______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mars 2011.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense,
par M. Jean-Marc NESME
Député
___
ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir les numéros :
Sénat : 593 (2009-2010), 125, 126 et T.A. 44 (2010-2011).
Assemblée nationale : 3077.
INTRODUCTION 5
I – LA RELANCE DES RELATIONS AVEC L’IRAK 7
II – UN ACCORD QUI PERMET A LA FRANCE DE REPRENDRE PLACE SUR LE MARCHE DE L’ARMEMENT EN IRAK 9
1) Avant l’invasion du Koweit 10
2) Après la guerre du Golfe 14
3) Après l’intervention en Irak des Etats-Unis 14
C.– UN ACCORD QUI PERMETTRA À LA FRANCE DE RENFORCER SON INFLUENCE EN IRAK 16
1) Le souhait de l’Irak de diversifier ses fournisseurs d’armement 16
2) Le dispositif de l’accord de coopération : former les élites militaires et créer un environnement favorable à nos exportations d’armement 17
CONCLUSION 19
EXAMEN EN COMMISSION 21
_____
ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 25
Mesdames, Messieurs,
La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi (n° 3077), adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense. L’examen de ce texte intervient alors que l’armée irakienne, qui a joué un rôle si important dans la vie politique de son pays depuis 1921, vient de célébrer le 6 janvier dernier son quatre vingt dixième anniversaire par un grand défilé au cœur de Bagdad.
Cet accord intervient dans le contexte de la relance des relations bilatérales entre la France et l’Irak. Notre pays était relativement mal perçu par les nouvelles autorités irakiennes en raison de son opposition à l’intervention militaire de la coalition conduite par les Etats-Unis et de ses relations étroites avec l’ancien régime de Saddam Hussein. Il a fallu plusieurs années pour que les Irakiens admettent que notre opposition à cette intervention militaire ne signifiait pas un soutien au régime précité. La présence de la France au Conseil de sécurité des Nations Unies, sa place au Moyen-Orient comme partenaire de nombreux Etats et le souvenir de la coopération franco-irakienne, qui s’exerçait dans tous les domaines, ont convaincu Bagdad de reprendre des relations normales avec notre pays.
De nombreuses visites ont permis le renouveau des relations franco-irakiennes: celles de M. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes à Bagdad, en août 2007 et juin 2008, de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République le 10 février 2009 et de M. François Fillon, Premier ministre le 2 juillet 2009. Du côté irakien, le Vice-Président Adel Abd Al Mahdi s’est rendu à Paris le 15 avril 2009, suivi le 4 mai 2009 par le Premier ministre Nouri Al Maliki et par le Président Jalel Talabani, du 16 au 19 novembre 2009, dont la visite s’est conclue par la signature de nombreux contrats et accords en matière économique, culturelle, scientifique et militaire. C’est en effet au cours de cette visite que l’accord de défense qui fait l’objet d’une approbation par le présent projet de loi a été signé par M. Hervé Morin, pour la France et par le général Abdulqader Al Obeidi, pour l’Irak.
Cet accord a pour objectif d’assister les Irakiens dans la reconstruction de leur armée. Il porte essentiellement sur l’armement des forces irakiennes. Il constitue une marque de confiance de l’Irak envers notre pays, dans un domaine habituellement considéré comme sensible.
I – LA RELANCE DES RELATIONS AVEC L’IRAK
Les visites précitées des autorités françaises et irakiennes ont tracé le cadre d’une vigoureuse relance des relations entre les deux pays.
Partenaire économique de tout premier plan dans les années 70 et 80, la France a vu ses exportations chuter dans les années 90 sous l’effet des sanctions internationales qui ont frappé Bagdad. A la suite de l’intervention américaine de 2003, le montant de nos exportations a atteint un plancher de 143 millions d’euros en 2004 et n’est remonté que faiblement, à hauteur de 173 millions d’euros en 2008, soit moins de 1% du marché irakien.
La présence française en Irak a été renforcée avec l’ouverture d’une mission économique comprenant trois agents et la création d’un poste de conseiller culturel et de coopération. En outre, notre dispositif diplomatique a été complété par l’arrivée d’un attaché de défense et d’un attaché de sécurité intérieure.
Afin de stimuler les échanges économiques, trois accords ont été signés, le premier sur la garantie de la COFACE, le second avec l’Agence française de développement et le troisième sur la protection réciproque des investissements. Un centre français des affaires et une maison de l’agriculture et de l’environnement ont été ouverts, respectivement à Bagdad et Erbil, afin de favoriser les échanges entre les sociétés commerciales des deux pays.
Cette politique a permis à la France de reprendre pied sur le marché irakien dont elle était complètement exclue, en raison notamment de la présence américaine. La part de marché de la France ne s’élève actuellement qu’à 1%, mais ce taux est appelé à augmenter. La France a multiplié par 2,4 ses exportations depuis 2009, année de la relance de ses relations avec Bagdad. Elle est fortement présente dans les équipements mécaniques électriques et électroniques, qui forment les deux tiers de ses exportations, grâce notamment à Schneider Electric. Les contrats récemment signés par Technip, pour les études d’une raffinerie à Kerbala, par Renault, Peugeot, Thalès, Alstom (turbine pour la centrale de Bassorah) et Saint-Gobain (canalisations à Kerbala et Abou Graib) vont renforcer la part de l’industrie française en Irak. On notera que Lafarge, leader mondial du ciment, est déjà le premier producteur dans ce pays. Des investissements importants devraient être réalisés prochainement par Total dans le champ pétrolier d’Halfaya, par Perenco dans la recherche d’hydrocarbures au Kurdistan irakien, par Seureca (filiale de Véolia), par Fayat pour la construction de barrages et par Dégremont, pour la construction de la station d’épuration de Rusafa, pour les besoins de l’agglomération de Bagdad.
