherchent un intérêt public. Pour que soient respectés tant les exigences de l’égal accès aux marchés publics que le principe de liberté de la concurrence, le prix proposé par l’établissement public doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à la formation du prix de la prestation objet du contrat. Par ailleurs, cet établissement public ne doit pas avoir bénéficié, pour déterminer le prix qu’il a proposé, d’un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public. Il doit pouvoir, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié.
Les mises à disposition gratuites de fonctionnaires ne doivent donc pas venir fausser le jeu de la concurrence. Elles ne sont pas, par principe, exclues lorsqu’il s’agit de participer à un marché concurrentiel, pour autant qu’elles ne conduisent pas à déterminer un prix inférieur. À cet égard, la valorisation dans le budget de l’opérateur des mises à disposition gratuites permet de déterminer un prix qui ne tienne pas compte de cet avantage.
En tout état de cause, le projet de loi prévoit que les mises à disposition gratuites de fonctionnaires ne pourront intervenir que durant les deux années suivant la création de l’établissement public et, de façon plus pérenne, pour les missions de courte durée. Dès lors, le principe de la mise à disposition gratuite doit pouvoir être retenu pour certains opérateurs, pour la période d’installation du nouvel établissement ou pour des missions de courte durée. Son utilisation ne sera pas systématique mais devrait demeurer l’exception. Elle sera envisagée au cas par cas en prenant en compte les missions confiées au fonctionnaire concerné. Si celui-ci doit intervenir dans le cadre d’un marché concurrentiel, elle ne devra pas porter obstacle à la vérité des coûts.
C’est principalement dans le champ de l’expertise internationale que les craintes de distorsion de concurrence se font jour, votre Rapporteur l’a constaté lors des auditions qu’il a menées. Intéressante de ce point de vue est la réflexion pleine de prudence et de bon sens de MM. Alain Le Gourrierec et Georges Asséraf dans leur rapport précité : « L’opérateur – qui doit par ailleurs s’insérer dans un paysage de l’expertise publique et privée évolutif – devra donc […], plus que chercher à se positionner lui-même sur des projets, […] encourager la montée en puissance de l’expertise française privée. » Et les auteurs d’évoquer un « principe de subsidiarité » en concluant : « Ce sera donc principalement “en gestion” que l’équipe de direction – Conseil d’administration et directeur général – devra orienter l’opérateur. »
En définitive, c’est bien à la lumière de la pratique que se mesurera le respect des règles élémentaires de concurrence entre opérateurs sur un marché par ailleurs suffisamment large pour accueillir de nombreux compétiteurs. Le présent article ne pose qu’une dérogation limitée et temporaire ; le cas échéant, les procédures existantes pourront être mises en œuvre afin de faire cesser ce qui apparaîtrait comme une distorsion de concurrence. Par conséquent, votre Rapporteur n’estime pas nécessaire d’amender le projet de loi sur ce point. À dire vrai, si problème il y a, c’est davantage à propos de l’agencement de l’opérateur lui-même tel que le définit le chapitre II.
*
* *
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CAE 3 du rapporteur, puis l’article 4 ainsi modifié.
Article 4 bis (nouveau)
Rapport annuel d’activité des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France devant l’Assemblée des Français de l’étranger
Cet article a été introduit au Sénat sur l’initiative de sénateurs représentant les Français établis hors de France. À dire vrai, il s’est agi d’une solution de repli par rapport à l’ambition initiale qui consistait à faire siéger au conseil d’administration de tous les établissements de la catégorie un représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger.
S’il peut aisément comprendre que ces sénateurs aient eu à cœur de faire partager leur préoccupation à l’ensemble de leur assemblée, votre Rapporteur estime superflu d’inclure dans la loi une obligation de ce genre, dont on devine, hélas, la portée très limitée. Les échanges avec la Haute assemblée dans la suite de la procédure permettront certainement de trouver un terrain d’entente sur ce sujet, sans qu’il doive acquérir une portée législative.
C’est la raison pour laquelle votre Rapporteur a déposé un amendement de suppression de cet article nouveau, que voter commission a adopté.
*
* *
La Commission examine les amendements identiques, de suppression, CAE 4 du rapporteur et CAE 28 de M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Non seulement cet article ne relève pas du domaine de la loi, mais il ne présente aucune nécessité.
M. le rapporteur. L’explication est la même pour l’amendement CAE 4.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 4 bis est supprimé.
Chapitre II
L’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales
Initialement composé d’un article unique, ce chapitre a été assez largement remanié au Sénat, son intitulé a été modifié et il a été augmenté de deux articles additionnels.
Disons-le d’emblée, votre Rapporteur est dubitatif à l’égard de cette nouvelle agence telle que conçue dans le présent projet. Non pas quant à l’objectif consistant à « muscler », dans le droit et dans les faits, nos dispositifs d’attractivité des étudiants étrangers et de projection de l’expertise française sur la scène internationale ; un rapport remis en décembre 2006 et publié ensuite pour une large diffusion (27) témoigne au contraire de l’attention que votre Rapporteur porte depuis longtemps à ces sujets, et de l’ambition qu’il nourrit pour la France dans ces domaines d’avenir où tant reste à conquérir. Mais la méthode n’est peut-être pas la meilleure, qui consiste à créer un outil dont le format hybride intrigue non seulement les observateurs, mais jusqu’à ceux-là mêmes qui sont chargés de le mettre en place… Dans ces conditions, la prudence s’impose.
La Commission examine l’amendement CAE 5 du rapporteur.
M. le président Axel Poniatowski. Je vous propose de réserver le vote sur l’amendement CAE 5 du rapporteur, modifiant l’intitulé du chapitre II qui deviendrait « L’établissement public Campus France », jusqu’après le vote sur les amendements à l’article 5.
Après l’adoption, à l’article 5 (cf. infra) de l’amendement CAE 6 rectifié, l’amendement CAE 5 est adopté, et l’intitulé du chapitre II ainsi rédigé.
Article 5
Création d’un opérateur pour l’expertise et la mobilité internationales issu de la fusion de CampusFrance, d’Égide et de France coopération internationale
Faisant vivre aussitôt la catégorie d’établissements publics créée par le chapitre Ier du présent projet, cet article crée, par la fusion d’une association et de deux groupements d’intérêt public, l’« Agence pour l’expertise et la mobilité internationales ». Il en détermine les missions, les principes d’action et règle le transfert de personnels, de biens et d’activité entre les trois entités préexistantes et le nouvel EPIC.
Dans le texte initial du projet de loi, cet article comprenait six alinéas et n’allait que très peu au-delà des dispositions législatives strictement nécessaires à la constitution du nouvel établissement public :
– un paragraphe I instituant le nouvel EPIC comme successeur de l’association Égide et des deux GIP Campus France et FCI, ses missions n’étant qu’esquissées, l’essentiel consistant à régler le transfert à titre gratuit des biens, droits et obligations des entités existantes vers le nouvel opérateur ;
– un paragraphe II consacré aux transferts de personnel.
Le Sénat a étoffé cet article, désormais composé de 19 alinéas regroupés en quatre paragraphes :
– le paragraphe I caractérise l’EPIC et précise sa dénomination ainsi que sa tutelle ;
– le paragraphe II développe ses missions ;
– le paragraphe III reprend les dispositions « successorales » relatives aux biens, droits et obligations de chaque entité ;
– le paragraphe IV reprend les dispositions relatives aux transferts de personnel.
Le point de départ de la réflexion est connu, il a été rappelé par votre Rapporteur dans son propos introductif : un paysage morcelé ; une efficacité, une efficience et une cohérence perfectibles ; un contexte de réforme promu au plus haut niveau de l’État.
a) Trois entités préexistantes
• L’association Égide, au titre de la gestion de la mobilité internationale, contribue à la mobilité des personnes et assure la prise en charge, directement ou à titre de mandataire, tant en France qu’à l’étranger :
– de boursiers, français et étrangers, désignés par les personnes morales publiques ou privées, internationales, françaises ou étrangères, ayant conclu avec l’opérateur des conventions ou des accords en vue de séjours de formation, d’information ou de recherche ;
EXEMPLE D’OFFRE D’EGIDE À L’ÉGARD DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS
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Source : www.egide.asso.fr, avril 2010.
Égide assure également la prise en charge :
– d’invités des pouvoirs publics français et étrangers, des entreprises et organismes privés : personnalités effectuant ou prenant part, à titre individuel ou en groupe, à des visites, colloques, séminaires, congrès, etc. ;
– d’experts, effectuant des missions à l’étranger pour le compte de personnes morales publiques ou privées, internationales, françaises ou étrangères ;
– de personnes physiques faisant directement appel à elle, à titre individuel ou en groupe, pour organiser un séjour de formation ou d’information ou de recherche ;
– de conférences et événements, en France et à l’étranger, pour en assurer l’organisation matérielle, que ces conférences ou événements comprennent ou non la mobilité des participants ou des intervenants.
L’ASSOCIATION ÉGIDE
À l’origine, la volonté de l’État de favoriser le partage des savoirs et les échanges culturels dans le monde
En 1960, le ministère de la coopération crée l’association pour les stages et l’accueil des techniciens d’outre-mer (l’ASATOM), à l’origine d’égide. Limitée au départ à l’Afrique, son activité s’ouvre rapidement à la Communauté économique européenne.
En 1967, son champ d’action s’étend à l’ensemble des pays du monde. L’association devient le Centre international des stages (CIS), puis le Centre international des étudiants et stagiaires (CIES) lorsque les étudiants rejoignent en 1980 les stagiaires avec l’intégration de l’Office de coopération et d’accueil universitaire (OCAU).
Égide, opérateur de la politique de la coopération de la France
Depuis la fusion-absorption en 1998 de l’APAPE (Agence pour l’accueil des personnalités étrangères), l’association prend aussi en charge l’accueil, en France, d’invités du ministère des Affaires étrangères ainsi que de chercheurs de tous pays qui lui sont confiés par plus de 300 partenaires différents.
En renforçant son activité d’accueil de personnalités étrangères, l’association devient le premier partenaire de l’État dans son domaine. En 2000, elle prend aussi en charge la gestion des experts français qui partent en mission dans le monde entier. Symbole de cette évolution et de cette diversification, l’association prend le nom d’Égide le 1er janvier 2000.
Ses correspondants sont nombreux et variés : entreprises, universités, organismes de recherche, collectivités locales, organisations internationales et gouvernements étrangers.
5 délégations régionales et des bureaux dans 21 autres villes
parallèlement à la croissance de son activité, Égide renforce dans les années 80 son implantation en province, et dote ses délégations régionales de l’autonomie nécessaire. Présentes à Lyon, Toulouse, Montpellier, Marseille et Strasbourg, elles offrent aujourd’hui les mêmes prestations que le siège parisien : accueil, aide à la recherche d’un logement, assistance aux formalités administratives, gestion de conventions avec les clients de leur région…
Égide assure en outre une présence permanente ou partielle dans 21 autres villes dont les académies accueillent un grand nombre d’étudiants étrangers.
« 1er opérateur français de la mobilité internationale »
En phase avec l’évolution des échanges internationaux et les exigences de nouveaux publics, Égide enrichit la palette de ses services en s’appuyant sur son savoir-faire et son expertise de maître d’œuvre dans le domaine de l’organisation. Parmi les services qui se développent, notons la logistique de séminaires et les colloques, l’organisation de missions d’experts à l’étranger, l’accueil de professionnels et de personnalités en visite de courte durée, la logistique d’appels à candidatures pour des programmes de bourses d’échanges et de recherche.
Source : d’après www.egide.asso.fr.
Cette association, placée sous tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes, ne bénéficie pas de subvention mais assure ses ressources par une tarification à l’acte de ses prestations, notamment au bénéfice du ministère, qui lui confie la gestion de certains programmes de mobilité, les « missions-invitations » ainsi que la mise en œuvre de certaines manifestations. Son chiffre d’affaires est de 135 millions d’euros en 2008 pour un effectif tout juste inférieur à 200 agents.
En 2009, ses dépenses se sont élevées à 115 millions d’euros, réparties comme suit :
VENTILATION DES DÉPENSES D’ÉGIDE EN 2009 PAR TYPE D’ACTIVITÉ
Source : Égide.
Égide gère principalement des étudiants et des chercheurs étrangers en mobilité entrante (18 000 par an). Les personnalités étrangères invitées en France sont au nombre de 5 000 et les experts français partant en mission de courte durée à l’étranger au nombre de 7 000. L’événementiel est une activité marginale, sauf en 2008 lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (25 conférences internationales organisées par Égide).
• Le groupement d’intérêt public CampusFrance est chargé de la valorisation à l’étranger du système d’enseignement supérieur français, de mettre en œuvre les actions définies par ses donneurs d’ordre – le ministère des affaires étrangères et européennes, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche – en appui au développement de la mobilité universitaire et scientifique internationale, en promouvant les formations des établissements d’enseignement supérieur français à l’étranger et en contribuant par l’information à la mobilité internationale des étudiants, des enseignants, des enseignants-chercheurs ou des chercheurs étrangers. Il met en œuvre des actions de promotion à l’étranger concernant les formations des établissements d’enseignement supérieur français et d’information des étrangers candidats à la poursuite d’études supérieures ou de travaux de recherche en France, ainsi que des actions de formation et d’information des personnels des espaces CampusFrance à l’étranger, chargés de promouvoir, en relation avec les établissements français d’enseignement supérieur, les formations supérieures, d’accueillir et d’orienter les candidats étrangers, et de concourir à l’instruction des demandes de visa de long séjour pour études.
CAMPUSFRANCE, L’AGENCE NATIONALE POUR LA PROMOTION DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR FRANÇAIS À L’ÉTRANGER
La France s’est dotée depuis 1998 d’une structure opérationnelle, l’agence EduFrance devenue CampusFrance, qui s’inscrit dans un contexte international de plus en plus compétitif. Dédiée à la mobilité internationale, universitaire et scientifique, l’agence CampusFrance est placée sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères et européennes, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et du ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.
Missions
Sous la tutelle des autorités ministérielles et en concertation avec les établissements d’enseignement supérieur et leurs Conférences, CampusFrance a pour but de promouvoir les formations supérieures françaises dans le monde et d’offrir aux étudiants étrangers un parcours de réussite dans l’accès aux études supérieures en France, du pays de départ au pays d’accueil, de la première information jusqu’au séjour en France et au retour dans le pays d’origine. À ce titre, CampusFrance met en place, en partenariat avec tous les acteurs concernés, une Charte de qualité pour l’accueil de tous les étudiants étrangers.
Partenaires
Les adhérents
Pour accomplir ses missions, l’Agence travaille en partenariat avec tous les établissements d’enseignement supérieur et, plus particulièrement, les établissements adhérents : la plupart des universités, de nombreuses grandes écoles et écoles d’ingénieurs, des instituts spécialisés, etc. En 2010, l’Agence CampusFrance compte 235 établissements adhérents, dont 76 universités, une quarantaine de Grandes Ecoles et une cinquantaine d’écoles d’ingénieurs.
Les Espaces CampusFrance
CampusFrance dispose de 116 espaces et de 28 antennes implantés dans 88 pays. Ces Espaces CampusFrance ont pour principale mission de coordonner les réponses à apporter aux étudiants étrangers intéressés par l’offre de formation française, de la recherche d’information jusqu’à la pré-inscription universitaire. En liaison avec CampusFrance à Paris, qui organise les grandes manifestations dans les pays hôtes, les espaces assurent également la promotion de l’enseignement supérieur français dans les universités locales. Animés par des personnels formés par l’agence, en partenariat avec les Conférences d’établissements et les ministères de tutelle, les espaces accueillent et guident les étudiants dans leur recherche, les aident dans leur choix d’une formation, les accompagnent dans les formalités administratives et consulaires préalables à leur arrivée en France. Dans une trentaine de pays, un dispositif de candidature en ligne a été mis en place qui prend en charge également la procédure de demande de visa. Ces Espaces Campusfrance emploient près de 250 personnes.
Services
Les manifestations de promotion dans le monde
Le programme des manifestations majeures de CampusFrance à l’étranger (salons, forums, visites thématiques, tournées universitaires), qui totalisent chaque année en moyenne 150 000 visiteurs, est établi largement en amont, en bonne concertation avec les autorités de tutelle et les établissements d’enseignement supérieur et leurs Conférences, sur le plan géographique comme stratégique. Au-delà des grands événements internationaux (Années croisées, Exposition universelle, grands anniversaires et commémorations) ou de manifestations récurrentes auxquels CampusFrance s’associe par la mise en œuvre d’importants salons traditionnels, de nouvelles formules sont expérimentées avec succès : missions thématiques, rencontres institutionnelles très ciblées, ateliers d’innovation académique préfigurant le nouveau projet de promotion des Formations et métiers du futur, etc.
Des actions avec l’Union européenne
Depuis plusieurs années, CampusFrance développe des activités dans le domaine des appels d’offres de la Commission européenne. CampusFrance est le chef de file d’un consortium (constitué du DAAD allemand, du Nuffic néerlandais et du British Council britannique) ayant pour but la mise en œuvre d’une série de symposiums sur la coopération universitaire et de salons européens en Asie. A la demande de l’ACA (Academic Cooperation Association, association des organismes de promotion de la mobilité universitaire basée à Bruxelles), CampusFrance effectue études et analyses. D’autres projets européens, portés par CampusFrance, sont actuellement à l’étude.
Une nouvelle offre de formation pour les doctorants
Plusieurs facteurs (l’achèvement de la mise en place du système LMD, des dispositions européennes dans le cadre d’Erasmus Mundus, des changements dans le paysage universitaire -création de pôles, loi sur l’autonomie des universités-, de nouveaux dispositifs de bourses et d’aides à la mobilité), ont contribué à faire de CampusFrance, grâce à une efficace coopération avec la Direction générale de l’Enseignement supérieur, une source d’information unique pour les doctorants étrangers.
Source : d’après www.campusfrance.org
Le budget de CampusFrance pour 2008 (cf. le tableau supra) était de quelque 6 millions d’euros, dont 3,5 millions d’euros de subventions de fonctionnement finançant ses activités à hauteur de 59 %. Ces subventions proviennent pour 54 % du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, 45 % du ministère des affaires étrangères et européennes et 1 % d’autres ministères. Le reste de son budget est composé des cotisations des établissements adhérents au GIP CampusFrance – qui contribuent au financement de ses activités pour 17 % par le produit de leurs adhésions et par leur participation à l’organisation des manifestations – ainsi que des prestations spécifiques réalisées pour le compte de ceux-ci, mais aussi de contrats signés avec des États étrangers.
Les frais de personnels et de fonctionnement représentent 47 % de ses dépenses. Le groupement d’intérêt public CampusFrance est composé de 35 agents dont 27 agents recrutés sur contrat et 8 fonctionnaires ou contractuels à contrat à durée indéterminée mis à disposition. Le temps consacré par ces agents aux différentes fonctions présentes au sein du groupement se décompose comme suit : 40 % pour la promotion, 28 % pour l’information, 17 % pour la logistique, 9 % pour l’expertise et 6 % pour le pilotage.
• Le groupement d’intérêt public France coopération internationale est chargé de la promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale françaises à l’étranger, d’assurer la maîtrise d’œuvre des actions définies par ses donneurs d’ordre, en matière d’assistance technique, de conseil, de formation et de recherche dans les domaines de la coopération internationale et du développement, en appui des opérateurs publics et privés déjà présents, ainsi que de la gestion des équipements ou services d’intérêt commun nécessaires à ces actions. Il assure les missions suivantes :
– identification, sélection, recrutement, formation et gestion, pour le compte du ministère des affaires étrangères, des experts techniques internationaux dont celui-ci lui délègue la gestion ;
– mobilisation des experts publics ou privés pour participer à des missions de coopération internationale et de développement, menées séparément ou conjointement par des donneurs d’ordres de coopération internationale publics ou privés ou d’autres institutions ;
– opérateur de projet pour des missions internationales bilatérales et multilatérales de courte, moyenne et longue durée pour le compte de donneurs d’ordres publics et privés de coopération internationale ou d’autres institutions ;
– identification des projets de coopération internationale et d’assistance technique dans lesquelles la participation d’experts fonctionnaires et agents publics relevant de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics est prévue ;
– contribution à l’établissement par chaque administration et opérateur public d’une liste d’experts potentiels servant à alimenter un vivier commun de manière à permettre un repérage rapide des compétences exigées par les projets de coopération, quels que soient les opérateurs chargés de leur mise en œuvre ;
– valorisation des viviers d’expertise des collectivités territoriales et prestation d’un service permettant une action coordonnée de coopération internationale, notamment sur financements multilatéraux, tout en respectant leur identité et leurs facultés d’initiative ;
– fourniture de compétences spécifiques en matière d’assistance aux pays étrangers et offre d’une formation interministérielle et inter-fonctions publiques aux métiers de la coopération internationale, en partenariat avec les universités et les écoles administratives ;
– appui aux opérateurs publics, privés et de solidarité internationale, au moyen de formations et toutes autres actions de soutien de nature à favoriser la présence française dans ce type de mission, notamment par l’appui à la constitution de partenariats public-public, privé-privé ou public-privé ;
– le cas échéant, participation à des missions multilatérales d’assistance technique notamment comme opérateur de projet multisectoriel dans les appels d’offres internationaux.
LE GIP « FRANCE COOPÉRATION INTERNATIONALE »
Chargé de promouvoir l’expertise technique française à l’international, FCI est une structure légère à vocation interministérielle qui agit en concertation avec les opérateurs publics et privés nationaux et en relation avec ses homologues européens du groupement EUNIDA (European Network of Implementing Development Agencies).
Créé en avril 2002 à l’initiative du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Fonction publique, le groupement d’intérêt public France coopération internationale a démarré son activité le 2 décembre 2002.
Mission
FCI a pour mission principale de coordonner et de promouvoir l’expertise technique française à l’international. Instance légère employant une quarantaine d’agents (fonctionnaires mis à disposition, fonctionnaires détachés, salariés privés), FCI intervient en animateur ou « ensemblier » de l’offre française, publique et privée. Sa double tutelle (affaires étrangères et fonction publique) lui offre l’avantage stratégique de pouvoir s’appuyer sur le réseau diplomatique et de coopération, et de bénéficier de la dynamique du réseau des responsables de la gestion des ressources humaines du secteur public, pour :
• mobiliser l’expertise publique française pour des missions de court, moyen ou long terme,
• apporter son soutien aux opérateurs nationaux, publics et privés, entre lesquels FCI favorise des partenariats et des synergies pour promouvoir la présence de l’expertise française sur les marchés internationaux,
• intervenir comme opérateur en réponse à des commandes directes françaises (affaires étrangères et autres administrations) ou à des appels d’offres internationaux (Commission européenne, Banque mondiale, autres bailleurs multilatéraux).
Instances de pilotage et de concertation
• deux organes d’orientation et de décision : l’assemblée générale et le conseil d’administration, présidés par le directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des Affaires étrangères ;
• un organe de gestion : la direction générale et ses directions opérationnelles ;
• trois organes de concertation : le Haut comité d’orientation interministériel et deux comités de liaison (l’un avec les opérateurs publics, l’autre avec les opérateurs privés) ;
• deux organes de contrôle : le commissaire du Gouvernement et le contrôleur d’État.
Source : d’après www.fci.gouv.fr
FCI comprend 48 agents dont 5 fonctionnaires de l’État et un fonctionnaire territorial mis à disposition. Les autres agents sont des employés de droit privé rémunérés par le groupement. Celui-ci ne bénéficie plus de subvention depuis 2008 tandis que les moyens de fonctionnement jusqu’alors fournis par le ministère des affaires étrangères et européennes ont disparu en 2009 du fait de son implantation dans des locaux propres, dans le cadre de la réorganisation des services de ce ministère. Le chiffre d’affaires prévisionnel 2009 est de près de 30 millions d’euros provenant de commandes des bailleurs multilatéraux dont l’Union européenne, d’États étrangers ou d’institutions publiques françaises.
• Le paragraphe I du présent article, qui est aussi son alinéa 1, comprenait déjà une disposition de caractère réglementaire : le caractère industriel et commercial du nouvel établissement public ; cependant, cette précision est nécessaire compte tenu de l’ambiguïté pesant sur la logique présidant à la création de cet opérateur.
Selon l’étude d’impact, le nouvel établissement est appelé à constituer l’opérateur chargé de la mobilité, dans ses différentes composantes : expertise technique internationale, accueil en France d’étudiants et de boursiers étrangers, mobilité universitaire. Il a donc vocation à jouer un rôle de « tête de réseau » à l’égard des autres opérateurs ministériels de coopération internationale à l’égard desquels il pourra constituer un centre de ressources.
Mais quel objectif la création de l’AFEMI poursuit-elle ? S’agit-il, comme M. Claude Allègre en son temps l’avait voulu en créant l’agence Edufrance, et selon un mouvement que votre Rapporteur a souhaité encourager par son rapport précité, d’attirer en France des étudiants solvables, comme le font d’autres pays, de l’Allemagne à l’Australie ? S’agit-il plutôt de poursuivre une logique « historique » de développement passant par la quasi-gratuité des études ?
Le choix de constituer le nouvel établissement en EPIC – et non en EPA – plaidait, aux yeux de votre Rapporteur, pour la première hypothèse ; à la lumière des auditions conduites dans le cadre du présent rapport, il semble que la forme de l’EPIC doive moins à une stratégie préétablie qu’à la nécessité d’assurer une transition plus lisse avec les entités préexistantes, et en particulier avec Égide, qui fournira l’essentiel des effectifs du futur établissement et qui emploie à l’heure actuelle quelque 200 personnes sous un régime de droit privé.
• Cet alinéa 1 comprend désormais deux dispositions supplémentaires à caractère réglementaire :
– le nom de l’opérateur, « Agence française pour l’expertise et le mobilité internationales », qui était la dénomination préconisée par MM. Le Gourrierec et Asséraf dans leur rapport de « préfaisabilité » ;
– le ministre de tutelle de l’agence, à savoir le seul ministre des Affaires étrangères. C’est ici le choix de l’efficacité qui a prévalu, avec une tutelle unique, les autres ministères concernés étant, dans le meilleur des cas, représentés au conseil d’administration, sans que ce point soit précisé. Il s’agit des ministères chargés de l’enseignement supérieur et de l’immigration au premier chef, mais aussi de tous les ministères disposant d’un opérateur pour l’expertise internationale, quel qu’en soit le statut.
Il est vrai que les trois entités qui seraient appelées à fusionner connaissent à l’heure actuelle des régimes variés :
– la tutelle unique du ministère des Affaires étrangères et européennes pour Égide ;
– la double tutelle du MAEE et du ministère de l’Immigration, de l’identité nationale et du développement solidaire pour FCI ;
– la triple tutelle des deux ministères précités et de celui de l’Enseignement supérieur et de la recherche pour Campus France.
