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N
° 2580

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 juin 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI n° 2328, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Saint-Marin relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

– LE PROJET DE LOI n° 2331, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

par M. Jacques BASCOU

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – SAINT-MARIN ET L’ANDORRE, DEUX HAVRES DE PROSPÉRITÉ FINANCIÈRE 7

A – UNE RÉPUBLIQUE ET UNE PRINCIPAUTÉ ENCLAVÉES EN EUROPE MAIS JOUISSANT D’UNE TRÈS GRANDE AUTONOMIE 7

1) Saint-Marin : « Liberté » pour devise 7

a) « La plus petite et la plus ancienne République du monde » 7

b) De bonnes relations avec l’Italie et l’Union européenne 8

2) Sur le blason de l'Andorre : « Touche-moi si tu l’oses » 9

a) Une organisation politique originale, vieil héritage 9

b) Des relations d’association avec l’Union européenne 9

c) Une activité diplomatique ciblée et relayée par ses deux voisins 10

d) D’étroites relations franco-andorranes 11

B – DEUX TERRITOIRES OÙ L’ÉCONOMIE FINANCIÈRE EST PRÉSENTE MAIS LOIN D’ÊTRE EXCLUSIVE 11

1) Saint-Marin, riche petite économie industrielle et bancaire 11

2) L'Andorre, pays prospère au secteur financier dynamique 12

II – DES ACCORDS D’ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS FISCAUX QUI DEVRONT FAIRE LA PREUVE DE LEUR EFFICACITÉ 15

A – DES NÉGOCIATIONS RAPIDES EN RAISON D’UN CONTEXTE PARTICULIER : SORTIR DE LA « LISTE GRISE » 15

1) Un contexte porteur 15

2) La signature d’un accord comme objectif en soi 17

B – UN CONTENU QUASI IDENTIQUE QUI POSE LA QUESTION DE SA MISE EN œUVRE EFFECTIVE 18

1) La France concernée… dans une mesure impossible à connaître 18

2) Des apports concrets en matière d’assistance administrative, allant au-delà du modèle de l’OCDE 19

3) Un effet d’affichage que seul le recul de l’expérience permettra de valider 21

CONCLUSION 23

EXAMEN EN COMMISSION 25

_____

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 27

Mesdames, Messieurs,

La commission des Affaires étrangères est actuellement saisie de douze projets de loi autorisant le Gouvernement à approuver des accords bilatéraux relatifs à l’échange de renseignements en matière fiscale.

Les raisons en sont connues : l’une des causes de la déstabilisation du système financier mondial survenue à l’automne 2008 réside dans l’opacité de certains circuits de transaction impliquant ce que l’on dénomme en langage courant des paradis fiscaux, et que la terminologie de l’OCDE qualifie de « juridictions non coopératives ».

Si le proverbe « à quelque chose, malheur est bon » trouve ici à s’appliquer, c’est que cette crise financière aux ressorts inédits aura au moins permis aux dirigeants de la planète réunis au sein du G20 d’accomplir des progrès jusqu’alors inespérés dans la lutte coordonnée contre les paradis fiscaux.

Pour les éléments de contexte relatifs à cette crise et à l’action du G20, votre Rapporteur renvoie aux développements de notre collègue Jacques Remiller, dans son rapport (1) sur l’accord d’échange de renseignements fiscaux avec le Liechtenstein.

Cela étant, une fois saisie cette occasion particulière, il faut prendre garde à ne pas relâcher l’attention portée à ces territoires et à leurs pratiques condamnables. En d’autres termes, c’est à l’aune de leur application que se jugera l’efficacité de ces nombreux accords signés dans des délais record et allant, à l’initiative de la Partie française, plus loin que le modèle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur certains points.

C’est sur ce sujet que votre Rapporteur entend insister dans les développements qui suivent, à propos de deux projets de loi d’approbation très proches dans leur contenu, et qui impliquent des entités non dénuées de points communs, s’agissant notamment du besoin d’échange de renseignements fiscaux qu’elles suscitent : la République de Saint-Marin et la Principauté d’Andorre. Une première partie permettra d’ailleurs de décrire en quelques mots ces territoires et leurs liens avec la France.

I – SAINT-MARIN ET L’ANDORRE, DEUX HAVRES DE PROSPÉRITÉ FINANCIÈRE

« Liberté » pour l’une, « Touche-moi si tu l’oses » pour l’autre : les devises ou formules frappées sur un blason, qu’elles concernent Saint-Marin ou l’Andorre, se prêtent à beaucoup d’interprétations… y compris celle d’une autonomie jalousement protégée à l’encontre des grands pays tutélaires, si jalousement qu’elle pouvait aisément entraver la transparence de l’information fiscale.

A – Une République et une Principauté enclavées en Europe mais jouissant d’une très grande autonomie

1) Saint-Marin : « Liberté » pour devise

a) « La plus petite et la plus ancienne République du monde »

Enclave souveraine en Italie, dominant la côte adriatique près de Rimini, la République de Saint-Marin occupe une superficie de 61 km². La population ne compte que 30 000 habitants − soit une densité de 400 habitants au km² −, sur 40 000 ressortissants sanmarinais dans le monde. D’importantes colonies vivent à l’étranger, en particulier en Italie, en France − qui, avec près de 2 000 personnes, est leur deuxième pays d’accueil après l’Italie − et aux États-Unis.

