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N° 2551

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mai 2010.

RAPPORT

FAIT

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
SUR LE PROJET DE
loi de finances rectificative pour 2010 (n° 2518),

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gilles CARREZ,

Rapporteur général,

Député.

——

SYNTHÈSE 5

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : UN DISPOSITIF DE SOUTIEN AUX ÉTATS MOBILISANT L’ENSEMBLE DES MOYENS À DISPOSITION 9

I.– UN MÉCANISME FINANCIER DE SOUTIEN AUX ÉTATS POUVANT MOBILISER 750 MILLIARDS D’EUROS 10

A.– UN MÉCANISME REPOSANT PRINCIPALEMENT SUR L’ENGAGEMENT FINANCIER DES ÉTATS DE LA ZONE EURO 10

1.– 60 milliards d’euros immédiatement mobilisables par la Commission européenne 10

2.– 440 milliards d’euros mobilisables par un « véhicule ad hoc » garanti par les États 12

3.– 250 milliards d’euros mobilisables par le Fonds monétaire international 14

B.– UN MÉCANISME OFFRANT LE TEMPS NÉCESSAIRE À UN ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE PROGRESSIF 14

II.– DES MESURES EXCEPTIONNELLES PRISES PAR LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE 16

A.– LE RACHAT SUR LE MARCHÉ SECONDAIRE DE TITRES DE DETTES PUBLIQUES ET PRIVÉES 16

B.– UNE INTERVENTION CONFORME AU MANDAT DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE 17

DEUXIÈME PARTIE : RÉFORMER LA GOUVERNANCE DE LA ZONE EURO POUR ASSURER SA VIABILITÉ À LONG TERME 19

I.– AMÉLIORER LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE DE LA ZONE EURO 19

II.– ASSURER UNE PLUS GRANDE COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES 20

A.– COORDONNER LES POLITIQUES ÉCONOMIQUES POUR RENFORCER LA CROISSANCE 20

B.– LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE GESTION DES DÉSÉQUILIBRES MACROÉCONOMIQUES 22

III.– FAIRE RESPECTER LE PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE 22

A.– LA PERTINENCE DU PACTE 22

B.– LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR RENFORCER LE RESPECT DU PACTE 23

IV.– MIEUX RÉGLEMENTER LES MARCHÉS FINANCIERS 24

AUDITION DE MME CHRISTINE LAGARDE, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE DE L’INDUSTRIE ET DE L’EMPLOI, ET DE M. FRANCOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT 27

DISCUSSION GÉNÉRALE 43

EXAMEN DES ARTICLES 53

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Article 1er : Ratification d’un décret relatif à la rémunération de services rendus par l’État 53

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES A L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 2 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois 55

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Article 3 : Octroi de la garantie de l’Etat dans le cadre du mécanisme européen de stabilisation pour préserver la stabilité financière 58

Article 4 : Relèvement du plafond de prêts de la France au Fonds monétaire international (FMI) 63

TABLEAU COMPARATIF 69

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 73

SYNTHÈSE

Le Conseil ECOFIN des 9 et 10 mai 2010 a décidé la mise en place d’un mécanisme temporaire de soutien aux États connaissant des difficultés de refinancement. Ce dispositif pourrait mobiliser au moins 750 milliards d’euros et articulerait l’intervention de trois acteurs :

– sur la base de l’article 122.2 du traité, la Commission européenne pourrait emprunter immédiatement sur les marchés financiers un montant correspondant aux « marges sous plafond » annuelles du budget communautaire prévues, soit environ 60 milliards d’euros ;

– un « véhicule ad hoc », garanti par les États membres de la zone euro, pourrait lever, jusqu’en 2013, 440 milliards d’euros sur les marchés financiers. La répartition de l’exposition financière entre États, illustrée par le tableau suivant, serait proportionnelle à leur part dans le capital de la Banque centrale européenne.

 

Part en %

Part en
milliards d’euros

Allemagne

27,14 %

119,4

France

20,38 %

89,7

Italie

17,91 %

78,8

Espagne

11,89 %

52,3

Pays-Bas

5,72 %

25,2

Belgique

3,48 %

15,3

Grèce

2,81 %

12,4

Autriche

2,78 %

12,2

Portugal

2,51 %

11,0

Finlande

1,79 %

7,9

Irlande

1,59 %

7,0

Slovaquie

0,99 %

4,4

Slovénie

0,47 %

2,1

Luxembourg

0,24 %

1,1

Chypre

0,20 %

0,9

Malte

0,09 %

0,4

Les modalités de la création, du fonctionnement et de l’intervention de ce véhicule ad hoc sont en cours de discussion. La garantie nécessite l’adoption de mesures de droit interne dans chacun de ces États et justifie le présent projet de loi. Son article 3 prévoit ainsi d’autoriser l’octroi de la garantie de l’État à cette entité encore dépourvue d’existence juridique à hauteur de 111 milliards d’euros, montant correspondant à la quote-part de la France dans ce mécanisme, majorée, par précaution, de 20 % ;

– le Fonds monétaire international compléterait l’effort européen à hauteur d’au moins 250 milliards d’euros.

Parallèlement, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne a décidé, le 10 mai 2010, de mesures « non conventionnelles » tendant au rachat de dette publique et privée sur le marché secondaire et à la réouverture de facilités exceptionnelles de refinancement des banques en euros et en dollars.

Ces mesures offrent le répit nécessaire pour répondre aux sous-jacents économiques de la crise financière, à savoir les déséquilibres budgétaires et les carences de la gouvernance économique de la zone euro. Dans cette optique, la Commission européenne, dans sa communication du 12 mai 2010, a soumis au Conseil des propositions qui seront complétées par celles du groupe de travail dirigé par le président du Conseil européen, M. Herman van Rompuy. Composé notamment des représentants des 27 États membres de l’Union, il verrait ses suggestions examinées dès le Conseil européen d’octobre pour une mise en œuvre éventuelle dès 2011.

INTRODUCTION

La zone euro est confrontée au triple défi de la préservation de sa stabilité financière, de la gestion commune de ses déséquilibres macroéconomiques et de la réduction des déficits publics.

Le premier d’entre eux a été relevé les 9 et 10 mai derniers quand le conseil ECOFIN, répondant aux demandes du Conseil européen du 7 mai, et la Banque centrale européenne ont pris plusieurs décisions tendant à assurer la stabilité financière de la zone. Le mécanisme de sauvetage décidé par le Conseil repose principalement sur l’engagement financier des États de la zone euro, via la mise en place, sur une base intergouvernementale, d’un « véhicule ad hoc » qu’ils garantissent. Ce dispositif est l’expression de la solidarité des États de la zone euro les plus solides, acceptant de s’exposer financièrement au profit des plus faibles. La BCE a choisi, quant à elle, d’intervenir sur le marché secondaire des obligations d’État pour soutenir leur cours.

Les deux autres défis auxquels est confrontée la zone euro constituent le sous-jacent de la crise financière qu’elle traverse. Ils doivent être relevés rapidement pour lui permettre d’assurer sa viabilité à long terme, en renforçant et en complétant les principes posés à Maastricht.

La nécessité d’une gestion commune des déséquilibres macroéconomiques a été révélée par les conséquences d’une décennie de politiques économiques divergentes et de l’accroissement des différentiels de compétitivité au sein de la zone, traduits par l’accumulation de déficits extérieurs dans plusieurs pays. Une telle coordination est d’autant plus nécessaire qu’elle faciliterait la résorption des déficits commerciaux les plus importants en limitant le coût social et économique des mesures prises à cet effet. Elle est indispensable pour permettre la coopération entre États de la zone et ainsi gagner en croissance.

La présente crise a également révélé la pertinence du pacte de stabilité et de croissance et l’impact qu’aurait la faillite d’un État sur ses partenaires et sur l’ensemble du système financier. L’assainissement budgétaire devra être entamé dès 2011 et prolongé sur plusieurs années, en limitant les effets négatifs qu’il pourrait entraîner sur la dynamique économique. En France, il pourrait conduire à une adaptation de la procédure budgétaire, la loi de programmation en devenant l’élément central.

Les mesures décidées les 9 et 10 mai derniers par le Conseil et la Banque centrale européenne devaient être impérativement prises pour mettre un terme aux menées spéculatives qui menaçaient l’ensemble du système financier de la zone. Nécessaire, une telle réponse paraît toutefois éloignée du consensus qui a justifié, pour l’Allemagne, la création de la monnaie unique et a conduit à l’adoption de la clause de « no bail out » et à l’interdiction faite à la BCE de souscrire à l’émission d’emprunts d’État. Les hésitations de notre principal partenaire au cours des derniers mois s’expliquent probablement par ce qu’il a pu considérer comme un contournement du cadre juridique commun et un abandon des principes qui ont justifié le remplacement du mark par l’euro. Pour rassurer l’Allemagne sur la pertinence et la solidité du cadre juridique de la zone euro, ses préoccupations devront être prises en compte dans les réformes à venir et le respect des nouvelles procédures appelées à être mises en place devra être sans faille.

PREMIÈRE PARTIE :
UN DISPOSITIF DE SOUTIEN AUX ÉTATS MOBILISANT L’ENSEMBLE DES MOYENS À DISPOSITION

Les 9 et 10 mai derniers, le conseil ECOFIN, répondant aux demandes du Conseil européen du 7 mai, et la Banque centrale européenne ont pris plusieurs décisions tendant à assurer la stabilité financière de la zone euro.

Le conseil ECOFIN, d’une part, a décidé la mise en place d’un mécanisme d’assistance financière pouvant, le cas échéant, assurer le refinancement des États qui ne pourraient plus emprunter auprès de prêteurs privés. Pouvant mobiliser 750 milliards d’euros, le mécanisme a pour cœur un « véhicule ad hoc » doté d’une capacité d’intervention de 440 milliards d’euros, qui doit bénéficier de la garantie des États. L’article 3 du présent projet de loi tend à autoriser l’État français à accorder sa garantie à ce véhicule.

Le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, d’autre part, a adopté plusieurs mesures d’urgence visant à soutenir le cours des obligations d’État et à garantir le refinancement des banques en euros et en dollars.

L’objectif poursuivi par ces mesures est double.

D’une part, elles visent à prévenir la réalisation d’un « risque systémique » qui aurait pu entraîner l’effondrement de l’ensemble du système financier de la zone euro. La défiance croissante à l’égard de plusieurs débiteurs souverains aurait pu en effet s’étendre aux établissements financiers des pays concernés. Dans une telle hypothèse, ces banques n’auraient pu trouver aucune source de financement et leur défaut aurait entraîné celui des établissements qui les financent.

D’autre part, ces différentes interventions tendent à soustraire temporairement les États à la pression des marchés financiers, qui, en renchérissant leurs coûts de refinancement, risqueraient d’accentuer les difficultés que certains membres de la zone euro peuvent connaître. Le répit ainsi accordé doit être mis à profit pour résorber les déséquilibres budgétaires et améliorer la gouvernance de la zone euro.

Le corollaire à l’adoption de ces mesures exceptionnelles est un engagement de l’ensemble des États membres de la zone euro à assainir leurs finances publiques. À l'issue du Conseil européen du 7 mai 2010, les chefs d’État ou de gouvernement ont ainsi affirmé que « l’assainissement des finances publiques est une priorité pour chacun d’entre nous et nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour atteindre nos objectifs budgétaires cette année et les années suivantes (…) ».

I.– UN MÉCANISME FINANCIER DE SOUTIEN AUX ÉTATS POUVANT MOBILISER 750 MILLIARDS D’EUROS

Le mécanisme adopté par le conseil ECOFIN des 9 et 10 mai 2010 est l’expression de la solidarité liant les États de l’Union européenne, les plus solides acceptant de s’exposer financièrement au bénéfice des plus faibles.

Le dispositif repose principalement sur les États, dont l’intervention est soutenue par le Fonds monétaire international et la Commission européenne. Au total, 750 milliards d’euros pourraient être mobilisés pour venir en aide à un ou plusieurs États connaissant des difficultés de refinancement. Le dispositif semble correctement dimensionné au regard des besoins de financement des États soumis à la pression des marchés.

A.– UN MÉCANISME REPOSANT PRINCIPALEMENT SUR L’ENGAGEMENT FINANCIER DES ÉTATS DE LA ZONE EURO

Le mécanisme décidé les 9 et 10 derniers repose sur l’intervention d’un « véhicule ad hoc » garanti par les États, du Fonds monétaire international et de la Commission européenne. Il est probable que, le cas échéant, un État en difficulté financière reçoive un soutien financier provenant de ces trois acteurs, leur intervention étant ainsi couplée.

1.– 60 milliards d’euros immédiatement mobilisables par la Commission européenne

 Aux termes du règlement n° 407/2010 du Conseil du 11 mai 2010 établissant un mécanisme européen de stabilisation financière, la Commission européenne est habilitée à contracter, au nom de l’Union européenne, des emprunts pour soutenir financièrement un État membre de la zone euro. La base juridique d’une telle intervention est l’article 122.2 du traité relatif au fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit que, « lorsqu’un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison (…) d’événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l’Union à l’État concerné ».

Le montant total de l’encours que pourrait lever la Commission est limité à la « marge sous plafond » prévisionnelle, disponible sur le budget communautaire jusqu’en 2013. En d’autres termes, le montant mobilisable serait la différence entre le montant maximum des ressources propres mobilisables par l’Union – 1,24 % du revenu national brut de l’UE – et le montant des crédits de paiement prévus dans le budget – environ 1,05 % en 2010. Sur cette base, il se dégagerait une marge de manœuvre de l’ordre de 60 milliards d’euros de 2010 à 2013. La Commission ne pourrait donc s’engager au-delà des engagements de financement du budget communautaire pris par les États dans le cadre des perspectives pluriannuelles 2007-2013, ce qui garantit sa capacité à rembourser les prêts qu’elle contracterait (1).

Ce mécanisme étant entré en vigueur le 13 mai 2010 (2), il est possible d’y recourir immédiatement en cas de besoin. Les conclusions du conseil ECOFIN des 9 et 10 mai derniers précisent qu’il resterait en vigueur aussi longtemps que nécessaire, la seule inconnue à long terme étant le niveau de la marge sous plafond du budget communautaire après 2013 (3). Il serait mis en œuvre sans préjudice des aides versées, au titre de l’article 143 du traité, aux États non membres de la zone euro connaissant des difficultés graves dans leur balance des paiements.

 La procédure encadrant l’octroi des aides serait proche de celle prévue pour l’assistance aux États non membres de la zone euro connaissant des difficultés graves dans leur balance des paiements (4).

À la demande de l’État en difficulté financière, la Commission, en liaison avec la Banque centrale européenne, évaluerait ses besoins financiers et préparerait un projet de programme de redressement économique.

Le Conseil autoriserait l’octroi de l’aide à la majorité qualifiée. Sur proposition de la Commission, il prévoirait les modalités nécessaires ainsi que les conditions de politique économique générale encadrant cette assistance.

La Commission, en liaison avec la BCE, assurerait le suivi de la mise en œuvre des engagements pris par l’État concerné et, en fonction des résultats de cette vérification, déciderait des versements successifs des tranches.

Au final, la procédure prévue apparaît plus souple que celle appliquée pour venir en aide à la Grèce en raison notamment du fait que la décision est prise par le Conseil à la majorité qualifiée, et non à l’unanimité.

 Si l’État concerné n’a plus accès aux prêteurs privés, la Commission pourrait lui accorder des prêts ou des lignes de crédit pour faciliter son refinancement. Les modalités (taux, échéances, montants, durée de l’aide notamment) seraient fixées au moment de l’octroi de l’aide.

Elles pourraient être proches de celles menées au titre de l’article 143 du traité prévoyant un soutien aux États non membres de la zone euro connaissant de graves difficultés dans leur balance des paiements. Sur la base de cet article, la Commission a ainsi accordé 14,6 milliards d’euros à la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie en 2008 et 2009. La Commission lève les fonds avec la garantie du budget communautaire et les octroie aux États à un taux identique à celui qu’elle paie (entre 3,5 % et 3,7 % sur les derniers mois).

2.– 440 milliards d’euros mobilisables par un « véhicule ad hoc » garanti par les États

440 milliards d’euros pourraient être accordés par un « véhicule ad hoc (5) » qui, jusqu’en 2013, pourrait lever sur les marchés financiers des fonds avec la garantie des États membres de la zone euro. L’article 3 du présent projet de loi autorise l’octroi de la garantie de l’État dans le cadre de ce dispositif.

Ce dispositif est mis en place en dehors du cadre communautaire, sur une base intergouvernementale.

 Les modalités de création et de fonctionnement de cette entité sont en cours de négociation et ne sont donc pas encore entièrement connues. Le mode de détermination des taux auquel prêterait le véhicule n’a notamment pas encore été défini. Selon les informations transmises au Rapporteur général, il aurait été convenu que les modalités de calcul des taux soient proches de celles appliquées à la Grèce.

En revanche, des premiers éléments relatifs à la nature juridique de cette entité et à la procédure d’octroi des prêts ont été communiqués par le ministre chargé de l’économie lors de son audition par la commission des Finances le 19 mai dernier.

Le véhicule ad hoc serait une société anonyme de droit luxembourgeois et la Banque européenne d’investissement en assurerait la gestion. Chaque État membre de la zone euro serait représenté au sein de son conseil d’administration, qui serait donc composé de 16 membres. Chacun des États garantirait le fonds ou ses émissions à hauteur de la quote-part de sa banque centrale dans le capital libéré de la Banque centrale européenne, selon la répartition illustrée par le tableau ci-après.

LES QUOTES-PARTS DE GARANTIES
OCTROYÉES AU VÉHICULE AD HOC

 

Part en %

Part
en milliards d’euros

Allemagne

27,14 %

119,4

France

20,38 %

89,7

Italie

17,91 %

78,8

Espagne

11,89 %

52,3

Pays-Bas

5,72 %

25,2

Belgique

3,48 %

15,3

Grèce

2,81 %

12,4

Autriche

2,78 %

12,2

Portugal

2,51 %

11,0

Finlande

1,79 %

7,9

Irlande

1,59 %

7,0

Slovaquie

0,99 %

4,4

Slovénie

0,47 %

2,1

Luxembourg

0,24 %

1,1

Chypre

0,20 %

0,9

Malte

0,09 %

0,4

Le ministre chargé de l’économie a, par ailleurs, affirmé que la décision d’assurer le refinancement d’un État serait prise à l’unanimité du conseil d’administration, c’est-à-dire des 16 États membres. Toutefois, le conseil d’administration pourrait, par résolution, décider d’une intervention du fonds, sans la participation d’un ou plusieurs États. Il est probable que, dans ce cas, l’exposition des autres États en soit mécaniquement relevée.

Les États non membres de la zone euro pourraient, s’ils le souhaitent, participer ponctuellement à une opération de refinancement selon des modalités restant à définir.

À ce stade, il semble acquis que la Commission européenne verrait son rôle limité à la coordination des États dans la mise en place de l’entité et qu’elle ne serait pas impliquée dans la gestion du dispositif une fois qu’il sera mis en place.

