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N
° 2633

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 juin 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPEENNE (n° 2632) DE MME ELISABETH GUIGOU ET M. YVES BUR, sur la réforme de la gouvernance de la politique extérieure de l'Union européenne,

par Mme Nicole AMELINE et M. Gaëtan GORCE

Députés

Voir les numéros 2625 et 2631

INTRODUCTION 5

I – L’AMBITIEUSE IDÉE D’UN SERVICE DIPLOMATIQUE EUROPÉEN 7

A – UNE IDÉE D’INSPIRATION FRANÇAISE QUI A GERMÉ LORS DE LA CONVENTION POUR L’AVENIR DE L’EUROPE, POUR SE CONCRÉTISER AVEC LE TRAITÉ DE LISBONNE 7

1) La Convention a travaillé à partir d’un constat largement partagé 7

2) Le Traité sur le fonctionnement de l’UE a entériné la création d’un « Haut représentant / Vice-président » et de son service diplomatique 11

B – UNE POSITION FRANÇAISE AMBITIEUSE, COHÉRENTE ET NOVATRICE 14

1) Une innovation institutionnelle majeure… 14

2) … au service de grandes ambitions pour l’Europe dans le monde 16

II – LES CONDITIONS DU SUCCÈS DU SERVICE EUROPÉEN POUR L’ACTION EXTÉRIEURE 19

A – LA NÉGOCIATION AVEC LE PARLEMENT EUROPÉEN, RÉVÉLATRICE DE L’IMPORTANCE DU SEAE 19

1) Une position « dure », à la mesure de l’enjeu 19

2) Le contexte particulier de la prise de fonctions de la Haute représentante / Vice-présidente 22

B – UN COMPROMIS QUE L’ON ESPÈRE IMMINENT, AU BÉNÉFICE DE L’EUROPE ET DE LA FRANCE 24

1) Trancher les derniers points en suspens : les exigences de la France 24

2) Comprendre que le monde n’attend pas : les devoirs de l’Europe 27

CONCLUSION 31

TRAVAUX DE LA COMMISSION 33

1 – RÉUNION DE LA COMMISSION DU 15 JUIN 2010 33

2 – RÉUNION DE LA COMMISSION DU 17 JUIN 2010 39

TABLEAU COMPARATIF 47

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE SUR LA RÉFORME DE LA GOUVERNANCE DE LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE L’UNION EUROPÉENNE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 53

ANNEXE 1 : PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 2625) SUR LE SERVICE EUROPÉEN D’ACTION EXTÉRIEURE, DÉPOSÉE PAR MME NICOLE AMELINE ET M. GAËTAN GORCE 59

ANNEXE 2 : LISTE DES AUDITIONS 63

Mesdames, Messieurs,

Le 20 janvier dernier, la commission des affaires étrangères a confié à vos Rapporteurs une mission d’information sur le service européen pour l’action extérieure (SEAE). Le Traité de Lisbonne étant entré en vigueur le 1er décembre 2009, il était évident que l’une des innovations institutionnelles majeures de ce traité, dans le domaine de la politique étrangère de l’Union européenne, doive faire l’objet d’un suivi attentif dès sa mise en place.

La commission des affaires étrangères du Sénat ainsi que la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale (1) ont naturellement souhaité développer leur propre vision du sujet. Cela ne fait qu’enrichir l’analyse et appuyer la position française sur ce dossier, laquelle fait l’objet d’un remarquable consensus – tel est d’ailleurs l’intérêt manifeste de notre pays. Nous devons avoir conscience de l’importance de ce moment, qui marque le point de départ d’une ère nouvelle pour l’affirmation de l’Europe dans le monde.

C’est dans le but de favoriser une expression cohérente, sinon unanime, de l’Assemblée nationale sur cette question, que vos Rapporteurs se sont efforcés de susciter un travail en commun. Il y va de la crédibilité de la position française. En tout état de cause, c’est à votre commission des affaires étrangères qu’il revient d’unifier les points de vue.

Tel est l’objet du présent rapport, alors que se dessine – à brève échéance, espérons-le – un compromis décisif pour l’avenir de l’Union sur la scène internationale, et par conséquent pour la voix de la France dans le monde.

*

Paradoxe : l’Union européenne n’a jamais été aussi visible sur la scène internationale que dans sa réaction aux crises survenues au cours de la présidence française du deuxième semestre de 2008… sous le régime du Traité de Nice !

En l’espèce la question du leadership était motrice ; à l’avenir, l’amélioration de la gouvernance de l’UE en matière d’action extérieure prévue par le Traité de Lisbonne permettra de pallier l’éventuelle absence momentanée de leadership. Les modalités de cette gouvernance sont donc essentielles pour l’Union.

Pour autant, l’amélioration de la gouvernance ne saurait tenir lieu de politique et elle ne garantira pas à elle seule la meilleure visibilité de l’Union sur la scène internationale… Il est donc urgent de se préoccuper du fond !

Dans l’immédiat, le présent rapport poursuit un but relativement limité : centré sur l’actualité institutionnelle et la mise en place du SEAE, il ne fait qu’effleurer les sujets plus vastes et politiquement plus substantiels de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Il s’agit avant tout de prendre date, à l’heure où se dénouent les dernières négociations avec le Parlement européen, sur quelques principes devant guider la mise en place de cette innovation institutionnelle fondamentale du Traité de Lisbonne, d’inspiration largement française.

– L’AMBITIEUSE IDÉE D’UN SERVICE DIPLOMATIQUE EUROPÉEN

A – Une idée d’inspiration française qui a germé lors de la Convention pour l’avenir de l’Europe, pour se concrétiser avec le Traité de Lisbonne

1) La Convention a travaillé à partir d’un constat largement partagé

Le discours est connu, il est devenu traditionnel : à propos de la place de l’Europe dans le monde, on déplore régulièrement le grand décalage entre le poids objectif de l’Union européenne – sur le plan commercial ou sur celui de l’aide au développement – et sa très discrète existence politique.

Tel était le point de départ de l’un des nombreux groupes de travail de la Convention européenne, le groupe VII, présidé par M. Jean-Luc Dehaene. Rappelons que la Convention, réunie du 28 février 2002 au 18 juillet 2003 sous la présidence de M. Valéry Giscard d’Estaing, a achevé son mandat par un consensus sur un projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe, précurseur du Traité de Lisbonne.

Deuxième constat partagé : les outils de l’action extérieure concrète de l’UE ont été jusqu’à présent essentiellement développés par la Commission, donc de façon assez verticale, dans chaque direction générale concernée.

En troisième lieu, il est patent que l’Union n’est jamais parvenue à se doter d’une politique étrangère qui lui soit propre. Comment l’expliquer, alors que d’autres politiques communes, et non des moins ambitieuses, ont pu être bâties ? La raison, exposée de façon limpide à vos Rapporteurs par M. Pierre Sellal, Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et européennes et ancien Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne à Bruxelles, en est simple : la méthode communautaire, qui s’appuie sur un trépied immuable – un objectif, une méthode, un calendrier –, ne s’applique pas à la politique étrangère. Élaborer, par exemple, une politique commune des transports (l’objectif) en utilisant le vote à la majorité qualifiée (la méthode) et en fixant des échéances successives dans le courant des années 1980 (le calendrier), n’est pas envisageable en politique étrangère, où l’on ne peut définir des contenus harmonisables entre les États membres. Ainsi, il n’est pas concevable, pour l’heure, de décider à la majorité qualifiée qu’à compter de telle date, l’Union à 27 aura un seul représentant habilité à la représenter et à faire valoir ses positions sur le dossier du Proche-Orient…

La mise en place d’un service diplomatique commun intégrant des diplomates nationaux vise donc aussi à créer cette culture commune qui aujourd’hui fait largement défaut.

Lorsque les « conventionnels » débattaient, l’action extérieure de l’Union était partagée entre le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), placé sous la responsabilité du Conseil des ministres, le Commissaire chargé des relations extérieures, et la présidence en exercice du Conseil de l’UE.

Le premier menait la PESC, embryon de politique étrangère européenne, le deuxième coordonnait la gestion des montants consacrés par l’Union à l’aide au développement – hors Fonds européen de développement (2). Quant à la « présidence tournante », elle était pour six mois à la tête du Conseil, notamment dans sa formation chargée des relations extérieures, et elle assurait également des fonctions de représentation externe lors des rencontres avec les dirigeants des pays tiers, le plus souvent d’ailleurs dans le cadre de la « troïka », c’est-à-dire que le ministre des affaires étrangères du pays de la présidence était accompagné par son prédécesseur et son successeur dans l’ordre de rotation des présidences semestrielles.

Il n’existait aucune procédure de coordination entre ces différentes fonctions, d’où l’impression de « cacophonie institutionnelle » qui était régulièrement dénoncée et l’incompréhension des interlocuteurs extérieurs à l’Europe à l’égard de la rotation de la présidence ou de la dichotomie entre l’incarnation d’une diplomatie européenne – le Haut représentant – et les moyens financiers détenus par la Commission.

On attribue à M. Michel Barnier l’idée de la « double casquette » consistant à réunir sur la tête d’une seule personne les fonctions de Haut représentant et celles de commissaire chargé des relations extérieures. Il s’agissait, dans le texte élaboré par la Convention, d’un « ministre des Affaires étrangères de l’Union ».

Le groupe de travail « Action extérieure de l’UE » avait identifié quatre options pour dépasser le clivage entre l’intergouvernemental et le communautaire en matière d’action extérieure :

– première option, des mesures pratiques pour renforcer davantage le rôle du Haut représentant et intensifier la synergie entre les fonctions du Haut représentant et le rôle de la Commission en matière de relations extérieures, tout en gardant leurs fonctions séparées ;

– deuxième option, diamétralement opposée, la fusion complète des fonctions de Haut représentant au sein de la Commission. Pour les tenants de cette option, la méthode communautaire, concluante dans de nombreux domaines, notamment celui de la politique commerciale, devait être introduite le plus largement possible dans tous les secteurs de l’action extérieure. La prise de décision resterait confiée aux États membres via le Conseil européen et le Conseil de ministres, comme c’était déjà le cas pour les questions communautaires. Il y aurait une administration unique et un contrôle parlementaire intégral ;

– troisième option, compromis entre les deux premières, l’exercice des deux fonctions (Haut représentant et Commissaire chargé des relations extérieures) par une seule personne, nommée par les chefs d’État et de gouvernement. Le « Représentant européen pour les affaires extérieures » recevrait des mandats directs du Conseil, auquel il devrait rendre compte, pour les questions relatives à la PESC, et serait en même temps un membre titulaire de la Commission, ayant de préférence le rang de vice-président. En cumulant ces fonctions, il assurerait la cohérence entre la politique étrangère de l’UE et les mesures et instruments concrets que l’UE pourrait déployer dans le domaine de son action extérieure. Les tenants de cette option reconnaissaient déjà que, pour les décisions et les actions relevant de la PESC, il était nécessaire de conserver un lien étroit avec les États membres par le biais du Conseil. Ils estimaient dès lors que les procédures applicables aux matières relevant de la PESC, d’une part, et aux questions communautaires, d’autre part, devraient rester distinctes ;

– quatrième option, créer le poste de « ministre des affaires étrangères de l’UE », placé sous l’autorité directe du président du Conseil européen et combinant les fonctions de Haut représentant et de Commissaire chargé des relations extérieures. Il présiderait le Conseil « Action extérieure ». Dans cette option, les actes de ce « ministre des affaires étrangères de l’UE » seraient soutenus par des mesures opérationnelles, ce qui assurerait l’efficacité et la cohérence des politiques arrêtées par le Conseil européen et le Conseil. L’objectif serait de renforcer la cohérence entre les orientations politiques définies par le Conseil et les tâches opérationnelles de la Commission dans le domaine de l’action extérieure, tout en respectant les compétences conférées à chaque institution.

Selon le compte rendu des travaux (3) du groupe présidé par M. Dehaene, « une tendance marquée s’est dessinée en faveur de la […] troisième option ». C’est celle qui a été retenue dans le projet de Constitution pour l’Europe.

De façon connexe à cette troisième option, a été formalisée, notamment sous l’impulsion du représentant allemand à la Convention, M. Joschka Fischer (4), la création d’un service diplomatique à part entière que dirigerait le Haut représentant à « double casquette ». Mais on trouve également trace de cette préconisation dès avril 2002 sous la plume de M. Alain Lamassoure dans une contribution au nom du Parlement européen (5).

Un large consensus s’est dégagé en faveur de la création d’un tel service commun, composé de fonctionnaires de la Direction générale « Relex » de la Commission, de fonctionnaires du Secrétariat général du Conseil et de personnel détaché des services diplomatiques des États membres. Il a aussi été proposé, dès ce stade de la réflexion, que les délégations actuelles de la Commission deviennent des délégations ou des ambassades de l’UE.

Il s’agissait à la fois d’éviter dans toute la mesure du possible les doubles emplois inutiles et de créer une sorte de « culture diplomatique commune » entre la Commission, le Secrétariat général du Conseil et les États membres.

MM. Dominique de Villepin et Joschka Fischer ne disaient pas autre chose lorsqu’ils écrivaient dans une contribution commune (6) : « Le ministre européen des affaires étrangères s’appuie sur un service diplomatique européen associant la direction générale des relations extérieures de la Commission à une unité de politique étrangère qui doit être créée. Celle-ci comprend les services de politique étrangère du secrétariat du Conseil et est renforcée par des fonctionnaires envoyés par les États membres et la Commission. Le service diplomatique européen travaille en étroite relation avec les diplomaties des États membres. Les délégations existantes de la Commission sont transformées en délégations de l’Union européenne. Ce schéma permettrait l’émergence d’une diplomatie européenne. »

En résumé, la Convention s’est attachée à définir deux types d’améliorations :

– celle de la cohérence et de l’efficacité de l’action extérieure au sein de chaque institution (Commission et Conseil) ;

– celle de la cohérence et de l’efficacité au niveau des services.

Le tout au service d’une meilleure projection de l’Union européenne sur la scène mondiale.

A ainsi été fait le pari que « l’ingénierie institutionnelle » créerait le contenu d’une politique étrangère en devenir. D’où l’importance de la procédure et du cadre juridique du SEAE. D’où l’importance d’un service sui generis, à équidistance de la Commission et du Conseil, ce qui n’avait jamais existé.

2) Le Traité sur le fonctionnement de l’UE a entériné la création d’un « Haut représentant / Vice-président » et de son service diplomatique

Directement inspiré du texte établi par la Convention, le Traité de Lisbonne en a repris les dispositions essentielles dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité de l’UE. C’est tout d’abord le cas pour la création du poste que le Parlement européen dénomme « HR / VP » :

Article 18 du Traité sur l’Union européenne
(rédaction issue du Traité de Lisbonne)

1. Le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, avec l’accord du président de la Commission, nomme le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Le Conseil européen peut mettre fin à son mandat selon la même procédure.

2. Le haut représentant conduit la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union. Il contribue par ses propositions à l’élaboration de cette politique et l’exécute en tant que mandataire du Conseil. Il agit de même pour la politique de sécurité et de défense commune.

3. Le haut représentant préside le Conseil des affaires étrangères.

4. Le haut représentant est l’un des vice-présidents de la Commission. Il veille à la cohérence de l’action extérieure de l’Union. Il est chargé, au sein de la Commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’Union. Dans l’exercice de ces responsabilités au sein de la Commission, et pour ces seules responsabilités, le haut représentant est soumis aux procédures qui régissent le fonctionnement de la Commission, dans la mesure où cela est compatible avec les paragraphes 2 et 3.

