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N
° 3387

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens,

par Mme élisabeth GUIGOU,

Députée

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros  :

Sénat : 555 (2009-2010), 73, 74 et T.A. 39 (2010-2011).

Assemblée nationale : 3079.

INTRODUCTION 5

I – DU DROIT COUTUMIER À L’ÉLABORATION, DIFFICILE, D’UNE CONVENTION INTERNATIONALE 7

A – DES RÈGLES QUI SONT AUJOURD’HUI ESSENTIELLEMENT COUTUMIÈRES 7

B – LE LONG PROCESSUS D’ÉLABORATION DE LA CONVENTION 8

C – LES PRINCIPAUX POINTS AYANT DONNÉ LIEU À DÉBATS 10

II – LE CONTENU D’UNE CONVENTION QUI NE S’APPLIQUERA QU’EN MATIÈRE CIVILE 13

A – LE CHAMP D’APPLICATION DE LA CONVENTION 13

B – L’IMMUNITÉ DE JURIDICTION 16

1) Les principes généraux 16

2) Les exceptions à l’immunité de juridiction 17

a) Les transactions commerciales 17

b) Les contrats de travail 18

c) Les atteintes à l’intégrité physique des personnes ou les dommages aux biens 19

d) Les autres exceptions 19

C – L’IMMUNITÉ D’EXÉCUTION 20

D – LES AUTRES STIPULATIONS 22

1) Les aspects procéduraux 22

2) Les dispositions finales 23

III – UNE CONVENTION QUI AURA TRÈS PEU D’INCIDENCES EN DROIT FRANÇAIS 25

A – UNE CONVENTION CONFORME AUX PRINCIPES DÉGAGÉS PAR LA JURISPRUDENCE FRANÇAISE 26

1) La jurisprudence relative aux immunités de juridiction 26

2) La jurisprudence relative aux immunités d’exécution 27

B – DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PEU NOMBREUSES, QUI N’AURONT À ÊTRE MODIFIÉES QUE SUR UN POINT 28

CONCLUSION 31

ANNEXES 33

Annexe 1 : Résolution 59/38 de l’Assemblée générale des Nations unies 35

Annexe 2 : Liste des Etats signataires de la convention 37

EXAMEN EN COMMISSION 39

_____

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 43

Mesdames, Messieurs,

Les immunités juridictionnelles des Etats, qui se déclinent en immunité de juridiction et immunité d’exécution, forment une question complexe et sensible, dans la mesure où elle touche à la fois au droit d’accès au juge, à l’égalité de chacun dans l’exercice de ce droit, à la souveraineté des Etats et au droit international.

Fondée sur le principe de l’égalité souveraine des Etats, la notion d’immunité relève principalement du droit international public coutumier et sa mise en œuvre est déclinée par la pratique jurisprudentielle des Etats. Les juridictions nationales peuvent être amenées à prendre des décisions différentes face à des situations identiques, mais les similitudes l’emportent sur les divergences. Ainsi, le régime des immunité a progressivement évolué : jadis absolue, l’immunité est devenue restreinte. Cette convergence des pratiques a conduit les Nations unies à lancer, il y a près de trente-cinq ans, des travaux visant à codifier le droit des immunités juridictionnelles des Etats. La convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, ainsi que les Points convenus en ce qui concerne la compréhension de certaines dispositions de la convention, qui lui sont annexés, sont le résultat de ce processus (1).

La convention a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 2 décembre 2004 et ouverte à la signature du 17 janvier 2005 au 17 janvier 2007. La France l’a signée le 17 janvier 2007 : si cette signature peut apparaître tardive, elle ne traduit nulle réticence de notre pays, mais le temps consacré à la consultation interministérielle. Le projet de loi autorisant sa ratification a été déposé en juillet 2009, après un nouveau délai de plus de deux années, qui s’explique par la tenue d’une nouvelle phase de consultation interministérielle et par son examen pour avis devant le conseil d’Etat. Il faut néanmoins souligner que ni la signature de la convention ni le vote du projet de loi n’apparaissaient comme urgents, dans la mesure où, sur le fond, les solutions retenues par la convention sont conformes à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Après avoir présenté les conditions dans laquelle cette convention a été élaborée et les points sur lesquels les discussions ont été les plus difficiles, votre Rapporteure détaillera les règles fixées par la convention en matière d’immunité de juridiction, puis d’immunité d’exécution. Elle montrera ensuite en quoi ces règles sont très largement conformes aux normes en vigueur en France et à sa jurisprudence.

I – DU DROIT COUTUMIER À L’ÉLABORATION, DIFFICILE,
D’UNE CONVENTION INTERNATIONALE

Il convient d’abord de souligner que les immunités juridictionnelles qui sont l’objet de la présente convention se distinguent à la fois des immunités de juridiction des agents diplomatiques et des agents consulaires, qui sont inscrites respectivement dans la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques et dans la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires (2), et de l’immunité de juridiction reconnue à certaines organisations internationales par l’effet des traités les instituant ou des accords de siège qu’elles ont conclus avec les Etats.

A – Des règles qui sont aujourd’hui essentiellement coutumières

La notion d’immunité des Etats traduit dans la pratique des relations internationales le principe de l’égalité souveraine entre les Etats, qui, en application de la maxime « par in parem non habet imperium », écarte toute notion de subordination de l’un par rapport à l’autre, notamment sur le plan juridictionnel. La reconnaissance de telles immunités emporte comme conséquence que les biens de l’Etat qui se trouvent dans un territoire étranger, ainsi que ses actes qui peuvent éventuellement y être contestés, sont protégés contre toute atteinte de ce type.

Jusqu’à la fin du XIXème siècle, l’immunité était absolue, si bien qu’on ne pouvait introduire d’instance contre un Etat étranger en aucune circonstance. Depuis le début du XXème siècle, une distinction s’est opérée entre les activités souveraines (acta jure imperii), pour lesquelles les Etats bénéficient d’immunités juridictionnelles, et les activités privées (acta jure gestionis), ne bénéficiant pas d’immunités juridictionnelles : d’abord apparue dans la jurisprudence belge et italienne, elle s’est progressivement imposée dans une majorité d’Etats. Cette évolution s’explique par le développement des activités commerciales des Etats, qui les a contraints à renoncer à leur immunité lorsqu’ils s’engagent dans ce genre d’activité. En effet, l’immunité pouvait constituer un obstacle à l’obtention de crédits, puisqu’elle prive les partenaires commerciaux des Etats de tout recours juridique.

Les pays dotés d’un régime communiste se sont néanmoins longtemps opposés à cette évolution, qui heurtait leur conception de l’Etat. Pour eux, l’immunité découlait directement de la souveraineté des Etats et était donc nécessairement absolue. Ils ne pouvaient tolérer qu’un Etat soit traité de la même manière qu’une personne privée devant un tribunal étranger.

Comme l’illustre l’évolution décisive qui a mis un terme au caractère absolu de l’immunité juridictionnelle des Etats, les règles régissant les immunités en droit international sont principalement d’origine coutumière. Il existe toutefois des dispositions conventionnelles en la matière : la convention européenne sur l’immunité des Etats, élaborée dans le cadre du Conseil de l’Europe, signée à Bâle en 1972, en vigueur depuis 1976. Elle dresse la liste des cas dans lesquels un Etat contractant ne peut invoquer son immunité de juridiction ou d’exécution. Dans tous les autres cas, ces immunités doivent lui être accordées, le principe étant qu’il est interdit pour un Etat contractant de mettre en œuvre une mesure d’exécution forcée sur les biens d’un autre Etat contractant. En revanche, tout Etat contractant a l’obligation de donner effet aux jugements rendus contre lui par les tribunaux d’un autre Etat contractant.

Cette convention européenne n’a rencontré qu’un succès très limité puisque, près de quarante ans après sa signature, huit Etats seulement y sont parties : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, Chypre, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse. La France ne figure pas parmi eux. En effet, selon les informations qui ont été données à votre Rapporteure, notre pays préférait l’élaboration d’une convention dans le cadre universel des Nations unies – à laquelle elle a largement participé – à l’adoption de normes régionales. Si la France était devenue partie à la convention européenne de 1972, qui est, au demeurant, moins complète que la convention des Nations unies, elle aurait pris le risque de se trouver confrontée à des dispositions conventionnelles discordantes, susceptibles de poser des difficultés d’interprétation aux juridictions nationales, alors que le but d’une convention internationale est d’harmoniser et clarifier les règles applicables.

La Commission du droit international (CDI) s’est saisie du sujet des immunités dès 1949 pour les questions spécifiques des navires d’Etat, et des biens et avoirs des missions diplomatiques et consulaires. L’Institut du droit international (IDI) a, pour sa part, adopté le 2 septembre 1991, après de nombreuses controverses, une résolution sur l’immunité de juridiction et d’exécution des Etats, et l’International Law Association a présenté un projet de convention en 1994.

B – Le long processus d’élaboration de la convention

Les travaux ayant abouti à l’adoption de la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens ont commencé en 1977. Par la résolution 32/151 du 19 décembre 1977, l’Assemblée générale des Nations unies a en effet invité la CDI, organe subsidiaire de l’Assemblée générale composé d’experts élus par elle, à travailler sur le sujet des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, en vue de la codification et du développement progressif du droit international en la matière.

En 1991, la CDI a adopté, en deuxième lecture, un projet comprenant vingt-deux articles, assortis de commentaires, et a recommandé à l’Assemblée générale de convoquer une conférence internationale de plénipotentiaires pour étudier ce projet d’articles et conclure une convention en la matière.