« La plus petite et la plus ancienne République du monde » a pour origine une communauté chrétienne, fondée au début du IVe siècle par Marin, tailleur de pierre d’origine dalmate, réfugié sur le Mont Titan pour échapper aux persécutions de Dioclétien. Ce n’est que vers le XIe siècle que la cité, érigée en Commune dès 885, affirma son indépendance en instaurant un gouvernement autonome. En 1243 furent nommés les premiers Capitaines-régents, dont la succession n’a pas été interrompue depuis. En 1463, en récompense de sa participation à la coalition victorieuse dans la querelle entre Guelfes et Gibelins, Saint-Marin, jusque-là limitée au Mont Titan, s’agrandit des fiefs de Fiorentino, Montegiardino, Serravalle et Faetano et prit le nom de République : les limites de son territoire étaient définitivement fixées. Malgré les tentatives d’occupation des évêques de Montefeltro et des seigneurs voisins, elle affermit sa position.

La République de Saint-Marin devint par la suite symbole de liberté. Bonaparte en 1797 la respecta, et le Congrès de Vienne en 1815 confirma sa souveraineté. Saint-Marin a accueilli de nombreux exilés et réfugiés politiques − notamment Garibaldi en 1894 et 100 000 personnes déplacées durant la Deuxième Guerre mondiale.

Le pouvoir législatif appartient au « Conseil grand et général », Parlement monocaméral composé de 60 membres élus au suffrage universel pour cinq ans. Le pouvoir exécutif est exercé par deux Capitaines-régents élus tous les six mois par le Conseil Grand et Général qui assument conjointement la fonction de chef d’État et président le Congrès d’État (Gouvernement) constitué de dix membres élus par le Conseil. Les capitaines régents restent six mois en fonction et sont nommés solennellement deux fois par an, le 1er avril et le 1er octobre. La vie politique sanmarinaise est instable : pas moins de douze exécutifs se sont alternés ces douze dernières années. Suite à une réforme du mode de scrutin, le bipolarisme a été renforcé. Le choix des alliances au sein des deux coalitions se fait dorénavant avant les élections.

Les relations entre Saint-Marin et l’Italie, seuls États italophones, fondamentalement bonnes, connaissent parfois quelques difficultés, liées à l’application des conventions qui les lient.

b) De bonnes relations avec l’Italie et l’Union européenne

La neutralité s’est imposée à la République dès le XVe siècle. Après l’unification italienne, une Convention d’amitié et de bon voisinage a été signée avec l’Italie en 1862, renouvelée en 1939 et révisée en 1971 : elle ne fait plus référence à « l’amitié protectrice » de l’Italie ; la souveraineté de la République est pleine et entière.

Toutefois, son enclavement conditionne la vie économique : Saint-Marin est en union douanière avec l’Italie, ce qui se traduit par une ristourne annuelle de TVA au budget sanmarinais. D’autres accords particuliers lient les deux pays : l’émission de monnaies, les tabacs, l’aéroport, les transports, la télévision. La monnaie légale est l’euro, depuis 2002.

Saint-Marin, bien qu’enclavée dans son territoire, ne fait pas partie de l’Union européenne ; un Accord de coopération et d’union douanière a été signé le 16 décembre 1991, dont l’entrée en vigueur a nécessité la signature d’un accord douanier intérimaire, en novembre 1992, en raison du retard pris par certains États membres dans la procédure de ratification. La France a ratifié l’accord en février 1995.

Sur le plan international, la République s’est progressivement insérée dans la communauté internationale en adhérant à la CSCE en 1975, au Conseil de l’Europe en 1988, à l’ONU et au FMI en 1992, à la BERD en 1994. Saint-Marin a établi des relations diplomatiques avec plus de 90 pays.

2) Sur le blason de l’Andorre : « Touche-moi si tu l’oses »

a) Une organisation politique originale, vieil héritage

La Principauté d’Andorre maintient la structure institutionnelle héritée de la signature des « Paréages » en 1278 et 1288 : l’État andorran est une coprincipauté parlementaire en vertu de l’article 1er de sa Constitution. Les deux coprinces de l’Andorre exercent la fonction de chef de l’État, d’une façon conjointe et indivise. À l’heure actuelle, cette charge revient conjointement à Monseigneur Joan Enric Vives, évêque d’Urgell − une région de la Catalogne − et à Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République française.

Leur rôle consiste essentiellement à garantir le respect de la Constitution à laquelle ils jurent ou promettent fidélité (art. 44-2 de la Constitution andorrane). Ils sont passés d’un pouvoir absolu, qu’ils exerçaient rarement, à un pouvoir constitutionnel. Ainsi, ils arbitrent et modèrent le fonctionnement des pouvoirs publics et des institutions. Ils convoquent à la demande du chef du Gouvernement les élections générales, et nomment, sur proposition du Parlement, le chef du Gouvernement. Les deux Coprinces accréditent également les représentants diplomatiques de l’Andorre à l’étranger et reçoivent l’accréditation des représentants étrangers en Andorre. Ils nomment par ailleurs un représentant, à raison d’un pour chaque Coprince, au niveau du Tribunal Constitutionnel et du Conseil Supérieur de la Justice. Chaque Coprince nomme un représentant personnel pour l’Andorre afin de suivre les dossiers de la Principauté.

Le Conseil général exerce le pouvoir législatif, approuve les budgets de l’État, promeut et contrôle l’action politique du Gouvernement. Il comprend actuellement 28 conseillers élus pour 4 ans. La moitié de ces conseillers est élue par circonscription locale à raison de deux pour chacune des sept paroisses, tandis que l’autre moitié est élue par circonscription nationale. Parmi leurs pairs, les parlementaires élus désignent le « Síndic » − Président du Parlement (Consell) − et le vice-président du Parlement ou « sous-Síndic », qui, avec deux secrétaires élus au sein du Consell, composent le bureau du Parlement. Les commissions parlementaires au sein du Conseil général sont au nombre de huit et leurs champs d’attribution respectifs sont les suivants : la politique intérieure, la politique étrangère, l’économie, les finances et le budget, la politique territoriale et l’urbanisme, la santé et l’environnement, les affaires sociales, l’éducation, la recherche, la culture et le sport. Il existe en outre une commission spéciale pour la justice et une commission ad hoc des affaires extérieures.

b) Des relations d’association avec l’Union européenne

L’Andorre a signé en 1990 un accord avec la Communauté économique européenne, qui a été renouvelé en 1996. Il associe l’Andorre à l’Union européenne avec des particularités avantageuses pour la Principauté : union douanière industrielle sauf pour le tabac, régime de pays tiers pour l’agriculture, franchises touristiques. La très forte augmentation de la contrebande de tabac entre 1996 et 1998 a conduit la Principauté d’Andorre à prendre, dès 1998, sous la pression conjuguée de l’Union européenne, de l’Espagne et de la France, des mesures de contrôle. L’adoption d’une loi en 1999 a contribué à juguler le trafic de cigarettes.

