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N
° 2643

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 juin 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2278, autorisant la ratification du traité entre le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne EUROGENDFOR,

par M. Alain NÉRI

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – LA FORCE DE GENDARMERIE EUROPÉENNE, DEJÀ OPERATIONNELLE 7

A – UNE STRUCTURE DÉJÀ EXISTANTE 7

1) Un centre permanent de planification et de commandement 8

2) La mise en commun de capacités nationales 8

B – DES OPÉRATIONS EN COURS QUI SOULIGNENT CERTAINES DIFFICULTÉS 9

C – UNE INITIATIVE CONFORME AUX INTÉRÊTS DE LA FRANCE 9

II – UNE CONVENTION UTILE POUR ASSURER JURIDIQUEMENT LE STATUT DE LA FORCE 11

A – UN TRAITÉ INSPIRÉ DE LA DÉCLARATION D’INTENTION 11

B – UNE PLUS GRANDE SÉCURITÉ JURIDIQUE 13

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

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ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 25

Mesdames, Messieurs,

Sur la base d’une déclaration d’intentions signée en 2004 par cinq Etats, une force de gendarmerie européenne a commencé à être constituée, et a lancé sa première opération en Bosnie-Herzégovine, en 2007.

La possibilité de disposer d’unités de police à statut militaire pour mener à bien les interventions extérieures contemporaines est un atout non négligeable. Les forces armées sont en effet engagées dans des opérations de plus en plus complexes, qui mêlent intimement les dimensions civile, comme le maintien de l’ordre ou la formation de forces de sécurité intérieure, et militaire, qui nécessite des hommes et des matériels adaptés.

Les unités de police à statut militaire, comme la gendarmerie française, peuvent intervenir sur l’ensemble de ce spectre d’opérations, de la fin des affrontements armés à la constitution de forces locales aptes à garantir la sécurité des populations.

Trois ans après avoir signifié leur engagement de mettre en commun leurs capacités dans ce domaine, les cinq pays à l’origine de cette initiative, la France, l’Italie, le Portugal, l’Espagne et les Pays-Bas, ont signé, le 18 octobre 2007 à Velsen (Pays-bas), un traité portant création de la force de gendarmerie européenne.

Cette convention, qui fait l’objet du présent projet de loi, permet de préciser les derniers points laissés en suspens par la déclaration d’intention de 2004. Il donne ainsi un cadre juridique plus stable à une coopération européenne intervenant dans un domaine clé pour l’avenir.

I – LA FORCE DE GENDARMERIE EUROPÉENNE, DEJÀ OPERATIONNELLE

Les conclusions de plusieurs conseils européens, notamment ceux de Santa Maria de Feira (Portugal) et de Nice en 2000, plaidaient pour une coopération accrue entre pays européens afin de mettre en commun des capacités dans le domaine des forces de police « solides, à déploiement rapide, flexibles et inter-opérables ». Les conclusions de Nice faisaient, pour leur part, directement référence aux forces de police à statut militaire.

Sans qu’il n’ait été besoin de recourir aux instruments juridiques communautaires, comme la coopération renforcée, cinq Etats membres ont choisi, sur proposition française, de poursuivre cet objectif. La signature d’une déclaration d’intention le 17 septembre 2004 à Noordwijk (Pays-Bas) a permis de poser les premiers jalons de la force de gendarmerie européenne (FGE).

La déclaration d’intention prévoit ainsi que la force soit mise au service de l’Union européenne. Toutefois, la FGE peut également intervenir dans le cadre d’opérations décidées par d’autres organisations internationales, notamment l’ONU et l’OTAN, ou de coalitions ad hoc.

Ces premières étapes ont permis d’engager la FGE sur le terrain. La force participe ainsi à trois opérations internationales d’envergure, en Afghanistan, à Haïti et en Bosnie-Herzégovine.

A – Une structure déjà existante

Dirigée par un comité interministériel de haut niveau (CIMIN) regroupant les représentants des six Etats participant à la force (1), la FGE dispose d’un quartier général, installé à Vicence, en Italie. Etat-major permanent et projetable, il est doté de personnels propres, notamment des officiers et sous-officiers détachés par les nations contributrices.

En revanche, la force ne dispose pas de capacités propres d’intervention. Sur la base des décisions du CIMIN, elle a donc recours aux forces de police à statut militaire des Etats qui y participent.

1) Un centre permanent de planification et de commandement

La FGE est dotée d’un quartier général permanent et projetable, implanté à Vicence, en Italie. Commandé par un officier des carabiniers italiens, le colonel Truglio, qui a remplacé à ce poste le général de brigade français Gérard Déanaz, premier commandant historique de la FGE, le quartier général est chargé de la planification opérationnelle des déploiements de la FGE.

Composé de 36 officiers et sous-officiers, dont 6 Français, son budget est financé par les contributions de chaque Etat membre. Sur un total de 266 000 euros en 2009, la France a versé 53 000 euros. Première contributrice, l’Italie finance le budget de l’état-major permanent à hauteur de 94 000 euros.