Il est très probable que, en cas d’intervention, les États, la Commission et le FMI agissent en étroite collaboration. L’intervention du fonds serait ainsi réalisée sur la base du travail d’expertise réalisé par la Commission européenne et le FMI. Il est acquis qu’elle serait conditionnée à des engagements en matière de politique économique et budgétaire.

À noter que, selon les informations recueillies par le Rapporteur général, le mécanisme d’aide décidé le 9 mai est totalement indépendant du dispositif mis en place pour la Grèce et n’a pas vocation à s’y substituer. De même, le dispositif mis en place le 9 mai n’a pas vocation à être utilisé pour la Grèce.

 L’octroi d’une garantie n’a aucun impact sur le déficit budgétaire ou maastrichtien ni sur la dette publique brute, cet engagement étant seulement recensé au hors bilan du compte général de l’État. C’est pourquoi l’article d’équilibre n’est pas modifié par l’article 2 du présent projet de loi. Les conséquences budgétaires d’une activation du mécanisme et d’un appel en garantie sont détaillées dans le commentaire de l’article 3.

3.– 250 milliards d’euros mobilisables par le Fonds monétaire international

Le Fonds monétaire international participerait à hauteur d’au moins la moitié des sommes engagées par les Européens, soit au moins 250 milliards d’euros. D’après les informations transmises au Rapporteur général, l’intervention du FMI sera vraisemblablement de même nature que celle qui prévaut dans le cadre du plan de soutien à la Grèce. Son intervention viserait donc à compléter l’effort financier des États et à offrir une capacité d’expertise. Ses interventions seraient, par ailleurs, décidées au cas par cas par son conseil d’administration.

L’article 4 du présent projet de loi tend notamment à accroître les ressources du FMI fournies par la France. Celle-ci verrait sa part dans les prêts bilatéraux mobilisables dans le cadre des « nouveaux accords d’emprunt » (NAE) passer de 2,6 milliards de droits de tirages spéciaux (environ 3 milliards d’euros) à 18,7 milliards (environ 21 milliards d’euros). Lors de la réunion du G20 à Londres le 2 avril 2009, les actionnaires du FMI ont en effet pris l’engagement d’accroître de 500 milliards de dollars ses capacités de financement, via la création d’une contribution additionnelle aux NAE.

La ratification prévue par l’article 4 du présent projet de loi paraît particulièrement opportune alors que le FMI a signé un accord de confirmation triennal de 30 milliards d’euros avec la Grèce dans le cadre du plan de sauvetage de cet État et s’engage à hauteur d’au moins 250 milliards d’euros dans le cadre du présent mécanisme de stabilisation de la zone euro.

Ainsi, à la fin février 2010, le FMI disposait d’un montant théorique de ressources de 410 milliards de DTS, soit environ 450 milliards d’euros, composées principalement des quotes-parts versées par les États et de prêts bilatéraux mis en place de manière transitoire en 2009. Après entrée en vigueur des NAE modifiés, les ressources du fonds passeraient à 600 milliards de DTS, soit environ 660 milliards d’euros (6).

B.– UN MÉCANISME OFFRANT LE TEMPS NÉCESSAIRE À UN ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE PROGRESSIF

 L’objectif du mécanisme de soutien décidé par le Conseil ECOFIN est de rendre improbable le défaut d’un État, en mobilisant des moyens massifs pouvant couvrir les besoins de financement de plusieurs États sur trois ans. En réduisant la probabilité de faillite d’un État, il rend vaine la spéculation fondée sur un tel pari et permet de contenir la hausse des coûts de financement. La mise en place de ce mécanisme tend donc à réduire la probabilité d’y recourir.

En privant de gain éventuel la spéculation, le mécanisme permet de ramener les taux d’intérêt payés par les États à des niveaux plus proches de leurs fondamentaux économiques. Il leur offre ainsi le répit nécessaire à la réduction de leurs déséquilibres budgétaires.

 Le mécanisme reste proche de celui mis en place pour la Grèce. Les États assument en effet l’essentiel des engagements qui pourraient être pris et la partie la plus importante du dispositif est mise en œuvre sur une base intergouvernementale. Le FMI est partie prenante au dispositif pour apporter son expertise en termes de définition des plans de redressement et de suivi de leur mise en œuvre. L’octroi de l’aide serait soumis à des conditionnalités, c’est-à-dire à des engagements de politique économique générale et notamment de réduction des déséquilibres budgétaires.

Il présente toutefois deux différences majeures par rapport au mécanisme mis en place au profit de l’État grec.

D’une part, son architecture diffère du dispositif bénéficiant à l’État grec. Celui-là consiste en un octroi direct de prêts par les États, la Commission européenne jouant un rôle d’intermédiaire dans la négociation des conditionnalités. Dans le cas présent, l’intervention des États serait médiatisée par le véhicule ad hoc qu’ils garantissent. De plus, la Commission européenne serait impliquée financièrement, du fait de l’activation de l’article 122.2 du traité.

D’autre part, tant l’objectif que l’impact financier sur les États ne sont pas les mêmes. Le mécanisme adopté le 10 mai dernier a en effet vocation à prévenir les crises et non à y remédier. De plus, l’engagement financier des États est cantonné à leur hors bilan. Un éventuel impact sur leur situation financière est conditionné par une activation du mécanisme, suivie d’un appel en garantie, alors que, pour aider la Grèce, les États ont dû lever des fonds et ainsi alourdir leur endettement.

 Dans la déclaration faisant suite au Conseil européen du 7 mai dernier, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro se sont dits « disposés à mettre en place un cadre solide pour la gestion des crises, dans le respect du principe de la responsabilité qui incombe aux États membres en matière budgétaire ».

Il est donc possible que le fonds ad hoc mis en place pour trois ans ait vocation à être pérennisé. La Commission, dans sa communication du 12 mai dernier, remarque en effet que le fonds ad hoc répond largement aux principes fondant un mécanisme robuste de résolution de crises. À défaut, un dispositif proche pourrait être mis en place.

 À noter enfin que la Commission considère qu’un tel mécanisme d’assistance financière à un État n’est pas contraire à l’article 125 (7) du traité relatif au fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit que ni l’Union ni un État membre ne « répond des engagements » d’un autre État membre.

II.– DES MESURES EXCEPTIONNELLES PRISES PAR LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

Le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne a décidé, le 10 mai dernier, de mesures justifiées par « des circonstances exceptionnelles prévalant sur le marché » conduisant à des dysfonctionnements des marchés financiers et à une mise à mal des mécanismes de transmission de la politique monétaire. L’objectif, répondant au mandat de la Banque centrale, est de rétablir la stabilité financière de la zone euro. Si elles peuvent paraître exceptionnelles, des mesures de même nature ont été adoptées par la Réserve fédérale américaine et la Banque d’Angleterre pendant la crise financière de 2008.

Compte tenu du fait que les taux des obligations d’État ont fortement diminué dès le 10 mai alors que les marchés actions ont continué à subir une forte volatilité après cette date, il est possible que l’apaisement des tensions sur le marché obligataire soit davantage dû à l’intervention de la BCE qu’à l’annonce de mise en place du mécanisme de stabilisation intergouvernemental.

A.– LE RACHAT SUR LE MARCHÉ SECONDAIRE DE TITRES DE DETTES PUBLIQUES ET PRIVÉES

 Depuis le 10 mai, la BCE intervient directement sur le marché obligataire en rachetant des titres de dette publique ou privée. Elle aurait ainsi souscrit pour 26,5 milliards d’euros au titre de ce programme, soit 1,4 % du total de ses actifs, le montant de la dette publique souscrite n’ayant pas été précisé. Le montant total du programme n’a pas été communiqué.

Dans le but de neutraliser l’impact de ces mesures sur le niveau de la masse monétaire, elle compense cette création de monnaie par un retrait de liquidités. Ces mesures de « stérilisation » consisteraient en des dépôts à terme des banques auprès de la BCE d’une durée d’une semaine, ces opérations étant renouvelées chaque semaine pendant toute la durée du programme. À noter que ni la Réserve fédérale américaine ni la Banque d’Angleterre n’ont mis en œuvre de telles mesures de stérilisation.

Dans le contexte créé par la crise financière, une telle intervention est moins exceptionnelle qu’il n’y paraît. Depuis le 6 juillet 2009 et jusqu’au 30 juin 2010, la BCE procède à des achats de dette privée – 53,7 milliards d’euros d’obligations sécurisées (8) sont ainsi détenues au 24 mai, pour un programme total de 60 milliards d’euros, soit 5 % de l’encours de ces titres. Depuis 2009, la Réserve fédérale américaine et la Banque d’Angleterre ont racheté respectivement 5 % – soit 330 milliards de dollars – et 25 % – soit 198 milliards de livres sterling – de l’encours des emprunts émis par les États-Unis et le Royaume-Uni pour assurer la détente des taux d’intérêt. Toutes deux ont financé une partie de leurs programmes de rachat d’actifs privés et publics par création monétaire. La Fed serait, en outre, exposée à des risques non négligeables du fait de son implication dans le sauvetage d’institutions majeures (notamment AIG).

 D’autres mesures exceptionnelles ont été adoptées pour assurer la liquidité du système financier, afin de permettre aux établissements financiers de se refinancer et ainsi de faire face à leurs échéances à court terme. La Banque centrale européenne a ainsi rouvert certaines facilités exceptionnelles de refinancement des banques en euros et en dollars.

D’une part, pour lutter contre la réapparition des tensions sur le marché interbancaire, la BCE a décidé de revenir, pour ses deux prochaines opérations de refinancement à long terme à trois mois, à une procédure à taux fixe et sans limitation du montant offert. L’objectif est d’assurer une source de liquidité sûre et illimitée. Une mesure semblable avait été prise au moment de la crise financière de 2008 et avait été progressivement retirée quand le fonctionnement du marché interbancaire s’était normalisé.

D’autre part, la BCE, la Réserve fédérale américaine, la Banque d’Angleterre, la Banque de Suisse et la Banque du Canada mènent une action concertée en vue d’ouvrir des facilités de change. La Fed a ouvert une ligne de crédit au profit de la BCE qui pourra ainsi prêter des dollars aux établissements financiers de la zone euro sans recourir à ses réserves de change. L’objectif est de réapprovisionner en dollars les investisseurs confrontés à un assèchement du marché de cette devise considérée comme une valeur refuge.

B.– UNE INTERVENTION CONFORME AU MANDAT DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

La Banque centrale européenne a pour mission d’assurer la stabilité financière de la zone euro. Or, celle-ci était menacée d’un risque systémique, la défiance envers certains États de la zone pouvant s’étendre aux établissements financiers de ces pays, les priver de refinancement et les conduire à une crise de liquidité pouvant contaminer l’ensemble des banques de la zone. La menace d’un tel risque est devenue avérée quand les tensions sur les marchés de la dette souveraine ont touché les marchés interbancaires, preuve que la défiance s’étendait, après les États, aux établissements financiers.

Les mesures exceptionnelles adoptées par la BCE ont suscité la triple crainte du non respect du mandat de la banque centrale, d’une monétisation des déficits et de la hausse de l’inflation. Ces trois craintes paraissent exagérées.

En premier lieu, l’article 123 du traité interdit « l’acquisition directe » de titres d’État par la BCE, c’est-à-dire les achats sur le marché primaire, mais non les achats sur le marché secondaire comme dans le cas présent. Le mandat de la Banque centrale est donc formellement respecté. Compte tenu des menaces pesant sur l’ensemble du système financier de la zone euro, la BCE n’aurait, au contraire, pas rempli son rôle si elle n’était pas intervenue. Sur le fond, son action est donc indispensable au respect du mandat qui lui a été donné.

En deuxième lieu, le risque de monétisation des déficits n’est avéré qu’à la condition d’une détention de long terme de titres de dettes publiques par la Banque centrale, visant à assurer de manière pérenne le refinancement d’un Etat insolvable. Or, la BCE ne se place pas dans ce cas de figure, mais envisage son intervention comme une action temporaire visant à apaiser les tensions sur le marché. Elle paraît estimer que les titres de dette souveraine de la zone euro sont de qualité mais que le marché ne les valorise pas correctement. Les investisseurs anticiperaient en effet un défaut qu’elle estimerait peu probable compte tenu des fondamentaux des États de la zone euro, de leur capacité à rétablir leurs comptes et de la garantie représentée par le mécanisme de sauvetage décidé par le Conseil. Le retour à la normale des conditions de marché, permis notamment par la concrétisation des engagements d’assainissement budgétaire pris par les États, devrait permettre à la BCE de revendre ces titres à des investisseurs privés.

La condition du bon déroulement de ce processus est le rétablissement progressif des comptes publics des États, qui garantit la valeur des titres que la BCE souscrit. C’est pourquoi la Banque centrale considère que son intervention est permise par l’engagement des États à assainir leurs finances publiques, corollaire indispensable à la crédibilité de son intervention. Il est également probable que la décision de souscrire des titres de dettes publiques ait été facilitée par la mise en place du mécanisme de sauvetage des États qui réduit fortement le risque de défaut souverain et ainsi sécurise l’intervention de la BCE en garantissant la valeur des titres qu’elle achète.

Enfin, il faut relativiser le risque d’accélération de l’inflation. Ce risque est commun à l’ensemble des mesures non conventionnelles prises par la BCE, la Réserve fédérale américaine et la Banque d’Angleterre depuis le début de la crise, qui ont alimenté les banques en liquidité de manière quasiment illimitée et ont donc contribué à gonfler fortement la masse monétaire. Ces mesures ont toutefois vocation à être résorbées progressivement au fur et à mesure de la normalisation des conditions sur les marchés financiers.

DEUXIÈME PARTIE :
RÉFORMER LA GOUVERNANCE DE LA ZONE EURO POUR ASSURER SA VIABILITÉ À LONG TERME

I.– AMÉLIORER LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE DE LA ZONE EURO

La présente crise a mis en lumière les carences de la « gouvernance économique » de la zone euro, c’est-à-dire de la gestion commune des déséquilibres macroéconomiques et budgétaires. Depuis dix ans, les écarts de compétitivité se sont creusés du fait d’une absence de coordination des politiques économiques. Le non respect récurrent du pacte de stabilité et de croissance a conduit à des déséquilibres budgétaires marqués dans la plupart des États de la zone.

L’approfondissement de la gouvernance économique de la zone euro est indispensable pour assurer la viabilité à long terme de la monnaie unique. Elle passe, à la fois, par une gestion commune des déséquilibres macroéconomiques et par le respect du pacte de stabilité et de croissance.

Dans la déclaration publiée à l’issue du Conseil européen du 7 mai 2010, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro ont ainsi « décidé de renforcer la gouvernance de la zone euro. Dans le cadre du groupe de travail placé sous la direction du président européen, nous sommes disposés à :

– élargir et renforcer la surveillance économique et la coordination des politiques dans la zone euro, y compris en suivant de près les niveaux d’endettement et l’évolution de la compétitivité ;

– renforcer les règles et procédures pour la surveillance des États membres de la zone euro, y compris par un renforcement du pacte de stabilité et de croissance et par l’instauration de sanctions plus efficaces (…). »

Une telle déclaration marque une inflexion notoire dans la position du Conseil européen sur la gouvernance de la zone euro car elle vise expressément la coordination des politiques économiques. Elle mentionne, à cet égard, la surveillance des niveaux d’endettement – ce qui laisse penser que l’endettement privé entrerait dans le champ du contrôle – ainsi que l’évolution de la compétitivité. Cette déclaration annonce, par ailleurs, un renforcement du pacte de stabilité et de croissance.

Des avancées importantes pourraient être réalisées sans révision du traité. L’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) offre notamment de nouveaux pouvoirs à l’Eurogroupe pour améliorer la coordination économique. Il prévoit que, « afin de contribuer au bon fonctionnement de l’union économique et monétaire (…), le Conseil (9) adopte des mesures concernant les États membres dont la monnaie est l’euro pour : a) renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire ; b) élaborer, pour ce qui les concerne, les orientations de politique économique, en veillant à ce qu’elles soient compatibles avec celle qui sont adoptées pour l’ensemble de l’Union, et en assurer la surveillance ».

Compte tenu de l’urgence et du temps nécessaire à une modification du traité, il semble bienvenu de prendre appui sur cette base juridique pour approfondir rapidement la gouvernance économique de la zone euro.

Le président du Conseil européen, M. Herman van Rompuy, devrait également formuler des propositions avant le Conseil européen d’octobre 2010 dans le cadre du groupe de travail qu’il dirige. Composé de représentants des 27 États membres, principalement leurs ministres de l’économie ou des finances, du commissaire en charge des affaires économiques et financières et du président de la Banque centrale européenne, ce groupe de travail pourrait déboucher sur un consensus autour de propositions pouvant être adoptées par le Conseil européen dès cet automne pour une mise en œuvre au 1er janvier 2011.

II.– ASSURER UNE PLUS GRANDE COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES

A.– COORDONNER LES POLITIQUES ÉCONOMIQUES POUR RENFORCER LA CROISSANCE

La gestion des déséquilibres macroéconomiques constituerait une source de croissance économique pour l’ensemble de la zone euro.

 Elle est nécessaire car, en raison de l’intégration commerciale entre les différents pays de la zone euro, la politique économique menée par un État a un impact sur les économies voisines.

Ainsi, une politique de désinflation compétitive menée par un État tend à restreindre les débouchés commerciaux des pays voisins – par la restriction de la demande intérieure qu’elle génère – et à augmenter la concurrence sur leur marché domestique – du fait de l’amélioration de la compétitivité-prix des exportateurs nationaux. Sur le plan comptable, cette politique se traduit par une accumulation d’excédents commerciaux, reflétés par des déficits commerciaux chez les pays voisins. Or, pour rétablir leur compétitivité, ceux-ci ne peuvent avoir recours à la dévaluation et ne disposent que deux solutions :

– d’une part, pour améliorer leur compétitivité-prix, ils peuvent opérer un ajustement réel, qui requiert une stagnation, voire une diminution, des salaires sur longue période. Une telle issue comporte un double risque. Elle peut d’abord mettre en péril la stabilité politique et sociale de certains États de la zone euro, du fait du maintien sur plusieurs années d’un taux de chômage élevé et d’une contraction des salaires. Elle peut également engager la zone euro dans la déflation, du fait de la baisse des salaires qui conduit à une baisse des prix ;

– d’autre part, pour améliorer leur compétitivité hors-prix, ils peuvent faire évoluer leur structure productive pour offrir des produits ayant une plus grande valeur ajoutée. Une telle option ne produit cependant ses effets qu’à long terme et tend à les mettre en concurrence directe avec les pays plus compétitifs.

 La non coopération en matière économique est donc coûteuse en termes de croissance. Dans le cas exposé ci-dessus, chaque pays réduirait sa demande intérieure pour contenir son inflation, conduisant à la contraction de la demande intérieure de l’ensemble de la zone. Les effets d’un tel processus seraient proches de ceux d’une vague de dévaluation compétitive, similaire à celle des années 1930.