La France a assisté l’Andorre dans ses négociations avec l’Union européenne, ce qui a abouti à la finalisation de deux accords : l’accord sur la fiscalité de l’épargne et surtout l’accord de coopération, signés le 30 avril 2004.

Les Andorrans attendent beaucoup de ce dernier accord entré en vigueur le 1er juillet 2005. Ils souhaitent développer sur cette base la coopération entre Andorre et l’UE sur des thèmes aussi variés que l’éducation − avec le programme Erasmus −, la culture, l’environnement et les infrastructures.

Leur souhait d’être associés à la gestion du programme transfrontalier pyrénéen INTERREG IV en adhérant au Traité de Bayonne dont le consorcio (2) est l’organe de gestion des fonds INTERREG, a été couronné de succès. La Principauté a en effet signé le 16 février 2010 le Protocole d’amendement et d’adhésion de la Principauté d’Andorre au Traité entre la France et l’Espagne relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités locales, signé à Bayonne le 10 mars 1995.

L’Andorre souhaite aussi que l’Union européenne participe à l’étude de faisabilité d’une ligne ferroviaire transfrontalière qui relierait l’Andorre à la France − ce qui supposerait 25 kilomètres de tunnel. La Principauté s’appuie sur l’axe E-9 du réseau de transport européen, reliant Amsterdam à Barcelone par Tarascon sur l’Ariège et Puigcerdá, pour demander à la France de poursuivre les travaux sur ces infrastructures routières.

La principauté d’Andorre, qui utilisait le franc français et la peseta espagnole au moment du passage à l’euro s’est retrouvée de facto, en janvier 2002, dans la zone euro. À l’heure actuelle, l’Andorre n’a pas le droit de frapper ses pièces en euro avec sa propre face nationale, mais une négociation est en cours avec la Banque centrale européenne et la Commission européenne pour que dans un avenir proche elle puisse frapper sa monnaie et avoir sa propre série d’euros.

c) Une activité diplomatique ciblée et relayée par ses deux voisins

La France, l’Espagne et la Principauté d’Andorre ont signé, après la création de l’État andorran en 1993, un traité tripartite, qui permet à la Principauté, reconnue comme un État indépendant, d’instaurer des relations diplomatiques équilibrées avec ses deux voisins. En outre, ce traité lui apporte une garantie en cas de menace ou de violation de sa souveraineté ou de l’intégrité de son territoire, ainsi que la faculté de se faire représenter auprès de pays tiers par la France ou l’Espagne.

La Principauté d’Andorre a établi des relations diplomatiques avec 80 États. En juillet 1993, elle a été admise aux Nations unies et en novembre 1994, au Conseil de l’Europe. Elle est aujourd’hui membre de nombreux organismes internationaux. En novembre 2004, elle a adhéré à l’Organisation internationale de la Francophonie et en est devenue membre à part entière lors du Sommet de Bucarest, en septembre 2006.

d) D’étroites relations franco-andorranes

L’institution de la coprincipauté, héritage historique, a créé entre notre pays et Andorre des liens spécifiques. Le chef de l’État français est, votre Rapporteur l’a mentionné, avec l’évêque d’Urgell, coprince d’Andorre depuis la fin du XVIe siècle.

Indépendamment de cette institution, des relations diplomatiques ont été nouées avec la Principauté lorsque celle-ci s’est dotée, en mai 1993, d’une Constitution et est devenue un État indépendant, souverain et reconnu internationalement. Le 1er juin 1993, un Traité tripartite a établi des relations entre Andorre et la France et entre Andorre et l’Espagne, avec échanges d’ambassadeurs.

Les relations bilatérales franco-andorranes sont marquées par une importante activité conventionnelle : enseignement, coopération administrative, sécurité sociale, bureau commun de douanes à « contrôles juxtaposés ». Deux accords réglementant le séjour des ressortissants andorrans en France et celui des Français en Andorre ont été signés le 4 décembre 2000.

B – Deux territoires où l’économie financière est présente mais loin d’être exclusive

1) Saint-Marin, riche petite économie industrielle et bancaire

La République de Saint-Marin connaît une croissance importante de son activité : en 2008 le PIB a progressé de 3,2 %. Le niveau de vie y est comparable à celui des régions les plus prospères d’Italie. Cependant, cette donnée pourrait faire l’objet d’une surestimation en raison de la proximité frontalière avec l’Italie (plus de 6 000 résidents italiens travaillent à Saint-Marin). Le taux de chômage ne dépasse pas 3 % de la population.

CHIFFRES-CLEFS DE L’ÉCONOMIE SANMARINAISE

PIB (2006) : 520 millions d’euros

PIB par habitant (2006) : 13 200 dollars

Taux de chômage (2006) : 4,2 %

Taux d’inflation (2006) : 3 %

Principaux clients (2006) : Italie

Part des principaux secteurs d’activités dans le PIB : services 50 %, dont tourisme 30 %

Exportations de la France vers San Marin (2009) : 10,8 millions d’euros

Importations françaises de San Marin (2009) : 16,1 millions d’euros

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

Les industries (électronique, céramique / terre cuite) et les banques sont les principaux moteurs de l’économie de la République (respectivement 38 % et 19 % du PIB) suivis par le secteur public (13 %) et le commerce (11 %). Le tourisme y est également très présent : le pays accueille plus de 2 millions de touristes chaque année.