Dans le secteur des transports, Aéroports de Paris a remporté le marché d’études de l’aéroport du Moyen-Euphrate, entre Kerbala et Nadjaf, et s’est porté candidat à la rénovation de la plate-forme aéroportuaire de Bagdad. Thalès s’intéresse à des projets de gestion du trafic ferroviaire et des ports. Air France a signé un contrat pour la rénovation de la compagnie Iraqi Airways. EADS a proposé la fourniture en leasing de deux Airbus A 321 pour répondre aux besoins à court terme de cette dernière. Enfin, CGA-CGM est leader du trafic du port d’Umm Qasr (80% du trafic du pays) et projette la construction d’un axe ferroviaire entre Lattaquié, en Syrie, et Umm Qasr.
Dans le secteur des services, Carrefour envisage d’ouvrir deux hypermarchés au Kurdistan. France Telecom étudie la possibilité d’être candidat à la quatrième licence de téléphonie mobile. Enfin Veritas négocie deux projets de contrats avec le ministère du pétrole et le ministère du plan.
Les échanges économiques ne sont pas les seuls bénéficiaires du renouveau des relations entre Paris et Bagdad. La France apporte également un soutien au renforcement de l’Etat de droit et a déjà accueilli 1800 fonctionnaires irakiens (policiers, magistrats et personnels pénitentiaires) dans ses écoles. La coopération universitaire s’intensifie, notamment dans les domaines des mathématiques et de l’archéologie. Enfin, les centres culturels français (qui n’ont jamais fermé leurs portes, même au plus fort des conflits) poursuivent leurs activités linguistiques et culturelles, conjointement avec des établissements secondaires et des universités. 2500 élèves irakiens étudieraient actuellement notre langue.
Cette politique permet à la France de retrouver sa place comme partenaire important de l’Irak. La confiance retrouvée entre les deux pays a permis d’étendre notre coopération au secteur de la défense et de la sécurité. La France a organisé de courts stages d’officiers irakiens dans la gendarmerie et dans la police aux frontières, tandis que d’autres officiers ont participé à une session de l’Institut des hautes études de la défense nationale.
II – UN ACCORD QUI PERMET A LA FRANCE DE REPRENDRE PLACE SUR LE MARCHE DE L’ARMEMENT EN IRAK
L’état des forces irakiennes a été décrit avec précision par M. Philippe Paul, sénateur du Finistère, dans son rapport (n° 125, 2010-2011) sur le présent projet de loi, lors de son examen au Sénat. Dissoute en 2003 sur l’ordre de Paul Bremer, administrateur civil de l’Irak, l’armée a été progressivement reconstruite dès 2004 en raison de la dégradation de la sécurité dans le pays. Ce n’est cependant qu’à la suite de la signature de l’Accord sur le statut des forces, le 1er janvier 2009, que les forces irakiennes sont en charge de la sécurité avec le soutien et le conseil des 50 000 soldats américains demeurant sur place. Ces derniers auront entièrement évacué le pays le 31 décembre 2011. Le 1er janvier 2012, l’Irak redeviendra pleinement souverain.
Les forces irakiennes sont aujourd’hui composées de trois armes dont une armée de terre de 250 000 hommes répartis en quatorze divisions. Deux brigades autonomes font en outre fonction de Garde présidentielle. Deux divisions de Peshmergas sous l’autorité du gouvernement régional du Kurdistan repasseront prochainement sous le commandement du pouvoir central. Les forces sont essentiellement composées d’unités formées sur une base religieuse (unités chiites ou sunnites) et après la chute de Saddam Hussein, il y subsistait peu d’officiers sunnites. Ils ont été réintégrés ces dernières années, leur expérience étant nécessaire à la reconstruction de l’armée.
A.– Une armée face à d’importants besoins
L’armée de terre irakienne dispose de bons équipements individuels, essentiellement fournis par les Etats-Unis. Elle manque en revanche de matériels lourds (200 chars dont une majorité sont de fabrication soviétique, 230 véhicules de transport de troupe américains et 10 000 véhicules légers) le plus souvent anciens ou issus de dons. Un contrat a été conclu avec l’Ukraine pour l’achat de 420 véhicules blindés de combat d’infanterie. La livraison de chars américains a pris du retard. Enfin, l’artillerie ne détient pas plus d’un millier de mortiers, et près de 500 unités d’artillerie n’ont pas reçu leur armement.
L’armée de l’air comprend 3 000 hommes et ne remplit que des missions de surveillance et de transport ; elle dispose de trois avions de transports militaires américains, d’une vingtaine d’hélicoptères américains et de six hélicoptères Gazelle de fabrication française. Un contrat avec l’Ukraine prévoit la livraison de six appareils de transports de modèle Antonov 32. Les Etats-Unis se sont engagés à livrer d’ici la fin de 2011 onze avions de formation et un certain nombre de F-16. Leur livraison comme la formation des pilotes par les Etats-Unis ne pouvant être exécutées avant trois ans, des négociations avec la France en vue de la modernisation de dix-huit Mirages F1 sont en cours.