Le ministère des Affaires étrangères et européennes estime qu’il existe une doctrine générale en matière de tutelle des opérateurs, laquelle plaide pour la tutelle unique, plus efficace pour assurer la gouvernance d’un opérateur dont, en l’occurrence, les ressources publiques sont financées à 95 % par le MAEE… Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche souhaite pour sa part une tutelle partagée.
La solution élaborée par le Sénat est donc équilibrée et – dans l’hypothèse où le périmètre de l’opérateur resterait celui-ci – votre Rapporteur y souscrit : elle pose le principe d’une tutelle ministérielle unique mais prévoit, à l’alinéa 10, que « L’agence exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de l’enseignement supérieur ».
Par ailleurs, et toujours dans l’hypothèse d’une agence au périmètre inchangé, « l’interministérialité » serait assurée par les moyens suivants :
– les deux conseils d’orientation institués par le Sénat (cf. infra, article 5 bis) ;
– la composition du conseil d’administration. En effet, selon les informations transmises à votre Rapporteur, le MAEE proposera que, sur les 28 membres du conseil d’administration et plus précisément parmi les 10 représentants de l’État, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche soit représenté par le même nombre que le MAEE – soit deux représentants. Le ministère chargé de l’immigration, le ministère chargé de la fonction publique, le ministère chargé de la culture, le ministère chargé de l’agriculture, celui de l’éducation nationale et celui du budget auraient chacun un représentant ;
– enfin, le MAEE associerait les ministères concernés à la préparation du contrat d’objectifs et de moyens ainsi que de la lettre de mission du responsable de l’agence.
Ainsi, la tutelle « administrative » unique qui implique nomination du directeur général et contrôle budgétaire ne signifie pas que le MAEE n’associe pas largement les autres ministères à la tutelle « stratégique » et à la gouvernance de l’EPIC.
• Le paragraphe II détaille, d’une part, les missions de la nouvelle agence (alinéas 2 à 9) et d’autre part, sa place dans l’ordonnancement administratif français et international (alinéas 10 à 13), en une louable tentative pour donner une cohérence à cet opérateur composite.
Puisqu’il s’agit de fusionner les trois opérateurs aujourd’hui en place, les missions principales sont de trois ordres :
– le développement de la mobilité internationale, héritage d’Égide ;
– la valorisation à l’étranger du système d’enseignement supérieur et de formation professionnelle français, héritage de Campus France ;
– la promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale françaises à l’étranger, héritage de FCI.
Les tâches assignées à l’agence reflètent également la genèse de celle-ci :
– « la promotion à l’étranger des études en France » (alinéa 7) renvoie aux missions actuelles de Campus France ;
– au même alinéa, « l’accueil des étudiants, chercheurs et experts étrangers, en appui [aux] universités, [aux] écoles et [aux] autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche » fait écho aux activités de « logisticien » d’Égide mais aussi, selon une acception plus large du terme d’« accueil », aux procédures mises en place par Campus France. Outre les établissements d’enseignement supérieur cités à juste titre, on pourrait également mentionner les collectivités territoriales dont le rôle n’est pas mince dans l’accueil et l’hébergement des étudiants étrangers (28). De même il ne semble pas envisageable d’omettre ici le rôle capital du CNOUS et de ses relais régionaux et locaux. S’il est historiquement un opérateur chargé de l’accueil et de l’hébergement des étudiants, c’est bien celui-ci !
– de façon connexe, à l’alinéa 8, « la gestion de bourses, de stages et d’autres programmes de la mobilité internationale » ne peut faire abstraction du rôle du CNOUS. Ce point est provisoirement réglé à l’article 5 ter. Pour le reste, c’est surtout le rôle d’Égide qui est ici repris ;
– enfin, à l’alinéa 9, le « développement de l’expertise technique internationale et […] la maîtrise d’œuvre de projets sur financements bilatéraux et multilatéraux » est directement inspirée du métier de FCI.
Apparaissent en creux les défauts que votre Rapporteur pointait déjà dans son propos général : les fonctions réunies – à l’égard des étudiants et chercheurs d’une part, dans le cadre de l’expertise internationale d’autre part – sont davantage juxtaposées que mises en résonance les unes avec les autres ; par ailleurs, manquent au tour de la table toute une série d’acteurs aux quels il est simplement fait allusion sans que de réelles synergies ne soient créées avec eux. Ainsi :
– l’alinéa 10 évoque des « orientations » conjointes définies par le quai d’Orsay et le ministère de l’Enseignement supérieur ;
– l’alinéa 11 mentionne une « concertation étroite » avec « tous les opérateurs, qu’ils soient publics ou privés » ;
– l’alinéa 12 indique que l’agence « collabore » avec toute une série d’acteurs, parfois désignés sans précision excessives – ainsi des « organisations concernées ».
Quelle est par ailleurs, à l’alinéa 11, la portée normative exacte de l’expression selon laquelle l’AFEMI « opère sans préjudice des missions des organismes compétents en matière d’expertise internationale » ? Un juge pourrait-il sur ce fondement empêcher l’AFEMI d’agir ou faire droit à une action en responsabilité contre l’agence ? Votre Rapporteur comprend bien le souci d’apaisement que ces dispositions poursuivent vis-à-vis des opérateurs privés de l’expertise internationale qui redoutent un effet d’éviction de la part de la future AFEMI ; il se demande toutefois si cet alinéa n’est pas simplement déclaratoire.
S’agissant des liens que l’agence entretiendra avec le réseau diplomatique à l’étranger, le Sénat a introduit deux éléments là où le texte du Gouvernement restait muet :
– à l’alinéa 11 où il est désormais prévu que l’agence « veille à répondre aux besoins exprimés par le réseau » ;
– à l’alinéa 13 qui dispose que l’AFEMI « fait appel au réseau diplomatique à l’étranger, sous l’autorité des chefs de mission diplomatique, et aux établissements placés sous leur autorité ou qui leur sont liés par convention », ce qui fait notamment écho au dernier alinéa de l’article 1er. En outre, cet alinéa prend tout sons sens pour la succession de Campus France, 113 « Espaces Campus France » étant aujourd’hui implantés dans 88 pays, la procédure CEF des centres pour les études en France existant quant à elle dans 30 d’entre eux, que votre Rapporteur avait identifiés comme majeurs pour l’attractivité de notre système d’enseignement supérieur, dans son rapport précité de 2006.
Selon le Quai d’Orsay, ces 127 espaces ou antennes de Campus France ont vocation à demeurer, dans un premier temps, statutairement des services des ambassades et, en affichage, des antennes locales de l’AFEMI. Quoi qu’il en soit, le « label Campus France » sera préservé car il est connu et reconnu sur la scène internationale, ce qui est la raison même.
• Le paragraphe III règle de façon classique le transfert des droits, biens et obligations des trois entités fusionnées au nouvel EPIC ; ces dispositions sont nécessaires pour prévoir en particulier l’exonération de tous droits de mutation à l’occasion de l’opération.
La question n’est pas d’un intérêt mineur si l’on veut bien considérer, en particulier, le patrimoine dont dispose Égide. Dans son rapport de décembre 2005 sur la mobilité universitaire, M. Pierre Buhler indiquait : « Égide dispose d’un patrimoine immobilier – d’une valeur de 11 millions d’euros en montants bruts, 4 850 m2 de surface utile – et d’un fonds de réserve, de l’ordre de 20 millions d’euros, constitués au fil des années » (29).
• Le paragraphe IV règle quant à lui la délicate question des transferts de personnels des trois anciennes entités à la nouvelle. Lors de leur audition par votre Rapporteur, les syndicats représentants les agents du ministère des Affaires étrangères et européennes ont beaucoup insisté sur ce point, mettant collectivement en avant leur préférence, du point de vue du statut des personnels, pour un établissement public à caractère administratif et non industriel et commercial tel que le prévoit le présent projet de loi.
L’état des lieux dans chacun des trois opérateurs actuels a été rappelé plus haut. Ainsi, schématiquement, la future agence regrouperait un peu moins de 300 personnes, dont :
– 200 salariés d’Égide ;
– près de 50 agents de FCI (6 fonctionnaires et les autres salariés de droit privé) ;
– quelque 35 agents de Campus France, tous employés sur contrat de droit public ou fonctionnaires.
À n’en pas douter, et quel que soit le périmètre finalement retenu pour ce nouvel opérateur, le principal défi de la réforme sera de réussir la « migration » de tous ces personnels et le rapprochement de leurs situations.
Comme le précise l’étude d’impact, les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail – l’ancien article L. 122-12 –, pour les salariés de droit privé des opérateurs préexistants, et celles du statut général des fonctionnaires, pour les fonctionnaires détachés ou mis à disposition lorsqu’il y en a, seront appliquées.
Aux termes de cet article du code du travail, « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. » La Cour de cassation ayant considéré que les dispositions de cet article sont applicables aux reprises d’entreprises par un employeur public lorsque l’activité de cette dernière entre dans le cadre d’un service public industriel et commercial (30), il est légitime en l’espèce d’utiliser cette procédure pour assurer le transfert du personnel des trois organismes.
Tous les personnels en fonction seront repris par le nouvel opérateur dans le cadre de contrats de droit privé. En revanche, la situation des fonctionnaires détachés ou mis à disposition sera étudiée au cas par cas. En effet, contrairement aux salariés de droit privé dont les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent avec le nouvel employeur, la mise à disposition ou le détachement de fonctionnaires cesse de plein droit au moment de la dissolution de l’organisme d’accueil. Leur transfert au nouvel opérateur suppose une décision expresse de ce dernier et de leur administration d’origine qui ne peut être prise qu’en fonction de chaque cas particulier.
En outre, les salariés de droit privé bénéficieront d’un délai de trois mois pour accepter ou refuser le nouveau contrat qui reprendra les clauses substantielles de leur contrat, en particulier celles qui concernant la rémunération. Ce délai de trois mois est plus favorable que le délai légal, qui est d’un mois en ce qui concerne les contrats de droit privé, aux termes de l’article L. 1222-6 du code du travail.
Votre rapporteur veut souligner, en particulier pour les agents de Campus France, la perspective très intéressante que représentent ces dispositions. En effet, en vertu de la convention constitutive de Campus France, les personnes recrutées sous contrat de droit privé ne peuvent bénéficier que d’un contrat de travail à durée déterminée. Certains agents voient ainsi renouveler leur contrat de travail tous les six mois depuis déjà plusieurs années ! Le transfert à un EPIC leur permettra de bénéficier d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Enfin, comme le précise l’alinéa 19, le maintien des conventions collectives existantes est prévu à titre transitoire, conformément à l’article L. 2261-14 du code du travail.
M. Pierre Buhler a été nommé, le 26 mars dernier, préfigurateur de l’AFEMI ; l’échéance qui lui a été fixée est celle du 1er juillet prochain. Outre l’impression de fait accompli que révèle cette mission de préfiguration, votre Rapporteur relève un manque de cohérence du nouvel ensemble qui le conduisent à proposer une solution alternative : la transformation en EPIC de Campus France, et donc la disjonction des dispositions du présent article relatives à l’expertise internationale.
a) Le mariage de la carpe et du lapin ?
Certes, les sujets techniques relatifs à la mise en œuvre de la décision du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 sont réglés « sur le papier » – notamment l’épineuse question des personnels. Tant les rapports de « préfaisabilité » que l’étude d’impact ou les indéniables qualités personnelles du « préfigurateur », le tout joint à la bonne volonté de l’ensemble des acteurs concernés, rendent possible la création de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales.
À dire vrai, au terme des auditions menées sur le présent projet, il semble que la seule difficulté restant en suspens soit relative à la question (réglementaire) du choix du régime comptable qui sera celui du nouvel EPIC.
Et pourtant, votre Rapporteur demeure convaincu que cet attelage, même bien préparé, serait sous-optimal : il est difficile de s’ôter de l’esprit l’expression familière entendue par votre Rapporteur au cours de ses auditions : inclure dans un même établissement public les entités chargées de la mobilité et de la prospection étudiante d’une part, et de la promotion de l’expertise française à l’internationale reviendrait à marier la carpe et le lapin.
Mais ce n’est qu’une partie de la critique.
b) À la fois trop et pas assez
Outre la question fondamentale de l’unicité de métier qui semble difficile à établir au sein du dispositif proposé au présent article – entre « les étudiants » et « les experts », le trop-plein menace –, se pose un autre problème, lui-même double : l’AFEMI ne recouvrirait ni toute la mobilité étudiante, ni toute la sphère de l’expertise. En effet :
– s’agissant de la mobilité étudiante, l’articulation du nouvel opérateur avec la sous-direction des affaires internationales du CNOUS doit nécessairement être traitée, or elle ne l’est pas au présent chapitre, par défaut de coordination interministérielle semble-t-il. Par ailleurs, votre Rapporteur insiste sur la nécessité d’associer tous les établissements d’enseignement supérieur au tour de table, notamment via « les trois conférences » : celle des présidents d’université, celle des grandes écoles et celle des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs. Le Gouvernement doit prendre des engagements très clairs sur ce point ; la remarque vaut aussi pour les collectivités territoriales, à faire représenter par leurs associations, car certaines sont très impliquées dans l’accueil d’étudiants étrangers, au travers de bourses ou d’un hébergement. Il semble à cet égard, selon les éléments transmis à votre Rapporteur, que trois représentants des collectivités territoriales siégeraient au conseil d’administration, nommés respectivement sur proposition de l’association des maires de France, de l’assemblée des départements de France et de l’association des régions de France ;
– concernant l’expertise, comme l’a montré plus haut l’encadré établi à partir du rapport de M. Nicolas Tenzer, à l’évidence l’AFEMI ne reprendrait qu’une infime partie de l’ensemble de « l’offre française » en la matière.
Par conséquent, aux yeux de votre Rapporteur, la sagesse commande de remodeler à la marge l’EPIC créé par le présent projet en le recentrant sur la mobilité étudiante.
c) Une meilleure solution : la transformation en EPIC du GIP Campus France
• La démonstration qui vient d’être faite a conduit votre Rapporteur à déposer un amendement de récriture globale du présent article, selon un principe simple : la conservation du schéma existant mais circonscrit à la mobilité universitaire, celle des étudiants et des chercheurs, donc abstraction faite de l’expertise internationale. Votre commission a adopté cet amendement et rédigé ainsi l’article 5, changeant en conséquence l’intitulé du chapitre II.
Concrètement, l’EPIC serait créé selon les mêmes modalités, moyennant :
– une dénomination adaptée : « Campus France », dont la marque devait de toute façon subsister à l’étranger et qui conviendrait parfaitement au nouvel établissement ;
– un périmètre de missions revu de façon à ne pas englober la reprise des tâches de FCI. Afin de couvrir « la globalité » de l’activité requise, comme votre Rapporteur l’évoquait dans son exposé général, l’aide à la délivrance des visas est incluse, l’enseignement à distance via Internet également, et votre commission a intégré un sous-amendement présenté par les commissaires du groupe SRC précisant le rôle de suivi des anciens étudiants (les « alumni ») ;
– l’ajout de la cotutelle du ministère chargé de l’enseignement supérieur ;
– l’absence d’inclusion de FCI, de ses personnels et de ses biens, droits et obligations dans le nouveau périmètre de l’agence.
Les modifications sont donc techniquement limitées mais la cohérence et l’efficacité d’un opérateur resserré sur les missions de l’actuel GIP « Campus France » avec tous les avantages liés au statut d’EPIC et précédemment rappelés, seraient grandement accrues.
• Idéalement, la logique aurait voulu que le nouvel EPIC inclût les activités du CNOUS – et de sa sous-direction des affaires internationales en particulier – à l’égard des étudiants étrangers.
C’est en ce sens que plaidait le rapport précité de M. Pierre Buhler datant de décembre 2005. C’est également la logique inscrite depuis l’origine dans la convention constitutive du GIP « Campus France », datée du 16 mars 2007 et toujours en vigueur, depuis sa récente prorogation jusqu’au 29 avril 2011. L’article 2.2 de cette convention est très clair :
« 2.2 L’agence a aussi pour objet de préfigurer l’intégration de ses activités avec celles, d’une part, de l’association Égide et, d’autre part, pour la partie qui concerne les étudiants étrangers, autour d’un champ de mission nouveau, dans le cadre juridique adéquat et dans le respect des équilibres financiers de ces opérateurs. »
Cependant, il ressort des consultations menées par votre Rapporteur qu’une telle inclusion dans le périmètre du nouvel EPIC n’est pas possible par amendement parlementaire à cause des prescriptions de l’article 40 de la Constitution. Augmenter ainsi le périmètre d’un établissement public de l’État qui, bien qu’ayant un caractère industriel et commercial, tire une partie prépondérante de ses recettes de subventions du budget de l’État, est constitutif d’une charge publique au sens dudit article 40 ; la réduction, par ailleurs, du périmètre de l’opérateur du fait de la sortie de FCI n’a aucune incidence sur ce raisonnement.
Par conséquent, seul le Gouvernement peut reprendre à son compte l’initiative d’inclure la SDAI du CNOUS et ses agents dans l’EPIC reconfiguré ; c’est l’appel que lui lance votre Rapporteur. À défaut, il faudrait se contenter de l’article 5 ter (cf. infra), dont l’ambition est bien moindre et l’objet, en fait, assez différent.
• Enfin, votre Rapporteur n’a pas fait le choix de proposer par amendement la constitution d’un troisième EPIC, qui engloberait la totalité de l’offre française d’expertise internationale. Ce choix a été guidé par deux considérations :
– une considération immédiate de procédure, à savoir de nouveau l’article 40 de la Constitution qui fait obstacle à la création d’un tel établissement public sur initiative parlementaire ;
– une considération de fond quant au panorama de l’expertise française, qui a davantage besoin de coordination, comme le préconise M. Nicolas Tenzer, que d’une unification sur le mode d’un objectif du Gosplan, avec création d’un mastodonte administratif aussi lourd qu’inefficace.
Au demeurant, à la lecture du rapport précité de MM. Le Gourrierec et Asséraf, on pouvait se demander si telle n’était pas leur recommandation expresse : « Nous avons fait le choix de laisser l’expertise au plus près des pôles existants (ADETEF, CIEP, GIP INTER, etc.). En ce domaine, l’on sait que le critère du succès réside dans la capacité de mobilisation des agents et donc de la disponibilité de leur hiérarchie à leur laisser des espaces pour des activités de coopération internationale. Tenter de centraliser les compétences au sein de l’opérateur unique aurait pour effet immédiat de “bloquer” cette disponibilité. »
Votre commission a donc suivi votre Rapporteur et fait le choix de la raison et de l’efficacité.
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La Commission examine l’amendement CAE 6 rectifié du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement propose des modifications assez substantielles à l’un des « points durs » du projet de loi. Son examen ne doit pas être dissocié de celui de mon amendement CAE 5 ni même du sous-amendement CAE 53 de nos collègues socialistes.
On l’a vu lors de l’audition du ministre, ce très important projet de loi traite de trois politiques publiques. La première est l’action culturelle extérieure de l’État, qui « s’incarne » dans une nouvelle catégorie d’établissements publics, les établissements publics contribuant à l’action extérieure de l’État. La deuxième est l’expertise et la coopération internationales ; cette politique assez peu connue, située en quelque sorte dans un des « angles morts » de nos politiques publiques extérieures, a été récemment mise en avant par un rapport de M. Nicolas Tenzer. La troisième est l’attraction, l’hébergement et le suivi des étudiants étrangers en France.
L’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales (CAFEMI), créée par le projet de loi, mêle deux de ces politiques publiques, l’expertise et l’attraction des étudiants étrangers. Seront en effet intégrés dans ce nouvel établissement public industriel et commercial deux groupements d’intérêt public (GIP), France Coopération Internationale, qui s’occupe d’expertise, et Campus France, qui a pour tâche l’attraction et la gestion des étudiants étrangers.
Pour moi, il n’est pas de bonne politique de regrouper dans le même établissement public deux politiques aussi différentes, même si elles se recoupent parfois.
Je vous propose donc d’exclure du nouvel établissement public la coopération internationale, et de substituer à l’appellation « Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales », un peu complexe, l’appellation très simple de « Campus France » Ainsi sera-t-il aussi pris acte de la réussite de cette marque depuis sa création il y a trois ans.
La seule mission de la nouvelle agence sera la prospection, l’accueil et le suivi des étudiants étrangers en France. Cette politique publique est en effet d’une importance cruciale. La France est très en retard par rapport non seulement aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne, mais aussi à l’Allemagne – malgré les limites du rayonnement international de la langue de cet État – ou encore à l’Australie, qui a fait de l’attractivité de ses universités un véritable élément d’une politique d’influence.
Certes des progrès ont été réalisés. Avant 2007, certaines ambassades avaient, avec une certaine réussite, pris l’initiative de créer des CEF (centres pour les études en France). Le GIP Campus France a été créé début 2007. En sont parties prenantes le ministère des affaires étrangères, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et, enfin, le ministère de l’intérieur – maintenant celui de l’immigration – au titre de la facilitation de la délivrance des visas, cruciale pour attirer les étudiants étrangers en France.
L’objectif de mes amendements est constructif. Pour qu’un dispositif fonctionne, il faut qu’il soit clair. Pour moi, clarifier, c’est développer un effort en faveur des étudiants étrangers. Cette action implique aussi – c’est l’objet de l’article 5 ter, introduit par amendement du Sénat – que la sous-direction des affaires internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) entre progressivement dans le dispositif : il serait pour le moins curieux que n’y figurent que Campus France et l’association Égide, qui dépend du Quai d’Orsay, mais non le CNOUS qui a pour vocation d’héberger les étudiants, certes d’abord français mais aussi étrangers, comme le prouve l’existence de sa sous-direction des affaires internationales. Par ailleurs, la création d’un tel outil est impossible sans, au minimum, la création d’une tutelle commune avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Un outil dont le monde universitaire se sentira écarté sera bien moins efficace qu’un outil ainsi configuré, associant les universités – mais également les collectivités territoriales, qui financent des bourses et accomplissent un travail considérable pour l’hébergement des étudiants étrangers.
Cela dit, nous devons aussi donner une forte impulsion à l’expertise. Ma proposition de ne pas inclure France Coopération Internationale dans le nouvel établissement public n’est pas un signe de dédain envers celle-ci. Simplement, un parlementaire n’a pas le droit de proposer la création d’un nouvel établissement public. Si le Gouvernement déposait un amendement transformant France Coopération Internationale en établissement public industriel et commercial, j’en recommanderais l’adoption à nos collègues.
Pardon de ces explications un peu longues, mais cet amendement n’est pas de pure forme.
M. le ministre. En effet !
Voici la position du Gouvernement.
D’abord, un établissement public à caractère industriel et commercial ne doit relever que d’une seule tutelle. Toute autre solution rend sa gestion beaucoup plus difficile, comme vous avez pu le constater.
Par ailleurs, l’expertise internationale française à l’étranger est en très mauvais état. La renforcer est donc essentiel. Dans tous les secteurs, Banque mondiale, opérations des Nations unies, nous sommes très en retard par rapport aux Britanniques, aux Américains ou aux Allemands. Nous devons donc nous renforcer. Un conseil de modernisation des politiques publiques a eu lieu en 2008.
Trois soucis motivent la décision de mettre en place un opérateur regroupant les fonctions de promotion de l’expertise et de la mobilité internationales.
Le premier est, dans un domaine très concurrentiel et où les enjeux se mesurent en milliards d’euros, de doter notre pays d’un outil facile à diriger et qui serait connu au plus vite. L’AFEMI – je reconnais avec le rapporteur que l’acronyme n’est guère élégant –disposera à ses débuts de 80 millions d’euros. Cela reste très loin des 356 millions d’euros consacrés à ces actions par les Allemands ou des 120 que gère l’agence néerlandaise.
Deuxièmement, selon une logique qui s’impose désormais à tous les pays et qu’illustre le développement des pôles de compétitivité, nous voulons mêler au sein d’un même opérateur la promotion des savoirs académiques et professionnels, scientifiques et techniques. Si l’outil est bien dirigé, ces deux différents d’action ne sont pas incompatibles : aujourd’hui, nous cherchons non pas à opposer mais à rapprocher, et à créer des synergies entre les savoirs issus de l’Université et de la recherche – qui, il est vrai, ne relèvent pas à l’origine des affaires étrangères – et l’expertise liée à l’exercice d’une profession.
Les universités développent du reste, et ce d’autant plus qu’elles sont autonomes, des pôles d’expertise et de conseil. Elles constituent même l’un des principaux fournisseurs de l’une et de l’autre. Les échanges se feront entre des pôles indépendants et la nouvelle agence que nous appelons de nos voeux.
L’objectif n’est pas de faire en sorte que le ministère des affaires étrangères reste le seul chargé de cette action, mais d’aller dans le sens de la modernité. L’organisation envisagée pour la circulation et la production de ces conseils à l’échelle mondiale, de l’expertise du savoir français, me paraît la plus rationnelle.
Notre troisième souci est de rationaliser l’action de l’État et des opérateurs publics de façon à créer des économies d’échelle. En travaillant ensemble, nous dépenserons moins d’argent pour le personnel, pour les locaux et pour bien d’autres choses. Le rapprochement, à mon sens légitime, que nous envisageons permettra de gérer différemment les ressources humaines et les budgets qui nous seront confiés. Ce travail de rapprochement entre les trois entités est du reste en cours depuis trois ans, nous l’avons vu ensemble, monsieur le rapporteur. La création de l’AFEMI en est la consécration.
Exclure l’expertise du champ d’action de l’opérateur chargé de la mobilité serait un très mauvais signal. En revanche, je comprends la volonté de préserver la spécificité des métiers, expertise d’une part, mobilité universitaire de l’autre. Comme vous, monsieur le rapporteur, je souhaite aussi que perdure la marque Campus France, excellente et qui a fait ses preuves. Je propose donc que l’AFEMI soit un établissement public industriel et commercial organisé en deux départements, disposant chacun de sa marque, et chargés envers l’étranger l’un de la promotion de l’expertise technique française et l’autre de la valorisation de notre système d’enseignement supérieur, ainsi que de la gestion des bourses, invitations et autres programmes de mobilité internationale. Ce schéma me semble à la fois répondre aux préoccupations du rapporteur et permettre une meilleure coordination.
Enfin, faire délivrer les visas par l’Agence, comme le propose le rapporteur, paraît pour le moins problématique. Cette délivrance relève aujourd’hui d’un circuit assez différent, et pour tout dire tenu assez fermement.
