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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 2616

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juin 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de Bisphénol A,

PAR M. Gérard BAPT,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat : 596, 318 et T.A. 82 (2009-2010).

Assemblée nationale : 2390.

INTRODUCTION 7

I.- L’INNOCUITÉ DU BISPHÉNOL A EST DÉSORMAIS REMISE EN QUESTION PAR DES « SIGNAUX D’ALERTE » QUI ONT DÉJÀ ENTRAÎNÉ DES MESURES DE PRÉCAUTION 11

A. L’EXPOSITION ALIMENTAIRE AU BISPHÉNOL A N’A LONGTEMPS SUSCITÉ AUCUNE INQUIÉTUDE DE LA PART DES AUTORITÉS SANITAIRES 11

1. Le Bisphénol A est un produit chimique largement utilisé, souvent en contact avec des aliments ou des boissons, qui doit respecter des règles sanitaires harmonisées au niveau communautaire 11

a) Le Bisphénol A est un composé chimique organique de synthèse qui entre dans la composition de départ du polycarbonate et des résines époxydes. 11

b) Des boissons et des aliments peuvent être exposés au Bisphénol A 12

c) Le Bisphénol A est soumis à une réglementation sanitaire harmonisée au niveau communautaire 13

2. L’évaluation régulière par les agences sanitaires des risques liés à l’exposition alimentaire au Bisphénol A a longtemps conclu à son innocuité pour le consommateur dans les conditions normales d’emploi 15

a) Les évaluations effectuées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments 16

b) Les avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) 17

c) D’autres autorités sanitaires ont initialement considéré que le Bisphénol A était sans risque 18

B. DES ÉTUDES SCIENTIFIQUES RÉCENTES REMETTANT EN QUESTION LA TOTALE INNOCUITÉ DU BISPHÉNOL A FONT POURTANT ÉTAT DE « SIGNAUX D’ALERTE » ET ONT DÉJÀ INITIÉ UN CHANGEMENT D’ATTITUDE DES AUTORITÉS DE CONTRÔLE 19

1. De nouvelles études et approches scientifiques mettent en lumière de nouveaux risques liés à l’exposition alimentaire au Bisphénol A 19

a) L’approche toxicologique classique est désormais remise en cause pour ce qui concerne l’évaluation des perturbateurs endocriniens 19

b) Les règles de bonnes pratiques de laboratoire et les lignes directrices de l’OCDE conduisent trop souvent les autorités sanitaires à écarter certaines études inquiétantes 20

c) De nouvelles études et publications scientifiques internationales impliquent désormais le Bisphénol A dans de nombreux problèmes de santé 21

2. Ces signaux d’alerte ont d’ores et déjà entraîné dans le monde des réactions des autorités de contrôle et suscité des premières mesures de précaution 25

a) Les autorités de contrôle font preuve d’une prudence nouvelle et ont lancé de nouvelles expertises 25

b) Des mesures de précaution ont déjà été prises par des États ou des industriels 27

II.- LA PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, EN RETRAIT PAR RAPPORT À LA PROPOSITION INITIALE, VA INCONTESTABLEMENT DANS LE BON SENS MAIS MÉRITE D’ÊTRE COMPLÉTÉE PAR DES MESURES NOUVELLES 31

A. LA PROPOSITION DE LOI VOTÉE PAR LE SÉNAT EST MOINS AMBITIEUSE QUE LA PROPOSITION INITIALE 31

1. La proposition de loi initiale prévoyait d’interdire le Bisphénol A dans l’ensemble des plastiques alimentaires 31

a) L’interdiction couvrait initialement un champ d’application très vaste 31

b) L’interdiction de toute exposition alimentaire au Bisphénol A peut se réclamer de sérieux arguments scientifiques 31

2. Le Sénat a toutefois préféré une « application raisonnée du principe de précaution » en se limitant à suspendre l’utilisation de biberons produits à base de Bisphénol A 32

a) L’interdiction aurait soulevée des difficultés juridiques 32

b) Les produits de substitution au Bisphénol A n’ont pas encore été suffisamment évalués 33

c) La mise en évidence de risque accru en cas de chauffage et d’une période critique d’exposition au Bisphénol A ne justifieraient pas une interdiction générale 34

B. IL EST NÉCESSAIRE DE SUSPENDRE AU PLUS VITE L’UTILISATION DE BIBERONS AU BISPHÉNOL A TOUT EN ACCOMPAGNANT CETTE MESURE QUI NE CONSTITUE QU’UNE PREMIÈRE ÉTAPE VERS UNE INTERDICTION PLUS LARGE 35

1. Il est urgent d’adopter cette avancée tout en l’accompagnant 35

a) Il est essentiel de suspendre dès maintenant l’utilisation des biberons produits à base de Bisphénol A 35

b) Cette suspension doit cependant s’accompagner de mesures nouvelles 36

2. L’objectif de l’interdiction totale du Bisphénol A dans les contenants de denrées alimentaires doit être poursuivi 39

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 41

II.- EXAMEN DES ARTICLES 49

Article 1er : Suspension de la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de biberons produits à base de Bisphénol A 49

Article 2 : Demande d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur les mesures prises et envisagées pour diminuer l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens 52

TABLEAU COMPARATIF 61

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 63

ANNEXES 65

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 65

ANNEXE 2 : ARRÊTÉ MUNICIPAL D’INTERDICTION DU BISPHÉNOL A 66

ANNEXE 3 : LISTE DES COMMUNES AYANT PRIS UN ARRÊTÉ MUNICIPAL D’INTERDICTION DU BISPHÉNOL A 67

ANNEXE 4 : MODALITÉS DE L’EXPERTISE DE L’AFSSA RELATIVE AU BISPHÉNOL A 68

ANNEXE 5 : SYNTHÈSE DU RÉSEAU ENVIRONNEMENT SANTÉ RELATIVE AUX PRINCIPAUX ARTICLES RÉCEMMENT PARUS SUR LES EFFETS TOXICO-BIOLOGIQUES DU BISPHÉNOL A 70

INTRODUCTION

« Nous devons être extrêmement vigilants sur les effets de cette substance [le Bisphénol A] sur les nourrissons. »

Madame Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie, discussion à l’Assemblée nationale, le 15 juin 2009, du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement

Après le Canada, qui a interdit depuis le 11 mars 2010 la publicité, la vente et l’importation de biberons en polycarbonate contenant du Bisphénol A, le Danemark, qui a décidé d’interdire temporairement à compter du 1er juillet 2010 le Bisphénol A dans tous les produits en contact avec les aliments destinés aux enfants de moins de trois ans et l’État du Connecticut au États-unis, qui a interdit à compter du 1er octobre 2011 la fabrication et la vente de contenants de denrées alimentaires comportant du Bisphénol A, le ministère de la santé du Costa Rica vient tout récemment de publier un décret interdisant l'utilisation du Bisphénol A dans les biberons et les emballages alimentaires destinés aux enfants.

Pendant longtemps, l’attention portée en France aux dangers potentiels d’un composé chimique organique de synthèse, dont la structure est très proche du Distilbène de sinistre mémoire, et qui est utilisé largement dans de très nombreux produits de la vie courante comme les biberons et les boîtes métalliques de conserve, y compris les boîtes de lait en poudre pour bébés, n’a peut-être pas été à la hauteur des enjeux. Interrogée à multiples reprises par des parlementaires relayant, comme je l’ai fait lors de la séance des questions d’actualité à l’Assemblée nationale du 10 juin 2009, les inquiétudes croissantes de leurs concitoyens et le trouble né de la publication d’études scientifiques faisant état d’« effets subtils » du Bisphénol A, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, affirmait encore par exemple le 31 mars 2009 : « les études fiables existent ; elles concluent, en l’état actuel des connaissances scientifiques, à l’innocuité des biberons en Bisphénol A ».

Devant cette forme d’attentisme de plus en plus incompréhensible, j’ai été le premier maire de France à décider, par arrêté en date du 22 juin 2009, d’interdire dans la commune de Saint-Jean, en Haute Garonne, la vente et l’utilisation de biberons contenant du Bisphénol A, rejoint depuis par une douzaine d’autres communes.

Il est vrai que l’évaluation par les agences sanitaires des risques liés à l’exposition alimentaire au Bisphénol A a longtemps conclu à son innocuité pour le consommateur dans les conditions normales d’emploi. Cependant, des études scientifiques de plus en plus nombreuses ont mis en évidence ces dernières années, sur l’animal mais également sur des cellules humaines et chez l’homme, des effets qui suggèrent que le Bisphénol A est susceptible d’être impliqué dans divers problèmes de santé – cancer, diabète, atteinte à la reproduction ou troubles neurocomportementaux – et ce y compris à des valeurs inférieures aux doses admises par la réglementation européenne.

Il faut donc se féliciter du dépôt de la présente proposition de loi, votée à l’unanimité au Sénat, ainsi que du vote, lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, de l’amendement que j’ai présenté et qui reprend in extenso l’article 1er de cette même proposition. Dès la promulgation de ce dernier projet de loi, la suspension de l’utilisation de biberons produits à base de Bisphénol A entrera donc en vigueur en France.

Prenant en compte les dernières données scientifiques qui suggèrent une sensibilité potentielle accrue au Bisphénol A pour les nouveaux-nés et les nourrissons et le fait que le risque de migration du Bisphénol A contenu dans un plastique alimentaire est d’autant plus important que ce plastique est intensément chauffé, le législateur français a donc d’ores et déjà accepté d’éliminer, avec la suspension de la commercialisation des biberons, une des sources d’exposition à cette substance d’une catégorie particulièrement sensible de la population, afin de réduire les risques d’effets nocifs sur leur santé.

Il s’agit là d’une avancée positive mais encore incomplète. Il apparaît nécessaire de faire aujourd’hui un pas supplémentaire vers une meilleure protection des nouveaux-nés et des nourrissons, en amendant la présente proposition de loi afin de suspendre, à compter du 1er janvier 2012 seulement, la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de contenants de denrées alimentaires produits à base de Bisphénol A autres que les biberons, jusqu'à l'adoption, par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d'un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations.

En effet, la seule suspension de la commercialisation des biberons produits à base de Bisphénol A ne résoudra pas de façon satisfaisante le problème spécifique de l’exposition des bébés à cette substance. Il serait totalement incohérent de protéger les nourrissons qui boivent au biberon et de ne pas se préoccuper de leurs autres modes d’exposition au Bisphénol A. Or, c’est avant tout par l’intermédiaire de la mère que l’enfant est exposé au Bisphénol A, in utéro, durant la gestation, mais également lors de l’allaitement, et l’estimation de l’exposition au Bisphénol A des nourrissons publiée par l’avis du 29 janvier 2010 de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments démontre clairement que l’exposition des nourrissons par migration à partir du biberon est la plus faible, bien avant l’exposition par le lait maternisé et le lait maternel.

La représentation nationale a estimé lors du projet de loi portant engagement national pour l’environnement que les « signaux d’alerte » des autorités de sécurité sanitaires sur le Bisphénol A étaient suffisamment inquiétants pour justifier, en application d’un principe de précaution désormais élevé au rang constitutionnel, une suspension de la commercialisation des biberons. Si elle veut être cohérente, elle s’honorerait aujourd’hui, en votant l’amendement que je défendrai en séance publique, de prendre une disposition garantissant efficacement, comme le prévoit le Préambule de la Constitution de 1946, la protection de la santé de l’enfant.

I.- L’INNOCUITÉ DU BISPHÉNOL A EST DÉSORMAIS REMISE EN QUESTION PAR DES « SIGNAUX D’ALERTE » QUI ONT DÉJÀ ENTRAÎNÉ DES MESURES DE PRÉCAUTION

A. L’EXPOSITION ALIMENTAIRE AU BISPHÉNOL A N’A LONGTEMPS SUSCITÉ AUCUNE INQUIÉTUDE DE LA PART DES AUTORITÉS SANITAIRES

1. Le Bisphénol A est un produit chimique largement utilisé, souvent en contact avec des aliments ou des boissons, qui doit respecter des règles sanitaires harmonisées au niveau communautaire

a) Le Bisphénol A est un composé chimique organique de synthèse qui entre dans la composition de départ du polycarbonate et des résines époxydes.

Le « 2,2-Bis(4-hydroxyphényl)propane », communément appelé Bisphénol A, est un produit chimique organique issu de la réaction entre du phénol et de l’acétone, qui a été synthétisé pour la première fois en 1891 par le chimiste russe Alexandre P. Dianin.

Symbole chimique du Bisphénol A

Alors que des études faites dans les années 1930 le destinait à servir d’œstrogène de synthèse, il ne fut en définitive jamais utilisé comme médicament du fait de la découverte à la même époque d’un autre composé de synthèse plus prometteur, le diéthylstilbestrol (1). Au cours de son audition, le Professeur Patrick Fénichel, chef du service endocrinologie au CHU de Nice, a souligné la proximité de structure du Bisphénol A avec le Distilbène.

Le Bisphénol A est aujourd’hui largement utilisé dans la fabrication industrielle comme composant essentiel de polymères de haute performance, comme le polycarbonate, et de revêtements plastiques, comme les résines époxydes.

D’après les données fournies par l’industrie, la production mondiale de Bisphénol A s’élevait à environ 3,8 millions de tonnes en 2006, dont 700 000 tonnes produites dans l’Union européenne, utilisées pour 66 % dans la fabrication du polycarbonate, pour 30  % dans celle de résines époxydes, pour 2 % dans celle de Téréphtal-bis-butylaniline (TBBA) (cristaux liquides) et pour 2 % dans d’autres résines. En 2006, 1,15 million de tonnes de Bisphénol A ont été utilisées en Europe.

Le polycarbonate et les résines époxydes constituent ainsi l’essentiel de l’utilisation du Bisphénol A.

 Le polycarbonate

Le polycarbonate compte un large éventail d’applications industrielles et de consommation en raison de ses propriétés : haute résistance, résistance aux bris, transparence, légèreté et stabilité thermique.

Ses utilisations sont très variées : un tiers de la production est destiné à l’optique, 23 % à l’électronique, 13 % à la construction (vitrages, toitures...), 9 % à l’équipement des automobiles, 3 % à l’équipement médical et 15 % à des mélanges destinés à diverses industries. En outre, 3 % du polycarbonate produit dans le monde sont utilisés dans les bouteilles et les emballages alimentaires.

 Les résines époxydes

Caractérisées par leur capacité de protection contre la corrosion, leur stabilité thermique et leur résistance mécanique, les résines époxydes sont principalement utilisées en tant que revêtements pour un certain nombre d’applications industrielles, dans l’industrie automobile et maritime notamment, et de consommation (fûts, boîtes de conserve et canettes).

Les résines époxydes sont également largement utilisées pour les matériaux de construction et on en retrouve aussi dans les amalgames dentaires.

Au total, le Bisphénol A est présent depuis plus de quarante ans, dans de très nombreux produits de la vie courante, qu’il s’agisse de CD, d’équipements électriques, de pièces automobiles, de vitrages, de toitures, d’appareils médicaux ou de lunettes de soleil, mais dont certains sont aussi directement en contact avec des aliments ou des boissons.

b) Des boissons et des aliments peuvent être exposés au Bisphénol A

Le Bisphénol A est utilisé dans la fabrication du polycarbonate, un plastique rigide utilisé dans la fabrication de nombreux récipients et ustensiles alimentaires tels que les biberons, les assiettes, les tasses, les bols, les gobelets ou les récipients destinés aux fours à micro-ondes et à la conservation.

Il est également couramment utilisé dans la production de résines époxydes qui forment la couche de protection intérieure des cannettes et boîtes de conserve, y compris les boîtes de lait en poudre pour bébés, ainsi que le revêtement des systèmes de stockage et de transport d’eau (réseau de distribution d’eau et réservoirs) et des cuves à vin.

Dès lors, le Bisphénol A peut migrer en petites quantités dans les boissons et les aliments stockés dans les matériaux contenant cette substance, ce qui pose la question du risque associé à cette migration et de l’exposition des personnes à travers les boissons et les aliments.

En particulier, la libération de petites quantités de Bisphénol A dans de l’eau ou d’autres liquides chauds ou bouillants contenus dans des biberons en polycarbonate pourrait constituer une source d’exposition orale des nouveaux-nés et des nourrissons.

c) Le Bisphénol A est soumis à une réglementation sanitaire harmonisée au niveau communautaire

Les matériaux au contact des denrées alimentaires sont soumis à une réglementation harmonisée au niveau communautaire. L’ensemble de ces règles a été transposé en droit français, notamment par l’arrêté du 2 janvier 2003 relatif aux matériaux et objets en matière plastique mis ou destinés à être mis en contact des denrées, produits et boissons alimentaires, qui a fait l’objet de modifications en 2005 et 2008.

 Le règlement (CE) n° 1935/2004 du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires

Le règlement (CE) n° 1935/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires pose le principe « que tous les matériaux et objets destinés à entrer en contact, directement ou indirectement, avec des denrées alimentaires doivent être suffisamment inertes pour ne pas céder à ces denrées des constituants en une quantité susceptible de présenter un danger pour la santé humaine, d’entraîner une modification inacceptable de la composition des aliments ou d’altérer leurs caractères organoleptiques ».

Pour que les additifs puissent être utilisés dans les matériaux au contact des aliments, leur utilité et leur sécurité doivent être démontrées. Les évaluations en matière de sécurité reposent sur l’examen de toutes les données toxicologiques disponibles par le groupe scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) compétent sur les additifs alimentaires, les arômes, les auxiliaires technologiques et les matériaux en contact avec les aliments. L’utilité et la sécurité de ces additifs sont régulièrement réévaluées au niveau européen pour prendre en compte les nouvelles données scientifiques qui apparaissent. 

Ce règlement met en place, pour certains groupe de matériaux et d’objets énumérés dans son annexe I, dont les « matières plastiques » et les « vernis et revêtement », des « mesures spécifiques », prévues à l’article 5, qui peuvent comporter notamment « des limites spécifiques de migration de certains constituants ou groupes de constituants dans ou sur les denrées alimentaires, en tenant dûment compte des autres sources d’exposition possibles à ces constituants ».