Par la résolution 46/55 du 9 décembre 1991, l’Assemblée générale a décidé de constituer un groupe de travail de la sixième commission (chargée des questions juridiques) à composition non limitée pour étudier, compte tenu des commentaires et observations des gouvernements, les questions de fond que soulevait le projet d’articles adopté par la CDI, afin de promouvoir une convergence générale de vues et d’augmenter ainsi les chances d’aboutir à la conclusion d’une convention.

Par la résolution 55/150 du 12 décembre 2000, l’Assemblée générale a établi un comité spécial sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, ouvert à tous les Etats membres des Nations unies et aux Etats membres des institutions spécialisées, aux fins de poursuivre le travail effectué par les groupes de travail de la CDI, de consolider les points de convergence et de régler les questions en suspens.

Lors de sa dernière réunion, du 1er au 5 mars 2004, le comité spécial a achevé ses travaux par l’adoption d’un rapport contenant le texte du projet de convention en s’inspirant du projet d’articles adopté par la CDI en 1991 et des discussions menées au sein du groupe de travail à composition non limitée de la sixième commission de l’Assemblée générale.

Par la résolution 59/38 du 2 décembre 2004 (3), l’Assemblée générale a adopté la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens et invité les Etats à y devenir parties. Cette résolution souligne que la convention « ne couvre pas les poursuites au pénal », ce qui n’est pas dit dans son texte même mais apparaît clairement dans le rapport de la CDI de 1991 et traduit la conclusion des travaux du comité spécial. Pour ce qui est du pénal, le droit coutumier continuera donc à s’appliquer, même entre les Etats parties à la convention (4). Il convient néanmoins de signaler qu’en 2006 la CDI a inclus dans ses travaux la question de « l’immunité des représentants de l’Etat devant la juridiction pénale étrangère » et qu’elle a publié deux rapports préliminaires (de portée très limitée) en 2008.

A ce jour, seuls vingt-huit Etats ont signé la convention et onze y ont adhéré ou l’ont ratifiée (5). Nous sommes donc encore loin des trente Etats parties nécessaires, en application de son article 30, à son entrée en vigueur. Selon les informations fournies par le ministère des affaires étrangères et européennes à votre Rapporteure, plusieurs Etats européens, dont la Belgique, la Grèce et la République tchèque, ont récemment fait état de l’avancement de leur procédure de ratification.

On observera que quatre des Etats parties à la convention européenne de 1972 ont signé la convention des Nations unies (Autriche, Belgique, Royaume-Uni, Suisse) et que seulement deux d’entre eux ont déjà ratifié celle-ci (l’Autriche, dès 2006, et la Suisse, en 2010).

C – Les principaux points ayant donné lieu à débats

Les discussions sur le texte de la convention ont donné lieu à des débats qui ont principalement porté sur la définition de l’Etat, le critère permettant de qualifier de commercial une transaction, le traitement des entreprises d’Etat, les contrats de travail et les mesures de contrainte.

En premier lieu, le traitement des Etats fédéraux a fait l’objet de controverses. Ce n’est qu’à la suite d’une proposition de l’Allemagne et de l’Australie en 1991 que le texte a inclus les éléments constitutifs d’un Etat fédéral. Or, si les lois américaine ou anglaise l’admettent, la jurisprudence française exclut les Etats fédéraux du bénéfice de l’immunité au motif qu’ils ne sont pas souverains en droit international. La Suisse a proposé que le gouvernement de l’Etat fédéral ait l’obligation de faire une déclaration afin que ses démembrements bénéficient de l’immunité. La solution a finalement consisté à regrouper les dispositions sur les Etats fédéraux avec celles concernant les subdivisions politiques tout en exigeant dans les deux cas qu’ils soient « habilités à accomplir et accomplissent effectivement des actes dans l’exercice de l’autorité souveraine de l’État ».

En deuxième lieu, le débat a tourné autour du critère à retenir pour savoir si la transaction a un caractère commercial, à savoir, le but de l’acte ou la nature de l’activité en cause. Dans le premier cas, l’immunité est retenue pour tout acte ayant une fin de souveraineté, ce qui conduit à étendre le champ d’application de l’immunité. Dans le second cas, ce champ d’application est restreint dans la mesure où seuls les actes accomplis par une autorité souveraine peuvent être soustraits à la juridiction d’un autre Etat. Ainsi, les Etats-Unis ou l’Italie retiennent le critère de la nature de l’acte tandis que la France ou le Japon y associent aussi le critère du but poursuivi par l’auteur de l’acte. La convention prend finalement en considération d’abord la nature de l’acte, puis le but poursuivi par les parties lorsque l’Etat du for (6) a recours à ce critère dans sa pratique ou que les parties en sont ainsi convenues.

En troisième lieu, des divergences se sont manifestées sur la question de l’étendue de l’immunité des entreprises d’Etat. Si le projet de départ ne comprenait pas de disposition à ce sujet, le paragraphe a été ajouté lors de la deuxième lecture en raison du contexte de socialisation de l’économie des Etats du bloc de l’Est et de l’accroissement des litiges les mettant en cause. La convention prévoit que l’immunité de juridiction de l’Etat n’est pas affectée par des procédures se rapportant à des transactions commerciales conclues par une entreprise d’Etat. Ceci est valable pour les transactions conclues par une entité créée par l’Etat dotée d’une personnalité juridique distincte si cette entité a la capacité d’ester et d’être assignée en justice et de posséder et de transmettre des biens. Certains craignaient les pratiques abusives des entités d’Etat consistant à « délibérément déguis[er] sa situation financière ou rédui[re] après coup ses actifs pour éviter de satisfaire à une demande ». Il fut décidé dans les Points convenus que cette question ne préjugeait pas de celle de « la levée du voile dissimulant l’entité ».

En quatrième lieu, les contrats de travail ont fait l’objet de discussions qui ont surtout porté sur la définition des personnes dont les contrats de travail seront soustraits à la juridiction d’un autre Etat. Certains Etats sont plus favorables que d’autres à la protection de l’Etat accréditant. L’article 11 de la convention exclut de la juridiction de l’Etat du for les contrats de travail conclus entre un Etat et une personne privée pour les travaux accomplis ou devant être accomplis, en totalité ou en partie sur le territoire de l’Etat du for. Cette solution a été critiquée car les exceptions sont relativement nombreuses, l’immunité de l’Etat employeur apparaissant, par conséquent, comme la règle.

Enfin, le sujet des mesures de contrainte a donné lieu à de vifs débats. Des propositions concernaient notamment la nature des biens susceptibles d’être soumis à des mesures de contrainte et, en particulier, la condition de l’existence d’un lien avec la demande : certains estimaient que tout bien situé sur le territoire de l’Etat du for et utilisé par l’autre Etat à des fins ne relevant pas de la notion de service public non commercial pouvait faire l’objet de mesures de contrainte, tandis que d’autres jugeaient nécessaire que les biens en question aient un lien avec la demande qui faisait l’objet de la procédure. En 1993, c’est le président du groupe de travail qui a proposé de distinguer les mesures de contrainte antérieures au jugement de celles postérieures au jugement, puisque cela permettait d’éliminer la condition d’un lien entre le bien et la demande en ce qui concerne les secondes. Cette distinction a été maintenue dans la convention qui semble avoir proposé une solution acceptable dans la mesure où elle prévoit des exceptions à l’immunité d’exécution des Etats et rend ainsi possible la satisfaction d’une demande qui a été confirmée par jugement dans des conditions qui respectent la souveraineté des Etats étrangers.

Enfin, alors que ses travaux étaient presque achevés, le groupe de travail constitué au sein de la sixième commission de l’Assemblée générale des Nations unies a souhaité attirer l’attention de la commission sur une évolution importante survenue au cours de la décennie 1990 dans la pratique des Etats. Il s’agit du développement de l’argumentation selon laquelle l’immunité des Etats ne devrait pas être accordée dans le cas d’actions au civil concernant des décès ou des blessures résultant d’actes étatiques violant gravement les droits fondamentaux de l’homme ayant un caractère de jus cogens, en particulier en ce qui concerne l’interdiction de la torture. Mais la sixième commission, puis l’Assemblée générale, ont estimé que cette évolution n’était pas encore suffisamment consolidée pour faire l’objet d’une codification et ont donc renoncé à inclure une nouvelle exception dans la convention.

Au-delà des débats de fond, les Etats se sont interrogés sur la forme à donner au projet d’articles adopté par la CDI. Certaines délégations exprimèrent leurs réserves face à une codification sous forme de convention et se prononcèrent en faveur d’un instrument non contraignant, tel une loi-type ou des principes directeurs, en raison de sa souplesse. Le choix définitif en faveur d’une convention atteste d’une volonté d’endiguer la prolifération des législations nationales en ce domaine.

II – LE CONTENU D’UNE CONVENTION
QUI NE S’APPLIQUERA QU’EN MATIÈRE CIVILE

Une distinction est usuellement établie entre les immunités de juridiction et les immunités d’exécution.

En principe, l’immunité de juridiction implique qu’un Etat ne peut être jugé à l’étranger. L’immunité d’exécution a pour conséquence qu’aucune forme de contrainte (saisie, saisie-exécution, saisie-arrêt) ne peut être exercée contre les biens d’un Etat, étant entendu qu’elle ne vise que les biens affectés aux fonctions d’autorité, à savoir, les biens nécessaires à l’activité des représentants de l’Etat et de ses services publics à l’étranger (ambassade, navires de guerre, etc.), mais aussi ses disponibilités monétaires, y compris dans les banques privées.