M. Didier Mathus. Le regroupement d’Égide, de Campus France et des missions d’expertise, proposé par le projet de loi, me semble assez hétéroclite. L’acronyme AFEMI me semble quant à lui peu attractif et même rappeler, de façon assez peu flatteuse, la SOFREMI du ministère de l’intérieur.
En revanche, je trouve positives les propositions du rapporteur. Sa démarche met l’accent sur l’un des déficits les plus criants de l’action française à l’étranger, la promotion et le suivi de notre enseignement supérieur. Alors que le dispositif des lycées français est tout à fait opérationnel, tout s’écroule après le baccalauréat, si je puis dire, c’est-à-dire dès que cesse l’action de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Pour y remédier, notre sous-amendement CAE 53 propose l’organisation d’un suivi des étudiants étrangers ayant effectué leur cursus dans l’enseignement supérieur français. Ils représentent un potentiel considérable. En règle générale, ils font ensuite partie des classes dirigeantes de leur pays. En perdant le contact avec eux, nous ne tirons aucun profit du déroulement en France de leur scolarité. Nous sommes donc favorables à l’amendement de notre rapporteur, ainsi sous-amendé pour préciser la mission de suivi de CampusFrance, dont la marque s’est aujourd’hui imposée et dont nous souhaitons la conservation.
M. Jacques Myard. Je comprends parfaitement la volonté de notre rapporteur de mettre en place, selon une méthode éprouvée qui était aussi celle des jésuites, une stratégie de prospection et de suivi des étudiants. Campus France me paraît à moi aussi une appellation de qualité – ce qu’on ne peut dire de l’AFEMI.
Cependant, le raisonnement de notre rapporteur comporte une faiblesse. Cette action de recrutement et de suivi passe aussi par celle des experts et coopérants français présents à l’étranger – certains étant d’ailleurs des professeurs d’université. Une césure entre politique d’expertise et politique de mobilité pourrait dès lors faire difficulté. Pour cette raison, autant la spécificité de Campus France doit être préservée, autant il me paraît nécessaire de coordonner ces politiques, de les mener ensemble – quitte à parler de Campus France Plus dans la mesure où l’envoi d’experts participe aussi d’une stratégie d’influence.
M. Alain Néri. Comme Didier Mathus, je suis convaincu que le rayonnement de la France à l’étranger passe par le renforcement de notre politique culturelle et éducative. Les lycées français fonctionnent bien, en dépit de crédits très insuffisants, mais nous devons étudier la possibilité de financer les études des enfants français qui fréquentent ces établissements. Pourquoi ne pas revenir à un système de bourses qui permettait de prendre en charge la scolarité des enfants de fonctionnaires expatriés et de salariés de PME, sachant que celle des enfants d’employés de grandes entreprises peut l’être par ces dernières ? Je rappelle que l’un des fondements de notre enseignement public est de donner à chacun la chance de bénéficier d’un enseignement de qualité, quel que soit l’endroit où il se trouve.
Monsieur le ministre, sans insinuer que votre ministère n’est pas capable de diriger convenablement l’établissement public – et même si cela rend l’exercice un peu plus difficile –, je ne crois pas opportun d’écarter de la tutelle le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, car ce serait se priver de compétences et de moyens nécessaires au rayonnement de notre culture. À cet égard, je partage donc la préoccupation du rapporteur.
Mme Henriette Martinez. Bien que sensible aux arguments du rapporteur, je me range aux arguments du ministre, et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les deux politiques en cause relevant de l’aide publique au développement, il paraît justifié de les regrouper. De surcroît, la circulation de la matière grise participe d’un partenariat bien compris avec les pays dans lesquels nous intervenons au titre de cette même aide au développement.
D’autre part, ce regroupement va dans le sens de la rationalisation des dépenses. Il se trouve que je connais bien France Coopération Internationale, dont les coûts de fonctionnement sont très lourds pour un service réduit. Cette structure pourrait trouver sa vitesse de croisière au sein de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales (AFEMI). C’est une réforme intelligente qui nous est proposée.
M. le rapporteur pour avis. Je rappelle que ce projet de loi vise à rendre plus lisible et à renforcer l’action de la France à l’étranger, mais également à mutualiser nos moyens. Or je ne suis pas certain que la création d’un troisième EPIC contribue à ce dernier objectif.
Passons donc sur le nom passablement barbare – AFEMI – proposé pour la nouvelle structure : toutes nos sociétés d’économie mixte en ont de semblables. En revanche, il me paraît essentiel d’avoir des « marques » claires pour tous. J’ai donc proposé au ministre de conserver l’appellation Campus France et de créer « France Expertise ». Cela me semble constituer un bon compromis dans le cadre posé par le projet, d’autant qu’il existe des passerelles entre les deux entités, en particulier du fait qu’un certain nombre de professeurs d’université réalisent des expertises.
En revanche, je rejoins totalement Hervé Gaymard sur un point : le ministère de l’enseignement supérieur doit impérativement être représenté au sein du conseil d’administration du nouvel établissement public et exercer lui aussi une tutelle sur cette agence.
M. Jean-Claude Guibal. Je suis sensible à l’analyse du rapporteur car nous avons affaire ici à deux métiers profondément différents, l’un consistant à drainer, accueillir et former des étudiants étrangers, l’autre à apporter une expertise. Cette dernière activité n’est pas seulement le fait de fonctionnaires de l’éducation nationale ou du ministère de la recherche, mais aussi de personnalités venues de l’entreprise. Deux entités opérationnelles vont donc coexister : Campus France et France Expertise. On peut fort bien coordonner leur action sans les intégrer au sein d’une même structure, simplement en favorisant entre elles un dialogue constructif. Je considère pour ma part que, pour Campus France, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche devrait être chef de file, dans le cadre d’une cotutelle avec le ministère des affaires étrangères, la situation s’inversant pour France Expertise.
M. André Schneider. Nous touchons là au nœud gordien et ce débat reflète la complexité de l’action extérieure de la France et des questions que pose sa gouvernance. Qui pilote quoi, entre le ministère des affaires étrangères et les ministères de l’éducation nationale, des universités, de la coopération et de la francophonie ? Il nous appartient de placer le curseur où il convient.
L’objectif de ce texte est de favoriser l’accès à l’enseignement supérieur des résidents français à l’étranger, mais surtout des étudiants étrangers désireux de revenir en France ou vers la France : si le ministère des affaires étrangères est directement concerné, le ministre chargé de l’enseignement supérieur devrait être, dans cette affaire, coadministrateur ou co-ordonnateur.
J’en reviens à l’amendement du rapporteur. Je suis très favorable à la préservation des bonnes marques, encore faut-il qu’elles soient apposées sur de bons produits. Peu importe que la structure se nomme « Campus Plus » ou « Campus France », il faut que l’étudiant qui s’adresse à elle, d’où qu’il vienne, trouve rapidement le renseignement qu’il cherche et l’aide dont il a besoin.
Monsieur le ministre, vous savez comme nous tous que le problème crucial est celui des visas. Je considère pour ma part que le pouvoir de les délivrer appartient aux représentants de l’État français. Cela dit, je ne suis pas opposé à la création d’une structure, servant de service instructeur, au sein de laquelle le futur étudiant serait bien accueilli – au lieu d’être refoulé, comme il arrive trop souvent, à l’entrée de nos consulats. Nous devrions trouver un compromis à partir de l’amendement du rapporteur.
M. Philippe Cochet. Je rejoins à mon tour le rapporteur, en particulier sur la nécessité d’améliorer l’action extérieure de l’État, domaine dans lequel nous avons failli. Sa proposition constructive répond parfaitement à cette nécessité. En outre, elle constitue un message fort à l’adresse des personnes qui ont des responsabilités mais ne les assument pas !
M. le rapporteur. Je vous remercie, mes chers collègues, pour vos remarques très constructives, qui démontrent l’importance de ces sujets.
En ce qui concerne les visas, mon amendement, dans sa version définitive, prévoit seulement que l’établissement aide à la délivrance des visas, celle-ci relevant de la souveraineté de l’État. Comme en Australie, l’établissement sera chargé de faciliter l’instruction des demandes. Cela dit, à cet égard, la situation s’est beaucoup améliorée, en particulier depuis trois ans.
Nous partageons tous les mêmes objectifs. Reste à s’accorder aussi sur les moyens et sur la façon de procéder.
Il convient en premier lieu de définir les différents métiers concernés, notamment la coopération et l’expertise internationales, sujets que nous connaissons mal en France. Mais notre pays ne mérite ni excès d’honneur ni indignité : la situation pourrait sans doute être meilleure, mais n’est pas totalement catastrophique. L’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs…
Aujourd’hui, les expertises internationales sont réalisées pour les deux tiers par des sociétés privées et l’aide au développement n’occupe plus qu’une place très marginale – sur ce point, je suis en désaccord avec Mme Martinez. En effet, si, dans les années 1960, les coopérants techniques à l’étranger absorbaient la part la plus importante des budgets de l’aide publique au développement, l’expertise internationale consiste aujourd’hui à répondre à des appels d’offres, internationaux ou nationaux, à envoyer des experts à l’étranger, à obtenir des marchés pour des entreprises privées, mais aussi pour des organismes publics tels que France Coopération Internationale, placée sous l’égide du Quai d’Orsay, l’Adetef, dépendant du ministère des finances, ou la société CIVIPOL, dépendant du ministère de l’intérieur. Il s’agit donc de Français qui, à l’étranger, contribuent au développement, à la fois, de notre économie et de notre influence.
En ce qui concerne les étudiants, les choses sont totalement différentes : il s’agit de jeunes étrangers qui viennent étudier en France. Pour une toute petite partie, ce sont des boursiers, originaires pour les uns des pays d’Afrique, pour d’autres des pays émergents – quelques-uns bénéficiant de bourses d’excellence Eiffel. Mais notre pays a pris beaucoup de retard dans ce domaine et nos « marges de progression » sont immenses. Nous devons attirer les étudiants étrangers en France, qu’ils soient boursiers ou solvables. Or ces derniers sont très nombreux sur le marché international de la formation et la plupart des pays se les disputent. Cette question relève donc très peu de l’aide au développement. L’expert que l’on envoie à l’étranger et l’étudiant étranger que l’on souhaite attirer en France pour qu’il soit, tout au long de sa vie, un agent d’influence, relèvent de problématiques très différentes. C’est pourquoi rassembler les deux métiers dans un même établissement me semble quelque peu boiteux. Et l’argument selon lequel la structure fonctionnera d’autant mieux qu’elle aura une taille importante ne tient pas, car on ne peut additionner des carottes et des navets. France Coopération Internationale ne gagnera rien à apparaître dans le même budget que l’accueil des étudiants étrangers ! Cet amendement apporte donc une clarification qui ne pourra que rendre service aux acteurs de la coopération.
On m’oppose les économies d’échelle que permettrait la création d’un établissement public unique. Mais la création d’un second ne coûte que la salive dépensée ici pour en parler et la peine de signer le décret. Pour le reste, rien n’empêche que les personnels des deux établissements aient exactement le même statut, qu’ils occupent le même bâtiment et disposent d’un système informatique commun.
La coopération internationale et l’expertise ont évidemment une dimension interministérielle, mais il me semble que le ministère des affaires étrangères peut y veiller, via France Coopération Internationale – dont le nom pourrait être modifié – ou via la très récente direction générale de la mondialisation, et être ce ministère de l’interministérialité dont nous avons besoin pour mener une politique offensive en la matière.
Si nous voulons attirer des étudiants, il faut que tous les acteurs interviennent : le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS), mais également les établissements d’enseignement supérieur – qui, depuis la loi de 2007, sont de plus en plus autonomes –, par le truchement des Conférences des présidents des universités, des grandes écoles et des directeurs des écoles d’ingénieurs.
En ce qui concerne le développement des établissements d’enseignement supérieur français à l’étranger et des départements français dans les universités étrangères, plusieurs d’entre vous ont souligné que nous nous trouvions là face à un véritable chaînon manquant. Cette question, pourtant très importante, ne fait l’objet d’aucune politique publique.
Le sous-amendement proposé par Didier Mathus est très intéressant, car le suivi des étudiants qui ont reçu une formation en France fait réellement défaut. C’est pourtant un vecteur d’influence tout à fait exceptionnel, que les Américains maîtrisent parfaitement grâce aux Alumnis. Si ce texte permet de donner des indications claires en la matière, nous n’aurons pas perdu notre temps.
M. le ministre. Beaucoup de choses viennent d’être dites sur un sujet qui nous intéresse tous. Sur les trois agences existantes, seul le GIP Campus France était codirigé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et par le ministère des affaires étrangères. Je rappelle que le Quai d’Orsay contribue pour 90 % au fonctionnement de ces agences. Si cette gouvernance avait été satisfaisante, nous n’y aurions pas touché, mais tel n’est pas le cas. C’est pourquoi nous avons entrepris de la moderniser pour améliorer la visibilité de la politique de la France et attirer davantage d’étudiants étrangers.
Je peux reprendre tous les arguments du rapporteur, mais pour aboutir à des conclusions différentes. Comme lui, nous voulons que l’action extérieure de l’État fonctionne mieux. Il est clair que les entreprises privées répondent plus vite aux demandes et que leur chiffre d’activité – dix milliards d’euros – est sans commune mesure avec celui du secteur public – moins de dix millions. Il faut améliorer cela, sans pour autant oublier le secteur privé.
Je suis convaincu de la supériorité d’une tutelle unique. Pour préparer les demandes de visas, vous souhaitez une tutelle partagée. Irez-vous jusqu’à proposer une cotutelle avec le ministère de l’immigration ? Quant au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous ne l’écartons nullement puisqu’il participe, avec le ministère des affaires étrangères, à la désignation du directeur général et du président de l’établissement, et qu’il est représenté à parité au sein du conseil d’administration.
Hervé Gaymard a raison : les universités sont de plus en plus autonomes et peuvent envoyer des experts. Mais les universités et les universitaires forment un tout et un établissement public regroupant France Expertise et France Campus me semble être la formule la plus efficace.
Si nous avons avancé une telle proposition, c’est que nous sommes très en retard, dans notre pays, tant en matière d’expertise que de suivi des étudiants, en particulier des élèves du secondaire. La qualité des lycées français est indéniable, certes, mais elle peut encore être améliorée.
Nous devrons naturellement régler le problème de la gratuité de la scolarité et des bourses : je m’y suis engagé. Mais c’est tout le « circuit » qu’il faut améliorer. Les flux étudiants vers la France sont beaucoup moins importants que vers les autres pays. Il semble beaucoup plus facile à un jeune étranger d’aller étudier en Australie, en Angleterre ou aux États-Unis que de venir chez nous.
Aujourd’hui, l’aide au développement, ce n’est plus enseigner à labourer, mais développer l’expertise. Les pays qui faisaient partie du bloc soviétique, lorsqu’ils ont entrepris de privatiser leurs entreprises, l’ont fait grâce à l’intervention des experts. La médecine, secteur auquel notre pays consacre le plus d’argent, fait partie elle aussi de l’aide au développement. Celle-ci s’organise en dépit des obstacles tenant à une gouvernance défaillante ou à la corruption – obstacles qui peuvent eux-mêmes être levés, d’ailleurs, grâce à l’expertise !
Je rejoins le rapporteur sur la nécessité d’être plus efficaces mais un EPIC où chacun trouverait sa place me semble le permettre. Même si le ministère des affaires étrangères fournit 90 % des ressources, ce texte n’a pas pour but d’écarter les autres ministères, bien au contraire : il nous permettra de travailler ensemble dans une atmosphère plus sereine et dans un cadre simplifié. L’Allemagne ou l’Australie ont fait ce choix.
M. le rapporteur. Je partage les ambitions du ministre, mais je rappelle que ni l’Allemagne ni l’Australie ne mêlent l’expertise publique et l’accueil des étudiants étrangers. En Allemagne, la première relève de la Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ), le second du Deutscher Akademischer Austauschdienst (DAAD).
M. le ministre. J’aurais plutôt dû citer la Grande-Bretagne !
M. le rapporteur. Je ne suis pas opposé à la politique que vous menez, mais je ne suis pas certain que l’outil que nous allons créer soit le plus adapté.
La Commission adopte le sous-amendement CAE 53.
Puis elle adopte l’amendement CAE 6 rectifié sous-amendé ; en conséquence, l’article 5 est ainsi rédigé.
De ce fait, les amendements CAE 47 du rapporteur pour avis, CAE 35 et CAE 36 de M. Didier Mathus, et CAE 48 du rapporteur pour avis tombent.
Article 5 bis (nouveau)
Création d’instances consultatives
Introduit par le Sénat dans le présent projet sur proposition des deux rapporteurs, au nom de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires culturelles, cet article crée deux conseils d’orientation auprès de l’AFEMI :
– l’un « relatif aux modalités d’accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France » (alinéa 2), dont la principale originalité est de prévoir explicitement qu’y soient représentés les étudiants eux-mêmes ;
– l’autre « relatif au développement de l’expertise technique publique et privée » (alinéa 3), qui symétriquement au précédent comprend « des représentants des entreprises qualifiées dans le domaine de l’expertise technique internationale ».
Votre Rapporteur voit tout d’abord dans cet article la confirmation de son analyse : à périmètre inchangé, l’AFEMI aurait bien deux métiers distincts.
Sur le fond, ce type d’instance de réflexion n’a pas nécessairement à être créé par la loi, mais le souci de mettre en exergue le besoin de stratégie du nouvel opérateur est louable.
L’alinéa 4 inclut en outre dans chacun de ces conseils des représentants des collectivités territoriales, ce qui a sans doute davantage de sens pour le conseil d’orientation consacré à l’accueil des étudiants que pour celui centré sur l’expertise internationale.
Les éléments recueillis auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes permettent de détailler la composition et le fonctionnement de ces conseils tels qu’ils sont actuellement envisagés :
– la composition du conseil relatif à la mobilité étudiante serait fixée conjointement avec les ministres chargés respectivement de l’enseignement supérieur et de l’immigration. Les trois conférences d’établissements – celle des présidents d’universités, celle des grandes écoles et celle des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs – y seraient également associées ;
– par ailleurs le ministère réfléchirait à la meilleure manière d’associer plus largement les établissements d’enseignement supérieur à l’AFEMI sous la forme, par exemple, d’un forum des établissements se réunissant une fois par an sous l’égide du conseil d’orientation ad hoc ;
– la composition du conseil relatif à l’expertise internationale serait fixée conjointement avec le ministère chargé de la fonction publique ;
– les deux conseils émettraient des avis et des recommandations transmis au conseil d’administration et qui donneraient lieu à débat. Ils pourraient demander à être entendu par le directeur général de l’AFEMI.
Enfin, on doit se demander si une telle mission de réflexion en amont n’est pas précisément la vocation de la nouvelle direction générale de la mondialisation, appelée à exercer la tutelle de l’agence – y compris dans sa dimension stratégique...
Par coordination avec le choix effectué à l’article 5, votre Rapporteur a déposé un amendement récrivant le présent article pour ne prévoir qu’un seul conseil d’orientation, celui consacré à la mobilité étudiante. Votre commission l’a logiquement adopté.
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La Commission est saisie de l’amendement CAE 7 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement de coordination avec le nouvel article 5 prévoit la présence au conseil d’orientation de représentants de la Conférence des chefs d’établissements de l’enseignement supérieur, qui regroupe l’ensemble des universités, écoles et instituts.
M. le ministre. J’y suis favorable.
La Commission adopte l’amendement CAE 7.
En conséquence, l’amendement CAE 49 du rapporteur pour avis tombe.
La Commission adopte l’article 5 bis modifié.
Article 5 ter (nouveau)
Rapport au Parlement sur la constitution d’un opérateur unique de gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers
Cet article a été inséré dans le texte sur l’initiative des deux rapporteurs du Sénat ; sa portée est modeste puisqu’il se borne à prévoir la transmission par le Gouvernement au Parlement, sous trois ans, d’un rapport « comportant une évaluation des modalités et des conséquences de la mise en place d’un opérateur unique pour la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers en France ».
Cette formulation constitue le meilleur compromis ayant pu être trouvé lors des débats au Palais du Luxembourg en vue d’un double objectif :
– tenter de remédier à la partition entre deux acteurs de l’accueil des étudiants étrangers et de la gestion de leurs bourses, alors même que ces deux acteurs coopèrent à l’heure actuelle dans le cadre du GP Campus France et que ledit GIP avait expressément vocation à se transformer juridiquement – en EPIC selon toute vraisemblance – afin de gérer cette activité de manière intégrée ;
– ne pas trancher à ce stade la question de l’identité et de la tutelle de l’« opérateur unique ».
• En 2007, le ministère des Affaires étrangères consacrait environ 100 millions d’euros par an à des bourses destinées à des étudiants étrangers, ce qui représentait environ 18 600 bénéficiaires, dont 11 500 boursiers d’études et 7 100 boursiers de stage. La part du budget du ministère consacrée aux bourses destinées aux étudiants étrangers a toutefois connu une diminution sensible en 2010.
Aucun autre ministère ne contribue directement aux crédits de bourses du Gouvernement français, mais il convient de rappeler que l’accueil de la très grande majorité des étudiants étrangers dans des établissements d’enseignement supérieur publics dans des conditions de gratuité ou de quasi-gratuité fait du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche – et dans une moindre mesure de plusieurs autres ministères – des co-financeurs indirects de l’accueil des étudiants étrangers, boursiers ou non.
Actuellement, le MAEE délègue la gestion de ces bourses à deux opérateurs différents : Égide et le CNOUS. La coexistence de deux opérateurs distincts pour une même mission s’explique par des raisons historiques. Avant la fusion du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Coopération, Égide – alors dénommé « Centre international des étudiants et stagiaires » – était l’opérateur du ministère de la Coopération, tandis que les boursiers de l’ancienne direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques (DGRCST) du ministère des Affaires étrangères avaient été répartis entre les opérateurs en fonction des établissements fréquentés.
Cette séparation n’a pas été remise à plat lors de la fusion des deux ministères, de sorte que la répartition actuelle se caractérise par sa complexité. Celle-ci est aggravée par le fait que les deux opérateurs relèvent de statuts et de ministères de tutelle différents et qu’ils n’interviennent pas dans le même environnement.
Égide, association fondée sur la loi de 1901, a été décrite plus haut. Établissement public administratif créé par la loi du 16 avril 1955 et placé sous la tutelle du ministère chargé de l’enseignement supérieur, le CNOUS a pour vocation de favoriser l’amélioration des conditions de vie et de travail des étudiants. Il agit comme l’opérateur de différents ministères, et en particulier de sa tutelle. Il constitue la « tête de réseau » des 28 centres régionaux (CROUS), 16 centres locaux (CLOUS) et de plus de 40 antennes,qui offrent des services de proximité aux étudiants.
Le CNOUS exerce également une activité internationale, au travers de sa sous-direction des affaires internationales, présentée dans l’encadré ci-dessous.
La SDAI du CNOUS
La sous-direction des affaires internationales (SDAI) est chargée de la gestion de l’accueil des boursiers étrangers et du développement des activités internationales du réseau des œuvres universitaires et scolaires.
Les arrêtés du 6 novembre 1958 et du 22 septembre 1964 confient à la SDAI du CNOUS l’accueil et la gestion des boursiers du gouvernement français (BGF). Sa mission a été étendue aux boursiers des gouvernements étrangers (BGE) et des organismes internationaux par décret du 5 mars 1987.
Accompagnement des politiques internationales des universités
Le réseau des œuvres, en première ligne de l’accueil de tous les types de mobilité des étudiants, apporte une contribution massive et accompagne les politiques internationales des établissements d’enseignement supérieur. Aux boursiers qu’elle gère, la SDAI du CNOUS offre des prestations spécifiques qui s’ajoutent à l’intégration aux services de la Vie étudiante nationale. Elle s’appuie pour cela sur le réseau des CROUS.
Coopération universitaire et culturelle de la France à l’étranger
La Sous Direction des Affaires Internationales est un acteur de la coopération universitaire et culturelle de la France à l’étranger. En signant des contrats de gestion avec de nouveaux mandants, elle contribue à l’effort de promotion internationale de l’offre française de formation. Conformément aux recommandations du Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants, la SDAI s’efforce de structurer la mobilité des étudiants en favorisant l’action intégrée de l’ensemble des acteurs qui interviennent dans la chaîne de l’accueil, des universités d’origine aux établissements d’accueil, avec les mandants qui lui confient des boursiers.
Coopération européenne et internationale
La sous-direction des affaires internationales mène une coopération active dans son domaine d’expertise, d’une part dans le cadre européen, où elle réfléchit avec ses partenaires aux conditions matérielles et à la dimension sociale de la mobilité dans le processus de Bologne, d’autre part dans le cadre francophone et international.
Les étudiants et stagiaires étrangers relèvent d’Égide et du CNOUS selon des critères géographiques et fonctionnels fixés par circulaires. La répartition de la gestion des bourses des étudiants étrangers entre les deux opérateurs peut être résumée par le tableau suivant :
RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE ÉGIDE ET LE CNOUS |
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Nature de la bourse |
Formation suivie |
Pays anciennement « hors champ » (environ 145 pays) |
Pays de l’ex-« champ » (environ 30 pays) | |
Études |
Dans un établissement relevant du MESR ou des ministères de la jeunesse et des sports ou de la culture |
CNOUS |
Égide | |
Dans un autre établissement |
Égide | |||
Stage |
Stages généraux |
Égide | ||
Bourses de stages linguistiques ou pédagogiques de courte durée (BLPCD) |
CNOUS | |||
Source : Rapport d’audit d’avril 2008 sur la gestion des bourses du Gouvernement français. |
Un rapport du 21 avril 2008, concluant les travaux de la mission d’audit sur la gestion des bourses du Gouvernement français confiée à l’inspection générale des affaires étrangères et à l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, a souligné la complexité du système actuel. Selon ce rapport, s’il est excessif de parler de « concurrence » entre les deux opérateurs, la répartition des bourses entre eux alourdit les coûts de gestion, car les coûts fixes supportés par chaque opérateur sont amortis sur un volume d’activité plus faible ; en outre, ce mode de gestion ne favorise pas un réel contrôle de la part de l’État.
Ce rapport d’audit a également mis en évidence les fortes différences entre les deux opérateurs en matière de coûts de gestion. La mission d’audit a donc préconisé que la gestion des bourses du Gouvernement français soit confiée à un seul opérateur.
Elle a proposé plusieurs scénarios, dont l’un qui consisterait à créer un opérateur unique, à partir du rapprochement entre CampusFrance, Égide et la sous-direction des affaires internationales du CNOUS.