La marine ne semble pas constituer la priorité du ministère de la Défense. Ses effectifs avoisinent 1500 marins, dont la moitié constituée par les bataillons de fusiliers commandos. Sa flottille est composée de quatre patrouilleurs italiens et en recevra, sous peu, cinq autres des Etats-Unis.
B.– L’évolution du marché irakien de l’armement
Il convient de distinguer trois périodes dans l’histoire récente du marché irakien de l’armement : celle précédant l’invasion du Koweit en 1990, la période des sanctions à la suite de la guerre du Golfe et enfin celle postérieure à 2003, après l’intervention en Irak de la coalition conduite par les Etats-Unis.
Le principal fournisseur d’armes à l’Irak, sous le régime baassiste de Saddam Hussein, était l’URSS, qui cherchait à étendre son influence au Moyen-Orient. L’Irak, qui recherchait un allié face à un Iran alors pro américain, a largement profité de cet appui pour équiper son armée, mais a cherché très vite à diversifier ses fournisseurs d’armement. Les pays occidentaux, auxquels il fournissait du pétrole, avaient de l’Irak une image positive, Bagdad s’affichant comme un régime laïc. La France est ainsi devenue le second fournisseur d’armes de ce pays grâce à d’étroites relations bilatérales. Dans les années 80, la valeur de nos contrats d’armements aurait approché les 6 milliards d’euros.
Le tableau ci-après recense les pays fournisseurs de l’Irak de 1979 à 1990. Il convient de noter que les Etats-Unis, premier exportateur mondial d’armement depuis la deuxième guerre mondiale, avaient cessé de vendre des armes à l’Irak depuis 1967, à la suite de la guerre des Six Jours. Celles-ci ne reprirent qu’en 1984. Ceci explique les raisons pourquoi Washington occupe une place réduite dans ce tableau. On rappellera enfin que les pays européens et les Etats-Unis ont fermement soutenu Bagdad tout au long de la guerre entre l’Irak et l’Iran (1980 - 1988), afin d’affaiblir le régime de Téhéran instauré par l’ayatollah Khomeiny.
Pays fournisseurs de l’Irak de 1979 à 1990
Désignation de l’arme |
Arme |
Année |
Quantité | |
Artillerie tractée |
1983 |
200 | ||
Avion école |
1985-1988 |
80 | ||
Lance-roquette |
1984-1988 |
67 | ||
Véhicule |
1983-1984 |
350 | ||
Engin (reconnaissance) |
1984-1985 |
280 | ||
Véhicule blindé |
1980-1989 |
1026 | ||
Radar |
1984-1988 |
13 | ||
Turbopropulseur |
1980-1990 |
152 | ||
Bombardier |
1988 |
4 | ||
Avion de combat |
1982-1983 |
40 | ||
Avion de combat |
1983-1987 |
80 | ||
Lance-roquette |
1984-1988 |
100 | ||
Artillerie tractée |
1988-1989 |
50 | ||
Véhicule de génie |
1986-1987 |
25 | ||
Char |
1982-1987 |
1000 | ||
Char |
1983-1987 |
1500 | ||
Véhicule |
1982-1988 |
650 | ||
Radar |
1986-1988 |
5 | ||
SAM |
1986-1987 |
1000 | ||
Missile anti-marin |
1987-1988 |
200 | ||
Avion de combat |
1976-1985 |
59 | ||
Véhicule d’infanterie |
1981-1987 |
750 | ||
Véhicule d’infanterie |
1987-1989 |
250 | ||
Véhicule |
1981 |
200 | ||
Char |
1982-1985 |
400 | ||
Navire (débarquement) |
1983 |
3 | ||
RFA |
Char |
1981 |
50 | |
Artillerie tractée |
1985-1989 |
210 | ||
Artillerie tractée |
1981-1983 |
96 | ||
Lance-roquette |
1987-1989 |
300 | ||
Egypte |
Char |
1981-1983 |
300 | |
Egypte |
Véhicule |
1980 |
100 | |
Avion de combat |
1982-1990 |
72 | ||
France |
Avion de combat |
1980-1982 |
36 | |
France |
Hélicoptère |
1981 |
6 | |
France |
Hélicoptère |
1980-1981 |
20 | |
France |
Hélicoptère |
1980-1988 |
38 | |
France |
Avion de combat |
1983 |
5 | |
France |
Artillerie motorisée |
1983-1985 |
85 | |
France |
Véhicule d’infanterie |
1981-1982 |
100 | |
France |
Véhicule de génie |
1981 |
5 | |
France |
Véhicule blindé |
1980-1984 |
200 | |
France |
Véhicule |
1983-1984 |
115 | |
France |
Tank destroyer |
1979-1981 |
100 | |
France |
Radar |
1985 |
2 | |
France |
Missile |
1982-1985 |
113 | |
France |
Radar |
1988 |
1 | |
France |
Radar |
1986-1989 |
5 | |
France |
Radar |
1984-1985 |
6 | |
France |
Radar |
1981-1983 |
5 | |
France |
Missile |
1979-1988 |
352 | |
France |
Missile |
1986-1990 |
450 | |
France |
ASM |
1986-1990 |
240 | |
France |
Missile anti-tank |
1981-1982 |
1000 | |
France |
Missile |
1981-1985 |
534 | |
France |
Missile |
1981-1990 |
2260 | |
France |
Missile |
1981-1985 |
300 | |
Hélicoptère |
1984-1989 |
22 | ||
RDA |
Hélicoptère |