Le caractère « hybride » et profondément novateur de la fonction ainsi créée apparaît ici de façon manifeste. Incidemment, écrire que le Haut représentant préside le Conseil des affaires étrangères, c’est prendre acte du fait que l’on met fin à un certain « ballet des priorités » de l’action extérieure, qui voyait se succéder un Partenariat oriental porté par la République tchèque, une stratégie pour la Baltique soutenue par la Suède, un nouveau dialogue avec l’Amérique latine promu par l’Espagne…

Toutefois, vos Rapporteurs doivent à la vérité de dire que la présidence tournante présentait cet intérêt de mobiliser puissamment le pays responsable, chacun voulant à cette occasion donner le meilleur de lui-même.

Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne a aussi repris l’idée du « service diplomatique européen » :

Article 27, paragraphe 3 du Traité sur l’Union européenne
(rédaction issue du Traité de Lisbonne)

3. Dans l’accomplissement de son mandat, le haut représentant s’appuie sur un service européen pour l’action extérieure. Ce service travaille en collaboration avec les services diplomatiques des États membres et est composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux. L’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure sont fixés par une décision du Conseil. Le Conseil statue sur proposition du haut représentant, après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission.

On peut relever avec M. Etienne de Poncins que « Le modèle suivi se rapproche de celui du secrétariat de la Convention européenne dont la composition issue des diverses institutions européennes mais aussi des États membres avait donné naissance à une équipe pluridisciplinaire et cohérente. »

Toutefois, deux déclarations partiellement redondantes ont été adoptées par la Conférence intergouvernementale et annexées au Traité, qui viennent révéler certaines craintes à l’égard de tant de nouveauté :

Déclaration n° 13 sur la politique étrangère et de sécurité commune
annexée au traité de Lisbonne

La Conférence souligne que les dispositions du traité sur l’Union européenne portant sur la politique étrangère et de sécurité commune, y compris la création de la fonction de haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et la mise en place d’un service pour l’action extérieure, ne portent pas atteinte aux responsabilités des États membres, telles qu’elles existent actuellement, pour l’élaboration et la conduite de leur politique étrangère ni à leur représentation nationale dans les pays tiers et au sein des organisations internationales.

La Conférence rappelle également que les dispositions régissant la politique de sécurité et de défense commune sont sans préjudice du caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense des États membres.

Elle souligne que l’Union européenne et ses États membres demeureront liés par les dispositions de la Charte des Nations unies et, en particulier, par la responsabilité principale incombant au Conseil de sécurité et à ses États membres du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Déclaration n° 14 sur la politique étrangère et de sécurité commune
annexée au traité de Lisbonne

[…] la Conférence souligne que les dispositions concernant la politique étrangère et de sécurité commune, y compris pour ce qui est du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ainsi que du service pour l’action extérieure, n’affecteront pas la base juridique existante, les responsabilités ni les compétences de chaque État membre en ce qui concerne l’élaboration et la conduite de sa politique étrangère, son service diplomatique national, ses relations avec les pays tiers et sa participation à des organisations internationales, y compris l’appartenance d’un État membre au Conseil de sécurité des Nations unies.

La Conférence note par ailleurs que les dispositions concernant la politique étrangère et de sécurité commune ne confèrent pas de nouveaux pouvoirs à la Commission de prendre l’initiative de décisions ni n’accroissent le rôle du Parlement européen.

La Conférence rappelle également que les dispositions régissant la politique de sécurité et de défense commune sont sans préjudice du caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense des États membres.

Enfin, dans une déclaration n° 15 annexée au traité de Lisbonne, la Conférence intergouvernementale a déclaré que « dès la signature du traité de Lisbonne, le secrétaire général du Conseil, Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, la Commission et les États membres devraient entamer les travaux préparatoires relatifs au Service européen pour l’action extérieure. »

C’est ce à quoi s’étaient attelées toutes les parties avant que n’apparaissent des obstacles sérieux sur la voie de la ratification complète et donc de l’entrée en vigueur du Traité.

Voilà pourquoi c’est seulement la présidence suédoise qui, au second semestre 2009, a pu préparer et faire approuver par le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009 un rapport – d’excellente facture au demeurant – traçant des « lignes directrices » pour le SEAE.

On peut par exemple y lire que les délégations implantées dans les pays tiers, naguère délégations du Conseil, seront des « délégations de l’Union européenne » et directement dépendantes du SEAE, ce qui n’était pas aussi explicite dans le Traité, et qui correspond à la vision française de ce service.

B – Une position française ambitieuse, cohérente et novatrice

1) Une innovation institutionnelle majeure…

M. Jean-Michel Casa, directeur de l’Union européenne au ministère des Affaires étrangères et européennes, a souligné au cours de son audition le caractère institutionnellement novateur de la fonction de Haut représentant telle qu’aménagée par le Traité de Lisbonne, mais aussi de ce nouveau service – dont les Britanniques n’ont pas voulu qu’il soit dénommé « service diplomatique commun » dans le Traité.

Incidemment, vos Rapporteurs notent que le premier titulaire du « double hat » est justement britannique, ce qui est sans doute le meilleur moyen d’intéresser cet État membre à la réussite du nouveau dispositif.

Mme Catherine Ashton est donc à la fois :

– Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et à ce titre, présidente du Conseil des ministres dans sa formation « affaires étrangères » ;

– Vice-présidente de la Commission européenne chargée des relations extérieures, et à ce titre investie d’un rôle de coordination de l’action extérieure, y compris s’agissant du volet externe des politiques internes.

Pour M. Casa, l’audace des auteurs du Traité sur ce thème de l’action extérieure est comparable à celle qui a prévalu, en son temps, à la création de la Banque centrale européenne.

Il s’agit, rien de moins, de dépasser le clivage traditionnel opposant l’intergouvernemental au communautaire. C’est pour cela qu’il est pertinent de parler, comme le fait d’ailleurs le rapport précité de la présidence suédoise traçant des lignes directrices pour le SEAE, d’organe totalement sui generis, dont la notion d’équidistance – entre la Commission et le Conseil – est la mieux à même de rendre compte du « positionnement institutionnel ».

C’est bien une « quasi-institution » qui est créée avec le SEAE ; la Commission l’a d’ailleurs compris ainsi, qui propose de traiter comme tel le service dans le « règlement financier applicable au budget des Communautés européennes ». L’exposé des motifs de la proposition de modification de ce règlement formulée par la Commission (7) précise ainsi : « Sous l’angle budgétaire, le SEAE sera assimilé à une institution au sens de l’article 1er du règlement financier, de sorte qu’il disposera de l’autonomie budgétaire, c’est-à-dire qu’il aura sa propre section dans le budget de l’UE. »

Ce document propose une traduction budgétaire du concept de « double casquette » : répartir les crédits alloués aux délégations de l’Union – qui font partie du SEAE –, selon leur origine, en deux sections faisant l’objet de modalités distinctes d’exécution et de contrôle, une section « SEAE » et une section « Commission ».

La même analyse a prévalu lors de la préparation du règlement modificatif du statut des personnels nécessaire à la mise en place du SEAE (8) : « Le SEAE sera considéré comme une institution aux fins du statut », lit-on dans l’exposé des motifs de la proposition élaborée par la Commission. « Des dispositions spéciales sont prévues pour les cas où le personnel du SEAE devra remplir des fonctions au nom de la Commission. »

La France se retrouve très largement dans l’organigramme projeté pour le SEAE dans le projet de décision élaboré par la Haute représentante et dévoilé le 25 mars dernier, puis modifié et endossé dans le cadre de l’accord politique intervenu entre les États membres et la Commission, et publié le 26 avril (cf. infra, page 25). Cet organigramme projeté n’est cependant ni définitif à ce stade, ni intangible dans la durée. Les traits saillants en sont les suivants :

– un secrétaire général « fort », épaulé par deux ou trois secrétaires généraux adjoints ;

– des directions géographiques couvrant toutes les régions du monde – y compris les pays développés ;

– des directions thématiques ;

– l’autonomie des structures politico-militaires formant une entité ad hoc au sein du service, directement rattachée à la Haute représentante et au secrétaire général.

Française aussi est la conception d’un organigramme plus vertical qu’horizontal, structuré à la manière d’une administration centrale et non selon une conception collégiale à l’anglo-saxonne.

En tout état de cause, la proposition française d’un secrétaire général fort s’impose pour « tenir » le service et en être le véritable chef administratif, tant seront lourdes les tâches à assumer par Mme Ashton ; vos Rapporteurs ont en effet rappelé le concept de « double casquette », mais il faut y ajouter le rôle de présidente du Conseil « affaires étrangères » ainsi que celui de commissaire britannique. Dans ces conditions, il serait illusoire de croire que quiconque puisse, seul(e), assumer l’ensemble de ces fonctions sans soutien administratif très fort, si l’ambition ultime pour l’Europe est bien, enfin, de peser sur les affaires politiques du monde.

2) … au service de grandes ambitions pour l’Europe dans le monde

Selon un schéma pour l’heure théorique mais tout à fait révélateur de ce à quoi pourrait parvenir un Service européen pour l’action extérieure ayant atteint sa pleine capacité, il est possible d’imaginer une nouvelle opération « Atalante » en Somalie et au Yémen, qui mêlerait contrôle de la piraterie avec déploiement de troupes, reconstruction de l’État somalien, assorti d’une aide au développement et d’assistance sous forme d’ingénierie administrative… soit toute la palette des instruments placés sous la responsabilité politique de Mme Catherine Ashton – les modalités de mise en œuvre concrète, budgétaire en particulier, différant toutefois.

Ces missions seront remplies, estime-t-on généralement, par un service pouvant compter, à terme et à pleine capacité, 8 000 personnes environ (9), toutes catégories confondues, y compris les personnels des délégations de l’Union recrutés sur contrat de droit local. Sur ce total, 1 500 à 2 000 personnes proviendront de l’actuelle direction générale « Relex » de la Commission, des unités politiques de la direction générale « Développement » qui devraient être versées dans le SEAE, ainsi que de la direction générale « Affaires extérieures et politico-militaires » du Secrétariat général du Conseil, absorbée en quasi-totalité.

Conformément au souhait exprimé par le Parlement européen, pourraient également appartenir au nouveau service des fonctionnaires européens employés par d’autres institutions que la Commission et le Conseil.

Le SEAE comprendrait dans un premier temps 6 à 700 personnels envoyés par les États membres – c’est à tort que l’on parle exclusivement de « diplomates nationaux » car il serait bon de varier les profils de recrutement, même si les diplomates sont appelés à constituer l’essentiel des effectifs.

Selon les informations recueillies par vos Rapporteurs, parmi ces personnels nationaux initialement détachés auprès du SEAE, on peut estimer que 300 à 350 seraient de catégorie A, ce qui s’approcherait de l’objectif, régulièrement évoqué, d’un tiers des effectifs de catégorie A au sein du service provenant des États membres.

Vos Rapporteurs précisent que, du point de vue des États membres, et pour la France en tout cas, les fonctionnaires nationaux affectés au SEAE l’y seront surtout par redéploiement, les préoccupations budgétaires poussant fortement en ce sens. À cet égard, la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes a été amendée pour demander que la mise en place du nouveau service ne se traduise pas par de doubles emplois et des dépenses redondantes au sein du budget de l’Union européenne.

La France est ambitieuse également s’agissant du rôle des délégations de l’Union européenne, même si leur mue véritable doit prendre un peu de temps. Elles sont appelées à remplacer, dans les pays tiers, le rôle jusqu’ici tenu par l’ambassade de l’État de la présidence tournante, et servir ainsi toutes les institutions, là où les délégations ne représentaient, avant le Traité de Lisbonne, que la Commission.

Cet autre changement administratif et institutionnel achève la liste des principales innovations que recèle la création du SEAE.

*

Ainsi, dans la foulée des réflexions de la Convention européenne de 2020-2003, puis des stipulations du Traité de Lisbonne, signé en 2007 et entré en vigueur le 1er décembre dernier, a été concrétisée dans le corpus juridique de l’Union européenne, en matière de politique étrangère et de sécurité, l’idée foncièrement nouvelle d’un dépassement – d’une sublimation, pourrait-on dire en maniant l’hyperbole – du clivage historique entre l’intergouvernemental et le communautaire.

À présent il faut donner corps à cette haute ambition et par conséquent accepter, pour commencer à forger une diplomatie européenne et voir enfin l’Europe parler au monde, d’en passer par la mise en place d’un « service européen pour l’action extérieure ».

II – LES CONDITIONS DU SUCCÈS DU SERVICE EUROPÉEN POUR L’ACTION EXTÉRIEURE

Vos Rapporteurs l’ont cité en première partie : le Traité est limpide, tant au paragraphe 3 de l’article 27 que dans la déclaration annexée n° 14. À aucun moment il n’a été question, ni dans la lettre ni dans l’esprit du Traité, de modifier dès aujourd’hui, dans le champ de l’action extérieure, les pouvoirs du Parlement européen, ni de permettre à ce dernier de s’immiscer dans le dialogue entre la Commission et les États membres quant à la décision fixant l’organisation et le fonctionnement du SEAE.

Or les députés européens ont, sitôt consultés conformément au Traité, entendu peser sur la configuration même du SEAE en « prenant en otage » – osons l’expression – la décision du Conseil, de sorte que le principal enjeu relatif à ce service aujourd’hui, est devenu de savoir quelles concessions non prévues par le Traité le Parlement va pouvoir obtenir, à force d’entraver la mise en place d’un service qui risque, de ce fait, d’être décrédibilisé avant même d’avoir vu le jour.

Telle est la principale motivation du dépôt par vos Rapporteurs, en leur nom personnel, d’une proposition de résolution européenne (10) appelant à la raison et au dépassement de la paralysie institutionnelle sur ce dossier. La proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes va dans le même sens.

A – La négociation avec le Parlement européen, révélatrice de l’importance du SEAE

1) Une position « dure », à la mesure de l’enjeu

Une semaine avant la publication officielle par Mme Catherine Ashton, le 25 mars dernier, de son projet de décision du Conseil relative au SEAE, que le Traité la charge de préparer, le Parlement européen, qui n’avait en vertu du Traité qu’un avis consultatif à formuler, a produit un « non-papier » assez étayé, substantiellement éloigné du projet de la Haute représentante.

Ce faisant, les députés européens, et en particulier MM. Elmar Brok, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères du Parlement européen sur le service pour l’action extérieure, et Guy Verhofstadt, président du groupe de l’alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE) et rapporteur au nom de la commission des affaires constitutionnelles, ont tiré argument de leur compétence en co-décision avec le Conseil sur trois aspects annexes mais nécessaires à la mise en place du SEAE, pour les lier en « paquet » au projet de décision constitutive. Le « piège » se refermait – mais quoi de plus normal, compte tenu des enjeux attachés à l’innovation institutionnelle fondamentale que représente le SEAE ?

Les trois points en question sont la modification du règlement financier, la modification du statut du personnel et l’adoption d’un budget rectificatif. Le Parlement européen a ouvertement menacé de retenir ces textes d’application tant qu’il n’obtiendrait pas de peser directement sur le contenu du projet de décision de Mme Ashton.