Les auditions de votre Rapporteur qui ont fait suite aux travaux du Sénat ont permis de mesurer la sensibilité de ce sujet. En effet, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche ne serait pas opposé a priori au transfert, à terme, de la SDAI du CNOUS à la nouvelle agence, à la condition expresse toutefois d’obtenir la co-tutelle sur le nouvel établissement public… ce que refuse le ministère des Affaires étrangères. Bien que de niveau réglementaire, cette question est désormais sur la table.
Le CNOUS considère, pour sa part, en ses qualités d’organisme au service des étudiants, d’opérateur du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, du fait de sa liaison étroite avec les établissements d’enseignement supérieur et de sa nature de tête du réseau des CROUS, qu’il n’est pas le moins bien placé pour assurer la totalité de la prise en charge de l’accueil des étudiants étrangers en France, dont la gestion des bourses d’études du gouvernement français destinées aux élèves étrangers.
Par ailleurs, un transfert éventuel des agents de la SDAI du CNOUS à la nouvelle agence nécessiterait un travail d’accompagnement et comporterait des coûts de transfert, étant donné qu’il s’agit principalement d’agents ou de fonctionnaires du ministère de l’Éducation nationale alors que l’agence aura un statut d’EPIC.
Enfin, votre Rapporteur ne peut omettre de signaler que les organisations étudiantes sont elles aussi réticentes à l’idée d’un tel transfert, ce qui s’explique par le fait que les recettes issues de la gestion des bourses des étudiants étrangers sont ensuite reversées au budget général du CNOUS afin de financer les mesures qui bénéficient à l’ensemble des étudiants.
En l’état actuel du texte, le flou de la formule retenue pour désigner l’objet du rapport du Gouvernement au Parlement permet justement d’envisager un transfert dans l’un ou l’autre sens : du CNOUS vers l’agence ou vice versa.
Votre Rapporteur demeure convaincu que la meilleure organisation consiste à faire de l’opérateur de la mobilité étudiante l’unique gestionnaire des bourses à destination des étudiants étrangers – sachant que, de loin, le véritable enjeu, souligné dans la partie introductive du présent rapport, est celui de l’accueil en France des étudiants solvables.
Suivant le même raisonnement que votre Rapporteur, votre commission a adopté une nouvelle rédaction de cet article présenté par trois commissaires membres de la mission d’information sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture − dont son président et sa rapporteure − pour que l’orientation du rapport gouvernemental soit l’intégration de la SDAI du CNOUS dans la nouvelle agence Campus France. Il s’agissait d’un amendement de repli au regard de l’intégration pure et simple décidée dans la loi elle-même − ce que l’article 40 de la Constitution n’autorisait pas.
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* *
La Commission examine l’amendement CAE 30 de M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Cet amendement, inspiré par les travaux de la Mission d’information sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture, est un amendement de repli qui vise à ce que soit évaluée avec précision l’intégration de la sous-direction des affaires internationales (SDAI) du CNOUS au nouvel établissement public compétent en matière de mobilité universitaire et d’accueil des étudiants étrangers. Nous proposons donc que le Gouvernement remette aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, au plus tard un an après la publication de la présente loi, un rapport présentant les modalités de cette intégration et ses conséquences.
M. le rapporteur. Avis favorable.
M. le ministre. J’y suis également favorable, bien que le délai d’un an me paraisse trop court.
La Commission adopte l’amendement CAE 30.
L’amendement CAE 8 du rapporteur tombe de ce fait.
La Commission adopte l’article 5 ter modifié.
Chapitre III
L’Institut français
Le présent chapitre est le deuxième point-clef du projet et même le plus emblématique puisque, comme votre Rapporteur l’a rappelé dans son propos général, c’est sur ce seul objet, la création d’une « grande agence culturelle », que se sont focalisés les débats de ces dernières années relatifs à la nécessaire réforme de notre diplomatie d’influence.
Paradoxalement au regard des enjeux, dans une large mesure la « querelle du nom » a éclipsé tout le reste… C’est ainsi qu’au terme de débats nourris, en commission puis en séance publique, le Sénat a fini par donner à ce nouvel EPIC le nom d’Institut français, là où sa commission des Affaires étrangères avait proposé celui d’« Institut Victor Hugo ».
Rappelant que, pour importante qu’elle soit en pratique en termes de rayonnement, la dénomination d’un EPIC est du niveau réglementaire, votre Rapporteur ne proposera pas de revenir sur cette question. Ses auditions ont montré que cette appellation, neutre sans être fade, et préservant l’existant – les noms divers des implantations du réseau culturel français à l’étranger – autant que l’avenir – un rapprochement de « charte graphique » avec les alliances françaises –, représentait un bon point d’équilibre.
La Commission examine l’amendement CAE 50 de M. Hervé Féron, portant article additionnel avant l’article 6.
M. Hervé Féron. À la Commission des affaires culturelles, nous avions tout d’abord envisagé de nommer l’établissement « Institut Victor Hugo », mais pour obtenir la majorité nous avons opté pour la dénomination « Institut français - Victor Hugo ».
Faire référence à la seule France ne nous semblait pas favoriser une bonne perception de notre action extérieure, dans la mesure où l’adjectif « français » figure dans la dénomination d’un grand nombre d’organismes de toutes sortes. En revanche, il nous a paru justifié de donner à l’établissement le nom d’un grand personnage, porteur de valeurs dignes de cette action extérieure, d’autant que l’Allemagne avec le Goethe Institut, l’Espagne avec l’Instituto Cervantes, le Portugal avec l’Instituto Camões, la Chine avec Confucius, ont fait le même choix et s’en trouvent bien.
M. le rapporteur. Concernant la dénomination de l’agence, je n’ai pas d’idée préconçue, mais je pense que le plus sage serait de la nommer « Institut français ». C’est un terme générique et il permet de conserver les dénominations qui existent déjà – celles, par exemple, des centres Blaise Cendrars à Douala, André Malraux à Brazzaville, Arthur Rimbaud à Djibouti, Saint-Exupéry à Libreville, Alexandre Dumas à Tbilissi, Alcibiade Pommayrac à Jacmel, en Haïti, Galliera à Gênes, Romain Gary à Jérusalem Ouest, Albert Camus à Tananarive, Jean Rouch à Niamey, Charles Nodier à Ljubljana, en Slovénie… Si nous donnions à l’établissement le nom de Victor Hugo, il faudrait les débaptiser tous !
M. le ministre. Conforté dans cette conviction par plusieurs études, j’ai d’abord pensé que, comme celui de Goethe pour l’Allemagne ou celui de Cervantès pour l’Espagne, le nom de Victor Hugo était celui qui correspondait le mieux à la vocation de l’établissement public, car Hugo représente la France mieux que tout autre écrivain. Mais, par l’intermédiaire de Jean-Pierre de Launoit qui les représente à Paris, les Alliances françaises ont souhaité des actions et des initiatives communes avec la nouvelle agence culturelle, et nous avons décidé de placer ces entreprises sous un signe commun, un logo obéissant à la même charte graphique pour AF, Alliance française, et IF, Institut français, en laissant à chaque alliance et institut le soin d’y ajouter un autre nom emprunté à la culture locale. La dénomination « Institut français - Victor Hugo » suivie de « Léopold Sédar Senghor », par exemple, serait en revanche trop longue.
Les 450 alliances et 200 instituts pourront donc utiliser un nom correspondant au pays où ils sont situés, car cette réforme nous invite à nous imprégner des cultures locales – de la culture de la diversité. Nous ne pouvons plus, aujourd’hui, proposer seulement Chopin ou la Comédie française. J’espère que l’agence culturelle nous ouvrira sur la création contemporaine et sur l’avant-garde en nous permettant de côtoyer les sculpteurs, les musiciens et les peintres locaux. Mais nous n’allons pas inscrire cela dans la loi. D’ailleurs, c’est gagné d’avance. Frédéric Mitterrand et moi-même vous proposerons très prochainement des activités communes Institut français-Alliance française.
M. Jean-Claude Guibal. Il me semble important de laisser aux instituts locaux les noms qui leur ont été attribués. Plutôt que sous la dénomination d’un écrivain, aussi éminent soit-il, il me semblerait plus efficace de regrouper les alliances françaises et les instituts, qui conserveraient leur dénomination locale, sous une « marque de franchise » comme CulturesFrance. Je comprends la référence à Victor Hugo, mais donner à toutes les formes d’expression de la culture française le nom d’un écrivain est un exercice quelque peu daté, car l’écriture n’est plus la forme la plus représentative de la culture de notre pays.
La Commission rejette l’amendement CAE 50.
Article 6
Création d’une agence chargée de la coopération culturelle issue de CulturesFrance et dotée d’un statut d’établissement public à caractère industriel et commercial
Cet article crée un nouvel EPIC appartenant à la catégorie instituée au chapitre Ier, consacré à « l’action culturelle extérieure », successeur de l’association CulturesFrance.
Comme pour l’EPIC créé à l’article 5, alors que le texte initial du projet de loi ne contenait que les dispositions législatives minimales rendues nécessaires à la reprise, par la nouvelle entité, des personnels, biens, droits et obligations de l’entité préexistante, le Sénat a souhaité, essentiellement sur l’initiative de ses deux rapporteurs, donner de la chair – fût-elle de caractère réglementaire – à cet article.
Ainsi, symétriquement aux ajouts apportés à propos de l’AFEMI :
– le paragraphe I nomme l’établissement et précise sa tutelle ministérielle ;
– le paragraphe II donne la liste de ses missions ;
– le paragraphe III reprend les dispositions « successorales » contenues dans le texte initial et relatives aux biens, droits et obligations ;
– le paragraphe IV reprend les dispositions « successorales » relatives aux personnels.
CulturesFrance est une association reconnue d’utilité publique régie par la loi du 1er juillet 1901, agissant en tant qu’opérateur commun aux ministères des affaires étrangères et de la culture au service de leur action culturelle extérieure.
CulturesFrance en cinq dates
• 1922 création de l’association française d’expansion et d’échanges artistiques (AFEEA), reconnue d’utilité publique en 1923
• 1934 l’AFEEA devient l’association française d’action artistique (AFAA)
• 1946 création de l’association pour la diffusion de la pensée française (ADPF)
• 2000 l’AFAA fusionne avec l’association Afrique en créations
• 2006 la fusion de l’AFAA et de l’ADPF donne naissance à CulturesFrance.
Aux termes de ses statuts, qui sont aujourd’hui ceux adoptés par l’assemblée générale du 22 juin 2006 et publiés par arrêté du 1er juin 2007, elle a notamment pour mission de contribuer à :
– la promotion à l’étranger de la création contemporaine française dans les domaines des arts visuels, des arts de la scène, de l’architecture, du patrimoine, y compris cinématographique, de l’écrit et de l’ingénierie culturelle ;
– l’organisation de saisons culturelles en France et à l’étranger ;
– la conception, la production et la diffusion de produits culturels adaptés aux publics étrangers ;
– la mise en œuvre de la politique d’aide au développement dans le secteur de la culture au travers des actions de formation, des échanges avec les cultures du monde, de l’accueil des artistes et des auteurs ;
– la mise en œuvre de projets contribuant à l’émergence d’une Europe de la culture ;
– la mobilisation de nouveaux partenaires extérieurs à l’État collectivités locales, fondations et grands mécènes).
Un certain nombre de compétences lui ont été transférées, depuis le 1er janvier 2009, notamment dans les domaines du patrimoine cinématographique, du documentaire français et du livre.
Un exercice, annuel, de programmation culturelle et artistique constitue le temps fort de la relation entre CulturesFrance et le réseau culturel français à l’étranger. Indépendamment de cet exercice annuel, le réseau culturel peut à tout moment solliciter CulturesFrance et bénéficier de l’expertise des chargés de mission sectoriels de l’association à l’occasion du montage de leurs projets (expertise artistique, ingénierie de projets, recherche de partenariats avec notamment les collectivités territoriales et les mécènes).
L’association CulturesFrance est aujourd’hui placée sous la double tutelle des ministères des affaires étrangères et de la culture, le premier comptant sept représentants à son conseil d’administration, et le second en comptant trois. À ceux-ci s’ajoutent douze personnalités qualifiées, desquelles est issu de président du conseil d’administration. L’autorité exécutive de l’association est confiée à un directeur.
Un contrat d’objectifs et de moyens, signé le 2 mai 2007 entre l’opérateur et l’État et couvrant la période 2007-2009, fixe les priorités assignées à CulturesFrance. Ce contrat n’a pas encore été renouvelé pour la période à venir, dans l’attente de la transformation de CulturesFrance en EPIC.
Votre Rapporteur a dit dans son propos introductif ce qu’il pensait de l’ampleur de la réforme proposée. Il s’agit à présent d’entrer dans les détails du texte issu des travaux du Sénat.
En particulier, le I règle la question de la tutelle ministérielle de l’EPIC. Comme l’a fort bien exposé M. Thierry Le Roy dans une note du 15 novembre 2008, compte tenu de l’histoire de l’association, on peut concevoir une tutelle de deux ministères, celui des Affaires étrangères et celui de la Culture. Les deux ministères sont aujourd’hui statutairement, mais inégalement, représentés à l’assemblée générale, au conseil d’administration et au bureau de l’association. En revanche, le MAEE est presque seul à la financer (80 % des subventions de l’État) ; et si le contrat d’objectifs et de moyens 2007-2009 avait été signé, pour l’État, par les deux ministres, on sait que la tutelle n’est organisée que du côté des affaires étrangères. Enfin, la démarche de renforcement de la tutelle s’accommoderait mal du maintien d’une dualité, qui n’est au demeurant pas nécessaire au maintien des relations professionnelles courantes avec le ministère de la culture.
Pour toutes ces raisons, il semble que l’accord se soit fait sans heurts au profit d’une tutelle du seul ministre des affaires étrangères, ce qui bien sûr n’exclura pas que siègent au conseil d’administration de la nouvelle agence des représentants. S’agissant des orientations de l’Institut français, l’alinéa 12 prévoit d’ailleurs qu’elles soient « définies conjointement par le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de la culture ».
Au II, par adoption d’un amendement présenté par Mme Catherine Tasca, une formule déclaratoire a été placée au frontispice des missions de l’agence: « s’inscrivant dans l’ambition de la France de contribuer à l’étranger à la diversité culturelle et linguistique dans un esprit de partenariat avec les pays d’accueil »... Votre Rapporteur, s’interrogeant sur la portée normative de cette formule généreuse, a proposé sa suppression par amendement, ce que votre commission a accepté.
Pour le reste, les missions listées aux alinéas 3 à 11 sont largement calquées sur l’existant :
– à l’alinéa 3, « la promotion et l’accompagnement à l’étranger de la culture française » fixe toutefois un objet plus large à l’agence que les statuts actuels centrés sur la « création » ;
– le « développement des échanges avec les cultures européennes, francophones et étrangères » mentionné à l’alinéa 4 a fait l’objet d’un amendement formel. Il marque suffisamment le maintien, chez son successeur, de l’ambition de dialogue contenue dans les missions historiques de CulturesFrance ;
– l’alinéa 5, en évoquant les « expressions artistique du Sud », porte la trace de l’héritage de l’association « Afrique en création », aujourd’hui portées par le programme « Afrique et Caraïbe en créations ». Que cette mission demeure parmi celles de l’Institut français est évidemment souhaitable, mais cela ne devra pas pour autant signifier qu’un département ad hoc de la nouvelle agence la perpétue à format inchangé ;
– l’alinéa 6 est la reprise de la mission nouvelle, depuis 2009, de diffusion du patrimoine cinématographique. S’agissant du patrimoine audiovisuel en revanche, il semble bien s’agir d’un nouvel élargissement de périmètre, sans pour autant que les travaux du Sénat ne le précisent ;
– l’alinéa 7, qui mentionne « la promotion et l’accompagnement à l’étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique français », donne à l’agence une mission nouvelle et assez large. Sans doute son appropriation sera-t-elle progressive au sein de l’opérateur, ainsi que des contacts dans les postes avec des attachés sectoriels qui jusqu’à présent n’avaient aucun contact avec CulturesFrance ;
– à l’alinéa 8, « le soutien à une large diffusion des écrits, des œuvres et des auteurs », mission classique, a sans nul doute gagné à la précision du caractère francophone desdits écrits, œuvres et auteurs, apportée par votre commission sur la proposition de votre Rapporteur ;
– à l’alinéa 9, le Sénat a cette fois-ci très explicitement élargi les compétences de l’Institut français à « la promotion, la diffusion et l’enseignement de la langue française ». Ce choix pose une double question :celle du partage des tâches entre le futur opérateur et la direction générale de la mondialisation d’une part, et celle des liens avec les alliances françaises d’autre part. Lors de leur audition, MM. Jean-Pierre de Launoit et Jean-Claude Jacq, respectivement président et secrétaire général de la Fondation Alliance française, ont exprimé cette interrogation, non dénuée de crainte quant à la préemption de son cœur de métier ; le MAEE aurait répondu que l’agence ne ferait, dans ce domaine, que « fabriquer des logiciels »… C’est là encore « en gestion » que devra s’effectuer le réglage fin. Précisons, s’agissant des rapports avec les alliances, que ce sujet est abordé aux alinéas 13 et 14 (cf. infra). En revanche, il n’y avait dans le texte aucune mention de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ; c’est chose faite depuis l’adoption par votre commission d’un amendement des commissaires du groupe SRC ;
– à l’alinéa10, la mission d’« information du réseau, des institutions et des professionnels étrangers sur l’offre culturelle française » fait déjà partie du métier de l’actuelle association. Un amendement devait toutefois préciser − ce que votre commission a accepté − qu’il s’agit bien du réseau culturel français à l’étranger, qu’en effet les initiés désignent par la seule expression « le réseau » – témoin l’appellation de « Journées du réseau » que prend la réunion annuelle de l’ensemble des agents des SCAC, centres culturels et autres alliances subventionnées ;
– enfin, à l’alinéa 11, c’est avec un très louable haut degré d’ambition que le Sénat a étendu les missions de la future agence au « conseil et [à] la formation professionnels des personnels français et étrangers concourant à ces missions, et notamment des personnels du réseau culturel français à l’étranger, en liaison avec les organismes compétents ». Comme votre Rapporteur l’a rappelé plus haut, c’est en effet une lacune régulièrement soulignée que ce déficit de formation dans le réseau ; l’élargissement des missions de l’agence culturelle ainsi que les évolutions à venir dans un tel secteur ne rendent que plus nécessaire ce champ d’action.
Le Sénat est allé plus loin encore en liant cette compétence nouvelle au fait que le futur Institut français soit « associé à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières de ces personnels ». Voilà qui dépasse largement ce que le Gouvernement avait envisagé à l’origine mais c’est donner à l’agence culturelle l’envergure qu’elle mérite, et c’est aussi préparer à terme un éventuel rattachement du réseau, que de la doter de cette mission de formation et de gestion des ressources humaines.
Déjà cité, l’alinéa 13 organise, par symétrie avec ce que le Sénat avait introduit à propos de l’Agence pour l’expertise et la mobilité internationales, l’insertion de l’Institut français dans le « paysage » des opérateurs existants, dans une formulation un peu lourde. « Sans préjudice des missions des organismes compétents », « en complémentarité avec ceux-ci » et « dans une concertation étroite avec tous les opérateurs » : l’intention est claire, il reste à voir comment la pratique pourra y répondre concrètement. Sont visés par cet alinéa, outre les alliances françaises, les opérateurs spécialisés dans la promotion internationale des œuvres et artistes français : le bureau international de l’édition française, le bureau export musique, et Unifrance pour le cinéma.
C’est le même esprit qui a présidé à la rédaction de l’alinéa 14, lequel élargit encore le cercle de la concertation aux organisations européennes et internationales, aux collectivités territoriales, aux organisations professionnelles, aux institutions de création et de diffusion culturelle et enfin, aux « partenaires publics et privés, dont les alliances françaises », cette fois-ci nommément désignées.
L’alinéa 15 règle les rapports entre l’agence parisienne – ou dont l’étude d’impact précise du moins qu’elle serait installée, à terme, avec les autres opérateurs au sein d’une « maison » en région parisienne – et le réseau culturel à l’étranger. Cette disposition est l’exact pendant de celle figurant à l’article 5 pour l’AFEMI. Tandis que l’épineuse question d’un éventuel rattachement du réseau à l’Institut français n’est qu’évoquée à l’article 6 ter, ici il s’agit simplement de prévoir que l’Institut « fait appel au réseau diplomatique à l’étranger, sous l’autorité des chefs de mission diplomatique ».
Cet alinéa a été complété au Sénat par amendement du Gouvernement selon une formule assez peu normative, aux termes de laquelle « l’institut entretient un dialogue permanent et régulier avec le réseau culturel français à l’étranger ».
Le paragraphe III du présent article, on l’a dit, est la clause-type assurant la transition juridique entre l’association CulturesFrance et le futur Institut français sur les plans « physique » et matériel. Un amendement rédactionnel de votre Rapporteur est d’ailleurs venu aligner plus complètement la rédaction de cet alinéa sur celle de l’article 5.
Quant au transfert des personnels, il est prévu exactement selon les mêmes modalités que dans le cas de la création de l’AFEMI, avec sans doute moins de difficultés pratiques car il s’agit de transformer un seul établissement qui, par ailleurs, emploie déjà une majorité de ses 95 personnels sous contrat de droit privé.
Ce sont donc là aussi les articles L. 1224-1 et L. 2261-14 du code du travail qui s’appliquent et imposent le maintien du contrat de travail ainsi que la survie temporaire des conventions et accords collectifs existants. La note précitée de M. Thierry Le Roy résumait d’ailleurs parfaitement la situation en décembre 2008.
Outre le transfert de l’ensemble des équivalents temps plein de CulturesFrance, le nouvel Institut français devrait se voir affecter quelque 100 à 150 personnes en provenance de la direction générale de la mondialisation au Quai d’Orsay, si l’objectif était tenu de recentrer cette direction sur ses fonctions de pilotage stratégique, l’opérateur assumant en propre toutes les tâches de gestion.
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La Commission examine deux amendements, CAE 37 de M. Didier Mathus et CAE 9 du rapporteur, pouvant être soumis à une discussion commune.
M. Didier Mathus. La production d’amendements a parfois ses mystères… Ainsi, avec mon collègue Hervé Féron qui en est cosignataire, nous considérons que notre amendement CAE 37 est inutile et verbeux, et nous le retirons.
M. le rapporteur. Je maintiens mon amendement CAE 9, qui a justement pour objet de supprimer un membre de phrase dépourvu de caractère normatif.
M. le ministre. Je suis disposé à alléger le texte, monsieur le rapporteur, mais il me paraît important de maintenir la notion de diversité culturelle. On nous reproche souvent d’être trop franco-français : montrons notre souhait de nous imprégner des cultures locales.
M. le rapporteur. Le ministre m’a convaincu : je retire mon amendement.
Les amendements CAE 37 et CAE 9 sont retirés.
La Commission examine l’amendement rédactionnel, CAE 10, du rapporteur.
M. le ministre. J’y suis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CAE 12 du rapporteur, également rédactionnel.
M. le ministre. Je souhaiterais ajouter les mots « en particulier » avant le mot « francophones ».
M. le rapporteur. J’y consens.
La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.
Puis elle examine l’amendement CAE 38 de M. Didier Mathus.
M. Hervé Féron. L’alinéa 9 de l’article 6 mentionne, parmi les missions de l’Institut, « la promotion, la diffusion et l’enseignement à l’étranger de la langue française ». Comment ces missions vont-elles s’articuler avec celles de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ? Le partenariat entre les deux serait gage de cohérence.
M. le rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.
M. le ministre. Je ferai de même, mais je voudrais faire une remarque : il nous est facile de prévoir un partenariat avec l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, mais dans la réalité ce partenariat existe assez peu. Certes, quelques établissements participent aux activités du centre culturel, mais il n’existe pas de réelle connivence. Si votre amendement est de nature à favoriser un tel partenariat, j’y suis favorable.
La Commission adopte l’amendement CAE 38.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CAE 13 et CAE 14 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CAE 15 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement, tout en confirmant la tutelle du ministère des affaires étrangères sur la nouvelle agence culturelle, vise à préciser la représentation du ministère de la culture au sein du conseil d’administration.
M. le ministre. La collaboration entre les deux ministères des affaires étrangères et de la culture est un fait nouveau, mais elle est de qualité. Elle s’exercera notamment pour la nomination des personnels de l’agence, qui proviendront, dès le départ, à la fois du réseau culturel et du réseau diplomatique. Avec Frédéric Mitterrand, nous présenterons ensemble à la presse les projets qui émaneront de cet Institut.
Au sein du conseil d’administration, il semble toutefois difficile, alors que trois sièges sont déjà prévus pour le ministère de la culture, d’augmenter cette représentation tout en assurant celle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou encore celle des collectivités. D’autre part, pourquoi la parité avec ce seul ministère ?
Enfin, cette disposition relève de toute façon du domaine réglementaire.
M. le rapporteur. Je me félicite de l’excellent état d’esprit qui règne actuellement entre les deux ministères. Cet amendement vise simplement à assurer la parité au sein du collège des représentants de l’État.
M. Pascal Clément. Le ministère de tutelle doit disposer de la majorité des sièges, faute de quoi ce sera la paralysie !
M. Jacques Myard. La chienlit !
M. le rapporteur. Si le ministre, comme il s’y est engagé à plusieurs reprises, confirme que la collaboration entre les deux ministères se poursuivra durablement, je retire cet amendement.
M. le ministre. Je le confirme.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel CAE 16 du rapporteur.
Elle adopte l’article 6 ainsi modifié.
Article 6 bis (nouveau)
Création d’un conseil d’orientation stratégique de l’action culturelle extérieure
Toujours par symétrie avec l’option retenue dans les domaines de la mobilité universitaire et de l’expertise internationale, le Sénat a introduit cet article additionnel sur la proposition de ses deux rapporteurs.
Il s’agit en fait de prendre acte du défaut de stratégie dans la conduite de l’action culturelle extérieure de la France, si souvent déploré, tout récemment encore par la Mission d’information de la commission des Affaires étrangères sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture (31).
Même s’il est douteux que l’ingénierie institutionnelle puisse faire à elle seule advenir une stratégie là où manquent la vision, la volonté politique et les moyens adéquats, cet article est une tentative pour hisser le texte au-dessus d’une dimension purement technique. Il est en même temps une forme de compensation face à l’absence de co-tutelle sur l’Institut français du ministère de la Culture et de la communication.
Cela est si vrai que le ministre des Affaires étrangères, bien que réticent vis-à-vis de l’idée même d’un conseil d’orientation, a souhaité que soit modifié l’amendement du rapporteur de la commission du Sénat afin de prévoir sa vice-présidence par le ministre de la culture.