Dans une interview publiée dans le Financial Times le 15 mars dernier, le ministre chargé de l’économie a ainsi remarqué avec justesse qu’il n’était pas certain que ce modèle de désinflation compétitive soit « soutenable à long terme et pour l’ensemble du groupe ».

 La gestion commune des déséquilibres macroéconomiques permettrait un rééquilibrage des performances commerciales des différentes économies de la zone et un surcroît de croissance pour l’ensemble de la zone euro.

Les pays dégageant d’importants excédents commerciaux stimuleraient leur demande intérieure et offriraient ainsi des débouchés commerciaux aux pays pâtissant d’importants déficits commerciaux. De plus, l’accélération de la croissance dans les pays excédentaires conduirait à une hausse de leur inflation et donc à une légère érosion de la compétitivité de leurs entreprises, ce qui rendrait concurrentiels les produits venant des pays moins compétitifs. Le corollaire indispensable à ce mouvement serait, pour les pays ayant les déficits commerciaux les plus importants, une modération salariale et une spécialisation dans des activités à plus forte valeur ajoutée.

Le risque d’une telle coordination est double. D’une part, si le cours de l’euro reste stable, elle peut conduire, toutes choses égales par ailleurs, à une perte de compétitivité-prix de l’ensemble de la zone euro vis-à-vis du reste du monde. D’autre part, la stimulation de la demande intérieure dans les pays à excédents commerciaux passerait probablement par une politique budgétaire expansive, ce qui renvoie à la question de la coordination en matière budgétaire.

Au final, la gestion des déséquilibres macroéconomiques semble devoir passer par un effort partagé par l’ensemble des pays de la zone euro – les pays à excédents commerciaux acceptant de stimuler leur demande intérieure, ceux à déficits commerciaux devant limiter la croissance des salaires.

B.– LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE GESTION DES DÉSÉQUILIBRES MACROÉCONOMIQUES

Dans sa communication du 12 mai dernier, la Commission estime qu’il est « important d’étendre la surveillance économique au-delà de la dimension budgétaire pour traiter d’autres déséquilibres macroéconomiques, y compris les évolutions de la compétitivité et les défis structurels sous-jacents ». La surveillance se ferait dans le cadre de l’article 136 du traité et inclurait un tableau de bord reflétant « les évolutions internes et externes », notamment « les évolutions des comptes courants, la position extérieure nette, la productivité, les coûts unitaires du travail, l’emploi et les taux de change réels, ainsi que la dette publique, le crédit au secteur privé et le prix des actifs ». La Commission estime que ce type de surveillance pourrait permettre de détecter précocement les bulles sur certains actifs et les croissances excessives du crédit.

La Commission ne précise pas les modalités précises d’un tel contrôle. En particulier, elle n’indique pas le seuil au-delà duquel un excédent ou un déficit commercial deviendrait « excessif ».

La Commission propose d’assurer elle-même la surveillance macroéconomique de chaque pays de la zone et de la zone dans son ensemble, éventuellement en lien avec le futur conseil européen du risque systémique (CERS), pour proposer au Conseil des recommandations de politique économique ou avertir directement un État.

La surveillance ainsi assurée ne déboucherait donc pas, selon les propositions faites par la Commission, sur l’adoption de sanctions. Toutefois, selon les informations transmises au Rapporteur général, il n’est pas à exclure que l’article 136 du traité puisse servir de fondement à des mécanismes de sanctions propres à la zone euro, cette piste pouvant être explorée par le groupe de travail dirigé par le président du Conseil européen.

III.– FAIRE RESPECTER LE PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE

A.– LA PERTINENCE DU PACTE

La nécessité d’une plus grande coordination des politiques budgétaires, qui constitue le second volet de la coordination économique, a été prouvée par la crise. L’éventuelle faillite d’un État aurait en effet des conséquences sur l’ensemble de ses partenaires par la voie de deux canaux.

En premier lieu, la présente crise a montré les risques de contagion en cas de perte de confiance des investisseurs. Alors que leur défiance concernait d’abord la Grèce, d’autres États ont vu leur coût de refinancement augmenter sensiblement du fait de la défiance des investisseurs.

En second lieu, la restructuration de la dette d’un État impliquerait des pertes pour ses créanciers. Or, les établissements financiers de la zone euro sont exposés au risque de la dette souveraine d’un État de la zone, directement en détenant ces titres et indirectement en étant exposés sur les banques nationales de cet État. Compte tenu de l’importance de la santé financière des banques dans la distribution de crédit à l’économie, il est de l’intérêt de chaque État de voir ces établissements ne pas essuyer de pertes.

B.– LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR RENFORCER LE RESPECT DU PACTE

Dans sa communication du 12 mai 2010, le Commission européenne propose de renforcer tant le volet préventif que le volet répressif du pacte de stabilité et de croissance.

 La proposition centrale de la Commission est de mieux prévenir les déficits excessifs par la mise en place d’un « semestre européen ». Celui-ci consisterait en un système de surveillance des grands équilibres budgétaires des États, avant leur dépôt devant les Parlements nationaux, c’est-à-dire au premier semestre de l’année N-1 pour le budget de l’année N. L’objectif serait de détecter les incompatibilités avec les engagements pris et les déséquilibres naissants, pour formuler des recommandations avant l’examen devant les Parlements. En conséquence, les programmes de stabilité et de croissance seraient soumis au premier semestre de l’année N-1, et non plus au mois de décembre de cette même année.

Ce « semestre européen » commencerait par une réunion du Conseil européen qui donnerait des lignes stratégiques de politique économique à suivre par les États. Ceux-ci les prendraient en compte dans la conception de leur programme de stabilité et de leur programme national de réforme, ces deux programmes étant réalisés en même temps pour obtenir une vue globale de la politique économique de chaque État. La Commission suggère également que les Parlements nationaux soient impliqués dans la conception de ces programmes. En formulant un avis sur ces programmes avant l’examen des projets de loi de finances, le Conseil aurait ainsi davantage la possibilité d’agir en amont sur les déséquilibres budgétaires.

Le Rapporteur général soutient l’idée d’un examen précoce par le Parlement des perspectives budgétaires pluriannuelles, formalisées chaque année dans une loi de programmation et le programme de stabilité adressé à la Commission. Il a fait des propositions dans ce sens au groupe de travail dirigé par M. Michel Camdessus. Il faut en effet faire de la loi de programmation l’un des outils essentiels de pilotage des finances publiques. Son examen doit être annuel et remplacer le débat d’orientation des finances publiques de la fin du mois de juin. La loi de programmation encadrerait ainsi les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale et deviendrait le « chapeau » de la procédure budgétaire. Dans l’hypothèse de la mise en place du « semestre européen », il serait logique que la trajectoire définie en loi de programmation soit identique à celle du programme de stabilité présenté concomitamment devant les instances communautaires. Une telle évolution de la procédure budgétaire peut être réalisée sans modification constitutionnelle.

La Commission propose également de renforcer le volet préventif en prévoyant la possibilité de sanctionner un État dont les progrès vers le retour à l’équilibre seraient insuffisants compte tenu d’une conjoncture économique favorable. La sanction serait le dépôt non rémunéré prévu dans le cadre de la procédure pour déficits excessifs.

 En ce qui concerne le volet correctif du pacte, la Commission suggère d’accélérer les procédures pour déficit excessif, notamment quand un État a manqué régulièrement à ses engagements. Elle propose également de mettre davantage l’accent sur la dette publique brute ramenée au PIB. Un État dont la dette serait supérieure à 60 % du PIB et ne diminuerait pas assez vite en comparaison avec les autres serait soumis à la procédure pour déficits excessifs, même s’il respectait le critère de déficit public. Enfin, la Commission suggère d’envisager l’utilisation des fonds communautaires comme des incitations à respecter le pacte, sans expliciter clairement quelle pourrait être cette utilisation.

À noter qu’elle ne mentionne pas la possibilité de priver un État de ses droits de vote, comme le suggérait l’Allemagne. Les modalités de vote des États membres sont prévues par le traité, et toute modification de ces règles suppose sa révision (notamment celle de l’article 238 TFUE), ce qui explique probablement pourquoi la Commission, dont les propositions sont applicables sans modification du traité, ne mentionne pas cette piste.

IV.– MIEUX RÉGLEMENTER LES MARCHÉS FINANCIERS

Si la crise financière actuelle repose sur des sous-jacents réels – les carences de la gouvernance de la zone euro, les déséquilibres budgétaires des États –, elle est également due aux évolutions erratiques des marchés financiers. À cet égard, il convient de noter la rationalité incertaine des opérateurs de marché, inquiets hier des déséquilibres budgétaires, aujourd’hui de l’impact sur la croissance des mesures de réduction des déficits.

Dans le but d’éviter la répétition d’une telle crise, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro ont décidé, à la suite du conseil européen du 7 mai 2010, de renforcer la réglementation des marchés financiers. Ils ont notamment annoncé que « parmi ses principales priorités, l’UE entend améliorer la transparence et la surveillance des marchés de produits dérivés et se pencher sur le rôle des agences de notation ».

Sur le premier point, dans la déclaration publiée à l’issue de la réunion du G20 à Pittsburgh le 24 septembre 2009, les chefs d’État ou de gouvernement ont décidé la fin des échanges de gré à gré des produits dérivés standardisés, dont les transactions seraient désormais assurées sur des plates-formes centralisées avec chambres de compensation. Une plus grande transparence passe en effet par la mise en place de telles infrastructures de marché. Des propositions devraient être faites prochainement par la Commission sur ce sujet.

En ce qui concerne les agences de notation, le règlement n° 1060/2009 du 16 septembre 2009, qui entre en vigueur le 7 juin prochain, permet certaines avancées, notamment un enregistrement obligatoire auprès des régulateurs. L’article 3 du projet de loi de régulation bancaire et financière, en cours d’examen par l’Assemblée nationale, confie ce contrôle à l’autorité des marchés financiers. Lors de son audition devant la commission des Finances, le ministre chargé de l’économie a également évoqué la possibilité de confier au futur conseil européen du risque systémique le contrôle des agences de notation. Elle a, par ailleurs, envisagé la mise en place d’une agence publique européenne de notation chargée de faire la synthèse des notes attribuées par les dizaines d’organismes (10) octroyant de telles notes.

Les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro ont également convenu « d’intensifier les travaux sur la gestion et la résolution des crises dans le secteur financier et sur une contribution équitable et substantielle du secteur financier à la prise en charge des coûts des crises ». Ce point apparaît important car il permettrait de responsabiliser les établissements financiers dont les pertes ont été largement prises en charge par les États lors de la dernière crise financière. Les différents projets de taxes sur les banques entrent dans ce champ.

Pour mémoire, dans un rapport soumis aux ministres des finances du G20 le 23 avril dernier, le Fonds monétaire international a proposé la mise en place de deux taxes sur le secteur financier :

– d’une part, une « contribution de stabilité financière » aurait pour objet de couvrir les coûts d’un sauvetage des banques en cas de nouvelle crise. Le FMI ne tranche pas sur l’affectation de cette taxe qui pourrait être dirigée vers un fonds ad hoc ou vers le budget des États. L’assiette de la taxe serait le bilan et le hors bilan des institutions financières. Le taux serait fixé de façon à dégager des provisions comprises entre 2 % et 4 % du PIB ;

– d’autre part, une « taxe sur les activités financières » aurait pour assiette la part des profits ou revenus des institutions financières dépassant un certain seuil correspondant à la limite d’une rentabilité normale. Elle serait affectée au budget des États. Son objet serait de taxer les activités les plus rentables et donc les plus risquées pour limiter les prises de risques excessives.

AUDITION DE MME CHRISTINE LAGARDE, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE DE L’INDUSTRIE ET DE L’EMPLOI,
ET DE M. FRANCOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET,
DES COMPTES PUBLICS ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT

Lors de sa deuxième séance du mercredi 19 mai 2010, la Commission entend Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, et M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État sur le présent projet de loi

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous accueillons aujourd’hui Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, et M. François Baroin, ministre du budget, qui viennent nous présenter le troisième projet de loi de finances rectificative de l’année.

Madame le ministre, monsieur le ministre, lors de notre réunion du 11 mai, vous nous avez fait part des résultats de la réunion des ministres des finances des vingt-sept États membres de l’Union européenne, laquelle avait permis de finaliser un accord tendant, pour l’essentiel, à créer un mécanisme de stabilisation de la zone euro. Il appartient désormais aux représentations nationales de chaque État de se prononcer sur ces décisions.

La France doit participer au dispositif à hauteur de 20,38 %, ce qui correspond à la part qu’elle détient dans le capital de la Banque centrale européenne. Vous envisagiez toutefois, à l’instar de vos homologues allemands, de demander au Parlement une autorisation de dépense supérieure au montant de cette quote-part, de façon à prévoir le cas où le fonds de garantie serait employé pour soutenir un pays qui, par définition, ne pourrait alors pas assumer sa propre contribution. Est-ce toujours votre intention ?

Ces derniers jours, nous avons vu les marchés financiers exprimer leurs incertitudes au sujet de la stabilité de la zone euro et, peut-être, leurs doutes sur la détermination des États. Qu’en est-il maintenant ? Il est opportun, dans un tel contexte, que vous vous exprimiez pour que les choses retrouvent rapidement leur cours normal.

J’aimerais enfin connaître votre point de vue, madame le ministre, sur l’idée de donner à la Commission européenne un droit de regard sur les projets de budget des États avant leur examen par les parlements nationaux.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Permettez-moi tout d’abord de revenir sur le contexte ayant conduit à la réunion exceptionnelle, le 7 mai, des chefs d’État et de gouvernement des pays de la zone euro.

Un mécanisme spécifique de soutien à la Grèce avait déjà été mis en place sous la forme de prêts bilatéraux, à hauteur de 80 milliards d’euros pour les pays de l’Eurogroupe et de 30 milliards pour le Fonds monétaire international. Lorsque, le 23 avril, la Grèce a demandé l’activation de ce mécanisme et la mise en œuvre des prêts bilatéraux, on a commencé à observer sur les marchés boursiers – en particulier sur le marché de refinancement des dettes souveraines et sur le marché interbancaire – une volatilité et une fébrilité, caractéristiques qu’en d’autres temps, M. Greenspan aurait probablement qualifiées « d’exubérance irrationnelle ». Ces mouvements ont culminé entre le 3 et le 7 mai, semaine pendant laquelle la bourse a perdu 11 %, tandis que des tensions – qui toutefois n’avaient pas l’ampleur et la brutalité de celles observées immédiatement avant et après la faillite de Lehman Brothers – se manifestaient sur le marché interbancaire. Par ailleurs, les spreads des taux d’intérêts mesurant le rendement des emprunts sollicités par les États de la zone euro ont augmenté de façon considérable, notamment s’agissant des États du Sud de la zone : Grèce, Portugal, Espagne. Ainsi, en Grèce, le spread des taux des emprunts à dix ans par rapport à celui des emprunts de l’Allemagne a dépassé les 1 200 points de base, ce qui est considérable.

Une telle situation justifiait que soient réunis les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro, une initiative inhabituelle – une telle réunion n’avait eu lieu qu’au moment de la crise financière – et non prévue par les traités. Cette réunion s’est tenue le 7 mai et a donné lieu à un accord politique en faveur de la stabilité et de l’unicité de la zone. La demande a été faite à la Commission et aux vingt-sept ministres de l’économie de l’Union européenne de mettre en place les mécanismes appropriés pour répondre à l’évolution des marchés.

Notons que cette évolution ne se résume pas à des mouvements de spéculation. Il est facile de s’en prendre aux spéculateurs, et on a raison de le faire – la France est d’ailleurs loin d’être la moins active en matière de régulation financière –, mais, si on analyse de façon objective les mouvements effectués entre le 3 et le 7 mai, ceux-ci n’avaient rien de spéculatif. Il s’agissait en fait de mouvements de retrait, effectués par des gérants de fonds très importants – banques, compagnies d’assurance – au vu de la situation des pays européens, notamment des plus fragiles d’entre eux.

En se fondant sur l’article 122-2 du traité instituant la Communauté européenne, la Commission a proposé, dans la nuit du 9 mai, de mettre en place, sur le modèle du fonds d’aide à la balance des paiements dont avait bénéficié la Hongrie, un mécanisme communautaire de soutien. Toutefois, celui-ci, avec une capacité de 60 milliards d’euros, ne constituait pas une réponse suffisamment forte aux inquiétudes des marchés. Une structure intergouvernementale, le Fonds européen de stabilité financière, le FESF, a donc été créée en dehors des institutions communautaires. Limité aux seize États membres de l’Union européenne ayant adopté l’euro, il est doté d’une capacité d’emprunt de 440 milliards, ce qui représente donc un total de 500 milliards avec les 60 milliards de l’instrument communautaire. Par ailleurs, le Fonds monétaire international s’est engagé à apporter en complément 50 % de toute somme qui serait engagée.

Le FESF fonctionne un peu comme la SFEF, la Société de financement de l’économie française, que nous avons créée ensemble et qui a permis aux banques de se refinancer aux pires moments de la crise financière. Dans la mesure où le gestionnaire choisi est la Banque européenne d’investissements, basée à Luxembourg, le FESF est une institution de droit luxembourgeois, et non britannique comme l’était la structure intergouvernementale concernant les prêts grecs. Un représentant de chacun des 16 États membres de la zone euro siégera à son conseil d’administration. Bien que d’autres pays comme la Suède et la Pologne aient manifesté leur volonté de participer à des opérations spécifiques, il nous a paru plus simple de limiter son périmètre aux pays de la zone euro.

L’article 3 du projet de loi de loi de finances rectificative prévoit donc l’octroi par la France de sa garantie au Fonds européen de stabilité financière. Sa quote-part correspond à la part qu’elle détient dans le capital de la BCE et s’élève donc à 20,37 % – elle était de 20,97 % lorsque la Grèce n’était pas incluse dans le mécanisme. Elle sera majorée de 20 % afin de prévoir l’hypothèse dans laquelle le fonds serait mobilisé en faveur d’un État membre défaillant, lequel, par définition, ne pourrait lui-même apporter sa garantie. Compte tenu de cet apport supplémentaire, cette quote-part sera donc de 111 milliards d’euros et non de 90 milliards.

La garantie, dans l’hypothèse où elle serait utilisée, serait bien évidemment rémunérée. La rémunération serait égale à la différence entre le coût du recours au marché rendu nécessaire par les besoins de financement de l’État en détresse et le taux d’intérêt consenti par le Fonds monétaire international. Par ailleurs, en contrepartie de son octroi, des conditionnalités – consolidation budgétaire, réformes structure – seraient demandées à l’État concerné.

Lors de la réunion du G20 à Londres, il avait été décidé d’augmenter de 500 milliards de dollars la capacité de financement du Fonds monétaire international. L’article 4 permet donc à la France de remplir ses obligations à l’égard de l’institution financière en apportant une contribution additionnelle à hauteur de 18,7 milliards de DTS, soit 21 milliards d’euros. Il nous a paru cohérent d’inclure cette disposition dans le projet de loi de finances rectificative dans la mesure où toute activation du Fonds européen impliquerait la participation du FMI, dont les capacités de financement dépendent des droits de tirage spéciaux des États. Bien entendu, nous espérons que son intervention ne sera jamais requise : tel est le sens des engagements pris par les pays de la zone euro, qu’il s’agisse de consolidation budgétaire, de réformes structurelles ou de mesures de soutien à une croissance intelligente.