Il prévoit également « des procédures pour l’adoption de mesures de sauvegarde dans les situations où un matériau ou un objet est susceptible de constituer un risque grave pour la santé humaine », procédures qui sont détaillées dans son article 18, tandis que l’article 15 prévoit « un étiquetage approprié ou une identification permettant la traçabilité du matériau ou objet ».

 La directive 2002/72/CE du 6 août 2002 sur les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires

La directive 2002/72/CE de la Commission du 6 août 2002 vise plus spécifiquement les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires.

Aux termes de cette directive, le Bisphénol A et ses dérivés sont soumis à des limites de migration spécifiques (LMS) (2) dont l’estimation fait suite à des travaux d’évaluation réalisés par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA).

Pour le Bisphénol A, la limite de migration spécifique a été initialement fixée à 3mg/kg. Depuis la directive 2004/19/CE de la Commission du 1er mars 2004 portant modification de la directive 2002/72/CE, le Bisphénol A est autorisé pour la fabrication de matériaux en contact avec les aliments avec une limite de 0,6 mg/kg d’aliment.

En France, c’est la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes qui a pour mission de vérifier la conformité des matériaux et objets destinés à entrer au contact des denrées, au travers notamment du respect des limites de migration fixées par la réglementation en vigueur.

 La directive n°67/548/CEE modifiée du 27 juin 1967 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses

En 2001, l’Union Européenne a établi une classification des substances chimiques toxiques pour la reproduction (3).

Cette classification comporte trois catégories, selon le niveau de connaissance des effets sanitaires de la substance considérée :

– catégorie 1 : substances dont les effets sur la reproduction sont avérés ;

– catégorie 2 : substances dont les effets sont prouvés chez l’animal ;

– catégorie 3 : substances pour lesquelles les études présentent des défauts qui rendent les conclusions moins convaincantes.

Les substances classées en catégories 1 et 2 doivent être étiquetées et sont interdites au grand public.

Le Bureau européen des substances chimiques a classé le Bisphénol A dans la catégorie 3 des substances toxiques pour la reproduction, c’est-à-dire jugée « préoccupante pour la fertilité de l’espèce humaine » en raison « d’effets toxiques possibles » mais non démontrés sur la reproduction.

 La norme européenne NF EN 14 350 de sécurité des biberons

Le Comité européen de normalisation (CEN) et l’Autorité européenne pour la sécurité Alimentaire (AESA) ont défini la norme européenne de sécurité des biberons NF EN 14 350. Il s’agit d’une norme qui concerne les articles pour l’alimentation liquide et qui n’est pas d’application obligatoire.

Cette norme fixe une limite de sensibilité très basse de 30 ng/kg. Interrogé par votre rapporteur, les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n’ont pas été en mesure d’expliquer pourquoi le Comité européen de normalisation a fixé une norme si basse alors qu’il existe pour le Bisphénol A une limite de migration spécifique fixée, après évaluation de l’AESA, à 0,6 mg/kg (cf. supra).

2. L’évaluation régulière par les agences sanitaires des risques liés à l’exposition alimentaire au Bisphénol A a longtemps conclu à son innocuité pour le consommateur dans les conditions normales d’emploi

Les agences de sécurité alimentaire, tant européenne, française qu’étrangères, ont évalué les risques liés à la présence du Bisphénol A dans les matériaux d’emballage alimentaire.

Elles ont longtemps considéré qu’il ne présentait, compte tenu d’une valeur dose journalière admissible (4) chez l’homme désormais fixé à 50 microgrammes par kilogramme et par jour, aucun risque pour la santé humaine, y compris pour celle des nourrissons.

a) Les évaluations effectuées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments

En 2002, le Comité scientifique de l’alimentation humaine (SCAH) de la Commission européenne a émis un avis sur le Bisphénol A et fixé une dose journalière admissible temporaire de 10 microgrammes par kilogramme et par jour.

À la lumière des près de 200 nouveaux documents portant sur la sécurité du Bisphénol A qui ont été publiés après 2002, la Commission européenne a demandé à l’AESA de réévaluer la sécurité du Bisphénol A pour son utilisation dans les matériaux en contact avec les aliments.

Le 29 novembre 2006, l’AESA a ainsi publié un avis sur l’exposition alimentaire au composé chimique Bisphénol A. Après avoir étudié en détail toutes les nouvelles données disponibles depuis 2002, le groupe scientifique AFC (5) de l’AESA a conclu qu’il était maintenant indiqué de fixer une dose journalière acceptable totale plutôt que temporaire et a fixé celle-ci à 50 microgrammes par kilogramme et par jour.

D’après ses estimations, l’exposition alimentaire au Bisphénol A des personnes, y compris les nourrissons et les enfants, était alors bien inférieure à la nouvelle dose journalière admissible. Il convient toutefois de souligner que l’influence potentielle du chauffage aux micro-ondes n’a pas été pris en compte par l’AESA dans son avis de 2006 et que ce dernier montre « que les nourrissons de six mois et moins sont les plus exposés du fait des apports du Bisphénol A présent dans le lait maternel ou issu de la migration des biberons en polycarbonate, dans les produits alimentaires conditionnés dans des contenants avec un revêtement intérieur en résine époxydique et dans les aliments en contact avec de la vaisselle en polycarbonate ».

Sollicité pour réexaminer la possible toxicocinétique du Bisphénol A selon l’âge chez les animaux et les humains et son implication dans l’évaluation des risques et dangers liés à la présence du Bisphénol A dans les aliments, le groupe scientifique de l’AESA a considéré, en juillet 2008, que son évaluation précédente des risques, basée sur la dose sans effet nocif observé globale pour les effets chez les rats, pouvait être considérée comme toujours valable pour les humains. Le groupe scientifique a ainsi conclu que les différences en toxicocinétique du Bisphénol A selon l’âge chez les animaux et les humains n’auraient aucune implication pour l’évaluation des risques du Bisphénol A précédemment réalisée par l’AESA.

En octobre 2009, la Commission européenne a invité cette dernière à évaluer l’intérêt d’une nouvelle étude sur les effets du Bisphénol A et, le cas échéant, à modifier en conséquence la dose journalière admissible. D’après les informations recueillies, l’AESA devrait prochainement rendre un nouvel avis, dont la publication aurait toutefois été reportée à juillet 2010.

b) Les avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa)

L’Afssa a analysé les travaux de l’AESA et a elle-même publié deux avis en 2008.

 L’avis du 24 octobre 2008 relatif au Bisphénol A dans les biberons en polycarbonate susceptibles d’être chauffés dans un four à micro-ondes

Le premier avis a été rendu le 24 octobre 2008, suite à une saisine de la Direction générale de la santé en date du 5 mai 2008 suivant l’annonce du gouvernement canadien de son intention d’interdire les biberons en plastique rigide (polycarbonate) fabriqués à partir de Bisphénol A. Il s’agissait de savoir s’il était nécessaire de modifier les conditions d’emploi du Bisphénol A dans les matériaux au contact avec les aliments ou de prévoir des précautions particulières d’emploi pour les matériaux qui sont susceptibles d’être chauffés.

L’agence a conclu à l’absence de risque lié à l’usage de biberons en polycarbonate contenant du Bisphénol A, y compris lorsqu’ils sont chauffés dans un four à micro-ondes.

Conséquences du chauffage au four à micro-ondes sur les quantités de Bisphénol A transférables à l’aliment provenant de biberons en polycarbonate

« Conclusions :

Concernant le chauffage des biberons en polycarbonate aux micro-ondes au regard du risque de transfert de Bisphénol A, dans l’état actuel des connaissances et après analyse des publications et des rapports les plus récents l’Afssa estime que :

* Lorsque le contenu des biberons en polycarbonate est chauffé via un traitement au four à micro-ondes en conditions réalistes (durée de chauffage inférieure à 10 minutes), les quantités de Bisphénol A transférable à l’aliment restent très inférieures à la valeur maximale de 50 μg de Bisphénol A par litre retenue par l’AESA pour son calcul d’exposition conservateur. En conséquence, les conclusions des avis de l’AESA de 2006 et 2008 sont donc applicables à l’usage du chauffage aux micro-ondes de biberons en polycarbonate et ne justifient pas de précaution d’emploi particulière.

* La dureté de l’eau ou des traces de liquide vaisselle sont des facteurs qui favorisent un transfert de Bisphénol A à partir de récipients en polycarbonate, transferts qui restent inférieurs à la valeur maximale de 50 μg de Bisphénol A par litre retenue par l’AESA. ».

Source : Afssa – Saisine n° 2008-SA-0141 – Avis du 24 octobre 2008 relatif au Bisphénol A dans les biberons en polycarbonate susceptibles d’être chauffés au four à micro-ondes

 L’avis du 21 novembre 2008 relatif aux risques sanitaires liés au Bisphénol A dans les eaux destinées à la consommation humaine

Le deuxième avis a été rendu le 21 novembre 2008, suite à la même saisine de la Direction générale de la santé en date du 5 mai 2008 et de l’avis de l’AESA du 29 novembre 2006.

Il s’agissait de savoir s’il était nécessaire de modifier les restrictions ou les conditions d’emploi du Bisphénol A dans les matériaux en contact avec les aliments, y compris avec l’eau, ou de prévoir des précautions particulières d’emploi pour les matériaux qui sont susceptibles d’être chauffés. Ce second avis concerne donc plus spécifiquement l’évaluation des expositions et des risques sanitaires liés au Bisphénol A dans les eaux destinées à la consommation humaine.

Cet avis précise en premier lieu que « le Bisphénol A ne présente pas d’effet génotoxique » (6) et conclu en second lieu à l’absence de risque lié à sa présence dans l’eau de boisson.

Évaluation des expositions et des risques sanitaires liés au Bisphénol A
dans l’eau destinée à la consommation humaine

« Conclusion

L’Afssa estime :

– que les apports journaliers en Bisphénol A qui prennent en compte les apports alimentaires et ceux liés à sa migration depuis les matériaux en contact avec l’eau n’entraînent pas de risque pour les consommateurs dans les conditions habituelles d’emploi ; (…)

Source : Afssa – Saisine n° 2008-SA-0141 bis – Avis du 21 novembre 2008 relatif à l’évaluation des expositions et des risques sanitaires liés au Bisphénol A dans l’eau destinée à la consommation humaine

c) D’autres autorités sanitaires ont initialement considéré que le Bisphénol A était sans risque

 La Food and Drug Administration des États-unis

La Food and Drug Administration (FDA) a conclu en 2008 que les données toxicologiques disponibles à cette époque montraient qu’aux niveaux d’exposition actuels, le Bisphénol A n’était pas préoccupant du point de vue sanitaire (« no safety concern »). Elle a retenu la valeur de 5 mg/kg de poids corporel/jour comme dose sans effet indésirable observé pour le Bisphenol A.

Sur cette base, elle a considéré que les niveaux d’exposition au Bisphénol A à partir des matériaux au contact avec les aliments, y compris pour les nourrissons et les enfants, étaient inférieurs aux valeurs toxicologiques de référence et que les produits à l’époque sur le marché américain contenant du Bisphénol A étaient sans risque.

 L’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques

L’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BFR), c’est-à-dire l’agence allemande de sécurité sanitaire, a également considéré en 2008 que l’utilisation des biberons en polycarbonate dans les conditions domestiques était sans danger pour la santé du nourrisson.

B. DES ÉTUDES SCIENTIFIQUES RÉCENTES REMETTANT EN QUESTION LA TOTALE INNOCUITÉ DU BISPHÉNOL A FONT POURTANT ÉTAT DE « SIGNAUX D’ALERTE » ET ONT DÉJÀ INITIÉ UN CHANGEMENT D’ATTITUDE DES AUTORITÉS DE CONTRÔLE

1. De nouvelles études et approches scientifiques mettent en lumière de nouveaux risques liés à l’exposition alimentaire au Bisphénol A

Dès la fin de 2006, à l’issue d’une conférence de consensus qui s’est tenu à Chapel Hill aux Etats-Unis, un groupe de trente-huit scientifiques a publié un article évoquant la suspicion de l’implication du Bisphénol A dans nombre de problèmes de santé actuels. Depuis, des voix scientifiques de plus en plus nombreuses se sont élevées pour remettre en question le consensus sur la totale innocuité du Bisphénol A.

a) L’approche toxicologique classique est désormais remise en cause pour ce qui concerne l’évaluation des perturbateurs endocriniens

Le Bisphénol A appartient à la famille des perturbateurs endocriniens (cf. infra, commentaire de l’article 2), c’est-à-dire des substances qui, interférant avec les fonctions du système hormonal, risquent d’influer négativement sur les processus de synthèse, de sécrétion, de transport, d’action ou d’élimination des hormones.

Pour ces produits, l’approche toxicologique classique consiste à définir, comme on l’a vu, une dose journalière tolérable ou admissible, c’est-à-dire une dose que le corps humain peut absorber sans effet nocif observable.

Des études ou rapports scientifiques récents viennent néanmoins questionner la pertinence d’une telle approche classique d’une évaluation des risques par dose journalière tolérable pour les perturbateurs endocriniens tels que le Bisphénol A.

En premier lieu, un récent rapport (7) de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a par exemple souligné que « leur action toxique ne suit pas obligatoirement le vieux principe de toxicologie « c’est la dose qui fait le poison », puisqu’une action à faible dose peut avoir un impact plus fort qu’à forte dose ».

En second lieu, l’attention a également été appelée sur les effets additifs ou synergiques des perturbateurs endocriniens. Il n’est, en effet, pas exclu que certains mélanges de perturbateurs endocriniens se révèlent toxiques, alors que pris individuellement et aux mêmes doses, chacun des composés ne le serait pas.

Par ailleurs, ces substances sont susceptibles d’avoir des effets différents selon le moment où un sujet y est exposé.

Les conclusions de la déclaration adoptée les 28 et 30 novembre 2006 lors de la réunion de scientifiques à Chapel Hill (Caroline du Nord, Etats-Unis) font ainsi état d’effets irréversibles « qui peuvent survenir à des faibles doses d’exposition durant de brèves périodes sensibles du développement ». Dans son avis du 29 janvier 2010 relatif à l’analyse critique des résultats d’une étude de toxicité sur le développement du système nerveux ainsi que d’autres données publiées récemment sur les effets toxiques du Bisphénol A (cf. infra), l’Afssa a elle-même souligné que « dans le cas des composés perturbateurs endocriniens pouvant exercer des effets différents selon le stade de développement (fenêtres critiques d’exposition au cours desquelles des effets néfastes peuvent apparaître, en particulier la période périnatale), la dose journalière tolérable n’apparaît pas être l’approche d’évaluation des risques la mieux adaptée ».

Enfin, les modalités d’action du Bisphénol A commencent à être mieux appréhendées. Le Professeur Patrick Fénichel, chef du service endoctrinologie du CHU de Nice, a indiqué que s’il était certes mille fois moins puissant que l’oestradiol et que son action sur les récepteurs classiques aux oestrogènes était donc effectivement faible, des études récentes venaient de montrer qu’il pouvait également se fixer sur un récepteur oestrogénique membranaire non classique, le GPR30, et stimuler une cascade d’événements conduisant à renforcer la prolifération cellulaire et ce pour des doses de Bisphénol A de l’ordre du nanogramme ou du picogramme, soit mille à un million de fois plus faibles que la dose autorisé de 50 mg/kg de poids corporel/jour.

b) Les règles de bonnes pratiques de laboratoire et les lignes directrices de l’OCDE conduisent trop souvent les autorités sanitaires à écarter certaines études inquiétantes

Lors de leur audition, M. André Cicolella, porte parole du Réseau environnement santé (RES) et M.  Gilles Nalbonne, directeur de recherches à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), ont critiqué l’exclusivité qui est souvent réservée aux études scientifiques menées selon les lignes directrices élaborées par l’OCDE (8) et selon le référentiel des bonnes pratiques de laboratoire.

Ce référentiel, qui date des années 1970, ne permettrait ainsi pas de mettre en évidences des effets comme les transformations prénéoplasiques (9) ou la question des troubles du comportement. Il serait ainsi particulièrement inadapté à la prise en compte des effets liés à la perturbation endocrinienne.

Ces critiques sont d’ailleurs relayées par l’Afssa, qui dans son avis du 29 janvier 2010, mentionne que « la ligne directrice 426 de l’OCDE n’apparaît pas entièrement adaptée pour caractériser des effets subtils sur le système nerveux, tels qu’ils pourraient être observés avec des perturbateurs endocriniens et notamment le Bisphénol A » et indique qu’ « une méthodologie destinée à évaluer les risques sanitaires potentiels de très faibles doses de perturbateurs endocriniens doit être développée ».

L’attention de votre rapporteur a également été appelée sur les effets pervers que pouvait engendrer le recours exclusif au référentiel des bonnes pratiques de laboratoire, conduisant, selon M. André Cicolella, à ne pas retenir 95 % des études actuelles. Le surcoût qui y est attaché entraînerait de plus en plus de chercheur à y renoncer. M. Jean-Pierre Cravedi, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), a par exemple indiqué que le référentiel des bonnes pratiques est un cadre contraignant et contreproductif qu’il avait dû se résoudre à abandonner pour des raisons financières. Dès lors, le risque est grand que seuls les laboratoires financés par les industries puissent suivre les référentiels de bonnes pratiques, alors que toute étude scientifique réalisée dans des laboratoires de recherche académiques et publiée dans une revue de renom dotée d’un comité de lecture devrait jouir de la même considération.