Les prévisions pour 2010 font état d’une augmentation significative du budget de l’état-major, qui passerait à 292 000 euros, soit environ 10 % d’augmentation. Les sommes représentées par les contributions nationales restent toutefois modestes, notre pays ayant budgété 56 000 euros pour 2010.

L’état-major met en œuvre les décisions du CIMIN, seul habilité à choisir les opérations auxquelles la FGE peut participer. Sur le terrain, les décisions sont prises par trois unités distinctes : un état-major international pour le commandement tactique, un groupement opérationnel composé d’unités de police intégrées – appelé parfois IPU-FPU – orienté vers les missions de sécurité publique générale et de maintien de l’ordre, et une composante logistique. L’état-major de la FGE est intégré à la chaîne de commandement à laquelle la FGE participe.

2) La mise en commun de capacités nationales

La FGE est censée pouvoir déployer 800 hommes en moins de 30 jours, et soutenir un effort de 2 300 personnels, comprenant les capacités fournies par des Etats tiers contributeurs. Toutefois, ces chiffres restent théoriques.

En effet, l’engagement d’unités de police à statut militaire dans le cadre de la force de gendarmerie européenne n’est possible que lorsqu’il s’accompagne d’une décision du comité interministériel. Les Etats se contentent ainsi d’annoncer une contribution maximale possible, sur la base de laquelle sont construites les perspectives opérationnelles pour l’année à venir. A titre d’exemple, la France a déclaré, pour 2010, trois unités de gendarmes, soit un maximum théorique de 350 hommes.

Dotée d’un état-major permanent, et de forces adaptées aux missions qui sont les siennes, la FGE a déjà pu participer à trois opérations importantes. Certaines d’entre elles ont montré que les objectifs de la force étaient parfois difficiles à atteindre.

B – Des opérations en cours qui soulignent certaines difficultés

Depuis 2007, la force de gendarmerie européenne est engagée dans trois opérations. Historiquement, la première a été déployée en Bosnie-Herzégovine. Elle a été suivie par une intervention en Afghanistan et, plus récemment, d’un déploiement en urgence à Haïti.

La FGE participe ainsi, en se plaçant au service de l’Union européenne, à l’opération Althea en Bosnie-Herzégovine, depuis novembre 2007. Cette mission, dont l’opportunité devrait être réévaluée par le CIMIN après les élections bosniaques d’octobre 2010, mobilise 124 personnels de la FGE, dont quatre gendarmes français. Les personnels de la FGE représentent la grande majorité des personnels de police déployés par l’Union européenne dans le cadre de son opération.

En Afghanistan, la FGE participe, depuis le 8 décembre 2009, à la formation des forces de police afghanes. Effectuée au profit de l’OTAN, dans le cadre de l’opération NTM-A (Nato training mission – Afghanistan), cette mission mobilise 276 personnels, parmi lesquels 128 Français.

Enfin, depuis le 12 février 2010, la FGE participe à l’opération MINUSTAH, la mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti. 147 gendarmes français participent à un effort global de 270 personnels, la plupart avec des durées d’engagement sur place limitées a priori. L’engagement français a été prolongé au-delà du 1er juin 2010, alors que l’Espagne a annoncé le retrait de ses 23 gardes civils dès le mois d’août prochain.

Tributaire des efforts consentis par les Etats au cas par cas, la FGE a parfois rencontré quelques difficultés pour mobiliser les moyens, humains et matériels, nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

Ainsi, les Pays-Bas n’ont pu assurer le déploiement des 60 personnels prévus pour participer à l’opération de la force en Haïti, faute d’un soutien logistique suffisant. En effet, la FGE ne prévoyant pas de budget d’investissement, elle n’est pas en mesure de se projet sur un théâtre extérieur sans le soutien d’une organisation internationale.

C – Une initiative conforme aux intérêts de la France

La force de gendarmerie européenne permet d’accomplir des missions indispensables au succès des opérations dans lesquelles des forces militaires françaises sont engagées. En démultipliant les moyens d’action de la gendarmerie française, elle permet ainsi d’alléger un peu le fardeau des seules forces françaises bénéficiant de la double compétence policière et militaire.

Ainsi, la FGE permet de valoriser à l’extérieur le modèle de forces de police à statut militaire, auquel la France est particulièrement attachée. La déclaration d’intention de 2004 prévoit ainsi d’accorder aux nations ne disposant pas d’unités de ce type, mais désireuses de participer à l’initiative européenne, de bénéficier du statut d’Etat partenaire.

A ce jour, la Pologne, en 2007, et la Lituanie, en 2009, se sont vues octroyer le statut de partenaire. L’octroi du statut de partenaire a incité ces deux pays à rapprocher le statut de certaines de leurs forces de sécurité, la gendarmerie militaire polonaise et le service de sécurité public lituanien, du standard commun aux cinq forces déjà associées au sein de la FGE, à savoir la gendarmerie française, la garde civile espagnole, les carabiniers italiens, la garde nationale républicaine portugaise, la gendarmerie roumaine et la maréchaussée royale néerlandaise.