A cette distinction s’ajoute celle qui a été opérée dans les jurisprudences internes des Etats entre les activités souveraines, pour lesquelles les Etats bénéficient d’immunités juridictionnelles, et les activités privées, ne bénéficiant pas d’immunités juridictionnelles.

La convention n’utilise pas ces termes, qui donneraient lieu à interprétation, mais énumère des exceptions à l’immunité, de juridiction d’une part, d’exécution d’autre part, qui recoupent largement cette distinction.

Le but premier de la convention étant de parvenir à une harmonisation des règles relatives aux immunités des Etats et de leur application, il était important de préciser la définition des termes employés : les plus importants sont définis à l’article 2 de la convention ; le sens à donner à plusieurs autres notions est fixé par l’annexe à la convention intitulée Points convenus en ce qui concerne la compréhension de certaines dispositions de la convention, annexe qui, en application de l’article 25 de la convention, fait partie intégrante de celle-ci.

A – Le champ d’application de la convention

Les différents éléments qui constituent le champ d’application de la convention figurent dans la première partie de la convention intitulée Introduction.

L’article 1er rappelle que les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens dont traite la convention sont valables devant les tribunaux d’un autre Etat, tribunaux que l’article 2 de la convention définit comme « tout organe d’un Etat, quelle que soit sa dénomination, habilité à exercer des fonctions judiciaires ». Un organe administratif peut, dans certains systèmes juridiques, remplir de telles fonctions.

Pour ce qui est du champ d’application ratione temporis, l’article 4 affirme la non-rétroactivité de la convention, conformément à la règle générale fixée par l’article 28 de la convention de Vienne sur le droit des traités. Ses stipulations ne s’appliqueront qu’aux procédures intentées contre un Etat après son entrée en vigueur entre les Etats intéressés ; en revanche, les faits, actes ou omissions objets des procédures peuvent s’être produits avant cette entrée en vigueur (7).

Le champ des bénéficiaires des immunités découle des définitions apportées à l’article 2 aux termes d’Etats et de transaction commerciale, deux points qui ont été l’objet de débats pendant la négociation de la convention.

Comme indiqué supra, c’est surtout la question des Etats fédéraux qui a fait débat. Finalement, l’article 2 de la convention précise que le terme Etat englobe quatre ensembles :

– l’Etat et ses divers organes de gouvernement (i) ;

– les composants d’un Etat fédéral ou les subdivisions politiques de l’Etat, « qui sont habilités à accomplir des actes dans l’exercice de l’autorité souveraine et agissent à ce titre » (ii) ;

– les établissements ou organismes d’Etat ou autres entités, « dès lors qu’ils sont habilités à accomplir et accomplissent effectivement des actes dans l’exercice de l’autorité souveraine de l’Etat » (iii) ;

– les représentants de l’Etat agissant à ce titre (iiii).

La différence de rédaction dans la rédaction des paragraphes ii) et iii) n’est pas le fruit du hasard : la condition a remplir au paragraphe ii) est moins exigeante que celle du paragraphe iii). Les éléments constitutifs d’un Etat fédéral bénéficieront de l’immunité qu’ils agissent dans l’exercice des prérogatives de puissance publique de l’Etat fédéral ou de leurs prérogatives propres.

Les transactions commerciales constituent l’exception la plus importante à l’immunité des Etats et leur définition est donc déterminante. Cette notion a été préférée à celle de « contrat commercial » car elle a un sens plus large, qui inclut les négociations commerciales. Soumis à des règles particulières, les contrats de travail sont exclus des catégories d’actes considérés comme des transactions commerciales. Comme indiqué supra, un compromis a été trouvé entre défenseurs de la nature de l’activité et promoteurs de son but comme élément permettant de qualifier une activité de commerciale. Il faut signaler que la prise en compte du but de la transaction visait à protéger les pays en voie de développement en leur permettant de bénéficier de l’immunité pour certaines opérations qui répondent à une raison d’Etat, comme par exemple l’achat de vivres pour nourrir une population, combattre la famine ou secourir une zone menacée, ou de médicaments pour enrayer une épidémie.

La solution retenue consiste à tenir compte en premier lieu de la nature de la transaction, mais aussi à prendre en considération son but, lorsque l’Etat du for a recours à ce critère dans sa pratique ou que les parties en sont convenues ainsi.

Certains domaines sont exclus du champ d’application de la convention, soit en application de certaines de ses stipulations, soit du fait de son contexte, soit par son silence.

L’article 3 de la convention exclut de son champ d’application les immunités liées aux missions diplomatiques et consulaires, celles des personnes qui y sont attachées, les privilèges et immunités ratione personae des chefs d’Etat (8), ainsi que ceux qui concernent les aéronefs et objets spatiaux. Le but de cet article est d’éviter les risques de chevauchement entre la convention et certains régimes spéciaux d’immunités établis par le doit international coutumier ou par des conventions internationales en vigueur. Dans la même logique, l’article 26 de la convention affirme son caractère subsidiaire : en cas de conflit entre la convention et un accord international applicable en l’espèce traitant de questions faisant l’objet de la convention, ce dernier l’emporte, qu’il s’agisse d’un accord spécial ou d’un accord général, tel que la convention européenne de 1972. Ainsi, entre deux Etats qui seraient parties à la fois à la convention des Nations unies et à la convention européenne (tels que l’Autriche et la Suisse, par exemple), c’est le régime de la seconde qui s’appliquerait.

Comme votre Rapporteure l’a souligné supra, c’est la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies qui a adopté la convention qui exclut les affaires au pénal de son champ d’application. Cette résolution fait partie à la fois du « contexte » de la convention, au sens de l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, et de ses travaux préparatoires, au sens de l’article 32 de la même convention.

Enfin, la convention ne traite pas l’immunité des activités militaires en général. Il a toujours été considéré au cours des négociations que les activités militaires n’entreraient pas dans le champ d’application de la convention, comme l’a souligné le président du comité spécial lors de la présentation du rapport final du comité devant la sixième commission.

Dans tous ces domaines, en l’absence de convention internationale en vigueur, c’est le droit coutumier qui continuera à s’appliquer.

B – L’immunité de juridiction

Les deuxième et troisième parties de la convention traitent de l’immunité de juridiction proprement dite, l’une en posant les principes généraux, l’autre en énumérant les exceptions à cette immunité.

1) Les principes généraux

C’est l’article 5 qui énonce le principe fondamental sur lequel repose la convention : « un Etat jouit, pour lui-même et pour ses biens, de l’immunité de juridiction devant les tribunaux d’un autre Etat, sous réserve des dispositions de la présente convention ». L’article 6 détermine ensuite le contenu de l’obligation de l’Etat du for de donner effet à l’immunité d’un Etat étranger lorsque celui-ci peut l’invoquer au titre de l’article 5 : l’Etat du for est tenu de s’abstenir d’exercer sa juridiction dans une procédure contre un Etat étranger bénéficiant de l’immunité et doit veiller à ce que ses tribunaux établissent d’office le respect de cette immunité. Il est précisé qu’une procédure est considéré comme intentée contre un Etat lorsque celui-ci est cité comme partie, mais aussi lorsqu’il n’est pas cité comme tel mais que la procédure « vise en fait à porter atteinte aux biens, droits, intérêts ou activité » de cet Etat.

Un Etat est donc présumé ne pas avoir consenti à l’exercice de la juridiction d’un autre Etat. Il n’y sera soumis que s’il a expressément consenti à cet exercice (article 7), s’il participe à la procédure sous certaines conditions (article 8) ou en cas de demande reconventionnelle (article 9).

Les modalités d’expression du consentement de l’Etat, établies à l’article 7, sont similaires à celles retenues dans la convention européenne : ce consentement peut figurer dans un accord international, dans un contrat écrit ou dans une déclaration devant un tribunal ou une communication écrite dans une procédure déterminée. Il doit donc résulter d’une disposition expresse, et ne peut découler d’une acceptation tacite par l’Etat d’une clause de renonciation insérée dans une facture par la partie privée à la transaction. Le consentement de l’Etat à l’exercice de la juridiction d’un autre Etat peut se limiter à une matière particulière ou une procédure donnée. Il n’implique pas le consentement à l’adoption de mesures de contrainte (règle qui figure à la fois à l’article 7 et à l’article 20 de la convention).

La participation à une procédure implique la renonciation à l’immunité de juridiction si elle consiste à intenter la procédure elle-même ou à y être intervenu sur le fond. En revanche, tel n’est pas le cas si l’Etat s’est contenté d’invoquer l’immunité ou de faire valoir un droit ou un intérêt, ou si l’un de ses représentants est entendu comme témoin.

Par ailleurs, l’article 9 stipule qu’un Etat qui s’est soumis à la juridiction d’un autre Etat en introduisant une demande ou en intentant la procédure ne peut pas invoquer son immunité en ce qui concerne des demandes reconventionnelles fondées sur le même rapport de droit ou les mêmes faits que sa demande. Il ne peut pas non plus invoquer son immunité concernant la demande principale s’il a introduit une demande reconventionnelle.