Vous avez évoqué l’instabilité des marchés. La nuit dernière, la BaFin
– équivalent allemand de l’Autorité des marchés financiers – a décidé d’interdire la vente à découvert de certaines actions financières, une mesure que la France applique sans discontinuité depuis le mois de septembre 2008. Mais – et cela me surprend – l’Allemagne a également décidé, sans prévenir les pays de la zone euro, d’interdire la vente à découvert sur les titres souverains de ces pays et sur les CDS des mêmes titres. Cela pose un vrai problème en termes de liquidité, car ils sont échangés en particulier sur le marché allemand. Une mesure aussi inhabituelle nous amène à nous interroger. J’ai donc suggéré à Jean-Pierre Jouyet d’inviter le CESR, le comité européen des régulateurs de marchés, à se réunir rapidement afin d’évaluer la pertinence de cette initiative, quitte à en demander la généralisation dans le cas où ces titres et leurs CDS se révéleraient gravement menacés.

J’en viens à l’information croisée au sujet des budgets nationaux. Hier, devant le conseil ECOFIN, j’ai rappelé à nouveau le caractère souverain et prioritaire du Parlement pour ce qui concerne l’examen et le vote du budget, dans sa partie « recettes » comme dans sa partie « dépenses ». Pour autant, ce principe intangible n’exclut pas que les pays avec lesquels nous partageons une même monnaie et la Commission puissent examiner l’ensemble des grandes lignes budgétaires, afin d’en vérifier la cohérence avec le pacte de stabilité et de croissance, mais aussi avec les autres budgets nationaux – car ce qui se décide dans un pays intéresse également les autres. Cette information croisée est nécessaire, et elle ne remet pas du tout en cause la souveraineté du Parlement. De même, je souhaite que les deux assemblées – ou tout au moins leurs commissions des finances – s’approprient le pacte de stabilité et de croissance. Si nous voulons assurer une meilleure convergence sur le plan économique et sur le plan budgétaire, ce pacte doit faire partie des documents de référence.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Je précise que ce projet de loi de finances rectificative n’a aucune conséquence sur le déficit budgétaire de 2010 dans la mesure où il s’agit d’une garantie qui n’impacte ni les dépenses, ni les recettes de l’État. Le solde budgétaire reste donc celui inscrit dans le collectif adopté il y a quelques jours, soit un déficit de 152 milliards d’euros. Toutefois, l’application de la LOLF nous impose de passer par une loi de finances. Ainsi, une transparence totale sera assurée pour ce qui concerne les engagements de l’État.

Par ailleurs, il nous est apparu plus cohérent politiquement, plus sincère à l’égard du Parlement et plus lourd symboliquement de présenter conjointement le plan de soutien à la zone euro et le renforcement des ressources du Fonds monétaire international.

Compte tenu de ma forte culture parlementaire, j’ai personnellement accueilli avec beaucoup d’intérêt et de bonheur la position commune que vous avez prise, Gille Carrez et vous-même, monsieur le président, concernant le rôle du Parlement dans l’examen du programme de stabilité. À l’heure où les contours et les modalités du pacte de stabilité et de croissance sont sur le point d’être redéfinies, il serait inconcevable que le Parlement ne soit pas associé à chacune des étapes de l’évolution des engagements français. En matière de finances publiques en général – qu’il s’agisse des discussions que nous aurons dans le cadre de la conférence des finances publiques ou de la loi de finances pour 2011 –, plus le Parlement intervient, plus les commissions des finances sont impliquées, et plus forte est la voix de la France et plus marquée sa cohérence. Or la cohérence est un élément indiscutable de nature à stabiliser les différents acteurs de l’économie.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quel que soit le nom du dispositif mis en place le 9 mai – Fonds européen de garantie financière, special purpose vehicle, société européenne de stabilisation –, comment celui-ci va-t-il fonctionner ? Si j’ai bien compris, les pays participants seraient ceux de la zone euro, ainsi que la Pologne et la Suède. Seront-ils actionnaires de la société ? L’unanimité du conseil d’administration sera-t-elle nécessaire pour prendre une décision ? Les décisions devront-elles faire l’objet d’une validation à l’échelle nationale ? D’une manière générale, ce système reprend-il les modalités du mécanisme d’aide à la Grèce ?

La semaine dernière, vous avez évoqué la mise en place de dispositifs pérennes. Comment concilier cette exigence avec la durée de vie du fonds de garantie, qui n’est que de trois ans ?

J’ai lu dans la presse que des points de désaccord subsistaient autour du fonctionnement de ce fonds. Sur quoi portent-ils ?

Par ailleurs, l’articulation, dans le projet de loi, de la contribution de la France au fonds de garantie financière de la zone euro et de l’augmentation de sa participation au FMI me paraît tout à fait justifiée.

L’hypothèse d’un droit de regard de la Commission sur les finances publiques des différents pays – en particulier ceux de la zone euro –, m’amène à formuler une proposition. Nous avons adopté le 9 février 2009 la loi de programmation prévue par la Constitution depuis la révision constitutionnelle de 2008. Or elle comporte des différences substantielles avec le programme de stabilité que nous avons envoyé début 2010, en particulier sur un point essentiel, celui de la protection de l’évolution des recettes. Ainsi, l’objectif de réduire de 6 milliards d’euros les exonérations liées aux niches fiscales figure dans le programme de stabilité, mais pas dans la loi de programmation. Le temps n’est-il pas venu de prendre en compte au plan national – peut-être dans le cadre de la loi de programmation – les informations que nous envoyons à Bruxelles ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Il s’agit en effet d’un sujet sur lequel nous sommes, avec Gilles Carrez, en plein accord. L’évolution qu’il suggère, et qui peut se faire à droit constant, nous semble nécessaire si nous voulons mettre fin à une situation qui, aujourd’hui, n’est satisfaisante pour personne, ni pour le pouvoir exécutif, ni pour le pouvoir législatif. Au début de cette année, en effet, le Gouvernement a transmis aux autorités communautaires un programme de stabilité d’une portée très lourde, puisqu’il prévoit une réduction considérable de la dépense publique ainsi qu’une augmentation de 40 milliards d’euros – soit deux points de PIB – des prélèvements obligatoires. Or à aucun moment le Parlement n’en a été informé, ni a fortiori n’a eu à se prononcer, en commission comme en séance, sur ce document.

M. Gilles Carrez. Mon intention n’était pas de critiquer le Gouvernement, car il en a toujours été ainsi.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je n’exprime aucun reproche : je me borne à constater que la situation n’est pas satisfaisante, même si elle n’est effectivement pas nouvelle. Si, grâce à une démarche transpartisane, nous parvenons à établir une meilleure transparence, ce sera déjà un progrès. Et si cette transparence rend plus crédibles les informations que nous envoyons aux autorités communautaires et à nos partenaires, nous ne pourrons qu’en tirer profit.

Mme le ministre. Une partie des débats qui ont eu lieu dans la soirée de lundi a été consacrée au fonctionnement du Fonds européen de stabilité financière. Il fallait tenir compte des procédures parlementaires applicables à chacun des États, et surtout du fait que certains pays – l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche – avaient déjà pris l’initiative de se présenter devant leur parlement sans même connaître les contours précis du dispositif. Celui-ci ne concerne que les États membres de la zone euro. Il n’inclut pas les États non-membres qui, tels la Suède et la Pologne, avaient manifesté leur volonté de prendre part à des mesures de soutien au cas par cas, car nous avons jugé qu’un fonctionnement « à la carte » aurait été trop compliqué. Le conseil d’administration comprend donc seize membres, soit un représentant par État. L’activation du mécanisme de soutien et l’appréciation des conditionnalités – lesquelles sont négociées, comme dans le cas de la Grèce, par la Commission après avis de la Banque centrale européenne et du FMI – sont des décisions requérant l’unanimité.

Bien entendu, instituer une telle règle, c’est prendre le risque que l’opposition d’un État ne conduise à mettre en cause le fonctionnement du mécanisme. Mais dans ce cas, le conseil d’administration pourrait prendre une résolution pour resserrer le dispositif autour de quatorze ou quinze membres. Le choix de l’unanimité s’explique par une volonté de manifester le caractère collectif et politique de la décision.

Certains commentateurs de la presse économique ont affirmé que des désaccords patents existaient entre la France et l’Allemagne, nécessitant la médiation de Jean-Claude Juncker. Ce sont des fadaises. Nous avons travaillé ensemble et nous avons trouvé des solutions. Quand je souhaite parler avec Wolfang Schaüble, je n’ai pas besoin d’intermédiaire. Le seul problème qui s’est posé, compte tenu de la façon dont le projet de loi de finances rectificative allemand avait été libellé, est celui du quantum de la garantie de chacun des États membres au moment de l’activation du mécanisme – d’où la décision de majorer de 20 % la garantie de chacun des États. La garantie individuelle de chaque État membre dans le Fonds européen de stabilisation financière est donc plafonnée à hauteur de 120 % de la part détenue dans le capital de la BCE. Elle n’est pas conjointe et solidaire.

Le FESF a été créé pour trois ans, mais cela ne signifie pas que les prêts et les garanties ne sont émis que pour cette durée. Les règles de fonctionnement ont été calquées sur le mécanisme de soutien à la Grèce : les prêts sont émis pour une durée de cinq ans, comprenant une période de grâce de trois années pendant lesquelles aucun remboursement n’est appelé. Ainsi, des prêts émis au dernier jour de fonctionnement du Fonds européen seraient remboursés au plus tard en juin 2018.

Le FESF n’a donc pas été conçu comme un instrument pérenne. Pour autant, rien ne nous empêche de profiter de la réunion convoquée vendredi après-midi à Bruxelles par M. Van Rompuy pour réfléchir à l’institution – de préférence à traité constant – d’instruments de gouvernance économique, voire d’un mécanisme pérenne de garantie financière, en particulier au sein de la zone euro.

M. le rapporteur général. La Grèce est donc intégrée au Fonds européen de stabilisation financière ?

Mme le ministre. Oui.

M. le ministre. En ce qui concerne votre suggestion, monsieur le rapporteur général, j’y suis tout à fait favorable. Je ne suis ministre du budget que depuis deux mois, mais j’ai conscience que la logique de transparence et la sincérité du message délivré par le Gouvernement sont des facteurs profonds et durables d’efficacité dans ce contexte très instable. En effet, les interrogations sincères des acteurs économiques jouent tout autant un rôle que la spéculation dans les turbulences que connaissent les marchés financiers.

Nous avons déjà un rendez-vous, celui du débat d’orientation des finances publiques, prévu au mois de juin. Je ne peux prendre aucun engagement à ce stade, mais je crois comprendre que vous ne voulez pas d’une discussion à la sauvette, un lundi après-midi, au détour d’une loi de règlement. Compte tenu de la situation préoccupante des finances publiques, il convient en effet de donner plus d’importance à ces enjeux. On pourrait donc envisager de prendre le temps nécessaire, dès la fin du mois de juin, pour examiner les engagements que nous avons pris sur trois ans, les perspectives sur lesquelles nous travaillons, les estimations, les documents adressés à la Commission, etc. De toute façon, nous vous transmettrons ces informations : les engagements du Gouvernement sont connus de tous, il n’y a rien à cacher, tout est sur la table. Mais je ne verrais que des avantages à ce que l’hémicycle serve de caisse de résonance.

Nous n’avons pas besoin de modifier les traités, ni même la loi. Simplement, en posant en commun cet acte politique, nous créerions un précédent sur lequel il serait très difficile pour un gouvernement, quel qu’il soit, de revenir. Et nous franchirions ainsi une étape qui n’est pas négligeable.

Mme le ministre. J’ai par ailleurs le souvenir d’avoir envoyé aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions des finances des deux chambres le programme de stabilité et de croissance au moment même où nous l’adressions à la Commission. Il n’en demeure pas moins, toutefois, que le Parlement n’a, jusqu’à présent, jamais été consulté en tant que tel à propos de ce document.

Quant à l’augmentation du produit des prélèvements obligatoires à laquelle vous avez fait allusion, monsieur le président, elle s’explique évidemment par les prévisions de croissance et donc par une augmentation de l’assiette. Il n’agit pas de créer de nouveaux prélèvements.

M. le président Jérôme Cahuzac. J’en prends acte. Pour les collègues qui n’auraient pas suivi cette affaire en détail, je rappelle en effet que le Gouvernement a retenu une hypothèse de croissance de 2,5 % en 2011 et en 2012, ainsi qu’une hypothèse d’élasticité des recettes à la croissance équivalant à 2 pour l’impôt sur les sociétés. Je laisse chaque commissaire des finances juge de la vraisemblance de ces prévisions : pour ma part, en tant que président de la Commission des finances, je m’abstiendrai de porter une appréciation.

M. Pierre-Alain Muet. Les crises n’ont qu’un seul effet positif : elles conduisent à des évolutions qui paraissaient auparavant impossibles. C’est ainsi que l’on a pu enfin concrétiser ce que l’on n’était jamais parvenu à mettre en place jusqu’à présent, un fonds de stabilisation destiné à soutenir un État en difficulté. Le Parti socialiste européen l’appelait depuis longtemps de ses vœux, de même que le Parti socialiste en France. Et on ne peut qu’approuver la décision prise par la Banque centrale européenne de faire ce que font toutes les banques centrales, c’est-à-dire acheter des titres publics sur le marché secondaire.

Mais la mise en œuvre de tous ces mécanismes ne devrait pas cesser lorsque l’économie reprendra un cours normal. Si nous voulons tirer l’enseignement de la crise et éviter qu’elle ne se reproduise, il convient de modifier la régulation et de faire en sorte que les mesures prises en urgence soient pérennisées. Ainsi, la durée de vie du Fonds européen de stabilisation pourrait être prolongée dans le cadre d’une coopération renforcée – une expression que l’on n’emploie plus guère en Europe – entre pays volontaires, en particulier ceux de la zone euro. Cela permettrait de mieux réagir en situation de crise, sans attendre quatre mois pour intervenir.

J’en viens à la question du droit de regard de la Commission. Il est évident que dans toute union monétaire, une coordination des politiques économiques est nécessaire. Pour effectuer un dosage macroéconomique entre politiques monétaires et politiques budgétaires à l’échelle européenne, un échange entre les ministres des États membres est indispensable. Mais cela ne signifie pas que la Commission puisse se mêler de ce qui ne la concerne pas en examinant le détail des budgets. Ce qui compte, à l’échelle de l’Union, c’est de pouvoir apprécier le caractère restrictif ou au contraire la capacité d’impulsion d’une politique budgétaire.

À cet égard, ma crainte est que les politiques d’austérité mises en place partout en Europe ne conduisent à casser la croissance – un effet que ne pourrait pas compenser une politique monétaire expansionniste –, au point de renvoyer la reprise à plus tard. C’est d’ailleurs l’analyse que font les marchés, dont la seule rationalité consiste à essayer d’anticiper ce que tout le monde va penser : après s’être inquiétés des déficits, ils s’alarment désormais des politiques d’austérité et de leurs conséquences sur la croissance en Europe. Ainsi, en croyant répondre à une inquiétude, on finit par en susciter d’autres.

Pouvez-vous nous préciser, madame le ministre, ce que représentent précisément les ventes à découvert sur les actions financières ? Pour ma part, il me paraît nécessaire d’en remettre en cause le principe même. En effet, cette technique a été inventée à une époque, il y a vingt ou trente ans, où la majorité des économistes pensaient que la spéculation était stabilisatrice, qu’elle tendait à limiter les écarts et à ramener l’économie vers l’équilibre. Aujourd’hui, aucun économiste n’affirmerait une chose pareille : tous reconnaissent que la spéculation est par nature déstabilisatrice. Or les ventes à découvert permettent de spéculer à partir de rien, de surcroît dans des temps extrêmement brefs, sur le moindre petit écart de marché, avec des résultats qui peuvent s’avérer catastrophiques.

En ce qui concerne les prélèvements obligatoires, l’explication selon laquelle l’élasticité entraînerait spontanément leur augmentation ne me paraît pas réaliste. Une augmentation de deux points de PIB signifie que le Gouvernement, sans l’avouer, tient compte d’une future augmentation des impôts dans les documents qu’il transmet à la Commission européenne. L’importance de ces documents justifie donc qu’ils fassent l’objet d’un vrai débat au sein de notre assemblée, même si cela n’a jamais été le cas jusqu’à présent.

M. Charles de Courson. Un grand nombre de dispositions du programme de stabilité 2010-2013 devraient faire l’objet d’un vote au sein du Parlement. Ce document prévoit par exemple que les dépenses fiscales et les exonérations de charges sociales devront diminuer chaque année de 2 milliards d’euros – un montant modifié moins d’un mois après par le Premier ministre. De même, le tableau décrivant la situation financière des administrations publiques indique que le taux de prélèvements obligatoires va passer de 41 à 43 % du PIB, la plus grande part de cette augmentation de recettes provenant des impôts courants sur le revenu du patrimoine et des impôts sur la production et l’importation – c’est-à-dire de la TVA. De telles prévisions ne peuvent s’expliquer uniquement par l’effet d’assiette. Il est vrai qu’il suffit de ne pas réévaluer le barème pour obtenir de façon mécanique des recettes beaucoup plus importantes, de l’ordre de 23 milliards d’euros en trois ans. Mais ce qui importe, c’est que le programme de stabilité comporte de nombreux choix implicites qui devraient relever de la représentation nationale. Il conviendrait donc de soumettre ce document au Parlement et de le prendre en compte dans l’élaboration de la loi de programmation. Le problème ne se limite pas à la question du respect du Parlement ; il est constitutionnel, dans la mesure où le Gouvernement ne devrait pas pouvoir, sans l’accord de ce dernier, s’engager sur de tels chiffres auprès de la Commission.

Ce même tableau prévoit une réduction de 3 % en trois ans des dépenses des administrations publiques. Cette réduction serait obtenue à hauteur de 1,4 % par des mesures touchant à la rémunération des salariés et aux consommations intermédiaires, c’est-à-dire à la fonction publique, et à hauteur de 0,8 % par une diminution des prestations sociales en espèces. Tout cela représente un effort énorme et mérite donc un vrai débat.

J’observe par ailleurs que nos procédures budgétaires ne sont plus adaptées. Alors qu’il faut au mieux trois semaines pour adopter une loi de finances rectificative comprenant trois articles, le Gouvernement est obligé de déposer des amendements pour tenter de s’adapter à l’évolution du marché. Ne faudrait-il pas lui donner la possibilité d’agir par délégation, peut-être par voie d’ordonnances ? Le drame, c’est que la réaction des marchés est immédiate : à l’instant même ou le texte du collectif sera rendu public, vous serez interviewée, madame le ministre, et les marchés réagiront. Or, face à des marchés qui évoluent en une fraction de seconde, nous faisons figure de pachydermes. Nous avons besoin d’outils de décision rapide.