Votre Rapporteur note qu’une telle précision est absente de « l’article-miroir » qu’est l’article 5 bis. De même, figure au présent article la précision selon laquelle « le ministre des affaires étrangères invite le président du conseil d’administration » de l’Institut français à participer au conseil d’orientation. Cela étant, l’ensemble de l’article relève manifestement du décret plus que de la loi.
Pourtant, votre commission a adopté un amendement présenté par ses membres appartenant au groupe SRC pour préciser, en l’étoffant, la composition de ce conseil d’orientation. Y siégeraient ainsi, également, des parlementaires et « une personnalité représentative des cultures numériques », formule destinée à insister sur l’importance des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans la stratégie d’influence à développer au service de la culture et de la langue françaises à l’étranger.
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La Commission examine l’amendement CAE 44 de M. André Schneider.
M. André Schneider. Vu l’intérêt qu’ils portent à ces questions, il est primordial que les parlementaires participent au conseil d’orientation stratégique.
M. le rapporteur. J’y suis favorable, à condition que les parlementaires désignés siègent effectivement au conseil.
M. le ministre. Là encore, cette disposition est du domaine du décret. Cependant, comme je viens de le faire à propos du ministère de la culture dans le cadre de l’article précédent, je m’engage à ce que des représentants du Parlement, de l’ensemble des ministères concernés et de l’Alliance française participent à ce conseil.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie des amendements CAE 31 de M. François Rochebloine et CAE 39 de M. Didier Mathus, pouvant être soumis à une discussion commune.
M. François Rochebloine. Cet amendement vise à inclure l’audiovisuel extérieur dans la réflexion sur l’action culturelle de la France. Il est regrettable que ce secteur ait été écarté du champ de compétence du Quai.
M. Didier Mathus. En effet, ce projet de loi fait l’impasse sur les principaux vecteurs de diffusion de la culture française que sont l’audiovisuel et le numérique. L’amendement CAE 39 précise donc que le champ d’intervention du conseil d’orientation comprend l’audiovisuel extérieur et que le président de l’audiovisuel extérieur est associé au conseil.
M. le rapporteur. Avis favorable.
M. le ministre. Nous n’avons pas négligé l’importance de l’audiovisuel ou de l’Internet. Simplement, la composition du conseil ne relève pas de la loi. Je m’engage, comme précédemment, à ce que les représentants de ces deux secteurs participent au conseil et vous demande de bien vouloir retirer vos amendements.
M. François Rochebloine. Je retire mon amendement au profit de celui de M. Mathus.
M. Didier Mathus. Quitte à le retirer en séance publique, je maintiens cet amendement, dont l’intérêt, une fois encore, est de rappeler l’importance de l’audiovisuel extérieur.
L’amendement CAE 31 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CAE 39.
Puis elle adopte l’amendement de coordination rédactionnelle CAE 17 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CAE 40 de M. Didier Mathus.
M. Didier Mathus. Dans l’esprit de l’amendement CAE 39, cet amendement exige qu’une personnalité représentative des cultures numériques siège au conseil d’orientation. Je pense notamment à l’entreprise française Dailymotion, très présente sur Internet.
M. le rapporteur. Sagesse.
M. le ministre. Sagesse.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 6 bis modifié.
Article 6 ter (nouveau)
Rapport au Parlement sur la diplomatie d’influence et les modalités du rattachement du réseau culturel à l’étranger
Ce dernier article du titre Ier aborde le point-clef des liens entre l’Institut français et le réseau culturel français à l’étranger. La chronologie rappelée plus haut indique assez combien cette question a été au cœur de la réflexion sur la réforme, au point d’éclipser tous les autres sujets, pourtant importants, abordés dans le présent projet.
Rattacher ou non le réseau peut sembler une alternative simple à formuler sur le papier ; M. Dominique de Combles de Nayves, dans son rapport d’octobre dernier, très éclairant et très précis, en a montré toutes les implications, pour les personnels concernés ainsi que pour les structures – agence elle-même, postes et Département.
Alors que d’ores et déjà, il évalue le coût total instantané du transfert à l’agence pour l’action culturelle extérieure des quelque 3 850 agents de droit local des établissements à autonomie financière (EAF) et des services de coopération et d’action culturelle (SCAC) intervenant dans le domaine culturel à 29 millions d’euros, le coût instantané du transfert à l’agence de l’intégralité des 6 866 agents de droit local employés dans les EAF et les SCAC s’élèverait, lui, à 50 millions d’euros. À cela, s’ajoutent des coûts récurrents liés aux revalorisations de salaires susceptibles d’intervenir au moment du transfert des contrats de travail et des augmentations de charges sociales pour les agents de droit français. Ces surcoûts seraient de l’ordre de 25 millions d’euros. Au total, l’opération de transfert représenterait donc un coût compris entre 55 et 75 millions d’euros.
Dans sa note précitée, M. Thierry Le Roy n’allait pas jusqu’à envisager une telle évolution. Évoquant néanmoins les liens entre l’agence culturelle et le réseau, il préconisait de donner aux correspondants de l’agence au sein des postes le statut de représentants de celle-ci, sous l’autorité de l’ambassadeur, alors que l’on vivait avec la fiction selon laquelle les postes diplomatiques étaient vis-à-vis de l’agence – CulturesFrance en l’occurrence – en position de donneurs d’ordre.
Les commissions des affaires étrangères et des affaires culturelles du Sénat ayant, avant leur examen du présent projet, déjà pris position en faveur du rattachement à l’agence du réseau des SCAC et centres culturels français à l’étranger, elles se devaient d’en faire mention dans le texte. Compte tenu du dernier état de la position officielle du ministre à cet égard, formalisé dans sa lettre aux agents du réseau en date du 3 novembre dernier, avec une clause de rendez-vous dans trois ans, le présent article ne constitue en vérité qu’une demande de rapport du Gouvernement au Parlement, au terme de ces trois ans.
Ce rapport est d’ailleurs à la fois très général et très précis :
– d’une part il s’agit d’un rapport « sur la diplomatie d’influence de la France », concept ô combien vaste et multiforme ;
– d’autre part il s’agit, à travers la commande consistant à « évaluer notamment la mise en place » de l’Institut français, de réaliser une nouvelle étude « des possibilités de rattachement du réseau culturel » à la nouvelle agence.
Jusque-là, on voit mal ce que ce rapport pourrait dire de neuf après l’excellente production de l’automne dernier. C’est là qu’intervient la précision, souhaitée par notre collègue sénatrice Monique Cerisier-ben Guiga et reprise à son compte par le rapporteur de la commission des affaires étrangères, des « expérimentations qui devront être menées pendant ces trois années » à propos du rattachement du réseau.
Votre Rapporteur est convaincu que ces expérimentations sont le moyen de dépasser la crispation qui s’est faite autour de la réforme et dont il a bien entendu l’écho lors de la table ronde organisée avec les syndicats du MAEE.
Cependant, la formulation actuelle du présent article ne suffit pas à organiser l’expérimentation d’une telle réforme ; surtout, elle ne répond pas aux critères qu’impose l’article 37-1 de la Constitution, inséré en 2003 (32) dans notre norme suprême :
« Art. 37-1.– La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. »
C’est pourquoi votre Rapporteur a déposé un amendement de rédaction globale, adopté par votre commission, précisant les modalités et la portée de cette évaluation, qu’il reviendra au Gouvernement d’articuler en détail par voie réglementaire :
– seront choisis dix postes diplomatiques devant constituer un « échantillon représentatif », en croisant les critères suivants : la taille de l’ambassade et sa place dans le classement des postes en trois catégories, le pays d’implantation, afin que tous les continents soient représentés mais également que participent à l’expérimentation aussi bien des « pays à alliances françaises » que des « pays à instituts culturels », les moyens du poste dans toutes les acceptions du terme (effectifs, budget, contacts, ressources issues du mécénat, relais dans la population selon son degré de francophonie et de francophilie...) ;
– la liste de ces postes serait publiée au Journal officiel, et en tout état de cause l’expérimentation devra débuter au plus tard six mois après l’adoption de la présente loi, mais probablement de manière échelonnée avant d’atteindre le nombre de dix ambassades ;
– pour les personnels participant à l’expérimentation et changeant de statut dans ce cadre, il faut prévoir dès à présent dans la loi un principe de réversibilité : en cas d’échec ou de suspension de l’expérimentation, le retour à leur statut initial sera de droit ;
− le rapport d’évaluation remis au Parlement, qui était souhaité par le Sénat, est maintenu, moyennant deux précisions quant à son objet et à ses destinataires : il sera adressé aux commissions permanentes compétentes du Parlement et portera à la fois sur les résultats obtenus dans le cadre de l’évaluation et la conduite à son terme de la réforme − abandon, généralisation du système ou solution intermédiaire ;
– enfin, un cahier des charges de l’évaluation, document conventionnel, sera conclu entre l’Institut français et sa tutelle.
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La Commission est saisie de l’amendement CAE 18 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à organiser précisément, dans un certain nombre de pays, l’expérimentation du rattachement du réseau culturel à l’Institut français, de sorte que le Parlement puisse se prononcer en connaissance de cause le moment venu.
M. le ministre. Je partage cette volonté d’expérimentation. Il nous faudra la conduire dans des lieux divers et représentatifs, selon des modalités que j’ai souhaité préciser au travers de trois sous-amendements.
Le premier vise à rétablir le nombre de cinq postes, plus réaliste que celui de dix proposé par le rapporteur. Cette réforme, même venant après trente ans de réflexion, suscite quelques réticences ; il me faut du temps pour convaincre.
Le deuxième vise à rassurer les personnels des centres soumis à l’expérimentation en leur garantissant, le cas échéant, le rétablissement dans leur statut initial.
Enfin, s’il paraît nécessaire qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités de cette expérimentation, nous avons besoin de plus de souplesse s’agissant d’établir la liste des postes concernés ou de définir les modalités de retour des agents à leur statut initial. En effet, au cas où une crise surviendrait dans un pays, il faudrait pouvoir réagir rapidement pour mettre fin à l’expérimentation et la déplacer vers un autre poste. D’où la nécessité de recourir sur ces points à un texte normatif de niveau inférieur à celui du décret en Conseil d’État.
M. le président Axel Poniatowski. Il était prévu à l’origine que la réforme s’applique dans les 180 missions diplomatiques. Demander que l’expérimentation soit conduite dans dix ambassades pendant trois ans ne me semble pas excessif.
M. le ministre. Je crains que cela ne constitue un signal violent pour les tenants d’une certaine tradition. Je rappelle qu’il a fallu trente ans pour que cette réforme voie le jour.
M. le président Axel Poniatowski. Le Parlement vous soutient dans cette entreprise, Monsieur le ministre.
M. le ministre. Précisément, il m’importe que la réforme soit mise en œuvre au terme d’une expérimentation réussie.
M. le rapporteur. Je suis favorable aux deux derniers sous-amendements. Plus réservé sur le premier, qui réduit le nombre de postes concernés par l’expérimentation, je m’en remets à la sagesse de mes collègues.
M. le président Axel Poniatowski. Personnellement, je souhaite que le nombre de dix postes soit maintenu.
M. le ministre. Peut-on imaginer que les dix expérimentations soient étalées dans le temps, ou faut-il qu’elles débutent toutes dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi ?
M. le président Axel Poniatowski. Non, trois postes pourraient être concernés la première année, trois la deuxième année, et quatre la dernière année, par exemple.
M. le ministre. Dans ce cas, je propose de rectifier le premier sous-amendement en précisant que le nombre de missions choisies ne peut être inférieur à dix sur les trois prochaines années – étant entendu que le nombre de cinq devrait également être remplacé par celui de dix dans le troisième sous-amendement.
M. le rapporteur. Avis favorable aux trois sous-amendements ainsi rectifiés.
La Commission adopte successivement les trois sous-amendements du Gouvernement, le premier et le troisième tels qu’ils ont été rectifiés.
Elle adopte l’amendement ainsi sous-amendé. En conséquence, l’article 6 ter est ainsi rédigé.
La Commission examine l’amendement CAE 32 de M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Les travaux de la mission d’information sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture nous ont conduits à penser que ce projet de loi pourrait être le support d’une expérimentation de regroupement en un unique établissement, en autonomie financière, des alliances françaises et des centres culturels d’un pays. Avec le consentement de la Fondation Alliance française, cette expérimentation pourrait être menée dans cinq pays.
M. le rapporteur. Je salue le travail que François Rochebloine et Geneviève Colot ont effectué au sein de la mission d’information. Pour autant, je ne suis pas favorable à cet amendement. Les statuts des alliances sont très divers selon les pays et toutes ne se prêteraient pas à une telle expérimentation. Par ailleurs, elles coopèrent déjà avec l’État, qui met à disposition des directeurs. Surtout, je crains qu’un amendement de ce type ne compromette le soutien donné par les alliances à la présente réforme, remettant ainsi en cause le fragile équilibre de celle-ci.
M. le ministre. Même avis. J’ajoute qu’un tel regroupement est juridiquement impossible, dans la mesure où les alliances ont un statut de droit étranger.
M. François Rochebloine. Il existe pourtant bien une possibilité de regroupement, que nous avons constatée et louée lors de certains de nos déplacements.
L’amendement est retiré.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXPERTISE TECHNIQUE INTERNATIONALE
Dans le cadre de la réforme en cours de l’aide publique au développement, sur laquelle se penche la commission des affaires étrangères qui a constitué une mission sur ce thème, le présent titre est l’occasion d’un « toilettage » de la loi de 1972 relative au statut des coopérants. Il était tout à fait légitime que le Gouvernement utilise le « véhicule législatif » qu’est le présent projet pour opérer des modifications techniques qui ne sont pas sans lien avec la modernisation souhaitée du pilotage de notre diplomatie d’influence, y compris dans le domaine de l’expertise internationale.
Les principaux objectifs poursuivis, selon les informations recueillies par votre Rapporteur, sont les suivantes :
− il s’agit d’une part de revaloriser les fonctions de coopérant, en transformant l’assistant technique en expert technique international. C’est le passage d’une assistance de substitution, résidentielle et à long terme, à une expertise visant au renforcement de capacité et se déroulant de plus en plus sur court ou moyen terme ;
− il s’agit, d’autre part, de faciliter l’accès aux appels d’offre des organisations internationales dans le domaine de l’expertise technique.
L’étude d’impact met ces éléments en perspective, en rappelant qu’ils poursuivent la réforme de la coopération française engagée en 1998. Elle précise toutefois que le présent texte n’en constitue qu’une partie et que les principales modifications qu’il apporte à la loi du 13 juillet 1972 sont limitées au minimum nécessaire :
− assouplir le régime de l’expertise technique internationale par l’élargissement aux organisations internationales et aux think tanks des structures pouvant accueillir des experts, ainsi que par l’élargissement du vivier de recrutement aux salariés du secteur privé, aux fonctionnaires de pays de l’Union européenne et de l’Espace économique européen ainsi qu’aux fonctionnaires parlementaires ;
− fixer aux missions d’expertise une durée maximale de 6 ans consécutifs pour « faire tourner » le vivier des experts et les maintenir informés ;
− préciser l’absence de droit acquis à titularisation pour les experts agents contractuels de droit public et l’absence de droit acquis à réemploi comme expert pour les contractuels de droit privé ;
− en revanche, prendre en compte le temps passé comme expert technique international pour l’inscription aux concours internes de la fonction publique.
Article 7
(loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d’États étrangers)
Modification de l’intitulé de la loi de 1972 relative au statut des coopérants
Cet article rénove, de façon non seulement symbolique mais également concrète, l’intitulé de la loi de 1972 qui continuait jusqu’à aujourd’hui de régler le statut des personnels désignés comme « coopérants » en langage courant, et en langage administratif les « personnels civils de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d’États étrangers ».
Les articles 8 à 11 étendant à la fois le champ de la « coopération » à d’autres personnes morales que les États étrangers, et le champ des personnels concernés à d’autres que les fonctionnaires de l’État, le nouvel intitulé retenu est celui de « loi relative à l’expertise technique internationale ».
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La Commission adopte l’article sans modification.
Article 8
(art. 1er de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972)
Extension du champ d’application de la loi de 1972 relative au statut des coopérants
Cet article, en récrivant l’article 1er de la loi du 13 juillet 1972, opère une modification formelle de la dénomination des coopérants et surtout, une ouverture du champ des entités susceptibles d’accueillir ces personnels au statut rénové.
• Actuellement, environ 850 assistants techniques sont concernés :
− la centaine gérée par FCI, sur contrat de droit privé, intervient principalement dans les secteurs de la coopération dont le financement a été transféré à l’Agence française de développement à la suite du Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) du 18 mai 2005. Certains sont des fonctionnaires détachés sur contrat ;
− environ 750 sont recrutés sur contrat de droit public et gérés par le MAEE. Ils interviennent soit comme conseillers de ministres, ou conseillers régionaux, dans les secteurs de type développement, santé, économie ou gestion, soit sur des métiers régaliens (gouvernance, justice, sécurité).
• Comme dans la loi de 1972, sont visés « les personnels civils […] [appelés à] accomplir hors du territoire français des missions de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d’États étrangers, notamment en vertu d’accords conclus par la France avec ces États ». Ils seront désormais appelés « experts techniques internationaux ».
Afin de lever toute ambiguïté à propos de la portée de la nouvelle rédaction du présent article, qui ne précisait plus que le texte ne concernait que les personnels « auxquels l’État fait appel », la commission des affaires étrangères du Sénat a voulu souligner que les experts techniques internationaux étaient « recrutés par des personnes publiques », sous-entendu, pour l’essentiel, l’État ou la nouvelle agence pour l’expertise et la mobilité internationales. Il était clair cependant que l’esprit du texte n’était pas de régler la situation des experts et autres consultants internationaux du secteur privé.
• Le présent article dépasse par ailleurs le cadre purement bilatéral ancien pour englober les missions auprès :
− « d’organisations internationales intergouvernementales ». L’étude d’impact cite à titre d’exemple l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme des Nations unies pour le développement, la Banque mondiale, le Fonds international de développement agricole, la Commission des Nations unies pour le commerce et le développement, le Programme alimentaire mondial et l’Organisation de l’aviation civile internationale ;
− « d’instituts indépendants étrangers de recherche ». Ces « think tanks » sont pour l’essentiel situés en Europe (Bruegel, European Council on Foreign Relations, Chatham House), aux États-Unis (Brookings Institution, Center for Strategic and International Studies, Carnegie Endowment for International Peace) et en Asie (notamment l’Institute of strategic studies au Pakistan et l’Institute for Defence Studies and Analyses en Inde). Le Sénat, sur l’initiative du rapporteur de la commission des affaires étrangères, a supprimé la précision selon laquelle ces instituts travaillaient « sur les politiques publiques », par souci d’harmonisation rédactionnelle avec l’article 1er du présent projet (alinéa 4).
Notons aussi que disparaît de l’article 1er de la loi du 13 juillet 1972 la référence au service national actif accompli dans le service de la coopération, qui était obsolète et a fait place à une version renouvelée du volontariat international.
Enfin, a été insérée par la commission des affaires étrangères du Sénat, sur proposition de son rapporteur, la mention des fonctionnaires des assemblées parlementaires dans la dernière phrase du présent article : au même titre que les magistrats, ils doivent rester régis par leurs règles particulières, y compris s’ils accomplissent des missions d’expertise technique internationale. Derrière le principe de séparation des pouvoirs qui justifie cette commune exception, notons toutefois que le statut des magistrats est de niveau organique, ce qui n’est pas le cas du statut des fonctionnaires parlementaires.
Ainsi, les caractéristiques communes de ces experts seront d’être recrutés par des personnes publiques (État ou établissement public), et de participer à l’action extérieure de la France et à son influence, quels que soient leur mode de financement (État, bailleurs multilatéraux bilatéraux, pays bénéficiaires) et les modalités de leur gestion.
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La Commission adopte l’article sans modification.
Article 9
(art. 2 de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972)
Ouverture du recrutement des experts techniques internationaux à l’ensemble des fonctions publiques et au secteur privé
Cet article concrétise le second volet de la rénovation du cadre juridique de l’expertise technique internationale posé par la loi du 13 juillet 1972, en ouvrant explicitement aux salariés du secteur privé le recrutement d’experts par des personnes publiques.
L’article 2 de la loi de 1972 est réécrit de façon plus claire et plus systématique, et substitue une liste exhaustive à une énumération qui visait « notamment » les fonctionnaires de l’État et de ses établissements publics, les magistrats de l’ordre judiciaire, les agents titulaires des collectivités locales et de leurs établissements publics, les agents permanents des services, établissements et entreprises publics à caractère industriel et commercial.
La nouvelle liste comporte trois catégories :
− tous les fonctionnaires, qu’ils relèvent de l’article 2 de la loi portant droits et obligations des fonctionnaires (qui constitue le titre Ier du statut général des fonctionnaires (33)), qu’il soient magistrats de l’ordre judiciaire, fonctionnaires des assemblées parlementaires (grâce à un ajout du Sénat proposé par le rapporteur de la commission des affaires étrangères) ou fonctionnaires d’un État membre de l’Union européenne, ou d’un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen (EEE) ou encore de la Confédération suisse. Sur ce dernier point, rappelons en effet que l’EEE résulte d’un accord d’association signé en mai 1992 entre les États membres de la Communauté européenne, partie à l’accord conjointement avec chacun de ses États membres, et les États membres de l’AELE. La Suisse ayant refusé par référendum la ratification de ce traité en 1992, ne sont concernés que trois pays de l’AELE : l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein. Depuis, la Suisse a toutefois signé de nouveaux accords bilatéraux avec l’UE − devenue par ailleurs directement membre de l’EEE −, mais en dehors du champ de l’EEE ;
− les contractuels de droit public ;
− les salariés ou contractuels de droit privé, « en fonction des qualifications spécifiques recherchées ». Cette précision reprend un élément de la rédaction actuelle de l’article 2 de la loi du 13 juillet 1972 et elle est d’ailleurs cohérente avec le concept même d’« expert ». Mais en ne la faisant figurer qu’à propos des experts relevant du droit privé, et en fin de liste, on semble signifier que le recours à ces personnels ne sera que subsidiaire.
En réalité, à l’heure actuelle, les experts recrutés par le ministère des Affaires étrangères et européennes le sont, pour près de la moitié, à l’extérieur de la fonction publique.
Quelles sont les « qualifications spécifiques » de ces experts du secteur privé, au statut dorénavant juridiquement adapté à la réalité des faits, qui seront plus particulièrement recherchées ? Tout en se refusant à les déterminer a priori puisque cela dépendra du profil de chaque mission et de la disponibilité d’experts publics sur le thème en question, le Quai d’Orsay mentionne cependant à titre d’exemple les domaines de la santé − biologie, pharmacie, recherche − et de l’agriculture − hydrauliciens, ingénieurs agronomes.
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La Commission adopte l’article sans modification.
Après l’article 9
Préservation du régime de sécurité sociale des fonctionnaires des assemblées parlementaires exerçant en qualité d’experts techniques internationaux
La Commission adopte l’amendement de coordination CAE 19 du rapporteur.
Article 9 bis A (nouveau)
(art. L. 761-6 du code de la sécurité sociale)
Préservation du régime de sécurité sociale des fonctionnaires des assemblées parlementaires exerçant en qualité d’experts techniques internationaux
À supposer que FCI soit transformé par le Gouvernement en EPIC, les experts gérés par cet établissement public seront recrutés sur des contrats de droit privé comme le sont tous les salariés des EPIC et relèveront de la Caisse des Français de l’étranger et d’une assurance complémentaire s’agissant de leur couverture sociale.
En revanche, les experts gérés par le ministère des Affaires étrangères et européennes continueront de relever de contrats de droit public – leur rémunération étant fondée sur le décret du 28 mars 1967 – et de bénéficier d’un régime de sécurité sociale français. Ce dernier point est codifié à l’article L. 761-6 du code de la sécurité sociale, qui précise ce « statu quo social » pour les fonctionnaires titulaires de l’État et les magistrats de l’ordre judiciaire.
Le Sénat ayant modifié les articles 8 et 9 du présent texte pour y inclure expressément les fonctionnaires parlementaires, un amendement de coordination à l’article L. 761-6 était nécessaire afin de préserver aussi le régime propre de sécurité sociale desdits fonctionnaires, à l’occasion de l’exercice de fonctions d’expert technique international.
Ce souci de cohérence et de simplicité de gestion a été partagé par votre commission, qui a adopté l’amendement portant article additionnel proposé par votre Rapporteur.
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La Commission adopte l’article sans modification.
Article 9 bis (nouveau)
(art. 3 de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972)
Coordination en matière d’obligations de convenance et de réserve résultant de l’exercice de fonctions sur le territoire d’un État étranger
Cet article, introduit au Sénat sur proposition du rapporteur de sa commission des affaires étrangères, procède à une modification pour coordination de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972, que le texte initial du Gouvernement laissait inchangée.
Ledit article 3 décline les « obligations de convenance et de réserve » et d’une manière générale les sujétions qui pèsent sur les experts techniques internationaux eu égard au caractère de service public de leur mission et de l’exercice de celle-ci sur le territoire d’un État étranger et pour le compte d’une personne publique française.
Dans la rédaction actuelle de l’article 3 de la loi de 1972, il n’est fait référence qu’à la compétence du gouvernement français et des « autorités étrangères intéressées » pour déterminer ces obligations et sujétions. Le fait que les experts techniques internationaux puissent désormais être placés auprès d’organisations internationales ou de think tanks justifie que ces entités soient à même de négocier directement ces questions de « discipline » avec le gouvernement français.
Ainsi, les experts relèveront, durant leur mission, du Gouvernement de l’État étranger ou de l’organisme auprès duquel ils seront placés, dans les conditions arrêtées par convention établie entre le Gouvernement français et les autorités étrangères intéressées ou, dans le cas d’un opérateur, par un contrat de prestation de services passé avec le maître d’ouvrage.
Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, le pendant de ces obligations, c’est-à-dire les droits dont disposent les experts techniques internationaux, seront précisés dans la convention ou le contrat de prestation de services. Cela recouvre à la fois leur situation indemnitaire, tenant compte des contraintes de leur mission, et la prise en charge de leurs dépenses de santé : régimes spéciaux pour les fonctionnaires détachés sur contrat, régime général pour les contractuels, Caisse des français de l’étranger et assurance complémentaire pour les experts gérés par un établissement public, et enfin prise en charge sociale à leur retour en France pour les experts issus du secteur privé.
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La Commission adopte l’article sans modification.