2) Les exceptions à l’immunité de juridiction

La troisième partie de la convention présente les procédures dans lesquelles les Etats ne peuvent pas invoquer l’immunité. Mais la compétence de l’Etat du for reste néanmoins souvent conditionnée à l’existence d’un lien entre cet Etat et l’affaire sur laquelle la procédure porte.

a) Les transactions commerciales

L’article 10 pose la règle selon laquelle un Etat ne peut invoquer l’immunité de juridiction en ce qui concerne les transactions commerciales. Il s’applique uniquement aux transactions commerciales conclues entre un Etat et une personne physique ou morale étrangère, mais exclut les transactions commerciales entre Etats. Les parties peuvent aussi convenir expressément du maintien de l’immunité de l’Etat pour une transaction en particulier.

Le premier projet de convention ne contenait aucune stipulation concernant les transactions commerciales conclues par des entreprises étatiques : le paragraphe 3 de l’article 10 a été ajouté à la fin des années 1980, à la demande des Etats socialistes de l’époque qui venaient de réorganiser leur économie en créant des entreprises étatiques possédant une personnalité juridique distincte. Ils souhaitaient protéger les Etats des assignations en justice dirigées contre ces entreprises et, inversement, protéger les entreprises des procédures liées à des transactions commerciales conclues par l’Etat. Le 3 de l’article 10 stipule que l’immunité de l’Etat n’est pas affectée par des procédures se rapportant à des transactions commerciales conclues par une entreprise d’Etat ou une entité créée par l’Etat dotée d’une personnalité juridique distincte si cette entité a la capacité d’ester et d’être assignée en justice et de posséder et de transmettre des biens. Ces stipulations ont été critiquées par les Etats occidentaux qui craignaient qu’elles ne suscitent des pratiques abusives des Etats, qui pourraient limiter leur responsabilité au détriment de leurs partenaires commerciaux en établissant des entreprises sous-capitalisées pour la conclusion de transactions commerciales. Pour limiter ce risque, il est précisé dans les Points convenus en ce qui concerne la compréhension de certaines dispositions de la convention que ces stipulations « ne préjugent ni la question de la " levée du voile dissimulant l’entité ", ni les questions liées à une situation dans laquelle une entité d’Etat a délibérément déguisé sa situation financière ou réduit après coup ses actifs pour éviter de satisfaire à une demande, ni d’autres questions connexes ».

b) Les contrats de travail

Si en matière de transactions commerciales, l’absence d’immunité vaut dans la quasi-totalité des cas, il en est différemment pour les contrats de travail. Bien que le régime juridique qui s’applique à eux soit présenté comme une exception au principe de l’immunité des Etats, rares sont en fait les situations dans lesquelles un Etat pourra être effectivement poursuivi devant la justice d’un autre Etat.

Le paragraphe 1 de l’article 11 conditionne d’abord la possibilité de poursuivre un Etat devant la justice d’un autre au fait que le contrat de travail objet de la procédure conclu entre le premier Etat et une personne physique l’ait été « pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat ». Il s’agit donc de l’existence d’un lien entre l’affaire et l’Etat du for.

Surtout, le paragraphe 2 établit une longue liste de cas dans lesquels, même si ce lien existe, l’Etat signataire du contrat de travail peut invoquer l’immunité devant le tribunal de l’autre Etat :

– il s’agit d’abord des contrats de travail conclus avec des employés engagés pour effectuer des « fonctions particulières dans l’exercice de la puissance publique » (a) et ceux relevant des catégories énumérées (b), qui couvrent l’ensemble des agents placés sous un statut diplomatique ou consulaire ;

– l’Etat employeur bénéficie aussi de l’immunité pour les actions concernant ses ressortissants s’ils n’ont pas leur résidence permanente dans l’Etat du for (e) ;

– la convention exclut également de la compétence de l’Etat du for les actions liées au contrat de travail qui ont l’un des objets suivants : l’engagement, le renouvellement de l’engagement ou la réintégration d’un candidat (c) d’une part, le licenciement ou la résiliation du contrat d’un employé lorsque cette action risque d’inférer avec les intérêts de l’Etat en matière de sécurité (d) d’autre part. L’article 11 précise qu’il incombe au chef de l’Etat ou du gouvernement ou au ministre des affaires étrangères de l’Etat employeur d’évaluer ce risque, et les Points convenus précisent que cet article fait référence aux « questions de sécurité nationale » et à la « sécurité des missions diplomatiques et des postes consulaires » ;

– l’Etat employeur peut enfin bénéficier de l’immunité s’il en a convenu ainsi par écrit avec l’employé, « sous réserve de considérations d’ordre public conférant aux tribunaux de l’Etat du for juridiction exclusive en raison de l’objet de l’action » (f).

Ces exceptions sont ainsi si nombreuses que l’immunité de l’Etat employeur est finalement, en pratique, quasiment la règle.

Il faut néanmoins souligner que l’Etat peut, lorsqu’il est dans le cas de l’une de ces exceptions, invoquer son immunité, mais qu’il n’y est nullement obligé. Il a été indiqué à votre Rapporteure que la France ne le faisait jamais lorsqu’elle était poursuivie par un salarié recruté localement. Il est vrai que la plupart des recrutés locaux n’occupent pas « de fonctions particulières dans l’exercice de la puissance publique », mais, même lorsqu’ils remplissent cette condition, la France n’invoque pas son immunité car elle considère que ces salariés doivent bénéficier de leur droit de recours devant le juge du pays où ils exercent leur activité. Le contrat de travail signé par l’Etat et le salarié place explicitement tout litige né de la relation de travail sous la compétence exclusivement de la juridiction locale. C’est ainsi que la France est actuellement impliquée dans vingt-cinq contentieux concernant des agents de droit local devant les juridictions locales.

c) Les atteintes à l’intégrité physique des personnes ou les dommages aux biens

En application de l’article 12 de la convention, un Etat ne bénéficie pas d’une immunité pour les actions en réparation pécuniaire concernant des atteintes à l’intégrité physique d’une personne ou des dommages à ses biens. Cette exception vise principalement les affaires liées aux accidents de la circulation causés lors du transport de biens et de personnes par voie ferroviaire, routière, aérienne ou sur l’eau. Mais la formulation est suffisamment large pour englober également tout dommage intentionnel, voire même l’assassinat politique. En revanche, l’Etat continuera à jouir de l’immunité pour les actions visant à obtenir des formes de réparation non pécuniaires et lorsque les dommages ne seront pas corporels (comme en cas de diffamation ou d’atteinte à des droits contractuels, par exemple).

Néanmoins, cette exception à l’immunité des Etats est conditionnée à l’existence d’un lien territorial très étroit entre l’objet de l’action et l’Etat du for : l’acte (ou l’omission) doit s’être produit sur le territoire de l’Etat du for et l’auteur de l’acte doit avoir été présent sur ce même territoire au moment de l’acte en question. Lorsque ces deux conditions sont remplies, il n’y aura pas de distinction entre les actes de gestion (jure gestionis) et les actes de souveraineté (jure imperii) à l’origine du dommage. On peut donc imaginer que des poursuites puissent porter sur les conséquences des activités des services secrets d’un Etat sur le territoire d’un autre. En revanche, comme indiqué supra, cet article ne s’applique pas à des situations de conflits armés.

d) Les autres exceptions

L’Etat est également soumis à la juridiction d’un autre Etat dans les procédures se rapportant à la détermination d’un droit ou intérêt de l’Etat lié à la propriété, la possession ou l’usage de biens (9) (article 13), ou à la propriété intellectuelle ou industrielle (10) (article 14). Les Points convenus précisent que le terme de « détermination » s’entend au sens large.

L’Etat ne peut pas non plus invoquer son immunité dans les procédures relatives à sa participation à des sociétés ou autres groupements (11) (article 15), à des navires dont il est le propriétaire ou un exploitant utilisés autrement qu’à des fins de service public non commerciales (article 16) et enfin aux effets d’un accord d’arbitrage sur des contestations relatives à une transaction commerciale – y compris les questions d’investissement – (article 17).

Pour plusieurs de ces cas, il n’y a néanmoins exception à l’immunité qu’à condition qu’il existe un lien entre l’affaire et l’Etat du for : les biens immobiliers doivent être situés dans l’Etat du for (article 13), la propriété intellectuelle doit bénéficier d’une mesure de protection, même provisoire, dans cet Etat (12) (article 14), les sociétés ou autres groupements auxquels l’Etat étranger est partie doivent avoir été enregistrés ou constitués selon la loi de l’Etat du for ou avoir leur siège ou leur principal lieu d’activité dans cet Etat (article 15).

Dans tous les cas, les Etats concernés peuvent néanmoins avoir convenu du maintien de l’immunité.

C – L’immunité d’exécution

Le régime des mesures de contrainte a constitué l’un des problèmes les plus délicats à résoudre. En effet, les mesures de ce type sont perçues comme constituant des atteintes plus importantes à la souveraineté d’un Etat que la simple soumission à la juridiction d’un autre Etat. C’est pourquoi les restrictions à l’immunité admises en matière de juridiction ne se retrouvent pas à propos de l’exécution, et le régime des immunités d’exécution est traité séparément de celui des immunité de juridiction, dans la convention des Nations unies comme dans la convention européenne.

Cette dernière adopte une position protectrice des intérêts des Etats puisqu’elle exclut toute exécution forcée sans le consentement exprès par écrit de l’Etat concerné et prévoit uniquement l’obligation des Etats de donner effet aux jugements rendus contre eux par un tribunal d’un autre Etat contractant sous certaines conditions. En cas de non-respect de cette obligation, le protocole additionnel à la convention européenne (13) permet de saisir le tribunal en matière d’immunité des Etats, mais cette possibilité n’a jamais été mise en œuvre en pratique.