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi concernant Saint-Marin, la République comptait 12 banques en 2005 – soit une pour 2 500 habitants en moyenne –, lesquelles disposaient de 50 succursales ; on dénombrait également 42 sociétés financières et fiduciaires, le système financier dans son ensemble gérant des actifs évalués à quelque 12 milliards d’euros – l’équivalent de 20 fois le PIB.

Le territoire regroupe plus de 6 000 entreprises, dont la majorité sont des PME (meubles, liqueurs, tissus) composées d’une ou deux personnes et qui assurent près de 80 % de l’emploi de la République.

Saint-Marin dispose d’un système fiscal favorable : le taux d’imposition des sociétés est de 17 %. Cependant, en raison du secret bancaire, il n’est pas possible d’estimer la présence étrangère sur le territoire. En particulier, la présence française, commerciale ou financière, n’est pas connue.

Bien que Saint-Marin ne soit pas membre de l’Union européenne, elle est très liée à l’Europe grâce à de nombreux accords avec l’Italie, notamment douaniers et monétaires. Depuis 2002, la République de Saint-Marin utilise l’euro comme monnaie officielle.

L’économie du pays est essentiellement liée à celle de l’Italie qui absorbe 90,2 % de ses exportations. Les importations de la République proviennent à plus de 80 % d’Italie, puis de Chine (3,6 %), d’Allemagne (2,7 %) et des Pays-Bas (2,2 %).

2) L’Andorre, pays prospère au secteur financier dynamique

La Principauté d’Andorre est un pays prospère avec un PIB par habitant de 29 000 euros, pour une population d’environ 95 000 habitants.

CHIFFRES-CLEFS DE L’ÉCONOMIE ANDORRANE

PIB (2006) : 2,77 milliards d’euros

PIB par habitant : 29 000 euros

Taux de croissance (2007) : 3,5 %

Taux de chômage (2007) : non disponible. La population active s’élève à 42 416 travailleurs.

Taux d’inflation (2007) : 3,87 %

Solde budgétaire (2007) : 0

Balance commerciale (2007) : − 1 296,57 millions d’euros

Principaux clients : Espagne, France, Allemagne, Italie

Principaux fournisseurs : Espagne, France

Part des secteurs d’activité dans le PIB : agriculture : 1 %, industrie : 21 %, services : 78 %

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

L’agriculture y est une activité peu développée, surtout en raison du relief montagneux. La superficie agricole occupe 4 % de la superficie totale, c’est-à-dire environ 20 km². L’emploi dans ce secteur représente, en 2007, 0,33 % de la population salariée totale. On dénombre plus de 1 200 établissements dans le secteur industriel, principalement dans le secteur du bâtiment, soit 71,6 % des emplois locaux.

Le secteur touristique est un important pôle d’activité économique pour la Principauté. On estime que les revenus du tourisme représentent environ 80 % du PIB andorran et 18 % des emplois. L’économie touristique dispose d’importantes infrastructures commerciales et hôtelières : 40 000 lits, 954 établissements. Au total, ce sont 12 millions de touristes, venant essentiellement d’Espagne ou de France, qui se sont rendus dans la Principauté en 2007.

Le secteur financier, constitué principalement par la banque et les assurances, est l’un des plus dynamiques et se situe à la pointe de l’économie andorrane. En 2007, ce secteur occupait quelque 1 600 salariés, soit 3,6% de la population totale salariée. Il se compose, selon l’étude d’impact jointe au projet de loi relatif à l’Andorre, de 181 établissements comprenant 5 groupes bancaires, un organisme de crédit, 9 organismes financiers de gestion d’investissement, 5 organismes financiers de gestion de patrimoine et 34 compagnies d’assurance, dont 18 sont les succursales de compagnies étrangères. Surtout, votre Rapporteur note que les dépôts bancaires ont été doublés entre 2004 et 2008, passant de 6,9 milliards d’euros à 13,5 milliards d’euros, à rapporter à un PIB de l’ordre de 2,77 milliards d’euros (cf. supra).

L’Andorre enregistre un déficit continu de son commerce extérieur, néanmoins en nette décélération depuis 2000. En 2007, ce déficit a reculé de 2,3 % pour se situer à 1,3 milliard d’euros. Les principaux partenaires de l’Andorre sont les États membres de l’Union européenne, avec qui elle réalise plus de 96 % de ses exportations : l’Espagne totalise 69,6 % des exportations andorranes en 2007, la France 15,1 % et l’Allemagne 6,1 %. La provenance des importations est à plus de 90 % européenne : l’Espagne concentre 56,8 % des importations andorranes en 2007, la France 21,3 %, l’Allemagne 4,7 % et l’Italie 3,58 %. Les finances publiques sont alimentées essentiellement (à 83 %) par la taxe à l’importation : de 3 à 5 % pour les marchandises, de 7 % pour les véhicules notamment.

Très dépendante de l’extérieur, la Principauté n’a pas été épargnée par les retombées d’une crise d’ampleur mondiale. Elles ont accentué le ralentissement économique perceptible au cours de ces dernières années dans le commerce, la banque, la construction et même le tourisme. Avec la baisse très sensible en 2008 des performances du commerce comme des banques, les ventes immobilières ont chuté de 70 % cette même année. Dans ce cadre, le budget 2009 a été revu très nettement à la baisse.