MM. Brok et Verhofstadt ont ainsi fait part, haut et fort, de leur opposition à la désignation d’un secrétaire général « à la française », chargé de seconder la Haute représentante en coordonnant les services sous son autorité. Ils ont indiqué leur préférence pour la désignation de trois hauts représentants adjoints politiques et non fonctionnaires – deux désormais, selon la version révisée de leur « non-papier » –, l’un chargé des questions bilatérales, le deuxième chargé des questions multilatérales et le troisième, des crises, qui seraient désignés selon les mêmes modalités que la Haute représentante et seraient, ainsi, soumis au contrôle du Parlement européen.

En résumé, les points-clefs des propositions « Brok-Verhofstadt » sont les suivants :

– le SEAE devrait être rattaché à la Commission dans les domaines administratif, budgétaire et d’organisation, et ainsi sa responsable devrait rendre compte au Parlement pour toutes ses activités ;

– le service devrait être géré par un directeur général et non un secrétaire général ainsi qu’il vient d’être dit, la Haute représentante / Vice-présidente pouvant être représentée par des adjoints politiques ;

– un mécanisme de coordination politique devrait être mis en place pour assurer la cohérence de l’action extérieure dans ses plus vastes dimensions ;

– la gestion des dépenses opérationnelles devrait être de la responsabilité de la Commission, le SEAE préparant de son côté les décisions de la Commission sur le Fonds européen de développement, la coopération au développement et l’instrument de la politique de voisinage ;

– les fonctionnaires d’autres institutions devraient pouvoir poser leur candidature à des postes vacants, les nominations devant être fondées sur le mérite, une représentation géographique adéquate et un équilibre entre femmes et hommes, avec au moins 50 % du personnel provenant de la Commission européenne et 30 % des États membres ;

– l’inclusion du nouveau personnel et des coûts nécessaires à l’infrastructure devraient être liés à une augmentation appropriée du budget de l’UE en matière de relations extérieures ;

– un mémorandum d’accord devrait être adopté pour décrire les relations avec le Parlement européen et l’accès aux documents confidentiels.

Les deux rapporteurs du Parlement européen font notamment valoir que, faute de prévoir une rémunération des fonctionnaires du SEAE par le budget communautaire et une limitation des détachements de personnels des États membres, « le service sera inondé de personnel national et ne représentera plus l’Union ». La dernière version de l’organigramme proposé est la suivante :

PROJET D’ORGANIGRAMME « BROK-VERHOFSTADT »

Source : « Non-papier » de MM. Elmar Brok et Guy Verhofstadt, rapporteurs au Parlement européen sur le SEAE, version du 20 avril 2010.

On voit clairement sur ce schéma que la Haute représentante retrouve son titre de Vice-présidente de la Commission et tient sa légitimité à la fois de la Commission et du Conseil. De même, les commissaires dont elle coordonne l’activité au sein de la Commission sont réintégrés dans la « diplomatie commune ». Le secrétaire général disparaît tout comme le directeur politique : ils sont remplacés, comme en Allemagne, par deux adjoints mi-politiques, mi-administratifs.

La gestion de crise, y compris dans son aspect militaire, est complètement intégrée dans la nouvelle structure et non pas laissée à part. Le Parlement européen a eu l’occasion de dénoncer l’absence d’intégration de la politique de défense et ce qu’il voit comme une dépossession, au profit du Conseil et au détriment de la Commission, du Fonds européen de développement.

Les observateurs ont ainsi pu parler de « bras de fer » à propos de cette négociation imprévue et difficile, le Parlement européen n’étant pas disposé à venir facilement à résipiscence. Encore une fois, vos Rapporteurs veulent surtout voir ici l’attention extrême portée à une innovation institutionnelle appelée à être le fer de lance de l’Europe dans le monde.

2) Le contexte particulier de la prise de fonctions de la Haute représentante / Vice-présidente

Les premiers pas de Mme Catherine Ashton, nommée à la surprise générale – y compris la sienne propre – au poste de Haute représentante à la fin novembre 2009, ont été effectués sous un feu de critiques de nature à gêner la réflexion sur la mise en place du service. Le climat est aujourd’hui plus apaisé.

CHRONOLOGIE DE MISE EN PLACE DU SEAE (octobre 2009- décembre 2010)

– 23 octobre 2009 : rapport de la présidence suédoise présentant les lignes directrices pour le SEAE.

– 19 novembre 2009 : les chefs d’État et de gouvernement réunis à Bruxelles désignent Mme Catherine Ashton comme Haute représentante, Vice-présidente de la Commission (avec l’accord du Président de la commission).

– 1er décembre 2009 : entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.

– Entre sa nomination et le début de l’année 2010, Mme Ashton essuie de vives critiques sur le mode de l’impréparation, du manque de compétence et d’implication dans la fonction, du défaut d’ambition pour le poste, de mauvais choix d’agenda, etc.

– 25 mars 2010 : la publication d’un premier projet de décision contribue à apaiser le climat ; l’attention se focalise sur le contenu de ce document et moins sur Mme Ashton et la pertinence de ses déplacements et prises de parole.

– 26 avril 2010 : un accord politique intervient au Conseil « affaires générales », chargé du suivi de la mise en place du SEAE, à Luxembourg, sous la présidence de M. Miguel Angel Moratinos.

– 2 juin 2010 : réunion interparlementaire sur le SEAE organisée à Bruxelles par la commission des Affaires étrangères du Parlement européen.

– 8-21 juin 2010 : succession de réunions entre les trois rapporteurs du Parlement européen (MM. Elmar Brok (PPE) pour la commission des Affaires étrangères, Guy Verhofstadt (ADLE) pour la commission des Affaires constitutionnelles et Roberto Gualtieri (S&D) pour la sous-commission « sécurité et défense »), la présidence espagnole (M. Miguel Angel Moratinos), le commissaire slovaque chargé des relations inter-institutionnelles Maroš Šefčovič et Mme Catherine Ashton, pour parvenir à un accord final.

– 1er décembre 2010 : date raisonnablement envisagée pour les débuts de l’activité du service.

L’espoir est d’aboutir à une installation effective du SEAE au plus tard un an après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, ce qui serait déjà nettement plus long que ce que prévoyaient les lignes directrices de la présidence suédoise – soit une adoption de la décision du Conseil à la fin d’avril 2010.

Ces même lignes directrices n’envisageaient pas cependant de véritable rythme de croisière pour le service avant 2011-2012, pour une « révision de la décision » en 2014.

Affichant à la fois calme et ambition, Mme Catherine Ashton déclarait devant la commission des Affaires étrangères du Parlement européen, le 10 mars dernier :

« Any time you create something new, there will be resistance. Some prefer to minimise perceived losses rather than maximise collective gains. I see it differently. And I hope this Parliament does too.

This is a once-in-a-generation opportunity to build something that finally brings together all the instruments of our engagement in support of a single political strategy.

This is huge chance for Europe. We should not lower our ambitions but rather give ourselves the means to realise them. This is a moment to see the big picture, be creative and take collective responsibility.

If we get it right, as we must, then we will be able to shape a European foreign policy for the 21st century with an external service designed to achieve that. One where we mobilise all our levers of influence – political, economic, development and crisis management tools – in a co-ordinated way. A service that is representative of the EU in geographic and gender terms. It is the only acceptable way to go. » (11)

Elle prenait trois exemples d’une approche globale pour illustrer les tâches à venir du SEAE : les Balkans occidentaux, la corne de l’Afrique, la crise russo-géorgienne de l’été 2008.

Vos Rapporteurs partagent ce souci d’en venir enfin au fond et à l’action de l’Europe dans le monde, après les atermoiements et les « chikayas » institutionnelles ; cependant, rien ne sera possible dans la situation présente sans le règlement préalable de ce « bras de fer » avec le Parlement européen.

B – Un compromis que l’on espère imminent, au bénéfice de l’Europe et de la France

1) Trancher les derniers points en suspens : les exigences de la France

Il n’est pas inutile de rappeler à ce stade – ce que fait également la proposition de résolution européenne déposée par vos Rapporteurs – pourquoi le compromis politique du 26 avril entre les États membres et les Commission est le bon et pourquoi le Parlement européen outrepasse ici ses droits :

– Mme Ashton n’est pas, en tant que Haute représentante, responsable devant le Parlement européen, par exemple sur les orientations de la PESC. En revanche, elle est bien responsable devant le Parlement européen sur les questions relatives au fonctionnement de son service ;

– ce n’est pas le collège des commissaires qui exerce les fonctions de chef du SEAE mais Mme Ashton seule, et cela vaut tout particulièrement pour les questions de sécurité et de défense.

Plusieurs arguments peuvent être avancés sur ce dernier point :

– il convient de préserver la spécificité des questions politico-militaires ; les personnels qui mettent en œuvre cette politique ne sont pas des fonctionnaires européens et le Traité de Lisbonne insiste beaucoup sur le caractère intergouvernemental de ces sujets ;

– certes, l’Europe « doit faire la différence » en mobilisant l’ensemble des moyens de l’action extérieure, du commerce au politico-militaire. En outre, l’ambition ayant présidé à la création du poste de Haute représentante / Vice présidente consistait à dépasser les limites de l’action du Haut représentant Javier Solana, de sorte qu’aujourd’hui il n’est pas envisageable d’ôter à Mme Ashton les prérogatives dont jouissait M. Solana dans le domaine politico-militaire. Mais elle doit exercer ces prérogatives en tant que Haute représentante, non en tant que Vice-présidente ;

– donc, en résumé, Mme Ashton a un mandat du Conseil, elle a l’autorité que lui apporte le Conseil pour exercer sa mission de coordination de l’ensemble des politiques externes.

Ajoutons qu’il serait fallacieux de prétendre que l’on crée, avec le SEAE, une situation dans laquelle le Parlement européen serait seul en mesure d’exercer un contrôle démocratique que les parlements nationaux n’exerceraient plus à leur échelle : nous ne sommes pas dans un cas de transfert de compétences des États membres vers l’Union européenne.

Enfin, les conditions prévues par le Traité pour une adoption de la décision du Conseil instituant le SEAE ont d’ores et déjà été remplies, avec l’accord entre États membres et Commission et la consultation du Parlement européen. Il est donc temps d’aboutir, c’est l’intérêt de l’Union et c’est celui de la France. Le schéma-cible est le suivant :

ORGANIGRAMME DU SEAE PROPOSÉ PAR MME ASHTON
(accord politique du 26 avril 2010)

Source : d’après le ministère des Affaires étrangères et européennes.

Cette architecture reprend, pour l’essentiel, celle que la France, en collaboration avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne, a mise au point. La structure est proche de celle d’un ministère des affaires étrangères classique avec un secrétaire général fort – poste que la France souhaite confier à M. Pierre Vimont, actuel ambassadeur de France à Washington, l’un de ses meilleurs diplomates – qui a sous ses ordres deux adjoints, l’un chargé de faire fonctionner le service en interne, l’autre étant proche d’un « directeur politique ».

La partie gauche de l’organigramme intègre en réalité la Direction générale des relations extérieures de la Commission réorganisée en « DG » thématiques et régionales. Devrait y figurer également une avancée récemment proposée par Mme Ashton : un service unifié de pilotage stratégique des instruments financiers, issu de l’accord politique du 26 avril.

La partie droite regroupe les organes de gestion de crise, civils et militaires, actuellement placés sous la responsabilité du Conseil des ministres (le COPS), le « SitCen » ou centre de situation, la capacité civile de planification et de conduite (CPCC) qui met en œuvre les missions civiles, la direction de la planification et de la gestion de crises (Crisis management and planification directorate – CMPD) qui planifie les missions civiles et militaires, l’État-major de l’UE qui met en œuvre les missions militaires.

Il est très visible que les deux parties de l’organigramme sont totalement séparées. Mme Ashton et son secrétaire général seront les seuls à avoir la main sur la partie « défense » au sens large qui, en fait, gardera son autonomie actuelle. Notons également que le directeur politique (SG 2) n’aurait de liaison qu’avec le COPS.

Compte tenu des résistances rencontrées et des pressions au centre desquelles elle se trouve placée, Mme Ashton n’a pas voulu inscrire l’organigramme dans la décision qu’elle proposera au Conseil, pour ne pas le figer d’une part, et pour ne pas donner trop de prise au Parlement européen dans la négociation.

Si l’on peut louer ce pragmatisme, il demeure que le flou ainsi gardé n’est pas de nature à rassurer les États membres, dont la France, très soucieux de « cadrer » l’action du SEAE alors qu’il va inventer ses méthodes de travail dans les mois à venir.

Enfin, n’apparaît pas sur ce schéma un important aspect des missions de Mme Ashton, qui sera de coordonner et de suivre les aspects externes des politiques internes, comme par exemple : les aspects stratégiques et géopolitiques de la politique de l’énergie, les aspects stratégiques de la politique relative au climat et à l’environnement, les aspects extérieurs de la coopération policière et judiciaire pénale (comme la lutte contre la criminalité organisée, le trafic de drogue, les flux migratoires illégaux, l’aide à la formation des forces de sécurité intérieure dans les territoires palestiniens…), etc.

Au-delà de ce que révèle ou non un organigramme, il est temps de décider sur ce point – sans d’ailleurs préempter l’avenir puisque l’organigramme évoluera avec le temps ; vos Rapporteurs veulent terminer leur analyse en mettant l’accent sur le fond de la politique à mener et à coordonner, puisque telle était la volonté initiale à partir du constat unanime de la désolante faiblesse politique de l’UE dans le monde.

2) Comprendre que le monde n’attend pas : les devoirs de l’Europe

a) L’occasion de surmonter le risque de recul de l’UE dans le monde

Le monde n’attendra pas une Union européenne qui demeurerait prostrée, autocentrée sur des querelles institutionnelles incompréhensibles pour quiconque ignore les subtils équilibres bruxellois… Ceux-ci ont leur importance, vos Rapporteurs viennent de les exposer avec suffisamment de détail, mais à trop s’y complaire, l’Europe risque tout simplement de disparaître des lieux où se jouent les relations internationales au XXIe siècle !

M. Jean-Michel Casa a ainsi mentionné lors de son audition le changement d’attitude de l’ASEAN – la communauté des États de l’Asie du Sud-Est – en quelques années à l’égard de la construction européenne : alors que, à l’occasion des sommets UE-ASEAN, celle-ci manifestait naguère un intérêt certain pour l’aventure européenne, cet intérêt s’est aujourd’hui mû en indifférence. Le monde, et les émergents en particulier, n’attendent pas.

Dès lors, il faut impérativement se garder de prolonger à l’excès la période de réflexion actuelle, dans laquelle on observe paradoxalement un risque de recul de l’action extérieure de l’Union, à la fois de la part de la DG « Relex » et de la part du Secrétariat général du Conseil, dans l’attente de la mise en place effective du SEAE.

Comme l’écrivaient récemment MM. Thierry Chopin et Maxime Lefebvre (12), l’Union européenne est très souvent présentée comme une organisation consistant essentiellement à promouvoir le libre-échange, l’aide au développement, la démocratie et les droits de l’homme, « une combinaison d’une sous-composante régionale de l’ONU et de l’OMC, et d’une grande ONG charitable, et non pas comme un acteur international qui serait capable de faire face aux défis globaux et de trouver sa place sur l’échiquier stratégique mondial ».