Il était crucial de trouver un régime équilibré en matière d’exécution car le régime de l’immunité restreinte de juridiction serait rendu ineffectif si l’exécution des jugements s’avérait trop difficile en pratique.

Après des débats longs et difficiles (au point qu’il a même été envisagé un temps de ne pas régler le régime de l’immunité d’exécution dans la convention), la solution retenue, fondée sur une proposition formulée en 1993 par le président du groupe de travail, repose sur la distinction entre mesures de contrainte antérieures et postérieures au jugement.

Le cas des mesures de contrainte antérieures au jugement est traité par l’article 18 de la convention. Celui pose d’abord l’impossibilité de procéder à de telles mesures (comme les saisies ou saisies-arrêts) contre les biens d’un Etat, avant de mentionner deux exceptions :

– si l’Etat y a expressément consenti par l’un des moyens cités au paragraphe a) (ce sont les mêmes qu’à l’article 7 sur les exceptions à l’immunité de juridiction ; s’y ajoute le moyen d’une convention d’arbitrage) ou

– si l’Etat a réservé ou affecté des biens à la satisfaction de la demande (b) (14).

L’article 19 relatif aux mesures de contrainte postérieures au jugement est composé de la même manière que l’article 18 : après avoir posé le principe de l’interdiction des mesures de contrainte (parmi lesquelles sont citées aussi les saisies-exécutions), il énumère les exceptions, qui sont au nombre de trois : les deux mêmes qu’à l’article précédent et une troisième, réservée aux mesures de contrainte postérieures au jugement. Elle concerne les mesures portant sur des biens spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’Etat autrement qu’à des fins de service public non commerciales, à condition que ces biens soient situés sur le territoire de l’Etat du for et aient un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée. Les Points convenus au sujet de cet article indiquent que le terme de « lien » s’entend dans un sens plus large que la possession ou la propriété et que l’entité en question doit appartenir à l’une des catégories énumérées à l’article 2 (cf. supra) et jouir d’une personnalité juridique propre.

L’article 21 de la convention donne une liste non exhaustive de catégories de biens pour lesquels les Etats bénéficient de l’immunité de juridiction car ces biens sont considérés comme utilisés exclusivement à des fins de service public non commerciales. C’est le cas des biens à usage diplomatique ou consulaire, y compris les comptes bancaires, des biens à caractère militaire, des biens de la banque centrale ou d’une autre autorité monétaire de l’Etat, des biens faisant partie du patrimoine culturel de l’Etat ou d’une exposition d’objets non destinés à la vente. Les biens de ces catégories sont donc présumés d’usage non commercial, mais ils peuvent être l’objet d’une mesure de contrainte postérieure à un jugement si l’Etat y a expressément consenti ou s’il les a réservés à la satisfaction de la demande.

Les stipulations de la convention concernant l’immunité d’exécution peuvent être considérées comme un succès de la négociation, car elles rendent possible la satisfaction d’une demande qui a été confirmée par un jugement dans des conditions qui respectent la souveraineté des Etats étrangers et qui évitent des conflits interétatiques. Ce régime d’immunité d’exécution restreint était nécessaire pour que le régime d’immunité de juridiction lui-même restreint soit efficace.

D – Les autres stipulations

La cinquième partie de la convention regroupe, sous le titre de « dispositions diverses », les règles procédurales applicables à un Etat qui est partie à une procédure devant un tribunal d’un autre Etat, et la sixième partie est consacrée aux « clauses finales », parmi lesquelles un article important traite du règlement des différends.

1) Les aspects procéduraux

La première des règles procédurales porte sur la signification ou la notification des actes introductifs d’instance. Si une convention internationale ou un arrangement particulier lie l’Etat du for et l’Etat concerné dans ce domaine, cette norme doit être respectée ; en l’absence d’une telle norme, l’article 22 prévoit une signification ou une notification par communication adressée par les voies diplomatiques au ministère des affaires étrangères de l’Etat concerné ou par tout autre moyen accepté par ce dernier, si l’Etat du for ne s’y oppose pas. C’est la date de réception des documents par le ministère des affaires étrangères qui est considérée comme la date à laquelle la notification a été effectuée : ce point doit être clair puisque cette date déterminera l’applicabilité temporelle de la convention.

L’article 23 de la convention énonce les conditions qui doivent être réunies pour qu’un jugement par défaut puisse être rendu contre un Etat :

– la signification ou la notification des actes introductifs d’instance doit avoir été effectuée conformément aux règles fixées à l’article 22 ;

– un délai de quatre mois au moins doit s’être écoulé depuis la date à laquelle la notification a été effectuée ou est réputée l’avoir été ;

– l’Etat ne bénéficie par d’une immunité aux termes de la convention.

Le cas échéant, une copie du jugement rendu par défaut doit être communiquée à l’Etat concerné, avec sa traduction dans l’une de ses langues officielles, et l’Etat disposera d’un délai de quatre mois au moins pour former un recours contre ce jugement.

Quant à l’article 24, il concerne les immunités de procédure des Etats. Il met l’Etat à l’abri de sanctions s’il ne se conforme pas à la décision du tribunal d’un autre Etat le contraignant, par exemple, à présenter des documents. Le juge pourra néanmoins tirer de ce comportement des conséquences susceptibles d’avoir une influence sur le fond de l’affaire. De plus, un Etat ne peut être tenu de fournir un cautionnement ou de constituer un dépôt.

2) Les dispositions finales

Parmi les clauses finales, figure l’article 27 relatif au règlement des différends concernant l’application ou l’interprétation de la convention.

La formulation retenue est identique à celle employée dans d’autres conventions élaborées sous les auspices des Nations unies. Cette clause prévoit, dans un premier temps, le recours à la négociation (§ 1). Si le différend n’est pas résolu dans un délai de six mois, il peut ensuite être soumis à l’arbitrage, à la demande de l’un des Etats concernés. Si l’arbitrage reste sans succès, le différend peut être porté devant la Cour internationale de justice par l’un des deux Etats, à l’issue d’un nouveau délai de six mois (§ 2). Les Etats peuvent cependant déclarer au moment de la signature, de l’approbation ou de l’adhésion à la convention ne pas être liés par le paragraphe 2, déclaration qui peut être retirée à tout moment. Parmi les onze Etats actuellement parties à la convention, deux (l’Arabie saoudite et l’Iran) ont fait une déclaration en ce sens.

Il faut aussi signaler l’article 31 de la convention qui ouvre la possibilité de la dénoncer, ce qui est assez rare dans une convention de codification. Cela reflète le souci d’assurer une participation aussi large que possible à la convention. C’est dans le même but que les négociateurs ont renoncé à interdire les réserves.

Enfin, l’article 30 fixe à trente le nombre de parties requises pour l’entrée en vigueur de la convention. Ce nombre plutôt restreint visait à assurer une entrée en vigueur relativement rapide de la convention.

III – UNE CONVENTION QUI AURA TRÈS PEU D’INCIDENCES
EN DROIT FRANÇAIS

C’est dans un esprit de compromis que le Comité spécial a travaillé pour l’élaboration de la convention. Pour la France, le bilan des discussions au sein de la Commission du droit international est positif puisque c’est très largement sur la base des points agréés entre les délégations française et britannique qu’un consensus a pu être trouvé.

Cette convention correspond à la pratique suivie par la France en la matière. En particulier, elle repose sur la théorie de l’immunité de juridiction restreinte de l’Etat, fondée sur la distinction entre les actes d’autorité (jure imperii) et les actes de gestion (jure gestionis) consacrée par la Cour de cassation. De même, les dispositions relatives à l’immunité d’exécution des Etats sont conformes à la jurisprudence française.

La France a toujours plaidé pour l’adoption d’une convention parce que, une fois ratifiée et entrée en vigueur, elle pourrait être appliquée directement par les tribunaux français, dont le travail serait facilité, et ainsi contribuer à assurer une meilleure sécurité juridique pour les entreprises françaises contractant avec des Etats étrangers.

Lorsque un grand nombre de pays sera partie à la convention, elle aura aussi pour avantage de rendre plus prévisibles les règles qui seront appliquées à notre pays dans le cas où sa responsabilité civile serait mise en cause devant un tribunal étranger. Si, selon les informations fournies pas votre Rapporteure, la France ne fait actuellement l’objet d’aucune procédure dans laquelle elle se prévaut de l’immunité juridictionnelle, un exemple récent peut être cité, celui de l’affaire dite Freund : vingt-six anciens déportés ou ayant droit de déportés avaient introduit une action collective contre l’Etat français, la SNCF et la Caisse des dépôts et consignations devant les juridictions américaines, afin d’obtenir des dommages et intérêts compensatoires et punitifs à raison des confiscations illégales de biens et avoirs, intervenues dans le cadre des déportations pendant la seconde guerre mondiale. Par une décision du 19 décembre 2008, le tribunal de district des Etats-Unis (district sud de New York) s’est déclaré matériellement incompétent pour statuer sur la requête, en reconnaissant l’immunité de juridiction de l’Etat français et de ses démembrements sur le fondement de la loi américaine (« Foreign sovereign immunities act ») (15).

A – Une convention conforme aux principes dégagés par la jurisprudence française

En France, les immunités de juridiction et d’exécution ne font l’objet que de très peu de textes de loi (16). Aussi, la jurisprudence française constitue-t-elle la principale source en la matière.

