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N
° 2695

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 juin 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI n° 2322, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur les revenus,

– LE PROJET DE LOI n° 2323, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Malaisie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu,

par M. Alain NÉRI

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – SINGAPOUR ET LA MALAISIE : UN « DRAGON » ET UN « TIGRE » ASIATIQUES, DONT LA RÉUSSITE EST LARGEMENT DUE AUX INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS 7

A – DEUX ÉCONOMIES TRÈS DYNAMIQUES ET OUVERTES, DUREMENT TOUCHÉES PAR LA CRISE 7

1) Singapour : une cité-Etat à la position stratégique 7

2) La Malaisie : un « tigre » près à rebondir après une année 2009 délicate 9

B – D’IMPORTANTS PARTENAIRES COMMERCIAUX DE LA FRANCE 10

C – DES ETATS CONSIDÉRÉS ENCORE RÉCEMMENT COMME NON COOPÉRATIFS 12

II – DES AVENANTS CENSÉS FACILITER LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L’ÉVASION FISCALES 15

A – UN CHAMP D’APPLICATION ÉLARGI 15

B – DES CAS DE REFUS DAVANTAGE ENCADRÉS 17

C – LES DROITS DES CONTRIBUABLES PRÉSERVÉS 19

D – DES STIPULATIONS MOINS PRÉCISES QUE CELLES DES ACCORDS SUR L’ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS FISCAUX 19

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

_____

ANNEXE – TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 25

Mesdames, Messieurs,

En quelques semaines, notre commission a été saisie d’une vingtaine de projets de loi visant à autoriser le gouvernement à approuver des accords relatifs à l’échange de renseignements fiscaux et de sept projets de loi relatifs à des avenants à des conventions tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu, avenants ayant aussi pour but de faciliter l’échange de renseignements fiscaux. Ce grand nombre d’accords ou d’avenants conclus avec des Etats ou des territoires considérés jusqu’ici comme non coopératifs est la conséquence des décisions prises dans le cadre du G20, selon lesquelles une juridiction qui signe douze accords ou avenants de ce type et s’engage à modifier en conséquence sa législation interne est inscrite sur la liste « blanche » de l’OCDE.

La France a donc contribué à ce que de nombreux Etats et territoires retrouvent une respectabilité internationale en accédant à cette liste « blanche » des Etats respectant les normes internationales en matière d’échange de renseignements fiscaux. Le fait que la signature de douze accords suffise pour quitter la liste « grise », sans même qu’il soit nécessaire que ces accords aient été ratifiés, est en elle-même contestable. L’est aussi le fait que les accords peuvent être signés avec n’importe quel autre Etat ou territoire, y compris si cette signature permet aussi à celui-ci d’accéder à la liste « blanche » et si les deux parties n’ont pas véritablement de relations économiques, financières ou humaines justifiant un tel accord.

Le présent rapport porte sur les projets de loi visant à autoriser l’approbation d’avenants aux conventions fiscales en vigueur entre la France et Singapour et entre la France et la Malaisie. Il est vrai que ces deux pays, qui ont figuré, un temps, sur la liste « grise » pour le premier, sur les listes « noire », puis « grise » pour le second, ont des secteurs financiers très actifs et entretiennent d’importantes relations économiques avec la France.

Votre Rapporteur va présenter la situation économique de ces deux pays du Sud-Est asiatique et leurs relations commerciales avec la France avant de détailler les stipulations des avenants portant sur l’échange de renseignements en matière fiscale, lesquelles sont plus larges et plus contraignantes que celles actuellement en vigueur.

I – SINGAPOUR ET LA MALAISIE : UN « DRAGON » ET UN « TIGRE » ASIATIQUES, DONT LA RÉUSSITE EST LARGEMENT DUE AUX INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS

Comme la Corée du Sud, Taïwan et Hong Kong, Singapour fait partie du groupe des « nouveaux pays industrialisés » d’Asie, qualifiés de « dragons », qui ont enregistré une forte croissance industrielle au cours de la seconde moitié du XXème siècle en suivant le modèle économique développé par le Japon.

La Malaisie appartient pour sa part au groupe des « nouveaux pays exportateurs », désignés sous le terme de « tigres », dont sont aussi membres la Thaïlande, l’Indonésie, les Philippines et le Vietnam. L’ouverture économique de ces pays en développement est considérée comme une conséquence du succès des « dragons ».

A – Deux économies très dynamiques et ouvertes, durement touchées par la crise

Singapour et la Malaisie sont tous les deux situés dans le Sud-Est asiatique et leurs économies présentent un certain nombre de points communs. Tous les deux ont fondé une partie de leur succès sur l’attraction d’investissements directs étrangers, ce qui les rend très sensibles à la fois à la conjoncture mondiale et à la concurrence des autres Etats de la région, dont les moins développés offrent des conditions de production moins chères qu’eux. Ils sont aussi en concurrence l’un avec l’autre.

1) Singapour : une cité-Etat à la position stratégique

Depuis son indépendance en 1965, Singapour connaît une réussite exceptionnelle : la croissance s’est établie, en moyenne, à 8 % par an et le niveau de vie atteint est celui d’un pays moderne et développé. Cette réussite économique s’explique par une ouverture commerciale hors du commun et par une stratégie volontariste d’attraction des investissements directs étrangers (IDE). En moins d’un demi-siècle, les Singapouriens ont fait de leur cité un Etat prospère, stable politiquement et socialement.

Bénéficiant d’une position stratégique au cœur du Sud-Est asiatique, la cité-Etat, qui accueille 1,25 million d’étrangers sur une population totale de l’ordre de 5 millions de personnes, met tout en œuvre pour créer un environnement économique favorable au développement et à l’épanouissement des entreprises et des talents étrangers : des infrastructures hors pair, des services très efficaces, un cadre juridique sécurisant, une qualité de vie certaine. La cité-Etat est ainsi la 3e place financière d’Asie et le 3e pays le plus compétitif au monde selon le Global Competitiveness Report 2009-2010 du World Economic Forum.

L’économie est fondée sur trois piliers : les activités manufacturières, notamment dans l’électronique, les activités de logistique et de communication, ainsi que les activités financières et de services aux entreprises – les services financiers ont représenté 13 % de son PIB en 2008. Ces piliers reposent sur de solides fondations : une dynamique commerciale, étroitement liée à la fonction prééminente du port qui est redevenu en 2005 le premier port mondial en termes de nombre de transbordements de containers, un système financier sain, une fonction publique de qualité et une politique économique pragmatique et réactive.

La cité-Etat a beaucoup misé sur son rôle d’hôte vis-à-vis de sociétés étrangères en offrant un environnement politique et social stable, une grande sécurité juridique et des infrastructures de tout premier ordre. En 2010, le pays est premier au classement de la Banque Mondiale pour la facilité à faire des affaires. Singapour a su aussi développer de grands champions nationaux (Singapore Airlines, Singtel, PSA International). Si ceux-ci sont in fine contrôlés par l’Etat, ils sont gérés comme de véritables entreprises privées. Pays le plus développé de la région (le PIB par habitant s’élevant à 35 514 dollars américains en 2009), Singapour joue également un rôle de vitrine incontestable. Enfin, avec un statut de plate-forme régionale commerciale et logistique incontournable, la cité-Etat est bien placée pour bénéficier du dynamisme de la région, position qu’elle renforce en menant une politique active de libéralisation des échanges combinant approche multilatérale et négociation d’accords régionaux et bilatéraux de libre-échange.

Les autorités continuent de travailler à l’amélioration de la compétitivité de la cité-Etat en menant une politique favorisant l’offre, notamment en termes de politiques salariale, immobilière ou fiscale. Elles mettent aussi l’accent sur de nouveaux axes de développement. Ainsi, elles cherchent à faire de Singapour une cité « globale » et cosmopolite, au travers de la culture, du sport ou, plus généralement, du tourisme. Par ailleurs, le gouvernement s’est également fixé pour priorité l’accompagnement des entreprises locales dans leur expansion dans la région, la création de valeur se trouvant de plus en plus à l’extérieur des frontières du pays. Singapour est conscient qu’avec son niveau de développement et une concurrence régionale accrue, la poursuite de sa success-story repose sur sa capacité à innover et à entreprendre afin de se positionner comme un des pôles de savoir au niveau mondial.

Cette ouverture économique (les échanges commerciaux représentent environ quatre fois son PIB) possède néanmoins un revers de la médaille : Singapour a enregistré en 2009 la seconde plus mauvaise performance économique de son histoire. Touchées de plein fouet par le ralentissement économique mondial, ses exportations ont connu un repli sans précédent et le PIB a reculé de 2 points. Pour 2010 cependant, les prévisions officielles tablent sur un retour graduel de la croissance, entre 4,5 % et 6,5 %.

2) La Malaisie : un « tigre » près à rebondir après une année 2009 délicate

Déjà relativement riche en 1960 (le PIB par habitant était alors de 2 400 dollars américains en valeur de 1995), la Malaisie a connu depuis une croissance soutenue de son économie (+ 6 % par an en moyenne), mais aussi de sa population (plus de 28 millions d’habitants aujourd’hui, + 2,3 % par an en moyenne depuis 1970 – soit près d’un triplement). Le secteur financier assurait 12 % de son PIB en 2008. Cette même année, le PIB par habitant s’élevait à 7 738 dollars américains, mais il a régressé en 2009 à 6 812 dollars américains sous le double effet de la crise et de la croissance démographique. Sa croissance a en effet été négative à hauteur de 1,7 % en 2009.

La Malaisie est caractérisée par une forte connexion à l’activité économique mondiale. Celle-ci date des années 80 et trouve son origine dans la volonté d’ouverture du pays pour contrer la petite taille de son marché interne de l’époque. Son intégration dans le commerce international et sa proximité géographique avec les autres grands acteurs asiatiques lui ont réussi sur de nombreux plans, mais le pays est également de fait très exposé aux chocs externes.

En baisse de près de 16 % en valeur, le solde de la balance commerciale demeure positif (taux de couverture de 127 %). La baisse des exportations malaisiennes (16,6 %) concerne tous les secteurs (– 11,4 % pour les bien manufacturés qui représentent 80 % des exportations malaisiennes, – 28,8 % pour les matières premières), tandis que la part relative des principaux clients asiatiques (Chine, Singapour, Japon, Thaïlande, Hong Kong) augmente. Le pays a nettement réduit ses importations de produits intermédiaires (de 21,6 %), sachant que la plupart de ces produits sont réexportés ensuite sous une nouvelle forme.

Les importations de produits finis n’ont diminué que de 2,7 %. Ce chiffre illustre la relative bonne tenue de la consommation privée durant la crise. Malgré une légère hausse du chômage en milieu d’année à 4 %, lequel est redescendu à son niveau habituel de 3,5 % avant la fin de l’année, la consommation privée affiche en effet une croissance annuelle de 0,8 % (8,5 % en 2008) : ce fut l’une des bonnes surprises de 2009.

A l’opposé, les investissements se sont contractés de 5,5 % en 2009 (contre une progression de 0,8 % en 2008), et ce en dépit des plans de relance engagés par les pouvoirs publics. Qu’ils soient d’origine intérieure ou étrangère, les niveaux d’investissements réalisés en Malaisie inquiètent par leur faible niveau. Les investissements nationaux seraient tombés en deçà des 6 % du PIB en 2009, alors qu’ils gravitaient autour de 12 % durant les années 2000 et de 30 % de 1990 à 1997. Le pays n’est plus l’important bénéficiaire d’IDE qu’il était dans les années 1980. Si le solde devenu récemment négatif entre investissements entrants et sortants signifie que les entreprises malaisiennes s’internationalisent, la baisse en valeur des investissements entrants peut exprimer une baisse d’attractivité du pays.

Ses atouts sont pourtant encore bien présents (infrastructures, main d’oeuvre qualifiée et anglophone, incitation fiscale, appartenance à l’ASEAN en cours de libéralisation, moindre coût d’implantation par rapport à son voisin singapourien…). Devenu un pays à revenu intermédiaire, la Malaisie est dorénavant concurrencée par ses voisins du nord (Vietnam, Thaïlande, Chine), où la compétitivité-prix est supérieure. Ce nouvel environnement régional prend forme alors que la Malaisie subit toujours la comparaison avec Singapour : la cité-Etat dispose d’une main d’oeuvre plus chère mais plus qualifiée et plus productive, et d’un tissu économique de pointe. Selon certains analystes, la Malaisie serait aujourd’hui dans « la trappe des pays à revenu intermédiaire ».

Néanmoins, au premier semestre 2010, la Malaisie apparaît comme réactive, financièrement solide, en mal d’investissements et disposant d’une taille de marché interne suffisamment importante pour rééquilibrer les moteurs de la croissance nationale en faveur de la consommation privée. Son récent redémarrage (+ 4,5 % au quatrième trimestre de 2009 par rapport à la même période de 2008) laisse présager une activité économique soutenue pour les mois à venir, sans que cela ne soit pour autant synonyme de surchauffe. La prévision de croissance pour 2010 est de l’ordre de 5 %.

B – D’importants partenaires commerciaux de la France

Les entreprises françaises ont su tirer partie de l’ouverture des économies de Singapour et de Malaisie pour s’y implanter. Ils sont respectivement le premier et le deuxième partenaires commerciaux de la France au sein de l’Association des nations de l’Asie du sud-est (ASEAN) (1).

Après un début de décennie difficile et une baisse de 20 % entre 2000 et 2002, les échanges commerciaux entre la France et Singapour sont repartis à la hausse, leur dynamisme ayant été particulièrement marqué en 2008 avec un total de 7,4 milliards d’euros (dont 5,5 milliards d’euros d’exportations françaises et 2,9 milliards d’euros d’importations), contre 3,7 milliards d’euros en 2002.

Après un repli des échanges franco-singapouriens enregistré au premier semestre 2009 dans un contexte de crise économique mondiale et de contraction des échanges internationaux, les résultats sont excellents sur l’ensemble de l’année, avec une hausse des exportations françaises, qui dépassent 6 milliards d’euros, et une baisse des importations, à 2,55 milliards d’euros. La part de marché des exportations françaises a en effet progressé, reflétant ainsi une meilleure résistance face à la crise que nos concurrents. De plus, Singapour représente notre quatrième excédent commercial mondial, grâce, en particulier à d’importantes livraisons d’Airbus.

Au 1er janvier 2008, on comptait, à Singapour, 450 implantations françaises, soit une progression de plus de 17 % depuis 2005.

La plupart des multinationales françaises y sont présentes. Elles y installent fréquemment leur siège régional pour la zone Asie-Pacifique. Au 1er janvier 2007, vingt-six entités affiliées à la France figuraient parmi les sociétés les plus importantes de Singapour.

Le nombre de salariés de sociétés affiliées à la France s’élève à 27 000 personnes et les entreprises françaises emploient un nombre important d’expatriés (plus de 1 500).

Le secteur tertiaire regroupe 56 % des filiales de sociétés françaises établies à Singapour. Soixante-six entités françaises, soit 15 % des filiales de sociétés françaises (dont BNP Paribas, CALYON, la Société Générale, CIC, AXA, la COFACE…) opèrent dans le domaine financier.

Avec la Malaisie, le déficit de notre solde commercial (de 193 millions d’euros en 2008), récurrent depuis 1998, s’est spectaculairement résorbé. Nos échanges se sont élevés en 2009 à 2,6 milliards d’euros, en baisse de 23 % par rapport à 2008 – c’est-à-dire une contraction beaucoup plus élevée que celle du commerce mondial, qui était de l’ordre de 10 % –, mais, pour la première fois dans l’histoire récente, ils ont été quasiment équilibrés (le déficit n’est que de 15 millions d’euros). Notre balance commerciale est fortement influencée par une baisse des échanges de produits électroniques et par des exportations accrues d’aéronefs (près de 40 % des exportations françaises vers la Malaisie sont réalisées par Airbus), et de produits courants (produits pharmaceutiques, vins et spiritueux).

Selon des statistiques de source malaisienne, la France est le 13ème investisseur en Malaisie (4ème investisseur européen derrière l’Allemagne, les Pays-bas et le Royaume-uni) ; 180 entreprises françaises sont implantées en Malaisie, dont 20 % sont des filiales de PME et 70 % ont moins de trente salariés. Les entreprises françaises sont présentes dans la plupart des secteurs économiques. Carrefour, Danone, AXA, Vivendi, Suez-Lyonnaise, Sodexho, ainsi que les constructeurs automobiles français sont par exemple présents sur place. Le secteur du pétrole et du gaz constitue un des points forts de la présence française en Malaisie avec notamment l’implantation locale de quelque 900 collaborateurs de Technip.

C – Des Etats considérés encore récemment comme non coopératifs

Soucieux d’attirer les investissements étrangers, Singapour et la Malaisie se caractérisent par une fiscalité légère et une tradition de réticence en matière d’échange de renseignements. Dans le contexte de la crise financière et de la volonté du G20 de combattre les territoires non coopératifs, les deux Etats ont accepté de signer des accords dans ce domaine et de modifier leur législation nationale.

Avant la réunion du G20 qui s’est tenue à Londres le 2 avril 2009, Singapour a pris l’engagement de renforcer l’échange d’informations avec ses partenaires et de réviser son réseau conventionnel afin d’adopter les derniers standards de l’OCDE. Cet engagement lui a permis d’être inscrit sur la liste « grise » et non sur la liste « noire » publiée alors par le secrétariat de l’OCDE.

Le 13 novembre 2009, l’OCDE a placé Singapour sur la liste « blanche », suite à la signature de douze conventions conformes aux standards internationaux. Elles ont été signées avec l’Australie, l’Autriche, Bahreïn, la Belgique, le Danemark, la France, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, les Pays-Bas, le Qatar et le Royaume-Uni. On observera que, ce faisant, Singapour n’a conclu que les douze accords indispensables à son inscription sur la liste « blanche », sans faire le moindre effort supplémentaire.

La Malaisie n’a pas non plus consenti plus d’efforts que strictement nécessaires. Sa situation était au départ plus difficile puisqu’elle avait été inscrite sur la liste « noire » des juridictions n’ayant pas pris l’engagement de se conformer aux standards internationaux en matière d’échange d’informations fiscales.

La principale difficulté était liée à l’existence de la zone offshore de Labuan. L’île de Labuan a en effet été dotée en octobre 1990 du statut offshore afin de faciliter les implantations étrangères. Les activités offshore sont des activités, commerciales ou non (2), réalisées à Labuan en devises étrangères par des sociétés offshore avec des sociétés non résidentes ou avec d’autres sociétés offshore.

Les bénéfices tirés des activités commerciales offshore sont imposés au taux d’impôt sur les sociétés de 3 %, à moins d’opter chaque année pour un paiement forfaitaire d’impôt égal à 20 000 ringgits (4 326 euros) dispensant ainsi de tout dépôt de déclaration de bénéfices auprès des autorités fiscales.

Si les entités offshore n’exercent que des activités de gestion financière (détention et gestion de participations, de titres, de valeurs mobilières, de prêts), elles sont totalement exonérées d’impôt sur les sociétés.

Le régime offshore a été étendu en février 1996 aux activités financières internationales des sociétés de banques, d’assurance, de leasing, de courtage, de trust autorisées à s’implanter dans la zone offshore par les autorités officielles chargées de superviser les activités de Labuan. Ainsi les banques offshore peuvent proposer des activités financières de grande diversité (gestion de portefeuille, dépôts en devises étrangère, prêts à des non-résidents…), les sociétés d’assurance peuvent garantir des risques offshore et les captives de réassurance opérer à Labuan. Les banques françaises BNP Paribas, la Société générale et de Natixis y ont installé des succursales.

En outre, les sociétés offshore bénéficient de nombreux avantages fiscaux, auxquels s’ajoutent des exigences en termes d’informations légales limitées à certaines activités et une obligation absolue de secret, y compris bancaire.

Pour être retirée de la liste « noire », la Malaisie a dû accepter de renoncer à une partie des avantages offerts aux sociétés implantées à Labuan. Elle a fait part à l’OCDE de sa volonté d’appliquer les standards internationaux, ce qui lui a permis d’être inscrite sur la liste « grise ». Après avoir signé sa douzième convention sur l’échange de renseignements conformes à ces normes, elle a été placée sur la liste « blanche », le 24 février 2010. Ces accords ont été conclus avec l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, Bruneï, la France, l’Irlande, le Japon, le Koweït, les Pays-Bas, San Marin, les Seychelles et le Royaume-Uni.

Votre Rapporteur observe que, sur les douze accords seulement signés par Singapour d’une part, la Malaisie d’autre part, deux au moins l’ont été avec des Etats qui avaient eux-mêmes besoins de conclure de tels accords pour sortir de la liste « grise », à savoir Bahreïn pour Singapour et San Marin pour la Malaisie. Votre Rapporteur a le sentiment que ces accords signés avec de micro-Etats eux-mêmes longtemps peu coopératifs, relèvent davantage de l’échange de bons procédés que d’une réelle volonté d’échange de renseignements. Il estime qu’il conviendrait au moins de déduire de la liste des douze accords nécessaires pour figurer sur la liste « blanche » ceux conclus avec des juridictions qui avaient elles-mêmes besoin de ces accords pour y être inscrits.

II – DES AVENANTS CENSÉS FACILITER LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L’ÉVASION FISCALES

La France est liée à Singapour d’une part, à la Malaisie d’autre part, depuis plus de trente-cinq ans, par des conventions tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur les revenus (3). Ces conventions comportent chacune un article consacré à l’échange de renseignements (l’article 27 de la convention avec Singapour, l’article 26 de la convention avec la Malaisie). C’est pourquoi il a été décidé, non pas de négocier un accord portant sur l’échange de renseignements en matière fiscale, mais de signer un avenant à ces conventions, afin de modifier les stipulations existantes. Le but est à la fois d’élargir leur champ d’application et de les rendre plus contraignantes.

Force est néanmoins de constater que les nouvelles stipulations sont en retrait par rapport à celles figurant dans les nombreux accords sur l’échange de renseignements fiscaux récemment signés par notre pays, lesquelles apparaissent déjà insuffisantes à votre Rapporteur.

A – Un champ d’application élargi

Les articles relatifs à l’échange de renseignements figurant dans les conventions actuellement en vigueur ont une portée très restreinte.

D’abord, les renseignements échangés ne peuvent concerner que les impôts qui font l’objet des conventions, énumérés dans leur article 2, soit, pour la France, l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés et toutes les retenues à la source, tous précomptes et avancées décomptés sur ces impôts, pour Singapour, l’impôt sur le revenu, et, pour la Malaisie, l’impôt sur le revenu, l’impôt supplémentaire sur le revenu et l’impôt sur les revenus du pétrole, ainsi que, pour chaque pays, « les impôts futurs de nature identique ou analogue ».

Ensuite, l’échange ne peut porter que sur les renseignements « dont les Etats disposent en vertu de leur législation fiscale respective dans le cadre de leur pratique administrative normale, qui sont nécessaires pour appliquer les dispositions de la présente convention ou pour prévenir la fraude ou le paiement d’impôts minorés pour des raisons autres que frauduleuses ou pour appliquer des dispositions réglementaires contre l’évasion fiscale ». Il n’est donc pas question que les administrations recherchent des renseignements dont elles ne disposent pas déjà ou dont elles n’ont pas elles-mêmes besoin.

Enfin, en application de l’article 1er des conventions, les personnes visées par la convention sont les résidents d’un Etat contractant ou des deux ; seuls les renseignements concernant les personnes remplissant l’une de ses conditions peuvent être échangés.

Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que les stipulations actuelles des conventions n’aient pas été très fréquemment mises en œuvre et que les tentatives n’aient pas été couronnées de succès. Selon le Gouvernement, en 2005, les trois demandes adressées à la Malaisie sont restées sans réponse malgré de multiples relances ; depuis lors, aucune autre demande n’a été formulée. Au cours des onze dernières années, notre administration fiscale a transmis une dizaine de demandes à Singapour mais les informations fournies, qui ne comprenaient pas de renseignements bancaires ou patrimoniaux, n’ont pas permis d’asseoir ou de consolider un redressement fiscal.

L’avenant, qui réécrit entièrement le 1. des articles relatifs à l’échange de renseignements des conventions fiscales, élargira le champ d’application de cet échange sur les trois points précités.

Les informations échangées pourront concerner les impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants « ou de leurs collectivités territoriales » (dans l’avenant à la convention avec Singapour), « ou de leurs autorités locales » (dans l’avenant à la convention avec la Malaise), « dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la Convention ». En dépit de l’utilisation de formules différentes, les entités visées sont, dans les deux cas, les structures administratives ou les niveaux de décentralisation de l’Etat pour le compte desquels les impositions sont levées. Pourrait être contraire à la convention une imposition qui ne respecterait pas le principe de non-discrimination qu’elle énonce (à l’article 24 de la convention avec la Malaisie et à l’article 25 de celle avec Singapour) ; le Gouvernement a néanmoins signalé à votre Rapporteur que cette question ne devrait se poser qu’exceptionnellement.

Il est encore précisé, de manière redondante, que les stipulations de l’article 2 des conventions (qui énumère les impôts auxquels les conventions s’appliquent) ne restreignent pas l’application du nouvel article sur l’échange de renseignements.

Les échanges porteront sur « les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l’administration ou l’application de la législation interne » relative à ces impôts. La notion de « vraisemblablement pertinent » vise à assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible tout en évitant que les parties à l’accord ne formulent des requêtes extrêmement vagues ou ne demandent des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents par rapport à l’objet de ces accords. Toutefois, afin de ne pas restreindre excessivement l’échange de renseignements, les standards de l’OCDE précisent que cette notion doit être interprétée assez largement et que, le cas échéant, la pertinence des renseignements peut n’être évaluée qu’après réception des renseignements.

L’administration de l’Etat requis peut donc être amenée à rechercher des informations dont elle ne dispose pas déjà, et même si elle n’en a pas elle-même l’usage, comme le souligne le 4. des nouveaux articles : « l’Etat contractant utilise les pouvoirs dont il dispose pour obtenir les renseignements demandés, même s’il n’en a pas besoin à ses propres fins fiscales ».

Enfin, dans la mesure où l’échange de renseignements n’est pas retreint par l’article 1er des conventions, les renseignements échangés peuvent avoir trait à des personnes qui ne sont résidents d’aucun des Etats parties aux conventions.

B – Des cas de refus davantage encadrés

De manière curieuse, le 3. des nouveaux articles reprend le 2. des articles qu’ils remplacent, avant que les 4. et 5. le vident en partie de sa substance : le 3. limite les obligations de l’Etat requis, tandis que les 4. et 5. restreignent ces limitations ; le résultat est inutilement compliqué. Une rédaction plus directe des cas de refus, inspirée de celle retenue dans les accords sur l’échange de renseignements en matière fiscale, aurait été plus simple et plus claire.

Le 3. affirme que les stipulations du 1. (voir supra) et du 2. (voir infra) n’obligent un Etat partie ni à prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation ou à sa pratique administrative ou à celle de l’autre partie (a) ; ni à fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celle de l’autre Etat partie (b) ; ni à fournir des renseignements qui révèleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l’ordre public (c).

Les stipulations du c) sont classiques et se retrouvent dans les tous les accords sur l’échange de renseignements en matière fiscale. Celles du a) et b) renvoient à la fois au principe de réciprocité et à celui du respect des normes internes : elles conditionnent donc largement la portée de l’accord aux législations et aux pratiques des Etats parties, alors que ce sont justement elles qui, bien souvent, posent problème.

C’est pourquoi le 4. et le 5. des nouveaux articles posent clairement des limites à ce qu’un Etat partie peut refuser de faire, ce qui a pour effet de pousser les parties à modifier leurs règles internes. Ainsi, un Etat partie ne peut refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci ne présentent pas d’intérêt pour lui dans le cadre national (4.) (4) ou parce qu’ils sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d’une personne (5.).

Pour être en mesure d’appliquer les stipulations de ces nouveaux articles sans se mettre en contradiction avec leurs normes nationales, la Malaisie et Singapour ont donc modifié ces dernières. Le Gouvernement français a d’ailleurs précisé à votre Rapporteur qu’afin de s’assurer de l’effectivité de l’échange de renseignements que les avenants visent à instaurer, la France a subordonné l’entrée en vigueur de ceux-ci à l’adoption par les deux pays d’une législation interne sur l’accès aux informations à des fins fiscales.

La Malaisie a ainsi adopté en février 2010 une législation interne permettant l’accès à des fins fiscales à des informations, y compris bancaires. Ce dispositif interne crée une obligation pour les entreprises enregistrées de collecter des informations, dote les administrations fiscales du pouvoir d’obtenir toute information, y compris auprès des organismes financiers et auprès des entreprises implantées à Labuan, et les autorise à échanger des renseignements dans le cadre des traités internationaux conclus par la Malaisie.

Le Parlement de Singapour a, quant à lui, adopté le 19 octobre 2009 une loi permettant aux autorités singapouriennes de satisfaire sans limitation aux demandes d’échanges de renseignements.

La date à partir de laquelle les stipulations de l’avenant sont applicables est fixée à l’article 2 de chacun des avenants afin de tenir compte de la date à laquelle la législation nationale a été changée pour permettre l’échange de renseignements : pour l’avenant avec la Malaisie, elles s’appliquent sur les revenus à partir du 1er janvier de l’année suivant celle de sa signature, soit le 1er janvier 2010 ; pour l’avenant avec Singapour, il s’applique aux impôts prélevés en France dont le fait générateur est intervenu à compter du 1er janvier 2009, et aux impôts de Singapour dus à compter du 1er janvier 2010.

En outre, le contrôle de l’effectivité de l’échange de renseignements sera l’objet d’une évaluation par « les pairs » organisée par le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales. Ce processus d’évaluation a débuté en 2010 et doit s’étendre sur trois années au cours desquelles les juridictions qui ont adopté les standards internationaux en matière de transparence fiscale verront examinées leur législation interne et ses modalités de mise en œuvre. Dans ce cadre, l’évaluation de Singapour est prévue pour le second semestre 2010, tandis que celle de la Malaisie doit avoir lieu au premier semestre 2011. Notre pays, tout comme les autres signataires d’accords de ce type, n’a pas de moyens directs d’obtenir que la Malaisie et Singapour respectent leurs engagements.

C – Les droits des contribuables préservés

Le 2. des nouveaux articles assure le respect des règles de confidentialité dans l’échange de renseignements.

Ces renseignements seront tenus secrets « de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne » de l’Etat qui les a reçus. Votre Rapporteur a donc interrogé le Gouvernement sur la législation en vigueur dans ce domaine en Malaisie et à Singapour. Celui-ci lui a indiqué ne pas disposer des informations relatives à la Malaisie. Il a en revanche expliqué que tout fonctionnaire ou toute personne employée par l’administration fiscale singapourienne était soumis à une obligation de secret professionnel et que la loi prévoyait expressément dans quels cas et à qui ces personnes étaient autorisées à divulguer les informations et documents dont ils avaient connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Il est à ce titre expressément fait mention des cas d’élimination de doubles impositions et de lutte contre la fraude fiscale lorsqu’existe une convention à cette fin entre Singapour et un autre Etat.

Les renseignements ne sont donc communiqués qu’aux personnes et autorités qui mettent directement en œuvre la législation interne relative aux impôts (établissement ou recouvrement des impôts, procédures, poursuites ou recours relatifs à ceux-ci et contrôle de ces opérations) et ils ne peuvent les utiliser qu’à cette fin. Il est néanmoins autorisé de révéler les renseignements reçus devant un tribunal.

D – Des stipulations moins précises que celles des accords sur l’échange de renseignements fiscaux

Comme votre Rapporteur l’a expliqué supra, les avenants aux conventions fiscales en vigueur du type de ceux signés avec la Malaisie et Singapour ont le même objet que les nombreux accords relatifs à l’échange de renseignements en matière fiscale. On remarquera néanmoins qu’ils se contentent de modifier la rédaction d’un article de la convention d’origine quand les nouveaux accords comportent une douzaine d’articles.

Il est vrai que les conventions qu’ils modifient incluent déjà certaines des stipulations qui figurent dans les accords portant exclusivement sur l’échange de renseignements : c’est notamment le cas de l’article qui définit les termes employés ou de celui organisant la procédure amiable en cas de différends sur la mise en œuvre des conventions.

En revanche, un certain nombre des stipulations incluses dans les accords est totalement absent des conventions amendées tendant à éviter les doubles impositions : pour ne citer que deux exemples, la possibilité d’associer des fonctionnaires d’un Etat à la conduite de contrôles fiscaux dans l’autre ou la possibilité de les autoriser à interroger des personnes résidant dans l’autre Etat n’y figure pas ; aucun délai de réponse n’est fixé pour la partie requise, alors que des délais précis figurent dans les accords les plus récents portant sur l’échange de renseignements.

Interrogé sur les différences entre les stipulations des avenants et celles des accords, le Gouvernement a indiqué que « les commentaires du modèle de convention de l’OCDE reprennent les autres précisions figurant dans les accords d’échange de renseignements » et donc que « en définitive, les normes de transparence et d’échange de renseignements et le degré de contrainte qui y est associé sont équivalents, que le vecteur utilisé repose sur un accord d’échange de renseignements ou sur un avenant à une convention fiscale ».

Pourtant, si on peut imaginer que les commentaires du modèle de convention de l’OCDE suffisent par exemple pour organiser la prise en charge des frais induits par les échanges de renseignements – question à laquelle les accords consacrent un article –, il est douteux qu’il en soit de même pour les autres points. Si tel était le cas, on pourrait alors s’interroger sur l’utilité de les traiter dans le texte des accords…

CONCLUSION

Votre Rapporteur est ainsi sceptique sur la véritable portée de ces avenants aux conventions fiscales avec Singapour et la Malaisie. Il est vrai que les nouvelles stipulations qu’elles visent à inclure dans ces conventions sont plus contraignantes que celles qu’elles remplacent et ont un champ d’application plus large. Ces stipulations lui semblent pourtant bien légères au regard de l’objectif poursuivi de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, d’autant qu’elles sont moins précises que celles contenues dans les accords relatifs à l’échange de renseignements en matière fiscale signés par la France avec de nombreux Etats et territoires considérés comme non coopératifs.

Votre Rapporteur observe en outre que ni la Malaisie ni Singapour ne se sont particulièrement hâtés pour ratifier l’avenant : le texte est encore en cours d’examen au Parlement de Malaisie, tandis que la partie singapourienne, dont la procédure n’implique pas le pouvoir législatif, attend l’approbation de l’avenant par la partie française pour lancer la procédure devant conduire à la publication du texte au Journal officiel. Ces deux pays donnent l’impression d’avoir fait l’effort minimal nécessaire à leur inscription sur la liste « blanche » de l’OCDE ; il faudra suivre avec attention leur volonté de poursuivre cet effort en mettant réellement en œuvre les obligations issues de ces accords et avenants.

Dans ces conditions, votre Rapporteur vous propose de vous abstenir de voter les présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 30 juin à 17h30.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Patrick Labaune. L’actualité politique malaise me préoccupe et m’incite à approuver les propos critiques du Rapporteur. Si j’en crois l’Encyclopedia Universalis, le chef de l’opposition malaise attendrait d’être jugé pour répondre d’une accusation – ou plutôt d’une allégation – de sodomie… Cependant, si la France s’abstient de ratifier ces deux avenants, je crains qu’elle n’adresse en réalité un mauvais signal aux autres Parties, qui pourraient en inférer que de tels textes sont inutiles. Or je les crois nécessaires.

M. Jacques Remiller. Je souhaiterais que le Rapporteur éclaircisse les raisons de son abstention. Par ailleurs, pourquoi Singapour et la Malaisie ne se sont-ils « pas hâtés », comme vous l’avez dit, pour procéder à leur part des formalités de ratification ?

M. Alain Néri, rapporteur. Bien que l’aboutissement, en France, des procédures nécessaires à l’entrée en vigueur des deux avenants soit vraisemblablement acquis, j’estime qu’un message d’abstention, dans un premier temps, revient à exprimer le souhait que les autres parties fassent preuve de plus de diligence et acceptent de signer des accords du même type avec un plus grand nombre d’Etats que le minimum requis par l’OCDE pour figurer sur la liste « blanche ». Cela étant, j’entends vos réflexions et j’admets que cette solution n’est peut-être pas la bonne.

Mme Martine Aurillac. Même si cette évaluation est par définition très difficile, dispose-t-on d’une estimation approximative du volume de l’évasion et de la fraude fiscales avec Singapour et la Malaisie au détriment de la France ?

M. Alain Néri, rapporteur. Le Gouvernement, je le regrette, n’est pas capable de nous fournir une telle estimation.

M. le Président Axel Poniatowski. Mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de ces deux projets de loi. Je rejoins à cet égard l’argumentation de notre collègue Patrick Labaune. Ces avenants, quoiqu’imparfaits, vont dans le sens d’un renforcement des échanges de renseignements fiscaux dont la France ne pourra que profiter. Le rapport montre d’ailleurs qu’il en coûte aux deux États concernés de devoir se plier à cette discipline pour sortir de la liste grise de l’OCDE.

Alors que le Rapporteur s’abstient, la Commission adopte sans modification les projets de loi (nos 2322 et 2323).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, les présents projets de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (5)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur les revenus signée à Paris le 9 septembre 1974, signé à Singapour le 13 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi

*

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Malaisie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu, signée à Paris le 24 avril 1975 (ensemble un protocole) et modifiée par l’avenant signé à Kuala Lumpur le 31 janvier 1991, signé à Putrajaya le 12 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Les textes des avenants figurent en annexe aux projets de loi (nos 2322 et 2323).

© Assemblée nationale

1 () Les membres de l’ASEAN sont la Birmanie, Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam.

2 () On entend par activité commerciale la gestion d’actifs, les droits dérivés et la refacturation et par activité non commerciale la détention de participations, de valeurs mobilières et de titres.

3 () Signées respectivement le 9 septembre 1974 et le 24 avril 1975.

4 () La rédaction de cette phrase n’est pas exactement la même dans les deux accords : l’accord avec Singapour reprend à la lettre la version française du modèle de l’OCDE alors que celui avec la Malaisie est directement inspirée de sa version en anglais ; ces différences n’ont d’incidence ni sur la portée ni sur la sens de ces stipulations.

5 () pour les projets de loi nos 2322 et 2323.