Mais le plus grave, c’est que les événements de ces dernières semaines conduisent à un affaiblissement de la construction européenne. Dans l’urgence, les membres de l’Union sont contraints de revenir à une approche intergouvernementale dont la géométrie est de plus en plus variable. Quant aux institutions de l’Union, on n’en parle même plus. Il existe, paraît-il, un président de l’Union européenne, et un président de la Commission, mais on a l’impression que les ministres se contentent de les transporter dans leurs valises. Un tel système de gouvernance ne peut pas perdurer.

Vous nous avez indiqué que l’engagement des garanties impliquait l’unanimité des seize. Que se passera-t-il si l’un des membres de l’Eurogroupe refuse : y aura-t-il blocage, ou est-il possible de passer outre ? Qu’en est-il de la rémunération des garanties ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Mme le ministre a déjà répondu à ces questions.

M. Charles de Courson. Au fond, ce à quoi nous assistons depuis quelques mois, c’est à l’européanisation de la dette publique. S’il ne s’agit que d’une phase transitoire, dans l’attente d’une réduction rapide des déficits, on peut l’accepter. Mais, inéluctablement, le jour viendra où il sera nécessaire de rééchelonner la dette des États concernés – y compris, éventuellement, celle de la France. Pourquoi s’obstiner à le nier ? Pourquoi faire payer la note aux peuples, à travers leurs impôts, plutôt que d’impliquer les banques ? Cette politique n’est pas tenable.

En ce qui concerne la vente à découvert, j’avais proposé au Président de la République, au début de la crise, non seulement de l’interdire, mais d’imposer un dépôt de garantie significatif, de l’ordre de 5 à 10 %. Aujourd’hui, une telle garantie n’est pas obligatoire. Êtes-vous prêts à vous battre pour l’instituer au niveau communautaire ?

M. Jean-Pierre Brard. « Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise : depuis que je suis petit, c’est comme ça », disait Coluche. Mais justement, ce n’est plus comme ça. La crise, nous sommes en plein dedans, parce que votre système ne fonctionne plus. Les contradictions arrivent à maturité, et il faudra bien que quelque chose change. En cela, la crise est positive.

Tout à l’heure, sur un autre sujet, François Baroin disait vouloir éviter un débat à la sauvette, un lundi après-midi. Or l’examen du projet de loi de finances rectificative est justement prévu un lundi après-midi ! Cela montre en quelle estime est tenu le Parlement.

À entendre vos propos, madame le ministre, on comprend – et là se situe la ligne de partage entre nous – que vous ne vous déterminez que par rapport aux marchés. Dès lors, je ne vois pas comment vous pourrez vous en sortir : la descente aux enfers vous est promise.

Dans la création de ce Fonds européen de soutien, on reconnaît d’ailleurs votre patte. Comme pour la SFEF, vous faites le pari que les droits de tirage accordés ne seront finalement pas exercés. Mais qui vous dit qu’il en sera ainsi ? Selon François Baroin, la création du Fonds européen n’aura pas d’incidence sur la dette française ni sur le déficit, mais cela n’est vrai que si votre pari tient la route. Dans le cas contraire, quelles seront les conséquences ? Que représentent ces 750 milliards d’euros par rapport aux enjeux réels ?

Vous avez été surprise, madame le ministre, de la position allemande. Votre homologue, Wolfgang Schäuble, a oublié de vous prévenir : quelle conclusion tirez-vous de cette mauvaise manière ?

Je reviendrai par ailleurs dans l’hémicycle sur l’affaire des réparations dues par l’Allemagne à la Grèce, puisque la chancelière a déclaré, en substance, que son pays ne s’estimait pas obligé d’acquitter une dette aussi ancienne. Or le Gouvernement français a un devoir de solidarité morale vis-à-vis des Grecs.

J’en viens au fond du sujet qui nous occupe. Que répondez-vous, madame le ministre, à ceux qui craignent que la multiplication des plans d’austérité ne conduise à une récession durable, alors qu’une reprise de la croissance est nécessaire ?

Par ailleurs, quelle est la position du grand ami du Président de la République, Barack Obama ? Il paraît que vous lui téléphonez beaucoup : pouvez-vous nous en dire plus sur ces conversations ?

Enfin, une question annexe : le Gouvernement français verse des émoluments aux agences de notation, mais selon Les Échos, la somme précise n’est pas connue. Pourriez-vous nous mettre dans la confidence ?

M. Henri Emmanuelli. En ces temps d’instabilité financière chronique, il convient certainement de mesurer les expressions utilisées ici.

Sur le fond, j’ai le sentiment que la situation que nous connaissons actuellement va durer un certain temps.

J’observe par ailleurs que la démarche intergouvernementale est devenue inévitable dès lors que l’on a eu l’idée géniale de porter à vingt-sept le nombre de membres de l’Union européenne dans les conditions où on l’a fait. Peut-être aurait-il fallu faire preuve de moins d’enthousiasme à l’égard de l’élargissement. Je ne vois plus très bien comment on peut travailler aujourd’hui à vingt-sept.

Quoi qu’il en soit, il y a, à propos de la création du Fonds européen de stabilité, quelque chose que je ne comprends pas. On sait que les marchés sont particulièrement instables, et que la rationalité n’est pas leur caractéristique majeure. Dès lors, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ? Pourquoi le FESF n’a-t-il qu’une durée de vie limitée ? Pourquoi cette règle de l’unanimité ? Certes, je peux comprendre le fait que la garantie ne soit ni conjointe ni solidaire, mais il n’en demeure pas moins qu’un tel choix affaiblit le dispositif.

On sait que la spéculation s’engouffre dans la moindre ouverture. Toute conditionnalité, toute hésitation est une porte qu’on lui ouvre. Alors, autant aller jusqu’au bout afin de tenir la spéculation à distance. Quant à la Grèce, on a parlé des missions d’inspection. Mais que se passera-t-il si on s’aperçoit que le pays ne remplit pas ses engagements ?

M. Olivier Carré. J’ignore si les précédents programmes de stabilité avaient anticipé la chute des prélèvements obligatoires que révèle l’analyse de nos comptes. Aujourd’hui, c’est à un mouvement inverse que nous assistons, pour des raisons déjà indiquées. Tout cela n’est qu’une question d’arithmétique.

La Grèce a bénéficié récemment d’un versement de 21 milliards d’euros. On a évoqué les modes de décision, qui ne sont pas toujours très simples. Pourriez-vous en dire plus sur la chaîne de financement – qui a décaissé quoi, en faveur de qui, etc. ?

L’action des pays européens s’apparente à un plan de sortie de crise appliqué de manière forcée. Or la Commission a été appelée à réfléchir au sujet d’une politique de soutien de la croissance à l’échelle européenne. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?

Enfin, on sait que le Président de la République a voulu porter à plusieurs reprises l’idée d’un gouvernement européen, mais qu’il s’est heurté au refus de certains de nos partenaires. La France a-t-elle un dessein en la matière, qui l’amènerait à privilégier telle ou telle structure décisionnaire ?

M. Nicolas Perruchot. L’absence de cohérence au plan européen, déjà manifeste au début de la crise, est de plus en plus criante. Si, à cet égard, le Fonds de soutien peut être considéré comme un élément de réponse, pourquoi n’existe-t-il aucune consolidation budgétaire au niveau communautaire ? Cela manque cruellement. Dans le cas d’une entreprise dotée de filiales, cette consolidation est toujours effectuée au niveau comptable, ce qui permet de connaître à chaque instant la situation financière. Mais au sein de l’Union européenne, même lorsque les pays parviennent à mettre en place des instruments communs, chacun finit par repartir avec sa dette et ses déficits.

Sans une telle consolidation, non seulement le ver est dans le fruit, mais les fonds de soutien risquent de devenir des trappes à besoins de financements publics. Dans ces conditions, représentent-ils vraiment une solution capable, à terme, de nous faire retrouver le chemin de la croissance ?

Par ailleurs, si la chute du cours de l’euro a inquiété par l’ampleur et la brutalité des attaques qui lui ont été portées, l’augmentation prévisible du cours du pétrole et des matières premières ne risque-t-elle pas d’annihiler les effets positifs de la baisse de la monnaie unique ?

Mme le ministre. Monsieur Muet, je suis d’accord avec vous sur de nombreux points, mais pas avec votre appréciation selon laquelle notre économie n’aurait pas la faculté de retrouver une croissance de deux points et demi après une période de chute brutale. En 1993, déjà, nous avions connu une telle chute de la croissance…

M. Henri Emmanuelli. Seulement une croissance nulle.

Mme le ministre. Non : il s’agissait d’une période de récession, suivie par une croissance forte.

Vous m’avez interrogé sur les sociétés financières faisant l’objet, depuis septembre 2008, d’une interdiction complète de vente à découvert. Je peux vous citer : Allianz, April, Axa, BNP Paribas, CIC, CNP Assurances, Crédit Agricole, Dexia, Euler Hermès, HSBC, Natixis, NYSE Euronext, Scor et Société Générale… Bref, toutes les grandes sociétés françaises du secteur sont concernées par cette interdiction.

M. Henri Emmanuelli. Vous parlez donc des titres des sociétés financières.

Mme le ministre. Oui.

M. de Courson suggère d’imposer un dépôt de garantie. Mais il existe déjà un mécanisme équivalent, sous la forme d’appels de marges. Il est vrai que ces versements ne sont probablement pas suffisants et qu’il conviendrait d’en relever le montant.

M. Henri Emmanuelli. L’effet levier est énorme.

Mme le ministre. C’est vrai.

J’en viens aux remarques sur l’affaiblissement de l’Europe et sur l’opportunité de constituer des mécanismes de consolidation des dettes et des déficits. Il est exact, tout d’abord, que la crise peut constituer une véritable opportunité de redessiner certaines de nos institutions, voire de les renforcer, à condition toutefois de garder les yeux bien ouverts sur les écarts entre les différentes situations. Songeons aux différences entre États de la zone euro : les signatures ne sont pas les mêmes, les politiques économiques suivent des modèles complètement différents, la taille des économies est très variable… Ce manque de convergence, sur le plan économique et budgétaire, constitue un obstacle à la poursuite et à l’approfondissement de la construction européenne que pour ma part j’appelle de mes vœux. J’espère donc que la crise sera l’occasion de parvenir à une meilleure convergence.

J’en viens aux circuits de financement. La Grèce connaît aujourd’hui une tombée de dette de 10 milliards d’euros. Elle a reçu hier, de la part de dix États sur les seize concernés, un prêt de 14,3 milliards d’euros, auquel la France a apporté son concours à hauteur de 3,3 milliards d’euros – l’agence France trésor a bien actionné le mécanisme. Quant au Fonds monétaire international, il a transféré, le 15 mai, 5 milliards d’euros via la Banque centrale de Grèce. Le dispositif a donc fonctionné, même si sa mise en place avait été laborieuse. Quant à la BCE, c’est elle qui effectue les virements au bénéfice de la banque centrale grecque.

Vous avez raison, monsieur de Courson, de souligner le décalage entre le temps démocratique et celui des marchés. Résister à ces derniers implique en effet de réagir rapidement. Pour autant, faut-il adopter leur précipitation et leur réactivité permanente, ou se donner le temps d’une réflexion sereine pour prendre les décisions de fond ? La réflexion doit être poursuivie sur ce point. Peut-être faudrait-il se donner une plus grande marge de manœuvre dans certains domaines étroitement définis. Dans les moments les plus graves de la crise financière, nous avons ainsi travaillé en petit comité et de façon confidentielle, avec les présidents et les rapporteurs généraux des commissions des finances, ce qui nous a permis de suivre l’évolution de la situation et de nous assurer par exemple que la création de la SFEF et de la Société de prise de participation de l’État constituait une bonne réponse aux tensions observées sur le marché interbancaire. En revanche, il aura fallu deux ans pour que la proposition de la présidence française de l’Union européenne d’enregistrer et de contrôler les agences de notation ne se traduise par l’entrée en vigueur d’un règlement européen sur ce thème. La question se pose dans les mêmes termes pour les fonds alternatifs et pour toute une série de mesures de régulation financière.

Vous avez évoqué la règle de l’unanimité au sein du conseil d’administration du Fonds européen, la question de la pérennité du dispositif, le caractère non conjoint et non solidaire de la garantie. Ces limites étaient nécessaires, si nous voulions que chacun monte à bord. Mais nous n’aurons pas besoin de demander l’autorisation de chacun des parlements nationaux en cas d’activation du mécanisme de garantie.

Enfin, en ce qui concerne les agences de notation, vous pouvez être rassuré, monsieur Brard. Leurs services sont gratuits, tout au moins s’agissant des émissions de dette publique. Je ne paye pas ces agences.

M. Jean-Pierre Brard. Mais vous n’avez pas répondu à ma question sur les menaces de récession.

M. le ministre. Le plan que nous vous proposons est justement calibré pour répondre à deux exigences : d’une part, respecter nos engagements européens – même si je sais que vous êtes peu sensible à un tel langage – ; d’autre part, éviter les risques liés à une réduction brutale de la dépense publique, compte tenu du rôle que celle-ci joue dans le modèle économique français, lequel s’appuie fortement sur la croissance à travers la consommation. À cet égard, nous devons nous maintenir à un point d’équilibre et ne pas courir le risque de passer sous la ligne de flottaison. Tel est justement le sens du projet de loi de finances rectificative qui vous est présenté ainsi que des lettres de cadrage adressées au Gouvernement par le Premier ministre.

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DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa première séance du mercredi 26 mai 2010, la Commission examine le présent projet de loi.

M. le président Jérôme Cahuzac. Le projet de loi de finances rectificative que nous allons examiner entérine le mécanisme d’assistance aux pays de la zone euro. Il comporte quatre articles ; trois amendements vous seront soumis.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit, mes chers collègues, de la troisième loi de finances rectificative depuis le début de l’année, après celle de février autorisant l’emprunt national et celle de fin avril-début mai permettant d’apporter une aide à la Grèce.

Le présent texte est consacré, d’une part, à la garantie octroyée par l’État, dans le cadre du mécanisme de stabilisation de la zone euro, au véhicule ad hoc – il reste à préciser son statut juridique exact – qui sera chargé de son application, et, d’autre part, à la participation de notre pays à l’augmentation des moyens du Fonds monétaire international à hauteur de 500 milliards d’euros.

L’article 1er, qui n’a rien à voir avec le mécanisme de garantie, ratifie le décret instituant des redevances pour services rendus par la direction générale de l’aviation civile. En vertu de l’article 4 de la LOLF, ce type de décret doit être autorisé dans la plus prochaine loi de finances afférente à l’année concernée.

L’article 2 est l’article d’équilibre qui figure dans toute loi de finances, mais aucune modification n’est apportée ni à l’équilibre budgétaire, ni à la trésorerie puisqu’il s’agit d’un simple octroi de garantie.

L’article 3, le plus important, a trait à la mise en place, à la suite de l’accord conclu au sein du Conseil de l’Union européenne du 9 mai, d’un mécanisme de stabilisation par le biais d’un organisme qui serait, selon les informations données par le ministre, une société de droit luxembourgeois. Cette particularité, qui peut surprendre, s’explique par le fait que la gestion du dispositif sera assurée par la Banque européenne d’investissement dont le siège est à Luxembourg. Ladite société bénéficierait de la garantie des seize États de la zone euro pour un montant de 440 milliards d’euros, en fonction de la quote-part de chacun dans le capital de la Banque centrale européenne. Compte tenu d’une marge de précaution de 20 %, l’engagement de la France atteint 111 milliards d’euros.

Le véhicule ad hoc pourrait intervenir de façon souple, premièrement, en prêtant directement les fonds qu’il a lui-même levés ; deuxièmement, en ouvrant des lignes de crédit ; troisièmement, en achetant des obligations des États en difficulté.

La garantie accordée pourrait faire l’objet d’une rémunération calculée par différence entre le coût des ressources obtenues et le taux des prêts consentis, qui serait aligné sur ceux du FMI.

Contrairement à ce qui a été dit, le véhicule ad hoc n’absorbera pas le mécanisme en faveur de la Grèce dans lequel ce sont les États qui ont prêté directement, d’où un impact de 16 milliards d’euros sur notre équilibre budgétaire.

L’article 4, enfin, traite de la participation de la France au FMI. Le G 20 de Londres avait décidé le 2 avril 2009 d’augmenter de 500 milliards d’euros la capacité de financement du FMI, ce qui représente pour la France la somme de 18 milliards d’euros.

Les deux premiers amendements que j’ai déposés sont rédactionnels.

Le troisième concerne les modalités d’information des commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat. En l’état du projet, le ministre informera les commissions quand l’État accordera sa garantie, non pas lorsqu’elle sera mise en jeu. Je vous propose donc de prévoir une information systématique du Parlement chaque fois que le véhicule ad hoc empruntera en bénéficiant de ladite garantie.

M. le président Jérôme Cahuzac. Pour information, j’indique que la Banque européenne d’investissement est présidée par M. Philippe Maystadt et qu’elle compte parmi ses vice-présidents M. Plutarchos Sakellaris, président du conseil des experts économiques du ministère grec de l’économie et des finances jusqu’en 2008…

La BEI, créée en 1958, est un organisme de droit public. La décision de la faire siéger à Luxembourg est le résultat de négociations entre membres fondateurs de la Communauté européenne. La BEI accorde des prêts considérables, individuels ou par l’intermédiaire d’autres banques ainsi que des prêts spécialisés. À ce sujet, je souhaiterais savoir si les banques françaises prennent des commissions lorsqu’elles servent de relais aux prêts de la BEI aux PME.

M. le rapporteur général. Parmi les vice-présidents, on compte tout de même un Français : Philippe de Fontaine Vive.

M. Hervé Mariton. La garantie accordée est-elle limitée dans le temps ?

M. le rapporteur général. À trois ans pour l’octroi de la garantie qui, elle, vaut pour la durée du prêt.

M. Hervé Mariton. Mais le prêt peut-il être renouvelé ? Autrement dit, existe-t-il un verrou ?

M. le rapporteur général. La garantie est liée à un prêt, lequel n’est pas rechargeable. Mais j’ignore quelle sera la durée des prêts.

M. le président Jérôme Cahuzac. Cinq ans, d’après ce que j’ai compris.

M. Hervé Mariton. Sommes-nous à l’abri d’une logique d’adossement perpétuel ?

M. François Goulard. C’est un point capital.

M. le rapporteur général. Il faut faire le parallèle avec la Société de financement de l’économie française. Le véhicule est conçu pour permettre aux États de passer un cap difficile. Aussitôt qu’ils le pourront, ils retourneront sur les marchés.

M. le président Jérôme Cahuzac. Le ministre nous a indiqué que la garantie pourra être sollicitée par le véhicule ad hoc pendant trois ans et les prêts qu’elle couvrira seront de cinq ans.