Conséquence des faiblesses de l’économie, nombre de travailleurs ont perdu leur emploi dans le secteur du bâtiment. Aucune statistique précise n’est donnée, les sans-emploi ne bénéficiant dans la Principauté d’aucune aide de l’État. Le développement récent d’un malaise social en Andorre est un facteur à prendre en considération notamment dans la mesure où, affectant des nationaux andorrans, il est susceptible de se traduire dans les choix politiques opérés lors des prochaines élections. L’Union européenne est le principal partenaire commercial d’Andorre avec 85 % de son commerce extérieur (dont 75 % avec la France et l’Espagne, les importations en provenance de France étant toutefois moitié moins importantes que celle provenant d’Espagne).

Enfin, votre Rapporteur veut surtout noter que l’Andorre se distingue par son système fiscal : il n’existe pas en Principauté d’Andorre de TVA, ni de système d’imposition directe sur le revenu des personnes physiques, sur les bénéfices commerciaux, ou sur le patrimoine. Les charges sociales sont modérées (environ 18 % sur les salaires) en raison du jeune âge de la population active et de la quasi inexistence du chômage.

*

Loin de constituer des « paradis fiscaux types » comme certaines îles du Pacifique ou certains micro-États quasi exclusivement tournés vers une activité financière offshore, la République de Saint-Marin et la Principauté d’Andorre sont des États bien implantés en Europe qui ont noué des relations internationales solides et commercent beaucoup avec leurs grands voisins.

Leur législation présente cependant des dispositions fiscales très favorables et susceptibles, de par leur proximité même avec la France notamment, d’en faire des havres fiscaux propres à dissimuler des avoirs aux yeux de l’administration fiscale de notre pays.

Il était donc nécessaire de rendre effective la coopération administrative sur ce point ; les décisions concertées de la communauté internationale, dans la foulée de la crise financière de l’automne 2008, en ont fourni l’occasion inattendue.

II – DES ACCORDS D’ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS FISCAUX
QUI DEVRONT FAIRE LA PREUVE DE LEUR EFFICACITÉ

L’activisme du G20 sur un terrain longuement préparé par l’OCDE a permis en 2009 – année dont votre Rapporteur a déjà souligné le contexte « historique » – la signature par de nombreux États, dont la France, d’accords censés mettre fin à l’opacité derrière laquelle s’abritaient certains territoires pour dissimuler des avoirs aux administrations fiscales nationales.

L’étude d’impact jointe aux deux projets de loi objets du présent rapport, indique qu’est couvert, de ce fait, « quasiment l’ensemble de États et territoires concernés sur la zone européenne ».

Selon les renseignements recueillis par votre Rapporteur, voici ce qu’il faut entendre par cette expression : outre la convention conclue de longue date avec la Principauté de Monaco, à la date de signature des deux accords avec Saint-Marin et l’Andorre, le 22 septembre 2009, la France avait signé des accords d’échange de renseignements avec Jersey, Guernesey, l’Île de Man, les Îles vierges britanniques et des avenants aux conventions avec le Luxembourg, la Belgique et la Suisse. De plus, ce même jour, la France signait un accord d’échange de renseignements avec le Liechtenstein.

Aussi, par rapport à la « liste grise » de territoires insuffisamment coopératifs établie le 2 avril 2009 à la demande du G20, la France avait signé à cette date avec tous les États ou territoires de la zone européenne qui figuraient sur cette liste, à l’exception de Gibraltar (3) et de l’Autriche (4).

A – Des négociations rapides en raison d’un contexte particulier : sortir de la « liste grise »

1) Un contexte porteur

Sans revenir en détail sur un contexte commenté par notre collègue Jaques Remiller dans son rapport n° 2552, votre Rapporteur veut simplement rappeler qu’un État ou un territoire est estimé « non coopératif » dès lors qu’il n’a pas signé au moins douze accords permettant l’échange de renseignements fiscaux conformément aux standards internationaux reconnus en la matière. Ce critère, défini une première fois à la fin de l’année 2008 par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales (5), a servi de base au Secrétariat général de l’OCDE pour établir ses listes de territoires classés en fonction de leur degré de mise en œuvre des standards internationaux (6), à la demande du G20, le 2 avril 2009 (7).

La traduction de ce critère en droit interne français a été opérée par l’article 22 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, ultime loi de finances rectificative pour 2009. Aux termes de cet article, « sont considérés comme non coopératifs, à la date du 1er janvier 2010, les États et territoires non membres de la Communauté européenne dont la situation au regard de la transparence et de l’échange d’informations en matière fiscale a fait l’objet d’un examen par l’Organisation de coopération et de développement économiques et qui, à cette date, n’ont pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative permettant l’échange de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze États ou territoires une telle convention. »

La définition de ce critère de douze signatures et l’élaboration de ces listes, qui sont mises à jour régulièrement, a porté ses fruits. Depuis le 2 avril, vingt-cinq États et territoires, dont Andorre et Saint-Marin, sont passés de la « liste grise » à la « liste blanche ». La « liste noire » ne comporte plus aucun nom depuis le début d’avril 2009 et, le 21 avril 2010, la « liste grise » ne comportait plus que dix-sept entités. En outre, plus de 400 accords, conventions ou avenants aux conventions conformes aux standards ont été signés depuis la fin de l’année 2008 (8).

2) La signature d’un accord comme objectif en soi

Le critère de la signature d’accords bilatéraux ayant été retenu à défaut d’un outil d’appréciation plus élaboré, une sorte de « course à la signature » a pu être observée de la part des États et territoires qui figuraient sur l’une ou l’autre listes infâmantes dressées à la demande du G20.