De telles critiques ont été récemment émises dans la revue Nature (10) ou par M. JP Myers(11), qui a notamment critiqué l’influence des industries du plastique sur les comités d’experts des agences officielles américaines et européennes.

c) De nouvelles études et publications scientifiques internationales impliquent désormais le Bisphénol A dans de nombreux problèmes de santé

Lors de leur audition, M. André Cicolella, porte parole du Réseau environnement santé (RES) et M. Gilles Nalbonne, directeur de recherches à l’INSERM, ont fait état d’une moyenne de près de deux cents études par an sur les effets du Bisphénol A sur la santé dont la liste est disponible sur le site internet (12) du RES. Il convient de souligner la qualité des travaux du RES, qui a d’ailleurs été invité par l’Afssa, dans le cadre de la préparation de son avis du 29 janvier 2010, à présenter une synthèse bibliographique des articles et rapports scientifiques publiés en 2008 et 2009 dans le cadre d’une audition qui s’est tenu le 1er décembre 2009.

De nombreuses études menées dans des laboratoires de recherche académiques à partir de protocoles expérimentaux variés, montrant sur l’animal et sur des cellules humaines des effets du Bisphénol A susceptibles de l’impliquer dans divers problèmes de santé actuels – cancer, diabète, atteinte de la reproduction ou troubles neurocomportementaux – y compris à des valeurs inférieures aux doses admises, ont en effet été publiées récemment.

Sans en faire une recension exhaustive, il est néanmoins intéressant de présenter succinctement les plus marquantes de ces études.

 Troubles de la fertilité

Chez l’animal, une récente étude (13) a étudié l’exposition au Bisphénol A en période périnatale de rates en gestation. Ses résultats montrent que les rats descendants des portées exposées au Bisphénol A ont une altération des récepteurs stéroïdiens testiculaires, et ce sur trois générations. L’étude observe en effet une baisse de la fertilité, de la qualité du sperme (nombre et mobilité) et une perturbation des hormones sexuelles dans la descendance mâle de rates exposées pendant la gestation aux doses de 1,2 et 2,4 µg/kg, soit des doses correspondant au 20ème et au 40ème de la dose journalière admissible européenne. La détérioration de la fertilité serait donc transmise ici de façon transgénérationnelle. L’exposition des arrière-grand-mères a un impact sur la fertilité et la spermatogénèse de leurs arrière-petits-fils.

 Asthme

Une étude taïwanaise (14) a mis en evidence en 2009 un développement d’asthme chez de jeunes souris nées de mères exposées à 10 µg/kg/j de Bisphénol A dans l’eau de boisson, soit 1/5 de la dose journalière admissible européenne.

● Conséquence sur la fonction intestinale

Une équipe de chercheurs de l’INRA de Toulouse (15), parmi lesquels figure M. Éric Houdeau, chargé de recherche à l’unité neuro-gastroentérologie et nutrition, a administré par voie orale de faibles doses (dix fois inférieures à la dose journalière admissible européenne) de Bisphénol A à des rates. Cette étude menée chez le rat et sur des cellules intestinales humaines en culture a démontré que le Bisphénol A diminuait la perméabilité de l’épithélium intestinal. Les chercheurs ont ainsi montré que l’appareil digestif du rat est très sensible aux faibles doses de Bisphénol A, affectant la perméabilité intestinale, la douleur viscérale et la réponse immunitaire à l’inflammation digestive. Ils ont également démontré chez des rats nouveau-nés qu’une exposition au Bisphénol A – in utero et pendant l’allaitement – augmentait le risque de développer une inflammation intestinale sévère à l’âge adulte. Ces travaux illustrent la très grande sensibilité de l’intestin au Bisphénol A.

Les publications d’études relatives à l’homme restaient encore rares jusqu’à récemment. Or, ces derniers mois, plusieurs publications semblent confirmer ce que l’expérimentation animale avait mis en évidence ces dernières années.

 Maladies cardiovasculaires

Le lien entre une exposition au Bisphénol A et l’apparition de maladies cardiovasculaires vient d’être confirmé par une nouvelle étude britannique.

Une étude (16) menée par des chercheurs de l’université d’Exeter (Royaume-Uni), publiée en 2008, avait déjà mis en évidence pour la première fois l’existence d’un lien entre des niveaux urinaires élevés de Bisphénol A et une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2 et d’anomalies hépatiques chez l’homme.

En se basant sur de nouvelles données, issues d’une vaste enquête de santé publique menée par les autorités sanitaires américaines, la même équipe confirme ces résultats dans un article publié dans PLoS ONE (17).

Les chercheurs ont ainsi constaté que le quart de la population qui a les niveaux les plus élevés de Bisphénol A est deux fois plus susceptible de déclarer une maladie cardiaque, par rapport à ceux qui avaient les niveaux les plus bas de Bisphénol A. Ils ont également observé que la hausse des niveaux de Bisphénol A est associée à des concentrations d’enzymes hépatiques anormales.

 Cancer du testicule

Les travaux de l’équipe INSERM du Professeur Patrick Fénichel, du CHU de Nice, ont montré que le Bisphénol A stimule la croissance de cellules humaines du cancer du testicule à des doses très faibles, très inférieures à la norme européenne actuelle (18). Ces données évoquent d’ailleurs les résultats de l’expérimentation sur l’animal du distilbène, dont la formule est proche de celle du Bisphénol A et dont on connaît aujourd’hui l’impact sur les enfants des femmes ayant reçu ce médicament en termes de cancer et d’atteintes de la reproduction.

 Réduction de l’efficacité des traitements contre le cancer

Des données récentes (19) démontrent en outre que le Bisphénol A atténue l’efficacité des traitements de chimiothérapie du cancer du sein et du cancer de la prostate aux doses correspondant à celles auxquelles la population est exposée, ce qui signifie une perte de chance pour les malades du cancer dans la lutte contre la maladie.

 Troubles du comportement

L’institut des sciences de l’environnement américain a publié en 2009 un article (20) cherchant à étudier le retentissement chez l’enfant âgé de 2 ans d’une exposition pré-natale au Bisphénol A. L’étude, menée auprès de 249 mères et leurs enfants de 2 ans à Cincinnati aux Etats-Unis, a mis en évidence un lien entre l’imprégnation maternelle en Bisphénol A mesurée à divers stades de la grossesse (16ème et 26ème semaines ainsi qu’à la naissance) et les résultats à un test psychologique de référence. Le résultat était plus marqué pour la 16ème semaine chez les deux sexes et seulement pour les filles à la 26ème semaine. Le comportement, mesuré par des échelles de développement standardisées, a retrouvé, surtout chez les filles, une augmentation des comportements hyperactifs et agressifs. Ceci a été encore plus net lorsque l’exposition au Bisphénol A avait été notée avant 16 semaines de grossesse de leur mère. Cette étude rejoint les résultats issus de l’expérimentation animale (rongeur et singe) qui ont montré ce type d’effets dans environ une trentaine d’études, pour la quasi-totalité à des doses inférieures à la dose journalière admissible européenne.

 Troubles de l’érection 

Une étude (21) menée sur 634 ouvriers chinois, montrant une baisse de la libido et des troubles de l’érection pouvant aller jusqu’à l’impuissance chez les travailleurs exposés au Bisphénol A, comparé à des employés non exposés, à été la première à faire le lien entre une exposition au Bisphénol A sur le lieu de travail et un dysfonctionnement sexuel chez l’homme, troubles dépendant de la dose mesurée d’exposition au Bisphénol A.

D’après cette étude, les ouvriers qui sont exposés au Bisphénol A dans leur activité professionnelle avaient quatre fois plus de risques de souffrir de troubles de l’érection et sept fois plus de risques d’avoir des problèmes d’éjaculation, en comparaison d’ouvriers employés d’une usine n’en utilisant pas.

Il convient toutefois de souligner que les taux de Bisphénol A auxquels étaient exposés les ouvriers étudiés étaient très élevés. L’auteur principal de cette étude, le Dr De-Kun Li, a lui-même souligné que « les conclusions de cette étude ne peuvent probablement pas s’appliquer aux populations qui sont exposées à des faibles doses de Bisphénol A. L’association observée s’exercerait seulement chez les travailleurs qui sont souvent en contact avec le Bisphénol A ».

2. Ces signaux d’alerte ont d’ores et déjà entraîné dans le monde des réactions des autorités de contrôle et suscité des premières mesures de précaution

a) Les autorités de contrôle font preuve d’une prudence nouvelle et ont lancé de nouvelles expertises

● Le rapport canadien du « Programme d’évaluation des substances d’intérêt prioritaire » a conclu que le Bisphénol A devrait être considéré comme susceptible de constituer un danger pour la santé chez les femmes enceintes, les foetus ou les nourrissons

Le rapport préliminaire publié en avril 2008 par le Programme d’évaluation des substances d’intérêt prioritaire (PESIP), initiative prise au terme de la loi canadienne sur la protection de l’environnement et dont la responsabilité est partagée entre Environnement Canada (22) et Santé Canada (23), a conclu que les données expérimentales chez l’animal suggèreraient une sensibilité accrue au Bisphénol A pendant les phases du développement, notamment neuronal, et que par mesure de précaution le Bisphénol A devrait être considéré comme susceptible de constituer un danger pour la santé chez les femmes enceintes, les foetus ou les nourrissons.

 La Food and Drug Administration aux États-Unis a fait part en 2010 d’incertitudes concernant les risques présentés par le Bisphénol A

Alors qu’elle avait déclaré en 2008 le Bisphénol A sans danger, la FDA a indiqué, le 16 janvier 2010 sur son site Internet, être préoccupée par les nouvelles études suggérant que cette substance aurait des conséquences graves sur la santé humaine en augmentant notamment le risque d’obésité et de maladies cardiovasculaires et a ainsi indiqué que « les résultats de récentes études, recourant à de nouvelles approches qui détectent des effets plus subtils du Bisphénol A suscitent des inquiétudes chez les toxicologues des instituts nationaux de la santé (NIH) et de la FDA quant à ses effets potentiels sur le cerveau et la prostate des fœtus et des jeunes enfants ».

Des recherches approfondies sont actuellement en cours pour « clarifier les incertitudes concernant les risques présentés par le Bisphénol A ». En attendant les résultats de ces études, la FDA a annoncé plusieurs mesures de précaution pour réduire la présence de Bisphénol A dans les produits alimentaires et a souhaité notamment faciliter le développement de produits de remplacement pour réduire la présence de cette substance dans l’ensemble des récipients alimentaires.

 L’avis de l’Afssa du 29 janvier 2010, relatif à l’analyse critique des résultats d’une étude de toxicité sur le développement du système nerveux ainsi que d’autres données publiées récemment sur les effets toxiques du Bisphénol A, fait état de « signaux d’alerte »

Suite aux résultats d’une étude (24) commandée par l’Americain Chemistry Council dont l’objectif était de détecter, dès la naissance et jusqu’à l’âge adulte, des anomalies neurologiques, morphologiques et comportementales (apprentissage, mémoire, …) induites par une exposition maternelle (gestation et lactation) au Bisphénol A et à une cinquantaine d’autres nouvelles études et publications scientifiques internationales publiées récemment, dont de nombreuses suggèrent la survenue d’effets à des doses inférieures à la dose sans effet retenue par l’AESA pour établir la dose journalière tolérable, l’Afssa s’est autosaisie en octobre 2009 et a demandé à ses comités d’experts spécialisés d’examiner toutes ces études avec attention et d’auditionner le Réseau Environnement Santé.

Sur la base de cette expertise, l’Afssa a conclu que ces « publications récentes, dont la méthodologie ne permet pas d’interprétation formelle, font état de signaux d’alerte après une exposition in utero et postnatale à des doses inférieures à celle sur laquelle se fonde la dose journalière tolérable. Les conséquences pour la santé humaine de ces signaux d’alerte ne sont pas clairement établies ».

Elle signale que des effets relevés à très faibles doses, observés en particulier sur le comportement après une exposition in utero et pendant les premiers mois de vie chez de jeunes rats, et correspondant à des modifications subtiles fonctionnelles (neurologiques, motrices ou sensorielles), hormonales ou métaboliques, l’amenaient à poursuivre son travail d’expertise, en lien avec l’AESA et le réseau international des agences, pour comprendre la signification en terme de santé humaine de ces signaux d’alerte, éclairer le consommateur et permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures appropriées.

L’Afssa va jusqu’à indiquer, compte tenu de l’incertitude de la signification des signaux d’alerte observés dans les études in vitro et in vivo aux doses inférieures à la dose sans effet de 5 mg/kg de poids corporel/jour, que « la pertinence d’augmenter le facteur de sécurité de la dose journalière tolérable devra être discutée ».

b) Des mesures de précaution ont déjà été prises par des États ou des industriels

Face à ces inquiétudes nouvelles, des mesures de précaution ont déjà été prises par des collectivités publiques et des fabricants de biberons.

 Le Canada a interdit depuis le 11 mars 2010 l’importation et la vente des biberons en polycarbonate contenant du Bisphénol A

Dès octobre 2008, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il allait entreprendre la rédaction d’un règlement visant à interdire l’importation et la vente de biberons en polycarbonate qui contiennent du Bisphénol A ainsi que la publicité sur ces produits.

Il a, en effet, estimé nécessaire, même si l’évaluation des risques confirmait que les niveaux d’exposition sont inférieurs à ceux qui pourraient causer des effets sur la santé, de mettre en place des mesures de précaution pour protéger les nourrissons et les jeunes enfants en raison des incertitudes soulevées par certaines études sur les effets potentiels du Bisphénol A à faible concentration.

Le Canada a ainsi été, en juin 2009, le premier pays à proposer un règlement modifiant la partie I de l’annexe I de la loi sur les produits dangereux pour y inclure les biberons en polycarbonate contenant du Bisphénol A, interdisant ainsi la publicité, la vente et l’importation au Canada de ces produits.

L’interdiction des biberons en polycarbonate contenant du Bisphénol A est entré en vigueur le 11 mars 2010 et a été publié dans la « Gazette du Canada », Partie II, le 31 mars 2010.

De plus, le Canada étudie aujourd’hui des mesures réglementaires visant à minimiser les risques de libération de Bisphénol A dans l’environnement et finance de nombreux projets de recherche visant à combler les lacunes en matière de connaissance à ce sujet.

 Le Danemark a décidé d’interdire temporairement à compter du 1er juillet 2010 le Bisphénol A dans tous les produits en contact avec les aliments destinés aux enfants de moins de 3 ans.

Craignant un effet néfaste du Bisphénol A sur les capacités d’apprentissage des enfants, et en l’absence de réponse de l’AESA à sa demande formulée en 2008 sur les possibles effets du Bisphénol A à faibles doses sur le comportement et le développement du système nerveux, le ministre danois de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche s’est adressé début 2010 au National Food Institute de l’Université technique du Danemark.

Suite aux conclusions du rapport en date du 22 mars 2010 de celui-ci sur des rats nouveaux-nés, le ministre danois de l’alimentation, M. Henrik Hoegh, a déclaré que « de nouvelles études soulèvent des incertitudes au sujet de l’innocuité de faibles quantités de Bisphénol A sur les capacités d’apprentissage des rats nouveaux-nés », et que « ces incertitudes nous ont conduits à utiliser le principe de précaution pour introduire une interdiction nationale du Bisphénol A dans le matériel en contact avec les aliments pour enfants de 0 à 3 ans. »

Le gouvernement danois a donc décidé en avril 2010 d’interdire temporairement ce composé chimique dans tous les produits en contact avec les aliments destinés aux enfants de moins de 3 ans, en ménageant une période de trois mois durant laquelle les stocks de ces produits pourront être vendu.

Selon une déclaration du gouvernement, cette interdiction restera en place « jusqu’à ce que de nouvelles études prouvent que de faibles doses de Bisphénol A n’ont pas d’effet néfaste sur le développement du système nerveux ou le comportement des rats ».

À partir du 1er juillet 2010, la vente de biberons, mais aussi de tasses et emballages d’aliments pour bébés contenant du Bisphénol A, sera ainsi interdite au Danemark. 

 Plusieurs propositions législatives visant le contrôle du Bisphénol A ont été présentées au niveau étatique et fédéral aux États-Unis

Un projet de loi visant à interdire l’utilisation du Bisphénol A dans les contenants alimentaires et à d’autres fins a été déposé pour la deuxième fois, le 16 mars 2009, à la Chambre des représentants des États-Unis.

Si ce projet n’a pas abouti au niveau fédéral, plusieurs États américains ont néanmoins déjà interdits certains produits contenant du Bisphénol A.

La Chambre des représentants de l’État de Washington a, par exemple, adopté le 5 mars 2009 un projet de loi interdisant la vente de « toute bouteille, tasse ou autre contenant renfermant du Bisphénol A, si ce contenant est conçu pour être rempli ou s’il est prévu qu’il sera rempli de quelque liquide, aliment ou boisson principalement aux fins de consommation, à même ce contenant, par des enfants de trois ans ou moins ».

Dans le même esprit, l’État du Connecticut a récemment interdit, avec une mise en oeuvre à la date du 1er octobre 2011, la fabrication et la vente d’aliments ou de contenants comportant du Bisphénol A.

 Plusieurs communes françaises ont déjà interdit l’utilisation du Bisphénol A

Votre rapporteur a été le premier maire de France à décider, par arrêté en date du 22 juin 2009, d’interdire dans la commune de Saint-Jean, en Haute-Garonne, la vente et l’utilisation de biberons contenant du Bisphénol A Bisphénol A et de remplacer l’ensemble des biberons des crèches associatives.

Plusieurs autres communes ont depuis suspendu l’utilisation de ces biberons dans leurs crèches, comme Paris ou Besançon.

Tout récemment, M. André Aschieri, maire de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes, a décidé en 2010 d’appliquer lui aussi le principe de précaution dans sa commune et déclaré qu’ « au vu de l’urgence sanitaire, ces biberons qui ont déjà été retirés des crèches municipales, voient leur utilisation interdite pour les assistantes maternelles et leur vente prohibée dans tous les lieux de distribution de la commune ».

 Plusieurs fabricants américains de biberons ont décidé en 2009 de cesser de vendre les produits contenant du Bisphénol A.

En mars 2009, les six principaux fabricants américains de biberons (Avent, Disney First Years, Gerber, Dr. Brown, Plaxtex et Evenflow) ont décidé d’eux-mêmes de cesser de vendre les produits contenant du Bisphénol A.

 Le Gouvernement français a récemment modifié son approche du problème

Alors que Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, interrogé par M. Jean-Christophe Lagarde lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, affirmait encore le 31 mars 2009 : « les études fiables existent ; elles concluent, en l’état actuel des connaissances scientifiques, à l’innocuité des biberons en Bisphénol A », Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État à l’écologie, déclarait lors de la séance du 15 juin 2009 à l’Assemblée nationale consacrée à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, « nous devons être extrêmement vigilants sur les effets de cette substance sur les nourrissons. Au sujet de l’actualisation des études qui doivent être prises en compte par l’Afssa, j’ai écrit très récemment à ma collègue pour lui faire part de mon souhait de voir l’Afssa rendre un nouvel avis intégrant bien les dernières études ».

Interrogée le 26 janvier 2010 par M. Olivier Jardé lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, la ministre de la santé déclarait : « il y a quelques jours, nous avons été alertés par une étude de la FDA qui conclut à des effets potentiels sur le cerveau et la prostate des bébés et des foetus. Bien sûr, ces études ont été réalisées sur des animaux et l’agence américaine nous demande d’être très prudents quant à l’extrapolation que l’on pourrait en faire pour les êtres humains. Néanmoins, je considère que c’est un signal d’alerte dont il faut tenir compte ».

II.- LA PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, EN RETRAIT PAR RAPPORT À LA PROPOSITION INITIALE, VA INCONTESTABLEMENT DANS LE BON SENS MAIS MÉRITE D’ÊTRE COMPLÉTÉE PAR DES MESURES NOUVELLES

A. LA PROPOSITION DE LOI VOTÉE PAR LE SÉNAT EST MOINS AMBITIEUSE QUE LA PROPOSITION INITIALE

À l’origine, la proposition de loi déposée par le sénateur Yvon Collin (groupe du Rassemblement démocratique et social européen – RDSE) et plusieurs membres de son groupe visait à interdire le Bisphénol A dans tous les « plastiques alimentaires », mais un amendement présenté par M. Gérard Dériot, au nom de la commission des affaires sociales, a finalement limité son objet à une suspension de la commercialisation des biberons contenant du Bisphénol A.

1. La proposition de loi initiale prévoyait d’interdire le Bisphénol A dans l’ensemble des plastiques alimentaires

a) L’interdiction couvrait initialement un champ d’application très vaste

La proposition de loi initiale, tendant à interdire le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires, a été enregistrée à la Présidence du Sénat le 27 juillet 2009 et visait à interdire « la fabrication, l'importation, l'offre, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise en vente, la vente ou la distribution à titre gratuit de plastiques alimentaires contenant du Bisphénol A ».

La notion de « plastiques alimentaires contenant du Bisphénol A » couvre un champ d’application extrêmement large, puisqu’elle englobe à la fois les polycarbonates, d’autres formes de plastique contenant du Bisphénol A ainsi que l’ensemble des résines époxydes, qui sont tous largement utilisées dans l’industrie des matières plastiques pour des applications fréquentes liées à nos habitudes alimentaires.

b) L’interdiction de toute exposition alimentaire au Bisphénol A peut se réclamer de sérieux arguments scientifiques

Les mesures de Bisphénol A effectuées dans le sang, l’urine, le lait maternel et d’autres tissus indiquent que plus de 90 % des personnes vivant dans les pays occidentaux sont exposées au Bisphénol A.

À partir du moment où les résultats de nombreuses études scientifiques sont considérés par les agences sanitaires et les pouvoirs publics comme des « signaux d’alerte » (cf. supra), il apparaît naturel de vouloir diminuer les voies d’exposition au Bisphénol A dans une logique de précaution.

Or, plusieurs agences d’évaluation du risque, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) en 2004 et 2006 ainsi que le « National Toxicology Program (NTP) Center for the Evaluation of Risks to Human Reproduction (CERHR) » en 2008, ont souligné que la principale voie d’exposition de la population générale est bien la voie alimentaire.

Voies d’exposition au Bisphénol A

« (…) la principale voie d’exposition de la population générale est la voie alimentaire. Dans la mesure où le Bisphénol A est un constituant des polymères plastiques utilisés pour emballer ou contenir les aliments, cette exposition relève d’une part des monomères résiduels de Bisphénol A présents dans ces matériaux et susceptibles de migrer dans l’aliment, et d’autre part du Bisphénol A qui peut être libéré par l’hydrolyse du polymère, en particulier au cours du chauffage, comme cela peut se produire pour les biberons en polycarbonate par exemple.

Cette migration est d’autant plus importante que le polycarbonate a été utilisé à de nombreuses reprises (Brede et coll., 2003) ou qu’il est au contact de solutions alcalines (Biedermann-Brem et Grob, 2009). Dans des conditions normales d’utilisation d’un biberon, cette migration est de quelques μg/l d’eau ou de lait (Maragou et coll., 2008).

Chez les adultes, la consommation de boissons contenues dans des bouteilles en polycarbonates (Carwile et coll., 2009), d’aliments en conserve (Mariscal-Arcas et coll., 2009 ; Lim et coll., 2009b) ou de denrées chauffées au micro-onde dans leur emballage plastique (Lim et coll., 2009a) se traduit par des valeurs d’exposition moyennes voisines de 0,033 μg/kg de poids corporel /j alors qu’elles sont environ 25 fois plus élevées pour le nourrisson nourri au biberon en polycarbonate (von Goetz et coll., 2010) soit 0,800 μg/kg/j ».

Source : Rapport préliminaire sur les effets sur la reproduction du Bisphénol A, Inserm, 2 juin 2010.

Les autres modalités d’exposition, qu’il s’agisse de celles provenant de la manipulation de papiers thermosensibles ou de l’inhalation de poussières contaminées par du Bisphénol A sont considérées, par les mêmes agences d’évaluation du risque, comme négligeables pour le consommateur.

2. Le Sénat a toutefois préféré une « application raisonnée du principe de précaution » en se limitant à suspendre l’utilisation de biberons produits à base de Bisphénol A

Trois principaux arguments ont été avancés lors des travaux du Sénat pour repousser une interdiction du Bisphénol A dans l’ensemble des plastiques alimentaires.

a) L’interdiction aurait soulevée des difficultés juridiques

L’argument d’une compatibilité incertaine de l’interdiction générale des plastiques alimentaires contenant du Bisphénol A avec le principe de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne et avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été évoqué à plusieurs reprises au cours des débats devant le Sénat.

La ministre de la santé, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, a ainsi fait valoir que « toute interdiction, fût-elle de niveau législatif, encourt un risque très élevé d’annulation en cas de recours contentieux », tant à l’échelon européen qu’international.

Toutefois, il convient de souligner que l’article 18 du règlement (CE) n°1935/2004 du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires prévoit explicitement la possibilité de « mesures de sauvegarde » qui peuvent être provisoirement prises, sous conditions, par les États pour suspendre ou interdire un produit qui bien que conforme aux mesures spécifiques applicables, présente, en raison de nouvelles données ou d’une nouvelle évaluation des données existantes, un danger pour la santé humaine. Il faut également préciser que la Cour de justice des communautés européennes a déjà eu l’occasion d’admettre l’application du principe de précaution en matière de santé publique au sujet de l’encéphalopathie spongiforme bovine (cf. infra, commentaire de l’article 1er).

Par ailleurs, les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) stipulent qu’il est loisible à un État membre de déterminer le niveau de protection de la santé qu’il estime nécessaire et de prendre les mesures afférentes, y compris lorsque celles-ci se fondent sur l’application du principe de précaution.

Si une mesure générale d’interdiction du Bisphénol A dans les plastiques alimentaires aurait donc, sans aucun doute, été examinée de façon attentive par la Commission européenne, par l’OMC ainsi que par leurs instances contentieuses, il reste toutefois difficile, au regard de jurisprudences encore mal établies, de présager de leur appréciation en l’espèce.

b) Les produits de substitution au Bisphénol A n’ont pas encore été suffisamment évalués

Une interdiction généralisée du Bisphénol A dans les plastiques alimentaires nécessiterait de lui trouver des substituts remplissant les mêmes caractéristiques. Or, il n’est nullement certain que les matériaux qui seraient utilisés en remplacement du Bisphénol A seraient moins toxiques. Il apparaît, en effet, que l’innocuité des matériaux aujourd’hui utilisés ou utilisables en remplacement des plastiques et des résines contenant du Bisphénol A n’a pas encore été suffisamment étudiée.

Comme le rappelle l’Afssa dans un récent avis (25), seuls les monomères autorisés au niveau européen après une évaluation des risques réalisée par l’AESA peuvent entrer dans la composition de plastiques ou de résines mais, aux termes de la réglementation européenne, les matériaux finis ne font pas l’objet d’une évaluation préalable par l’agence européenne et sont donc mis sur le marché sous la responsabilité des seuls industriels.

Prenant l’exemple d’un substitut potentiel au Bisphénol A, le Bisphénol S (monomère du polyéther sulfone utilisé en remplacement du polycarbonate pour les biberons), l’Afssa a ainsi fait remarquer que son évaluation date déjà de dix ans et ne repose que sur seulement quatre études de toxicité. Dès lors, « l’Afssa estime important que soit rapidement discutée au niveau communautaire l’opportunité d’une réévaluation des produits de substitution actuellement sur le marché ».

Par ailleurs, M. Didier Houssin, directeur général de la santé, a appelé l’attention lors de son audition sur le fait que le verre, qui est souvent présenté comme le substitut idéal aux biberons au Bisphénol A, n’était pas exempt de tout danger. Sans parler des risques d’ingestion de petits morceaux de verre, matériau bien moins résistant aux bris que le polycarbonate, il a indiqué que celui-ci était beaucoup plus poreux que le polycarbonate et comportait de ce fait un risque en terme d’hygiène, en cas de mauvais nettoyage notamment.

c) La mise en évidence de risque accru en cas de chauffage et d’une période critique d’exposition au Bisphénol A ne justifieraient pas une interdiction générale

Les études scientifiques démontrent en premier lieu que le risque de migration du Bisphénol A contenu dans un plastique alimentaire est d’autant plus important que ce plastique est intensément chauffé.

Certains plastiques alimentaires, comme les résines époxydes contenus dans les boîtes de conserve ou les canettes, n’étant à l’évidence pas destinés, à la différence des biberons, à être chauffés à haute température, l’opportunité d’une interdiction générale de tous les plastiques alimentaires peut être mise en question.

Par ailleurs, les études toxicologiques les plus récentes (26), comme les conclusions des rapports du NTP-CERHR (27) (septembre 2008) et de l’OEHHA (28) (octobre 2009), mettent toutes en évidence une période critique d’exposition au Bisphénol A correspondant à la phase du développement du système nerveux et du système reproducteur et qui s’étend depuis l’exposition in utero (via la femme enceinte) jusqu’à l’âge de 3 ans.

De son côté, la FDA américaine a désigné les bébés comme étant particulièrement fragiles aux effets du Bisphénol A en raison d’un système neurologique et endocrinien encore en développement et d’un système hépatique trop immature pour l’éliminer convenablement.

Dans ces conditions, il est apparu aux sénateurs qu’il n’était pas opportun d’interdire aujourd’hui l’ensemble des plastiques alimentaires contenant du Bisphénol A, mais qu’une application raisonnée du principe de précaution devait conduire à se limiter à suspendre tout recours à des biberons produits à base de Bisphénol A.

B. IL EST NÉCESSAIRE DE SUSPENDRE AU PLUS VITE L’UTILISATION DE BIBERONS AU BISPHÉNOL A TOUT EN ACCOMPAGNANT CETTE MESURE QUI NE CONSTITUE QU’UNE PREMIÈRE ÉTAPE VERS UNE INTERDICTION PLUS LARGE

1. Il est urgent d’adopter cette avancée tout en l’accompagnant

Dès le 8 juin 2009, votre rapporteur rappelait, par lettre adressée à Madame Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, l’urgence de bannir l’utilisation de biberons contenant du Bisphénol A dans les crèches et de recommander à l’ensemble des utilisateurs de les éviter.

L’absence de réponse concrète des autorités sanitaires à ce défi de santé publique l’avait immédiatement conduit à interdire dans sa commune de Saint-Jean, en Haute-Garonne, par arrêté en date du 22 juin 2009, la vente et l’utilisation de biberons contenant du Bisphénol A.

On ne peut donc que se féliciter aujourd’hui de l’avancée réalisée par la présente proposition de loi.

a) Il est essentiel de suspendre dès maintenant l’utilisation des biberons produits à base de Bisphénol A

L’adoption en première lecture par le Sénat, à l’unanimité des présents, de la proposition de loi tendant à suspendre « la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de Bisphénol A », marque la fin de l’inertie et de l’attentisme face à la menace du Bisphénol A qu’on ne peut que saluer.

Puisque les données scientifiques indiquent une sensibilité potentielle accrue au Bisphénol A pour les nouveaux-nés et les nourrissons, l’application raisonnée du principe de précaution retenue par le Sénat, qui conduira à éliminer une des sources d’exposition à ce produit de cette catégorie sensible de la population et à réduire ainsi les risques d’effets nocifs sur leur santé, semble donc nécessaire sinon suffisante.

Prenant acte de cette nécessité, votre rapporteur a déposé, lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, un amendement qui reprend in extenso l’article 1er de cette même proposition et qui a été adopté. Cette disposition ne devrait pas être remise en cause lors de la réunion de la commission mixte paritaire du 16 juin et le dispositif de l’article 1er de la présente proposition de loi devrait donc entrer rapidement en vigueur, après une adoption définitive par l’Assemblée nationale prévue le 29 juin.

Dès la promulgation du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, la suspension de l’utilisation de biberons produits à base de Bisphénol A entrera donc en vigueur en France.

b) Cette suspension doit cependant s’accompagner de mesures nouvelles

La suspension de l’utilisation de biberons produits à base de Bisphénol A ne résout pas pour autant le problème spécifique de l’exposition des bébés à cette substance. Le professeur Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie à l’université de Bordeaux et expert à l’Afssa, estime ainsi que « c’est avant tout par l’intermédiaire de la mère que l’enfant est exposé au Bisphénol A : in utéro, durant la gestation, mais également lors de l’allaitement, et là le biberon n’intervient pas ! » (29).

 Il est nécessaire d’informer spécifiquement les femmes enceintes

La suspension de l’utilisation de biberons au Bisphénol A ne règle donc évidemment pas la question de l’exposition in utero.

Or, des études scientifiques suggèrent une contamination in utero au travers de la barrière placentaire.

Ainsi, le passage transplacentaire du Bisphénol A (4 % d’une dose de 20 μg/kg) est avéré chez la souris (30). De même, une exposition in utero à des doses faibles provoque chez les souris mâles une augmentation du poids de la prostate et une diminution du poids de l’épididyme, alors que chez les femelles apparaissent des altérations du développement des glandes mammaires(31) tandis qu’on observe chez des souris gravides exposées à des doses de 10 μg/kg/j, c’est-à-dire proches des valeurs d’exposition de la femme enceinte, des modifications du développement de la prostate chez les foetus qui laissent présager un risque de cancer accru ultérieurement chez l’adulte (32).

Plus récemment, une étude (33) canadienne du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke a démontré l’effet direct du Bisphénol A sur les mécanismes de défense et de protection du fœtus en recueillant le placenta de cinq femmes enceintes immédiatement après la naissance pour l’exposer à une très faible concentration de ce polycarbonate ce qui aurait endommagé les cellules placentaires de manière irrémédiable.

Le communiqué de presse de l’Inserm, en date du 3 juin 2010, sur les effets sur la reproduction du Bisphénol A résume ces études en indiquant que « de faibles taux de Bisphénol A (supérieur à la limite de détection de 0,5 μg/l) ont été retrouvés dans le placenta, le liquide amniotique et le fœtus, chez les rongeurs et dans l’espèce humaine ; le Bisphénol A est donc capable de passer la barrière placentaire et d’atteindre le fœtus ».

Il apparaît donc primordial que l’adoption de cette proposition de loi soit accompagnée de la mise en œuvre par le gouvernement d’une campagne d’information et de prévention à destination des femmes enceintes, campagne que celui-ci ne semblait toujours pas vouloir lancer jusqu’à récemment malgré l’urgence.

Il faut donc se féliciter que M. Didier Houssin, directeur général de la santé, ait annoncé lors de son audition le lancement d’une campagne nationale d’information sur les risques du Bisphénol A, destinée notamment à mieux sensibiliser les femmes enceintes ou en âge de procréer.

 L’information sur les produits de consommation courante contenant du Bisphénol A doit également être améliorée, notamment par un meilleur étiquetage et par une sensibilisation des industriels à la recherche de substituts adéquats

En effet, le biberon n’est pas la seule source d’exposition des nouveaux-nés et des nourrissons. Le lait constitue également une voie d’exposition, qu’il soit maternel, par le biais de l’exposition des femmes aux produits alimentaires en contact avec des revêtements intérieurs contenant du Bisphénol A, ou maternisé, par le biais du Bisphénol A utilisé pour assurer l’étanchéité des boîtes contenant la poudre de lait.

Dans son avis du 29 janvier 2010, l’Afssa a proposé une estimation intéressante de l’exposition au Bisphénol A des nourrissons.

Estimation de l’exposition au Bisphénol A des nourrissons

« Sur la base d’une consommation journalière de lait de 174 ml/kg de poids corporel, les données (USA, Japon, Canada) montrent qu’ils seraient exposés à :

o 0,33 – 1,27 μg de Bisphénol A/kg pc/j par le lait maternel (pour les concentrations moyennes et maximales en Bisphénol A total) ;

o 0,20 – 2,1 μg de Bisphénol A/kg pc/j par le lait maternisé (par migration à partir de l’emballage) ;

o 0,017 – 0,12 μg de Bisphénol A/kg pc/j par migration à partir du biberon, dans des conditions réalistes d’utilisation ».

Source : avis de l’Afssa du 29 janvier 2010 relatif à l’analyse critique des résultats d’une étude de toxicité sur le développement du système nerveux ainsi que d’autres données publiées récemment sur les effets toxiques du Bisphénol A

L’exposition par migration à partir du biberon apparaît ainsi la plus faible, bien avant l’exposition par le lait maternisé et le lait maternel.

Par ailleurs, l’ensemble de la population est aussi exposé quotidiennement à des produits de consommation courante contenant du Bisphénol A.

Dans ces conditions, il apparaît nécessaire d’améliorer l’étiquetage des produits contenant du Bisphénol A comme le suggère également M. Marc Mortureux (34), directeur général de l’Afssa qui pense que « les consommateurs devraient être informés de la présence de Bisphénol A dans les récipients et ustensiles ménagers, via un étiquetage systématique, afin de leur permettre d’éviter de les chauffer excessivement pendant trop longtemps et protéger les plus sensibles ».

Il convient également d’inciter les industriels à se mobiliser pour mettre au point des substituts du Bisphénol A pour les usages alimentaires, et pour réaliser les études nécessaires permettant de procéder à une évaluation des risques approfondie de ces substituts potentiels préalablement à leur autorisation.

 Une réflexion sur une révision de la dose journalière admissible et de la limite de migration spécifique doit être engagée

Votre rapporteur estime également indispensable une réflexion autour de la révision de la dose journalière admissible, établie aujourd’hui par l’Agence européenne de sécurité alimentaire à 50 µg/kg/jour.

Il s’agit en effet de tenir compte des nombreuses études qui ont suggéré des effets sanitaires nocifs du Bisphénol A à des doses très inférieures à la dose journalière admissible.

Une réflexion similaire pourrait être initiée par la France sur les limites de migration spécifiques au Bisphénol A, comme le souhaite également M. Marc Mortureux (35), lorsqu’il déclare que « dans le cadre de la réglementation européenne, les limites de migration spécifique du Bisphénol A dans les denrées pourraient être réévaluées, en s'alignant sur les meilleures technologies actuellement disponibles ».

2. L’objectif de l’interdiction totale du Bisphénol A dans les contenants de denrées alimentaires doit être poursuivi

Aussi positive que soit l’avancée réalisée par la présente proposition de loi ou par le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, et même celle-ci assortie des mesures d’accompagnement qu’il préconise, votre rapporteur insiste sur le fait que l’objectif à atteindre doit rester l’interdiction totale du Bisphénol A dans les contenants de denrées alimentaires.

En effet, on ne peut pas présumer que les produits contenant du Bisphénol A seront toujours utilisés dans les conditions normales d’usage ou que les recommandations préconisées seront suivies en tout temps. Dès lors, l’interdiction des contenants alimentaires à base de Bisphénol A apparaît comme le meilleur mécanisme pour éliminer une source d’exposition pour la catégorie vulnérable des nouveaux-nés et nourrissons.

Il est patent que la suspension de l’utilisation de biberons produits à base de Bisphénol A ne résout pas de façon satisfaisante le problème spécifique de l’exposition des bébés à cette substance et il serait donc incohérent de protéger les nourrissons qui boivent au biberon et de ne pas se préoccuper de leurs autres modes d’exposition au Bisphénol A.

La représentation nationale ayant estimé lors du projet de loi portant engagement national pour l’environnement que les signaux d’alerte sur le Bisphénol A étaient suffisamment inquiétants pour justifier une suspension de la commercialisation des biberons, il est donc proposé, par souci de cohérence et dans le respect d’un principe de précaution désormais élevé au rang constitutionnel, d’adopter l’amendement proposé par votre rapporteur qui garantit efficacement, comme le prévoit le Préambule de la Constitution de 1946, la protection de la santé de l’enfant.

Cet amendement vise à suspendre, à compter du 1er janvier 2012, la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de contenants de denrées alimentaires produits à base de Bisphénol A autres que les biberons.

La dénomination de « contenants de denrées alimentaires produits à base de Bisphénol A » apparaît en premier lieu plus adéquat que la notion ambiguë de « plastiques alimentaires » qui pourrait laisser penser que les plastiques peuvent servir d’aliments.

La suspension visée par l’amendement concernerait donc, à compter du 1er janvier 2012, l’ensemble des matériaux et objets en matière plastique produit à base de Bisphénol A et destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires, à l’exception des biberons dont la commercialisation sera suspendue dès promulgation de la loi portant engagement national pour l’environnement.

Lors des travaux du Sénat, le principal argument pour écarter une interdiction générale du Bisphénol A dans tous les plastiques alimentaires pointait le fait que l’innocuité des matériaux utilisables en remplacement des plastiques et des résines contenant du Bisphénol A n’aurait pas encore été suffisamment étudiée. Cet argument, parfaitement recevable, perd toute sa force avec la fixation d’une période transitoire avant l’entrée en vigueur de la suspension qui permettra utilement à l’ensemble des autorités de contrôle concernées de poursuivre leurs travaux de recherche sur l’innocuité des matériaux de substitution et laissera surtout aux industriels la possibilité d’adapter leur processus de fabrication, ce qu’il ont d’ailleurs déjà commencé de faire, comme ils l’ont exposé lors de leur audition et comme l’illustre l’exemple de la société Eden Foods aux Etats-Unis qui produit ainsi des boîtes de conserve sans Bisphénol A depuis 1999.

Par ailleurs, l’argument d’une compatibilité incertaine d’une interdiction générale des plastiques alimentaires contenant du Bisphénol A avec le principe de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne et avec les règles de l’OMC doit être relativisé au regard de l’article 18 du règlement du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires qui prévoit explicitement la possibilité de « mesures de sauvegarde » qui peuvent être provisoirement prises par les États pour suspendre un produit qui présente, en raison de nouvelles données ou d’une nouvelle évaluation des données existantes, un danger pour la santé humaine, ce qui est bien le cas du Bisphénol A. En tout état de cause, cette compatibilité devrait être examinée dans les mêmes termes, même si on se limitait à suspendre la commercialisation des biberons contenant du Bisphénol A.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 9 juin 2010.

Après que le rapporteur a présenté son rapport, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Bernard Perrut. Si le caractère de perturbateur endocrinien du Bisphénol A nous interpelle depuis un certain nombre d’années, jamais l’alerte n’avait été donnée quant à ses conséquences sanitaires. Aujourd’hui, l’Afssa et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ont donné des signaux d’alerte. Le texte du Sénat semble donc cohérent, même s’il est en retrait par rapport à sa version initiale, qui interdisait toute fabrication et commercialisation. Notons d’ailleurs que cette dernière n’aurait pu être adoptée, principalement en raison de sa fragilité juridique : l’Union européenne exigeant que le danger pour la santé humaine soit démontré pour pouvoir appliquer une clause de sauvegarde, toute interdiction encourt un sérieux risque d’annulation. Le Sénat a donc trouvé le juste équilibre en prévoyant une suspension dans l’attente de nouveaux résultats scientifiques.

Comme l’a dit Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, le principe de précaution ne consiste pas à prendre des décisions d’interdiction à la moindre alerte, mais à entourer l’ensemble de ces décisions des précautions nécessaires. Elle a ainsi pris plusieurs engagements, dont celui d’élargir et d’accélérer les études en cours sur les effets réels du Bisphénol A et celui d’examiner la possibilité de modifier la limite autorisée de migration spécifique du Bisphénol A dans les aliments.

Cette proposition de loi est un bon texte. Respectons donc le compromis adopté par le Sénat, d’autant que rien ne nous permet à ce jour d’affirmer que tel autre produit serait différent ou meilleur que le Bisphénol A. Bref, appliquons le principe de précaution au sens large : dans l’attente de nouvelles évolutions, restons-en au texte tel qu’il est.

M. Jean-Luc Préel. Préserver la santé de nos concitoyens fait partie de nos missions. Mais avant d’interdire un produit, il faut prouver que son utilisation comporte des risques. Par ailleurs, je ne suis pas un fanatique du principe de précaution… Néanmoins, il semble bien que le Bisphénol A comporte un risque – le rapport préliminaire du 2 juin 2010 de l’INSERM sur les effets sur la reproduction du Bisphénol A le démontre assez clairement.

L’interdiction du Bisphénol A dans les biberons est évidemment tentante, mais elle ne résout pas le problème. Les concentrations de Bisphénol A dans le lait maternel – jusqu’à 7 microgrammes par litre – seraient en effet au moins deux fois supérieures à celles retrouvées dans les biberons, et ce en raison de l’alimentation maternelle. Ou bien il y a un risque et il faut interdire le Bisphénol A non seulement dans les biberons, mais aussi dans les autres contenants, notamment ceux utilisés dans les micro-ondes, ou bien il n’y en a pas et l’interdiction n’a pas de raison d’être !

J’ai, pour ma part, déposé un amendement proche de celui du rapporteur, qui tend à étendre la suspension de la commercialisation du Bisphénol A à l’ensemble des plastiques alimentaires. À la demande d’Yvan Lachaud, j’en présenterai un second qui propose également d’étendre cette suspension, cette fois-ci aux produits contenant des phtalates, des parabènes ou des alkylphénols. Dans la mesure où il s’agit également de perturbateurs endocriniens, ce ne serait pas illogique, mais c’est là une modification importante, à laquelle je suis prêt à renoncer.

Mme Michèle Delaunay. L’essentiel a été dit, et fort bien dit. Nous nous appuyons sur des études sérieuses et dignes de foi. Si le biberon n’est ni le seul, ni le premier coupable, nous n’avons pas de raison de ne pas étendre la mesure. Cela inciterait d’ailleurs à l’utilisation du verre, en conformité avec des prescriptions « écologiques » et même économiques. Dans de nombreuses circonstances, et sans aucun doute pour ce qui est du chauffage des aliments, l’utilisation du verre est préférable à celle d’autres substances. Je soutiendrai donc résolument l’amendement présenté par le rapporteur.

M. Élie Aboud. Il y a deux approches différentes du problème : celle du biberon à moitié plein et celle du biberon à moitié vide… On peut, en effet, considérer que la mesure que nous nous apprêtons à prendre est un premier pas, puisque toutes les études sont concordantes. Mais en même temps, on se limite à la partie émergée de l’iceberg. Chez les adultes aussi, les études ont mis en évidence des troubles au niveau des récepteurs de l’insuline. Si le législateur choisit d’aller dans le sens de l’interdiction, il va falloir aller jusqu’au bout.

A-t-on par ailleurs une vision globale quant aux produits de substitution ? Qu’en disent les industriels ? Peuvent-ils aujourd’hui substituer d’autres produits au Bisphénol A ?

M. Dominique Tian. Très bonne question !

Mme Edwige Antier. En tant que pédiatre, je vois de plus en plus de petits garçons naître avec un sexe très petit, mal formé – qui nécessitera ultérieurement une opération – ou une ectopie testiculaire. Je vois aussi des petites filles qui ont, à deux ans, des seins de fille de quatorze ans. Selon un urologue infantile de la région de Montpellier, le nombre de ces cas est en augmentation, même si l’Afssa le discute. Nous remplissons de nombreux formulaires lors des naissances pour enregistrer informatiquement d’éventuelles malformations. Il est dommage que l’on ne recueille pas, à cette occasion, des éléments sur l’environnement dans lequel a vécu et vit la mère. Cela nous permettrait d’avoir des réponses à un certain nombre des questions que nous nous posons. Lorsque le bébé naît avec une malformation, c’est au stade embryonnaire qu’il faut remonter. Mais lorsque le problème apparaît à deux ans, le lait peut être en cause. Pour produire le lait, l’organisme maternel puise en effet dans les graisses, dans lesquelles se concentrent toutes les dioxines accumulées au fil du temps. J’ai vu un jour une maman dont le lait était orange, parce qu’elle avait pris des pilules bronzantes à six mois de grossesse. C’est dire à quel point le lait maternel « thésaurise » les polluants…

N’en déduisons pas qu’il ne faut pas allaiter ! Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments, la concentration de Bisphénol A s’élève au maximum à 1,27 microgrammes par litre dans le lait maternel, et à 2,1 microgrammes par litre dans le lait maternisé – à cause de la migration du Bisphénol A contenu dans l’emballage du lait – auxquels s’ajoutent 0,12 microgrammes par litre par migration à partir du biberon.

Bref, protégeons les bébés, mais aussi les futures mamans et les fillettes. Je vous propose donc un premier amendement tendant à substituer au mot « biberons » les mots « tout plastique alimentaire utilisé par des enfants de moins de trois ans ». Un deuxième amendement vous proposera d’étendre le champ d’application de l’article 1er aux tétines et aux sucettes, qui sont souvent stérilisées, donc chauffées. Si on trouve en pharmacie des sucettes étiquetés « sans Bisphénol A », c’est qu’il en existe encore qui en contiennent ! Mon troisième amendement concerne justement l’étiquetage, qu’il propose de rendre obligatoire pour tous les plastiques alimentaires produits à base de Bisphénol A et utilisés par des enfants de moins de trois ans. Il s’agit là de quelques mesures complémentaires, qui ne me paraissent pas hors de propos. Nous n’allons cependant pas au bout du problème : nous verrons bien en 2012 si les fabricants ont trouvé des produits de substitution…

Mme Catherine Lemorton. Je voudrais pour ma part attirer votre attention sur la dangereuse baisse de la fertilité masculine qu’on observe aujourd’hui. Selon les recherches qui ont été conduites dans les pays scandinaves, cette baisse serait de l’ordre de 40 à 50 %. Il s’agit d’un vrai problème, dont les causes ont été partiellement identifiées – réchauffement testiculaire, exposition à des substances chimiques…

On sait que le Bisphénol A a des incidences endocriniennes. Est-ce vraiment la peine de prendre un risque supplémentaire ? Je pense que non. C’est pourquoi je soutiens l’amendement du rapporteur, ainsi que ceux d’Edwige Antier. Rappelons qu’il ne s’agit que de suspendre la commercialisation le temps de pousser les études encore plus loin, avant qu’il ne soit trop tard.

La baisse de la fertilité masculine ne concerne pas que les pays occidentaux. On l’observe également en Chine, où les travailleurs sont très exposés au Bisphénol A. Ce dernier pourrait également être incriminé, semble-t-il, dans l’augmentation des problèmes de thyroïde. Le texte, comme les amendements, vont donc dans le bon sens.

Mme Valérie Boyer. Produit chimique utilisé dans la fabrication des plastiques durs et transparents, le Bisphénol A présente aussi des effets obésogènes, que nous avions évoqués lors des travaux de la mission sur la prévention de l’obésité. Il faut donc au minimum informer les consommateurs. L’Afssa et l’agence européenne ont engagé des travaux de recherche, mais depuis avril 2008 seule Santé Canada, l’office public de santé canadien, a engagé une procédure de gestion des risques et interdit les biberons en polycarbonate par mesure de précaution. Aux États-Unis, le Bisphénol A figure sur la liste des polluants atmosphériques, mais le 15 août 2008, l’agence fédérale américaine a déclaré cette molécule non dangereuse pour les adultes et les enfants !

Le moins que l’on puisse faire aujourd’hui est de supprimer le Bisphénol A dans les biberons. Mais, il faudrait aussi développer des mesures d’incitation en direction des industriels, peut-être en leur fixant des délais. Certains d’entre eux se sont adressés à l’ensemble de nos collègues pour dire qu’ils n’étaient pas prêts à cette suppression, mais nous savons qu’avec un peu d’encouragement, ils peuvent se montrer créatifs ! Enfin et surtout, il faut que l’Afssa se prononce clairement et complètement sur le sujet. Nous pourrons alors en rediscuter.

M. Dominique Tian. Y a-t-il une solution industrielle de rechange ? Avant de prendre une telle décision, a-t-on fait une étude d’impact ?

Mme Edwige Antier. Il n’y a eu aucun retour négatif de la part des crèches ou des mamans qui utilisent des biberons ou des tétines sans Bisphénol A.

M. le rapporteur. Le problème est difficile à traiter par les agences sanitaires. On travaille certes sur des procédures toxicologiques – étude des effets d’un toxique à trois mois, à six mois, à la naissance – mais aussi sur des perturbateurs endocriniens dont les effets peuvent se faire sentir, en tout cas chez la souris, à trois générations de distance, c’est-à-dire que ce sont les données génétiques et la programmation génétique qui sont modifiées.

Jusqu’à présent, en outre, les agences écartaient systématiquement les études dites académiques ou scientifiques – comme celle du Professeur Fénichel à Nice – qui sont réalisées sur des crédits publics, mais dans des laboratoires qui ne respectent pas, pour des raisons de coût, les règles de bonnes pratiques de laboratoires et les lignes directrices édictées par l’OCDE. Le responsable de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) Toulouse, qui est le premier à avoir réalisé une expérimentation sur les effets du Bisphénol A sur la perméabilité intestinale à des doses identiques à celles retrouvées dans le lait maternel, a dû abandonner il y a quatre ou cinq ans ces règles de bonnes pratiques, car cela coûtait trop cher. Or, les agences ne retiennent souvent que les études réalisées selon les règles de bonnes pratiques de laboratoire, que seule l’industrie a les moyens de financer.

Néanmoins, les choses bougent. L’Afssa a rendu, en 2010, de nouveaux avis qui montrent que le paradigme selon lequel on envisage l’étude des effets sanitaires du Bisphénol A est en train d’évoluer. On nous dit que ces effets ne sont prouvés que sur l’animal. Certes, mais on peut faire des observations chez l’homme et des expérimentations sur des cellules humaines. Le Professeur Fénichel a ainsi démontré une baisse de l’efficacité de la chimiothérapie sur les cellules cancéreuses du pancréas si on y met du Bisphénol A. De même, des études américaines ont mis en évidence, en fonction du dosage dans le sang de la mère au troisième mois, au sixième mois puis à la naissance, des troubles neurocomportementaux à deux ans.

Hier même, l’agence allemande a réclamé à l’agence européenne une réévaluation de la dose journalière admissible. La semaine dernière, le Costa Rica a interdit le Bisphénol A. Le Danemark l’a fait il y a deux mois pour les contenants alimentaires destinés aux enfants de zéro à trois ans. A l’intérieur de l’Union européenne, on peut donc s’affranchir, via les clauses de sauvegarde, des règles de la concurrence. Au demeurant, le texte du Sénat ne propose pas une interdiction, mais une suspension de la commercialisation des biberons contenant du Bisphénol A, jusqu’à ce que les études nous permettent d’infirmer ou de confirmer les doutes qui ont été émis.