M. Pierre-Alain Muet. Nous approuvons la création d’un mécanisme de stabilisation que nous appelions de nos vœux depuis longtemps puisqu’il faisait partie de la plate-forme des partis socialistes européens.

La question de la durée est cruciale car une union monétaire a besoin de ce type d’instrument. Il a fallu une crise pour comprendre qu’on avait besoin de mécanismes de solidarité. Ils ont vocation à être permanents mais à n’être actionnés qu’à titre transitoire.

Le niveau des taux d’intérêt est un enjeu essentiel. Pour qu’un pays puisse se désendetter, il faut lui offrir les taux les plus bas possible ; or, on se rapproche de ce qui a été fait pour la Grèce, soit 5 %.

Par ailleurs, il aurait été logique de suivre la démarche des coopérations renforcées prévues dans les traités, qui est adaptée à une union monétaire.

M. Charles de Courson. Comment en est-on arrivé à 750 milliards, soit les 250 milliards du FMI, plus les 60 milliards d’aide directe de la Commission et les 440 milliards prévus ?

Ce sera tout de même la première fois qu’on nous demande de voter une loi pour donner une garantie à un organisme qui n’existe pas ! On fait de plus en plus fort.

Le premier alinéa de l’article 3 offre la possibilité de garantir non seulement les outils permettant à une entité qui n’existe pas de se financer, mais aussi les prêts qu’elle accordera aux États. Pourquoi cette double garantie, traditionnelle quand il s’agit des ressources, mais nouvelle pour ce qui est des instruments que pourra utiliser cette entité ?

M. le rapporteur général serait-il choqué si nous fixions une durée maximale pour les prêts ? Arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt. Tous les États ne seront pas capables de rembourser et on s’oriente vers des emprunts perpétuels. Ce n’est d’ailleurs pas une nouveauté puisque le bilan de l’État en porte encore la trace : il s’agit d’emprunts remontant à la Première Guerre mondiale. Nous nous sommes lancés dans une fuite en avant permanente. Les États sont comme des entreprises, ils ont des capacités de remboursement limitées, en fonction de la chute de niveau de vie que les habitants peuvent supporter : regardez ce qui s’est passé après la Première Guerre mondiale quand on a voulu faire payer l’Allemagne au-delà d’un montant raisonnable. Le rééchelonnement est la seule solution. Sinon, on n’aidera pas les États. En trois ans, la Grèce ne pourra pas redresser ses finances publiques. Une limitation de la durée des prêts ne serait-elle pas un moyen d’éviter les emprunts perpétuels, pour lesquels le remboursement se limite aux intérêts ?

M. le rapporteur général. Les chefs d’État et de gouvernement et les ministres se sont mis d’accord sur le principe d’un mécanisme pérenne. Selon la déclaration qui a suivi le Conseil européen du 7 mai, « les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro sont disposés à mettre en place un cadre solide pour la gestion des crises dans le respect du principe de la responsabilité qui incombe aux États membres en matière budgétaire ». Les discussions se sont poursuivies et Mme Lagarde pourra nous en dire plus lundi.

Le dispositif n’est pas mis en place dans le cadre d’une coopération renforcée mais sur une base intergouvernementale.

Le véhicule ad hoc n’est pas créé mais il a fait l’objet d’un accord de principe. Dans un contexte national, nous serions plus exigeants. Nous poserons la question lundi au ministre.

Les États souhaitent la plus grande souplesse dans les modalités d’intervention. Aujourd'hui, on ne sait ni qui fera appel à ce mécanisme, ni quand, puisque la Grèce continuera de relever d’un régime spécifique. La pluralité des instruments – prêt direct, ligne de crédit, achat de titres d’État – est le gage de la souplesse. Il n’est pas question d’octroyer une double garantie mais le texte laisse ouverte une alternative compte tenu de l’inachèvement des négociations.

Pour ce qui est de la limitation des emprunts, ma réponse est négative. On ne peut pas introduire des rigidités dans un dispositif qui est actuellement en gestation.

M. Hervé Mariton. Pourquoi le terme « restructuration » est-il à ce point tabou ?

M. François Goulard. Comme celui de rigueur !

M. le rapporteur général. J’ai posé plusieurs fois la question, notamment à Christian Noyer. L’ensemble des administrations financières des États et la BCE estiment que la restructuration de la dette d’un des pays de la zone euro serait un cataclysme pour l’euro et contribuerait à son effondrement.

M. Charles de Courson. Pourquoi ?

M. le rapporteur général. Restructuration est synonyme d’allongement de dette, voire d’abandon de créance comme pour le Mexique dans les années quatre-vingt. Aujourd’hui, on n’en est pas là. Les experts parlent surtout de risques très élevés pour l’euro. Et peut-être pas seulement pour l’euro, pour les banques aussi.

M. le président Jérôme Cahuzac. Au cours d’une de ses auditions, Mme Lagarde a déclaré : « Le Fonds européen de stabilité financière a été créé pour trois ans, mais cela ne signifie pas que les prêts et les garanties ne sont émis que pour cette durée. Les règles de fonctionnement ont été calquées sur le mécanisme de soutien à la Grèce : les prêts sont émis pour une durée de cinq ans, comprenant une période de grâce de trois années pendant lesquelles aucun remboursement n’est appelé. Ainsi, des prêts émis au dernier jour de fonctionnement du Fonds européen seraient remboursés au plus tard en juin 2018. ». Voilà ce que nous pouvons dire pour l’instant.

M. François Goulard. Dans ce contexte très particulier, le Gouvernement ne peut pas être plus précis tant que la négociation n’a pas définitivement abouti. Mais la durée maximale des prêts consentis est un élément majeur pour apprécier la nature de la garantie que nous accordons. S’engager sur trois ans ou sur trente, ce n’est pas la même chose.

Je ne comprends pas non plus la hantise que suscite le terme « restructuration », lequel n’est pas synonyme d’abandon de créance. Au contraire, un plan d’amortissement adapté aux capacités de remboursement d’un pays peut être la garantie que les choses se passeront mieux qu’en maintenant le statu quo.

La situation est véritablement angoissante. Ce n’est pas la garantie apportée par les seize États de la zone euro qui compte ; la seule signature qui intéresse les opérateurs de marché, c’est celle de l’Allemagne ; ses réticences le prouvent. Le corollaire, ce sont des efforts dont nous n’avons pas pleinement pris la mesure. Et il n’y a aucune pudeur à avoir concernant la « rigueur » à laquelle nous sommes bel et bien condamnés. À défaut, nous ne rétablirons pas la situation de la zone ni la crédibilité financière des pays qui la composent.

M. Georges Ginesta. Monsieur le rapporteur général, que pensez-vous des ventes à découvert qui, en permettant de jouer en bourse sans détenir d’actions, amplifient la chute des cours ?

Ne faudrait-il pas mettre un terme au différend qui a opposé la semaine dernière la France à l’Allemagne et supprimer totalement les ventes à découvert ?

M. Jean-Claude Mathis. M. le rapporteur général considère, à juste titre compte tenu des nombreuses incertitudes qui subsistent, qu’il est indispensable d’informer régulièrement les commissions des finances de l’évolution du mécanisme. Certes, mais sous quelle forme ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Pour votre information, monsieur Ginesta, hier, lors de l’examen par notre commission du projet de loi de régulation bancaire et financière, des amendements qui allaient dans le sens que vous souhaitez ont été rejetés après l’avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement.

M. Michel Bouvard. Si je me réjouis que nous ayons suivi l’exemple allemand en plafonnant notre garantie, en l’occurrence à 111 milliards, je m’interroge sur la manière dont, au-delà des 60 premiers milliards, les tranches seraient débloquées et sur les modalités de notre information si la crise devait se poursuivre.

L’Union européenne s’est engagée à améliorer la gouvernance économique – la ministre l’a confirmé et l’exposé des motifs en fait mention – allant jusqu’à envisager le renforcement de « la surveillance économique et la coordination des politiques économiques ». Mais comment les Parlements nationaux seront-ils associés au processus ? Le sujet mérite réflexion puisqu’il touche à la construction des budgets annuels et dépasse désormais la simple transmission de documents à la Commission européenne.

Enfin, les quotes-parts ont été alignées sur celles de la BCE. Comment peut-on apprécier dans la durée la participation des banques centrales des pays les plus fragiles ? Qu’adviendra-t-il si plusieurs d’entre eux sont pris dans la tourmente ?

M. le rapporteur général. En ce qui concerne les modalités d’information, il faudra – car la question est importante – demander une audition du ministre chaque fois que le véhicule ad hoc sera sollicité, sous une forme ou sous une autre. Dès lors, le Parlement doit être associé étroitement au processus. Un échange de lettres ne saurait suffire. D’ailleurs, Mme Lagarde s’est montrée extrêmement disponible au cours des derniers mois.

La situation est grave, c’est vrai, mais on ne peut pas dire que la seule signature qui vaille soit celle de l’Allemagne. Le taux des OAT françaises à dix ans a, depuis un an, baissé de près de cinquante points de base. C’est considérable et cela prouve que la signature de la France reste très appréciée. Notre spread par rapport à l’Allemagne n’a pas bougé.

Pour ce qui est des ventes à découvert, je suis favorable à leur interdiction, ne serait-ce que par cohérence. Le groupe de travail Assemblée-Sénat sur la crise financière, créé il y a deux ans, a préconisé de les supprimer dès l’automne 2008, dans une note adressée au Président de la République. Il nous a été indiqué par la suite que ces opérations pouvaient servir à fluidifier le marché de la dette souveraine. Mon raisonnement pourra vous paraître primaire, mais il faut savoir faire preuve de bon sens. Le problème essentiel tient à la déconnexion plus marquée que jamais entre économie réelle et sphère financière. Or on aggrave encore le phénomène en autorisant des opérations qui n’ont aucun support et, partant, aucune réalité tangible. Des économistes ont calculé que le rapport entre l’économie physique et la finance allait désormais de un à plusieurs milliers.

Pourquoi la réaction de Mme Lagarde a-t-elle été en apparence négative ? Parce que, prise par la BaFin sans aucune concertation, au beau milieu de la nuit, la décision a créé des difficultés de financement à certains pays, et pas seulement au secteur privé. C’est le manque de coordination qui a été reproché à l’Allemagne. Il aurait manifestement fallu une coordination européenne.

S’agissant des 750 milliards d'euros, ils se décomposent de la façon suivante :

D’abord, 60 milliards d'euros – qui ne sont pas des garanties – s’imputent sur les fonds de l’Union européenne et peuvent être débloqués directement par la Commission européenne sur décision du Conseil. Les contributions des États au budget européen sont plafonnées à hauteur de 1,24 % de leur PIB. Les dépenses sont inférieures à ce prélèvement. Mesurée sur trois ans, la différence – appelée « marge sous plafond » – représente un montant maximal de 60 milliards d'euros. Ces 60 milliards peuvent être injectés directement pour aider un pays au titre de l’article 122-2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Le véhicule ad hoc – appuyé par une garantie pour lever les fonds sur les marchés – peut quant à lui apporter 440 milliards d'euros de financement pour consentir des prêts, des achats d’obligations, ou encore des avances ou lignes de crédit.

À ces montants s’ajoutent 250 milliards d'euros de prêts directs du FMI. En pratique, les 60 milliards d'euros seraient débloqués d’abord. Ensuite, en conséquence d’une exigence de l’Allemagne, imposée pour la première fois pour la Grèce, la mise en place des 440 et 250 milliards d'euros s’effectue conjointement : pas d’intervention de la zone euro sans accompagnement du FMI pour un tiers de l’aide.

Cela dit, le moment de l’intervention, le pays au profit duquel elle devra être effectuée, son montant nécessaire ne sont pas prévisibles ; il n’est pas possible de prévoir à l’avance par exemple le déblocage d’une tranche de 50 puis de 100 milliards d'euros.

En 2008, nous avons déjà voté une garantie de 360 milliards d'euros pour la Société de financement de l'économie française (SFEF).

Enfin, alors que nous savions que la SFEF allait immédiatement utiliser la garantie proposée – ce qu’elle a fait à hauteur de 77 milliards d'euros –, le mécanisme que nous examinons aujourd’hui est au contraire préventif : nous souhaitons ne pas devoir le mettre en œuvre.

M. Charles de Courson. Nos débats sont surréalistes : nous ne voulons pas affronter la réalité. Comment l’État grec pourra-t-il rembourser une dette représentant 120 % de son PIB ? Si la Grèce tient son plan de retour non pas à l’équilibre mais à un déficit limité à 3 % du PIB, elle va tangenter les 140 % ou 150 %. Comment rembourser une dette correspondant à un tel pourcentage de la richesse nationale ? Le capital d’emprunts conclus sur quinze ans devra être remboursé à hauteur de 6 % ou 7 % par an. C’est 10 % du PIB chaque année. En considérant que le budget de l’État grec correspond à 20 % du PIB de ce pays, c’est la moitié de celui-ci qui devra être consacrée au remboursement du capital – sans parler des intérêts. C’est impossible.

Comme je le répète sans cesse, la seule solution est donc non pas l’annulation – bien sûr – mais le rééchelonnement des dettes, à l’instar de ce qui a été fait pour l’Allemagne lors de son effondrement financier après la guerre de 1914-1918 – les Russes ayant, quant à eux, annulé leur dette. Sauf rééchelonnement sur vingt ou vingt-cinq ans, la charge est insupportable.

Selon Mme la ministre – si j’ai bien compris – les prêts mis en place en application du nouveau dispositif pourraient être de cinq ans, dont trois de différé. C’est insoutenable ! Comment la Grèce pourra-elle rembourser en deux ans ? Il n’est pas besoin de dire aux marchés que c’est impossible ; ils le savent pertinemment, et jouent contre ! Au contraire, ils seraient rassurés par un rééchelonnement sérieux, permettant aux États en difficulté de rembourser effectivement leur dette au regard de leurs capacités. Il est déraisonnable d’annoncer des prêts de cinq ans ; ils seront retransformés.

En réalité, aujourd’hui, nous continuons à protéger les banques. Elles sont les grandes gagnantes. Sur les 110 milliards d'euros en cours de prêts à la Grèce, 55 au moins, une bonne moitié, va servir à rembourser des dettes privées.

M. le rapporteur général. Les fonds des banques, ce sont aussi ceux des épargnants.

M. Charles de Courson. Les banquiers aussi doivent faire un effort ! Je n’ai jamais vu, en cas de liquidation d’une entreprise, que les banques soient remboursées avec l’argent des États. C’est insensé. Nous courons à la catastrophe. Dans deux à trois ans, nous y sommes. Nous n’aboutissons qu’à accroître les dettes des États, et d’abord de la France et de l’Allemagne.

M. Pierre-Alain Muet. Je voudrais revenir sur les propos de notre rapporteur général sur les ventes à découvert. La coordination en Europe fonctionne lorsque la France et l’Allemagne la font avancer ensemble. L’Allemagne est à l’œuvre aujourd’hui. Il ne faut pas la laisser seule. Le Gouvernement français doit prendre ses responsabilités et travailler avec elle.

M. le rapporteur général. Je suis favorable à l’interdiction des ventes à découvert. Même si la décision allemande a été prise de façon un peu unilatérale, elle facilite grandement une décision française allant dans le même sens.

M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le rapporteur général, je regrette que vous n’ayez pu être présent hier en commission : nonobstant l’avis défavorable du rapporteur et de la ministre, l’amendement interdisant ces ventes à découvert aurait sans doute été adopté.

La Commission procède ensuite à l’examen des articles.

*

* *

EXAMEN DES ARTICLES

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Article 1er

Ratification d’un décret relatif à la rémunération de
services rendus par l’État

Texte du projet de loi :

Est autorisée, au-delà de l’entrée en vigueur de la présente loi, la perception de la rémunération de services instituée par le décret n° 2010-471 du 11 mai 2010 portant modification du décret n° 2006-1810 du 23 décembre 2006 instituant des redevances pour services rendus par la direction générale de l'aviation civile.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article permet de procéder, conformément à l’article 4 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, à la ratification du décret n° 2010-471 du 11 mai 2010 qui a institué plusieurs redevances pour services rendus perçues au bénéfice du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Observations et décision de la Commission :

Le produit de la rémunération des services rendus par l’État constitue l’une de ses recettes budgétaires. Depuis l’entrée en vigueur de l’article 4 de la LOLF, les décrets instituant de telles rémunérations doivent être soumis à la ratification parlementaire dans la plus prochaine loi de finances afférente à l’année concernée (11).

Le présent article tend ainsi à ratifier le décret n° 2010-471 du 11 mai 2010 instituant des redevances pour services rendus par la direction générale de l’aviation civile.

Pris sur le rapport du ministre de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer et du ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, ce décret étend le champ des services rendus par la direction générale de l’aviation civile pouvant donner lieu à rémunération aux activités suivantes :

– la fourniture de prestations de contrôle de la circulation aérienne par voie contractuelle ;

– la fourniture de prestations de formations aéronautiques ;

– l'expertise apportée aux organismes œuvrant à la promotion de la sécurité dans l'aviation civile ;

– la location d'aéronefs à vocation de formation ou de prestations techniques ;

– l'organisation ou la participation à l'organisation de colloques, conférences, séminaires, salons et location de salles ou d'espaces.

*

* *

La Commission adopte l'article premier sans modification.

*

* *

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES A L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 2

Équilibre général du budget, trésorerie et
plafond d’autorisation des emplois

Texte du projet de loi :

I.– Pour 2010, l’évaluation des ressources et les plafonds des charges de l’État demeurent inchangés depuis l’intervention de la loi n° 2010-463 du 7 mai 2010 de finances rectificative pour 2010. Il en est de même de l’équilibre budgétaire en résultant.

II.– Pour 2010 :

1° L’évaluation des ressources et des charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier demeure inchangée.

2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an demeure inchangé.

III.– Pour 2010, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État demeure inchangé.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article traduit l’absence d’incidence des dispositions du projet de loi de finances rectificative sur l’équilibre budgétaire et sur l’équilibre financier de l’État.

Ainsi, le déficit prévisionnel de l’État pour 2010 s’établirait à 152,0 Md€, conformément au montant indiqué dans la précédente loi de finances rectificative pour 2010 du 7 mai 2010.

Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier de l’État demeurent également inchangées.

De même, le plafond de dette à moyen et long terme de l’État tel que modifié par la loi de finances rectificative pour 2010 du 9 mars 2010 et confirmé dans la loi de finances rectificative du 7 mai 2010 reste inchangé, à 105,0 Md€. Toutefois, le montant du plafond serait mécaniquement dépassé si les conditions de marché ne permettaient pas de réaliser les rachats prévus. Le Parlement en serait, dans ce cas, informé et le plafond rectifié en conséquence en loi de règlement.

Le tableau ci-contre rappelle la situation du budget de 2010 telle que prévue par la loi de finances rectificative du 7 mai 2010 et non modifiée par le présent projet de loi de finances rectificative.