Article 10
(art. 4 de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972)
Durée des missions
Cet article réécrit entièrement l’article 4 de la loi du 13 juillet 1972 en supprimant son contenu − qui est de caractère réglementaire − et en instituant un régime légal pour la durée des missions des experts techniques internationaux là où l’alinéa de l’article 2 de la loi de 1972 ne pose à l’heure actuelle qu’un vague principe.
• L’actuel article 4 fait obligation aux administrations qui assurent la gestion d’un corps de fonctionnaires de mettre à la disposition des services chargés de la coopération le nombre de fonctionnaires de ce corps dont le concours est nécessaire en vue de l’accomplissement de missions de coopération. Il prévoit qu’à cette fin, les décisions portant autorisation de recrutement dans les différents corps de fonctionnaires de l’État tiennent compte, dans la détermination du nombre des emplois à pourvoir dans les administrations de l’État, de celui des détachements auprès des services chargés de la coopération.
Or ces dispositions, outre leur formulation obsolète, ne sont pas du domaine de la loi mais de celui de la circulaire, de sorte que leur suppression améliorera la qualité de la loi.
• À leur place, le présent article établit un régime légal de la durée des missions d’expert technique international.
Est ainsi repris et étoffé le dernier alinéa de l’actuel article 2 de la loi du 13 juillet 1972 aux termes duquel les assistants techniques « servent à titre volontaire. Ils sont désignés pour accomplir des missions de durée limitée ». En effet :
− le service « à titre volontaire » est maintenu, et au passage, élargi à toutes les catégories d’experts, agents publics ou non ;
− la mission sera initialement d’une durée maximale de trois ans, renouvelable une seule fois. Cette évolution s’explique par le fait que l’assistance technique s’est diversifiée dans ses modalités d’intervention. Alors qu’en 1972 les assistants techniques remplissaient surtout des missions résidentielles à plein temps, il est de plus en plus fait appel aujourd’hui à des experts pour des missions de court et moyen termes. Or il est nécessaire de reconnaître à ces personnels la qualité d’experts techniques internationaux pour continuer d’assurer un recrutement de qualité.
Est ainsi instauré un plafond, à six ans, de la durée d’une mission. Mais votre Rapporteur insiste sur le fait que le plafond vise une mission auprès du même État ou organisme. De sorte qu’une autre mission auprès de la même entité ou une mission similaire auprès d’une autre entité permettra d’échapper au plafond. Cette souplesse peut se révéler utile pour des spécialités rares ou des experts d’une exceptionnelle qualité.
D’un autre côté, l’instauration d’un plafonnement est à la fois légitime et utile : elle vise en premier lieu à « faire tourner le vivier » des experts, mais elle permet aussi de se prémunir contre des contentieux liés à la titularisation des personnels employés comme experts.
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La Commission adopte l’article sans modification.
Article 11
(art. 8 de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972)
Situation en fin de mission des experts techniques internationaux non fonctionnaires
Cet article est un dispositif de sécurisation juridique du régime statutaire des experts techniques internationaux, suite aux difficultés d’application et aux contentieux soulevés par le régime actuel des assistants techniques en fin de mission. Il présente un double aspect :
− d’une part, une barrière à l’augmentation « anarchique » de l’emploi public ;
− d’autre part, une reconnaissance des services rendus par les experts techniques qui accompliraient une démarche volontaire afin d’intégrer la fonction publique.
• Ces dispositions ont une histoire. Les dispositions transitoires de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l’État prévoyaient (art. 74, 1°) que les personnels régis par la loi de 1972 avaient « vocation à être titularisés, sur leur demande ». Or la titularisation des coopérants techniques a été particulièrement difficile compte tenu de leurs métiers, souvent très éloignés des métiers que pouvait leur proposer l’administration française. En définitive, seuls ceux relevant de corps d’enseignement ont été rapidement reclassés. Pour ces personnels, la titularisation, qui a concerné environ un millier de coopérants, s’est effectuée progressivement après la publication des décrets d’application de la loi de 1984.
Vis-à-vis des plusieurs milliers d’autres coopérants, l’État a été condamné, sous astreinte, à prendre les mesures d’application de l’article 74 précité : dans une décision du 3 septembre 1997, le Conseil d’État a prononcé une astreinte à l’encontre de l’État s’il ne justifiait pas avoir, dans les six mois suivant la notification de la décision, élaboré les décrets de titularisation des coopérants techniques. Ceux-ci ont ainsi, pour la plupart, été titularisés après la publication des décrets du 24 août 2000. S’il existe encore des contentieux concernant des assistants techniques qui étaient en poste avant la publication de la loi « Le Pors » du 11 janvier 1984, il n’y a pas eu depuis d’autres recours de ce type.
Dans le cadre des dispositions de résorption de l’emploi précaire dans la fonction publique de l’État, en particulier les lois dites « Perben » (34) et « Dutreil » (35), les missions d’expert technique international n’ouvrent pas droit à titularisation ou à réemploi, selon la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Toutefois, l’argumentation selon laquelle les coopérants techniques sont exclus du dispositif de « cédéisation » instauré par la loi « Dutreil » du fait qu’ils n’exercent pas des fonctions susceptibles d’être dévolues à des fonctionnaires, pourrait être remise en cause par le juge administratif en référence à la titularisation de nombreux coopérants techniques qui étaient placés dans des situations similaires et qui ont été intégrés dans des corps de fonctionnaires sur le fondement de la loi « Le Pors » de 1984.
Dès lors, inscrire dans la loi que les missions d’expert technique international n’ouvrent pas droit à titularisation pour les contractuels de droit public, ou à réemploi pour les contractuels de droit privé − et cela en plus du plafonnement des missions à six ans par l’article 10 du présent projet de loi − permettra de limiter le risque contentieux.
• En contrepartie, en quelque sorte, le présent article prévoit de mieux valoriser l’expérience acquise par les experts techniques internationaux qui voudraient devenir fonctionnaires, en assimilant la durée de leurs missions à des services faits au sens du droit de la fonction publique, dans le cadre des concours internes des trois fonctions publiques.
Une telle disposition permet aussi, dans l’optique du Gouvernement, de prévenir toute discrimination entre les experts qui seront employés par l’État et ceux qui seraient employés par un EPIC comme, le cas échéant, FCI sous un futur statut. C’est une réelle novation juridique que de prévoir ainsi l’assimilation des missions d’expertise de contractuels de droit privés employés par un EPIC, à des services pris en compte pour une durée d’ancienneté nécessaire à l’inscription à un concours interne de la fonction publique.
Le Sénat a adopté cet article avec une légère modification rédactionnelle.
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* *
La Commission adopte l’article sans modification.
TITRE III
ALLOCATION AU CONJOINT
Sans lien avec ce qui précède ni avec ce qui suit − d’où le titre « générique » du projet de loi dans son ensemble –, le présent titre III est l’occasion d’aborder ce « serpent de mer » qu’est la promesse future d’un statut du conjoint d’agent de l’État expatrié.
Article 12
Création de l’allocation au conjoint d’agent civil de l’État expatrié
Le présent article instaure une mesure apparemment symbolique mais d’une portée assez considérable : pour la première fois, une allocation destinée à compenser des sujétions d’un conjoint est versée directement à ce dernier et non à l’agent. Pour autant, cette avancée n’est pas, comme l’a précisé votre Rapporteur dans son propos introductif, la première étape vers un « statut du conjoint » demandé par le Président de la République.
• Les conjoints d’agents en poste à l’étranger connaissent des sujétions particulières, par exemple lorsque le conjoint est contraint d’abandonner un emploi en France pour suivre l’agent à l’étranger, ou lorsque, n’étant pas fonctionnaires ou ne trouvant pas de poste disponible à l’ambassade, ils doivent s’abstenir de mener une activité professionnelle dans le pays d’accueil (36).
L’insuffisante prise en compte des contraintes du conjoint avait d’ailleurs fait l’objet d’un point du relevé d’observations provisoire de la Cour des comptes sur les compléments de rémunération des agents de l’État à l’étranger en 2008.
Les conjoints subissent également les conditions de vie parfois difficiles du pays d’accueil. Ils connaissent avec plus d’acuité les problèmes de santé et les risques d’accident qui pèsent sur l’ensemble des familles expatriées. Il sont plus vulnérables aux aléas de la vie tels que le divorce − le ministère des Affaires étrangères et européennes connaît, selon l’association française des conjoints d’agents du ministère, un taux de divorce de l’ordre de 70 %, soit le plus élevé parmi les administrations publiques. Le décès ou l’invalidité de l’agent ont pour lui des conséquences plus graves et sont plus rudes à affronter qu’en métropole.
Ces sujétions pesant sur les conjoints conduisent un grand nombre d’entre eux à renoncer à une expatriation ou à l’interrompre prématurément, étant alors confrontés à un célibat géographique toujours perturbant pour les familles.
Cette question devient un important enjeu dans la gestion des ressources humaines au sein du ministère des affaires étrangères et européennes. En effet, si les conjoints d’agents assez jeunes − âgés de 20 à 30 ans − ou au contraire plus âgés − ayant plus de 50 ans −, acceptent assez volontiers l’expatriation, vécue soit comme une parenthèse dans leur vie professionnelle, mise à profit pour élever de jeunes enfants, soit comme une position sociale assumée, s’agissant des conjoints ayant renoncé à poursuivre une carrière professionnelle, les conjoints situés dans la tranche d’âge 30/50 ans y renoncent de plus en plus, pour ne pas compromettre leur situation professionnelle.
Comme votre Rapporteur l’a indiqué dans son propos introductif général, le Président de la République lui-même s’est publiquement inquiété, en septembre 2007, de ce qui devient un sérieux problème de gestion des ressources humaines.
La prise en compte financière des difficultés des conjoints existe certes déjà actuellement au ministère des affaires étrangères et européennes sous la forme d’un complément de rémunération versé à l’agent, prévu par le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l’Etat et des établissements publics de l’État à caractère administratif en service à l’étranger. Plusieurs cas sont cependant apparus où le conjoint n’était pas informé de l’existence de cette indemnité. En tout état de cause, il ne peut en disposer lui-même que pour autant que l’agent y consent. Or, ce versement est indispensable au conjoint, notamment pour financer un complément de retraite, engager une formation ou épargner pour faire face aux aléas de la vie.
• Il apparaît donc nécessaire de modifier, comme le prévoit l’alinéa 1, la nature de cette indemnité, qui ne doit plus être regardée comme un complément de rémunération de l’agent mais bien comme une allocation spécifique sui generis versée directement au conjoint. Bien qu’il soit présenté comme un « avantage familial » dans le décret, ce supplément familial ne constitue pas une prestation familiale, ne figurant pas dans les prestations définies par le code de l’action sociale et des familles.
L’objectif de la mesure proposée est donc que le conjoint lui-même, bien que n’étant pas agent de l’État, et non l’agent, perçoive directement le supplément familial. Cette allocation au conjoint se substituerait − tel est l’objet de l’alinéa 2 − au supplément familial (qui est distinct du supplément familial de traitement mentionné dans la loi « Le Pors »), prévu actuellement par le décret précité du 28 mars 1967, lorsque celui-ci est versé à l’agent au titre du conjoint ou du partenaire lié par un PaCS.
Toutefois, le supplément familial actuellement versé dans le cadre des dispositions du même décret de 1967 aux agents célibataires, veufs, divorcés ou séparés de corps ayant au moins un enfant à charge, serait conservé.
Par ailleurs, l’audition du ministre en commission a permis de préciser que le conjoint pourrait percevoir cette allocation même s’il n’est pas lui-même physiquement établi dans le pays où l’agent est en poste.
Cette allocation serait versée directement au conjoint dans les mêmes conditions que l’actuel supplément familial : elle s’appliquerait au conjoint n’exerçant pas d’activité professionnelle ou ne recevant que des revenus professionnels limités, correspondant par exemple à des vacations au sein du poste diplomatique. Le périmètre de l’allocation au conjoint est le même que celui de l’actuel supplément familial : il ne s’applique pas, dans des conditions prévues par décret, aux conjoints des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement français à l’étranger, qui ne relèvent pas du décret de 1967.
L’alinéa 1 précise que cette allocation sera limitée aux personnels civils de l’État. Les personnels des établissements publics administratifs soumis au décret de 1967 continueront donc à bénéficier, dans les conditions actuelles, du supplément familial. Une nouvelle intervention du législateur ne sera au demeurant pas nécessaire pour étendre cette allocation aux EPA, cette mesure pouvant être prise par voie réglementaire.
• Le Gouvernement a « calibré » la mesure pour qu’elle s’applique à périmètre et à coût constant. Toutefois, alors que l’étude d’impact estime qu’une instruction fiscale est suffisante pour que la nouvelle allocation soit exonérée d’impôt sur le revenu, par analogie avec l’actuelle exonération fiscale du supplément familial qui résulte d’une instruction fiscale du 8 mars 1974, votre Rapporteur juge nécessaire de prévoir dans la loi son ajout à la liste des prestations exonérées de l’impôt sur le revenu mentionnée à l’article 81 du code général des impôts. Il l’a proposé par amendement, retiré toutefois à la demande du ministre en commission, les assurances données par le ministère du Budget paraissant suffisantes.
De même, il conviendra de préciser que cette allocation ne doit pas revêtir le caractère d’une rémunération au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Là encore, votre Rapporteur a retiré son amendement qui permettait, sans attendre le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale et ses aléas, de garantir cette exonération dans la loi. Le ministre a « décliné l’offre » ; dont acte.
• Bien que cela ne ressortisse pas à la loi mais au décret d’application, il est prévu de rendre l’allocation plus égalitaire que le supplément familial qui correspond à l’heure actuelle à 10 % de l’indemnité de résidence du conjoint. La nouvelle allocation serait calculée sur une base moyenne des indemnités de résidence servies dans le poste. Le choix d’une méthode de calcul a donc pour objectif de mettre en œuvre une meilleure ventilation des crédits dans cette optique.
L’étude d’impact présente différents modes de calcul de l’allocation, le chiffrage résultant d’une estimation propre au ministère des Affaires étrangères et européennes ; votre Rapporteur souligne toutefois que tous les ministères disposant de personnels expatriés seront concernés par cette disposition.
Le tableau récapitulatif en est le suivant :
Situation actuelle (hors célibataires ayant charge de famille) |
Moyenne pays |
10% GR 13 | |
Coût total (mars 2009) |
1 258 762,47 |
1 258 762,47 |
1 212 299,97 |
Montant moyen |
549,20 |
575,39* |
538,97 |
* : moyenne des montants moyens par pays. Source : ministère des Affaires étrangères et européennes. |
Trois options sont donc envisageables :
– une moyenne mondiale fondée sur la dotation actuellement servie, qui consiste à cumuler le total des suppléments familiaux actuellement versés et d’en déterminer une moyenne mondiale au regard du nombre de bénéficiaires. Le coût total mensuel est inchangé (1 258 762 euros en mars 2009) et le coût moyen est arrêté à 549,20 euros par conjoint d’agent ;
– une moyenne-pays, cette méthode consistant à cumuler le total des suppléments familiaux versés dans un pays et à en faire une moyenne par pays. Le montant moyen est donc égal pour tous les conjoints d’agents dans un même pays, mais différent d’un pays à l’autre. Au regard de la base de calcul retenue (mars 2009), le coût mensuel demeure identique mais le montant moyen par agent serait de 575,39 euros. Ce montant moyen est une moyenne des montants moyens versés dans chaque pays. Cette méthode de calcul, qui repose sur la situation familiale des agents d’un poste à un moment donné, crée des distorsions très fortes d’un pays à l’autre, voire des effets d’aubaine. Ainsi, à titre d’exemple, le montant de l’allocation conjoint au Vietnam serait de 1 022, 47 euros et celle au Sierra Leone de 1 527,79 euros, contre 472,9 euros au Sénégal et 318,15 euros en Tunisie ;
– un pourcentage du « groupe 13 ». Cette méthode consiste à prendre l’actuel groupe « médian » d’indemnité de résidence, à savoir le groupe 13, comme référence pour la mise en œuvre des variations de rémunérations. L’allocation au conjoint représenterait, pour tous les agents, 10 % du groupe 13 des indemnités de résidence du pays de résidence. Au regard de la base de calcul retenue, cette méthode a un coût mensuel de 1 212 299,97 euros, soit une économie mensuelle d’environ 46 000 euros, et le montant moyen mensuel serait de 538,97 euros.
Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, l’association des conjoints d’agents du ministère des affaires étrangères accepte l’idée qu’une égalisation des allocations, qui serait prévue dans le décret d’application, puisse conduire à une baisse de cette dernière pour les conjoints d’agents de catégorie A et A+ ; la mesure est en revanche relativement neutre pour les conjoints d’agents de catégorie B et positive pour ceux d’agents de catégorie C.
Des demandes reconventionnelles pour étendre cette mesure à des corps soumis à des contraintes similaires pourraient le cas échéant intervenir (corps préfectoral et militaires non expatriés), même si les conjoints, dans le cas de ces fonctionnaires en postes en métropole, ne sont pas exposés aux mêmes difficultés, s’agissant de la possibilité de trouver un emploi, que les conjoints de diplomates exerçant à l’étranger, pénalisés par les immunités diplomatiques et les réglementations locales restrictives.
• L’impact budgétaire global sera évidemment variable selon la formule retenue. Ainsi, la mesure :
− est neutre pour les deux premières formules ci-dessus, à régime fiscal constant ;
− est moins coûteuse si l’option de la « moyenne du groupe 13 » est retenue.
Il y aura lieu de s’interroger, lors de l’élaboration du décret formalisant cette allocation, sur la réévaluation ou l’indexation de cette allocation. Enfin, le dernier élément du coût global de la mesure est constitué par l’exonération d’IR et de cotisations sociales cité plus haut.
• Il pourrait être envisagé, en plus de l’allocation envisagée par le présent projet de loi, de mettre en place un véritable « statut du conjoint diplomate », avec le versement d’une indemnité destinée aux conjoints d’agents astreints à des obligations de représentation. Toutefois, les conditions de versement d’une telle indemnité devraient être plus rigoureuses que celles prévues pour l’allocation : obligation de résider en poste, de justifier d’actions de représentation (seules certaines catégories de conjoints pourraient en bénéficier : conjoints de chefs de poste et de leur adjoint ; consuls, conseillers de coopération et d’action culturelle notamment) ; signature d’un contrat conduisant à la constatation du service fait, etc.
Une telle mesure, certes justifiée à maints égards, ne manquerait pas de susciter des dissensions au sein de la communauté diplomatique entre les conjoints qui en bénéficient et les autres. Des difficultés de mise en œuvre pourraient par ailleurs apparaître (comment évaluer le service fait, comment prendre en compte les absences du poste de la part des conjoints ? etc.). En outre, cette indemnité ne pourrait être versée à enveloppe égale puisqu’elle s’ajouterait, et ne se substituerait pas, à l’allocation au conjoint, sauf à réduire sensiblement le périmètre des bénéficiaires. Il en résulterait donc un surcoût pour le MAEE.
L’étude d’impact jointe au présent projet de loi comporte une suggestion de rédaction d’un texte instituant une véritable rémunération du conjoint, sur contrat, mais comporte aussi une longue liste de difficultés d’application qui ne manqueraient pas de surgir.
En attendant, à la fin d’octobre 2009, le Premier ministre a décidé que le régime de rémunération des agents de l’État et des établissements publics en service à l’étranger devait appeler une réforme d’ensemble, susceptible d’être menée au cours du premier semestre 2010. L’objectif est de parvenir à un régime de rémunération plus clair, plus simple et plus équitable. Cette approche d’ensemble, au titre de la fonction publique d’État, doit tenir compte de la diversité des situations, de la réalité des sujétions liées à l’expatriation, « tout en veillant à son caractère soutenable au plan budgétaire ».
Le comité interministériel des réseaux internationaux de l’État fournit le cadre de pilotage de ces travaux. Par rapport au présent projet de loi et à l’allocation au conjoint qu’il institue, l’orientation a été donnée au ministère de poursuivre les travaux sur la part que devrait représenter cet élément dans les compléments de rémunération.
Le Sénat n’a pas modifié cet article.
*
* *
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CAE 20 du rapporteur.
Elle adopte l’article ainsi modifié.
La Commission examine en discussion commune les amendements CAE 21 et CAE 22 du rapporteur.
M. le rapporteur. Pour conforter le choix politique du Gouvernement et lui rendre service, nous proposons d’inclure ces deux dispositions dans le présent texte, une instruction fiscale pouvant ne pas suffire. Nous avons vérifié que des dispositions fiscales non budgétaires peuvent figurer dans une loi ordinaire...
M. Jacques Myard. Encore une niche fiscale !
M. le ministre. Je vous remercie, monsieur le rapporteur. Toutefois, Bercy s’est engagé à ce que ces dispositions figurent dans le projet de loi de finances pour 2011.
M. le rapporteur. J’en prends bonne note.
Les amendements CAE 21 et CAE 22 sont retirés.
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES AUX OPÉRATIONS DE SECOURS À L’ÉTRANGER
L’actualité, y compris la plus récente et donc postérieure à la rédaction du présent projet de loi, a fourni des occasions de réaliser l’intérêt du présent titre. Soyons clairs cependant : plus encore que pour la loi « Montagne » dont ce dispositif est inspiré, c’est ici un but pédagogique qui est poursuivi.
Article 13
Possibilité pour l’État d’obtenir le remboursement des frais engagés à l’occasion des opérations de secours à l’étranger
Le présent article, très bref dans sa formulation, pose le principe du remboursement à l’égard des particuliers des frais de secours engagés par l’État à leur égard, lorsque ces dépenses auraient pu être épargnées au contribuable.
Mais ne nous cachons pas l’ambiguïté de ce texte, qui renvoie à la fois aux agissements de touristes imprudents à la recherche de sensations fortes, à propos desquelles votre Rapporteur n’a pas obtenu de statistiques de secours, et aux opérations concernant des prises d’otages. Selon le Centre de crise du Quai d’Orsay, 21 affaires, concernant au total 32 personnes, ont été recensées en 2009. Il s’agit le plus fréquemment de membres d’ONG et parfois de journalistes.
• Comme le précise l’étude d’impact, de plus en plus fréquemment, l’État est amené à supporter la charge financière des secours organisés par lui ou pour son compte, au profit de ressortissants français se mettant particulièrement en difficulté ou exposant leur santé physique et psychologique (et/ou celle de personnes les accompagnant) à un danger imminent. Ces personnes, qui voyagent ou séjournent, dans le cadre d’activités de loisir ou de nature professionnelle dans des régions ou des pays déconseillés par le ministère des affaires étrangères et européennes, tant par la rubrique « Conseils aux voyageurs » du site Internet du ministère des affaires étrangères et européennes, que par le biais de réponses officielles adressées individuellement, se mettent parfois dans des situations de grand péril malgré les avertissements dont ils ont fait l’objet et peuvent être victimes d’agressions ou d’enlèvement. Ces affaires nécessitent un engagement fort des services de l’État qui mobilise des moyens humains, logistiques et financiers importants − les opérations de secours en montagne par hélicoptère sont ainsi facturées en moyenne 10 000 dollars par heure de vol.
Or ces personnes ne se voient pas réclamer, faute de base juridique, le montant des frais engagés par l’État, directement − ou indirectement, dans le cas d’opérations de secours organisées par des autorités étrangères et facturées à l’État français − pour préserver leur intégrité physique et psychologique, assurer le soutien à leur famille et mettre en place l’ensemble de la logistique nécessaire à la gestion de la crise.
• Si la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 prévoit une obligation d’assistance consulaire des États à l’égard de leurs ressortissants, cette obligation d’assistance − notamment à l’égard des ressortissants emprisonnés − ne saurait s’assimiler à l’obligation de secours aux personnes qui s’impose à lui sur son propre territoire. La France ne peut en effet déployer à l’étranger des moyens opérationnels qu’avec l’accord des autorités locales, sous peine de violer la souveraineté territoriale de cet État. En outre, le Gouvernement ne dispose pas nécessairement à l’étranger des mêmes moyens opérationnels qu’en métropole pour conduire ces opérations.
Il existe certes des débats sur l’admissibilité en droit international de l’intervention dite d’humanité, c’est-à-dire de l’intervention par un État dans un autre État, sans le consentement de ce dernier, en vue de protéger ses propres ressortissants − qui ne se confond pas avec la promotion de l’intervention humanitaire ou « droit » voire « devoir d’ingérence », même si cette idée constitue une déclinaison de l’intervention d’humanité. La question n’est pas clairement tranchée. Mais en tout état de cause, selon les informations recueillies par votre Rapporteur, une telle intervention ne se rattache en aucune manière à l’assistance consulaire prévue par la Convention de Vienne.
• On a dit dans l’introduction générale que la loi « Montagne » (37) avait inspiré ces dispositions. En l’état actuel de la législation, c’est désormais dans le code général des activités territoriales, à l’article L. 2331-4 relatif aux recettes des communes, que l’on trouve le principe de remboursement des frais de secours occasionnés, non seulement en montagne mais de façon générale par « la pratique de toute activité sportive ou de loisirs » :
« Art. L2331-4.- Les recettes non fiscales de la section de fonctionnement peuvent comprendre :
[…]
15° Le remboursement des frais engagés à l’occasion d’opérations de secours consécutives à la pratique de toute activité sportive ou de loisirs. Cette participation, que les communes peuvent exiger sans préjudice des dispositions applicables aux activités réglementées, aux intéressés ou à leurs ayants droit, peut porter sur tout ou partie des dépenses et s’effectue dans les conditions déterminées par les communes.
Les communes sont tenues d’informer le public des conditions d’application du premier alinéa du présent 15° sur leur territoire, par un affichage approprié en mairie et, le cas échéant, dans tous les lieux où sont apposées les consignes relatives à la sécurité. »
Par ailleurs, il existe des exemples d’États étrangers ayant mis en place ce type de dispositif pour leurs nationaux.
Ainsi, l’Allemagne reconnaît la possibilité pour l’État de rechercher une participation au coût de sauvetage de ses ressortissants : le tribunal administratif fédéral s’est prononcé en mai 2009 sur la décision d’imputer partiellement les frais d’hélicoptère engagés à l’occasion du sauvetage d’un Allemand, qui lors d’un séjour touristique en Colombie en 2003 avait été enlevé pendant dix semaines par la guérilla marxiste de l’ELN (Ejército de Liberación Nacional). Il a jugé que le transport par hélicoptère équivalait à une « aide à la réparation d’une situation de crise » dont la charge revenait, en vertu des règlements consulaires, à la personne secourue. Le tribunal a par ailleurs estimé que l’État allemand avait fait preuve de modération, dès lors qu’il n’avait demandé au plaignant que le coût de l’évacuation en hélicoptère, alors qu’il a estimé ses dépenses totales à quelque 40 000 euros.