La République de Saint-Marin a ainsi signé des accords d’échange de renseignements avec quinze autres États en l’espace d’à peine plus de sept mois :

– avec Monaco le 29 juillet 2009 ;

– avec les Samoa le 1er septembre 2009 ;

– avec les Îles Féroé le 10 septembre 2009 ;

– avec l’Andorre le 21 septembre 2009 ;

– avec le Groenland le 22 septembre 2009 ;

– avec les Bahamas le 24 septembre 2009 ;

– avec l’Argentine le 7 décembre 2009 ;

– avec, respectivement, le Danemark, l’Islande, la Suède, la Norvège et la Finlande le 12 janvier 2010 ;

– avec les Pays-Bas le 27 janvier 2010 ;

– avec le Royaume-Uni le 16 février 2010 ;

– avec l’Australie le 4 mars 2010.

Quant à la Principauté d’Andorre, elle a signé des accords d’échange de renseignements avec quinze autres États également, mais plus rapidement encore (à peine plus de cinq mois) :

– avec l’Autriche le 17 septembre 2009 ;

– avec le Liechtenstein le 18 septembre 2009 ;

– avec Monaco le 18 septembre 2009 ;

– avec Saint-Marin le 21 septembre 2009 ;

– avec la Belgique le 23 octobre 2009 ;

– avec l’Argentine le 26 octobre 2009 ;

– avec les Pays-Bas le 6 novembre 2009 ;

– avec le Portugal le 30 novembre 2009 ;

– avec sept pays nordiques (9) le 24 février 2010.

Votre Rapporteur signale que le statut de coprince d’Andorre dont jouit le Président de la République française offre une proximité toute particulière entre la France et cet État. Cette proximité a permis que les négociations se déroulent dans de bonnes conditions et aboutissent à une signature rapide de l’accord, faisant ainsi de la France un des premiers pays à signer avec Andorre.

Cela est d’autant plus remarquable que la France avait conditionné cette signature à la modification préalable, par la Principauté, de sa législation interne. Avant la modification de celle-ci intervenue en septembre 2009, Andorre n’aurait pas été en mesure de mettre en œuvre l’accord d’échange de renseignements.

Une chose, cependant, est de parvenir à une signature ; une autre est de rendre cette signature efficace et l’accord effectif.

B – Un contenu quasi identique qui pose la question de sa mise en œuvre effective

1) La France concernée… dans une mesure impossible à connaître

Dans quelle mesure la France est-elle victime des dissimulations abritées par des paradis fiscaux ? À la demande précise de votre Rapporteur, qui souhaitait davantage d’informations que n’en procurait sur ce point la laconique étude d’impact jointe aux présents projets de loi, il a été répondu que la direction générale des Finances publiques ne disposait pas de base de données permettant de dire combien de contribuables français possédaient des avoirs à Saint-Marin et en Andorre, ni a fortiori pour quel montant, même en s’en tenant à un ordre de grandeur.

Il faut donc se contenter de l’estimation particulièrement large formulée naguère par un organisme associé à la Cour des comptes : « Le Conseil des prélèvements obligatoires estimait, dans son rapport de 2007, le montant de la fraude fiscale et sociale annuelle entre 29 et 40 milliards d’euros. »

La seule information qu’il a été possible d’obtenir est la suivante : au regard des déclarations de revenus qui sont adressées chaque année à l’administration fiscale française, on peut estimer le nombre de foyers fiscaux résidents dans ces deux territoires et qui déclarent des revenus imposables en France ou des avoirs qui y sont détenus : environ 670 de ces foyers fiscaux résident à Andorre et une dizaine résident à Saint-Marin. L’étude d’impact jointe au projet de loi relatif à Saint-Marin mentionne plus précisément 80 résidents français dans ce territoire, dont quatre chefs d’entreprise, régulièrement inscrits sur les registres.

2) Des apports concrets en matière d’assistance administrative, allant au-delà du modèle de l’OCDE

Dans l’attente de l’entrée en vigueur des deux présents projets de loi, aucun texte applicable ne prévoit aujourd’hui d’assistance administrative mutuelle entre l’administration française et les administrations d’Andorre ou de Saint-Marin en matière fiscale. Les deux accords signés le 22 septembre dernier, presque identiques au mot près, visent donc avant tout à pallier cette lacune.

Les négociations de ces accords se sont déroulées dans de très bonnes conditions, ce qui a permis une signature très rapide. Cette coopération lors des négociations laisse penser que chacun des accords est bien perçu par les autorités concernées, d’autant plus que ces deux territoires continuent à conclure de tels accords, même après avoir franchi le seuil de douze prescrit par la communauté internationale.

Les accords signés avec Andorre et Saint-Marin, tout en étant conformes aux standards internationaux de transparence et d’échange de renseignements, comportent des améliorations par rapport au modèle élaboré au sein de l’OCDE. Ces améliorations, assez marginales, sont de quatre ordres :

− le champ d’application de l’accord est plus large que celui prévu dans le modèle de l’OCDE, dès lors que l’article 3 n’énumère pas les impôts couverts par l’accord mais précise que sont visés l’ensemble des « impôts existants prévus par les dispositions législatives et réglementaires des parties », ainsi que les impôts de même nature établis après la date de signature de l’accord « qui s’ajouteraient aux impôts actuels ou les remplaceraient » ;

− l’article traitant des dispositions d’application (article 10) prévoit que les parties doivent adapter leur législation interne afin de rendre effectif l’échange d’informations avec la nécessité de réunir trois conditions : l’information doit être disponible et l’administration de la partie requise doit y avoir accès et être en mesure de la transmettre ;

− l’article relatif aux frais (article 9) engagés dans le cadre de l’accord stipule que le remboursement à la partie requise des frais extraordinaires par la partie requérante ne constitue qu’une faculté ;

− enfin, la limite à l’échange d’informations relative aux sociétés cotées prévue à l’article 5, point 4 du modèle, ne s’applique pas.