1979-1982 |
20 | |
RDA |
Hélicoptère |
1988 |
6 | |
Véhicule |
1981 |
300 | ||
Italie |
Hélicoptère |
1982 |
2 | |
Italie |
Hélicoptère |
1982 |
6 | |
Italie |
Navire de soutien |
1981 |
1 | |
Jordanie |
Hélicoptère |
1985 |
2 | |
Pologne |
Hélicoptère |
1984-1985 |
15 | |
Pologne |
Véhicule |
1983-1990 |
750 | |
Pologne |
Char |
1981-1982 |
400 | |
Pologne |
T-72M1 |
Char |
1982-1990 |
500 |
Char |
1982-1984 |
150 | ||
Lance-roquette |
1988 |
2 | ||
Afrique du Sud |
Artillerie tractée |
1985-1988 |
200 | |
Avion-école |
1980-1983 |
52 | ||
Suisse |
Avion-école |
1987-1990 |
20 | |
Suisse |
Véhicule blindé |
1981 |
100 | |
Royaume-Uni |
Véhicule blindé |
1982 |
29 | |
Royaume-Uni |
Radar |
1986-1988 |
10 | |
Hélicoptère |
1983 |
30 | ||
Hélicoptère |
1983 |
30 | ||
Hélicoptère |
1986 |
26 | ||
Hélicoptère |
1988 |
31 | ||
Union soviétique |
Avion stratégique |
1978-1984 |
33 | |
Union soviétique |
Hélicoptère d’attaque |
1978-1984 |
12 | |
Union soviétique |
Hélicoptère |
1986-1987 |
37 | |
Union soviétique |
Hélicoptère |
1984 |
30 | |
Union soviétique |
Avion de combat |
1983-1984 |
61 | |
Union soviétique |
Avion |
1984-1985 |
50 | |
Union soviétique |
Avion |
1980-1985 |
55 | |
Union soviétique |
Avion |
1982 |
8 | |
Union soviétique |
Avion |
1986-1989 |
41 | |
Union soviétique |
Avion |
1986-1987 |
61 | |
Union soviétique |
Avion |
1986-1987 |
84 | |
Union soviétique |
Artillerie tractée |
1986-1988 |
180 | |
Union soviétique |
Obusier motorisé |
1980-1989 |
150 | |
Union soviétique |
Artillerie motorisée |
1980-1989 |
150 | |
Union soviétique |
Mortier motorisé |
1983 |
10 | |
Union soviétique |
Lanceur SSM |
1983-1984 |
10 | |
Union soviétique |
Lance-roquette |
1983-1988 |
560 | |
Union soviétique |
Artillerie tractée |
1982-1988 |
576 | |
Union soviétique |
Mortier |
1981 |
25 | |
Union soviétique |
Artillerie tractée |
1982-1987 |
576 | |
Union soviétique |
Véhicule de combat |
1985 |
30 | |
Union soviétique |
Véhicule de combat |
1981 |
10 | |
Union soviétique |
Char |
1984 |
200 | |
Union soviétique |
Missile |
1982-1985 |
160 | |
Union soviétique |
Radar |
1980-1984 |
10 | |
Union soviétique |
Porte missile |
1982-1985 |
50 | |
Union soviétique |
Radar |
1980-1984 |
5 | |
Union soviétique |
Missile anti-char |
1986-1989 |
3000 | |
Union soviétique |
Missile |
1985-1986 |
960 | |
Union soviétique |
Missile anti-navire |
1984 |
36 | |
Union soviétique |
Missile anti-radar |
1983-1988 |
250 | |
Union soviétique |
Missile |
1984-1987 |
1080 | |
Union soviétique |
Missile |
1982-1988 |
840 | |
Union soviétique |
Missile |
1986-1989 |
246 | |
Union soviétique |
Missile |
1980-1985 |
660 | |
Union soviétique |
Missile |
1986-1989 |
582 | |
Union soviétique |
Missile |
1982-1985 |
1290 | |
Union soviétique |
Missile |
1982-1985 |
1920 | |
Union soviétique |
Porte Missile |
1987-1988 |
500 |
Source: Stockholm Peace Research Institute
A la suite de la libération du Koweit par la coalition formée sous l’égide de l’ONU, le commerce irakien a été limité aux domaines autorisés par les résolutions des Nations unies, notamment la résolution n° 986 dite « pétrole contre nourriture » du 14 avril 1995. Les contrats d’armement étaient prohibés. Il se peut que des accords d’assistance ponctuelle aient été clandestinement passés, le New York Times et le Washington Post ayant ainsi accusé la France, puis la Russie, de fournir des pièces détachées à l’aviation irakienne et aux forces blindées.
3) Après l’intervention en Irak des Etats-Unis
L’intervention en Irak de la coalition conduite par les Etats-Unis a radicalement modifié le contexte dans lequel l’Irak pouvait passer des contrats d’armement, en raison de la mise sous tutelle de l’Etat irakien. Supprimée dès le début de l’occupation du pays par les forces de la coalition, l’armée a été progressivement rebâtie. Il a fallu lever graduellement la totalité des sanctions imposées à l’Irak depuis août 1990, ce qui été achevé le 10 décembre 2010. Cependant comme le montre le tableau ci-après, la communauté internationale a repris les ventes d’armes à l’Irak dès 2004 sur le fondement d’une décision du Conseil de sécurité, qui a autorisé de telles ventes dès lors que le gouvernement de l’Irak ou la force multinationale en avaient besoin pour assurer la sécurité dans le pays.
Les Etats-Unis ont naturellement profité de leur position dans le pays pour devenir le premier fournisseur d’armement de Bagdad (cf tableau ci-après). Ils n’hésitent pas à faire pression sur le Gouvernement irakien pour que ce dernier renonce à diversifier ses fournisseurs. Ainsi, au 1er septembre 2010, l’Irak s’apprêtait à acheter des armes et d’équipement militaires américains d’une valeur de 13 milliards de dollars. La liste des achats irakiens comprenait notamment 140 chars M-1, que les Irakiens avaient vus à l’œuvre (à leurs dépens) lors de la guerre du Golfe. L’armée irakienne a aussi demandé aux Etats-Unis dix-huit chasseurs F-16.
Les sociétés françaises demeurent désormais en marge. En dehors de la vente par Eurocopter de 24 hélicoptères militaires, les grands contrats restent rares.
La liste des pays fournisseurs (hors Etats-Unis) montre que l’Irak, dont les besoins de reconstruction civile sont immenses, s’adresse prioritairement aux pays qui vendent des équipements à bas coût. Il lui faut rebâtir une défense nationale dans un contexte budgétaire tendu.
Pays fournisseurs de l’Irak depuis 2003
Désignation de l’arme |
Arme |
Année |
Quantité | |
Afrique du sud |
Véhicule blindé |
2007 |
115 | |
SB-7L-360 Seeker |
Avion léger |
2004 |
2 | |
Avion léger |
2005-2007 |
16 | ||
Turbopropulseur |
2009 |
4 | ||
Corée du sud |
Barracuda |
Véhicule blindé |
2005 |
12 |
E.A.U. (1) |
Bell-206/OH-58 |
Hélicoptère |
2005 |
5 |
E.A.U. |
M-3 VTT |
Véhicule |
2004 |
44 |
E.A.U. |
VCR-TT |
Véhicule |
2005 |
10 |
Etats-Unis |
Moteur diesel |
2006 |
44 | |
Etats-Unis |
Véhicule |
2007 |
52 | |
Etats-Unis |
C-130E Hercules |
Avion de transport |
2005 |
3 |
Etats-Unis |
Comp Air-7SL |
Avion |
2004 |
43 |
Etats-Unis |
Bell-205/Uh-1 Huey-2 |
Hélicoptère |
2007 |
16 |
Etats-Unis |
Cessna-208 Caravan |
Avion de transport |
2009 |
11 |
Etats-Unis |
HMMWV up-armoured |
Véhicule |
2009 |
8500 (+20) |
Etats-Unis |
AN/TPS-77 |
Radar |
2009 |
1 |
Etats-Unis |
Cougar |
Véhicule |
2007 |
525 (+109) |
Etats-Unis |
M-113 |
Véhicule |
2007 |
50 |
Etats-Unis |
Bell-206/OH-58 |
Hélicoptère léger |
2009 |
20 |
Etats-Unis |
Cessna-172/T-41 |
Avion-école |
2009 |
12 |
Etats-Unis |
ISR King Air-350 |
Pièces détachées d’avion |
2008 |
5 (+5) |
Etats-Unis |
King Air |
Avion de transport |
2007 |
1 (+1) |
Etats-Unis |
AGM-114A Hellfire |
Missile anti-char |
2009 |
20 |
Etats-Unis |
K-6 120mm |
Mortier |
2009 |
100 |
Etats-Unis |
M-113 A3 |
Véhicule |
Non-livrés |
(20) |
Etats-Unis |
M-1A1 Abrams |
Char |
Non livrés |
(140) |
Etats-Unis |
M-88 A2 Hercules |
Véhicule blindé |
Non livrés |
(8) |
Etats-Unis |
Bell-407 |
Hélicoptère léger |
Non livrés |
27 |
Etats-Unis |
C-130J Hercules-2 |
Avion de transport |
Non livrés |
(6) |
Etats-Unis |
Swiftships-35PB |
Patrouilleur |
Non livrés |
(9) |
Etats-Unis |
PC-9 |
Avion-école |
2009 |
4 |
Hélicoptère |
Non livrés |
(24) | ||
Véhicule |
2006 |
100 | ||
Char |
2005 |
77 | ||
Véhicule |
2007 |
66 | ||
Véhicule de génie |
2005 |
4 | ||
Patrouilleur |
2009 |
4 | ||
Hélicoptère |
2007 |
16 | ||
Véhicule blindé |
2004 |
50 | ||
Véhicule |
2005 |
100 | ||
Véhicule |
2005 |
100 | ||
Véhicule blindé |
2005 |
20 | ||
Véhicule |
2005 |
44 | ||
Véhicule blindé |
2007 |
600 | ||
Royaume uni |
AT-105 Saxon |
Véhicule blindé |
2007 |
60 |
Royaume uni |
Shorland |
Véhicule blindé |
2005 |
72 |
Hélicoptère |
2006 |
10 | ||
Hélicoptère |
2008 |
18 | ||
Hélicoptère |
Non livrés |
(22) | ||
Avion-école |
Non livrés |
(20) | ||
Turquie |
Akrep/Scorpion |
Reconnaissance AV |
2006 |
573 |
Ukraine |
Reconnaissance AV |
2006 |
13 | |
Véhicule de génie |
2008 |
92 | ||
Véhicule |
2007 |
32 | ||
Véhicule blindé |
2007 |
110 | ||
Antonov 32 |
Avion de transport |
Non livrés |
(6) | |
Ukraine |
Véhicule blindé |
Non livrés |
(400) |
(1) E.A.U: Emirats arabes unis
Source: Stockholm Peace Research Institute
C.– Un accord qui permettra à la France de renforcer son influence en Irak
Pour avoir confié sur la longue durée la défense de leur pays aux Etats-Unis, les dirigeants irakiens n’ont pris conscience que tardivement de la nécessité de doter leur armée de capacités opérationnelles. A l’approche du départ des forces américaines, ils sont dans une situation d’urgence. Ils se sont tournés vers plusieurs pays, dont la France, pour diversifier leurs fournisseurs et bénéficier de conseils et de formations.