• L’objet du présent article est de responsabiliser les ressortissants français à l’étranger, touristes, professionnels ou résidents qui se mettent volontairement en situation de danger, quelle qu’elle soit, en dépit des avertissements personnalisés qu’ils ont reçus de la part des autorités françaises ou de tout autre moyen. La liberté de circuler doit bien sûr rester la règle, mais il convient de susciter un changement radical de comportement de la part des personnes s’aventurant dans des zones déconseillées, non protégées, ou connues comme n’étant pas de nature à assurer la sécurité des personnes, qui s’y rendraient en dépit des mises en garde qui leur ont été adressées, sans avoir pris les précautions nécessaires et s’exposant ainsi à des dangers qu’elles font également courir aux équipes de secours.
Le Sénat, sur la proposition du rapporteur de sa commission des affaires étrangères, a d’ailleurs renforcé le caractère dissuasif du texte de deux manières, contre l’avis du ministre exprimé en commission :
− en supprimant, au début de l’alinéa 1, le principe d’un plafond qui devait être fixé par décret et au-delà duquel l’État n’aurait pu aller dans son exigence de remboursement. Disparaît de ce fait la tentation, pour le « touriste imprudent » qui est aussi un agent économique rationnel, de mettre en balance le risque pris et un coût maximum auquel il s’exposerait, puisqu’il n’y a plus de maximum ;
− en supprimant, à la fin du même alinéa, la précision selon laquelle c’est « au regard des mises en garde reçues » que s’apprécie le fait que les personnes secourues « ne pouvaient ignorer » les risques encourus. Le texte initial était en effet redondant et source de difficultés contentieuses. Car donner un effet juridique aux fiches « conseils aux voyageurs » disponibles sur le site Internet du MAEE, et qui pourront être invoquées par l’État parmi les moyens d’information des voyageurs sur les risques encourus, n’est pas sans risque, les ressortissants français pouvant par exemple se retourner contre l’État s’ils estiment qu’ils n’ont pas été suffisamment avertis de risques encourus dans telle région du monde. Il appartiendrait alors à l’État de prouver qu’il a accompli toutes les diligences normales pour remplir ce devoir d’information, qui résulte notamment des missions des services concernés du Quai d’Orsay, précisées dans les textes d’organisation du ministère (38).
• Les limites posées au principe du remboursement potentiellement exigible sont de deux ordres :
− l’État « peut » exiger le remboursement de « tout ou partie » des dépenses engagées. Ainsi, même sans plafond fixé par décret, une modulation sera possible et le décret en Conseil d’État prévu à l’alinéa 2 devra préciser ce point ;
− une exception majeure est créée puisque le remboursement ne peut être exigé si les particuliers concernés peuvent faire état d’un « motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence ».
Ce second point pourra également faire l’objet d’utiles précisions dans le décret d’application, afin d’éviter tout excès de contentieux. Votre Rapporteur veut faire deux commentaires à ce sujet :
− l’appréciation de la notion de « situation d’urgence », distincte de la force majeure, pourra être détaillée, même s’il est probable que le « cas par cas » soit la règle ;
− la légitimité de l’exposition au risque à raison de l’activité professionnelle s’appréciera aussi au cas par cas. L’expédition polaire d’un Jean-Louis Etienne entrera-t-elle dans ce cadre ? Quid des journalistes, à l’heure où des prises d’otages en cours dans des zones de conflits et visant certains de nos compatriotes rend presque indécente une froide analyse juridique de leur situation ? Votre Rapporteur est très clair sur ce sujet : les journalistes, qu’ils soient titulaires de la carte de presse ou travailleurs indépendants vendant ensuite leurs reportages, mais aussi les techniciens ou autres assistants qui les accompagnent sont couverts par cette exception. Le caractère large de l’expression « activité professionnelle » paraît de ce point de vue la meilleure garantie à offrir aux journalistes ou aux « travailleurs de la presse » en général, comme les ont dénommés les syndicats de journalistes entendus par votre Rapporteur.
Au demeurant, l’étude d’impact jointe au présent projet de loi et datée de juillet 2009, soit avant le drame en cours en Afghanistan frappant deux journalistes de France 3 et leurs collaborateurs, indiquait déjà : « S’agissant des professionnels, la demande de remboursement de tout ou partie des frais de secours engagés ne pourra s’appliquer que lorsque le professionnel ne dispose pas d’un motif légitime l’ayant conduit à se placer dans la situation dangereuse ayant motivé l’intervention. Cette réserve est susceptible par exemple de réserver le cas des journalistes intervenant en zone de crise au nom de la liberté d’information. » Gardons-nous par conséquent de toute démagogie : oui, il convient de s’assurer que les journalistes ne seront pas inquiété s par le texte ; non, la mention expresse de cette profession à l’article 13 n’est pas souhaitable sur le plan juridique.
Enfin, après s’être interrogé sur ce point, votre Rapporteur n’a pas jugé utile de prévoir le cas du refus de secours par les tiers comme motif de non-application du présent article.
• Une ultime précision : le ministère des Affaires étrangères et européennes n’a pas le monopole des secours à l’étranger ; le ministère de la Défense est lui aussi souvent concerné. Un exemple récent et emblématique, qui a d’ailleurs pesé dans les débats, est celui de l’arraisonnement par la Marine nationale d’un voilier de plaisance français tombé aux mains de pirates au large des côtes somaliennes, en avril 2009 (39).
*
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La Commission est saisie de trois amendements, CAE 41 de M. Didier Mathus, CAE 51 de M. Hervé Féron, et CAE 43 de M. Robert Lecou, pouvant être soumis à une discussion commune.
M. Hervé Féron. Il s’agit d’exclure du champ d’application de cet article les journalistes, les intervenants humanitaires, les chercheurs et universitaires ainsi que, comme le précise M. Mathus dans son amendement, les travailleurs des médias, dès lors que tous sont en mission. L’idée que ces personnes devraient justifier d’un motif légitime alors que leur profession les expose par nature à des risques, ne nous semble pas compatible avec notre idée de la démocratie.
M. Jean-Marc Roubaud. L’amendement CAE 43 est défendu. Mais je vous conseille de le rejeter ! (Exclamations et rires.)
M. le rapporteur. Sur le fond, nous sommes tous d’accord. Pour autant, je pense qu’il faut s’en tenir à la rédaction du Gouvernement.
M. le ministre. Cet amendement n’est pas exhaustif puisqu’il omet les professeurs de lycée, ou encore les preneurs de son qui n’auraient pas leur carte de presse. En la matière, la précision est source de complications. Notre rédaction recouvre tous les cas de figure et je crois la protection suffisante et effective.
M. Pascal Clément. Comment calculer le coût des opérations que l’armée française pourrait engager, par exemple, pour la libération des journalistes de France 3 ?
M. le ministre. Je me refuse à le faire. Ces opérations de secours sont très onéreuses mais c’est l’honneur et la fierté de la France que de les organiser.
Nous sommes l’un des seuls pays au monde à envoyer des gros porteurs dans le cas d’événements majeurs, tels que la crise politique thaïlandaise ou le nuage de cendres produit par le volcan Eyjafjöll. C’est la raison d’être du centre de crise installé au Quai d’Orsay.
Comme cela apparaît à l’article suivant, ces dispositions visent surtout les agences de voyages qui ne préviendraient pas leurs clients des risques encourus ou qui seraient insuffisamment assurées.
M. Pascal Clément. Il serait inédit que l’État exerçât des actions récursoires, alors qu’il ne le fait pas à l’encontre des fonctionnaires convaincus de faute lourde !
M. le ministre. Il s’agit là d’une faculté. Mais il ne fait pas de doute que, devant la multiplication de ces situations, l’État sera amené à exercer de telles actions.
La Commission rejette successivement les trois amendements.
La Commission est saisie de l’amendement CAE 23 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement de nature rédactionnelle vise à supprimer les mots « en tant que de besoin ». Il faudra, de toute façon, un décret pour préciser la loi.
M. le ministre. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un amendement rédactionnel. L’idée est bien que la loi soit directement applicable. Lors des travaux préparatoires, il avait été considéré que la mise en œuvre de cette disposition serait, dans un premier temps, d’ordre prétorien.
M. Hervé de Charette. Il est en effet souhaitable que ce texte soit applicable en l’état, sous le contrôle du juge. Si l’on supprime les mots « en tant que de besoin », le texte n’est pas applicable sans décret.
M. le rapporteur. Pourquoi alors ne pas supprimer l’alinéa ? Cela donnerait toute latitude au Gouvernement de prendre ou non un décret.
M. Pascal Clément. Cessons de discuter du sexe des anges ! Le décret ne peut contredire la loi et ne peut qu’être d’application. Ces dispositions relèvent du décret, comme – disons-le franchement – le reste du texte … Laissons en l’état cette excellente rédaction.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article sans modification.
Article 14
Action récursoire de l’État à l’encontre des opérateurs de transport, des compagnies d’assurance, des voyagistes ou de leurs représentants
Constituant le pendant de l’article précédent, ces deux alinéas prévoient la possibilité pour l’État de mettre en cause la responsabilité, non pas de la personne elle-même dont l’imprudence a obligé l’État à engager des moyens de secours à l’étranger, mais des professionnels qui auraient dû assumer eux-mêmes les secours ou le rapatriement. Et comme pour l’article précédent, se croisent ou s’entrechoquent deux logiques : la légèreté ou les défaillances coupables de certains opérateurs, qu’il s’agit de dissuader, mais aussi la survenance de crises majeures comme celle occasionnée en avril dernier par l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll…
Sont visés par une possible action récursoire en responsabilité de la part de l’État, à l’alinéa 1 :
– les opérateurs de transport ;
– les compagnies d’assurance ;
– les voyagistes ;
– ou leurs représentants.
Cette formulation très générale reste dans l’esprit de l’article précédent, c’est-à-dire la couverture de tous les cas de figure possible à des fins pédagogiques ou « préventives », voire dissuasives.
En effet, comme le précise l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, les professionnels du tourisme, des transports et de l’assurance peuvent être tentés de s’en remettre à l’État pour le rapatriement de leurs clients, même lorsque la situation de force majeure n’est pas constituée, comme ce fut le cas lors du blocage de l’aéroport de Bangkok en novembre 2008, durant lequel certaines compagnies aériennes ou voyagistes ont pu évacuer leurs clients par d’autres aéroports, tandis que d’autres n’ont engagé aucune tentative en ce sens. Plus près de nous, on songe bien sûr à l’éruption du volcan islandais susnommé, qui a causé des perturbations aériennes sans précédent et a montré une réactivité différenciée parmi les transporteurs ou les voyagistes.
Cependant, s’il est légitime pour les services de l’État de dénoncer le fait d’avoir dû, pour le rapatriement des cinq cents touristes français lors de la crise de Bangkok de novembre 2008, dépenser 720 000 euros aux frais du contribuable pour le seul affrètement de l’avion, « l’affaire Eyjafjöll » doit conduire à une appréciation plus nuancée, même s’il est encore trop tôt, moins d’un mois après l’événement, d’en analyser tous les éléments :
– la notion de force majeure s’est révélée dans toute son ambiguïté, évidemment constituée sur le moment mais peut-être pas tout au long des jours qui ont suivi ;
– alors que 150 000 de leurs clients étaient bloqués à l’étranger, les voyagistes sont allés, pour certains d’entre eux, au-delà de ce que leur imposait la loi en matière de responsabilité, puisqu’ils ont parfois pris en charge des frais de séjour au lieu de s’abriter derrière la notion de force majeure, ont affrété des vols spéciaux et ont d’une façon générale mobilisé leurs salariés comme rarement ;
– les compagnies aériennes ont été pour certaines très réactives, prépositionnant des appareils là où cela était possible, d’autres ne se sont pas donné les mêmes contraintes au service de leurs clients.
Par ailleurs, votre Rapporteur s’interroge sur une série d’imprécisions du texte, notamment due à l’absence d’articulation du présent article avec la loi n° 2009–888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, pourtant adoptée le jour même du dépôt du présent projet au Sénat… Il semble que le Conseil d’État n’ait pas non plus évoqué le sujet. Trois points méritent d’être mentionnés :
– l’absence de référence à l’opération de secours à l’étranger dans cet article, qui est pourtant bien le cadre général du titre IV du présent projet ;
– la dénomination des « voyagistes », qui sont désignés dans le code du tourisme par l’expression « agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjour », que votre Rapporteur a reprise dans l’amendement présenté infra ;
– sur le fond, la discordance éventuelle entre la responsabilité civile professionnelle de ces agents à l’égard de l’acheteur, posée par l’article L. 211-16 du code du tourisme dans sa rédaction issue de la loi de juillet dernier, et leur responsabilité telle qu’énoncée au présent article.
Sur ce dernier point en effet, l’article L. 211-16 du code du tourisme dispose :
« Toute personne physique ou morale [exerçant comme agent de voyage et autre opérateur de la vente de voyages et de séjour] est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales.
« Toutefois, elle peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l’acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure. »
L’article L. 211-17 apporte ce tempérament : « L’article L. 211-16 ne s’applique pas aux personnes physiques ou morales pour les opérations de réservation ou de vente, conclues à distance ou non, n’entrant pas dans un forfait touristique tel que défini à l’article L. 211-2, relatives soit à des titres de transport aérien, soit à d’autres titres de transport sur ligne régulière. » Ainsi, le « vol sec » n’est pas couvert, par exemple.
De même les compagnies d’assurance et les opérateurs de transport sont-ils déjà soumis à leurs propres obligations de responsabilité, et pas davantage pour eux que pour les agents de voyage le présent article n’a entendu aller au-delà de leur responsabilité contractuelle : il est bien question à l’alinéa 1 de « la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus à l’égard de leurs contractants ». Et l’exonération de responsabilité pour force majeure existe nécessairement dans tous ces contrats.
Dans ces conditions, votre Rapporteur a proposé un amendement de rédaction globale de cet alinéa, que votre commission a adopté :
« L’État peut exercer une action récursoire à l’encontre des opérateurs de transport, des compagnies d’assurance, des agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjour, ou de leurs représentants, auxquels il a dû se substituer en organisant une opération de secours à l’étranger, faute pour ces professionnels d’avoir fourni la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus à l’égard de leurs contractants. »
Il est ainsi répondu aux trois interrogations précitées : l’article demeure bien cantonné aux opérations de secours à l’étranger, les « voyagistes » sont juridiquement dénommés comme il convient et le régime de responsabilité civile professionnelle n’est pas modifié, car ce n’est pas l’objet du présent article, qui ne sert qu’à instituer la possibilité d’une action récursoire de l’État – ce qui sera déjà un net progrès par rapport à l’existant.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CAE 24 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement récrit l’alinéa 1 afin d’en clarifier et d’en préciser la rédaction sur trois points. En premier lieu, aux termes du code du tourisme, il n’existe pas de « voyagistes » mais des « agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours ». D’autre part, le cadre de l’action récursoire doit être rappelé : il s’agit bien de l’organisation d’opérations de secours à l’étranger. Enfin, la référence à la force majeure exonératoire de responsabilité est superflue puisqu’elle est systématique en droit des contrats et que l’article n’a pas pour objet d’aller au-delà de la responsabilité contractuelle des opérateurs.
M. le ministre. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
L’amendement CAE 25 du rapporteur est retiré.
La Commission adopte l’article modifié.
M. Didier Mathus. Nous nous abstiendrons sur l’ensemble de ce projet, non qu’il contienne des dispositions condamnables, mais parce qu’il fait l’impasse sur l’essentiel : la baisse des moyens consacrés à l’action culturelle extérieure et à l’enseignement français à l’étranger.
La Commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.
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Annexe au tableau comparatif
(dans l’ordre chronologique des lois)
Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires
Art. 2.– La présente loi s’applique aux fonctionnaires civils des administrations de l’Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics y compris les établissements mentionnés à l’article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales, à l’exclusion des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats de l’ordre judiciaire. Dans les services et les établissements publics à caractère industriel ou commercial, elle ne s’applique qu’aux agents qui ont la qualité de fonctionnaire.
Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat
Art. 19.– Les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours organisés suivant l’une des modalités ci-après ou suivant l’une et l’autre de ces modalités :
1° Des concours ouverts aux candidats justifiant de certains diplômes ou de l’accomplissement de certaines études.
Lorsqu’une condition de diplôme est requise, les candidats disposant d’une expérience professionnelle conduisant à une qualification équivalente à celle sanctionnée par le diplôme requis peuvent, lorsque la nature des fonctions le justifie, être admis à se présenter à ces concours. Un décret en Conseil d’Etat précise la durée de l’expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des diplômes requis ;
2° Des concours réservés aux fonctionnaires de l’Etat, et, dans les conditions prévues par les statuts particuliers, aux agents de l’Etat, militaires et magistrats et aux fonctionnaires et agents des collectivités territoriales et des établissements publics, en activité, en détachement, en congé parental ou accomplissant le service national, ainsi qu’aux candidats en fonction dans une organisation internationale intergouvernementale. Les candidats à ces concours devront avoir accompli une certaine durée de services publics et, le cas échéant, reçu une certaine formation.
Pour l’application de cette disposition, les services accomplis au sein des organisations internationales intergouvernementales sont assimilés à des services publics.
Ces concours sont également ouverts aux candidats qui justifient d’une durée de services accomplis dans une administration, un organisme ou un établissement d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen autres que la France dont les missions sont comparables à celles des administrations et des établissements publics dans lesquels les fonctionnaires civils mentionnés à l’article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée exercent leurs fonctions, et qui ont, le cas échéant, reçu dans l’un de ces Etats une formation équivalente à celle requise par les statuts particuliers pour l’accès aux corps considérés ;
3° En outre, pour l’accès à certains corps et dans les conditions fixées par leur statut particulier, des concours réservés aux candidats justifiant de l’exercice pendant une durée déterminée d’une ou plusieurs activités professionnelles, d’un ou de plusieurs mandats de membre d’une assemblée élue d’une collectivité territoriale ou d’une ou de plusieurs activités en qualité de responsable, y compris bénévole, d’une association, peuvent être organisés. La durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les intéressés n’avaient pas, lorsqu’ils les exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d’agent public. Les statuts particuliers fixent la nature et la durée des activités requises, ainsi que la proportion des places offertes à ces concours par rapport au nombre total des places offertes pour l’accès par concours aux corps concernés.
Les concours mentionnés aux 1°, 2° et 3° et les concours et examens professionnels définis aux articles 26 et 58 peuvent être organisés sur épreuves, ou consister en une sélection opérée par le jury au vu soit des titres, soit des titres et travaux des candidats ; cette sélection peut être complétée d’épreuves.
Dans le cas d’un concours ou d’un examen professionnel organisé sur épreuves, l’une d’entre elles peut consister en la présentation par les candidats des acquis de leur expérience professionnelle en relation avec les fonctions auxquelles destine le concours ou l’examen professionnel. Ces acquis peuvent également être présentés en complément des titres ou des titres et travaux dans le cas des sélections qui en font usage.
Les concours peuvent être organisés au niveau national ou déconcentré. La compétence des ministres en matière d’organisation des concours peut être déléguée, par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre chargé de la fonction publique, après consultation des comités techniques paritaires, au représentant de l’Etat dans la région, le département, le territoire ou la collectivité d’outre-mer, pour les personnels placés sous son autorité.
Art. 42.– I.– La mise à disposition est possible auprès :
1° Des administrations de l’Etat et de ses établissements publics ;
2° Des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;
3° Des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
4° Des organismes contribuant à la mise en oeuvre d’une politique de l’Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics administratifs, pour l’exercice des seules missions de service public confiées à ces organismes ;
5° Des organisations internationales intergouvernementales.
Elle peut également être prononcée auprès d’un Etat étranger. Elle n’est cependant possible, dans ce cas, que si le fonctionnaire conserve, par ses missions, un lien fonctionnel avec l’administration d’origine.
II.– La mise à disposition donne lieu à remboursement. Il peut être dérogé à cette règle :
1° Lorsqu’elle est prononcée auprès d’une administration de l’Etat ou auprès d’un de ses établissements publics administratifs ;
2° Lorsque le fonctionnaire est mis à disposition d’une organisation internationale intergouvernementale ou d’un Etat étranger ;
3° Lorsque le fonctionnaire est mis à disposition d’une collectivité territoriale ou de l’un de ses établissements publics ou d’un établissement mentionné à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée. Toutefois, cette dérogation ne peut durer plus d’un an et ne peut porter que sur la moitié au plus de la dépense de personnel afférente.
Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale
Art. 36.– Les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours organisés suivant l’une des modalités ci-après ou suivant l’une et l’autre de ces modalités :
1° Des concours ouverts aux candidats justifiant de certains diplômes ou de l’accomplissement de certaines études.
Ces concours peuvent être, dans les conditions prévues par les statuts particuliers, organisés soit sur épreuves, soit sur titres pour l’accès à des cadres d’emplois, emplois ou corps lorsque les emplois en cause nécessitent une expérience ou une formation préalable. Les concours sur titres comportent, en sus de l’examen des titres et des diplômes, une ou plusieurs épreuves.
Lorsqu’une condition de diplôme est requise, les candidats disposant d’une expérience professionnelle conduisant à une qualification équivalente à celle sanctionnée par le diplôme requis peuvent, lorsque la nature des fonctions le justifie, être admis à se présenter à ces concours. Un décret en Conseil d’Etat précise la durée de l’expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des diplômes requis ;
2° Des concours sur épreuves réservés aux fonctionnaires territoriaux et, dans des conditions prévues par les statuts particuliers, aux agents des collectivités territoriales et aux fonctionnaires et agents de l’Etat et des établissements publics ainsi qu’aux militaires et aux magistrats, en activité, en détachement, en congé parental ou accomplissant le service national ainsi qu’aux candidats en fonctions dans une organisation internationale intergouvernementale. Les candidats à ces concours devront avoir accompli une certaine durée de services publics et, le cas échéant, reçu une certaine formation. Pour l’application de cette disposition, les services accomplis au sein des organisations internationales intergouvernementales sont assimilés à des services publics.
Ces concours sont également ouverts aux candidats qui justifient d’une durée de services accomplis dans une administration, un organisme ou un établissement d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen autres que la France dont les missions sont comparables à celles des administrations et des établissements publics dans lesquels les fonctionnaires civils mentionnés à l’article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée exercent leurs fonctions, et qui ont, le cas échéant, reçu dans l’un de ces Etats une formation équivalente à celle requise par les statuts particuliers pour l’accès aux cadres d’emplois considérés ;
3° Un troisième concours, pour l’accès à certains cadres d’emplois, dans les conditions fixées par leur statut particulier, ouvert aux candidats justifiant de l’exercice, pendant une durée déterminée, d’une ou plusieurs activités professionnelles ou d’un ou de plusieurs mandats de membre d’une assemblée élue d’une collectivité territoriale ou d’une ou de plusieurs activités en qualité de responsable d’une association. La durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les intéressés n’avaient pas, lorsqu’ils les exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d’agent public. Les statuts particuliers fixent la nature et la durée des activités requises et la proportion des places offertes à ces concours par rapport au nombre total de places offertes pour l’accès par concours aux cadres d’emplois concernés. Ces concours sont organisés sur épreuves.
La durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les intéressés n’avaient pas, lorsqu’ils les exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d’agent public. Les statuts particuliers fixent la nature et la durée des activités requises et la proportion des places offertes à ce concours par rapport au nombre total des places offertes pour l’accès par concours aux cadres d’emplois concernés.
Les matières, les programmes et les modalités de déroulement des concours mentionnés aux 1°, 2° et 3° sont fixés à l’échelon national par la voie réglementaire. Ces concours tiennent compte des responsabilités et capacités requises ainsi que des rémunérations correspondant aux cadres d’emplois, emplois ou corps auxquels ils donnent accès. Les épreuves de ces concours peuvent tenir compte de l’expérience professionnelle des candidats.
Art. 61-1 – I.– La mise à disposition est possible auprès :
- des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;
- de l’Etat et de ses établissements publics ;
- des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- des organismes contribuant à la mise en oeuvre d’une politique de l’Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics administratifs, pour l’exercice des seules missions de service public confiées à ces organismes ;
- du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, pour l’exercice de ses missions ;
- des organisations internationales intergouvernementales ;
- d’Etats étrangers, à la condition que le fonctionnaire mis à disposition conserve, par ses missions, un lien fonctionnel avec son administration d’origine.
II.– La mise à disposition donne lieu à remboursement. Il peut être dérogé à cette règle lorsque la mise à disposition intervient entre une collectivité territoriale et un établissement public administratif dont elle est membre ou qui lui est rattaché, auprès du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, auprès d’une organisation internationale intergouvernementale ou auprès d’un Etat étranger.
III.– Les services accomplis, y compris avant l’entrée en vigueur de la présente loi, par les sapeurs-pompiers professionnels mis à disposition auprès de l’Etat ou de ses établissements publics, dans le cadre de leurs missions de défense et de sécurité civile, sont réputés avoir le caractère de services effectifs réalisés dans leur cadre d’emplois.
Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière
Art. 29.– Les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours organisés suivant l’une des modalités ci-après ou suivant l’une et l’autre de ces modalités :
1° Des concours ouverts aux candidats justifiant de certains diplômes ou ayant accompli certaines études.
Lorsqu’une condition de diplôme est requise, les candidats disposant d’une expérience professionnelle conduisant à une qualification équivalente à celle sanctionnée par le diplôme requis peuvent, lorsque la nature des fonctions le justifie, être admis à se présenter à ces concours. Un décret en Conseil d’Etat précise la durée de l’expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des diplômes requis ;
2° Des concours réservés aux fonctionnaires soumis au présent titre et, dans les conditions prévues par les statuts particuliers, aux agents des établissements mentionnés à l’article 2, aux fonctionnaires et agents de l’Etat militaires et magistrats et aux fonctionnaires et agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif en activité, en détachement, en congé parental ou accomplissant le service national, ainsi qu’aux candidats en fonctions dans une organisation internationale intergouvernementale. Les candidats à ces concours devront avoir accompli une certaine durée de services publics et, le cas échéant, reçu une certaine formation. Pour l’application de cette disposition, les services accomplis au sein des organisations internationales intergouvernementales sont assimilés à des services publics.