L’INSERM a publié, il y a une dizaine de jours, un rapport préliminaire qui confirme les effets sanitaires du Bisphénol A. Il est également chargé de conduire une expertise collective plus large, évaluant les effets d’un certain nombre de substances chimiques sur la reproduction, dont les résultats seront connus en 2011. La période transitoire que je vous propose avant la suspension – fixée au 1er janvier 2012 – devrait donc permettre de disposer de cette expertise complète sur les perturbateurs endocriniens. Et compte tenu de l’étude en cours, je pense que Jean-Luc Préel pourrait retirer son amendement sur les autres perturbateurs endocriniens.

Les substituts posent un vrai problème, qui concerne moins aujourd’hui les biberons et les tétines – quelle pharmacie oserait encore vendre des biberons contenant du Bisphénol A ? – que les autres contenants. Le Bisphénol A n’est pas fabriqué en France, mais il existe une production en Allemagne. À l’échelle de la planète, les gros sites de production sont concentrés en Chine et aux États-Unis. Rappelons également que seul 1 % de la production de Bisphénol A est destiné aux contenants alimentaires. Des substituts existent déjà aux États-Unis – ils sont notamment développés par la société Eden Foods depuis 1999. Les industriels nous ont expliqué que ce n’était pas facile – le Bisphénol A est utilisé à l’intérieur des boîtes de conserve pour isoler le contenant métallique des aliments qui pourraient altérer ses propriétés. Ils ont cependant le temps d’y travailler d’ici 2012.

Les chiffres d’exposition au Bisphénol A dont je dispose sont ceux qu’a avancés l’Afssa le 29 janvier dernier : les concentrations dans le lait maternel seraient dix fois supérieures à celles issues de la migration à partir des biberons, les concentrations dans le lait maternisé vingt fois supérieures. La suspension de la commercialisation des biberons ne réglera donc qu’une toute petite partie du problème !

Valérie Boyer a raison, le Bisphénol A pourrait également contribuer au développement de l’obésité. Cela a été observé chez des souris femelles. Je remarque, pour ma part, qu’on assiste à une explosion du nombre de diabètes de type I chez l’enfant – il devrait doubler d’ici 2025. La toxicité du Bisphénol A pour la fonction pancréatique, sa responsabilité dans l’asthme ou les pubertés précoces sont également désormais évoquées.

C’est pour toutes ces raisons que notre Parlement s’honorerait en allant un peu au-delà de la mesure minimum sur les biberons. Je me dois de vous informer que la FDA vient de se voir attribuer 30 millions de dollars de crédits publics pour développer sur deux ans ses études sur le sujet. Essayons d’agir plus rapidement que dans la triste affaire de l’amiante.

M. le président Pierre Méhaignerie. Le sujet est difficile. Je comprends les arguments avancés, mais la tentation de tous les pays est de prendre des mesures protectionnistes. Or, toute décision d’interdiction doit normalement être renvoyée à l’Union européenne. Les amendements proposés n’entrent-ils pas le champ de l’avis communautaire ? C’est ce qui me gêne dans ces propositions. Et je ne parle pas de la façon dont on applique en France la mesure sur les organismes génériquement modifiés, alors que certains sont facteurs de progrès et sont rejetés par réaction salivaire.

M. Fernand Siré. Il y a urgence. Il faut donc interdire le Bisphénol A dans les biberons, et sans doute aussi dans les autres accessoires pour bébés dont nous avons parlé. Prenons garde cependant : actuellement, la mode est au « sans Bisphénol ». Mais a-t-on pris le temps d’étudier sérieusement les effets des produits qui vont lui être substitués ? Il faut tout de même rappeler que le Bisphénol A est très peu dangereux, lorsqu’il n’est pas chauffé. Faisons donc une loi simple, et faisons aussi passer le message qu’il ne faut pas chauffer les produits en plastique en général. Pour aller très vite, point n’est besoin d’amendements compliqués !

M. le président Pierre Méhaignerie. Observe-t-on la même réaction lorsque le biberon est chauffé dans l’eau chaude ?

Mme Edwige Antier. Oui, et c’est la même chose pour les anneaux de dentition que l’on met au réfrigérateur. Ce sont les changements de température importants qui sont en cause.

M. Dominique Tian. On nous dit qu’il y a aussi des films plastiques à l’intérieur des boîtes de conserves. Pour être cohérent, il faudrait donc en interdire la consommation à tous les enfants de moins de trois ans ? C’est toute la filière alimentaire qui serait touchée !

M. le président Pierre Méhaignerie. Non, car on ne chauffe pas une boîte de conserve.

M. Élie Aboud, M. Dominique Tian et Mme Michèle Delaunay. On peut toutefois le faire au bain-marie.

M. Jean-Luc Préel. Le Bisphénol A comporte-t-il des risques ou pas ? Si oui, que fait-on pour limiter son emploi ? Est-ce dans les biberons que l’on en retrouve les plus fortes concentrations, dans le lait maternel ou dans le lait maternisé ? Si c’est dans le lait, à quoi sert-il d’interdire la commercialisation de biberons qui ne sont déjà pratiquement plus en vente ?

Mme Edwige Antier. Il ne faut pas dire cela : on en trouve encore dans les pharmacies !

M. le rapporteur. Cela pose en effet un problème quant aux règles de la concurrence, mais nous l’affronterons de toute façon avec le texte voté par le Sénat. De plus, la mesure que je propose n’entrerait en application qu’au 1er janvier 2012.

Il y a urgence – à moins que ce ne soit la facilité – à suspendre la commercialisation des biberons contenant du Bisphénol A, mais lorsqu’on voit que le lait maternisé est une source d’intoxication vingt fois supérieure aux biberons, et le lait maternel une source d’intoxication dix fois supérieure, on mesure bien que le vrai problème est celui de l’accumulation de substances perturbatrices endocriniennes dans un certain nombre de réservoirs – comme les graisses.

Les industriels travaillent déjà sur les produits de substitution. Ils y sont du reste contraints, puisqu’ils voient bien ce qui se passe sur le marché : le « sans Bisphénol A » devient un objet de promotion commerciale : j’ai eu la stupéfaction de découvrir dans une grande surface de ma région des bouteilles d’eau minérale portant un papillon publicitaire « garanti sans Bisphénol A » ! Il suffit pourtant de retourner la bouteille pour le savoir : si le n° 1 figure sur le fond, elle n’est pas en polycarbonate et ne contient donc pas de Bisphénol A. Il n’est pas mauvais que nous leur mettions l’épée dans les reins, mais nous sommes tout de même un peu en retard…

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Suspension de la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de biberons produits à base de Bisphénol A

Prenant acte des « signaux d’alerte » de plusieurs autorité sanitaires remettant en question l’innocuité du Bisphénol A, l’article 1er de la proposition de loi vise à suspendre la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de Bisphénol A jusqu’à ce que l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) adopte un avis motivé autorisant à nouveaux ces opérations.

S’agissant de la suspension de la fabrication, il convient de souligner que d’après les informations recueillies auprès de la Direction générale de la santé, il n’existe pas, en France, de production de Bisphénol  A  ni de production de polycarbonate. Il existe en revanche de nombreux transformateurs de  polycarbonate importé  d’Espagne, d’Allemagne, de Belgique ou des Pays-Bas.  Par ailleurs, il existe en France trois fournisseurs de vernis ou résines époxydes: Akzo-nobel (à  Saint- Pierre les  Elboeufs), Valspar (à Nantes et à Tournus) et PPG (à Gonfreville).

Pour ce qui concerne la suspension de la mise sur le marché, l’article 2 du règlement (CE) n° 1935/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires a défini précisément cette notion de « mise sur le marché » qu’il faut entendre comme « la détention de matériaux et objets en vue de leur vente, y compris l’offre en vue de la vente ou toute autre forme de cession, à titre gratuit ou onéreux, ainsi que la vente, la distribution et les autres formes de cession proprement dites ».

Plus largement, la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de Bisphénol A pourrait se voir reprocher de contrevenir aux principes du droit communautaire de libre circulation des marchandises et de la reconnaissance mutuelle des produits, principes fondateurs du marché unique mis en place au sein de l’Union européenne.

Cette mesure nationale de suspension fera donc l’objet d’un examen attentif des autorités européennes

En effet, comme le rappelle le règlement (CE) n° 1935/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires, « les différences entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales concernant l’évaluation de la sécurité et l’autorisation des substances utilisées dans la fabrication des matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires sont susceptibles d’entraver la libre circulation de ces matériaux et objets, créant des conditions de concurrence inégale et déloyale ».

Toutefois, l’article 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que les dispositions des articles 34 et 35 relatif à l’interdiction des restrictions à l’importation « ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées par des raisons de (…) protection de la santé », même s’il précise également que « ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres ».

De la même façon, l’article 7 du règlement n°178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des dentées alimentaires, prévoit que « dans des cas particuliers où une évaluation des informations disponibles révèle la possibilité d’effets nocifs sur la santé, mais où il subsiste une incertitude scientifique, des mesures provisoires de gestion du risque, nécessaires pour assurer le niveau élevé de protection de la santé choisi par la Communauté, peuvent être adoptées dans l’attente d’autres informations scientifiques en vue d’une évaluation plus complète du risque ».

L’article 18 du règlement (CE) n°1935/2004 du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires, relatif aux « mesures de sauvegarde » qui peuvent être provisoirement prises par les États pour suspendre ou interdire un produit, détaille les procédures à suivre pour l’adoption de ces mesures dans les situations où un matériau ou un objet est susceptible de constituer un risque grave pour la santé humaine.

Cet article précise que « si un État membre conclut, sur la base d’une motivation circonstanciée, en raison de nouvelles données ou d’une nouvelle évaluation des données existantes, que l’emploi d’un matériau ou d’un objet, bien que conforme aux mesures spécifiques applicables, présente un danger pour la santé humaine, cet État membre peut provisoirement suspendre ou restreindre sur son territoire l’application des dispositions en question ». Il doit toutefois immédiatement en informer les autres États membres et la Commission, en précisant les motifs de la suspension ou de la restriction. Dès lors, la Commission est chargée d’examiner aussitôt que possible, au sein du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, et le cas échéant après avoir obtenu un avis de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire, les motifs invoqués par l’État membre, et doit émettre sans tarder son avis et prendre les mesures appropriées.

Comme on le voit, les mesures de suspension prises par un État, qui doivent dans tous les cas être proportionnées, sont toujours susceptibles d’être examinées par la Commission européenne et de faire en outre ultérieurement l’objet d’un recours devant la Cour de justice des communautés européennes (CJCE).

Cette dernière a déjà fait application en 1998 du principe de précaution au sujet de l’encéphalopathie spongiforme bovine (36) tandis que le tribunal de première instance des Communautés européennes a jugé (37) qu’il résulte du principe de précaution, tel qu’interprété par le juge communautaire, « qu’une mesure préventive ne saurait être prise que si le risque, sans que son existence et sa portée aient été démontrées « pleinement » par des données scientifiques concluantes, apparaît néanmoins suffisamment documenté sur la base des données scientifiques disponibles au moment de la prise de cette mesure ».

Si l’article 1er de la proposition de loi prévoit que la mesure prévue de suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de Bisphénol A interviendra jusqu’à l’adoption par l’Afssa d’un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations, il convient donc de ne pas occulter le fait que cette disposition de l’article 1er de la proposition de loi fera systématiquement l’objet d’un examen attentif des autorités européennes, quel que soit la position de l’Afssa et les conclusions de l’avis prévu par l’article 1er.

*

La commission examine d’abord l’amendement AS 6 du rapporteur. 

M. le rapporteur. J’ai déjà défendu cet amendement.

M. le président Pierre Méhaignerie. Le sujet mérite vraiment un débat en séance publique. 

La Commission rejette l’amendement AS 6.

Elle examine ensuite l’amendement AS 1 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement est encore plus strict que celui du rapporteur, puisqu’il est d’application immédiate. Si le risque est prouvé, il n’est pas raisonnable de le laisser perdurer.

La Commission rejette l’amendement AS 1.

Elle examine ensuite successivement les amendements AS 3 et AS 4 de Mme Edwige Antier.

Mme Edwige Antier. L’amendement AS 3 vise à substituer les mots « tout plastique alimentaire utilisé par des enfants de moins de trois ans » au mot biberon, et l’amendement AS 4 à ajouter les mots « tétines et sucettes » après le mot « biberon ».

La Commission rejette les amendements AS 3 et AS 4.

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Après l’article 1er

La commission examine l’amendement AS 2 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Afin d’attirer l’attention sur les risque liés à la commercialisation des produits contenant des phtalates, des parabènes ou des alkylphénols, nous en proposions la suspension. Mais, je retire cet amendement.

L’amendement AS 2 est retiré.

Article 2

Demande d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur les mesures prises et envisagées pour diminuer l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens

L’article 2 de la proposition de loi aborde le sujet plus large des perturbateurs endocriniens, qui suscitent des interrogations croissantes dans la communauté scientifique. En effet, les signaux d’alerte observés avec le Bisphénol A soulèvent la problématique plus globale de l’évaluation des perturbateurs endocriniens.

Il a pour objet de demander au Gouvernement d’adresser au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2011, un rapport présentant les mesures prises et envisagées pour diminuer l’exposition humaine à ces produits. Ce rapport pourra, le cas échéant, s’appuyer sur les résultats de l’expertise collective actuellement menée sur le sujet par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).

1. Les perturbateurs du système endocrinien suscitent des inquiétudes croissantes sur leur impact sur la santé humaine

Le système endocrinien est un système complexe faisant intervenir de nombreux organes (pancréas, surrénales, testicules, ovaires, thyroïde et parathyroïde) qui secrètent des hormones diffusées dans l’organisme par le sang. Ces hormones agissent comme des messagers chimiques qui, en se liant à des récepteurs cellulaires, peuvent déclencher des réactions spécifiques et réguler ainsi le développement, la croissance, l’utilisation et le stockage de l’énergie, la reproduction et le comportement. Le bon fonctionnement du système endocrinien est indispensable au maintien de la vie.

Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques exogènes, d’origine naturelle ou artificielle, qui altèrent les fonctions du système endocrinien en interférant avec le fonctionnement des glandes endocrines. En Europe, le concept de perturbateur endocrinien a ainsi été défini comme étant une substance étrangère à l’organisme qui produit des effets délétères sur l’organisme ou sur sa descendance, à la suite d’une modification de la fonction hormonale(38).

La nature de ces perturbateurs endocriniens est très diverse.

Les différentes catégories de perturbateurs endocriniens

• Hormones mammifères naturelles (oestrogènes)

• Substances naturelles/phytohormones (génistéine, daïdzéine, coumestrol, zéaralénone…)

• Produits phyto-sanitaires (herbicides, fongicides, insecticides, nématocides)

• Polluants de l’industrie chimique (alkylphénols, Bisphénol A, phthalates, tributylétain, métaux lourds…)

• Polluants pharmaceutiques/vétérinaires (diéthylstilbestrol, promoteurs de croissance…)

Source : Le concept de perturbation endocrinienne et la santé humaine, Jean-Pierre Cravedi, M/S n° 2, vol. 23, février 2007

Le Bisphénol A compte ainsi sans conteste au nombre des perturbateurs endocriniens. Il s’agit d’un oestrogéno-mimétique capable de se lier au récepteur alpha des oestrogènes, dont l’action est environ mille fois inférieure à celle de l’oestradiol.

Les sources d’exposition aux perturbateurs endocriniens peuvent être très variées, puisque qu’on peut y être exposé par le biais de l’environnement, par l’ingestion d’aliments, au travers du contact avec des emballages alimentaires ou avec des produits de l’industrie chimique en général. Il existe même des perturbateurs endocriniens qui sont des substances d’origine naturelle comme les phyto-oestrogènes qui sont présents dans le soja.

Les perturbateurs endocriniens peuvent interférer avec la synthèse, le stockage, la libération, la sécrétion, le transport, l’élimination ou l’action des hormones naturelles de différentes manières. Les perturbateurs endocriniens susceptibles de nuire à la fertilité ou de perturber le développement du fœtus sont dits reprotoxiques. Le Bisphénol A figure, par exemple, dans la classification établie par l’Union européenne des substances chimiques toxiques pour la reproduction (directive 67/548/CEE modifiée relative à la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances dangereuses), dans la catégorie 3 qui regroupe les substances pour lesquelles les études présentent des défauts qui rendent leurs conclusions moins convaincantes.

Les différents modes d’action des perturbateurs endocriniens

« Une substance peut perturber le fonctionnement du système endocrinien de trois façons différentes.

– Elle peut imiter l’action d’une hormone naturelle : elle se fixe sur le récepteur cellulaire et entraîne une réponse normale, appelée agoniste.

– Elle peut se lier au récepteur hormonal et empêcher l’émission d’un signal, elle entrave alors l’action des hormones. Il s’agit d’une réponse antagoniste.

– Elle peut gêner ou bloquer le mécanisme de production ou de régulation des hormones ou des récepteurs et ainsi modifier les concentrations d’hormones naturelles présentes dans l’organisme ».

Source : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset)

A l’exception du cas du diéthylstilbestrol, pour lequel le lien avec les cancers et les anomalies de la reproduction est bien établi, il existe encore aujourd’hui très peu de certitudes scientifiques sur les effets sur la santé humaine des perturbateurs du système endocrinien.

Toutefois, certains résultats obtenus sur des espèces de laboratoire ou à partir d’études épidémiologique alimentent des craintes sur les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé, notamment pour ce qui concerne les troubles de la reproduction, du fonctionnement thyroïdien ou du neuro-comportement. Des interrogations portent également sur la possible implication des perturbateurs endocriniens dans l’augmentation du nombre des cancers du sein ou des cas de puberté précoces chez la fillette. De la même façon, des préoccupations se sont faites jour sur une possible dégradation de la santé reproductive masculine et sa corrélation avec une exposition aux perturbateurs endocriniens.