(En millions d’euros)

 

Loi de finances initiale
pour 2010

(1)

Loi de finances rectificative
du 9/3/2010

(2)

Loi de finances rectificative
du 7/5/2010

(3)

Situation nouvelle

= (1)+(2)+(3)

Budget général : charges

       

Dépenses brutes

379 421

32 737

0

412 158

A déduire : Remboursements et dégrèvements

94 208

-1 194

 

93 014

Dépenses nettes du budget général (a)

285 213

33 931

0

319 144

Évaluation des fonds de concours (b)

3 122

   

3 122

Montant net des dépenses du budget général,
y compris les fonds de concours [(C) = (a) + (b)]

288 335

33 931

0

322 266

Budget général : ressources

       

Recettes fiscales brutes

346 270

1 124

900

348 294

A déduire : Remboursements et dégrèvements

94 208

-1 194

 

93 014

Recettes fiscales nettes (d)

252 062

2 318

900

255 280

Recettes non fiscales (e)

15 035

1 017

 

16 052

Recettes nettes des remboursements et dégrèvements
[(f) = (d) + (e)]

267 097

3 335

900

271 332

A déduire : Prélèvements sur recettes au profit
des collectivités territoriales et des Communautés européennes (g)

104 033

   

104 033

Recettes nettes du budget général [(h) = (f) - (g)]

163 064

3 335

900

167 299

Évaluation des fonds de concours (b)

3 122

   

3 122

Montant net des recettes du budget général,
y compris les fonds de concours [(I) = (h) + (b)]

166 186

3 335

900

170 421

   Solde du budget général [(J) = (I) – (C)]

-122 149

-30 596

900

-151 845

         

Budgets annexes

       

Contrôle et exploitation aériens

       

Dépenses

1 937

   

1 937

Recettes

1 937

   

1 937

Solde

0

   

0

Publications officielles et information administrative

       

Dépenses

193

   

193

Recettes

194

   

194

Solde

1

   

1

Dépenses totales des budgets annexes

2 130

   

2 131

Recettes totales des budgets annexes

2 131

   

2 131

Solde pour l’ensemble des budgets annexes [T]

1

   

1

Évaluation des fonds de concours :

       

Contrôle et exploitation aériens

17

   

17

Publications officielles et information administrative

0

   

0

Dépenses des budgets annexes, y c. fonds de concours

2 147

   

2 147

Recettes des budgets annexes, y c. fonds de concours

2 148

   

2 148

         

Comptes spéciaux

       

Dépenses des comptes d’affectation spéciale (k)

57 956

1 940

 

59 896

Dépenses des comptes de concours financiers (l)

72 153

1 000

3 900

77 053

Total des dépenses des comptes-missions
[(m) = (k) + (l)]

130 109

2 940

3 900

136 949

Recettes des comptes d’affectation spéciale (n)

57 951

1 940

 

59 891

Recettes des comptes de concours financiers (o)

76 623

   

76 623

Comptes de commerce [solde] (p)

246

   

246

Comptes d’opérations monétaires [solde] (q)

68

   

68

Total des recettes des comptes-missions
et des soldes excédentaires des autres spéciaux
[(r) = (n) + (o) + (p) + (q)]

134 888

1 940

 

136 828

   Solde des comptes spéciaux
[(S) = (r) - (m)]

4 779

-1 000

-3 900

-121

         

     Solde général [= (J) + (T) + (S)]

-117 369

-31 596

-3 000

-151 965

Le présent article rappelle également que le plafond d’autorisation des emplois reste inchangé à 2 019 798 équivalents temps plein travaillé.

Observations et décision de la Commission :

Le présent projet de loi rectificative ne modifie pas l’article d’équilibre.

La prévision de déficit de l’État en comptabilité budgétaire demeure à 152 milliards d’euros. Son besoin de financement resterait inchangé, à 239,1 milliards d’euros.

Le déficit public et la dette publique brute sont toujours estimés à 8 % et 83,2 % du PIB en 2010.

L’octroi d’une garantie n’a en effet d’impact ni le déficit budgétaire ou maastrichtien des États, ni sur leur dette publique brute. L’engagement de l’État est seulement recensé dans le hors bilan du compte général de l’État.

L’impact sur les finances publiques de l’activation du mécanisme et d’un appel en garantie est présenté dans le commentaire de l’article 3.

*

* *

La Commission adopte l'amendement rédactionnel CF 1 du rapporteur général (amendement n° 1).

Elle adopte ensuite l’article 2 ainsi modifié.

Puis elle adopte la première partie du projet de loi de finances rectificative ainsi modifiée.

*

* *

DEUXIÈME PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Article 3

Octroi de la garantie de l’État dans le cadre du mécanisme européen de stabilisation pour préserver la stabilité financière

Texte du projet de loi :

I.– Dans les conditions mentionnées au présent article, le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder la garantie de l’État, au titre de la quote-part de la France dans le dispositif de stabilisation dont la création a été décidée à l’occasion de la réunion du Conseil de l’Union européenne du 9 mai 2010 et dans la limite d’un plafond de 111 Md€, à une entité ad hoc ayant pour objet d’apporter un financement ou de consentir des prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro, ainsi qu’aux financements obtenus par cette entité.

II.– La garantie de l’État pourra faire l’objet d’une rémunération.

III.– La garantie de l’État mentionnée au I ne pourra pas être octroyée après le 30 juin 2013.

IV.– Lorsqu’il octroie la garantie de l’État en application du présent article, le ministre chargé de l’économie informe les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances.

Exposé des motifs du projet de loi :

La mise en place du mécanisme européen de stabilisation pour préserver la stabilité financière repose sur la création d’une entité ad hoc, comme décidé lors de la réunion des ministres des finances européens du 9 mai 2010. Cet instrument a pour objet de refinancer des États membres de la zone euro en difficulté jusqu’à 440 Md€. Il bénéficiera, à cet effet, de garanties apportées par l’ensemble des États membres de la zone euro. La garantie sera accordée soit à l’entité ad hoc qui sera en charge de se financer pour venir en aide aux pays membres en difficulté, soit aux financements obtenus par cette entité.

La quote-part de ce dispositif incombant à chaque pays participant est déterminée à proportion du poids de chaque banque centrale nationale dans le capital de la Banque centrale européenne (BCE). Ce montant est un minorant : en effet, si le dispositif est activé au bénéfice d'un État, celui-ci pourrait ne pas participer à la garantie des émissions, qu’elles soient à son bénéfice propre ou au bénéfice d’un autre État dans le cadre d’une activation ultérieure du mécanisme. Par précaution, il est donc proposé de calculer la quote-part de la France sur la base de sa quote-part dans le capital libéré de la BCE, en excluant du calcul la Grèce, au motif qu’elle bénéficie déjà d’un programme d’assistance de la zone euro, et en augmentant, à titre conventionnel, de 20 % la quotité ainsi obtenue. Une telle précaution conduit à un plafond de garantie de 111 Md€.

Cette garantie pourra faire l’objet d’une rémunération de la part des États membres bénéficiaires. Elle couvrira le principal et les intérêts, soit de l’aide financière accordée dans le cadre de ce dispositif, soit des financements obtenus par l’entité mise en place.

L’entité ne pourra accorder d’aide financière que pendant trois ans, jusqu’au 30 juin 2013.

Observations et décision de la Commission :

Le Conseil ECOFIN des 9 et 10 mai 2010 a décidé la mise en place d’un mécanisme de soutien aux États de la zone euro connaissant des difficultés de financement. Le cœur de ce dispositif, décrit dans l’exposé général, est un « véhicule ad hoc », mis en place sur une base intergouvernementale, d’une durée de vie de trois ans et pouvant mobiliser, avec la garantie des États de la zone euro, 440 milliards d’euros de financements. Le présent article a pour objet d’autoriser l’octroi de la garantie de l’État à cette « entité » qui n’a pas encore d’existence juridique. La garantie serait octroyée jusqu’au 30 juin 2013 dans la limite de 111 milliards d’euros.

I.– LE RÉGIME DE LA GARANTIE PROPOSÉE

Le régime de la garantie est, ici, limité à ses éléments essentiels : l’objet du dispositif, le plafond de la garantie et sa durée de validité. En revanche, le bénéficiaire exact est laissé à l’appréciation du ministre et les conditions d’appel ne sont pas précisées. Cette rédaction est justifiée par l’urgence dans laquelle le mécanisme de stabilisation européen est mis en place.

Le présent article détermine l’objet de la garantie et le cadre dans lequel elle est accordée. Elle est ainsi accordée « au titre de la quote-part de la France dans le dispositif de stabilisation dont la création a été décidée à l’occasion de la réunion du Conseil de l’Union européenne du 9 mai 2010 ».

Il prévoit les éléments du régime de la garantie connus au moment du dépôt du présent projet de loi. Les négociations entre États se poursuivent pour préciser son contenu.

Le I du présent article fixe le plafond de la garantie à 111 milliards d’euros. Ce montant est composé de deux éléments :

– la quote-part de la France dans la garantie octroyée au « véhicule ad hoc » est fixée à 20,38 %, soit environ 89,7 milliards d’euros. Ce pourcentage correspond à la quote-part de la Banque de France dans le capital libéré de la Banque centrale européenne, conformément à ce qui a été pratiqué dans le cadre de l’intervention au profit de la Grèce ;

– à ce montant s’ajoute une marge de précaution de 21 milliards d’euros, soit environ 23,33 %, pour pallier la défaillance d’un État garant qui devrait recourir aux financements du mécanisme de stabilisation. Il est probable que le niveau de cette marge de sécurité, prévue également par l’Allemagne, ait été calculé en fonction de la part, dans le mécanisme, des États les plus susceptibles d’y recourir.

Le ministre chargé de l’économie a précisé, lors de son audition devant la commission des Finances le 19 mai dernier, que la garantie n’était pas donnée de manière conjointe et solidaire. En d’autres termes, en cas d’appel, la France assumerait seulement le passif à hauteur de 111 milliards d’euros et n’apporterait pas de compensation aux créanciers si un État garant n’assume pas son engagement.

Les II, III et IV du présent article complètent l’encadrement de la garantie.

Le II prévoit la possibilité de rémunérer la garantie octroyée par l’État. Selon les déclarations du ministre chargé de l’économie devant la commission des Finances le 19 mai dernier, la rémunération serait calculée par l’écart entre le taux d’intérêt payé par le véhicule et celui servi par ses emprunteurs. Celui-ci serait le taux d’intérêt perçu par le Fonds monétaire international quand il intervient (environ 3,5 % à trois ans). En principe, le véhicule ad hoc, du fait de la qualité de signature des États qui le garantissent, devrait emprunter à un taux nettement inférieur. Pour mémoire, l’État français empruntait, le mois dernier, à environ 1,2 % à trois ans.

Le III pose une limite temporelle – le 30 juin 2013 – à la garantie accordée par l’État au véhicule ad hoc. Il a en effet été convenu, au sein du conseil ECOFIN, que, conformément à son objectif d’accorder le temps nécessaire aux États pour rétablir leurs comptes, le dispositif serait temporaire, d’une durée de vie de trois ans. Le Conseil européen a néanmoins exprimé sa volonté d’instituer un mécanisme permanent de gestion de crises de financement des États. Si le véhicule ad hoc était pérennisé ou si un dispositif semblable, impliquant une garantie des États, était mis en place, le Parlement devra autoriser à nouveau le ministre chargé de l’économie à accorder la garantie de l’État.

Le IV prévoit une information des commissions chargées des finances des assemblées lorsque le ministre octroie la garantie. Cette formulation implique que l’information serait donnée au moment de la constitution du véhicule ad hoc et non au moment ou le véhicule ad hoc interviendrait dans le cadre d’un programme de refinancement d’un État en difficulté.

Plusieurs éléments du régime de la garantie restent en suspens. Ils sont liés à la nature juridique du véhicule ad hoc et à la définition précise des bénéficiaires de la garantie et des conditions d’appel en garantie. Ces précisions ne pourront données qu’une fois abouties les négociations entre partenaires européens.

En premier lieu, l’ « entité » qui bénéficierait de la garantie est encore dépourvue d’existence juridique. Le I prévoit ainsi que la garantie serait accordée à « une entité ad hoc ayant pour objet d’apporter un financement ou de consentir des prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro ». Cette rédaction est suffisamment large pour laisser une marge sur deux points importants :

– d’une part, la nature juridique du « véhicule ad hoc » n’est pas précisée ;

– d’autre part, son objet est large : il peut non seulement « consentir des prêts » mais également « apporter un financement ». Selon les informations recueillies par le Rapporteur général,  la distinction vise à permettre à l’entité ad hoc d’intervenir par différents canaux et de ne fermer aucune option : consentir des prêts mais aussi accorder des lignes de crédit, voire intervenir directement sur le marché primaire pour y acquérir des obligations de l’État en difficulté.

Selon les informations recueillies par le Rapporteur général, si le véhicule ad hoc était créé avant « l’examen du projet par les deux Assemblées », le Gouvernement amenderait le présent article en conséquence.

En deuxième lieu, s’il est acquis que les bénéficiaires ultimes de la garantie seront les créanciers du véhicule, la personne morale bénéficiant de la garantie n’est pas déterminée et le présent article ouvre une alternative sur ce point. Le bénéficiaire de la garantie peut être l’entité elle-même. En cas de défaut d’un État ayant emprunté auprès d’elle, l’entité se tournerait vers les États qui la rembourseraient pour qu’elle puisse faire face à ses engagements. La garantie peut également porter sur les « financements obtenus par cette entité » et bénéficier directement à ses créanciers. Le défaut d’un État entraînerait l’activation automatique de la garantie qui conduirait au remboursement des créanciers par les États. Ce dernier cas de figure est celui en vigueur dans le cas de la SFEF. Selon les informations transmises au Rapporteur général, il est probable que l’entité ou un agent de celle-ci ou représentant les États garants pourront être chargés de centraliser les appels en garantie et de les reverser aux souscripteurs des émissions, de façon à limiter les coûts de transaction entre créanciers et garants.

Enfin, les modalités d’un éventuel appel en garantie ne sont pas déterminées. Il n’est pas précisé si cette garantie sera à première demande, ni si une procédure de recouvrement serait mise en place pour protéger les intérêts financiers des États garants.

II.– L’IMPACT DU DISPOSITIF SUR LES FINANCES PUBLIQUES

L’octroi d’une garantie n’a d’impact ni sur le déficit en comptabilité budgétaire, ni sur le déficit en comptabilité nationale, ni sur la dette publique brute. La garantie est recensée parmi les engagements hors bilan du compte général de l’État.

En cas d’émission de financements par le véhicule ad hoc, celui-ci s’endetterait avec la garantie des États. Le Gouvernement n’a pas encore précisé si, dans une telle hypothèse, la dette ainsi contractée serait comptabilisée en tant que dette publique brute au sens du traité de Maastricht. Pour mémoire, Eurostat a finalement considéré que la dette contractée par la société française de financement de l’économie (SFEF), garantie par l’État à 100 %, ne devait pas être considérée comme de la dette publique. Toutefois, la SFEF se différencie du véhicule ad hoc sur deux points importants :

– d’une part, les deux tiers de son capital sont détenus par des actionnaires privés – à savoir les établissements financiers bénéficiant de ses prêts – alors que le véhicule ad hoc sera public à 100 % ;

– d’autre part, les prêts accordés par la SFEF étaient garantis par des collatéraux, ce qui ne sera pas le cas des prêts octroyés par le fonds européen.

Compte tenu de ces différences, il n’est pas impossible que les financements émis, le cas échéant, par le véhicule ad hoc soient considérés comme un accroissement de la dette publique brute de la France à hauteur de sa quote-part dans le dispositif.

En cas d’appel de la garantie accordée au fonds ad hoc, l’État devrait assumer une dépense budgétaire accroissant le déficit et la dette publics. Cette dépense serait retracée, en loi de règlement, sur le programme 114 Appels en garantie de l’État de la mission Engagements financiers de l’État. Rappelons que les crédits inscrits en loi de finances initiale sur ce programme sont évaluatifs.

*

* *

La Commission adopte l'amendement rédactionnel CF 2 du rapporteur général (amendement n° 2).

Elle examine ensuite l’amendement CF 3 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Nous voulons que les Commissions des finances des deux assemblées soient informées non seulement à l’occasion de la création de la société ad hoc, mais aussi chaque fois que celle-ci consent des financements, et donc met en œuvre la garantie.

Monsieur Mathis, nous souhaitons suivre les mises en place éventuelles d’aides à tel ou tel pays de la zone euro à travers des auditions de Mme la ministre.

M. Pierre-Alain Muet. Nous voterons cet excellent amendement.

La Commission adopte l'amendement (amendement n° 3).

Elle adopte ensuite l’article 3 ainsi modifié.

*

* *

Article 4

Relèvement du plafond de prêts de la France au Fonds monétaire international (FMI)

Texte du projet de loi :

Le 5° de l’article 2 de la loi n° 45-138 du 26 décembre 1945 relative à la création d’un Fonds monétaire international et d’une Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement est rédigé comme suit :

« 5° Dans la limite d'un montant équivalent en euros à 18 658 millions de droits de tirage spéciaux, une somme correspondant à des prêts remboursables, dans les conditions prévues à l'article VII, section 1, alinéa 1 des statuts du fonds et par les décisions des administrateurs du fonds des 5 janvier 1962, 24 février 1983, 27 janvier 1997 et 12 avril 2010 concernant l'application de cet article. »

Exposé des motifs du projet de loi :

La crise actuelle affecte l’économie mondiale dans son ensemble. De nombreux pays, parmi lesquels des pays émergents mais aussi des pays membres de l’Union européenne et de la zone euro, font face à des besoins de financements accrus.

Les chefs d’État et de gouvernement du G 20 sont convenus au sommet de Londres du 2 avril 2009 d’augmenter de 500 milliards de dollars les ressources du Fonds monétaire international (FMI), sous la forme d’une contribution additionnelle aux nouveaux accords d’emprunt qui lient depuis 1997 le FMI et certains de ses pays membres. La France, comme ses partenaires européens, s’est engagée à prendre dans cette contribution additionnelle une part conforme à sa participation au FMI. Les négociations entre les participants aux nouveaux accords d’emprunt, qui visaient à rendre le fonctionnement de ces accords plus efficaces et plus souples, se sont tenues à l’automne 2009 et ont donné lieu à un vote favorable au conseil d’administration du FMI le 12 avril 2010.

Il s’agit à présent de mettre en œuvre cet engagement. La ratification des nouveaux accords d’emprunt dans un calendrier serré est d’autant plus opportune que l’accord trouvé par les ministres des finances européens le 9 mai dernier mentionne que le FMI pourra intervenir en apportant, le cas échéant, des financements représentant jusqu’à la moitié des sommes engagées dans le cadre du mécanisme européen de stabilisation pour préserver la stabilité financière. Les sommes en jeu sont potentiellement considérables et il est légitime que nos partenaires attendent des Européens un comportement exemplaire pour rendre possible l’activation des ressources complémentaires promises au FMI.

La ratification des nouveaux accords d’emprunt suppose juridiquement, pour la France, de modifier la loi du 26 décembre 1945 qui régit les relations financières entre la France et le FMI.