Qu’il s’agisse de la montée de la violence au Proche et au Moyen-Orient, des tensions avec la Russie, sans parler de menaces plus transversales comme la prolifération nucléaire, les Européens font pourtant face à une dégradation des conditions de leur sécurité collective. La lutte contre le réchauffement climatique, le renforcement de la sécurité des approvisionnements énergétiques, la lutte contre les inégalités et la pauvreté – notamment dans les pays africains –, la lutte contre le crime organisé et la régulation des flux migratoires sont en outre des enjeux globaux qui plaident pour une approche large de la sécurité, et dans lesquels l’action de l’Union européenne doit s’articuler avec les défis de la mondialisation.

Dans ce contexte, les nouveaux postes créés par le traité de Lisbonne vont-ils permettre aux Européens de définir leurs intérêts communs, de créer une communauté de vision et d’action vis-à-vis du monde extérieur, autrement dit, une véritable politique étrangère commune ?

C’est indispensable si l’Union veut réussir à se projeter dans la mondialisation en proposant son modèle de civilisation, si elle veut refonder le système international en le façonnant à son image, si elle veut peser sur les équilibres mondiaux (13).

b) La nécessité d’accompagner la montée en puissance du SEAE

Les interrogations inhérentes à la nouveauté que revêtent le poste de Haute représentante et le service européen pour l’action extérieure, et qui vont se révéler une fois la décision constitutive adoptée, ne sont pas à négliger. En particulier :

– fonctionnellement, les problèmes de mise en place sont devant nous, à Bruxelles, peut-être dans les pays tiers – où cependant les délégations de l’Union se mettent bien en place, dans l’ensemble –, mais surtout auprès des organisations internationales, là où le Secrétariat général du Conseil disposait de bureaux de liaison, c’est-à-dire auprès des Nations unies à New York et auprès de l’Office européen des Nations unies à Genève ;

– dans la recherche d’une voix unique de l’Union sur la scène internationale, la polyphonie existe toujours, avec l’implication de quatre commissaires (outre Mme Catherine Ashton, il s’agit de M. Andris Piebalgs pour le développement, de Mme Kristalina Georgieva pour l’action humanitaire et la coopération internationale, de M. Stefan Füle pour l’élargissement et la politique européenne de voisinage, c’est-à-dire tout l’Est de l’Europe ainsi que la Méditerranée), mais aussi du Président de la Commission José Manuel Barroso, du Président stable du Conseil européen, M. Hermann van Rompuy, sans oublier, notamment dans le contexte actuel de crise économique et financière, M. Jean-Claude Juncker, Président de l’Eurogroupe, et M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque centrale européenne…

À cet égard, au moins peut-on considérer que la présidence belge arrive à point nommé : pour des raisons de conjoncture politique interne et en vertu d’un soutien traditionnel à la construction communautaire, la Belgique pourrait sceller dans la pratique l’effacement définitif de la présidence tournante dans le domaine de l’action extérieure. Vos Rapporteurs se garderont toutefois d’anticiper exagérément sur le visage que présentera la présidence belge exercée au second semestre de 2010.

Quoi qu’il en soit, le traité de Lisbonne, en dépit de son importance, ne suffira pas à répondre à toutes les questions et la clef du succès de la future diplomatie européenne sera la capacité des grandes capitales à faire converger leurs approches : moins d’initiatives unilatérales, plus de concertation avec les autres, plus de travail en commun à Bruxelles, en liaison avec les équipes du Haut représentant et du Président du Conseil européen. À charge donc pour les nouvelles institutions de favoriser un tel consensus entre les capitales nationales. C’est notamment sur ce point que la Haute représentante devra jouer un rôle majeur en favorisant le rapprochement entre les diplomaties européennes.

Telle est la condition pour que les Européens soient pris davantage au sérieux par leurs partenaires et parviennent à favoriser une réponse collective aux grands problèmes internationaux qui menacent leur sécurité et leur prospérité. C’est une absolue nécessité, qui vaut aussi, bien sûr, pour la France à sa propre échelle.

c) Et la France dans tout cela ?

Dans un contexte encore incertain – et donc plein de promesses – pour l’avenir de l’Europe dans le monde, quel rôle la France peut-elle jouer afin d’œuvrer à la réussite du SEAE, qui est, il faut le souligner, dans son intérêt, afin de porter plus loin et plus fort la voix et les valeurs de notre pays dans la mondialisation ?

En premier lieu, nous devons nous-mêmes avoir les idées claires lorsque nous réclamons que l’UE les ait. Deuxièmement, sur le plan pratique, il faut placer au sein du service des personnels en nombre suffisant, de grande qualité et présents à tous les niveaux pour influencer le service de l’intérieur. Enfin, il faut disposer de procédures et de canaux de diffusion pour faire valoir nos idées et nos pratiques, mais aussi notre langue, au sein du SEAE.

C’est pourquoi la période qui s’ouvre est riche de défis à relever. C’est pourquoi également un suivi s’impose, y compris de la part des parlements nationaux. Ces derniers doivent aider la Haute représentante à sortir du face-à-face avec le seul Parlement européen, qui voudrait avoir l’apanage de la légitimité démocratique, quant telle n’est pas la réalité.

À terme enfin, ayons le courage et la cohérence intellectuelle de dire que, si les délégations de l’UE deviennent de vraies ambassades, il faudra revoir l’organisation et le format du réseau diplomatique et consulaire de la France à l’étranger. La commission des Affaires étrangères devra y prêter la plus grande attention et elle a souhaité l’inscrire expressément dans le texte de la proposition de résolution transmis par la commission des affaires européennes. C’est une raison supplémentaire pour œuvrer, dès aujourd’hui, à la genèse du SEAE dans l’optique de son efficacité optimale.

CONCLUSION

L’expérience dira si la mise en place du SEAE aboutira à l’établissement d’une véritable diplomatie européenne commune. Vos Rapporteurs l’appellent de leurs vœux, y compris dans l’intérêt de la France. Pour MM. Christophe Hillion et Maxime Lefebvre (14), trois éléments de réponse peuvent être formulés à ce stade :

– du point de vue de l’imbrication de la logique communautaire et de la logique intergouvernementale de la PESC, la mise en place du SEAE se traduira indubitablement par des progrès. « Il n’y aura plus un en-deçà et un au-delà de la rue de la Loi, le service devant créer une culture diplomatique commune de l’Union européenne sous l’autorité de la Haute représentante. » Pour autant, les risques de cacophonie ne sont pas à négliger. En outre, le SEAE restera probablement traversé par une séparation invisible entre deux cultures : une culture plus communautaire héritée de la DG « Relex », qui pèsera le plus, numériquement, et qui imprègnera les directions géographiques et thématiques, ainsi que les délégations, et une culture politique héritée de l’unité politique du Conseil et des structures de gestion de crise, celles-ci gardant une certaine autonomie au sein du nouveau service ;

– du point de vue de l’articulation avec les États membres, les choses sont moins évidentes. Sur de nombreuses questions essentielles mettant en jeu l’appartenance à certains « clubs de puissance » – le P5, constitué des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, le G8 et le G20 –, ou le rôle des États membres dans certaines crises particulières – par exemple le « groupe de contact » sur les Balkans ou le trio Paris-Berlin-Londres dans la crise nucléaire iranienne –, les capitales des États membres, et en particulier des grands États, continueront probablement à jouer un rôle incontournable. Symétriquement, l’Union risque fort de parvenir pendant encore un certain temps à « se taire d’une seule voix » – comme, hélas, encore tout récemment à propos de l’arraisonnement en haute mer d’une flottille qui voguait vers la bande de Gaza ;

– mais c’est là qu’intervient un troisième élément d’appréciation. L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et la mise en place du SEAE se font à un moment où les États européens paraissent se marginaliser quelque peu sur la scène internationale, face à une administration américaine moins tournée vers l’Europe et qui n’hésite pas, d’ailleurs, à faire preuve d’une certaine désinvolture en annulant des sommets prévus avec l’Union européenne, face également à des puissances émergentes qui revendiquent un rôle croissant. Or l’Europe peut et doit essayer de compenser ce relatif déclin tendanciel par un surcroît d’unité et de cohérence, à la condition pour les nations européennes de « jouer plus collectivement », et de se montrer capables à la fois de définir leurs intérêts communs et d’affirmer une volonté commune.

Les institutions nouvelles offrent en ce sens une véritable chance à saisir, notamment en rendant possible un certain brassage des diplomates entre le SEAE et les ministères nationaux. C’est peut-être le point de départ d’une diplomatie européenne plus intégrée, à valoriser comme telle pour ceux qui feront le pari d’y travailler. Ne laissons pas passer cette chance qu’est le SEAE pour la France, pour l’Europe, pour le monde.

*

C’est dans l’esprit de ces conclusions, auxquelles vos Rapporteurs ont abouti à l’issue de leurs propres travaux, qu’a été examiné et amendé le texte de la proposition de résolution (n° 2632) adoptée le 16 juin 2010 par la commission des Affaires européennes sur le rapport de Mme Elisabeth Guigou et de M. Yves Bur.

La séquence s’est donc déroulée de la façon suivante :

– le 15 juin 2010, communication de vos Rapporteurs en commission des affaires étrangères, présentant leur proposition de résolution déposée sur le Bureau de l’Assemblée et renvoyée à la commission des Affaires européennes le même jour ;

– le 16 juin, adoption d’une proposition de résolution par la commission des affaires européennes, renvoyée aussitôt à la commission des Affaires étrangères ;

– le 17 juin, adoption par la commission des affaires étrangères d’une proposition de résolution établie à partir des travaux de chaque « binôme », sur le rapport de vos deux Rapporteurs.

Cette proposition de résolution européenne pourra faire l’objet d’une demande d’inscription à l’ordre du jour de la séance publique par la commission des affaires étrangères, afin de manifester combien l’Assemblée nationale appuie la position française en vue des négociations finales avec le Parlement européen, et porte, au-delà, son regard sur ce que doit être une ambitieuse politique étrangère pour l’Europe.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

1 – Réunion de la commission du 15 juin 2010

Au cours de sa séance du mardi 15 juin 2010 à 18 heures, la commission des affaires étrangères entend une communication de vos Rapporteurs sur le service européen pour l’action extérieure.

Un débat suit l’exposé de vos Rapporteurs.

M. le président Axel Poniatowski. Quels seront les domaines de compétence et d’intervention du nouveau service européen d’action extérieure par rapport à celui des États souverains ?

M. Hervé de Charette. J’ai bien compris qu’un débat large avait eu lieu, et qu’il se terminait ces temps-ci. Je dois avouer que j’ai du mal à m’y intéresser. Ce débat me semble plus technique que politique. En réalité, nous avons deux traditions diplomatiques en Europe. L’une, anglo-saxonne, privilégie une stricte séparation entre le politique et les services administratifs. L’autre, qui existe notamment en France, et qui ne me paraît pas toujours la plus adaptée, voit la soumission absolue des diplomates aux responsables politiques. Sur ces sujets, et pour défendre nos intérêts, nous disposons du meilleur responsable qui soit en la personne de Monsieur Pierre Vimont, et tant que son mandat triennal courra, je ne nourris aucune inquiétude.

En revanche, je suis très surpris par les chiffres avancés. Doter ce nouveau service de 8 000 personnels alors que tous nos ministères rencontrent des difficultés pour conserver leurs effectifs me paraît étonnant. Le ministère français des affaires étrangères compte entre 12 et 13 000 personnels tout compris : avons-nous besoin d’en créer un second sans compétence bien définie ?

Par ailleurs, contrairement aux rapporteurs, je ne me satisfais pas de l’équidistance du nouveau service entre la Commission et le Conseil. La seule voie pour progresser vers une authentique diplomatie européenne est de donner au Parlement européen la compétence pour décider de positions en matière de politique étrangère, et d’imposer à l’exécutif de s’y conformer. Toute l’histoire du projet européen montre que les grandes avancées se sont toujours accompagnées d’un renforcement du rôle du Parlement européen, ou qu’elles reposaient sur ce dernier. Cela peut agacer les fonctionnaires, mais, en tant que parlementaires, nous pourrions défendre une autre vision.

En conclusion, ce débat indique que le traité de Lisbonne montre ses limites car le vrai problème, comme le soulignait le président Poniatowski, est celui des compétences. On a créé une institution, d’ailleurs sans adopter les choix les plus clairs quant à sa définition juridique, mais on n’a pas modifié les compétences. De ce fait, je crains que nous n’allions vers plus de désordre, et pas vers plus de clarté.

M. Gaëtan Gorce. Il n’y a effectivement aucune compétence nouvelle pour l’Union européenne car les États membres ne se sont pas mis d’accord sur ce point. La responsable du service d’action extérieure, Mme Catherine Ashton, ne pourra donc pas, dans le cadre intergouvernemental, faire beaucoup plus que son prédécesseur au poste presque équivalent, Javier Solana, qui essayait de mettre un peu de cohérence dans les politiques étrangères des 27. Toutefois, Mme Ashton pourra également coordonner les positions des commissaires dont les domaines de compétences concernent l’action internationale de l’Union, comme l’humanitaire, l’aide au développement ou l’élargissement. Elle disposera également des compétences extérieures liées aux politiques communautaires internes.

Ce rappel permet de résoudre la question des personnels. En réalité, les postes ouverts dans le nouveau service correspondent exactement au nombre de postes actuellement concernés par les missions désormais dévolues au Haut représentant. Le seul changement, c’est donc l’unicité de la direction politique.

Concernant le rôle du Parlement européen, on ne peut que souhaiter, en tant que responsable politique et démocrate, un renforcement. Mais est-il réaliste d’imaginer qu’une position adoptée par des parlementaires pas toujours d’accord entre eux puisse s’imposer aux États membres ? Cela serait aller à marche forcée.

M. Hervé de Charette. Pas à marche forcée !

M. Gaëtan Gorce. Ce serait en tout cas un mouvement en avant, certes très séduisant et auquel je pourrais souscrire, mais qui me paraît très difficile à réaliser aujourd’hui.

Mme Nicole Ameline. La spécificité de la construction européenne, depuis l’origine, est de reposer sur un pilier intergouvernemental et un pilier communautaire. Nous avons donc veillé à donner sa place au Parlement européen, notamment en matière d’information et de contrôle, et nous plaidons pour la participation des parlements nationaux à ces travaux. Toutefois, le choix a été fait de ne subordonner le nouveau service ni à la Commission, ni au Parlement.

Concernant les effectifs, je tiens à rappeler qu’il ne s’agit que de redéploiements. Aucun poste n’a été créé. D’ailleurs, la mise en place du service européen d’action extérieure permettra sans doute des regroupements et une rationalisation de la représentation de l’Union européenne à l’étranger.

M. Michel Terrot. Certes, le nombre de fonctionnaires attribués au nouveau service n’est pas en augmentation, mais il est à mettre en parallèle avec les suppressions de postes dans les États. Il y a un choix qui est fait dans ce domaine, les chiffres ne mentent pas.

Sur le fond, il est à craindre, pour les États, une difficulté accrue pour l’exercice de leurs compétences diplomatiques, mais aussi une accélération des regroupements consulaires et des conflits entre les positions du service européen d’action extérieure et nos propres positions internationales. Je vois mal quel mécanisme permettrait de dépasser ces antagonismes.

M. Jean-Claude Guibal. Je comprends la nécessité pour l’Europe d’exister face aux grands émergents. Nous devons nous doter d’une taille et d’une voix qui permettent d’intervenir sur les grands sujets de la politique internationale.

Mais, à la description de ce qui va se faire concrètement, j’ai le sentiment d’une anémie graisseuse : on fait du volume, on voit large et lourd, mais on ne résout pas la question des compétences. Je vois mal comment, dans un domaine éminemment régalien, un service « chauve-souris », c’est-à-dire ni politique, ni administratif…

Mme Nicole Ameline. Il sera les deux !

M. Jean-Claude Guibal. Les deux, donc aucun. Ce service n’aura pas de légitimité claire. Les représentants de l’Union européenne que j’ai rencontrés à l’étranger se contentaient de distribuer des crédits et de faire un peu de coordination. Le nouveau service ne change rien à cela : c’est l’Europe quantitative au lieu de l’Europe qualitative.

M. Jean-Paul Lecoq. On est dans l’absurdité de l’application du traité de Lisbonne : on veut garantir l’Europe des États et, en même temps, sans le dire aux peuples et sans demander leur avis aux États, on commence à structurer un État européen. Il faudrait l’assumer ! Je vois bien que l’on va dans ce sens, et la diminution des effectifs du ministère des affaires étrangères français montre que l’on délègue de plus en plus dans ce domaine. Je ne sais pas comment cela se passe dans les autres États membres, mais on constate que l’on cherche à structurer quelque chose, l’Europe, qui n’existe pas, comme le montrent les crises actuelles.

J’entends bien le souhait, notamment exprimé par la jeunesse, qui veut l’avènement de cet État européen mais aujourd’hui, les jeunes sont déçus, et constatent, par contre, les effets négatifs de la dérégulation, des privatisations, de la libéralisation à outrance. L’Europe, pour l’instant, ne fonctionne bien que quand elle casse, jamais quand elle construit.

M. Rudy Salles. En tant qu’Européens, l’on ne peut qu’être séduit par l’idée d’une Europe plus forte dans le monde. Mais quand on voit ce que cela cache, on se dit : à quoi bon 8 000 diplomates européens quand on manque de moyens nationaux ? Je souhaiterais d’autres arguments que ceux présentés aujourd’hui pour nourrir l’ambition du projet européen !

Mme Marie-Louise Fort. Je voudrais afficher un peu plus d’optimisme, bien que je partage les craintes exprimées jusque là. Lors de la crise de Gaza, j’ai pu m’entretenir avec des Palestiniens qui, tous, souhaitaient une prise de position de la France et, dans le même temps, de l’Europe. Puisque les temps sont à la célébration de l’appel du 18 juin 1940, je me demande bien ce que le général De Gaulle aurait fait dans notre situation.

En tout cas, je me demande si le nouveau service européen ne renforcera pas, finalement, la voix des États européens dans le monde.

M. Robert Lecou. Je suis convaincu de la nécessité de parler d’une voix, celle-ci est évidente quand on se penche sur les discussions au sein du G20 par exemple. Mais je m’interroge. Crée-t-on les conditions de l’émergence d’un service diplomatique européen ?

Je m’interroge aussi sur les redéploiements : s’il n’y a pas création de postes, cela signifiera-t-il que l’on va prélever le complément des personnels actuels pour atteindre le chiffre de 8000 en partie sur le contingent des diplomates français ?

M. Jean-Michel Boucheron. Nous sommes au cœur d’un débat important et intéressant. Une fois encore, la construction européenne est victime de précipitation. On cherche à construire un étage supplémentaire de la maison alors que les fondations ne sont pas terminées. Il est évident que cette méthode ne peut pas fonctionner puisque les États ne s’accordent déjà pas sur les grandes options de politique étrangère.

Personne ne souhaite réellement que ce projet aboutisse. Aucun État n’est prêt à se dessaisir de sa politique étrangère et c’est heureux. L’idée d’en confier la responsabilité au Parlement européen dont la légitimité n’est pas reconnue par les citoyens est saugrenue. Il faut d’abord consolider l’Europe dans d’autres domaines, social, fiscal, etc. Quand nous parviendrons à l’Europe fédérale, ce que nous souhaitons, ce projet pourra réussir. Aujourd’hui il intervient trop en amont.

M. Serge Janquin. Il me semble que l’Europe construit des cathédrales baroques tandis que notre diplomatie nationale doit se contenter de chapelles confidentielles. Je souhaite poser deux questions : en cas de divergences entre la politique nationale et la politique européenne, comment s’opérera l’arbitrage ; un mode règlement des conflits et éventuellement des sanctions sont-ils prévus ?

Mme Martine Aurillac. Je partage la perplexité de mes collègues. Je m’interroge notamment sur le décalage entre l’organigramme foisonnant de ce futur service et les compétences inchangées de l’Union européenne en matière de politique étrangère. Par ailleurs, pour quelle raison cette question n’a t-elle pas fait l’objet d’un rapport commun avec la commission chargée des affaires européennes ?

Mme Chantal Bourragué. La définition des missions de ce service pose la question de l’Europe que nous voulons. Il est logique de ne pas transférer des compétences tant que l’Europe n’a pas clairement défini les conditions dans lesquelles elle les exercera.

M. Jacques Bascou. L’échec en matière de gouvernance économique européenne n’est pas un signe encourageant. Comment ce SEAE va-t-il s’articuler avec la politique de sécurité et de défense commune ?

M. Henri Plagnol. Je serai moins sévère que les intervenants précédents. L’Europe est depuis l’origine une construction baroque, il serait prétentieux d’en faire un jardin à la française. Tous mes collègues ont estimé que l’Europe n’est pas mûre pour effacer les diplomaties nationales. C’est précisément la raison pour laquelle ce service est placé sous une double tutelle : intergouvernementale, parce qu’il ne peut en être autrement aujourd’hui, et communautaire pour assurer une contrôle relatif de la Commission et du Parlement. Ce schéma est sage. Il ne permet certes pas que l’Europe devienne soudainement un acteur mondial capable de parler d’une seule voix. Or nous avons commis de multiples rapports pour nous plaindre d’une part de la faible visibilité de l’Union dans les pays dans lesquels elle agit et d’autre part des doubles représentations – État membre et UE – dans d’autres pays. Nous avons très souvent regretté que l’Europe, pourtant principal bailleur de fonds en matière d’aide au développement, souffre d’un déficit de visibilité. Dans l’état actuel de l’Europe, la mise en place d’un contrôle politique sur la coopération constitue un point positif.

Je suis, en revanche, gêné par le contenu de la résolution que souhaitent déposer nos collègues qui me paraît très technique, très détaillé. Certains points abordés ne me semblent pas relever de ce type d’exercice. Je souhaite néanmoins bonne chance au SEAE. Sur l’origine des personnels de ce nouveau service, il me semble très raisonnable et souhaitable que les pays européens nourrissent les effectifs. Je souscris aux choix du rapport qui est raisonnable et crédible.

M. le président Axel Poniatowski. Pour résumer, toutes les interventions portent sur les compétences ou sur les effectifs du futur service. Sur le premier point, on ne peut pas changer le traité de Lisbonne qui prévoit la mise en place du SEAE sans modifier les compétences de l’Union en la matière. En revanche, un éclairage sur les effectifs est nécessaire car les chiffres annoncés peuvent paraître choquants même s’il s’agit seulement de redéploiements. A quoi servaient ces personnels avant et à quoi serviront-ils demain ?

M. Gaëtan Gorce. Je remercie Henri Plagnol d’avoir recadré ce débat en en rappelant les éléments objectifs : il existe aujourd’hui un traité qui fixe les compétences de l’Union. Nous ne pouvons pas aller au-delà de ce que les gouvernements ont décidé. Ce traité prévoit la reprise par le SEAE des compétences de la Commission et de Javier Solana avec un progrès néanmoins : les compétences seront exercées sous une autorité politique unique et sous le contrôle du Conseil. Si la capacité politique n’est pas renforcée, elle est moins fragmentée et la capacité de mise en cohérence est améliorée.

Il faut souligner la volonté constante du Parlement européen et de la Commission d’affaiblir Catherine Ashton. Il semble donc utile de rappeler le souhait, découlant du traité, que le Haut représentant ait la capacité d’exercer les missions qui lui sont confiées. Nous devrions également être attentifs à cette idée dont l’origine est française : la France plaidait pour un ministre des affaires étrangères à même de peser face aux États.

La création du SEAE permet de franchir une étape. Elle peut tourner au ridicule s’il en résulte une paralysie de l’action européenne mais elle peut aussi être l’amorce d’une politique commune qui permettrait de surmonter la contradiction entre intergouvernemental et communautaire. Ce n’est pas un hasard si la responsabilité d’une approche nécessairement pragmatique a été confiée à une Britannique. Le petit pas que constitue ce projet serait réduit à néant si nous ne le soutenons pas.

M. Hervé de Charette. Si la France a remisé son ambition d’un ministre des affaires étrangères européen, c’est parce qu’elle espérait qu’une personnalité de poids, capable de conquérir l’influence que les Etats lui refusaient, se verrait confier le poste. Or les dirigeants européens ont torpillé le projet en choisissant l’ombre d’un Haut Représentant qui ne peu que mener l’ombre d’une politique. On ne peut pas nous demander de soutenir cette politique. On pouvait espérer une dynamique créatrice voire la naissance d’une culture diplomatique européenne. Finalement, la seule présence tangible sera celle des fonctionnaires qui seront un poids.

Mme Nicole Ameline. Il est normal, face à une innovation institutionnelle ou politique, de voir surgir les peurs et les résistances. Je voudrais en revenir aux principes, qui sont contenus dans le traité que nous avons voté. La France ne soutiendrait pas ce projet si celui-ci menaçait sa souveraineté. Or, au contraire, notre pays est une force d’impulsion majeure car c’est indispensable pour nous permettre de rester au cœur du projet européen.

Nous voyons bien, aujourd’hui, que, sur de nombreux sujets internationaux, l’Europe ne pèse pas assez. Il suffit de s’entretenir avec le G77, qui regroupe maintenant plus de cent pays, sur les questions environnementales, pour le comprendre. La réponse à la question que soulève le service européen d’action extérieure permettra de définir la place et le rôle de l’Union européenne dans le monde. Je veux également répondre à notre collègue Marie-Louise Fort que la participation, et le rôle prééminent joué par notre pays dans le projet de service européen d’action extérieure renforcent considérablement notre place en Europe.

M. Gaëtan Gorce. Les critiques à l’égard de la politique européenne du Gouvernement me paraissent très dures.

M. le président Axel Poniatowski. Je souhaiterais rappeler quelques éléments. L’Europe a toujours été unie sur les grands sujets internationaux qui la concernaient très directement, mais la politique étrangère reste un domaine de souveraineté éminent. Toutefois, autant la définition de la politique étrangère est une compétence souveraine, autant les questions consulaires pourraient peut-être faire l’objet d’un plus grand dynamisme. Cependant, cet aspect n’est guère pris en compte par nos rapporteurs. C’est dommage.

Les questions consulaires sont principalement d’ordre administratif, et leur traitement coûte extrêmement cher. L’Union européenne pourrait contribuer à améliorer l’efficacité par rapport à l’existant, tout en améliorant la couverture consulaire dont bénéficient actuellement les citoyens européens.

Mme Nicole Ameline. Je voudrais revenir sur un point concernant les compétences extérieures de la haute représentante. Celle-ci est désormais chargée de coordonner tous les aspects administratifs et financiers des actions internationales de l’Union européenne, par exemple la gestion de crises et l’aide au développement, éléments très liés mais traités, à l’heure actuelle, de manière verticale et cloisonnée.

En renforçant la logique transversale, nous pourrons à la fois économiser nos moyens, et peser plus en tant qu’Européens. Je rappelle que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement dispose de plus de fonds que la Banque mondiale : nous pouvons donc compter aussi sur le service européen d’action extérieure et les progrès institutionnels qui l’accompagnent pour renforcer le poids et la visibilité de l’Europe dans le monde.

2 – Réunion de la commission du 17 juin 2010

Au cours de sa réunion du jeudi 17 juin 2010 à 10 h 30, la commission des affaires étrangères examine la proposition de résolution européenne (n° 2632) sur la réforme de la gouvernance de la politique extérieure de l’Union européenne, adoptée par la commission des affaires européennes.

M. le président Axel Poniatowski. Nous nous réunissons à nouveau ce matin, après nos échanges de mardi dernier, pour nous prononcer sur le Service européen d’action extérieure, qui a fait hier l’objet d’une résolution adoptée par la commission des affaires européennes.

Je vais laisser la parole à la rapporteure Nicole Ameline pour exposer l’équilibre général de cette proposition de résolution et nous présenter les quelques modifications qui sont apportées par notre commission.

Je rappelle qu’à la fin de cette séance nous procéderons à un vote sur ce qui deviendra la proposition de résolution de la commission des affaires étrangères sur le Service européen d’action extérieure. Les rapporteurs de notre commission et les auteurs de la proposition soumise à la commission des affaires européennes, se sont entendus pour aboutir à une version qui recueille l’approbation de tous.

Je rappelle également qu’il s’agit là d’un sujet très important – le service diplomatique de l’Europe. Cette idée, à l’origine ardemment défendue par la France, constitue désormais une des innovations du Traité de Lisbonne. Nous sommes aujourd’hui à l’étape de la mise en place de ce service et j’estime que notre commission ne pouvait être absente de cette réflexion.

L’objectif de cette proposition de résolution que je souhaite que nous adoptions est d’exprimer le soutien de l’Assemblée nationale à la position française dans les négociations en cours. Le sujet est très institutionnel et assez technique mais je tenais à rappeler l’objectif politique de notre démarche. Si le texte était adopté ce matin, nous étudierions ensuite l’opportunité d’en débattre en séance publique.

Mme Nicole Ameline, rapporteure. Nous sommes saisis d’une proposition de résolution adoptée par la Commission des affaires européennes qui reprend l’intégralité des propositions que Gaëtan Gorce et moi-même avions formulées à titre personnel. Je rappellerai brièvement l’équilibre de ce texte.

Le premier point est un appel à la raison, pour dépasser le conflit idéologique entre fédéralisme et intergouvernementalisme, et pour avancer dans la mise en œuvre du traité de Lisbonne. Nous apportons ensuite notre soutien à la position du Gouvernement dans les négociations en cours. Nous détaillons les éléments de proposition dans la résolution, qui rappelle notamment la position française attachée à l’équidistance du nouveau service entre la Commission européenne et le Conseil.

Le cinquième point doit retenir l’attention. La commission des affaires étrangères, comme la commission des affaires européennes, a exprimé le souhait d’intégrer d’autres politiques au champ de compétences reconnu à la haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, en y incluant notamment la politique de voisinage, mais également les questions d’élargissement et d’aide au développement. Notre but est d’avoir, pour la mise en place du service d’action extérieure, une démarche construite et cohérente.

Nous souhaitons que la convergence des stratégies s’accompagne d’une convergence des instruments financiers. La haute représentante doit donc être associée à toutes les discussions de la Commission européenne portant sur ces sujets.

Nous proposons, dans le neuvième point, d’éviter les doubles emplois et les dépenses redondantes, faisant par là écho aux inquiétudes exprimées lors de notre réunion de commission de mardi sur le service européen d’action extérieure.

Ainsi, le format du service pourrait, à moyen terme, osciller entre 7 000 et 8 000 postes. Ce chiffre correspond à un fonctionnement à pleine maturité, et intègre tous les personnels, y compris les employés locaux des délégations de l’Union dans le monde. La Commission européenne affecterait 2 150 personnes au nouveau service, dont 800 cadres A, et 1 000 personnels de support. Le secrétariat général du Conseil, pour sa part, fournirait 300 cadres A. Les Etats membres, en moyenne, pourraient détacher entre 300 et 350 cadres A, pour un total général, à terme, je le répète, d’environ 8 000 personnes.

Face à cet effort non négligeable, notre proposition de résolution insiste sur la nécessité d’éviter les doubles emplois et les dépenses redondantes pouvant affecter le budget européen. Nous demandons également, comme le président Poniatowski l’avait souhaité, que la mise en place du nouveau service soit l’occasion de lancer une réflexion sur la nécessaire rationalisation des réseaux consulaires européens.

Nous demandons également qu’un processus de convergence des politiques étrangères voie le jour, reprenant l’une des pistes avancées par la commission des affaires européennes.

Nous demandons enfin un renforcement des liens entre les Parlements nationaux afin que ceux-ci soient partie prenante de cette évolution, et, dans le même but, le développement de relations spécifiques entre la haute représentante et les parlements nationaux.

Enfin, nous nous prononçons en faveur de l’organisation d’une déclaration annuelle sur « l’état de l’Union européenne ».

M. le président Axel Poniatowski. Je salue le travail accompli par Mme Elisabeth Guigou, puisque la résolution est basée sur sa proposition, dont elle était rapporteure devant la commission des affaires européennes conjointement avec notre collègue Yves Bur. Ce texte a été enrichi par Mme Nicole Ameline et M. Gaëtan Gorce. La résolution, sans être révolutionnaire à proprement parler, permet d’apporter un soutien à la position française dans les négociations en cours. Il est donc crucial que nous puissions l’adopter.

Mme Elisabeth Guigou. Je remercie les rapporteurs d’avoir utilisé mon texte comme base de leur travail, et d’être arrivés à une version avec laquelle je suis entièrement d’accord, quelques corrections de forme venant d’être apportées.

Il est important de rappeler que le service européen d’action extérieure, prévu par le traité de Lisbonne, est un progrès, même s’il ne résout pas toutes les difficultés rencontrées lorsqu’il s’agit de définir une position commune pour l’Europe. Celle-ci est très diverse, composée d’Etats eux-mêmes divers, parmi lesquels quatre pays neutres, deux Etats dotés de la force nucléaire, deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies… De plus, certaines dimensions de l’action extérieure, notamment les questions militaires, restent étroitement liées à la souveraineté nationale.

Le progrès réside donc dans la capacité d’unifier la direction de l’action extérieure de l’Union, ce qui n’est pas la même chose que la mise au point d’une politique étrangère européenne unique, mais permettra de bâtir plus facilement des positions communes sur les sujets prioritaires comme l’évolution des Balkans ou la situation au Proche-Orient. Sur ce type de sujets, il est indispensable que la haute représentante puisse définir les priorités de l’Europe.

J’approuve les positions françaises dans la négociation, car elles permettent de soutenir une vision ambitieuse du nouveau service, quand M. Barroso faisait tout pour réduire son importance.

Le fait que la haute représentante ne dirige pas la politique de voisinage reste pour moi un véritable problème, qu’il est légitime de soulever et de critiquer. Que la haute représentante n’ait pas la main sur l’élargissement et l’aide au développement, qui sont des occupations à plein temps, me paraît moins choquant, mais elle devrait, dans ces domaines, disposer d’un pouvoir de coordination, y compris dans les matières commerciales.

Enfin, il me paraissait indispensable de prévoir le contrôle de ce nouveau service par les parlementaires, ce à quoi la résolution pourvoit, en demandant des pouvoirs à la fois pour le Parlement européen mais aussi pour les parlements nationaux.

J’avais quelques remarques formelles mais elles ont été prises en compte dans la version définitive de la proposition de résolution qui nous a été distribuée ce matin. Dès lors, tout en insistant sur le fait qu’il nous faille rester lucides sur les attentes que nous pouvons légitimement formuler concernant le futur service d’action extérieure, j’estime que nous devons apporter notre soutien au processus enclenché, sous peine de voir le Parlement européen réduire encore davantage les quelques acquis enregistrés.

M. Hervé de Charette. Le texte présenté aujourd’hui est complètement nouveau, alors qu’il nous avait été dit que nous parlerions de celui discuté avant-hier !

M. le président Axel Poniatowski. Nous nous prononçons sur le texte de la commission des affaires européennes que nos rapporteurs proposent de modifier.

Mme Nicole Ameline, rapporteure. Nous avons discuté du sujet avant-hier en conclusion des travaux que M. Gaëtan Gorce et moi-même avons menés comme rapporteurs d’information sur le Service européen d’action extérieure. Le nouveau Règlement ne permettant pas à une commission permanente d’adopter proprio motu des propositions de résolution européennes, nous avons déposé une proposition résolution avec M. Gaëtan Gorce, à titre personnel, mais, saisis d’une proposition de résolution de la commission des affaires européennes allant dans le même sens, nous avons repris ce texte.

M. Hervé de Charette. Si la commission des affaires étrangères ne peut se prononcer sur des questions de politique européenne, c’est très grave. Notre commission doit pouvoir déposer des propositions de résolution sur tous les sujets !

M. le président Axel Poniatowski. La commission des affaires étrangères est seule à se prononcer au fond sur les propositions de résolution européennes qui entrent dans son champ de compétence, et à décider de leur éventuel examen en séance publique. Les membres de notre commission peuvent également déposer des propositions de résolution à titre individuel.

M. Hervé de Charette. Le calendrier n’est toujours pas clair pour moi. Y aura-t-il un débat dans l’hémicycle ?

M. le président Axel Poniatowski. Nous pouvons le demander, mais il n’est pas dit que la conférence des présidents l’inscrira à l’ordre du jour. Si nous adoptons ce texte aujourd’hui, soit nous demandons son inscription à l’ordre du jour et l’Assemblée nationale pourrait être amenée à se prononcer, soit nous ne demandons pas cette inscription et la résolution est réputée être adoptée.

M. Hervé de Charette. Qu’espèrent les rapporteurs de l’adoption de ce texte ?

M. le président Axel Poniatowski. Comme toute résolution, ce texte n’a pas force de loi, mais c’est un signe politique fort qui s’imposera. La résolution sera publiée et permettra de faire connaître la position de la commission des affaires étrangères ou, dans l’éventualité d’un débat en séance, celle de l’Assemblée nationale dans son ensemble.

Mme Elisabeth Guigou. Il me semble important que le Parlement français fasse connaître sa position au Parlement européen. On sait quelle est la position de ce dernier, qui ne cesse de vouloir augmenter son pouvoir de contrôle. On peut comprendre, du reste, cette logique institutionnelle. En parallèle, le même Parlement européen se fait gloire de rechercher des accords avec les parlements nationaux. Si nous ne sommes pas d’accord avec certains aspects de sa position, par exemple en ce qui concerne la haute représentante, cette résolution peut avoir un réel effet pour le signifier.

M. Hervé de Charette. Je découvre aujourd’hui que la politique de voisinage n’appartient pas au portefeuille de la haute représentante. Je ne le comprends pas. La politique commerciale est une compétence traditionnelle de la Commission et il est compréhensible que ce ne soit pas du ressort de Mme Ashton. La question de l’élargissement n’est pas non plus choquante, c’est un processus qui est différent d’une politique extérieure, quasiment une politique interne, en fait. Mais en ce qui concerne l’aide publique au développement – que l’Union européenne mène à défaut d’avoir une politique étrangère – et la politique de voisinage, c’est un problème grave qu’elles ne soient pas toutes deux dans le champ de compétences de la haute représentante.

M. le président Axel Poniatowski. Nous sommes bien d’accord : c’est justement l’un des principaux éléments de la proposition de résolution, aux points 5 et 7.

M. Hervé de Charette. Il existe beaucoup de formules pour exprimer son mécontentement. Vous avez hélas choisi les plus douces ici, je le regrette. Je suis notamment intervenu dans le débat de mardi dernier sur la question des effectifs. Mme Nicole Ameline a fait des efforts pour me rassurer, mais elle a échoué : on en reste à quelque 8 000 personnes. J’aurais voulu que la résolution soit marquée du souhait de la commission des affaires étrangères de voir le Gouvernement nous rendre compte régulièrement et de veiller à la maîtrise des effectifs du SEAE.

Mme Nicole Ameline, rapporteure. Ce n’est pas extraordinaire que d’arriver à cet effectif ! Le point 9 porte précisément sur la question de la maîtrise des emplois et des coûts. J’ajoute que 8 000 personnes, ce n’est jamais que la moitié de ce que des pays comme le nôtre ou le Royaume-Uni consacrent à leurs services diplomatiques.

M. Hervé de Charette. Mais ce sont des pays qui ont des politiques étrangères ! Ce n’est pas le cas de l’Union européenne.

Mme Nicole Ameline. Mais c’est l’objectif.

M. Robert Lecou. Cet échange a été très utile pour mon information. En cette veille de 18 juin, je préfère, comme Européen convaincu, que l’on soit aujourd’hui à la table des négociations avec nos amis européens. La mise en œuvre des politiques européennes et de la gouvernance est difficile, mais pour y parvenir la méthode et l’organisation du SEAE sont complexes. Le texte que l’on nous propose aujourd’hui est nouveau. Nous avons eu des éclaircissements, qui restent partiels. Il ne faut pas que le SEAE se construise au détriment du ministère français des affaires étrangères et de notre appareil diplomatique. On parle beaucoup de redéploiement d’effectifs. Dans le cadre de nos délibérations budgétaires, ici même, nous disons souvent qu’il faut éviter de diminuer les moyens du ministère. Le fait que la haute représentante soit britannique doit également nous inciter à la vigilance, compte tenu du faible enthousiasme du Royaume-Uni pour la construction européenne.

Pour le reste, je suis d’accord avec le pas en avant qui a été fait. Le SEAE est certes un progrès, mais je partage la préoccupation de notre collègue Hervé de Charette et je souhaite qu’il y ait un débat à l’Assemblée nationale, qui soit l’occasion d’enrichir le texte. Si celui-ci constitue une avancée, j’insiste sur le fait que ce processus ne doit pas conduire à l’affaiblissement de la diplomatie française, dans la mesure où il n’y a pas de diplomatie européenne.

M. le président Axel Poniatowski. Lors de la prochaine réunion de la Conférence des présidents, je porterai cette demande pour qu’un débat soit inscrit à l’ordre du jour.

Mme Martine Aurillac. J’ai été perplexe lors de notre précédent débat mais je trouve aujourd’hui un texte bien meilleur et je suis d’accord avec les divers ajouts qui ont été apportés en réponse à nos préoccupations. Je partage l’avis de M. Lecou : il ne faut pas déshabiller la France pour habiller l’Union européenne qui n’est pas encore tout à fait mature en matière de politique étrangère.

Mme Marie-Louise Fort. Je souscris à cette proposition de résolution qui est un pas en avant vers plus d’Europe et qui répond au Traité de Lisbonne dont la France a été un promoteur. Le souci que le président de notre commission porte aux réseaux consulaires est très positif. Il faut une complémentarité entre la diplomatie française et celle de l’Union européenne car les enjeux sont multiples. L’Union européenne doit pouvoir être entendue. Quelle est sur ce sujet la position du Sénat ?

Mme Nicole Ameline, rapporteure. Il a adopté une résolution également.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Toutes les précisions ont été données sur les changements insérés dans le texte, qui répondent aux préoccupations de tous. Quant à la question des effectifs, pour ce qui concerne le « contingent » français, elle est actuellement à l’étude entre Bercy et le Quai d’Orsay. Il y aura donc matière à examen lors du débat budgétaire. Le nombre de fonctionnaires français susceptibles d’être détachés est faible voire, selon la manière dont on analyse les choses, insuffisant. Deux lectures sont possibles en effet : on peut certes voir dans l’avènement de ce nouveau service un risque d’affaiblissement de notre diplomatie ; on peut aussi le considérer comme un renforcement de la capacité de faire prendre en compte nos préoccupations au sein de l’Union européenne. Je suis d’accord pour noter qu’il y a des insuffisances, mais je veux aussi relever la volonté politique partagée sur tous les bancs : aider progressivement à l’affirmation d’une politique étrangère de l’Union européenne. Il est important que le Parlement français dise son souci de faire de cette action extérieure une priorité. Ne nous laissons pas intimider par ceux qui à Bruxelles ont cherché à réduire le poids de la haute représentante et restons sur une position cohérente, quels que soient les gouvernements en place.

M. Hervé de Charette. Je souhaite m’abstenir. J’étais réservé sur le précédent texte qu’il m’aurait été difficile de voter. Celui-ci est bien inspiré mais il est trop faible dans sa tonalité. Si le Gouvernement doit être prudent compte tenu du processus de négociation dans lequel il est engagé, nous-mêmes, parlementaires, avons les mains libres. Cette résolution ne dit pas assez clairement ses intentions et ses objectifs et ne va donc pas assez loin. Au-delà, il faudrait défendre une autre idée d’un ministre européen des affaires étrangères, et nous restons ici dans la logique de l’Union européenne traditionnelle, administrative. Enfin, je ne suis pas d’accord avec l’hostilité traditionnelle française vis-à-vis du Parlement européen. C’est une institution fondamentale et il n’est pas utile d’ajouter une voix contre lui, alors que nous devrions en faire un partenaire.

M. le président Axel Poniatowski. Je regrette cette abstention de la part d’un Européen historique comme vous. On peut n’être pas absolument satisfait de la proposition de résolution, mais je la trouve forte, au contraire. Je ne partage pas votre impression d’une critique stérile à l’endroit du Parlement européen, que la proposition de résolution associe étroitement. Ce texte va loin dans l’esprit du Traité de Lisbonne.

M. Jean-Michel Boucheron. Je partage le sentiment de M. Hervé de Charette et je m’abstiendrai aussi. Les textes se contentant de former des vœux ne sont jamais très utiles.

M. le président Axel Poniatowski. Je mets aux voix la proposition de résolution.

La commission adopte la proposition de résolution européenne ainsi modifiée.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de la proposition de résolution

sur la réforme de la gouvernance de la politique extérieure
de l’Union européenne,

___

Texte adopté par la Commission

___

L’Assemblée nationale,

(Alinéa sans modification)

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

(Alinéa sans modification)

Vu le rapport de la présidence suédoise concernant les lignes directrices relatives au Service européen pour l’action extérieure (doc. 14930/09) approuvé par le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009,

Alinéa supprimé

Vu le projet de décision du Conseil fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (8029/10/n° E 5220),

Alinéa supprimé

Vu la proposition de règlement modifiant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes en ce qui concerne le service européen pour l’action extérieure (COM [2010] 85 final/n° E 5216),

Alinéa supprimé

Vu le traité sur l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier :

(Alinéa sans modification)

– l’article 18 § 4 du traité sur l’Union européenne selon lequel le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité « est chargé, au sein de la Commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’Union. (…) »,

(Alinéa sans modification)

– l’article 27 § 3 du Traité sur l’Union européenne instituant le service européen pour l’action extérieure,

– l’article 32 premier alinéa du traité sur l’Union européenne selon lequel « les États membres assurent, par la convergence de leurs actions, que l’Union puisse faire valoir ses intérêts et ses valeurs sur la scène internationale. (…) »,

(Alinéa sans modification)

Vu le Protocole n° 1 sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne,

– le Protocole n°1 sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne annexé au Traité sur l’Union européenne et au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu les Déclarations 13 et 14 sur la politique étrangère et de sécurité commune,

– les déclarations nos 13, 14 et 15 annexées au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le rapport de la présidence suédoise au Conseil européen sur le service européen pour l’action extérieure (doc. n°14930/09), approuvé par le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009,

Vu la résolution européenne n° 86 adoptée par le Sénat, le 11 avril 2010, sur le suivi parlementaire de la politique de sécurité et de défense commune,

Vu la communication du Président Pierre Lequiller sur la modernisation du contrôle parlementaire de l’Union européenne présentée le 27 mai 2009 à la Commission des affaires européennes, proposant la création d’un rendez-vous annuel sur l’« état de l’Union »,

Vu le projet de décision du Conseil en date du 25 mars 2010 fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (doc n° 8029/10),

Vu la note de la Haute représentante au COREPER en date du 22 avril 2010, portant annexe à la proposition précitée de décision du Conseil (doc. n° 8870/10, texte E 5220),

Vu la note de la présidence espagnole au Conseil en date du 23 avril 2010, portant compromis de la présidence sur la proposition de décision du Conseil fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (doc. n° 8724/1/10 REV1),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil en date du 24 mars 2010, modifiant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes en ce qui concerne le service européen pour l’action extérieure (doc. COM(2010) 85 final, texte E 5216),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil en date du 9 juin 2010, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes et le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (doc. COM(2010) 309 final),

(Alinéa sans modification)

Vu la proposition de résolution européenne n° 2625 de Mme Nicole Ameline et de M. Gaëtan Gorce sur le service européen d’action extérieure, déposée le 15 juin 2010,

(Alinéa sans modification)

Rappelant que :

(Alinéa sans modification)

– l’enjeu pour l’Union européenne est de conjurer le risque d’une perte d’influence internationale et de constituer dans le nouveau monde multipolaire un partenaire capable d’engager l’Union européenne et de parler d’une seule voix sur une politique extérieure globale et cohérente,

(Alinéa sans modification)

– le défi est d’organiser une capacité de l’Europe à agir collectivement à l’extérieur dans une union de vingt-sept États membres qui n’est pas un État fédéral, et dont la politique extérieure commune se divise entre, d’une part, une politique étrangère et de sécurité commune et une politique de sécurité et de défense commune relevant des procédures de la coopération intergouvernementale entre les États membres, et, d’autre part, les autres domaines de l’action extérieure de l’Union européenne relevant des procédures de l’intégration communautaire,

(Alinéa sans modification)

– la solution du traité de Lisbonne n’a pas été de fusionner les deux logiques mais de surmonter ce clivage en organisant un nouvel équilibre des pouvoirs et en procédant à une innovation majeure, la création d’un Haut représentant/Vice-président de la Commission et d’un service européen d’action extérieure, sous son autorité,

(Alinéa sans modification)

Considérant qu’après quinze ans de débats institutionnels, il faut donner sa chance au nouveau traité et l’appliquer loyalement pour donner une chance à l’Europe de passer à l’action, car le monde ne l’attendra pas,

(Alinéa sans modification)

1. Appelle toutes les parties à geler la controverse institutionnelle entre fédéralistes et intergouvernementalistes pour ne pas gâcher les avancées du traité de Lisbonne dans le domaine de la politique extérieure européenne ;

1. (Sans modification)

2. Approuve la position du Gouvernement dans les négociations en cours sur l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure,

2. Invite à organiser le service européen d’action extérieure de manière que la haute représentante/vice-présidente puisse exercer la plénitude des pouvoirs que lui a confiés le traité de Lisbonne, dans l’intérêt de la cohérence de la politique extérieure européenne et dans le respect des compétences des autres institutions ;

3.  Invite …..

3. Approuve les principes retenus dans le projet de décision sur le service européen d’action extérieure par l’accord politique du Conseil du 26 avril, en particulier l’autonomie budgétaire et administrative du service par rapport à la Commission et l’égalité de traitement entre les personnels des États membres, du Conseil et de la Commission, ainsi que l’intégration et l’autonomie des structures de la politique de sécurité et de défense commune et de gestion de crises dans le service européen d’action extérieure sous l’autorité directe de la haute représentante ;

4. Approuve ….

4. Regrette que, contrairement aux dispositions du traité conférant un rôle de coordination générale à la haute représentante, celle-ci n’ait pas reçu, en tant que vice-présidente de la Commission, les attributions de l’ancienne commissaire chargée des relations extérieures, en particulier la politique de voisinage, et que le périmètre de ce service n’inclue pas la politique commerciale ni l’élargissement ;

5. Regrette …

ni l’élargissement, ni l’aide au développement ;

5. Rappelle que la mission de coordination de la politique extérieure européenne confiée par le traité à la haute représentante/vice-présidente ne s’arrête pas à la gestion des crises ; demande, par conséquent, la création d’un mécanisme de coordination de l’action extérieure, présidé par la haute représentante /vice-présidente ou son représentant, autonome au sein de la Commission et couvrant le domaine des relations extérieures ainsi que le volet externe des politiques internes de l’Union ;

6.  Rappelle…

6. Considère que la supervision et le contrôle directs par les deux commissaires chargés du développement et de la politique européenne de voisinage sur la programmation des trois plus importants instruments d’assistance financière aux pays tiers dépouillent la haute représentante de son pouvoir d’orientation stratégique et demande, pour que la transmission conjointe des propositions par le commissaire compétent et la haute représentante à la Commission ne se transforme pas en une procédure formelle, qu’elles soient soumises conjointement « et en accord » avec la haute représentante ;

7.  Considère…

…demande que celle-ci soit pleinement associée à l’élaboration des propositions de la Commission dans ces domaines ;

7. Demande au gouvernement d’assurer, au sein du service européen d’action extérieure, une représentation suffisante de la France à tous les échelons et de garantir la place de la langue française comme langue de travail et de communication du service, en son sein comme avec les citoyens de l’Union européenne, les pays tiers et les organisations internationales ;

8. Demande….

 

9. Demande au Gouvernement de veiller à ce que la mise en place du service européen pour l’action extérieure ne se traduise pas par des doubles emplois et des dépenses redondantes au sein du budget de l’Union européenne ;

 

10. Suggère que la mise en place de ce service soit l’occasion d’une réflexion sur l’organisation des réseaux consulaires de l’ensemble des États membres, dans un triple but d’amélioration du service rendu aux ressortissants de l’Union, de rationalisation budgétaire et de consolidation de la politique d’immigration ;

8. Invite la haute représentante, en accord avec le président du Conseil européen, à proposer aux États membres de s’engager dans un processus de convergence de leurs politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune. Ce processus comprendrait :

11. Invite…

– sur proposition de la haute représentante, un examen complet du champ de la politique étrangère et de sécurité commune, afin d’identifier les domaines où les États membres pourraient soit renforcer leur coopération soit mener une politique commune,

(Alinéa sans modification)

– l’adoption de programmes de convergence dans ces domaines par le Conseil européen, sur proposition de la haute représentante après avis du Conseil des affaires étrangères,

(Alinéa sans modification)

– la présentation par la haute représentante d’un rapport annuel sur les progrès de la convergence au sein de la politique étrangère et de sécurité commune au Parlement européen et aux parlements nationaux ;

(Alinéa sans modification)

9. Propose d’organiser un contrôle global et cohérent par les parlements nationaux et le Parlement européen de la politique extérieure européenne, à partir des considérations suivantes :

12.  Propose…

– la coopération interparlementaire permet de débattre et éventuellement d’adopter des positions communes indicatives, mais le Parlement européen et les parlements nationaux restent libres d’exercer leur contrôle respectif dans le cadre des compétences fixées par le traité et les constitutions nationales,

(Alinéa sans modification)

– la coopération interparlementaire doit à la fois respecter la délimitation des espaces respectifs de contrôle parlementaire par le traité et refléter la volonté du traité de dépasser la fragmentation des politiques pour assurer la cohérence d’une politique extérieure,

(Alinéa sans modification)

– l’organisation de la coopération interparlementaire doit donc être suffisamment souple pour que, selon les cas, le Parlement européen puisse débattre avec les parlements nationaux de la politique de défense qui relève en principe des seuls parlements nationaux, mais aussi que les parlements nationaux puissent débattre avec le Parlement européen de tous les aspects d’une politique extérieure globale et cohérente, y compris des relations extérieures de l’Union ou des volets extérieurs des politiques communes lorsqu’ils interagissent avec la politique étrangère et de sécurité commune ;

(Alinéa sans modification)

10. Propose d’instaurer un débat sur la politique extérieure commune dans le cadre du rendez-vous annuel sur l’« état de l’Union » que la Commission des affaires européennes a appelé de ses vœux, rassemblant le Conseil, la Commission, le Parlement européen, les parlements nationaux, au cours duquel toutes les institutions, en particulier le président du Conseil européen et le président de la Commission européenne, adresseraient aux citoyens européens un message clair sur l’avenir du projet européen.

13.  Propose…

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
SUR LA RÉFORME DE LA GOUVERNANCE
DE LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE L’UNION EUROPÉENNE
ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le Traité sur l’Union européenne et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier :

– l’article 18 § 4 du Traité sur l’Union européenne selon lequel le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité « est chargé, au sein de la Commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’Union. […] »,

– l’article 27 § 3 du Traité sur l’Union européenne instituant le service européen pour l’action extérieure,

– l’article 32 premier alinéa du Traité sur l’Union européenne aux termes duquel « les États membres assurent, par la convergence de leurs actions, que l’Union puisse faire valoir ses intérêts et ses valeurs sur la scène internationale. […] »,

– le Protocole n°1 sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne annexé au Traité sur l’Union européenne et au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

– les déclarations nos 13, 14 et 15 annexées au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le rapport de la présidence suédoise au Conseil européen sur le service européen pour l’action extérieure (doc. n° 14930/09), approuvé par le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009,

Vu le projet de décision du Conseil en date du 25 mars 2010 fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (doc. n° 8029/10),

Vu la note de la Haute représentante au COREPER en date du 22 avril 2010, portant annexe à la proposition précitée de décision du Conseil (doc. n° 8870/10, texte E 5220),

Vu la note de la présidence espagnole au Conseil en date du 23 avril 2010, portant compromis de la présidence sur la proposition de décision du Conseil fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (doc. n° 8724/1/10 REV1),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil en date du 24 mars 2010, modifiant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes en ce qui concerne le service européen pour l’action extérieure (doc. COM(2010) 85 final, texte E 5216),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil en date du 9 juin 2010, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes et le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (doc. COM (2010) 309 final),

Vu la résolution européenne n° 86 adoptée par le Sénat, le 11 avril 2010, sur le suivi parlementaire de la politique de sécurité et de défense commune,

Vu la proposition de résolution européenne n° 2625 de Mme Nicole Ameline et de M. Gaëtan Gorce sur le service européen d’action extérieure, déposée le 15 juin 2010,

Vu la communication du Président Pierre Lequiller sur la modernisation du contrôle parlementaire de l’Union européenne présentée le 27 mai 2009 à la Commission des affaires européennes, proposant la création d’un rendez-vous annuel sur « l’état de l’Union »,

Rappelant que :

– l’enjeu pour l’Union européenne est de conjurer le risque d’une perte d’influence internationale et de constituer dans le nouveau monde multipolaire un partenaire capable d’engager l’Union européenne et de parler d’une seule voix sur une politique extérieure globale et cohérente,

– le défi est d’organiser une capacité de l’Europe à agir collectivement à l’extérieur dans une union de vingt-sept États membres qui n’est pas un État fédéral, et dont la politique extérieure commune se divise entre, d’une part, une politique étrangère et de sécurité commune et une politique de sécurité et de défense commune relevant des procédures de la coopération intergouvernementale entre les États membres, et, d’autre part, les autres domaines de l’action extérieure de l’Union européenne relevant des procédures de l’intégration communautaire,

– la solution du traité de Lisbonne n’a pas été de fusionner les deux logiques mais de surmonter ce clivage en organisant un nouvel équilibre des pouvoirs et en procédant à une innovation majeure, la création d’un Haut représentant / Vice-président de la Commission et d’un service européen pour l’action extérieure, sous son autorité,

Considérant qu’après quinze ans de débats institutionnels, il faut donner sa chance au nouveau traité et l’appliquer loyalement pour donner une chance à l’Europe de passer à l’action, car le monde ne l’attendra pas,

1. Appelle toutes les parties à geler la controverse institutionnelle entre fédéralistes et intergouvernementalistes pour ne pas gâcher les avancées du traité de Lisbonne dans le domaine de la politique extérieure européenne ;

2. Approuve la position du Gouvernement dans les négociations en cours sur l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure ;

3. Invite à organiser le service européen pour l’action extérieure de manière que la Haute représentante / Vice-présidente puisse exercer la plénitude des pouvoirs que lui a confiés le traité de Lisbonne, dans l’intérêt de la cohérence de la politique extérieure européenne et dans le respect des compétences des autres institutions ;

4. Approuve les principes retenus dans le projet de décision sur le service européen pour l’action extérieure par l’accord politique du Conseil du 26 avril, en particulier l’autonomie budgétaire et administrative du service par rapport à la Commission et l’égalité de traitement entre les personnels des États membres, du Conseil et de la Commission, ainsi que l’intégration et l’autonomie des structures de la politique de sécurité et de défense commune et de gestion des crises dans le service européen pour l’action extérieure sous l’autorité directe de la Haute représentante ;

5. Regrette que, contrairement aux stipulations du traité conférant un rôle de coordination générale à la Haute représentante, celle-ci n’ait pas reçu, en tant que Vice-présidente de la Commission, les attributions de l’ancienne commissaire chargée des relations extérieures, en particulier la politique de voisinage, et que le périmètre de ce service n’inclue ni la politique commerciale, ni l’élargissement, ni l’aide au développement ;

6. Rappelle que la mission de coordination de la politique extérieure confiée par le traité à la Haute représentante / Vice-présidente ne s’arrête pas à la gestion des crises ; demande, par conséquent, la création d’un mécanisme de coordination de l’action extérieure, présidé par la Haute représentante / Vice-présidente ou son représentant, autonome au sein de la Commission et couvrant le domaine des relations extérieures ainsi que le volet externe des politiques internes de l’Union ;

7. Considère que la supervision et le contrôle directs, par les deux commissaires chargés du développement et de la politique de voisinage, sur la programmation des trois principaux instruments d’assistance financière aux pays tiers, dépouillent la Haute représentante de son pouvoir d’orientation stratégique et demande que celle-ci soit pleinement associée à l’élaboration des propositions de la Commission dans ces domaines ;

8. Demande au Gouvernement d’assurer, au sein du service européen pour l’action extérieure, une représentation suffisante de la France à tous les échelons et de garantir la place de la langue française comme langue de travail et de communication du service, en son sein comme avec les citoyens de l’Union européenne, les pays tiers et les organisations internationales ;

9. Demande au Gouvernement de veiller à ce que la mise en place du service européen pour l’action extérieure ne se traduise pas par des doubles emplois et des dépenses redondantes au sein du budget de l’Union européenne ;

10. Suggère que la mise en place de ce service soit l’occasion d’une réflexion sur l’organisation des réseaux consulaires de l’ensemble des États membres, dans un triple but d’amélioration du service rendu aux ressortissants de l’Union, de rationalisation budgétaire et de consolidation de la politique d’immigration ;

11. Invite la Haute représentante, en accord avec le président du Conseil européen, à proposer aux États membres de s’engager dans un processus de convergence de leurs politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune. Ce processus comprendrait :

– sur proposition de la Haute représentante, un examen complet du champ de la politique étrangère et de sécurité commune, afin d’identifier les domaines où les États membres pourraient, soit renforcer leur coopération, soit mener une politique commune,

– l’adoption de programmes de convergence dans ces domaines par le Conseil européen, sur proposition de la Haute représentante après avis du Conseil « Affaires étrangères » ;

– la présentation par la Haute représentante d’un rapport annuel sur les progrès de la convergence au sein de la politique étrangère et de sécurité commune au Parlement européen et aux parlements nationaux ;

12. Propose d’organiser un contrôle global et cohérent par les parlements nationaux et le Parlement européen de la politique extérieure européenne, à partir des considérations suivantes :

– la coopération interparlementaire permet de débattre et éventuellement d’adopter des positions communes indicatives, mais le Parlement européen et les parlements nationaux restent libres d’exercer leur contrôle respectif dans le cadre des compétences fixées par le traité et les constitutions nationales,

– la coopération interparlementaire doit à la fois respecter la délimitation des espaces respectifs de contrôle parlementaire par le traité et refléter la volonté du traité de dépasser la fragmentation des politiques pour assurer la cohérence d’une politique extérieure,

– l’organisation de la coopération interparlementaire doit donc être suffisamment souple pour que, selon les cas, le Parlement européen puisse débattre avec les parlements nationaux de la politique de défense qui relève en principe des seuls parlements nationaux, mais aussi que les parlements nationaux puissent débattre avec le Parlement européen de tous les aspects d’une politique extérieure globale et cohérente, y compris des relations extérieures de l’Union ou des volets extérieurs des politiques communes lorsqu’ils interagissent avec la politique étrangère et de sécurité commune ;

13. Propose d’instaurer un débat sur la politique extérieure commune dans le cadre du rendez-vous annuel sur « l’état de l’Union » que la Commission des affaires européennes a appelé de ses vœux, rassemblant le Conseil, la Commission, le Parlement européen, les parlements nationaux, au cours duquel toutes les institutions, en particulier le président du Conseil européen et le président de la Commission européenne, adresseraient aux citoyens européens un message clair sur l’avenir du projet européen.

ANNEXE 1 : PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 2625) SUR LE SERVICE EUROPÉEN D’ACTION EXTÉRIEURE,
DÉPOSÉE PAR MME NICOLE AMELINE ET M. GAËTAN GORCE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la résolution européenne n° 86 adoptée par le Sénat, le 11 avril 2010, sur le suivi parlementaire de la politique de sécurité et de défense commune,

Vu le Traité sur l’Union européenne et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier les articles 18, 27 et 32 du Traité sur l’Union européenne, le Protocole n°1 sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne annexé au Traité sur l’Union européenne et au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et les déclarations nos 13, 14 et 15 annexées au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le rapport de la présidence suédoise au Conseil européen sur le service européen pour l’action extérieure (doc. n° 14930/09), approuvé par le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009,

Vu le projet de décision du Conseil en date du 25 mars 2010 fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (doc. n° 8029/10),

Vu la note de la Haute représentante au COREPER en date du 22 avril 2010, portant annexe à la proposition précitée de décision du Conseil (doc. n° 8870/10, texte E 5220),

Vu la note de la présidence espagnole au Conseil en date du 23 avril 2010, portant compromis de la présidence sur la proposition de décision du Conseil fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (doc. n° 8724/1/10 REV1),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil en date du 24 mars 2010, modifiant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes en ce qui concerne le service européen pour l’action extérieure (doc. COM(2010) 85 final, texte E 5216),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil en date du 9 juin 2010, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes et le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (doc. COM (2010) 309 final),

Considérant que l’Union européenne n’a jamais été aussi visible sur la scène internationale que lors de la résolution des crises intervenues au cours de la présidence française du deuxième semestre de 2008, sous le régime du Traité de Nice ; qu’en l’espèce la question du leadership était motrice ; qu’à l’avenir l’amélioration de la gouvernance de l’Union en matière d’action extérieure, prévue par le Traité de Lisbonne, permettra de pallier l’éventuelle absence momentanée de leadership ; que par conséquent les modalités de cette gouvernance sont un enjeu majeur pour l’Union ;

Considérant que, du fait de l’absence d’une culture diplomatique commune entre les États membres et les institutions communautaires chargées, à des degrés divers, de mettre en œuvre l’action extérieure de l’Union européenne, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) doit, par sa configuration et ses procédures, créer les conditions de l’émergence d’une telle culture diplomatique commune ; que par conséquent la configuration et les procédures propres au SEAE sont d’une importance cruciale et méritent d’être traitées comme telles ;

Considérant que Mme Ashton n’est pas, en tant que Haute représentante, responsable devant le Parlement européen, par exemple sur les orientations de la PESC ; qu’en revanche, elle est bien responsable devant le Parlement européen sur les questions relatives au fonctionnement de son service ;

Considérant que ce n’est pas le collège des commissaires mais Mme Ashton seule qui exerce les fonctions de chef du SEAE ; que ce principe vaut tout particulièrement pour les questions de sécurité et de défense ;

Considérant que Mme Ashton ayant un mandat du Conseil, elle dispose de l’autorité que lui apporte le Conseil pour exercer sa mission de coordination de l’ensemble des politiques externes ;

Considérant que la création du SEAE n’emporte aucun nouveau transfert de compétences des États membres vers l’échelon communautaire ; qu’en conséquence il n’y a pas lieu de prévoir un accroissement des pouvoirs de contrôle du Parlement européen au prétexte que celui-ci serait le seul à même d’exercer sur le Service un contrôle démocratique que les parlements nationaux auraient perdu ;

Considérant qu’un accord politique étant intervenu entre tous les États membres au sein du Conseil d’une part, et la Commission d’autre part, le Parlement européen ayant été largement consulté, les prescriptions du Traité ont été remplies ; que de ce fait tout atermoiement supplémentaire ne relèverait que d’un dysfonctionnement institutionnel et non du dialogue normal entre institutions ;

1. Apporte son soutien à la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, chargée de proposer au Conseil une décision sur l’organisation et le fonctionnement du Service européen pour l’action extérieure, en l’appelant à préserver le caractère sui generis de la fonction qu’elle inaugure, notamment en distinguant entre les attributions au titre desquelles elle est responsable devant le Parlement européen et celles sur lesquelles ce dernier n’a pas à exercer de contrôle,

2. Encourage le Gouvernement à maintenir fermement cette position dans les négociations en cours avec le Parlement européen,

3. Regrette que le Parlement européen, outrepassant les pouvoirs à lui confiés par le Traité, ait pris en otage la décision du Conseil sur l’organisation et le fonctionnement du SEAE, retardant la mise en place d’un élément essentiel de l’accroissement de la place de l’Union européenne dans le monde,

4. Appelle, en vue d’une mise en place effective du SEAE à l’automne 2010, à une conclusion rapide des négociations entre, d’une part, la Haute représentante, mandatée par le Conseil des ministres et la Commission européenne, et d’autre part, les représentants du Parlement européen, qui épouse les termes de l’accord politique entériné par le Conseil le 26 avril 2010,

5. Souscrit en particulier à la création d’un service autonome sur les plans administratif et budgétaire, équidistant de la Commission et du Conseil,

6. Plaide pour que la mission de la Haute représentante, Vice-présidente de la Commission, consistant à coordonner l’action des commissaires en charge du développement, de la coopération internationale, de l’aide humanitaire et de la réaction aux crises, de la politique de voisinage ainsi que des aspects externes des politiques internes de l’Union, soit pleinement exercée et fasse l’objet d’un suivi régulier, par exemple au moyen d’un mécanisme de coordination ad hoc,

7. Insiste pour que, au sein du SEAE, soient préservées les particularités des structures de la politique de sécurité et de défense commune et de gestion des crises, en les rattachant directement à la Haute représentante et au secrétaire général,

8. Approuve le projet d’organigramme reflétant l’accord politique du 26 avril 2010 et notamment la présence au sommet de l’administration du SEAE d’un secrétaire général fort et polyvalent, assisté de deux adjoints et investi d’une fonction de représentation de la Haute représentante, le cas échéant,

9. Demande au Gouvernement d’œuvrer dans le sens des recommandations ci-dessus formulées, à l’occasion de toute négociation formelle ou informelle devant conduire à l’adoption de la décision du Conseil sur l’organisation et le fonctionnement du SEAE, ainsi que durant toute la période de mise en place concrète du service,

10. Recommande un règlement à brève échéance des questions d’organisation encore en suspens, telles que le périmètre de transfert au SEAE des personnels de la Commission et du Secrétariat général du Conseil, et l’organisation de la représentation extérieure de l’Union européenne dans les enceintes multilatérales – à New York et à Genève en particulier –,

11. Appelle de ses vœux, une fois le SEAE installé, la mise en œuvre volontariste d’une étroite coordination en matière de politique étrangère de l’Union, sous la houlette de la Haute représentante / Vice-présidente, en recherchant le maximum de visibilité sur la scène internationale, dans les enceintes multilatérales et dans chaque pays tiers où une délégation de l’Union est implantée, et en systématisant la recherche d’un consensus ambitieux qui ne consiste pas à « se taire d’une seule voix » mais au contraire à parler haut et clair pour défendre les valeurs et les intérêts de l’Union européenne dans le monde,

12. Souligne la nécessité, pour assurer le dynamisme du SEAE, de diversifier son recrutement en termes de profil, d’origine géographique et de genre, et d’enjoindre aux États membres de valoriser la carrière de leurs agents ayant accompli une partie de leur parcours au sein du service,

13. Estime indispensable d’organiser un suivi régulier de l’activité du SEAE par les Parlements nationaux et d’organiser à cette fin une coordination interparlementaire efficace ainsi que des auditions périodiques de la Haute représentante devant les parlements nationaux, notamment ceux des États membres qui contribuent le plus aux opérations PESC / PSDC.

ANNEXE 2 : LISTE DES AUDITIONS

• À Bruxelles

Le 8 avril 2010 :

– M. Philippe Leglise-Costa, Représentant permanent adjoint de la France auprès de l’Union européenne

– M. Pierre de Boissieu, Secrétaire général du Conseil de l’Union européenne

– M. João Vale de Almeida, directeur général des relations extérieures à la Commission européenne

– M. Christian Leffler, conseiller de Mme Catherine Ashton sur la mise en place du SEAE

Le 2 juin 2010 :

– Participation à la réunion interparlementaire organisée par la commission des affaires étrangères du Parlement européen, présidée par M. Gabriele Albertini, 23 parlements nationaux étant représentés, en présence de M. Poul Skytte Christoffersen, conseiller spécial de Mme Catherine Ashton sur la mise en place du SEAE et de Mme Irène Souka, directrice générale de la Commission européenne en charge des ressources humaines et de la sécurité.

– Mme Claire Raulin, conseillère « Antici » auprès du Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne

– M. Giles Merritt, Secrétaire général du groupe de réflexion Friends of Europe.

• À Paris

Le 27 mai 2010 :

– M. Jean-Michel Casa, directeur de l’Union européenne au ministère des Affaires étrangères et européennes

– Mme Emmanuelle d’Achon, chargée par le Secrétaire général du MAEE d’une mission sur la présence française au sein du SEAE

– M. Philippe Setton, chef du service des politiques internes et des questions institutionnelles à la direction de l’Union européenne

– M. Nicolas Suran, chef du service des relations extérieures de l’Union à la direction de l’Union européenne.

Le 3 juin 2010 :

– M. Pierre Sellal, Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et européennes, accompagné de M. Laurent Pic, chargé de mission au secrétariat général.

© Assemblée nationale

1 () Voir le rapport d’information de Mme Elisabeth Guigou et de M. Yves Bur au nom de la commission des affaires européennes, sur la réforme de la gouvernance de la politique extérieure de l’Union européenne (n° 2631).

2 () La rubrique du budget intitulée « L’Union en tant que partenaire mondial » recouvre les instruments suivants : l’aide de préadhésion (Instrument de préadhésion – IPA), la politique de voisinage (Instrument européen de voisinage et de partenariat – IEVP), la promotion des droits de l’homme et de la démocratie (Instrument pour la démocratie et les droits de l’homme – IDDH), la coopération au développement hors pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Instrument de coopération au développement – ICD) et la coopération avec les pays industrialisés (Instrument pour les pays industrialisés – IPI). Ces instruments sont complétés par d’autres mécanismes plus ponctuels.

3 () Rapport final du Groupe de travail VII – « Action extérieure de l’UE », doc. CONV 459/02, 16 décembre 2002.

4 () C’est ce que rapporte M. Etienne de Poncins, diplomate français membre du secrétariat de la Convention, dans son ouvrage Vers une Constitution européenne. Texte commenté du projet de traité constitutionnel établi par la Convention européenne, novembre 2003.

5 () Rapport sur la délimitation des compétences entre l’Union européenne et les États membres (2001/2024(INI)) au nom de la Commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, 24 avril 2002.

6 () Contribution franco-allemande à la Convention européenne sur l’architecture institutionnelle de l’Union, doc. CONV 489/03, 16 janvier 2003.

7 () Doc. COM(2010) 85 final (texte E 5216), 24 mars 2010.

8 () Doc. COM(2010) 309 final, 9 juin 2010.

9 () Cette estimation, par définition hypothétique à ce stade, est considérée comme « le haut de la fourchette ». Un tel volume de personnels représente cependant environ la moitié d’un service diplomatique d’un État comme la France ou le Royaume-Uni.

10 () Cette proposition de résolution, déposée le 15 juin 2010 (doc. AN n° 2625), est jointe en annexe au présent rapport.

11 () Traduction de courtoisie : « Chaque création nouvelle suscite des résistances. Certains préfèrent limiter ce qu’ils perçoivent comme une perte d’influence individuelle, au lieu d’accroître les gains collectifs. Je vois les choses différemment et j’espère que ce Parlement aussi.

« Nous avons l’occasion, qui ne se présente qu’une seule fois par génération, de construire un instrument qui réconcilie enfin tous les outils dont nous disposons, au service d’une seule et même stratégie politique.

« C’est une chance immense pour l’Europe. Plutôt que d’en rabattre, nous devrions nous donner les moyens de concrétiser notre ambition. L’heure est venue de voir les choses en grand, d’être inventifs et de prendre collectivement nos responsabilités.

« Si nous y arrivons – et nous le devons –, nous pourrons bâtir une politique étrangère européenne pour le 21e siècle, qui s’appuie sur un service extérieur conçu dans ce but. Un service où convergent tous nos leviers d’influence – la politique, l’économie, le développement et la gestion des crises – de façon coordonnée. Un service représentatif de l’UE, équilibré géographiquement ainsi qu’entre hommes et femmes. C’est la seule solution acceptable. »

12 () « Après le traité de Lisbonne : l’Union européenne a-t-elle enfin un numéro de téléphone ? », in Questions d’Europe n°151, 30 novembre 2009.

13 () Voir à ce sujet les analyses de l’une de vos Rapporteurs : L’Europe dans le monde : de la présence à la puissance, rapport d’information de Mme Nicole Ameline au nom de la commission des affaires étrangères sur l’influence européenne au sein du système international, doc. AN n° 1242, décembre 2008.

14 () Le Service européen pour l’action extérieure : vers une diplomatie commune ?, in Questions d’Europe n° 169, 17 mai 2010.