Les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé humaine
sont encore sujets à controverse

« Un certain nombre d’affections sont suspectées d’être la conséquence de l’exposition aux perturbateurs du système endocrinien :

– altération des fonctions de reproduction masculines : tendance à la baisse de la qualité et de la quantité du sperme observée dans certains pays ;

– troubles de la fonction reproductrice féminine en raison d’anomalies de la différenciation sexuelle, de la fonction ovarienne, de la fertilité, de l’implantation de l’embryon et de la gestation ;

– malformations du système reproducteur masculin : cryptorchidie (malposition des testicules), hypospadias (malposition de l’urètre) ;

– troubles de la maturation sexuelle (par exemple: puberté précoce) ;

– altération de la fonction thyroïdienne ;

– tumeurs des testicules, de la prostate et des seins ;

– pour les femmes enceintes, risque de mortalité intra-utérine et de retard de croissance foetale.

Les substances reprotoxiques peuvent perturber le développement du système reproducteur au cours de la gestation et après la naissance. Elles sont à l’origine d’avortement spontané, de retard de croissance fœtale et de mort intra-utérine ».

Source : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset)

Lors de son colloque annuel, le 10 juin 2009, la Société internationale d’endocrinologie, à l’issue d’un travail de synthèse de nombreuses études scientifiques, a appelé l’attention sur les perturbateurs endocriniens, en signalant leur effet potentiel sur la reproduction masculine et féminine, le développement du cerveau, le cancer du cerveau, le cancer de la prostate, la neuro-endocrinologie, la thyroïde, le métabolisme, l’obésité et l’endocrinologie cardiovasculaire et a appelé à réduire l’exposition de la population à ces molécules, au nom du principe de précaution.

Au-delà de ces incertitudes scientifiques, M. Jean-Pierre Cravedi vient utilement rappeler (39) que « la tragédie du diéthylstilbestrol est pourtant là pour rappeler qu’une substance chimique se comportant comme une hormone est capable non seulement d’affecter gravement la santé des personnes exposées, mais également d’entraîner des troubles irréversibles dans leur descendance. Le cas du diéthylstilbestrol révèle que : le placenta humain n’est pas une barrière impénétrable aux xénobiotiques ; l’exposition de la mère peut avoir des effets inattendus sur la progéniture, même plusieurs décennies plus tard ; l’exposition aux perturbateurs endocriniens peut avoir des conséquences graves sur la santé, incluant la survenue de cancers ».

2. Le rapport demandé au Gouvernement pourra s’appuyer sur les résultats de l’expertise collective déjà demandé à l’INSERM

Dans ce contexte d’incertitudes et de préoccupations du public et des autorités sanitaires sur l’impact des perturbateurs endocriniens sur la santé humaine, la ministre de la santé a demandé, en novembre 2008, à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de réaliser une expertise collective sur l’action des substances chimiques sur la reproduction ou sur les organes de reproduction.

On rappellera que, créé par le décret n° 83-975 du 10 novembre 1983, l’INSERM est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la recherche et du ministre chargé de la santé, dont une des missions est de tenter d’apporter des réponses aux questionnements de ses partenaires, pouvoirs publics et décideurs privés (ministères, offices parlementaires, caisses d’assurance maladie, associations, mutuelles, industries…) en matière de santé publique.

Aux termes de la lettre de mission adressée par la ministre de la santé au directeur général de l’INSERM, dont votre rapporteur a pu prendre connaissance, cette expertise collective devra, s’agissant des perturbateurs endocriniens :

« – décrire les différents mécanismes d’action de ces substances, en y associant le type et la force des éléments de preuves, et leur conséquence à court ou à long terme,

– analyser pour ces effets les facteurs de risque chez l’enfant et l’adulte en identifiant en particulier les périodes de la vie les plus sensibles en termes d’exposition,

– analyser les listes de substances suspectées d’être des perturbateurs endocriniens (Union Européenne, EPA, …) par classes chimiques ou type d’usage (solvants, plastifiants, pesticides, ingrédients cosmétiques, etc.…) en vérifiant la pertinence des données les concernant et en en extrayant celles particulièrement préoccupantes pour lesquelles il serait nécessaire de diminuer fortement voire de supprimer l’exposition des classes de population les plus sensibles,

– analyser les tests in vitro et in vivo actuellement mis en œuvre pour détecter ces effets et leurs limites ».

Par ailleurs, les bilans de connaissances qui seront réalisés par l’INSERM comporteront également une dimension d’aide à la décision, puisqu’ils devront s’accompagner :

« – de pistes de réflexion et de recommandations d’actions aux pouvoirs publics et aux différents acteurs concernés ;

– de propositions d’axes de recherche à privilégier, tant au niveau des substances elles-mêmes (par exemple études de mélanges de plusieurs substances reprotoxiques à des doses inférieures au seuil de toxicité, études des substances suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, études complémentaires pour les CMR catégorie 3, …) qu’au niveau des nouvelles méthodologies qui pourraient être mises au point (par exemple utilisation in vitro des cellules cibles spécifiques ou de cellules embryonnaires, recherche de marqueurs d’exposition, études in silico, toxicogénomique,…) ».

Sollicité par la Direction générale de la santé pour analyser prioritairement les effets du Bisphénol A sur la fonction de reproduction, l’INSERM a réuni un groupe pluridisciplinaire d’experts composé d’épidémiologistes, de toxicologues, de chimistes, d’endocrinologues, de biologistes spécialistes de la reproduction, du développement et de la génétique moléculaire, afin de mener une analyse critique de la littérature scientifique internationale publiée sur ce sujet.

A partir d’environ 300 articles, ce groupe a rédigé un rapport qui a été mis en ligne le 3 juin 2010 sur le site de l’INSERM (40) qui tire les principaux enseignements des travaux analysés.

Quels principaux enseignements peut-on tirer des travaux analysés ?

– Une exposition au Bisphénol A chez l’animal induit des effets au niveau du développement des organes de la reproduction (testicule, ovaire, vagin, utérus, axe hypothalamo-hypophysaire…) et de la fonction de la reproduction.

– Certains effets observés chez l’animal après une exposition in utero persistent à l’âge adulte.

– Une transmission de ces effets à la descendance des animaux exposés in utero est évoquée.

– Des études épidémiologiques permettant de confirmer ou infirmer chez l’homme les effets à long terme observés chez l’animal sont peu susceptibles d’apporter des réponses avant de nombreuses années.

– Les données précises et fiables d’exposition et d’imprégnation des populations sont encore trop rares aujourd’hui.

Source : communiqué de presse de l’Inserm, « Bisphénol A : Effets sur la reproduction. Une expertise collective de l’Inserm », Paris, le 3 juin 2010

Ce rapport préliminaire s’inscrit ainsi dans une expertise collective évaluant plus généralement les effets d’un certain nombre de substances chimiques sur la reproduction et qui sera publiée à l’automne 2010.

Le Gouvernement pourra donc normalement s’appuyer sur le résultat de cette expertise collective destinée à mieux évaluer l’ensemble des perturbateurs endocriniens pour rédiger le rapport prévu par l’article 2 de la présente proposition de loi. En tout état de cause, et qu’elle que soit la date de publication des conclusions de l’expertise de l’INSERM, ce rapport devra être adressé par le Gouvernement au Parlement au plus tard le 1er janvier 2011.

Ce rapport devra comporter deux volets. Il devra en effet présenter en premier lieu les mesures déjà prises pour diminuer l’exposition aux perturbateurs endocriniens.

Bilan provisoire des mesures gouvernementales déjà prises
en matière de perturbateurs endocriniens

Plusieurs actions ont déjà été engagées vis-à-vis des perturbateurs endocriniens.

 Le plan d’action sur l’impact des produits chimiques sur la stérilité

Suite à un colloque sur la fertilité organisé le 25 novembre 2008 par le ministère de l’écologie, un plan d’action a été mis en place début 2009 par le ministère de la santé sur de l’impact des produits chimiques sur la stérilité. Ce plan d’action est composé de plusieurs volets :

– un volet dédié à l’actualisation des connaissances sur les reprotoxiques de catégorie 3 et sur les perturbateurs endocriniens en demandant à l’INSERM de réaliser une expertise collective sur ce thème et de dresser une liste des substances préoccupantes dans ce domaine mises sur le marché grand public. Les perturbateurs endocriniens visés par cette expertise collective sont prioritairement le Bisphénol A, les phtalates, les parabènes, les retardateurs de flamme bromés et les perfluorés. Cette expertise de l’INSERM devrait être disponible dans sa totalité à l’automne 2010.

– un volet destiné à vérifier et évaluer l’exposition et le risque pour les femmes enceintes et les enfants à ces substances ciblées par l’INSERM lorsqu’elles sont contenues dans des produits grand public. Ces travaux doivent être réalisés par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) sur les substances entrant dans leurs domaines de compétence respectifs.

– un volet dédié à l’évaluation de l’évolution de la fertilité en France en chargeant l’Institut de veille sanitaire (InVS) de faire une synthèse de cette évolution de la fertilité masculine et d’actualiser les données sur la fréquence des malformations congénitales du petit garçon. L’institut fournira aussi des données d’incidence du cancer du testicule et fera des propositions pour la mise en place d’un Observatoire de la fertilité.

– enfin, un volet sur l’accès à l’information des personnes à risques : il a été demandé à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) d’élaborer un logo pour l’information des femmes enceintes ou en âge de procréer vis-à-vis des substances reprotoxiques ou des perturbateurs endocriniens contenues dans les produits grand public. En fonction des résultats de ces agences sanitaires sur l’évaluation des risques des perturbateurs endocriniens ou des reprotoxiques de catégorie 3 contenus dans les produits grand public, le gouvernement envisagera la mise en place d’un étiquetage pour l’information des femmes enceintes. D’ores et déjà, l’INPES a introduit cette problématique dans son outil d’information à destination des professionnels de santé.

Ce plan d’action sur la fertilité se déroulera sur les années 2009-mi 2012.

 Les perturbateurs endocriniens dans les eaux destinées à la consommation humaine

Dans le domaine des eaux, la problématique des perturbateurs endocriniens est prise en compte dans le cadre des travaux en cours sur les résidus de médicaments. A la suite des travaux de l’Afssa et de l’AFSSAPS qui ont établi une liste de substances pertinentes à analyser dans les eaux destinées à la consommation humaine (sélection de 76 substances pharmaceutiques), le ministère de la santé a lancé une campagne nationale de mesures en lien avec le laboratoire d’hydrologie de l’Afssa. Cette campagne a pour objectif de disposer de données d’exposition sur un échantillon représentatif d’eau sur la base desquelles l’évaluation des risques sanitaires éventuels sera menée par l’Afssa et l’AFSSAPS. Les résultats de cette évaluation des risques permettront d’apprécier si une évolution réglementaire est nécessaire et s’il est nécessaire d’intégrer en routine la recherche de certaines molécules dans le contrôle sanitaire des eaux destinés à la consommation humaine. Cette étape ultime de l’évaluation des risques sera menée conjointement par les deux agences sanitaires (Afssa et AFSSAPS). L’exercice a déjà commencé avec la saisine du 28 juillet 2009 de ces deux agences portant sur l’évaluation des risques sanitaires liés à la présence de résidus de médicaments dans les eaux destinées à la consommation humaine afin de définir une méthodologie générale d’approche et d’en tester l’application à l’exemple de la carbamazépine.

Par ailleurs, l’évaluation et la gestion des risques sanitaires par rapport à la consommation d’eau du robinet pouvant contenir des traces de médicaments constitue une des actions inscrites dans le deuxième Plan national santé-environnement (PNSE 2) de 2009-2013 qui prévoit un Plan national des résidus de médicaments, copiloté par le ministère de la santé et le ministère de l’écologie.

 Le plan "chlordécone"

Le plan "chlordécone" constitue également une des actions du ministère de la santé sur les perturbateurs endocriniens.

Le chlordécone est un produit antiparasitaire, qui a longtemps été utilisé en Martinique et en Guadeloupe pour lutter contre le charançon du bananier. Cette substance très stable a été détectée dans les sols et peut contaminer certaines denrées végétales et animales ainsi que les eaux de certains captages. Une telle contamination constitue une préoccupation environnementale, agricole et économique, mais plus encore sanitaire en raison des données disponibles sur le caractère perturbateur endocrinien du chlordéone. Le plan national chlordécone, lancé en janvier 2008, vise à évaluer les effets sur la santé de l’exposition de la population à ce perturbateur endocrinien et à renforcer les mesures destinées à réduire l’exposition de la population.

 Le «Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) »

Le ministère en charge de l’écologie a créé, depuis 2005, un programme intitulé « Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens » suite à un avis rendu par le Comité de prévention et de précaution. Ce programme vise à soutenir des recherches fondamentales et finalisées à caractère pluridisciplinaire sur les méthodologies de criblage, les mécanismes d’action, la recherche de biomarqueurs d’effets, le devenir dans l’organisme et dans les milieux (eau, sol, air et aliments) des perturbateurs endocriniens, l’identification des dangers, l’évaluation des risques, la surveillance. Deux appels à propositions de recherche ont été lancés à ce jour. Le premier, lancé en 2005, avait pour objectif de couvrir l’ensemble des effets des perturbations endocriniennes au sens large. Le bilan de ces recherches a été présenté lors d’un colloque à Rennes, le 12 avril 2010. Le deuxième appel, lancé en 2008, pour la période 2009-2012 est notamment destiné à ouvrir le programme aux sciences humaines et sociales

Ces crédits incitatifs contribuent à la mobilisation des acteurs de la recherche sur la thématique spécifique des perturbateurs endocriniens, dans un esprit de complémentarité avec les autres financements publics de la recherche, tels que ceux de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou de l’AFSSET.

Source : Ministère de la santé, direction générale de la santé

Le rapport prévu à l’article 2 devra en second lieu présenter également les mesures nouvelles envisagées pour diminuer l’exposition aux perturbateurs endocriniens.

*

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Après l’article 2

La commission examine l’amendement AS 5 de Mme Edwige Antier.

Mme Edwige Antier. En votant cet amendement sur l’obligation d’étiquetage, vous prendriez une mesure de précaution très appréciée des jeunes mamans.

La commission rejette l’amendement AS 5.

Titre

L’amendement AS 7 devient sans objet.

La commission adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

*

En conséquence, la Commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte du Sénat

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Texte adopté par la commission

___

Proposition de loi relative à la suspension de la commercialisation de biberons produits à base de Bisphénol A

Proposition de loi relative à la suspension de la commercialisation de biberons produits à base de Bisphénol A

Article 1er

Article 1er

La fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de Bisphénol A sont suspendues jusqu’à l’adoption, par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d’un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations.

Sans modification

Article 2 (nouveau)

Article 2

Dans les deux mois qui suivent la publication par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale de son expertise collective sur les perturbateurs endocriniens et au plus tard le 1er janvier 2011, un rapport présentant les mesures déjà prises et celles envisagées pour diminuer l’exposition humaine à ces produits est adressé par le Gouvernement au Parlement.

Sans modification

   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par MM. Jean-Luc Préel, Olivier Jardé et Yvan Lachaud

Article 1er

Substituer au mot : « biberons », les mots : « plastiques alimentaires ».

Amendement n° AS 2 présenté par MM. Jean-Luc Préel, Olivier Jardé et Yvan Lachaud

Après l’article 1er

Insérer l’article suivant :

La commercialisation des produits contenant des phtalates, des parabènes ou des alkylphénols sont suspendus jusqu’à l’adoption, par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d’un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations.

Amendement n° AS 3 présenté par Mme Edwige Antier

Article 1er

Substituer aux mot : « biberons », les mots : « tout plastique alimentaire utilisé par des enfants de moins de trois ans ».

Amendement n° AS 4 présenté par Mme Edwige Antier

Article 1er

Après le mot : « biberons », insérer les mots : « tétines et sucettes ».

Amendement n° AS 5 présenté par Mme Edwige Antier

Après l’article 2

Insérer l’article suivant :

La mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout plastique alimentaire utilisé par des enfants de moins de trois ans, produits à base de bisphénol A sera soumise à une obligation d’étiquetage afin de garantir aux consommateurs une information précise et exacte sur la nature des produits.

Amendement n° AS 6 présenté par M. Gérard Bapt, rapporteur

Article 1er

Rédiger ainsi cet article :

« La fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de contenants de denrées alimentaires produits à base de bisphénol A autres que les biberons sont suspendues, à compter du 1er janvier 2012, jusqu'à l'adoption, par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d'un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations. ».

Amendement n° AS 7 présenté par M. Gérard Bapt, rapporteur

Titre de la proposition de loi

Dans l’intitulé de la proposition de loi, après les mots : « tendant à » , rédiger ainsi la fin de cet intitulé : « suspendre la commercialisation de contenants de denrées alimentaires produits à base de bisphénol A autres que les biberons »

ANNEXES

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Ø Institut national de la recherche agronomique (INRA) – M. Jean-Pierre Cravedi, directeur de recherches

Ø Ministère de la santé et des sports – Pr. Didier Houssin, directeur général de la santé, Mme Jocelyne Boudot, sous-directrice à la sous-direction de la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation

Ø CHU de Nice – Pr. Patrick Fénichel, chef du service endocrinologie

Ø Réseau environnement santé (RES) – M. André Cicolella, porte-parole, et M. Gilles Nalbonne, directeur de recherches à l’INSERM, adhérent du réseau

Ø Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) – M. Marc Mortureux, directeur général, M. Rémi Maximilien, expert, président du groupe résidus et contaminants physiques et chimiques, et Mme Marie-Christine Favrot, directrice de l’évaluation des risques nutritionnels et sanitaires

Ø Représentants de la filière plastique : M. Jean-Jacques Couchoud, directeur des affaires réglementaires de PlasticsEurope, Mme Véronique Fragneau, responsable advocacy de PlasticsEurope, M. Benoît Lefebvre, chargé des affaires réglementaires de ELIPSO, M. Vincent Gagneur, conseil de la filière plastique, et M. Olivier Draullette, délégué général du SNFBM (Syndicat national des fabricants de boîtes, emballages et bouchages métalliques)

ANNEXE 2 :
ARRÊTÉ MUNICIPAL D’INTERDICTION DU BISPHÉNOL A

ANNEXE 3 :
LISTE DES COMMUNES AYANT PRIS UN ARRÊTÉ MUNICIPAL D’INTERDICTION DU BISPHÉNOL A

ARBAS

LISLE SUR TARN

SAINT LOUP CAMMAS

PAULHAC

LAPEYROUSE FOSSAT

PECHBONNIEU

ROQUESERIERE

BUZET SUR TARN

LE BORN

MONTASTRUC LA CONSEILLERE

MOUANS SARTOUX 

SAINT JEAN

ANNEXE 4 :
MODALITÉS DE L’EXPERTISE DE L’AFSSA RELATIVE
AU BISPHÉNOL A


Monsieur le Député Gérard BAPT

Assemblée nationale

126 rue de l'Université

75355 Paris 07 SP

 

Maisons-Alfort, le 04 juin 2010

Objet : expertise de l’Afssa relative au bisphénol A

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a émis le 29 janvier 2010 un avis relatif à l’analyse critique des résultats d’une étude de toxicité sur le développement du système nerveux ainsi que d’autres données publiées récemment sur les effets toxiques du bisphénol A. Cet avis a été complété le 31 mai 2010 par une annexe, présentant la méthodologie et les principaux commentaires des documents analysés dans le cadre de l’expertise.

A propos de cet avis, il est rappelé les grands principes du fondement de l’expertise collective à l’Afssa. Les Comités d’Experts Spécialisés sont constitués après appel à candidature ouvert, pour rechercher aussi largement que possible les meilleures compétences et la diversité, dans le respect des règles strictes de prévention des conflits d'intérêt.

Les expertises elles-mêmes sont conduites selon la norme NFX 50-110, garantissant un processus rigoureux et transparent, dans le cadre d'une expertise collective et contradictoire.

Pour cet avis, l’expertise collective a d’abord été menée au sein d’un Groupe de Travail puis dans 2 Comités d’Experts Spécialisés (CES).

Le groupe de travail était composé de 12 experts (11 toxicologues et 1 chimiste) :

- 4 membres du CES « Matériaux au contact des denrées alimentaires », rattachés aux organismes suivants : CNRS (Gif-sur-Yvette), Afssaps (Saint-Denis), Institut Pasteur (Lille), Laboratoire officiel de contrôle alimentaire (Suisse). 

- 5 membres du CES « Résidus et contaminants chimiques et physiques », rattachés aux organismes suivants : Ecole Nationale Vétérinaire (Toulouse), CEA (Fontenay-aux-Roses), Laboratoire de Toxicologie (Université de Bordeaux I), retraités du CEA (Fontenay-aux-Roses) ou de l’INRA (Toulouse). 

- 1 membre du CES « Produits phytosanitaire : substances et préparations chimiques »,

retraité de l’industrie pharmaceutique (Tours). 

- 1 membre du CES « Matières fertilisantes et supports de culture », rattaché à l’INRA (Dijon).  

- 1 expert extérieur aux CES de l’Afssa, rattaché à l’INRA (Toulouse).

Pour l’ensemble de ces experts, l’Afssa a disposé dès le début de l’expertise d’un CV détaillé et d’une déclaration publique d’intérêt, ne montrant aucun lien direct ou indirect avec le sujet traité. Ces DPI, comme celles de l’ensemble des membres d’autres groupes de travail et de CES, sont accessibles sur le site internet de l’Afssa.

Chacun des documents scientifiques retenus pour l’expertise a été analysé par au moins 2 membres du groupe de travail puis discuté collégialement au cours de 3 réunions. Les conclusions du groupe de travail ont ensuite été présentées et discutées lors des séances plénières des Comités d’Experts Spécialisés « Matériaux au Contact de Denrées Alimentaires» et « Résidus et contaminants chimiques et physiques » qui se sont tenues respectivement le 21 et le 13 janvier 2010.

En complément de l’avis du 29 janvier 2010, des données de contamination des denrées alimentaires ont été collectées et analysées par notre Pôle d’appui scientifique à l’évaluation des risques. L’avis relatif à l’exposition au bisphénol A a été présenté et discuté lors de la séance plénière du Comité d’Experts Spécialisé « Résidus et contaminants chimiques et physiques » du 25 mai 2010. Cet avis devrait être disponible dans les prochains jours.

Le directeur général

Marc MORTUREUX

ANNEXE 5 :
SYNTHÈSE DU RÉSEAU ENVIRONNEMENT SANTÉ RELATIVE AUX PRINCIPAUX ARTICLES RÉCEMMENT PARUS SUR LES EFFETS TOXICO-BIOLOGIQUES DU BISPHÉNOL A

Ce qu’il faut retenir des études scientifiques récentes

sur la toxicité du bisphénol A

Les effets du bisphénol A (BPA) sur l’enfant et l’adulte sont déjà bien documentés, mais de plus en plus d’études s’intéressent aux effets transgénérationnels, c'est-à-dire aux effets de l’exposition intra-utérine du fœtus au BPA et les conséquences que cela peut avoir sur la descendance en termes de troubles fonctionnels et de prédispositions à certaines pathologies.

Données expérimentales sur les conséquences de l’exposition prénatale au BPA ?

Effets reprotoxiques : Les travaux révélateurs dans ce domaine sont ceux de Salian et coll qui, dans une série de trois articles récents montrent chez le rat que l’exposition à des doses environnementales de BPA induisent dans la descendance mâle, jusqu’à la 4ème génération, des altérations dans l’expression de certaines protéines dans les cellules reproductrices pouvant rendre compte d’une diminution de la spermatogénèse et de la fertilité (Salian et al. Life Sci. 2009, et Salian et al. Toxicology 2009). Chez la souris, l’exposition intra-utérine au BPA entraîne chez la descendance directe femelle une plus grande fréquence de lésions prolifératives dans l’oviducte et de carcinomes mammaires et utérins (Newbold et al. EHP 2009). L’exposition prénatale au BPA de la souris gestante induit chez la descendante femelle une endométriose pouvant conduire à une baisse de la fertilité (Signorile PG et al. Gen Comp Endocrinol 2010).

Effets neuro-comportementaux : des études réalisées chez la souris comme chez le rat indiquent que l’exposition prénatale à des doses faibles de BPA induit chez les descendants des troubles du comportement (déficit d’attention, mémorisation altérée) (Tian et al Synapse 2010) et des altérations de la transmission synaptique dans le striatum dorso-latéral (Zhou et al. Neuroscience 2009).

Prolifération, cancers : Chez la rate gestante, l’exposition au BPA modifie dans la glande mammaire de la descendance directe la synthèse ou l’activité d’une vingtaine de protéines clés impliquées dans des voies de signalisation conduisant à un phénotype prolifératif. Ces données aident à comprendre comment le BPA agit sur la susceptibilité de la glande mammaire à développer des tumeurs (Betancourt et al. J Proteomics. 2010).

Métabolisme glucido-lipique : hormis une seule étude (Ryan et al. Endocrinology 2010) toutes les autres réalisées chez la souris et le rat montrent que l’exposition prénatale à des doses faibles BPA se traduit chez la descendance par des perturbations du métabolisme glucido-lipidique associées avec un phénotype prédisposant au diabète ou à l’obésité (Somm E. et al. EHP 2009, Rubin B.S. and Soto A.M. Mol Cell Endocrinol. 2009 ; Alonso-Magdalena et al. EHP June 2010).A l’appui des résultats obtenus chez l’animal, des études réalisées sur cultures cellulaires montrent que le BPA diminue la production d’insuline et de médiateurs cardio-protecteurs (Kidani et al. J Atheroscler Thromb) et favorise l’adipogénèse (Sargis et al. Obesity, 2010).

A t’on des explications à ces effets transgénérationnels ?

On commence à comprendre les mécanismes d’action du BPA qui rendraient compte de ses effets. Ces effets concernent l’épigénétique, c'est-à-dire des modifications chimiques de l’ADN (méthylation) qui ne touchent pas le code génétique mais qui perturbent l’expression des gènes touchés. Certaines de ces modifications peuvent être transmises à la descendance directe et encore plus loin si les cellules reproductrices sont atteintes. C’est bien ce que montrent certaines études qui décrivent chez les descendants des modifications épigénétiques dans le cerveau, la prostate, le placenta et l’endomètre ce qui pourrait expliquer les troubles et dysfonctions physiologiques observés chez les descendants des mères exposées au BPA durant la gestation (Prins GS Fertil Steril 2008 ; Yaoi et al BBRC 2008 ; Bromer et al. FASEB J 2010 ; Avissar-Whiting et al. Reproduct. Toxicol, 2010).

Les données chez l’Homme vont-elles dans le même sens?

Oui, on commence à disposer de certaines données permettant d’établir un lien sérieux entre l’exposition au BPA et la survenue de certains troubles fonctionnels et de pathologies. Ainsi on a observé un lien entre le niveau de BPA urinaire maternel à la 16ème semaine de grossesse et troubles du comportement chez l’enfant (Braun et al., EHP, 2009). Chez des ouvriers exposés professionnellement (Chine) l’exposition au BPA entraine des troubles de la sexualité (Li et al., Hum Repro, 2009). Les concentrations urinaires de BPA sont associées à la diminution de la réponse ovarienne chez les femmes subissant une FIV, due à une perte d’ovocytes (Mok-Lin et al. Int J Andol 2010).

Deux grosses études nord-américaines réalisées sur la cohorte NHANES, établissent un lien entre la concentration urinaire de BPA et le risque cardiovasculaire (+35%) (Lang et al. JAMA 2008; Melzer D et al. PlosOne 2010) et le diabète (Lang et al. JAMA 2008)

En conclusion

L’analyse de la littérature récente montre que l’exposition au BPA durant la période de gestation exerce des effets sensibles sur la régulation et l’expression des gènes. Ces altérations sont transmises à la descendance les prédisposant au cours de leur vie à la survenue de troubles fonctionnels et de pathologies chroniques affectant la reproduction, la prolifération cellulaire, le comportement neurologique, et le métabolisme glucido-lipidique ce qui favorise la survenue du diabète et des maladies cardio-vasculaires.

L’exposition de la femme enceinte au BPA doit donc être évitée par soit:

- un abaissement drastique des normes d’exposition journalière (÷ 50.000) ce qui semble un objectif difficilement atteignable (cf. estimation de l’exposition journalière).

- la suppression du BPA des plastiques alimentaires, objectif plus réaliste puisque des solutions alternatives au BPA existent (cf. doc « No Silver Lining »).

© Assemblée nationale

1 () Il convient de souligner que cette dernière molécule, commercialisée en France sous le nom de distilbène, n’est aujourd’hui plus prescrite chez la femme enceinte en raison des malformations qu’elle provoque chez l’enfant à naître.

2 () Limite de migration : valeur maximale autorisée de passage d’un ou plusieurs constituants d’un matériau dans le milieu avec lequel il est en contact ou dans un des stimulants recommandés. Elle peut être globale (LMG) ou spécifique d’une substance particulière (LMS)

3 () Substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire ou augmenter la fréquence d’effets nocifs non héréditaires dans la progéniture ou porter atteinte aux fonctions ou capacités reproductives

4 () La dose journalière admissible ou dose journalière tolérable correspond à la quantité maximale, en fonction du poids corporel,d’un contaminant pouvant être consommée quotidiennement durant la vie entière sans que l’on puisse craindre d’effets néfastes pour la santé humaine

5 () Groupe scientifique de l’AESA sur les additifs alimentaires, les arômes, les auxiliaires technologiques et les matériaux en contact avec les aliments.

6 () Effet provoquant l’apparition de lésions dans l’ADN, qui peuvent éventuellement conduire à des mutations

7 () Rapport Sénat n° 176 (2007-2008) du 23 janvier 2008, de Marie-Christine Blandin, au nom de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

8 () Bonnes Pratiques de Laboratoire définies par l’OCDE afin d’assurer l’obtention de données d’essai fiables et de grande qualité sur la sécurité des substances et préparations chimiques industrielles.

9 () Précancéreuses

10 () Brendan Borre,, Nature, Vol 464, 22 april 2010, p1122

11 () MYERS JP et al. Why public health agencies cannot depend on good laboratory practices as a criterion for selecting data : the case of bisphenol A. Environ Health Perspec. 2009 Mar;117(3):309-15

12 ()  http://www.reseau-environnement-sante.fr

13 () SALIAN S, DOSHI T, VANAGE G. Perinatal exposure of rats to Bisphenol A affects the fertility of male offspring. Life Sciences. 2009 ; 85 : 742-752.

14 () Midoro-Horiuti T, Tiwari R, Watson CS, Goldblum RM. 2009. Maternal Bisphenol A Exposure Promotes the Development of Experimental Asthma in Mouse Pups Environ Health Perspect: doi:10.1289/ehp.0901259. [Online 5 October 2009]

15 () BRANISTE V et al. Impact of oral Bisphenol A at reference doses on intestinal barrier function and sex differences after perinatal exposure in rats. Proc Nat Acad Sci USA 2009, 14 Dec

16 () Lang IA, Galloway TS, Scarlett A, Henley WE, Depledge M, Wallace RB, Melzer D.,  Association of urinary bisphenol A concentration with medical disorders and laboratory abnormalities in adults. JAMA. 2008 Sep 17;300(11):1303-10.

17 () David Melzer, Neil E. Rice, Ceri Lewis, William E. Henley, Tamara S. Galloway. Association of Urinary Bisphenol A Concentration with Heart Disease: Evidence from NHANES 2003/06. PLoS ONE, 2010; 5 (1): e8673

18 () BOUSKINE A, NEBOUT M, BRÜCKER-DAVIS F. BENAHMED M. FENICHEL P. 2009. Low Doses of Bisphenol A Promote Human Seminoma Cell Proliferation by Activating PKA and PKG via a Membrane G protein-coupled Estrogen Receptor Environ Health Perspect : doi : 10.1289/ehp.0800367.(Online 11 February 2009)

19 () LA PENSEE EW. TUTTLE TR. FOS SR and BEN-JONATHAN N. Bisphenol A at low nanomolar doses confers chemoresistance in estrogen receptor-&-positive and-negative breast cancer cells. Environmental Health Perspectives Volume 117, Number 2, February 2009 et  HESS-WILSON JK. Bisphenol A may reduce the efficacy of androgen deprivation therapy in prostate cancer. Cancer Causes Control DOI 10.1007/s10552-009-9337-8.

20 () BRAUN J.M et al. Prenatal Bisphenol exposure and early child behaviour. Environmental Health Perspective. 2009.

21 () LI D. et al. Occupational exposure to Bisphenol A (BPA) and the risk of self-reported male sexual dysfonction. Human reproduction. 2009 ; Nov 10.

22 () Environnement Canada étudie les aspects des substances d’intérêt prioritaire qui ont trait à l’environnement

23 () Santé Canada étudie les aspects des substances d’intérêt prioritaire qui ont trait à la santé humaine

24 () Menée suivant la ligne directrice 426 de l’OCDE

25 () Avis en date du 2 mars 2010 relatif à des précisions suite à l’avis du 29 janvier 2010 sur le Bisphénol A

26 () Murray et al. 2007, Howdeshell et al. 2008, Palanza et al. 2008, Fernandez et al. 2009, Monje et al. 2009, Nakagami et al. 2009, Ryan et al. 2009, Salian et al. 2009a, b, c, Somm et al. 2009, Bosquiazzo et al. 2010, Braniste et al. 2010.

27 () NTP-CERHR : National Toxicology Program - Center for the Evaluation of Risks to Human Reproduction (comité d’experts américain).

28 () OEHHA : Office of Environmental Health Hazard Assessment California Environmental Protection Agency, Reproductive and CancerHazard Assessment Branch (antenne californienne de l’US-EPA, l’Agence américaine de protection de l’environnement).

29 () http://www.lanutrition.fr/Interdiction-des-biberons-au-bisphénol-A-de-la-poudre-aux-yeux-a-4304.html

30 () Zalko D, Soto AM, Dolo L, et al. Biotransformations of bisphenol A in a mammalian model: answers and new questions raised by low-dose metabolic fate studies in pregnant CD1 mice. Environ Health Perspect 2003 ; 111 : 309-19.

31 () Markey CM, Luque EH, Munoz de Toro MM, et al. In utero exposure to bisphenol A alters the development and tissue organization of the mouse mammary gland. Biol Reprod 2001 ; 65 : 1215-23.

32 () Timms BG, Howdeshell KL, Barton L, et al. OEstrogenic chemicals in plastic and oral contraceptives disrupt development of the fetal mouse prostate and urethra. Proc Natl Acad Sci USA 2005 ; 102 : 7014-9.

33 () Nora Benachoura, Aziz Aris, Toxic effects of low doses of Bisphenol-A on human placental cells, Toxicology and Applied Pharmacology, Volume 241, Issue 3, 15 December 2009, Pages 322-328

34 () Afssa.fr, L’Afssa évalue l’exposition des consommateurs au bisphénol A en France, 27 avril 2010

35 () Afssa.fr, L’Afssa évalue l’exposition des consommateurs au bisphénol A en France, 27 avril 2010

36 () Arrêt du 5 mai 1998 dans l’affaire C-180/96 Royaume-Uni contre Commission.

37 () Arrêt du 11 septembre 2002 dans l’affaire T-13/99 Pfizer Animal Health SA contre Conseil de l’Union européenne

38 () European Workshop on the Impact of Endocrine Disrupters on Human Health and Wildlife, Weybridge, Royaume-Uni, 1996, European Union Report EUR17459

39 () Source : Le concept de perturbation endocrinienne et la santé humaine, Jean-Pierre Cravedi, M/S n° 2, vol. 23, février 2007

40 () http://www.inserm.fr/thematiques/sante-publique/expertises-collectives