Pour le reste, les stipulations des deux accords sont conformes au modèle de l’OCDE :

– l’article 1er en définit l’objet et le champ d’application, qui porte en substance sur l’échange de renseignements fiscaux « vraisemblablement pertinents ». Cette notion vise à assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible, tout en évitant que les parties à l’accord ne formulent des requêtes extrêmement vagues ou ne demandent des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents au regard de l’objet desdits accords. Cet article doit donc se lire conjointement avec les stipulations du paragraphe 5 de l’article 5, dressant la liste des éléments que la partie requérante doit pouvoir fournir à l’appui de sa demande. Toutefois, afin de ne pas restreindre excessivement l’échange de renseignements, les standards de l’OCDE précisent que cette notion doit être interprétée assez largement et que, le cas échéant, la pertinence des renseignements peut n’être évaluée qu’après réception des renseignements ;

– l’article 2 délimite le champ de compétence des autorités requises, qui ne se borne pas aux seuls résidents, ressortissants ou citoyens de l’État requis ;

– l’article 4 est consacré aux définitions des termes-clefs de l’accord ;

– l’article 5 constitue le cœur de l’accord, à savoir la notion d’échange de renseignements sur demande. En particulier, il est stipulé qu’une incrimination pénale n’est pas une condition nécessaire à l’échange (paragraphe 1), que la partie requise doit agir pour obtenir les renseignements demandés, même si elle n’en a pas elle-même besoin (paragraphe 2), et surtout qu’aucun privilège lié à un statut particulier ou à une forme juridique spéciale ne doit en principe faire obstacle à la fourniture de renseignements (paragraphe 4). Des délais sont également prévus (paragraphe 6) pour accuser réception de la demande dans les 60 jours et faire valoir sous 90 jours un éventuel non possumus ;

– l’article 6 traite des enquêtes ou contrôles fiscaux que des représentants des autorités de la Partie requérante peuvent être autorisés à effectuer sur le territoire de la Partie requise ;

– l’article 7 détaille les modalités de l’éventuel rejet d’une demande de renseignement, notamment pour des motifs d’ordre public, ou pour respecter le « legal privilege » (10). Cette dernière notion s’entend, d’une façon générale, comme le droit qui protège la confidentialité des communications entre un client et son avocat ou conseiller juridique lorsqu’elles sont émises dans le but de prodiguer ou d’obtenir des conseils juridiques ou dans le cadre d’un contentieux ;

– l’article 8, lui aussi capital, précise les obligations de confidentialité attachées à la demande de renseignements et à l’utilisation des renseignements fournis ;

– l’article 11 prévoit une procédure amiable comme voie prioritaire de règlement des différends ;

– l’article 12 mentionne deux dates d’entrée en vigueur de l’accord. En matière fiscale pénale, il s’agit, immédiatement, de la date de notification de l’accomplissement de la procédure de ratification, tandis qu’en matière non pénale, cette même date n’est qu’un butoir à partir duquel l’accord devient applicable aux exercices fiscaux ultérieurs ;

– enfin, l’article 13 précise la forme et l’effet d’une éventuelle dénonciation de l’accord. En particulier, la confidentialité visée à l’article 8 demeure applicable même dans ce cas.

3) Un effet d’affichage que seul le recul de l’expérience permettra de valider

C’est surtout sur trois points que votre Rapporteur souhaite faire porter la lancinante interrogation relative à l’effectivité de deux accords objets du présent rapport :

– les éventuelles « failles juridiques » quant au statut des personnes couvertes par les accords ;

– la portée de l’obligation faite aux parties de modifier leur législation interne pour se conformer aux accords ;

– les moyens dont disposerait la France si elle devait constater le défaut de coopération de Saint-Marin ou de l’Andorre.

Sur le premier point, dans quelle mesure a-t-on la certitude que le paragraphe 4 de l’article 5 (identique dans les deux accords) couvre absolument tous les types de personnes et d’organismes susceptibles de détenir des renseignements pouvant être recherchés ?

À cette question, votre Rapporteur s’est vu répondre que la rédaction – déjà très large – du paragraphe ne faisait pas pour autant obstacle à l’obligation générale de fournir des renseignements pour la détermination, l’établissement, le contrôle et la perception des impôts visés par l’accord (cf. article 5, paragraphe 1). De surcroît, même si l’accord ne mentionne pas une catégorie de personnes en particulier, la partie requise est dans l’obligation, en application de l’article 5, paragraphe 4, point b i) et de l’article 4, paragraphe 1, point d, de fournir les renseignements relatifs à toute personne, c’est-à-dire à toute personne physique ou morale, ou tout groupement de ces personnes.

Sur le deuxième point, selon les informations recueillies par votre Rapporteur, « l’intérêt de la stipulation prévoyant l’adaptation de la législation interne des parties pour se conformer à l’accord a pour but d’assurer un échange effectif d’informations, c’est-à-dire d’assurer la disponibilité des renseignements, et la capacité des administrations fiscales à y accéder et à les transmettre à l’autre partie. » Outre l’expérience pratique qui commencera à être accumulée dès l’entrée en vigueur des accords qui lient la France et Saint-Marin d’une part, et l’Andorre d’autre part, d’éventuelles lacunes pourront être mises en évidence dans le cadre de la « revue par les pairs » menée par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements en matière fiscale.

Comme le précise le rapport précité de notre collègue Jacques Remiller, la France a été choisie pour présider le comité des pairs chargé d’évaluer la mise en conformité du droit et des pratiques des territoires non coopératifs avec leurs engagements internationaux. Le premier représentant de la France à ce poste est M. François d’Aubert, que la commission des Affaires étrangères a entendu le 24 mars dernier (11).

Sur le troisième et dernier point, si la France devait constater que les accords signés ne permettaient pas un échange effectif de renseignements, il a été indiqué à votre Rapporteur que les conséquences en seraient tirées sur trois plans :

– d’une part, dans le cadre de la revue par les pairs réalisée par le Forum mondial, l’appréciation faite des territoires en cause serait dégradée ;

– d’autre part, sur le plan national, la France pourrait ajouter ces territoires à sa propre liste d’États et de territoires non coopératifs en application de la loi de finances rectificative pour 2009 déjà citée ;

– enfin, la France pourrait aller jusqu’à dénoncer les accords si ceux-ci ne pouvaient pas être mis en œuvre.