1) Le souhait de l’Irak de diversifier ses fournisseurs d’armement
L’Etat irakien, en phase de reconstruction, est confronté depuis le 1er juillet 2009 au défi d’assurer la sécurité intérieure, face à des actes terroristes et de garantir la protection de ses frontières. Juillet 2009 a en effet constitué le point de départ des forces américaines des principales agglomérations. Depuis le 1er septembre 2010, les forces américaines, limitées à 49 500 hommes, ont cessé toute mission de combat et ne remplissent qu’un rôle d’instruction. Elles doivent se retirer graduellement, leur évacuation devant être achevée le 31 décembre 2011.
L’Irak aura donc dans les prochains mois la pleine et entière responsabilité de sa sécurité intérieure et extérieure, alors que l’armée comme la police ne disposent pas de la totalité des équipements qui leur sont nécessaires pour assumer leurs missions, dans un contexte régional qui demeure instable. Il n’est donc pas étonnant que le Gouvernement irakien souhaite le prolongement, sous une forme à négocier, de la présence militaire américaine jusqu’en 2016. Washington, qui souhaite maintenir les avantages politiques et économiques de sa présence en Irak, a sans doute inspiré ce souhait, qui lui permet en outre de disposer de bases à proximité de l’Iran.
Il reste que les Etats-Unis ne peuvent à eux seuls assurer l’équipement de l’armée irakienne, malgré leurs indéniables capacités technologiques et leur position dominante dans le pays. Certains matériels promis à l’Irak en 2007 n’ont toujours pas été livrés. De leur côté, les Irakiens ne veulent pas dépendre exclusivement d’un pays fournisseur pour leurs armements les plus sensibles. Ils ont signé ces dernières années des contrats avec la Russie et l’Ukraine pour diversifier leurs sources d’approvisionnement et souhaitent se tourner vers la France, dont l’offre d’armement, très vaste, s’adresse à l’ensemble de leurs forces, terrestres, aériennes et navales.
2) Le dispositif de l’accord de coopération : former les élites militaires et créer un environnement favorable à nos exportations d’armement
Négocié entre Août et Novembre 2009, l’accord de coopération est très court, avec seulement 13 articles. Il reprend le dispositif classique de tout accord de ce type, avec une place particulière pour les questions d’armement. Il ne s’agit pas d’un accord de défense qui induirait une quelconque clause d’engagement de nos forces.
L’article 2 est relatif au champ de l’accord. Outre l’échange d’informations en matière stratégique et militaire, il prévoit principalement l’acquisition, la modernisation et la réparation d’armement et de matériel militaire, avec un soutien de la France à l’Irak pour leur utilisation et leur entretien.
L’article 4 institue une commission bilatérale chargée de mettre en œuvre concrètement l’application du présent accord. Elle devra se réunir au minimum une fois par an, alternativement en France et en Irak sous la coprésidence de représentants de chaque partie à l’accord.
L’article 5 prévoit que la France désigne un correspondant permanent, chargé de coordonner la mise en œuvre de la coopération française et de veiller à l’exécution des contrats. Il aura également un rôle général de conseil auprès des autorités irakiennes. Ce correspondant devrait être un collaborateur de la direction général de l’armement, qui effectuera des missions ponctuelles en Irak et dont l’action sera relayée par l’attaché de défense.
L’article 6 est relatif à la procédure d’échange d’informations nécessaires à la mise en œuvre des matériels acquis par l’Irak et contient les dispositions habituelles de protection réciproque des informations classifiées.
Les articles 7 et 8 précisent que les actions de formation et d’entraînement, ainsi que celles concernant l’évaluation et l’analyse des armements sont assurées par la France à titre onéreux, l’Irak en supportant le coût financier.
Les articles 9 à 13 reprennent enfin les dispositions classiques sur les prises en charge financière des missions, les privilèges et immunités des personnels assurant des missions sur les territoires français et irakiens et sur le règlement d’éventuels dommages.
Par cet accord, la France espère renforcer son influence auprès des élites militaires, grâce notamment à l’affectation de coopérants militaires auprès des états-majors. A ce jour, un officier de gendarmerie a été placé auprès du commandant des forces de la police fédérale et si le contrat sur les systèmes de commandement de défense aérienne devait être signé, un coopérant militaire spécialisé en ce domaine serait affecté auprès de l’état-major de l’armée de l’air irakienne. Sont également envisagées des missions d’audit et des actions de formation des officiers.
Le volet relatif à la formation est primordial pour la France. Les Irakiens attribuent en effet leur résistance face à l’Iran à leur armée de l’air et à l’entraînement qu’avaient reçu leurs pilotes en France. Ces derniers sont encore en grand nombre dans les cadres de l’armée irakienne et sont susceptibles de servir d’appui à notre pays pour relancer la coopération bilatérale en matière de défense.
Les projets d’exportations d’armements sont pour l’instant limités. Outre les 24 hélicoptères EC 635 (360 millions d’euros) en cours de livraison, le projet de vente de 6 hélicoptères Panther entre dans la phase active de négociations. La France a également émis une offre de modernisation des 18 Mirage F1 de l’armée de l’air (3 milliards d’euros), qui permettrait à Bagdad de recouvrer la souveraineté aérienne digne de ce nom. Enfin, la France a remis à l’Irak son projet de système de commandement de la défense aérienne, qui, s’il était retenu, déboucherait sur de nombreux contrats pour nos industriels. Il s’agit en effet de sécuriser les frontières avec la Turquie et l’Iran et d’assurer la défense aérienne des grandes villes.
Le présent accord permet à la France de reprendre pied sur un marché dont elle est quasiment exclue en raison de l’étroite présence américaine auprès des autorités irakiennes. Il offre en conséquence, à moyen terme, de sérieuses perspectives de contrats pour nos industriels, qui consolideront l’emploi dans de nombreuses régions françaises.
L’Irak s’efforce de retrouver sa souveraineté et d’assurer sa sécurité intérieure et extérieure dans un contexte difficile, avec la présence de cellules terroristes bien organisées et le risque de troubles confessionnels. La reconstruction de son armée constitue un élément indispensable de la restauration de l’autorité de l’Etat. Actuellement sous-équipée, incapable d’assurer la défense côtière comme la couverture aérienne, elle a besoin d’équipements en nombre comme en qualité.
Un Irak démocratique a le droit, conformément à la Charte de l’ONU, d’assurer sa sécurité. La coopération qu’il attend de notre pays lui permettra d’atteindre cet objectif et de contribuer à la stabilité du Moyen-Orient.
La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 2 mars 2011.
Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.
M. Michel Terrot. Sait-on si l’Irak a signé d’autres accords du même type avec d’autres pays et en a-t-on mesuré l’impact ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. J’y ai fait allusion dans le rapport. Des contrats d’armement ont été conclus avec la Pologne et l’Ukraine, qui a débuté ses livraisons. Nous ne sommes donc pas seuls sur le marché et cela justifie d’autant plus l’accord dont nous débattons aujourd’hui. J’ajoute que les autorités irakiennes le souhaitent vivement. Il faut également garder présent à l’esprit le fait que les officiers sunnites, qui avaient été exclus de l’armée à la chute de Saddam Hussein, sont progressivement réintégrés. Indépendamment du fait que l’armée en avait été déstabilisée, ces officiers avaient une grande habitude de travailler avec l’industrie française, tant en ce qui concerne les armements que la formation des cadres militaires. Toutes les conditions, politiques, militaires et techniques, sont donc aujourd’hui réunies, pour que cet accord soit positif.
M. Jean-Marc Roubaud. Au-delà de l’intensification des échanges économiques attendue entre les deux pays, ce qui sera positif, quel est aujourd’hui le solde de notre balance commerciale avec l’Irak ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Le montant des échanges est des plus faibles, dans les deux sens. Cela étant, les choses changent depuis deux ans, notamment dans les secteurs électroniques, mécaniques ou encore du BTP. Nos échanges ont été multipliés par 2,4 en deux ans, ce qui est très rapide. Le déficit commercial français s’est considérablement réduit en dix ans. Il est aujourd’hui inférieur à 500 millions d’euros. Si la France retrouvait le niveau d’échanges qui était le sien au cours des années 1980, il y aurait très probablement de nouveau un solde excédentaire de notre côté. En d’autres termes, outre le volet politique, cette opération est bénéfique sur le plan commercial.
M. Jacques Remiller. Quelle est la situation précise en Irak aujourd’hui, par rapport aux autres pays arabes et notamment en ce qui concerne le terrorisme ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Il semblerait que les actes de terrorisme diminuent désormais en Irak, même s’il convient de rester prudent sur ce sujet. Cela fait probablement suite à la réintégration des sunnites dans les forces armées, qui contribue évidemment à apaiser les tensions et à la réconciliation entre les deux communautés.
M. Jean-Michel Ferrand. L’Irak privilégie-t-il les achats de matériels français ou bien se diversifie-t-il ? Les Mirage ont été vus comme l’une des raisons de la bonne tenue de l’armée irakienne contre l’Iran, mais le rapport ne fait pas mention de ces avions de chasse. Ont-ils été détruits ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Il reste des Mirage, mais ils sont dans un état de pauvreté technologique avancé. La remise à niveau ou la constitution d’une nouvelle flotte sont précisément sous-jacents à cet accord. Le montant estimé des réparations se monte à quelque 3 milliards d’euros. Il semblerait que l’Irak cherche à se diversifier, mais il marque néanmoins sa préférence pour le matériel français et sa volonté de se libérer de la tutelle des Etats-Unis, ne serait-ce que pour conserver plusieurs fers au feu, tant sur le plan politique que militaire.
M. Philippe Cochet. Alors que les efforts français en matière de formation de l’armée sont reconnus par les autorités irakiennes, ceux-ci s’accompagnent-ils de démarches commerciales, exercice dans lequel nous pêchons souvent. Il serait dommage de passer à côté de l’aspect économique qui devrait être indissociable de nos actions de coopération. Par ailleurs, puisque la formation des policiers est aussi l’objet d’une coopération entre nos deux pays, qu’en est-il de la vente de matériel français dans ce domaine ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. La formation et la vente d’équipements militaires et de sécurité vont de pair. C’est d’ailleurs un atout de pouvoir associer les deux. Il existe en la matière une très bonne coordination entre les services de l’Etat, les constructeurs et les pays acheteurs.
M. Robert Lecou. Il est important de signer un tel accord qui permet à l’Irak de diversifier ses achats et de progresser sur la voie de la démocratie. Savez-vous si des contacts ont déjà été noués par les autorités irakiennes avec les industries d’armement françaises ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Des contacts ont en effet été pris pour permettre une conclusion rapide des contrats dès la ratification de cet accord.
M. Jean-Paul Dupré. Quels sont les autres pays de la région auxquels la France fournit des armements ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Je peux citer la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. En outre, un accord a été conclu récemment avec le Liban mais celui-ci ne dispose pas à ce jour des moyens financiers nécessaires pour lui donner une traduction concrète. La France est donc déjà présente dans la région mais il est vrai qu’elle était absente de ce grand pays qu’est l’Irak. Il est important que cet accord soit mis en œuvre rapidement afin de renforcer le poids politique et économique de la France dans la région.
M. Dominique Souchet. L’Union soviétique avait développé une coopération forte avec l’Irak dont l’Ukraine se veut aujourd’hui l’héritière, comme en témoignent les livraisons de matériel. La Russie cherche t-elle à se réintroduire dans le marché ? Peut-elle devenir un concurrent sérieux ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. La Russie cherche en effet à revenir dans le jeu par le biais de l’Ukraine. Mais elle souffre du mauvais souvenir laissé par ses équipements militaires aux officiers irakiens. Pour cette raison, la France dispose d’une longueur d’avance.
M. Jean-Claude Guibal. Quelle appréciation peut-on porter sur la stabilité du régime et la cohésion nationale ? Quels sont les alliés et les conflits potentiels qui pourraient conduire l’Irak à utiliser les armements que nous lui fournirons ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Le Gouvernement irakien souhaite se doter d’une armée moderne afin non pas d’attaquer mais de se défendre car le souvenir de la guerre contre l’Iran demeure vivace.
L’Irak est encore un pays instable mais qui va dans la bonne direction. L’idée de trois fédérations (chiite au Sud, sunnite autour de Bagdad et kurde au Nord) n’est plus à l’ordre du jour. Le Gouvernement est en passe de réussir l’unification du pays sur le plan institutionnel : l’Irak est un Etat unitaire doté d’un pouvoir central et de pouvoirs délégués dans les provinces. Cet accord ne peut que conforter la souveraineté de l’Etat irakien en renforçant les pouvoirs régaliens.
M. Patrick Labaune. Les armes sont-elles destinées à un usage externe ou interne ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Les armes ont une vocation défensive. Rien n’indique que la modernisation ait des visées agressives à l’égard des pays environnants. Il est vrai qu’il s’agit d’un pari comme pour toute vente d’armes.
M Rudy Salles. Vous avez évoqué la part du lion que se taillent les Etats-unis ainsi que le cas de quelques pays européens. Qu’en est-il de la Grande-Bretagne ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. La Grande-Bretagne cherche à reprendre pied mais leur engagement dans la guerre en Irak constitue un handicap. Les Irakiens assimilent la Grande-Bretagne aux Etats-Unis. La diversification ne passe donc pas pour l’heure par la Grande-Bretagne.
M. Alain Neri. L’Irak a été utilisé un temps comme bouclier contre l’Iran. Dans le contexte d’agitation iranienne actuelle, l’accord ne traduit-il pas la volonté de s’appuyer sur l’Irak pour mener certaines opérations ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Je ne dispose pas d’éléments pour abonder dans votre sens. L’armée irakienne est une armée professionnelle, composée de chiites et de sunnites sans que des conflits entre eux n’aient été rapportés. La réintégration des officiers sunnites a contribué à pacifier l’Irak et à favoriser l’équilibre entre les communautés.
La guerre contre l’Iran a marqué la mémoire de la population. C’est la raison pour laquelle les autorités souhaitent renforcer l’armée, pour se défendre le cas échéant. L’Irak cherche à recouvrer sa souveraineté grâce à des institutions stables, les plus démocratiques possibles. L’Irak est aujourd’hui un pays détruit. La première préoccupation de ses dirigeants est donc la reconstruction dans tous les domaines. Il serait dommage que notre pays n’y contribue pas.
M. Jean-Pierre Kucheida. Quelle est la part des Kurdes dans l’armée ?
M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Les peshmergas du Nord pourraient rejoindre l’armée nationale. On s’éloigne donc de la partition.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n 3077).
*
* *
La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense, signé à Paris le 16 novembre 2009.
NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 3077).
© Assemblée nationale