Ces concours sont également ouverts aux candidats qui justifient d’une durée de services accomplis dans une administration, un organisme ou un établissement d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen autres que la France dont les missions sont comparables à celles des administrations et des établissements publics dans lesquels les fonctionnaires civils mentionnés à l’article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée exercent leurs fonctions, et qui ont, le cas échéant, reçu dans l’un de ces Etats une formation équivalente à celle requise par les statuts particuliers pour l’accès aux corps considérés ;
3° En outre, pour l’accès à certains corps et dans les conditions fixées par leur statut particulier, des concours réservés aux candidats justifiant de l’exercice pendant une durée déterminée d’une ou plusieurs activités professionnelles, d’un ou de plusieurs mandats de membre d’une assemblée élue d’une collectivité territoriale ou d’une ou de plusieurs activités en qualité de responsable, y compris bénévole, d’une association, peuvent être organisés. La durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les intéressés n’avaient pas, lorsqu’ils les exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d’agent public. Les statuts particuliers fixant la nature et la durée des activités requises, ainsi que la proportion des places offertes à ces concours par rapport au nombre total des places offertes pour l’accès par concours aux corps concernés.
Les concours mentionnés aux 1°, 2° et 3° et les concours et examens professionnels définis aux articles 35 et 69 peuvent être organisés sur épreuves, ou consister en une sélection opérée par le jury au vu soit des titres, soit des titres et travaux des candidats ; cette sélection peut être complétée d’épreuves.
Dans le cas d’un concours ou d’un examen professionnel organisé sur épreuves, l’une d’entre elles peut consister en la présentation par les candidats des acquis de leur expérience professionnelle en relation avec les fonctions auxquelles destine le concours ou l’examen professionnel. Ces acquis peuvent également être présentés en complément des titres ou des titres et travaux dans le cadre des sélections qui en font usage.
Art. 49.– I.– La mise à disposition est possible auprès :
- des établissements mentionnés à l’article 2 ;
- de l’Etat et de ses établissements publics ;
- des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;
- des entreprises liées à l’établissement de santé employeur en vertu soit d’un contrat soumis au code des marchés publics, soit d’un contrat soumis à l’ ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat ou d’un contrat régi par l’article L. 6148-2 du code de la santé publique, soit d’un contrat de délégation de service public ;
- des organismes contribuant à la mise en oeuvre d’une politique de l’Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics administratifs, pour l’exercice des seules missions de service public confiées à ces organismes ;
- des organisations internationales intergouvernementales ;
- d’Etats étrangers, à la condition que le fonctionnaire conserve, par ses missions, un lien fonctionnel avec son administration d’origine.
II.– La mise à disposition donne lieu à remboursement. Il peut être dérogé à cette règle lorsque le fonctionnaire est mis à disposition auprès d’une organisation internationale intergouvernementale ou d’un Etat étranger.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
Amendement CAE1 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 1er
Dans la dernière phrase de l’alinéa 5 de cet article, substituer aux mots : « sous l’autorité », les mots : « dans le cadre de la mission de coordination et d’animation ».
Amendement CAE2 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 2
Dans l’alinéa 3 de cet article, avant le mot : « compétentes », insérer le mot : « permanentes ».
Amendement CAE3 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 4
Dans cet article, après les mots : « les mises à disposition de fonctionnaires », supprimer le mot : « prononcées ».
Amendement CAE4 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 4 bis
Supprimer cet article.
Amendement CAE5 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Avant l’article 5
Rédiger ainsi l’intitulé du chapitre II : « L’établissement public Campus France ».
Amendement CAE6 rectifié présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 5
Rédiger ainsi cet article :
« I.− Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé « Campus France », placé sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’enseignement supérieur et soumis au chapitre Ier.
II. – L’établissement public Campus France a notamment pour missions :
1° La valorisation et la promotion à l’étranger du système d’enseignement supérieur et de formation professionnelle français ;
2° L’accueil des étudiants et chercheurs étrangers, y compris l’aide à la délivrance des visas et l’hébergement, en appui des universités, des écoles et des autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi que des collectivités territoriales ;
3° La gestion de bourses, de stages et d’autres programmes de la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs ;
4° La promotion et le développement de l’enseignement supérieur dispensé au moyen des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
L’établissement public Campus France exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de l’enseignement supérieur.
Il veille à répondre aux besoins exprimés par le réseau diplomatique à l’étranger. Il collabore avec les organisations internationales et européennes, les collectivités territoriales, les universités, les écoles et les autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche et les organisations concernées, ainsi qu’avec des partenaires publics et privés.
Pour l’accomplissement de ses missions, il fait appel au réseau diplomatique à l’étranger, sous l’autorité des chefs de mission diplomatique, et aux établissements placés sous leur autorité ou qui leur sont liés par convention.
III. – L’établissement public Campus France se substitue, à la date d’effet de leur dissolution, à l’association « Égide » et au groupement d’intérêt public « Campus France » dans tous les contrats et conventions passés pour l’accomplissement de leurs missions.
À la date d’effet de la dissolution de l’association « Égide » et du groupement d’intérêt public « Campus France », leurs biens, droits et obligations sont transférés de plein droit et en pleine propriété à l’établissement public Campus France.
Ces transferts sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu ni à indemnité, ni à perception d’impôts, de droits ou taxes, ni au versement de salaires ou honoraires au profit de l’État, de ses agents ou de toute autre personne publique.
IV. – L’établissement public Campus France est substitué à l’association « Égide » et au groupement d’intérêt public « Campus France » à la date d’effet de leur dissolution pour les personnels titulaires d’un contrat de droit public ou de droit privé conclu avec l’un de ces organismes en vigueur à cette date. Il leur propose un contrat régi par le code du travail. Ce contrat reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires antérieurement au transfert, en particulier celles qui concernent la rémunération.
Les agents concernés disposent d’un délai de trois mois pour accepter les modifications de leur contrat proposées à la suite du transfert d’activité. En cas de refus de ces agents, l’établissement public Campus France procède à leur licenciement dans les conditions prévues par les textes qui leur sont applicables.
Les salariés dont le contrat de travail est transféré demeurent à titre transitoire régis par la convention ou l’accord collectif qui leur est applicable. La convention nationale applicable à l’établissement public Campus France leur devient applicable dès que les adaptations nécessaires ont fait l’objet d’un accord ou, au plus tard, quinze mois après leur transfert. »
Amendement CAE7 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 5 bis
Rédiger ainsi cet article :
« Est créé au près de l’établissement public Campus France un conseil d’orientation relatif aux modalités d’accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France, comprenant notamment des représentants des étudiants, de la Conférence des chefs d’établissement de l’enseignement supérieur ainsi que des collectivités territoriales.
Sa composition et ses règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret. »
Amendement CAE8 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 5 ter
Dans cet article, substituer aux mots : « au Parlement », les mots : « aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ».
Amendement CAE9 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 6
Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « S’inscrivant dans l’ambition de la France de contribuer à l’étranger à la diversité culturelle et linguistique dans un esprit de partenariat avec les pays d’accueil, ».
Amendement CAE10 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 6
Après le mot : « cultures », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 4 de cet article : « étrangères, notamment européennes et francophones ; »
Amendement CAE12 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 6
Compléter l’alinéa 8 de cet article par le mot : « francophones ».
Amendement CAE13 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 6
Dans l’alinéa 10 de cet article, après le mot : « réseau », insérer les mots : « culturel français à l’étranger ».
Amendement CAE14 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 6
Dans la dernière phrase de l’alinéa 11 de cet article, substituer au mot : « il », les mots : « l’institut ».
Amendement CAE15 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 6
Compléter l’alinéa 12 de cet article par la phrase suivante : « En conséquence, pour l’application du 2° de l’article 2, est assurée une parité entre ces deux ministères. ».
Amendement CAE16 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 6
Dans l’alinéa 17 de cet article, substituer au mot : « transmis », le mot : « transférés ».
Amendement CAE17 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 6 bis
Dans l’alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « l’établissement public pour l’action culturelle extérieure », les mots : « l’Institut français ».
Amendement CAE18 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 6 ter
Rédiger ainsi cet article :
Pendant un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement conduit une expérimentation du rattachement à l’Institut français du réseau culturel de la France à l’étranger. À cette fin, le ministre des affaires étrangères désigne, dans un délai ne pouvant excéder six mois à compter de la publication de la présente loi, des missions diplomatiques choisies pour constituer un échantillon représentatif de la diversité des postes en termes d’effectifs, de moyens et d’implantation géographique.
Chaque année jusqu’au terme de ce délai de trois ans, le Gouvernement remet aux commissions permanentes compétentes du Parlement un rapport d’évaluation prospective des résultats de cette expérimentation.
Si le Gouvernement décide, au terme de l’expérimentation, qu’elle n’est pas concluante, dès lors que des personnels ont changé de statut dans le cadre de l’expérimentation, leur rétablissement dans leur statut initial est de droit.
La liste des postes concernés, dont le nombre ne peut être inférieur à dix, le cahier des charges précisant les modalités de cette expérimentation et de son suivi régulier, ainsi que les modalités de l’éventuel retour à leur statut initial des personnels ayant participé à l’expérimentation, sont déterminés par voie réglementaire.
Amendement CAE19 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Après l’article 9
Insérer l’article suivant :
« Article 9 bis A
Dans le premier alinéa de l’article L. 761-6 du code de la sécurité sociale, après les mots : « les fonctionnaires titulaires de l’État », sont insérés les mots : «, les fonctionnaires des assemblées parlementaires ». »
Amendement CAE20 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 12
Dans l’alinéa 3 de cet article, substituer aux mots : « sur des contrats », les mots : « sous le régime de contrats ».
Amendement CAE21 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Après l’article 12
Insérer l’article suivant :
« Article 12 bis
I.– Après le 38° de l’article 81 du code général des impôts, il est inséré un 39° ainsi rédigé :
« 39° L’allocation au conjoint d’agent civil de l’État en poste à l’étranger, en application de la loi n° du relative à l’action extérieure de l’État. »
II.– La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par l’instauration d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du même code. »
Amendement CAE22 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Après l’article 12
Insérer l’article suivant :
« Article 12 ter
I.– Il est inséré dans le code de la sécurité sociale, après l’article L. 242-4-3, un article L. 242-4-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 242-4-4.– N’est pas considérée comme une rémunération au sens de l’article L. 242-1 l’allocation au conjoint d’agent civil de l’État en poste à l’étranger instituée par la loi n° du relative à l’action extérieure de l’État. »
II.– La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par l’instauration d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Amendement CAE23 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 13
Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « , en tant que de besoin, »
Amendement CAE24 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 14
Rédiger ainsi l’alinéa 1 de cet article :
« L’État peut exercer une action récursoire à l’encontre des opérateurs de transport, des compagnies d’assurance, des agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjour, ou de leurs représentants, auxquels il a dû se substituer en organisant une opération de secours à l’étranger, faute pour ces professionnels d’avoir fourni la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus à l’égard de leurs contractants. »
Amendement CAE25 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 14
Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « , en tant que de besoin, »
Amendement CAE27 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 1er
Dans la deuxième phrase de l’alinéa 3 de cet article, avant le mot : « compétentes », insérer le mot : « permanentes ».
Amendement CAE28 présenté par M. François Rochebloine, Mme Geneviève Colot et Mme Martine Aurillac
Article 4 bis
Supprimer cet article.
Amendement CAE30 présenté par M. François Rochebloine, Mme Geneviève Colot et Mme Martine Aurillac
Article 5 ter
Rédiger ainsi cet article :
« Le Gouvernement remet aux commissions permanentes compétentes du Parlement, au plus tard un an après la publication de la présente loi, un rapport présentant les modalités et les conséquences de l’intégration à l’établissement public mentionné à l’article 5 des activités internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires. »
Amendement CAE31 présenté par M. François Rochebloine, Mme Geneviève Colot et Mme Martine Aurillac
Article 6 bis
I.– Après l’alinéa 1 de cet article, insérer l’alinéa suivant :
« Le champ d’intervention de ce conseil d’orientation comprend l’audiovisuel extérieur de la France. »
II.– En conséquence, à la fin de la première phrase de l’alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « y participer », les mots : « participer au conseil d’orientation stratégique ».
Amendement CAE32 présenté par M. François Rochebloine, Mme Geneviève Colot et Mme Martine Aurillac
Après l’article 6 ter
Insérer l’article suivant :
« Dans un délai ne pouvant excéder un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement conduit pendant trois ans, sur avis conforme de la Fondation Alliance française, une expérimentation, dans cinq pays étrangers au moins, du regroupement en un unique établissement à autonomie financière des implantations du réseau culturel français à l’étranger et des alliances françaises présentes localement.
« Le Gouvernement rend compte, annuellement, de cette expérimentation aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de cette expérimentation, et notamment la liste des pays retenus. »
Amendement CAE33 présenté par M. Didier Mathus, M. Hervé Féron et les membres SRC de la commission des affaires étrangères
Article 1er
Dans la première phrase de l’alinéa 3, après le mot « définit », insérer la phrase suivante : « , au regard des stratégies fixées dans la politique d’Etat d’action culturelle extérieure. »
Amendement CAE34 présenté par M. Didier Mathus, M. Hervé Féron et les membres SRC de la commission des affaires étrangères
Article 2
Supprimer l’alinéa 8.
Amendement CAE35 présenté par M. Didier Mathus, M. Hervé Féron et les membres SRC de la commission des affaires étrangères
Article 5
Compléter l’alinéa 4 par ces mots : « , y compris par le suivi des ressortissants étrangers ayant accompli tout ou partie de leur cursus dans ce système »
Amendement CAE36 présenté par M. Didier Mathus, M. Hervé Féron et les membres SRC de la commission des affaires étrangères
Article 5
Après l’alinéa 8, insérer l’alinéa suivant :
2°bis Au suivi régulier et à l’animation du réseau des résidents étrangers anciens élèves, étudiants ou stagiaires de la formation professionnelle ayant fréquenté un établissement français de formation ».
Amendement CAE37 présenté par M. Didier Mathus, M. Hervé Féron et les membres SRC de la commission des affaires étrangères
Article 6
Rédiger ainsi l’alinéa 2 :
« S’inscrivant dans l’ambition de la France de contribuer et de participer à l’étranger à la diversité culturelle et linguistique dans un esprit de partenariat avec les pays d’accueil et dans la logique du développement de la diplomatie d’influence, l’Institut français a notamment pour missions : »
Amendement CAE38 présenté par M. Didier Mathus, M. Hervé Féron et les membres SRC de la commission des affaires étrangères
Article 6
Compléter l’alinéa 9 par les mots : « en partenariat avec l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger »
Amendement CAE39 présenté par M. Didier Mathus, M. Hervé Féron et les membres SRC de la commission des affaires étrangères
Article 6 bis
Après l’alinéa 1, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le champ d’intervention de ce conseil d’orientation comprend l’audiovisuel extérieur de la France. A ce titre, le Président de l’audiovisuel extérieur de la France est associé à ce Conseil.
Amendement CAE40 présenté par M. Didier Mathus, M. Hervé Féron et les membres SRC de la commission des affaires étrangères
Article 6 bis
A l’alinéa 2, substituer à la deuxième phrase, la phrase suivante :
« Le conseil d’orientation stratégique est également composé de personnalités qualifiées désignées par le Ministre des Affaires étrangères, notamment de représentants des Alliances françaises et des collectivités territoriales, de représentants de l’Assemblée Nationale et du Sénat, ainsi qu’une personnalité représentative des cultures numériques ».
Amendement CAE41 présenté par M. Didier Mathus, M. Hervé Féron et les membres SRC de la commission des affaires étrangères
Article 13
Après l’alinéa 1, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les journalistes, les travailleurs des médias, les intervenants humanitaires, les chercheurs et universitaires, en mission, sont exclus du champ d’application de la disposition prévue au premier alinéa ».
Amendement CAE42 présenté par M. Didier Mathus, M. Hervé Féron et les membres SRC de la commission des affaires étrangères
Article 2
Compléter l’alinéa 5 (3°) par les mots suivants : «, dont un membre de l’Assemblée des Français de l’étranger. »
Amendement CAE43 présenté par M. Robert Lecou
Article 13
Après l’alinéa 1 de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article ne concerne pas les journalistes. »
Amendement CAE44 présenté par M. André Schneider
Article 6 bis
A l’alinéa 1, substituer à la troisième phrase, la phrase suivante : « Pour l’élaboration des stratégies de rayonnement de la culture et de la langue française à l’étranger, le ministre des affaires étrangères réunit, au moins une fois par an, un conseil d’orientation stratégique qu’il préside et auquel participent des Parlementaires, des représentants de l’ensemble des ministères concernés et de l’Alliance Française.»
Amendement CAE45 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles
Article 1er
À la deuxième phrase de l’alinéa 3, après le mot : « Gouvernement », insérer les mots : « avant sa signature ».
Amendement CAE46 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles
Article 1er
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé : « Les présentes dispositions ne s’appliquent pas aux établissements publics régis par le code monétaire et financier. »
Amendement CAE47 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles
Article 5
Après le mot « sous », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 1er (I) : « la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, et soumis aux dispositions du chapitre Ier.»
Amendement CAE48 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles
Article 5
Après l’alinéa 13, insérer l’alinéa suivant :
II bis. – Le conseil d’administration de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales comprend des représentants de la Conférence des chefs d’établissements de l’enseignement supérieur, qui siègent parmi les personnalités qualifiées désignées par l’État.
Amendement CAE49 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles
Article 5 bis
Compléter l’alinéa 2 (1°) par les mots suivants : « et de la Conférence des chefs d’établissements de l’enseignement supérieur. »
Amendement CAE50 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, M. Hervé Féron, Patrick Bloche, Pascal Deguilhem, Colette Langlade, Marcel Rogemont, Didier Mathus et les commissaires SRC des affaires culturelles et de l’éducation
Avant l’article 6
Chapitre III
I. - Rédiger ainsi l’intitulé de ce chapitre : « L’Institut français -Victor Hugo »
II. - En conséquence, dans l’ensemble du projet de loi, remplacer les mots : « L’Institut français » par les mots : « L’Institut français-Victor Hugo »
Amendement CAE51 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, M. Hervé Féron, M. Patrick Bloche, M. Pascal Deguilhem, Mme Colette Langlade, M. Marcel Rogemont, M. Didier Mathus et les commissaires SRC des affaires culturelles et de l’éducation
Avant l’article 13
Après l’alinéa 1, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les journalistes, les intervenants humanitaires, les chercheurs et universitaires sont exclus du champ d’application de la disposition prévue au premier alinéa. »
Amendement CAE52 présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur
Article 1er
Dans la première phrase de l’alinéa 5 de cet article, après les mots : « qui font partie », insérer les mots : « , sur leur demande, ».
Sous-amendement CAE53 à l’amendement CAE6 rectifié, présenté par M. Didier Mathus, M. Hervé Féron et les membres SRC de la commission des affaires étrangères
Article 5
Compléter le quatrième alinéa (1°) de cet amendement par les mots : « , y compris par le suivi régulier des ressortissants étrangers ayant accompli tout ou partie de leur cursus dans ce système. »
Liste des auditions du Rapporteur
(par ordre chronologique)
- Mme Julia Kristeva-Joyaux, en tant que rapporteur du Conseil économique, social et environnemental
- M. Bernard Faivre d’Arcier, consultant culturel
- M. Antoine Compagnon, professeur au Collège de France
- M. Olivier Poivre d’Arvor, directeur de CulturesFrance
- M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des Affaires étrangères et européennes
- M. Stéphane Romatet, directeur général de l’administration et de la modernisation au ministère des Affaires étrangères et européennes
- M. Serge Mostura, directeur du centre de crise du ministère des affaires étrangères et européennes
- M. Éric Berti, chef du service juridique interne au ministère des Affaires étrangères et européennes
- M. Pierre Buhler, directeur général de France Coopération Internationale (préfigurateur désigné par le ministre pour le nouvel opérateur)
- M. Jean-François Cervel, directeur du CNOUS
- M. Jean-Paul Roumegas, sous-directeur des affaires internationales du CNOUS
- M. Jean-Pierre de Launoit, président de la Fondation Alliance française
- M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française
- M. Dominique Hénault, directeur général de l’Association Égide
- M. Bertrand Sulpice, directeur général adjoint de l’Association Égide
- M. Nicolas Tenzer, président du Centre d’étude et de réflexion pour l’action politique (CERAP)
- M. Alain Rondepierre, président directeur général de la société CIVIPOL
- Mme Agnès Arcier, responsable de l’ADETEF
- M. Gérard Binder, président du conseil d’administration de CampusFrance
- Mme Béatrice Khaiat, directrice déléguée de CampusFrance
- Représentants des syndicats du ministère des affaires étrangères et européennes :
• Mme Anne Colomb, MM. Didier Vuillecot et Jean-Pierre Farjon – CFDT
• M. Louis Dominici, Président, et M. Pierre Euchin, délégué permanent – ASAM-UNSA
• M. Daniel Vazeille, secrétaire général (CGT), M. Riad Hamrouchi, CGT-MAE, et M. Frédéric Catusse, CGT/CulturesFrance
• M. Ghislain Chabroullet – USASCC/FGAF
• Mme Danièle Milanini et M. Jean-Louis Freret, FO-MAE
• M. Roger Ferrari, secrétaire national, et M. Emmanuel Mouchard – FSU.
- M. Chris Hickey, directeur du British Council
- M. Bruno Bernard, attaché politique de l’ambassade du Royaume-Uni en France
- M. Frédéric Martel, chercheur et journaliste
- Représentants des syndicats de journalistes :
• M. Jean-François Tealdi, secrétaire général (SNJ – CGT audiovisuel-France-télévisions)
• Mme Elisa Drago (SNJ-CGT RFI)
• Mme Sabine Mellet (SNJ-CGT France 24)
• Mlle Aïchouche Belabbas, journaliste à "France Soir", accompagnée d’Olivier Pascault, journaliste/pigiste (Syndicat général des journalistes Force Ouvrière, SGJ-FO)
• M. Gilles Pouzin, secrétaire général (CFTC)
• M. Michel Eicher, vice-président (CFTC)
• M. Christophe Pauly, sec général du syndicat national des médias (CFDT)
- M. Jean-Michel Severino, directeur général de l’Agence française de développement
- M. Georges Colson, président du Syndicat national des agences de voyages (SNAV)
- Mme Valerie Boned, directrice des affaires juridiques du SNAV
- Mme Hélène Duchêne, directrice des politiques de mobilité et d’attractivité au ministère des affaires étrangères et européennes, accompagnée de M. Éric Lamouroux et de Mme Françoise Sellier
- M. Patrick-Yann Dartout, délégué à l’International de Syntec-Ingénierie
- M. Daniel Gras (société Louis Berger), membre de la commission internationale de Syntec-Ingénierie
- M. Pierre-Louis Fagniez, conseiller auprès de Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche
- M. François Decoster, conseiller diplomatique de Mme Valérie Pécresse
- M. Marc Rolland, chef de service de la direction des relations européennes et internationales et de la coopération du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
- M. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes, accompagné de M. Philippe Errera, directeur du cabinet du ministre, de M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats, de M. Pierre Buhler, directeur général de FCI, de M. Dominique de Combles de Nayves, conseiller-maître à la Cour des comptes, de Mme Aurélia Lecourtier-Gégout, conseillère budgétaire au cabinet du ministre, de M. Jean-Marc Berthon, conseiller au cabinet en charge de l’action culturelle extérieure du ministre et de Mme Milca Michel-Gabriel, conseillère parlementaire au cabinet du ministre
- M. Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la communication, accompagné de M. Guillaume Boudy, secrétaire général du ministère, M. Valéry Freland, conseiller diplomatique au cabinet du ministre et M. Richard Eltvedt, conseiller parlementaire au cabinet du ministre
1 () Avis adopté par le Conseil économique, social et environnemental au cours de sa séance du mercredi 24 juin 2009.
2 () Le compte rendu de cette table ronde est reproduit dans le présent rapport (pp. 45 sq).
3 () Doc. AN n° 2215.
4 () Culture : pourquoi la France va perdre la bataille du « soft power », 31 mars 2010.
5 () Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
6 () Ces établissements sont régis par le décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l’organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle dépendant du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Coopération.
7 () Doc. AN n° 2215, janvier 2010.
8 () Décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l’État et des établissements publics de l’État à caractère administratif en service à l’étranger.
9 () Flammarion, mars 2010, 460 p.
10 () M. Faivre d’Arcier a été entendu par la commission des Affaires étrangères au cours de la table ronde précitée du 31 mars 2010, dont le compte rendu figure dans le présent rapport.
11 () Chronologie établie par notre collègue François Rochebloine, rapporteur pour avis des crédits du programme budgétaire Rayonnement culturel et scientifique, doc. AN n° 1970, tome II, novembre 2009.
12 () Nathaniel Herzberg, « M. Kouchner contraint de retarder de “quelques mois” sa réforme du réseau culturel français à l’étranger », Le Monde, 18 juillet 2009.
13 () Ce rapport a été publié sous le titre Un nouvel usage du monde. Propositions pour une France plus active dans les pays émergents, aux éditions Mille et une nuits, Arthème Fayard, coll. « Les petits libres » n° 67, en mars 2007.
14 () Propositions pour une politique des mobilités universitaires, Rapport pour Monsieur le ministre des Affaires étrangères, 15 décembre 2005.
15 () Cette hypothèse avait à plusieurs reprises été envisagée au cours des dernières années, en particulier par la Cour des comptes et l’Inspection générale de l’Éducation nationale, et a été notamment reprise dans le rapport Buhler de décembre 2005.
16 () La GTZ a publié une évaluation par le ministère fédéral de l’Économie et de la technologie (point de contact national pour les jumelages allemands) de la manière dont un échantillon de 25 jumelages conduits par l’Allemagne (gérés par la GTZ et achevés entre juillet 2006 et février 2008) ont été mis en œuvre. Ces projets de jumelages (22 jumelages avec conseiller-résident et 3 jumelages légers) se sont déroulés dans les pays suivants : Pologne (6), Bulgarie (6), Roumanie (6), Croatie (4) et Serbie (3). Les thèmes traités ont concerné les affaires intérieures (5), la justice (2), les finances au sens large (4), l’économie (6), l’agriculture et la protection des consommateurs (5) et l’environnement (2).
17 () Relevé de conclusions du 14 novembre 2008.
18 () Décret n° 2009-291 du 16 mars 2009 portant organisation de l’administration centrale du ministère des affaires étrangères et européennes et arrêté du même jour relatif à ladite organisation.
19 () Il s’agit ici de la tutelle de l’État ou de telle collectivité territoriale, et non de la tutelle de tel ministre plutôt que de tel autre, ce dernier critère ne relevant pas de la loi mais du règlement (cf. infra).
20 () Question n° 48865 du 12 mai 2009.
21 () Le second est quasi identique à un amendement du Rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
22 () Loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique.