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Nos 2582 et 2583

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juin 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 2499), visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi ET SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2491) tendant à réviser le Règlement de l’Assemblée nationale,

PAR M. Jean MALLOT,

Député.

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Voir les numéros : 2571 et 2572.

INTRODUCTION 5

I. LA PLACE NOUVELLE DES PARTENAIRES SOCIAUX DANS L’ÉLABORATION DE LA NORME 6

1. L’instauration d’une procédure de concertation préalable avec les partenaires sociaux 6

2. Les premières applications de la procédure de concertation préalable avec les partenaires sociaux 9

II. APPLIQUER LA CONCERTATION PRÉALABLE AUX PROPOSITIONS DE LOI 11

1. Les lacunes de l’obligation actuelle de concertation préalable 11

a) Le champ de la concertation préalable 11

b) Le contournement par l’initiative parlementaire 12

2. L’exemple récent de l’avis du Conseil d’État sur les propositions de loi 13

3. Le protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi : une première réponse imparfaite 14

4. Poser le principe d’une concertation préalable des partenaires sociaux pour les propositions de loi 15

5. Fixer les modalités pratiques de la consultation des partenaires sociaux dans le Règlement de l’Assemblée nationale 16

DISCUSSION GÉNÉRALE 19

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI 27

Article 1er (article L. 1 du code du travail) : Concertation préalable avec les partenaires sociaux sur les propositions de loi 27

Article 2 : Renvoi des modalités de mise en œuvre du principe de concertation préalable aux règlements des assemblées parlementaires 28

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 31

Article unique (article 85-1 [nouveau] du Règlement de l’Assemblée nationale) : Procédure applicable aux propositions de loi entrant dans le champ de l’article L. 1 du code du travail 31

TABLEAU COMPARATIF (PROPOSITION DE LOI) 35

TABLEAU COMPARATIF (PROPOSITION DE RÉSOLUTION) 37

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (PROPOSITION DE LOI) 39

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION (PROPOSITION DE RÉSOLUTION) 41

ANNEXE 43

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 45

MESDAMES, MESSIEURS,

L’association des partenaires sociaux à l’élaboration des dispositions normatives dans le domaine social est une pratique ancienne, mais qui a été renouvelée par la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social. Depuis cette loi, le Gouvernement est tenu de faire précéder ses projets de réforme en matière de droit du travail, d’emploi et de formation professionnelle, lorsqu’ils entrent dans le champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, d’une procédure de concertation préalable avec les partenaires sociaux définie précisément par les articles L. 1 et L. 2 du code du travail.

L’utilité de cette nouvelle procédure est déjà prouvée par les projets de loi déposés depuis 2008 dans ces matières, qui prennent en compte les positions exprimées par les partenaires sociaux et, dans certains cas, transposent l’accord national interprofessionnel conclu par certains d’entre eux.

Dans le même temps, un angle mort, particulièrement gênant, a été révélé par l’épisode du « travail du dimanche » : en juillet 2009, une proposition de loi a permis de modifier substantiellement certaines règles fondamentales du droit du travail, sans que les partenaires sociaux aient pu se prononcer au préalable sur ce sujet pourtant essentiel.

Le traitement des projets de réforme gouvernementaux, d’une part, et celui des propositions de loi, d’origine parlementaire, d’autre part, ne peuvent être à ce point différent, et les initiatives parlementaires, qui ont vocation à se développer, se doivent d’intégrer dans leur démarche la démocratie sociale.

Sollicités par le Premier ministre, le Sénat comme l’Assemblée nationale ont élaboré des protocoles relatifs à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi, respectivement en décembre 2009 et février 2010.

Dans chacun des cas, ces protocoles prévoient que l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi en matière de droit du travail, d’emploi ou de formation professionnelle doit être précédée d’une consultation des organisations syndicales représentatives, lesquelles peuvent exprimer leur intention d’engager une négociation. Dans cette hypothèse, un délai doit leur être accordé pour conduire cette négociation. La proposition de loi ne peut normalement être inscrite à l’ordre du jour qu’une fois la procédure de concertation achevée.

Certaines dispositions du protocole de l’Assemblée nationale, telles que celle relative au délai accordé aux organisations syndicales pour répondre à la première consultation, ou celle permettant une exonération de la procédure de consultation en cas d’urgence reconnue par le Président de l’Assemblée nationale, méritent d’être revues. Mais plus encore, le protocole est un engagement qui n’a pas été discuté par les députés, auxquels il s’applique pourtant, et qui, n’étant inscrit dans aucun des textes régissant le fonctionnement de notre assemblée, est même ignoré de beaucoup.

La proposition de loi et la proposition de résolution déposées par les députés du groupe socialiste, radical et citoyen apportent une réponse d’ensemble à la question de l’application de la procédure de concertation préalable aux propositions de loi. La proposition de loi prévoit de consacrer dans la loi, à l’article L. 1 du code du travail, le principe de cette concertation préalable avec les partenaires sociaux, évitant ainsi qu’une réponse partielle, et réservée à l’une seule des deux assemblées du Parlement, soit apportée. La proposition de résolution précise les modalités de cette concertation préalable pour les propositions de loi déposées par des députés et offre l’opportunité de remédier aux défauts du protocole entériné par la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale en février 2010.

I. LA PLACE NOUVELLE DES PARTENAIRES SOCIAUX DANS L’ÉLABORATION DE LA NORME

La place prise par les partenaires sociaux dans l’élaboration de la norme législative en matière sociale est ancienne. Le contrat collectif peut précéder et inspirer l’intervention du législateur. Il est également possible que le législateur renvoie explicitement aux partenaires sociaux le soin de négocier, en aval de la loi, soit afin de préparer une nouvelle intervention du législateur, soit afin de fixer les conditions d’application de la loi.

Néanmoins, ces formes traditionnelles d’interaction sont renouvelées par l’instauration d’une procédure de concertation préalable à tout projet de réforme, inspirée de la législation communautaire.

1. L’instauration d’une procédure de concertation préalable avec les partenaires sociaux

Lors du dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, le 19 novembre 2003, du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, le Gouvernement s’était engagé à appliquer concrètement le principe selon lequel toute réforme substantielle modifiant l’équilibre des relations sociales devait être précédée d’une concertation effective avec les partenaires sociaux et, le cas échéant, d’une négociation entre ceux-ci. Comme l’expliquait l’exposé des motifs de ce projet de loi, « le Gouvernement prend l’engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. Par conséquent, il saisira officiellement les partenaires sociaux, avant l’élaboration de tout projet de loi portant réforme du droit du travail, afin de savoir s’ils souhaitent engager un processus de négociation sur le sujet évoqué par le Gouvernement ».

Une telle procédure de consultation préalable des partenaires sociaux avait été consacrée en droit communautaire dès 1992.

La consultation des partenaires sociaux en droit communautaire

Depuis l’accord sur la politique sociale joint au traité de Maastricht, les traités communautaires comportent des dispositions relatives à la consultation des partenaires sociaux préalable à tout acte communautaire dans les domaines où l’Union soutient et complète l’action des États membres : l’amélioration du milieu du travail, les conditions de travail, la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs, la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail, leur information et leur consultation, leur représentation et la défense collective de leurs intérêts ainsi que la représentation et la défense collective des intérêts des employeurs, les conditions d’emploi des ressortissants de pays tiers, l’intégration des personnes exclues du marché du travail, l’égalité entre hommes et femmes sur le marché du travail, la lutte contre l’exclusion sociale et la modernisation des systèmes de protection sociale.

Les articles 154 et 155 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne définissent et encadrent précisément la procédure de consultation des partenaires sociaux avant l’élaboration d’une norme communautaire :

« Art. 154 (ex article 138 du TCE) La Commission a pour tâche de promouvoir la consultation des partenaires sociaux au niveau de l’Union et prend toute mesure utile pour faciliter leur dialogue en veillant à un soutien équilibré des parties.

« À cet effet, la Commission, avant de présenter des propositions dans le domaine de la politique sociale, consulte les partenaires sociaux sur l’orientation possible d’une action de l’Union.

« Si la Commission, après cette consultation, estime qu’une action de l’Union est souhaitable, elle consulte les partenaires sociaux sur le contenu de la proposition envisagée. Les partenaires sociaux remettent à la Commission un avis ou, le cas échéant, une recommandation.

« À l’occasion des consultations visées aux paragraphes 2 et 3, les partenaires sociaux peuvent informer la Commission de leur volonté d’engager le processus prévu à l’article 155. La durée de ce processus ne peut pas dépasser neuf mois, sauf prolongation décidée en commun par les partenaires sociaux concernés et la Commission.

« Art. 155 (ex article 139 du TCE) Le dialogue entre partenaires sociaux au niveau de l’Union peut conduire, si ces derniers le souhaitent, à des relations conventionnelles, y compris des accords.

« La mise en œuvre des accords conclus au niveau de l’Union intervient soit selon les procédures et pratiques propres aux partenaires sociaux et aux États membres, soit, dans les matières relevant de l’article 153, à la demande conjointe des parties signataires, par une décision du Conseil sur proposition de la Commission. Le Parlement européen est informé.

« Le Conseil statue à l’unanimité lorsque l’accord en question contient une ou plusieurs dispositions relatives à l’un des domaines pour lesquels l’unanimité est requise en vertu de l’article 153, paragraphe 2. »

D’abord simple engagement du Gouvernement, l’orientation affichée fin 2003 a été sérieusement mise en cause lors de l’examen du projet de loi pour l’égalité des chances, en février 2006 à l’Assemblée nationale.

Par la voie d’un amendement à ce projet de loi, le Gouvernement a proposé d’introduire en droit français un contrat de travail d’un nouveau type pour le recrutement de personnes âgées de moins de vingt-six ans, sans que les partenaires sociaux aient jamais été consultés à ce sujet : le contrat première embauche (dit CPE). Ce contrat dérogeait aux dispositions protectrices du salarié pendant les deux premières années d’application (entretien préalable avec l’employeur en cas de rupture, énoncé des motifs dans la lettre de licenciement, caractère réel et sérieux de la cause du licenciement), et il posait des problèmes de société graves.

Aussi, bien que la disposition ait été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel (1), elle a été abrogée dès avril 2006 par le législateur (2), apportant ainsi la preuve, si besoin en était, de l’intérêt et de l’utilité de consulter les partenaires sociaux avant de réformer à tout-va le droit du travail.

Dans le même temps, plusieurs rapports plaidaient en faveur d’une place plus grande accordée à la négociation sociale : celui de M. Michel de Virville au ministre du travail, en janvier 2004 (3), celui de M. Dominique-Jean Chertier au Premier ministre, en mars 2006 (4).

Tirant les conséquences de ces préconisations, le Gouvernement déposa, fin 2006, un projet de loi de modernisation du dialogue social, ayant pour objet d’introduire dans le code du travail un titre préliminaire consacré au dialogue social et instaurant une procédure de concertation avec les organisations syndicales représentatives.

La loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social contraint le Gouvernement, lorsqu’il envisage un projet de réforme qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, de mener une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel (disposition désormais codifiée à l’article L. 1 du code du travail).

Le document d’orientation communiqué par le Gouvernement aux organisations doit définir les objectifs poursuivis par le projet de réforme et les principales options envisagées. Les organisations peuvent alors faire connaître au Gouvernement leur intention d’engager une négociation sur le sujet, et le délai qu’elles estiment nécessaire pour conduire cette négociation.

Enfin, une situation d’exception est réservée, dans les cas d’urgence déclarée par le Gouvernement, permettant à ce dernier de s’exonérer de la procédure de concertation.

Dans un second temps, comme le prévoit l’article L. 2 du code du travail, si le Gouvernement élabore un projet de loi, il doit tenir compte des résultats de la procédure de concertation et de l’éventuelle négociation engagée sur le sujet, et mener une consultation de l’une des trois principales instances de concertation en matière de droit du travail, selon les matières concernées : la Commission nationale de la négociation collective, le Conseil national de l’emploi et le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie. Chacune de ces trois instances est notamment composée de représentants des organisations de salariés et d’employeurs représentatives au plan national.

Comme cela a été souligné dans son rapport public pour l’année 2008, « le Conseil d’État […] ne manquerait pas de procéder à la disjonction de tout article de projet de loi qui méconnaîtrait les dispositions [des articles L. 1 et L. 2 du code du travail]. De même, le Conseil d’État statuant au contentieux pourrait être conduit à apprécier si une réforme faite par la voie réglementaire a été précédée de la procédure prévue par la loi. » (5)

L’article L. 3 du code du travail apporte un complément à cette obligation de concertation préalable, en prévoyant la présentation à la commission nationale de la négociation collective d’un calendrier annuel des orientations de la politique du Gouvernement dans les domaines des relations individuelles et collectives du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

2. Les premières applications de la procédure de concertation préalable avec les partenaires sociaux

La première application concrète de la disposition introduite par la loi du 31 janvier 2007 a concerné le projet de loi sur la modernisation du marché du travail.

Le Gouvernement a adressé le 18 juin 2007 aux partenaires sociaux un document d’orientation sur la modernisation du marché du travail et la sécurisation des parcours professionnels. Dès le 19 juin 2007, les organisations syndicales et patronales ont décidé d’engager une négociation sur la modernisation du marché du travail. Le 11 janvier 2008, elles ont finalisé un accord sur la modernisation du marché du travail, qui a été signé par sept organisations représentatives : la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) ; la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ; Force ouvrière (FO) ; la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ; le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et l’Union professionnelle artisanale (UPA). À la suite de cet accord, un avant-projet de loi a été soumis à la Commission nationale de la négociation collective, le 11 mars 2008. Enfin, le Gouvernement a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, le 26 mars 2008, le projet de loi portant modernisation du marché du travail, qui a été définitivement adopté par le Parlement le 12 juin 2008 (6).

Depuis lors, d’autres projets de loi examinés et adoptés par le Parlement ont été précédés d’une phase de concertation avec les partenaires sociaux – phase de concertation dont les études d’impact qui accompagnent désormais les projets de loi devront faire état.

Le document d’orientation adressé le 18 juin 2007 aux partenaires sociaux a été complété par deux nouveaux thèmes le 26 décembre 2007 (le temps de travail, d’une part, et les règles de financement des organisations syndicales et professionnelles, d’autre part), les partenaires sociaux devant faire connaître leurs conclusions avant le 31 mars 2008. Le 9 avril 2008, une position commune sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme a été signée par quatre organisations : la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME. Un avant-projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a alors été élaboré, qui a été soumis à la consultation de la Commission nationale de la négociation collective le 11 juin 2008. Le projet de loi ensuite déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 18 juin 2008 a été définitivement adopté par le Parlement le 23 juillet 2008 (7).

De la même manière, le Gouvernement a saisi le 25 juillet 2008 les partenaires sociaux d’un document d’orientation établi en vue d’une négociation interprofessionnelle sur la formation professionnelle. Les partenaires sociaux ont alors engagé une négociation interprofessionnelle, qui a abouti à la conclusion d’un accord national interprofessionnel le 7 janvier 2009. Le Gouvernement a alors élaboré un avant-projet de loi, soumis à la consultation du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, avant d’être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 29 avril 2009, puis d’être définitivement adopté par le Parlement le 14 octobre 2009 (8).

Le cas, plus récent, du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ne correspond pas à une application directe de l’article L. 1 du code du travail, mais résulte néanmoins d’un processus au cours desquels les partenaires sociaux ont négocié en vertu d’une disposition législative introduite par la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale (9).

II. APPLIQUER LA CONCERTATION PRÉALABLE AUX PROPOSITIONS DE LOI

1. Les lacunes de l’obligation actuelle de concertation préalable

Les dispositions de la loi du 31 janvier 2007 sont jugées positivement par les partenaires sociaux qui ont été auditionnés par votre rapporteur. Il est d’ailleurs intéressant de souligner que ce jugement positif est porté tant par les organisations syndicales nationales représentatives que par des organisations syndicales qui ne sont pas à l’heure actuelle représentatives, telles que l’Union syndicale Solidaires.

Le fait de faire précéder le dépôt d’un projet de texte législatif ou réglementaire d’une concertation n’impose pas au Gouvernement de retranscrire fidèlement les résultats de la procédure de concertation et de négociation. Plus largement, à chacun des stades de la procédure législative, la plume du législateur est libre. Il lui est loisible de retranscrire fidèlement l’accord auquel les partenaires sociaux peuvent être parvenus, ou de prendre en compte leurs observations, mais il lui est également loisible de s’en éloigner. Ces différentes possibilités, justifiées par la plénitude de pouvoir dont dispose le législateur, ne posent pas de problème aux partenaires sociaux. Force est d’ailleurs de constater que, dans les faits, le législateur retranscrit fidèlement les accords auxquels parviennent les partenaires sociaux.

Néanmoins, lors des auditions conduites par votre rapporteur, les syndicats n’ont pas manqué de souligner les lacunes du dispositif législatif actuel.

a) Le champ de la concertation préalable

Le Gouvernement est tenu de consulter les partenaires sociaux sur « tout projet de réforme envisagé […] qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle ».

Les partenaires sociaux concernés sont « les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel », ce qui a pour effet d’exclure de cette concertation préalable d’une part, les organisations syndicales non représentatives (telles qu’aujourd’hui l’UNSA ou SUD), d’autre part, les organisations syndicales représentatives au niveau national mais non interprofessionnel, telles que l’USGERES (qui couvre le secteur de l’économie sociale), l’UNAPL (pour les professions libérales), la FNSEA (pour les professions agricoles). M. René Valladon (FO), auditionné par votre rapporteur, a considéré que cette exclusion des organisations non interprofessionnelles, alors que le nombre d’emplois relevant de ce « hors champ » est considérable et que les accords nationaux interprofessionnels leur sont ensuite souvent étendus, renouvelle la question de la représentativité.

La rédaction de l’article L. 1 du code du travail permet de viser tout projet susceptible de se traduire par une loi, une ordonnance ou un décret.

Néanmoins, ne sont pas concernés les projets de texte qui portent sur un secteur d’activité particulier. Par exemple, le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, bien que déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 5 juillet 2007, donc à une période où les dispositions de la loi de modernisation du dialogue social étaient applicables, a échappé à l’obligation de concertation préalable avec les partenaires sociaux, en raison de son champ d’application sectoriel.

Peuvent également échapper à cette obligation les dispositions qui ne sont pas d’une portée telle qu’elles puissent être jugées comme une réforme. C’est ainsi que sont susceptibles d’échapper à la concertation préalable des dispositions que le Gouvernement introduirait par voie d’amendement.

Enfin, comme l’ont fait observer plusieurs personnes auditionnées (M. Michel Doneddu pour la CGT, M. Bernard Valette pour la CFE-CGC), sont exclues du champ de la concertation préalable les questions relatives à la protection sociale.

De manière annexe, il est également possible de s’interroger, avec la FSU, sur l’intérêt qu’il pourrait y avoir à transposer certaines des modalités du dialogue entre pouvoir exécutif et partenaires sociaux dans la fonction publique.

Même si l’objet de la présente proposition de loi n’est pas de modifier le champ des projets de réforme gouvernementaux soumis à la procédure de concertation préalable, votre rapporteur tient ici à souligner les lacunes de la rédaction actuelle de l’article L. 1 du code du travail, qui conduisent à relativiser l’importance de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social.

b) Le contournement par l’initiative parlementaire

En ne visant que les projets de réforme envisagés par le Gouvernement, l’article L. 1 du code du travail ne permet pas de soumettre à cette procédure les propositions de loi.

Or, s’il est légitime que les parlementaires ne voient pas leur droit d’amender un projet de loi déposé à l’issue de la procédure de concertation préalable restreint, en revanche, l’on peut s’interroger sur l’angle mort que représentent aujourd’hui les propositions de loi.

Le dépôt d’une proposition de loi par un parlementaire et son inscription à l’ordre du jour peuvent permettre de réformer, parfois en profondeur, le droit du travail, sans pour autant avoir procédé au préalable à une concertation avec les partenaires sociaux.

Si les dispositions de l’article L. 1 du code du travail avaient trouvé à s’appliquer aux propositions de loi, celle de M. Richard Mallié réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires n’aurait pu être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, au cours de la session extraordinaire de juillet 2009, sans que les partenaires sociaux aient été, au préalable, saisis de la question.

Il en serait allé de même pour la proposition de loi de M. Jean-Frédéric Poisson pour faciliter le maintien et la création d’emplois, qui a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 9 juin 2009.

Ces exemples, dont les organisations syndicales de salariés auditionnées par votre rapporteur gardent un mauvais souvenir, illustrent le fait que l’application des dispositions de l’article L. 1 du code du travail à la seule préparation des projets de loi ne permet pas de garantir que les partenaires sociaux seront systématiquement consultés avant toute réforme majeure portant sur un domaine où la négociation collective s’applique. Pourtant, il serait légitime que les textes législatifs d’initiative parlementaire se voient appliquer la même procédure que les textes d’initiative gouvernementale.

2. L’exemple récent de l’avis du Conseil d’État sur les propositions de loi

L’avis du Conseil d’État qui peut désormais être recueilli sur les propositions de loi illustre la convergence récente des procédures de préparation des initiatives législatives gouvernementales et parlementaires. Cette procédure nouvelle prouve qu’il est souhaitable de renforcer cette convergence dans toute la mesure du possible.

À l’occasion de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 39 de la Constitution a été modifié, afin d’introduire un dernier alinéa en vertu duquel : « Dans les conditions prévues par la loi, le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose. »

La loi n° 2009-669 du 15 juin 2009 tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative a fixé les conditions selon lesquelles cette consultation pour avis du Conseil d’État peut avoir lieu.

Par conséquent, l’avis du Conseil d’État, qui était jusqu’à présent réservé aux seuls avant-projets de loi, peut désormais être recueilli sur des propositions de loi, apportant ainsi au Parlement une analyse juridique nouvelle des dispositifs proposés, susceptible d’éclairer le débat parlementaire (10).

Dans le cas présent, le Président de l’Assemblée nationale a proposé à M. Jean-Marc Ayrault, par une lettre du mardi 1er juin 2010, de recueillir l’avis du Conseil d’État sur la proposition de loi, et le président du groupe socialiste, radical et citoyen, en concertation avec votre rapporteur, a donné son accord à une telle saisine pour avis. Finalement, par une lettre du lundi 7 juin 2010, M. Bernard Accoyer a estimé qu’une telle saisine ne s’imposait pas : « compte tenu des modifications susceptibles d’être apportées par la commission des affaires sociales, saisie pour avis, et par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, saisie au fond, il semble que les problèmes juridiques posés par ce texte puissent être résolus sans que l’avis du Conseil d’État soit nécessaire ».

La possibilité de consulter le Conseil d’État sur les propositions de loi est pleinement justifiée au regard de la part nouvelle accordée à l’initiative parlementaire, en vertu de la nouvelle rédaction de l’article 48 de la Constitution qui prévoit un partage de l’ordre du jour et permet ainsi, en tout cas en principe, à un plus grand nombre de propositions de loi d’être inscrites à l’ordre du jour et de devenir ainsi une loi.

3. Le protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi : une première réponse imparfaite

L’an dernier, le Premier ministre a consulté les présidents des deux assemblées du Parlement sur le souhait des organisations syndicales et patronales d’être mieux associées à la préparation des propositions de loi à caractère social qui sont dans le champ de la négociation collective.

Un protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi a ainsi été élaboré, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Au Sénat, le protocole a été approuvé par le Bureau le 16 décembre 2009.

À l’Assemblée nationale, le protocole, après avoir été préparé par le président de la commission des Affaires sociales, M. Pierre Méhaignerie, et examiné par le Bureau de cette commission, a été entériné par la Conférence des Présidents du 16 février 2010.

L’objet de ce protocole, qui a un caractère expérimental, est l’instauration d’une procédure de concertation avec les partenaires sociaux avant l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi entrant dans le champ des textes visés par l’article L. 1 du code du travail. Le protocole prévoit dans quelles conditions les partenaires sociaux doivent être informés, le délai dont ils disposent pour faire part de leurs observations ou de leurs intentions, et les différentes hypothèses envisageables selon les réponses apportées par les partenaires sociaux.

Le protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi est une disposition pleinement justifiée, mais qui présente toutefois plusieurs faiblesses.

Premièrement, l’existence même de ce protocole, entériné par la Conférence des Présidents mais qui ne figure ni dans le Règlement de l’Assemblée nationale, ni même dans l’Instruction générale du Bureau, demeure à ce jour inconnue de la plupart des parlementaires, et également des organisations syndicales représentatives susceptibles d’en bénéficier (11). Pourtant, c’est tout parlementaire qui est susceptible de voir une proposition de loi qu’il déposerait soumise à cette procédure.

Deuxièmement, le protocole a vocation à régir la procédure d’examen de certaines propositions de loi. Pourtant, en dépit de ce caractère déterminant sur le cours de la procédure législative, ses dispositions n’ont pas été discutées, ni en commission permanente ni en séance publique, et elles sont susceptibles d’être modifiées à tout moment, y compris de manière substantielle.

4. Poser le principe d’une concertation préalable des partenaires sociaux pour les propositions de loi

La proposition de loi (n° 2499) a pour objet de compléter l’article L. 1 du code du travail (article 1er), afin de prévoir explicitement que les projets de réforme proposés par le Parlement, lorsqu’ils portent sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qu’ils relèvent du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, doivent faire l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, en vue de l’ouverture éventuelle d’une négociation.

Les autres modifications apportées à l’article L. 1 du code du travail ont pour objet de prévoir que la communication du texte de la proposition de loi aux organisations syndicales doit être effectuée par l’auteur de la proposition, et qu’il revient aux organisations syndicales, lorsqu’elles ont l’intention d’engager une négociation, d’en informer l’auteur de la proposition de loi.

L’accent est donc mis sur la relation entre l’auteur de la proposition de loi et les partenaires sociaux, alors que la proposition de résolution fait plutôt le choix d’une relation médiatisée, par l’intermédiaire du président de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale.

L’article 2 de la présente proposition de loi renvoie au règlement de chacune des deux assemblées le soin de définir les modalités selon lesquelles sera mis en œuvre ce principe de concertation préalable avec les partenaires sociaux.

Il précise néanmoins certaines des caractéristiques auxquelles devront répondre les règlements des assemblées : prévoir les conditions de saisine des organisations syndicales ; fixer un délai suffisant pour que chacune des organisations syndicales consultées se prononce et puisse apporter des observations assez argumentées pour éclairer le législateur.

5. Fixer les modalités pratiques de la consultation des partenaires sociaux dans le Règlement de l’Assemblée nationale

La proposition de résolution (n° 2491) est le complément nécessaire de la proposition de loi, afin de rendre le dispositif pleinement applicable à l’Assemblée nationale. L’article unique prévoit d’introduire un nouvel article 85-1 dans le Règlement de l’Assemblée nationale, consacré à la procédure particulière applicable aux propositions de loi entrant dans le champ de l’article L. 1 du code du travail.

Le dispositif qui est proposé pour ce nouvel article 85-1 est largement inspiré de celui du protocole arrêté par la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale.

Il est prévu qu’un président de groupe ou un président de commission, lorsqu’il envisage de proposer l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi en matière de travail, d’emploi ou de formation professionnelle relevant du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, doit en informer au préalable le président de la commission des Affaires sociales.

N’est en revanche pas envisagée l’hypothèse dans laquelle le Gouvernement choisirait d’inscrire une telle proposition de loi à son ordre du jour prioritaire. En effet, l’article 48 de la Constitution offre toute latitude au Gouvernement pour fixer librement l’ordre du jour qui lui est réservé par priorité, de même que l’article 29 de la Constitution réserve au Gouvernement l’ordre du jour des sessions extraordinaires, et toute disposition qui subordonnerait l’inscription d’un texte à l’ordre du jour à une condition non prévue par la Constitution serait susceptible d’être jugée inconstitutionnelle. Il convient de reconnaître qu’il s’agit là d’une faille dans le dispositif, puisqu’une inscription à l’ordre du jour prioritaire d’une session ordinaire ou à l’ordre du jour d’une session extraordinaire suffirait à contourner l’obligation de concertation préalable avec les partenaires sociaux. Néanmoins, un tel contournement aurait des conséquences politiques et sociales lourdes, qui devraient donc jouer un rôle dissuasif et conduire à faire précéder toute inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi d’une concertation préalable. Plus encore, il serait possible de considérer que le Gouvernement, en faisant le choix d’inscrire à l’ordre du jour une proposition de loi, reprend à son compte le projet de réforme auquel correspond cette proposition de loi, et qu’il est à ce titre soumis aux dispositions de l’article L. 1 du code du travail.

La rédaction proposée par l’article unique de la proposition de résolution pour le nouvel article 85-1 du Règlement prévoit que le président de la commission des Affaires sociales, averti par le président de groupe ou le président de commission, est chargé transmettre par écrit aux organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel le texte de la proposition de loi, afin de recueillir leurs observations sur son contenu et sur leur intention d’engager ou non une négociation nationale et interprofessionnelle.

Sur ces points, la proposition de résolution ne s’écarte pas du texte actuel du protocole.

En revanche, la proposition de résolution propose d’accorder un délai d’un mois aux organisations consultées pour leur permettre de pouvoir faire connaître leurs observations et leurs intentions dans de meilleures conditions que celles actuellement prévues par le protocole, qui ne leur laisse que quinze jours. La plupart des organisations syndicales auditionnées ont reconnu qu’un délai de quinze jours est extrêmement court, au regard des contacts qui doivent s’établir entre les différentes organisations syndicales pour faire ou non le choix d’ouvrir une négociation. Au surplus, le délai d’un mois est cohérent avec le délai d’examen des propositions de loi en première lecture devant la première assemblée saisie, lequel est de six semaines à compter du dépôt de la proposition de loi.

Trois cas de figure sont possibles à l’issue de ce délai d’un mois :

―  les organisations consultées expriment toutes leur intention d’engager une négociation. Dans ce cas, le président de la commission des Affaires sociales est tenu d’accorder aux organisations un délai raisonnable pour la conduite de la négociation, après avoir consulté le président de groupe ou de commission qui envisage de proposer l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour. Il peut exceptionnellement prolonger ce délai ;

―  certaines des organisations consultées font connaître leur intention d’engager une négociation. Dans ce cas, le président de la commission des Affaires sociales, après consultation du président de groupe ou de commission qui envisage de proposer l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour, n’est pas tenu d’accorder aux organisations un délai raisonnable pour la conduite de la négociation, ni de le prolonger. Néanmoins, le refus d’accorder le délai ou de prolonger ce délai doit être motivé ;

―  aucune organisation consultée ne souhaite engager une négociation, et seules sont adressées au président de la commission des Affaires sociales des observations. Ces observations sont alors transmises sans délai au président de groupe ou de commission qui a saisi le président de la commission des Affaires sociales de la proposition de loi.

L’événement qui met fin à la procédure de concertation est précisé, afin de ne pouvoir faire naître aucun doute sur le terme de cette procédure. Trois événements sont susceptibles de mettre fin à la procédure de concertation :

―  l’absence de toute réponse des organisations syndicales consultées dans le délai d’un mois ;

―  le dépassement du délai accordé, le cas échéant, par le président de la commission des affaires sociales aux organisations syndicales pour négocier ;

―  la transmission des observations des organisations syndicales consultées au président de groupe ou de commission à l’origine de la consultation.

Enfin, en aval de cette procédure de concertation, sont organisées également les conditions dans lesquelles cette procédure doit être prise en compte lors de l’examen parlementaire.

D’une part, il est précisé que le rapport établi par la commission saisie au fond de la proposition de loi doit comprendre en annexe les observations adressées par les organisations consultées et, le cas échéant, le texte issu de la négociation.

D’autre part, il est prévu que la Conférence des Présidents est tenue de s’assurer que la procédure de concertation préalable est achevée avant de se prononcer sur une demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi soumise à l’obligation de concertation préalable. Cette disposition devra toutefois demeurer compatible avec l’article 48 de la Constitution, qui fixe les règles en vertu desquelles l’ordre du jour de chaque assemblée est arrêté. Une telle exigence devrait interdire d’exciper de l’absence de respect du nouvel article 85-1 du Règlement de l’Assemblée nationale pour refuser l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale d’une proposition de loi qui n’aurait pas fait l’objet d’une concertation préalable avec les partenaires sociaux, bien qu’elle relève du champ défini par l’article L. 1 du code du travail. Toute autre lecture conduirait à apporter des restrictions au droit d’inscription à l’ordre du jour des initiatives parlementaires qui ne seraient pas compatibles avec les dispositions constitutionnelles.

Enfin, il convient de signaler une dernière différence avec le texte actuel du protocole, laquelle apparaît en creux : il n’est pas prévu de situation d’urgence reconnue par le Président de l’Assemblée nationale et motivée qui permettrait de déroger à l’obligation de concertation préalable. En effet, on imagine mal quel texte entrant dans le champ de l’article L. 1 du code du travail pourrait correspondre à une telle situation d’urgence, qui justifierait l’absence de concertation avec les partenaires sociaux.

*

* *

La Commission examine, le mercredi 9 juin 2010, la proposition de loi visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi (n° 2499) et la proposition de résolution tendant à réviser le Règlement de l’Assemblée nationale (n° 2491).

Après l’exposé de votre rapporteur, une discussion générale s’engage.

M. Pierre Morange, suppléant M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Comme l’a indiqué le rapporteur, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption de la proposition de loi sous réserve des amendements déposés par notre rapporteur pour avis, M. Gérard Cherpion, que je vous prie de bien vouloir excuser.

La traduction législative des accords nationaux interprofessionnels de 2008 et de 2009 nous a permis de constater l’efficacité, un temps mise en doute, du dispositif inscrit dans la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007. S’agissant des propositions de loi, le Bureau du Sénat le 16 décembre 2009, puis la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale le 16 février 2010 ont adopté des protocoles organisant, à titre expérimental, la concertation. La proposition de loi s’inscrit dans le prolongement de cette démarche d’ensemble.

En revanche, la commission des affaires sociales considère qu’il ne serait pas opportun d’adopter la proposition de résolution, et cela pour trois raisons.

Tout d’abord, il existe un doute sérieux sur sa conformité à la Constitution, comme le professeur Bertrand Mathieu, président de l’Association française de droit constitutionnel, l’a indiqué lorsqu’il a été auditionné. En effet l’article 48 de la Constitution institue un droit, en quelque sorte inconditionnel, à l’inscription à l’ordre du jour non seulement des textes souhaités par le Gouvernement, dans le cadre de l’ordre du jour dit « prioritaire », mais aussi de ceux que souhaitent les groupes parlementaires, dans le cadre des « niches » qui leur sont attribuées. Or la proposition de résolution conditionne l’inscription des propositions de loi entrant dans le champ de l’article L. 1 du code du travail à la tenue d’une concertation préalable avec les partenaires sociaux, auxquels il est prévu d’accorder un délai pour qu’ils donnent leur avis et, éventuellement, pour qu’ils conduisent des négociations.

Si j’ai bien compris, le rapporteur considère que cette contradiction avec l’article 48 de la Constitution est sans conséquence car, dès lors que le Conseil constitutionnel ne contrôle pas que les lois ont été votées conformément aux Règlements des assemblées, ceux-ci ne faisant pas partie du « bloc de constitutionnalité », il ne se souciera pas de l’éventuelle inconstitutionnalité d’une disposition du Règlement. Or le Conseil est, au contraire, extrêmement soucieux de la conformité des Règlements des assemblées à la Constitution ; il exerce un contrôle automatique et rigoureux sur chacune de leurs révisions.

La deuxième raison de notre avis défavorable est de nature chronologique. La révision du Règlement serait immédiatement applicable, alors que la proposition de loi n’entrerait en vigueur qu’une fois adoptée définitivement par le Parlement. Selon nous, une révision du Règlement ne devrait être engagée qu’après l’adoption définitive d’un texte législatif, dont elle constituerait la mesure d’application à l’Assemblée nationale.

La troisième raison est d’ordre rédactionnel. On constate en effet des différences entre ce texte et le protocole expérimental mis en place le 16 février dernier. Par exemple, le délai laissé aux partenaires sociaux pour répondre à l’offre de concertation doit-il être de quinze jours ou d’un mois ? Il existe aussi des contradictions entre le texte de la proposition de résolution, selon lequel la procédure de concertation est engagée par le président de la commission des affaires sociales, et celui de la proposition de loi, qui confie ce soin aux auteurs de la proposition de loi.

Par respect pour la démocratie sociale, notre commission, donc, est d’accord pour donner une base légale générale à une obligation de concertation avec les partenaires sociaux sur les textes portant sur le droit du travail ; en revanche, elle considère qu’il faut attendre avant de figer les détails d’une nouvelle procédure que, eu égard aux risques de non-conformité à la Constitution, il convient de définir avec beaucoup de précautions.

M. Pascal Terrasse. Je me concentrerai, pour ma part, sur les raisons de fond qui nous conduisent à souhaiter une modernisation de nos pratiques. Dès lors que les possibilités d’initiative des parlementaires ont été en principe accrues par la dernière révision constitutionnelle, il serait normal d’assurer le parallélisme des procédures applicables aux projets du Gouvernement et aux propositions des parlementaires.

J’aimerais toutefois savoir ce qu’on entend par « négociation ». Peut-on parler, par exemple, de véritable négociation sur la réforme des retraites ou sur le statut des infirmières ?

Par ailleurs, le rapporteur peut-il nous indiquer si cette procédure s’appliquera également au Sénat ?

M. Alain Vidalies. La question qui nous est soumise est assez simple. Chacun peut constater qu’il existe une différence entre les croyances et les pratiques, y compris en matière de démocratie sociale et de respect de la négociation. Les obligations prévues par l’article L. 1 du code du travail ont, en effet, été immédiatement contournées par le recours à des propositions de loi, notamment sur le travail le dimanche et sur le télétravail, ainsi que par le dépôt d’amendements – des dérogations ont ainsi été apportées aux règles de représentativité pour les pilotes de ligne. On ne peut pas parler sans cesse de respect des partenaires sociaux et accepter ce détournement des procédures. C’est pourquoi cette proposition de loi a pour but d’étendre aux textes d’initiative parlementaire les obligations prévues à l’article L. 1 du code du travail.

Je ne comprends pas les réticences de la majorité. Pourquoi l’Assemblée resterait-elle frileuse sur cette question alors que le Sénat a déjà introduit des dispositions dans son Règlement ? Nous avons besoin d’un engagement très fort. Le seul défaut de ces deux textes est sans doute d’avoir été déposés par le groupe SRC… Ils n’en sont pas moins nécessaires, dans un domaine qui est particulièrement complexe. Des dérives inquiétantes ont pu être constatées au cours des dernières années dans les rapports entre la loi et le contrat, pas toujours du fait du Parlement ; je trouve, par exemple, inacceptable que des partenaires sociaux aient cru bon d’adresser des injonctions au Parlement sous la forme d’une « position commune ».

Sans remettre en cause la légitimité de l’intervention du Parlement, force est de constater que les compromis auxquels parviennent les partenaires sociaux ont plus de chances de durer que les dispositions résultant de la seule initiative du législateur. La loi de 1990 sur les contrats à durée déterminée, fruit d’un accord retranscrit pour l’essentiel par le législateur, n’a été que marginalement modifiée, alors que c’est l’un des sujets les plus complexes qui soient. Si cette loi n’a que peu évolué, c’est qu’elle donne satisfaction aux intéressés. Il faut également rappeler qu’elle a été adoptée dans un contexte de conflit entre le Parlement et les partenaires sociaux. Je ne comprends donc pas les réticences portant sur les dispositions qui vous sont proposées, qui sont nécessaires et attendues.

Quant aux objections de nature constitutionnelle, chacun sait qu’on peut toujours trouver un constitutionnaliste pour en formuler. En l’occurrence, les arguments qui nous ont été exposés ne sont guère convaincants.

Nous sommes prêts à prendre en considération les modifications que la majorité souhaiterait apporter à nos propositions, pourvu que l’on avance sur le sujet. N’apparaissons pas comme en retard par rapport au Sénat ! Ce serait le signe que vous voulez continuer de pouvoir utiliser certaines facilités ; ce n’est pas ce que nous voulons pour notre part, ni ce que désirent les partenaires sociaux.

M. Jacques Alain Bénisti. C’est notre majorité qui avait proposé le principe de concertation préalable avec les partenaires sociaux sur les projets touchant au droit du travail.

M. Alain Vidalies. Nous avions voté pour !

M. Jacques Alain Bénisti. Mais vous avez voté contre les dispositions relatives à la rénovation du dialogue social lors de la commission mixte paritaire qui s’est tenue hier, alors que le texte résulte d’une concertation avec les représentants des syndicats.

M. Alain Vidalies. Cela n’a rien à voir. C’est un texte qui porte sur le dialogue social dans la fonction publique !

M. Jacques Alain Bénisti.  Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi il faudrait imposer à un parlementaire qui dépose une proposition de loi touchant au droit du travail de respecter préalablement une procédure de concertation. Cela revient à lui dire qu’il fait mal son travail.

Tout parlementaire a un droit d’initiative, reconnu par la Constitution ; il convient de ne pas le limiter. Nous voterons la proposition de loi, sous réserve de l’adoption des deux amendements déposés par M. Gérard Cherpion.

M. Dominique Perben. Je suis très hostile à l’idée de légiférer sur la manière de légiférer. C’est une forme de bavardage – car on voit mal quelle pourrait être la sanction du non-respect de la loi, qui peut toujours être remplacée par une autre. Et surtout, cette idée repose sur un parallèle, que je dénonce, entre l’initiative gouvernementale et l’initiative parlementaire. Il n’y a rien de choquant à ce que le législateur impose au Gouvernement certains préalables au dépôt d’un texte, comme nous l’avons fait pour les projets de loi touchant aux relations sociales. Il est là dans son rôle. En revanche, il serait étrange qu’il s’impose à lui-même des obligations. S’il est évidemment de bonne politique de consulter les partenaires sociaux en cette matière, il est constitutionnellement surprenant que le législateur adopte une loi pour dire comment il doit légiférer.

M. Guénhaël Huet. Veillons à distinguer la logique juridique et la pratique parlementaire.

En ce qui concerne la logique juridique, il peut sembler difficilement acceptable qu’une négociation soit imposée quand un texte est déposé par le Gouvernement, et qu’elle ne le soit pas si le texte est d’origine parlementaire.

Sur le plan pratique, cependant, force est de constater que, bien que la dernière révision constitutionnelle ait renforcé les pouvoirs du Parlement, il reste difficile de faire aboutir les propositions de loi. Or ce qui nous est proposé constituerait une entrave supplémentaire. En outre, nous ne disposons pas des mêmes moyens que le Gouvernement pour organiser la consultation des partenaires sociaux. On peut donc avoir quelques inquiétudes sur les conséquences de l’adoption de telles dispositions. Comme l’a observé M. Perben, elles constituent une auto-limitation du pouvoir législatif.

Enfin, j’avoue avoir eu du mal à saisir ce qu’a dit le rapporteur à propos de la fonction publique, qui à mes yeux ne doit pas faire l’objet d’un traitement dérogatoire.

M. Patrice Verchère.  La proposition de loi est la suite logique du texte de 2007, qui ne concernait que les projets du Gouvernement. Sous réserve des amendements présentés par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, on ne peut qu’y être favorable. S’agissant de la proposition de résolution, j’ai une inquiétude concernant la suppression de la procédure d’urgence, dont le maintien me paraît nécessaire pour conserver un pouvoir d’appréciation et d’initiative.

M. Claude Goasguen.  Cette proposition de loi me laisse très sceptique.

Ce qu’a dit M. Perben me semble très juste. Une proposition de loi n’est pas un projet de loi, et si nous pouvons astreindre le Gouvernement à consulter les partenaires sociaux, l’obligation est beaucoup plus discutable pour les propositions de loi. On imagine mal, au demeurant, qu’un groupe parlementaire dépose une proposition de loi touchant au droit du travail sans consulter les partenaires sociaux.

Quelle serait la sanction du non-respect de cette obligation ? Quels seront les moyens de recours d’un syndicat qui n’aurait pas été consulté ? Faute de pouvoir s’appuyer sur un principe constitutionnel, il ne pourra pas contester la loi en tant que telle. Il lui sera, en revanche, possible d’attaquer des décisions réglementaires prises en application de la loi, par exemple des arrêtés préfectoraux. Il pourra saisir le tribunal administratif par la voie de l’exception pour obtenir leur annulation.

Au motif de principes très aléatoires, l’adoption de telles dispositions entraînerait donc des difficultés juridiques dont on ne sait pas très bien quelle serait l’issue.

M. Alain Vidalies. Je suis surpris que le débat sorte du champ de la proposition de loi.  M. Bénisti a évoqué la CMP d’hier, exemple dépourvu de toute portée : dans la fonction publique, les pouvoirs publics ne peuvent pas organiser de négociations préalables entre les employeurs et les employés, l’employeur étant l’État lui-même !

M. Jacques Alain Bénisti. Il y a aussi les collectivités territoriales !

M. Alain Vidalies. Le texte ne vise que les négociations interprofessionnelles au niveau national.

Je rappelle d’ailleurs que le Conseil d’État contrôle le respect de l’obligation de négociations interprofessionnelles lorsque le Gouvernement adopte des dispositions par voie d’ordonnances. C’est ce qui ressort d’un récent colloque, ainsi que du rapport public du Conseil d’État de 2008.

La question qui se pose à nous, assez simple, est de savoir si le législateur doit respecter un temps de négociation préalable quand il entend modifier des dispositions concernant l’ensemble des salariés dans des domaines strictement définis. Puisque c’est déjà le cas pour les projets de loi, pourquoi ne pas en faire autant pour les propositions de loi ?

M. Claude Goasguen. C’est qu’une proposition de loi n’est pas un projet de loi…

M. le rapporteur. Aucun constitutionnaliste ne conteste la constitutionnalité de la proposition de loi. Le seul doute qui ait été formulé porte sur la proposition de résolution. Afin d’y parer, j’ai déposé un amendement précisant que la modification du Règlement ne remet pas en cause l’application des articles 29 et 48 de la Constitution.

L’amendement adopté par la commission des affaires sociales a pour effet de déplacer le point d’application du dispositif, en le faisant porter non plus sur l’inscription du texte à l’ordre du jour, mais sur son examen en commission – ce qui peut modifier la perception des délais, mais nous y reviendrons tout à l’heure.

J’ajoute que ce texte ne limite en rien l’initiative parlementaire : les propositions de loi seront toujours rédigées et déposées librement. Nous demandons seulement qu’une concertation soit organisée avant l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour.

J’en viens à l’articulation entre la proposition de loi et la proposition de résolution. Si nous avons déposé cette proposition de loi, ce n’est pas pour le plaisir de légiférer sur la manière de légiférer, mais pour nous assurer que le Sénat nous suivra. Par ailleurs, pour coordonner dans le temps l’application des deux textes, il suffit de subordonner l’application de la modification du Règlement à l’adoption définitive de la proposition de loi.

Si les députés et les sénateurs de l’opposition qui ont participé à la commission mixte paritaire réunie hier sur le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique ont émis un vote négatif, ce n’est pas parce qu’ils s’opposaient à la traduction législative des accords conclus par les partenaires sociaux. C’est parce que le Gouvernement a introduit, par lettre rectificative, un article 30 – qui, lui, n’avait pas fait l’objet de consultation préalable – visant à modifier le régime de retraite des infirmières.

M. Jacques Alain Bénisti. Ce n’est pas ce qui s’est dit en CMP !

M. le rapporteur. C’est en tout cas la position que nous avons défendue en séance publique.

Rendrons-nous plus difficile le travail parlementaire, comme l’affirme notre collègue Guénhaël Huet ? On peut considérer que c’est le cas de toute procédure de consultation préalable, mais cela revient alors à contester le protocole adopté par la Conférence des présidents. Si l’on accepte le principe de la consultation préalable, il n’y a pas lieu de refuser que son principe figure dans notre Règlement, dont l’objet est précisément de définir les modalités de travail de notre Assemblée.

Nous n’aurons pas besoin de moyens supplémentaires : il suffira d’écrire aux partenaires sociaux pour leur demander s’ils entendent engager une négociation collective sur le sujet abordé. Si leur réponse est positive, ils disposeront d’un délai raisonnable pour le faire. Si la négociation collective aboutit à un accord, nous pourrons le prendre en compte, sans que cela soit une obligation.

L’article 48 de la Constitution qui s’impose à nous et qui nous a conduits à écrire au début de l’article 48 de notre Règlement : « Sous réserve des dispositions de l’article 29, alinéa 1 et de l’article 48, alinéas 2 et 3, de la Constitution, l’Assemblée fixe son ordre du jour sur proposition de la Conférence des présidents », doit permettre d’inscrire la proposition de loi en tout état de cause. En cas d’urgence, laquelle n’a pas plus de raison d’être appréciée par le Président de l’Assemblée que par le président de la commission des affaires sociales, il restera possible d’avancer.

S’agissant des délais, les partenaires sociaux disposeront d’un mois pour nous indiquer s’ils veulent négocier. Si c’est le cas, il nous reviendra de leur accorder un « délai raisonnable » au terme duquel nous reprendrons la main. Quant à l’accord auquel les partenaires sociaux auront éventuellement abouti, nous aurons le choix entre lui donner une traduction législative, l’amender ou l’écarter. Si donc il vous est proposé d’améliorer l’articulation entre la démocratie politique et la démocratie sociale, il n’est nullement question de remettre en cause la prééminence de la première.

M. Claude Goasguen. Je n’ai pas parlé de problème constitutionnel ; j’ai posé la question de la sanction en cas d’inobservation des dispositions proposées.

M. le rapporteur. Actuellement, aucune sanction n’est prévue si le Gouvernement ne respecte pas les dispositions de l’article L. 1 du code du travail.

Par ailleurs, qu’elle soit issue d’un projet de loi ou d’une proposition de loi, une loi a toujours de la même portée. Je ne vois pas comment un tribunal administratif pourrait arguer d’une loi pour annuler les conséquences d’une autre.

M. Claude Goasguen. Dans de telles matières, un syndicat qui n’aura pas été consulté utilisera tous les moyens de recours possibles. La voie de l’exception devant le tribunal administratif en est un.

M. le rapporteur. Dans ces conditions, la loi sur le travail du dimanche est très vulnérable, puisque c’est un projet de réforme envisagé par le Gouvernement qu’il a fait adopter par le biais d’une proposition de loi.

La Commission passe alors à la discussion des articles de la proposition de loi visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi (n° 2499).

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI

Article 1er

(article L. 1 du code du travail)


Concertation préalable avec les partenaires sociaux sur les propositions de loi

Le présent article a pour objet de prévoir une procédure de concertation préalable avec les partenaires sociaux sur les propositions de loi, similaire à celle applicable aux projets de réforme envisagés par le Gouvernement.

Il est pour cela proposé de modifier l’article L. 1 du code du travail, afin de :

- prévoir que tout projet de réforme envisagé par le Parlement, qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, de l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

- prévoir que la proposition de loi entrant dans le champ précédemment défini est communiquée par son auteur aux organisations syndicales ;

- préciser que, si les organisations font connaître leur intention d’engager une négociation, elles doivent le faire savoir à l’auteur de la proposition de loi.

La commission des Affaires sociales a proposé une réécriture d’ensemble du présent article, qui appelle plusieurs observations de la part de votre rapporteur.

Le fait de maintenir le principe de l’extension de la procédure de concertation préalable aux propositions de loi est positif, de même que l’insertion de la disposition dans l’article L. 1 du code du travail.

De même, le renvoi des modalités de mise en œuvre de la concertation préalable à chaque assemblée est un élément positif, qui reprend d’ailleurs le fond du dispositif qui était proposé à l’article 2 de la proposition de loi initiale.

Le fait de placer la procédure de concertation avant l’examen en commission ne change pas la finalité poursuivie par la disposition, mais aurait pour effet de rendre plus difficile l’octroi aux partenaires sociaux d’un délai suffisant pour se concerter.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 1 de la commission des affaires sociales.

M. le rapporteur pour avis suppléant.  Notre souhait est de donner une assise législative au protocole expérimental, tout en laissant aux assemblées la latitude nécessaire dans le cadre de leurs Règlements.

M. le président M. Jean-Luc Warsmann. Quelles sont les différences entre les amendements de la commission des affaires sociales et le protocole expérimental ?

M. le rapporteur pour avis suppléant. Notre amendement vise à mieux articuler la proposition de loi et le protocole expérimental. Il évite de trancher les modalités de la concertation, en écartant ainsi une cause de fragilité juridique devant le Conseil constitutionnel.

M. le rapporteur. L’amendement précise que « les modalités de mise en œuvre de cette concertation sont définies par chaque assemblée » : il me paraîtrait logique que ce soit dans le Règlement.

Le contenu de la proposition de résolution diffère du protocole expérimental sur deux points. Tout d’abord, le délai accordé aux partenaires sociaux pour indiquer leur intention de conduire ou non une négociation passe de quinze jours à un mois, délai cohérent avec le délai de dépôt des propositions de loi avant leur inscription à l’ordre du jour. Ensuite, la procédure d’urgence ne nous paraît pas convenir dans la mesure où elle est décidée par le président de l’Assemblée nationale. Toutefois, elle continue de pouvoir s’exercer dans le cadre de l’article 48 du Règlement et de l’article 48 de la Constitution.

La Commission adopte l’amendement CL 1.

En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé.

Article 2

Renvoi des modalités de mise en
œuvre du principe de concertation préalable aux règlements des assemblées parlementaires

Le présent article a pour objet de renvoyer aux règlements des assemblées parlementaires le soin de définir les modalités selon lesquelles se déroulera la concertation préalable avec les partenaires sociaux sur les propositions de loi entrant dans le champ de l’article L. 1 du code du travail, avant leur inscription à l’ordre du jour.

Le second alinéa de l’article précise que ces modalités devront préciser les conditions de saisine des organisations syndicales de salariés et d’employeurs, et « notamment la fixation d’un délai suffisant pour que chacune de ces organisations se prononce afin d’engager ou non une négociation et, si elle le souhaite, d’apporter des observations assez argumentées pour éclairer le législateur ».

L’introduction dans l’article L. 1 du code du travail d’une disposition renvoyant à chaque assemblée le soin de prévoir les modalités de la concertation préalable avec les partenaires sociaux, ainsi que l’a proposé la commission des affaires sociales saisie pour avis, permet de satisfaire, pour l’essentiel, l’objet du présent article. Toutefois, le renvoi à chaque assemblée est moins précis qu’un renvoi au règlement de chaque assemblée, et pourrait permettre de ne pas faire figurer les dispositions sur les modalités de la concertation préalable avec les partenaires sociaux dans le règlement mais de les conserver sous la forme d’une simple décision de la Conférence des Présidents ou du Bureau, ce qui ne lui conférerait pas la portée nécessaire.

*

* *

La Commission adopte l’amendement de suppression CL 2 de la commission des affaires sociales.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

La Commission passe ensuite à l’examen de l’article unique de la proposition de résolution tendant à réviser le Règlement de l’Assemblée nationale (n° 2491).

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

(article 85-1 [nouveau] du Règlement de l’Assemblée nationale)


Procédure applicable aux propositions de loi entrant dans le champ de l’article L. 1 du code du travail

L’objet du présent article est d’introduire un nouvel article 85-1 dans le Règlement de l’Assemblée nationale, consacré à la procédure particulière applicable aux propositions de loi entrant dans le champ de l’article L. 1 du code du travail.

Le dispositif qui est proposé pour ce nouvel article 85-1 est largement inspiré de celui du protocole arrêté par la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale (cf annexe).

Deux différences distinguent le présent article du texte du protocole :

- le délai accordé aux organisations syndicales représentatives consultées pour leur permettre de pouvoir faire connaître leurs observations et, le cas échéant, leur intention d’engager des négociations, est d’un mois, ce qui, même si ce délai reste très court, devrait offrir de meilleures conditions que celles actuellement prévues par le protocole, qui ne leur laisse que quinze jours ;

- il n’est pas prévu de situation d’urgence, reconnue par le Président de l’Assemblée nationale et motivée (12), qui permettrait de déroger à l’obligation de concertation préalable.

Pour rejeter le présent article, la commission des Affaires sociales, saisie pour avis, puis la commission des Lois, ont estimé qu’il serait inconstitutionnel d’introduire dans le Règlement des conditions d’inscription à l’ordre du jour des propositions de loi qui ne seraient pas prévues ou rendues possibles par le texte constitutionnel.

Votre rapporteur tient à faire observer que cet avis n’est partagé par tous les experts consultés, qu’il ne s’agit en rien de limiter le droit d’initiative parlementaire mais seulement de prévoir des conditions d’inscription à l’ordre du jour, que le Règlement de l’Assemblée nationale comporte d’ores et déjà d’autres dispositions prévoyant de telles conditions, et qu’enfin il peut sembler surprenant d’invoquer un argument constitutionnel lorsqu’il est proposé d’inscrire dans notre Règlement les dispositions qui figurent dans un protocole entériné par la Conférence des Présidents, alors que cet argument n’avait pas du tout été opposé lors de l’élaboration et de la discussion dudit protocole.

En admettant l’hypothèse selon laquelle il ne serait pas possible de prévoir dans le Règlement de l’Assemblée nationale des conditions à la faculté d’inscrire à l’ordre du jour une proposition de loi, il serait possible de se prémunir d’une censure de l’article unique de la présente proposition de résolution par le Conseil constitutionnel en précisant explicitement, comme le fait d’ailleurs aujourd’hui le protocole, que l’application de cette nouvelle procédure se fera dans le respect des règles de valeur constitutionnelle relatives à l’inscription à l’ordre du jour.

Subsisterait ainsi une faculté d’obtenir une inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi nonobstant l’absence de concertation préalable avec les partenaires sociaux. L’obligation de procéder à une concertation préalable relèverait de l’obligation politique et non d’une norme contraignante qui figurerait dans le Règlement. Et l’intérêt de fixer dans le Règlement les conditions de la concertation préalable demeurerait entier, car cela apporterait un cadre clair et connu de tous pour l’application des principes de la démocratie sociale aux initiatives parlementaires.

Un autre argument invoqué pour rejeter le présent article tient à la chronologie : il ne serait pas possible d’adopter dans le même temps une proposition de loi et une proposition de résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale pour tirer les conséquences du texte de la proposition de loi, car le texte de la proposition de résolution ne saurait entrer en vigueur avant celui de la proposition de loi. Or, l’adoption simultanée des deux textes par notre Assemblée aurait pour effet de permettre, après examen par le Conseil constitutionnel, l’entrée en vigueur de la présente proposition de résolution, tandis que la proposition de loi ferait l’objet d’un examen par le Sénat et d’une navette dont le terme ne peut être connu à ce jour.

Votre rapporteur ne conteste pas la logique pouvant justifier une entrée en vigueur de la présente disposition du Règlement une fois la proposition de loi définitivement adoptée et promulguée. Mais il tient à signaler que rien n’interdit de prévoir que le texte de la proposition de résolution n’entre en vigueur qu’à compter de l’adoption définitive de la proposition de loi, voire de suspendre jusqu’au moment jugé opportun la transmission de la résolution adoptée au Conseil constitutionnel.

Un dernier argument opposé à la transcription du texte du protocole dans le Règlement de l’Assemblée nationale serait l’imprudence qu’il y aurait à vouloir rigidifier un dispositif qui a une vocation expérimentale, et qui devra peut-être être complété ou corrigé au vu de ses premières applications. Cet argument de l’expérimentation n’est en soi guère convaincant quand il s’applique au Règlement de l’Assemblée nationale, étant donné que la procédure de modification de ce Règlement est relativement simple et brève, et qu’elle peut donc permettre de prendre en compte rapidement et sans difficultés tous les changements qui s’avéreraient nécessaires.

*

* *

La Commission rejette l’amendement CL 1 du rapporteur.

Elle rejette ensuite l’article unique, la proposition de résolution étant ainsi rejetée.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF (PROPOSITION DE LOI)

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

___

 

Proposition de loi visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi

Proposition de loi visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi

 

Article 1er

Article 1er

Code du travail

L’article L. 1 du code du travail est ainsi modifié :

… travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Art. L. 1. – Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation.

1° Au premier alinéa, après le mot : « Gouvernement », sont insérés les mots : « ou proposé par le Parlement » ;

1° Supprimé

À cet effet, le Gouvernement leur communique un document d’orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options.

2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’il s’agit d’une proposition de loi, l’auteur leur communique le texte déposé. » ;

2° Supprimé

Lorsqu’elles font connaître leur intention d’engager une telle négociation, les organisations indiquent également au Gouvernement le délai qu’elles estiment nécessaire pour conduire la négociation.

3° À la dernière phrase du troisième alinéa, après le mot : « Gouvernement », sont insérés les mots : « ou à l’auteur de la proposition de loi ».

3° Supprimé

Le présent article n’est pas applicable en cas d’urgence. Lorsque le Gouvernement décide de mettre en œuvre un projet de réforme en l’absence de procédure de concertation, il fait connaître cette décision aux organisations mentionnées au premier alinéa en la motivant dans un document qu’il transmet à ces organisations avant de prendre toute mesure nécessitée par l’urgence.

   
   

« Avant leur examen en commission en première lecture dans l’assemblée à laquelle appartient leur auteur, les propositions de loi des membres du Parlement qui entrent dans le champ défini au premier alinéa font également l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une négociation entre ces organisations. Les modalités de mise en œuvre de cette concertation sont définies par chaque assemblée. »

(amendement CL1)

 

Article 2

Article 2

 

Les modalités de mise en œuvre du principe de concertation préalable avec les partenaires sociaux applicables aux propositions de loi qui relèvent du champ décrit par l’article L. 1 du code du travail avant leur inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ou du Sénat sont définies par le règlement de chacune des deux assemblées.

Supprimé

(amendement CL2)

 

Ces modalités fixent les conditions de saisine des organisations syndicales de salariés et d’employeurs sur le texte de la proposition de loi déposée, notamment la fixation d’un délai suffisant pour que chacune de ces organisations se prononce afin d’engager ou non une négociation et, si elle le souhaite, d’apporter des observations assez argumentées pour éclairer le législateur.

 

TABLEAU COMPARATIF (PROPOSITION DE RÉSOLUTION)

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de résolution

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Conclusions de la Commission

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Proposition de résolution tendant à réviser le Règlement de l’Assemblée nationale

 
 

Article unique

Article unique

 

Après l’article 85 du Règlement de l’Assemblée nationale, il est inséré un article 85-1 ainsi rédigé :

Rejeté

Code du travail

Art. L. 1. – Cf. tableau comparatif de la proposition de loi n° 2499.

« Art. 85-1. – Avant son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale toute proposition de loi entrant dans le champ décrit à l’article L. 1 du code du travail, doit avoir fait l’objet d’une procédure de concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.

 
 

« Lorsqu’un président de groupe ou un président de commission envisage de proposer l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi relevant du champ décrit à l’article L. 1 du code du travail, il en informe le président de la commission des affaires sociales.

 
 

« Ce dernier transmet par écrit aux organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel le texte de la proposition de loi, afin de recueillir leurs observations sur son contenu et sur leur intention d’engager ou non une négociation nationale et interprofessionnelle.

 
 

« Les organisations consultées disposent d’un délai d’un mois pour faire part de leurs observations et de leurs intentions.

 
 

« Dans le cas où l’ensemble des organisations consultées fait connaître son intention d’engager une négociation, le président de la commission des affaires sociales, après consultation du président de groupe ou de commission qui l’a saisi, leur accorde un délai raisonnable pour la conduite de cette négociation, délai qu’il peut exceptionnellement prolonger.

 
 

« Dans le cas où seulement certaines des organisations consultées font connaître leur intention d’engager une négociation, le président de la commission des affaires sociales, après consultation du président de groupe ou de commission qui l’a saisi, peut leur accorder un délai raisonnable pour la conduite de cette négociation, délai qu’il peut exceptionnellement prolonger. Le refus d’accorder un délai pour la négociation ou le refus de prolonger le délai initial est motivé.

 
 

« Dans le cas où les organisations consultées ne manifestent pas leur intention d’engager une négociation, elles adressent au président de la commission des affaires sociales leurs observations sur le contenu de la proposition de loi. Le président de la commission des affaires sociales transmet sans délai ces observations au président de groupe ou de commission qui l’a saisi.

 
 

« La procédure de concertation est réputée achevée, lorsqu’aucune organisation n’a fait part de ses observations ou de ses intentions dans le délai d’un mois, lorsque le délai accordé pour la conduite de la négociation est dépassé ou lorsque le président de la commission a transmis les observations des organisations consultées au président de groupe ou de commission qui l’a saisi.

 
 

« Si la proposition de loi est inscrite à l’ordre du jour, les observations adressées par les organisations consultées et, le cas échéant, le texte issu de la négociation sont annexés au rapport établi par la commission saisie au fond.

 
 

« Lorsque la conférence des présidents est saisie d’une demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi relevant du champ décrit à l’article L. 1 du code du travail formulée par un président de groupe ou un président de commission, elle s’assure que la procédure de concertation préalable avec les organisations syndicales est achevée. »

 

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

(PROPOSITION DE LOI)

Amendement CL1 présenté par M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales :

Article 1er

Rédiger ainsi cet article :

« L’article L. 1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Avant leur examen en commission en première lecture dans l’assemblée à laquelle appartient leur auteur, les propositions de loi des membres du Parlement qui entrent dans le champ défini au premier alinéa font également l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une négociation entre ces organisations. Les modalités de mise en œuvre de cette concertation sont définies par chaque assemblée. »

Amendement CL2 présenté par M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales :

Article 2

Supprimer cet article.

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

(PROPOSITION DE RÉSOLUTION)

Amendement CL1 présenté par M. Jean Mallot, rapporteur :

Article unique

Au début de l’alinéa 2, insérer les mots : « Sans préjudice de l’application des articles 29 et 48 de la Constitution, ».

ANNEXE

Protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux

sur les propositions de lois, entériné par la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale le 16 février 2010

Soucieuse de garantir l’effectivité du dialogue social, l’Assemblée nationale a décidé de mettre en place une procédure de concertation avec les partenaires sociaux avant l’inscription à son ordre du jour d’une proposition de loi entrant dans le champ décrit à l’article L. 1 du code du travail.

Cette procédure concerne toute proposition de loi portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et relevant du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle.

Cette procédure s’applique sans préjudice des dispositions de la Constitution et du Règlement de l’Assemblée nationale, relatives au droit d’initiative des députés et à la fixation de l’ordre du jour.

Mise en place à titre expérimental, elle fera l’objet d’une évaluation avant le 30 septembre 2011.

I.– Lorsqu’un président de groupe ou un président de commission envisage de proposer l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi relevant du champ décrit à l’article L. 1 du code du travail, il doit en informer sans délai le président de la commission des affaires sociales.

Ce dernier transmet par écrit aux organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel le texte de la proposition de loi, afin de recueillir leurs observations sur son contenu et sur leur intention d’engager ou non une négociation nationale et interprofessionnelle.

Les organisations consultées disposent d’un délai de quinze jours pour faire part de leurs observations et de leurs intentions.

Dans le cas où l’ensemble des organisations consultées fait connaître son intention d’engager une négociation, le président de la commission des affaires sociales, après consultation du président de groupe ou de commission qui l’a saisi, leur accorde un délai raisonnable pour la conduite de cette négociation, délai qu’il peut exceptionnellement prolonger.

Dans le cas où seulement certaines des organisations consultées font connaître leur intention d’engager une négociation, le président de la commission des affaires sociales, après consultation du président de groupe ou de commission qui l’a saisi, peut leur accorder un délai raisonnable pour la conduite de cette négociation, délai qu’il peut exceptionnellement prolonger. Le refus d’accorder un délai pour la négociation ou le refus de prolonger le délai initial est motivé.

Dans le cas où les organisations consultées ne manifestent pas leur intention d’engager une négociation, elles adressent au président de la commission des affaires sociales leurs observations sur le contenu de la proposition de loi. Le président de la commission des affaires sociales transmet sans délai ces observations au président de groupe ou de commission qui l’a saisi.

La procédure de concertation est réputée achevée et la proposition de loi peut être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, lorsque aucune organisation n’a fait part de ses observations ou de ses intentions dans le délai de 15 jours, lorsque le délai accordé pour la conduite de la négociation est dépassé ou lorsque le président de la commission a transmis les observations des organisations consultées au président de groupe ou de commission qui l’a saisi.

Si la proposition de loi est inscrite à l’ordre du jour, les observations adressées par les organisations consultées et, le cas échéant, le texte issu de la négociation sont annexés au rapport établi par la commission saisie au fond.

II.– Lorsque la conférence des présidents est saisie d’une demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi relevant du champ décrit à l’article L. 1 du code du travail formulée par un président de groupe ou un président de commission, elle s’assure que la procédure de concertation avec les organisations syndicales, décrite au paragraphe I, est achevée.

Ces dispositions ne sont pas applicables en cas d’urgence reconnue par le Président de l’Assemblée nationale, qui en informe les organisations syndicales en motivant sa décision.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

• Confédération générale du travail (CGT)

–  M. Michel DONEDDU, membre du bureau confédéral

• Union syndicale Solidaires

–  M. Jean-Michel NATHANSON, membre du bureau national de l’union syndicale Solidaires

–  M. Jean-Louis GADÉA, représentant Sud collectivités territoriales

• Confédération française de l’encadrement (CFE-CGC)

–  M. Bernard Valette, secrétaire national secteur emploi et dialogue social

–  Mme Laurence Mattys, juriste

• Union professionnelle artisanale (UPA)

–  M. Jean LARDIN, président

–  M. Pierre BURBAN, secrétaire général

• Fédération syndicale unitaire (FSU)

–  Mme Anne FERAY, secrétaire nationale

-  M. Michel ANGOT, secrétaire national

• Force ouvrière (FO)

–  M. René VALLADON, secrétaire confédéral

• Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

–  M. Benoît ROGER-VASSELIN, président de la commission des relations du travail

-  M. Dominique TELLIER, directeur des relations sociales

- Mlle Audrey HERBLIN, chargée de mission

• Confédération démocratique du travail (CFDT)

-  M. Didier CAUCHOIS, secrétaire confédéral

–  Mme Lucie LOURDELLE, secrétaire confédérale

• Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME)

-  M. Georges TISSIÉ, directeur des affaires sociales

• Communication écrite de l’UNSA

En outre, votre rapporteur a été associé à l’audition du Professeur Bertrand MATHIEU par M. Gérard CHERPION, rapporteur pour avis au nom de la commission des Affaires sociales.

© Assemblée nationale

1 () Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances.

2 () Loi n° 2006-457 du 21 avril 2006 sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise.

3 () Pour un code du travail plus efficace. Rapport au ministre des Affaires sociales, du travail et de la solidarité.

4 () Pour une modernisation du dialogue social. Rapport au Premier ministre.

5 () Rapport public 2008, page 266.

6 () Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.

7 () Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

8 () Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie.

9 () Les discussions des partenaires sociaux sur les règles de détermination de la représentativité des organisations syndicales dans les petites entreprises étaient prévues spécifiquement par l’article L. 2122-6 du code du travail. Une position commune a été arrêtée le 20 janvier 2010 par l’UPA, la CFDT, la CGT, la CFTC et la CFE-CGC. Un avant-projet a alors été soumis, le 3 mai 2010, à la commission nationale de la négociation collective.

10 () L’avis du Conseil d’État a déjà été recueilli à deux reprises sur des propositions de loi déposées à l’Assemblée nationale : la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann de simplification et d’amélioration de la qualité du droit et la proposition de loi de M. Guy Lefrand et plusieurs de ses collègues visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation.

11 () Plusieurs organisations syndicales auditionnées par votre rapporteur avaient en revanche connaissance du protocole adopté par le Bureau du Sénat, auquel il semble que le Sénat ait réussi à donner une publicité plus grande.

12 () Le Protocole adopté par le Bureau du Sénat se distingue sur ce point de celui de l’Assemblée nationale, car il prévoit que la situation d’urgence justifiant l’absence de concertation préalable est « reconnue par le Président du Sénat en Conférence des Présidents ».