Le principe de l’immunité des Etats étrangers a été posé pour la première fois par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 janvier 1849 Gouvernement espagnol c. Lambeze et Pujol, aux termes duquel : « un gouvernement ne peut être soumis, pour les engagements qu’il contracte, à la juridiction d’un Etat étranger ». L’immunité était alors considérée comme absolue.

1) La jurisprudence relative aux immunités de juridiction

Le Conseil d’Etat a rappelé que l’immunité ne pouvait être invoquée par un Etat que devant un tribunal étranger (Conseil d’Etat, Assemblée, 15 octobre 1993, Royaume-Uni c. Ministre des Affaires étrangères).

L’immunité est accordée aux seules activités « spécifiquement publiques », c’est-à-dire effectuées dans le cadre d’actes de puissance publique ou d’une mission de service public (Cour de cassation, 19 février 1929, URSS c. Association France Export ; Cour de cassation, 1ère chambre civile, 25 février 1969, Société Levant Express Transport c. Chemins de fer du gouvernement iranien).

Pour déterminer si les activités en cause relèvent de cette catégorie, la Cour de cassation s’inspire des deux critères élaborés par le droit administratif pour délimiter les frontières de la compétence des tribunaux administratifs et des tribunaux judiciaires à l’égard de l’Etat français, c’est-à-dire le critère objectif, ou formaliste, qui prend en considération la nature intrinsèque de l’acte et la forme dans laquelle il a été passé (et la présence éventuelle de clauses exorbitantes du droit commun), et le critère finaliste, tiré du but, d’intérêt public ou non, poursuivi par l’auteur de l’acte.

Le bénéfice des immunités s’étend à des entités autres que les instances gouvernementales ou administratives (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 19 mai 1976, Avicha Blagojeic c. Banque du Japon) dès lors que celles-ci agissent par ou pour le compte d’un Etat étranger, même si elles possèdent une personnalité juridique propre. Pour autant, les immunités ne sauraient bénéficier à tous les démembrements des Etats étrangers, tels les collectivités territoriales, car « l’immunité de juridiction n’existe qu’au profit des Etats souverains » (Tribunal de grande instance de Paris, 15 janvier 1969, Neger c. Gouvernement du Land de Hesse).

En revanche, l’immunité de juridiction des Etats est restreinte et ne peut donc être invoquée que pour les actes d’autorité et non pour les actes de gestion : « les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l’émanation ne bénéficient de l’immunité de juridiction qu’autant que l’acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l’exercice de la souveraineté de ces Etats et n’est donc pas un acte de gestion » (Cour de cassation, Chambre mixte, 20 juin 2003, Mme Soliman c. Ecole saoudienne de Paris).

Ainsi, si l’Etat se comporte comme une personne privée, il ne pourra valablement invoquer l’immunité de juridiction (par exemple, s’il signe un contrat comportant une clause compromissoire : Cour de cassation, 1ère chambre civile, 18 novembre 1986, Société européenne d’études et d’entreprises).

Dans le cadre d’un contrat de travail, la Cour de cassation estime que la mise en œuvre de l’immunité de juridiction dans le contentieux du licenciement des employés d’ambassade dépend de la nature du travail exercé. Selon les fonctions et responsabilités de l’employé, l’Etat employeur qui met fin au contrat de travail accomplit soit un acte de gestion, soit un acte de souveraineté (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 11 février 1997, M. Saignie c. Ambassade du Japon).

2) La jurisprudence relative aux immunités d’exécution

Si la jurisprudence reconnaît que l’immunité d’exécution protège tout Etat étranger, elle considère que celle-ci doit être écartée « lorsque le bien saisi a été affecté à l’activité économique ou commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice » (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 14 mars 1984, Société Eurodif c. République islamique d’Iran). Ainsi, la Cour affirme-t-elle le caractère relatif de l’immunité d’exécution des Etats étrangers sous condition de l’exercice d’une activité de souveraineté : par exemple, un Etat ne peut opposer son immunité d’exécution à une créance relative au paiement de charges de copropriété d’un immeuble qui certes, servait au logement du personnel diplomatique, mais n’était pas affecté aux services de l’ambassade ni ne servait de résidence pour l’ambassadeur (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 25 janvier 2005, République démocratique du Congo c. Syndicat des copropriétaires de l’immeuble résidence Antony Châtenay) ; la Haute juridiction a en outre rejeté l’immunité d’exécution de l’Allemagne car « l’acte donnant lieu au litige, consistant pour l’Etat allemand, à ne pas faire démolir le mur mitoyen ni à le reconstruire, n’était qu’un acte de gestion privée, et ce, d’autant plus que l’immeuble était désaffecté » (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 19 novembre 2008, Mme X c. République fédérale d’Allemagne).

Au sujet des biens appartenant à des organismes publics distincts de l’Etat, les juges estiment qu’il appartient à ces organismes de prouver que les biens en cause sont affectés à une activité publique afin de bénéficier de l’immunité d’exécution (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 1er octobre 1985, Société Sonatrach c. Migeon).

Dans le domaine particulier de la saisie de navire, il convient de signaler la décision d’un tribunal de grande instance dans le cadre d’une saisie (Tribunal de grande instance, Brest, 24 juillet 2000, juge de l’exécution). La société Noga avait tenté de récupérer sa créance à l’encontre de la Fédération de Russie (à la suite d’une sentence arbitrale) en procédant à la saisie du navire Sedov de l’Université technique d’Etat de Mourmansk en rade à Brest dans le cadre d’un rassemblement de « vieux gréements ». Le juge a prononcé la mainlevée de cette saisie au motif que le navire était, en vertu du droit russe, affecté de manière autonome à l’Université, laquelle, étant une personne distincte, ne devait pas répondre des dettes de la Fédération de Russie. La solution a été confirmée en appel (Cour d’appel de Rennes, 27 juin 2002).

Comme en matière d’immunité de juridiction, l’Etat peut renoncer à l’immunité d’exécution. Les juges estiment qu’une clause d’une convention d’arbitrage prévoyant que l’Etat s’engage à se conformer à la sentence qui sera rendue et à l’exécuter emporte renonciation à l’immunité d’exécution (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 6 juillet 2000, Société Creighton Ltd. c. Ministre des finances du Qatar) mais la simple acceptation d’une clause d’arbitrage n’a normalement pas cet effet (Cour d’appel de Paris, 1ère chambre, section A, 10 août 2000, Ambassade de la Fédération de Russie en France c. Société Noga).

B – Des dispositions législatives peu nombreuses, qui n’auront à être modifiées que sur un point

Les dispositions législatives peu nombreuses qui présentent un rapport direct avec la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens n’auront a priori pas besoin d’être amendées, à l’exception de l’article L. 153-1 du code monétaire et financier pour lequel une modification sera nécessaire.

N’auront ainsi pas à être modifiées les dispositions législative et réglementaire suivantes :

– l’article 1er, alinéa 3, de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, aux termes duquel « [l]’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution » : la convention vient en effet seulement compléter cette disposition législative en précisant les critères permettant de déterminer si un Etat étranger peut ou non bénéficier d’une immunité d’exécution dans une affaire donnée ;

– l’article 684, alinéa 2, du code de procédure civile, qui prévoit que « L’acte destiné à être notifié à un Etat étranger, à un agent diplomatique étranger en France ou à tout autre bénéficiaire de l’immunité de juridiction est remis au parquet et transmis par l’intermédiaire du ministre de la justice aux fins de signification par voie diplomatique, à moins qu’en vertu d’un règlement communautaire ou d’un traité international la transmission puisse être faite par une autre voie » : cette disposition réglementaire est en effet parfaitement compatible avec l’article 22 de la convention relatif à la signification ou notification des actes introductifs d’instance, qui prévoit une « communication adressée par les voies diplomatiques au ministère des affaires étrangères de l’Etat concerné » en l’absence de convention internationale organisant un autre mode de transmission.

En revanche, la ratification de la convention imposera de modifier l’article L. 153-1 du code monétaire et financier sur les biens des banques centrales étrangères, introduit par l’article 51 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie.

La convention précise, en ses articles 18 et 19, les exceptions à l’immunité d’exécution des Etats à l’égard des mesures de contrainte prises, respectivement, antérieurement et postérieurement à un jugement. Deux exceptions sont communes aux deux articles : le consentement de l’Etat à l’application de telles mesures, d’une part, et le cas où « l’Etat a réservé ou affecté des biens à la satisfaction de la demande qui fait l’objet de cette procédure » judiciaire, d’autre part. L’article 19, alinéa c), ajoute une troisième exception : lorsqu’« il a été établi que les biens sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’Etat autrement qu’à des fins de service public non commercial et sont situés sur le territoire de l’Etat du for, à condition que les mesures de contrainte postérieures au jugement ne portent que sur des biens qui ont un lien avec l’entité contre laquelle la procédure est intentée ». L’article 21 de la convention énumère ensuite, de manière non exhaustive, les biens d’Etats considérés comme étant affectés, par nature, à l’exercice de l’autorité souveraine de l’Etat et ne pouvant, de ce fait, relever de l’exception à l’immunité d’exécution des Etats prévue à l’article 19, alinéa c), de la convention. Parmi ces biens figurent les « biens de la banque centrale ou d’une autre autorité monétaire de l’Etat » (alinéa c).