Ces deux accords représentent donc à bien des égards une forme de pari, reposant sur la « pression des pairs », mais dans un contexte qui n’est déjà plus celui de l’onde de choc provoqué par la phase aiguë de la crise financière de l’automne 2008. Il faudra par conséquent que la commission des Affaires étrangères se penche de nouveau sur l’efficacité des deux accords objets du présent rapport, et de tous ceux du même type, au terme, par exemple, d’une année d’application.

CONCLUSION

En dépit des incertitudes sur le caractère effectif des accords relatifs à l’échange de renseignements fiscaux, une entrée en vigueur de chacun des deux accords dans le courant de l’année 2010 est très souhaitable. L’objectif de la France est de pouvoir utiliser ces accords dans les meilleurs délais et votre Rapporteur y souscrit évidemment.

De plus, une procédure de ratification qui durerait trop longtemps du côté français pourrait fragiliser la position de la France dans les instances internationales qui traitent des questions de transparence fiscale, dont le G20, et ce alors que notre pays assurera sa présidence en 2011.

Dans ces conditions, votre Rapporteur vous propose de voter en faveur de l’approbation de ces deux accords.

L’impact de ceux-ci sera nécessairement évalué à la lumière de leur mise en œuvre. Ainsi, il est souhaitable que la France veille à la bonne coopération administrative avec Andorre et Saint-Marin au regard de la qualité des renseignements qui seront transmis par ces États et des conséquences que l’administration fiscale française en tirera en termes de contrôle fiscal. De même, du point de vue du Parlement, il faudra évaluer périodiquement la portée et l’efficacité de ces accords.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 8 juin 2010.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Marc Roubaud. Un article des accords précise les cas où la partie requise peut refuser de donner des renseignements. Ne craignez-vous pas que ces accords soient vidés de leur substance par ces stipulations ?

M. Jacques Bascou, rapporteur. Les cas de refus prévus sont principalement le risque pour l’ordre public et les situations dans lesquelles la divulgation de renseignements remettrait en cause la confidentialité de la relation entre un avocat ou un conseiller juridique et son client.

Je tiens à souligner que Saint-Marin et surtout l’Andorre ne sont pas du tout dans la même situation que les paradis fiscaux off shore. En particulier, l’Andorre souhaite s’intégrer dans une logique européenne afin notamment de bénéficier des programmes INTERREG ; elle souhaite aussi obtenir la frappe d’un euro avec une face nationale qui lui soit propre. Elle a déjà modifié sa législation pour la mettre en conformité avec les stipulations de l’accord. En outre, même si les dépôts bancaires ont doublé entre 2004 et 2008, les activités financières n’occupent pas une place essentielle dans son économie.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (nos 2328 et 2331).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, les deux présents projets de loi dans les textes figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (12)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Saint-Marin relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale, signé à Saint-Marin le 22 septembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

*

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale, signé à Andorre-la-Vieille le 22 septembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte des accords figure en annexe aux projets de loi (n°s 2328 et 2331).

© Assemblée nationale

1 () Rapport n° 2552 sur le projet de loi (n° 2330) autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Liechtenstein relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale.

2 () Structure de droit espagnol.

3 () La France a néanmoins signé avec Gibraltar un accord d’échange de renseignements dès le 24 septembre.

4 () La France négocie actuellement avec l’Autriche un avenant à la convention bilatérale existante. Les négociations avec ce pays ont en effet débuté plus tardivement du fait de la nécessité qu’il avait, au préalable, de modifier sa législation interne.

5 () Le Forum mondial réunit les membres de l’OCDE et de plus de soixante États et territoires, dont la plupart des membres du G20 non membres de l’OCDE et l’essentiel des juridictions qui ont été, au moins à un moment donné, jugées non coopératives. Avec les évolutions intervenues depuis la fin de l’année 2008, le Forum mondial a été profondément remanié et son champ élargi en septembre 2009. Il a aujourd’hui la charge de mener la « revue par les pairs » de l’ensemble de ses membres ainsi que celle des juridictions qui présentent un risque en termes de transparence fiscale.

6 () Une première liste dite « blanche » énumérait les juridictions ayant signé au moins 12 accords, une deuxième dite « grise » regroupait les juridictions qui, bien que s’étant engagées à mettre en œuvre les standards internationaux, n’avaient pas encore signé au moins 12 accords et la dernière liste, dite « noire » mentionnait les 4 juridictions qui ne s’étaient pas encore engagées à mettre en œuvre les standards internationaux, à savoir le Costa Rica, Labuan en Malaisie, les Philippines et l’Uruguay.

7 () À la différence du G20, le Forum mondial avait toutefois retenu un critère de douze accords avec des pays membres de l’OCDE.

8 () Plus de 200 accords d’échange de renseignements ont été signés pendant cette période, alors que seulement 44 accords de même nature avaient été conclus entre 2000 et 2008. Si l’on ajoute les conventions bilatérales ou avenants à ces conventions, ce sont plus de 400 accords qui ont été conclus entre le 15 novembre 2008 et le 1er avril 2010.

9 () Les pays nordiques mènent en général leur négociation de façon multilatérale. Ce groupe est habituellement constitué de sept pays : le Danemark, la Finlande, le Groenland, les Îles Féroé, l’Islande, la Norvège et la Suède.

10 () En anglais dans le texte de chacun des deux accords, au paragraphe 2 de l’article 7.

11 () Compte rendu disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cafe/09-10/c0910047.asp#P6_47

12 () pour les projets de loi n°s 2328 et 2331.