La force de gendarmerie européenne a donc déjà permis de valoriser le modèle de forces de police à statut militaire, dont bénéficie la gendarmerie française, notamment à travers les trois opérations qu’elle conduit. Elle souligne l’intérêt, dans le cadre de conflits de plus en plus complexes, de disposer de forces polyvalentes, interopérables et aptes à intervenir sur un large éventail de mission, de la fin des opérations militaires proprement dite au rétablissement d’autorités locales aptes à assurer la sécurité des populations.

Si ces progrès ont été permis dans le seul cadre de la déclaration d’intention de 2004, la convention de 2007 permet de lever les dernières incertitudes liées notamment au statut juridique de la FGE.

II – UNE CONVENTION UTILE POUR ASSURER JURIDIQUEMENT LE STATUT DE LA FORCE

La convention signée le 18 octobre 2007 entre les cinq Etats fondateurs de la force de gendarmerie européenne, parfois appelée « EUROGENDFOR », remplace la déclaration d’intention signée entre ces mêmes pays en 2004.

Elle en reprend, nécessairement, la plupart des grands principes, tout en apportant certaines précisions concernant notamment le statut juridique de la force et de ses personnels.

A – Un traité inspiré de la déclaration d’intention

Fondamentalement, la convention de 2007 reprend les grands principes d’organisation prévus par la déclaration d’intention de 2004.

Les articles 1 à 3 rappellent ainsi que l’objet de la convention est de créer une force de gendarmerie européenne, dont les missions précises et le cadre juridique (Union européenne, ONU, OTAN, autres organisations internationales ou coalitions ad hoc) sont précisées aux articles 4 et 5. L’article 6 rappelle que le comité interministériel de haut niveau (CIMIN) est seul habilité à décider de l’intervention de la FGE, et que les Etats autorisent le déploiement des forces des autres parties sur leurs territoires en vue de préparer d’éventuelles missions. En revanche, le stationnement des forces sur le territoire d’Etat tiers implique la signature d’accords entre les Etats d’origine et l’Etat sur le territoire duquel se déroule l’intervention.

Les articles 7 et 8 apportent quelques précisions quant au fonctionnement des principales instances de décision de la FGE, le CIMIN et le commandant de la force. Rappelant que le CIMIN est composé de représentant des gouvernements des Etats parties, et que ses décisions sont adoptées à l’unanimité, l’article 7 indique ainsi que le comité est compétent pour la plupart des décisions stratégiques concernant la FGE : direction politique et choix des orientations stratégiques, nomination du commandant, approbation du rôle et de la structure du quartier général, pouvoir de décision concernant la participation de la FGE à une opération, évaluation des conditions d’adhésion à la FGE.

L’article 8 liste les compétences du commandant de la FGE, plus opérationnelles : mise en œuvre des directives du CIMIN, signature d’arrangements techniques nécessaires au fonctionnement de la FGE sur mandat exprès des parties, élaboration des budgets.

L’article 9 rappelle que l’EUROGENDFOR est dotée de la personnalité juridique sur le territoire des Etats parties, mais pas de la personnalité juridique internationale. Ce choix, conforme aux souhaits de la France, reprend les solutions adoptées pour l’EUROFOR (2) et le corps européen(3), qui ne sont pas compétents pour signer des accords avec d’autres Etats.

Regroupant les articles 10 et 11, le chapitre IV de la convention rappelle que l’Etat hôte met à disposition gratuitement les installations nécessaires au fonctionnement du quartier général permanent. L’accès aux locaux est autorisé par le commandant de la force.

L’article 12 rappelle les dispositions s’appliquant en matière de respect de la confidentialité des informations échangées, notamment pour les éléments classifiés.

Le chapitre X de la convention reprend les règles des arrangements techniques de Madrid (14 mars 2006) et Amsterdam (15 novembre 2007) relatifs aux questions financières et au financement des opérations. Les articles 33 à 37 de ce chapitre rappellent ainsi l’existence d’un comité financier, auprès du CIMIN, des différents types de dépenses – abondement du budget commun, financement du quartier général par l’Etat hôte, coûts des opérations supportés par les Etats participant – et autorise la FGE à passer des marchés publics. L’accès des auditeurs de chaque Etat partie aux informations essentielles à l’accomplissement de leur mission est prévu par l’article 36.

Enfin, les articles 38 à 47 fixent diverses règles déjà édictées dans la déclaration d’intention. Toutes les langues des parties sont ainsi déclarées langues officielles de la FGE, bien qu’une langue de travail puisse être adoptée. En l’absence de pays membre anglophone, on peut regretter que l’anglais ait été choisi. Les autres articles contiennent des dispositions classiques relatives au règlement à l’amiable des éventuels différends regardant l’interprétation de l’accord, de la possibilité d’amender à l’unanimité le texte du traité, de la possibilité de retrait sous réserve d’un préavis d’un an.

Les articles 42 à 44 prévoient la possibilité d’adhésion pour tout membre de l’Union européenne doté d’une police à statut militaire. Les pays candidats à l’Union dotés d’unités de ce type peuvent être admis comme observateurs, de même que les Etats membres de l’Union européenne qui souhaiteraient bénéficier de ce statut avant l’adhésion définitive. Enfin, les Etats membres de l’Union européenne et les pays candidats non dotés d’une force de police à statut militaire peuvent être admis comme partenaire de la FGE.

Enfin, les articles 45 à 47 prévoient la possibilité de compléter la convention par des accords ou arrangements d’application, son entrée en vigueur un mois après la réception du dernier instrument de ratification, et fait du gouvernement italien le dépositaire du texte.

B – Une plus grande sécurité juridique

Largement inspirée des principes de 2004, la convention de 2007 apporte toutefois plusieurs précisions concernant, notamment, le régime juridique auquel les personnels de la force sont soumis.

Les articles 13 à 18, regroupés au sein du chapitre VI, prévoient les règles appliquées dans le cadre des accords de coopération militaire. Ainsi, les personnels sont soumis à la législation de l’Etat hôte, à savoir l’Italie, ou de l’Etat d’accueil en cas d’intervention dans un autre Etat. Exemptés des règles relatives à l’entrée et au séjour sur le territoire de l’Etat hôte, les personnels peuvent bénéficier d’une assistance médicale dans les mêmes conditions que les personnels de même grade de cet Etat, ou de l’Etat d’accueil.

D’autres éléments plus spécifiques sont abordés. Les permis de conduire militaires sont valables dans l’ensemble des Etats parties. En cas de décès, si une autopsie doit être pratiquée, la présence d’un représentant de l’Etat d’origine est possible. Le port d’armes est autorisé sous réserve du respect de la législation de l’Etat hôte ou de l’Etat d’accueil, et les personnels portent leur uniforme conformément aux règles nationales, sous réserve de procédures spécifiques établies par le commandant de la force.

Le chapitre VII, qui rassemble les articles 19 à 24, fait bénéficier les personnels de la FGE de la plupart des privilèges et immunités concédés aux personnels des représentations diplomatiques ou consulaires. Ainsi, la FGE (mais pas les forces FGE) est exonérée d’impôts sur le revenu et de taxes sur ses biens. De même, les droits de douanes ne sont pas applicables aux biens importés pour l’usage officiel de la FGE, ni aux carburants.

Les personnels de la FGE peuvent également importer leurs effets et mobiliers personnels, y compris leur véhicule, sans avoir à payer de droits de douanes, sous réserve qu’ils aient été affectés pour au moins un an au quartier général.

Les articles 21 et 22 précisent que les biens de la FGE sont inviolables, et que leur accès est donc soumis à l’autorisation du commandant de la force. De la même manière, ces biens bénéficient de l’immunité vis-à-vis des mesures exécutoires en vigueur sur le territoire des parties.

L’article 23 autorise l’EUROGENDFOR à émettre des messages chiffrés, et interdit l’interception de ses communications. L’article 24 indique que les personnels sont considérés comme des résidents fiscaux dans leur Etat d’origine.

Les articles 25 à 27 établissent un équilibre entre les diverses règles relatives aux procédures judiciaires et disciplinaires. Ainsi, l’Etat d’origine conserve pleine compétence sur ses personnels tant dans le domaine pénal que disciplinaire. Toutefois, l’Etat hôte ou l’Etat d’accueil peuvent exercer leurs pouvoirs de juridiction sur les personnels pour punir les infractions commises sur leurs territoires, ou pour appliquer des sanctions dans des cas non prévues dans la loi de l’Etat d’origine.

La priorité de juridiction est accordée à l’Etat d’origine en cas d’infraction commise à l’encontre de sa sûreté ou de sa propriété, ou portant atteinte à ses personnels. Elle l’est également en cas d’infraction résultant de négligence ou acte commis dans le cadre du service. Dans tous les autres cas, la juridiction de l’Etat hôte ou de l’Etat d’accueil est prioritaire.

Les autorités judiciaires des parties doivent s’entraider, notamment pour la bonne exécution des procédures judiciaires, et pour se tenir informées des éventuelles absences injustifiées ou en cas de nécessité d’éloignement d’un personnel.

Enfin, le chapitre IX revient sur les règles juridiques applicables en cas de dommages. Les parties renoncent ainsi à tout recours pour les dommages qu’elles pourraient subir du fait des agissements de l’EUROGENDFOR, sauf négligence grave ou faute intentionnelle. Cette exception n’est pas applicable si le dommage est considéré comme négligeable par le comité interministériel de haut niveau.

La réparation des dommages aux tiers fait l’objet de l’article 29. Une répartition des frais exposés est prévue entre les Etats d’origine concernés, sauf en cas de négligence grave ou de faute intentionnelle d’un personnel, qui engage alors la responsabilité de son Etat d’origine. En cas de dommages causés par des actes extérieurs au service, les autorités de l’Etat hôte ou de l’Etat d’accueil se contentent de faire passer la demande d’indemnité à l’Etat d’origine, qui statue seul sur l’opportunité de proposer une indemnisation à titre gracieux.

Les articles 30 à 32 règlent quelques points de détail relatifs à l’engagement de la responsabilité de la force et des Etats parties : possibilité pour le CIMIN de demander au commandant de la force un rapport circonstancié sur les événements ayant entraîné le dommage, possibilité d’aménager la procédure de répartition de l’indemnisation des dommages en cas d’exercices ou d’opérations sur le territoire d’un Etat tiers, application des règles de responsabilité et de procédure judiciaire et disciplinaire aux experts scientifiques et techniques participant à l’activité de la force européenne de gendarmerie.

CONCLUSION

La force de gendarmerie européenne est une initiative originale, lancée par cinq Etats membres de l’Union européenne afin de remplir des objectifs que l’Union européenne s’était fixée.

Six ans après la signature de la déclaration d’intentions qui a permis la création de la force, celle-ci affiche un bilan plutôt positif, avec pas moins de trois missions lancées depuis, en Bosnie-Herzégovine, en Afghanistan et en Haïti, s’intégrant à des opérations de l’Union européenne, de l’OTAN et de l’ONU.

Malgré quelques difficultés inhérentes aux mécanismes de coopération internationale dans le domaine des capacités militaires, la force de gendarmerie européenne a montré qu’elle pouvait apporter des compétences particulièrement utiles dans le cadre d’opérations complexes, où se mêlent les dimensions authentiquement militaires, et les impératifs de maintien de l’ordre.

La convention signée le 18 octobre 2007 entre les cinq Etats fondateurs de cette force que sont la France, les Pays-bas, l’Espagne, le Portugal et l’Italie, reprend les grands principes de fonctionnement de l’EUROGENDFOR, dotée d’un quartier général permanent et recourant, pour ses opérations, aux capacités des six Etats qui la composent désormais, la Roumanie ayant rejoint les cinq pays à l’origine de l’initiative.

Toutefois, le texte de 2007 permet d’apporter des précisions importantes, conformes à la plupart des textes de coopération militaire et aux accords de siège d’organisations internationales.

Votre rapporteur conclut donc en faveur de la ratification de cette convention.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 23 juin 2010.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. le président Axel Poniatowski. Quel est le ministère qui sera présent au comité stratégique décidant du déploiement de la force créée par le traité ? S’agit-il du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Défense ou du ministère de l’Intérieur ?

M. Alain Néri, rapporteur. Le traité indique que les Etats sont représentés par un membre du ministère des Affaires étrangères et un membre du ministère de l’Intérieur ou de la Défense, selon le choix fait par les instances nationales en fonction de la chaîne de commandement interne des forces de police à statut militaire.

M. Jacques Myard. L’initiative que porte ce traité est louable. Je relève néanmoins deux problèmes. En premier lieu, l’intervention de la force de gendarmerie n’est possible qu’avec l’accord du pays où l’opération se déploie, à moins que le Conseil de sécurité des Nations unies n’en décide dans le cadre d’une opération de « guerre ». En second lieu, la langue de travail de cette force, choisie conjointement par les parties, sera l’anglais, nous le savons. Or ce n’est la langue d’aucun des États signataires ! Nos forces doivent employer le français et j’entends déposer un amendement en ce sens.

M. Alain Néri, rapporteur. En effet, dans beaucoup de réunions internationales il est difficile d’employer le français et l’usage de l’anglais tend à devenir hégémonique. Je rappelle à cet égard qu’il est aussi de notre responsabilité personnelle de nous exprimer dans notre langue dans les enceintes internationales. Mon rapport écrit exprime le regret de constater que le français n’ait pas été retenu comme langue de travail d’EUROGENDFOR. Quant à l’initiative des opérations qui seront menées, il est exact qu’elle proviendra de tiers ; la force ne fait que participer à des opérations décidées par d’autres organisations.

M. Jacques Myard. De simples regrets ne suffisent pas ! Je dénonce la lâcheté de nos militaires qui n’emploient pas le français. Voyez la liste des États parties : quelle raison y a-t-il de parler anglais dans un tel cadre ?

M. Jean-Louis Christ. Nous parlons d’unités de police à statut militaire. Quel en est le vivier de recrutement : des policiers ou des gendarmes ? Ce n’est pas indifférent du point de vue de la qualité de leur formation.

M. Alain Néri, rapporteur. La force de police à statut militaire française est la gendarmerie. La France met donc des gendarmes à disposition de la force de gendarmerie européenne. Mais d’autres pays peuvent user d’autres appellations pour désigner leurs forces de police à statut militaire.

M. Lionnel Luca. Je voterai ce projet de loi mais je reste dubitatif. Si un petit nombre d’États membres de l’Union européenne se réunissent autour du statut particulier de certaines de leurs forces de sécurité, qu’en est-il des autres ? Sont-ils exclus par principe ou bien l’extension de cette force à l’ensemble de l’Union européenne est-elle possible ? Pareille extension tracerait une perspective d’avenir. Je préférerais qu’une telle coopération soit mise en place pour les pompiers, dont on sait qu’ils existent dans chaque État membre ; les besoins sont importants dans ce domaine.

M. Alain Néri, rapporteur. Tous les Etats membres de l’Union européenne ne sont pas dotés de forces de police à statut militaire. C’est donc dans un premier temps un « noyau dur » qui est créé, une forme de coopération renforcée hors du cadre de l’UE, ce premier cercle étant appelé à s’élargir. Cela étant, le format restreint de la coopération peut aussi être un gage de réactivité et d’efficacité, à l’abri des lourdeurs de la concertation à 27.

M. Jean-Paul Dupré. Cette construction à cinq pays me semble quelque peu bancale. Qui sera l’utilisateur de la force ainsi créée ? Par ailleurs, quelle place pour la France dans cet ensemble dans l’éventualité d’une fusion entre sa police et sa gendarmerie ? Enfin, des relations transfrontalières dans ce domaine sont-elles prévues avec un pays comme l’Andorre ?

M. Alain Néri, rapporteur. Le premier utilisateur d’EUROGENDFOR sera l’Union européenne, comme cela est clairement stipulé dans le traité. Si la perspective de faire participer les 27 à cette force de gendarmerie est souhaitable – en dépit d’éventuelles lourdeurs dans la coordination –, mieux vaut commencer par réunir les États partageant un modèle commun plutôt que d’attendre que chaque État membre se dote d’une gendarmerie. La fusion police-gendarmerie en France n’est pas, semble-t-il, d’une actualité immédiate. Enfin, la coopération avec de petits pays n’est pas envisagée pour l’heure, car l’objectif est de s’appuyer sur des pays dont les forces soient en nombre suffisant pour permettre un déploiement efficace hors de nos frontières.

M. Patrick Labaune. Avec le rapprochement entre police et gendarmerie sous l’autorité unique du ministère de l’Intérieur, faut-il comprendre que ce ministère devient compétent pour des opérations extérieures ?

M. Alain Néri, rapporteur. La gendarmerie conserve son statut militaire, c’est à ce titre qu’elle intervient à l’extérieur.

M. Dino Cinieri. Je note, pour le déplorer, que cette force ne jouera aucun rôle dans la lutte contre le terrorisme international. Je m’interroge par ailleurs sur ses modalités de déploiement sur le terrain. Enfin, pourquoi l’Allemagne n’y participe-t-elle pas ?

M. Alain Néri, rapporteur. L’Allemagne ne dispose pas de force de police à statut militaire.

M. Gérard Menuel. Je me réjouis que ce texte soit un facteur de meilleure sécurité juridique. Selon quelle procédure de nouveaux États membres peuvent-ils participer à EUROGENDFOR ? Je pense en particulier à ceux qui contribuaient à la Force de gendarmerie européenne, comme la Pologne et la Slovénie.

M. Alain Néri, rapporteur. Les Etats peuvent mettre leurs forces de police à statut militaire à disposition de la FGE dès que les membres estiment qu’elles répondent à leurs standards.

M. Michel Terrot. Est-il exact que la Belgique aurait fait acte de candidature ? Quid d’autres pays ?

M. Alain Néri, rapporteur. Je n’ai pas connaissance d’une telle demande de la Belgique.

M. Jean-Paul Lecoq. Le rapporteur souligne le statut militaire des gendarmes. Lorsque des gendarmes français remplissent des missions très utiles en Afghanistan, sous quel statut opèrent-ils ? En d’autres termes, obtiendront-ils une carte d’ancien combattant ? Les gendarmes français envoyés hors de nos frontières dans le cadre de la FGE conservent les droits des gendarmes envoyés dans des opérations nationales.

M. Alain Néri, rapporteur. Je ne sais pas ce qu’il en est précisément pour les gendarmes intervenant en Afghanistan mais les unités de gendarmerie qui ont assuré l’ordre en Algérie ont obtenu le statut d’ancien combattant.

M. Jean-Michel Boucheron. Je suis très favorable à la méthode qui a conduit à l’adoption de ce traité. Il me semble en effet que seule une Europe à plusieurs vitesses peut avancer. Ceux qui sont les plus favorables à une coopération la mettent en place entre eux et entraînent les autres dans un deuxième temps.

Cette force peut être amenée à intervenir dans différentes situations, tantôt d’une manière très positive tantôt avec de mauvais résultats. Je considère très positive l’intervention de ce type de forces pour aider un pays à passer d’un régime dictatorial à une véritable démocratie. Il ne saurait en effet y avoir de démocratie sans la mise en place de forces de police extérieures aux autres forces militaires.

En revanche, je trouve très mauvaise l’intervention de forces occidentales pour former la police de certains Etats sur le modèle de ce qui se fait en Afghanistan. Nos gendarmes et policiers ont pour principal objectif de « faire du chiffre » sans fournir une véritable formation aux policiers locaux, qui n’en reçoivent pas moins des armes susceptibles d’être finalement utilisées contre le régime politique qu’elles sont censées protéger.

M. Serge Janquin. Je considère que ce traité constitue une avancée concrète utile en mettant en place un nouveau domaine de coopération européenne, même s’il est encore incomplet. J’estime moi aussi qu’il est inadmissible que cette force ait pour langue commune l’anglais alors qu’aucun pays anglophone n’est partie au traité. Je m’interroge sur les stipulations relatives au règlement des différends. Certes, il est prévu d’emprunter la voie de la négociation ; mais que se passera-t-il si les différends persistent ? A quel niveau seront-ils réglés ? Au sein du comité interministériel de haut niveau ? Entre les ministres eux-mêmes ? Au niveau des chefs d’Etat ? En cas d’absence de règlement des différends la seule solution consisterait-elle à dénoncer le traité ?

M. Alain Néri, rapporteur. L’article relatif au règlement des différends est celui qui figure traditionnellement dans les traités. Si la voie de la négociation ne suffit pas, on a alors recours à l’arbitrage et à toute autre possibilité offerte en droit international public.

M. Philippe Cochet. Je m’interroge sur la gouvernance de cette nouvelle force. On ne cesse de multiplier les organes sans se préoccuper de savoir à qui ils rendent compte. Il me semble qu’il faudra suivre attentivement la mise en œuvre de ce traité, tout comme il conviendrait de le faire d’une manière générale pour les accords dont nous autorisons la ratification.

M. le président Axel Poniatowski. La commission a toujours la possibilité d’assurer ce suivi notamment dans le cadre de la semaine de contrôle, voire en recourant si nécessaire à une proposition de résolution.

M. Alain Néri, rapporteur. Dans la mesure où la participation de la France au budget d’EUROGENDFOR est votée chaque année, les parlementaires peuvent tout à fait remplir leur mission de contrôle à cette occasion, même si la participation française est limitée à 150 000 euros par an.

M. Jacques Remiller. Dans le projet de rapport sont soulignés les avantages du traité en terme d’amélioration de la sécurité juridique. Pourriez-vous nous préciser en quoi ce sera le cas ? Les stipulations applicables manquent-elles actuellement de lisibilité ou d’efficacité ?

M. Alain Néri, rapporteur. Le traité regroupe en effet des stipulations actuellement éparpillées dans différents instruments internationaux. Il assurera donc une plus grande clarté des normes applicables. Par ailleurs, il apporte des précisions sur le statut des personnels et les règles de responsabilité.

Mme Elisabeth Guigou. J’estime très positif la création d’une force de gendarmerie européenne qui permettra de combler le manque souvent constaté dans des pays qui viennent de sortir d’un conflit entre les missions remplies par les forces armées et celles qui doivent être prises en charge par la police civile. J’ai en revanche des réserves sur le procédé qui a conduit à la conclusion de ce traité. Le traité de Lisbonne offre un cadre pour que certains pays de l’Union constituent des avant-garde dans certains domaines. Certes ce traité a été signé en octobre 2007 avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Les stipulations de celui-ci relatives à la coopération structurée permanente en matière militaire auraient parfaitement pu trouver à s’appliquer pour la création de cette Force. Je m’interroge sur la possibilité qu’il y aurait maintenant à replacer cette force dans le cadre de cette coopération prévue par le traité de Lisbonne. Je vous rappelle que le traité de Schengen n’avait dans un premier temps été conclu que par cinq Etats avant d’être réintégré dans le traité sur l’Union européenne. A moins que se posent des problèmes juridiques particuliers, notre pays devrait saisir l’occasion offerte par la création de cette Force pour affirmer sa volonté d’utiliser les possibilités offertes par le traité de Lisbonne en matière d’avant-garde.

M. Alain Néri, rapporteur. La coopération structurée permanente prévue par le traité de Lisbonne prévoit d’associer les Etats membres les plus avancés en matière militaire. La FGE n’a pas tout à fait le même objet. Elle procède enfin d’une ambition bien moins large que la coopération structurée permanente.

M. Jean-Michel Ferrand. Le traité prévoit que chaque opération donne lieu à la constitution d’une force de gendarmerie : faut-il en conclure qu’EUROGENDFOR ne disposera d’aucun vivier de personnels spécifiquement formés mais fera exclusivement appel aux unités volontaires pour telle ou telle opération ? Dans ces conditions, cette force ne risque-t-elle pas d’être dépourvue de toute expérience commune et de toute camaraderie ? Par ailleurs, qui en assurera le commandement ?

M. Alain Néri, rapporteur. Le commandement stratégique sera assuré par le comité interministériel. Le quartier général de la Force, qui rassemble un certain nombre d’officiers, assure la coordination sur le terrain. Il est vrai qu’il ne s’agit pas d’une force autonome et qu’il sera fait appel au volontariat pour chaque opération. Chaque Etat s’assure que ses forces de police à statut militaire sont correctement formées et intégrables à la FGE.

M. le président Axel Poniatowski. L’objectif du traité n’est pas la constitution d’une force autonome mais l’organisation de la mise en commun d’unités de gendarmerie pour effectuer une opération particulière.

M. Patrick Balkany. La police est sous la tutelle du ministère de l’intérieur et les ministres de l’intérieur des Etats membres de l’Union se réunissent très régulièrement pour coordonner la lutte contre les différents trafics internationaux. J’avoue ne pas voir l’intérêt de la création d’une nouvelle force de gendarmerie dont la mise en place ne coûtera que 150 000 euros à la France ! Cela me semble n’avoir aucun sens ! Pour quelles missions allons-nous envoyer des gendarmes aux quatre coins de la planète ? J’ai l’impression que le mieux serait encore de rattacher cette force au ministère du tourisme ! Je vais m’abstenir sur ce texte.

M. Jean-Louis Bianco. Les nombreuses questions posées par mes collègues sont très légitimes. Je partage l’avis de M. Jean-Michel Boucheron sur le fait qu’une coopération de ce type fait avancer l’Europe, même si elle n’a pas une vaste portée. Il y a incontestablement des missions particulières à remplir pour une force de gendarmerie distincte des forces armées classiques et des forces civiles, et ce à toutes les étapes d’une crise. Vous avez évoqué l’éventualité de la participation de la Roumanie à EUROGENDFOR. Une démarche est-elle entreprise pour obtenir la participation d’autres Etats de l’Union ?

M. Alain Néri, rapporteur. Notre gendarmerie a déjà beaucoup d’expérience en matière d’interventions sur des terrains extérieurs. Mais elles se déroulent exclusivement après la fin des opérations militaires stricto sensu. Selon le ministère des affaires étrangères et européennes, seule la Roumanie a, à ce jour, exprimé la volonté de se joindre à EUROGENDFOR.

M. Jean-Claude Guibal. Je suis d’accord avec M. Boucheron pour ce qui est de la méthode visant à construire une Europe à géométrie variable, et avec M. Myard pour déplorer l’usage de l’anglais comme langue commune alors que la plupart des pays participants sont de langues romanes. Ce choix me semble à la fois déplacé et inacceptable. Cette force de gendarmerie pourrait constituer le noyau d’une force d’intervention européenne plus large. Je m’inquiète néanmoins de la manière dont se mettent en place les coopérations de ce type : qui décide de l’intervention de cette force ? Qui définit ses missions prioritaires ? Dans le cadre de quelle politique ses interventions se placeront-elles ?

M. Jean-Paul Bacquet. En ce qui concerne le mode de financement, le traité évoque l’utilisation d’une clé de répartition liée au nombre de personnels émanant de chaque Etat, mais ce nombre dépend lui-même du choix des Etats concernant chacune des opérations. Le financement de la force sera-t-il assuré opération par opération ? Si un seul pays intervient, devra-t-il assurer l’ensemble du financement ?

M. Alain Néri, rapporteur. Les gendarmes participant à une opération sont toujours rémunérés par le pays duquel ils viennent. Seul le fonctionnement du comité interministériel est assuré par le budget commun.

M. Hervé de Charette. Je suis surpris par l’ampleur de ce débat ! Ce traité crée certes un instrument utile mais ce n’est tout de même pas la pierre philosophale ! Sur le fond, il me semble positif que les forces de gendarmerie de plusieurs Etats travaillent ensemble.

M. le président Axel Poniatowski. Il est vrai qu’il ne s’agit que d’un petit pas. Néanmoins, lorsque cette force de gendarmerie européenne est intervenue à Haïti après le tremblement de terre, son action dans la lutte contre les pillards a été très utile et appréciée. C’est aussi à la suite de ce tremblement de terre que l’on a regretté l’absence d’une coopération européenne en matière de sécurité civile, plusieurs pays européens étant intervenus sur le terrain sans coordination. S’il n’y a que cinq Etats participants aujourd’hui à EUROGENDFOR, je suis sûr que leur nombre sera bien supérieur dans un proche avenir.

M. Jacques Myard. Je me propose de déposer auprès du service de la séance un amendement visant à compléter l’article unique du projet de loi afin d’imposer aux gendarmes français l’utilisation de notre langue lorsqu’ils participent à une opération de cette force européenne.

M. le président Axel Poniatowski. Permettez-moi d’émettre des doutes quant à la recevabilité d’un tel amendement.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (no 2278).

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La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification du traité entre le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne EUROGENDFOR, signé à Velsen le 18 octobre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte du traité figure en annexe au projet de loi (n° 2278).

© Assemblée nationale

1 () La Roumanie a rejoint la force de gendarmerie européenne en décembre 2008.

2 () Créé en 1995, déclarée opérationnelle en 1998 et engagée en Albanie en 2001, cette force, commandée par un français depuis 2008, est composée d’unités légères et a vocation à remplir les fonctions de commandement d’une composante terrestre. Elle peut compter sur les capacités des quatre Etats qui y participent (France, Espagne, Italie et Portugal) pour un total théorique de 25 000 hommes.

3 () Plus connue sous son acronyme « Eurocorps » ou « Eurokorps », cette initiative franco-allemande de 1992, rejointe parla Belgique, l’Espagne puis le Luxembourg permet de faire appel à un réservoir de près de 60 000 hommes, dont la brigade franco-allemande, pour participer aux opérations décidées par son comité directeur.