L’article L. 153-1 du code monétaire et financier se lit, pour sa part, comme suit :

« Ne peuvent être saisis les biens de toute nature, notamment les avoirs de réserves de change, que les banques centrales ou les autorités monétaires étrangères détiennent ou gèrent pour leur compte ou celui de l’Etat ou des Etats étrangers dont elles relèvent. »

« Par exception aux dispositions du premier alinéa, le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de poursuivre l’exécution forcée dans les conditions prévues par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution s’il établit que les biens détenus ou gérés pour son propre compte par la banque centrale ou l’autorité monétaire étrangère font partie d’un patrimoine qu’elle affecte à une activité principale relevant du droit privé. »

Cette disposition du code monétaire et financier est compatible avec la convention dans la mesure où elle respecte le principe d’insaisissabilité des biens de l’Etat étranger détenus ou gérés par une banque centrale ou une autorité monétaire, inscrit aux articles 19, alinéa c) et 21 de la convention, tout en assortissant ce principe d’une exception, permettant la saisie des biens que la banque centrale étrangère gère pour son propre compte et qu’elle affecte à une activité économique ou commerciale.

En revanche, l’article L. 153-1 du code monétaire et financier n’est pas pleinement compatible avec l’exception consacrée aux articles 18, alinéa b), et 19, alinéa b), et relative au cas où « l’Etat a réservé ou affecté des biens à la satisfaction de la demande qui fait l’objet de cette procédure » judiciaire. En effet, l’article L. 153-1 ne prévoit pas une telle exception et les formulations retenues « Ne peuvent être saisis…» et « Par exception aux dispositions du premier alinéa,…» s’opposent à toute saisie dans les mains d’une banque centrale étrangère, y compris dans l’hypothèse où l’Etat concerné aurait « réservé ou affecté des biens à la satisfaction de la demande qui fait l’objet de cette procédure » judiciaire, au sens des articles 18 et 19, alinéas b), précités.

L’article L. 153-1 du code monétaire et financier ne réserve pas non plus le cas du consentement de l’Etat étranger à une saisie dans les mains d’une banque centrale ou d’une autre autorité monétaire.

Lorsqu’elle sera entrée en vigueur, la convention relative à l’immunité d’exécution des Etats sera certes d’application directe et les dispositions du code monétaire et financier incompatibles avec ses stipulations pourraient être écartées au profit de ces dernières. Néanmoins, afin d’assurer une parfaite compatibilité du droit français avec la convention, il apparaît préférable de modifier l’article L. 153-1 du code monétaire et financier afin d’y faire figurer toutes les exceptions prévues par les articles 18 et 19 de la convention des Nations unies.

Les ministères concernés n’ont toutefois pas été en mesure d’indiquer à votre Rapporteure le projet de loi à venir dans lequel ces modifications du code monétaire et financier pourraient être insérées. Il est vrai qu’il n’y a pas d’urgence à effectuer ces ajustements puisque la convention n’entrera pas en vigueur avant un certain temps – probablement quelques années.

CONCLUSION

L’entrée en vigueur de cette convention ne va pas, on l’aura compris, modifier en profondeur les conditions dans lesquelles sont actuellement mises en œuvre les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens : tel n’est pas son but. Elaborée dans une logique de compromis, elle vise à harmoniser les pratiques des Etats en fixant des règles claires et précises, là où s’appliquaient des jurisprudences reposant toutes sur les mêmes principes, mais variables dans leur détail. Les changements qu’elle pourrait introduire seront d’autant plus limités en France que notre pays a obtenu que la convention soit directement inspirée de sa jurisprudence.

Cela ne signifie pourtant pas que la ratification par la France de cette convention sera inutile. D’abord, lorsqu’elle sera en vigueur, les juges français l’appliqueront directement, sans plus avoir à s’interroger sur la portée de telle ou telle décision antérieure ou de tel ou tel principe coutumier ; ensuite, en devenant partie à la convention, la France confirme sa forte implication dans la négociation du texte et contribuera à accélérer son entrée en vigueur.

Le Sénat a adopté le présent projet de loi le 22 décembre 2010, soit plus de dix-huit mois après qu’il a été déposé sur son bureau ; votre Rapporteure est favorable à ce que votre Assemblée se prononce dans le même sens, sans attendre davantage.

ANNEXES

Annexe 1 :

Résolution 59/38 de l’Assemblée générale des Nations unies

L’Assemblée générale,

Ayant à l’esprit l’alinéa a du paragraphe 1 de l’Article 13 de la Charte des Nations unies,

Rappelant sa résolution 32/151 du 19 décembre 1977, dans laquelle elle a recommandé à la Commission du droit international d’aborder l’étude du droit relatif aux immunités juridictionnelles des États et de leurs biens en vue de son développement progressif et de sa codification, et les résolutions qu’elles a adoptées par la suite, à savoir les résolutions 46/55 du 9 décembre 1991, 49/61 du 9 décembre 1994, 52/151 du 15 décembre 1997, 54/101 du 9 décembre 1999, 55/150 du 12 décembre 2000, 56/78 du 12 décembre 2001, 57/16 du 19 novembre 2002 et 58/74 du 9 décembre 2003,

Rappelant également que la Commission du droit international a présenté un projet d’articles final, accompagné d’observations, sur le droit relatif aux immunités juridictionnelles des États et de leurs biens au chapitre II de son rapport sur les travaux de sa quarante-troisième session,

Rappelant en outre les rapports du Groupe de travail à composition non limitée de la Sixième Commission, ainsi que le rapport du Groupe de travail sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens de la Commission du droit international, présenté en application de la résolution 53/98 de l’Assemblée générale en date du 8 décembre 1998,

Rappelant que, dans sa résolution 55/150, elle a décidé d’établir un comité spécial sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, auquel pourraient également participer les États membres des institutions spécialisées, aux fins de poursuivre le travail, de consolider les points de convergence et de régler les questions en suspens, l’objectif étant d’élaborer un instrument susceptible d’emporter l’adhésion générale sur la base du projet d’articles relatifs aux immunités juridictionnelles des États et de leurs biens adopté par la Commission du droit international et des discussions du groupe de travail à composition non limitée de la Sixième Commission,

Ayant examiné le rapport du Comité spécial sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens,

Soulignant qu’il importe que le droit relatif aux immunités juridictionnelles des États et de leurs biens soit uniforme et clair, et mettant en lumière le rôle d’une convention à cet égard,

Notant que la conclusion d’une convention sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens bénéficie d’un large appui,

Prenant en considération la déclaration faite par le Président du Comité spécial lorsqu’il a présenté le rapport du Comité,

1. Exprime sa profonde satisfaction à la Commission du droit international et au Comité spécial sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens pour l’utile travail qu’ils ont accompli dans le domaine du droit relatif aux immunités juridictionnelles des États et de leurs biens ;

2. Partage la conclusion générale à laquelle le Comité spécial est parvenu, à savoir que la Convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens ne couvre pas les poursuites au pénal ;

3. Adopte la Convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens qui figure en annexe à la présente résolution, et prie le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, de l’ouvrir à la signature ;

4. Invite les États à devenir parties à la Convention.

65e séance plénière

2 décembre 2004

Annexe 2 :

Liste des Etats signataires de la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens (1)

Etat

Signature

Ratification ou adhésion

Arabie Saoudite

 

1er septembre 2010

Autriche

17 janvier 2005

14 septembre 2006

Belgique

22 avril 2005

 

Chine

14 septembre 2005

 

Danemark

19 septembre 2006

 

Estonie

30 mars 2006

 

Fédération de Russie

1er décembre 2006

 

Finlande

14 septembre 2005

 

France

17 janvier 2007

 

Inde

12 janvier 2007

 

Iran (République islamique d’)

17 janvier 2007

29 septembre 2008

Islande

16 septembre 2005

 

Japon

11 janvier 2007

11 mai 2010

Kazakhstan

 

17 février 2010

Liban

11 novembre 2005

21 novembre 2008

Madagascar

15 septembre 2005

 

Maroc

17 janvier 2005

 

Mexique

25 septembre 2006

 

Norvège

8 juillet 2005

27 mars 2006

Paraguay

16 septembre 2005

 

Portugal

25 février 2005

14 septembre 2006

République Tchèque

13 octobre 2006

 

Roumanie

14 septembre 2005

15 février 2007

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

30 septembre 2005

 

Sénégal

21 septembre 2005

 

Sierra Leone

21 septembre 2006

 

Slovaquie

15 septembre 2005

 

Suède

14 septembre 2005

23 décembre 2009

Suisse

19 septembre 2006

16 avril 2010

Timor-Leste

16 septembre 2005

 

(1) Au 4 mai 2011.

Source : site internet des Nations unies (http://treaties.un.org).

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 4 mai 2011.

Après l’exposé de la Rapporteure, un débat a lieu.

M. Jean-Claude Guibal. Cette convention est à l’étude depuis trente-cinq années. Il n’y a pas d’impatience particulière à accélérer son adoption. Cette durée longue s’explique, certes, par la complexité du sujet, mais aussi sans doute par le fait que certains Etats ne trouvent pas avantage à son adoption. Qu’en est-il notamment des « Etats voyous », qui tiennent à leur souveraineté ?

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. Je ne sais comment définir la notion d’Etats « voyous ». Par ailleurs, des Etats « convenables » peuvent avoir parfois des pratiques douteuses. Si les négociations ont été très longues, c’est notamment à cause de la question du traitement des Etats fédéraux, comme la Suisse. Un compromis a finalement été trouvé, qui accorde en pratique l’immunité aux entités constituant ces Etats. Pour répondre à votre question, je ne peux que vous renvoyer à la liste des Etats signataires de la convention, figurant en annexe 2 du rapport. Il vous appartiendra de déterminer si certains d’entre eux peuvent être qualifiés de « voyous ».