Cette loi prévoit actuellement que la France contribue aux nouveaux accords d’emprunt dans la limite de 2 577 millions de droits de tirage spéciaux (soit environ 3 Md€). Ce montant doit être porté à 18 658 millions de droits de tirage spéciaux (soit environ 21 Md€), afin d’assurer la mise en œuvre des engagements internationaux de la France.

Les nouveaux accords d’emprunt entreront en vigueur lorsque plusieurs majorités qualifiées les auront ratifiés (85 % des participants actuels et 70 % des nouveaux participants) et que l’ensemble des participants actuels dont le montant de prêt augmente y auront consenti. Ceci garantit que les fonds apportés par la France ne seront engagés que si l’ensemble de la communauté internationale confirme ses engagements.

Observations et décision de la Commission :

Le conseil d’administration du Fonds monétaire international du 12 avril 2010 a adopté les modifications aux « nouveaux accords d’emprunt » (NAE). Le présent article vise à ratifier l’engagement pris par la France par ce vote.

Par cette ratification, le présent article permet notamment de relever le plafond de prêts de la France au Fonds monétaire international. Il est la conséquence de la réunion du G20 à Londres le 2 avril 2009, au cours de laquelle les chefs d’État ou de gouvernement se sont engagés à augmenter de 500 milliards d’euros les capacités de financement du FMI.

Cette ratification paraît particulièrement opportune au moment où le FMI a signé un accord de confirmation triennal de 30 milliards d’euros avec la Grèce dans le cadre du plan de sauvetage de cet État et s’engage à hauteur d’au moins 250 milliards d’euros dans le cadre du dispositif de stabilisation de la zone euro, décidé par le conseil ECOFIN des 9 et 10 mai derniers.

Aux termes du d) du 7° du II de l’article 34 de la LOLF, les lois de finances peuvent « approuver les conventions financières », ce qui inclut les accords liant la France au Fonds monétaire international.

I.– LA MODIFICATION DES NOUVEAUX ACCORDS D’EMPRUNT

A.– LA DÉCISION D’AUGMENTER DE 500 MILLIARDS D’EUROS LES RESSOURCES DU FMI

À l’occasion de la réunion du G20 à Londres le 2 avril 2009, les chefs d’État ou de gouvernement se sont engagés à augmenter de 500 milliards d’euros les ressources du FMI, par le biais d’une contribution additionnelle aux nouveaux accords d’emprunt (NAE). Ceux-ci passeraient de 50 à 550 milliards de dollars.

Ce relèvement du plafond de prêt a été fait en deux temps.

D’abord, les États ont mis immédiatement à disposition des ressources sous la forme transitoire de prêts bilatéraux totalisant 250 milliards de dollars. Dès les 19 et 20 mars 2009, le Conseil européen avait précédé cette décision, en précisant dans ses conclusions que « les États membres de l’UE sont disposés à apporter, sur une base volontaire, rapidement et à titre temporaire, un soutien à la capacité de financement du FMI sous la forme d’un prêt d’un montant total de 75 milliards d’euros ».

Des accords de prêts bilatéraux ont ainsi été signés avec plusieurs pays. La France a contribué à cet effort temporaire à hauteur de 11,06 milliards d’euros. La ratification de cet engagement a été réalisé par l’article 19 de la loi n° 2009-1255 du 19 octobre 2009 tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à améliorer le fonctionnement des marchés financiers.

Ensuite, après des négociations tenues à l’automne 2009 tendant à faire évoluer leur fonctionnement, les nouveaux accords d’emprunt (NAE) ont été modifiés pour formaliser et pérenniser cet effort supplémentaire de 250 milliards d’euros et le compléter en portant le seuil maximum de prêts des États au FMI à 500 milliards d’euros. En ce qui concerne la France, l’effort de 11,06 milliards d’euros est pérennisé et complété par environ 7 milliards d’euros supplémentaires.

B.– LA MODIFICATION DES NOUVEAUX ACCORDS D’EMPRUNT

 Les NAE sont des accords de crédit conclus entre le FMI et un groupe de 26 pays membres et institutions. Ces accords sont apparus nécessaires à la suite de la crise mexicaine de 1994 et sont effectivement entrés en vigueur en 1998. Ils ont été reconduits deux fois – pour une période de 5 ans à chaque fois –, le plus récemment en novembre 2007. Ils sont globalement le reflet de la quote-part de chacun des pays participants. Ils sont conclus de manière volontaire entre le FMI et certains États membres dont la situation financière externe solide justifie leur apport volontaire de ressources supplémentaires en addition des ressources « traditionnelles » issues des quotes-parts.

Les NAE sont utilisés de manière complémentaire aux ressources issues des quotes-parts en cas de circonstances exceptionnelles prévalant dans le système monétaire international.

 Les modifications des NAE portent sur trois points :

– les montants de prêts mobilisables sont augmentés, comme indiqué ci-dessus ;

– le nombre d’États participant à ces accords s’accroît, la Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie rejoignant notamment l’accord ;

– les modalités de fonctionnement des NAE sont simplifiées. Sur la base d’un programme trimestriel adopté par le conseil d’administration, déterminant un montant maximal de prêts mobilisables sur la période, le directeur général du FMI pourrait appeler directement auprès des États les sommes nécessaires, et non plus demander, pour chaque opération, l’approbation de 80 % des participants aux NAE.

 L’entrée en vigueur des NAE est soumise à trois conditions :

– la ratification par 85 % des participants actuels aux NAE (principalement des pays membres de l’OCDE) ;

– la ratification par 70 % des nouveaux participants aux NAE (principalement des pays émergents) ;

– la ratification par l’ensemble des participants actuels aux NAE dont le montant de prêt augmente (soit 22 États sur les 26 participants actuels).

II.– L’OBJET DU PRÉSENT ARTICLE : LA RATIFICATION DES NOUVEAUX ACCORDS D’EMPRUNT AINSI MODIFIÉS

 Le présent article a pour objet de ratifier l’accord trouvé sur les NAE et traduit par la décision du conseil d’administration du FMI du 12 avril 2010. Par l’adoption de cette disposition, la France accepte l’accroissement de la ligne de crédit qu’elle accorde au FMI, l’entrée de pays émergents comme financeurs des NAE et l’assouplissement des modalités de fonctionnement de ces accords.

Au titre des précédents NAE, la contribution de la France s’élevait à 2,6 milliards de DTS, soit 3 milliards d’euros, auxquels il convenait d’ajouter les 11,06 milliards d’euros accordés en urgence et devant demeurer temporaires, soit un total d’environ 14 milliards d’euros.

Au titre des nouveaux NAE, elle s’élève de manière pérenne à 18,7 milliards de DTS, soit environ 21 milliards d’euros.

 Cette ratification passe par une modification de l’article 2 de la loi n° 45-138 du 26 décembre 1945 relative à la création d'un Fonds monétaire international et d'une Banque internationale pour la reconstruction et le développement. Cet article organise notamment les modalités juridiques du versement au FMI de la quote-part française ainsi que du déploiement des accords généraux et nouveaux d’emprunt. Le présent article réécrit son dernier alinéa en y apportant deux modifications :

– le montant de prêts est porté de 2,6 milliards de DTS et 11,06 milliards d’euros à la somme globale de 18,7 milliards de DTS ;

– la décision du 12 avril 2010 du conseil d’administration du FMI, tendant à modifier les NAE, est visée.

III.– DES PRÊTS SANS IMPACT SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE L’ÉTAT ET DE LA BANQUE DE FRANCE

 Pour l’État, qui est le créancier du FMI, l’opération est neutralisée par l’intervention de la Banque de France. En effet, aux termes de l’article 4 de la convention du 31 mai 1999 liant l’État et la Banque de France, les créances de l’État sur le FMI sont inscrites au bilan de la Banque de France. Celle-ci compense l’État à hauteur de la valeur de cette créance.

Le compte d’opérations monétaires Opérations avec le Fonds monétaire international donne la traduction budgétaire de cette opération patrimoniale. Le prêt versé au FMI est comptabilisé en recette et son remboursement en dépense. La compensation versée par le Banque de France est comptabilisée en dépense puis en recette quand l’écriture est contre-passée. Les mouvements retracés sur le compte retracent les variations de la créance de l’État envers le FMI et de sa dette envers la Banque de France. Ils sont donc purement comptables et patrimoniaux et ne traduisent pas une dépense budgétaire. Les décaissements sont effectués en fonction des besoins du FMI au gré des tirages effectivement réalisés.

L’opération n’a d’impact ni sur le déficit public ni sur la dette publique brute. L’État mobilise en effet une ressource de trésorerie sur une base infra-journalière, qui est immédiatement compensée par la Banque de France.

 Celle-ci dispose d’un actif sûr, lui rapportant des intérêts. Ce prêt qu’elle accorde indirectement serait financé par un accroissement du solde créditeur du compte de la banque centrale de l’État qui bénéficie de l’aide du FMI (12).

*

* *

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, quel est le délai fixé pour que la France s’endette de 18,6 milliards de droits de tirage spéciaux pour les apporter au FMI ? Quelles sont les incidences de cet emprunt sur l’équilibre budgétaire du pays, notamment au sens maastrichtien ?

M. le rapporteur général. Les mécanismes passent par les banques centrales. C’est la Banque de France qui ouvre une ligne de crédit à la banque centrale du pays qui va recourir à l’aide du FMI. L’opération ne fait que transiter par le budget, et n’est pas prise en compte en comptabilité au sens maastrichtien.

M. François Goulard. C’est hors bilan de l’État, semble-t-il.

M. Charles de Courson. Il est pourtant écrit, page 20 que les relations financières entre l’État et le FMI, via la Banque de France, sont retracées sur un compte d’opérations monétaires dénommé « Opérations avec le Fonds monétaire international ». C’est l’un des comptes spéciaux du Trésor. Il y a donc bien écritures budgétaires : tous les comptes spéciaux du Trésor sont soumis au Parlement lors de l’examen de la loi de finances.

M. le rapporteur général. Les mouvements retracés sur le compte sont purement comptables. Ils ne traduisent pas de dépense budgétaire. Le prêt versé au FMI est comptabilisé en dépenses et son remboursement en recettes. La compensation versée par le Banque de France est comptabilisée en recettes puis en dépenses quand l'écriture est contre-passée. Il n’y a aucun impact sur le solde puisque le compte retrace des variations de créances et de dettes.

M. Charles de Courson. Et sur la dette publique ?

M. le rapporteur général. Non plus, puisque l’opération est financée par la Banque de France.

M. le président Jérôme Cahuzac. L’affaire semble donc purement limitée à la Banque de France, qui ouvre une ligne de trésorerie et fait son affaire de son alimentation.

M. Charles de Courson. Cela dit, sur le plan comptable, il faut bien enregistrer cette ligne sur ce compte particulier, en dépense et en créance.

M. le président Jérôme Cahuzac. Il y a donc bien émission de monnaie à due concurrence.

M. Charles de Courson. Quand les 18,6 milliards de DTS sont-ils émis ?

M. le rapporteur général. Le système est extrêmement souple. La mise en place est effectuée au fur et à mesure des besoins.

M. François Goulard. Et comme d’habitude, dans une valise et en petites coupures usagées…

M. le président Jérôme Cahuzac. Mon cher collègue, tout le monde admire votre expérience passée.

La Commission adopte l'article 4 sans modification.

Elle adopte ensuite l’ensemble du projet de loi de finances rectificative ainsi modifié.

*

* *

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte en vigueur

___

Texte du projet de loi

___

Propositions de la Commission

___

 

PREMIÈRE PARTIE

 
 

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

 
 

TITRE PREMIER

 
 

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

 
 

Article 1er

Article 1er

 

Est autorisée, au-delà de l’entrée en vigueur de la présente loi, la perception de la rémunération de services instituée par le décret n° 2010-471 du 11 mai 2010 portant modification du décret n° 2006-1810 du 23 décembre 2006 instituant des redevances pour services rendus par la direction générale de l'aviation civile.

Sans modification.

     
 

TITRE II

 
 

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

 
 

Article 2

Article 2

 

I.– Pour 2010, l’évaluation des ressources et les plafonds des charges de l’État demeurent inchangés depuis l’intervention de la loi n° 2010-463 du 7 mai 2010 de finances rectificative pour 2010. Il en est de même de l’équilibre budgétaire en résultant.

I.– Pour 2010, …

… depuis
l’entrée en vigueur de la loi …


… budgétaire en résultant.

   

(Amendement n° 1)

 

II.– Pour 2010 :

II.– Sans modification.

 

1° L’évaluation des ressources et des charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier demeure inchangée.

 
     
 

2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an demeure inchangé.

 
 

III.– Pour 2010, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État demeure inchangé.

III.– Sans modification.

 

SECONDE PARTIE :

 
 

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

 
 

Article 3

Article 3

 

I.– Dans les conditions mentionnées au présent article, le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder la garantie de l’État, au titre de la quote-part de la France dans le dispositif de stabilisation dont la création a été décidée à l’occasion de la réunion du Conseil de l’Union européenne du 9 mai 2010 et dans la limite d’un plafond de 111 Md€, à une entité ad hoc ayant pour objet d’apporter un financement ou de consentir des prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro, ainsi qu’aux financements obtenus par cette entité.

I.– Sans modification.

 

II.– La garantie de l’État pourra faire l’objet d’une rémunération.

II.– La garantie de l’État mentionnée au I pourra faire l’objet d’une rémunération.

   

(Amendement n° 2)

 

III.– La garantie de l’État mentionnée au I ne pourra pas être octroyée après le 30 juin 2013.

III.– Sans modification.

 

IV.– Lorsqu’il octroie la garantie de l’État en application du présent article, le ministre chargé de l’économie informe les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances.

IV.– Lorsqu’il octroie…


… article et lorsque l’entité ad hoc mentionnée au I apporte un financement ou consent des prêts, le ministre chargé…

… chargées des finances.

   

(Amendement n° 3)

     
 

Article 4

Article 4

Loi n°45-138 du 26 décembre 1945
relative à la création d’un
Fonds monétaire international et
d’une Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement

 

Sans modification.

Article 2

Le 5° de l’article 2 de la loi n° 45-138 du 26 décembre 1945 relative à la création d’un Fonds monétaire international et d’une Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement est rédigé comme suit :

 

Le ministre des finances est autorisé à verser, sur les ressources du Trésor, au Fonds monétaire international :

   

1° Le montant de la souscription du Gouvernement français, conformément à l'article III, sections 3-a et 4-a, de l'accord relatif au Fonds ;

   

2° Le cas échéant, et conformément à l'article IV, section 8-b et d, de l'accord relatif au Fonds, les sommes nécessaires pour compenser la réduction en valeur-or des avoirs en monnaie française détenus par le Fonds ;

   

3° Les commissions dues au Fonds, conformément à l'article V, section 8, de l'accord relatif au Fonds ;

   

4° Le cas échéant, les sommes dues au Fonds, soit, en cas de retrait du Gouvernement français, conformément au supplément D à l'accord relatif au Fonds, soit, en cas de liquidation du Fonds, conformément au supplément E audit accord. Soit, en cas de faillite ou de manquement du dépositaire des actifs du Fonds désigné par le Gouvernement français, conformément à l'article XIII, section 3, dudit accord.

   
     
     
     
     

5° Dans la limite d'une somme équivalente en francs français à 2 577 millions de droits de tirage spéciaux, une somme correspondant à des prêts remboursables, dans les conditions prévues à l'article VII, section 1, alinéa 1 des statuts du fonds et par les décisions des administrateurs du fonds des 5 janvier 1962, 24 février 1983 et 27 janvier 1997 concernant l'application de cet article. Dans la limite d'un montant de 11,06 milliards d'euros, une somme correspondant à des prêts remboursables, dans les conditions prévues à l'article VII, section I, alinéa 1, des statuts du fonds.

« 5° Dans la limite d'un montant équivalent en euros à 18 658 millions de droits de tirage spéciaux, une somme correspondant à des prêts remboursables, dans les conditions prévues à l'article VII, section 1, alinéa 1 des statuts du fonds et par les décisions des administrateurs du fonds des 5 janvier 1962, 24 février 1983, 27 janvier 1997 et 12 avril 2010 concernant l'application de cet article. »

 
     

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (13)

N° CF 1

AMENDEMENT

présenté par

M. Gilles Carrez

----------

ARTICLE 2

À l’alinéa 1, substituer au mot : « intervention », les mots : « entrée en vigueur ».

N° CF 2

AMENDEMENT

présenté par

M. Gilles Carrez

----------

ARTICLE 3

À l’alinéa 2, après le mot : « État », insérer les mots : « mentionnée au I ».

N° CF 3

AMENDEMENT

présenté par

M. Gilles Carrez

----------

ARTICLE 3

À l’alinéa 4, après le mot : « article », insérer les mots : « et lorsque l’entité ad hoc mentionnée au I apporte un financement ou consent des prêts ».

 
 
 
© Assemblée nationale

1 () À noter toutefois que la capacité de financement de l’UE a déjà été entamée à hauteur de 14,6 milliards d’euros dans le cadre de l’assistance financière fournie à la Roumanie, la Hongrie et la Lettonie.

2 () C’est-à-dire le jour suivant la publication au Journal officiel de l’Union européenne du règlement n° 407/2010 du 11 mai 2010.

3 () Elle sera déterminée au moment de la fixation des perspectives pluriannuelles pour la période 2014-2020.

4 () Assistance prévue à l’article 136 du traité, la procédure étant déterminée par le règlement n° 332/2002 du Conseil du 18 février 2002 établissant un mécanisme de soutien financier à moyen terme des balances des paiements des États membres.

5 () « A special purpose vehicle », selon les termes du communiqué de presse du conseil ECOFIN.

6 () Comme indiqué dans le commentaire de l’article 4, l’accroissement de 500 milliards d’euros des ressources du FMI, décidé lors du G20 de Londres, a trouvé une première traduction en 2009 par la mise en place par les États de prêts bilatéraux transitoires. Le montant de ressources de 410 milliards d’euros à fin février 2010 intègre donc en partie les 500 milliards d’augmentation décidés à Londres.

7 () Clause dite de « no bail-out ».

8 () Obligations garanties par un actif.

9 () En pratique, l’Eurogroupe (le 2 de l’article 136 dispose en effet que « seuls les membres du Conseil représentant les États membres dont la monnaie est l’euro prennent part au vote »).

10 () À titre d’exemple, les organismes tels que la Coface attribuent des notations aux États.

11 () Pour une analyse de la portée juridique de cette procédure, le Rapporteur général renvoie à son commentaire de l’article 6 du projet de loi de finances rectificative pour 2006, rapport n° 3469, novembre 2006, p. 184-190.

12 () Cette voie peut être assimilée à une forme de création monétaire. Elle n’a qu’un impact extrêmement limité sur le niveau de la masse monétaire et ses effets peuvent être stérilisés.

13 () La présente rubrique ne comporte pas les amendements déclarés irrecevables ni les amendements non soutenus en commission. De ce fait, la numérotation des amendements examinés par la commission peut être discontinue.