M. Jean-Paul Lecoq. Il est important que des conventions de cette nature soient adoptées pour régler les conflits dans les relations courantes entre Etats. Mais au sein de cette convention, il est fait référence à des concepts tels que celui d’Etat ou de chef d’Etat. Si l’on prend l’exemple de la Libye d’aujourd’hui, qui serait considéré comme le chef d’Etat ? A qui revient-il d’en juger ?

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. Je me suis posé la question de l’application des dispositions de la convention dans les pays arabes en transition, s’agissant notamment des biens. La convention est claire : elle ne vise que les Etats, à l’exclusion des personnes privées. Les biens des dirigeants ne sont donc pas couverts par les règles relatives à l’impunité. Concernant la Libye, à défaut de reconnaissance internationale du Conseil national de transition de Benghazi, le colonel Kadhafi demeure, jusqu’à preuve du contraire, le chef de l’Etat.

M. Jacques Myard. S’agissant de la question des biens que vous évoquiez, hors champ d’application de la convention, seul le Conseil de sécurité peut apporter une réponse. Je ne suis pas de votre avis concernant l’unité de la jurisprudence. J’ai notamment en mémoire des démêlés avec l’Union soviétique au sujet d’Aeroflot. La convention traduit essentiellement la doctrine française. Quelques questions demeurent toutefois en suspens. D’abord, les immunités juridictionnelles s’appliqueront-elles à un Etat procédant à des livraisons de pétrole ou considèrera-t-on qu’il s’agit de transactions commerciales ? Ensuite, les pays émergents adhéreront-ils à la convention et l’appliqueront-ils, à l’inverse par exemple de la convention de Washington de 1965 pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats, adoptée par de nombreux Etats qui ne l’ont pour autant pas appliquée ?

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. Je souscris à ces remarques. Les discussions ont été difficiles, surtout avec les Etats qui faisaient alors partie du bloc soviétique. La question est effectivement de savoir dans quelle mesure cette convention sera appliquée de manière universelle, ce qui est la condition de son efficacité.

M. Jean-Pierre Dufau. Tout le monde perçoit le bien-fondé de ce type de conventions, la complexité technique, les difficultés d’application. Le rapport explicite la différence entre les immunités de juridiction et les immunités d’exécution, ainsi que l’exclusion du champ des transactions commerciales. Sur le plan de l’effectivité, à la clôture de la période de signatures, peut-on dresser un constat d’échec ? Les grandes puissances et les puissances émergentes sont globalement absentes de la liste des signataires. En outre, la convention traite des biens des Etats mais permet-elle de résoudre les contentieux liés au non-versement des retraites dans un autre Etat, par exemple ?

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. La convention précise les conditions dans lesquelles un Etat bénéficie de l’immunité de juridiction dans les cas de contentieux en matière de contrats de travail, ce qui peut inclure les questions de retraite des anciens salariés de l’Etat. Au-delà de ce cas, il est exact que la convention ne règle pas tout. La convention a vocation à créer un environnement plus prévisible, à faciliter le travail des juridictions, mais ne donne pas réponse à toutes les questions susceptibles d’affecter les relations entre un Etat et des ressortissants étrangers.

M. Robert Lecou. Trente ratifications sont nécessaires pour que la convention entre en vigueur. C’est plus que le nombre de signataires actuels. Pourquoi des grands pays comme le Canada, les Etats-Unis ou l’Argentine n’ont-ils pas signé ? Je souhaiterais également connaître les conséquences d’une ratification pour la législation française.

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. Les conséquences pour la France n’existeront que lorsque la convention sera entrée en vigueur, c’est-à-dire après sa ratification par trente Etats. Sur le plan du droit interne, seul l’article L. 153-1 du code monétaire et financier que j’ai mentionné devra être modifié. 28 Etats ont signé la convention pendant les deux années où cela était possible mais d’autres Etats peuvent y devenir parties en y adhérant, comme l’ont déjà fait l’Arabie saoudite et le Kazakhstan.

Mme Nicole Ameline. Il me semble qu’il convient d’accompagner la démarche qui sous-tend la convention en ce qu’elle traduit une évolution du droit international et – il faut l’espérer – une harmonisation des pratiques. Je m’interroge sur la hiérarchie des normes. Si l’on reprend l’exemple des navires, les règles de l’Organisation internationale du travail (OIT) prévoient, en cas de manquement aux obligations sociales, le blocage des navires dans les ports et la saisine des juridictions auxquels ils sont rattachés. La cohérence des normes internationales est essentielle. Nous souhaitons tous que les normes sociales puissent donner lieu à sanctions. Cela suppose de clarifier les démarches, de les rendre compatibles et cohérentes.

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. Je partage cette analyse. Au sein de l’OIT, j’ai pu voir la tendance très nette, du moins de la part des représentants des Etats, en faveur de l’unification des normes sociales. L’exemple de réussite de l’OIT en la matière est l’interdiction du travail des enfants. Pour le reste, une règle n’est applicable que si un Etat y consent. Il existe certainement une unification des droits afin que des personnes ne soient pas employées sur des navires dans des conditions proches de l’esclavage. C’est pourquoi, à mon sens, l’entrée en vigueur d’une convention, qui suppose des adhésions, constitue un progrès car elle marque une avancée vers une unification. C’est pourquoi la France a raison de ratifier la convention en pariant sur un effet d’entraînement.

Mme Geneviève Colot. La convention n’entre-t-elle pas en contradiction avec la convention de Mérida contre la corruption, qui permet de saisir les biens de dirigeants acquis en lien avec des opérations de blanchiment et de les restituer aux pays ?

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. La convention sur les immunités juridictionnelle des Etats et de leurs biens ne s’appliquant pas aux biens privés, il n’y a en principe aucun conflit de normes concernant les biens appartenant aux dirigeants.

Suivant les conclusions de la Rapporteure, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 3079).

*

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, adoptée le 2 décembre 2004 et signée par la France le 17 janvier 2007.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 3079).

© Assemblée nationale

1 () Pour une présentation détaillée de la convention, voir Gehrard Hafner et Leonor Lange, La convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, in Annuaire français de droit international, volume 50, 2004, pp.45-76.

2 () L’immunité de juridiction est complète pour les agents diplomatiques, partielle pour les agents consulaires.

3 () Dont le texte figure en annexe 1 du présent rapport.

4 () Le principe cardinal du droit international coutumier est celui de l’immunité pénale de l’Etat devant les juridictions d’un Etat étranger. La Cour de cassation étend le bénéfice de ce principe aux organes et entités qui constituent l’émanation d’un Etat ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes qui relèvent de la souveraineté de l’Etat concerné.

5 () La liste de ces Etats figure en annexe 2 du présent rapport.

6 () Il s’agit de l’Etat où une juridiction a été saisie.

7 () La convention européenne de 1972 ne s’applique en revanche que si l’introduction de la procédure d’une part et les faits d’autre part sont postérieurs à la date de son entrée en vigueur.

8 () Il s’agit là des immunités reconnues par le droit coutumier aux chefs d’Etat agissant à titre personnel, c’est-à-dire pour des actes accomplis à titre privé ; lorsqu’ils agissent en qualité de représentants de l’Etat et « sont habilités à accomplir et accomplissent effectivement des actes dans l’exercice de l’autorité souveraine de l’Etat » (cf. art. 2), ils entrent dans le champ d’application de la convention. Les immunités ratione personae sont limitées à la période pendant laquelle le chef d’Etat exerce son mandat : rien ne s’oppose à des poursuites à l’étranger après la fin de son mandat, comme cela a été confirmé en juin 2010 par le tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire Noriega.

9 () Les biens des missions diplomatiques et consulaires, traités à l’article 3 de la convention, ne relèvent pas des biens auxquelles s’applique cette exception à l’immunité des Etats.

10 () L’article vise toute les formes de propriété intellectuelle ou industrielle, qu’il s’agisse des brevets d’invention, des dessins ou modèles industriels, des marques de fabrique et noms commerciaux, ou des droits d’auteur et toute autre forme de propriété intellectuelle.

11 () Ces stipulations concernent les « rapports sociétaires », c’est-à-dire entre l’Etat partie au groupement et ce dernier, ou l’Etat et les autres parties au groupement. Toutes les entités juridiques sont couvertes, que leur but soit lucratif ou non (associations par exemple).

12 () Et, en cas d’allégation de non-respect par un Etat d’un droit de propriété intellectuelle ou industrielle, ce non-respect doit aussi avoir eu lieu dans l’Etat du for (b) de l’article 14).

13 () Protocole additionnel à la convention européenne sur l’immunité des Etats du 16 juin 1972 : tous les Etats parties à la convention européenne sont parties au protocole additionnel, à l’exception de l’Allemagne et du Royaume-Uni.

14 () La Norvège a fait une déclaration selon laquelle elle entend « que l’article 18 n’empêche pas qu’il soit procédé antérieurement au jugement à des mesures de contrainte contre des biens en relation avec l’entité qui fait l’objet de la procédure », bien que l’article 18 exclut clairement cette possibilité.

15 () On observera que cette décision est en phase avec les stipulations de la convention en ce qui concerne l’immunité de l’Etat, mais que, pour ce qui est de la SNCF et de la CDC, l’application de la convention aurait pu conduire à ne pas leur reconnaître l’immunité.

16 () Voir pour l’une des rares mentions, l’article 1er de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, aux termes duquel « Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard. Tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits. L’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution ».